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Hier — 28 mars 2024Dedefensa.org

De Péguy à Douguine

De Péguy à Douguine

28 mars 2024 (13H55) – Certains (dont je suis) estiment que les plus grands philosophes sont aussi des poètes et que certains poètes sont aussi de grands philosophes ; Dans tous les cas, la poésie permet d’exprimer, mieux que toute autre forme d’art de l’écriture, par les images, par les symboles, les allégories, les incarnations, les visions intuitives, des pensées philosophiques et métaphysiques d’une grande puissance. Bien sûr, qui ne songerait à Nietzsche et à son ‘Zarathoustra’ ? Il se trouve, à mon estime, qu’il existe aujourd’hui un philosophe qui est aussi un poète, et qui exprime par un langage de poète quelques-unes des grandes idées qui soutiennent sa pensée.

Je pense que le Russe Alexandre Douguine est aujourd’hui le seul philosophe (à ma connaissance si limitée) qui marie une haute pensée philosophique d’une grande originalité à une écriture lyrique qui fait de lui également un poète.  Comme dans tous ces cas de philosophe & poète, dont chacun est spécifique, le lyrisme poétique n’est pas nécessairement employée dans tous les textes. Certains textes philosophiques de Douguine sont plus précis et bien plus complexes que lyriques, et le lyrisme n’y a effectivement pas sa place. Par contre, je crois qu’on trouve dans chacun de ses textes qui déploient un lyrisme poétique des traces indubitables de sa pensée philosophique.

Certainement, dans le grand chambardement de catastrophes de ces temps-devenus-fous, dans nos pauvres pays soumis à une servilité presque ontologique au Système, où la stupidité, l’idiotie et la crétinerie font toutes assaut d’affirmations de prépondérance, on ne trouve parmi nos plumes consacrées le moindre équivalent d’un Douguine. Nous, face à ces fariboles, nous opposons la sécheresse arrogante d’une raison-subvertie, saupoudrée de vertus démocratiques et satisfaites, produisant des horizons arides et inféconds au rythme de simulacres hallucinés.

Le texte que je reprends ci-dessous est de la veine lyrique de Douguine, exaltant la Russie, et la Russie en lutte. On retrouve bien entendu des accents de certains textes écrits par des poètes russes pendant ce que les Russes nomment « La Grande Guerre Patriotique » de 1941-1945. Il s’agit d’un poème de guerre, dans une bataille dont on comprend parfaitement, à le lire, qu’elle est absolument existentielle et ontologique. Douguine est certainement, parmi les penseurs russes, celui qui a le mieux compris l’enjeu métaphysique, – et de “géopolitique métaphysique” selon une de ses expressions favorites, – que la GrandeCrise a mis sur le champ de cette immense bataille. Bien entendu, la Russie est au centre de sa ferveur, comme l’est une mère qui salue et qui prie pour ses fils partis au combat.

Cela fait, pour mon compte et selon mes conceptions du monde, qu'aux vers de Charles Péguy, qui sont comme l’emblème de nos « Âmes de Verdun » :

« Mère, voici tes fils qui se sont tant battus

Qu’ils ne soient point jugés sur leur seule misère

Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre

Qui les a tant perdus et qu’ils ont tant aimée »,

Répond cette exhortation d’Alexandre Douguine :

« Quand on vit en Russie, on ne peut pas ne pas être russe. Surtout quand la Russie est en guerre. La Russie est un pays pour ceux qui la considèrent comme leur mère.

Et aujourd'hui, notre mère souffre. »

Peut-on comparer ces langues, ces envolées, à nos pauvres discours d’esprits parfaitement dégénérés, dont on a peine à croire qu’ils sont de la même lignée du Péguy prophétisant Verdun ? Qui est, aujourd’hui, dans notre pauvre et triste civilisation en décomposition, assez audacieux, sinon talentueux, pour écrire de tels mots sur son pauvre et triste pays ? Comment vaincre notre honte et faire contrition sans succomber à la vision de l’horreur qui nous a conduit jusqu’à ici et maintenant ?

Le texte « Moscou en première ligne ! » salue les victimes du massacre du centre Crocus de Moscou (texte original sur ‘geopolitika.ru’, traduction sur ‘euro-synergies.hautetfort.com’).

PhG – Semper Phi

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Moscou en première ligne !

Moscou est désormais, elle aussi, une ville de front, tout comme Donetsk, Sébastopol et Belgorod. Un pays en guerre ne peut pas avoir de villes pacifiques. Il vaut mieux s'en rendre compte maintenant et profondément. Et bien sûr, des mesures spéciales de comportement, des règles spéciales doivent être introduites dans un pays en guerre.

Le territoire du front intérieur n'est pas le territoire de la paix. C'est là que se forge la victoire. Les victimes du centre Crocus sont tombées sur le champ de bataille. Car la Russie d'aujourd'hui est un champ de bataille.

L'Ukraine est aussi la Russie, c'est la même Russie, en continuité territoriale, de Lvov à Vladivostok, et elle est en guerre.

La conscience publique doit devenir la conscience d'une nation en guerre. Et quiconque s'en écarte doit être considéré comme une anomalie.

Il doit y avoir un nouveau code de conduite. Les citoyens d'une nation en guerre peuvent ne pas revenir lorsqu'ils quittent leur pays. Tout le monde doit s'y préparer. Après tout, sur la ligne de front, à Donetsk et à Belgorod, c'est exactement le cas. L'UE est susceptible de fournir des missiles à longue portée au régime de Kiev, qui a perdu la guerre et qui, à nos yeux, perdra définitivement sa légitimité dans moins de deux mois. Nous le reconnaîtrons enfin comme une entité terroriste criminelle, et non comme un pays. Et ce régime ouvertement terroriste, lorsqu'il tombera, est également susceptible de frapper aussi loin qu'il le peut.  Il est difficile de spéculer sur ce qu'il fera d'autre, – il vaut mieux ne rien supposer. Il ne s'agit pas d'un motif de panique, mais d'un appel à la responsabilité.

Nous sommes en train de devenir un véritable peuple, nous commençons à nous rendre compte que nous sommes un peuple.

Et ce peuple vient d'acquérir une douleur commune. Un sang commun, – le sang donné par d'immenses files de Moscovites indifférents aux victimes du monstrueux attentat terroriste. Une douleur commune. Les gens ont un tarif commun lorsque des personnes emmènent gratuitement les victimes de l'hôtel de ville de Crocus à l'hôpital ou à leur domicile. C'est comme au front, – le leur. Quel argent ! Il ne peut y avoir de capitalisme dans un pays en guerre, seulement de la solidarité. Tout ce qui est collecté pour le front, pour la Victoire, est imprégné d'âme.

Et l'État n'est plus un mécanisme, mais un organisme. L'État ressent lui aussi la douleur, prie à l'église, organise des cérémonies commémoratives, dépose des cierges. L'État devient vivant, populaire, russe. Parce que l'État est réveillé par la guerre.

Et les migrants d'aujourd'hui sont appelés à devenir une partie organique de la nation en guerre contre l'ennemi. À devenir leur propre peuple, – ceux qui donnent leur sang, qui conduisent gratuitement quand c'est nécessaire, qui font la queue au bureau d'enrôlement militaire pour être les premiers à partir au front, qui tissent des filets de camouflage, qui partent en troisième équipe. S'ils font partie de la société, ils peuvent eux aussi, un jour ou l'autre, devenir la cible de l'ennemi. Sortez et ne revenez pas. L'un des garçons qui a sauvé des gens à Crocus Hall s'appelle Islam. Mais il s'agit du véritable islam, le russe. Il existe certes un autre islam.

Quand on vit en Russie, on ne peut pas ne pas être russe. Surtout quand la Russie est en guerre. La Russie est un pays pour ceux qui la considèrent comme leur mère.

Et aujourd'hui, notre mère souffre.

Alexandre Douguine

Délices budgétaires d’une “Guerre Mondiale

Délices budgétaires d’une “Guerre Mondiale

• Les minutieux gens de ‘WSWSW.org’ se sont attachés à décortiquer le budget annuel de l’administration Biden. • L’argent accordé à l’armement ne peut avoir qu’une seule signification : la “guerre mondiale”.

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On lira ce texte de ‘WSWS.org’ du 27 mars 2024 selon nos vieilles habitudes : écarter le saupoudrage inévitable du catéchisme trotskiste et lire le texte comme un document sérieux, avec d’autant plus d’intérêt qu’il dissèque l’actuel financement de la machine de guerre américaniste (budget pour l’année fiscale 2025). Le CMI est autant notre adversaire qu’il est celui des trotskistes, nous nous servons donc du sérieux et du zèle bien-connus, des militants de cette tendance, ainsi que de leur minutie et de leur honnêteté comptables.

Le résultat ainsi détaillé est absolument impressionnant. Simplement,– mais ce n’est pas rien, – ils omettent de mettre en évidence les aspects de faiblesse abyssale de cette puissance colossale :

1). Le fait que ce budget “de guerre mondiale” a été précédé l’abonnée d’avant d’un précédent “budget de guerre mondiale”, et aussi l’année d’avant, et ainsi de suite. En fait, on peut dire que, depuis 2001, à partir d’une base déjà impressionnante, ce fut chaque année un “budget de guerre mondiale” avec des budgets adaptés à  l’évolution/augmentation exponentielle des coûts...

2). Résultat : un recul constant dans toutes les entreprises militaires, un retard extraordinaire dans le domaine suprême du stratégique nucléaire infligé par un pays qui dépense 125 fois moins que les USA pour l’armement, des systèmes formidablement puissants et formidablement inadaptés (dites-nous ce qu’on fera dans les années qui viennent des 9-10 porte-avions de 90 000-100 tonnes face aux clins d’yeux hypersoniques ?).

3). L’inadaptation complète de certains matériels courants aux terrains de guerre, notamment tout le parc des engins blindés (des ‘Bradley’ aux ‘Abrams’), auxquels les Ukrainiens préfèrent souvent des vieux blindés de l’ère soviétique, y compris des T-62 retapés (une douzaine coûte le prix d’un ‘Abrams’), pour leur meilleure adaptation, leur solidité de fonctionnement, etc.

3) L’absence de prise en compte de l’affaiblissement vertigineux des équilibres des hiérarchie et des spécialisations, la compétence mesurée à la couleur de la peau et à la variabilité du sexe du fait de l’introduction massive du wokenisme dans les armées et des contre-mesures que préparent les républicains. La catastrophe est largement détaillée dans ‘Foreign Affairs’ du 20 mars 2024.

5). Le refus de considérer des changements de politique, des affrontements entre agences et services, bref une sorte de “guerre civile interne” du CMI si, en cas d’élection de Trump, la nouvelle administration veut effectuer une réforme de fond.

Etc., etc.

Veuillez considérer cette situation stupéfiante : sur le point de lancer une “Guerre Mondiale”, et le plus vite possible, s’il vous plaît :

« Du point de vue de Wall Street et Washington, ils doivent provoquer la confrontation avec la Chine dès que possible, car les tendances fondamentales sont contre eux. Ils n’ont pas de temps à perdre. »

... les USA se trouvent avec un budget d’une année qui à lui tout seul commence à dépasser le budget (en dollars constants) des quatre années de guerre de 1941-1945, alors que les effectifs de soldats combattants sont inférieurs à ceux de 1941 et que toutes les autres forces, même la marine vis-à-vis de celle du Japon, étaient en 1941 inférieures en quantité à celles de leurs adversaires. Quant à la base industrielle, ou la capacité de produire à partir du moment où l’ordre de produire est donné, si vous voulez une comparaison prenez des différences de l’ordre de 95%-97% en faveur de 1941.

La situation est remarquablement décrite, donc, mais son aspect radicalement perverti et inverti est totalement passé sous silence. Ayez tout cela à l’esprit en lisant cet intéressant document : il n’est nullement assuré qu’il ne s’agisse pas d’un “budget de Guerre Mondiale”, mais d’une “Guerre Mondiale” US suffisante à elle seule pour faire s’autodétruire l’Amérique avant d’inquiéter vraiment l’adversaire.

dde.org

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Le budget Biden pour la guerre mondiale

Le budget signé samedi par le président Joe Biden prévoit le montant le plus élevé de l’histoire pour les dépenses militaires américaines. Sur les 1.200 milliards de dollars alloués à six ministères fédéraux, le Pentagone en réclame plus des deux tiers, soit environ 825 milliards de dollars. Le budget distinct signé par Joe Biden le 8 mars pour les six autres ministères fédéraux comprend 23,8 milliards de dollars pour les programmes d’armement nucléaire américains gérés par le ministère de l’Énergie.

Au total, si l’on additionne toutes les autres sommes affectées aux opérations de renseignement militaire par d’autres départements et agents, le total cumulé devrait dépasser mille milliards de dollars, bien que le chiffre réel reste secret, car une grande partie des dépenses militaires liées à la surveillance, aux lancements de satellites militaires et à d’autres opérations sont classées secrètes.

Le total des dépenses militaires américaines, même sur la base des chiffres publiquement disponibles, éclipse celui de n’importe quelle combinaison possible de pays. Les États-Unis représentent à eux seuls 39 pour cent du total des dépenses militaires mondiales, soit l’équivalent de celles des 11 pays suivants réunis. Par rapport au total américain de 877 milliards de dollars pour 2022, dernière année pour laquelle des chiffres globaux sont disponibles, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm a estimé que la Chine avait dépensé 292 milliards de dollars et la Russie, 86,4 milliards de dollars. 

Les dépenses militaires russes ne représentent qu’une fraction des dépenses combinées des alliés américains de l’OTAN, soit plus de 300 milliards de dollars, des alliés asiatiques des États-Unis dans ce que l’on appelle la quadrilatérale (Inde, Japon et Australie, 160 milliards de dollars combinés), et des États clients des États-Unis au Moyen-Orient (Arabie saoudite, Israël, Qatar et Émirats arabes unis, 130 milliards de dollars combinés). Les dépenses militaires combinées des États-Unis et de leurs principaux alliés s’élèvent à plus de 1.500 milliards de dollars, soit les deux tiers du total mondial et quatre fois celles de la Russie et de la Chine.

Au vu de ces chiffres, il est impossible d’évaluer la posture militaire américaine autrement que comme un programme de guerre mondiale. 

L’impérialisme américain a subi un déclin historique prolongé de sa position économique. De près de 50 pour cent du PIB mondial à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la part des États-Unis est tombée à 40 pour cent en 1960 et à 27 pour cent en 1971, lorsque le président Richard Nixon a mis fin à la convertibilité du dollar en or en raison de l’augmentation du déficit de la balance des paiements. La part des États-Unis est tombée à 15 pour cent à peine du PIB mondial l’année dernière, et l’on s’attend à ce qu’elle diminue encore dans les années à venir.

Mais dans la production de matériel de guerre, d’armes qui peuvent détruire par millions des vies humaines avec une grande précision, les États-Unis n’ont pas d’égal.

Cette contradiction, entre le déclin de la base économique et le développement massif de l’armée, explique la férocité de la politique étrangère américaine. Elle s’exprime dans l’unanimité des deux principaux partis capitalistes, démocrates et républicains, sur la nécessité d’écraser la menace croissante de la Chine – dont l’économie est en passe de dépasser celle des États-Unis – et de soumettre les alliés potentiels de la Chine que sont la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. Du point de vue de Wall Street et Washington, ils doivent provoquer la confrontation avec la Chine dès que possible, car les tendances fondamentales sont contre eux. Ils n’ont pas de temps à perdre.

Les affirmations incessantes du gouvernement Biden et de ses apologistes dans les grands médias selon lesquelles le gouvernement américain est opposé à l’utilisation de la force militaire, ou cherche à empêcher l’expansion du conflit en Ukraine ou à limiter le génocide israélien à Gaza, ne résistent pas à l’examen le plus approximatif. 

La véritable sauvagerie de l’impérialisme américain est démontrée dans une disposition clé du budget du Pentagone qui vient d'être adopté. Les démocrates et les républicains du Congrès se sont mis d’accord pour interdire l’octroi d’un seul centime d’aide américaine à l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), qui nourrit quotidiennement des millions de réfugiés palestiniens, dont la majeure partie des 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza. Quelles que soient les querelles électorales entre Joe Biden et Donald Trump, les démocrates et les républicains sont unis dans leur soutien à la famine de masse en tant qu’arme de guerre.

Le candidat à la présidence du Parti de l'égalité socialiste, Joseph Kishore, a déclaré lundi sur Twitter/X : «Le vote du Congrès montre la réalité : le génocide à Gaza est conçu à Washington. Il est armé et financé par les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN. Il est soutenu à la fois par les démocrates et les républicains. L'administration Biden et le Parti démocrate ne pourront jamais laver le sang de leurs mains ni dissimuler leur culpabilité dans ce massacre.»

Kishore a conclu : «La lutte contre le génocide doit être menée comme une lutte contre les partis démocrate et républicain, comme une lutte contre l'expansion de la guerre impérialiste, y compris la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie, et comme une lutte contre la classe dirigeante et le système capitaliste.»

Comme le rapportait lundi le WSWS, le budget prévoit des dizaines de milliards pour les géants de l'armement, notamment Lockheed Martin, General Dynamics, Boeing, Raytheon et d'autres profiteurs de guerre, qui fabriquent des avions de guerre, des sous-marins nucléaires et des missiles de toutes sortes.

Le projet de loi comprend également 300 millions de dollars pour l'Initiative d'assistance à la sécurité de l'Ukraine, qui maintient le flux des contrats du Pentagone pour les livraisons d'armes à Kiev, en attendant l'adoption attendue d'un crédit supplémentaire qui ajouterait 60 milliards de dollars en soutien militaire et financier à l'Ukraine, et 14 milliards de dollars de plus pour Israël. Le projet de loi a été bloqué par les républicains du Congrès à la demande de Trump, mais le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a promis de soumettre le projet de loi à un vote après Pâques, dans l'espoir d'une approbation bipartisane rapide.

L'adoption bipartisane du budget militaire record est une réponse incontestable à tous ceux qui prétendent qu'il est possible d'empêcher la troisième guerre mondiale en faisant pression sur le Parti démocrate ou en faisant appel à des agences internationales de l'impérialisme telles que les Nations unies. La seule force sociale qui a à la fois la force et l'impératif social de s'opposer à la guerre impérialiste est la classe ouvrière mondiale.

Le WSWS et les partis de l'égalité socialiste, les sections du Comité international de la Quatrième Internationale, luttent pour le développement d'un mouvement de masse mondial de la classe ouvrière contre la guerre impérialiste et contre le système capitaliste qui en est la cause, sur la base d'un programme socialiste international.

(Article paru en anglais le 25 mars 2024)

À partir d’avant-hierDedefensa.org

Dérisoires incertitudes ukraino-tadjikistanes

Dérisoires incertitudes ukraino-tadjikistanes

• On débat ferme après la tuerie du Crocus City à Moscou, sur les circonstances, sur les buts, toutes ces choses, mais d’abord et surtout, et uniquement : l’Ukraine a-t-elle trempé son petit doigt de pied dans cette affaire ? • “ISIS ! ISIS ! ISIS !”, rythme l’Occident-absurdif qui ne veut pas qu’on touche à la vertu ukrainienne. • C’est un débat sans fin, comme celui qui entoure le destin de ‘NordStream’. • Mais non, ce qui compte plus que tout, c’est que cet affreux massacre est une partie intégrante de la guerre que la Russie livre désormais (en Ukraine notamment).

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Les suites de l’attentat du Crocus City à Moscou n’en finissent pas de se succéder, de s’enrouer, de se nouer, de se constituer en un nœud gordien bien de nitre temps-devenu-fou. Les Russes ne sont pas contents du tout que certains, y compris parmi leurs amis chez des commentateurs, mettent en doute la conviction de Poutine que l’Ukraine est impliqué dans cette affaire. La superbe Maria Zakharova, – qui tient souvent le rôle de son ministre lorsqu’il y a de la bagarre médiatique, ce qui permet à Lavrov de se reposer, – est montée en première  ligne, ce qui est sa place habituelle, avec la rudesse des mots qui la caractérise.

Note de PhG-Bis : « Jamais sans aucun doute pour le compte de PhG, une porte-parole d’un ministre essentiel d’une grande puissance n’a tenu un tel rôle politique que la superbe [bis] Zakharova. Ce qu’elle dit est politique fondamentalement, et non pas une réplique de consignes précises. Elle pèse beaucoup plus lourd, par exemple, que Nuland lorsqu’elle était porte-parole de la secrétaire d’État Clinton, jusqu’au début 2013. On l’entendra donc avec une extrême attention. »

Ainsi une simple intervention de Zakharova sur ‘Telegram’ faiut un gros titre de RT.com et doit être considérée comme une proiise de position officieuse-officielle de la Russie, et de Poutine personnellement, sur la question des liens supposés entre les auteurs de l’attentat et l’Ukraine. C’est de cette façon qu’on lira ce qui suit (et le reste de l’article), – y compris la faute involontaire et révélatrice (même les machines sont influencées et impressionnées) du traducteur qui a traduit ‘spokeswoman’ par ‘ministre’...

« Un article récent de Bloomberg affirmant que certaines personnes dans l’entourage de Poutine ne croient pas que l’Ukraine soit impliquée dans l’attaque terroriste contre la salle de concert de Crocus City est la “mère de toutes les FakeNews”, a déclaré la ministre des Affaires étrangères Maria Zakharova.

» L’agence de presse a écrit mardi qu’“il n’y a aucune preuve d’une implication de l’Ukraine, selon quatre personnes ayant des liens étroits avec le Kremlin”.

» Il a affirmé que Poutine était présent aux discussions “au cours desquelles les responsables ont convenu” qu’il n’y avait aucun lien avec Kiev, mais “reste déterminé à utiliser la tragédie pour tenter de rallier les Russes derrière la guerre en Ukraine”. Bloomberg a cité comme source “une personne connaissant la situation, demandant à ne pas être identifiée”.

» Zakharova a fustigé le reportage, écrivant mardi sur Telegram : “Un chef-d’œuvre des news. Juste la mère de tous les FakeNews”. »

Même les meilleurs se perdent...

Il ya donc bien entendu polémique, arguments et contre-arguments, accusations, etcv., avec un seul enjeu : l’Ukraine a-t-elle trempé, – même le bout du petit doigt de pied, –  dans cette affaire... Car si oui, c’est un argument évident pour envisager des actions extrêmement sévère, – comme Trenine le dit et le redit.

Une plaidoirie somme toute très étonnante à cet égard, contredisant complètement la thèse russe, est venu d’un commentateur que les chasseurs de sorcière classent systématiquement et férocement dabns le camp pro-russe Eric Denécé, du Cf2R, allumé d’une façon abracadesquement incroyable par les sabots cloutés des flics de Wikipédia-section française (la plus zélées de toutes les collabos du régime-Wiki). Denécé était interrogé par Régis de Castelnau, sur son programme ‘Le monde qui change’.

Denécé a désigné d’une façon très appuyé le Tadjikistan comme source et inspirateur de l’attaque, en reléguant très loin l’hypothèse d’une connexion quelconque avec l’Ukraine :

« Tout indique que les terroristes se sont préparés en Asie Centrale et à Moscou... Peut-être sont-ils passés  par un autre pays, pourquoi pas l’Ukraine, mais on n’a aucun élément à ce sujet... »

Ensuite, il s’est largement explicité en mettant en cause ce qui est pour lui une faute intellectuelle majeure de Poutine, qui est pourtant comme on le lit un personnage pour lequel il a une très grande considération. L’argumentation est assez curieusement bancale, en partant du présupposé implacable que son analyse est la bonne :

« Le discours de Poutine comparant ces atrocités à celles des nazis et accusant l’Ukraine me paraît à la fois infondé, très rapide et totalement contre-productif... Parce que ça va relancer la propagande occidentale qui ne cesse de dire depuis  le début que Poutine ne cesse de dire des bêtises, or le discours de Poutine depuis deux ans, et même on peut remonter à 2007, et même aux années précédentes est un discours très sensé... Il prévient, il dit ce qu’il va faire, il demande à négocier en permanence, il avait tendu la main à l’Europe, à l’OTABN, et voilà ... Malheureusement, en se comportant comme ça, sauf élément contraire, il me semble qu’il commet une erreur .. »

L’argumentation est étonnante, au milieu de tant d’hommages distribués à Poutine pour aboutir à cette chute soudaine dans l’incompétence la plus complète. Relevons simplement ceci :

• C’est vrai, tout le monde, dans nos resplendissantes démocraties, traine Poutine dabs la boue dans ses mensonges depuis, – oh, au moins 2007, et même avant n’est-ce pas ?

• Et voilà, juge Denécé, qu’il « commet une erreur » qui va « relancer la propagande occidentale »...

• Mais quoi, mais quoi... Pourquoi dire “(re)lancer” puisque cette propagande se poursuit sans arrêt depuis 2007 et même avant, qu’elle ne s’est jamais arrêtée, et qu’elle ne s’arrêterait pas même si Poutine s’écriait “L’Ukraine n’y est pour rien, l’Ukraine n’y est pour rien !” ? C’est presque de la naïveté à laquelle nous conduit le fait de ne pas avoir assez recours à cette arme absolue dans ce monde des menteurs qui vous contraignent, – à l’inconnaissance. Même les meilleurs se perdent.

Castelnau n’avait pas l’air particulièrement, ni satisfait, ni à son aise ; il tenta bien d’apporter une contradiction évidente, puis l’on passa à autre chose... Nous, nous avions vu à l’œuvre, une fois de plus, non pas un propagandiste anti-Poutine, mais un brillant spécialiste constamment attaqué pour son brio qui rend en général à Poutine l’hommage du à Poutine et qui, cette fois, se disait qu’il pouvait choquer un peu le foc pour ne pas trop faire giter (ni avancer trop vite) le beau voilier qui fait son travail.

... Car effectivement, comme le bruit en court partout, la France, ce prototype du pays inventeur de la liberté, est le plus soumis à une constante pression du Système pour éructer le simulacre conforme dans une sorte d’orgie de servilité, d’ivresse de soumission... Enfin, une péripétie parmi d’autres, car le sentiment général, chez les dissidents en France (il y en a tout de même, vous savez) et partout dans le reste de l’Occident-compulsif, et qu’il y a, quelque part dans cette affaire, une petite touche ukrainienne, ici ou là, mais enfin quelque chose qui y mène droit comme un peuplier. Ce n’était qu’une péripétie que nous interprétons à notre façon, en toute responsabilité de notre irresponsabilité et de notre absence de sources absolument sûres, et elle ne changera rien sur la marche des choses, mais elle fixe bien le climat qu’appelle notre intuition. C’est bien cela qui nous importe.

« Russia is at war », compris ?!

En effet, les réactions ont été partout unanimes : du côté des anti-Poutine, le simulacre d’ISIS remonté des sables vers les pays-Stan pour attaquer la Russie, sans le moindre contact avec l’Ukraine ; ou plus simplement, plus évidemment, plus éclatant qu’une lumière de mille soleils, les Russes faisant eux-mêmes leur  “falseglag” et exécutant cet attentat contre eux-mêmes, exactement comme, il y a trois ans, ils faisaient eux-mêmes sauter ‘NordStram’.

(Bon, c’est vrai qu’on vient d’achever une sorte d’enquête où l’on vous dit que l’instigateur est le général Zaloujni, récemment limogé par l’élégant Zelenski, mais il ne faut pas s’arrêter à cette sorte de choses car les services de renseignement, les frères CIA-MI6, viennent de mettre à jour un manuscrit oublié de la Mer Morte avec cette inscription : “les chiens aboient, la caravane passe”.)

De l’autre côté, du côté des dissidents, c’est comme d’habitude la ruée plus ou moins mesurée selon les tempéraments vers des analyses qui reposent toutes, plus ou moins confortablement sur l’hypothèse ukrainienne plus ou moins bien aménagée (Pépé Escobar, Larry S. Johnson, Alexander Mercouris, Jacques Baud, Xavier Moreau, le cinéaste Regis Tremblay qui dit des choses intéressantes, etc.) et passant en général par la mise en cause des pistes ISIS-djihadistes considérées en tant que telles et à l’exclusion de tout autre chose.

Mais tout cela, finalement, n’a qu’une importance assez mineure. L’événement a commencé avant l’attentat de Moscou, et curieusement par le biais de porte-paroles que l’on connaît bien maintenant. Quelle que soit l’origine de l’attentat, quels qu’en soient les auteurs, notre appréciation est qu’il faut nécessairement faire entrer l’attaque dans le cadre ukrainien, qui est passé du stade de l’‘Opération Militaire Spéciale’ à celui de guerre tout court.

« Les mots et les phrases du prudentissime Dimitri Pechkov, porte-parole de Poutine souvent accusé de mollesse pro-occidentaliste, sont en elles-mêmes, hors même de leur contenu, une indication, du “climat”. Lorsque Pechkov dit « Nous sommes en guerre », alors qu’il n’était question jusqu’ici que d’une OMS, il se passe quelque chose de grave qui vient de la bouche de Poutine et de sa direction. Ce que Pechkov fit hier matin, notamment sous le titre martial de RT.com “Russia is at war” :

» “Pechkov a souligné que la Russie ne pouvait pas permettre l'existence à ses frontières d'un État qui affirme publiquement qu'il s'emparera de la péninsule de Crimée ainsi que des nouveaux territoires russes, à savoir les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et les régions de Zaporozhye et de Kherson.

» “Nous sommes en guerre“, a déclaré Pechkov, expliquant que si le conflit a commencé comme une opération militaire spéciale, dès que “l'Occident collectif y a participé aux côtés de l'Ukraine, pour nous, c'est devenu une guerre”. »

C’est dans ce contexte, renforcé par les déclarations de l’autre porte-parole, Maria Zakharova, pour laquelle ce sont surtout les USA qui ont trempé dans cette affaire (Larry S. Johnson pense de même, avec un luxe de détails et d’appréciations d’anciens officier de la CIA impliqué dans le contre-terrorisme), que  nous nous déplaçons. Ainsi évolue le sentiment général, et c’est bien ce qui importe plus que tout. La recherche d’une vérité “scientifique” dans un tel climat n’a guère d’intérêt ; ce qui importe, c’est le rôle que cette attaque joue dans la situation générale, qui est une situation se guerre, – et ce mot si terrible dit pare cet homme si prudent qu’est Dimitri Pechkov.

Aussi, le jugement d’un commentateur relativement peu connu, très peu impliqué dans les habituelles polémiques, les parades des commentateurs, les roucoulades des experts, – a finalement plus de force, plus de simplicité brutale, plus de vérité irrésistible que tous nos débats sans fin, sans conclusion, sans rien du tout... Nous pensons à ce Régis Tremblay, documentariste de nationalité américaine vendu s’installer, que ‘SputnikNews’ a interrogé, qui répond :

« Je pense que la plupart des Russes ont été choqués... Il y a un sentiment de colère chez beaucoup de Russes, et à juste titre. Il s’agit d’une attaque horrible qui survient à un moment où les Russes commencent à réaliser qu’il s’agit d’une guerre contre la Russie et contre son avenir...

» Les Russes ont de plus en plus le sentiment, je pense, qu’il ne s’agit pas d’une guerre contre l’Ukraine... La vaste population commence à réaliser qu’il s’agit d’une guerre des États-Unis et de leurs vassaux en Europe contre la Russie, déterminés à détruire la Fédération de Russie. »

Nous aussi, nous avons parlé en même temps de l’attaque de Moscou et de l’Ukraine, plutôt que d’y mêler ISIS et le Tadjikistan. Factuellement, c’est peut-être, sans doute, oui pourquoi pas ? – hautement contestable. Mais nous parlons, nous, de vérité-de-situation.

 

Mis en ligne le 27 mars 2024 à18H25

Le plan génial de Washington

Le plan génial de Washington

Il y a des gens à Washington qui suivent toujours le célèbre dicton de Dwight Eisenhower, « Si vous ne pouvez pas résoudre un problème, élargissez-le ». Cela semble très bien fonctionner pour la dette fédérale, qui augmente de 1000 milliards de dollars tous les trois mois, ou pour un grand nombre de programmes d’armement défaillants, tels que le F-35, dont la version du corps des Marines se targue d’un taux de préparation au combat de 15 %. Mais cela fonctionnera-t-il pour la tentative ratée de vaincre la Russie en… la faisant vaincre l’Ukraine ?

Ce n’est peut-être pas vraiment le but recherché. Après tout, il doit y avoir une onde cérébrale qui passe incidemment entre le Pentagone, le département d’État et la CIA – suffisamment pour enregistrer quelques faits. L’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe. Il est aujourd’hui privé de la moitié de sa population et de la quasi-totalité de son industrie. Il n’est pas en mesure d’assumer la présence de quelque 700 000 de ses soldats. Il est dirigée par un ancien comédien (qui n’est plus drôle) qui semble être un cocaïnomane. Compte tenu de tout cela, il est impossible de battre la plus grande économie d’Europe (en parité de pouvoir d’achat) dotée de l’industrie de défense la plus productive au monde, soutenue par la Chine et l’Iran et dirigée par un homme d’État expérimenté et respecté.

Oui, il existe toute une industrie artisanale qui se consacre à dépeindre la Russie comme un pays défunt, détruit, corrompu, une dictature, dont l’armée est démoralisée et l’industrie de la défense en ruine. Cela a peut-être été le cas pendant quelques années dans les années 1990, mais tout cela a pris fin assez rapidement au tournant du siècle. Il peut être réconfortant et bon pour le moral de travailler avec des informations dépassées d’un quart de siècle, mais il est peu plausible qu’il n’y ait pas de séparation des préoccupations entre ceux qui désinforment le public et ceux qui élaborent la politique.

Il semble plus plausible de supposer que la victoire de l’Ukraine sur la Russie n’a jamais fait partie du plan et que les Washingtoniens étaient prêts à se contenter de beaucoup moins : affaiblir la Russie et la détourner de ses relations de plus en plus étroites avec la Chine, que les Washingtoniens considèrent comme la plus grande menace à leur domination mondiale (désormais inexistante). La menace d’un génocide par les Ukrainiens dans l’est de l’ancienne Ukraine (qui fait désormais partie de la Russie) était un bon moyen de forcer la Russie à s’impliquer militairement, ouvrant ainsi la voie à l’imposition de milliers de sanctions. Le fait que ces sanctions aient fini par aider la Russie sur le plan économique tout en entraînant l’Occident dans la récession a surpris jusqu’aux Russes eux-mêmes, mais c’est ainsi. C’est un peu embarrassant !

Alors, que doivent faire les Washingtoniens maintenant (à part perdre la face) ? Ils doivent encore distraire la Russie de sa relation de plus en plus étroite avec la Chine (qui reste l’ennemi numéro un), mais il ne semble pas que la guerre par procuration impliquant l’Ukraine (ce qu’il en reste) fasse l’affaire. Bien au contraire, les Russes semblent avoir mis au point un système diaboliquement intelligent pour obtenir une croissance économique saine en investissant des ressources dans la production militaire, qui peut tout aussi bien être dirigée vers l’Est (si le conflit Chine-Taïwan s’intensifie) que vers l’Ouest. Il est clair qu’il faut faire quelque chose, mais quoi ?

17 Mars 2024, Club Orlov – Traduction du ‘Sakerfrancophone

 

Note du Saker Francophone

Depuis quelques temps, des gens indélicats retraduisent “mal” en anglais nos propres traductions sans l’autorisation de l’auteur qui vit de ses publications. Dmitry Orlov nous faisait l’amitié depuis toutes ses années de nous laisser publier les traductions françaises de ses articles, même ceux payant pour les anglophones. Dans ces nouvelles conditions, en accord avec l’auteur, on vous propose la 1ere partie de l’article ici. Vous pouvez lire la suite en français derrière ce lien en vous abonnant au site Boosty de Dmitry Orlov.

Cipolla et les cinq lois de la stupidité

Cipolla et les cinq lois de la stupidité

On va donc refaire la guerre.

«Il ne manque pas un bouton de guêtre», disait l’auguste maréchal Le Bœuf en 1870, six mois avant de rendre glorieusement le fort de Metz avec l’illustre Bazaine, un autre maréchal de France…

Flaubert écrit alors dans sa correspondance : « Ce peuple mérite peut-être d’être châtié, et j’ai peur qu’il le soit. »

Nous sommes arrivés à un tel point dans la catastrophe française et sommes dirigés par de tels idiots que nous ne savons pas si cette nation-machin ruinée et surendettée survivra dans trois ans. Il est vrai qu’une partie des idiots aux affaires veut aussi nous faire disparaître pour obéir au conclave ploutocrate de Davos. Et comme une grande partie de la population est d’accord (télé-addiction, antiracisme, féminisme rousseauiste-sic, humanitarisme BHL, grand reset, russophobie, écologie, bellicisme ultra, chasse au pauvre et au carbone ou maintenant aux arbres, demandez le motif), pourquoi se gêneraient-ils ?

Depuis deux ans l’ennemi réduit sans y toucher l’OTAN à de la bouillie de chat ; il l’a fait avec 6% du budget militaire US (60 milliards contre 1100) et avec un sixième de ses propres troupes, les mêmes qui doivent se faire exterminer par deux ou vingt mille (qui sait alors ?) zouaves français ; en même temps l’Europe avance vers le grand reset involontaire (enfin, presque) à coups de pénurie et de passe énergétique, voire de confiscation des comptes bancaires. L’Ukraine entêtée (découvrez le livre de ma femme sur le patriotisme ukrainien qui a toujours été virulent et sous-estimé, surtout par les russes) va continuer ses opérations. Biden et Blinken seront contents sauf qu’ils peuvent aussi sauter électoralement, ayant fait doubler ou tripler le prix de l’essence dans le premier pays motorisé du monde automobile. On ne parlera pas de l’immobilier et des loyers (3000 dollars mensuels comme prix de base à Miami, 1200 dollars pour un 5m2 à New York, voyez le Daily Mail...).

Mais continuons, comme dirait Sartre avec son trio imbécile aux enfers. La France est désindustrialisée et connaît un déficit commercial mensuel de cent milliards…de francs ; l’Allemagne des débiles sociaux-écolo-démocrates connaît ses premiers déficits commerciaux qui vont durer et s’amplifier ; les USA de Biden sont à plus de mille milliards de déficit commercial par an (34000 milliards de dette ; mais la bourse monte)...

La Russie est excédentaire de 300 milliards d’euros chaque année, devenue grâce aux sanctions la quatrième (elle dépasse le Japon cette année ou la prochaine) puissance économique et la deuxième puissance commerciale du monde (première puissance militaire elle l’était déjà sauf pour les distraits, les néo-Gamelin et autres colonels Goya-Yoda-yoga…).

Mais ne passons pas à côté du grand mystère : l’abrutissement occidental.

J’ai écrit de nombreux textes sur la stupidité. Elle me parait une marque occidentale dans la mesure où elle est industrialisée depuis l’imprimerie faustienne (voyez Guénon, Barzun, McLuhan, Lévi-Strauss, etc.) : le patriotisme fut une caractéristique de cette stupidité qui est toujours hystérique et violente. Céline en parle très bien de cette «religion drapeautique qui remplaça promptement la première» (c’est dans le Voyage) mais aussi Marshall McLuhan qui étudiant Pope et la Dunciade dénonce le développement industriel du conditionnement psy à cause de l’imprimerie – à qui on doit les sanglantes et interminables guerres de religion ; Flaubert a tonné contre les idées reçues plus tard, et Ortega Y Gasset a dénoncé lui ces terrasses pleines, ces salles de cinéma pleines (Hermann Hesse aussi dans le pauvre Loup des steppes), ces cafés pleins, ces réunions politiques pleines de fascistes, de communistes, de socialistes, de libéraux et maintenant d’européistes et autres mondialistes convaincus. L’occidental est composé de deux classes : la classe qui prône « l’ineptie qui se fait respecter partout » (Debord) et la classe de « l’imbécillité qui croit que tout est clair » (Debord encore) parce qu’elle l’a vu et cru à la télé ou dans les journaux. McLuhan a été définitif : la rage occidentale vient toujours de l’imprimé.

On est industriellement sous hypnose depuis Gutenberg.

En face il y a la Russie et la Chine et les Brics plus adultes. L’occident est-il fondamentalement stupide ? Entre révolutions, nationalisme, socialisme, colonisation, décolonisation, grand reset et écologie, est-il fondamentalement un continent d’imbéciles, ces imbéciles dit Bernanos dont la colère menace le monde ? Ouvrez vos journaux, écoutez BHL et BFM pour vous en rendre compte.

Le sujet est vaste ; je vais rappeler l’époustouflant professeur italien (souvent des imbéciles, ces professeurs, relisez Molière et son Bourgeois gentilhomme en ce sens) Cipolla et ses cinq lois de la stupidité. Je les donne en annexe mais je rappelle la principale pour moi : « elle crée des problèmes à un groupe de personnes sans en tirer le moindre bénéfice. »

Cela me parait résumer notre classe politique actuelle efféminée, gnostique, idéaliste, pleurnicharde, écologiste, humanitaire, ignare et demeurée – mais sélectionnée en ce sens par les tireurs de ficelles façon Fink (BlackRock) ou Klaus Schwab. Car l’occident reste avec sa «culture du carnage» helléno-hébraïque le lieu des tireurs de ficelles. Mais on n’en dira pas plus de peur de passer pour un complotiste (chaque curieux qui DEMANDE OU DONNE UNE EXPLICATION devient un complotiste. Toute explication devient ontologiquement complotiste).

Rappelons donc ces lois de Cipolla sur la stupidité :

«Une personne stupide est une personne qui crée des problèmes à une autre personne ou à un groupe de personnes sans en tirer elle-même le moindre bénéfice.»

Carlo Cipolla avait établi 5 lois immuables de la stupidité.

«Loi 1: Toujours et inévitablement nous sous-estimons le nombre d’individus stupides en «liberté».

Peu importe le nombre d’idiots que vous imaginez autour de vous, vous sous-estimez invariablement le total. Pourquoi? Parce que vous partez du principe faux que certaines personnes sont intelligentes en fonction de leur travail, de leur niveau d’éducation, de leur apparence, de leur réussite… Ce n’est pas le cas.

Loi 2: La probabilité qu’une personne soit stupide est indépendante des autres caractéristiques de cette personne.

La stupidité est une variable constante dans toutes les populations. Toutes les catégories qu’on peut imaginer –de genre, ethnique, religieuse, de nationalité, de niveau d’éducation, de revenus– possède un pourcentage fixe de personnes stupides. Il y a des professeurs d’université stupides. Il y a des gens stupides au Forum de Davos, à l’ONU et dans toutes les nations de la terre. Combien y en a-t-il? Personne ne sait. Voir la Loi 1.

Loi 3: Une personne stupide est une personne qui crée des problèmes à une autre personne ou à un groupe de personnes sans en tirer soi-même le moindre bénéfice.»

Mais les stupides sont eux constants. C’est pour cela qu’ils sont si dangereux.

«Les personnes stupides sont dangereuses et créent des dommages avant tout parce que les gens raisonnables ont du mal à imaginer et à comprendre des comportements aberrants. Une personne intelligente peut comprendre la logique d’un voyou. Une rationalité détestable, mais une rationalité… Vous pouvez l’imaginer et vous défendre… Avec une personne stupide, c’est absolument impossible. Une personne stupide va vous harceler sans aucune raison, pour aucun avantage, sans aucun plan et aucune stratégie… Vous n’avez aucune façon rationnelle de savoir quand, où, comment et pourquoi une créature stupide va attaquer. Quand vous êtes confronté à un individu stupide vous êtes complètement à sa merci…».

Loi 4: les personnes non stupides sous-estiment toujours les dégâts que peuvent faire les individus stupides. Elles oublient en permanence que conclure un marché ou s’associer avec des personnes stupides est une erreur très coûteuse.»

Nous sous-estimons le stupide à nos risques et périls.

Loi 5: Une personne stupide est la plus dangereuse des personnes.

Elle est plus dangereuse qu’un voyou car nous ne pouvons rien faire ou presque contre la stupidité. La différence entre les sociétés qui s’effondrent sous le poids de leurs citoyens stupides et celles qui surmontent cette difficulté tient à une chose: leur capacité à produire des citoyens se comportant de façon intelligente dans l’intérêt de tous.»

Si dans la population non stupide, la proportion de voyous et de personnes agissant à l’encontre de leurs propres intérêts est trop importante: «le pays devient alors un enfer» conclut Marco Cipolla.

Le début de la phase finale de la stupidité postmoderne date des années soixante (on y reviendra)  : on a d’un coup la révolution sexuelle (qui accouche de l’avortement puis de la tyrannie LGBTQ), l’antiracisme, le féminisme, l’écologie, le bellicisme humanitaire façon BHL qui rejoint l’apocalypse sauce néo-cons, on a la fin des valeurs, Vatican II, mai 68, les villes nouvelles, l’immigration de remplacement, le binôme télé-bagnole (voir la mère maquerelle d’Audiard), on a le grand effondrement à la romaine (revoir Fellini, Kubrick, Tati, Godard, etc.), et la désindustrialisation aussi, tout cela aboutissant à l’actuelle catastrophe. Enfin on a la tyrannie informatique (Hal 9000 dans 2001).

La stupidité est mortelle.

 

Sources :

Nicolas Bonnal – La puissance apocalyptique : Essai sur la folie américaine

http://www.cefro.pro/media/02/02/1435522111.pdf

Tetyana Bonnal – la poésie patriotique ukrainienne (Amazon.fr)

Nicolas Bonnal – la destruction de la France au cinéma (Amazon.fr)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Edmond_Le_B%C5%93uf

https://www.dedefensa.org/article/rene-guenon-et-notre-civilisation-hallucinatoire

https://www.dedefensa.org/article/levi-strauss-et-la-civilisation-cannibale

https://www.dedefensa.org/article/maxime-du-camp-et-le-declin-francais-en-1870

Mini-terreur au sommet

Mini-terreur au sommet

25 mars 2024 (14H10) – Personne ne peut repousser le constat que, véritablement ; le président Macron vit dans la terreur. Ce personnage, mi-homme mi-anguille multisexe, c’est une sorte de “mini-dictateur”, – expression postmoderne qui lui irait bien pour remplacer le “He is a son sonavabtich but he is our sonovobitch” des américanistes des années 1950 désignant leurs dictateurs favoris des républiques bananières du Sud du continent. Comme tel, il paraît donc qu’il vit dans un état de constante terreur permanente dont la Russie et Poutine sont actuellement le nom.

Les nouvelles résonnent de ces rumeurs : lui qui rêve de se faire l’armée russe avec un corps expéditionnaire de 10 000/20 000 hommes, tremblerait devant les menaces terribles qui ne cessent de peser sur son importante personne. L’hebdo ‘Marianne’ en fait ses choux bras. Un exemple tout récent (25 mars 2024) ? On donne intégralement ce qui est accessible au public lambda dans cet hebdo, et nos lecteurs auront tout de même remarqué, je l’espère, que monsieur le président se donne du “nous-même” lorsqu’il parle de lui-même comme d’une cible, non pas potentielle mais privilégiée, des Russes... Le narcissisme du garnement n’a vraiment pas de bornes, de croire à ce point qu’il intéresse les services russes comme cible, – et c’est vraiment cela qui est à la fois comique et bouffe, – ce fait-là qu’il s’y croit !

« La sécurité du chef de l’État a été repensée et renforcée. Et ce ne sont pas les mouvements de foule, comme au Salon de l’agriculture, que redoute le plus Emmanuel Macron. Le président nourrit en particulier une obsession pour l’activisme russe…

» “Maintenant [la Russie] a décidé de nous attaquer nous-même[s]”. Au Salon de l’agriculture, fin février, le président Macron a lâché, devant les journalistes, cette phrase énigmatique. Une formulation étrange qui pourrait très bien recouvrir un nous de majesté. Le président pense-t-il vraiment que Vladimir Poutine souhaite s’attaquer à sa personne ? Emmanuel Macron a récemment appelé les Français “à ne pas céder à la peur”. Mais, lui, joue-t-il à se faire peur ? “La menace étatique a été rehaussée”, nous assure un grand ponte du renseignement. Par “menace étatique”, entendre “la Russie”. Qui pourrait souffler sur les braises de la contestation du président français en l’amplifiant en amont ou en s’en saisissant après-coup. Dans le viseur des services de renseignement : d’éventuelles altercations lors des déplacements présidentiels (jets de projectiles, opérations tarte à la crème, tentatives de gifle…) qui seraient filmées par des badauds. Ces vidéos pourraient alors devenir virales sur les réseaux sociaux. Car, en politique également, le ridicule peut tuer. »

Maintenant, j’en remets un peu plus en allant solliciter l’horreur absolue, la presse ennemie, la trahison absolument affirmée, RT.com en personne, qui reprend d’autres informations de ‘Marianne’.... Surprise sans surprise, de tout cela il s’avère qu’on nous ressuscite Benalla de sa naphtaline du grand cru de juillet 2018, – et, surprise, fausse surprise, comparé à son patron, mini-dictateur qui joue parfois au McMacron, Benalla montre, – comment dirais-je, – une certaine mesure dans le jugement par rapport à son patron d’une si grande effervescence sécuritaire...

Je ne vais pas faire son apologie, mais certes je lui trouve un de ces bon sens qui nous manquent dans la description de la panique qui caractérise le garnement dès l’origine de la prise de fonction, alors que nous sommes si souvent tentés de lui prêter des desseins secrets, des plans extrêmement machiavéliques et toutes cette sorte de choses...

» Les inquiétudes du président français Emmanuel Macron concernant sa sécurité personnelle sont amplifiées par ses déclarations publiques et sa position ferme sur le conflit ukrainien, a rapporté dimanche le magazine Marianne.

» Le magazine s'est entretenu avec de multiples sources au sein de l'équipe de sécurité de Macron, du ministère de l'Intérieur et de son célèbre ex-garde du corps Alexandre Benalla. Lors de son passage dans l'équipe de sécurité de Macron, Alexandre Benalla a été mêlé à de nombreux scandales, notamment lorsqu'il a frappé des manifestants aux côtés de la police anti-émeute lors des manifestations des Gilets jaunes.

» Macron s'est toujours préoccupé de sa sécurité personnelle, a affirmé Benalla, révélant que le président avait renforcé les rangs de sa garde dès son entrée en fonction.

» “Dès notre arrivée à l'Élysée, les effectifs chargés de la sécurité du président ont été immédiatement doublés par rapport à ceux chargés de celle de [son prédécesseur] François Hollande”, a expliqué le garde du corps en disgrâce. “Ces derniers temps, il provoque tellement qu'il a peur”, confie une source au cœur du système de sécurité de Macron. “Depuis l'été dernier, il s'est adjoint des gros bras pour l'accompagner. Ils sont plus visibles et aussi plus efficaces pour intervenir en cas de mouvement de foule”. »

Eh bien, on arrête ici citations et références pour en venir à l’essentiel, qui est le personnage : Macron, la Russie, sa trouille incroyable, son comportement d’une sorte de personnage de dessin animé avec, – vous savez quoi ? Le “syndrome de John Kennedy à Dallas”, rien que cela, le personnage qui l’affirme et le journaliste qui l’écrivent qui, vraiment, ne doutent de rien.... Macron et JFK ? C’est comme si vous compariez la tragédie grecque avec la grenouille qui veut se faire plus grosse que l’ours, et plus post-modernement, comme si vous compariez avec l’arsouille wokeniste qui vous tend droit comme un ‘i’ un doigt d’honneur pour vous neutraliser et vous piquer la pièce de 5 euros que vous avez dans telle main amoureusement posée sur telle braguette. Non, non et non ! On ne fait pas cette sorte de parallèle lorsqu’on est bien-élevé dans les salons, je veux dire bienpensant, Attali-minded et Minc-rationalized veux-je dire, ô crème de l’élite parigo-franchouillarde.

Maintenant, soyons moins trivial et plus sérieux (parce que jusqu’ici, vous ne le fûtes pas, sérieux ?). Ce personnage est le président de la République Française, dit gravement Pascal Praud. C’est une mesure extraordinairement précise et irréfutable de la folie qui touche ces temps-devenus-fous qu’un tel personnage soit à la tête d’un tel pays. Ce n’est pas une forfaiture ou une sorte de “coup d’État” à la n’importe quoi, c’est un signe magnifique des temps par sa clarté quasiment éblouissante. Je ne sais d’ailleurs pas si c’est vraiment une surprise. Rappelez-vous ce que disait un psychiatre italien à son propos, lors de sa première campagne présidentielle, et que nous reprenions avec zèle, le 8 mai 2017 :

« Hier, sur ce qui doit être l’esplanade du Louvre, en plus de l’absence de Daladier il n’y avait pas de Talleyrand pour rire sous cape. Il n’y avait, planant au-dessus de tout cela, que ce que le professeur Segatori, psychiatre italien qui me semble être de bon renom (*), nous décrit le 3 mai 2017 du Macron, originalement caractérisé comme un psychopathe narcissique et dangereux bloqué en l’état depuis l’âge de 15 ans, marié avec sa violeuse implacable et représentant le monde comme simulacre à son image, avec le seul souci stratégique de la théâtralité de la sorte qu’il nous a montrée tout au long de la campagne. Segatori ne rit pas sous cape, lui, il est inquiet et mesure très sérieusement,

» ...à quel point de danger se trouve un pays comme la France face à un [président] de ce genre ».

Il y avait cette chouette petite astérisque (*) qui nous renvoyait à une note de bas de page du ‘Journal’, et il y était écrit ceci, sans vraiment barguigner ni lambiner : `

« (*) Intervention à nous signalée par l’article d’Alexis Toulet. On n’a pas chômé, du côté des internautes, avec depuis le 3 mai 667.104 visions aujourd’hui à 06H00 et 669.423 à 09H00. Bref, pressez-vous d’aller écouter l’insolent avant que la Garde Prétorienne ne crie à l’interférence des Russes dans la campagne post-électorale. 

Le constat est bien que cela a été fait puisque, lorsque vous cliquez sur le clic, vous obtenez ceci sept ans plus tard (mais j’avoue ma naïveté pour contourner leurs champs de mine et il doit y avoir bien des moyens de le franchir sans encombre) :

«  ... “Video unavailable

» “This video is no longer available because the YouTube account associated with this video has been terminated.

» GO TO HOME »

Pour l’instant, et à vrai dire, on ne vous demande pas de le mettre à bas de son trône mais de bien comprendre ce que signifie sa présence, là où il se trouve. Il est parfaitement dans sa fonction de paranoïaque narcissique, si je comprends bien la signification des mots. Là-dessus, qu’il ait la trouille de se faire abattre par des hordes de tueurs impitoyables, qu’il se croit même être la cible d’un Poutine dont on connaît les pratiques absolument terrifiantes, vraiment il n’y a rien d’étonnant ni d’incompréhensible, ni même d’abracadabrantesque dirais-je pour faire rimbaldien. Au contraire, c’est pure logique parisienne, élyséenne et simulacre de la marche des événements en fonction de ce que l’on peut attendre d’un esprit de cette forme et de cette non-essence enrobée de non-substance.

Car enfin, en tant que paranoïaque appointé au plus haut grade, et paré d’un narcissisme admirablement mis en valeur par de nombreux clichés suggestifs, qu’est-ce qui pourrait lui donner plus l’illusion d’entretenir l’illusion de peser d’une quelconque importance de simulacre de perception, bref d’être encore plus apparent que l’apparence d’être ce que le docteur Segatori dit qu’il est, que d’être un homme à l’élimination duquel un président russe comme ce Vladimir Poutine attache une si considérable importance ? Il est ce qu’il est jusqu’au bout, jusqu’à la lie, sans la moindre contradiction, et son ennemi capital le poursuivra jusqu’au terme.

Voilà une simple et aimable observation : la menace qui pèse sur lui, ou plutôt je veux dire qu’il sent peser sur lui, n’est qu’une indication de plus, mais certainement la plus radicale, la plus décisive, qu’il est effectivement président de la République Française. Sa trouille sans fin et sans but nous indique parfaitement l’extrême puissance de la tâche qu’il doit accomplir et nous fait comprendre que l’essentiel des affaires du monde dépendent de lui.

D’ailleurs, allez ! Réglons cette affaire comme je vais vous le dire bien droitement : Poutine entretient à son égard “une jalousie de dingue”, tout est là ! Et vous savez quoi, encore mieux ? Je veux dire, le plus étonnant de tout cela, c’est que tout cela est peut-être bien vrai d’une certaine façon un peu tordue... Vous comprenez ce que je sous-entends ? Il est bien possible que les manipulateurs de marionnettes du tréfonds de leurs résidence dans les entrailles du Mordor, et notamment le diable lui-même, estiment que le garnement est vraiment leur meilleur atout, qu’ils comptent absolument sur lui pour emporter toute la mise, et “marcher sur Moscou” comme le maréchal Montgomery recommandait de ne surtout jamais faire. Alors, son agitation folle frisant la panique est absolument justifiée, d’abord parce que Montgomery il connaît et il s’en tape, ensuite parce qu’il est tellement bon qu’il risque tout simplement de faire au contraire de la prudence de ce Montgomery, de dépasser Moscou sans s’en apercevoir et de rejoindre, et de franchir la frontière chinoise... Alors, sa panique sera à son comble, car qu’y a-t-il de plus dangereux qu’un Russe qui vous tire dans le dos ?

Non, sérieusement maintenant et une fois de plus : toutes ces révélations sont parfaitement dans l’air du temps. Elles sont complètement logiques, justifiées, compréhensibles. Dans ces temps-devenus-fous, la folie est l’une des choses les plus communes et les plus répandues, et qui plus est les plus précieuses, et les personnages les plus privilégiés en sont naturellement les mieux dotés.

Donc tout va bien , et vous comment allez-vous avec votre superbe nouvel entonnoir que vient de sortir Borsalino ?

Trenine en remet...

Trenine en remet...

25 mars 2024 (17H45) – Chose inhabituelle, deux articles de suite de Dimitri Trenine publié dans RT.com. Ce second article est beaucoup moins analytique et fondamental que celui que nous avons vu hier. Ayant beaucoup lu Trenine, j’ai trouvé un style inhabituel dans le sens où cet analyste habitué à saisir de haut de vastes sujets, s’attache ici, presque en journaliste, aux attaques d’avant-hier à Moscou et auyx diverses péripéties qu’on relève autour.

La question que pose implicitement Trenine est au cœur de toutes les interrogations : l’Ukraine est-elle impliquée, et à quel degré, dans cette affaire ? Il développe les différents éléments connus et ne tranche pas, suivant en cela l’enquête qui vient à peine de commencer et dont il suivra les conclusions quand elles seront atteintes.

Trenine s’attache bien entendu à l’hypothèse essentielle, la seule qui compte vraiment, et donne une analyse de la situation s’il s’avère que l’Ukraine est impliquée, et que, par conséquent, d’une manière ou d’une autre, les USA étant au courant. La remarque suivante résume sa démarche hypothétique, où il suggère que les “surprises désagréables” annoncées pourraient bien avoir concerné cette attaque terroriste notamment :

« À cet égard, plusieurs personnes ont déjà souligné les récents avertissements du chef du GUR [renseignement ukrainien], Kirill Boudanov, et de la sous-secrétaire d’État américaine sortante, Victoria Nuland, concernant les “surprises désagréables” qui attendent la Russie dans un avenir proche.. »

De fait, Trenine a donc examiné, évalué, soupesé les différents aspects de cette affaire (toujours avec en arrière-plan la question fondamentale “Ukraine ou pas ?”, qui est en fait “Ukraine-USA ou pas ?”) ; il n’en a tiré aucune réponse, se refusant d’aller plus vite que la diligence de l’enquête officielle, mais ayant peut-être bien son idée derrière la tête ; pour en arriver à l’essentiel, qui est : et alors, si c’est bien l’Ukraine-USA (employons le singulier pour les marier, “ils vont si bien ensemble”), que va-t-il se passer ?

« Pris ensemble, tout cela renforce l’argument de ceux qui, en Russie, insistent depuis longtemps sur le fait que l’Ukraine – sous sa direction ultranationaliste actuelle – est un État terroriste et que la Russie ne peut tout simplement pas tolérer un tel régime à ses frontières. Ils estiment que toute discussion sur un cessez-le-feu ou toute négociation devrait cesser. La Russie doit remporter une victoire complète, sinon elle saignera constamment aux mains des terroristes au pouvoir à côté, soutenus et protégés par les adversaires occidentaux du pays. Si les résultats de l’enquête confirment que l’Ukraine est à l’origine du massacre de Crocus City, la guerre russe devra s’étendre considérablement et le conflit s’intensifiera considérablement.

» Il est important de noter que la guerre en Ukraine n’est pas considérée par les Russes comme une guerre contre l’Ukraine.

» Il s’agit plutôt d’une lutte contre l’Occident dirigé par les États-Unis, qui utilise l’Ukraine comme un bélier pour infliger une « défaite stratégique » à la Russie. Il est intéressant de noter que le président du Kremlin, Dmitri Pechkov, a admis publiquement pour la première fois la semaine dernière que l’Opération Militaire Spéciale était en fait désormais une guerre. C’est devenu ainsi, dit-il, le résultat de l’implication de l’Occident dans le conflit.

» Si la complicité de l’Ukraine dans l’attaque terroriste de vendredi est effectivement établie, cela suggérerait également, au minimum, que les États-Unis en ont connaissance et l’approuvent de facto. À cet égard, plusieurs personnes ont déjà souligné les récents avertissements du chef du GUR, Kirill Boudanov, et de la sous-secrétaire d’État américaine sortante, Victoria Nuland, concernant les “surprises désagréables” qui attendent la Russie dans un avenir proche. »

“Que va-t-il se passer ?”, interroge-t-on plus haut, question qui vient ici à point... Eh bien dans ce cas, Dimitri Trenine de revenir sur ce que nous considérions comme étant, de sa part, un pas en avant extraordinaire : il y aurait désormais des frappes sur des bases et autres aménagements de divertissement otaniens, hors d’Ukraine, de la part des Russes, pour les actes qui le méritent. Deux jours de suite pour un  Trenine d’habitude si mesuré dans ses propos, cela signifie bien des choses... Pas besoin de complot pour ça !

 « Les propres avertissements de la Russie concernant les frappes sur les aérodromes des pays de l’OTAN s’ils sont utilisés par l’armée de l’air ukrainienne, et sur l’élimination des contingents de troupes françaises (ou de tout autre OTAN) s’ils sont envoyés en Ukraine, acquièrent de plus en plus de crédibilité. L’escalade du conflit, qui jusqu’ici a été principalement motivée par les actions occidentales, augmentant à chaque fois les enjeux d’un cran, et par la formule célèbre “faisant preuve de retenue” de la Russie, conduira potentiellement à une collision frontale. »

Enfin, on termine par une cerise bienpensante sur le gâteau, une sorte de “conseil aux Yankees” : si ces braves gens découvrent qu’ils sont allés un peu trop loin, il leur sera toujours loisible de revenir quelques pas en arrière pour franchir en arrière l’une ou l’autre ligne rouge qu’ils n’auraient pas dû franchir, – “Glory, Glory Alleluïa !

« A moins, bien sûr, que Washington décide à un moment donné que cela suffit, que ce qui se passe est trop dangereux et que, contrairement à la Russie, la bataille en Ukraine n’est pas existentielle pour les États-Unis eux-mêmes – ni même pour leur position dominante en Europe. »

(... Et puis d’ailleurs, – en forme de P.S., –un rayon de soleil, de bonheur et de franchise avec cette annonce pleine d’une solidaire loyauté et d’une vertu sans attaches : l’UE ne croit pas, non non pas du tout, « pas de preuve » les gars, que l’Ukraine soit impliquée dans cette vilaine affaire. C’est une vilaine pensée, vite dissipée par le « rire un peu fou » de la Hyène au fond des bois, même chose que pour ‘NordStream’, vous vous rappelez.)

Et  voilà, dans l’attente nous verrons bien...

De la dissuasion “passive” à la dissuasion “active”

De la dissuasion “passive” à la dissuasion “active”

• Dans ce texte fortement argumenté, l’expert et intellectuel politico-stratégique russe Dimitri Trenine met en évidence la folie de l’actuelle situation où les règles de la dissuasion nucléaire semblent ne plus contraindre les USA. • Son idée est que la Russie doit redresser cette situation en redonnant vie à la dissuasion. • Il s’agit de tirer un “coup de semonce” sans nucléaire pour concrétiser les capacités russes, et les missiles hypersoniques en donnent le moyen. • On peut nommer cela : passer de la dissuasion “passive” à la dissuasion “active”.

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24 mars 2024 (14H30) – Nos lecteurs ont bien entendu remarqué que nous suivons avec attention les commentaires de Dimitri Trenine, que l’on retrouve régulièrement cité dans nos textes, souvent en ‘Ouverture Libre’, à partir d’un de ses propres textes. C’est encore le cas ici, et c’est cette fois particulièrement important. En un mot, qui n’expliquera rien du tout mais annonce la couleur, Trenine propose de passer d’une “dissuasion passive” à une “dissuasion active” pour tenter de faire comprendre aux américanistes-occidentalistes que la Russie ne se complaît pas dans une dialectique sans fondement lorsqu’elle fait l’hypothèse que l’on galope vers un conflit nucléaire.

«  ...[I]l convient de repenser le concept de dissuasion et, ce faisant, de changer son nom.

» Par exemple, au lieu d’une forme passive, il faudrait parler d’une forme active. »

Cela nous intéresse particulièrement parce que cela rejoint une idée que nous développons depuis le 22 mars 2022, en corrélation avec l’apparition des missiles hypersonique à configuration tactique (vol à basse/moyenne altitude, avec évitements, manœuvres, balistique avec évitement, etc.) mais à emploi stratégique comme un “palier” de plus dans la dissuasion. Si Trenine ne parle pas spécifiquement des hypersoniques (qu’il a sans nul doute à l’esprit), il parle par contre clairement d’un nouveau “degré” à l’intérieur du processus de la dissuasion. Nous ne qualifierons pas celle-ci de “nucléaire”, on verra pourquoi, mais elle est nécessairement nucléaire d’une façon générale puisque mise en place pour empêcher l’utilisation, mortelle pour les deux adversaires, du nucléaire.

Trenine, effectivement décrit d’abord ce que fut la “dissuasion nucléaire”, mise en place pour neutraliser l’emploi d’armes de cette sorte, jugées réciproquement suicidaires. Il salue dans la Guerre Froide, surtout à partir de la fin des années 1960, une période d’extrême stabilité à cet égard, avec consultations permanentes des deux parties, négociations et signatures d’accords de limitation, surveillance de l’application de ces accords aussi bien par des moyens automatiques que par des contrôles humains, etc. Cette période-là est finie (pour diverses raisons très souvent évoquées et qu’on n’abordera pas ici). La stabilité politico-militaire de la Guerre Froide s’en est allée...

Trenine écrit donc dans son texte du 23 mars 2024 :

« Cependant, le premier quart du XXIe siècle se termine dans des conditions très différentes de la relative stabilité politique internationale des années 1970. [...]

» Les deux plus grandes puissances nucléaires, la Russie et les États-Unis, sont dans un état de conflit armé semi-direct. Cette confrontation est officiellement considérée en Russie comme une menace existentielle. Cette situation est devenue possible grâce à l’échec de la dissuasion stratégique (dans sa dimension géopolitique) dans une zone où les intérêts vitaux de la Russie sont présents. Il convient de noter que la cause principale du conflit est le mépris conscient de Washington – depuis trois décennies maintenant – à l’égard des intérêts sécuritaires clairement et explicitement exprimés par Moscou. »

Actant cette situation nouvelle, Trenine estime qu’il est nécessaire de trouver une situation nouvelle pour la dissuasion, qui rappelle aux États-Unis l’existence de la chose et les risques communs encourus. C’est ce qu’il désigne comme le passage d’une “dissuasion passive” (celle de la Guerre Froide) à une “dissuasion active”, – un peu comme ils ont installé en Ukraine, ou revigoré serait le mot plus juste, la tactique de la guerre d’attrition en la faisant passer du mode de l’attrition passive à celui de l’attrition agressive.

« Ainsi, le concept de stabilité stratégique dans sa forme originale – la création et le maintien de conditions militaro-techniques pour empêcher une frappe nucléaire soudaine et massive – ne conserve que partiellement sa signification dans les conditions actuelles.

» Le renforcement de la dissuasion nucléaire pourrait être la solution au véritable problème du rétablissement de la stabilité stratégique, qui a été gravement perturbée par le conflit en cours et qui s’intensifie. Pour commencer, il convient de repenser le concept de dissuasion et, ce faisant, de changer son nom.

» Par exemple, au lieu d’une forme passive, il faudrait parler d’une forme active. L’adversaire ne doit pas rester dans un état de confort, croyant que la guerre qu’il mène avec l’aide d’un autre pays ne l’affectera en aucune façon. En d’autres termes, il est nécessaire de ramener la peur dans l’esprit et le cœur des dirigeants ennemis. Il convient de souligner le type de peur bénéfique. »

... Pour “la peur dans l’esprit et le cœur des dirigeants humains”, la parole n’est plus suffisante, celle des discours apocalyptiques d’un Krouchtchev ou d’un Kennedy au moment de la crise de Cuba par exemple. En effet, des deux côtés, on ne se parle plus... Donc, foin de paroles, il faut des actes !

« Il faut également reconnaître qu’à ce stade du conflit ukrainien, les limites d’une intervention purement verbale ont été épuisées. Les canaux de communication jusqu'au sommet doivent rester ouverts 24 heures sur 24, mais les messages les plus importants à ce stade doivent être envoyés par des étapes concrètes : des changements doctrinaux ; des exercices militaires pour les tester ; patrouilles sous-marines et aériennes le long des côtes de l'ennemi potentiel ; des avertissements concernant les préparatifs des essais nucléaires et les essais eux-mêmes ; l'impression de zones d'exclusion aérienne sur une partie de la mer Noire, etc. Le but de ces actions n’est pas seulement de démontrer la détermination et la volonté d’utiliser les capacités disponibles pour protéger les intérêts vitaux de la Russie, mais – plus important encore – de mettre un terme à l’ennemi et de l’encourager à engager un dialogue sérieux. »

Enfin et surtout, et c’est bien entendu là que nous voulons en venir, “il faut des actes” qui touchent directement et de manière spectaculaire, “explosive”, le domaine de l’adversaire...

Ici, Trenine parle bien entendu des gens de l’OTAN, étant entendu et évident, comme il l’a dit, que c’est de ce côté que l’on n’écoute plus ni n’entend la voix de la sagesse que fut la stabilité stratégique nucléaire de la Guerre Froide. Peu importe l’issue de ce débat pour ce cas, – même si l’on peut à juste titre prétendre deviner notre position, – l’essence même du débat subsiste et Trenine poursuit ses propositions de “passage à l’acte” pour mieux faire comprendre que l’on est sérieux, par cette proposition-là qui est sans aucun doute le point le plus important de son texte, venu d’un intellectuel de son rang, de sa position mesurée habituelle, de son influence.

« L’échelle d’escalade ne s’arrête pas là. Les mesures militaro-techniques peuvent être suivies d'actes réels, pour lesquels des avertissements ont déjà été donnés : par exemple, des attaques contre des bases aériennes et des centres d'approvisionnement sur le territoire des pays de l'OTAN, etc. Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. Il nous suffit simplement de comprendre, et d'aider l'ennemi à comprendre, que la stabilité stratégique, au sens réel et non étroit et technique du terme, n'est pas compatible avec un conflit armé entre puissances nucléaires, même si (pour le moment) il se déroule indirectement. »

Cette proposition, que Trenine ne fait certainement pas à la légère, – nous voulons dire, sans avoir entendu l’avis de certains spécialistes, stratèges, généraux, – se lit évidemment avec l’existence du missiles hypersonique à l’esprit, ou bien c’est que l’on à l’esprit bien trainard, modèle-LCI. Et l’on pense à l’une ou l’autre base qui traîne en Roumanie ou en Pologne, avec tel ou tel F-16 bientôt aux couleurs ukrainiennes, ou bien un F-35 qui traînait par là, qui sait...

Notre idée est qu’en effet une telle rénovation de la dissuasion n’est vraiment possible et concevable qu’avec ces engins qui laissent STRATCOM glacé d’effroi. En effet, les capacités de l’hypersonique constituent en soi une capacité de “décapitation” des forces nucléaires adverses, sans user de nucléaire, ce qui retourne contre les USA les intentions qu’ils manifestèrent en d’autres temps de faire subir à la force nucléaire russe ; c’est une perspective qui ne peut manquer d’épouvanter STRATCOM et de porter ainsi, par une simple démonstration effectuée contre l’une ou l’autre base, l’effet dissuasif voulu par les Russes à son plus haut niveau, – l’emploi de missiles ‘normaux’ n’ayant certainement pas l’effet psychologique dissuasif voulu...

Nous argumentons depuis longtemps à cet égard, comme nous l’avons écrit plus haut et nous pensons qu’un extrait de ce texte du 10 décembre 2022 qui porte justement sur « L’hypersonique entre dans la dissuasion » permettra de rappeler notre perception à cet égard.

« Cela voudrait dire que les Russes pourraient abandonner leur doctrine sacro-sainte du non-usage du nucléaire “en premier” ? C’est alors qu’on en revient à une question déjà abordée dans ces colonnes : la capacité des missiles hypersoniques, du fait de leur fantastique puissance de choc, d’obtenir avec des charges conventionnelles une capacité de destruction sur des cibles bien identifiées et nécessairement concentrées, équivalente à celle du nucléaire envisagé pour cette sorte d’opération.

» Cela rejoint effectivement les remarques développées dans notre texte le plus récent sur cet aspect révolutionnaire de l’hypersonique : un degré de plus dans la dissuasion (juste en-dessous du nucléaire) qui peut aussi se concevoir comme une capacité de première frappe de décapitation sans avoir recours au nucléaire :

» “Bien entendu, et sans doute y pense-t-on déjà, notre réserve fondamentale est alimentée par la remarque évidente qui met en scène les missiles hypersoniques russes (et bientôt chinois, mais pour l’instant il s’agit bien de la Russie, qui a une avance remarquable sur le reste) :

» “‘Des capacités non nucléaires développées par des concurrents pourraient infliger des dommages de niveau stratégique aux Etats-Unis et à leurs alliés et partenaires’, note le Pentagone, admettant en filigrane la suprématie des armes non nucléaires russes (hypersoniques), et bientôt chinoises...”

» “Cette remarque rejoint ce que nous avons déjà noté à plusieurs reprises à propos des armes hypersoniques dont la flexibilité extrême (autonomie, emport de charge, vols avec manœuvres et altitudes différentes, extrême vitesse et incapacité d’interception, énorme puissance à l’impact du fait de l’énergie cinétique suscitée par la vitesse) leur donne des capacités de frappe stratégique équivalentes à celle d’une arme nucléaire de décapitation et de destruction ciblée. Notre analyse nous conduisait à considérer l’hypersonique dans toutes ses capacités comme installant un nouvel échelon dans l’échelle de la dissuasion, un échelon où le conventionnel devient aussi important que des frappes nucléaires intermédiaires, y compris stratégiques. (Voir notamment le 22 mars 2022, le 23 avril 2022 et le 9 octobre 2022.)

» “...Cela implique la possibilité, dans le cas d’une escalade, de la mise en place et de l’existence d’un échelon intermédiaire entre la guerre conventionnelle de haut niveau et la guerre nucléaire avec son enchaînement quasiment inéluctable du tactique au stratégique (guerre totale d’anéantissement). Dans l’état actuel des forces, cette novation serait au seul avantage des Russes, grâce à leur missiles hypersoniques qui, dans certaines conditions, pourraient frapper avec précision une cible militaire aux USA (bases, centre de commandement, etc.) sans provoquer les dégâts collatéraux catastrophiques d’une frappe nucléaire”. »

Voilà, c’en est assez comme citation. Place donc au texte de Dimitri Trenine, en ayant aussi bien à l’esprit que, déjà, la simple évocation de l’adoption d’une telle mesure dans les plans stratégiques russes pourrait avoir en soi une amorce de l’effet dissuasif “actif” pour lequel plaide l’auteur. (Le titre original du texte est : « Dmitry Trenin: It’s time for Russia to give the West a nuclear reminder »)

dedefensa.org

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Une piqûre de rappel pour la dissuasion ?

La stabilité stratégique est généralement comprise comme l’absence d’incitations pour qu’une puissance nucléaire lance une première frappe massive. En règle générale, on l’envisage principalement en termes militaro-techniques. Les raisons pour lesquelles une attaque peut être envisagée ne sont généralement pas prises en compte.

Cette idée est apparue au milieu du siècle dernier, lorsque l’URSS avait atteint la parité militaro-stratégique avec les États-Unis et que la guerre froide entre eux était entrée dans une phase « mature » de confrontation limitée et quelque peu prévisible. La solution au problème de la stabilité stratégique résidait alors dans le maintien constant des contacts entre les dirigeants politiques des deux superpuissances. Ce qui a conduit au contrôle des armements et à la transparence dans l’organisation de leurs arsenaux respectifs.

Cependant, le premier quart du XXIe siècle se termine dans des conditions très différentes de la relative stabilité politique internationale des années 1970. L’ordre mondial centré sur les États-Unis, établi après la fin de la guerre froide, est sérieusement remis en question et ses fondements sont visiblement ébranlés. L’hégémonie mondiale de Washington et la position de l’Occident dans son ensemble s’affaiblissent, tandis que la puissance économique, militaire, scientifique et technologique et l’importance politique des pays non occidentaux – en premier lieu la Chine, mais aussi l’Inde – augmentent. Cela conduit à une détérioration des relations entre les États-Unis et les autres centres de pouvoir.

Les deux plus grandes puissances nucléaires, la Russie et les États-Unis, sont dans un état de conflit armé semi-direct. Cette confrontation est officiellement considérée en Russie comme une menace existentielle. Cette situation est devenue possible grâce à l’échec de la dissuasion stratégique (dans sa dimension géopolitique) dans une zone où les intérêts vitaux de la Russie sont présents. Il convient de noter que la cause principale du conflit est le mépris conscient de Washington – depuis trois décennies maintenant – à l’égard des intérêts sécuritaires clairement et explicitement exprimés par Moscou.

De plus, dans le conflit ukrainien, les dirigeants militaires et politiques américains ont non seulement officieusement mais aussi publiquement exprimé leur mission d’utiliser leur mandataire pour infliger une défaite militaire stratégique à la Russie, malgré son statut nucléaire.

Il s’agit d’une entreprise complexe dans laquelle les capacités collectives économiques, politiques, militaires, militaro-techniques, de renseignement et d’information de l’Occident sont intégrées aux actions des forces armées ukrainiennes dans le combat direct contre l’armée russe. En d’autres termes, les États-Unis tentent de vaincre la Russie non seulement sans recourir à l’arme nucléaire, mais même sans s’engager formellement dans les hostilités.

Dans ce contexte, la déclaration des cinq puissances nucléaires, le 3 janvier 2022, selon laquelle « il ne faut pas mener une guerre nucléaire » et qu’« il ne peut y avoir de gagnants », apparaît comme une relique du passé. Une guerre par procuration entre les puissances nucléaires est déjà en cours ; en outre, au cours de ce conflit, de plus en plus de restrictions sont levées, tant en termes de systèmes d'armes utilisés et de participation des troupes occidentales, que de limites géographiques du théâtre de la guerre. Il est possible de prétendre qu'une certaine « stabilité stratégique » est maintenue, mais seulement si, comme les États-Unis, un acteur se donne pour tâche d'infliger une défaite stratégique à l'ennemi aux mains de son État client et s'attend à ce que l'ennemi le fasse. n'ose pas utiliser l'arme nucléaire.

Ainsi, le concept de stabilité stratégique dans sa forme originale – la création et le maintien de conditions militaro-techniques pour empêcher une frappe nucléaire soudaine et massive – ne conserve que partiellement sa signification dans les conditions actuelles.

Le renforcement de la dissuasion nucléaire pourrait être la solution au véritable problème du rétablissement de la stabilité stratégique, qui a été gravement perturbée par le conflit en cours et qui s’intensifie. Pour commencer, il convient de repenser le concept de dissuasion et, ce faisant, de changer son nom.

Par exemple, au lieu d’une forme passive, il faudrait parler d’une forme active. L’adversaire ne doit pas rester dans un état de confort, croyant que la guerre qu’il mène avec l’aide d’un autre pays ne l’affectera en aucune façon. En d’autres termes, il est nécessaire de ramener la peur dans l’esprit et le cœur des dirigeants ennemis. Il convient de souligner le type de peur bénéfique.

Il faut également reconnaître qu’à ce stade du conflit ukrainien, les limites d’une intervention purement verbale ont été épuisées. Les canaux de communication jusqu'au sommet doivent rester ouverts 24 heures sur 24, mais les messages les plus importants à ce stade doivent être envoyés par des étapes concrètes : des changements doctrinaux ; des exercices militaires pour les tester ; patrouilles sous-marines et aériennes le long des côtes de l'ennemi potentiel ; des avertissements concernant les préparatifs des essais nucléaires et les essais eux-mêmes ; l'impression de zones d'exclusion aérienne sur une partie de la mer Noire, etc. Le but de ces actions n’est pas seulement de démontrer la détermination et la volonté d’utiliser les capacités disponibles pour protéger les intérêts vitaux de la Russie, mais – plus important encore – de mettre un terme à l’ennemi et de l’encourager à engager un dialogue sérieux.

L’échelle d’escalade ne s’arrête pas là. Les mesures militaro-techniques peuvent être suivies d'actes réels, pour lesquels des avertissements ont déjà été donnés : par exemple, des attaques contre des bases aériennes et des centres d'approvisionnement sur le territoire des pays de l'OTAN, etc. Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. Il nous suffit simplement de comprendre, et d'aider l'ennemi à comprendre, que la stabilité stratégique, au sens réel et non étroit et technique du terme, n'est pas compatible avec un conflit armé entre puissances nucléaires, même si (pour le moment) il se déroule indirectement.

Il est peu probable que l’ennemi accepte facilement et immédiatement une telle situation. Ils devront au moins comprendre que telle est notre position et en tirer les conclusions qui s’imposent.

Il est temps pour nous de commencer à réviser l’appareil conceptuel que nous utilisons en matière de stratégie de sécurité. Nous parlons de sécurité internationale, de stabilité stratégique, de dissuasion, de contrôle des armements, de non-prolifération nucléaire, etc. Ces concepts sont apparus au cours du développement de la pensée politique occidentale – principalement américaine – et ont trouvé une application pratique immédiate dans la politique étrangère américaine. Ils sont basés sur des réalités existantes mais adaptés aux objectifs de la politique étrangère américaine. Nous avons essayé de les adapter à nos besoins, mais avec un succès mitigé.

Il est temps d’aller de l’avant et de développer nos propres concepts qui reflètent la position de la Russie dans le monde ainsi que ses besoins.

Dimitri Trenine

En guerre

En guerre

23 mars 2024 (17H25) – Il est difficile de pense que des opérations techniquement complexes et mises en place sur un temps non négligeables aient été préparées en quelques heures pour que les unes correspondissent chronologiquement aux autres, comme l’une répondant à l’autre. Par conséquent, on pourrait penser au hasard. Ce n’est pas notre cas, le hasard est encore plus une solution de couard pour les imbéciles que le Dieu des organisations terrestres une solution de fortune pour les miséreux. Il reste le vaste, l’infini champ de la transcendance, l’au-delà de l’horizon de l’Unité primordiale, la non-perspective sublime de l’éternité.

C’est vers ces forces que je me tourne pour observer avec quelle simultanéité ont éclaté les événements nous annonçant que nous passons décisivement d’un état des choses à l’autre. Nous passons, en langage bureaucratique russe, de l’Opération Militaire Spéciale (OMS) à la guerre existentielle et civilisationnelle totale. Je prends ces trois événements, le même jour et les place sous les augures de cette citation de spécialiste des antichambres moscovites qu’est John Helmer, faites immédiatement avant eux trois :

« En réponse, une source moscovite bien informée estime que les paramètres de la stratégie russe deviennent plus clairs “maintenant que Poutine agite le drapeau vert”. Il est clair, par exemple, que même s'il n'y aura pas de batailles à l'intérieur de villes comme Odessa, Kharkov et Kiev, l'état-major général et le Kremlin ne peuvent pas se contenter d’un résultat militaire qui permette à jamais le terrorisme contre la Russie à partir de ces villes ou de ce qu'il reste de l'Ukraine. Il faut donc un changement de régime à Kiev et une forme d'occupation russe qui sera surprenante.

» “Je ne suis pas prêt à parler de quoi, comment et quand”, a déclaré Poutine dimanche. De même, aucune source militaire russe n'est prête. Toutefois, le retard pris dans la prise de décision opérationnelle suscite une certaine frustration. “Ce n'est pas du général Patience que nous parlons”, commente un observateur militaire, “c’est du général Couilles Molles. Voyons si [le chef d'état-major général, le général Valeri] Gerasimov le désignera en ces termes”. ».

Fin du porte-parole Prudence

Les mots et les phrases du prudentissime Dimitri Pechkov, porte-parole de Poutine souvent accusé de mollesse pro-occidentaliste, sont en elles-mêmes, hors même de leur contenu, une indication, du “climat”. Lorsque Pechkov dit « Nous sommes en guerre », alors qu’il n’était question jusqu’ici que d’une OMS, il se passe quelque chose de grave qui vient de la bouche de Poutine et de sa direction. Ce que Pechkov fit hier matin, notamment sous le titre martial de RT.com « Russia is at war » :

« Pechkov a souligné que la Russie ne pouvait pas permettre l'existence à ses frontières d'un État qui affirme publiquement qu'il s'emparera de la péninsule de Crimée ainsi que des nouveaux territoires russes, à savoir les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et les régions de Zaporozhye et de Kherson.

» “Nous sommes en guerre“, a déclaré Pechkov, expliquant que si le conflit a commencé comme une opération militaire spéciale, dès que “l'Occident collectif y a participé aux côtés de l'Ukraine, pour nous, c'est devenu une guerre”. »

Le tonnerre du ciel

Le deuxième événement, c’est une terrible offensive aérienne russe de trois jours (jusqu’à hier, sans rien savoir de la suite) contre l’Ukraine. On y devine sans difficultés l’emploi de ‘Kinzhal’ et autres bombes et missiles hypersoniques, d’une précision ahurissante ; et surtout, l’apparition désormais  en très grand nombre des nouvelles bombes guidées totalement dévastatrices FAB-3000 qui portent 1 500 kilos d’explosifs à des vitesse hypersoniques, – contre, par exemple, 7 kilos d’explosif pour un obus de 155mm.

Mercouris décrit ainsi ces trois jours d’attaque qui constituent, selon d’autres commentateurs, les « attaques aériennes les plus puissantes faites en Europe depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale », ce que l’on déduit évidemment de sa description :

«  Nous avons assisté lors des dernières 72 heures à ce que je crois être la plus puissante attaque par missiles et drones jamais effectué par la Russie contre l’Ukraine,  [....] beaucoup plus puissante et surtout beaucoup plus sophistiquée que les attaques russes de l’année dernière, et cette fois contre toutes les installations du renseignement ukrainien, contre les circuits électriques et les systèmes de défense aérienne, aussi bien que contre les lignes de front... [...]

» ... Et tout cela est probablement d’une ampleur beaucoup plus importante que les attaques massives faites par l’U.S. Air Force contre l’Irak lors des deux guerres successives [de 1991 et de 2003]. »

Les attaques terroristes

A peu près le même jour, hier soir, de très puissantes et sanglantes attaques terroristes à Moscou, essentiellement à la mitraillette et aux fusils d’assaut mais aussi à la grenade, ont causé plus de 100 morts (133, chiffre Tass cet après-midi)  et sans doute plus de 200 blessés. L’organisation et la coordination de ces attaques conduisent effectivement à ne pas établir de lien direct de cause à effet avec ce que nous avions décrit auparavant, mais à confirmer sans aucun doute qu’il y a comme un signe de tonnerre du ciel selon lequel nous sommes manifestement entrés dans une phase complètement nouvelle du conflit. Il n’est plus question de retenir ses coups mais bien de les lâcher, et si les évènements impliquent de façon officielle d’autres pays que les deux belligérants officiels, eh bien qu’il en soit ainsi.

Le “bureaucrate” Poutine, prudent et mesuré, a franchi un cap au-delà duquel il est sans doute conduit à estimer “prudent et mesuré” de frapper très fort, de livrer une guerre totale. Les pays de l’Occident-compulsif s’imaginaient-ils qu’ils avaient vécu durant ces deux dernières années le plus difficile dans cette épouvantable ‘subcrise’ de la GrandeCrise ? Au contraire, ils entrent maintenant dans le dur, dans le très-très-dur de la chose, où plus rien ne parviendra à arrêter l’extension des combats chez eux pour les imprudents, alors qu’ils ne cessent de mesurer leur misère absolument stupéfiante pour de si grandes et si belles puissances, – en armes, en hommes capables (sinon désireux !) d’aller au combat, en technologies opératives de guerre, en capacités industrielles, – face au colosse militaire et au monstre de détermination qu’est devenue la Russie...

Ils furent nombreux à exprimer avec une humanitariste prudence leur soutien et leur condoléances à la Russie après les attaques terroristes, notamment les USA qui précisèrent hautement que l’Ukraine n’y était pour rien. Mais pour les Russes, directement ou indirectement, la messe est dite, d’ailleurs confirmée par la bruyante satisfaction du chef des services de renseignement ukrainien Bogdanov ; voir et regarder aussi Larry Johnson interrogé par Nima R. Alkhorshid.

« Le président de l'association patriotique Russe “hommes du nord” Mikhaïl Mavashi, a fait la lumière sur la situation des suspects de l'attentat terroriste :

 » “J'ai reçu des informations directement de sources internes, des services spéciaux. Tous les attaquants d'hier étaient des citoyens du Tadjikistan. Ils travaillaient spécifiquement, spécifiquement pour recruter les services spéciaux ukrainiens. Après l'attaque terroriste, ils se sont précipités dans la région de Briansk. Là, nos forces spéciales , les plus lourds, les ont rattrapés dans la forêt. Un a été “tué” Trois ont été arrêtés.

» Pourquoi se sont-ils précipités dans la région de Briansk ? Lors de la traversée de la région de Briansk et du territoire ukrainien, ils étaient censés être accueillis par des DRG ukrainiens, ainsi que des groupes de sabotage et de reconnaissance... » (‘Telegram’)

« Nous sommes en guerre »

Dans son analyse de Poutine conversant avec Clausewitz, le groupe ‘geostrategica.es’ donnait à notre avis une excellente analyse de Poutine : tout ce qu’on veut, mais certainement pas un conquérant et un dictateur capable d’enflammer les foules, et certainement extrêmement proche d’un bureaucrate assez terne mais calme, mesuré, armé de bon sens, mais animé d’ une flamme cachée. Peut-être n’ont-ils pas assez mis l’accent sur sa seule passion : la Russie, lui qui répondait à un journaliste (évidemment a américaniste-occidentaliste hors-Carlson) remarquant qu’une guerre nucléaire détruirait le monde, – dont la Russie, – et que pour cette raison lui Poutine ne pouvait trouver aucun argument qui justifiât qu’il fit tirer lui-même en riposte des armes nucléaires russes :

« Que m’importe le sort du monde si la Russie n’existe plus ? »

Vers la fin du texte, résumant leur propos pour montrer comme Poutine et son équipe avaient réussi à convaincre le peuple russe que la guerre en Ukraine était bien une guerre existentielle, le groupe écrit ceci, – et c’est la dernière phrase de cet extrait arbitrairement sorti de son contexte qui nous intéresse :

« Poutine n'aurait tout simplement pas pu procéder à une mobilisation à grande échelle au début de la guerre. Il ne disposait ni d'un mécanisme de coercition ni d'une menace manifeste pour susciter un soutien politique massif. Peu de Russes auraient cru qu'une menace existentielle se cachait dans l'ombre : il fallait le leur montrer, et l'Occident n'a pas déçu. De même, peu de Russes auraient probablement soutenu la destruction de l'infrastructure urbaine et des services publics de l'Ukraine dans les premiers jours de la guerre. Mais aujourd'hui, la seule critique de Poutine à l'intérieur de la Russie est du côté de la poursuite de l'escalade. Le problème avec Poutine, du point de vue russe, est qu'il n'est pas allé assez loin. En d'autres termes, la politique de masse a déjà devancé le gouvernement, ce qui rend la mobilisation et l'escalade politiquement insignifiantes. »

Nous remplaçons “politique de masse” par toute cette sorte d’expressions que nous employons parce que nous ne pouvons désigner précisément le phénomène auquel nous pensons : “les évènements qui nous dominent, nous conduisent”, notre “Au-Dessus de nous sur quoi nous n’avons nul contrôle”, “Ces forces supérieures que nous ne contrôlons pas”.

Ce que nous voulons ainsi suggérer, c’est que Poutine a cherché à convaincre les Russes qu’il s’agissait d’une guerre existentielle sans en être lui-même assuré, et comme répondant à une intuition ; et que, sans que nous sachions s’il en est satisfait ou non, il se trouve emporté et dirigé par ces événements comme ceux d’hier, décisifs, impératifs.

Qu’il les ait suscités ou favorisés, qu’ils les jugent trop pressants, qu’importe car cela n’est plus son affaire. Ces événements , qui nous surpassent tous et nous conduisent vers des situations du plus grand danger possible, mais qu’il était impossible d’éviter pour parvenir à un dénouement de notre GrandeCrise, ce sont eux aujourd’hui les maîtres du jeu.

Certes, « Nous sommes en guerre ». 

Maxime du Camp et le déclin français en 1870

Maxime du Camp et le déclin français en 1870

On a du mal à percevoir l’absence de mouvement sous le mouvement.

1870, la fête impériale, l’art de bien rigoler…

On laisse écrire Maxime du Camp.

Sur Bismarck :

« Bismarck fut habile, il agit envers nous comme en 1866 il avait agi à l'égard de l'Autriche. Quand il eut machiné son plan et préparé ses pièges, il se fit déclarer la guerre et prit l'attitude d'un pauvre homme réduit à la défensive; il mit les torts d'apparence de notre côté. Comme un pêcheur consommé, il conduisit le poisson dans la nasse sans que celui-ci s'en aperçût. »

Après une belle phrase sur notre esprit de décision :

« Il avait pris pour une démonstration de notre force ce qui n'était qu'une preuve de l'inconséquence de notre caractère. »

Maxime du Camp passe par l’Allemagne et il découvre que cette nation est scientifique, organisée et disciplinée, mais pas seulement : elle est inspirée spirituellement et elle chante bien :

« J'entendis de loin une mélopée lente et grandiose, qui montait dans les airs comme la voix d'un chœur invisible. Des enfants couraient dans la direction du bruit; le chant se rapprochait, s'accentuait, vibrait avec un accent religieux et profond dont je me sentis remué. Je reconnus le Choral de Luther, que psalmodiait un régiment en venant prendre garnison dans la citadelle que ce pauvre général Mack nous a jadis si facilement abandonnée. Je fus très ému, je l'avoue, et je me demandai quel caractère allait revêtir cette guerre pour laquelle les hommes marchaient en chantant des psaumes. »

Après on va faire la comparaison avec Paris et sa salade impériale :

« Après avoir rapidement traversé la Suisse, j'arrivai à Paris, que l'empereur avait quitté deux jours auparavant.

Là le spectacle était autre : le soir, sur les boulevards, on buvait de l'absinthe en agaçant les filles; des hommes en blouse, vautrés dans des voitures découvertes, braillaient la Marseillaise. Qui donc avait vieilli, le chant national ou moi? Je ne sais. Il me déplut et je lui trouvai un air provocant qui ne s'adressait pas à l'ennemi. »

C’est Tartarin contre Siegfried. Et si Tartarin était l’essence de la France moderne (voyez mon texte sur Tartarin dans les Alpes) ? J’ai cité plusieurs fois cette ligne de Céline :

« Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes. » 

Voilà celle de Maxime du Camp en 1870 :

« Se souvient-on aujourd'hui de la frénésie dont la population fut atteinte? On se croyait tellement certain de la victoire, que les adversaires systématiques de l'empire, — les irréconciliables, — demandaient la paix. »

Après la reddition de Sedan, la république arrive avec ses bienfaits !  Première divine surprise :

« Le 4 septembre, j'étais au Journal des Débats; cette fois c'était bien fini; la révolution tendait la main à l'invasion et complétait son œuvre. La plupart de ceux qui se trouvaient dans le bureau de rédaction étaient accablés.

Quelqu'un entra et dit : « C'est égal, nous voilà débarrassés des Bonaparte! » Oui, débarrassés des Bonaparte, mais débarrassés aussi de l'Alsace, de la Lorraine, débarrassés de cinq milliards, de beaucoup de monuments de Paris que l'on a brûlés et de quelques honnêtes gens que l'on a massacrés. »

Une belle phrase sur la France :

« La France était comme ces hommes frappés de la foudre qui gardent l'apparence de la vie et tombent en poussière dès qu'on les touche ».

Après on cherche comme toujours des excuses (euro, Bruxelles, etc.) :

« La nation crie, pleure, se désespère, déclare qu'elle est innocente et que l'empire seul est coupable. La nation a tort; elle a eu ses destinées entre les mains, qu'en a-t-elle fait? Nous mourrons par hypertrophie d'ignorance et de présomption. »

Du Camp se met à rêver :

« La France a cherché les réformes politiques : néant; elle a cherché les réformes sociales : néant; mais les réformes morales qui seules peuvent la sauver, elle n'y pense même pas. Si j'étais le maître, je traiterais tout de suite, quitte à subir des conditions léonines, car l'issue de la guerre ne peut actuellement être douteuse, et plus nous prolongerons la lutte, plus les conditions seront dures; puis je ferais des lois draconiennes pour organiser le service militaire et l'enseignement, l'enseignement surtout, non seulement scientifique, mais moral. C'est la morale qui forge les caractères et ce sont les caractères qui font les nations. »

Maxime du Camp comprend enfin :

On ne fera pas cela, sois en certain; on va expliquer au peuple français qu'il est le premier peuple du monde, qu'il a été trahi, qu'il a été livré, en un mot qu'il est indemne, et le peuple français continuera à croupir dans l'ignorance, à avoir le moins d'enfants possible, à boire de l'absinthe et à courir les donzelles. Nous mourrons, parce que nous sommes agités sans but et que la danse de Saint-Guy n'est pas le mouvementnous n'avons pas d'hommes, parce que nous n'avons pas d'idées; nous n'avons pas de principes, parce que nous n'avons pas de mœurs. »

Dans mon livre sur Céline, j’ai évoqué le latin conifié par les mots. Idem ici :

« Nous sommes saturés de rhétorique; nous avons des façades de croyance, d'opinion, de dévouement; derrière il n'y a rien. Tout est faux, tout est théâtral, nous sommes des Latins; chez nous, comme pour le baron, tout est « pour paraître ». C'est la fin du monde. Il y a une phrase des Mémoires d’outre-tombe qui m'obsède et sonne en moi comme un glas funèbre :

« Il ne serait pas étonnant qu'un peuple âgé de quatorze siècles, qui a terminé cette longue carrière par une explosion de miracles, fût arrivé à son terme. »

Du Camp a une bonne idée qui eût pu éviter des déboires, et il prévoit même l’espace vital et sa conquête à venir :

« Au lieu de ces territoires, offrir nos colonies, en vertu de ce principe qu'il vaut mieux se faire couper les cheveux que de se laisser couper la tête. Malgré sa richesse, l'Allemagne étouffe, parce qu'elle n'a pas la vraie mer, qui est l'Océan; elle est insuffisante à consommer ses produits, qu'elle n'écoule que difficilement; elle est trop restreinte pour sa population, qui est forcée d'émigrer en Amérique. On peut donc la tenter sérieusement en lui proposant nos colonies des Antilles et nos stations dans l'Indochine. »

Évidemment il y a un risque avec… l’Angleterre !

« Si elle consent à cet échange (et je crois qu'on peut l'y amener), elle voudra devenir une puissance maritime de premier ordre et elle aura alors à s'entendre avec l'Angleterre. »

Du Camp dans ces lignes géniales prévoit donc la guerre Allemagne-Angleterre (voyez Preparata et quelques autres) et aussi la haine franco-allemande qui va dévaster l’Europe :

« Toute gentillesse, comme eût dit Montaigne, est perdue pour longtemps, un monde va commencer; on élèvera les enfants dans la haine des Prussiens ! »

La France commence à creuser sa tombe. Et quand elle touche le fond, elle creuse encore ! Du Camp :

« Rien de ce que Flaubert avait rêvé ne se réalisa, le quelque chose qui lui avait promis la victoire s'était trompé; de défaite en défaite on descendit jusqu'à l'endroit où la terre manque sous les pieds. »

La guerre de 1870 a tué la France, c’est mon sentiment. Après nous sommes en république, et la troisième république, ce n’est plus la nation ni la patrie. Elle tue net Mérimée et achève Théophile Gautier :

« La guerre, la révolution du 4 septembre, la Commune ont porté à Théophile Gautier un coup dont il a toujours souffert; il a traîné, ou plutôt il s'est traîné jusqu'à la tombe, languissant, enveloppé d'ombre, parlant peu et n'ayant plus guère que des regrets. »

 

Sources

Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, II, p.348-sq (sur archive.org)

Dialogue hors du temps: Clausewitz et Poutine

Dialogue hors du temps: Clausewitz et Poutine

• Voici un texte considérable, une analyse d’un site géopolitique espagnol de la guerre en Ukraine. • Mais plus que géopolitique, nous dirions volontiers métapolitique ou métahistorique, ou “métaphysique géopolitique”, comme aime à dire Douguine. • L’analyse est placée sous le signe d’un dialogue entre deux hommes : l’Allemand Carl von Clausewitz et le Russe Vladimir Poutine... • Ou comment le Russe a adapté l’Allemand à un conflit pseudo-conventionnel, mais en vérité existentiel, et d’une existentialité qui recouvre le grand affrontement civilisationnel.

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22 mars 2024 (13H25) – Le site espagnol ‘geostrategica.es’ vient de publier, le 8 mars 2024, un très long et très remarquable texte sur Poutine, la Russie, la guerre en Ukraine et sa signification existentielle pour la Russie, et essentielle pour la marche du monde (traduction de ‘euro-synergies.hautefirt.com’). Il donne une très ample analyse, dans un contexte métahistorique et civilisationnel du rare ampleur. Le texte est long et il faut le lire pour mettre en place ses idées et jugements sur la guerre en Ukraine, et surtout sur le phénomène mondial de rupture que cette guerre représente.

On donne ici les pistes essentielles qui nous sont fournies, avec quelques extraits marquants, qui aideront à synthétiser dans l’esprit l’ampleur extraordinaire de cet événement. Tout cela est bien loin de nos diverses chicanes pseudo-idéologiques, mondaines et bienpensantes qui sont les principaux moteurs de nos jugements. L’événement de l’Ukraine mérite mieux. An passage, on salue l’exceptionnelle qualité de ce groupe qui s’est chargé de ce travail, d’une façon collective nous semble-t-il puisque nous n’avons trouvé aucun nom d’auteur.

La triste et blette France macroniste est bien loin de pouvoir espérer approcher un labeur intellectuel de cette tenue, à l’ombre de ses armées de censeurs et de ‘femmes savantes’ au sein desquelles nombre de personnages du genre masculin se sont glissés.  L’exceptionnelle intelligence française ne craint personne lorsqu’il s’agit de se montrer stupide comme une oie égarée dans un salon parisien (pardon pour le noble animal qui n’aurait pas l’idée d’une telle équipée).

Nous séparons les “pistes essentielles” en autant d’intertitres de circonstance qui faciliteront leur approche par de simples citations extraites du texte, – avant de s’attaquer au texte lui-même.

Poutine, le Diable

L’Occident, l’Occident-collectif, l’Occident-compulsif, l’Occident maniaquif-depressif a bien servi son Poutine. Elle en a fait un Hitler, un Gengis- Khan, un monstre dévorant les petits enfants. N’y rien comprendre à ce point, c’est du grand “art opératif”... Mais que voulez-vous, le simulacre c’est comme la came, cela vous laisse hébété jusque dans vos jugements.

« Poutine, en particulier, est perçu en Occident comme un démagogue hitlérien qui gouverne par la terreur extrajudiciaire et le militarisme. Il n'y a rien de plus faux.

» Presque tous les aspects de la caricature occidentale de Poutine sont profondément erronés, bien que ce récent profil de Sean McMeekin s'en rapproche beaucoup plus que la plupart des autres. Tout d'abord, Poutine n'est pas un démagogue, il n'est pas charismatique par nature et, bien qu'il ait amélioré ses compétences politiques au fil du temps et qu'il soit capable de prononcer des discours puissants lorsque cela est nécessaire, il n'est pas un adepte des podiums. Contrairement à Donald Trump, Barack Obama ou même Adolf Hitler, Poutine n'est tout simplement pas un adepte des foules par nature. En Russie même, son image est celle d'un serviteur politique de carrière plutôt terne mais sensé, plutôt que celle d'un populiste charismatique. Sa popularité durable en Russie est bien plus liée à la stabilisation de l'économie et du système de retraite russes qu'aux photos de lui montant à cheval torse nu. »

Même chose pour le Poutine ultra-centralisateur, Hitler à l’intérieur comme Hitler à l’extérieur. Là aussi, l’Occident vogue sur une mer d’illusions comme autant de Sargasses ;..

« En outre, contrairement à l'idée qu'il exerce une autorité extra-légale illimitée, Poutine est plutôt un adepte du procéduralisme.[...] Les critiques occidentaux peuvent prétendre qu'il n'y a pas d'État de droit en Russie, mais au moins Poutine gouverne-t-il par la loi, les mécanismes et procédures bureaucratiques constituant la superstructure au sein de laquelle il opère. »

La guerre, l’invasion massive

Que n’a-t-on dit sur l’armée russe en déroute ! le conquérant-fou partant à l’attaque d’une armée ukrainienne à effectif double ou triple du sien, bêtise en bandouillère en plus du mécompte, – genre de récit dont raffole BHL à peine décoiffé ! Depuis, les stratèges sérieux ont remis les choses au point : la chose était voulue, ce que ne comprennent toujours pas les penseurs bienpensants de nos bureaux bruxellois et des couloirs du Pentagone, – tout en se doutant parfois de quelque chose...

Notre texte revient sur cette explication et nous précise, – ce qui n’est pas toujours pris en compte, même parmi nos “stratèges sérieux” qui ont cru que Poutine allait gonfler ses effectifs avec sa mobilisation, – que cette armée, repliée par rapport à sa poussée initiale sur des lignes de défense implacable (la “ligne Sourovikine”) se contente d’une défense agressive couverte par une fantastique puissance de feu qui use l’adversaire jusqu’à l’os.

« De toutes les affirmations fantasmagoriques qui ont été faites au sujet de la guerre russo-ukrainienne, peu sont aussi difficiles à croire que l'affirmation selon laquelle la Russie avait l'intention de conquérir l'Ukraine avec moins de 200.000 hommes. En effet, une vérité centrale de la guerre que les observateurs doivent absolument comprendre est le fait que l'armée russe est en infériorité numérique depuis le premier jour, en dépit du fait que la Russie dispose d'un énorme avantage démographique par rapport à l'Ukraine elle-même. Sur le papier, la Russie a engagé une force expéditionnaire de moins de 200.000 hommes, même si, bien sûr, ce total n'a pas été en première ligne dans les combats actifs ces derniers temps. »

Mais, d’une façon très intéressante, le document explique la cause de cette stratégie, qui suit un plan à la fois bureaucratique et patriotique. Il s’est agi d’éveiller la conscience des Russes au fait que la guerre en Ukraine devait être considérée comme une “guerre existentielle” pour la Russie. Tant que cela n’était pas admis, une mobilisation de la nation russe était peu probable et risquait de déboucher sur une situation chaotique. La campagne limitée qui a été entreprise, qui a permis de se replier et de tenir fermement jusqu’à les intégrer les territoires russes de l’Ukraine, a réveillé cette conscience au moindre coût, sans perdre la bataille.

La guerre existentielle

C’est maintenant chose faite : la nation russe est convaincue qu’il s’agit d’une guerre existentielle et maintenant va s’engager la véritable bataille contre la civilisation néolibérale américaniste-occidentaliste avec les moyens nécessaires, sans plus aucune restriction. La réélection de Poutine a sanctionné ce passage fondamental. La stupidité crasse de la russophobie occidentale a été d’une aide inestimable et l’histoire lui en sera reconnaissante.

« Par conséquent, en l'absence d'un levier direct [menace existentielle avérée] pour créer une mobilisation politique et donc militaire, la Russie doit trouver une voie alternative pour créer un consensus politique en vue de mener une forme supérieure de guerre.

» C'est désormais chose faite, grâce à la russophobie occidentale et au penchant de l'Ukraine pour la violence. Une transformation subtile mais profonde du corps sociopolitique russe est en cours. »

... Tant il est vrai que l’on reste absolument stupéfait devant une incompréhension, une bêtise si profonde, si bizarre (« Je l’avoue une fois de plus, je trouve tout cela si bizarre que cela me laisse sans voix... », nous dit Mercouris)

« Ce qui s'est passé dans les mois qui ont suivi le 24 février est tout à fait remarquable. La guerre existentielle pour la nation russe a été incarnée et réalisée pour les citoyens russes. Les sanctions et la propagande anti-russe diabolisant l'ensemble de la nation comme des "orcs" ont rallié à la guerre même des Russes initialement sceptiques, et la cote de popularité de Poutine a grimpé en flèche. L'hypothèse centrale de l'Occident, selon laquelle les Russes se retourneraient contre le gouvernement, a été renversée. Des vidéos montrant la torture de prisonniers de guerre russes par des Ukrainiens en colère, des soldats ukrainiens appelant des mères russes pour se moquer d'elles et leur annoncer la mort de leurs enfants, des enfants russes tués par des bombardements à Donetsk, ont servi à valider l'affirmation implicite de Poutine selon laquelle l'Ukraine est un État possédé par un démon qui doit être exorcisé à l'aide d'explosifs puissants. Au milieu de tout cela, utilement, du point de vue d'Alexandre Douguine et de ses néophytes, les “Blue Checks” pseudo-intellectuels américains ont publiquement bavé sur la perspective de “décoloniser et démilitariser” la Russie, ce qui implique clairement le démembrement de l'État russe et la partition de son territoire. Le gouvernement ukrainien (dans des tweets désormais effacés) a affirmé publiquement que les Russes sont enclins à la barbarie parce qu'ils sont une race mixte avec du sang asiatique mélangé. »

La mobilisation des âmes

On voit ainsi combien le conflit ukrainien a été conduit de façon, non pas à livrer directement une guerre (encore moins une guerre de conquête, vieillerie napoléoinienne !), mais bien à éveiller un peuple à ce qu’une direction bureaucratique avait identifié comme une menace existentielle d’un point de vue civilisationnel. Le paradoxe de cette façon de mener la guerre, selon une tactique très retenue et cette étrange “offensive sur la défensive” qui s’est ensuite transformée en une “défensive agressive”, avec comme but la destruction du potentiel adverse, est qu’elle a eu comme effet de “mobiliser les âmes”. L’absence de menace très visible a conduit à construire la nécessité d’une menace “invisible” effectivement existentielle, et la direction russe est bien arrivée à cela : les âmes ont percé à jour l’“invisible”, ce qui est leur fonction principale

Il faut dire que « l’Occident n’a pas déçu » en cette matière, en agissant dans le cadre de la russophobie et de la démonisation d’une Russie absolument fantasmée, à partir d’une situation (celle de l’Occident) d’extrême décadence caractérisée par tous les excès en cours du wokenisme depuis les années 2016-2020.

Les auteurs placent cette évolution guerrière dans le cadre d’une très longue description (à partir des légions romaines) de l’évolution de la guerre qui est d’un très grand intérêt en expliquant la variabilité du nombre  de soldats, et par conséquent parvenant jusqu’au terme qui est la question du nombre de soldats russes...

« Poutine n'aurait tout simplement pas pu procéder à une mobilisation à grande échelle au début de la guerre. Il ne disposait ni d'un mécanisme de coercition ni d'une menace manifeste pour susciter un soutien politique massif. Peu de Russes auraient cru qu'une menace existentielle se cachait dans l'ombre : il fallait le leur montrer, et l'Occident n'a pas déçu. De même, peu de Russes auraient probablement soutenu la destruction de l'infrastructure urbaine et des services publics de l'Ukraine dans les premiers jours de la guerre. Mais aujourd'hui, la seule critique de Poutine à l'intérieur de la Russie est du côté de la poursuite de l'escalade. Le problème avec Poutine, du point de vue russe, est qu'il n'est pas allé assez loin. En d'autres termes, la politique de masse a déjà devancé le gouvernement, ce qui rend la mobilisation et l'escalade politiquement insignifiantes. Par-dessus tout, nous devons nous rappeler que la maxime de Clausewitz reste vraie. La situation militaire n'est qu'un sous-ensemble de la situation politique, et la mobilisation militaire est aussi une mobilisation politique, une manifestation de la participation politique de la société à l'État. »

Affrontement de civilisations

Certains ont distingué cette réalité d’une nouvelle sorte d’affrontement, notamment Douguine lorsqu’il parla d’une “lutte contre Satan”.

La définition de ce en quoi la guerre d’Ukraine est une guerre existentielle est extrêmement intéressante. On aurait pu s’en tenir à l’aspect de sécurité militaire, il y avait assez d’arguments de ce point de vue, de missiles, d’organisations militaires à vocation offensive. De ce point de vue, on aurait également parlé d’un “plan” de la part des dirigeants russes qui, à partir de 2014 sans aucun doute, constatèrent l’évolution de la  puissance  militaire ukrainienne et, derrière elle, ou dedans elle, de la puissance militaire otanienne. Cela existe, bien entendu, mais ce n’est pas l’essentiel de la question, – ce n’est pas l’essentiel de la “guerre existentielle”...

« D'autre part, ce que nous avons tous cru être la lutte de la démocratie et de la liberté contre la barbarie dictatoriale communiste, cliché favori des cultivateurs d'idéologie et de propagande pendant la guerre froide, cachait une vérité bien différente. En ce sens, ce qu'il convient de dire avec le temps et les faits, c'est qu'une fois le communisme vaincu et l’“histoire terminée” selon Fukuyama, quelle serait la raison politique de maintenir la belligérance avec la Russie ? »

Ainsi, ce ne fut pas précisément l’essentiel de ce que l’on aurait pu attendre. Il s’agit bien d’une confrontation civilisationnelle et, dès la fin 2022, et sans le moindre doute en 2023, apparut le vrai visage de cette guerre que nos braves Français, toujours en retard d’une guerre et demie et d’au moins de trois métros, identifient avec les questions de nationalismes, de souverainisme et autres diverses gâteries, – cela les précipitant à grand fracas et toute innocence dans le camp de l’adversaire !

« La confrontation entre l'Ouest et l'Est, la nouvelle Russie s'identifiant à ce dernier en raison de son propre choix et de l'attitude obstinée et stupide de ses adversaires, ne peut s'expliquer uniquement par une concurrence féroce pour les ressources ; il existe également des causes idéologiques liées à des alternatives civilisationnelles qui méritent notre attention. Par "civilisationnel", nous entendons un projet de société politique, de nation et de culture associé à l'existence dans le temps d'un État, qui peut être développé en termes de projets, de plans et de programmes futurs. C'est ce que Gustavo Bueno appelle les “plaques continentales”. »

Et la guerre de la communication

Et pour terminer, place au roi de la fête qui est la communication, avec ses diverses ramifications, – narrative, simulacres, informations vraies-fausses-vraies, propagande en tous genres, plateaux TV aux petits fours et à €1 000 l’heure, – et tout le diable et son TGV...

Les Anglo-Saxons y exercèrent sans le moindre doute leur suprémacisme pendant des siècles. Qu’on se rappelle ce qu’est exactement l’Amérique sinon « L’empire de la communication »... Mais aujourd’hui, tout cela commence à s’user ; et ceux qui en usent commencent à se fatiguer de le faire pour des causes aussi sordides et stupides à la fois. Fort opportunément, les auteurs désignent l’« interview métahistorique » proposé par un citoyen américain de belle tournure, comme un des tournants très importants du déclin de cet empire du simulacre sur le monde. Nous ne pouvions que les applaudir.

« Toutefois, après des siècles d'utilisation et d'abus de ces mécanismes de diffusion et peut-être de domination idéologique/discursive du récit anglo-saxon, l'environnement médiatique contemporain présente, bien que de manière embryonnaire, des signes notables d'usure. L'interview de Carlson et son impact médiatique quantitatif et qualitatif en sont un bon exemple. Bien que l'interview ait apporté quelques nouvelles informations à ceux qui ne sont pas versés dans la question du conflit de guerre en cours, il est vrai que le phénomène lui-même a été l'interview elle-même et sa popularité. En d'autres termes, la volonté de milliards de personnes d'écouter l'autre camp, non seulement pour savoir ce qu'il pense, mais peut-être aussi pour découvrir s'il existe des alternatives à leur propre point de vue. »

... Alors, que reste-il ?

Quoi d’autre, sinon notre déclin, notre décadence, notre dégénérescence, notre “Après nous le déluge”...

« Le cœur du problème ne réside pas dans la Russie, Poutine, la Chine ou leurs intentions de défier le statu quo occidental. Le défi lancé à l'Occident, à l’“Anglo-Saxonie” et à ses vassaux, dirons-nous, réside plutôt dans le fait que son projet civilisationnel montre des signes de faiblesse interne. En d'autres termes, le déclin est évident, non seulement pour ses ennemis, mais aussi pour ceux qui, en son sein, doivent le valider par leurs croyances, leurs espoirs et leurs actions. »

dedefensa.org

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La politique par d'autres moyens: Poutine et Clausewitz

À la seule exception possible du grand Sun Tzu et de son "Art de la guerre", aucun théoricien militaire n'a eu un impact philosophique aussi durable que le général prussien Carl Philipp Gottfried von Clausewitz. Clausewitz, qui a participé aux guerres napoléoniennes, s'est consacré dans les dernières années de sa vie à l'ouvrage qui allait devenir son œuvre emblématique : un tome dense intitulé simplement Vom Kriege - Sur la guerre. Ce livre est une méditation sur la stratégie militaire et le phénomène sociopolitique de la guerre, fortement liée à une réflexion philosophique. Bien que "De la guerre" ait eu un impact durable et indélébile sur l'étude de l'art militaire, le livre lui-même est parfois difficile à lire, ce qui s'explique par le fait que Clausewitz n'a jamais pu l'achever, ce qui est une grande tragédie. Il mourut en 1831, à l'âge de 51 ans, avec son manuscrit en désordre, et c'est à sa femme qu'il revint d'essayer d'organiser et de publier ses textes.

Clausewitz est surtout célèbre pour ses aphorismes - "Tout est très simple dans la guerre, mais le plus simple est difficile" - et son vocabulaire de la guerre, qui comprend des termes tels que "friction" et "culmination". Cependant, parmi tous ses passages éminemment citables, l'un d'entre eux est peut-être le plus célèbre : son affirmation selon laquelle "la guerre n'est que la continuation de la politique par d'autres moyens".

C'est sur cette affirmation que je souhaite me concentrer pour l'instant, mais avant cela, il peut être utile de lire l'intégralité du passage de Clausewitz sur le sujet :

"La guerre est la simple continuation de la politique par d'autres moyens. On voit donc que la guerre n'est pas seulement un acte politique, mais aussi un véritable instrument politique, une continuation du commerce politique, une réalisation de celui-ci par d'autres moyens. Au-delà de ce qui est strictement propre à la guerre, il s'agit simplement de la nature particulière des moyens qu'elle utilise. Que les tendances et les vues de la politique ne soient pas incompatibles avec ces moyens, l'Art de la Guerre en général et le Commandant dans chaque cas particulier peuvent l'exiger, et cette revendication n'est d'ailleurs pas insignifiante. Mais quelle que soit la force de la réaction sur les vues politiques dans les cas particuliers, elle doit toujours être considérée comme une simple modification de ces vues ; car les vues politiques sont l'objet, la guerre est le moyen, et le moyen doit toujours inclure l'objet dans notre conception" (De la guerre, volume 1, chapitre 1, section 24).

Une fois le style dense de Clausewitz éliminé, l'affirmation est relativement simple : la guerre est toujours faite en référence à un objectif politique plus large, et elle existe sur l'ensemble de l'échiquier politique. La politique se retrouve à chaque point de l'axe : la guerre est déclenchée en réponse à une nécessité politique, elle est maintenue et poursuivie en tant qu'acte de volonté politique et, en fin de compte, elle espère atteindre des objectifs politiques. La guerre ne peut être séparée de la politique ; en effet, c'est l'aspect politique qui en fait une guerre. Nous pouvons même aller plus loin et dire que la guerre, en l'absence de superstructure politique, cesse d'être une guerre et devient une violence brute et animale. C'est la dimension politique qui rend la guerre reconnaissable et différente des autres formes de violence.

Considérez la guerre de la Russie en Ukraine en ces termes.

Poutine le bureaucrate

Il arrive souvent que les plus grands hommes du monde soient mal compris en leur temps : le pouvoir enveloppe et déforme le grand homme. C'était certainement le cas de Staline et de Mao, et c'est également le cas de Vladimir Poutine et de Xi Jinping. Poutine, en particulier, est perçu en Occident comme un démagogue hitlérien qui gouverne par la terreur extrajudiciaire et le militarisme. Il n'y a rien de plus faux.

Presque tous les aspects de la caricature occidentale de Poutine sont profondément erronés, bien que ce récent profil de Sean McMeekin s'en rapproche beaucoup plus que la plupart des autres. Tout d'abord, Poutine n'est pas un démagogue, il n'est pas charismatique par nature et, bien qu'il ait amélioré ses compétences politiques au fil du temps et qu'il soit capable de prononcer des discours puissants lorsque cela est nécessaire, il n'est pas un adepte des podiums. Contrairement à Donald Trump, Barack Obama ou même Adolf Hitler, Poutine n'est tout simplement pas un adepte des foules par nature. En Russie même, son image est celle d'un serviteur politique de carrière plutôt terne mais sensé, plutôt que celle d'un populiste charismatique. Sa popularité durable en Russie est bien plus liée à la stabilisation de l'économie et du système de retraite russes qu'aux photos de lui montant à cheval torse nu.

Il fait confiance au plan, même lorsque celui-ci est lent et ennuyeux.

En outre, contrairement à l'idée qu'il exerce une autorité extra-légale illimitée, Poutine est plutôt un adepte du procéduralisme. La structure de gouvernement de la Russie autorise expressément une présidence très forte (c'était une nécessité absolue après l'effondrement total de l'État au début des années 1990), mais dans le cadre de ces paramètres, Poutine n'est pas perçu comme une personnalité particulièrement encline à prendre des décisions radicales ou explosives. Les critiques occidentaux peuvent prétendre qu'il n'y a pas d'État de droit en Russie, mais au moins Poutine gouverne-t-il par la loi, les mécanismes et procédures bureaucratiques constituant la superstructure au sein de laquelle il opère.

Guerre expéditionnaire

De toutes les affirmations fantasmagoriques qui ont été faites au sujet de la guerre russo-ukrainienne, peu sont aussi difficiles à croire que l'affirmation selon laquelle la Russie avait l'intention de conquérir l'Ukraine avec moins de 200.000 hommes. En effet, une vérité centrale de la guerre que les observateurs doivent absolument comprendre est le fait que l'armée russe est en infériorité numérique depuis le premier jour, en dépit du fait que la Russie dispose d'un énorme avantage démographique par rapport à l'Ukraine elle-même. Sur le papier, la Russie a engagé une force expéditionnaire de moins de 200.000 hommes, même si, bien sûr, ce total n'a pas été en première ligne dans les combats actifs ces derniers temps.

Le déploiement de la force légère est lié au modèle de service assez unique de la Russie, qui a combiné des "soldats sous contrat", le noyau professionnel de l'armée, avec un appui de réservistes généré par une vague de recrutement annuelle. En conséquence, la Russie dispose d'un modèle militaire à deux niveaux, avec une force professionnelle prête à l'emploi de classe mondiale et un vaste réservoir de cadres de réserve dans lequel puiser, complété par des forces auxiliaires telles que les BARS (volontaires), les Tchétchènes et la milice LNR-DNR.

Les fils de la nation - porteurs de la vitalité et des nerfs de l'État

Ce modèle de service mixte à deux niveaux reflète, d'une certaine manière, la schizophrénie géostratégique qui a frappé la Russie post-soviétique. La Russie est un pays immense, dont les engagements en matière de sécurité sont potentiellement colossaux et couvrent l'ensemble du continent, et qui a hérité d'un lourd héritage soviétique. Aucun pays n'a jamais démontré une capacité de mobilisation en temps de guerre d'une ampleur comparable à celle de l'URSS. Le passage d'un système de mobilisation soviétique à une force de préparation plus petite, plus agile et plus professionnelle a fait partie intégrante du régime d'austérité néolibéral de la Russie pendant la majeure partie des années Poutine.

Il est important de comprendre que la mobilisation militaire, en tant que telle, est également une forme de mobilisation politique. La force contractuelle prête à l'emploi nécessitait un niveau assez faible de consensus politique et d'acceptation par la majeure partie de la population russe. Cette force contractuelle russe peut encore accomplir beaucoup, militairement parlant : elle peut détruire des installations militaires ukrainiennes, faire des ravages avec l'artillerie, se frayer un chemin dans les agglomérations urbaines du Donbas et détruire une grande partie du potentiel de guerre indigène de l'Ukraine. Cependant, elle ne peut pas mener une guerre continentale de plusieurs années contre un ennemi qui est au moins quatre fois plus nombreux qu'elle, et qui se maintient grâce à des renseignements, un commandement et un contrôle, et du matériel qui est hors de sa portée immédiate, en particulier si les règles d'engagement l'empêchent de frapper les artères vitales de l'ennemi.

Il faut déployer davantage de forces. La Russie doit transcender l'armée d'austérité néolibérale. Elle a la capacité matérielle de mobiliser les forces nécessaires : elle dispose de plusieurs millions de réservistes, d'énormes stocks d'équipements et d'une capacité de production locale soutenue par les ressources naturelles et le potentiel de production du bloc eurasien qui a resserré les rangs autour d'elle. Mais n'oubliez pas que la mobilisation militaire est aussi une mobilisation politique.

Si l'Union soviétique a pu mobiliser des dizaines de millions de jeunes pour affaiblir, submerger et finalement anéantir l'armée de terre allemande, c'est parce qu'elle disposait de deux puissants instruments politiques. Le premier était le pouvoir impressionnant et étendu du parti communiste, avec ses organes omniprésents. Le second était la vérité: les envahisseurs allemands étaient venus avec des intentions génocidaires (Hitler a pensé à un moment donné que la Sibérie pourrait devenir une réserve slave pour les survivants, qui pourrait être bombardée périodiquement pour leur rappeler qui était le chef).

Poutine ne dispose d'un organe coercitif aussi puissant que le parti communiste, qui disposait d'une puissance matérielle stupéfiante et d'une idéologie convaincante qui promettait d'ouvrir une voie accélérée vers une modernité non capitaliste. En fait, aucun pays ne dispose aujourd'hui d'un appareil politique comparable à cette splendide machine communiste, à l'exception peut-être de la Chine et de la Corée du Nord. Par conséquent, en l'absence d'un levier direct pour créer une mobilisation politique et donc militaire, la Russie doit trouver une voie alternative pour créer un consensus politique en vue de mener une forme supérieure de guerre.

C'est désormais chose faite, grâce à la russophobie occidentale et au penchant de l'Ukraine pour la violence. Une transformation subtile mais profonde du corps sociopolitique russe est en cours.

La construction d'un consensus

Dès le départ, Poutine et son entourage ont conçu la guerre russo-ukrainienne en termes existentiels. Toutefois, il est peu probable que la plupart des Russes l'aient compris. Au contraire, ils ont probablement vu la guerre de la même manière que les Américains ont vu les guerres en Irak et en Afghanistan : comme des entreprises militaires justifiées qui n'étaient toutefois qu'une simple tâche technocratique pour des militaires professionnels, et non une question de vie ou de mort pour la nation. Je doute fort qu'un Américain ait jamais cru que le sort de la nation dépendait de la guerre en Afghanistan (les Américains n'ont pas mené de guerre existentielle depuis 1865) et, à en juger par la crise du recrutement qui affecte l'armée américaine, personne ne semble percevoir une véritable menace existentielle étrangère.

Ce qui s'est passé dans les mois qui ont suivi le 24 février est tout à fait remarquable. La guerre existentielle pour la nation russe a été incarnée et réalisée pour les citoyens russes. Les sanctions et la propagande anti-russe diabolisant l'ensemble de la nation comme des "orcs" ont rallié à la guerre même des Russes initialement sceptiques, et la cote de popularité de Poutine a grimpé en flèche. L'hypothèse centrale de l'Occident, selon laquelle les Russes se retourneraient contre le gouvernement, a été renversée. Des vidéos montrant la torture de prisonniers de guerre russes par des Ukrainiens en colère, des soldats ukrainiens appelant des mères russes pour se moquer d'elles et leur annoncer la mort de leurs enfants, des enfants russes tués par des bombardements à Donetsk, ont servi à valider l'affirmation implicite de Poutine selon laquelle l'Ukraine est un État possédé par un démon qui doit être exorcisé à l'aide d'explosifs puissants. Au milieu de tout cela, utilement, du point de vue d'Alexandre Douguine et de ses néophytes, les "Blue Checks" pseudo-intellectuels américains ont publiquement bavé sur la perspective de "décoloniser et démilitariser" la Russie, ce qui implique clairement le démembrement de l'État russe et la partition de son territoire. Le gouvernement ukrainien (dans des tweets désormais effacés) a affirmé publiquement que les Russes sont enclins à la barbarie parce qu'ils sont une race mixte avec du sang asiatique mélangé.

Simultanément, Poutine a progressé vers son projet d'annexion formelle de l'ancienne partie orientale de l'Ukraine, et y est finalement parvenu. Cela a également transformé juridiquement la guerre en une lutte existentielle. Les nouvelles avancées ukrainiennes dans l'est constituent désormais, aux yeux de l'État russe, un assaut contre le territoire russe souverain et une tentative de détruire l'intégrité de l'État russe. De récents sondages montrent qu'une large majorité de Russes soutient la défense de ces nouveaux territoires à tout prix.

Tous les domaines sont désormais alignés. Dès le départ, Poutine et consorts ont conçu cette guerre comme une lutte existentielle pour la Russie, afin de chasser un État fantoche anti-russe de ses portes et de vaincre une incursion hostile dans l'espace de la civilisation russe. L'opinion publique est de plus en plus d'accord avec cela (les sondages montrent que la méfiance des Russes à l'égard de l'OTAN et des "valeurs occidentales" est montée en flèche), et le cadre juridique post-annexion le reconnaît également. Les domaines idéologique, politique et juridique sont désormais unis dans l'idée que la Russie lutte pour sa propre existence en Ukraine. L'unification des dimensions techniques, idéologiques, politiques et juridiques a été décrite il y a quelques instants par le chef du parti communiste russe, Guennadi Ziouganov :

"Ensuite, le président a signé des décrets sur l'admission des régions de la RPD, de la RPL, de Zaporozhye et de Kherson au sein de la Russie. Les ponts sont brûlés. Ce qui était clair d'un point de vue moral et étatique est devenu un fait juridique : il y a un ennemi sur notre territoire, qui tue et mutile les citoyens de la Russie. Le pays exige les mesures les plus décisives pour protéger ses compatriotes. Le temps n'attend pas".

Un consensus politique a été atteint pour une plus grande mobilisation et une plus grande intensité. Il ne reste plus qu'à mettre en œuvre ce consensus dans le monde matériel du poing et de la botte, de la balle et de l'obus, du sang et du fer.

Une brève histoire de la génération des forces militaires

L'une des particularités de l'histoire européenne est de montrer à quel point les Romains étaient en avance sur leur temps dans le domaine de la mobilisation militaire. Rome a conquis le monde en grande partie parce qu'elle disposait d'une capacité de mobilisation exceptionnelle, générant pendant des siècles des niveaux élevés de participation militaire de masse de la part de la population masculine d'Italie. César a mené plus de 60.000 hommes à la bataille d'Alésia lorsqu'il a conquis la Gaule, une génération de force qui ne sera pas égalée pendant des siècles dans le monde post-romain.

Après la chute de l'Empire romain d'Occident, la capacité de l'État en Europe s'est rapidement détériorée. En France et en Allemagne, l'autorité royale décline tandis que l'aristocratie et les autorités urbaines montent en puissance. Malgré le stéréotype de la monarchie despotique, le pouvoir politique au Moyen Âge était très fragmenté et la taxation et la mobilisation étaient très localisées. La capacité romaine à mobiliser de grandes armées contrôlées et financées de manière centralisée a été perdue, et la guerre est devenue le domaine d'une classe combattante limitée : la petite noblesse ou les chevaliers.

En conséquence, les armées européennes médiévales étaient étonnamment petites. Lors des batailles décisives entre l'Angleterre et la France, comme Agincourt et Crécy, les armées anglaises comptaient moins de 10.000 hommes et les armées françaises pas plus de 30.000. La bataille d'Hastings, qui a marqué l'histoire mondiale et scellé la conquête normande de la Grande-Bretagne, a opposé deux armées de moins de 10.000 hommes. La bataille de Grunwald, au cours de laquelle une coalition polono-lituanienne a vaincu les chevaliers teutoniques, a été l'une des plus grandes batailles de l'Europe médiévale et a encore opposé deux armées totalisant au maximum 30.000 hommes.

Les pouvoirs de mobilisation et les capacités des États européens étaient étonnamment faibles à cette époque par rapport à d'autres États dans le monde. Les armées chinoises comptaient généralement quelques centaines de milliers d'hommes et les Mongols, même avec une bureaucratie nettement moins sophistiquée, pouvaient aligner 80.000 hommes.

La situation a commencé à changer radicalement lorsque l'intensification de la concurrence militaire - en particulier la sauvage guerre de Trente Ans - a contraint les États européens à amorcer enfin une évolution vers une capacité étatique centralisée. Le modèle de mobilisation militaire est finalement passé du système des serviteurs, dans lequel une petite classe militaire autofinancée assurait le service militaire, à l'État militaire fiscal, dans lequel les armées étaient formées, financées, dirigées et soutenues par les systèmes fiscaux et bureaucratiques des gouvernements centralisés.

Au début de la période moderne, les modèles de service militaire ont acquis un mélange unique de conscription, de service professionnel et de système de serviteurs. L'aristocratie a continué à assurer le service militaire dans le corps d'officiers naissant, tandis que la conscription et le service militaire étaient utilisés pour remplir les rangs. Il convient toutefois de noter que les conscrits étaient astreints à de très longues périodes de service. Cela reflétait les besoins politiques de la monarchie à l'époque de l'absolutisme. L'armée n'était pas un forum de participation politique populaire au régime : c'était un instrument permettant au régime de se défendre à la fois contre les ennemis étrangers et les jacqueries paysannes. Les conscrits n'étaient donc pas réincorporés dans la société. Il était nécessaire de faire de l'armée une classe sociale distincte, avec une certaine distance par rapport à la population générale : il s'agissait d'une institution militaire professionnelle qui servait de rempart interne au régime.

La montée en puissance des régimes nationalistes et des politiques de masse a permis aux armées de prendre de l'ampleur. Les gouvernements de la fin du XIXe siècle avaient désormais moins à craindre de leur propre population que les monarchies absolues du passé ; cela a changé la nature du service militaire et a finalement ramené l'Europe au système des Romains des millénaires passés. Le service militaire était désormais une forme de participation politique de masse, permettant aux conscrits d'être appelés, formés et réintégrés dans la société, le système des cadres de réserve qui a caractérisé les armées pendant les deux guerres mondiales.

En résumé, le cycle des systèmes de mobilisation militaire en Europe reflète le système politique. Les armées étaient très petites à l'époque où l'engagement politique des masses envers le régime était faible, voire inexistant. Rome a déployé de grandes armées parce qu'il y avait une acceptation politique significative et une identité cohésive sous la forme de la citoyenneté romaine. Cela a permis à Rome de susciter une forte participation militaire, même à l'époque républicaine où l'État romain était très petit et la bureaucratie peu développée. L'Europe médiévale avait une autorité politique fragmentée et un sens extrêmement faible de l'identité politique cohésive, et par conséquent ses armées étaient étonnamment petites. Les armées ont recommencé à grossir à mesure que le sentiment d'identité nationale et de participation augmentait, et ce n'est pas une coïncidence si la plus grande guerre de l'histoire, la guerre entre les nazis et les soviétiques, s'est déroulée entre deux régimes dont les idéologies totalisantes ont généré un niveau extrêmement élevé de participation politique.

Cela nous amène à aujourd'hui. Au XXIe siècle, avec son interconnexion et la disponibilité écrasante de l'information et de la désinformation, le processus de génération d'une participation politique et donc militaire de masse est beaucoup plus nuancé. Aucun pays n'a de vision utopique totalisante, et il est indéniable que le sentiment de cohésion nationale est nettement moins fort aujourd'hui qu'il ne l'était il y a cent ans.

Poutine n'aurait tout simplement pas pu procéder à une mobilisation à grande échelle au début de la guerre. Il ne disposait ni d'un mécanisme de coercition ni d'une menace manifeste pour susciter un soutien politique massif. Peu de Russes auraient cru qu'une menace existentielle se cachait dans l'ombre : il fallait le leur montrer, et l'Occident n'a pas déçu. De même, peu de Russes auraient probablement soutenu la destruction de l'infrastructure urbaine et des services publics de l'Ukraine dans les premiers jours de la guerre. Mais aujourd'hui, la seule critique de Poutine à l'intérieur de la Russie est du côté de la poursuite de l'escalade. Le problème avec Poutine, du point de vue russe, est qu'il n'est pas allé assez loin. En d'autres termes, la politique de masse a déjà devancé le gouvernement, ce qui rend la mobilisation et l'escalade politiquement insignifiantes. Par-dessus tout, nous devons nous rappeler que la maxime de Clausewitz reste vraie. La situation militaire n'est qu'un sous-ensemble de la situation politique, et la mobilisation militaire est aussi une mobilisation politique, une manifestation de la participation politique de la société à l'État.

Le temps et l'espace

Alors que la phase offensive ukrainienne avançait dans le nord de Lougansk et qu'après des semaines passées à se taper la tête contre un mur à Kherson, des avancées territoriales avaient été réalisées, Poutine a déclaré qu'il était nécessaire de procéder à des examens médicaux des enfants dans les provinces nouvellement admises et de reconstruire les cours d'école. Que se passait-il ? Était-il totalement détaché des événements sur le front ?

Il n'y a en réalité que deux façons d'interpréter ce qui s'est passé. La première est celle de l'Occident : l'armée russe est vaincue, épuisée et chassée du champ de bataille. Poutine est dérangé, ses commandants sont incompétents et la seule carte qu'il reste à la Russie à jouer est de jeter des conscrits ivres et non entraînés dans le hachoir à viande.

L'autre interprétation est celle que j'ai défendue, à savoir que la Russie se préparait à une escalade et s'est engagée dans un échange calculé dans lequel elle a cédé de l'espace en échange de temps et de pertes ukrainiennes. La Russie a continué à se retirer lorsque ses positions étaient compromises sur le plan opérationnel ou lorsqu'elle était confrontée à un nombre écrasant d'Ukrainiens, mais elle fait très attention à tirer sa force d'un danger opérationnel. À Lyman, où l'Ukraine menaçait d'encercler la garnison, la Russie a engagé des réserves mobiles pour débloquer le village et assurer le retrait de la garnison. L'"encerclement" de l'Ukraine s'est évaporé et le ministère ukrainien de l'intérieur a été bizarrement contraint de tweeter (puis de supprimer) des vidéos de véhicules civils détruits comme "preuve" que les forces russes avaient été anéanties.

Un calme inquiétant émane du Kremlin. Le décalage entre le stoïcisme du Kremlin et la détérioration du front est frappant. Peut-être que Poutine et l'ensemble de l'état-major russe étaient vraiment incompétents, peut-être que les réservistes russes n'étaient qu'une bande d'ivrognes. Peut-être n'y avait-il pas de plan du tout.

Ou peut-être que les fils de la Russie répondraient une fois de plus à l'appel de la patrie, comme ils l'ont fait en 1709, en 1812 et en 1941.

Alors que les loups rôdent à nouveau à la porte, le vieil ours se lève à nouveau pour combattre.

Quoi que l'on pense de lui ou de son projet politique, il est indéniable que Vladimir Poutine se distingue parmi les dirigeants actuels par un attribut qui, s'il était évident il y a cinquante ans, est aujourd'hui perçu comme une rareté politique : il a un plan et un projet pour sa nation. Nous pourrions débattre ici de la question de savoir si ce plan est souhaitable ou non, ou si c'est celui que nous voulons pour le reste des nations existantes. Mais nous n'aborderons pas cette question, principalement parce qu'elle n'intéresse pas Poutine, puisque son plan ne concerne, de son point de vue, que la Fédération de Russie. Pour la réalisation éventuelle de ce plan, Poutine dispose, entre autres moyens et ressources, de pas moins de 6000 têtes nucléaires, ce qui constitue, au moins dans un premier temps, un argument dialectique à prendre en compte.

Cela ne signifie pas que le président russe ignore que ces plans et programmes ne sont pas du goût de ses "partenaires occidentaux", ni qu'ils sont susceptibles de générer des frictions politiques de toutes parts, y compris avec des balles et des fusils. L'Ukraine et ces deux années de mort et de destruction, d'utilisation de la politique par d'autres moyens finalement, en sont un bon exemple.

En parcourant très brièvement les archives des journaux, vous découvrirez de nombreux moments et allusions du président dans lesquels il fait preuve de cette caractéristique. En d'autres termes, où il nous montre ses mauvaises intentions en voulant structurer la planification stratégique nationale en dehors des intérêts occidentaux. En d'autres termes, sans demander la permission à qui que ce soit. La dernière de ses très médiatiques présentations "hors normes", ou de ce qui est "ordonné au reste", est la récente interview qu'il a accordée à l'animateur vedette de la FOX, Tucker Carlson. Poutine s'y est illustré dans ce qui est peut-être le phénomène médiatique de l'année.

Parmi les nombreuses choses que Poutine a dites, l'une d'entre elles a particulièrement retenu notre attention. Il s'agit de la mention des diverses occasions où il a tenté de négocier avec l'Occident des mesures visant à la détente entre les blocs, sans obtenir de réponses favorables de la part de ses homologues à aucune de ces occasions. À cet égard, il a mentionné les entretiens avec les anciens présidents Clinton et Bush (père et fils), auxquels il a proposé des mesures concrètes, y compris l'éventuelle entrée de la Russie dans l'OTAN, recevant, dans un premier temps, des réponses positives de la part de ses interlocuteurs, pour voir ces intentions contrariées peu de temps après.

Ces faits mettent en lumière deux questions très importantes qui éclairent la politique réelle et les mécanismes objectifs qui régissent l'ordre politique international en ce qui concerne les grandes puissances. Premièrement, la puissance hégémonique n'est pas gouvernée par son peuple, représenté en la personne de son président voté et élu ; elle n'est qu'une pièce de plus (importante peut-être, mais pas essentielle) dans un réseau de mécanismes de gouvernance qui transcendent la gouvernance collective tant vantée des démocraties libérales.

D'autre part, ce que nous avons tous cru être la lutte de la démocratie et de la liberté contre la barbarie dictatoriale communiste, cliché favori des cultivateurs d'idéologie et de propagande pendant la guerre froide, cachait une vérité bien différente. En ce sens, ce qu'il convient de dire avec le temps et les faits, c'est qu'une fois le communisme vaincu et "l'histoire terminée" selon Fukuyama, quelle serait la raison politique de maintenir la belligérance avec la Russie ?

En ce sens, certains pourraient faire valoir, et ils n'auraient pas tort, qu'il était nécessaire de maintenir la machine de guerre américaine en état de marche, une source fondamentale de revenus pour le soi-disant complexe militaro-industriel américain, et pour cela, un ennemi visible et crédible sera toujours nécessaire pour justifier le détournement de milliards de dollars des contribuables américains vers les coffres de Boeing, Raytheon, Lockheed Martin et compagnie. Une autre raison, peut-être, est que la bureaucratie américaine avait tissé une toile d'agences gouvernementales pour servir la "cause de la liberté" contre le communisme, qui ont soudainement perdu leur raison d'être et, avec elle, les emplois de leurs travailleurs, dont beaucoup sont liés à des politiciens, qui ne laisseraient guère le fantôme soviétique s'éteindre, même s'il y avait beaucoup de gâteau à partager avec les républiques démembrées et leurs ressources, une fois qu'elles rejoindraient le concert des "nations libres". Ou ce qui, en clair, pourrait se traduire par le concert des satellites de la puissance américaine et de ses acolytes européens.

Même si tout cela est sans doute vrai, il nous semble qu'il y a une autre raison à prendre en compte, qui échappe à la dynamique même des choses palpables, comptabilisables et vendables. Il s'agit de la subtile question culturelle, idéologique dans une certaine mesure, souvent négligée par ceux qui recherchent des éléments structurels (politiques et économiques) pour expliquer les conflits géopolitiques.

Dans ce contexte, Huntington n'avait peut-être pas tort de suggérer un possible choc des civilisations, remettant ainsi en question la "théorie de la fin (de l'histoire)" de Fukuyama. En évitant de simplifier l'histoire à une simple dialectique des perspectives, il est clair qu'une analyse objective et matérialiste ne peut ignorer la présence d'éléments idéologiques et culturels dans les interactions entre les empires, les États et les classes sociales, étant donné que les preuves de leur impact sont accablantes. La confrontation entre l'Ouest et l'Est, la nouvelle Russie s'identifiant à ce dernier en raison de son propre choix et de l'attitude obstinée et stupide de ses adversaires, ne peut s'expliquer uniquement par une concurrence féroce pour les ressources ; il existe également des causes idéologiques liées à des alternatives civilisationnelles qui méritent notre attention. Par "civilisationnel", nous entendons un projet de société politique, de nation et de culture associé à l'existence dans le temps d'un État, qui peut être développé en termes de projets, de plans et de programmes futurs. C'est ce que Gustavo Bueno appelle les "plaques continentales".

Ces projets doivent nécessairement prendre en compte les multiples dialectiques existant entre les différents groupes qui composent la société politique. Cet aspect est crucial et mérite une révision profonde, car il n'est pas possible de construire un projet civilisateur sans tenir compte des différentes idéologies en conflit permanent au sein d'une société, ni en ignorant les origines de ces mêmes idées et projets nationaux, en essayant d'imposer une alternative unique qui corresponde aux besoins ou aux désirs de la classe dirigeante du présent.

Même si, à long terme, l'idéologie dominante peut être la plus commode pour les élites hégémoniques d'une société, d'une classe ou d'un groupe social, même si elle se croit au-dessus de tous les autres, si elle est sage, elle doit toujours reconnaître et comprendre les caractéristiques de ses alternatives au sein de l'État, sous peine de perdre tout contact avec les autres réalités politiques existantes, de mettre en péril la continuité et la stabilité de l'État dans le temps, et donc de s'attaquer imprudemment à elle-même.

Dans ce contexte, que cela nous plaise ou non, la Russie a son propre projet civilisationnel, qui est clairement distinct du projet occidental, qui n'est rien d'autre qu'une extension du projet civilisationnel anglo-américain. Ce dernier, avec sa forte influence culturelle, stimulée par le protestantisme et le libéralisme en tant que forces motrices, conduit ce que l'on pourrait appeler l'"entéléchie démocratisante" ou la "destinée manifeste" américaine, poussant le cours actuel des événements. De même, l'Occident a sa propre perspective sur la société, la politique et la culture en relation avec l'État. Bien sûr, et elle se manifeste sous la forme de la mondialisation, qui vise essentiellement à imposer et à maintenir la domination anglo-saxonne sur l'ensemble de la planète. Mais il reste à savoir si ce projet est souhaitable ou même réalisable, compte tenu de la dialectique matérielle entre États et empires dans le contexte actuel.

C'est là que se trouve le nœud du problème, de beaucoup de problèmes. L'Occident a un projet civilisationnel, oui, mais le problème est qu'il est de moins en moins acceptable pour de nombreuses nations politiques à travers le monde. Pire encore, des alternatives à ce projet occidental ont commencé à émerger, et la Russie est l'une d'entre elles. Il s'agit là d'une question très sérieuse, car elle touche au cœur même du récit de la victoire libérale sur le communisme pendant la guerre froide. Si tel est le cas, la guerre froide elle-même n'était rien d'autre que la manifestation des conflits entre deux projets civilisationnels distincts, qui se sont heurtés sur de nombreux points fondamentaux, non sans manquer totalement d'éléments concordants.

Dans cette bataille, qui n'est pas unique en son genre, l'Occident a utilisé avec précision l'une de ses armes les plus puissantes, surpassant en capacité de destruction tous les arsenaux nucléaires existants. Cette arme, perfectionnée au fil des siècles, a remporté de nombreux triomphes sur des alternatives civilisationnelles auparavant dominantes. Il s'agit de la propagande, un outil véritablement distinctif et caractéristique du pouvoir anglo-saxon. Il s'agit d'une lutte tenace pour le contrôle du récit social, des logiques d'analyse et des idées dominantes du présent. En bref, le contrôle de ce que l'on appelle communément "la vérité". Un exemple classique de son efficacité est l'Espagne, premier cas dans l'histoire où l'artillerie idéologique anglo-saxonne a été déployée dans toute sa puissance.

Toutefois, après des siècles d'utilisation et d'abus de ces mécanismes de diffusion et peut-être de domination idéologique/discursive du récit anglo-saxon, l'environnement médiatique contemporain présente, bien que de manière embryonnaire, des signes notables d'usure. L'interview de Carlson et son impact médiatique quantitatif et qualitatif en sont un bon exemple. Bien que l'interview ait apporté quelques nouvelles informations à ceux qui ne sont pas versés dans la question du conflit de guerre en cours, il est vrai que le phénomène lui-même a été l'interview elle-même et sa popularité. En d'autres termes, la volonté de milliards de personnes d'écouter l'autre camp, non seulement pour savoir ce qu'il pense, mais peut-être aussi pour découvrir s'il existe des alternatives à leur propre point de vue.

Le battage médiatique des plateformes de propagande anglo-américaines et de leurs terminaux européens, les hégémoniques en l'occurrence, a montré précisément le danger réel que les véritables classes dirigeantes voyaient dans ce phénomène. Et ce n'est pas tant ce que Poutine allait dire et si ce serait nouveau ou négatif pour l'Occident, mais le fait qu'il allait soulever, exposer, exposer le fait indéniable qu'il est possible de dire quelque chose de différent du discours hégémonique mondialiste. C'est cela qui est vraiment dangereux, parce que les idéologies s'imposent sous forme de dialectique ou, en d'autres termes, il ne suffit pas de dire que nous sommes les bons, ceux qui sont du bon côté de l'histoire, mais nous devons définir clairement qui sont les méchants, nos ennemis, nos opposés irréconciliables, et établir qu'en dehors de cette dualité, il n'y a rien d'autre. Une idéologie réussit lorsqu'elle parvient à faire en sorte que rien n'échappe au schéma analytique qu'elle a établi, du moins rien de ce qui compte vraiment. Par conséquent, ses lacunes apparaissent lorsque les faits concrets de la réalité dialectique irréductible et obstinée ne peuvent pas être intégrés dans ce cadre binaire.

Au fur et à mesure que la réalité devient plus complexe, même les personnes les mieux endoctrinées par le globalisme officiel commencent à remettre en question, du moins en partie, ces structures d'analyse. L'interview de Poutine par Tucker Carlson a peut-être fait la lumière sur cette question. Le cœur du problème ne réside pas dans la Russie, Poutine, la Chine ou leurs intentions de défier le statu quo occidental. Le défi lancé à l'Occident, à l'"Anglo-Saxonie" et à ses vassaux, dirons-nous, réside plutôt dans le fait que son projet civilisationnel montre des signes de faiblesse interne. En d'autres termes, le déclin est évident, non seulement pour ses ennemis, mais aussi pour ceux qui, en son sein, doivent le valider par leurs croyances, leurs espoirs et leurs actions.

Les causes de ce déclin sont nombreuses et variées, mais l'une d'entre elles est certainement liée à l'incapacité de la classe hégémonique, celle qui, selon Marx, hégémonise l'idéologie dominante, à éprouver de l'empathie pour les besoins et les perspectives des autres groupes et classes au sein des États considérés comme occidentaux, voire à les comprendre. Les milliers de tracteurs qui traversent aujourd'hui l'Europe pour se rendre dans les principales capitales n'en sont qu'un exemple parmi tant d'autres. Le fait que ce soient ces classes qui dominent le discours accepté sur cette "plateforme continentale" rend le récit "officiel" de plus en plus inefficace pour expliquer les réalités auxquelles sont confrontés les multiples groupes sociaux qui, à leur grand regret, partagent le même espace de vie que les élites globocratiques occidentales. C'est cela, et non la prétendue malice de Poutine, qui témoigne véritablement de la fragilité et du déclin de l'Occident. Face à de telles faiblesses, l'histoire s'est montrée impitoyable. Il suffit d'interroger les empires déchus du passé, y compris l'Espagne, pour mieux le comprendre.

Le simulacre guerrier

Le simulacre guerrier

21 mars 2024 (16H40) – Ce que nous voyons est la tentative de simulacre d’une situation guerrière au cœur d’une guerre féroce,  terrible, qui est aux antipodes d’un simulacre ; une tentative du faux pour figurer dans du vrai. C’est là l’œuvre de la France, plutôt de son président, cette poussière de la modernité qui demande à son miroir déformant de lui renvoyer une image guerrière. Pour cette raison, m’a-t-il semblé, il était bon de ne pas réagir de façon trop appuyée, sinon inexistante, aux premières manœuvres de cette futilité grimée en président ; “laisser le temps au temps”, disait l’autre, phrase favorite de l’homo politicus modus-modernus assumant son impuissance, mais pour moi cela prétendrait être cette distance que l’inconnaissance recommande.

Il y a eu des réactions très diverses, bien entendu, – je parle en général hors-presseSystème, pas de temps à perdre, – incroyablement nombreuses sinon encombrées en France, beaucoup moins mais tout de même appuyées en Europe, surtout dans les trois pays stratégiques et surpuissants essentiels que sont les pays baltes, dans les moustaches du président tchèque, et le reste un peu à la dérive, avec certains contre, tout contre, pour animer le bal. Dans le Sud Global, ou MG (‘Majorité Globale’), ce fut une  réaction excitée et absolument prorusse bien entendu, présentant un visage d’unité assorti d’innombrables félicitations à Poutine pour sa réélection, qui devrait être un sujet de préoccupation pour notre vénérable Ancien-Monde.

Et les deux super-puissances militaires ? En Russie, il y eut de très nombreuses réactions à la fois amusées, sarcastiques, provocatrices, humoristiques, etc., parfois même menaçantes Aux USA, certes l’indifférence complète.

« Couard », Macron ? Pauvre trésor

Les Russes, que dirent les Russes, les premiers menacés par la vindicte française ? A la fois des commentaires sérieux et d’autres moins sérieux, ou les deux mélangés, pour une affaire dont nul ne sait si elle est sérieuse ou pas, mais qui pourrait bien le devenir (sérieuse) quoi qu’en veuillent les protagonistes. Vous suivez ?

On sait depuis quelques jours les divers plans envisagés, les effectifs considérés, les missions, etc. C’est la “contre-offensive” ukrainienne en dix fois plus détaillée comme une campagne publicitaire, nous voulons  dire pour ce qui est connu par avance de ce qui ne se fera sans doute pas. Tout cela fait à la fois très sérieux et pas très sérieux. Pour “résumer” et se plonger dans une pensée qui n’aime rien tant que le rationalisme le plus strict, on consultera Anders Korybko dans son texte du 20 mars où l’on parle naturellement d’Odessa :

«  La France cherchera probablement à sécuriser la côte ukrainienne de la mer Noire si elle intervient de manière conventionnelle.

» La Roumanie et la Moldavie, où la France dispose déjà de troupes et vient de signer un pacte de sécurité qui pourrait bientôt aboutir au même résultat, pourraient facilement servir de rampe de lancement à Odessa. »

En fait, le chef du renseignement russe SBR Sergueï Narichkine a largement détaillé ce  qu’il juge être les projets, les moyens, le plan français et ainsi de suite. On vous le dit : on, a rarement eu plus détaillé, Français infiniment plus bavards qu’Ukrainiens, Macron dépassant de cent coudées le stratège de plateau Zelenski.

D’autres doivent être considérés, cette fois ornées d’appréciations intéressantes. Ils sont notamment un données par l’expert russe indépendant bien connu Marc Sleboda, sur le réseau ‘Zvonoda’ le 21 mars

« Mardi, le chef d'état-major de l'armée de terre française, le général Pierre Schill, a déclaré dans un éditorial que ses forces étaient prêtes à répondre aux “engagements les plus durs” et a déclaré que le pays pourrait engager une division de 20 000 soldats dans les 30 jours.

» “Il a tort. L’armée française n’est certainement pas prête à cela”, a déclaré Sleboda, commentant les affirmations du général. “S’ils étaient engagés dans un conflit de haute intensité comme celui dans lequel le régime de Kiev est engagé, tirant beaucoup moins d’obus d’artillerie que la Russie, alors la France disposerait de suffisamment d’obus d’artillerie pour quatre jours de conflit avec la Russie. Quatre jours”, a expliqué Sleboda.

» À titre de comparaison, la Russie compte plus de 600 000 soldats déployés dans la zone d’opérations spéciales, selon les analyses russes et occidentales. “Il est probable que les Français pensent que la Russie ne tirera pas sur ces troupes françaises, [parce qu'elles] portent l'uniforme, de peur de frapper un membre de l'OTAN, même si, bien entendu, l'article cinq de l'OTAN ne s'appliquerait pas”, a déclaré encore Sleboda.

»  Il a ajouté qu’il jugeait que Macron pensait que si des troupes françaises étaient tuées par la Russie, cela créerait davantage de soutien au conflit au niveau national et “aiderait à mobiliser politiquement” d’autres pays européens pour qu’ils se joignent au combat.

» “Je pense que si Macron envoyait ses troupes à Odessa, ce ne serait évidemment pas une force capable d’engager la Russie dans une bagarre sur le champ de bataille, mais plutôt une sorte de force humaine en appat. Ce serait l’équivalent de l’OTAN, comme un chien urinant sur Odessa, la marquant comme territoire de l’OTAN”, a déclaré Sleboda. »

L’OTAN, voilà l’acronyme lâché. Car la France, malgré tout et par-dessus tout, c’est l’OTAN, c’est plus que jamais l’OTAN ! Pourtant l’OTAN a à peine été consultée, pas de réunion spéciale, de rencontrées solennelles d’ambassadeurs, rien de tout cela. Chacun joue son jeu dans son coin, un football-rugby très compliqué. Quoi qu’il en soit, tant pis ; pant pis, pour les Russes les Français, c’est l’OTAN, point final ! Et l’on passe à un niveau supérieur.

Cela donne quelques bonnes occasions d’ironiser à Medvedev, qui avait déjà tweetéX « couard ! » à l’intention de Macron qui a remis une nième fois (deuxième ou troisième ?) une visite prévue à Odessa. Ici, c’est sur ‘Telegram’ :

« En fait, pour le bien de l'affaire, ce serait bien si les Français agités envoyaient quelques régiments à Banderland. Il est très problématique de cacher un tel nombre de militaires et, par conséquent, la question de leur destruction systématique ne sera pas la tâche la plus difficile, mais extrêmement importante.

» Mais quel bénéfice ce serait !

» Avec autant de cercueils qui seront livrés en France depuis un pays étranger et lointain, il est impossible de cacher la mort massive de militaires professionnels. De plus, ici, vous ne pouvez plus ignorer les références au fait que, soi-disant, les mercenaires choisissent eux-mêmes leur sort et disposent du droit à la vie. Ces malheureux deviendront des combattants à part entière au sein du contingent d’intervention.

» Mais pour les coqs que sont les dirigeants français, cela équivaudrait à la guillotine. Ils seront découpés en morceaux par des proches en colère et des représentants malveillants de l'opposition, à qui on a dit que la France n'était pas en guerre contre la Russie. Et pour les autres idiots agités d’Europe, ce sera une bonne leçon, il y a une place pour eux dans les champs de Russie. »

On revient à Sleboda qui s’emploie à observer d’une façon plus ordonnée la signification et les conséquences d’une intervention française. Pour lui, et il n’a pas vraiment tort me semble-t-il, ce sera d’abord une “guerre de l’information”, – ou “de la déformation”,  – essentiellement destinée, pour les vaillants français, au peuples nationaux soumis à l’intense et chaleureuse pression de leurs dirigeants et de leur maestria de faiseurs de simulacres.

« “Bien sûr, avec la mort de troupes de l’OTAN officiellement en uniforme en Ukraine, cela nous amènerait à un tout autre niveau ”, a-t-il prévenu.

» Sleboda a prédit qu'il y aurait “un très grand jeu de guerre de l'information, dont les cibles seront le peuple français” et d'autres États membres de l'OTAN, notant que la Finlande, la République tchèque, les pays baltes et le Canada “ont tous déjà suggéré qu'ils pourraient” rejoindre les Français. »

Villepin fait le ménage

La France, elle, est prise dans un extraordinaire ‘tourbillon crisique’, essentiellement sinon exclusivement destiné à l’information et ensuite à la communication qui se charge de transmettre, comme un canon ‘Caesar’ tirant secs obus de 152 ou 155mm, – selon l’attention portée à la chose par le commentateur, et sa connaissance de ces charmants “jeux de guerre”.

Selon les circonstances, on y assiste à des chasses à courre où résonnent des cris de patriotes guerriers exacerbés criant au nom  de la liberté-chérie les consignes de censure, guerrières et massacreuses s’il le faut, à l’encontre des Infidèles. Face à eux, en embuscades, les rebelles s’emparent épisodiquement du micro et de l’écran pour proclamer bien haut que la vérité n’est pas une chose qui se mégote au gré des censeurs, mais une chose qui se dit et se clame. Pour le personnel politique, droite, gauche, milieu et en-dessous confondus, il s’agit de faire le moins de bruits possibles qui soient en désaccord avec la ligne convenable des choses et la pensée générale assortie de quelques points de suture et autres sparadraps pour étouffer les voies d’eau. Jamais la politique française au bord du désastre n’a ressemblé autant à une colonie de vacances qui s’est trompé de plage.

Enfin, enfin, – qui douterait jamais que notre Talleyrand-Bonaparte ne suive un dessein caché consistant à bousculer le monde sans faire de ronds dans l’eau qui puissent déplaire à l’oncle d’Amérique, surtout le Sam-à-venir avec son, “fric de dingue” ? Pour lui (Talleyrand-Bonaparte) qu’y a-t-il de mieux qu’une sorte de guéguerre-dans-la-guerre avant que surviennent la fameuse cavalerie américaine avec son plan de paix ?

« Pour Bertrand Scholler, analyste interrogé par ‘Spoutnik’ Donald Trump, qui a “de très fortes chances” d'être réélu au poste présidentiel US, “veut la paix”, et cela pousse le dirigeant français à agir vite.

» “Macron et tout ce qu'on appellerait un peu l'état profond, enfin, le monde de la finance, – les gens qui possèdent, entre guillemets, l'Ukraine et qui aimeraient bien posséder aussi les richesses de la Russie, – eux veulent la guerre”, insiste-t-il auprès de Sputnik Afrique.

» Selon l'expert, la plupart des médias français continuent à “conditionner les gens à trouver complètement normal de rentrer dans un bras de fer nucléaire avec la Russie”.

» “C'est très risqué, c'est très sérieux et malheureusement, de plus en plus de personnes qui étaient révulsées par cette idée il y a 10 jours sont convaincues par le poison des médias”, déplore M.Scholler.

» Pour lui, la proposition du Président français est “une espèce de jeu qui dépasse complètement le territoire européen”. »

Tout juste se permettra-t-on de rappeler une intervention du plus brillant commentateur à s’être révélé durant cette crise, j’ai nommé évidemment le ‘old school’ Dominique de Villepin qui fait s’écrouler de rire tout impertinent qui le mettrait en comparaison avec les récentes équipes macronistes de politique étrangère.

On le trouve sur l’excellente émission ‘Ligne Droite’ du 12 mars 2024 (à voir en entier, cela vaut bien un “parcours santé”), et on le retrouve en quelques intenses poignées de secondes sur ce tweetX balancé à l’impassible visage de Cavadas-LCI :

« Que ferons-nous quand la #Russie mobilisera ses alliés et qu’on se trouvera face à des soldats asiatiques, africains, moyen-orientaux ? 

» Si la Russie était isolée ça se saurait, la France est plus isolée que la Russie !

» D’autres fronts peuvent s’ouvrir : alors nous allons faire la guerre comme ça sur les 5 continents ?! »

En attendant Oncle Sam

De certains détails qui précèdent, on a commencé à comprendre une chose : la complète indifférence où se trouvent aujourd’hui les USA pour ce qui se passe en Europe et en Ukraine, et en UE par rapport à l’Ukraine. Certes, il est toujours question des 61 $milliards pour l’Ukraine, mais comme on le dit à la Maison-Blanche de plus en plus autour du vieillard sénile, “si le Congrès finissait par voter, plus de 90% de cette somme serait directement payé aux fournisseurs d’armement aux USA même”. Certains estiment même que le Pentagone, notamment l’US Army, effectuerait par un  jeu d’écriture comptable sa ponction considérable pour payer des fournitures d’envoyées d’ores et déjà à Zelenski depuis il y a plus d’un an.

Dans tous les cas, nous ne devons pas omettre de remarquer ce fait tout à fait remarquable, – étonnant c’est  moins évident. Depuis que ‘Tonia’ Nuland s’est fait virer, Blinken ne parle plus de l’Ukraine, Austin se remet de ses interventions chirurgicales, Lindsay Graham demande à Zelenski de payer ses dettes, et donc en fait personne ne s’intéresse plus fondamentalement à l’Ukraine. On a une réponse, ou une partie de réponse à cette remarque de ce début d’inter-titre qui pouvait sembler paraître une interrogation.

L’UE et l’OTAN, et les escaliers de la Butte

On termine là-dessus, sur une note sérieuse. La situation actuelle, dans sa confusion extrême, nous laisse terriblement à penser. Qui voit-on s’agiter ? Paris, Berlin, Moscou, Washington lorsqu’on parle $milliards, la Ligue des trois puissances baltes, tel et tel président, jusqu’au Zelenski suprême, un général, un amiral, des troupes en marche et des forces en retraite, des animateurs de plateaux et des impertinents du micro, et ainsi de suite. Mais qui parle, en ce temps de crise considérable de l’UE et de l’OTAN ? Tout autant y fait-on allusion pour telle ou telle buvette où quelques ministres de passage s’y puisse rafraîchir.

A-t-on à l’esprit le fantastique travail bureaucratique effectué par ces légions, ces cohortes, ces phalanges, ces ribambelles de fonctionnaires organisant de main de maître ces opérations exceptionnelles que constituèrent les dizaines et dizaines de campagne de sanctions, de mises à niveau des unités, de coopération et de coordination des circulaires et des calibres de fusils d’assaut ? Imaginez-vous ces tempêtes de papier et ces paquets de rapports, ces rangées de chars et ces convois de véhicules blindés prêts à brûler en Ukraine ? Tout cela bien rangé, selon les normes, chargés jusqu’à la gueule de ces chargements d’“âmes poétiques” que tous les manuels bureaucratiques vous recommandent de déployer auprès des peuplades sous-sous-développées, pour les convertir aux charmes envoûtants des démocraties extrêmement avancées ? C’est tout cela qui devait l’emporter dans l’apothéose du 24 février 2022 ! Mille sabords ! Et que reste-t-il de nos amours ? Où se sont envolées nos espérances ?

Je vais vous dire le vrai : ni l’UE, ni l’OTAN (le brav’Stoltenberg est quelque part dans quelque pays-stan, à la conquête d’un nouveau membre pour il ne sait quelle âme poétique à conquérir), – aucune de ces deux vibrantes organisations n’occupe une place de choix, centrale encore moins, dans l’actuelle partie en cours. Pfffuiitttt, disparues ! On ne discute qu’entre capitales, entre nations, entre dirigeants nationaux, on se fait des alliances à tort et à travers qui bousculent tontes les lignes convenues de l’UE et de l’OTAN. Les sanctions ? Ah oui, les sanctions, on les laisse de côté, réservées au Salon du Rire, au Musée des Erreurs. Les armements ? On les stocke à l’abri, pour que les Russes ne les dézinguent pas avec leurs hypersoniques déloyaux, qui tirent plus vite que leur ombre et que leur nombre, et on les met bien en pile, bien rangés aux côtés des piles de Covid qui jamais ne servirent sinon à soigner par erreur des fournées de blessés revenus du front ukrainien.

Ne dit-on pas que la von der laHyène va partir en cure à Baden ? Elle y retrouvera Stoltenberg, en bout de mandat, qui a besoin de quelques ragouts de navets pour se redonner des couleurs. Et tous les autres, tous les fonctionnaires anonymes et globalistes, ceux qui devaient faire éjaculer le monde, oui madame ! Rien du tout, on rentre chez soi, la queue basse si j’ose dire, retour du ‘Gala des Vaches’... Les fonctionnaires du monde nouveau ont perdu, désormais, comme je les vois ; ils n’ont pas assez médité les paroles de Jean Renoir que leur chantait la magie de Cora Vocaire ; ils n’ont pas trouvé d’amour assez fort, ni pas d’amour du tout, pour leur faire gravir leur longue marche de la Butte en Ukraine...

« Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux

» Les ailes des moulins protègent les amoureux... »

Serge Halimi et la catastrophe de la presse française

Serge Halimi et la catastrophe de la presse française

La presse française est une catastrophe. Elle pousse à la guerre (pardon, à la fermeté) nucléaire contre la Russie, au Reset, à l’aberration écologique, à la censure et à la fin des libertés, comme elle poussait au si oublié virus, au si oublié vaccin et à la chasse aux vaccinés. Serge Halimi, dont je vais reparler, a dénoncé récemment le rôle honteux et toxique de cette usine à torchons subventionnée dans les massacres de Gaza, rôle qui va déboucher sur la venue au pouvoir de Le Pen dont on verra si elle est aussi bien tenue en laisse que Meloni en Italie (l’extrême-droite aura fait tous les trottoirs depuis vingt ans).

Mais on aurait tort de croire que cela vient du seul Macron et des milliardaires possesseurs de journaux. Son mal vient de plus loin à cette presse, dirait Jean Racine – auquel on adjoindra Augustin Cochin qui parle de « Terreur sèche » intellectuelle au siècle des Lumières. 

Car la France est depuis toujours un pays conditionné. On le voit bien en relisant sans les œillères scolaires Molière ou La Bruyère. Le bourgeois, le dévot, le malade imaginaire, la femme savante, le sot savant, l’escroc médecin, le pédant-expert, l’hypocrite, la précieuse, sont des mines pour qui sait voir ; et la crise du Covid marquée par la dictature et la tartuferie sanitaire, revêt un caractère très français. Taine ou Tocqueville avaient tout dit. Centralisation, pouvoir royal, révolution, empire, radical-socialisme ont pavé la voie de la soumission jacobine de la masse (voyez mes textes sur le sujet) et l’esprit libre souvent ne comprend pas sa solitude.

La presse française, qui appartient à quelques oligarques (dont Bernard LVMH, qui pèse aujourd’hui MILLE milliards…de francs) et est subventionnée à hauteur de 500 millions d’euros tant elle dégoûte les Français, aura été crasse et ignoble depuis le début de l’histoire vaccinale : affolement, confinements, masques, vaccins, meurtres de masse, passes sanitaires, chantage et menaces, elle nous aura tout imposé.

Malheureusement il n’y a rien de nouveau sous le sommeil : depuis les années Mitterrand (voir le livre de mon éditeur – chez Albin Michel – Thierry Pfister) et le passage du col Mao au Rotary (Guy Hocquenghem) nous sommes dans un présent permanent d’omerta (Sophie Coignard), d’abjection et de désinformation sous contrôle de la mafia d’État (Vincent Jauvert). Ils sont là pour enrichir les riches et pour empoisonner les Français. Les cent français les plus riches tiennent 40% du PNB aujourd’hui. 

La presse et la télé sont vilipendées parfois pour leur rôle. Mais elles sont toujours comme ça. Rappelons donc la belle étude de Serge Halimi sur les nouveaux chiens de garde qui est un livre méritant de traverser les siècles ou tout au moins les décennies.

C’est que les gens dont nous parlons sont des chiens de garde. Et quels dobermans ! Et quels rottweilers ! Relisons ce maître-livre de Serge Halimi, trublion du Monde diplomatique, qui rappelait dans son documenté pamphlet que le journaliste est avant tout un enthousiaste qu’on n’a besoin ni d’acheter ni de programmer :

« La censure est cependant plus efficace quand elle n’a pas besoin de se dire, quand les intérêts du patron miraculeusement coïncident avec ceux de « l’information ». Le journaliste est alors prodigieusement libre. Et il est heureux. On lui octroie en prime le droit de se croire puissant. Fêtard sur la brèche d’un mur de Berlin qui s’ouvre à la liberté et au marché, petit soldat ébloui par l’armada de l’OTAN héliportant au Kosovo la guerre « chirurgicale » et les croisés de l’Occident, avocat quotidien de l’Europe libérale au moment du référendum constitutionnel : reporters et commentateurs eurent alors carte blanche pour exprimer leur enthousiasme. Le monde avait basculé dans la « société de l’information », avec ses hiérarchies « en réseau », ses blogs et ses nouveaux seigneurs. »

La presse rappelait Halimi était chargée d’encenser Davos :

« Le capitalisme a ses charités, ses philanthropes dont la mission est d’enjoliver un système peu amène envers ceux qu’il ne comble pas de ses bienfaits. La presse trône au premier plan de ces campagnes de blanchiment. Ainsi, Davos, autrefois conclave des « global leaders » soucieux de « créer de la valeur » pour leurs actionnaires, serait presque devenu un lieu de virée pour patrons copains et citoyens. »

Depuis, le conclave ploutocrate veut comme on sait éliminer le mangeur inutile. 

Halimi tacle au passage l’effarant Joffrin (qui ne nous fait pas regretter July, le totalitarisme soixante-huitard ne cessant de muter et s’empirer comme un… virus) :

« N’accablons pas Laurent Joffrin. Lui qui, pendant les années Reagan, célébra les États- Unis et le libéralisme (l’émission « Vive la crise ! » fut en partie son œuvre) n’a fait que traduire à sa modeste échelle ce que, sous la double pression de la concentration capitaliste et d’une concurrence commerciale favorisant le conformisme et la bêtise, le journalisme est devenu presque partout : creux et révérencieux. »

La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, disait le grand géographe marxiste Yves Lacoste. La presse encore plus, surtout dans une puissance belligène et coloniale :

« Pendant les guerres, la presse se soucie moins de consensus, de pédagogie, de complexité, et davantage de réchauffer l’ardeur des combattants. Presque tout a été dit sur l’effondrement de l’esprit critique lors de la guerre du Golfe où, mis à part L’Humanité et La Croix (par intermittence), chacun des directeurs de quotidien se plaça au service de nos soldats. Quasiment unanimes, les hebdos, radios et télévisions firent chorus, se transformant en classe de recyclage pour officier au rancart vaincu en Algérie trente ans plus tôt et soucieux de prendre, dans les médias, sa revanche sur les Arabes. »

Halimi souligne cette haine pathologique du peuple. On la sentit venir en 1992 au moment de Maastricht. Juste là confinée au nationaliste pauvre (raciste, fasciste, nazi, antisémite, etc.), cette haine se communiqua à tout le peuple de gauche, du centre ou d’ailleurs :

« En 1992, la campagne du référendum sur le traité de Maastricht répéta les « dérives » observées pendant la guerre du Golfe. Là encore, beaucoup de choses se conjuguèrent : la volonté d’encourager l’élite éclairée qui construit l’avenir (« l’Europe») alors que le peuple ne sait qu’exhaler ses nostalgies, sa « xénophobie » et ses « peurs » ; la préférence instinctive pour les options du centre, surtout lorsqu’elles s’opposent aux extrêmes « populiste » et « nationaliste » ; enfin la place accordée aux avis des experts et des intellectuels, eux aussi particulièrement sensibles aux ressorts précédents. Intelligence contre irrationalité, ouverture contre repli, avenir contre passé, ordre contre meute : tous ces fragments d’un discours méprisant de caste et de classe resurgirent au moment du référendum de mai 2005 sur le traité constitutionnel européen. »

Et comme on continue de chercher la petite bête immonde ici et ailleurs, Halimi rappelle :

« Il a fallu attendre la fin du second septennat de François Mitterrand pour découvrir que l’ancien président de la République avait, sciemment et longtemps après la guerre, continué à fréquenter un haut dignitaire de Vichy impliqué dans les basses œuvres de ce régime, qu’il avait envoyé à la guillotine des militants de l’indépendance algérienne…Tant d’enquêteurs et tant de journaux se prétendant concurrents pour arriver à ce résultat-là ! »

La guerre contre la Russie, le massacre à Gaza, la liquidation des classes populaires, l’Europe techno-tyrannique, elle en raffole cette presse, aussi folle que l’élite qu’elle sert. Mais comme le remarquent Tolstoï ou Dostoïevski, le bourgeois croit toujours ce que dit sa presse…

 

Sources

https://www.monde-diplomatique.fr/2024/02/HALIMI/66560

https://lejourdapres.parlement-ouvert.fr/uploads/decidim/attachment/file/200/Halimi-Les-nouveaux-chiens-de-garde.pdf

https://www.dedefensa.org/article/leon-tolstoi-et-les-joyeux-debuts-du-bobo

Boeing, ou l’‘American Way of pourriture’

Boeing, ou l’‘American Way of pourriture’

• Un “suicide” d’un “lanceur d’alerte” de chez Boeing qui ressemble évidemment et d’une façon hurlante à une exécution. • Une fois de plus, Boeing est à la tête du pourrissement américaniste. • Avec ‘WSWS org’.

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Encore une excellente enquête de ‘WSWS.org’, débarrassée de ses exaspérantes scorries trotskistes. Il s’agit du “suicide” d’un lanceur d’alerte de chez Boeing, en pleine série de déposition dans le cadre d’une action civile contre l’avionneur américaniste plongé dans une série d’accidents suspects mettant à nouveau en cause le 737 MAX, mais aussi d’antres modèles. John 'Mitch' Barbett, 62 ans, avait passé 37 ans chez Boeing comme responsable de la qualité du travail et avait démissionné en 2017 pour protester contre le relâchement évident des normes qualitatives.

L’affaire des 737 MAX (nombreux articles sur ce site en 2019, comme ceux du 14 mars 2019, du 5 septembre 2019, du 3 novembre 2019, etc.) ne le démentit certainement pas. Au reste, tout cela remonte beaucoup plus loin et a son origine, dans sa phase d’hyper-corruption, dans la fin de la Guerre Froide et l’hybris exceptionnaliste qui a plongé les USA dans l’ivresse.

L’article de Bryan Dyne de ‘WSWS.org’ du 18 mars 2024 a l’avantage de détailler les causes du pourrissement du cas Boeing et de toute l’industrie d’armement (à côté de Boeing et de son 737 avec ses divers autres scandales [777 et 787], Lockheed Martin a son JSF/F-35, Raytheon son ‘Patriot’, etc. : chaque géant du domaine à son trophée de pourriture à brandir). Dyne met bien en évidence les causes de la dégradation de l’industrie d’armement :

• La corruption, bien entendu, qui est florissant aussi bien dans l’industrie qu’auj Pentagone où tous les généraux sont recasés à leur retraite dans les Conseils d’Administration grassement rémunérés des grands fournisseurs d’armements ;

• La ‘financiarisation’, qui mit l’aspect qualitatif complètement au second plan et gonfla monstrueusement les coûts à partir de la moitié des années1990 ;

• Le technologisme qui constitua l’ivresse annexe des techniciens et des ingénieurs et contribua largement à la tendance générale en y ajoutant l’inefficacité de l’hyper-complexité, comme on le constate chaque jour en Ukraine...

Tout cela construit une perspective d’effondrement de la puissance US. L’article met à côté, en évidence, les méthodes de gangstérisme extraordinaires employées avec l’élimination systématique des témoins gênants et autres “lanceurs d’alerte”, cela bien entendu dans ce domaine de l’armement comme dans tous les domaines du capitalisme dégénéré. Il est vrai qu’il suffira aux âmes bien faites et bien rangées d’opposer à ce déluge de pourriture le visage de Navalny qui, aussitôt, rehausse la vertu de l’Amérique aux sommets qu’elle n’aurait jamais dû quitter.

Du travail bien fait, et une démonstration de plus du « lugubre crépuscule de l’Occident », qui dégage une puanteur difficilement soutenable.

L’article est donc du 18 mars 2024, , sur ‘WSWS.org’.

dde.org

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“Suicide” type-Boeing

On a déclaré que la mort du lanceur d’alerte de Boeing John «Mitch» Barnett, ancien employé de l’entreprise aérospatiale âgé de 62 ans, était un suicide deux jours après qu’il a été retrouvé mort dans un camion garé dans le hall d’un hôtel. Il y a de nombreuses raisons de mettre en doute cette version des faits.

À ce moment-là, Barnett était en pleine déposition à Charleston (Caroline du Sud) où il témoignait dans le cadre d’une action civile qu’il menait contre Boeing. Barnett a travaillé pour Boeing en tant que responsable de la qualité pendant la majeure partie de ses 32 années de carrière, au cours desquelles il a soulevé de nombreuses et sérieuses questions sur la sécurité de l’avion commercial de Boeing 787 Dreamliner. Dans ce procès, Boeing est accusé de l’avoir harcelé au travail, d’avoir bloqué toute promotion et de l’avoir finalement forcé à quitter l’entreprise dix ans avant la date prévue de son départ en retraite.

Barnett a effectué deux jours de déposition les 7 et 8 mars et, selon ses avocats Rob Turkewitz et Brian Knowles, il était fatigué mais déterminé à faire sa troisième et dernière journée de déposition. Lorsqu’il n’est pas apparu au tribunal le 9 mars et qu’il n’a pas répondu à leurs appels téléphoniques, les avocats de Barnett ont appelé l’hôtel où il séjournait pour vérifier son état. Les employés de l’hôtel ont trouvé Barnett mort d’une blessure par balle à la tête.

Le coroner du comté de Charleston a conclu que la cause du décès était « une blessure auto-infligée», et un rapport de police a indiqué que les agents avaient trouvé «un morceau de papier blanc ressemblant à une note» près du corps de Barnett. Toutefois, les avocats de Barnett ont immédiatement contesté l’affirmation que la mort de leur client était un suicide. Ils ont publié un communiqué où ils déclarent:

« Nous n’avons vu aucune signe qu’il allait mettre fin à ses jours. Personne ne peut le croire. La police de Charleston doit mener une enquête complète et précise et en informer le public. Aucun détail ne doit être négligé ».

Un commentaire plus révélateur est venu d’une amie de la famille de Barnett, Jennifer, qui a déclaré à une chaîne d’ABC le 15 mars que Barnett l’avait prévenue: « S’il m’arrive quelque chose, ce n’est pas un suicide».

Dans un monde fondé sur la raison, la justice et la protection du public, la révélation stupéfiante de Jennifer aurait été le point de départ d’une enquête sur d’autres causes expliquant la mort de Barnett. Au lieu de quoi les grands médias ont pour la plupart omis de rapporter cette déclaration, alors même qu’ils continuent d’évoquer les diverses quasi-catastrophes ayant impliqué des avions Boeing au cours des derniers mois.

Il convient de comparer la mort de Barnett et ses conséquences à celle de l’opposant russe Alexei Navalny, retrouvé mort dans sa cellule en février. Les médias, ainsi que le président Joe Biden, se sont empressés de déclarer — sans aucune preuve — que la mort de Navalny était l’œuvre du président russe Vladimir Poutine.

Pourtant, lorsqu’il y a plus de preuves qu’il n’en faut pour suggérer un acte criminel envers un lanceur d’alerte de Boeing, ces preuves sont ignorées.

Barnett dénonçait depuis longtemps les pratiques dangereuses et négligentes de Boeing suite à son départ de l’entreprise en 2017. Dans diverses interviews, il avait décrit comment Boeing avait compromis le contrôle de la qualité de manière «catastrophique» pour les passagers de ses avions. L’objectif primordial, selon Barnett, était de «remplir la caisse».

Dans une interview accordée au Corporate Crime Reporter, Barnett a mis en lumière le rôle des relations militaires de Boeing, héritées de sa fusion avec McDonnell Douglas en 1997. «Toute l'équipe est venue... du côté militaire», a-t-il déclaré. «Leur devise était: nous sommes à Charleston et nous pouvons faire tout ce que nous voulons. Ils ont commencé à faire pression sur nous pour que nous ne documentions pas les défauts, que nous travaillions en dehors des procédures, que nous permettions que du matériel défectueux soit installé sans être corrigé».

Les catastrophes les plus tristement célèbres des avions Boeing restent les crashs meurtriers des avions 737 Max-8 en octobre 2018 et mars 2019 qui ont tué les 346 passagers et membres d’équipage à bord des deux avions sinistrés. Les deux crashs ont été causés par un logiciel relativement peu connu, le Système d’augmentation des caractéristiques de manœuvre (initiales anglaises MCAS).

Des documents fuités et des auditions au Congrès ont révélé que les dirigeants de Boeing savaient que le MCAS pouvait provoquer des accidents en forçant l’avion à piquer du nez, déactivant le contrôle du pilote. Le géant de l’aéronautique a néanmoins continué à installer ce logiciel sur tous ses nouveaux avions. La direction a également fait tout son possible pour dissimuler l’existence du système aux pilotes, aux compagnies aériennes et aux autorités de réglementation, jusqu’à ce qu’elle soit contrainte de l’admettre suite au premier accident. Mais même alors, Boeing a insisté pour dire que les avions Max 8 étaient sûrs, jusqu’au deuxième accident, qui a déclenché l’immobilisation des avions au sol dans le monde entier.

Aucun dirigeant n’a jamais été jugé pour avoir mis au point et déployé un avion défectueux et mortel. Les enquêtes fédérales ont permis à Dennis Muilenburg, alors PDG, et à David Calhoun, actuel PDG, de s’en tirer à bon compte. Muilenburg a gagné plus de 80 millions de dollars pendant qu’il était PDG, et Calhoun a gagné 22,5 millions de dollars rien qu’en 2022.

Boeing joue un rôle majeur dans l’économie américaine et dans le complexe militaro-industriel des États-Unis. C’est l’un des plus grands fabricants et exportateurs du pays, et l’un des principaux fournisseurs des énormes quantités de matériel de guerre achetées par le gouvernement américain. Personne ne devrait douter qu’il est capable de défendre ses profits et les intérêts de l’impérialisme américain par tous les moyens nécessaires, y compris en réduisant au silence un trublion.

Barnett n’est pas le premier à connaître une fin suspecte juste avant de fournir des preuves potentiellement accablantes contre une force cruciale du capitalisme américain.

Le journaliste Michael Hastings a été retrouvé mort après avoir percuté un arbre à 160 km/h alors qu’il enquêtait sur John Brennan, alors directeur de la CIA. Son dernier article, «Why Democrats Love to Spy On Americans » (Pourquoi les démocrates aiment espionner les Américains), a été publié par BuzzFeed le 7 juin 2013, 11 jours avant sa mort.

Seth Rich, collaborateur du Parti démocrate, soupçonné d’être à l’origine de la fuite de 20.000 courriels du Comité national démocrate montrant une corruption extraordinaire en faveur de la campagne d’Hillary Clinton, a été abattu lors d’une agression pour vol apparente en juin 2016.

Le financier et trafiquant de sexe Jeffrey Epstein a été retrouvé mort dans sa cellule de prison en août 2019 après que des enquêtes sur ses activités eurent menacé de révéler les liens sordides avec des cadres et hommes politiques de haut niveau aux États-Unis et dans le monde.

Dans tous les cas, les médias d’entreprise élaborent une histoire politiquement acceptable pour la bourgeoisie: accident de voiture, vol qui a mal tourné, suicide par pendaison. Il n’y a pas d’enquête sérieuse ni de suivi, que ce soit par la police ou par ceux qui se prétendent «journalistes».

Il ne fait aucun doute que Barnett avait davantage de choses à dire qui auraient permis de démasquer plus encore la criminalité des dirigeants de Boeing et du capitalisme américain dans son ensemble. Le géant de l’aviation commerciale et militaire ne reste en activité que parce qu’il est protégé à tous les niveaux par les régulateurs fédéraux, dont les sanctions en cas de pratiques mortelles se limitent à une simple tape sur les doigts ; et par les hommes politiques qui font des lois permettant la production de machines aussi complexes que des avions pratiquement sans contrôle.

Ces forces sont elles-mêmes au service des banquiers de Wall Street et des dirigeants de sociétés qui constituent l’oligarchie aux États-Unis et dans le monde. Pour eux, la guerre et l’extraction de profits priment sur les questions de sécurité et de protection de la vie humaine.

(Article paru en anglais le 18 mars 2024)

Perspectives d’extension de la guerre

Perspectives d’extension de la guerre

• Le poste de Secrétaire Général de l’OTAN (‘leadership de l’alliance, pour faire court),  cela s’achète : une énorme base en Roumanie est un prix acceptable. • Le président roumain Iohannis, au terme de son mandat, a donc absolument toutes les qualités  requises pour faire un excellent chef de guerre dans son fauteuil à Evere. • La base devant être grande, sinon monstrueuse, et coller aux régions russe, représentera une nouvelle “menace existentielle” contre la Russie. • Il ne faut pas s’attendre que nous nous en tiendrons à l’Ukraine : nous aurons cette guerre avec l’OTAN.

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A tous ceux qui attendent et espèrent avec une passion rationnelle une solution, soit négociée, soit arrangée, du conflit ukrainien, – bonne chance et que Dieu les garde. Les faits et intentions se multiplient pour nous faire attendre le contraire : non seulement en Ukraine mais au-delà, vers les pays de l’OTAN.

Et les mêmes “ceux” qui comptent sur l’Article 5 pour faire du bloc-OTAN une impénétrable forteresse de solidarité armée, nous leur recommandons de lire attentivement l’Article 5. Il signifie que la solidarité, dont la manifestation est du jugement de chacun, va de l’intervention massive armée pour secourir l’ami en danger (dernière option envisagée !) aux bons vœux pieux pour s’en sortir, éventuellement avec l’envoi de cinq (référence à la numérotation de l’Article) infirmiers pour aider aux soins médicaux. Nous en avons souvent parlé pour pouvoir le rappeler dans son exacte signification :

« Pour rappel, toujours, ce fameux article, avec notre propre souligné en gras: “Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.” »

Oh, que la base est jolie

Si nous commençons ce commentaire de deux articles sur le projet de formation en Roumanie d’une base massive quasiment (dite, – nous ne le dirons qu’une fois, – Mikail Kogaliceanu) sur la frontière de régions russes ou russophones, c’est parce que nous sommes intimement persuadé que l’Article 5 sera un jour, pas très lointain, d’une brûlante actualité. Nous nous trouvons, dans ce cas, non pas dans le cadre d’un plan d’une guerre antirusse poursuivie par l’OTAN volant de victoire en victoire, mais dans le cadre de l’avancement aveugle d’une bureaucratie toute tournée vers l’expansion et totalement indifférente à la succession aussi méthodique qu’une Messe de Bach de catastrophes toutes éclairées de la lumière aveuglante du lugubre crépuscule de l’Occident.

Le premier texte décrit ce que sera cette base et quelles seront ses conséquences militaires, et le second, de Dimitri Babich, les causes essentielles, disions “stratégiques” pour fleurir notre propos, qui se résument simplement à permettre au président roumain Klaus Iohannis, en fin de mandat, d’emporter le jackpot et de devenir Secrétaire Général de l’OTAN. Nous volons à très haute altitude dans les sphères de la pensée stratégique et des capacités militaires et diplomatiques.

Quelles seront les caractéristiques et les conséquences de cette base ? Dans le premier texte, Ekaterina Blinova a interrogé Leonid Rechetnikov, lieutenant général à la retraite du Service russe de renseignement extérieur (SVR). Quant aux caractéristiques techniques de cette base, qui sera énorme (deux fois la surface de la base principale de l’USAF en Europe, Ramstein en Allemagne), otanienne et bien entendu américaniste jusqu’en bout de piste, la première en importance de la région Sud de l’Europe, voire de l’Europe, mais quasiment collée à la frontière russe par le biais de région russophone de Moldavie et sa proximité de la Crimée :

« Cette [base] pose certainement un défi sérieux à la sécurité de la Russie, aux activités des forces armées russes dans la région de la mer Noire, ainsi qu'aux relations de la Russie avec la Turquie en ce qui concerne la politique d'indépendance ou d'autonomie [d'Ankara] au sein de l'OTAN. Il s'agit d'une tentative très sérieuse des États-Unis et de l'OTAN de contrôler une vaste région... »

Pour ce qui concerne les effets de cette base sur la stratégie et les efforts militaires de la Russie en Ukraine, – pour l’instant, et nous disons bien “pour l’instant”, – ils seront d’une intensification maximale des efforts militaire en Ukraine et de la nécessité de conduire tous les objectifs de l’Opération Militaire Spéciale à leur terme, – et peut-être même, s’il le faut et c’est notre avis, bien au-delà...

« “Ce sera une réponse puissante si nous garantissons la sécurité des nouveaux territoires russes, si nous retirons Kiev du jeu et si nous atteignons les objectifs que Poutine a proclamés il y a deux ans, – démilitarisation, dénazification de ce que sera l'Ukraine une fois que nous aurons achevé le processus de paix. libération des territoires qui font déjà partie de la Russie, ainsi que de ceux qui sont historiquement des territoires russes”, a suggéré Rechetnikov.

» Le lieutenant général à la retraite a souligné que la Russie n'avait d'autre choix que d'accomplir ses tâches principales en Ukraine ; sinon, la présence élargie de l’OTAN en Europe de l’Est et du Sud constituera non seulement une menace militaire stratégique mais aussi une menace existentielle pour la Russie en tant qu’État souverain et intégral. »

Si nous rappelions plus haut la véritable signification de l’Article 5, c’est parce que cette base marque la volonté aveugle de la bureaucratie militaro-politique de l’OTAN de poursuivre ses efforts d’encerclement agressif de la Russie, quoiqu’il arrive en Ukraine, et bien que cela devrait conduire quasi-automatiquement à des incidents d’intervention de pays de l’OTAN, notamment limitrophes et en tant que tels, et par conséquent à une riposte russe dans ces pays de l’OTAN.

La réélection triomphale de Poutine et ce qu’elle a montré de conviction populaire que la Russie est en guerre existentielle et que rien ne doit entraver sa riposte, signifient que la président russe abandonnera de plus en plus sa prudence envers les pays de l’OTAN, limitrophes et plus lointains, donc que la guerre s’étendra. On verra alors combien l’Article 5 interprété par chacun selon son humeur, après la défaite en Ukraine, est de loin le plus grand diviseur commun, jusqu’à l’éclatement, de l’alliance atlantique. Le crépuscule sera encore plus lugubre qu’on croit pour l’instant.

“L’éclatement de l’alliance atlantique” ? En effet, face à cette prospective terrible évoquée à l’occasion de la base en Roumanie, on trouve des pays, États-Unis en tête, – mais ceux-là, surtout si Trump est élu, se dégagerons bien vite du piège européen, – lancés dans un effort de réarmement qui se heurte à une extraordinaire impuissance non seulement économique mais également technologique qui confirmeront le danger également “existentiel” pour l’Ouest d’affronter l’armée russe. Sur ce dernier point de l’ikmpuissance technologique, on doit avoir à l’esprit le cas des missiles hypersoniques russes et de la “riposte“ US :

«  Mais rien ne se fait vraiment dans une Amérique paralysée dans une sorte d’absurde jeu de haines antagonistes. Voyez combien les alarmes à propos des armes hypersoniques russes du général Cotton, chef de STRATCOM (Strategic Command) en mars 2024, ressemblent à celle du général Hyten, chef de STRATCOM en mars 2018 : rien n’a été fait. »

Deux articles se suivent ci-dessous, de ‘SputnikNews’, l’un de Ekaterina Blinova (« Comment la nouvelle base de l’OTAN en Roumanie donne d’autant plus de motil à la Russie à gagner en Ukraine »), le second de Dimitri Babich (« La nouvelle base de l’OTAN en Roumanie est un moyen pour Klaus Iohannis d’obtenir le leadership de l’alliance »).

dedefensa.org

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On prepare la baston post-Ukraine

La Roumanie a commencé à construire ce qui pourrait devenir la plus grande base européenne de l'OTAN, près de la ville portuaire de Constanta, sur la mer Noire. Comment la base pourrait-elle affecter la sécurité de la Russie ?

La Roumanie a lancé un projet de 2,7 milliards de dollars visant à agrandir la 57e base aérienne de l'armée de l'air roumaine Mikhail Kogalniceanu afin d'accueillir jusqu'à 10 000 soldats de l'OTAN, ainsi que de nouvelles pistes, plates-formes d'armes et hangars pour avions militaires. La base modernisée devrait avoir un périmètre total de 30 kilomètres et couvrir une superficie d'environ 3 000 hectares.

“L'OTAN a mené et poursuit une politique d'expansion de son influence dans les zones qui constituent une menace pour la Russie. Hormis les bases au Kosovo, que les Américains ont construites au cours des dix dernières années, il n'y a jamais eu d'installation aussi sérieuse dans le Balkans”, a déclaré à Sputnik Leonid Reshetnikov, lieutenant général à la retraite du Service russe de renseignement extérieur (SVR).

Située près du port de Constanta sur la mer Noire, la nouvelle base de l'OTAN sera construite à seulement 130 km de la frontière ukrainienne et à environ 300 km de la ville portuaire d'Odessa. Cela signifie que l'alliance transatlantique se rapprocherait encore plus de la Russie, étant donné que la République de Crimée partage une frontière maritime avec la Roumanie.

"Maintenant, ils se rapprochent simplement de nos frontières", a poursuivi le vétéran du renseignement. "Il existe de facto une frontière maritime entre la Roumanie et la Russie. C'est pourquoi une immense base est en cours de construction pour contrôler la région de la mer Noire, la partie russe, la côte du Caucase, les détroits ainsi que la Turquie."

Au cours des dernières décennies, les États-Unis et l’OTAN ont construit une série de petites bases de départ dans les anciens pays du Pacte de Varsovie, situés sur la côte de la mer Noire. Cependant, la nouvelle base vise à étendre le contrôle de l'OTAN sur la mer et les régions voisines, selon Reshetnikov.

« Cette [base] pose certainement un défi sérieux à la sécurité de la Russie, aux activités des forces armées russes dans la région de la mer Noire, ainsi qu'aux relations de la Russie avec la Turquie en ce qui concerne la politique d'indépendance ou d'autonomie [d'Ankara] au sein de l'OTAN. Il s'agit d'une tentative très sérieuse des États-Unis et de l'OTAN de contrôler une vaste région", a déclaré le lieutenant général à la retraite.

Le vétéran du renseignement a précisé qu'une fois la base construite, l'OTAN sera en mesure de maintenir le contrôle des domaines aérien et terrestre tout au long de la région de la mer Noire, de la Turquie à la Roumanie. Il a averti que la Crimée, la mer d'Azov et ses côtes seraient à portée de frappe de la nouvelle base de l'OTAN, ainsi que la région russe de Krasnodar et l'Abkhazie.

La Russie peut néanmoins contrebalancer la menace posée par les nouvelles installations de l'OTAN en Roumanie en renforçant sa présence militaire dans ses régions du sud-ouest et en atteignant les objectifs de l'opération militaire spéciale, selon Reshetnikov.

"Ce sera une réponse puissante si nous garantissons la sécurité des nouveaux territoires russes, si nous retirons Kiev du jeu et si nous atteignons les objectifs que Poutine a proclamés il y a deux ans - démilitarisation, dénazification de ce que sera l'Ukraine une fois que nous aurons achevé le processus de paix. libération des territoires qui font déjà partie de la Russie, ainsi que de ceux qui sont historiquement des territoires russes", a suggéré Reshetnikov.

Le lieutenant général à la retraite a souligné que la Russie n'avait d'autre choix que d'accomplir ses tâches principales en Ukraine ; sinon, la présence élargie de l’OTAN en Europe de l’Est et du Sud constituera non seulement une menace militaire stratégique mais aussi une menace existentielle pour la Russie en tant qu’État souverain et intégral.

Ekaterina Blinova

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Une base contre un poste de Secrétaire Général

'intention de la Roumanie de construire la plus grande base de l'OTAN en Europe, près de l'Ukraine, coïncide avec la tentative du président Klaus Iohannis de diriger le bloc.

Les projets de la Roumanie visant à construire la plus grande base de l’OTAN en Europe ont immédiatement suscité beaucoup d’intérêt. Il y a une raison à cela : située au bord de la mer Noire, au nord-est du pays, à la frontière de l’Ukraine, la base Mihail Kogălniceanu peut être considérée comme un symbole de l’expansion de l’OTAN vers l’est.

Mais comment expliquer le timing du projet : pourquoi les projets de construction d’une base de l’OTAN plus grande que Ramstein (Allemagne) ou Aviano (Italie) ont-ils été dévoilés maintenant ? Et pourquoi a-t-on décidé de charger un pays relativement pauvre d’un projet d’une telle envergure ?

Détail intéressant : la nouvelle de la « finalisation » du projet, en préparation depuis longtemps, est arrivée à un moment exceptionnellement bon pour le président roumain sortant Klaus Iohannis. Quatre jours plus tôt, il avait annoncé sa candidature au poste de secrétaire général de l'OTAN.

Iohannis a officiellement présenté sa candidature dans un article écrit pour Politico, un média américain avec une édition européenne. Le 12 mars, il a publié un article intitulé « Président roumain : une vision pour l’avenir de l’OTAN ». Le même jour, le principal quotidien roumain Adevarul a annoncé que le ministère roumain des Affaires étrangères avait reçu l’ordre officiel de soutenir par tous les moyens la candidature d’Iohannis.

Compte tenu de tous les risques que la Roumanie prend avec le projet de la base de l’OTAN, on ne peut échapper au sentiment que le président Iohannis a décidé de se faire aimer de l’OTAN, tout en briguant la première place au sein de l’OTAN. Les autres actions récentes d’Iohannis s’inscrivent dans le même schéma.

Lundi, Iohannis, dont le mandat touche à sa fin, a annoncé sa décision d'autoriser le transit par le pays du matériel militaire donné par la Finlande à l'Ukraine comme « cadeau ». Iohannis a ainsi suivi la ligne générale de l'OTAN visant à approvisionner Kiev en régime avec des armes meurtrières.

De tels approvisionnements ne violent pas seulement le droit international, qui interdit d’inonder les zones de conflits armés d’armes importées. Ils exposent également les pays fournisseurs, dont la Roumanie, au risque d’une confrontation avec la Russie.

Le ministère russe des Affaires étrangères a envoyé une note diplomatique à tous les pays de l'OTAN, y compris la Roumanie, les avertissant des « conséquences désastreuses » de telles actions. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a souligné que toute cargaison contenant des armes destinées à l’Ukraine deviendrait une « cible légitime » pour l’armée russe.

Tous ces avertissements ne semblent cependant pas déranger Iohannis. Le port roumain de Constanta sur la mer Noire, situé à proximité de la future plus grande base de l'OTAN en Europe, fait depuis longtemps partie du tristement célèbre « corridor sud » pour les expéditions d'armes vers l'Ukraine.

Dans son article « La candidature de l’OTAN » pour Politico, Iohannis écrivait il y a six jours : « Il n’y a rien de plus important aujourd’hui que de garantir que l’Ukraine l’emporte dans sa bataille existentielle, et nous pouvons le faire en lui fournissant tout le soutien nécessaire aussi longtemps que cela prendra. Nous avons également l’obligation morale, politique et stratégique de veiller à ce que l’Ukraine progresse régulièrement sur la voie d’une future adhésion à l’OTAN, ainsi que d’une adhésion à l’UE… Et la Russie restera la menace la plus importante et la plus directe pour l’Alliance dans un avenir prévisible. »

Cette perspective sur les relations de l'Europe avec la Russie donne plutôt à réfléchir, compte tenu des aspirations de celui qui cherche à devenir le nouveau secrétaire général de l'OTAN. La possibilité d’une confrontation avec une puissance nucléaire dans un avenir proche place la Roumanie dans une position précaire, notamment compte tenu de son rôle dans l’hébergement de la plus grande base de l’OTAN et dans la fourniture d’armes à l’Ukraine. Cependant, la prise de décision concernant ces actions échappe à l'influence des électeurs roumains sur l'avenir d'Iohannis.

Dimitri Babich

Le lugubre crépuscule de l’Occident

Le lugubre crépuscule de l’Occident

18 mars 2024 (16H35) – Ce jour du 17 mars, veille de ceux qui fêtent leur quatre-vingtième anniversaire, mélange tous les facteurs du grand événement métahistorique : le symbolisme à l’extrême, la violence, la cruauté, le volonté populaire triomphante, la bêtise sans fin ni horizon, l’aveuglement, l’hypocrisie et la corruption, l’individualisme qui tue l’individu, l’argent qui est tout et qui n’est plus que du papier qui pourrait aller aux toilettes, et finalement le terrible voile du satanisme comme dernier recours qui s’est étendu sur cette chose promise à la dérision de la destruction nommée “Occident”.
Et puis, si vous voulez, le simulacre bien sûr, pour les derniers croyants ;
et puis, même si vous ne voulez pas et pour tout le monde, l’incroyable rapidité des événements à cause de la communication, qui permettent aux forces d’au-dessus de nous de disposer de notre destin et d’en faire ce qu’elles ont décidé qu’il sera.

Ainsi observera-t-on, selon l’ancien chef du service du contre-terrorisme et officier de l’US Army servant au département d’État Scott Bennett :

« Le taux de participation record du peuple russe et la victoire record de Vladimir Poutine indiquent les points suivants. Premièrement, le peuple russe voit que le président Poutine est le meilleur espoir de faire progresser le peuple, la culture et le pays d'une manière prospère, saine et traditionnelle. Deuxièmement, le peuple russe se voit unifié d'une seule voix et s'oppose ensemble à la violente guerre économique, diplomatique et informationnelle menée contre lui et le président Poutine par l'Occident au cours des dix dernières années.

» Troisièmement, le peuple russe est prêt à relever n'importe quel défi et se rend compte que c'est la force de son unité qui lui permet de résister à l'agression dont il fait l'objet. »

Le triomphe de Poutine

Rarement le mariage d’un peuple et de son dirigeant aura été aussi complet que l’élection de Poutine, que les pauvres zombies occidentaux dits-“aux manettes” ont toussoté qu’il avait été truqué. Cause toujours, mon lapin. Je plains les “journalistes professionnels” (dont j’ai été pendant 45 ans) qui sont obligé de cracher leur débile pour voir remplir leurs sébiles (jeu de mots contestable j’en conviens, mais ils ne méritent pas mieux).

Nous allons découvrir ce qu’est une Russie soudain armée d’une unité sans pareille, nouvelle force de vivre, nouvelle certitude d’avoir un destin commun  et une histoire. Nous allons la voir là où on la défie, là où de tous temps on l’a défié, dans la bataille sur ces immenses plaines. Il me serait bien improbable qu’elle ait le dessein de nous conquérir car que ferait-elle de déchets comme nous ; simplement, j’écrase un regret comme une larme, sur mon pays tombé si bas, car la France et la Russie ont toujours eu une grandeur similaire, une affinité culturelle et une spiritualité à mesure... Mais quoi, tant que les fiottes (il existe des fiottes hétérosexuelles, qu’on se rassure) y règnent, il faut continuer à en boire la lie absolument puante.

La fin d’Israël

Là, le symbolisme est maître. La violence extraordinaire de la colère qui monte contre Netanyahou en Israël ressemblerait à un double étrange tant la violence est différence, à celle qu’exerce l’armée d’Israël contre les Palestiniens. Toujours ce même goût du suicide, même chez les plus cruels et les plus arrogants.

Peu m’importe que les USA soient en partie derrière ce ‘regime change’, – les maniaques ne peuvent pas se passer de leurs habitudes, –  il reste ce point si inattendu : l’expédition entreprise contre le Hamas/les Palestiniens, supposés si fragiles devant la force massive de l’IDF américanisée jusqu’aux ongles a mis en évidence l’extraordinaire fragilité d’Israël du fait d’abord (il y a bien d’autres causes) de la présence, de la résilience, de l’entêtement, de l’aveuglement d’un homme. La haine anti-Netanyahou en Israël, si elle ne contredit nullement à première vue le volonté d’attaquer le Hamas et le reste, va effectivement finir par prendre le dessus sur cette entreprise et morpher en une sorte de guerre civile dont le destin sera terrible pour l’État d’Israël si personne ne vient en bousculer radicalement les données.

Mais Netanyahou est toujours, plus que jamais persuadé d’avoir raison. La foule a raison au départ de son raisonnement : cet homme veut sauver sa tête, c’est-à-dire échapper à la prison, mais la bataille contre le Hamas dont la création est au départ sa créature, a fini par prendre une telle importance qu’elle a remplacé dans le tréfonds de sa psychologie la simple touille du coupable qui veut éviter la justice. Netanyahou le corrompu est ainsi devenu, seul contre tous, “Netanyahou sauveur de l’antique Israël du Vieux Testament”.  Dans de telles conditions, on imagine les conditions qui seraient celles d’une vraie guerre civile.

Il est tout à fait normal que l’Amérique, si exceptionnellement douée (exceptionnalisme) dans l’art raffiné du foutage de merde, soit présent sur le terrain, interviennent déjà dans tous les sens, pour accentuer , justement, le foutage de merde.

Le sacre de Elmer Zelinski

Et puis l’Ukraine, certes, qui a réussi à nous montrer que le président Macron, récemment décoré en maréchal McMacron, pouvait être encore plus nullard, encore plus vide, encore plus insignifiant, encore plus rien-de-rien, que tout ce qu’il nous avait montré jusqu’ici. Les premiers vœux de Poutine réélu ont été pour lui, – là, vraiment, il s’est fait un ami pour la vie.

Pendant ce temps, les troupes russes continuent à attaquer partout où bon leur semble, sans doute de crainte que le président français passe à l’acte. Le jour de l’élection en Russie, la Russie a tiré un missile sur une réunion des principaux chefs militaires et chefs du renseignement ukrainiens, cela mentionné pour meubler la communication quotidienne du ministère russe de la défense : « L’attaque a été mentionnée en passant dans le briefing quotidien doonné par le ministère de la défense à la presse ».

… Tant il est vrai que le morceau de choix du jour était réservé au principal chef de guerre de l’Ukraine, au président Zelenski, dont Trump n’a pas manqué de faire l’éloge en connaisseur ... Car Trump s’y connaît en fait de bateleur, de vendeur de courant d’air, de voyageur de commerces avariés....

D’où cette apologie qui dit qu’il n’est de meilleur vendeur sur cette terre capitaliste que le susdit Zelenski.  Pour vendre sa salade, on ne trouve pas mieux, une sorte d’‘Elmer Gantry le charlatan’ des obus de 155mm et des résidences londoniennes. Écoutez Trump, le roi des businessmen :

 « “Nous devrions leur prêter de l'argent, et non leur envoyer de l'argent, de sorte que s'ils y parviennent, – contre toute attente, – ils nous remboursent”, a déclaré Trump. ”Prêtez-leur de l'argent, laissez-les faire un peu comme s'ils devaient être un peu gentils... Prêtez-leur de l'argent, ne leur remettez pas simplement un chèque de 60 milliards de dollars”, s'est-il exclamé.

» “Je vous le dis, Zelenski est l’un des plus grands vendeurs de l’histoire. Chaque fois qu’il vient dans le pays, il repart avec 50 ou 60 milliards de dollars”, a déclaré Trump.

» “Je n'ai jamais été capable de faire ça. « C'est un bien meilleur vendeur que moi”, a-t-il ajouté. »

L’Empire sur lequel le crépuscule ne finit jamais

Dans cette galerie de personnages, oh certes, oh mon Dieu, combien en oublie-t-on ! Mais ils sont tous sortis du même moule qu’on prend bien garde de ne pas casser tant il est à la bonne mesure de la catastrophe attendue, tant il contient ce qu’on a vu chez McMacron : “encore plus nullard, encore plus vide, encore plus insignifiant, encore plus rien-de-rien” que tout ce qu’on pourrait imaginer si on confiait la tâche aux petites mains de Mark Zuckerberg.

La victoire de Poutine est venu concrétiser tout cela, elle a symbolisé une fantastique avancé de l’anti-monde sûr-de-lui, de l’anti-Occident, de l’anti-exceptionnalisme, de l’anti-tout ce qu’ils ont prétendu-être. Et cela, tout le monde, sauf nos “bobos”-caviar qui traînent du côté de Saint-Germain, en se prenant pour Boris Vian crachant sur nos tombes, et du côté de l’Académie Française pour n’y pas entrer en se prenant pour Jean-Paul Sartre, – tout le monde le constate, jusqu’à une brochette d’universitaires brésiliens épinglés par ‘Sputnik-Afrique’ :

« Les désaccords qui existent déjà entre les pays européens et les États-Unis sur le soutien à l'Ukraine vont s'approfondir, avance Rodrigo Ianhez, historien spécialiste de la période soviétique. 

» “Bien qu'ils se présentent comme un bloc cohérent, les coûts de cette guerre sont plus importants et plus immédiats pour l'Europe que pour les Etats-Unis”, estime-t-il. 

» “L'unité des alliés ukrainiens pourrait être ébranlée davantage à l'issue de la présidentielle américaine qui est capable d'influencer la poursuite ou non du conflit, ajoute M. Ianhez. 

» Cet avis fait écho à celui de Larissa Silva, enseignante des relations internationales de l'Université d'État de Rio de Janeiro: 

» “Certains s'attendaient à ce qu'avec les sanctions et la pression occidentale, l'opposition grandisse et que Poutine perde une partie de sa force. Il est clair que ce n'est pas ce qui se passe en Russie”, développe l'universitaire. 

» “Poutine a réussi à restaurer le rôle et le prestige de la Russie en tant que pays important et respecté dans l'ordre international", souligne pour sa part l'historien et chercheur Eden Pereira Lopes da Silva. »

Poutine restera au pouvoir plus longtemps que Joseph Staline, et tous les tsar qui ont précédé tout ce beau monde depuis deux cents ans  (depuis la Grande Catherine). C’est bien suspect tout ça, je veux dire : il nous faudra trouver une autre formule que le stalino-tsarisme.

Le spectacle clownesque...

Le spectacle clownesque...

• En présentant deux versions différentes d’une originale entourloupe USA-Allemagne-Russie, on mesure l’incroyable difficulté de cerner  la vérité, sans parler de la comprendre. • Avec John Helmer et Pépé Escobar.

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Dans son programme d’hier, Mercouris a mentionné avec insistance une information venue de John Helmer, journaliste de première réputation à Moscou, selon laquelle l’enregistrement d’une conversation de généraux allemands sur les capacités et l’emploi du missile ‘Taurus’, aurait été intercepté par l’U.S. Air Force, ou bien, simplement réalisé (si un général de l’USAF US y assistait) et passé aux Russes. L’idée aurait été que les USA craignent la livraison de ce missile aux Ukrainiens et l’installation d’armes nucléaires russes qui seraient entreposées à Belgorod, et la saisie de certaines de ces armes aurait été le but des attaques de ces derniers jours contre Belgorod@, peut-être en vue d’en équiper des missiles (le ‘Taurus’). Et Mercouris de noter avec une belle ironie qui caractérise tant d’aspect de ce conflit :

«  Ce serait donc les Américains qui espionneraient leurs alliés de l’OTAN allemands engagés dans la même guerre qu’eux contre la Russie, pour en informer la Russie... ! »

Bien entendu, on comprend qu’il existe une différence de perception du danger que constitue tout ce qui est nucléaire dans cette énorme crise. Pour autant, nous ne résolvons pas grand’chose des quelques minutes de causerie que nous offre Mercouris sur ce sujet, – sinon l’excellence reconnue de Helmer.

Donnons ici quelques extraits de John Helmer qui sont loin, très loin, d’en fournir toute sa substance. Cela nous donne simplement une idée générale de la démarche ainsi décrite.

« Un vent favorable a transporté un oiseau qui s’est signalé pour chanter que le dossier des généraux allemands discutant de leur projet d'attaquer des cibles russes avec le missile Taurus a été intercepté et divulgué aux Russes par les Américains.

» Un gros oiseau, en fait. La conférence téléphonique du général en chef de la Luftwaffe allemande, Ingo Gerhartz (image principale, à gauche), de l'un de ses généraux d'état-major et de deux lieutenants-colonels de la Luftwaffe, le 19 février, a été écoutée par les services de renseignement électromagnétiques américains après la première réunion que les Allemands ont eue avec un nouveau responsable régional. le commandant de l'US Air Force (USAF), le général Kevin Schneider ; Schneider a pris le commandement des forces aériennes du Pacifique de l'USAF (PACAF) le 9 février après deux ans et demi à un poste d'état-major supérieur au Pentagone sous la direction du général Charles Brown Jr. Brown a été promu chef de l'USAF à président des chefs d'état-major le 1er octobre 2023. Lorsque Schneider a quitté l'état-major de Brown, il a été promu de lieutenant général à général quatre étoiles.[…]

» L'allégation selon laquelle la téléconférence de Gerhartz aurait été interceptée par les Russes émanait des Allemands et des Britanniques et a été amplifiée dans les médias américains et de l'OTAN. Le premier rapport russe selon lequel ce sont les services de renseignement américains qui ont en réalité divulgué ces informations aux Russes est paru à Moscou le 4 mars. »

L’intérêt de ces diverses affirmations, déjà intéressantes en soi, est en fait, pour notre chef, qu’elles apparaissent en même temps qu’un long texte de Pépé Escobar, qui présente une version largement différente, avec notamment cette précision :

« Nous sommes donc apparemment en présence d’un cas flagrant où des officiers supérieurs allemands ont reçu des ordres directs concernant une attaque contre la Crimée – qui fait partie de la Fédération de Russie – directement de la part d’officiers américains des Pacific Air Forces. »

Il ne s’agit pas de trancher entre ces deux versions, – en fait, diverses versions si l’on va aux détails de ces divers textes, mais de constater combien les constats diffèrent sans qu’aucun soit réellement absurde, ou fantaisiste, ou quoi que ce soit de cette sorte. On notera également que les trois sources citées sont des journalistes de première valeur dans le monde de la presse alternative, la seule qui, aujourd’hui, nous donne des informations convenables. Autrement dit, il n’y a en vérité aucun moyen de fixer une réalité concrète et solide, mais il nous faut procéder par enquête pour débusquer des vérité-de-situation.

C’est là un point essentiel pour toute démarche sérieuse d’information et de communication concernant les événements que nous observons pourtant à ciel ouvert. Nous ne cachons pas que nous donnons ce cas à titre d’exemple, avec toutes les complications qui vont avec (Pépé n’en manque pas dans son texte) et cela nous semble plutôt un argument pour éviter tant de pièges, d’illusions et de constructions abracadabrantesques. Reste pour se tenir un peu à flot l’expérience et l’intuition qui sont des instruments extrêmement précieux, et au bout du compte le refuge sacré- de l’inconnaissance.

Le texte d’Escobar ci-dessous, qui vient de ‘Strategic-Culture.org’, est de ‘Réseau International’ dans sa traduction française.

dde.org

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... de la profondeur stratégique germano-américaine

La saga des Quatre Stooges des officiers de la Bundeswehr qui ont comploté pour faire sauter le pont de Kertch en Crimée avec des missiles Taurus impunément est un cadeau fabuleux.

Le président Poutine n’a pas manqué de l’évoquer dans l’entretien complet qu’il a accordé à Dmitry Kiselev pour Russia 1/RIA Novosti :

«Ils fantasment, ils s’encouragent eux-mêmes, tout d’abord. Deuxièmement, ils essaient de nous intimider. Quant à la République fédérale d’Allemagne, elle connaît des problèmes constitutionnels. Ils disent à juste titre : si ces Taurus touchent cette partie du pont de Crimée, qui, bien sûr, même selon leurs concepts, est un territoire russe, c’est une violation de la constitution de la République fédérale d’Allemagne».

Pourtant, les choses deviennent de plus en plus curieuses.

Lorsque la transcription de la fuite sur les Taurus a été publiée par RT, tout le monde a pu entendre le général de brigade Frank Gräfe – chef des opérations de l’armée de l’air allemande – s’entretenir avec le lieutenant-colonel Fenske des opérations aériennes du commandement spatial allemand sur le plan de déploiement des systèmes Taurus en Ukraine.

Il est important de noter que ces deux personnes mentionnent que les plans ont déjà été discutés «il y a quatre mois» avec «Schneider», le successeur de «Wilsbach», au cours de l’élaboration du plan.

Il s’agit bien sûr de noms allemands. Il n’est donc venu à l’esprit de personne que (Kevin) Schneider et (Kenneth) Wilsbach puissent être… américains.

Pourtant, le journaliste d’investigation allemand Dirk Pohlmann – que j’ai eu le plaisir de rencontrer à Berlin il y a quelques années – et son collègue chercheur Tobias Augenbraun ont sourcillé.

Ils ont découvert que les noms à consonance allemande identifiaient bel et bien des Américains. Et non des moindres : l’ancien et l’actuel commandants des forces aériennes américaines du Pacifique.

Les Quatre (en fait six) Stooges prend de l’ampleur maintenant qu’il est établi que le chancelier Scholz et son ministre de la guerre totale Pistorius ont eu connaissance du plan Taurus pas moins de quatre mois plus tard.

Nous sommes donc apparemment en présence d’un cas flagrant où des officiers supérieurs allemands ont reçu des ordres directs concernant une attaque contre la Crimée – qui fait partie de la Fédération de Russie – directement de la part d’officiers américains des Pacific Air Forces.

En soi, cela ouvre le dossier à un large spectre allant de la trahison nationale (contre l’Allemagne) au casus belli (du point de vue de la Russie).

Bien entendu, rien de tout cela n’est discuté dans les grands médias allemands.

Après tout, la seule chose qui semble déranger le général de brigade Gräfe, c’est que les médias allemands commencent à s’intéresser sérieusement aux méthodes des Multiples Stooges de la Bundeswehr.

Les seuls à avoir mené une enquête sérieuse sont Pohlmann et Augenbaun.

Ce serait trop demander aux médias allemands du type «Bild» que d’analyser ce que serait la réponse russe aux manigances des Multiples Stooges contre la Crimée : des représailles dévastatrices contre les actifs de Berlin.

Il fait si froid en Alaska

Au cours de la joyeuse conversation de la Bundeswehr, un autre «plan» est mentionné :

«Nee, nee. Ich mein wegen der anderen Sache». («Non, non. Je veux parler de l’autre affaire».) Puis : «Ähm … meinst du Alaska jetzt ?» («Ahm, tu veux parler de l’Alaska maintenant ?»)

Tout devient plus juteux lorsqu’on sait que l’officier du centre d’opérations aériennes du commandement spatial allemand, Florstedt, rencontrera nul autre que Schneider mardi prochain, le 19 mars, en Alaska.

Et Gräfe devra lui aussi «retourner en Alaska» pour tout réexpliquer à Schneider, puisqu’il est «nouveau» dans le poste.

La question est donc : pourquoi l’Alaska ?

C’est là qu’entrent en scène les ombres américaines sur un grand nombre d’«activités» en Alaska – qui ne concernent nulle autre que la Chine.

Et ce n’est pas tout : au cours de la conversation, un autre «plan» («Auftrag», c’est-à-dire «mission») fait également surface, portant un nom de code peu compréhensible ressemblant à «Kumalatra».

Ce que tout cela nous apprend, c’est que l’administration du Mannequin de Crash Test à la Maison-Blanche, la CIA et le Pentagone semblent parier, en désespoir de cause, sur une guerre totale sur le sol noir de la Novorossia.

Et maintenant, ils le disent tout haut, sans jeu d’ombres, et directement de la part du chef de la CIA, William Burns, qui est manifestement nul en matière de secret.

Voici ce que Burns a déclaré aux membres de la commission du renseignement du Sénat américain en début de semaine :

«Je pense que sans aide supplémentaire en 2024, vous verrez plus d’Avdiivkas, et cela – il me semble – serait une erreur massive et historique pour les États-Unis».

Voilà qui montre à quel point le traumatisme d’Avdiivka est imprégné dans la psyché de l’appareil de renseignement américain.

Mais ce n’est pas tout : «Avec une aide supplémentaire, l’Ukraine peut se maintenir sur les lignes de front jusqu’en 2024 et au début de 2025. L’Ukraine peut continuer à imposer des coûts à la Russie, non seulement avec des frappes de pénétration en profondeur en Crimée, mais aussi contre la flotte russe de la mer Noire».

Nous y voilà : La Crimée à nouveau.

Burns pense en fait que l’énorme paquet d’«aide» de 60 milliards de dollars qui doit être approuvé par le Congrès américain permettra à Kiev de lancer une «offensive» d’ici à la fin de 2024.

La seule chose qu’il comprend est que s’il n’y a pas de nouveau paquet, il y aura «des pertes territoriales significatives pour l’Ukraine cette année».

Burns n’est peut-être pas l’homme le plus brillant de la salle des renseignements. Il y a longtemps, il était diplomate et agent de la CIA à Moscou, et il semble n’avoir rien appris.

Sauf qu’il a laissé échapper des chats et des chatons à profusion. Il ne s’agit pas seulement d’attaquer la Crimée. Celui-ci est lu avec un plaisir extrême à Pékin :

«Les États-Unis fournissent une assistance à l’Ukraine en partie parce que de telles activités contribuent à freiner la Chine».

Burns a sorti le grand jeu lorsqu’il a déclaré que «si l’on nous voit renoncer à notre soutien à l’Ukraine, non seulement cela alimentera les doutes de nos alliés et partenaires dans la région indo-pacifique, mais cela attisera également les ambitions des dirigeants chinois dans des domaines allant de Taïwan à la mer de Chine méridionale».

L’inestimable Andrei Martyanov a parfaitement résumé l’étonnante incompétence, parsemée d’exceptionnalisme éhonté, qui imprègne cette prestation de Burns.

Il y a des choses «qu’ils ne peuvent pas comprendre en raison de leur faible niveau d’éducation et de culture. Il s’agit d’un nouveau paradigme pour eux – ils sont tous «diplômés» de l’école des «études» stratégiques qui consistent à tirer les ficelles des nations sans défense, et compte tenu du niveau de la «science» économique en Occident, ils ne peuvent pas comprendre comment tout cela se déroule».

Il ne reste donc plus que la panique, telle qu’exprimée par Burns au Sénat, mêlée à l’impuissance à comprendre une «culture guerrière différente» telle que celle de la Russie : «Ils n’ont tout simplement pas de points de référence».

Et pourtant, ils choisissent la guerre, comme l’a magistralement analysé Rostislav Ishchenko.

Alors même que le festin d’acronymes de la CIA et de 17 autres agences de renseignement américaines a conclu, dans un rapport présenté au Congrès en début de semaine, que la Russie cherche «presque certainement» à éviter un conflit militaire direct avec l’OTAN et qu’elle étalonnera ses politiques pour éviter une guerre mondiale.

Après tout, l’Empire du Chaos ne connaît que des guerres sans fin. Et nous sommes tous au milieu d’un cas de «faire ou mourir». L’Empire ne peut tout simplement pas se permettre l’humiliation cosmique de l’OTAN en Novorossia.

Pourtant, chaque «plan» – genre Taurus sur la Crimée – est un bluff. La Russie sait qu’il est question de bluff après bluff. Les cartes occidentales sont désormais toutes sur la table. La seule question est de savoir quand, et avec quelle rapidité, la Russie suivra le bluff.

Pepe Escobar

Tocqueville et Gobineau : entretiens sur notre décadence

Tocqueville et Gobineau : entretiens sur notre décadence

J’ai beaucoup écrit et publié sur la Fin de l’Histoire. La notion est aristocratique : Chateaubriand, Tocqueville et Poe qui abominait la démocratie (voyez ses Entretiens avec une momie). J’ai enfin trouvé la correspondance de Tocqueville et Gobineau, qui évoquent tous les deux ce point expliqué au même moment par le mathématicien et historien Cournot. Le Second Empire c’est la prostration de notre histoire : étatisme, malthusianisme, chauvinisme et consumérisme. Rappelons que pour Francis Fukuyama la Fin de l’Histoire c’est stricto  sensu la fabrication du bourgeois.

Arthur de Gobineau a travaillé jeune sous les ordres de Tocqueville. Ce dernier abomine ses théories mais le rejoint dans une certaine dimension, comme on verra tout à l’heure. Il écrit le 11 octobre 1853 :

« Je ne vous ai jamais caché, du reste, que j’avais un grand préjugé contre ce qui me paraît votre idée mère, laquelle me semble, je l’avoue, appartenir à la famille des théories matérialistes et en être même un des plus dangereux membres, puisque c’est la fatalité de la constitution appliquée non plus à l’individu seulement, mais à ces collections d’individus qu’on nomme des races et qui vivent toujours. »

Sur le racisme il dénonce un risque matérialiste et note le  17 novembre 1853 :

« Ainsi, vous parlez sans cesse de races qui se régénèrent ou se détériorent, qui prennent ou quittent des capacités sociales qu’elles n’avaient pas par une infusion de sang différent, je crois que ce sont vos propres expressions. Cette prédestination-là me paraît, je vous l’avouerai, cousine du pur matérialisme… »

En bon visionnaire humaniste, il pressent une doctrine horrible et dangereuse :

« Encore, si votre doctrine, sans être mieux établie que la leur, était plus utile à l’humanité ! Mais c’est évidemment le contraire. Quel intérêt peut-il y avoir à persuader à des peuples lâches qui vivent dans la barbarie, dans la mollesse ou dans la servitude, qu’étant tels de par la nature de leur race il n’y a rien à faire pour améliorer leur condition, changer leurs mœurs ou modifier leur gouvernement ? Ne voyez-vous pas que de votre doctrine sortent naturellement tous les maux que l’inégalité permanente enfante, l’orgueil, la violence, le mépris du semblable, la tyrannie et l’abjection sous toutes ses formes ? »

Tocqueville, 14 janvier 1857, écrira encore sur ce racisme honni par le christianisme :

« Le christianisme a évidemment tendu à faire de tous les hommes des frères et des égaux. Votre doctrine en fait tout au plus des cousins dont le père commun n’est qu’au ciel ; ici-bas, il n’y a que des vainqueurs et des vaincus, des maîtres et des esclaves par droit de naissance, et cela est si vrai que vos doctrines sont approuvées, citées, commentées, par qui ? par les propriétaires de nègres et en faveur de la servitude éternelle qui se fonde sur la différence radicale de la race.

Je sais que, à l’heure qu’il est, il y a dans les Etats-Unis du Sud des prêtres chrétiens et peut-être de bons prêtres (propriétaires d’esclaves pourtant) qui prêchent en chaire des doctrines qui, sans doute, sont analogues aux vôtres. »

Et, comme s’il annonçait Vatican II : « le gros des chrétiens ne peut pas éprouver la moindre sympathie pour vos doctrines. »

Mais il y a des accointances entre les deux esprits : la fatigue du monde. Tocqueville donc reprend son approche pessimiste et triste (le troupeau, la puissance tutélaire et douce) ; et cela donne  un certain 20 décembre 1853 :

« Le siècle dernier avait une confiance exagérée et un peu puérile dans la puissance que l’homme exerçait sur lui-même et dans celle des peuples sur leur destinée. C’était l’erreur du temps ; noble erreur après tout, qui, si elle a fait commettre bien des sottises, a fait faire de bien grandes choses, à côté desquelles la postérité nous trouvera très petits. La fatigue des révolutions, l’ennui des émotions, l’avortement de tant d’idées généreuses et de tant de vastes espérances nous ont précipités maintenant dans l’excès opposé. »

Le monde est déjà fatigué ; idée essentielle chez Gobineau qui recherche une explication raciale (on la retrouve chez Gunther). Mais Ibn Khaldun avait déjà tout dit, et cent fois mieux, sur le sujet : voyez mes trois textes sur le maître de Tunis et celui sur Glubb. Tocqueville et la fatigue des enfants du siècle :

« …Nous croyons aujourd’hui ne pouvoir rien et nous aimons à croire que la lutte et l’effort sont désormais inutiles et que notre sang, nos muscles et nos nerfs seront toujours plus forts que notre volonté et notre vertu. C’est proprement la grande maladie du temps, maladie tout opposée à celle de nos parents. »

15 octobre 1854 : la parole est à Gobineau, qui évoque comme Musset cette lassitude du monde (qu’on retrouve chez Maurice Joly…) :

« Ensuite, je suis si convaincu que l’hébétement actuel des esprits est, d’une part, universel, dans tous les pays, de l’autre sans remède, sans ressource et en croissance indéfinie, qu’il n’y a, pour moi, que deux partis à prendre, ou me jeter à l’eau, ou suivre mon chemin sans m’occuper nullement de ce qu’on appelle l’opinion publique. Je me suis arrêté au second point et ne prends souci que de quelques centaines d’esprits qui se tiennent encore vivants au-dessus de l’atonie générale. »

Le moins qu’on puisse est que cet oublié a fait du bruit ensuite, et que les décadents occidentaux se sont bien ranimés dans la première moitié du siècle suivant…

Tocqueville taquine son subordonné alors :

« Vous voilà au cœur du monde asiatique et musulman ; je serais bien curieux de savoir à quoi vous attribuez la rapide et en apparence inarrêtable décadence de toutes les races que vous venez de traverser, décadence qui a déjà livré une partie et les livrera toutes à la domination de notre petite Europe qu’elles ont fait tant trembler autrefois. Où est le ver qui ronge ce grand corps ? Les Turcs sont des soudards… (13 novembre 1855). »

Gobineau adore Téhéran (où il est en poste) et ces Persans (derniers aryens pêchus avec nos afghans ?) qui donnent depuis Montesquieu tant de fil à retordre à nos thalassocraties occidentales. Et le 20 Mars 1856 Gobineau prend sa revanche :

« Allez tourmenter les Chinois chez eux, achevez la Turquie, entraînez la Perse dans votre mouvement, tout cela est possible, bien plus, inévitable. Je n’y contredis pas, mais, au bout de compte, les causes de votre énervement s’accumulent et s’accumuleront par toutes ces actions mêmes et il n’y a plus personne au monde pour vous remplacer quand votre dégénération sera complète. »

Dans une longue et belle missive (30 juillet 1856) Tocqueville retourne à sa mélancolie : c’est la fin des forces de l’Esprit…

« Vous vous plaignez avec raison du silence qu’on garde en France sur votre livre. Mais vous auriez tort de vous en affecter, car la raison principale naît de causes très générales que je vous ai déjà indiquées, et qui ne sont pas de nature à vous diminuer personnellement en rien. Il n’y a place aujourd’hui en France à aucune attention durable et vive pour une œuvre quelconque de l’esprit. Notre tempérament, qui a été si littéraire, pendant deux siècles surtout, achève de subir une transformation complète qui tient à la lassitude, au désenchantement, au dégoût des idées, à l’amour du fait et enfin aux institutions politiques qui pèsent comme un puissant soporifique sur les intelligences. »

On est déjà sous la Ve république :

« La classe qui en réalité gouverne, ne lit point et ne sait pas même le nom des auteurs ; la littérature a donc entièrement cessé de jouer un rôle dans la politique, et cela l’a dégradée aux yeux de la foule. »

Mais Tocqueville (quel voyant tout de même) voit quel peuple va lire et aimer Gobineau :

« Les Allemands, qui ont seuls en Europe la particularité de se passionner pour ce qu’ils regardent comme la vérité abstraite, sans s’occuper de ses conséquences pratiques, les Allemands peuvent vous fournir un auditoire véritablement favorable, et dont les opinions auront tôt ou tard du retentissement eu France, parce que de nos jours tout le monde civilisé ne forme qu’un pays. Chez les Anglais et les Américains, si on s’occupe de vous, ce sera dans des vues éphémères de parti. »

En Amérique Gobineau aura ses partisans ; parce que, lui explique le Maître :

« C’est ainsi que les Américains dont vous me parlez et qui vous ont traduit me sont très connus comme des chefs très ardents du parti antiabolitionniste. »

Enfin une lettre géniale de Gobineau, qui annonce Guénon et son Autorité spirituelle et pouvoir temporel. Gobineau écrit :

« Vous avez admirablement montré que la révolution française n’avait rien inventé et que ses amis comme ses ennemis ont également tort de lui attribuer le retour à la loi romaine, la centralisation, le gouvernement des comités, l’absorption des droits privés dans le droit unique de l’État, que sais-je encore ? L’omnipotence du pouvoir individuel ou multiple, et ce qui est pire, la conviction générale que tout cela est bien et qu’il n’y a rien de mieux. Vous avez très bien dit que la notion de l’utilité publique qui peut du jour au lendemain mettre chacun hors de sa maison, parce que l’ingénieur le veut, tout le monde trouvant cela très naturel, et considérant, républicain ou monarchique, cette monstruosité comme de droit social, vous avez très bien dit qu’elle était de beaucoup antérieure à 89 et, de plus, vous l’avez si solidement prouvé, qu’il est impossible aujourd’hui, après vous, de refaire les histoires de la révolution comme on les a faites jusqu’à présent. Bref, on finira par convenir que le père des révolutionnaires et des destructeurs fut Philippe le Bel. »

Qui dit mieux ? La montée de l’Etat, du bourgeois de Taine et de cette classe moyenne honnie par Guénon tancées en une seule phrase !

Gobineau lit le livre de Tocqueville sur l’Ancien régime et la révolution (ô France sinistre, voyez mon coq hérétique) ; voici ses commentaires cruels :

« Il y a d’ailleurs, je l’avoue, quelque chose d’assez vil dans cette assemblée qui avait applaudi aux premières violences, à cette sotte comédie de la prise de la Bastille, à ces premiers massacres, à ces incendies de châteaux, pensant que tout cela ne l’atteindrait pas, et simplement parce qu’elle n’avait pas prévu que l’on couperait aussi la tête à ses membres. Vous pensez qu’on peut qualifier le mal qu’elle a fait du nom d’erreurs généreuses ? Pourquoi généreuses ? Je hais certainement plus les Montagnards que les Constituants, mais je ne sais s’ils méritent davantage le mépris, et quant aux Girondins, j’en suis sûr. »

Et il résume, assez génialement je dois dire, le présent perpétuel des Français (Lettre de Téhéran, le 29 novembre 1856) :

« Un peuple qui, avec la République, le gouvernement représentatif ou l’Empire, conservera toujours pieusement un amour immodéré pour l’intervention de l’Etat en toutes ses affaires, pour la gendarmerie, pour l’obéissance passive au collecteur, au (illisible), à l’ingénieur, qui ne comprend plus l’administration municipale, et pour qui la centralisation absolue et sans réplique est le dernier mot du bien, ce peuple-là, non seulement n’aura jamais d’institutions libres, mais ne comprendra même jamais ce que c’est. Au fond, il aura toujours le même gouvernement sous différents noms…

Tocqueville résume alors la France moderne (16 septembre 1858) :

« Voilà ce qui m’attriste et ce qui m’inquiète, parce que le fait est nouveau et que, par conséquent, il est impossible encore de prévoir quelle sera sa durée. Il tient, je crois, en partie à l’extrême fatigue des âmes et aux nuages qui remplissent et alanguissent tous les esprits. Il faut de fortes haines, d’ardents amours, de grandes espérances et de puissantes convictions pour mettre l’intelligence humaine en mouvement et, pour le quart d’heure, on ne croit rien fortement, on n’aime rien, on ne hait rien et on n’espère rien que de gagner à la Bourse. »

Cela tombe bien, le CAC40 remonte et la presse est contente du prince-président.

Soyons ironiques pour terminer. Voici ce que Tocqueville écrit du métis dans ses Quinze jours dans le désert (un des textes les plus beaux qui soient ; on y reviendra) :

« Enfant des deux races, élevé dans l’usage de deux langues, nourri dans des croyances diverses et bercé dans des préjugés contraires, le métis forme un composé aussi inexplicable aux autres qu’à lui-même. Les images du monde, lorsqu’elles viennent se réfléchir sur son cerveau grossier, ne lui apparaissent que comme un chaos inextricable, dont son esprit ne saurait sortir. Fier de son origine européenne, il méprise le désert, et pourtant il aime la liberté sauvage qui y règne; il admire la civilisation, et ne peut complètement se soumettre à son empire. Ses goûts sont en contradiction avec ses idées, ses opinions avec ses mœurs. Ne sachant comment se guider au jour incertain qui l’éclaire, son âme se débat péniblement dans les langes d’un doute universel : il adopte des usages opposés, il prie à deux autels, il croit au rédempteur du monde et aux amulettes du jongleur, et il arrive au bout de sa carrière sans avoir pu débrouiller le problème obscur de son existence. »

Ce métis, c’est notre petit français postmoderne, non ?

 

Sources

https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_entre_Alexis_de_Tocqueville_et_Arthur_de_Gobineau/02

https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_entre_Alexis_de_Tocqueville_et_Arthur_de_Gobineau/01

http://www.dedefensa.org/article/ibn-khaldun-et-le-modele-arabe-de-la-liberte-1

https://www.dedefensa.org/article/sir-john-glubb-et-la-decadence-imperiale

https://www.dedefensa.org/article/maurice-joly-et-le-gouvernement-par-le-chaos-vers-1864

McMacron, le clown de guerre au Nez-Rouge

McMacron, le clown de guerre au Nez-Rouge

• Désignons-le comme “le clown de guerre” avec son Nez-Rouge, ou bien encore McMacron, l’homme de la “stratégie de l’écrevisse”. • Il y a trois jours, Macron allait dévorer tout cru la puissante Russie grâce à une habile manœuvre d’un corps expéditionnaire de 15 000 hommes. • Il y a deux jours, il se réfugie dans des imprécations venues de l’Olympe et l’on verra plus tard. • Entretremps, il voit Scholz et tout va bien. • Le clown au Nez-Rouge a tant de maître qu’il ne sait plus qui flatter. • Même des yankees-black s’intéressent au sexe de Brigitte.

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Jeudi devait être une grande journée, couronnée dans la soirée par un “discours de Guerre” du type 18-juin certifié du président Macron (nom de code/de guerre : McMacron), et adressé au peuple français certifié “aux armes, citoyens”. Alexander Mercouris, – nous allons lui laisser une place importante dans ce texte, – l’attendait avec impatience et, dans la matinée de ce jeudi, avait tenté de l’anticiper dans son programme, en même temps qu’il parlait d’une intervention de Poutine qui est bien entendu passée totalement inaperçue dans nos étranges cintrées.

Hier matin, il put donc développer à  loisir son jugement et ses critiques que certains, tel le citoyen Malhuret, jugent en général exagérées... Le plus étrange dans cette intervention est bien que, dans les premières minutes, Mercouris rappela, en beaucoup plus appuyé une partie de ce qu’il disait le jour précédent, semblant ainsi nous dire que le plus important se trouvait là, hier et pas aujourd’hui, et pas chez Macron mais chez Poutine !

«  Hier en début d’après-midi, j’attendais que le président Macron annoncerait [dans son discours du soir] le déploiement de forces françaises et, dans cet intervalle, je discutais du très puissant et même terrifiant interview que le président Poutine avait donné au journaliste Sergei Kiselov, où Poutine disait de la façon absolument la plus claire que si des troupes françaises, européennes ou de l’OTAN entraient en Ukraine, pour ce qui concernerait les Russes elles seraient considérées comme des ennemis combattants, et même des envahisseurs, et traitées comme tels.. Poutine retourna même la formule de Macron contre ce dernier ; Macron disant qu’il était temps pour l’Ouest de ne plus considérer la moindre “ligne rouge” contre la Russie, la Russie de son côté considérerait qu’il n’existait plus aucune “ligne rouge” contre l’Ouest....

» C’est-à-dire que le discours de Poutine fut  extraordinairement dur, là où il ne manqua pas de rappeler que la Russie était une puissance nucléaire, et la plus puissante et la plus moderne du  monde, et qu’elle n’hésiterait pas à en user si elle estimait que la bataille était existentielle pour elle. A un autre moment, Poutine dit que la différence fondamentale entre la France et les autres puissances européennes et la Russie était que le but des Occidentaux était stratégiques, pour obtenir une meilleure position géostratégique, tandis que pour les Russes c’était une question de vie ou de mort... »

Et tout cela, un peu avant de passer au discours de Macron que  nous attendions, où Macron devait annoncer exactement les choses à propos desquelles Poutine avaient lancé un avertissement si terrifiant. Mercouris nous avisa enfin que cette solennelle allocution qui ne vint jamais dans la forme nécessaire et attendue avait été transformée, après un certain délai, en l’annonce d’une conférence de presse qui dura en tout et pour tout trente minutes. Et Mercouris de commenter

«  Franchement, pour ce qui me concerne, ce fut un exercice de la confusion la plus complète qu’on puisse imaginer. »

Ce fut donc du Macron standard : le discours annoncé se transformant en une conférence de presse de 30 minutes au cours de laquelle le minibus français roula quelques mécaniques, déroula ses exigences dans le style de Zelenski et nous donna enfin  l’impression de cette immense confusion dont parle Mercouris, celle qui est du type “Mais qu’on me retienne, à la fin ! Sinon, je fais une colère de dingue et Poutine peut faire ses bagages”. Il reste donc surtout ceci : le programme d’invasion-éclair de l’Ukraine chapardée par les vandales-Russes reste pour l’instant en suspens et en paroles, bien rangée dans la commode Louis-XV dont on a perdu les clefs

Entretemps, Sa Majesté s ‘était précipitée à Berlin pour voir l’Empereur Scholz et son valet de pied, le Polonais Tusk (celui-ci avait laissé de côté le ministre Sikorski qui fait un peu désordre avec sa mine de neocon et sa gueule de Jack La Motta après 15 rounds). Tout cela permit de confirmer que l’heure de l’attaque n’était pas encore fixée et qu’il n’était pas question de faire la guerre à la Russie, – quel soulagement pour elle, ça c’est sûr.

Le  colonel face au Nez-Rouge du clown

Il est difficile d’en dire plus sur cet épisode, pour ce qui concerne Macron  sinon que, face au terrifiant sérieux de Poutine et au poids qu’il pèse réellement (un chef d’État, un vrai, ça impressionne, même un clown au Nez-Rouge), Mercouris ne sait plus exactement s’il faut rire ou pleurer. Bien entendu, un silence glacial ou apeuré, c’est selon, a accueilli les propos d’une dureté incroyable de Poutine dans la presseSystème française. On sent bien que les Russes ne plaisantent pas alors que les culbutes du “clown de guerre” sont tout de même beaucoup plus amusantes à décrire, tant que l’on a de la difficulté à penser que cela concerne sérieusement des spectacles où l’on tire des vrais coups de feu avec partout des explosions qui blessent et qui tuent.

Puisqu’il faut chercher un commentaire sérieux hors des frontières médiatiques françaises gardées par les barreaux impitoyables de l’exquise bonne-bienpensance, après Mercouris on consultera ‘Spoutnik’ qui a trouvé un colonel bel et bien français, quoique à la retraite vu ses jugements, pour nous donner son avis sur le président-clown durant cet épisode si semblable à tous les autres : “en même temps”, un pas en avant, deux pas en arrière, – la stratégie ambiguë de l’écrevisse.

« Le Président français va de revers en revers après ses propos sur l'envoi de troupes européennes en Ukraine et ne sait plus sur quel pied danser, a déclaré à Sputnik Afrique Alain Corvez, ancien colonel de l'armée française.

» Emmanuel Macron se sert du conflit en Ukraine pour masquer les problèmes intérieurs, il “sait bien que de nombreux Français ne sont pas d'accord avec sa politique”...

» “Son projet c'est de devenir le premier Président d'une Europe supranationale qui aurait détruit les nations et qui aurait une structure fédérale. Et donc toute sa démarche est de se présenter comme le meilleur européen susceptible de remplir cette mission”, a indiqué M.Corvez. Mais devant les hésitations de ses partenaires européens, il n'hésite pas à changer son discours sur l'envoi de troupes, comme le prouve sa dernière allocution.

» “Le Président, dans son entretien, n'est pas revenu sur ces déclarations de l'envoi de troupes en Ukraine, qui avaient soulevé un tollé dans l'ensemble de l'Europe et de l'Otan […]. Donc il n'a pas repris la même rhétorique, mais néanmoins, vous avez vu la façon elliptique qu'il a eu de parler”, souligne le haut gradé.

» L'état de l'armée française rend irréaliste un conflit avec la Russie. “Nous ne sommes pas préparés à un conflit avec la Russie, qui est une grande puissance nucléaire. Nous, nous n'avons plus qu'un corps de bataille réduit et qui n'est pas en mesure de mener une guerre de plus d'un ou deux jours", souligne-t-il.

» Les propos de Macron sur l'envoi de troupes en Ukraine vont aussi à l'encontre de la doctrine française en vigueur depuis le général de Gaulle, explique encore Alain Corvez. Celle-ci est fondée sur la dissuasion, notamment nucléaire, et non sur l'agression.

» “La doctrine française depuis le général de Gaulle est que nous ne voulons attaquer personne et que nous souhaitons que personne ne nous attaque. Le concept de base, c'est la dissuasion. Or, les propos du Président Macron sortent complètement de cette doctrine. Il s'égare complètement”, affirme l'ex-colonel. »

La trans et le Nez Rouge du clown

Que nous reste-t-il alors pour mettre un peu d’animation originale autour du clown de guerre ? Eh bien, il nous reste Candace Owens et le mythe grandiose du trans évoluant et papillonnant autour de son clown bien-aimé. C’est dans ‘La Matinale’ de Florence Houdiakova du 14 mars que l’on eut l’écho le plus fort d’une grande nouvelle venue d’outre-Atlantique.

Candace Owens, noire, trumpiste conservatrice acharnée et très populaire comme représentante célèbre de la fraction de la communauté africaine-américaine qui se range de plus en plus nombreuse du côté de Trump (22% contre 7% en 2016,  selon les sondages), a sorti sur son podcast deux épisodes consacrés au statut sexuel de la femme du président, dont on sait, ou dont on dit, ou dont on chuchote enfin, qu’il est fort trouble et incertain. Les Français peuvent donc être satisfaits : les petites affaires de l’en-dessous du lit du président,  de ce point de vue de ce personnage fort original, très Woke et hyper-postmoderne, un vrai transhumain humaniste – ont enfin atteint la notoriété de la toile chez nos parrains et protecteurs américains.

Il faut dire qu’Owens n’a peut-être pas fait ça par hasard, sinon par le biais du dossier que Trump affirme avoir sur le président Macron. Cela signifierait que Macron risque d’avoir de solides problèmes si Trump (re)vient au pouvoir, car le monde politique aux USA ne fait pas de cadeaux dans ces domaines de la rumeur publique répandue par le courant de l’internet, des podcast et des réseaux sociaux. Le candidat républicain, par contraste avec 2016, a une troupe sérieuse d’influenceurs, et surtout d’influenceuses particulièrement pétroleuses, agissant sur l’internet et extrêmement rompues à la polémique, régulièrement alimentées en informations qu’il peut être utile de dispenser.

Dans tous les cas le ‘Candace Owens podcast’ a sorti, à deux jours d’intervalle (11 et 13 mars), deux sujets sur les tribulations de Brigitte Macron (« MEDIA MELTDOWN! France’s First Lady EXPOSED ») :

• Le 11 mars, avec 1, 2 millions de vues.

• Le 13 mars, avec 627 000 vues.

Ce n’est rien qu’un peu d’“écume des jours” et des cabrioles du clown  de guerre tournant comme une toupie sur son Nez-Rouge. Mais le labyrinthe sexuel de Brigitte Macron est-il vraiment moins important que le plan d’Emmanuel pour mettre KO la Russie ? Dans l’époque étrange que nous vivons, nul ne pourrait le jurer, nous sommes plusieurs à le jurer..

Comme l’on voit, il est bien vrai comme Poutine l’affirme, et nous avec lui, que les problèmes sociétaux de type LTBGQ sont absolument proches de la guerre en Ukraine. Tout ça, c’est le même bazar, avec un clown de guerre au milieu de la piste, le Monsieur Loyal au sexe en format Nez-Rouge.

 

Mis en ligne le 16 mars 2024 à 17H35

L’hypersonique révolution des Houthis

L’hypersonique révolution des Houthis

15 mars 2024 (15H20) — Il serait assez remarquable que les Houthis disposassent dans leur arsenal étonnamment fourni, d’armes hypersoniques dont nous jugeons depuis un certain temps qu’elles constituent un apport révolutionnaire à la grande stratégie mondiale et à la dissuasion stratégique, – qui n’a même plus besoin d’être nécessairement nucléaire, qui va apprendre avec ce type d’engins à devenir d’usage commun mais très profond, – sauf en Occident où l’on continue à pédaler dans une abondante semoule pour en fabriquer.

Cela constituerait une assez belle leçon de choses pour les cohortes rutilantes d’experts occidentaux qui, depuis 1945, font de ces domaines de haute stratégie réservé aux plus hautes intelligences et aux plus fortes responsabilités, la réserve ultime de ce qui est en vérité (je me répète un peu) un super-domaine super-réservé à eux-mêmes exclusivement. L’intelligence occidentale, celle qui éclaire le monde au néon des annonces publicitaires, serait laissé à ses jeux de fesses pédophiles et jeux de genre d’entrejambes, et à ses représentations sataniques bien entendu, mais plus du tout à la très-grande stratégie qui fait trembler le monde.

Ce serait drôle, à la fois comme une drôle de guerre et comme une drôle de gueule, – et pourquoi pas, comme un drôle de ‘Requiem-pour-un-con’ ? Mais pour qui, grands dieux, se prennent donc ses Houthis-là ? Jamais entendu parler, moi, de ‘Houthis Lives Matter’ bien dans la ligne du Parti pourtant, et je me demande si le très-vif et très actif Soros que l’on voit encore skier sur les pentes de Davos est au courant.

Les Houthis, puissance stratégique...

Bien, la nouvelle est claire : les Houthis sont sur le point d’avoir, s’ils n’ont déjà des missiles hypersoniques. Ils l’ont annoncé et l’on sait, depuis quelques temps pour les esprits vifs, que les terroristes et les groupes autonomes et guerriers ne mentent guère, le mensonge-simulacre étant désormais réservé aux autorités légales, gouvernants, philosophes et généraux de plateaux, fonctionnaires internationaux de l’Occident-bobardif.

« La source de Spoutnik a indiqué que le nouveau missile Houthi peut accélérer jusqu’à Mach 8 (près de 10 000 km/h) et qu’il est propulsé par un moteur à combustible solide – ce qui réduit généralement rapidement le temps de préparation du lancement et facilite le transport.

» “Le Yémen a l'intention de commencer à le fabriquer pour l'utiliser lors d'attaques dans les mers Rouge et d'Oman et dans le golfe d'Aden, ainsi que contre des cibles en Israël”, a déclaré la source, qui n'était pas autorisée à s'exprimer publiquement en raison de la nature sensible de l'affaire. informations. »

D’une source l’autre, l’on passe à une déclaration officielle qui permet ainsi de légitimer l’affirmation et de donner à l’avertissement ainsi lancé aux puissantes armadas américanistes-occidentalistes un signal qu’aucun de leur très-sophistiqués radars  ne manquera pas d’identifier et de méditer.

« “Nos ennemis, nos amis et notre peuple connaîtront un niveau de réussite d'importance stratégique qui placera notre pays et ses capacités au rang de rares pays dans ce monde”, a déclaré le leader houthi Abdul-Malik al-Houthi dans un discours prononcé en dernier lieu. Jeudi, ajoutant qu’Ansar Allah réserve des “surprises” aux États-Unis et à Israël. »

Les Houthis sont en général très fiers de leurs capacités à développer des armes sophistiquées très avancées. Ils affirment les produire eux-mêmes et réfutent les analystes futées et toujours bien informées des hyper-experts occidentaux qui affirment qu’ils reçoivent une aide considérable des Iraniens. C’est ce que dirent ces mêmes experts lorsque les Iraniens commencèrent à produire leurs propres armes sophistiquées il y a une quinzaine d’années, affirmant que les susdits ne faisaient que profiter de l’aide technologique des Russes ; en même temps, ces experts moquaient le niveau extrêmement bas de la technologie russe et ne s’étonnent aujourd’hui nullement de s’entendre eux-mêmes affirmer que les Russes achètent des drones aux Iraniens parce qu’ils sont les meilleurs du monde. Que ceux qui ne voient pas la contradiction nous écrivent, je leur répondrais fort aimablement.

Note de PhG-Bis : « On se fera un délice de leur rappeler l’ébahissement silencieux et pourtant partout entendu des biffins US et de leurs généraux lorsqu’ils reçurent une dégelé de missiles iraniens incroyablement bien ciblés sur leurs diverses base irakiennes après l’assassinat de général Soleimani en janvier 2020. Personne n’aurait imaginé les Iraniens capables de développer de tels engins, y compris leurs amis russes qui leur adressèrent moult félicitations officieuses tandis que l’US Army rapatriaient dans les hôpitaux de Ramstein et dans le plus grand secret à la fois, des dizaines de soldats complètement sonnés  par les tirs et que l’on remarquaient que les ‘Patriot’, par ailleurs au repos, avaient aimablement laissé passer les pruneaux postaux iraniens. »

Les gens de ‘Spoutnik’ ont fait un bon papier sur ces attaques et ont développé une évaluation des capacités que les missiles hypersoniques vont donner aux Houthis par rapport à la flotte américano-anglo-bruxellois qui parade dans les parages en tirant allègrement et sans aucun effet des missiles à plusieurs $millions chacun. Ils font appel à quelques spécialistes russes pour un avis circonstancié et il se trouve que, depuis quelques années, depuis deux ans surtout, on a tendance à écouter les commentateurs russes.

Je remarque tout de même, ingénument, qu’il semble bien que dans une telle situation hypothétique, tous nos vaillants matafs ne savent pas vraiment comment faire. Ils des demandent comment ils vont faire pour arrêter des missiles qu’on ne peut pas arrêter. Il y a certains esprits habiles et agiles qui se disent qu’on pourrait bien lancer une bombe nucléaire tactique, comme ça, pour marquer le coup. Ce serait intelligent, n’est-ce pas, comme une sorte de triomphe-suite de la civilisation américaniste-occidentaliste... Encore ce Gainsbourg avec son obsédant ‘Requiem-pour-un-con’ qui pourrait s’appliquer à une civilisation transgenrée en personnage prétendument masculin de la tragédie-bouffe.

Quoi qu’il en soit, voici les commentaires des Russes,  ces détestables personnages évoluant dans la honte de l’histoire contemporaine.

« “Si les Houthis ont réellement réussi à accélérer un missile jusqu'à Mach 8, cela signifiera que les systèmes de défense aérienne embarqués du groupe naval américain seront impuissants", explique l'observateur militaire russe chevronné Alexeï Leonkov.

» “Les défenses aériennes du groupe aéronaval actuellement stationné au large des côtes de la péninsule arabique et tirant sporadiquement sur les Houthis ne seront pas en mesure d'intercepter ces missiles s'ils s'approchent à Mach 8. Et si les Houthis ont réussi à leur donner ne serait-ce qu'un peu de maniabilité pour varier leur course, alors ça y est, ils ne pourront pas être interceptés. Si les Houthis apprennent à frapper avec précision les navires de guerre avec ces missiles, nous assisterons à la défaite de l’Amérique”, a déclaré Leonkov à Sputnik. [...]

» “S’ils commencent à utiliser de tels missiles pour attaquer des navires, des navires de guerre, le résultat sera dévastateur. La manière dont les États-Unis réagiront est bien entendu une question ouverte”, a déclaré Leonkov, avertissant qu’il ne pouvait rien exclure – même un recours désespéré aux armes nucléaires tactiques. Il est inquiétant de constater que la dernière révision de la posture nucléaire des États-Unis, en 2022, n’a pas interdit au président de lancer une première frappe nucléaire, même contre des adversaires non dotés de l’arme nucléaire.

» “Pour que les Américains commencent à réfléchir à l’utilisation d’une arme de dernier recours contre les Houthis, il faudrait qu’ils coulent un porte-avions américain”, a déclaré l’observateur. “Les Houthis font les choses progressivement. Ils ont commencé avec les navires commerciaux et n’ont presque pas touché aux navires de guerre. Puis les navires de guerre ont commencé à intercepter les roquettes lancées sur eux. Si les Houthis se dotent d'un missile antinavire hypersonique, d'une fusée volant à des vitesses hypersoniques, le résultat pourrait être très différent”, a résumé Leonkov. »

Pourquoi une “révolution” ?

En acceptant les hypothèses qu’effectivement les Houthis vont produire ou produisent déjà des armes hypersoniques, comme les Iraniens l’ont déjà fait, alors qu’aucun pays américaniste-occidentaliste n’a encore été capable de faire, on justifie absolument la qualification de “révolutionnaire”. Cette “révolution” existait déjà  avec les Iraniens mais elle prend tout son sens avec les Houthis, beaucoup moins puissants que les Iraniens, beaucoup plus une communauté qu’un pays et en plein affrontement avec l’Occident-poussif, dans un afffrointemebnt où de telles armes ont sacrément leur rôle à jouer.

Une réaction nucléaire des USA, comme l’envisage Leonkov, serait quasiment une folie sans le moindre avantage. Son efficacité opérationnelle serait douteuse, à moins d’utiliser un fort mégatonnage qui toucherait les pays environnants et lancerait une guerre dont nul ne saurait jusqu’où elle pourrait s’étendre. Elle ferait des USA les premiers utilisateurs (une fois de plus) du nucléaire dans un conflit, attirant sur eux une réprobation générale, et amènerait sans aucun doute l’intervention de puissances extérieures, dont certaines nucléaires. Les USA seraient coincés et acculés peu ou prou à une alternative entre la défaite et le quasi-suicide d’une guerre sans aucun contrôle.

Toutes ces possibilités catastrophiques, venant au plus haut échelon de la puissance qui était jusqu’ici le domaine quasi exclusif des deux superpuissances, USA et URSS venus de la Guerre froide, déclenchées par cette sorte de “moustique global” que sont, en termes de puissance brute, les Houtis ! Et l’on n’emploierait pas le terme de révolution ? Jamais, au grand jamais, il ne fut plus approprié.

Il s’agirait d’un véritable hold-up lancé sur la dissuasion nucléaire , hold-up réussie, dont les USA seraient les otages à moins de décider purement et simplement de rentrer  chez eux. Il est rarissime, sinon totalement inédit, de se trouver devant une situation crisique si complètement incompatible avec le peu de stabilité qui demeure au plus haut niveau de la dissuasion globale, et cela à partir d’un affrontement bancal, né d’une autre situation crisique (Israël-Palestine) si complètement caractérisée par l’illégalité, l’inconséquence, la brutalité totale pour des objectifs absurdes et absurdement justifiés. Offrir une telle “révolution” affectant la dissuasion dans de telles conditions permet de mesurer à quel niveau d’incontrôlabilité chaotique sont tombées les relations internationales.

La responsabilité de tels développements repose entièrement sur le bloc-BAO, qui ne cesse d’accumuler les erreurs, les errements, les actions contre-productives, les actes d’illégalité internationales qui lui interdisent d’affirmer une quelconque autorité. Ce sont des pirates dans tous le sens du terme, et ouvrant ainsi la voie à une action constructive d’une force qui aurait dû être normalement mis dans position subalterne.

 Les  Houthis sont ainsi amenés à mettre en place les fondements d’une révolution de la dissuasion générale sans l’avoir voulu précisément. C’est ainsi que se forment et se font les véritables révolution, sans nécessité d’idéologie ni de meneurs révolutionnaires. Simplement, la révolution se met en place d’elle-même et il en naît une situation complètement nouvelle dont nous mesurerons plus tard l’importance. Certains montreront de l’étonnement, certains n’y comprendront rien et changeront de métier.

RapSit-USA2024 : Quel destin pour RFK ?

RapSit-USA2024 : Quel destin pour RFK ?

Après quelques mois d’un plus grand intérêt, on n’a plus guère de Robert Fitzgerald Kennedy Junior (RFK Jr.), fils de Robert Kennedy assassiné en juin 1968 (avec peut-être une renouveau ces jours-ci ?). On n’a pas raison pour autant, car il pourrait jouer un rôle important qui ne se mesurerait pas en hypothèses de qui sera élu et qui ne le sera pas, mais plutôt dans ce que serait son rôle si l’élection aboutissait à une impasse au niveau des Grands Électeurs. (On sait qu’un président n’est pas élu par votes populaires mais par le vote des Grands Électeurs de ce qui est nommé le Collège Électoral désignés par les votes populaires, – et il faut en avoir au moins 270+1 pour l’emporter).

Un texte récent, du 11 février de Pippa Malmgren sur le site ‘Unherd’ (via Bruno Bertez en français, repris par ‘Réseau International’) nous explique comment cette situation inédite pourrait faire resurgir RFK, même sans résultat électoral notable, dans un rôle essentiel.  Malmgren nous explique divers aspects de cette situation qu’on retrouve dans son texte en entier. Pour ce qui nous concerne dans  l’immédiat qui est le complet bouleversement des techniques de vote qui ne dépendent plus des habituelles méthodes de promotion et de présence médiatiques classiques, elle explique ceci qui expose les révolutions successives qui se sont succédées à une vitesse extrêmement rapide dans la technique du vote :

« ... [N]ous analysons toujours 2024 à travers les cadres de 2020 et 2016. Nous aimons prédire l’avenir en regardant dans le rétroviseur. Mais il existe une meilleure façon de comprendre ce qui se passe. La technologie joue un rôle énorme dans la définition de la présidence. La façon dont nous observons la course détermine qui va gagner. Bill Clinton et George W. Bush ont été les derniers présidents à avoir gagné à la télévision. Obama a gagné sur YouTube à une époque où peu de gens comprenaient ce que le site Web pouvait faire. Trump a mobilisé une campagne sur Twitter alors que la plateforme était encore une nouveauté pour la plupart des Américains. Aujourd’hui, le champ de bataille médiatique a encore changé, la plupart des jeunes électeurs ne regardant plus les médias grand public et s’appuyant plutôt sur des plateformes alternatives telles que Joe Rogan. Son interview en podcast avec Kennedy a été vue en direct par 30 millions de personnes, éclipsant ainsi le grand public. En comparaison, moins de 10 millions de personnes ont regardé le deuxième débat républicain à la télévision. Nous assistons à la première présidence du podcast, avec Instagram dans un rôle de soutien. Ce sont les meilleures façons de suivre cette course. “Nous assistons à la première présidence podcast”. »

Donc, par ailleurs, Malmgren nous a indiqué les diverses situations possibles, dont celle d’une impasse par absence de victoire décisive à cause du climat de haine régnant partout autour de Biden et de Trump, qui fait que des Grands Électeurs du parti de l’un ou de l’autre pourraient, comme ils en ont le droit, représenter effectivement leur parti mais refuser de voter pour le candidat désigné. (Ce sont des votes dits ‘uncommited’, et l’on peut juger de façon raisonnable qu’il y aura un certain nombre, qui serait un nombre inhabituellement élevé. Biden a eu un avant-goût de cela avec les votes démocrates dans un des États du ‘Super Tuesday’ ou autour de 100 000 votants démocrates s’étaient déclarés ‘uncommited’ : leurs votes allaient au candidat démocrate [Biden] mais sans le vouloir ni le désigner explicitement.)

S’il y a effectivement blocage du Collège Électoral s’ouvre alors une séquence extrêmement complexe,  dite “contingent election” essentiellement devant le Congrès, avec diverses tractations habituelles au monde politique américaniste. Là aussi, on trouve dans le texte de Malmgren diverses explications et élaborations de ce que l’auteure désigne comme une “itération” du système initial, une sorte de “destruction créatrice” pour trouver une autre combinaison des diverses forces en présence et aboutir effectivement à une élection. Le cas n’est pas une exceptionnelle novation puisqu’il y eut un grand nombre de telles occurrences, au XIXème et au XXème siècle. Il s’agit d’un grand chambardement de l’arrangement politique initial, mais il aurait cette fois des effets politiques très importants du fait de l’atmosphère radicale et antagoniste qui règne et des menaces de rupture extrêmement fortes pesant sur un système qui s’est enfermé dans la forteresse du “patri unique”.

Nous allons laisser là cet aspect structurel et constitutionnel de la situation auquel Malmgren s’attache dans une grande  partie de son texte, avec un luxe de détails tout à fait intéressants. On aura l’occasion d’y revenir lorsque et si se présentent effectivement de tels avatars en novembre prochain et après. Pour l’essentiel, notre intérêt se porte sur le sort d’un candidat indépendant qui nous intéressés dès le premier jour oû il s’est déclaré, RFK, du rôle qu’il peut jouer dans cet imbroglio, et de la façon dont il peut être amené à faire alliance avec un des grands candidats, en l’occurrence Donald Trump.

RFK et “L’Indicible”

Nous avons déjà évoqué la réelle possibilité d’une proximité entre Trump et Kennedy, du point de vue politique fondamental d’une puissante action contre le système actuel, – ou le Système tout simplement, – ce qu’on nomme également le DeepState. Ainsi écrivions-nous le 23 juin 2023 :

« En fait et quelles que soient leurs arrière-pensées, leur habileté, leurs perceptions, les deux hommes sont unis par un défi qu’ils ont été conduits à lancer : s’attaquer de toutes leurs forces à ce qu’on nomme le DeepState, – dans tous les domaines, sociétaux, économiques, sécurité nationale, impérialisme, etc. C’est cela qui porte leur popularité, leur effet sur le public, avec une caisse de résonnance d’une puissance presque magique comme l’est Carlson. Tous les éléments se rassemblent, comme pour compléter un gigantesque puzzle qui se nomme GrandeCrise, pour faire des présidentielles de 2024 un fantastique accélérateur de la crise d’effondrement du Système et de notre civilisation. »

Malmgren va exactement dans le même sens, étant entendu qu’il est pour Kennedy hors de question de se tourner vers le parti démocrate, – Biden ou pas Biden, – qu’il a quitté avec fracas en ayant constaté  la façon dont  ce parti s’employait à l’éliminer de toute possibilité de participer à la course à la présidence. Par ailleurs, Kennedy a déjà mesuré l’effroyable situation idéologique et de corruption où est tombé ce parti dont son oncle et son père furent les figures de proue avant d’être assassinés dans les conditions qu’on sait.

Malmgren développe donc cette même possibilité d’une collaboration Kennedy-Trump, avec les deux possibilités que l’un ou l’autre devienne président au terme du labyrinthe de cette très auguste “contingent election”...

« Trump et Kennedy sont remarquablement proches en matière politique. Tous deux sont hostiles à Washington ; tous deux veulent arrêter les guerres éternelles. Tous deux soutiennent les entrepreneurs et souhaitent mettre un terme à la mainmise des entreprises sur le processus réglementaire. Tous deux souhaitent transférer le pouvoir de Washington vers les États sur toutes les questions, y compris la plus grande question sociale de cette élection, à savoir le droit à l’avortement. Ils ont quelques différences : Kennedy est un écologiste engagé tandis que Trump dirige le mouvement “Drill, Baby, Drill”. Mais Kennedy affirme déjà que Trump lui a demandé de se présenter à ses côtés. Si Trump gagne, il est possible qu’il fasse entrer Kennedy dans son administration, peut-être pour lancer l’attaque contre le processus réglementaire, un sujet si détaillé que Trump ne s’y intéresse guère. De même, si Kennedy remportait une élection conditionnelle, il sait que les partisans de Trump contesteraient la légitimité de son mandat présidentiel. Une solution simple serait d’inviter Trump au sein du gouvernement, en faisant siennes ses vantardises selon lesquelles il pourrait “résoudre la guerre en Ukraine en un jour” et de le laisser gérer cette horrible question de politique étrangère. »

Sur ce point des attributions de l’un et de l’autre selon leurs positions respectives, et puisqu’ils est posé qu’ils sont faits pour s’entendre, nous diffèrerions avec l’auteure sur le point de ce qui pourrait être confié à un Kennedy par un Trump victorieux, nous diffèrerions sur la prévision de Malmgren (confier à Kennedy « l’attaque contre le processus réglementaire, un sujet si détaillé que Trump ne s’y intéresse guère »). Nous avons du mal à distinguer ce que recouvre exactement l’expression de “regulatory process” qui est proposée. Par contre il y a un domaine où les deux hommes ont une bataille commune à livrer, et certainement la plus rude : l’attaque contre le système de sécurité nationale, qui eut raison de John et de Robert Kennedy et qui s’opposa avec la plus extrême violence à Trump en 2016... Mais peut-être cela est-il compris dans l’expression « Tous deux sont hostiles à Washington », bien plus que dans « processus réglementaire ».

Nous avons très fortement pris en compte l’élément du DeepState, de l’appareil de sécurité nationale lorsqu’il fut question de Robert Kennedy Junior sous notre plume. C’est que nous pensions et pensons toujours que, outre les arguments rationnels qui poussent RFK vers la politique, il existe un puissant motif moral et personnel qui est le souvenir de l’assassinats de John et de Robert, et le désir de vengeance et de justice qui l’anime. Ainsi écrivions-nous longuement, le 7 avril 2023, lorsqu’il annonça son intention de se présenter à la présidence :

« ... Car j’avoue finalement qu’un seul détail m’a tout entier attaché à l’événement de la candidature de Kennedy, quelle qu’en soient le destin, la dimension politique-politicienne, l’apport de désordre qu’elle pourrait développer dans la situation général, ou bien l’abysse de silence et de censure où elle pourrait sombrer dans les manœuvres de la corruption de la direction du parti démocrate, – et ce détail qui m’a arrêté est de l’ordre de la métahistoire. Il concerne, – naturellement dirais-je, car sa candidature nous ramène à la tragédie, – ce que  RFK Jr. croit à propos des deux assassinats de son oncle et de son père. Pour ce cas et ces quelques lignes, Wiki est une source acceptable :

» “Concernant l'assassinat de John F. Kennedy, il a déclaré que son père était “nettement convaincu” que Lee Harvey Oswald n'avait pas agi seul et qu'il pensait en privé que le rapport de la commission Warren était un “travail de piètre qualité”. Selon Robert F. Kennedy Jr en janvier 2013 : “À ce stade, je pense que les preuves sont très, très convaincantes et qu’il ne s’agit pas d’un tireur isolé”. Le livre ‘JFK et l’Indicible’ a été reconnu comme très pertinent par Kennedy, qui a déclaré qu’il l’avait poussé à visiter Dealey Plaza, le site de l'assassinat de son oncle, pour la première fois.

» “Kennedy ne croit pas que Sirhan Sirhan soit responsable de l'assassinat de son père, Robert F. Kennedy, et il s’est rendu à la Richard J. Donovan Correctional Facility, à San Diego, en décembre 2017 pour rencontrer Sirhan. Après cette rencontre, il s’est dit convaincu qu’il y avait eu un deuxième tireur et il a donné son soutien à une nouvelle enquête sur l'assassinat. »

» Ce qui m’arrête, outre les convictions de RFK Jr. sur les assassinats, c’est la référence qu’il fait au livre ‘JFK et l’Indicible’ de James W. Douglass (éditions Demi-Lune, septembre 2013, pour la version française, voir le Wiki, acceptable, pour la version US). Ce livre est également considéré comme le meilleur sur l’assassinat de Dallas par le metteur en scène Oliver Stone, qui a notamment tourné le film ‘JFK’.

» L’accès à ce livre m’avait beaucoup apporté et il y a eu plusieurs articles sur ce site où il y est fait référence, et essentiellement lors de sa parution. Douglass, qui est un théologien, s’appuie pour sa réflexion métahistorique sur les travaux d’un moine trappiste qui commenta ces affaires dans les années 1960 et écrivit à ce propos malgré les entraves du Vatican et les difficultés rencontrées dans le monde de l’édition. Je notai ceci dans l’article sur le livre, du 22 novembre 2013 :

» ...[“U]n moine trappiste de l’abbaye de Gethsemani dans le Kentucky, Thomas Merton, qu’il désigne comme “le plus grand écrivain religieux de sa génération”. (Douglass compare en importance ‘La Nuit privée d’étoiles’, l’autobiographie de Merton, aux ‘Confessions’ de Saint Augustin.) Malgré les réticences très affirmées de sa hiérarchie, Merton suivit très précisément les événements de la fin des années 1950 et des années 1960, surtout dès le moment de l’arrivée de Kennedy, et en informa divers correspondants au travers de publications personnelles ronéotypées puisqu’il était interdit de publication, comme une sorte de samizdat...” »

Malmgren termine sur une sorte d’hymne à la vertu, curieusement en opposant « deux anciens politiciens » arrogants (Trump, “ancien politicien ” ?) aux politiciens indépendants dont elle attend « toute l’énergie politique créatrice » qui va révolutionner l’Amérique. C’est faire montre d’une audace bien conformiste, tant il est vrai que cette ”énergie créatrice” ne peut venir, dans le schéma envisagé, que de l’union d’un de ces “anciens politiciens” avec un “politicien indépendant” animé surtout d’un esprit de fureur contre la machinerie qui ne cherche qu’à abattre cet “ancien politicien” comme elle a assassiné son père et son oncle.

Par conséquent, un conseil au futur président Trump élu de justesse (hypothèse) après un formidable imbroglio parlementaro-constitutionnel : nommer JFK pour occuper la fonction créée pour lui de super-DNI (super-Directeur du renseignement national), avec mission de liquidation générale, – opération “Écuries d’Augias”, – et le poste de directeur de la CIA pour meubler ses week-ends et faire revivre ses soiuven,irs. C’est dire que ce n’est pas gagné d’avance ; c’est dire qu’au moins, cela déclenchera la guerre civile suivie de la désintégration que tout le monde attend avec impatience comme clou du spectacle.

 

Mis en ligne le 14 maes 2024 à 15H15

Jupiter et le Pentagone

Jupiter et le Pentagone

• Le secrétaire général de l’OTAN Stoltenberg, homme transparent et sans relief particulier, cette fois s’est distingué. • Il a averti la France qu’elle ne pouvait songer, seule ou avec quelques acolytes de fortune, à agir contre la Russie : elle fait partie complètement de l’OTAN donc elle en dépend complètement, et il n’est pas question, comme pense le Pentagone, d’agir de cette façon en cette circonstance. • Ainsi vogue, vogue, vogue la jolie souveraineté. • Ainsi notre complète servilité nous éviterait-elle  au moins une sottise remarquable.

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Cette fois, – une fois de plus, d'ailleurs, – Macron nous l'a faite grandiose. Sa campagne d’Ukraine, déclenchée comme une ‘blitzkrieg’ destinée, avec l’aide des alliés puissants que forme la coalition des trois États baltes, à ne faire qu’une bouchée – quoiqu’assez consistante, on vous l’accorde, – de l’armée russe, s’est transformé en un séisme de considérable magnitude qui secoue tout l’Occident-contemplatif.

Ce fut donc un spectacle inédit quoique virtuel, mais bien réel dans la communication, que de voir le président de la Grande Nation si fière de son indépendance retrouvée depuis qu’elle est une puissance nucléaire, se faire remonter les bretelles par ce piètre navet norvégien mal cuit qu’est le secrétaire général de l’OTAN Stoltenberg, éminent homme politique du continent européen puisqu’il comprend parfaitement, malgré la friture transatlantique, les conseils bienveillants qui lui sont adressées depuis le Pentagone. Non seulement il n’est pas question que l’OTAN prête quelque intérêt à l’initiative française, mais en plus elle la lui interdit, parce que l’OTAN n’en veut pas, et que la France est liée, ligotée, pieds et poings attachées par son engagement dans l’OTAN depuis la réintégration totale réalisée par le couple Chirac-Sarkozy en deux septennats successifs. Ce n’est plus une “souveraineté limitée”, c’est une “souveraineté retournée”, ou l’histoire de l’enculeur enculée. Macron est bien le Maître de l’“Impair & Manque”

Car lorsque Stoltenberg dit à Reuters que si un ou des pays de l’OTAN envisagent, en tant que tels, d’envoyer des troupes en Ukraine de leur propre chef, « cela affecte l'alliance dans son ensemble, car ses membres sont liés par un pacte de défense collectif », – cela signifie que la France ne peut agir avec ses forces armées sans l’accord des autres pays de l’OTAN et de l’OTAN elle-même. Et boum, badaboum...

Même si cela évite le ridicule sanglant d’être obligé de tenir sa promesse en envoyant à la tuerie quelques milliers de biffins bleus-blancs-beurs, cela donne une mesure de ce que Pompidou nommait “tenir son rang” dans le cas de la France-Startupnation.com... Tant il est vrai par ailleurs que la souveraineté cela se mérite, et que ces gens-là, manifestement, ne la méritent pas une seule seconde.

«  “L'OTAN n'a pas l'intention d'envoyer des troupes en Ukraine et elle n'est pas partie au conflit, pas plus que ses alliés”, a déclaré Stoltenberg à Reuters dans une interview. Stoltenberg a déclaré que même si certains pays de l'OTAN envoyaient des troupes en Ukraine, cela affecterait l'alliance dans son ensemble, car ses membres sont liés par un pacte de défense collective.

Lorsqu'on lui a demandé si Macron avait commis une erreur en parlant d'une “ambiguïté stratégique” sur l'éventuel déploiement de troupes occidentales en Ukraine, Stoltenberg a répondu : “Je pense qu'il est important que nous nous consultions pour avoir une approche commune sur ces sujets importants car ils sont importants. pour nous tous. »

Dans le même temps, et pour compléter l’assaisonnement, RT.com nous fait la gâterie de reprendre un écho de ‘Marianne [en date du 7 mars] sur l’éclat de rire général qui a, chez les hauts gradés français tout de même équipé d’un certain sens commun à tir automatique, accueilli le projet Mc-Macroniste de déployer une redoutable force de frappe terrestre pour couper en deux l’armée russe qui ne se doute de rien. C’est effectivement une sorte de minuscule point positif que d’entendre, dans cet immense bordel de mensonges, d’incompétences et de nullité, des généraux en fonction nous dire in peto qu’il y a des fous incompétents et sinistrement crétins au royaume de la Coke Enchantée régnant à l’Élysée

On remarquera également que ces mêmes généraux, lorsqu’ils sont hors-plateaux et hors-LCI, ont tout de même une vision un peu plus équilibrée et structurée de la véritable capacité de l’armée russe. Comme leurs collègues américanistes, ils ne doutent plus d’avoir en face d’eux (éventuellement, hein, pas nécessairement...) la plus puissante armée du monde.

«  Quelle mouche a piqué le président au moment d'envisager l'envoi de troupes en Ukraine ? Plusieurs rapports confidentiels défense expliquent “l’affolement” de l’Élysée, où les chefs de partis sont invités ce jeudi 7 mars à évoquer la question. Sur le front, les Russes sont en position de force. Fallait-il pour autant, face à Poutine, brandir une menace intenable ?

» En n’excluant pas d’envoyer des troupes en Ukraine, Emmanuel Macron a provoqué un tollé en Europe et écopé d’un désaveu américain. Plusieurs militaires français, interrogés par ‘Marianne’, disent, eux, être “tombés de l’armoire”. “Il ne faut pas se leurrer, face aux Russes, on est une armée de majorettes !”, raille un haut gradé, persuadé que “l’envoi de troupes” françaises sur le front ukrainien ne serait tout simplement “pas raisonnable”. À l’Élysée, on assume la position : “Le président voulait lancer un signal fort”, glisse un conseiller, reprenant la formule “de propos millimétrés et calibrés”... »

Avec l’oreillette du Pentagone

Bien entendu, on ne va pas s’attarder à la démarche de Stoltenberg, pour l'analyser, la peser, l'apprécier. En grossissant comme un obèse arrogant, l’OTAN a perdu tout ce qu’elle pouvait prétendre avoir de substance. Nous voulons dire que, par exemple, du temps de monsieur Joseph Luns comme secrétaire général, dans les années 1970-1980, l’OTAN avait une voix et un poids propres, en plus de l’humour de Luns et malgré la puissante tutelle des USA. Aujourd’hui, les pantins arctiques, multicolores de couleurs passives et incolores qui se succèdent ne sont plus que les porte-paroles directs de Washington, et plus encore dirions-nous dans cette période si agitée, plus que jamais même, du Pentagone. Par conséquent, Stoltenberg parle directement avec l’oreillette que lui a confiée le Pentagone.

Or, que pense le Pentagone, que dit, clame haut et fort le Pentagone ? Non pas son secrétaire à la défense, malheureusement occupé à passer d’un hôpital à l’autre, mais ceux qui sont chargés de la lourde fonction de l’animation d’un si grand corps d’armement. Écoutez les auditions des grands chefs militaires au Congrès il y a de cela tout juste une décade, car c’est bien là qu’on entend le fond réel de leurs jugements. On en a entendu deux, notamment et pour notre compte, la semaine dernière :

• Le chef de l’U.S. Army, le 29 février, le général Randy George, est venu vanter l’organisation structurelle de l’armée russe et son efficacité, et l’efficacité non moins grande de l’industrie russe de l’armement,  – d’ailleurs documentée entretemps par la grande chaîne pro-russe CNN. Depuis, les moujiks se sont payés quatre ‘Abrams’ nouveaux-venus en Ukraine et vous expliquent, – ils ont vite appris, –  comment démolir le super-char US sans trop se fatiguer ni faire des dépenses inutiles. Et l’on voudrait qu’éventuellement le général George, qui travaille pour tenter d’imiter le “modèle russe”, acceptât de préparer ses brigades équipées pour lutter contre les “terroristes” afghans, irakiens, syriens, et éventuellement les insurgés du 6 janvier 2021 sur les marches du Congrès, pour venir soutenir la coalition France-pays baltes à l’assaut de Rostov-sur-le Dniepr, ou bien s’agit-il de Rostov-sur-le-Don ? Ces gens ont-ils lu et vu le ‘Docteur Jivago’ pour prendre conscience des distances à parcourir sur ces terres parcourues dans ses plus profonds abysses des hurlements de souffrance que font entendre les ossements des soldats de la Grande Armée ?

• Le chef de STRATCOM, le lendemain 1er mars, est venu nous dire un peu la même chose, qui est celle de la crainte terrible de la toute-nouvelle superpuissance russe, dans le domaine de la puissance nucléaire ; vous savez, celle qui vitrifie et transforme le pays ennemi en désert inhabitable... Rappelez-vous, c’est tout proche.

« • Les chefs des forces stratégiques américanistes ont vraiment très-peur des armes hypersoniques stratégiques des Russes et ils le clament dans ces temps des irresponsables dirigeants politiques qui jouent au jeu de la guerre nucléaire comme on joue aux billes dans la cour de récréation de l’“École Primaire Emmanuel Macron”. • Car, au bout du bout du compte et quoique ses vassaux européens fassent,  c’est bien l’Amérique qui est concernée au premier chef par les conséquences et les perspectives qui pourraient découler d’une victoire russe quasi-complète en Ukraine. • Mais rien ne se fait vraiment dans une Amérique paralysée dans une sorte d’absurde jeu de haines antagonistes. • Voyez combien les alarmes à propos des armes hypersoniques russes du général Cotton, chef de STRATCOM (Strategic Command) en mars 2024, ressemblent à celle du général Hyten, chef de STRATCOM en mars 2018 : rien n’a été fait. • Plus que jamais, l’idée d’armes stratégiques hypersoniques à charges conventionnelles apparaît comme un moyen de lancer victorieusement une Troisième Mondiale sans goûter vraiment au nucléaire. »

Notre grand chef, le maréchal McMacron, aurait dû s’informer de cet état d’esprit des chefs militaires de notre parrain tutélaire car ce sont eux qui mènent le jeu  lorsqu’il s’agit de faire fonctionner l’ascenseur de l’OTAN qui portent  les plateaux chamarrés où sont empilées les instructions pour les semaines à venir.

Certes, le maréchal-président a voulu « lancer un signal fort » (aux Russes ou à l’OTAN ?). C’est fait, et le résultats est des plus intéressants. On sait que nos généraux conservent le sens de l’humour et que le président, lui, sait affirmer la souveraineté de la France même quand elle n’existe plus du tout, – ni la France, ni la souveraineté ; et tout cela se fait alors que la France se trouve fermement au sein de l’OTAN, qu’elle en respectera les règles de solidarité et se rangera à l’opinion de la majorité, comme le président fait lui-même vis-à-vis de son Assemblée Nationale de la province française de l’OTANstan...

On regrettera simplement que l’intervention de Stoltenberg soit venue un peu trop tôt par rapport au calendrier électoral, – les européennes et la van der Lahyène, n’est-ce pas, – dont on espérait bien qu’il porterait les traces de l’héroïque manœuvre de cette annonce de l’envoi de troupes pour mater le Russe. Le maréchal McMacron n’en réitère pas moins son avertissement : “En aucun cas, la Russie n’est autorisée à gagner cette guerre en Ukraine” ; c’est une règle rouge à ne pas franchir, un peu comme le non-respect de la priorité pour le Code de la Route.

 

Mis en ligne le 13 mars 2024 à 15H40

«Biden est déconnecté de la réalité»

« Biden est déconnecté de la réalité »

• Un texte de Alastair Crook, publié sur UNZ.com le 11 mars 2024. • Un point général sur la tension extrême entre Netanyahou et l’administration Biden sur ce constat général: « Oui, les choses pourraient empirer, et c’est peu dire, pour Israël. » • Traduction de ‘Entre la plume et l’enclume’ le 13 mars 2014.

dde.org

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« Biden est déconnecté de la réalité » 

 L’inattention à la réalité n’est pas un problème électoral « accessoire » et ennuyeux qui nécessiterait simplement une meilleure gestion des relations publiques par l’équipe de campagne.

 Alon Pinkas, un ancien diplomate israélien de haut rang, bien connecté à Washington, nous dit qu’une Maison Blanche frustrée en a finalement « assez ». La rupture avec Netanyahu est complète : le Premier ministre ne se comporte pas comme le devrait un « allié des États-Unis » ; il critique sévèrement la politique de Biden au Moyen-Orient, et les États-Unis ont désormais compris ce fait.

Biden ne peut pas se permettre que d’autres influences sur Israël mettent en péril sa campagne électorale, et ainsi – comme son discours sur l’état de l’Union l’indique clairement – ​​il redoublera d’efforts pour maintenir ses cadrages politiques mal interprétés pour Israël et l’Ukraine.

Alors, que compte faire Biden face à l’acte de défi de Netanyahu à l’encontre du « Saint Graal » des recommandations politiques américaines ? Eh bien, il a invité Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, à Washington, et lui a présenté un programme « réservé à un Premier ministre, ou à quelqu’un qui, selon eux, sera, ou devrait être, Premier ministre ». Les responsables ont apparemment pensé qu’en initiant une visite en dehors des protocoles diplomatiques habituels, ils auraient pu « déclencher une dynamique qui pourrait conduire à des élections en Israël », note Pinkas, ce qui donnerait lieu à un leadership plus réceptif aux idées américaines.

Il s’agissait clairement d’une première étape vers un changement de régime par « soft power ».

Et la principale raison de la déclaration de guerre à , c’est Gaza. Biden n’a apparemment pas apprécié le camouflet reçu lors de la primaire du Michigan lorsque le vote de protestation pour ce qui se passe à Gaza a dépassé les 100 000 « votes non engagés ». Les sondages – en particulier parmi les jeunes – lancent des signaux d’alerte rouge pour novembre (en grande partie à cause de Gaza). Les dirigeants nationaux démocrates commencent à s’inquiéter.

Nahum Barnea, commentateur israélien de premier plan, prévient qu’Israël est en train de « perdre l’Amérique » :

« Nous sommes habitués à considérer l’Amérique en termes familiaux… Nous recevons des armes et un soutien international et les Juifs nous donnent leurs voix dans les États clés et de l’argent pour les campagnes. Cette fois, la situation est différente… Puisque les votes aux élections [présidentielles] sont comptés au niveau régional, seuls quelques États… décident réellement… Comme la Floride, [un] État clé, où les votes des Juifs peuvent décider qui sera le prochain locataire à la Maison Blanche, tout comme les votes des musulmans du Michigan peuvent peser… [Les militants] ont appelé les électeurs des primaires à voter « sans engagement » pour protester contre le soutien de Biden à Israël… Leur campagne a réussi au-delà de toutes les attentes : 130 000 électeurs démocrates l’ont soutenue. La gifle adressée à Biden s’est répercutée dans tout l’establishment politique. Cela témoigne non seulement de la montée d’un nouveau lobby politique efficace et toxique, [mais] aussi de la répulsion que ressentent de nombreux Américains lorsqu’ils voient les images de Gaza ».

« Biden aime Israël et en a vraiment peur », conclut Barnea « mais il n’a pas l’intention de perdre les élections à cause de cela. C’est une menace existentielle.

Le problème cependant est à l’inverse : la politique américaine est profondément imparfaite et totalement incongrue, par rapport à l’opinion publique majoritaire en Israël. De nombreux Israéliens ont le sentiment de mener une lutte existentielle et ne doivent pas devenir « simplement une matière première » (ce qu’ils le voient venir) dans une stratégie électorale démocrate américaine.

La réalité, c’est qu’Israël est en train de rompre avec l’équipe Biden – et non l’inverse.

Le plan clé de Biden, qui repose sur un appareil de sécurité palestinien revitalisé, est décrit – même dans le Washington Post – comme « improbable ». Les États-Unis ont tenté une initiative de « revitalisation » de la sécurité de l’Autorité palestinienne sous la direction du général américain Zinni en 2002 et de Dayton en 2010 . Cela n’a pas fonctionné – et pour cause : les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne sont simplement considérées par la plupart des Palestiniens comme des larbins détestés qui maintiennent l’occupation israélienne. Ils travaillent pour les intérêts de sécurité israéliens, et non pour les intérêts de sécurité palestiniens.

L’autre composante principale de la politique américaine est une « solution à deux États », encore plus improbable, « déradicalisée » et anémique, enfouie dans un concert régional d’États arabes conservateurs agissant en tant que superviseurs de la sécurité. Cette approche politique reflète une Maison Blanche en décalage avec l’Israël d’aujourd’hui, plus eschatologique, et qui ne parvient pas à s’écarter des perspectives et des politiques issues des décennies passées qui, même à l’époque, étaient des échecs.

La Maison Blanche a donc eu recours à une vieille astuce : rejeter tous ses propres échecs politiques sur un dirigeant étranger qui ne fait pas fonctionner ce qui est « irréalisable », et essayer de remplacer ce dirigeant par quelqu’un de plus docile. Pinkas écrit :

« Une fois que les États-Unis se sont convaincus que Netanyahu n’était pas coopératif, qu’il n’était pas un allié attentionné et qu’il se comportait comme un ingrat grossier… concentré uniquement sur sa survie politique après la débâcle du 7 octobre, le moment était venu d’essayer une nouvelle voie politique ».

Cependant, la politique de Netanyahu – pour le meilleur ou pour le pire – reflète ce que pense la majorité des Israéliens. Netanyahu a ses défauts de personnalité bien connus et est très impopulaire en Israël, mais cela ne signifie pas qu’une majorité soit en désaccord avec son programme et celui de son gouvernement.

Alors « on fait rentrer Gantz en scène», il  est reçu par l’équipe Biden en tant que futur Premier ministre en attente dans le pool diplomatique de Washington et de Londres.

Sauf que le stratagème n’a pas fonctionné comme prévu. Comme l’écrit Ariel Kahana (en hébreu, dans Israel Hayom le 6 mars) :

« Gantz a rencontré tous les hauts responsables de l’administration, à l’exception du président Biden, et a présenté des positions identiques à celles que Netanyahu avait présentées lors de ses entretiens avec eux au cours des dernières semaines ».

« Ne pas détruire le Hamas à Rafah signifie envoyer un camion de pompiers pour éteindre 80 % de l’incendie », a déclaré Gantz à Sullivan. Harris et d’autres responsables ont rétorqué qu’il serait impossible d’évacuer 1,2 million de Gazaouis de la région de Rafah – une évacuation qu’ils considèrent comme une condition préalable essentielle à toute opération militaire dans cette ville du sud de la bande de Gaza. « Gantz n’était absolument pas d’accord ».

« Des divergences encore plus importantes sont apparues dans les discussions sur l’aide humanitaire. Alors que de nombreux Israéliens sont furieux de la décision d’autoriser la livraison de fournitures à l’ennemi – [ce qu’ils considèrent] comme un acte qui a aidé le Hamas, prolongeant la guerre et retardant un accord sur les otages – les Américains estiment qu’Israël n’en fait pas assez. Les collaborateurs de Biden ont même accusé les responsables israéliens de mentir sur la quantité d’aide fournie et sur le rythme de son acheminement. »

Bien entendu, l’aide est devenue (à juste titre) la question névralgique qui pèse sur les perspectives électorales du Parti démocrate, mais Gantz ne l’a pas compris. Comme le note Kahana :

« Malheureusement, les plus hauts responsables américains sont également déconnectés de la réalité en ce qui concerne d’autres aspects de la guerre. Ils croient toujours que l’Autorité palestinienne devrait gouverner Gaza, que la paix peut être obtenue à l’avenir grâce à la « solution à deux États » et qu’un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite est à portée de main. Gantz a été contraint de revenir sur cette lecture erronée de la situation ».

Ainsi, les responsables de l’administration américaine ont entendu de Gantz le même programme politique que Netanyahu leur a répété ces derniers mois : Gantz a également averti qu’essayer de le « monter » contre Netanyahu était inutile : il pourrait très bien souhaiter remplacer Netanyahu en tant que Premier ministre à un moment donné, mais sa politique ne sera pas fondamentalement différente de celle du gouvernement actuel, a-t-il expliqué.

Maintenant que la visite est terminée et que Gantz a dit ce qu’il a dit, la Maison Blanche fait face à une nouvelle expérience : les limites de la puissance américaine et de la conformité automatique des autres États – même des alliés les plus proches.

Les États-Unis ne peuvent ni imposer leur volonté à Israël, ni contraindre un « groupe de contact arabe » à voir le jour, ni contraindre un groupe de contact arabe putatif à soutenir et à financer les « solutions » « fantasmagoriques » de Biden pour Gaza. C’est un moment salutaire pour la puissance américaine.

Netanyahu est un « vieux bras de Washington » expérimenté. Il est fier de sa capacité à bien déchiffrer la politique américaine. Il estime sans aucun doute que même si Biden peut élever le ton d’un ton ou deux, ce dernier est tenu en laisse stricte quant à l’ampleur du fossé qu’il peut creuser entre lui et les méga-donateurs juifs au cours d’une année électorale.

Netanyahu, donc, semble avoir conclu qu’il pouvait ignorer Washington en toute sécurité – au moins pour les dix prochains mois.

Biden a désespérément besoin d’un cessez-le-feu ; mais même sur ce point – sur la question des otages, sur laquelle repose ou échoue la politique américaine – les États-Unis ont l’oreille fine ». Une demande de dernière minute a été adressée au Hamas pour qu’il dise lesquels des otages capturés le 7 octobre sont vivants.

La demande peut sembler raisonnable aux yeux des étrangers, mais les États-Unis doivent savoir que ni le Hezbollah, ni le Hamas, ne donnent gratuitement une « preuve de vie » des otages : il y a un coût en termes de rapport d’échange entre les cadavres et les otages vivants. (Il existe une longue histoire d’échecs dans les demandes israéliennes de « preuve de vie »).

Des rapports indiquent qu’Israël refuse d’accepter un retrait de Gaza ; il refuse de permettre aux Palestiniens du nord de Gaza de rentrer chez eux et il refuse d’accepter un cessez-le-feu global.

Ce sont toutes des revendications formulées depuis le début, pour le Hamas – elles ne sont pas nouvelles. Pourquoi cela devrait-il surprendre ou offenser Biden alors que cela se répète à nouveau. Il ne s’agit pas d’une escalade des exigences de Sinwar (comme le prétendent les médias occidentaux et israéliens). Cela reflète plutôt que c’est une stratégie de négociation irréaliste qui a été adoptée par Washington.

Selon le journal Al-Quds , le Hamas a présenté au Caire « un document final qui n’est pas sujet à négociation ». Cela comprend, entre autres, une exigence de cesser les combats à Gaza pendant une semaine entière avant de conclure un accord de libération des otages, et une déclaration israélienne claire sur le retrait total de la bande de Gaza – accompagné de garanties internationales.

Le Hamas exige également que tous les habitants de Gaza aient le droit inconditionnel de rentrer chez eux, ainsi que l’entrée de fournitures dans l’ensemble de la bande de Gaza sans barrière de sécurité, à compter du premier jour de l’accord. Selon le document du Hamas, la libération des otages commencerait une semaine après le début du cessez-le-feu. Le Hamas rejette la demande d’Israël selon laquelle l’un de ses membres ou dirigeants soit exilé et envoyé à l’étranger. (Cela s’était produit lors de la libération des otages du siège de l’église de la Nativité en 2002, où un certain nombre de Palestiniens avaient été exilés vers des États de l’UE – un acte qui avait été fortement critiqué à l’époque.)

Dans une clause distincte, le Hamas a déclaré que ni lui, ni aucun autre groupe palestinien, ne fournirait une liste d’otages jusqu’à 48 heures avant la mise en œuvre de l’accord. La liste des prisonniers dont le Hamas exige la libération est longue et comprend la libération de 57 personnes qui ont été libérées dans le cadre de l’accord pour la libération de Gilad Shalit de 2011 et qui ont ensuite été de nouveau arrêtées ; toutes les détenues de sexe féminin et mineures ; tous les prisonniers de sécurité malades et toute personne âgée de plus de 60 ans. Selon le rapport, ce n’est qu’une fois la première étape terminée que les négociations sur la prochaine étape d’un accord commenceront.

Ces revendications ne devraient surprendre personne. Il n’est que trop fréquent que des personnes peu expérimentées croient que des accords d’otages peuvent être conclus assez facilement et rapidement, grâce à la rhétorique, aux médias et à la pression diplomatique. L’histoire dit autre chose. Le délai moyen pour convenir d’une libération d’otages est de plus d’un an.

L’équipe Biden doit de toute urgence réévaluer son approche, en partant du principe que c’est Israël qui est en train de rompre avec le consensus américain obsolète et malavisé. La plupart des Israéliens sont d’accord avec Netanyahu, qui a répété hier que « la guerre est existentielle et doit être gagnée ».

Comment se fait-il qu’Israël puisse envisager de se séparer des États-Unis ? Peut-être parce que Netanyahu comprend que la « structure du pouvoir » aux États-Unis – comme en Europe – qui contrôle une grande partie, sinon la majeure partie de l’argent qui façonne la politique américaine, et en particulier la position du Congrès, dépend fortement de la « cause » israélienne existante. Pour continuer à exister, il n’est donc pas vrai qu’Israël dépende entièrement des structures de pouvoir américaines et de sa « bonne volonté » (comme le présuppose Biden).

La « cause d’Israël » donne à la fois aux structures intérieures américaines leur signification politique, leur agenda et leur légitimité. Un résultat « Non à Israël » leur retirerait le tapis sous les pieds et laisserait les Juifs américains dans une insécurité existentielle. Netanyahu le sait – et comprend également que l’existence d’Israël, en soi, offre à Tel Aviv un certain degré de contrôle sur la politique américaine.

À en juger par le discours sur l’état de l’Union d’hier, l’administration américaine est incapable de sortir de l’impasse actuelle avec Israël et redouble plutôt d’efforts sur ses notions éculées et autres platitudes. Utiliser le discours sur l’état de l’Union comme une tribune pour intimider une pensée ancienne n’est pas une stratégie. La construction d’une jetée à Gaza a aussi une histoire. Cela ne résout rien – à part consolider davantage le contrôle israélien sur les frontières de Gaza et toute perspective possible de Gaza après l’occupation – Chypre à la place de Rafah pour les contrôles de sécurité israéliens. (Gaza possédait autrefois à la fois un port et un aéroport international – tous depuis ongtemps réduits en ruines, bien sûr, par les précédentes séries de bombardements israéliens).

L’inattention à la réalité n’est pas un problème électoral « accessoire » et ennuyeux qui nécessiterait seulement une meilleure gestion des relations publiques par l’équipe de campagne :

Les responsables israéliens et américains mettent en garde depuis un certain temps contre un possible pic de tension qui coïnciderait avec le début du Ramadan, le 10 mars. La Douzième chaîne israélienne (en hébreu) rapporte que le chef de la Division des renseignements militaires, « Aman, a averti le gouvernement israélien dans un document confidentiel de la possibilité qu’une guerre de religion éclate au cours du mois de Ramadan, commençant par une escalade de la violence dans les territoires palestiniens ; s’étendant sur plusieurs fronts, puis se transformant en guerre régionale.

Cet avertissement – selon la Douzième chaîne – était la principale raison derrière la décision de Netanyahu de ne pas imposer de restrictions plus sévères que d’habitude aux Palestiniens entrant à Al-Aqsa pour les prières du Ramadan.

Oui, les choses pourraient empirer, et c’est peu dire, pour Israël.

Alastair Crooke

RapSit-USA2024 : Le “'new' Donald Trump”

RapSit-USA2024 : Le “'new' Donald Trump”

C’est un sujet que nous avons abordé de-ci de-là, selon les occasions, sans en avoir fait le sujet central d’un article. Cette fois, c’est le cas, sans nous attarder aux grotesques et épuisantes catégorisations de Trump (‘fasciste’, ‘dictateur’) datant d’à peu près un siècle et auxquelles s’accrochent désespérément les globalistes et tous les groupes qui suivent cette voie par incapacité de la moindre pensée originale et organisée, par impuissance  à accepter les tensions de notre temps pour ce qu’ils sont. Ces jugements, venus du constat d’une situation politique désespérée par des revers incessants, – de l’Ukraine au populisme, aux révoltes anti-UE, agricoles et autres, etc., –  et par une incompréhensibilité radicale du sens et de la puissance de la GrandeCrise sont désormais très majoritairement  sinon exclusivement marquées par un aspect pathologique d’une vision simulacre de la situation.

Le territoire de la question “y a-t-il un nouveau Donald Trump ?”, –  Ttump-2024 par rapport à Trump-2016, – est donc entièrement ouvert à une exploration complètement nouvelle, en tenant pour acquis que l’échec de Trump de 2020 a été paradoxalement pour lui une excellente chose parce qu’il lui a imposé une rupture radicale et l’obligation impérative de complètement renouveler son expérience en s’armant d’un bagage politique et psychologique essentiel. En même tempos, l’aggravation exponentielle de la crise américaniste a imposé la nécessité d’appliquer cette expérience politique et psychologique dans une orientation radicale sinon rupturielle.

Contrôler le parti

Nous allons développer cette analyse en nous appuyant sur le texte du 11 mars de Larry Johnson qui aborde effectivement cette question. Nous commençons par une citation complète du premier paragraphe du texte de Johnson qui introduit un élément que nous ne connaissions pas, qui est très important, qui concerne la prise en main de la structure de direction du parti républicain par Trump. (On a déjà vu quelques éléments hier concernant la situation au Congrès.)

« Deux noms – Michael Whately et Lara Trump [une fille de Trump] – signalent que nous voyons un nouveau Donald Trump. Oui, Whately et Lara Trump sont les nouveaux coprésidents du Parti républicain. La coqueluche de l'establishment, Ronna McDaniel, qui a été un véritable désastre depuis qu'elle dirige le RNC [Republican National Commission], a disparu. Pourquoi est-ce important ? Pendant les campagnes de 2016 et 2020, Trump a ignoré la nécessité de prendre le contrôle du Parti républicain. Il était trop confiant, trop naïf. En remplaçant McDaniel, Trump envoie un message clair : il prend le contrôle de l'appareil du parti. C'est ce que je veux dire quand je pose la question : “Sommes-nous en train de voir un nouveau Trump ?” »

Replaçant la question dans son conteste initial, Johnson accompagne son texte d’une vidéo où il passe plus précisément en revue le Trump-2016. En quelques mots, il rappelle le désastre, qui doit parler immédiatement aux oreilles d’un connaisseur moyen de la politique américaniste, à laquelle des noms tels que Bolton, Mattis, Pompeo s’accordent tellement bien avec le concept de politiqueSystème. Cette fameuse politiqueSystème est l’expression même, en termes furieux de politique d’agression, du marigot washingtonien que Trump-2016 prétendait drainer...

 « Le premier mandat de Donald Trump fut un véritable désastre en termes de sélection de personnel de son équipe de direction de la sécurité nationale, sélectionnant John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale, avec des choix catastrophiques pour le département de la Justice, le FBI [et aussi bien pour Mattis au Pentagone, Pompeo au département d’État],... »

Construire une vice-présidence

Ensuite, Johnson aborde la question de la vice-présidence (le VP) : qui Trump choisira-t-il ? Outre les divers aspects électoraux sur la popularité, la représentativité, la capacité de communication de la personne choisie pour la campagne, et en mettant à part la question du rôle que jouerait le VP (sans aucun effet politique, comme Pence pour Trump, ou un place prépondérante comme Cheney pour GW Bush ?), se pose la question de l’âge. Trump aura largement dépassé les 80 ans en 2028 et il est très envisageable qu’il décide de ne pas solliciter un nouveau mandat, – tout en laissant ouverte la question de savoir s’il le peut, la Constitution interdisant depuis Franklin Roosevelt plus de deux mandats, mais sans préciser s’il s’agit de plus de deux mandats de suite, ou s’il s’agit de plus de deux mandats en tout [avec interruption entre l’un et les 2 autres, ou entre les trois]. Quoi qu’il en soit, il y a assez d’éléments pour s’interroger de savoir si Trump n’envisagerait pas un VP avec notamment l’âge de la maturité qui lui laisserait beaucoup de temps (possibilité de deux mandats) pour poursuivre sa propre politique.

Johnson prend largement en compte cet aspect et c’est ainsi qu’il nous donne sa préférence, sans indiquer, – par un intentionnellement vague « Les deux candidats dont on parle le plus », –  s’il dispose de sources proches de Trump pour qu’on y voit autre chose qu’une simple spéculation. Quoi qu’il en soit, le nom de Gabbard émerge, et c’est là un fait important par rapport au jugement d’un commentateur du calibre de Johnson.

« Nous aurons un autre indice lorsque Trump désignera son candidat à la vice-présidence. Voici ma prédiction. Trump ne choisira pas un membre actif du Sénat ou de la Chambre des représentants. Pourquoi ? S'il faisait ce choix, par exemple le sénateur Tim Scott ou le député Bryon Donalds, il mettrait à rude épreuve la capacité des républicains à prendre le contrôle du Sénat et/ou de la Chambre.

» Soit dit en passant, les perspectives républicaines de prendre le contrôle du Sénat sont excellentes. Deux membres actuels du groupe démocrate, – le sénateur Joe Manchin de Virginie-Occidentale et la sénatrice Krysten Sinema de l'Arizona, – démissionnent et les républicains sont largement favoris pour prendre ces deux sièges.

» Alors, qui Trump choisira-t-il ? Les deux candidats dont on parle le plus sont le Dr Ben Carson et l'ancienne députée démocrate Tulsi Gabbard. Je pense que Carson est trop vieux. Certes, il est plus jeune que Trump, mais le fait d'avoir un autre homme de plus de 70 ans sur le ticket alimentera le mythe des personnes âgées. Je vous laisse donc le soin, à vous les commentateurs, de me dire, ainsi qu'au reste des lecteurs, qui, selon vous, Trump choisira. »

On comprend de qui il s’agit, et rien ne pourrait plus nous satisfaire. D’autre part, les deux personnes que cite Johnson sont actives, sinon activistes dans le même sens que Trump, à la différence pitoyable de Mike Pence. Il y a donc une évaluation politique très précise chez Trump dans ses approches, évaluation qu’il n’avait en aucun cas en 2016 où il s’en remit dans le désordre à des conseils de personnages dont il ne savait rien en profondeur.

En attendant Thermidor

Par conséquent, l’on peut sans le moindre doute avancer que, d’une façon générale, Larry Johnson répond affirmativement à la question “Trump-2024 a-t-il changé par rapport ànTrump-2016 ?”. Cela n’a pas la simple signification d’un élément nouveau et éventuellement stabilisant selon les normes dans le combat pour la présidence, par rapport à 2016 où tout survint par surprise, sans préparation. Nous voulons dire que cela n’a pas la signification de l’ordre succédant au désordre pour rétablir une compétition comme on a l’habitude, – quel que soit le gagnant. Nous dirions exactement le contraire.

Au contraire de 2016, la bataille aura lieu dans la plus grande férocité et ce sera le désordre de la guerre (ou “the fog of the war” ”, si vous préférez), l’impitoyable affrontement. S’il est un élément nouveau par rapport à 2016, c’est donc l’intensité extraordinaire de la bataille à venir parce que cette fois les enjeux seront parfaitement déterminés, les positions idéologiques assez bien définis, les objectifs et conceptions des uns et des autres très justement connues, et reconnues comme absolument irréconciliables sinon par la fureur de la bataille pour enfin vider cette haine réciproque qui marque la politique américaniste. L’impitoyable affrontement ne laissera donc aucune place, ni à la pitié, ni au compromis, ni à l’arrangement. Chacun saura  pour quoi il se bat et aura choisi ses troupes en fonction de ces choses bien précises.

Bien entendu, c’est la raison essentielle qui nous fait penser que, quel que soit l’élu, le vainqueur, etc., la bataille ne sera pas terminée, au contraire elle atteindra alors son point paroxystique de rupture en devenant guerre ouverte sous quelque forme que ce soit, sécessions, guerre hybride, coups de force, etc...

James Howard Kunstler nomme cela “an American Thermidor”, selon cette analogie du moment où, n’en pouvant plus, la France se défit avec la violence guillotinatoire qu’on imagine du corset de terreur que les Montagnards avaient refermé sur elle ; comme l’on dirait en français, comme une incantation : “Vienne Thermidor !” :

« Cet événement est connu sous le nom de réaction thermidorienne. Le programme jacobin insensé de terreur et de désordre social est rapidement aboli. Rien de tel ne s’est reproduit jusqu’à l’arrivée des bolcheviks, des maoïstes et des Khmers rouges au XXe siècle, et maintenant, à notre époque, le Parti du Chaos dirigé par “Joe Biden” (ou qui que ce soit derrière lui), avec ses frontières ouvertes, sa soif d’une nouvelle guerre mondiale, sa volonté de censure, ses lois sadiques, ses courses à l’échalote et au sexe, ses mensonges compulsifs et sa destruction maladive de toute norme et de toute limite dans la vie quotidienne.

» L’Amérique se dirige vers sa propre réaction thermidorienne. Elle finira par s’appeler autrement, bien sûr, parce qu’il s’agit d’une époque, d’un lieu et d’un ensemble de circonstances différents. Mais cela semble proche, n’est-ce pas ? Toutes les personnes que je connais ou avec lesquelles je corresponds mentionnent ce sentiment que quelque chose va exploser dans notre pays, et très bientôt. L’air en est imprégné, tout comme l’air est imprégné des signes avant-coureurs du printemps... »

... Ces quelques mots que l’on devrait terminer pour notre compte, et que l’auteur termine évidemment par cette objurgation chuchotée en une interrogation pressante : “L’entendez-vous venir ?”

 

Mis en ligne le 12 mars 2024 à 14H40

George Orwell et le féminisme autoritaire

George Orwell et le féminisme autoritaire

« Il détestait presque toutes les femmes, surtout celles qui étaient jeunes et jolies. C’étaient toujours les femmes, et spécialement les jeunes, qui étaient les bigotes du Parti : avaleuses de slogans, espionnes amateurs, dépisteuses d’hérésies. » 

Ursula (ou Cruella) Van der Leyen devrait être maintenue dans son rôle de mère-poule eurocrate et dictatrice : on aura la guerre éternelle contre les machos russes, l’euro numérique avec la Lagarde qui contrôlera puis bloquera nos dépenses, la surveillance policière numérique, le chauffage au vent, les insectes au menu et la censure des réseaux pourtant anesthésiants.

Certains pourront voir une petite prescience de cela dans Harry Potter : quand Dolores Umbridge envoyée du ministère (la méphitique JK Rowling depuis pourchassée par les dementors du wokistan a dû être une prof de lettres de sensibilité libérale-conservatrice) veut mettre de l’ordre nouveau à Hogwarts. C’est dans le plus intéressant épisode de la série, celui sur l’ordre du phénix.

Mais on ne va pas rappeler la capacité surprenante du féminisme occidental dans l’épisode que nous vivons ; Todd en avait bien parlé dans Après l’Empire. Chesterton avait parlé de la NURSERY DU FUTUR lors de son voyage en Amérique : le citoyen n’aurait pas plus de droits qu’un enfant dans une crèche. J’ai souligné dans un texte sur Gustave de Beaumont, compagnon de route de Tocqueville, le caractère ombrageux, intellectuel, triste et platonique de l’épouse américaine qui selon Beaumont ne peut réussir à s’entendre avec son mari. Par contre elle déclenchera toutes les guerres humanitaires qu’on voudra, surtout contre ses compatriotes du Sud (relisez dans cette perspective les Filles du Docteur M.).

Nous vivons des temps apocalyptiques où le séculaire totalitarisme progressiste occidental jusque-là plus ou moins maintenu explose à la surface du monde et veut exterminer tout ce qui bouge. On relira l’étude exceptionnelle de Rothbard sur le fanatisme judéo-protestant qui s’exprime aujourd’hui dans les pays anglo-saxons, protestants, scandinaves, germaniques et judéo-chrétiens comme on dit. La fin prévisible du catholicisme romain avec Bergoglio permet à cette folie millénariste et progressiste de s’exprimer comme elle le fit en Allemagne et ailleurs au seizième siècle. Le texte de Rothbard sur les anabaptistes de Munster est essentiel (Mises.org).

J’en reviens à Orwell : comme tout bon lecteur lambda j’en étais resté au sex crime. Mais cela va beaucoup plus loin, et Orwell réglait des comptes avec la féministe modernité, et Orwell est considéré aujourd’hui comme un suprémaciste à interdire des bibliothèques. Car rien n’a pu les arrêter.

On va voir pourquoi ; dès le début du livre, ce maître martyr et étrange écrit :

« C’était une fille d’aspect hardi, d’environ vingt-sept ans, aux épais cheveux noirs, au visage couvert de taches de rousseur (NDLR : 1984 abonde en rouquines) à l’allure vive et sportive. Une étroite ceinture rouge, emblème de la Ligue Anti-Sexe des Juniors, plusieurs fois enroulée à sa taille, par-dessus sa combinaison, était juste assez serrée pour faire ressortir la forme agile et dure de ses hanches. Winston l’avait détestée dès le premier coup d’œil. Il savait pourquoi. »

C’est ce mot de détester qui me frappe. On n’en a pas fini :

« C’était à cause de l’atmosphère de terrain de hockey, de bains froids, de randonnées en commun, de rigoureuse propreté morale qu’elle s’arrangeait pour transporter avec elle. Il détestait presque toutes les femmes, surtout celles qui étaient jeunes et jolies. C’étaient toujours les femmes, et spécialement les jeunes, qui étaient les bigotes du Parti : avaleuses de slogans, espionnes amateurs, dépisteuses d’hérésies. »

On retrouve cette idée dans plusieurs épisodes du Prisonnier (la série télé, voyez mes textes) : on a une fille jeune et Angelina-jolie, crétine et fanatique, bornée et maléfique, cruelle quand il faut. Le modèle écolo-progressiste d’aujourd’hui qui veut zigouiller la planète après y avoir mis bon ordre (elle a du mal avec la Russie, mais on verra…) en vient. Tout montre que le Prisonnier est la seule série télé à garder chez soi ; le reste est divertissement.

La fille est un agent de la police de la pensée :

« Mais cette fille en particulier lui donnait l’impression qu’elle était plus dangereuse que les autres. Une fois, alors qu’ils se croisaient dans le corridor, elle lui avait lancé un rapide regard de côté qui semblait le transpercer et l’avait rempli un moment d’une atroce terreur. L’idée lui avait même traversé l’esprit qu’elle était peut-être un agent de la Police de la Pensée. C’était à vrai dire très improbable. Néanmoins, il continuait à ressentir un malaise particulier, fait de frayeur autant que d’hostilité, chaque fois qu’elle se trouvait près de lui quelque part. »

Dans ce monde de fonctionnaires froides et sans enfants (futures commissaires de Bruxelles) il ne faut pas bouger le petit doigt :

« Deux doigts de sa main droite étaient tachés d’encre. C’était exactement le genre de détail qui pouvait vous trahir. Au ministère, quelque zélateur au flair subtil (une femme, probablement, la petite femme rousse ou la fille brune du Commissariat aux Romans) pourrait se demander pourquoi il avait écrit à l’heure du déjeuner, pourquoi il s’était servi d’une plume démodée, et surtout ce qu’il avait écrit, puis glisser une insinuation au service compétent. »

La chasse au sexe « hétérosexuel » est devenue une activité mainstream en occident. Dans le monde d’Orwell on en est déjà là comme on sait :

« Le but du Parti n’était pas simplement d’empêcher les hommes et les femmes de se vouer une fidélité qu’il pourrait être difficile de contrôler. Son but inavoué, mais réel, était d’enlever tout plaisir à l’acte sexuel. Ce n’était pas tellement l’amour, mais l’érotisme qui était l’ennemi, que ce fût dans le mariage ou hors du mariage. »

Les naissances sont raréfiées et contrôlées :

« Tous les mariages entre membres du Parti devaient être approuvés par un comité appointé et, bien que le principe n’en eût jamais été clairement établi, la permission était toujours refusée quand les membres du couple en question donnaient l’impression d’être physiquement attirés l’un vers l’autre. La seule fin du mariage qui fût admise était de faire naître des enfants pour le service du Parti. »

Cible importante, l’érotisme supérieur :

« La seule fin du mariage qui fût admise était de faire naître des enfants pour le service du Parti. Le commerce sexuel devait être considéré comme une opération sans importance, légèrement dégoûtante, comme de prendre un lavement. Cela non plus n’avait jamais été exprimé franchement mais, d’une manière indirecte, on le rabâchait dès l’enfance à tous les membres du Parti. »

L’on se rapproche d’une séparation totale (Philippe Muray nous parlait en 2002 d’un projet de couvre-feu pour les hommes en Suède, c’est dommage, ils ne sont pas encore allés jusque-là). On évoque une insémination artificielle :

« Il y avait même des organisations, comme celle de la ligue Anti-Sexe des Juniors, qui plaidaient en faveur du célibat pour les deux sexes. Tous les enfants devraient être procréés par insémination artificielle (artsem, en novlangue) et élevés dans des institutions publiques.

Winston savait que ce n’était pas avancé tout à fait sérieusement, mais ce genre de concept s’accordait avec l’idéologie générale du Parti. »

Ensuite on se rapproche de ce qui nous est arrivé. Le porno, la pseudo-libération, le web et l’abjection ont tué le sexe chez nous comme elles doivent le tuer dans le monde d’Orwell :

« Le Parti essayait de tuer l’instinct sexuel ou, s’il ne pouvait le tuer, de le dénaturer et de le salir. Winston ne savait pas pourquoi il en était ainsi, mais il semblait naturel qu’il en fût ainsi et, en ce qui concernait les femmes, les efforts du Parti étaient largement couronnés de succès. »

Le prix Nobel péruvien Vargas Llosa de passage dans une librairie universitaire US avait noté la disparition du sexe (il cherchait en amateur éclairé de la littérature érotique) et de toute culture d’ailleurs. La cancel culture a effacé presque tout (même l’orthographe) et elle effacera tout.

Le système orwellien tire ainsi parti des femmes :

« Winston apprit avec étonnement que, sauf le directeur du Commissariat, tous les travailleurs du Pornosec étaient des femmes. On prétendait que l’instinct sexuel des hommes étant moins facile à maîtriser que celui des femmes, ils risquaient beaucoup plus d’être corrompus par les obscénités qu’ils maniaient.

— Ils n’aiment pas avoir là des femmes mariées, ajoute-t-elle. On suppose toujours que les filles sont tellement pures ! En tout cas, il y a en a une ici qui ne l’est pas.

Elle avait eu son premier commerce amoureux à seize ans avec un membre du Parti âgé de soixante ans, qui se suicida plus tard pour éviter d’être arrêté. »

Aujourd’hui il passerait à la télé.

Revenons-en au projet :

« Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. »

Cela c’est la France actuelle.

Mais continuons : on va briser le sexe, la famille, la culture, et même la science.

« Nous écrasons déjà les habitudes de pensée qui ont survécu à la Révolution. Nous avons coupé les liens entre l’enfant et les parents, entre l’homme et l’homme, entre l’homme et la femme. Personne n’ose plus se fier à une femme, un enfant ou un ami. Mais plus tard, il n’y aura ni femme ni ami. Les enfants seront à leur naissance enlevés aux mères, comme on enlève leurs œufs aux poules. L’instinct sexuel sera extirpé. La procréation sera une formalité annuelle, comme le renouvellement de la carte d’alimentation. Nous abolirons l’orgasme. Nos neurologistes y travaillent actuellement. Il n’y aura plus de loyauté qu’envers le Parti, il n’y aura plus d’amour que l’amour éprouvé pour Big Brother. Il n’y aura plus de rire que le rire de triomphe provoqué par la défaite d’un ennemi. Il n’y aura ni art, ni littérature, ni science. »

En effet :

« Quand nous serons tout-puissants, nous n’aurons plus besoin de science. Il n’y aura aucune distinction entre la beauté et la laideur. Il n’y aura ni curiosité, ni joie de vivre. Tous les plaisirs de l’émulation seront détruits. Mais il y aura toujours, n’oubliez pas cela, Winston, il y aura l’ivresse toujours croissante du pouvoir, qui s’affinera de plus en plus. Il y aura toujours, à chaque instant, le frisson de la victoire, la sensation de piétiner un ennemi impuissant. Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain… éternellement. »

Le monde du vaccin, du Grand Reset, du dressage moral perpétuel et pointilleux, des bonnes vieilles guerres humanitaires et surtout permanentes de l’Océanie est ainsi exposé :

« Commencez-vous à voir quelle sorte de monde nous créons ? C’est exactement l’opposé des stupides utopies hédonistes qu’avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d’écraseurs et d’écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu’il s’affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L’ancienne civilisation prétendait être fondée sur l’amour et la justice. La nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. »

Et comme on nous disait que Paris se couvre de rats et de punaises sous le règne minable mais populaire d’Hidalgo :

— Le rat, dit O’Brien en s’adressant toujours à son invisible auditoire, est un carnivore, bien qu’il soit un rongeur. Vous avez dû entendre parler de ce qui se passe dans les quartiers pauvres de la ville. Dans certaines rues, les femmes n’osent, même pour cinq minutes, laisser seul leur bébé dans la maison. Les rats l’attaqueraient certainement. En très peu de temps, ils l’éplucheraient jusqu’aux os. Ils attaquent aussi les malades et les mourants. Ils savent reconnaître, avec une étonnante intelligence, si un homme est impotent.

Lettre de Saint-Ex pour notre Fin des Temps

Lettre de Saint-Ex pour notre Fin des Temps

• Un document, une longue lettre publiée il y a un demi-siècle, qui nous rappelle que notre crise a des racines si profondes, qu'elle est d'hier et d'aujourd'hui. • C’est une lettre d’Antoine de Saint-Exupéry, écrivain et aviateur, à un incertain “général ‘X’”

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L’ami Nicolas B., délaissant ses ‘Carnets’ pour cette fois, nous a procurés cette lettre d’Antoine de Saint-Exupéry “au général ‘X’”, écrite en juillet 1943 (et publiée en 1948-1956) alors que Saint-Ex venait d’être rétabli dans l’Armée de l’Air de la France Libre et se trouvait stationné sur une base américaine en Tunisie. Commandant dans l’Armée de l’Air, âgé de plus des fatidiques 40 ans (limite d’âge pour les missions de combat), avec un cœur très fragile, une multitude de séquelles de diverses blessures résultant d’accident d’avions de sa longue carrière de pilote-explorateur, où il fut notamment de l’aventure de l’Aéropostale, – avec son ami Henri Guillaumet et son héros qu’il tenait pour un demi-dieu, Jean Mermoz.

Saint-Ex, c’est la grande littérature française et une grandiose attitude d’antimoderne parfaitement accordée aux souffrances de son temps et du nôtre, mais c’est aussi et d’abord l’aviation et ses frères d’armes et d’aventure. En 1943, lui qui n’avait vécu que pour l’aviation, découvrait que les avions étaient devenus des machines puissantes et terribles qui allaient dévorer le monde et qu’il n’aimait plus. Ses amis avuent vécu, – Mermoz disparu dans l’Atlantique Sud en 1936, Guillaumet abattu en Méditerranée en 1940. Il lui restait à survivre pour mourir dignement.

Il dut batailler pendant des mois avec la bureaucratie de l’US Army Air Force pour pouvoir être intégré dans une unité française de reconnaissance en Sardaigne puis en Corse, qui volait sur des bimoteurs et  bipoutre de chasse et de reconnaissance Lockheed P-38 ‘Lightning’. (Il parle dans sa lettre de ses premiers vols sur P-38.) Ces énormes machines, d’une puissance peu commune, volait à très haute altitude et, pour cette raison, le P-38 fut le premier chasseur avec un cockpit pressurisé. C’est à cause de son âge et surtout de sa santé (le cœur) que l’USAAF ne voulait pas l’autoriser à voler sur P-38, jugeant le risque trop élevé pour lui. Sa notoriété immense aux USA et son entêtement forcèrent le destin.

L’installation du commandant Saint-Ex dans le cockpit de son P-38 pour chaque mission demandait l’aide d’au moins deux mécanos tant sa souplesse était réduite et le faisait souffrir atrocement des séquelles de ses vieilles blessures. Il disparut le 31 juillet 1944, à 44 ans, lors d’une mission de reconnaissance sur la vallée du Rhône et la Provence. On retrouva et identifia formellement l’épave de l’avion en 2003, dans les eaux au large de Marseille... Peut-être fut-il abattu par un Messerschmitt 109 en maraude (un Allemand, ancien pilote de la guerre, signala des années plus tard, après l’identification de l’épave, qu’il avait abattu un ‘Lightning’ dans cette zone, le jour où Saint-Ex ne rentra pas à sa base.)

Il était désespéré, accablé d’une immense tristesse tenant à la catastrophe de notre Fin des Temps et sans doute la mort qui ressemblait au suicide d’un combattant épuisé lui fut-elle une délivrance. Sa blessure la plus affreuse, la plus terrible, la plus impitoyable, sa blessure mortelle enfin, c’étaient son époque et la modernité dévorante qui saisissaient dans leurs griffes mortelles le monde et les hommes devenus robots.

« De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de M. Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif. » 

La lettre ci-dessous fut écrite à La Marsa, près de Tunis, en juillet 1943. Parue dans Le Figaro littéraire, no 103, 10 avril 1948. Recueillie dans Un sens à la vie, Gallimard, 1956. 

dde.org

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Au général ‘X’

Je viens de faire quelques vols sur P-38. C’est une belle machine. J’aurais été heureux de disposer de ce cadeau-là pour mes vingt ans. Je constate avec mélancolie qu’aujourd’hui, à quarante-trois ans, après quelque six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, je ne puis plus trouver grand plaisir à ce jeu-là. Ce n’est plus qu’un instrument de déplacement – ici, de guerre. Si je me soumets à la vitesse et à l’altitude à un âge patriarcal pour ce métier, c’est bien plus pour ne rien refuser des emmerdements de ma génération que dans l’espoir de retrouver les satisfactions d’autrefois.
Ceci est peut-être mélancolique, mais peut-être bien ne l’est pas. C’est sans doute quand j’avais vingt ans que je me trompais. En octobre 1940, de retour d’Afrique du Nord où le groupe 2-33 avait émigré, ma voiture étant remisée, exsangue, dans quelque garage poussiéreux, j’ai découvert la carriole et le cheval. Par elle, l’herbe des chemins. Les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure derrière les vitres à cent trente kilomètres à l’heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n’avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l’herbe aussi avait un sens puisqu’ils la broutaient.
Et je me suis senti revivre dans ce seul coin du monde où la poussière soit parfumée (je suis injuste, elle l’est en Grèce aussi comme en Provence). Et il m’a semblé que, durant toute ma vie, j’avais été un imbécile... 

Tout cela pour vous expliquer que cette existence grégaire au cœur d’une base américaine, ces repas expédiés debout en dix minutes, ce va-et-vient entre les monoplaces de 2 600 CV dans une sorte de bâtisse abstraite où nous sommes entassés à trois par chambre, ce terrible désert humain, en un mot, n’a rien qui me caresse le cœur. Ça aussi, comme les missions sans profit ou espoir de retour de juin 1940, c’est une maladie à passer. Je suis « malade » pour un temps inconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout. Aujourd’hui, je suis profondément triste – et en profondeur. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui, n’ayant connu que le bar, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur. On ne sait pas le remarquer. Prenez le phénomène militaire d’il y a cent ans. Considérez combien il intégrait d’efforts pour qu’il fût répondu à la vie spirituelle, poétique ou simplement humaine de l’homme. Aujourd’hui que nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces niaiseries. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n’est pas de victoire aujourd’hui, rien qui ait la densité poétique d’un Austerlitz. Il n’est que des phénomènes de digestion lente ou rapide), tout lyrisme sonne ridicule et les hommes refusent d’être réveillés à une vie spirituelle quelconque. Ils font honnêtement une sorte de travail à la chaîne. Comme dit la jeunesse américaine : « Nous acceptons honnêtement ce job ingrat » et la propagande, dans le monde entier, se bat les flancs avec désespoir. Sa maladie n’est point d’absence de talents particuliers, mais de l’interdiction qui lui est faite de s’appuyer, sans paraître pompière, sur les grands mythes rafraîchissants. De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de M. Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif. 

Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Si j’avais la foi, il est bien certain que, passé cette époque de « job nécessaire et ingrat », je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots. Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources : les impasses du système économique du XIXe siècle, le désespoir spirituel. Pourquoi Mermoz a-t-il suivi son grand dadais de colonel sinon par soif ? Pourquoi la Russie ? Pourquoi l’Espagne ? Les hommes ont fait l’essai des valeurs cartésiennes : hors les sciences de la nature, ça ne leur a guère réussi. Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Ça déborde le problème de la vie religieuse qui n’en est qu’une forme (bien que peut-être la vie de l’esprit conduise à l’autre nécessairement). Et la vie de l’esprit commence là où un être « un » est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L’amour de la maison – cet amour inconnaissable aux États-Unis – est déjà de la vie de l’esprit. 

Et la fête villageoise et le culte des morts (je cite ça, car il s’est tué depuis mon arrivée ici deux ou trois parachutistes, mais on les a escamotés : ils avaient fini de servir). Cela c’est de l’époque, non de l’Amérique : l’homme n’a plus de sens. 

Il faut absolument parler aux hommes.
À quoi servira de gagner la guerre si nous en avons pour cent ans de crise d’épilepsie révolutionnaire ? Quand la question allemande sera enfin réglée, tous les problèmes véritables commenceront à se poser. Il est peu probable que la spéculation sur les stocks américains suffise, au sortir de cette guerre, à distraire, comme en 1919, l’humanité de ses soucis véritables. Faute d’un courant spirituel fort, il poussera, comme champignons, trente-six sectes qui se diviseront les unes les autres. Le marxisme lui-même, trop vieillot, se décomposera en une multitude de néo-marxismes contradictoires. On l’a bien observé en Espagne. À moins qu’un César français ne nous installe dans un camp de concentration néo-socialiste pour l’éternité. 

Ah ! quel étrange soir ce soir, quel étrange climat. Je vois de ma chambre s’allumer les fenêtres de ces bâtisses sans visage. J’entends les postes de radio divers débiter leur musique de mirliton à cette foule désœuvrée venue d’au-delà des mers et qui ne connaît même pas la nostalgie. 

On peut confondre cette acceptation résignée avec l’esprit de sacrifice ou la grandeur morale. Ce serait là une belle erreur. Les liens d’amour qui nouent l’homme d’aujourd’hui aux êtres comme aux choses sont si peu tendus, si peu denses que l’homme ne sent plus l’absence comme autrefois. C’est le mot terrible de cette histoire juive : « Tu vas donc là-bas ? Comme tu seras loin ! – Loin d’où ? » Le « où » qu’ils ont quitté n’était plus guère qu’un vaste faisceau d’habitudes. En cette époque de divorce, on divorce avec la même facilité d’avec les choses. Les frigidaires sont interchangeables. Et la maison aussi si elle n’est qu’un assemblage. Et la femme. Et la religion. Et le parti. On ne peut même pas être infidèle : à quoi serait-on infidèle ? Loin d’où et infidèle à quoi ? Désert de l’homme. 

Qu’ils sont donc sages et paisibles, ces hommes en groupe. Moi, je songe aux marins bretons d’autrefois, qui débarquaient à Magellan, à la Légion étrangère, lâchés sur une ville, à ces nœuds complexes d’appétits violents et de nostalgie intolérable qu’ont toujours constitués les mâles un peu trop sévèrement parqués. Il fallait toujours, pour les tenir, des gendarmes forts ou des principes forts ou des fois fortes. Mais aucun de ceux-là ne manquerait de respect à une gardeuse d’oies. L’homme d’aujourd’hui, on le fait tenir tranquille, selon le milieu, avec la belote ou avec le bridge. Nous sommes étonnamment bien châtrés. Ainsi sommes-nous enfin libres. On nous a coupé les bras et les jambes, puis on nous a laissés libres de marcher. Mais je hais cette époque où l’homme devient, sous un totalitarisme universel, bétail doux, poli et tranquille. On nous fait prendre ça pour un progrès moral ! Ce que je hais dans le marxisme, c’est le totalitarisme à quoi il conduit. L’homme y est défini comme producteur et consommateur, le problème essentiel est celui de distribution. Ainsi dans les fermes modèles. Ce que je hais dans le nazisme, c’est le totalitarisme à quoi il prétend par son essence même. On fait défiler les ouvriers de la Ruhr devant un Van Gogh, un Cézanne et un chromo. Ils votent naturellement pour le chromo. Voilà la vérité du peuple! On boucle solidement dans un camp de concentration les candidats Cézanne, les candidats Van Gogh, tous les grands non-conformistes, et l’on alimente en chromos un bétail soumis. Mais où vont les États-Unis et où allons-nous, nous aussi, à cette époque de fonctionnariat universel? L’homme robot, l’homme termite, l’homme oscillant du travail à la chaîne : système Bedeau, à la belote. L’homme châtré de tout son pouvoir créateur et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni une chanson. L’homme que l’on alimente en culture de confection, en culture standard comme on alimente les bœufs en foin. C’est cela, l’homme d’aujourd’hui. 

Et moi, je pense que, il n’y a pas trois cents ans, on pouvait écrire La Princesse de Clèves ou s’enfermer dans un couvent pour la vie à cause d’un amour perdu, tant était brûlant l’amour. Aujourd’hui, bien sûr, des gens se suicident. Mais la souffrance de ceux-là est de l’ordre d’une rage de dents. Intolérable. Ça n’a point à faire avec l’amour. 

Certes, il est une première étape. Je ne puis supporter l’idée de verser des générations d’enfants français dans le ventre du Moloch allemand. La substance même est menacée. Mais, quand elle sera sauvée, alors se posera le problème fondamental qui est celui de notre temps. Qui est celui du sens de l’homme, et il n’est point proposé de réponse et j’ai l’impression de marcher vers les temps les plus noirs du monde. 

Ça m’est bien égal d’être tué en guerre. De ce que j’ai aimé, que restera-t- il ? Autant que des êtres, je parle des coutumes, des intonations irremplaçables, d’une certaine lumière spirituelle. Du déjeuner dans la ferme provençale sous les oliviers, mais aussi de Haendel. Les choses, je m’en fous, qui subsisteront. Ce qui vaut, c’est certain arrangement des choses. La civilisation est un bien invisible puisqu’elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l’une à l’autre, ainsi et non autrement. Nous aurons de parfaits instruments à musique distribués en grande série, mais où sera le musicien ? Si je suis tué en guerre, je m’en moque bien. Ou si je subis une crise de rage de ces sortes de torpilles volantes qui n’ont plus rien à voir avec le vol et font du pilote parmi ses boutons et ses cadrans une sorte de chef comptable (le vol aussi, c’est un certain ordre de liens). Mais, si je rentre vivant de ce « job nécessaire et ingrat », il ne se posera pour moi qu’un problème : que peut-on, que faut-il dire aux hommes ? 

Je sais de moins en moins pourquoi je vous raconte tout ceci. Sans doute pour le dire à quelqu’un, car ce n’est point ce que j’ai le droit de raconter. Il faut favoriser la paix des autres et ne pas embrouiller les problèmes. Pour l’instant, il est bien que nous nous fassions chefs comptables à bord de nos avions de guerre. 

Depuis le temps que j’écris, deux camarades se sont endormis devant moi dans ma chambre. Il va me falloir me coucher aussi, car je suppose que ma lumière les gêne (ça me manque bien, un coin à moi !). Ces deux camarades, dans leur genre, sont merveilleux. C’est droit, c’est noble, c’est propre, c’est fidèle. Et je ne sais pourquoi j’éprouve, à les regarder dormir ainsi, une sorte de pitié impuissante. Car, s’ils ignorent leur propre inquiétude, je la sens bien. Droits, nobles, propres, fidèles, oui, mais aussi terriblement pauvres. Ils auraient tant besoin d’un dieu. Pardonnez-moi si cette mauvaise lampe électrique que je vais éteindre vous a aussi empêché de dormir et croyez en mon amitié. 

Antoine de Saint-Exupéry

« Je trouve tout cela si bizarre »

« Je trouve tout cela si bizarre »

11 mars 2024 (16H50) – Nous évoquions ici notamment l’hypothèse que le monde politique américaniste, en plus de ses spasmes spectaculaires sans nombre, bouge comme sous l’effet d’un gigantesque séisme souterrain, non pas brutal et spectaculaire, mais pour le cas que nous évoquons, puissant et d’une ampleur du déplacement de plaques tectoniques grandes comme des continents. Cela n’est qu’une hypothèse et qui, bien entendu, relie ce phénomène souterrain et encore caché à la bruyante ‘écume des jours’ qui bouillonne sur la carapace extérieure, faite plastiquer vulgaire aux couleurs criardes de type ‘fluo’ du même monde politique.

Nous allons énumérer plusieurs faits et domaines qui nous font pousser notre analyse dans ce sens, et nos lecteurs notent que ce texte n’est pas placé dans la seule rubrique RapSit (Rapport de Situation)-USA2024 qui concerne les seuls USA géographiques et politiques, mais sur une page du ‘Journal-dde.krisis’, d’un tempérament assez  éparpillé, et dans ce cas adapté à la question traitée dans la mesure où les événements hypothétiques évoqués concernent le reste du monde occidental-compulsif directement et affublé d’une folie également directe, et le reste du monde indirectement avec la Russie comme pont entre les deux.

...La Russie qui est, aujourd’hui, le pays-clef de l’évolution du monde, celui à partir duquel tout le monde se décide et auquel tout le monde se réfère, – que cela plaise ou que cela déplaise ô combien... Les Occidentaux sophistiqués et civilisés n’aiment pas la Russie parce que c’est la mode de ne l’aimer pas mais, désolé, ils en croquent désormais parce qu’il faut en passer par là.

Nous allons développer un certain nombre de faits qui entretiennent cette hypothèse que nous envisageons, qui garde les USA en ligne de mire comme facteur de fracturation du monde fabriqué et mis en place par... les USA. En raison de leur immensité et de leur formalisme absolument contraignant, – la liberté “qui éclaire le monde” a ainsi d’étranges effets contradictoires dans les eaux glauques où le Potomac rencontre l’Océan Atlantique, – ont, plus que tous les autres pays, deux niveaux d’activités : celui qu’on entend et qu’on voit, visible assourdissant, plein de lumières au néon et de machineries informatiques, ce que nous avons décidé de nommer “l’écume des jours” comme disait Boris Vian ; et celui qui évolue souterrainement en fonction des véritables forces, terribles et paraît-il maîtresses du Monde... Et l’hypothèse que nous évoquons, fait extraordinaire et sans doute sans précédent, fait coïncider ces deux courants pour courir dans le même sens qui se précipite vers la fracturation du monde.

Trump et l’OTAN, bras-dessus bras-dessous

Il est vrai qu’on a fait, hier, grand cas des rumeurs concernant le sort de l’OTAN si Trump était élu président. On l’a fait notamment en fonction des nouvelles que donnait le quotidien londonien ‘Daily Telegraph’ qui, en plus d’être un disséminateur zélé du simulacre ukrainien, est également un fidèle “petit télégraphiste” des nouvelles transatlantiques que les USA voudraient voir diffuser d’une façon discrète. D’où l’intérêt que nous portons à une remarque d’Alexandre Mercouris, fin connaisseur des pratiques de la presse londonienne, s’arrêtant à un “détail” de l’article cité du quotidien britannique.

« ... Et nous avons aussi dans un article du ‘Daily Telegraph’ l’information selon laquelle des “officiels américains” sont désormais en train d’avertir les pays européens que les Etats-Unis pourraient bientôt se retirer de l’OTAN et que les Européens seront laissés à eux-mêmes pour leur propre défense.

» Pour ma part, je me demande qui exactement, aux USA, parmi les “officiels américains”, sont en train d’effectuer une telle mission. Je présume que cette information est vraie, qu’elle n’est pas inventée, et alors cela serait un fait évidemment remarquable que des “officiels US” soient envoyés pour avertir les Européens de cette façon. J’ai déjà beaucoup parlé de l’atmosphère de panique qui prévaut en ce moment à l’OTAN ... Et du coup, cette information expliquerait cette atmosphère de panique qui règne à l’OTAN... »

Les clips de synthèse rapide de ‘Hindustan Times’, qui sont tenus pour les moyens électroniques les plus suivis pour connaître en quelques images très rapides des divers échos et remarques concernant les problèmes politiques les plus brûlants du jour ne ménagent pas les séquences sur les remous que provoquent ces rumeurs sur un éloignement des USA de l’OTAN, comme part exemple on le voit ici. Effectivement, la reprise sur ces séries de clips de la seule information enfouie dans un article du ‘Daily Telegraph’ montre bien que Mercouris voit sans doute juste et qu’on se chuchote dans les milieux dirigeants qu’il s’agit d’un réel avertissement...

Mais s’agit-il d’un avertissement de l’actuelle administration fait pour imposer une pression sur les Européens dans les actuels débats, ou d’un “avertissement” bel et bien sérieux sur la progression d’une décision de plus en plus méticuleusement étudiée à mesure qu’on s’approche de l’élection de novembre. Cela signifie que des fractions grandissantes de l’appareil de sécurité nationale commencent à travailler avec dans l’esprit l’idée qu’en novembre prochain, Trump deviendra leur nouveau, patron comme le suggère un témoignage publié par ‘ThePostMillenium.com’ :

« Douglas London, un ancien responsable de la CIA, a déclaré au média que si l'administration Biden refuse de partager des informations avec Trump [avant son éventuelle élection], cela pourrait se retourner contre la communauté du renseignement. Il a ajouté que cette décision pourrait les entacher aux yeux de quelqu'un qui pourrait très bien redevenir leur patron dans quelques mois”. »

Notre hypothèse conclusive est simple : l’information du ‘Telegraph‘ et les “officiels” en question pourraient bien être des fonctionnaires qui prennent leur précaution en ralliant au moins en partie le camp de Trump et en exécutant ses consignes. Si c’est le cas, il est aussi temps de noter avec une grande insistance que l’opposition à Trump de la communauté de sécurité nationale est cette année nettement, infiniment moins forte qu’en 2016.

On peut alors avancer l’idée que le départ de Nuland est bien le fait d’une pression pour réduire la vigueur du camp pro-guerre qui n’est pas vla tasse de thé de Trump ; et là aussi un signe qu’une fraction plutôt de tendance trumpiste, favorable à un arrangement avec la Russie, se révèle plus forte et plus efficace que prévu.

L’Europe unie-déchirée

On mettra “au crédit” de Macron et de ses déclarations incendiaires et provocatrices la vertu étrange d’avoir mis le feu aux poudres et d’avoir semé au sein de l’UE un désordre tout à fait inattendu qui a magnifiquement renforcé la panique de l’hypothèse d’un possible prochain départ des USA, soit simplement de l’engagement ukrainien, soit de l’OTAN elle-même.

Comme on l’a lu, Fiodor Loukianov avait déterminé qu’une tension maximale, une russophobie sans désemparer était prévisible dans la mesure où il jugeait que c’était le seul moyen de maintenir l’unité européenne. C’était tout à fait juste dans la mesure où les pays de l’UE/de l’OTAN se contentaient simplement de poursuivre leur engagement tel qu’ils l’avaient déterminé. Ainsi Loukianov observait-il :

«  La première est qu’il semble que les désaccords au sein de la communauté d’Europe occidentale, aggravés par l’augmentation générale de l’incertitude, soient résolus par une augmentation des tensions, au lieu de les réduire. Le simple fait de réduire l’intensité de l’hystérie de la “menace russe” mettra immédiatement au jour de nombreuses contradictions qui sont actuellement étouffées. Ainsi, l’establishment préfère une escalade vers la Russie à la détente.

» Deuxièmement, l'idée, qui gagne en popularité dans notre pays, selon laquelle pour sortir du cercle vicieux, il faudrait que les élites occidentales soient effrayées par l’Armageddon nucléaire et qu'elles retrouvent ensuite leur volonté de négocier, pourrait avoir le résultat exactement opposé. L’élite dirigeante d’aujourd’hui est en effet qualitativement différente des générations précédentes. Tout d’abord, elle croit en une sorte de dogme sur l’infaillibilité de l’Occident, c’est-à-dire la certitude que toute déviation du canon idéologique et politique établi après la guerre froide sera une véritable catastrophe pour le monde. Et puisque tout compromis avec la Russie constituerait un tel recul, il faut l’empêcher à tout prix. »

Ce qui s’est passé, essentiellement du fait de Macron, est que les Européens ont été invité d’aller au-devant de la “menace russe”, de provoquer la Russie pour susciter un affrontement, d’en rajouter en augmentant la mise par la perspective ubuesque et surréaliste d’une entrée offensive des troupes européennes de l’OTAN contre la Russie. Andrew Korybko rapporte même que des plans sont en cours d’élaboration pour une attaque selon deux corridors, un au Nord et un au Sud., avec le génial maréchal McMacron comme aspirateur comme il se doit. Cette initiative change tout : l’affrontement avec la Russie n’est plus du tout un unificateur du conformisme UE-OTAN, cela devient un risque majeur pour tous les pays et pour chaque pays, avec l’éparpillement des intérêts nationaux et des folies respectives des dirigeants nationaux, soit un dés-unificateur du conformisme UE-OTAN dont plus personne ne sait exactement quelle direction il indique.

Aussitôt, le désordre des intentions diverses et souvent contradictoires remplace l’unité jusqu’alors observé, et justement, par Loukianov. Les Polonais soi-disant bellicistes et les Anglais  très modérés sont en grave désaccord (alors que dans les plans Korybko, les Anglais sont catégorisés attaquants). Les Italiens dénoncent les Français et les Polonais qui parlent de partir en guerre, de prétendre parler au nom de l’UE. Et lorsqu’on parle des Polonais qui veulent la guerre, de qui parle-t-on ? Du ministre des affairées étrangères Sikorski, agent bien connu des neocon et pas nécessairement du Premier ministre Tusk, proche de l’Allemagne qui ne veut rien entendre de la folie belliciste de Macron.

... Et Mercouris de s’écrier, alors que nous précisons que la France a déjà une coalition formée avec les trois pays baltes et le Sikorski de Pologne, – bigre, impressionnante cohorte du type Chevaliers Teutoniques.. :

 « En Allemagne, et de plus en plus aux Etats-Unis, on est de plus en plus furieux devant les initiatives de Macron... On se demande quels sont les buts de Macron mais, quoi qu’il en soit, ce qu’il fait est naturellement dangereux pour la France et pour l’armée française, et s’il s’avère qu’il veut entraîner les pays baltiques dans cette aventure, il méritera absolument toutes les condamnations possibles à son encontre.

» Quoi qu’il en soit des conséquences de l’action du Français et des raisons précises pour lesquelles il agit d’une façon si bizarre... »

Retour outre-Atlantique

Mais nous n’arrêterons pas là sans retourner faire un tour du côté de Washington où se prépare peut-être, – nous vous l’avions promis –  un événement extraordinaire. On sait que la Sénat, alors que la Chambre est plus turbulente, est tenu depuis des décennies par le “parti unique” (démocrates classiques gaucho-corrompus et les RINOS, ou ‘Republicans In Name Only’). Mais le chef de la minorité républicaine qui pourrait devenir majoritaire en novembre, le RINO McConnell, s’en va à la fin de son mandat, touché par la fardeau mélancolique de l’âge et de son abrutissement. Qui le remplacera, prenant ainsi la direction républicaine éventuelle du Sénat ? Deux noms de RINOs avaient été avancés, mais voilà qu’un outsider de poids entre sur les rangs, et avec un fort soutien : Rand Paul, fils de Ron, le plus populiste-trumpiste des sénateurs républicains avec J.D. Vance. Rand Paul déclenche aussitôt une dynamique en sa faveur, conduite par Elon Musk :

Une perspective unique s’ouvre alors dans l’histoire politique moderne des USA, alors que Trump déclenche des liesses incroyables et que Biden récolte des doigts d’honneur : que le parti républicain régénéré en trumpiste-populiste puisse tenir à la fois la Maison-Blanche, le Sénat et la  Chambre.

Hypothèse, là aussi, hypothèse, comme l’aventure macronienne est l’hypothèse d’ « un idiot racontant sa propre histoire “qui ne signifie rien ». Il paraît tout de même qu’il y a de la stratéguie-tactique dans tout ça, – chez Macron, veux-je dire : il lance sa colonne de 15 000 gus, avec une cinquantaine d’Estoniens, et il renverse la tendance des sondages pour les élections européennes  en France avant d’affronter la 58ème Armée de la Garde avec ses drones, ses ‘Kinzhal’ hypersoniques et ses T-90. C’est Austerlitz-sur-Moscova, en algorithmes et en agitations un peu lascives de notre Premier  ministre.

Voulez-vous, – pour vous récompenser de cette belle patience qui se contente d’une narrative enrobée d’un simulacre au sein d’une histoire “qui ne signifie rien”, –  une conclusion justement, une belle conclusion ? Elle est de notre bon, de notre excellent Mercouris, au sortir de son récit accablé des dernières péripéties du maillot-jaune Macron :

« Je l’avoue une fois de plus, je trouve tout cela si bizarre que cela me laisse sans voix... »

Notes sur la balade des pétochards

Notes sur la balade des pétochards

• Cris et gémissements divers encombrent aujourd’hui les dépêches et communiqués officiels de nombre de personnalité européennes sur l’avenir de l’OTAN et de l’atlantisme si Trump est élu. • On s’intéresse donc plus précisément à la situation que révèlent ces plaintes sans fin d’un troupeau de moutons politiques placés aux commandes de la carriole de l’UE, qui ne cesse d’affirmer son allégeance à l’Amérique globaliste et se désole de la voir devenir de plus en plus trumpiste. • Cette espèce d’immense et morne plainte se fixe très précisément sur le sort de l’OTAN que les moutons, très moutonniers, voient menacée d’un sacrifice épouvantable du fait de l’horrible personnalité et du dessein catastrophique de Donald J. Trump. • Certains pourraient juger que c’est une tempête dans un verre d’eau à peine trempé de whisky et que tout se poursuivra selon la politiqueSystème. • D’autres pas, et croient qu’un déluge menace. • Notre jugement irait plutôt du côté du déluge.

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10 mars 2024 (16H45) – Il faut dire quelque mot de l’énorme pantalonnade, – ou mieux si vous voulez du cultivé, “escobarderie” venu lointainement de l’Espagnol Escobar, ou bien casuistique, – un canard, bref ! nous annonçant que l’élection de Trump pourrait bien signifier le retrait américaniste de l’OTAN. Nous disons cela parce que le sujet, déjà plusieurs fois abordé de façon insistante, l’est encore, cette fois par un article du ‘Daily Telegraph’, fidèle porte-parole des milieux hyper-atlantistes-globalistes. Bref ? Il faut voir là une signification à plusieurs tiroirs dont certains sont de notre cru :

• Un aliment de plus pour une panique européenne en cas d’élection de Trump.

• Un “contrefeu préventif” : allumer un feu d’arrêt d’un incendie avant que l’incendie n’éclate, pour l’empêcher d’éclater, s’il était seulement envisageable qu’il éclatât.

• Euh... donc, “Il vaut mieux prévenir que guérir” ? Mais s’il s’agit de vaccin type Covid, le contrefeu avant que l’incendie ait éclaté risque de provoquer cet incendie par avance, même s’il n’était pas prévu.

• Euh euh ... “Nous sommes les Maîtres du Monde et nous savons tout, même les simulacres des pires catastrophes que nos sottises dont sont farcis nos simulacres déclenchent”.

Ces dernières citations sont classées ‘top secret’ et leurs sources doivent impérativement rester anonymes.

Trump-2016 et ses multiples traîtres

Tout cela étant dit, il apparaît évident que rien, absolument rien ne peut être dit dans un sens ou l’autre. Le “maître des horloges”, comme l’on disait in illo tempore en entendant les cloches sonner, ne prend en compte et en compote ni le décalage horaire ni la décadence qualitative de l’horlogerie globale.

En attendant, nous revenons au journal britannique si précis, si loyal, si indépendant des pouvoirs d’argent, si véridique dans ses informations. Ce qu’il nous dit est vraiment tout à fait nouveau, une sorte de version postmoderne et otanienne du “Chœur des esclaves” de ‘Nabuco’..

« L'OTAN pourrait être confrontée à un risque sérieux de voir les États-Unis quitter l'alliance si Donald Trump est réélu en novembre, a déclaré samedi le Telegraph, citant plusieurs diplomates des États membres du bloc. Les pays européens de l’OTAN devraient élaborer une stratégie pour faire face aux conséquences d’une telle éventualité et reconsidérer les capacités de défense du bloc, préviennent-ils.

» La possibilité d’un retrait américain est une “préoccupation”, a déclaré au journal un diplomate européen. “Personne ne sait ce qu’il va faire ensuite”, a-t-il déclaré, faisant référence à Trump. [...]

» Un diplomate européen a déclaré que le reste du bloc devrait “planifier” un scénario dans lequel Trump donnerait suite à de tels plans ou affaiblirait simplement l’engagement américain envers l’OTAN. “Des préparatifs doivent être en place”, a ajouté la source du journal.

» Un autre responsable a décrit l’OTAN comme étant “tellement dépendante des Etats-Unis”. Une “discussion” sur la couverture contre les risques de retrait américain était “nécessaire”, a ajouté cette personne. Une troisième source citée par le journal a déclaré que les nations européennes devraient vérifier l’adéquation de leur propre “planification de défense” face à de tels risques.

» Au Royaume-Uni, [...] Lord Kim Darroch, ancien ambassadeur britannique aux États-Unis et conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre : “Si j'étais responsable d'un bureau de Premier ministre en Europe, je demanderais aux experts du gouvernement de commencer à réfléchir de manière imprévue à ce à quoi ressemblerait et fonctionnerait une OTAN sans les États-Unis - juste au cas où”. »

Tout cela n’est-il qu’un peu de vent pour disperser le sable de ragots inconséquents ? Nullement, – en aucun cas !

Fin 2023, un ancien secrétaire à la défense de Trump, Marc Esper, ancien lobbyiste de Washington et l’un des collaborateurs du président qui l’a certainement le plus trahi durant les derniers mois de sa présidence, en 2019-2020, – mais comment Trump choisissait-il ses collaborateurs ?! – donnait quelques détails sur cette question du départ de l’OTAN. Il faut l’écouter en décembre 2023, car il donne les détails les plus révélateurs, et certainement de ces précisions qui furent passés par lui-même aux adversaires de Trump et précipitèrent le regroupement de toutes leurs forces (CIA, FBI, etc.), voire quelques actions de sauvegarde auprès de certains centres de tri des voies de novembre 2020 (“J’dis ça, j’ai rien dit”, dit Jeremy le cricket) :

« Dans une interview le 6 décembre à MSNBC, Esper a été interrogé sur ce que signifieraient les perspectives d’une seconde présidence Trump pour l’avenir de l’OTAN.

» Je pense que l’une des premières choses qui arriverait serait qu’il retire son soutien à l’Ukraine », a répondu Esper. « Et bien sûr, si cela devait se produire, tous les efforts visant à soutenir l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie finiraient par s’effondrer. Les États-Unis sont comme le gros bloc de la tour Jenga ; vous nous retirez et tout s’effondre.

» “Sa prochaine démarche serait de commencer à nous retirer de l'OTAN, et certainement à retirer les troupes des pays de l'OTAN”, a déclaré Esper à MSNBC. “Et à terme, cela pourrait provoquer l'effondrement de l'alliance... et ensuite commencerait-il à chercher, comme il en discutait avec moi et d'autres à l'époque – à retirer ses troupes de Corée, du Japon, des autres pays alliés avec nous...” »

On ajoutera qu’un autre “ami” de Trump, incroyable choix de ce président comme conseiller de sécurité nationale, John Bolton qui est certainement la personnalité la plus marquée avec Victoria Nuland de la politiqueSystème à laquelle Trump prétendait s’opposer à l’époque (et aujourd’hui), affirmait en février dernier que Trump envisageait un retrait de l’OTAN dès 2018, et que par conséquent il le fera plus que jamais s’il est élu.

Il est assuré aujourd’hui que toutes ces confidences faites par d’anciens collaborateurs auxquels il accordait aveuglément et d’une façon extraordinairement naïve sa confiance, ont été rapportées au Trump d’aujourd’hui, celui qui vient de remporter le ‘Super Tuesday’. En a-t-il tiré la leçon ? Bonne question...

Maître du désordre plutôt que des horloges

Certains jugent surtout que c’est une question inutile, parce que la réponse n’est pas là ; elle est là-bas et là-haut, ‘Blowing in the Wind’ au 666ème étage (l’étage de la Bête) d’un gratte-ciel où se tient une réunion des Maîtres du Monde. C’est un peu la thèse de Markku Siira, qu’on a déjà cité à quelques occasions sur ce site, et qui expédie en quelques lignesla candidature de Trump.2.0 comme la nième arnaque du siècle des simulacres :

« Le “super mardi” des primaires présidentielles américaines a révélé que le pouvoir en place est clairement déterminé à donner une seconde chance à Trump en tant que figure de proue de l’“Occident global”. Il reste encore des mois de théâtre électoral, mais le résultat semble déjà assez clair, avec le déclin du soutien populaire à Biden.

» Je me demande simplement pourquoi les euro-atlantistes sont si terrifiés par le retour de Trump. Pensent-ils vraiment que Trump est le signe avant-coureur d'un changement radical ? Qu'est-il advenu de l'expression trumpienne appelant à “drainer le marigot” la dernière fois ?

» Trump s'est plaint à plusieurs reprises que les autres pays membres de l'OTAN ne finançaient pas suffisamment l'alliance défensive atlantique. Il ne faut pas y voir la rhétorique d'un lobbyiste américain de l'industrie de l'armement visant à inciter les pays européens membres de l'OTAN à augmenter leurs dépenses de défense. Je ne pense pas que Trump brisera l'alliance militaire, il n'en a pas l'autorité.

» Les capitalistes américains laisseront Trump revenir à la Maison Blanche, parce qu'il soutiendra Israël avec encore plus d'enthousiasme que Biden. Trump a déjà dit qu'Israël devait “s’occuper de ses problèmes” à Gaza, il n'est donc pas l'homme qu'il faut pour empêcher le génocide palestinien et démanteler l'ethnocratie sioniste. Je ne serais pas surpris si cette fois Trump est prêt à la guerre contre l'Iran (et la Chine). »

A franchement parler, cette analyse, tout comme les divers scénarios dans ce sens, qui s’appuient sur l’idée d’une organisation assez puissante pour de telles manipulations, ne rencontre guère notre adhésion. On peut certes avancer que la nouvelle popularité de Trump et ses irrésistibles avancées actuelles dans une position extrêmement renforcée suscitent des changements de position de certains groupes à son égard, mais alors Trump tient le rôle de la cause et non celui de la conséquence.

L’argument concernant la Palestine avancée dans le texte existe bien entendu mais il n’est pas l’essentiel dans la dynamique de la communication après avoir effectivement pris la première place pendant deux-trois mois. Désormais, l’Ukraine (et donc la position de Trump vis-à-vis de l’OTAN) est revenue au premier plans des subcrise de la GrandeCriseet, dans ce cas, la position de Trump ne peut guère satisfaire les “manipulateurs” selon Markku Siira.

Nous préférons faire confiance au désordre comme régulateur paradoxal de la situation US, avec l’habituelle combat de la Grande Haine contre Trump et les fureurs ricanantes de ce dernier ebn réponse. Dans ce cas, nous accorderions plutôt notre jugement à l’action de Trump, qui est un maître de cette sorte de désordre par sa maîtrise de la dynamique de la communication.

Bataille existentielle de l’Amérique

Dès lors, que pourrions-nous envisager comme attente de la position de Trump vis-à-vis de l’OTAN ? Le témoignage d’Esper est certainement le plus intéressant, par sa position d’alors, les détails qu’il donne, etc., qui font penser que Trump a envisagé très sérieusement un retrait des forces US d’Europe (de l’OTAN). Comme dans le cas de la Syrie, où il avait ordonné le retrait des forces US, il n’a pas été obéi, précisément et effectivement parce qu’il s’était entouré d’un certain nombre de “traîtres” remarquablement choisis.

Tout cela nous ramène à la question centrale de notre débat : les Européens ont-ils raison de craindre des décisions radicales de Trump vis-à-vis de l’OTAN ? Une première remarque qui n’est pas une réponse, ou une hypothèse sur une réponse, concerne l’atmosphère créée par les Européens et leurs craintes exprimées de plus en plus vivement. Il est très probable que cette crainte assortie assez curieusement (drôle de diplomatie) de critiques haineuses et méprisantes de Trump, soit vécue comme un défi par Trump, qui pourrait y trouver argument, pour affirmer encore plus sa légitimité et son autorité dans une Amérique où la crise du pouvoir est sans équivalent ni précédent ; c’est-à-dire, justement repousser les appels des Européens au nom des seuls intérêts et de la souveraineté nationale de l’Amérique.

Le point important, c’est que le Trump de 2024 n’est vraiment pas le Trump de 2016. Il a acquis une énorme expérience politique et montré une formidable résilience face aux attaques de ses adversaires politiques. Ce faisant, bien entendu, il a parfaitement identifié ces adversaires-là, il a compris leurs buts et connaît désormais leur façon d’évoluer, leurs méthodes. Il a réuni autour de lui un nombre considérable d’alliés de très grands poids : outre les républicains bien sûr, qui lui sont aujourd’hui beaucoup plus acquis qu’en 2016 avec des personnalités d’une très bonne qualité politique (surtout chez les jeunes populistes et chez les femmes politiques), la proximité très active de gens comme Elon Musk et Tucker Carlson, voire d’une Tulsi Gabbard si on la considère comme “non encore” républicaine mais indépendante et populiste de gauche, représente des atouts majeurs, et des sommes à la fois d’expérience et d’influence qui pèsent un poids considérable.

C’est tout cela qui compte chez Trump, beaucoup plus que des idées et une stratégie quelconque qui ne sont chez lui que des slogans. Pour l’essentiel, ses idées et sa stratégie sont ceux d’un businessman qui défend des intérêts, ceux d’une Amérique conservatrice contre ce qu’il juge être une agression globaliste. On comprend aisément que l’hostilité à l’OTAN, outre l’aspect financier, peut prendre aisément une place importante dans les objectifs à détruire absolument. Elle la prendra d’autant plus, répétons-le, que ses adversaires et ceux dont ils jugent qu’ils ne défendent pas les intérêts US vont exercer une pression considérable sur lui, et toujours en l’insultant avec ce sens inné de la diplomatie postmoderniste. Là aussi, sa résilience doit jouer un rôle important, et par conséquent l’acceptation des situations extrêmes où lui-même évoluerait avec un certain plaisir, sinon une grande jubilation.

Pour ces diverses raisons, on doit admettre que la question de l’OTAN est un “vrai sujet” pour Trump s’il est élu et s’il est installé à la Maison-Blanche. Il y sera comme dans une forteresse d’où l’on mène une bataille, et Bruxelles-Evere ne seront pas de ses amis. Il est d’ailleurs tout à fait possible, – et le terme “probable” serait presque acceptable, – que cela devra passer par une sorte de “guerre civile” entre les différentes forces en place, des organisations telles que la CIA, le ministère de la justice et le FBI, etc. Dans cette observation logique, on comprend que si l’élection de Trump a lieu, si même elle est triomphale, ce ne sera pas la fin d’une bataille mais le début de la guerre ultime pour l’unité et la pérennité de l’Amérique, – qui peut évidemment quoique paradoxalement aboutir à sa désunion... On comprend que, dans ce cas, le sort de l’OTAN et de nos gémissements divers devient très secondaire.

Ce qui est d’ailleurs paradoxal mais logique, c’est que le résultat inverse, qui sera aussitôt soumis au soupçon radical de fraude existentielle par les bataillons trumpistes déchaînés, déclenchera une bataille similaire. 

Macron-Nuland, ou l’idylle interrompue

Macron-Nuland, ou l’idylle interrompue

9 mars 2024 (19H00) – Chaque jour défilent des images nouvelles de la folie qui est devenue le foin quotidien de l’étable immense comme un paquebot de riches vacanciers, où sont sagement rangés les bovidés faisant le gros du troupeau de nos dirigeants extrêmes-occidentaux. Bien qu’immobiles et bien rangés, avec les mêmes idées qu’ils maquillent et mastiquent comme l’herbe des près du ‘Soleil vert’, ils sont lancés  dans une bacchanale guerrière tout à fait originale, une ‘Fantasy’ au rythme d’une sorte de ces danses de la tarentelle dont le but était d’ôter la folie des esprits et des corps piqués par des tarentules, et ce but devenu dans cette époque invertie l’exact contraire : instiller dans ces esprits et ces corps la folie que nos ancêtres avaient réussi à écarter.

Nous eûmes donc, d’abord, à écouter le discours furieux, pétulant de colères accusatrices, d’un président américaniste qui avait ainsi retrouvé toute sa santé pour pouvoir mieux exprimer toute sa démence. Je crois que Mercouris remarqua ceci, ou bien je le fais parler comme ceci, – approximativement transcrit, sans garantie d’authenticité mais l’esprit l’emporte et c’est ce qui importe, – dans son commentaire stupéfait de ce “discours sur l’État de l’Union” :

« J’ai eu une grand’mère qui fut affectée de cette démence sénile. Elle ne pouvait parler à ma mère ou à moi que sur ce ton furieux d’une colère sans fin, comme si le seul moyen pour son cerveau épuisé de parvenir à une certaine concentration nécessaire à une sorte de conversation était cette colère sans fin, furieuse, emportée... Le problème à ainsi se servir de la colère pour rassembler les quelques restes de quelques-unes de ses idées égarées est que les idées ainsi rassemblées sont celles de la colère, de l’excès, de la démence, et ainsi ajouter plus de démence à la démence par la colère... »

Pendant ce temps ou bien à quelques heures de là, à quelques milliers de kilomètres de là, le président Macron parlait devant les principaux dirigeants de l’Assemblée Nationale, chefs de partis et quelques élus, aussi les anciens présidents, il leur parlait de sa nouvelle idée qui n’est rien moins que de lancer une guerre contre la Russie, par un moyen ou l’autre et par tous les moyens sans aucune limite, – et nul n’aurait l’outrecuidance d’écarter l’arme nucléaire, – et ainsi de s’imposer comme chef de guerre à l’image du Napoléon vainqueur de César au siège d’Alésia, près d’Austerlitz.

Florian Philippot, qui n’avait pas été invité, avait prémonitoirement déclaré au Salon de l’agriculture, dix jours avant et s’adressant à quelques bovidés rassemblés pour l’occasion, – de vrais bovidés, vaches d’un autre temps, vaches centenaires et fort honorables mâchant le foin lavé de toute folie, – ces quelques mots qui peuvent toujours servir :

« Ce type est fou, voilà, c'est fou. À un moment, il faut appeler les choses par leur nom. Macron est fou, donc il est fou, fou furieux. Soit on l'arrête, soit on va tous aller en guerre. Mais c'est pas lui qui est en guerre, il va pas envoyer Brigitte faire la guerre, il va pas y aller lui-même. C'est nos enfants et c'est nous-mêmes qui irons en guerre... »

Et alors, songeai-je mélancoliquement, quelle dommage que cette chère ‘Toria’ Nuland s’en aille alors que notre président se révèle à lui-même. Quel beau couple, – en tout bien tout honneur, certes c’est une image, une allégorie, un symbole, rien qui ne dérange la paix des ménages respectifs que les deux entretiennent chacun de leur côté, – quel beau couple ces deux-là eussent pu former, sur fond d’idylle franco-américaniste ! Ils eussent pu marcher au pas cadencé, « Glory, Glory Alleluïa ! », tandis que ‘Toria’ exposait à Manu ses plans mirifique consistant à diviser la Russie en 687 (ou 666, suggèreront les partisans du Chiffre de la Bête), après avoir obligé le rat d’égout Poutine à regagner son habitat naturel.

Je serai ta Grande Catherine », disait l’une ;

– Je serai ton Vladimir Illitch Oulianov », disait l’autre...

Et ainsi de suite... Allons, puisqu’il est temps arrêtons cette parodie ridicule, rangeons ces petits soldats de plomb avant que le grotesque ne nous touche nous-mêmes, comme pique une tarentule, et voyons ce qu’il demeure.... « Ils passent, je demeure », nous dit le temps, Maître du Monde, nous invitant à observer d’un regard qui ne faiblit pas ces restes de la pantomime.

Il me plaît, dans ce désordre immonde et cette exposition sans pudeur des vices les plus affreux de l’esprit, de voir poindre et d’entendre le galop puissant et grandiose de LEURS Quatre Cavaliers de l’Apocalypse, ceux qui leur sont destinés, ceux qui ont pour tâche de réduire en poussières et caillasses le monde qu’ils prétendaient bâtir et parer de toutes les vertus. Il est bien difficile, bien douloureux, de devoir en passer par ces péripéties folles et pleines de souffrance pour pouvoir espérer voir poindre quelques lueurs dont on pourrait attendre qu’elles éclaireraient le premier de ‘Tous les matins du monde’, premier regard d’un nouveau-né venu d’autres entreprises, libéré de toutes ces prétentieuses novations, sourd aux promesses obscènes de nos bovidés installés dans leurs étables-palais dorés parcourus de courtisans empressés de leur plaire.

J’espèce que ce nouveau-né venu d’on ne sait où saura, lui, reconnaître un bovidé du premier coup d’œil. Il aimera ce noble animal qui ne prétend à rien d’autre que brouter l’herbe grasse des grands prés jamais foulés par les escarpins de nos diverses éminences menant ce monde à bride abattue, montés sur des charrettes affublées de statoréacteurs crachotant et de sirènes démentes, portés par des chassis de vingt ou trente roues en forme de Pentagones, – des roues à cinq côtés, quoi ! Pour fabriquer des missiles !

Ce sera le signe que la folie lancée partout pour qu’elle anéantisse cette lèpre qui depuis des siècles dévore nos esprits et pourrit nos âmes est arrivée au terme de son voyage et offre aux dieux, en ultime sacrifice, le Vide de ces espaces infinis enfin débarrassés du Rien qui menaçait de nous dévorer tous. Ce sera la fin du voyage et les bovidés extrêmes-occidentaux, ne disposant plus du foin qui rend fou, regagneront leurs terres laissés en jachère où ils s’éteindront comme telle vieille bougie consumée, d’un seul et ultime souffle haletant, n’ayant jamais rien éclairé et ne nous privant la vue de rien du tout, ni d’essentiel ni d’accessoire, en disparaissant.

Jouvenel : du totalitarisme en démocratie

Jouvenel : du totalitarisme en démocratie

Le grand chapitre de Du pouvoir est celui sur la démocratie totalitaire. Comment se fait-il qu’en termes de tyrannie, règles, lois, guerres et conquêtes (coloniales ou autres), la démocratie puisse tout se permettre ?

Réponse : le droit de vote. Bitru supporte tout depuis qu’on lui a donné le droit de vote – à commencer par la conscription et la guerre ad mortem contre les « tyrans ». Jouvenel cite Taine (voyez mes textes sur cet auteur extraordinaire) :

« Sous les menaces et les souffrances de l’invasion, observe Taine, le peuple a consenti à la conscription: Il la croyait accidentelle et temporaire. Après la victoire et la paix, son gouvernement continue à la réclamer: elle devient permanente et définitive; après les traités de Lunéville et d’Amiens, Napoléon la maintient en France; après les traités de Paris et de Vienne, le gouvernement prussien la maintient en Prusse. »

La gangrène française a gagné le monde :

« De guerre en guerre, l’institution s’est aggravée: comme une contagion elle s’est propagée d’État en État; à présent elle a gagné toute l’Europe continentale, et elle y règne avec le compagnon naturel qui toujours la précède ou la suit, avec son frère jumeau, avec le suffrage universel, chacun des deux plus ou moins produit au jour et tirant après soi l’autre, plus ou moins incomplet ou déguisé, tous les deux conducteurs ou régulateurs aveugles et formidables de l’histoire future, l’un mettant dans les mains de chaque adulte un bulletin de vote, l’autre mettant sur le dos de chaque adulte un sac de soldat… »

Taine entrevoit les charniers de Quatorze et de quarante :

« ...avec quelles promesses de massacre et de banqueroute pour le XXème siècle, avec quelle exaspération des rancunes et des défiances internationales, avec quelle déperdition du travail humain, par quelle perversion des découvertes productives, par quel recul vers les formes inférieures et malsaines des vieilles sociétés militantes, par quel pas rétrograde vers les instincts égoïstes et brutaux, vers les sentiments, les mœurs et la morale de la cité antique et de la tribu barbare, nous le savons… »

 Ensuite il y a un problème : en démocratie ce n’est jamais le peuple qui décide ou qui gouverne ; Jouvenel cite aussi Montesquieu

« Comme dans les démocraties le peuple paraît faire à peu près ce qu’il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.»

Il en tire vite une conclusion essentielle ; la souveraineté du peuple est une fiction.

« Cette confusion est le principe du despotisme moderne. On peut, par des institutions sagement combinées, assurer la garantie effective de chaque personne contre le Pouvoir. Mais il n’y a point d’institutions qui permettent de faire concourir chaque personne à l’exercice du Pouvoir, car le Pouvoir est commandement et tous ne peuvent commander. La souveraineté du peuple n’est donc qu’une fiction et c’est une fiction qui ne peut être à la longue que destructive des libertés individuelles. »

Jouvenel est un nostalgique subtil de la royauté traditionnelle :

« La volonté royale était connue pour celle du personnage couronné, de son favori, de son ministre: elle était par-là humaine et particulière, de plain-pied avec les autres volontés. La volonté du Pouvoir démocratique se dit générale. Elle accable chaque individu sous le poids de la totalité des individus qu’elle représente, et opprime chaque intérêt particulier au nom d’un intérêt général qui s’incarne en elle. »

 En démocratie ce qui dirige, c’est l’abstraction, c’est le tout :

« La fiction démocratique prête aux régents l’autorité du Tout. C’est le Tout qui veut, c’est le Tout qui agit. »

La royauté protégeait les pouvoirs locaux. Cet heureux temps n’est plus, comme dirait Racine – qui n’avait pas vu Bruxelles ou Washington.

A ce sujet Jouvenel cite aussi Tocqueville :

« Les vieux pouvoirs locaux disparaissent sans se rajeunir ou être remplacés par rien, et partout à leur place le gouvernement central prend la direction des affaires. Toute l’Allemagne donnerait plus ou moins le même spectacle, je puis dire tout le continent. Partout on sort de la liberté du Moyen Age, non pour entrer dans la liberté moderne mais pour retourner au despotisme antique, car la centralisation, ce n’est autre chose que l’administration de l’empire romain modernisée (Lettre à H. de Tocqueville dans Œuvres, t. VII, p. 322-323).»

Dès le début de la Révolution on va tout balayer. Jouvenel cite Sieyès :

« La France ne doit point être un assemblage de petites nations qui se gouverneraient séparément en démocraties, elle n’est point une collection d’États; elle est un tout unique, composé de parties intégrantes; ces parties ne doivent point avoir séparément une existence complète parce qu’elles ne sont point des touts simplement unis, mais des parties formant un seul tout. Cette différence est grande, elle nous intéresse essentiellement. Tout est perdu si nous nous permettons de considérer les Municipalités qui s’établissent, ou les Districts ou les Provinces, comme autant de républiques unies seulement sous les rapports de force et de protection commune. »

La chasse aux centrifuges (la Vendée…) commence et la démocratie génocidaire sait s’illustrer :

« Tout pouvoir fait nécessairement la guerre aux tendances centrifuges. Mais la conduite du Pouvoir démocratique offre des particularités remarquables. Il se présente comme venant libérer l’homme des contraintes que faisait peser sur lui l’ancien Pouvoir, issu plus ou moins directement de la conquête. Pourtant la Convention guillotine les fédéralistes, le Parlement d’Angleterre écrase, sous des répressions qui sont parmi les plus sanglantes de l’Histoire, le séparatisme national irlandais, le Gouvernement de Washington déchaîne une guerre telle que l’Europe n’en avait pas encore vu pour étouffer les tentatives des États du Sud de s’organiser en corps séparé. Faut-il citer encore l’action de la République espagnole en 1934 contre la volonté d’indépendance catalane? »

Voilà pour la cruauté démocratique. Ensuite, il y a le fait que le peuple n’a pas le pouvoir - et que certains n’auraient pas dû attendre la réélection de Macron pour le savoir :

« Loin que le peuple soit seul auteur des lois, il ne lui est même pas permis de se prononcer sur les plus générales, qui affectent le plus profondément son existence. Quoiqu’il existe un mode de consultation populaire, le référendum, qui a fait ses preuves en Suisse, le Pouvoir démocratique n’a garde d’y recourir. »

On fait la chasse au local :

« Le vocable même d’intérêt particulier est alors devenu et demeuré une manière d’injure, évolution du langage qui reflète, pour peu qu’on y réfléchisse, la perpétuelle mobilisation de l’opinion sociale contre les fractions constituantes de la communauté. »

Comme chez Platon (voyez nos textes sur Bloom et Platon), l’avilissement démocratique débouche sur la tyrannie :

« L’Autorité n’est plus alors qu’un enjeu, elle perd toute stabilité, toute considération. Le caractère de ceux qui l’exercent va sans cesse s’abaissant jusqu’à ce qu’enfin le Palais du Commandement ait un occupant qui décide de ne point s’en laisser chasser: c’est le tyran. »

Et puis il y a un problème : la démocratie a une élite de gens très occupés par les fonctions et les commissions et cette élite méprise le peuple « pas assez éclairé » depuis toujours ; cette fois Jouvenel cite Kant :

«  Le philosophe rangeait parmi les passifs « tous ceux qui pour la conservation de leur existence, leur nourriture ou leur protection, dépendent d’un autre particulier », c’est-à-dire qu’il aurait refusé le droit de vote à tout le personnel salarié d’une usine. Ce n’est pas, chez d’autres penseurs, l’indépendance mais le loisir qui est le critère des droits civiques. Et ici l’on sent l’influence d’Aristote: c’est le loisir de réfléchir aux affaires publiques qui fait le citoyen, point de loisir point de citoyen. On trouve chez Sieyès et même chez Rousseau comme un regret honteux des facilités que l’esclavage antique donnait à l’homme libre pour former une opinion éclairée. »

Les parlements dégénèrent vite (cf. l’actuel, drivé par Mélenchon et Le Pen, qui est presque comique dans sa volonté – on pense au deus otiosus d’Eliade – de ne rien foutre) :

« L’avilissement de l’électeur et l’abaissement de l’élu ne sont encore qu’accidentels. Ils vont progressivement devenir systématiques. Des syndicats d’intérêts et d’ambitions se formeront qui, regardant l’assemblée comme une simple attributrice du Pouvoir et le peuple comme un simple remplisseur de l’assemblée, s’ingénieront à capter les suffrages pour investir des députés dociles qui rapporteront à leurs maîtres l’enjeu de toute l’opération; le commandement de la Société. »

Jouvenel découvre comme Cochin Ostrogorski qui a très bien décrit la « machine » administrative et politique. Et cela donne quelque chose de déplorable la machine :

«C’étaient de grands esprits, les Rousseau, les Jefferson. Les techniciens de la machine n’ont pas de si hautes prétentions; mais ils connaissent l’homme réel, qui veut de la chaleur, de la camaraderie, de l’esprit d’équipe, et qui est capable pour son clan de nobles sacrifices. Fondée sur une psychologie empirique, la machine réduit au néant et au ridicule les prétentions de la philosophie politique. »

Toujours aussi implacable Jouvenel ajoute :

« Loin d’éveiller la capacité citoyenne chez ceux qui ne la possèdent pas encore, on l’éteint chez ceux qui l’ont acquise. »

Les partis établissent leur tyrannie (voyez nos textes sur Roberto Michels) et Jouvenel établit un parallèle entre démocratie et discipline militaire en citant cette fois Baudelaire :

« Pour étouffer la curiosité que peut inspirer un orateur éminent du bord adverse, pour combattre l’envie de s’instruire par la connaissance d’arguments différents, pour anéantir cette gentillesse naturelle qui prédispose l’homme en faveur de son prochain, on fait vibrer la corde du loyalisme. C’est trahison de lire le journal de l’ennemi, de se rendre à ses réunions sinon pour couvrir sa voix et ensuite le réfuter d’après un canevas passe-partout. Car la bataille politique est une véritable guerre. Baudelaire s’étonnait déjà d’y trouver un langage militaire: « L’avant-garde de la démocratie “, « à la pointe du combat républicain “, et autres. Le poète avait raison. On a transformé les électeurs en soldats, en « militants “. C’est que leurs meneurs sont des conquérants du Pouvoir. »

La politique n’attire donc que les nuls et les soumis – ou les roués (cf. Cochin sur Choderlos de Laclos) :

« La machine a commencé d’écarter les intelligences et les caractères. Maintenant ils s’écartent d’eux-mêmes. Le ton et l’allure de l’assemblée vont s’abaissant. Elle perd toute considération. La puissance effective quitte d’ailleurs l’assemblée à mesure que les partis gagnent en consistance et en discipline. Si l’un d’eux dispose d’assez de sièges pour dominer l’assemblée, elle n’est plus qu’une chambre d’enregistrement de ses décisions. Dans ces conditions aucun gouvernement n’est possible que celui voulu par le parti, que celui du parti. »

Le résultat c’est (par exemple)  la tyrannie de Macron et de son parti :

« Ainsi la pratique des partis a fait passer la Souveraineté du Parlement à la Machine victorieuse et les élections ne sont plus qu’un plébiscite par lequel tout un peuple se remet entre les mains d’une équipe. »

Magnifique conclusion : « Les citoyens acceptent cette tyrannie et ne la haïssent que trop tard. »

On se consolera si l’on peut avec cette dernière observation :

« Mais on remarque que là même où la poussée du Pouvoir ne les dépossède point, les citoyens se déchargent eux-mêmes. »

 

Sources :

Jouvenel – Du pouvoir (éditions Pluriel)

Bonnal – Chroniques sur la fin de l’Histoire ; petits écrits libertariens (Amazon.fr)

Taine – Les origines de la France contemporaine (Archive.org)

Le départ de ‘Toria’ et autres tartarinades

Le départ de ‘Toria’ et autres tartarinades

8 mars 2024 (13H55) – Le départ de ‘Toria’ Nuland reste « un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme... », comme disait fameusement Churchill. Cette fois, il ne s’agit pas de le direction russe mais bien de la situation au sein du gouvernement Biden et de l’orientation de sa stratégie, – si stratégie il y a. Le départ de ‘Toria’ est un de ses actes pour lequel on dispose de multiples hypothèses sans décider de trancher décisivement

Même le subtil Bhadrakumar donne, – avec la plus grande prudence, – une (des) explication(s) qui est (sont) marquée(s) par le développement, quasiment à la suite, de deux thèses absolument contradictoires (tout cela est envisagé sans faire intervenir les Russes par rapport à ces diverses fluctuations).

D’une part, il présente Nuland comme partisane d’une approche négociée de la crise ukrainienne par le biais d’une relance des accords de Minsk dont on connaît la vertueuse loyauté juridique, proposition faite lorsqu’elle était écartée du pouvoir durant le mandat Trump :

« Quoi qu’il en soit, à l’approche de l’élection présidentielle de novembre 2019 (remportée par Biden), Nuland a déclaré publiquement qu’il serait nécessaire de reprendre les travaux sur les accords de Minsk. “Je pense que nous devrions entamer des négociations sérieuses sur la mise en œuvre des accords de Minsk… J’espère que nous serons invités à devenir partie à ce processus si et quand les États-Unis recommenceront à considérer l’Ukraine comme un gage important pour l’avenir de la démocratie. J’espère que cela se produira après nos élections en novembre (2019)”.

» Nuland a également indiqué qu’elle ne connaissait pas d’autre moyen d’amener la Russie à se retirer de l’Ukraine que le document de Minsk, qu’après tout, le président Poutine a lui-même signé. Cependant, la politique russe de Joe Biden a pris une trajectoire totalement différente.

» La seule explication plausible serait qu’en tant que fervent partisan du transatlantisme tout au long de sa carrière, Biden a donné la priorité au renversement de la négligence bienveillante de Trump à l’égard du système d’alliance de l’OTAN (qui était également crucial pour sa stratégie d’endiguement de la Chine) et qu’il était tactiquement avantageux de donner de la Russie l’image d’un ennemi pour redonner du poids au leadership transatlantique des États-Unis, qui s’était affaibli sous Trump. »

Puis il enchaîne en donnant à Nuland, revenue au pouvoir avec Biden, le premier rôle dans l’organisation de l’engagement américaniste en Ukraine qui ne cesse de se radicaliser, et bien souvent sous sa houlette, avec comme objectif non déguisé la Russie elle-même sous l’étendard d’une russophobie sans la moindre retenue et supposant un démantèlement et une cancellation de la Russie. Elle va même jusqu’à peut-être (c’est aussi du domaine de l’hypothèse)  suggérer ce qui pourrait être un soutien tacite à l’envoi de troupes de pays européens en Ukraine.

« Il est évident que Nuland a joué un rôle important dans la vie de l’Ukraine et que nous ne pouvons qu’en deviner l’ampleur. En effet, elle a publiquement célébré le sabotage du gazoduc Nord Stream, qui a rompu le cordon ombilical liant l’Allemagne à une alliance géopolitique avec la Russie. Le mois dernier, après une visite soudaine à Kiev, Mme Nuland a promis que de mauvaises surprises attendaient le Kremlin dans la guerre en Ukraine.

» Faisait-elle référence à l’idée d’un déploiement de combat en Ukraine par les pays de l’OTAN ? Il n’y a pas de réponse facile. La Maison Blanche est intervenue à deux reprises, du moins tardivement, pour affirmer que l’envoi de troupes américaines sur le terrain en Ukraine n’était pas envisageable.

» Le fait est qu’il est tout à fait concevable que le départ de Mme Nuland soit le reflet de l’effondrement de l’ensemble de l’architecture de la stratégie américaine en Ukraine, qu’elle avait conçue. »

Voilà donc la phrase essentielle : « Il n’y a pas de réponse facile ». Étudiant le cas Nuland, Mercouris est revenu à deux reprises là-dessus, et la deuxième fois en reconnaissant qu’il s’était trompé dans sa première interprétation. Là non plus, ce n’est pas simple. On retiendra ce qu’il en dit dans sa seconde intervention, nourrie de beaucoup plus de sources dont certaines qui lui sont propres.

Coalition bureaucratique

Mercouris a un nombre prodigieux d’expériences ; outre celle d’hommes de loi et de diplomate, il a celle de bureaucrates et c’est ce qu’il retient pour le cas Nuland au premier chef (il a des explications complémentaires, certes, et non négligeables). Mercouris rappelle, pour ceux qui l’ignorent, que Nuland est une personnalités dévastatrice, insupportable, dont l’ambition se mesure aux rayures laïussées sur le parquet  par sa dentition, autoritaire, s’attribuant souvent des prérogatives qu’elle n’a pas. Avec l’Ukraine, depuis deux ans, le rythme doit être devenu effrayant, et une coalition bureaucratique dans l’appareil de sécurité nationale s’est formée qui a pesé de plus en plus sur le secrétaire d’État.

Plus encore, cette coalition bureaucratique, estime Mercouris, est de sensibilité antichinoise et estime que Nuland mobilisait beaucoup trop l’essentiel des ressources au profit de l’Ukraine. La bataille bureaucratique devient alors politique et stratégique et pèse encore plus lourd sur Blinken.

Mercouris : « Il y a de nombreux faucons antichinois au département d’État, mais aussi au Pentagone, notamment avec le président du comité des chefs d’état-major, le général Brown, qui est de l’USAF et s’intéresse au Pacifique alors que Milley, son prédécesseur, était de l’US Army et s’intéressait à l’Ukraine. Cela forme une bureaucratie antichinoise cohérente.

» Le soutien que Nuland pouvait attendre de Biden, obsédé par l’Ukraine, a commencé à diminuer nettement en importance dans la mesure où l’on entre dans la campagne électorale, que l’opposition à l’engagement en Ukraine ne fait que se développer, et que le candidat doit mettre une sourdine. »

Cela ne signifierait nullement que la stratégie change et que l’Ukraine sont abandonnées car il faut toujours pousser les catastrophes jusqu’à leur terme lorsqu’elles ont commencé à se révéler catastrophiques. Le départ de ‘Toria’ signifie purement et simplement que le symbole et le porte-drapeau de l’Ukraine à Washington est liquidée (pour aller occuper un siège grassement rémunérée dans un quelconque Institute of Study of War).

Pour le reste, la bureaucratie poursuivra son travail avec son “toujours plus de ...” dans tous les sens et dans toutes les directions, mais sans fournir un effort excessif pour l’Ukraine comme il pouvait sembler que Nuland demandait. Tout de même, il faut aussitôt noter pour rassurer nos âmes inquiètes que, dès hier, Zelenski a inauguré une “rue Victoria Nuland” à Odessa, sous les tirs de missiles russes ; on a la reconnaissance du ventre, c’est-à-dire du portefeuille..

Le maréchal McMacron prépare l’invasion

Il faut dire que le départ de ‘Toria’ n’a pas vraiment rassuré les Européens, qui veillent aux frontières et préparent la grande offensive ‘Barbarossa.Europa-Kaput’. Macron est allé voir ce qui est désormais son grand allié, le général-président Tchèque, tout frais émoulu de l’OTAN, et qui s’est promis de mobiliser la Grande Europe pour écraser les hordes.

« Parti sur cette voie, dit Mercouris, ce sera bientôt tout le gouvernement US qui deviendra antichinois, nous laissant seuls avec l’Ukraine... »

Avec l’OTAN dont tous les observateurs nous disent qu’elle est de plus en décidée à attaquer la Russie, le départ de ‘Toria’ ressemble un peu à un avant-goût de Trump qui disait, – il plaisante ! Il plaisante ! –  qu’il laisserait bien les Russes attaquer l’OTAN sans que cela ne dérange outre-mesure l’ordre de bataille de l’U.S. Army dont on sait qu’il est absolument en désordre et pas du tout pas dans l’ordre de bataille qui importe puisque n’ayant pas encore recopié le modèle russe tenu désormais pour la grande mode de toutes les armées qui se postmodernisent. Pour compenser, nous eûmes donc un vaillant président qui parla de la lâcheté des autres et s’affirma prêt à remettre de l’ordre dans les rangs. Les Murat, les Ney, les Soult, les Davout, les Augereau, pour tout dire, en restèrent et en restent coi comme deux ronds de flanc et se disant qu’il leur aurait fallu un McMacron avec MacDonald à Waterloo.

On arrête ici sur ce thème parce qu’une telle montée en puissance, si irrésistible, fait trembler les plus sceptiques qu’une force pareille, éclatant d’une vitalité si terrible, ne décide d’elle-même de déferler de Brest jusqu’à Vladivostok. Nous aurons cerné les Chinois avant même que les porte-avions hypersoniques aient quitté leur port d’attache de San Diego et de Norfolk.

Et si l’on parlait d’autre chose ?

L’on terminera sur un tout autre sujet parce que tout n’est que sans queue ni tête, qui est pourtant (cet autre sujet) du même domaine de la  GrandeCrise. Regardez-le, il implique ce phénomène extraordinaire d’un fou sénile et méchant comme une teigne à la tête de l’’une des deux grandes puissances nucléaires du monde, et qui est si attaché à cette entreprise de liberté souveraine qu’est le parti de l’Ukraine et la protection des actions de son fils Hunter (avec partage des bénéfices avec papa). Chaque jour nous apporte des nouvelles cataclysmiques faisant évoluer des personnages fantomatiques, ombres des ombres d’un zombie, doté de pouvoirs immenses.

C’était, cette nuit pour nous, le “Discours sur l’état de l’Union” du 46ème POTUS. Lisez, c’est court, une suite qui suinte de slogans d’un esprit dévorée par la sénilité, une extraordinaire démonstration du niveau d’absurdité mentale et de destruction totale de l’esprit, – sans doute la plus complète, dont on comprend qu’elle fasse l’admiration des foules des élites-zombies européennes...

ZeroHedge.com’, par exemple, au bord de la nausée, écrit ceci, en phrases hachées, ultra-rapides, comme dites par un robot devenu fou... Jamais, certainement jamais, une décadence prit autant l’allure à la fois de la décomposition, de la pourriture et de la néantisation morale :

«  Discours de Biden ce soir ...

» • Financer l'Ukraine.

» • Trump est une menace pour la démocratie et l'Amérique elle-même.

» • L'avortement est une bonne chose.

» • L'économie américaine est plus forte que jamais.

»  • L'inflation n'est pas la faute de Biden.

» • Les clandestins sont aussi des Américains.

»  • Les républicains sont responsables de la crise frontalière.

» • Trump est mauvais.

» • Biden est aux côtés des enfants transgenres.

» • Le 6 janvier [2021] a été la pire insurrection depuis la guerre civile.

» La réponse de Tucker Carlson résume parfaitement la situation :

» “C'était probablement le discours le plus sombre et le plus anti-américain prononcé par un président américain. Ce n'était pas un discours, c'était une diatribe...”

» Carlson a poursuivi : “La véritable mesure de la grandeur d'une nation réside dans sa capacité à contrôler les frontières, et pourtant Biden refuse de le faire”.

» “Dans une élection juste, Joe Biden ne peut pas gagner”.

» Et de conclure :

» “Pendant toute le discours, il n’y a pas eu un mot significatif sur les choses qui comptent réellement pour les gens qui vivent ici.”

» Victor Davis Hanson a ajouté d’excellentes saillies et ceci était probablement la meilleure phrase sur Biden :

» “Il s’en fout... il vit dans une réalité alternative”. »

Et lorsqu’on écoutait Thierry Breton , hier, faire ses petites compotes de €milliards pour Zelenski, on avait l’impression qu’ils étaient somme toute tous satisfait de tout cela, de ce monde-là, de cette façon d’être, de faire, de dire, de répéter, de barboter, de ragoter, de ravauder.... Breton avait une superbe coiffure permanenté, un beau gris profond qui doit plaire aux jeunes stagiaires de l’EU dont on s’est assuré au préalable qu’elles ont bien une assurance anti-viol (en vente dans toutes les bonnes pharmacies). Ses lunettes rondes lui donnant un faux-air de naïf aux quarante enfants complétait le tout. C’est le représentant de la Grande Nation, – la France, traduit-le-traducteur, – si honorablement à sa place au sein de l’UE, – le nommé Breton, dit Anastasie-les-ciseaux puisqu’également chargé de la censure en plus de récupérer les dettes.

Mais nous parlions de Nuland, me semble-t-il... Bah, c’est la même pointure.

La Grâce-III : ‘Ukrisis’ dans la GrandeCrise

La Grâce-III : ‘Ukrisis’ dans la GrandeCrise

• Pour suivre la voie tracée par le texte sur le “déchaînement de la Matière” que l’on peut trouver dans cette même rubrique, voici un nouvel extrait du livre en préparation se prétendant comme la suite de la série de ‘La Grâce de l’Histoire, et certainement toujours avec les mêmes réserves concernant les capacités du vénérable capitaine PhG à tenir ses engagements. • Cet extrait n’enchaîne nullement sur le précédent mais il nous semble que l’on peut dire qu’il forme un tout lisible qui permet de le lire détaché du reste. • Le “concept” présenté ici est finalement celui de ce que nous nommons  la GrandeCrise, et la mécanique métaphysique qui agglomère les différentes sous-crises (ou “subcrises”) qui la composent : Trump et la crise aux USA depuis 2015-2016, le mouvement Woke et le wokenisme qui est peut-être la représentation la plus marquante par son effet de déconstructuration, le Covid, la crise ukrainienne ou ‘Ukrisis’ depuis 2022 et même depuis 2014, et au loin depuis 1991, la crise palestinienne... • Le passage considéré traite essentiellement de l’intégration d’‘Ukrisis’ dans la GrandeCrise.

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Ukrisis’ dans la GrandeCrise

L’indiscutable caractère exceptionnel du wokenisme se rencontre là encore dans le lien qu’il établit entre la crise américaniste [depuis 2015-2016] dans le sein de laquelle il a fleuri et l’événement ‘Ukrisis’ que nous retrouvons ainsi. C’est en effet notre intention de considérer cette crise majeure de la guerre en Ukraine comme un chaînon de plus dans cette sorte de “chaîne crisique”, un tour de fou supplémentaire du “tourbillon crisique”, – mêmes causes, mêmes effets, mêmes remous et mêmes conséquences. L’attaque du Système contre l’Ukraine pour déstructurer la Russie est effectivement un effort majeur de déconstructuration, une sorte de verrou d’une puissance inouïe qui saute, que nous abordons essentiellement comme une “représentation”, un simulacre de la même eau que la crise covidienne, sans nous attacher aux aspects géopolitiques qui constituent une référence dépassée pour tenir un rôle important, et encore moins bien entendu le premier rôle.

Nous posons évidemment comme une évidence de notre propos que nous sommes entrés dans une autre dimension en fait de qualité et même d’essence de la crise, – qu’on devrait plutôt nommer “essence crisique”, – en fait d’aspect formel de cette dynamique, et par conséquent quelque chose d’autre pour ce qui est de la puissance et de l’orientation de sa dimension métahistorique. Pour autant, et c’est bien entendu le point qui importe le plus, le point décisif, le schéma du développement de cette crise, ou “fraction de crise”, reste complètement celui de la déconstructuration dont l’universalité de la présence est une évidence. En ce sens, l’on comprend aisément que le facteur de la communication tient une place absolument centrale ; c’est lui qui permet toutes les manœuvres de représentation, qui règle la perception, qui fausse les sens, mais aussi qui récompense la lucidité et la maîtrise de soi, qui facilite pour celui qui sait s’en saisir l’accès à l’intuition ; la communication, ou Janus en action, dans son avers ou dans son envers.

N’importe quel témoin de l’événement, je m’en souviens fort bien pour mon compte, éprouva à un moment ou l’autre du lancement de l’opération russe, cette fameuse “Opération Militaire Spéciale” (OMS), le 24 février 2022, l’une ou l’autre surprise. On aurait pu dire que la Russie avait comme but, – involontaire ou pas qu’importe, et plutôt involontairement si je suis ma pensée, – de déconstructurer la notion même de “guerre”, tant la manœuvre semblait ne correspondre à rien de ce que l’on pouvait envisager en fonction des effectifs engagés. Il est extrêmement probable selon mon jugement que, dans cette surprise et cette perception chaotique entraient un certain nombre d’erreurs d’ailleurs fort compréhensibles des Russes, qui ne s’attendaient certainement pas :

1)   D’une part,  à rencontrer une armée ukrainienne aussi forte et aussi bien organisée ;

2)   D’autre part, à voir en face d’eux une présence de soutien, sinon plus, de forces de l’OTAN, si bien qu’on aurait pu dès lors nommer cette guerre “guerre de la Russie contre l’OTAN” (avec tous les énormes moyens notamment de communication [identification, localisation, etc.] que cela suppose, et non “guerre de la Russie contre l’Ukraine”.

Il s’ensuivit, dès ces premiers heurts, une importance fondamentale de la communication justement, bien entendu en tant que perception, ou bien en écho de la “réalité”, ou plus encore, en tant que fabrication de narrative, de simulacres. Cette importance s’imposa irrésistiblement ; on peut même dire que ce fut, dès l’abord, l’élément essentiel de cette guerre et celui qui allait complètement la caractériser. Mais puisque nous sommes dans ce domaine du constat de l’immédiat en fait de communication, on doit aussitôt répéter qu’il manquait évidemment, pour une caractérisation dans sa dimension adéquate, la remarque, là aussi avec toutes les variations de justesse et de déformations possibles, que l’on a faite plus haut : c’était au moins une “guerre de la Russie contre l’OTAN” et nullement une “guerre de la Russie contre l’Ukraine”… Quoi qu’il en soit, il doit être admis absolument que nous allons examiner cette guerre selon son caractère d’‘Ukrisis’, essentiellement sinon uniquement du point de de vue de la communication, et non pas des points de vue habituels d’une guerre (géopolitique, militaire, etc.) qui ne sont dans ce cas que les outils de l’événement de communication.

 

Il y a une admirable leçon de synthèse,

à la fois de réalisme et d’interprétation métahistorique la plus haute, à recevoir du philosophe de l’histoire, le Russe Alexandre Douguine ; en effet, qui d’autre qu’un Russe pour cette tâche essentielle de donner à ‘Ukrisis’ la place essentielle d’évènement à la fois courant mais devenu très original, et passé d’une “opération de police” à un événement fondamentalement transcendant ? Douguine est celui qui a saisi le plus rapidement et le plus précisément, je veux dire sans reculer devant la force des mots, ce caractère transcendant. A ce moment, dans ces conditions d’interprétation que le philosophe russe nous offre, on peut faire d’‘Ukrisis’ le continuateur logique des incidents décadentiels précédents, sinon leur extension paroxystique avec une dimension de rupture.

Il fallut un certain temps, peut-être bien une année et plus alors qu’on attendait en général un conflit localisé de quelques mois, pour que se dessinassent les contours assurés de la dimension eschatologique de cette guerre. Il était bien entendu évident que personne n’aurait pu prévoir raisonnablement la marche précipitée des évènements jusqu’à février 2022 et la crise ‘Ukrisis’, même en se plaçant du point de vue des évènements depuis février 2014 et le “coup de Kiev”. Il est bien autant évident, et cela est encore plus remarquable, que nul n’aurait pu prévoir raisonnablement cette “marche précipitée” suivant une accélération supplémentaire, du point de vue de ces mêmes évènements depuis février 2022.

Il y a là un constat délicat à faire, qui concerne la substance de ces évènements, leur importance fondamentale, les forces qui les régissent et d’une manière générale ce que nous jugions être leur nécessaire eschatologisation. Bientôt s’imposa donc la question de la cause fondamentale, le passage de l’interprétation d’un “simple” affrontement pour la souveraineté à un ébranlement civilisationnel d’une immense grandeur, peut-être d’une grandeur inédite et inconnue dans la civilisation courante qui est nôtre, peut-être aussi colossal et important que la chute de l’Empire romain... Et encore, – bien plus encore ! Avec la différence extraordinairement aggravante d’un événement qui nous apparut extrêmement rapide, que nous réalisâmes et observâmes quasiment en temps réel, identifié directement pour ce qu’il était ; et ce facteur essentiel de la rapidité semblant lui donner un “supplément d’âme”, c’est-à-dire une métaphysique encore plus impérative et “opérative” à la fois, dépassant celle de la chute de l’Empire de Rome.

Ainsi parvenons-nous à déterminer une approche pour atteindre un point de vue d’où cette crise ‘Ukrisis’ devenue guerre du même nom acquiert un sens qui lui donne complètement sa place dans la filiation des crises que nous avons vues défiler depuis 2015-2016. Il est temps ici de reconnaître, d’identifier l’âme et la plume qui nous ont guidé dans cette quête : le philosophe-géopoliticien (selon le caractère qu’il se plaît à arborer) Alexander Douguine, le Russe Douguine. 

Il nous semble, que l’on soit ou non en accord avec lui, qu’il apporte la vision la plus ample et la plus haute, le regard du “philosophe de la spiritualité”, – qui nous intéresse plus que la géopolitique, – c’est-à-dire le philosophe qui cherche l’explication centrale dans les matières les plus extrêmes dans l’ordre de l’ontologie et au-delà des interdits du rationnel. Douguine, lui aussi, chose extrêmement rare pour un observateur de cette trempe, décrit “en temps réel” des évènements qui se révèlent eschatologiques, qu’il interprète dans l’instant pour ce qu’ils sont, – eschatologiques, justement. Par conséquent, on prendra avec la plus grande gravité ce qu’il dit à propos de ce conflit d’Ukraine, de son évolution, de sa transformation – non, de sa transmutation, à partir de ce constat radical et terrible qui structure toute sa réflexion, – ce constat que l’Occident est “monstrueux” et qu’il rompt avec une violence horrible « avec l’espèce humaine » :

« Ayant découvert que l'Occident est monstrueux et se sépare sous nos yeux de l'espèce humaine, la Russie s'en est éloignée. Un problème local, le conflit avec l'Ukraine, nous a soudain conduits à des conclusions fondamentales : l'Occident fait fausse route, il entraîne l'humanité dans l'abîme et nous devons l'affronter. C'est la nouvelle la plus importante, quelque chose d'absolument incroyable, car auparavant nous nous étions modestement limités à la lutte pour la souveraineté. »

Ainsi Douguine entame-t-il son analyse de la crise que nous connaissons en la situant aussitôt, d’ailleurs selon le thème de la conversation qui nous est proposée dans le titre de son intervention du 11 septembre 2023 (« A l’ombre de Satan »), à propos et selon la présence, l’influence et les pressions de Satan, – un Satan en référence à la théologie religieuse, et non plus une simple imagerie passepartout. Pour Douguine, Satan est une entité essentielle du drame cosmique que nous vivons.

On le comprend donc clairement : cette démarche de Douguine n’est pas simplement symbolique, ni une parabole, ni une analogie, ni une  illustration de convenance ou un excès compréhensible de langage, elle exprime clairement et directement ce qu’elle entend décrire. C’est dire combien il est nécessaire d’avoir l’esprit ouvert et le jugement large, car son exposé sur un “concept” (?) si profondément irrationnel, nous renvoyant à la fois dans les anciens temps de la Tradition, dans les mystères de l’Unité originelle et dans des célébrations considérées comme primitives par rapport aux festivités du wokenisme, – car cet exposé-là est chez Douguine tout à fait rationnel.

Bien entendu, dans le style, les images, les perspectives, il y a le feu et la fièvre du slave et dans le regard de son âme l’immensité des horizons russes. Mais la pensée n’est pas déformée par une expression si souvent mise à l’index, qui permet dans ce cas d’autant mieux et au contraire de mesurer la puissance de la vision. On le comprend aisément lorsqu’on voit que Douguine travaille pour une part non négligeable sous le magistère de l’un des métaphysiciens les plus rigoureux, les plis férus d’une logique de fer : le Français René Guénon, qui nous a déjà averti de la présence du satanisme et du simulacre auquel il conduit.

« René Guénon, philosophe, partisan d'une société spirituelle traditionnelle, l'a appelée la Grande Parodie. C'est à cela que conduit la civilisation satanique. Si, au premier stade du matérialisme, il s'agissait de nier toute spiritualité, [...] progressivement, au fur et à mesure que cette Grande Parodie prend forme, un nouveau projet émerge : non seulement le rejet de l'Église, mais la construction d'une anti-Église, non seulement l'oubli de l'esprit, mais la création d'une nouvelle spiritualité, inversée... »

Ainsi sommes-nous convié à cette pensée qui tient Satan comme un facteur essentiel et d’une réelle et puissante existence de la terrible réalité de notre malheur, voire, opérationnellement comme son facteur exclusif, – Satan, maître du Mal et de “notre malheur” . Ne pas accepter cette hypothèse, c’est justement tomber dans le piège diabolique de cette entité qui sait si bien faire usage de son arme principale, cette “Grande-Parodie”, qui est également le montage du simulacre, l’opérationnalité de cette méthode infâme avec ses narrative, toutes ces tromperies qui nous accablent, nous serrent à la gorge, qui font la circonstance essentielle, proche de la folie, de notre bataille.

La GrandeCrise est si bien devenue elle-même, si ‘Grande’ dans le sens d’universel et collectif, si semeuse de malheur et de chaos, que nous avions et avons le besoin vital d’une explication universelle et collective. Il n’y en a aujourd’hui plus aucune qui soit disponible. Plus encore, les derniers évènements ont rendu caducs, inopérants, dépassés, les divers projets universels et collectifs, réduisant à néant toute perspective sérieuse d’une organisation humaine acceptable, les remplaçant par l’actuel chaos qui est pourtant lui-même l’enfant de formidables efforts d’organisations humaines ambitieuses. La même chose peut être dit, bien entendu, sur les nombreux aspects insupportables du monde actuel qui orientent le jugement vers le constat de l’existence du Mal sans en donner la moindre explication, justification, description, logique, etc.

Même l’Ukraine a joué un rôle très concret à cet égard, en relativisant complètement la symbolique jusqu’alors triomphante du ‘Mal’ [Hitler et le nazisme], tant utilisée et brandie avec une sorte de soulagement puisque cantonnée à une idéologie contraire au catéchisme progressiste. On n’a pas encore mesuré la catastrophe symbolique et communicationnelle qu’a constitué ce sacrilège du Camp du Bien vis-à-vis du Camp du Bien ; ce sacrilège, celui de retrouver dans les quartiers de Mister Z, personnage extraordinairement vulgaire et médiocre devenu iconique de Camp du Bien, nombre d’orientations et d’échappées vers le nazisme qui perdurent officiellement, à ciel ouvert, sans aucune difficulté, sous les applaudissements des multitudes antirusses de nos élites.

Tout cela, qui traduit une inconscience et un désordre extraordinaire de cette raison-subvertie qui prétend régenter le monde en le régulant, explique que des conceptions jusqu’alors mises à l’index par le mépris et le sarcasme retrouvent la possibilité d’une exposition richement documentée. Ainsi en est-il du travail, d’une haute tenue intellectuelle, de ce philosophe singulier dans sa fièvre apprivoisée qu’est Alexander Douguine. Avec lui, le diable n’est plus seulement “dans les détails” ; il est bel et bien Satan, au centre d’un monde perverti, d’une civilisation aux abois et sombrant sous le poids de son infamie. Cela est remarquablement  exposé par un esprit vigoureux et fiévreux, armé d’une culture dévastatrice pour le troupeau des nains qui prétendent nous mener, avec le pouvoir magique et presque poétique de transformer l’histoire courante en ce qu’elle est aujourd’hui, – et aujourd’hui seulement : immédiatement métaphysique historique, nous passons de l’évènement à la métahistoire sans escale intermédiaire nécessaire... Nous sommes “à l’ombre de Satan” et de la GrandeCrise.

(Notez que l’intervention de Douguine qui nous fournit l’essentiel de l’argument sur la perception transformatrice de la guerre date du mois d’août 2023, soit 18 mois après le début de la guerre, ce qui nous donne un laps de temps acceptable pour accepter l’intégration de cet évènement dans notre propos.)

 

Nous donnons ici le texte complet des réponses

de Douguine aux trois premières questions qui lui sont posées Par Peter Vlasov, concernant la caractère satanique de l’adversaire auquel se confrontent les forces traditionnelles sur lesquelles il s’appuie. Le mot d’ordre du philosophe, pour fixer l’intensité du combat spirituel ainsi en cours, est celui-ci : « Il faut laisser la guerre entrer en nous ». Cela veut dire qu’il importe d’ouvrir notre âme à tous les domaines transcendants jusque-là interdits d’accès par le gardien vigilant et impitoyable que constitue la raison-subvertie qui fait feu sans l’aumône de la moindre sommation.

 Peter Vlasov : « Alexandre Douguine, nous entendons de plus en plus souvent les dirigeants du pays définir la civilisation occidentale moderne par le mot “satanisme”. Qu'entendez-vous par là, quel est votre avis ? »

Alexander Douguine : « Le président a déclaré que l'Occident était une "civilisation satanique" dans le discours qu'il a prononcé lors de l'admission de nouveaux sujets au sein de la Fédération de Russie. Nous devrions prendre cela au sérieux et essayer de comprendre ce qui se cache derrière cette formulation, d'autant plus qu'elle a été répétée par la suite par de nombreuses personnalités politiques et publiques de haut rang. Il me semble qu'il s'agit d'une déclaration très sérieuse et profonde.

Après le début de l'Opération militaire spéciale, nous avons commencé à nous rendre compte de plus en plus clairement que quelque chose ne tournait pas rond en Occident. La civilisation occidentale moderne s'est soit égarée, soit détournée de la voie qu'elle suivait lorsque nous l'avons acceptée, accueillie, imitée, soit, ce qui est encore plus probable, quelque chose ne va pas depuis longtemps. Une civilisation que nous admirons, à laquelle nous cherchons à nous intégrer, dont nous partageons les valeurs et les règles et que nous embrassons de toute notre âme, ne peut-elle pas se révéler soudainement satanique ? Parallèlement à cela, nous voyons la question des valeurs se poser à différents niveaux dans notre Etat. Nous commençons à le répéter : nous défendons nos valeurs. Il y a un an, le Président a adopté un décret sur la défense des valeurs traditionnelles, parmi lesquelles la supériorité de l'esprit sur la matière. C'est une chose absolument étonnante ! Les valeurs traditionnelles de la Russie sont reconnues comme étant, si vous voulez, l'idéalisme, la religiosité, la domination de l'esprit. Et bien sûr, si nous commençons à nous considérer - pas encore avec confiance, mais de plus en plus - comme des porteurs de valeurs traditionnelles, c'est précisément face à ces valeurs traditionnelles, que nous découvrons tout juste en nous-mêmes, que nous commençons tout juste à comprendre, à appréhender et à défendre, face à ces valeurs, bien sûr, les valeurs occidentales ressemblent à du satanisme pur et simple. Elles sont tout le contraire des nôtres. Elles reposent sur l'idée que la matière est primordiale par rapport à l'esprit, que l'homme n'est qu'un être biosocial qui est un reflet cognitif du monde extérieur. L'Occident perçoit l'homme comme un animal évolué, qui a atteint son stade final pour passer l'initiative à une espèce posthumaine, aux constructions transhumanistes, aux cyborgs, à l'intelligence artificielle. Et la préparation, l'échauffement, c'est la politique du genre, où l'on change de sexe au gré de ses envies - voire de ses caprices - et bientôt d'espèce, où l'on choisit d'appartenir au sexe homme, à une catégories de machines ou à une espèce animale, ce qui fait déjà l'objet de discussions sérieuses au plus haut niveau des personnalités occidentales.

Ayant découvert que l'Occident est monstrueux et se sépare sous nos yeux de l'espèce humaine, la Russie s'en est éloignée. Un problème local, le conflit avec l'Ukraine, nous a soudain conduits à des conclusions fondamentales : l'Occident fait fausse route, il entraîne l'humanité dans l'abîme et nous devons l'affronter. C'est la nouvelle la plus importante, quelque chose d'absolument incroyable, car auparavant nous nous étions modestement limités à la lutte pour la souveraineté.

Et c'est ici que le concept de "satanisme" acquiert pour la première fois une signification très sérieuse. Il ne s'agit pas seulement d'un mouvement occulte marginal, le satanisme existe en Occident, il y a l'Église de Satan d'Anton LaVey, il y a même le satanisme direct de l'écrivain ultra-capitaliste Ayn Rand (Alice Rosenbaum) - qui était d'ailleurs populaire parmi les oligarques et les libéraux russes dans les années quatre-vingt-dix. Mais il s'agit dans l'ensemble de phénomènes marginaux, de sectes occultes et de productions théâtrales. Par "le satanisme de la civilisation occidentale", Poutine entendait quelque chose d'autre, de beaucoup plus profond. Le satanisme, c'est la primauté de la matière sur l'esprit, le relativisme postmoderne, c'est-à-dire la relativité de toutes les valeurs, y compris celles de l'être humain et de l'esprit. Et c'est la voie que l'Occident a empruntée, non pas hier, mais il y a environ 500 ans, avec le début du New Age.

Qui est Satan ? Il n'y a pas de Satan quand il n'y a pas de Dieu, pas de foi, pas de religion. Ce terme reste dans le vide, si pour nous les termes "Dieu", "foi", "éternité", "immortalité", "résurrection des morts", "jugement dernier", "salut de l'âme"... sont tout aussi vides. Si nous suivons l'image scientifique occidentale moderne du monde, il est bien sûr ridicule de parler de satanisme, car il n'y a ni Dieu, ni diable, ni foi, ni âme immortelle, ni vie post-mortelle, mais seulement un flottement d'unités biologiques, d'atomes, qui se collent les uns aux autres, se séparent, puis disparaissent dans l'abîme de l'espace noir et mort. C'est à peu près cette image du monde qui s'est imposée en Occident il y a 500 ans, et que l'on appelle généralement "l'image scientifique du monde". Elle s'est accompagnée d'une déchristianisation progressive et complète de la culture occidentale. Ainsi, Satan en tant que phénomène a disparu de la "représentation scientifique du monde" en même temps que Dieu. Lorsque nous affirmons sérieusement que la civilisation occidentale est satanique, nous attirons l'attention sur le fait qu'il s'agit d'une conclusion hâtive, incorrecte, prématurée et, en fait, profondément erronée. C'est à tort que l'on s'est éloigné de la tradition, de l'esprit, de Dieu, de la religion, et c'est là que l'âge moderne de l'Europe occidentale a commencé. Nous l'avons perçue sans esprit critique dès le XVIIIe siècle, lorsque nous avons été emportés par les Lumières européennes. Mais jusqu'en 1917, nous avons maintenu d'une certaine manière le caractère religieux de notre société. Puis nous avons plongé dans l'abîme du matérialisme, et après l'effondrement de l'URSS, nous sommes descendus encore plus profondément dans cet abîme - dans un matérialisme capitaliste libéral encore plus débridé et flagrant. Et finalement, nous nous sommes retrouvés à la périphérie de la civilisation satanique occidentale, en tant que sa province.

En d'autres termes, le concept de Satan prend aujourd'hui, dans le cadre de la guerre contre l'Occident, une toute autre signification dans notre société que le concept de Dieu. S'il y a Dieu, s'il y a la foi et l'Église, la Tradition et les valeurs traditionnelles, cela signifie qu'il y a aussi l'antithèse de Dieu, celui qui s'est rebellé contre Dieu. C'est alors que l'histoire de l'Occident, l'histoire du soi-disant progrès, l'époque de la modernité des 500 dernières années s'ouvre sous un jour complètement nouveau. Il s'avère que l'Occident a rejeté Dieu, a dit : il n'y a ni Dieu ni diable, et le diable, comme après un certain temps, a objecté : il n'y a pas de Dieu, mais c'est moi, parce que c'est moi qui vous ai dit qu'il n'y avait pas de Dieu. »

Peter Vlasov : « Ce que vous appelez le satanisme peut-il être considéré comme une construction idéologique, ou s'agit-il simplement d'un principe de négation, de destruction ? »

Alexander Douguine : « Nous ne devrions pas commencer par le satanisme, mais par Satan, par la figure que l'on appelle par ce nom, si nous sommes des croyants, c'est pour nous un fait ontologique. Pour les non-croyants, le satanisme n'a pas de sens.

Qui est Satan, qui est Lucifer ? C'est un ange, c'est-à-dire l'esprit céleste éternel. C'est la première création suprême de Dieu qui s'est rebellée contre Dieu. C'est l'origine de toutes les attaques contre Dieu, du matérialisme, de l'athéisme, de toutes les notions selon lesquelles des personnes sans Dieu peuvent construire un monde meilleur. Nous retrouvons ce principe dans l'humanisme, dans le développement de la science moderne et dans la doctrine sociale du progrès. Satan n'est pas seulement la destruction ou l'entropie, mais une volonté consciente de détruire. C'est la rébellion, la destruction de l'unité au nom du triomphe de la multiplicité. Ce n'est pas seulement un affaiblissement de l'ordre divin, c'est la volonté de le briser. Quand le corps est affaibli, c'est une chose, mais quand il y a une force, comme le cancer ou une autre maladie naturelle, qui pousse le corps à la décomposition, c'en est une autre. Satan est l'esprit, la volonté de se décomposer, pas seulement la décomposition elle-même, qui est déjà une conséquence. En un sens, il s'agit d'une croyance, d'une religion, d'une anti-église. C'est l'"église noire" qui s'incarne dans la culture occidentale moderne, la science, l'éducation, la politique. Nous voyons ici non seulement la décadence, mais aussi le refus de construire l'ordre, la hiérarchie, d'élever les principes de la science, de l'esprit, de la pensée, de la culture à l'unité la plus élevée, comme dans la civilisation traditionnelle, au début de la hiérarchie, – parce que la hiérarchie terrestre imite le rang angélique. À ce refus de faire le bien s'ajoute la volonté de faire quelque chose de directement opposé, de faire le mal. Quand on regarde les Ukrainiens, Biden, Soros, Macron, on voit une volonté de destruction active, agressive. Le satanisme présuppose nécessairement une stratégie consciente et une impulsion volontaire qui génère un mouvement puissant des masses humaines. Les masses peuvent détruire la culture traditionnelle par leur stupidité, leur passivité, leur inertie - c'est la propriété de la masse en tant que telle, mais quelqu'un pousse cette masse dans une direction destructrice, quelqu'un la dirige, l'oriente. C'est là qu'apparaît le principe du sujet opposé à Dieu (ainsi qu'à l'homme dans son sens le plus élevé). On le retrouve dans toutes les religions : il s'agit de cette volonté consciente du sujet de construire une civilisation anti-Dieu, inversée. Il ne s'agit pas seulement de détruire l'existant, mais de créer quelque chose de dégoûtant, de pervers, comme les femmes LGBT barbues de l'Occident. »

Peter Vlasov : « Y a-t-il là une image de l'avenir ? »

Alexander Douguine : « René Guénon, philosophe, partisan d'une société spirituelle traditionnelle, l'a appelée la Grande Parodie. C'est à cela que conduit la civilisation satanique. Si, au premier stade du matérialisme, il s'agissait de nier toute spiritualité, c'est-à-dire d'affirmer qu'il n'y a pas d'esprit, mais seulement la matière, l'homme, le monde terrestre, progressivement, au fur et à mesure que cette Grande Parodie prend forme, un nouveau projet émerge : non seulement le rejet de l'Église, mais la construction d'une anti-Église, non seulement l'oubli de l'esprit, mais la création d'une nouvelle spiritualité, inversée. Nous commençons par la destruction de l'église, nous comparons tout à la terre, il ne reste que l'homme, mais après cela, nous commençons à construire un temple souterrain vers le bas, dans la direction opposée, nous faisons un trou dans la matière. L'écrivain français Raymond Abellio a écrit un roman intitulé “La fosse de Babylone”, qui traite de la construction de la civilisation dans le sens souterrain. Cette hiérarchie inversée, ce pouvoir inversé, cette spiritualité inversée, voilà ce qu'est le satanisme occidental. »

 

Ainsi en est-il de la “guerre en Ukraine”

pour notre propos qui est celui de la déconstructuration, de l’eschatologie, de la métahistoire, et qui nourrit l’explication qui nous fait lier cet événement directement à celui de la déconstructuration wokeniste bien que les deux événements ne soient pas du tout de la même facture ni du même domaine, – en apparence, certes. Mais on l’a vu, on l’a intuitivement ressenti je pense, – “ni de la même facture ni du même domaine” mais de la même essence satanique, de la même GrandeCrise, et là directement liés. La proximité est telle que l’on pourrait finalement concevoir, notamment en les prenant du point de vue si essentiel de la communication, de ne pas faire de réelle différence entre eux.

C’est cela que j’ai à l’esprit en anticipant peut-être une attente ou une  question que certains de ces lecteurs parmi les hommes de ces temps-devenus-fous, comprenant notre démarche devant ce qu’ils jugent être un passage en revue des diverses ‘subcrises’ de la GrandeCrise, – mais la comprenant je crois en partie d’une façon erronée, assez dans tous les cas pour nous objecter : “Comment ? Après tout ce brouhaha sur l’Ukraine, rien sur Israël (et sur Gaza certes…) ?” La réponse se dit d’elle-même à partir d’un texte que nous écrivions le 11 octobre 2023, et qui constituait un résumé de l’argument :

« • Le drame du week-end en Israël doit désormais se poursuivre avec l’action de riposte que préparent les Israéliens, et qui peut être terrible. • En soi, la crise entre Israël et les Palestiniens répond toujours aux mêmes paramètres et blocages [que l’on connaît depuis soixante-dix ans]et en cela l’attaque de dimanche ne change rien. • Ce qui peut amener un changement politique de nature, non pas de la crise elle-même, mais de l’importance de la crise, c’est justement la nature et, au-delà, la puissance de la riposte israélienne. • Dans ce cas, cette très vieille crise s’inscrirait dans la GrandeCrise. »

“Dans ce cas, cette très vieille crise” prendrait une allure tout à fait nouvelle, inédite, en s’inscrivant dans une continuité qui lui paraît pourtant si étrangère : les élections américanistes, le Covid, le wokenisme, ‘Ukrisis’… Car nous y sommes, et c’est effectivement bien le cas : cette crise qui, en elle-même, utilise des événements d’un autre temps pour les poursuivre, en les poursuivant dans des conditions si particulières principalement au niveau de la perception et donc de la communication, entre effectivement dans La GrandeCrise, et elle y entre comme continuation d’’Ukrisis’, comme une perle est enfilée à la suite de la précédente pour participer à la manufacture du collier à la sublime perfection.

A cet égard et pour ce qui la concerne, tout est dit. Nous voulons signifier par là que nous avons suffisamment suivi le chemin des fracas de l’accumulation des tourbillons crisiques accouchant de subcrises successives (élections américanistes, Covid, wokenisme, ‘Ukrisis’) pour conclure que nous sommes au cœur de la GrandeCrise, qu’il est inutile de poursuivre cette sorte de chronique événementielle, que désormais tout ce qui se passe dans le fracas continu des catastrophes crisiques entrent dans l’empire de la GrandeCrise de l’effondrement du Système, dans le trou noir du naufrage civilisationnel, dans l’hallali du ‘Kali Yuga’, l’Âge de Fer et des Ténèbres de la Fin des Temps du cycle accompli jusqu’à son terme.

Ainsi est-il temps de discourir du survol de ce champ dévasté de la Terre martyrisée pour y apercevoir l’annonce des temps nouveaux qui suivent nécessairement la Fin des Temps.

Comment fabriquer un trident ukrainien

Comment fabriquer un trident ukrainien

Le symbole national de l’Ukraine est le trident. Il est dérivé des armoiries des Vikings de la dynastie des Rürik, qui ont régné sur quelques villes russes il y a plus de mille ans. Il est appelé “trizúb” en russe ou “tryzúb” en ukrainien. Il existe aujourd’hui une blague à ce sujet, qui s’énonce comme suit : “Comment fabrique-t-on un trident ukrainien ? Vous dites à un soldat ukrainien de lever les bras en l’air et de se rendre”. Le commandement sonne comme “Zrobee tryzoob !” en ukrainien.

La semaine dernière, de nombreux soldats ukrainiens ont eu l’occasion de “fabriquer un trident” en se rendant à Avdeyevka, une banlieue de Donetsk et le site de la plus grande cokerie d’Europe. (Le coke en question est un produit à base de charbon utilisé dans la fabrication de l’acier, et non la boisson sucrée ; un haut fourneau nécessite quelque 650 kg de coke pour produire une tonne d’acier). Au cours des dix dernières années, les nazis ukrainiens ont utilisé quotidiennement Avdeyevka pour bombarder les quartiers civils du centre de Donetsk, qui ne sont qu’à 10 km de là.

Ils l’ont fait pour deux raisons : premièrement, parce que ce sont des terroristes et que les terroristes s’attaquent aux civils ; deuxièmement, parce que la plupart de leur artillerie est trop usée et trop imprécise pour causer des dommages à des cibles militaires, alors que frapper des immeubles d’habitation, des écoles, des hôpitaux et des centres commerciaux n’exige pas une grande précision. (Si vous souhaitez contester tout cela, il existe de très nombreuses archives de preuves médico-légales que vous pouvez consulter). Les attaques terroristes contre Donetsk ont fait du délogement des Ukrainiens d’Avdeyevka une priorité absolue et, maintenant que c’est fait, le nombre de civils tués dans cette ville sera certainement beaucoup moins élevé.

Ni les milices populaires de Donetsk, ni les Russes qui les ont rejointes en février 2022, n’avaient pu déloger les Ukrainiens d’Avdeyevka, car il s’agit peut-être de la forteresse la plus lourdement renforcée au monde, avec des bunkers et des tunnels spécialement construits pour résister à l’artillerie et qui ont nécessité des milliers de tonnes de béton armé. Pour les démanteler, il fallait procéder à des bombardements aériens, mais les Ukrainiens disposaient de défenses aériennes qui rendaient les bombardements directs très risqués.

Les Russes ont alors trouvé une solution : ils ont fait voler leurs bombes, dirigées par navigation satellite. Il n’est pas nécessaire de fabriquer de nouvelles bombes : des stocks gigantesques ont été accumulés à l’époque soviétique et sont toujours en place. La vieille bombe est fixée sur un avion de chasse, puis une boîte en aluminium estampé à l’aspect disgracieux est attachée sous la bombe. Le jet monte à une altitude élevée, bien en dehors de la portée des systèmes de défense aérienne ukrainiens, puis libère simplement la bombe. L’engin attaché à la bombe fait alors apparaître deux petites ailes. La bombe se retourne puis suit une trajectoire à l’aide du satellite et se dirige vers la cible, l’atteignant avec précision et la réduisant en ruines.

Les Américains disposent d’un engin similaire, appelé JDAM. Il s’agit d’une bombe planante fabriquée sur mesure qui coûte plusieurs bras et jambes et qui est, inévitablement, en pénurie, alors que les Russes disposent de toutes les bombes dont ils pourraient avoir besoin et qu’ils fabriquent maintenant les unités de navigation par satellite et de planage par milliers. De plus, ces unités ne se soucient pas vraiment de ce à quoi elles sont attachées : pratiquement toutes les grosses bombes volent parfaitement avec elles. L’une des préférées est la FAB-500. Pesant une demi-tonne, elle peut démolir à peu près n’importe quoi et, lancée à une altitude de 12 km et à une distance de 50 km en spirale à 1 900 km/h, elle est impossible à intercepter pour les Ukrainiens. En frappant la terre, elle crée un cratère de 8,5 m de diamètre et de 3 m de profondeur.

Comme le dit l’adage, si la force brute ne fonctionne pas, c’est qu’elle n’est pas suffisamment utilisée. Et les Russes en ont certainement utilisé suffisamment à Avdeyevka – de l’ordre de plusieurs centaines de FAB-500 lors d’une journée bien remplie. Privés de leur forteresse, les Ukrainiens survivants ont fui à pied à travers des champs boueux. Les commandants ukrainiens ont alors fait un dernier effort : ils ont pris les restes du régiment Azov, y ont ajouté le nombre de jeunes combattants valides qu’ils pouvaient dénicher et les ont envoyés dans les tunnels sous la cokerie mentionnée plus haut. Les plans de leurs commandants ne sont pas clairs. S’agissait-il de rejouer la reddition du régiment Azov à l’aciérie de Marioupol ? Si oui, dans quel but ? Quoi qu’il en soit, les membres du régiment Azov se sont révélés plus intelligents que leurs commandants et se sont simplement enfuis à pied.

Le 20 Février 2024,  Club Orlov – Teaduction du ‘Sakerfrancophone

 

Note du Saker Francophone

Depuis quelques temps, des gens indélicats retraduisent “mal” en anglais nos propres traductions sans l’autorisation de l’auteur qui vit de ses publications. Dmitry Orlov nous faisait l’amitié depuis toutes ses années de nous laisser publier les traductions françaises de ses articles, même ceux payant pour les anglophones. Dans ces nouvelles conditions, en accord avec l’auteur, on vous propose la 1ere partie de l’article ici. Vous pouvez lire la suite en français derrière ce lien en vous abonnant au site Boosty de Dmitry Orlov.

On a le nucléaire facile

On a le nucléaire facile

• Les trotskistes sont aux côtés de Poutine ! • C’est vrai et pas tout à fait faux puisque ‘WSWS.org’ dénonce l’invraisemblable campagne en cours au sein de notre courageuse civilisation pour se rire du bluff poutinien (avertissement du danger d’une guerre nucléaire) et nous assurer à tous qu’on peut très bien, après tout hein, faire campagne et libérer l’Ukraine-Russie à coups d’armes nucléaires. • Le plus remarquable de ces temps étranges est que nos élites peuvent être encore plus bêtes et plus simulacres que ce que leur miroir et nos sarcasmes nous renvoient d’elles.

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Dans ce texte de ‘WSWS.org’ débarrassé des habituels préjugés trotskistes fleuris et ornementaux, donc un texte fort bien fait, la tendance nouvelle (?) de l’Occident-compulsif à éventuellement passer au nucléaire contre la Russie est soigneusement décortiquée. Il ne manque pas d’éléments pour alimenter la thèse, qui commence par des détails sur l’état de la question de l’envoi de groupes de l’OTAN en Ukraine et se termine par la floraison sur la façon de faire du nucléaire sans avoir l’air d’y toucher, ou y touchant avec des pincettes, ou sans pincettes après tout, – car après tout, le nucléaire, c’est comme du vous et moi !

C’est ici le cas de parler des remarques de Fiodor Loukianov à lui empruntées pour le texte sur le départ de Nuland, et qui concerne cette « élite dirigeante d’aujourd’hui [...] qualitativement différente des générations précédentes »... La chose avait commencé sous Clinton, l’homme du « It’s economy, stupid », pour lequel la question de la sécurité nationale n’était pas essentielle, et par conséquent pas essentielle non plus la question du nucléaire. On se permettra de repasser, redoubler le même jour, l’extrait du texte de Loukianov tant il éclaire d’un jour sinistre l’inéluctabilité absolue de la catastrophe.

« La première est qu’il semble que les désaccords au sein de la communauté d’Europe occidentale, aggravés par l’augmentation générale de l’incertitude, soient résolus par une augmentation des tensions, au lieu de les réduire. Le simple fait de réduire l’intensité de l’hystérie de la “menace russe” mettra immédiatement au jour de nombreuses contradictions qui sont actuellement étouffées. Ainsi, l’establishment préfère une escalade vers la Russie à la détente.

» Deuxièmement, l'idée, qui gagne en popularité dans notre pays, selon laquelle pour sortir du cercle vicieux, il faudrait que les élites occidentales soient effrayées par l’Armageddon nucléaire et qu'elles retrouvent ensuite leur volonté de négocier, pourrait avoir le résultat exactement opposé. L’élite dirigeante d’aujourd’hui est en effet qualitativement différente des générations précédentes. Tout d’abord, elle croit en une sorte de dogme sur l’infaillibilité de l’Occident, c’est-à-dire la certitude que toute déviation du canon idéologique et politique établi après la guerre froide sera une véritable catastrophe pour le monde. Et puisque tout compromis avec la Russie constituerait un tel recul, il faut l’empêcher à tout prix...

» Nous entrons dans une période dangereuse. »

Effectivement pour la “période dangereuse”. Les Russes l’ont diablement compris. Après le texte de Loukianov, RT.cm passe un nouveau texte (de Sergei Poletaev) sur le danger de  l’emploi du nucléaire qui viendra en complément enrichissant du texte de ‘WSWS.org’ (on voit bien que les poutiniens et les trotskistes sont faits pour s’entendre !). Titre et sous-titre de Poletaev, qui nous rappelle par ailleurs toutes les incroyables analyses-bidon des âmes-otanesques sur les armées russes depuis février 2022 :

« L’“expertise” occidentale sur le conflit ukrainien pourrait conduire le monde à une catastrophe nucléaire

» Les experts sont complètement déconnectés de la réalité, – c'est pourquoi leurs points de vue représentent un danger pour l'humanité. »

Que peuvent faire les Russes ? Question à 64 $trillions. Hypothèse : selon les circonstances, ils peuvent envisager des interventions de démonstration pour convaincre le public de la capacité destructrice des armes. Certains, aux USA, avaient conseillé de faire un essai atomique de démonstration au large du Japon, avant de passer à Hiroshima-Nagasaki. Conseil rejeté, notamment parce que les USA avaient très-très peu d’armes atomiques et écartèrent le “gaspillage” pour le travail sérieux (200 000 morts, plus ou moins, etc.). D’autre part, on sait aujourd’hui l’effet optique et psychologique d’une arme nucléaire et une explosion de démonstration renforcera la certitude assurée de nos “experts” et brillants dirigeants que l’on peut s’en servir comme l’on se sert d’un M-777 ou d’un si efficace ‘Abrams’. Alors, quoi ?

Les Russes disposent néanmoins d’armes qui peuvent être conventionnelles aussi bien que nucléaires ou à capacité nucléaire très variables, et qui peuvent faire des dégâts réels sur des territoires nationaux non-ukrainiens si la guerre s’étend, sans causer de pertes civiles directes significatives mais en imposant l’image de ce que serait une utilisation maximale.

• Il y a les nouvelles torpilles sous-marines qui peuvent exploser sur un fond marin au large d’une zone côtière et déclencher un tsunami ; son intensité sera selon la force de la charge nucléaire utilisée.

• Ils ont surtout des missiles hypersoniques, par exemple type ‘AvantGard’, qui peuvent causer d’énormes dégâts à un objectif militaire (une base, par exemple) sans charge nucléaire, par le simple choc de l’énergie cinétique, et encore plus avec une charge conventionnelle. Les Iraniens avaient obtenu un tel effet dissuasif avec leur tir de missiles sur des bases US, suite à l’assassinat du général Soleimani, en janvier 2020.

Quoi qu’il en soit, certes, la remarque de Loukianov reste plus que jamais absolument vrai :

« Nous entrons dans une période dangereuse. »

Ce que confirme donc le texte de ‘WSWS.org’, sous le titre (modifié pour des raisons  technico-esthétiques) « Les USA et l'OTAN risquent une guerre nucléaire en se préparant à attaquer la Russie », et signé de façon solennelle par le comité de rédaction du site.

dedefensa.org

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Au risque de la guerre nucléaire

Face à la détérioration de la position militaire de l’Ukraine et aux avancées significatives des forces russes, les puissances de l’OTAN menacent d’une escalade massive de la guerre avec l’envoi direct de troupes de l’OTAN sur le territoire ukrainien et des frappes contre les infrastructures et les villes russes.

Après un retrait d'Avdiivka, les forces ukrainiennes se replient à nouveau. Au milieu de pertes massives, l'armée ukrainienne ne peut pas recruter de remplaçants sur le front. «Zelenski est dans l'impasse sur la façon d'enrôler plus de troupes au fur et à mesure que les forces russes avancent», titrait dimanche le New York Times.

La semaine dernière, les membres des gouvernements de quatre membres de l'OTAN – la France, le Canada, les Pays-Bas et la Lituanie – ont déclaré qu'ils envisageaient d'envoyer des troupes de combat pour combattre la Russie en Ukraine. Puis, vendredi, les médias russes ont publié une discussion divulguée entre les chefs militaires allemands sur l'utilisation d'armes allemandes à longue portée pour frapper la Crimée. En même temps, le gouvernement britannique a avoué avoir envoyé un «petit nombre» de troupes en Ukraine.

Cette escalade irresponsable de la guerre procède sans aucune explication publique de ce que prévoit l'OTAN, encore moins de reconnaissance franche des conséquences potentiellement catastrophiques de l’envoi de forces en Ukraine et d’attaques contre la Russie.

Rejetant l'avertissement explicite lancé la semaine dernière par Poutine, qui a déclaré qu’une intervention directe de l'OTAN en Ukraine pourrait conduire à l'usage d'armes nucléaires, les dirigeants et les médias de l'OTAN se moquent du danger et affirment que Poutine fait du bluff.

Rien ne justifie une telle complaisance. L'administration Biden et ses alliés européens sont engagés dans un jeu de roulette russe nucléaire incroyablement téméraire.

Oubliant apparemment qu’au début de la guerre, en février 2022, ils déclaraient que l’intervention directe de l'OTAN signifierait une troisième guerre mondiale, les dirigeants impérialistes disent à présent que la Russie ne ripostera pas, même face à une attaque directe. De plus, même s'il existe la possibilité d'une contre-attaque massive, ils déclarent que l'OTAN ne doit pas être dissuadée par ce danger.

Un argument avancé dans les médias et par les think-tanks est que l'OTAN a commis une faute en exprimant son inquiétude quant à l'escalade de la guerre en Ukraine vers une guerre nucléaire avec la Russie.

«Se plier au chantage nucléaire de Poutine rend la guerre nucléaire plus probable», dit Peter Dickinson de l'Atlantic Council, un think-tank américain. «L'Ukraine a souvent dénoncé le bluff de Poutine, exposant la vacuité des fanfaronnades nucléaires du dictateur russe.» Il a conclu, «Si l'Ukraine refuse de se laisser intimider par le chantage nucléaire de Poutine, on ne peut pas en dire autant de l'Occident ... La peur occidentale d'une escalade est le grand obstacle.»

En Allemagne, le Frankfurter Allgemeine Zeitung écrit que la menace russe d'utiliser l’arme nucléaire «ne sera pas réalisée. Pas même si, comme cela arrive régulièrement, des missiles de croisière américains et britanniques attaquent des cibles militaires dans le territoire ukrainien annexé par la Russie, y compris la Crimée.» L'Institut Lowy, un think-tank pro-OTAN australien, dit: « La question clé est de savoir si l'Occident appellera le bluff de Poutine ou cédera à sa posture nucléaire à enjeux élevés, une décision qui façonnera l'issue du conflit.»

En affirmant publiquement que Poutine ne fait que bluffer, l'OTAN l'incite à réagir de manière agressive et à dénoncer son erreur de calcul.

Tout en affirmant haut et fort que la Russie ne répondra pas, les stratèges américains et européens évoquent la possibilité d'une escalade nucléaire. Le New York Times a commencé à publier dimanche une série d'articles d'opinion extraordinaires sous le titre «Au bord du gouffre», axé sur «la menace des armes nucléaires dans un monde instable».

Le journaliste qui dirige cette série, W.J. Hennigan, l’a lancée avec une chronique, «Le bord», qui commence par déclarer: «S'il semble alarmiste d'anticiper les conséquences horribles d'une attaque nucléaire, considérez ceci: les gouvernements des États-Unis et de l'Ukraine ont planifié ce scénario depuis au moins deux ans.»

À l'automne 2022, écrit-il, «une évaluation par le renseignement américain a estimé à 50 pour cent les chances que la Russie lance une frappe nucléaire pour arrêter les forces ukrainiennes si elles violaient sa défense de la Crimée». Il ajoute qu’avant, «l'administration Biden avait demandé à un petit groupe d'experts et de stratèges, une ‘Equipe tigre’, de concevoir un nouveau ‘playbook’ nucléaire».

En annonçant la campagne présidentielle du Parti de l'égalité socialiste, le dirigeant national du SEP (États-Unis), David North, a déclaré : « Les puissances de l’OTAN ont dit plusieurs fois que la menace du feu nucléaire ne les dissuaderait pas de poursuivre la guerre. Ainsi on normalise le recours délibéré aux armes nucléaires tactiques et stratégiques, rejeté pendant des décennies comme étant synonyme de folie, mais à présent traité de composante légitime de la stratégie géopolitique impérialiste».

La guerre est poussée à une échelle beaucoup plus grande et plus sanglante. Tout cela se fait dans le dos de la population, en s'appuyant sur la désinformation. Lundi, l'État allemand a menti de manière flagrante, affirmant qu'une convocation d'urgence de l'ambassadeur allemand au ministère russe des Affaires étrangères n'avait rien à voir avec les discussions divulguées sur les missiles allemands ciblant la Crimée.

La classe dirigeante ment, car elle veut être libre de mener à bien ses complots militaires. Il y a déjà une large opposition parmi les travailleurs et les jeunes à l'escalade militaire. Selon les sondages, 68 pour cent des Français et 80 pour cent des Allemands s'opposent à l’envoi de troupes européennes en Ukraine combattre la Russie que propose Macron. Dans la mesure où des masses de gens aux États-Unis et dans tous les pays de l'OTAN prennent conscience de ce qui se passe, cette opposition va s'accroître.

Le World Socialist Web Site dénonce la conspiration de l'impérialisme otanien pour entraîner l'humanité dans une catastrophe nucléaire. Il faut ôter le pouvoir à ces fauteurs de guerre. Leurs actes menacent de détruire la civilisation humaine. Il faut organiser des manifestations de masse dans tous les pays pour exiger le retrait total des forces de l'OTAN d'Ukraine et la fin immédiate du conflit. Il faut lier ceci au développement d'un mouvement anti-impérialiste dans la classe ouvrière internationale, contrant la barbarie capitaliste avec le programme de la révolution socialiste mondiale.

Déclaration du comité de rédaction du WSWS

Mattelart, les JO et la destruction de Paris sur ordre US

Mattelart, les JO et la destruction de Paris sur ordre US

On vient de découvrir l’image illustrant l’ectoplasme Paris pour les JO : un énorme conglomérat hôtelier au bord de l’eau : toute référence historique ou culturelle ou spirituelle a été effacée, comme dans un film de science-fiction inspiré par Dick. Il ne reste plus rien de la France.

Cela mérite quelques éclaircissements. Debord, Mattelard, Louis Chevalier, Audiard l’avaient vu venir cette liquidation.

Lisez de Mattelart l’admirable et inépuisable Histoire de l’utopie planétaire qui est surtout l’histoire de la folie anglo-américaine. 

Une des cibles était la capitale parisienne. Comme disait Guy Debord de Paris (Panégyrique, I) : 

«Toujours brièvement dans ma jeunesse, lorsqu’il m’a fallu risquer quelques courtes incursions à l’étranger, pour porter plus loin la perturbation ; mais ensuite beaucoup plus longuement, quand la ville a été saccagée, et détruit intégralement le genre de vie qu’on y avait mené. Ce qui arriva à partir de 1970. Je crois que cette ville a été ravagée un peu avant toutes les autres parce que ses révolutions toujours recommencées n’avaient que trop inquiété et choqué le monde ; et parce qu’elles avaient malheureusement toujours échoué…Qui voit les rives de la Seine voit nos peines : on n’y trouve plus que les colonnes précipitées d’une fourmilière d’esclaves motorisés.»

Contrairement à ce qu’on supposerait Paris a fait les frais du gaullisme et de Pompidou (qui faillit la raser – voyez le livre de mon ami Paucard sur les Criminels du béton).

Dans l’utopie planétaire, Armand Mattelart nous explique tout : 

«Peu après la secousse politique de Mai 68, une agence de planification d'un ministère français commanditait à Howard V. Perlmutter et Hasan Ozbekhan, responsables de recherches à la Wharton School, une étude prospective sur les chances de Paris de devenir une global-city ou un world-center, une plaque tournante dans le global industrial system des années quatre-vingt. Dans un de leurs scénarios, les deux experts futurologues recommandent à l'administration française de tout faire pour «dénationaliser» la ville afin de la rendre «moins française» et de corriger l’image xénophobe et ethnocentrique qu'elle projette à l'extérieur ». Car, «dans la ville globale de l'avenir, personne ne doit se sentir étranger». Et d'accompagner cette recommandation volontariste d'un traitement de choc. Hors l'amélioration d'un système de télécommunications à la traîne, figure en bonne place dans le décalogue des mesures la globalisation des événements culturels, que les deux consultants illustrent en proposant l'organisation de festivals de rock supranationaux «antidotes à la culture exagérément nationale et parfois franchement nationaliste»... 

L’élimination française s’est donc enclenchée sous De Gaulle et Pompidou. Voyez mon livre sur la destruction de la France au cinéma, où j’ai repris mes textes sur cette catastrophique et soi-disant glorieuse époque. Vous découvrirez que les conservateurs et autres souverainistes courent toujours après les subversifs et les mondialistes quand il s’agit de dépecer le pays. Le gaullisme aura été et continue d’être une escroquerie et un attrape-gogo sans équivalent. 

Et je vous invite à relire mon texte sur JMLP et mai 68 : 

Tout le monde fait de son mieux pour commenter ou fêter le cinquantenaire de mai 68. Alors laissons parler un poète. Dans ses Mémoires JMLP y va de son interprétation et de sa métaphore (mai 68 comme… eau-forte) :

« …le dommage de Mai 68 est encore plus vaste, car au désastre de l’école s’ajoute celui des médias, de la littérature, des arts, du cinéma et de la télévision, de tout ce qui sous le mot impropre de culture influe sur la mentalité des hommes, et dont la maîtrise, le philosophe italien Gramsci l’a rappelé à toute une génération de révolutionnaires, permet de prendre le pouvoir sans peine.

Cela ne s’est pas fait en un jour. Considéré sous l’angle de la violence physique, Mai 68 fut une parodie de révolution, une mascarade, mais il a engagé subrepticement un processus que rien n’arrête. Je chercherai dans la technique de la gravure la comparaison propre à me faire comprendre. La gravure n’est pas un art mineur, elle demande une réflexion technique et philosophique non négligeable, comme la révolution. En gros, vous pouvez entailler la plaque de cuivre que l’on va encrer pour imprimer, de deux manières. Soit directement avec un burin, c’est long, difficile et cela demande de la force : c’est la révolution à l’ancienne, brutale et aléatoire. Soit vous choisissez ce que l’on appelle l’eau-forte. Sur la plaque de cuivre vous passez un vernis qui résiste à l’acide, puis vous entaillez cette couche protectrice avec une pointe fine d’un maniement souple qui permet un dessin fin, avant de plonger la plaque dans un bain d’acide. En quelques heures les parties dont vous avez ôté la protection sont attaquées par l’acide et prêtes à recevoir l’encre. Ainsi a procédé la révolution de Mai 68.

Avec son slogan directeur, il est interdit d’interdire, elle a plongé la civilisation européenne dans un bain d’acide où nous sommes restés durant toutes les années soixante-dix, puis, au fil des années quatre-vingt, on a sorti la plaque, on l’a essuyée, et la gravure à l’eau-forte est apparue, l’image de la nouvelle civilisation, avec sa nouvelle morale, sa nouvelle esthétique, ses nouveaux fondements politiques, dans laquelle nous vivons. Le monde ancien, l’homme ancien, ont été dissous, et se dessinent maintenant l’homme nouveau et ses valeurs nouvelles. Aux héros et aux saints qu’on nous montrait en exemple a succédé l’écocitoyen LGBT friendly et phobophobe, ouvert au vivre ensemble, au culte de la terre mère, qui ne fume pas, accueille le migrant et se prépare à rouler en voiture autonome.

Toutes nocives qu’aient été leurs conséquences, 1830, 1848, 1789 et même 1793 et la Commune, toutes ces révolutions françaises eurent quelque chose de grand, parfois même de beau : avec Mai 68, pour la première fois, une révolution française ne se proposa rien de grand, rien de sacré. Elle postulait l’avènement du médiocre. »

Certains grands textes ne méritent pas de commentaire ; je me contenterai de rappeler à nos lecteurs l’importance de l’œuvre de Philippe Muray sur cet homo peu sapiens, festif et surtout censeur universel.

Ajoutons un splendide et intuitif passage sur le remplacement culturel de la France.

Le massacre urbain de Paris n’a pas échappé à JMLP. Il évoque Les Halles, œuvre au noir destinée à mondialiser Paris et sa population rétrograde et agitée, selon l’excellent sociologue de gauche Armand Mattelart.

JM Le Pen :

« Le ventre de Paris était tout près, le pouvoir gaulliste avait décidé en 1960 de transférer les Halles à La Villette et Rungis, mais le déménagement ne devait se faire qu’en 1969. On disait adieu au vieux Paris. Tout un peuple de vivandiers venus des banlieues et des provinces approvisionnait la capitale depuis le XIIe siècle dans un décor que le dix-neuvième avait rationalisé sans le changer en profondeur. Ce peuple qui avait fait naguère un triomphe à Poujade allait se trouver remplacé par un mélange de petits-bourgeois consuméristes le jour et de zonards la nuit. Les mots disent tout : un Forum remplacerait les Halles, des bobos multicolores à prétention intello en prendraient possession. »

C’est Debord qui souligne l’importance du livre de Louis Chevalier sur la destruction de Paris. Et dans mon livre sur la comédie musicale j’ai expliqué cette disparition de Paris comme muse des artistes et des danseurs. Après Drôle de frimousse (Funny face), il n’y a plus rien ou presque. 

Sources : 

JMLP – Fils de la nation, éditions Muller.
Armand Mattelart – Histoire de l’utopie planétaire (La Découverte)
Philippe Muray – Œuvres complètes (Les Belles Lettres)
Nicolas Bonnal – La destruction de la France au cinéma (Amazon.fr)
Pierre Le Vigan – METAMPORPHOSES DE LA VILLE (Barque d’or)

KO technique : ‘Toria’ Nuland s’en va

KO technique : ‘Toria’ Nuland s’en va

• Un départ complètement inattendu : la démission de Victoria Nuland, incontestée architecte de la politique ukrainienne des USA et du projet US de démantèlent de la Russie. • Ces opérations devaient être accomplies sans déclencher de conflits importants ni risquer une Guerre Mondiale. • Nuland a parfaitement réussi tout le contraire ; un “sans-faute dans l’échec” qui sanctionne l’actuelle situation mondiale avec tous ses risques. • Elle est saluée comme une des grandes stratèges de l’histoire des USA : tout est donc catastrophique dans le pire des mondes.

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Victoria Nuland, affectueusement désignée “Toria” par Blinker et les initiés du département d’État, a jeté le gant en un véritable KO technique. Elle a été saluée par un communiqué qui ressemble à un ‘Titanic’ rempli de fleurs destinées à la chère ‘Noria’ par un Blinken au sommet de son hypocrisie. Le départ de la vice-secrétaire d’État qui a machiné toute la subversion et l’agression de l’Ukraine puis de la Russie ne termine rien du combat en cours, – au contraire, il le hausse à la hauteur d’un affrontement de deux mondes que Nuland n’a jamais vu venir, – mais acte d’une façon rude et sans concession l’échec total de son plan initial et du sillage de folie complète des neocon qu’elle laisse derrièreelle.

Au fond, elle disait à peu près tout lors de son interview du 25 février par Christiane Amanpour, sa complice hyper-neocon de CNN :

« La Russie de Vladimir Poutine “n'est pas la Russie que nous voulions”, a déclaré Victoria Nuland, vice-secrétaire d'État américaine par intérim, à CNN. Mme Nuland a expliqué que Washington souhaitait un dirigeant docile au Kremlin qui “occidentaliserait” le pays.

» “Ce n'est pas la Russie que, franchement, nous voulions”, a déclaré Mme Nuland à Christiane Amanpour, sur CNN, jeudi. “Nous voulions un partenaire qui s'occidentalise, qui soit européen. Mais ce n'est pas ce que Poutine a fait”. »

Il est très significatif que Nuland soit partie de sa propre initiative et sans aucun atterrissage en douceur (par exemple, autre fameux neocon, Paul Wolfowitz avait été viré du Pentagone [n°2] en 2005 suite aux catastrophes irakiennes résultant de l’application de ses plans, – il était un peu le ‘Nuland de l’Irak’, si l’on veut, – mais pour atterrir à la présidence de la Banque Mondiale). Nuland s’en  va, elle démissionne sèchement, et si l’on peut être sûr qu’elle se reclassera, ce ne sera pas sur une initiative gouvernementale qui atténuerait grandement la brutalité du départ. Nuland s’en va parce qu’elle a échoué et, pour l’instant, on n’a plus besoin d’elle au gouvernement qui entend suivre seul soin effondrement.

La belle Maria Zakharova, dans son style inimitable de franc-parler, a exprimé la mortuaire et les condoléances de Moscou :

« La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a attribué le départ de Nuland à “l’échec de la politique antirusse de l’administration Biden”.

» “La russophobie, proposée par Victoria Nuland comme principal concept de politique étrangère des États-Unis, entraîne les démocrates vers le bas comme une pierre”, a déclaré Zakharova. En publiant une photo de Nuland prise dans une église orthodoxe à un moment donn. Elle a déclaré que si la femme politique américaine voulait “aller dans un monastère pour expier ses péchés, nous pouvons dire un mot  pour elle”. »

Blinken ne mange pas de ce grossier pain-là. Lui, il a salué en ‘Tonia’ une collaboratrice exceptionnelle dont les actes “diplomatiques” resteront dans l’histoire “dipkomatique” des États-Unis, notamment l’Ukraine qui figurera dans les programmes d’éducation “diplomatique” et les manuels d’histoire tout court. Une sorte de miracle napoléonien du XXIème siècle, au point où l’on se demande comment le département d’État et l’administration se privent de cet atout-maître à l’heure où l’on veut faire réélire l’un des plus brillants présidents de l’histoire.

« “Ce qui rend Toria vraiment exceptionnelle, c’est la passion féroce qu’elle met dans la lutte pour ce en quoi elle croit le plus : la liberté, la démocratie, les droits de l’homme et la capacité durable de l’Amérique à inspirer et à promouvoir ces valeurs dans le monde”, a déclaré Blinken.

» Il a également noté que son “leadership sur l’Ukraine“ fera l’objet d’études “dans les années à venir“ par les diplomates et les étudiants en politique étrangère”. »

Une autre appréciation, de source US mais manifestement moins indulgente, donne une idée de la soudaineté de la décision que rien ne laissait prévoir, surtout pour une personnalité extrêmement influente, en activité depuis 1993 dans les milieux de la sécurité nationale et du gouvernement, toujours à des postes stratégiques, membre de la puissante famille neocon des Kagan (femme de Robert), – bref, qui semblait indéboulonnable et qui a dû faire elle-même sauter les boulons du piédestal. Cette appréciation, de Larry Johnson :

« “La décision de Nuland de démissionner est comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu, étant donné le rôle actif qu'elle a joué dans les affaires ukrainiennes sous les présidents Barack Obama et Joe Biden”, a déclaré à Sputnik Larry Johnson, ancien officier de renseignement de la CIA et fonctionnaire du département d'État.

» “Si ce n'est pas pour des raisons de santé, elle ne démissionne pas pour prendre un meilleur poste. La seule raison pour laquelle elle occupait ce poste était l'Ukraine. Elle n'était pas un facteur ou une force au département d'État dans tous les autres domaines tels que la Chine, le Moyen-Orient, qui sont tous des questions d'arrière-plan. Ce qui l'intéressait, c'était l'Ukraine”. »

Il n’est nulle part question d’une raison de santé, dans tous les cas pour l’instant. Mais si c’était le cas, et l’on en aurait eu des signes avant-coureurs, cela aurait dû immédiatement être  mis en avant pour éviter toute hypothèque sur sa politique autant que sur son action, politique. C’est donc cet aspect-là, – conception et action politiques, – qui sont mis en cause.

Un sans-faute dans l’échec

Nous allons donc du côté de l’évidence politique : l’échec de Nuland, et même l’échec complet et parfait. Sa mission était claire :
1) faire tomber l’Ukraine et assurer un contrôle total du pays ;
2) à partir de là, investir la Russie, liquider Poutine et l’État central russe, diviser la Russie et se servir en se partageant le gâteau ;
3) accomplir tout cela en annexant l’Europe une fois pour toutes et sans faire s’élargir le conflit, ni militairement ni par influence, avant de préparer l’attaque sur la Chine.

Rien de tout cela n’a été fait, absolument rien. Au contraire, les USA sont loin de tenir l’Ukraine et ne cesse d’essuyer des échecs, et il apparaît que le conflit ne cesse de s’étendre, essentiellement par la formidable puissance d’influence qu’il offre à la Russie sur le reste du monde non-occidental, en renforçant de manière décisive la puissance militaire russe. Quant à Poutine, il mangerait trente-cinq Joe Biden au petit-déjeuner qu’il aurait encore faim. Finalement, il s’agit bien de ceci : la politique de Nuland a conduit à la proximité d’un conflit beaucoup plus large, d’une Troisième Guerre mondiale qui ne serait pas nécessairement nucléaire mais qui verrait sans aucun doute la défaite de l’Occident-collectif et l’accélération décisive de la chute de l’hégémonie des USA (au profit de Trump à la Maison-Blanche, sans mesurer les conséquences intérieures). Un sans-faute dans l’échec ; avec comme résultat ;la perspective d’une aggravation constante de la situation, sans aucun avantage pour l’Occident, jusqu’aux confins du conflit mondial à la perspective duquel l’Occident a paradoxalement lié son destin, – sous une forme absolument suicidaire que Nuland n’a pas pu oser envisager d’imaginer un seul instant...

Par exemple, Fiodor Loukianov conclut un très récent texte (5 mars), sur lequel nous reviendrons, sur les perspectives absolument catastrophiques et paradoxales :

« Il est important de prendre en compte deux circonstances.

» La première est qu’il semble que les désaccords au sein de la communauté d’Europe occidentale, aggravés par l’augmentation générale de l’incertitude, soient résolus par une augmentation des tensions, au lieu de les réduire. Le simple fait de réduire l’intensité de l’hystérie de la “menace russe” mettra immédiatement au jour de nombreuses contradictions qui sont actuellement étouffées. Ainsi, l’establishment préfère une escalade vers la Russie à la détente.

» Deuxièmement, l'idée, qui gagne en popularité dans notre pays, selon laquelle pour sortir du cercle vicieux, il faudrait que les élites occidentales soient effrayées par l’Armageddon nucléaire et qu'elles retrouvent ensuite leur volonté de négocier, pourrait avoir le résultat exactement opposé. L’élite dirigeante d’aujourd’hui est en effet qualitativement différente des générations précédentes. Tout d’abord, elle croit en une sorte de dogme sur l’infaillibilité de l’Occident, c’est-à-dire la certitude que toute déviation du canon idéologique et politique établi après la guerre froide sera une véritable catastrophe pour le monde. Et puisque tout compromis avec la Russie constituerait un tel recul, il faut l’empêcher à tout prix.

» Nous entrons dans une période dangereuse. »

 

Mis en ligne le 6 mars 2024 à 10H35

« Europa mortua est »

« Europa mortua est »

5 mars 2024 (13H45) – Les dirigeants européens commencent à ressembler à une petite bande de voyous incultes, incapables de s’essuyer  la morve coulant de leurs nez en guise de paroles. « Une bande de gamins de merde prêts à massacrer à coups de pique lorsqu’ils sont à un contre dix », disait un grand’oncle de Jean Giono, royaliste archaïque et acharné cherchant une définition pour la populace en quête de têtes coupées à balader dans les ruelles insalubres. L’image sied bien à l’esprit de la chose, malgré les parfums et les costumes dont s’ornent ces gens postmoderrnes-tardifs de Bruxelles.

Medvedev signe son message tweeterX sur la dernière des dplomates de l’UE en poste à Bruxelles des mots :

« Europa mortua est

Gloria Magistratus »,

Le tout pouvant être souligné par la phrase définitive et fameuse qu’on jette en général aux retraités pour incompétence :: « Sic transit gloria mundi ». On comprendra ce que nous voulons dire en lisant le texte d’Andrew Korybko qui, à sa manière rationnelle et mesurée, conseille de prendre une mesure extrême et furieuse, – pour une fois à l’invitation de Dimitri Medvedev toujours aussi rude, – après l’attitude honteuse des diplomates européens en poste à l’UE refusant une invitation du ministre russe des affaires étrangères Lavrov qui voulait leur parler de la préoccupation de la Fédération de Russie concernant des ingérences étrangères dans le processus qui précède l’élection du président de la Fédération les 14-15 mars prochain.

Medvedev écrit donc sur son tweeterX, présenté par RT.com :

« “Les ambassadeurs des pays de l'UE en Russie ont refusé de rencontrer le ministre russe des Affaires étrangères. Apparemment, suite à quelques conseils de Bruxelles”, a écrit Medvedev lundi sur X. “Cela va totalement à l'encontre de l'idée même de [l']existence de missions diplomatiques et de missions d'ambassadeurs”.

« “Tous ces ambassadeurs devraient être expulsés de Russie et le niveau des relations diplomatiques devrait être dégradés”, a écrit Medvedev, actuellement vice-président du Conseil de sécurité russe. Il a qualifié les diplomates européens d’“imbéciles politiques qui ne comprennent pas leurs véritables tâches”. »

Lavrov a aussi commenté le refus des ambassadeurs des pays de l’UE de venir prendre connaissance de certains faits et documents assimilés à une ingérence

« “Je voulais simplement dire aux ambassadeurs que nous recommandons de ne pas mener de telles activités”, a déclaré M. Lavrov. “Et vous savez quoi? Deux jours avant l’événement [prévu], nous avons reçu une lettre [diplomatique] disant : ‘Nous avons décidé de ne pas y assister’” »

Ce triste épisode, par son puissant symbolisme qui s’attache depuis les plus anciennes civilisations sur le rôle essentiel des ambassadeurs par rapport aux usages de respect et de civilité qu’ils doivent entretenir avec le pays-hôte, mesure bien la chute vertigineuse, hypersonique diraient les amateurs, de toutes les traditions politiques et diplomatiques de l’Europe. Il illustre parfaitement le caractère honteux,  grossier et barbare où s’ébroue aujourd’hui l’UE. On trouve nombre de cas où des dictatures aussi honnies que l’inévitable nazisme se conduisaient mieux à cet égard que ne le font les Européens. Ces gens des couloirs de l’UE ayant épuisé le stocks de qualificatifs adéquats pour ceux qui dérogent de façon si éclatante à leur mission, on doit épouser l’explication de la folie trempée dans le satanisme comme Obélix tomba dans la marmite de potion magique dans son extrême jeunesse. Même dessin, même destin en inverti.

Lisez donc le texte de Korybko caractérisé par ces phrase, lui le modéré, le mesuré, le raisonneur :

« Même si Medvedev a cultivé une réputation de « ligne dure » depuis le début de l’opération spéciale et partage parfois ce qui peut objectivement être décrit comme des propositions irréalistes, cette suggestion particulière a beaucoup de sens. [...]

» Avant de prendre une décision, les décideurs politiques feraient bien de réfléchir aux conseils de Medvedev, qui sont cette fois-ci tout à fait judicieux. »

Le texte d’Andrew Korybko est publié sur son site, au 5 mars 2024.

PhG – Semper Phi

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La Russie doit-elle suivre Medvedev ?

L'ancien président russe et vice-président actuel du Conseil de sécurité, Dmitri Medvedev, a fustigé lundi dans un tweet les ambassadeurs des États de l'UE à propos de l'invitation du ministre déchu des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à assister à une réunion pour discuter de l'ingérence étrangère dans les prochaines élections. Ce haut diplomate a révélé qu'ils lui avaient envoyé une lettre deux jours avant la réunion lui communiquant leur décision, que les médias locaux citaient la mission de l'UE comme justifiant par le fait qu'ils ne voulaient pas se laisser « faire la leçon ».

En réponse, l’ancien dirigeant russe a écrit : « Cela va totalement à l’encontre de l’idée même de l’existence de missions diplomatiques et de missions d’ambassadeurs. En réalité, tous ces ambassadeurs devraient être expulsés de Russie et le niveau des relations diplomatiques devrait être dégradé.» Même si Medvedev a cultivé une réputation de « ligne dure » depuis le début de l’opération spéciale et partage parfois ce qui peut objectivement être décrit comme des propositions irréalistes, cette suggestion particulière a beaucoup de sens.

Après tout, Lavrov lui-même a déclaré juste après avoir partagé cette anecdote : « Pouvez-vous imaginer des relations diplomatiques avec des pays dont les ambassadeurs ont peur d'assister à une réunion avec le ministre du pays dans lequel ils servent ? » Sa remarque est d’autant plus pertinente qu’il s’apprêtait à partager avec eux des preuves « des mécanismes d’ingérence qu’ils utilisent, des projets visant à soutenir notre opposition non systémique. En général, ce dans quoi les ambassades n’ont pas le droit de s’engager.»

Dans le passé, des diplomates russes ont été expulsés en masse de l'UE sous de vagues prétextes d'espionnage, sans qu'aucune preuve n'ait été partagée avec leurs ambassadeurs respectifs de leurs activités prétendument illégales. Pourtant, l'UE s'attend à ce que Moscou ne touche pas aux siennes malgré les preuves disponibles. . Encore plus insultant est le fait que tous les ambassadeurs de l’UE pensaient pouvoir snober le plus haut diplomate russe sans conséquence, même s’ils expulseraient sûrement un ambassadeur russe s’il osait snober le leur.

Sans parler du fait que l'UE participe à la guerre par procuration de l'OTAN contre la Russie à travers l'Ukraine, y compris via l'envoi d'armes et même, dans certains cas, de troupes, comme le chancelier allemand Olaf Scholz l'a révélé par inadvertance la semaine dernière, ce qui a conduit à un conflit non déclaré mais donc guerre chaude très limitée. Pour que la Russie conserve le même niveau de relations diplomatiques avec eux, il faut faire preuve d’une sainte tolérance à l’égard du manque de respect, ce qui risque de nuire à la réputation du pays aux yeux de certains partisans étrangers.

Pour être clair, la Russie a le droit de formuler sa politique en fonction de tout ce que ses experts accrédités jugent nécessaire pour faire avancer ses intérêts nationaux objectifs, donc potentiellement maintenir les liens au même niveau après cette dernière provocation devrait être interprété comme une intention (mot clé) de faire avancer ce dossier pour son “plus grand bien”. Néanmoins, il est indéniable que certains de leurs partisans étrangers pourraient y voir un signe de faiblesse, ce qui pourrait les amener à réévaluer leur évaluation de la Russie et de sa politique.

D’un côté, ne rien faire d’autre que convoquer ces ambassadeurs pour les critiquer (qu’ils ne se présenteraient peut-être même pas pour recevoir étant donné le précédent qu’ils viennent d’établir) ou envoyer une lettre de mécontentement à leurs ambassades pourrait maintenir les canaux de dialogue ouverts. Cela permettrait à son tour de pouvoir compter sur eux en cas de crise ou même simplement de maintenir le faible niveau de leurs échanges commerciaux après les sanctions, ce qui fait effectivement progresser certains des intérêts nationaux objectifs de la Russie.

D’un autre côté, cependant, les communications de crise pourraient être gérées directement entre leurs plus hauts représentants diplomatiques, militaires et/ou politiques si nécessaire sans avoir à passer par le niveau des ambassadeurs. Quant à leur faible niveau d’échanges post-sanctions, ils ne nécessitent pas l’implication de l’ambassadeur puisqu’ils s’effectuent via les entreprises respectives des deux parties, qui peuvent interagir entre elles en cas de différends. Les intérêts russes ne seraient donc pas lésés s’ils étaient expulsés.

C’est en fin de compte aux décideurs politiques russes de décider de la meilleure ligne de conduite pour leur pays après ce qui vient de se produire, et que ses partisans étrangers devraient respecter même s’ils ne sont pas d’accord avec cette décision. Le plus important est de comprendre les impératifs qui sous-tendent la politique promulguée, qui peut être efficacement critiquée mais ne doit pas être exploitée pour discréditer le pays. Avant de prendre une décision, les décideurs politiques feraient bien de réfléchir aux conseils de Medvedev, qui sont cette fois-ci tout à fait judicieux.

Andrew Korybko

RapSit-USA2024 : L’Amérique est folle (nous aussi)

RapSit-USA2024 : L’Amérique est folle (nous aussi)

6 mars 2024 (..H..) – Dans son dernier compte-rendu à ses lecteurs, Howard James Kunstler choisit le titre de « The five FUBARS », employant l’expression de slang [argot] militaire de la Deuxième Guerre Mondiale : « Fucked Up Beyond All Recognition ». En argot pied-noir des années 1950 où l’emploi du verbe “niquer”, – aujourd’hui si populaire en France, il précéda largement la métropole si fière de son progressisme : il était d’emploi courant à Alger dans les années 1950 à partir de l’axiome bien connu et plein d’une tendresse émouvante : « Va niquer ta mère » puisque nous étions en avance, – FUBAR donne donc selon cette référence : : « Il est tellement niqué de la tête qu’on le reconnaît plus ».

Kunstler dénombre cinq FUBARs, il aurait pu aller plus loin...

« Les États-Unis sont dans un train qui fonce en aveugle à toute allure avec un homme mort à la place du conducteur. Le chef de train parcourt les wagons en assurant aux passagers que tout va bien... . . sans se soucier du hurlement des roues dans les virages. ... ou l'effet stroboscopique aveuglant de la lumière rasante du soleil traversant les arbres par la fenêtre à 140 km/h [ou 340 km/h si TGV il y avait]. ... ou le choc qui a fait voler la moitié des bagages du porte-bagages dans la nature. Plus de la moitié des personnes à bord sont en proie à une peur tachycardique, – certains gémissent et râlent, –  mais l'autre moitié reste les yeux hypnotisés sur leur I-phone ou leur écran d'ordinateur portable. Il ne leur vient pas à l’idée de regarder par la fenêtre. . . .

» D’accord, c'est une métaphore. Mais si vous êtes un citoyen de notre pays et que vous vous en souciez, vous feriez mieux de vous intéresser à ces questions-FUBAR, car elles sont toutes en train de dérailler. »

Plus loin, nous a fait remarquer l’ami Bonnal, de retour à bord du stable et tranquille ferry-boat ‘USS dedefensa.org’ qui suit plus fermement son cap que le train-Amérique mais ne manque pas de noter et commenter ses FUBARs, Kunstler a un mot amical pour la France. On n’oublie pas que c’est le plus ancien et fidèle ami de l’Amérique, qu’il a accompli l’exploit de n’avoir jamais eté en guerre contre elle, qu’on sait enfin qu’il l’aime tellement-beaucoup qu’il suit avec ferveur la voie yankee tracée dans toutes ses aventures guerrières :

« En France, M. Macron affecte d’offrir son armée au massacre dans les plaines ensanglantées d’Ukraine, tout comme les Ukrainiens ont offert un demi-million de leurs jeunes hommes pour que Victoria Nuland puisse se sentir bien dans sa peau. M. Macron est fou, mais la société qu’il préside est collectivement folle, alors peut-être qu’il la représente bien. »

Bien, on vous laisse découvrir les cinq FUBARs de l’ami Kunstler. Comme d’habitude, cela vaut le détour et le traducteur automatique. Nous allons, nous, nous concentrer sur des sujets juridiques et électoraux d’une singulière importance et d’habitude exempt de cette catégorie des FUBARs, tandis que bat son plein le ‘Super Thursday’ au cours desquels s’expriment 14 États et un  “territoire”, soit 874 des 2 429 délégués républicains qui voteront pour désigner le candidat à la convention de l’été... Il s’agit de :

 L’Alabama, l’Alaska, l’Arkansas, la Californie, le Colorado, le Maine, le Massachusetts, le Minnesota, la Caroline du Nord, l’Oklahoma, le Tennessee, le Texas, l’Utah, le Vermont, la Virginie et le territoire américain dans les îles Samoa.

Le cas de la Cour Suprême

Dans nos deux centres d’intérêt dont les effets sont essentiels, non seulement pour l’élection mais aussi pour la situation générale des USA et la cohésion du pays, avant et après l’élection et quel que soit l’élu, se trouve d’abord la Cour Suprême. Deux jours avant que ne votent le Colorado et le Maine (l’Illinois dans le même cas mais il votera plus tard), – ces deux-trois États qui avaient décidé ou étaient sur le point de décider de retirer Trump du vote de la convention de l’État et du vote présidentiel tout court, la Cour Suprême a décidé à l’unanimité de ses neuf Supremes qu’elle interdisait une telle décision, sans aucun ajout où un Supreme exprime parfois quelques doutes ou hésitations. Les Supremes conservateurs et les Supremes progressistes qui ont voté dans le même sens ont donné des explications différentes.

« Du point de vue majoritaire, les juges conservateurs Clarence Thomas, Samuel Alito, Neil Gorsuch, John Roberts et Brett Kavanaugh ont soutenu que “rien dans la Constitution n’exige que nous endurions [le] chaos” d’une carte électorale dans laquelle différents candidats présidentiels se voyaient proposer de se présenter. électeurs dans différents États.

» “Le jugement de la Cour suprême du Colorado ne peut donc pas être retenu”, ont-ils conclu, avant d'argumenter que seul le Congrès pouvait faire appliquer la clause d'insurrection contre les candidats à la présidentielle.

» Approuvant la décision, la conservatrice Amy Coney Barrett a estimé que “les États n’ont pas le pouvoir d’appliquer” la clause, mais a contesté le fait que les cinq juges de la majorité n’auraient pas dû décider que le Congrès avait ce pouvoir.

» Les juges progressistes Sonia Sotomayor, Elena Kagan et Ketanji Brown Jackson ont également souscrit à la majorité, mais selon l’observation que la décision va trop loin pour “protéger” Trump d’une “future controverse”. »

La décision négative était attendue comme assurée, mais l’unanimité était beaucoup moins sûre. Néanmoins, l’argument des Supremes progressistes est beaucoup moins tranchant que celui des conservateurs et estime que les États ont effectivement leur mot à dire dans l’élection présidentielle mais pas dans la forme, ni dans le fond de ce qu’ils firent, et pas jusqu’à interférer sur le vote du président des États-Unis. Pour eux, la crainte du “chaos” n’est pas un argument suffisant.

Quelques jours auparavant, la Cour avait également posé un jugement favorable à Trump en confirmant que sa décision sur la question de l’immunité de Trump en tant qu’ancien président, pour des faits relevant de sa présidence, aurait bien lieu en juin et ne serait pas avancé comme le voulaient les progressistes (les démocrates) pour qu’un tel jugement interfère sur les élections. A ce propos, Jonathan Turley explique notamment le 2 mars :

« Vous trouverez ci-dessous une version légèrement développée de ma chronique sur Fox.com sur les attaques contre la Cour pour avoir accordé le réexamen de la contestation de l'immunité déposée par l'ancien président Donald Trump, avec la programmation des oraux

» Cet argument a déclenché des voix familières contre les juges et des accusations de machinations politiques. Les allégations de “marche lente” de l’appel ignorent l’histoire et la culture de la Cour. […]

» Certaines des voix habituelles se sont immédiatement élevées pour déclarer qu'une fois de plus, les juges se présentent comme des partisans à peine dissimulés. La présentatrice de MSNBC, Rachel Maddow, a qualifié l’examen de l’affaire de « décision merdeuse” et a dénoncé “ la lâcheté du tribunal”. Elle a en outre déclaré, une fois de plus, que l’action portait atteinte à la “légitimité du tribunal”.

» L'animateur de MSNBC, Chris Hayes, a déclaré : “Aujourd'hui, la Cour suprême a signalé qu'elle était complice. L’intrigue est lancée. C'est parti”. »

Une remarque essentielle : les deux décisions de la Cour alimentent une forte opposition de la gauche progressiste et devraient remettre d’actualité son projet de réforme radicale de la Cour (avec nomination de cinq Supremes supplémentaires entièrement gauchistes, voire l’abandon du système de la Cour Suprême).

Le cas de Washington D.C.

Un autre cas très intéressant est celui de Washington D.C. ou District de Columbia, qui ne vote pas en tant que pseudo-État à la présidentielles mais participé à la désignation d’un candidat républicain. A D.C.,  Trump n’a absolument pas fait campagne, Haley, qui reste en course, y a fait une campagne maxi et l’a emporté haut la main.

Il est vrai que Washington est sans doute le point le plus antirépublicain et le plus antiTrump de tous les USA. On l’a vu avec les résultats et les chiffres... Et les plus intéressants sont ceux qui nous donnent une idée de la puissance des démocrates face aux républicains, tandis que le sentiment antiTrump est d’abord un tribut rendu à la vindicte antiTrump des fonctionnaires de Washington, nombreux à habiter le District, encore plus que des Noirs qui sont en très grand nombre.

« Haley a battu Trump par 62,8 % des voix contre 33,3 %, obtenant ainsi la totalité des 19 délégués républicains du district. Cette victoire était la première de Haley durant la saison électorale, après les défaites contre Trump dans l’Iowa, le New Hampshire, le Nevada, la Caroline du Sud, le Michigan et les îles Vierges en janvier et février, ainsi que dans l’Idaho, le Missouri et le Michigan dimanche.

» Haley, qui a ignoré les appels à se retirer de la course après une défaite de 20 points dans son État d'origine, la Caroline du Sud le mois dernier, bénéficie désormais du soutien de 43 délégués contre 244 pour Trump. L'ancien président devrait remporter les 15 États et territoires. à gagner lors des primaires du “Super Tuesday” de cette semaine, une victoire qui donnerait à Trump une avance presque insurmontable sur l'ancien ambassadeur de l'ONU.

» Washington DC est l’une des juridictions les plus pro-démocrates du pays. Le président Joe Biden a remporté le vote avec 92 % des voix en 2020, tandis qu'Hillary Clinton y a remporté 90 % des voix en 2016. Il n'y a qu'environ 29 000 républicains enregistrés à Washington DC, contre plus de 365 000 démocrates, selon les données de l'Université de Virginie. »

La Guerre civile accélère

Il n’est que de lire le texte de ‘ZeroHedge.com’ concernant l’arrêt de la Cour Suprême pour mesurer la folie-FUBAR qui s’est emparée des démocrates et comprendre ce qui nous attend fort probablement. Il y a même un député démocrate qui annonce une motion interdisant à Trump de se présenter, comme la Cour en a accessoirement évoqué la possibilité contre l’avis de la Supreme Amy Coney Barrett. Il faut se rappeler les divers points d’un programme de réforme révolutionnaire des démocrates, et les deux points principaux étaient et restent les suivants :

• Réforme complète de la Cour Suprême, – on l’a déjà dit, – avec ajout de cinq Suprêmes progressistes aux neuf qui composent actuellement la Cour ; voire, pour certains, suppression de la Coiur pour laisser le peuple” seul juge suprême.

• Transformation du District de Columbia en État de l’Union autorisé à participer à la désignation du collège des Grands Électeurs qui désignent le président élu, ce qui assure un État 100% démocrate (et antiTrump) au parti.

Tout cela résume la situation : deux points brûlants de l’opposition démocrate à Trump ont été ravivés pour alimenter la folie des démocrates qui s’exprimera avec une force décuplée d’ici novembre prochain D’un autre côté, c’est-à-dire en face, chez les républicains, à part la marionnette de la politiqueSystème qu’est la pauvre Haley, on peut être sûr qu’une colère antinomique de même puissance se manifestera. C’est-à-dire que la guerre civile de communication va prendre encore plus d’ampleur et de fureur. C’est-à-dire que, quel que soit le résultat, l’Amérique ne sera pas loin de se trouver comme s’il s’agissait d’être “à feu et à sang” après l’élection, – encore une fois, je le dis en plus de laisser le texte l’affirmer : cette perspective, quel que soit le vainqueur.

De plus en plus, on est conduit à penser paradoxalement que la sécession est le moindre des maux de cette pathologie collective. Encore faudrait-il qu’elle puisse se faire, entre différents groupes d’États, dans un certain apaisement, et non pas comme prétexter d’une succession d’affrontements entre les uns et les autres.

Plus que jamais, plus que jamais, tout se passe là-bas...

Perspectives d’outre-cycle

Perspectives d’outre-cycle

• Vision de Alexandre Douguine sur l’évolution de la multipolarité à l’heure de l’effondrement de l’Occident collectif. • Le philosophe russe dresse un état actuel des lieux et esquisse les dimenson métaphysiques des choses à venir.

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Nous l’avons dit et nous le répétons, Alexandre Douguine, le philosophe russe, est certainement l’homme qui dispose de la plus grande ampleur de vue sur les événements actuels et sur les évolutions possibles de ces événements vers une disposition complètement nouvelle des arrangements et des relations entre les divers composants de la situation crisique actuelle. Sa vision est nécessairement de l’ordre de la métaphysique historique (métahistoire) et elle s’inspire des conceptions des grands métaphysiciens de la Tradition, tel René Guénon que Douguine ne manque jamais de citer comme référence essentielle.

On peut même avancer l’idée que son actuelle conception prend en charge le schéma que Guénon a rappelé à partir des classements de la cosmogonie hindoue selon le cycle ‘Mahayuga’ des quatre âge, le dernier, qui est celui où nous vivons, étant évidemment le ‘Kali Yuga’, ou “Âge des Ténèbres” et “Âge des Vices et de la Misère”, “Âge de l’affrontement de la l’hypocrisie”, – ou encore, les images ne manquent pas, “l’Âge du Fer”...

Douguine transcrit donc sa géopolitique métaphysique dans l’arrangement qu’il pense distinguer comme étant en pleine formation, selon une formule de multipolarité. Douguine distingue  quatre pôles déjà formés, dont un pleine déliquescence (“l’Occident collectif”) et les trois autres en pleine affirmation (Russie, Inde et Chine). Ce sont des États-continents ou des États-civilisation, tandis que trois autres ensembles civilisationnels sont en cours d’évolution (le monde islamique, l’Afrique transsaharienne et l’Amérique du Sud).

On voit bien que le schéma est extrêmement géopolitique, mais Douguine esquisse ici et là le plus important, qui est la dimension métaphysique, la chose essentielle du propos. Douguine ne prétend pas, comme nous le comprenons, définir ce que sera notre avenir post-GrandeCrise, mais simplement tracer les lignes de force terrestre (“géopolitique”) de cet avenir. Tout reste à définir et à expliquer, mais à partir de l’intuition, d’une perception qui doit être nécessairement inspirée selon des visions et des influences intuitives relevant de forces qui dominent notre développement.

Ce que Douguine nous propose , c’est une esquisse de vision de l’ensemble qui doit prendre forme après la fin de l’actuelle phase du Kali Yuga, c’est-à-dire de la GrandeCrise, qui est nécessairement quelque chose qui marque la fin du cycle. Nous en avons déjà parlé encore récemment et ne cesserons de le faire. Cette idée, qu’elle prenne une forme ou l’autre dans les esprits, transcende bien entendu les idéologies, et aussi bien les religions bien tendu, bref toutes les grandes organisations soi-disant spirituelles, – qui l’étaient à l’origine et qui sont désormais plus ou moins, ou totalement “dé-spiritualisées” jusqu’à la caricature obscène du fait de la tempête crisique qui s’est abattue sur nous avec le “déchaînement de la Matière”. L’idée de la fin du cycle  constitue une force considérable pour nous permettre de continuer à penser, de continuer à oser user de l’imagination créatrice, de l’intuition, de l’“âme poétique”, au lieu de nous laisser emporter dans les encalminements et les engloutissements boueux du nihilisme peinturluré en simulacres. Pour tous ces derniers domaines qui ne méritent que mépris et dégoûts, nous recommandons l’inconnaissance, cette attitude royale qui réduit ce Rien du nihilisme à un rien qui n’exista jamais même en temps que ‘rien’ (belle performance conceptuelle), par le simple regard d’anéantissement qu’on doit leur jeter.

Le texte de Douguine est dans l’original sur ‘geopolitika.com’, et en traduction française dans ‘euro-synergies.hautetfort.com’. Il s’agit d’une adresse  d'Alexandre Douguine au Forum sur la multipolarité à Moscou, le 26 février 2024.

dde.org

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L'humanité multipolaire

Le monde multipolaire est avant tout une philosophie. Il repose sur une critique de l'universalisme occidental.

L'Occident s'est identifié à l'humanité sur le mode raciste et impérialiste. Il fut un temps où la Grande-Bretagne revendiquait toutes les mers et tous les océans. La civilisation occidentale a déclaré que toute l'humanité lui appartenait, – principalement sa conscience. Cela a conduit à la formation d'un monde unipolaire.

Dans ce monde, il n'y a que les seules valeurs occidentales. Un seul système politique, – la démocratie libérale. Un seul modèle économique, – le capitalisme néolibéral. Une seule culture, – le postmodernisme. Une seule conception des genres et de la famille - LGBT. Une seule version du développement, – la perfection technologique jusqu'au posthumanisme et le remplacement complet de l'humanité par l'IA et les cyborgs.

Selon ses partisans, le monde unipolaire est le "triomphe de l'histoire mondiale", la victoire totale de l'ère occidentale moderne, – le libéralisme, qui est devenu l'idéologie unique et incontestable de toute l'humanité.

La multipolarité est une philosophie alternative. Elle repose sur l'objection fondamentale suivante: l'Occident n'est pas toute l'humanité, mais seulement une partie de celle-ci, – une région, une province. Il n'est pas la civilisation au singulier, mais une civilisation parmi d'autres. Il existe aujourd'hui au moins sept civilisations de ce type, d'où le concept le plus important de la théorie multipolaire: l'heptarchie.

Certaines civilisations sont déjà réunies dans d'immenses États-continents, des États-civilisations, ou wénmíng guójiā (文明国家). Pour d'autres, c'est encore à venir. L'Occident collectif, les pays de l'OTAN et les vassaux des États-Unis ne sont qu'un des pôles.

Il y en a trois autres :

 • Russie-Eurasie,

 • la Grande Chine (Zhōngguó 中国) ou Tiānxià (天下),

  • la Grande Inde.

Tous sont des États-civilisation, ce qui signifie quelque chose de plus que des pays ordinaires.

Et trois autres grands espaces, intégrés à des degrés divers :

• Le monde islamique, étroitement lié par la religion mais politiquement désuni jusqu'à présent,

• l'Afrique noire transsaharienne,

  • l'écoumène latino-américain.

Ces sept civilisations ont des profils religieux complètement différents, des systèmes de valeurs traditionnelles différents, des vecteurs de développement différents et des identités culturelles différentes.

La civilisation occidentale, contrairement à ce qu'elle prétend, n'est que l'une d'entre elles. Arrogante, audacieuse, agressive, trompeuse, prédatrice et dangereuse. Cependant, ses prétentions à l'universalisme sont sans fondement et sa domination repose sur une politique de deux poids, deux mesures.

La multipolarité s'oppose non pas à l'Occident lui-même, mais plus précisément à ses prétentions à l'unicité et à l'universalité. Ces prétentions ne nous sont pas inconnues ; elles imprègnent tous les systèmes de notre culture, de notre science et de notre éducation. L'Occident, avec son idéologie toxique, a infiltré nos sociétés, séduit et corrompu les élites, placé notre société sous son contrôle informationnel et tenté d'éloigner le plus possible notre jeunesse de la foi et de la tradition.

Cependant, l'ère de la seule hégémonie de l'Occident est révolue. Sa conclusion a été marquée par la position de la Russie et personnellement par notre président Vladimir Vladimirovitch Poutine, lorsque nous avons refusé de sacrifier notre souveraineté et sommes entrés dans un combat mortel avec l'Occident en Ukraine. Nous nous battons en Ukraine non pas contre les Ukrainiens, mais contre le monde unipolaire. Et notre victoire inévitable ne sera pas seulement la nôtre, mais celle de toute l'humanité, qui verra de ses propres yeux que le pouvoir de l'Occident n'est pas absolu, que sa politique de néocolonialisme et de dé-souverainisation peut être rejetée de manière décisive, et que l'on peut insister sur sa propre position.

La Russie est l'un des pôles du monde multipolaire. Il ne s'agit pas d'un retour à l'ancien modèle bipolaire, mais du début d'une architecture mondiale entièrement nouvelle.

La croissance rapide de l'économie chinoise et le renforcement de la souveraineté de la Chine, en particulier sous la direction du grand leader Xi Jinping, ont fait de la Chine un autre pôle totalement indépendant. Voyant cela, l'Occident, représenté par l'élite globaliste des États-Unis, lui a immédiatement déclaré une guerre commerciale.

Le monde islamique a défié l'Occident principalement dans les domaines religieux et culturel. Les valeurs occidentales, – qui appellent ouvertement à la destruction des traditions, de la famille, du sexe, de la culture et de la religion, – sont incompatibles avec les fondements de l'islam. C'est ce que comprend aujourd'hui chacun des quelque deux milliards de musulmans. Et aujourd'hui, le monde islamique mène sa propre guerre contre l'Occident globaliste, – en Palestine, au Moyen-Orient, où se développeun génocide honteux du peuple palestinien, – le meurtre d'enfants palestiniens, de femmes et de personnes âgées, – est en cours avec l'approbation totale de l'Occident.

L'Inde est un autre pôle. Aujourd'hui, surtout sous la direction de Narendra Modi, c'est une civilisation entière qui retourne à ses racines védiques, à ses anciennes traditions, à ses fondements. Elle n'est plus une colonie culturelle et économique de l'Occident, mais un géant mondial en pleine ascension. L'Afrique et l'Amérique latine suivent méthodiquement et constamment, même si ce n'est pas sans problèmes, le même chemin.

Le mouvement panafricain ouvre la voie à une intégration africaine unifiée et globale, libérée du contrôle néocolonial. Il s'agit d'une nouvelle théorie, d'une nouvelle pratique, qui incorpore les meilleurs aspects des étapes précédentes de la lutte de libération, mais qui repose sur une philosophie différente, où la religion, l'esprit et les valeurs traditionnelles jouent un rôle crucial.

L'Amérique latine poursuit également son chemin dans la lutte anticoloniale. Les peuples y recherchent de nouvelles voies de consolidation et d'unité, dépassant les modèles dépassés qui divisaient tout le monde entre la droite et la gauche. Dans de nombreux pays d'Amérique latine, les défenseurs des valeurs traditionnelles, de la religion et de la famille s'unissent à ceux qui prônent la justice sociale sous la bannière d'une lutte commune contre le néocolonialisme de l'Occident collectif et sa culture antihumaine pervertie.

Le monde multipolaire d'aujourd'hui n'est pas une utopie ni un projet théorique. Six civilisations sur sept (de l'heptarchie planétaire) se sont unies dans un nouveau bloc au sein des BRICS. Il y a des représentants de chacune d'entre elles. Il s'agit de l'institutionnalisation de la multipolarité. La Grande Humanité s'unit, se comprend et commence à harmoniser ses traditions et ses orientations, ses systèmes de valeurs traditionnelles et ses intérêts.

Seul l'Occident collectif, cherchant à tout prix à maintenir son hégémonie, refuse catégoriquement de s'engager dans ce processus multipolaire inévitable. Il s'y oppose. Il complote et provoque des conflits. Il mène des interventions. Il tente d'étouffer toute velléité d'indépendance par des sanctions et des pressions directes. Et si cela échoue, il entre dans une confrontation militaire directe, – comme en Ukraine, à Gaza, et demain peut-être dans le Pacifique.

Cependant, l'Occident n'est pas monolithique. Il y a deux Occident. L'Occident globaliste des élites libérales et l'Occident traditionnel - l'Occident des peuples et des sociétés. L'Occident traditionnel souffre lui-même de la tyrannie des globalistes pervers et tente, lorsqu'il le peut, de se rebeller. Les peuples de l'Occident ne sont pas des ennemis du monde multipolaire. Ils en sont avant tout les victimes. Comme l'a montré l'entretien de notre président avec le politicien et journaliste conservateur Tucker Carlson, la Russie et les antiglobalistes américains ont beaucoup plus de choses en commun qu'il n'y paraît.

Par conséquent, la véritable victoire de la multipolarité ne sera pas la défaite de l'Occident collectif, mais son salut, son retour à ses propres valeurs traditionnelles (et non perverties), à sa culture (et non à l'annulation de la culture), à ses racines classiques gréco-romaines et chrétiennes. Je crois que les peuples libérés du joug globaliste de l'Occident réel rejoindront un jour la Grande Humanité, en devenant un pôle respecté du monde multipolaire. Cesser d'être un hégémon est dans l'intérêt non seulement de toutes les civilisations non occidentales, mais aussi de l'Occident lui-même.

Je souhaite la bienvenue à tous les participants à notre forum. Nous sommes réunis ici pour construire l'avenir, comprendre le présent et sauver notre glorieux passé, en assurant la continuité de la culture.

Si différente, spéciale, unique, autosuffisante, souveraine - l'humanité, c'est nous !

Alexandre Douguine

Debré et le Général face au Kali-Yuga français

Debré et le Général face au Kali-Yuga français

Philippe Grasset nous avait fait découvrir ce livre incroyable : entretiens avec le général (Albin Michel).

Résumons la chute de la France sous la présidence de de Gaulle : pour un Québec libre d’ailleurs peu suivi d’effet, il a fallu se payer l’industrialisation, «la France défigurée», l’immigration, mai 68, le noyautage culturel marxiste (cf. les réflexions de Zemmour sur le rôle sinistre de Malraux), le pays de Cocagne de Pierre Etaix et le Play-Time de Tati, sans oublier l’Alphaville de Godard. On y créa le  consommateur er vacancier hébété, qui a rompu avec tous les modèles antérieurs et était prêt pour la goberge télé et bagnole. J’ai écrit et publié un livre sur ce thème : la disparition de la France au cinéma. Car de Farrebique ou de Jean Devaivre (découvrez par exemple l’admirable Alerte au Sud sur notre chevalerie coloniale, notre épopée saharienne) aux Valseuses ou à Mortelle randonnée, on s’était bien effondré – et bien avant Macron ou Mitterrand.

Rien ne résume mieux la situation que Jean Gabin ne retrouvant ni sa maison ni sa rue à Sarcelles, au début de Mélodie en sous-sol.

Le vénérable et pathétique Michel Debré (1% à la présidentielle de 1981…) est lui-même encore plus traumatisé par ce que va devenir la France : marxisation culturelle via Malraux (voir son livre p. 145), inflation et taux d’intérêt… à 15% (livre p. 151), déclin moral et spirituel (et même militaire : car on n’a plus d’empire comme me le rappela mon ami historien de Sparte Nicolas Richer), effondrement du christianisme, Debré et de Gaulle sont conscients de tout. L’Histoire de France est EN FAIT terminée. On vivote dans une Europe mondialisée...

Dans ses Entretiens avec le général, Debré écrit donc (p. 57-58) :

« J’évoque ces forces violentes qui désirent tant l’intégration de la France dans l’Europe, c’est-à-dire en fin de compte la fin de la France, et je crains aussi que les divisions de l’Occident et l’incapacité américaine ne conduisent notre civilisation au déclin décisif. Je parle d’abord des forces qui poussent à l’intégration européenne: tous ceux qui Sont hostiles à l’Etat, tous ceux qui ne comprennent pas la nécessité d’une pensée et d’une action indépendantes, se précipitent vers la supranationalité parce qu’ils savent, au fond d’eux-mêmes, que la supranationalité, c’est le protectorat américain. »

On a parfaitement compris pourquoi Asselineau et Philippot qui sautent comme des cabris au nom du Général font 1% des voix. La masse veut la supranationalité et sans rire le protectorat américain avec ses armes qui ont cinquante ans de retard. Le souverainisme ne l’effleure même plus ; comme dit le Général à Debré il y a soixante ans déjà : il n’y a que vous et moi qui pensons à l’Indépendance de la France.

Dans le livre de Debré le Général paraît souvent triste, distrait, rêveur et impuissant (idem pour son fils avec qui j’avais l’honneur récurrent de discuter aux jardins du Ranelagh si chers à mon ami gnostique-gaulliste Jean Parvulesco) ; il est en position non de gourou mais de disciple dénué de maître. Car comprendre ce que la France devient à cette époque, il faut l’oser en effet, pas vrai ?

« Le général de Gaulle m’interrompt pour me demander si je crois possible de résister à ces forces. « Il n’y a que vous et moi qui pensons à l’Indépendance de la France.» Je lui réponds que nous devons être, en réalité, plus que deux et j’ajoute qu’il y aura tellement de déceptions à la suite de cette politique d’intégration qu’il ne faut pas douter d’être dans la vérité en expliquant qu’il faut faire l’Europe par l’association des Etats et non par la disparition des nations, à commencer par la disparition de la France. »

Malheureusement les réponses sont et seront matérielles et matérialistes (Pompidou-Giscard…) :

« Que faire pour encourager ce mouvement ?» me dit-il. Je lui expose que les chemins sont clairs pour maintenir aux Français et à la France la volonté de demeurer une nation. Il faut poursuivre notre effort de modernisation industrielle. Il faut poursuivre notre volonté d’être une puissance militaire atomique et il faut aussi ne pas chercher à nous dégager de nos responsabilités africaines. Je lui expose que ses réticences à l’égard des réunions des chefs d’Etat africains d’expression française, réunions qui pourraient avoir lieu autour de lui, aboutissent à couper des liens qui pourraient être renforcés. »

De Gaulle échoue – mais il en ressort qu’on ne pouvait qu’échouer. Sur le referendum – sa porte de sortie comme on sait – nous sommes clairement informés (citation déjà reprise par PhG) :

«J’expose au Général que le but de ma visite est de préciser les conditions qui peuvent permettre le succès, du référendum. Interruption du Général : « Je ne souhaite pas que le référendum réussisse. La France et le monde sont dans une situation où il n’y a plus rien à faire et en face des appétits, des aspirations, en face du fait que toutes les sociétés se contestent elles-mêmes, rien ne peut être fait, pas plus qu’on ne pouvait faire quelque chose contre la rupture du barrage de Fréjus. Il n’y aura bientôt plus de gouvernement anglais; le gouvernement allemand est impuissant ; le gouvernement italien sera difficile à faire; même le président des Etats-Unis ne sera bientôt plus qu’un personnage pour la parade.

Le monde entier est comme un fleuve qui ne veut pas rencontrer d’obstacle ni même se tenir entre des môles. Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de son destin (p.112). »

On répète parce que c’est merveilleux :

« Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de son destin. »

Vive Pompidou, Beaubourg, Michel Sardou, la loi Veil et Emmanuelle…

C’est qu’il n’y a plus de religion :

« Le Général redit son analyse. Ce qui paraît le frapper le plus c’est le fait que les sociétés elles-mêmes se contestent et qu’elles n’acceptent plus de règles, qu’il s’agisse de l’Eglise, de l’Université, et qu’il subsiste uniquement le monde des affaires, dans la mesure où le monde des affaires permet de gagner de l’argent et d’avoir des revenus. Mais sinon il n’y a plus rien (p. 122). »

C’est le Kali Yuga, donc on ne peut rien faire – à part se remplir les poches, en bon vaisya. On peut se demander quand même pourquoi la masse des couillons ne réagit plus. C’est ce que fait le Général :

«Le Général m’interrompt pour me dire, à la suite des exemples que je lui donne : « Comment se fait-il que les chefs d’établissement ou les recteurs n’interviennent pas? » Je rappelle au Général ce que je disais tout à l’heure. L’autorité n’existe plus de par la volonté délibérée du ministère de l’Education nationale et j’ajoute en outre que, pour ce qui concerne les activités socio-éducatives. Les chefs d’établissement ont des instructions formelles de ne point intervenir. Je regrette d’autant plus cette abdication et cette complicité que l’on sent les prodromes d’une réaction. Le corps enseignant, même dans ses éléments gauchisants, ne comprend plus cette anarchie et s’émeut de ses conséquences. »

Puis Charles de Gaulle, héritier perdu d’une France militaire et chrétienne, comprend ensuite que la famille disparaît à cette époque, qu’elle n’est plus la structure unifiant la société chrétienne – puisqu’il n’y a plus de société chrétienne :

« Le Général me dit : « Comment se fait-il que les familles ne réagissent pas ?
- La vie familiale aujourd’hui n’est plus celle d’hier. L’évolution fait que l’État, le corps enseignant ont pris une responsabilité de plus en plus grande à l’égard des enfants. C’est là une situation à laquelle les familles se sont peut-être trop facilement habituées. Au surplus les réactions des parents se dispersent dans toute une série de directions : le programme, les examens, le comportement des professeurs, et, de ce fait, quand elles s’orientent contre certaines dégradations de l’enseignement, n’ont pas la même force (p. 174). »

La famille, seul Etat qui crée et aime ses citoyens (Chesterton), va disparaître. C’est là que je cesse toute critique à son encontre (ce qui m’énerve c’est son culte et cette nostalgie d’une époque déjà dégénérée). Il fallait passer sur ordre le témoin aux Giscard et aux soixante-huitards car la France progressiste et mondialiste voulait son Kali-Yuga.

Assez logiquement du reste elle demande un coup de grâce ou de race à la Russie qui symbolise encore cette malédiction historique ou impériale.

Pologne-Ukraine : “Je t’aime, moi non plus”

Pologne-Ukraine : “Je t’aime, moi non plus”

• Mésentente entre Polonais et Ukrainiens pour l’importation des produits agricoles. • Alors que Tusk avait été placé là pour cimenter une entente avec l’Ukraine au profit de l’Allemagne, Andrew Korybko nous montre le contraire, Tusk étant obligé de laisser-faire les agriculteurs conservateurs-tradutionnalistes pour éviter des troubles.

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L’arrivée de Donald Tusk en décembre semblait signer le basculement définitif de la Pologne dans le camp pro-UE et pro-Ukrainien. Pour Andrew Korybko, Tusk était un homme de l’Allemagne via l’EU et avec l’approbation de Washington pour donner à l’Allemagne un poids prépondérant en Europe.

Mais cela s’est avéré n’être pas aussi simple que cela. Il y a de très sérieux contentieux d’exportations entre l’Ukraine et la Pologne et un formidable activisme des agriculteurs polonais qui tiennent avec leurs tracteurs, – beaucoup plus efficaces que les ‘Leopard II’ et les ‘Abrams’, – la frontière polonaise avec l’Ukraine. Tusk ne fait rien de sérieux contrer eux, malgré les récriminations ukrainiennes, parce qu’il craint un soulèvement populaire comme le fut le syndicat ‘Solidarnosc’ en 1980.

D’où cette situation paradoxale de l’un des hommes les plus sûrs de l’UE, un libéral globaliste affirmé, contraint à mener une politique presqu’agressivement anti-ukrainienne sur ses frontières, pour satisfaire aux exigences de masses populaires qui sont largement conservatrices sinon traditionnalistes même si elles défendent des agricultures intensives qui correspondent plutôt au modèle libéral-globaliste. Ces deux pays, qui constituent l’axe central de l’offensive américaniste-occidentaliste antirusse en Europe Centrale, semblent avoir comme rôle principal de mettre en évidence les énormes contradictions du modèle qu’ils sont chargés de soutenir.

Ci-dessoius, un texte d’Andrew Korybko sur la situation actuelle et Lologne et Ukraine.

dde.org

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Les tracteurs d’une attrition offensive

Les relations polono-ukrainiennes sont à nouveau devenues difficiles après que les agriculteurs polonais ont repris le blocus de la frontière pour protester contre l'afflux continu de produits agricoles ukrainiens sur le marché intérieur. Bien que la Pologne se soit largement subordonnée à l'Allemagne depuis le retour au pouvoir du Premier ministre Donald Tusk, soutenu par Berlin, celui-ci hésite à recourir à la force pour disperser les manifestants, de peur que leur mouvement ne se transforme en une version moderne de Solidarnosc s'il ose le faire.

Ces calculs politiques intéressés expliquent pourquoi il a jusqu’à présent laissé la situation se détériorer alors que cela allait à l’encontre des intérêts de l’Occident et a même flirté avec la fermeture temporaire de la frontière pour tenter de plaire à ces manifestants patriotes. L’approche de Tusk pourrait bien sûr changer, mais il est important que les lecteurs comprennent comment tout en est arrivé là. Ces développements ont naturellement provoqué la panique en Ukraine et expliquent pourquoi le pays a simplement tenté de discréditer la Pologne par une attaque de guerre de l’information.

L'Ukrainska Pravda a publié le 29 février un rapport détaillé sur « Comment la Pologne continue d'importer des produits agricoles russes », dans lequel il affirme qu'il est non seulement hypocrite mais aussi immoral pour la Pologne de maintenir ces relations commerciales tout en restant dans sa féroce rivalité avec la Russie. L'article a été publié quelques jours après que la Pologne ait détenu pendant plusieurs heures un de ses journalistes à la frontière biélorusse, alors qu'il enquêtait sur le rôle que joue la Biélorussie dans la facilitation du commerce agricole polono-russe.

Tout cela rend leur rapport très scandaleux en apparence, mais ce n'est en réalité que du vent puisque l'Ukrainska Pravda elle-même a informé ses lecteurs que ces importations ne sont pas interdites et que le niveau des importations russo-biélorusses est presque dix fois inférieur à celui des importations russo-biélorusses. Les ukrainiens. En outre, ils sont principalement concentrés dans les graines oléagineuses et les huiles de graines, et non dans les céréales comme dans le cas de l’Ukraine. L’ensemble de ces faits rend les importations polonaises de produits agricoles russes beaucoup moins perturbatrices que les ukrainiennes.

Cependant, la personne moyenne ne lira probablement pas son rapport jusqu’au bout pour obtenir ces détails cruciaux, car beaucoup se contentent de parcourir les gros titres et de réagir en fonction des quelques mots qu’ils voient. L'introduction est également formulée de manière à tout exagérer émotionnellement afin de renforcer ces fausses perceptions au cas où quelqu'un cliquerait sur le lien et lirait les premiers paragraphes. Il ne s’agit pas d’une faute journalistique en soi, mais c’est définitivement une manipulation et donc sans doute une forme de propagande.

Le but de la propagation de ces fausses perceptions à l’égard de la Pologne est de discréditer son engagement dans la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie à travers l’Ukraine, après quoi Kiev espère que l’Occident contraindra Varsovie à interrompre ce commerce, à disperser par la force les manifestants et à autoriser les importations ukrainiennes illimitées. La réticence de Tusk à le faire pour des raisons politiques intéressées pourrait alors être interprétée comme insinuant qu’il envisage un retour aux politiques favorables à la Russie qui ont caractérisé son précédent mandat.

De telles inquiétudes ont été discréditées après que son gouvernement a accepté fin janvier le « Schengen militaire » proposé par l'Allemagne avec ce pays et les Pays-Bas, ce qui accélérera la construction de la « forteresse Europe » sur laquelle l'Allemagne entend reprendre sa trajectoire de superpuissance perdue depuis longtemps avec les États-Unis. soutien. Néanmoins, ils peuvent encore être utilisés comme armes pour inciter les Occidentaux à faire campagne contre lui sur ce sujet, tout cela afin de garantir que leurs dirigeants emboîtent le pas selon le plan ukrainien.

Du point de vue de Kiev, ce blocus met en péril la fiabilité des importations militaires occidentales visant à empêcher le pire scénario d’une percée russe. C’est pourquoi il est impératif de recourir à tous les moyens – y compris la guerre de l’information et l’ingérence politique – pour rouvrir la frontière polonaise. Cette décision hostile pourrait toutefois se retourner contre l’Ukraine en retournant encore plus de Polonais contre l’Ukraine, ce qui pourrait conduire à une redoublement des manifestations à la frontière qui dissuaderaient Tusk de sévir afin d’éviter une réaction massive.

Andrew Corybko

Notes sur la panique russe de STRATCOM

Notes sur la panique russe de STRATCOM

• Les chefs des forces stratégiques américanistes ont vraiment très-peur des armes hypersoniques stratégiques des Russes et ils le clament dans ces temps des irresponsables dirigeants politiques qui jouent au jeu de la guerre nucléaire comme on joue aux billes dans la cour de récréation de l’“Écolé Primaire Emmanuel Macron”. • Car, au bout du bout du compte et quoique ses vassaux européens fassent,  c’est bien l’Amérique qui est concernée au premier chef par les conséquences et les perspectives qui pourraient découler d’une victoire russe quasi-complète en Ukraine. • Mais rien ne se fait vraiment dans une Amérique paralysée dans une sorte d’absurde jeu de haines antagonistes. • Voyez combien les alarmes à propos des armes hypersoniques russes du général Cotton, chef de STRATCOM (Strategic Command) en mars 2024, ressemblent à celle du général Hyten, chef de STRATCOM en mars 2018 : rien n’a été fait. • Plus que jamais, l’idée d’armes stratégiques hypersoniques à charges conventionnelles apparaît comme un moyen de lancer victorieusement une Troisième Mondiale sans goûter vraiment au nucléaire.

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2 mars 2024 (20H30) – Depuis la déclaration (dite-“de guerre” ? Cela lui ferait plaisir) de Macron concernant l’envoi éventuel de troupes françaises, celles qui demeurent disponibles en tout cas, la perspective d’un conflit engageant des (les) pays de l’OTAN contre la Russie est devenue un fait avéré, – non pas encore “accompli”, mais en bonne voie. Après une avalanche de “non” au projet du président, certains pays européens commencent à lui trouver du charme.

Au reste, c’est certainement la principale “vertu de Macron”, en parfaite intelligence retournée en une stupidité aveugle tout aussi parfaite, qui justifiait l’apologie de PhG à son propos. Qu’on se rappelle ces quelques lignes, qui évoquent en plus ce qui nous importe ici, qui est la dimension nucléaire éventuelle d’un tel conflit :

« Et pourtant, cette page de journal que vous lisez prétend être une apologie... Et pourtant, il me faut bien justifier mon titre de façon décisive, n’est-ce pas ! Eh bien, je vais vous dire où, selon moi, se trouve “la vertu de Macron”, celle qui mérite une “Apologie”, quelque part entre et au-delà de ‘Apologie de Socrate’ et ‘L’Apologie de Raymond Sebond’. Nous y sommes.

» C’est en ceci que Macron, avec son esclandre extraordinaire et sa panique qui ne l’est pas moins, – par les effets de raffut et d’agitation dialectique et médiatique obtenus, – a donné vie à l’hypothèse jusqu’alors considérée comme une ‘Fantasy’-bouffe d’une guerre directe contre la Russie. Il a poussé le bouchon un peu trop loin, et justement dépassant le stade de la ‘Fantasy’ pour atteindre celui de la réelle possibilité d’une guerre avec la Russie. Il a montré “dans le dur” l’extraordinaire impasse psychologique et opérationnelle où se trouvent l’Occident et la Russie par la faute entière et exclusive du premier, avec la seule “stratégie de survie” concevable si l’on suit la logique de l’escalade qu’instaurent ces projets, conduisant à l’extrême à rien de moins que l’enterrement à petites pompes de la survivance de l’espèce humaine. Comme trouvaille, cela vaut bien celle du transhumanisme, n’est-ce pas ? »

Cette belle adresse pourrait bien avoir été entendue, si le général Anthony Cotton, chef de Strategic Command (STRATCOM), chargé de tout le nucléaire stratégique US, lisait la presse dissidente. Il vient de faire une déposition devant la Chambre où il exprimé toute la panique terrorisée où se trouvent ses services devant les perspectives de supériorité stratégique totale qu’ont développées les Russes. Si l’on veut, c’est le pendant stratégique nucléaire de la démarche du général commandant l’U.S. Army, tel qu’on l’a entendu lundi dernier, et signalé hier dans ces colonnes.

Note de PhG-Bis : « Le plus extraordinaire est bien entendu que la panique de mars 2024 du général Cotton renvoie mot pour mot à la panique de mars 2018 du général Hyten. Les deux hommes étaient et sont, à ces deux époques respectives, chef de STRATCOM. C’est comme si, en six ans, rien n’avait été fait, sinon du sur-place plein de slogans vengeurs, des $milliards envoyés à Zelenski et une avancée remarquable de la doctrine inclusive du wokenisme dans les forces armées. Il manque quelque chose, quelque part... »

Pendant ce temps, les alliés-vassaux-serviteurs de l’OTAN continuent à fonder les plus grands espoirs sur la participation à une attaque de la Russie des forces US, puisqu’après un rejet presque unanime des suggestions de Macron certains pays européens y trouvent finalement une grande finesse stratégique en même temps que la ‘furia francese’ si éclatante aujourd’hui sous l’impulsion de Macron.

Wokenisme à Space Command

Il est vrai qu’on est conduit à comprendre cette attente quand l’on consulte la formidable rénovation des forces armées US, dorénavant chargées jusqu’à la gueule de cette arme absolue qu’est le wokenisme. ‘ZeroHedge.com’ en fait ses gorges tiédasses en rapportant le discours enlevé du/de la colonel/le trans Bree Farm, dame blanche complètement incluse en presque-homme blanc et ainsi placé(e) à la tête de Space Command. Voici ses consignes spéciales (avec pronom masculin pour Fram ? Est-ce le bon choix ?) pour remporter les batailles spatiales : emploi du bon pronom, respect et dignité pour les LGTBQ, des choses comme ça :

« "Trop souvent, j'entends les dirigeants parler de dignité et de respect comme s'il s'agissait d'un objectif ambitieux, ce qui n'est pas suffisant", a déclaré M. Fram.

» “Nous devons viser plus haut et nous concentrer sur l'inclusion intentionnelle, parce qu'il y a encore beaucoup trop de personnes, et pas seulement des personnes LGBTQ, qui se sentent marginalisées, exclues ou victimes de discrimination”, a-t-il ajouté. »

Terreur à STRATCOM

Mais revenons à des choses plus communes et médiocres, qui sont celles des arsenaux stratégiques nucléaires. Comme suggéré plus haut, on donne ici quelques extraits de l’intervention du général Cotton

« Moscou possède déjà un arsenal nucléaire qui dépasse celui de Washington et le modernise activement, a-t-il déclaré à la commission des forces armées du Sénat américain dans un communiqué préparé.

» Avec la Chine, la Russie améliore rapidement sa position face aux États-Unis et à ses alliés “dans de multiples domaines”, a prévenu le général, ajoutant que le rythme de ces changements s’accélère et est désormais beaucoup plus rapide qu’il ne l’était “il y a quelques années à peine”.

» Il a évoqué une récente déclaration du président russe Vladimir Poutine, qui a déclaré début février que les forces nucléaires stratégiques russes avaient été “presque complètement modernisées”. La composante navale de la triade de dissuasion nucléaire du pays a été modernisée à près de 100 %, a-t-il déclaré.

» “La Russie possède actuellement l'arsenal nucléaire le plus grand et le plus diversifié de tous les pays”, a déclaré Cotton, en soulignant spécifiquement les missiles balistiques intercontinentaux Sarmat de Moscou et les tout nouveaux sous-marins, également capables de transporter des armes nucléaires.

» Selon le général américain, Moscou “étend et modernise ses options nucléaires” au-delà de la triade nucléaire classique. Il a notamment attiré l’attention des sénateurs sur les missiles hypersoniques Kinzhal et Tsirkon, qui, selon lui, pourraient tous deux transporter des charges nucléaires. »

Triste conclusion du général Cotton : “Tout est devenu complexe et menaçant, et d’une complexité sans précédent, à laquelle nous ne pouvons faire face pour l’instant”. Puis, aux députés en train de prendre des notes pour leurs campagnes électorales qui sont pour eux le véritable enjeu stratégique : “Aidez-nous à tenter de redresser un peu la barre”.

« Les forces stratégiques américaines opèrent actuellement “face à des défis sans précédent pour l’Amérique”, a prévenu Cotton, ajoutant que les potentiels combinés de la Russie et de la Chine, ainsi que les ambitions nucléaires de la Corée du Nord et de l’Iran, “ajoutent de nouveaux niveaux de complexité à la situation” rendant très difficile notre calcul stratégique.

» Il a encouragé les sénateurs à faciliter une mise à niveau rapide de l’arsenal américain, ajoutant qu’“il est absolument essentiel que nous poursuivions… rapidement la modernisation de notre triade nucléaire.” »

Mais la question, général Cotton, est bien de savoir si votre problème intéresse encore quelqu’un dans les élites américanistes qui ont déjà gagné en Ukraine et s’apprête à découper la Russie en cinq ou six sous-pays bien dans les rangs.

Pour le reste, les choses sont tellement pliées que les USA ne s’intéressent plus, et d’ailleurs n’ont plus ni les moyens ni le savoir, de développer un nouvel ICBM, – voyez l’avenir radieux du ‘Sentinel’, – ni même de moderniser les vieilles guimbardes de ‘Minuteman III’ des années 1970. Ces projets sont des restes dépassés d’une époque qui n’était pas inclusive du tout, où l’on n’avait pas encore situé les LGTBQ au sommet de la hiérarchie stratégique et jusque dans l’espace.

Austin, la vessie de Freud

Nous ne sommes évidemment pas au bout de nos surprises, dans une époque qui développe tant de crises au moyen de simulacres qu’elle ne peut que nous réserver encore plus de surprises qui sont constitutives des simulacres. Ainsi en fut-il rétrospectivement, – nous avons inversé la chronologie pour, tout de même, donner la première place à l’événement le plus important, – de l’audition devant la même docte assemblée du secrétaire à la défense Austin.

Le ministre US de la défense, qui va d’hôpital en hôpital pour répondre aux sollicitations de sa vessie, trouve le temps de nous informer en grands détails de l’avenir de la situation en Ukraine. Il nous conduit à une conclusion somme toute surprenante, qui est le contraire de ce que fut la réaction de son administration à propos des propos du Macron

Ainsi, lors de cette audition et face à une question directe, il répondit tout aussi directement ceci qui va contre le sens général de ce que dit l’administration Biden, avec force et conviction :

« Si l'Ukraine tombe, je crois sincèrement que l'OTAN combattra la Russie. »

La chose ne fit pas sensation, alors qu’elle aurait dû faire sensation. Mais c’est un peu comme tout ce qui se dit, jusqu’aux choses les plus extraordinaires, les plus sensationnelles et les plus contradictoires. Lavrov, qui était à Ankara, joua au psychanalyste et nous donna son explication en forme de lapsus, – ou bien ‘freudien’, ce qui va de soi, – ou bien ‘révélateur’, idem...

 « Il a simplement fait un lapsus qui nous révélé ce qu’ils [les États-Unis] ont en tête. Ils disent en général qu’ils ne peuvent pas permettre à l’Ukraine de perdre, parce que la Russie ne serait pas satisfaite et attaquerait ensuite les pays baltes, la Pologne et la Finlande. Il s'avère, selon la franchise inconsciente de Mr. Austin que c’est exactement le contraire. Nous n’avons pas et ne pouvons pas avoir de tels projets, mais les Américains oui, il les ont. »

Auparavant, deux autres personnalités russes, deus porte-paroles avaient commenté la sortie d’Austin. Chacun ils ont trouvé une explication propre mais dans les deux cas  menant à une conclusion similaire.

« De toute façon, c'est de la folie. Mais maintenant, tout le monde voit que Washington est l'agresseur. » (Zakharova)

« Le témoignage d’Austin prouve que l’OTAN considère l’Ukraine comme son propre territoire, ce qui prouve que l’opération militaire russe est justifiée. » (Pechkov)

Quoi qu’il en soit, on en vient surtout à considérer comment Austin peut-il considérer d’attaquer un pays de la puissance militaire de la Russie, que ce soit du point de vue conventionnel (général George), que ce soit du point de vue stratégique nucléaire (général Cotton) ? Dans les deux cas, on a du mal à trouver l’argument qui recommande d’attaquer un pays dont la puissance de combat tactique et d’anéantissement stratégique vous est supérieur.

Et cela n’est pas fini du tout : il y a le futur du domaine stratégique qui est dans cette analyse notre cadre d’intérêt principal...

Les “armes du futur”

A partir des divers documents référencés, on retiendra deux remarques essentielles qui ouvrent des perspectives complètement nouvelles en permettant d’envisager une capacité stratégique maximale, – équivalente au nucléaire, mais sans nucléaire.

• Dans le premier cas que nous voulons signaler, on cite une remarque d’un expert russe, Boris Knutov, qui analyse les nouveaux systèmes que le président Poutine a cité dans son très long discours sur “l’état de la Fédération”. Knutov parle ici du missile stratégique ‘AvantGard’, à très grande capacité stratégique et manié comme un de ces missiles hypersoniques tactiques déjà employés en Ukraine (‘Kinzal’) :

« L'Avangard est pratiquement recouvert de plasma [pendant le vol, ndlr] et le plasma absorbe les rayons électromagnétiques, rendant ainsi le véhicule hypersonique invisible aux radars. Grâce à son énergie cinétique élevée, l'Avangard hypersonique peut détruire des cibles sans utiliser d'armes nucléaires. Il s'agit d'un outil unique et, à ce jour, aucun pays au monde n'a créé quelque chose de semblable. »

• Dans le même article, Knutov s’attache à un nouveau type d’armes, les armes laser. Ils les place en corrélation avec les armes hypersoniques simplement parce qu’il s’agit d’une rubrique “armes du futur”, mais du “futur-déjà-présent” pour les armes hypersoniques. Pour notre cas, nous voulons les rassembler pour une autre raison, beaucoup plus précise et importante.

« “Le développement d’armes hypersoniques n’est pas une tâche facile, car il nécessite la perfection de la couche externe protectrice des missiles pour pouvoir fonctionner recouverts de plasma. “La manière dont nous avons réussi à résoudre ce problème reste un mystère pour de nombreux pays. Profitant du fait que nous avons résolu ce problème, nous avançons. Et j’espère que les missiles hypersoniques dont nous avons parlé ne seront pas les derniers et qu’à l’avenir, le domaine des missiles hypersoniques continuera à se développer rapidement et efficacement”, a déclaré Knutov.

» En outre, l'observateur a souligné qu'il fallait prêter attention au domaine des armes basées sur de nouveaux principes physiques, y compris les armes laser.

» “Ici, le principal problème est de résoudre le problème de la création d’un laser d’une puissance d’un mégawatt. Lorsque cela se produira, les armes laser deviendront la norme, car elles sont efficaces et peu coûteuses en termes de coût d’une seule impulsion. Ils peuvent être utilisés dans la défense aérienne, la défense antimissile, voire dans l’organisation de la défense antichar et pour d’autres tâches”, a déclaré l’observateur.

» Enfin, il existe des armes électromagnétiques, dont Knutov s'attend à ce qu'elles incluent dans un avenir proche de puissants canons électromagnétiques capables de brûler les circuits électroniques des missiles de croisière ennemis, des drones, des avions conventionnels, des hélicoptères, etc., ainsi que des armes à plasma similaires aux balles-lightning.

 » “Ce sont des orientations sur lesquelles travaillent aujourd’hui les ingénieurs du monde entier, notamment aux États-Unis et en Russie. Il s'agit d'une nouvelle direction qui, dans 15 à 20 ans, deviendra la clé pour équiper les forces armées de tous les principaux pays du monde”, a résumé l'observateur. »

Au-delà du nucléaire

Nous avons regroupé ces armes, nous, parce qu’elles échappent toutes, chacune à leur façon, au carcan technologique des armes constituées pour la dissuasion nucléaire (y compris des armes de défense antimissiles). Ce n’est pas pour rien que nous avons signalé par l’emploi du caractère gras ce bout de phrase à propos de l’ ‘AvantGard’ : « l'Avangard hypersonique peut détruire des cibles sans utiliser d'armes nucléaires. »

Nous sommes revenus à plusieurs reprises, en nous en tenant aux ‘Kinzhal’ et aux ‘Zircon’ à portée moyenne/longue encore dans le champ tactique, dès le 22 mars 2022 et le 10 décembre 2022, avec ceci dans le second, – en précisant que ces engins ont une énergie cinétique de frappe de près de 500 fois plus importante qu’un missile de croisière conventionnel à vitesse transsonique ou légèrement supersonique :

« ...C’est alors qu’on en revient à une question déjà abordée dans ces colonnes : la capacité des missiles hypersoniques, du fait de leur fantastique puissance de choc, d’obtenir avec des charges conventionnelles une capacité de destruction sur des cibles bien identifiées et nécessairement concentrées, équivalente à celle du nucléaire envisagé pour cette sorte d’opération.

» Cela rejoint effectivement les remarques développées dans notre texte le plus récent sur cet aspect révolutionnaire de l’hypersonique : un degré de plus dans la dissuasion (juste en-dessous du nucléaire) qui peut aussi se concevoir comme une capacité de première frappe de décapitation sans avoir recours au nucléaire. »

Ce que laisse voir un peu plus cette remarque de Knotov sur l’ ‘AvantGard’, missile de pure capacité stratégique, c’est un avancement de l’idée d’une dissuasion conventionnelle équivalente en puissance ciblée à celle du nucléaire. Quant aux  armes-laser et autres, elles constituent un verrouillage encore plus net des vielles flottes de missiles stratégiques à têtes nucléaires, c’est-à-dire ceux dont sont équipés les USA et qu’ils ne parviennent pas à dépasser. Il serait étonnant et bien singulier pour les Russes, qui ne cessent de proclamer leur certitude que les USA et le bloc-BAO veulent l’anéantissement de la Russie, que Poutine et ses équipes de sécurité nationale n’aient pas songé à un équipement massif de missiles stratégiques hypersoniques capables de réaliser une véritable première frappe de décapitation sans avoir employé le feu nucléaire, – c’est-à-dire sans avoir allumé la mèche fatale. Dans ce cas, une poussée importante des Russes au-delà de la soi-disant LOC (‘Line of Contact’) en Ukraine, disons jusqu’à Kiev, constituerait une provocation amenant des Occidentaux à intervenir, et suscitant une riposte stratégique conventionnelle aussi dévastatrice que du nucléaire de la part des Russes,  mais sans la responsabilité de l’emploi du nucléaire.

RapSit-USA2024 : Le labyrinthe des ‘mille-et-une-bases'

RapSit-USA2024 : Le labyrinthe des ‘mille-et-une-bases

Une histoire court dans les couloirs du Pentagone : un sergent-chef transgenre du Corps des Marines se serait suicidé après dix-huit mois d’enquête et 142 erreurs d’orientation dans les couloirs du Pentagone, dans le cadre d’une mission extraordinairement délicate : décompter le nombre exact de bases dont les militaires US disposent dans le monde, se situant selon, certains manuscrits jugés authentiques du début du XXIème siècle de notre ère entre 666 (le Chiffre de la Bête) et 1332 (deux fois le Chiffre de la Bête). On ignore si l’anecdote est exacte, dit ironiquement notre source qui est elle-même complètement Fake, mais même si c’est une FakeNews de type antiaméricanisme primaire, le héros mérite une Médaille du Congrès.

Passons à autre chose car c’en est trop.

On reprend ici quelques éléments de la critique de Michael Maloof sur la restructuration de l’U.S. Army que l’on voit par ailleurs si l’on suit les chroniques régulières de ce site distingué. Nous nous attardons, sur mon amicale insistance, à la question dite des ‘mille-et-une-bases’, qui est presque ou un peu plus du nombre de bases militaires extérieures qu’entretiennent le Pentagone, la CIA et le reste, dans le reste du monde.

Ces bases ont diverses fonctions, notamment celle d’assurer une hégémonie par la force des Etats-Unis (la gloire « to show the flag »), des pressions tout aussi amicales sur les pays d’accueil, ou “pays occupés”, mais aussi des fonctions de sécurité, antiterroristes et contrée-insurrectionnel ... Mais voilà que l’U.S. Army est sur la voie de réduire drastiquement ces dernières mission au sein de la restructuration, ce qui actualise le problème de leur nécessité d’être.

D’où ces remarque de Maloof... Et là où il cite ISIS et al-Qaïda, nous aurions volontiers cité plutôt les Houthis, le Hamas, les milices irakiennes, le Hezbollah, voire l’Iran...

« Dans le même temps, cette transformation se fera aux dépens de la contre-insurrection et du contre-terrorisme.

» “Je pense que si vous êtes Al-Qaida, ISIS, vous allez sauter de joie parce que cela signifie que l'armée aura moins de forces spéciales pour faire face à eux”. ».

Maloof développe sa pensée en introduisant en plus l’idée que cette myriade de bases constituent des cibles faciles et catastrophiques pour les USA, de la part de leurs divers adversaires répertoriés. On pourrait même ajouter, en cas de conflit majeur, des cibles pour la Russie et pour la Chine... Alors, que faire, sinon abandonner ces bases et réduire d’autant le personnel qui y est affecté, contribuant ainsi à réduire l’ampleur du problème du manque d’effectif des forces armées ? C’est l’idée de Maloof.

« J'espère que nous n'en arriverons jamais là. Nous [les États-Unis] devons retirer nos troupes. Nous devons fermer un grand nombre de nos bases parce qu'elles attirent les tensions et font des ravages dans le monde. Elles ne sont plus nécessaires. Regardez le Moyen-Orient. Nous avons 35 bases autour de l'Iran. Elles sont censées servir à la dissuasion. Mais nous avons vu que la dissuasion ne fonctionne pas au Moyen-Orient. Et maintenant, elles deviennent des cibles privilégiées. Elles deviennent le talon d’Achille américain en raison de leur exposition. »

Le problème des innombrables bases américanistes dans le monde devrait très vite devenir un point très intéressant du dilemme des ‘1000-et-1-bases’. Des pressions très différentes, venues de partis eux-mêmes différents, vont s’exercer dans le même sens pour l’abandon de bases, – cette chose, “l’abandon de bases”, constituant pourtant une sorte de monstruosité hérétique pour le Système, le DeepState, l’hégémonie, etc. On se trouvera très vite pris entre la diminution de personnel disponible et l’évolution de nombre de pays du Sud Global qui deviennent excédés de l’hégémonie gâteuse des USA et donc de la présence de bases US chez eux, avec la prime d’attaques régulières de divers groupes de terrorisme ou de résistance, – selon l’orthographe qu’on affectionne...

Ces bases sont aussi bien le nœud gordien que le talon d’Achille des USA, et également un probable terrible enjeu de l’affrontement que Trump va devoir ouvrir dès son élection, s’il est élu. Des voix vont s’élever pour demander que ces soldats en mission du type ‘Déseret des Tartares’ seraient bien mieux à tenter d’assurer l’ordre sur la frontière Sud des USA. En attendant, elles constituent d’énormes pompes à fric qui ponctionnent le gigantesque budget du Pentagone et rendent extraordinairement difficiles le rééquipement des forces selon de nouvelles missions, leur modernisation, voire même les tentatives de réorganisation.

L’US Army encense la Russie et son armée

L’US Army encense la Russie et son armée

• Surprise, surprise : l’armée russe et derrière elle l’industrie de l’armement russe, tant décriées, méprisées, moquées, s’avèrent être un modèle pour l’U.S. Army. • C’est le chef d’état-major de l’U.S. Army et sa ministre qui l’affirment devant un groupe de journalistes US accrédités au Pentagone. • C’est donc une déclaration tout à fait officielle : l’armée US va se restructurer selon les normes que l’armée russe a développées en Ukraine. • Les deux officiels ne ménagent pas leur appréciation élogieuses pour les capacités d’adaptation et l’efficacité des Russes en Ukraine. • Voilà, c’est aussi simple que cela et il suffisait de le constater.

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Viendra-t-il un jour le temps où l’on pourra confronter ces armées d’imbéciles, bien plus fournies que nos forces militaires, qui, pendant deux ans, on vomi des torrents de mensonges et de bêtises sur la Russie et son armée tout au long de nos diverses lucarnes électroniques emplies de bavardages bienpensants ? Consentiront ils à nous débarrasser, avec des cuillers argentées s’il le faut, peut-être après nous avoir hypnotisés, de cet océan de merde qu’ils ont déversé pour célébrer les vertus morales de notre civilisation devenue modèle militaire et armé du simulacre universel ? Peut-être, peut-être, – sans doute certainement pas...

En attendant, il se trouve, ô étrange situation, que le général et chef d’état-major de l’U.S. Army le général Randy George, assisté de sa ministre Christine Wormuth, ont égrené lundi pour les journalistes spécialistes de la défense à Washington (le ‘Defense Writers Group’) les innombrables vertus et coups d’éclat de l’armée russe et de l’industrie russe dans la guerre en Ukraine, – dont il est urgent que les États-Unis et l’univers américaniste-occidentaliste s’inspirent...

« La Russie ne doit pas être sous-estimée, car son armée a montré sa capacité d'adaptation et le pays a développé sa base industrielle dans le contexte du conflit avec l'Ukraine, a déclaré le chef d'état-major de l'armée américaine, le général Randy George.

» Les forces russes “s’adaptent et apprennent” au milieu des combats avec l’armée ukrainienne, a-t-il déclaré. Le chef d’état-major a souligné les progrès de la Russie en matière de drones, de munitions errantes et de guerre électronique.

»  “Ne sous-estimez pas votre ennemi. Ce n’est jamais un bon point de départ”, a souligné George, admettant que Moscou a « très bien réussi en injectant de l’argent et de l’énergie dans [sa] base industrielle. »

Dons, comme annoncé plus haut et suivant les nouvelles consignes de pensée et de langage, sa ministre Christine Wormuth a renchéri sur les trouvailles de son général et l’apologie des méthodes et des conceptions russes. Il s’agit de liquider la profonde réorganisation effectuée en 2001-2005 de l’U.S. Army, alors transformée en une force antiterroriste et contre-insurrectionnelle suite à l’attaque du 11-septembre, le reste étant laissé aux brillantes techniques de subversion du type ‘regime change’ inspirées par le théoricien George Soros et sa constellation d’ONG.

Tout cela passe au second plan, et le Pentagone change brusquement de perspective. L’armée de type conventionnel, celui qu’on veut à nouveau organiser aujourd’hui, est un retour, dans des conditions infiniment plus réduites, à ce qui existait jusque dans les années 1990, pérennisant ainsi le caractère américaniste de l’incapacité de se fixer sur toutes les exigences d’une situation générale pour sauter d’une spécialisation à l’autre au gré des circonstances, mené par les événements (que les USA eux-mêmes ont contribué à déclencher !). C’est le serpent qui se mord la queue ou le mouvement perpétuel de la (r)évolution orbitale, avec une dégradation des capacités à chaque orbite réalisée, donc une orbite en spirale descendante et destructrice.

Désormais, on fait du lourd et on s’inspire des trouvailles admirables des armées et industries d’armement russes ! Comme quoi, ceux qui jugent que la guerre en Ukraine n’a aucun sens se trompent considérablement : elle accélère en la mettant en évidence la crise des forces armées américanistes.

« Parmi les autres invités de marque à l'événement figurait Christine Wormuth, secrétaire de l'armée américaine, qui a reconnu que la Russie s'était montrée capable de régénérer sa base industrielle, malgré les sanctions imposées par l'Occident.

» Wormuth a également insisté sur le fait que le Pentagone avait beaucoup appris des combats entre Moscou et Kiev. « Nous nous éloignons de la lutte contre le terrorisme et la contre-insurrection ; nous voulons être prêts pour des opérations de combat à grande échelle », a-t-elle déclaré. »

Tout cela se fera, nous disent les George-Wormuth grâce à une réduction des effectifs de l’U.S. Army, passant de 494 000 soldats aujourd’hui à 470 000 en 2029. Il y eut un certain remous chez les journalistes et dans les médias (notamment The Hill et Fox News ) devant cette annonce, qui correspond un peu trop bien à la réduction dramatique des engagements prévus par le Pentagone (55 000 en 2023 contre le but affiché de 65 000 enrôlements).

Les chiffres officiels eux-mêmes sont largement suspects  par rapport aux réalités de forces armées plongées dans une colossale crise d’effectifs autant qualitative que quantitative, due autant à l’abaissement dramatique du niveau des volontaires, à l’absence du nombre de volontaires attendus et aux exigences du programme wokeniste de la diversité raciale et genrée.

Une critique en règle

SputnikNews’ a confié à l’un de ses collaborateurs extérieurs expérimenté par sa profession dans les pratiques du Pentagone l’analyse critique de cette restructuration. Il s’agit de Michael Maloof, ancien analyste principal des politiques de sécurité au cabinet du secrétaire à la Défense, à ce même Pentagone. Pour lui, cette réorganisation est une impasse, autant du point de vue du concept technique et stratégique que, – surtout, – du point de vue des moyens disponibles. Il a commencé par un constat général qu’une seule expression (“une fois de plus”) exprime la fatigue du constat d’une (r)évolution une fois de plus réalisée au nom d’une erreur précédente qui avait elle-même été présentée, “une fois de plus”, comme une (r)évolution : 

« Ils se tournent une fois de plus vers le type de guerre conventionnel plus ancien sur les champs de bataille, comme celui auquel ils assistent actuellement en Ukraine. »

• Maloof commence par un classique, quelque chose qui, aujourd’hui, est dans tous les esprits, y compris dans ceux de nombre de commentateurs. Cette remarque est particulièrement efficace, si l’on mesure l’extraordinaire chaos d’insécurité et d’incivilité qui s’est répandu dans tous les États-Unis, et notamment dans nombre d’États qui  ne se trouvent pas sur le frontière Sud mais qui se trouvent sous administration démocrate.

Implicitement selon notre appréciation, il s’agit de la suggestion que les forces armées devraient être restructurées, – et comment ? Et dans quel sens ? – d’abord dans le but d’assurer la sécurité de la frontière Sud, cette immense passoire de désordre, de bandes illégales de hors-la-loi, d’un flot ininterrompue de drogue qui tue les citoyens américains (d’ailleurs et “en priorité”, ceux des minorités noires et latinos).

«  Nous avons eu 23 ans de guerres sans fin. Et le peuple américain en a vraiment assez. De plus, maintenant nous essayons de soutenir les guerres des autres au détriment de notre propre sécurité nationale en négligeant nos propres frontières. »

• ... Et, là-dessus, toutes les questions concernant la préparation d’une guerre de haute intensité, – où les USA sont en position de défaite probable, – contre la Russie et la Chine ? Pourquoi ? Dans quel but précisément pour ce qui concerne le bien-être et la sécurité des citoyens américains ? La recherche d’une coopération n’est-elle pas une voie plus raisonnable ?

« Une confrontation avec la Russie ou la Chine se terminerait mal pour l’armée. Nous n'allons jamais rassembler suffisamment de troupes pour contrer ce que la Russie est capable de rassembler, ou la Chine, ou une combinaison des deux. C'est suicidaire et c'est fou. Nous devons travailler ensemble dans ce monde et avec une saine compétition, non pas militaire mais économique.

» Nous devons reconnaître le fait que des pays comme la Russie et la Chine ont des capacités. Et ils sont désormais, et en particulier la Russie, très expérimentés au combat. Nos troupes ne le sont pas. Elles n'ont été impliquées que dans des contre-insurrections. Et s'ils veulent, des guerres à grande échelle, la Russie est à la hauteur. Elle l'a démontré. J’ignore si c'est la direction dans laquelle nous voulons aller et dans quel but. »

• Concernant la question de la réforme structurelle de l’U.S. Army elle-même, s’il accepte bien entendu la démonstration faite par la Russie du retour des grandes guerres conventionnelles demandant des structures et des groupes d’intervention à mesure, Maloof adopte complètement comme autre raison principale l’énorme crise de recrutement dont les effets peuvent être atténués par la restructuration. Il décrit ainsi un véritable enfermement des forces armées américaines dans des nécessités structurelles qui sont bien plus la marque de leur crise profonde qui les frappe de tous les côtés.

« Lorsqu'on lui a demandé si la refonte était motivée par un manque de troupes, Maloof note que “le recrutement aux États-Unis a été en baisse dans tous les services, à l'exception du Corps des Marines”.

» “Les jeunes ne se ruent pas vers l'armée”, a-t-il déclaré. “Et la seule façon de les faire entrer dans le service sera par une conscription, en ressuscitant la conscription. Et le peuple américain ne veut absolument pas de la conscription. Il n'en voit pas la nécessité”. »

• Envisageant l’avenir, avec le secret espoir que l’on passe à une administration Trump, Maloof pense à une restructuration dépassant largement le cadre de l’U.S. Army, mais concernant toutes les forces armées et le domaine de la sécurité nationale. C’est faire allusion au grand défi qui attend Trump, face à l’appareil de sécurité nationale et à l’État profond auquel évidemment les forces armées sont liées.

Du coup, Maloof définit implicitement son appréciation critique de la réforme de l’U.S. Army. Peut-être a-t-elle un sens, sans aucun doute a-t-elle la vertu de reconnaître la puissance réelle de l’armée russe, – mais au-dessus de cela trône sa conviction quelle doit être surtout envisagée comme une partie au sein d’une réforme complète de l’appareil de sécurité nationale, de sa stratégie, de la répudiation définitive de la politiqueSystème., et donc déterminée en fonction d’un tel comtexte...  Vaste programme !

« Alors que la Russie, la Chine, l’Iran et d’autres économies émergentes cherchent à renforcer leur collaboration en Eurasie en termes d’infrastructures et de développement économique, Washington recherche de nouveaux accords de défense et cherche à contenir la Chine et la Russie.

» “Je pense donc que l'accent sera probablement repensé une fois de plus, surtout s'il y a un changement d'administration. Parce que nous ne pouvons pas continuer à avoir des confrontations avec d'autres puissances nucléaires, comme la Chine et la Russie. C’est tout simplement insensé", a conclu Maloof. »

 

Mis en ligne le 1er mars 2024 à 10H55

RapSit-USA2024 : Perspectives suprêmes

RapSit-USA2024 : Perspectives suprêmes

…On devrait parler d’un “ Trump vs CIA & Co” éventuellement élu en novembre prochain, c’est-à-dire une élection en dépit de l’opposition “CIA & Co”, pour exposer une hypothèse centrale de la vie politique US en 2024, et nullement de Trump en particulier qui reste plus que jamais un « cocktail-Molotov humain » lancé contre l’establishment. Il s’agit de ce Trump qui a entrepris une chevauchée triomphale dans les primaires, avec une dernière victoire considérable (60% contre 40%), le 27 février, sur sa “rivale” Nikki Haley dans le Michigan qui n’est pas un État où Trump peut prétendre à une grande popularité. Ce démarrage en trombe a transformé les craintes de l’‘État profond’ en une inquiétude proche de la panique.

C’est évidemment dans ce contexte qu’il faut placer un article de ‘Politico’, – une publication en ligne très influente à Washington et relayant souvent des courants officiels, –article manifestement commandité par la “communauté du renseignement”, dont la CIA et le FBI principalement, dans sa démarche anti-Trump,. Ces sources télécommandées décrivent une offensive terrifiante d’un éventuel président Trump-2.0. contre leur communauté.

« L’ancien président américain Donald Trump est “susceptible” de lancer des réformes radicales de la communauté du renseignement américain s’il est réélu en novembre, suscitant les inquiétudes des agences qui l’accusaient autrefois sans fondement de liens avec la Russie.

» Politico a interrogé 18 responsables du renseignement – dont plusieurs anciens nommés par Trump qui se sont ensuite révélés ses critiques virulents – dans un article publié lundi, avertissant qu’une éventuelle purge pourrait “saper la crédibilité du renseignement américain”.

» “Trump a l’intention de s’en prendre à la communauté du renseignement”, a déclaré un ancien haut responsable du renseignement. “Il a déjà commencé ce processus et il va le poursuivre. Une partie de ce processus consiste à expulser les gens et à les punir”.

» Le nouveau président remplacerait “les personnes perçues comme hostiles à son programme politique par des loyalistes inexpérimentés”, a résumé Politico pour décrire les affirmations des critiques de Trump.

» Les deux personnes spécifiquement citées étaient l’ancien directeur par intérim du National Intelligence (DNI) Richard Grenell et son assistant Kash Patel, qui ont joué un rôle clé dans la déclassification des documents sur les origines du Russiagate.

» Parmi les autres personnes nommées par Trump devenues critiques interviewées dans l’article figurent l’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton et Fiona Hill, l’une des principales conseillères pour la Russie au Conseil de sécurité nationale – et témoin contre Trump lors de son procès en destitution à propos de l’Ukraine. »

Politico’ a voulu tout de même glisser un bémol (de taille), – mais un bémol parmi tant d’autres, – dans cette crucifixion du président Donald Trump 2016-2020. Pour cette démarche, il rappelle notamment et essentiellement le montage grotesque et rocambolesque, qui plus est réalisé d’une façon d’amateurs arrogants, que fut et reste (on parle de la relancer !) l’affaire abracadabrantesque du ‘Russiagate’.

Il rafraîchit la mémoire de ceux qui ont des difficultés à remonter en-deça de la scintillante présidence de Joe Biden, pour comprendre un tant soit peu le défilé fou des événements aux USA, dans la phase crisique actuelle... Que les lecteurs en fassent leurs choux maigres pour nuancer a minima le jugement de condamnation sans appel que l’esprit du temps, dans ses sphères dirigeantes américanistes-occidentalistes, fait de Donald Trump avec l’arme argumentaire principale de l’anathème hystérique.

« Politico a reconnu que l’hostilité de Trump à l’égard de la communauté du renseignement était liée au tristement célèbre document affirmant que la Russie avait “interféré” dans les élections de 2016 contre Hillary Clinton. Il cite l'ancien responsable du FBI, Andrew McCabe, défendant l'inclusion du soi-disant dossier Steele – produit par un ancien espion britannique payé par la campagne Clinton via des découpes – dans l'annexe comme une simple argumentation raisonnable.

» Même si le FBI a rapidement découvert que le dossier était faux et qui l’avait financé, il a continué à l’utiliser pour espionner la campagne et la présidence de Trump.

» Lorsque Trump a contesté l’évaluation des renseignements – rédigée non pas par les 17 agences, mais par un groupe trié sur le volet de loyalistes de l’administration Obama – lors du sommet de juillet 2018 avec le président russe Vladimir Poutine, les espions ont estimé que “jamais auparavant il n’y avait eu de commandant en chef de cette sorte”, qui avait ainsi publiquement délégitimé leur travail. Dan Coats, DNI de Trump, a déclaré à Politico que cela l’avait incité à offrir sa démission en février 2019 – qui a finalement été acceptée en août de la même année. »

On continue dans cette veine avec les attaques contre Trump développées dans l’article, par ces diverses sources des services de renseignement qui se posent en défenderesse de l’efficacité et de l’objectivité des services face à cette agression à venir. Lorsqu’on a à l’esprit les performances totalement distordues, totalement partisanes en faveur de l’establishment et de la politiqueSystème, grandes ouvertes à la corruption, avec les analyses volontairement et involontairement faussaires et les prévisions catastrophiquement erronées de ces services durant les dernières décennies depuis 1991, et surtout depuis 2015-2016 et la guerre anti-Trump qu’ils ont menée avec l’impudence et l’impunité qu’on sait, on peut mesurer la valeur de leurs interventions et, a contrario, en déduire la vigueur de la panique qui les a saisis. 

« “Il veut transformer la communauté du renseignement en une arme à son profit”, a déploré Hill. “S'il détruit les informations sur une chose, il nous aveuglera partiellement“.

» Plusieurs responsables anonymes ont déclaré que les éventuelles purges de Trump pourraient mettre en péril “les sources et les méthodes” utilisées par les espions américains et saper la confiance que les alliés américains ont en Washington, que l’administration Biden s’est efforcée de reconstruire. En décembre dernier, un diplomate d’un pays membre anonyme de l’OTAN a décrit la réélection de Trump et la purge de l’appareil administratif américain comme une “option apocalyptique”.

» D’autres craignent que la nomination de personnalités “controversées” n’entraîne la démission de fonctionnaires et de personnel compétents.

» “Il y a des milliers de personnes qui se cassent le cul, souvent dans des endroits dangereux, et qui sacrifient beaucoup pour le pays. Et voir leur travail simplement rejeté par un commandant en chef est tout simplement décourageant”, a déclaré Jon Darby, ancien directeur des opérations à la National Security Agency (NSA), à Politico. »

Un affrontement inévitable

Il est raisonnable de considérer cet article de ‘Politico’, avec toutes les caractéristiques qu’on a signalées, comme très significatif, par rapport notamment à la chronologie (très tôt dans la campagne présidentielle) et à l’hypothèse qu’il implique (victoire de Trump à l’élection de novembre prochain). Son contenu, la vastitude de la contribution volontaire de sources du renseignement pratiquement identifiées par les connaisseurs, donc à considérer quasiment comme des porte-paroles officiels des services, en font une véritable déclaration de guerre et une sorte de “serment des Horaces” qui s’intéresse assez peu à la démocratie : “Nous ne laisserons pas se faire votre (ré)élection”.

C’est une arme et une attaque à double tranchant :

• D’une part, elle proclame la résolution irréfragable de mettre en place tous les moyens pour torpiller l’élection  et, éventuellement si cette première attaque échoue, de faire fonctionner les services de renseignement comme une machine de guerre partisane contre celui qui serait le président-élu.  Cela constitue un amusant renversement des culpabilités puisque c’est affirmer, l’aveu circonstancié précédant la preuve, que les services feront tout ce qu’ils reprochent sans la moindre preuve à Trump 2016-2020 d’avoir fait contre eux. Certes, on ne peut que conclure, comme le fera sans surprise excessive l’équipe Trump : “A bon entendeur, salut”.

• D’autre part et à l’inverse pour son parti, la coalition anti-Trump de la communauté du renseignement donne un argument supplémentaire, et un argument décisif, à l’équipe Trump éventuellement devenue administration Trump-2.0, pour conclure qu’il y aura immédiatement une bataille existentielle entre cette possible-probable administration et la communauté. Cela ancre Trump dans une position extrémiste d’affrontement avec la force la plus puissante de l’appareil de sécurité nationale et de l’État profond à Washington D.C. Les conditions seront très différentes de la bataille de 2016-2020, où Trump commit un nombre de fautes incroyables dans le choix de ses collaborateurs, dans l’exercice de son autorité, dans la confusion de ses jugements, dans la bataille elle-même. On peut croire qu’il en sera d’une toute autre façon, où Trump sait qu’il y aura cette bataille existentielle, qu’il a acquis une expérience considérable, qu’il a pu identifier et rallier des collaborateurs expérimentés et compétents, – toutes choses inexistantes chez lui en 2016.

... Et surtout, pour ce dernier point, il y a la différence abyssale du contexte mpolitique. Lorsqu’on considère les choix et les circonstances de 2016, et ceux d’aujourd’hui, on est stupéfaits de la différence et du changement ultra-rapide en train de s’opérer chez les républicains, – qui deviennent bien plus que “le parti de Trump”, mais le parti des néo-isolationnistes populistes. Le départ annoncé avant-hier du puissant sénateur et chef des républicains au Sénat Mitch McConnell marque un tournant dans le parti et la fin des RINO (‘Republicans in Name Only’) complices des démocrates pour former le “parti unique” qui portait la politiqueSystème. Des collaborateurs du calibre des néo-républicains et ex-démocrates populistes, – d’une Tulsi Gabbard, d’une Kristi Noem ou d’un Rawaswamy comme candidats et possibles VP (à la place de l’incroyable choix de Mike Pence en 2016), d’experts très actifs tels que les dissidents venus de la CIA (Larry Johnson), de l’armée (le colonel Macgregor), – tout cela a une autre allure que le groupe disparate et sans choix réellement politique de 2016.

Note de PhG-Bis : « J’ignore, dit PhG, si les Européens lucides suivent vraiment cet aspect essentiel de la situation politique US, – c’est-à-dire que je le sais bien et que je déplore que non... J’ai entendu l’excellent Emmanuel Todd, auteur du non moins excellent ‘La défaite de l’Occident’, nous parler de l’absence complète d’importance de l’élection éventuelle de Trump. Je suis bien malheureux qu’il en soit encore au schéma du “parti unique” (“les républicains et les démocrates sont les deux faces de la même pièce”)... Il est vrai que les choses vont vite, quasiment en hypersonique, à Washington D.C. »

Il ne fait aucun doute que l’élection de Trump, – d’ailleurs qu’il soit élu ou non, du fait de la puissance du mouvement qui s’est servi de lui pour se constituer, – donc, il ne fait aucun doute que l’élection de 2024 en soi sera le champ du début d’une bataille titanesque entre le Système (l’establishment, l’État profond, la communauté du renseignement, le complexe militaro-industriel, – tout ce qu’il vous plaira) et cette nouvelle force populiste-trumpiste, structurée par des personnalités d’une puissance énorme dans leurs domaines (Tucker Carlson, Elon Musk). On peut avancer l’hypothèse qu’il s’agira d’un tournant essentiel dans l’évolution de la GrandeCrise.

Il y a quelques temps, – quelques semaines, pas plus, – on pouvait dire qu’il s’agissait des nationalistes contre les globalistes... Plus maintenant : il s’agit désormais de l’enjeu de la civilisation dans sa totalité, voire du concept de civilisation. On ne dit pas qui l’emportera, si Trump sera élu, etc., – toutes choses accessoires parce que simples moyens de faire se mouvoir l’Événement, – mais on sait que l’ordre ancien sera balayé et remplacé par quelque chose d’autre, comme à la fin d’un cycle, – et nul ne sait ce que ce sera, quelque part entre le goulag électronique global et l’arrangement inédit et harmonieux des affaires du monde.

 

Mis en ligne le 28 février 2024 à 12H50

Histoire de notre soumission au parti démocrate US

Histoire de notre soumission au parti démocrate US

L’excellent Joe Biden, si gâteux et impopulaire qu’il soit at home, peut exiger ce qu’il veut de ses sujets européens ; même Obama n’osait pas – n’osa pas – aller si loin ; il est vrai que cette soumission est suicidaire et risque d’être génocidaire, et qu’elle est donc limitée dans le temps et dans l’espace : mais par haine rabique de la Russie et soumission social-démocrate aux intérêts US en Europe, on peut benoîtement demander à un continent de crever. Toute la classe politique obtempère et finalement aussi son électorat ; car possible n’est pas européen, par les temps qui courent.

Il y a quelques années j’avais publié sur fr.sputniknews.com un texte de rappel repris par Médiapart : Trotsky soulignait la soumission des socialistes Européens aux yankees.

« Contrairement à ses disciples archéo-crétins ou néo-cons, Léon Trotsky est souvent irréprochable sur le terrain de l’analyse: voyez ce qu’il dit de Léon Blum dans son journal! Sur l’actuelle soumission de l’Europe, on peut lire ces lignes prononcées en juillet 1924:

« Le capital américain commande maintenant aux diplomates. Il se prépare à commander également aux banques et aux trusts européens, à toute la bourgeoisie européenne. C’est ce à quoi il tend. Il assignera aux financiers et aux industriels européens des secteurs déterminés du marché. Il réglera leur activité. En un mot, il veut réduire l’Europe capitaliste à la portion congrue… »

Trotsky confirmait une balkanisation de l’Europe voulue par les USA :

« Déjà, dans les thèses pour le 3e congrès de l’I. C., nous écrivions que l’Europe est balkanisée. Cette balkanisation se poursuit maintenant. »

Trotsky soulignait aussi le risible «mot d’ordre d’émancipation » si caractéristique de l’invraisemblable cruauté américaine (Tocqueville ou Beaumont en parlaient déjà : pour liquider les indiens ou exploiter les noirs, faites tonner les juristes) :

« L’histoire favorise le capital américain: pour chaque brigandage, elle lui sert un mot d’ordre d’émancipation. En Europe, les États-Unis demandent l’application de la politique des “portes ouvertes”… Mais, par suite des conditions spéciales où se trouvent les États-Unis, leur politique revêt une apparence de pacifisme, parfois même de facteur d’émancipation. »

J’ajoutais :

« Trotsky affirme que le meilleur allié des Etasuniens dans cette infecte inféodation des Européens n’est jamais la droite, quelque couards et stupides que puissent être ses politiciens! Non, le meilleur allié du ploutocrate américain, c’est la gauche, c’est la social-démocratie. Et c’est le Révolutionnaire du siècle passé qui l’écrit :

« Pendant ce temps, l’Amérique édifie son plan et se prépare à mettre tout le monde à la portion congrue… La social-démocratie est chargée de préparer cette nouvelle situation, c’est-à-dire d’aider politiquement le capital américain à rationner l’Europe. Que fait en ce moment la social-démocratie allemande et française, que font les socialistes de toute l’Europe ? Ils s’éduquent et s’efforcent d’éduquer les masses ouvrières dans la religion de l’américanisme; autrement dit, ils font de l’américanisme, du rôle du capital américain en Europe, une nouvelle religion politique. »

Il faut reconnaître que l’élan trotskiste, si juste qu’il soit, doit être nuancé : les Européens ont méprisé Bush (c’était encore autorisé) puis craché sur Trump, qui ne leur avait fait aucun mal ; et ils divinisent Biden, qui ne demandent que leur mort – ainsi il est vrai (Davos-City oblige) que la mort des USA. Kunstler comme Brandon Smith nous le font comprendre.

Biden incarne le complexe décrit jadis par Rothbard : welfare state et warfare state. Un Etat belliqueux, dépensier, interventionniste, tentaculaire et démentiel est la marque aujourd’hui de l’Amérique démocrate comme de son atroce ersatz de colonie européenne : l’Europe n’est pas le petit cap de l’Asie du vénéré Paul Valéry, mais bien celui de notre Amérique woke et écolo-gauchiste, étatiste et belliciste (voir les «dibbouks» de Kunstler) qui peut en faire l’usage ordurier qu’elle désire.

C’est que le parti démocrate est le parti préféré des Français et des Européens ; c’est le parti dit-on du social et des minorités (bientôt majoritaires partout en « occident »), le parti des écologistes et des LGBTQ et le parti surtout de la guerre à mort contre la Chine et la Russie. Quand Obama fit soi-disant tuer le Ben Laden de service, Kagan se rengorgea et se dit que l’on pouvait enfin mener une guerre messianique d’extermination contre ce reste du monde pas sûr pour la démocratie…

En France terre des droits de l’homme et des guerres en boucle on honore surtout le parti démocrate. Le téléphage froncé voulait dans les sondages de 2020 voter à 91% pour Biden contre Trump qui lui garantissait la paix et l’énergie peu chère (mais on ne refera pas les Français). On honore la mémoire de Roosevelt (Franklin Delano), de Wilson donc ou de Kennedy. On y a déifié Obama en France, qui a démoli la Libye, peuplé l’Europe de migrants, et qui a déclenché les hostilités finales contre la Russie en 2014, tout en recevant un prix Nobel à Stockholm et en déclenchant sur ordre écolo-bancaire la liquidation de nos industries.

Ce parti démocrate mène notre continent à sa perdition avec sa troisième guerre mondiale contre la Chine et la Russie ; il mène l’Europe à sa ruine totale et il livre l’Amérique aux hordes ethniques comme on dit, au lobby LGBTQ et à la faillite financière via la dette – le tout sur fond de hausse infinie et arrogante de la bourse-IA.

C’est lui qui peuplé donc de «dibbouks» (Kunstler toujours) a créé sous Wilson (élu grâce à une division des républicains et à une participation abusive et sans doute contrôlée de Théodore Roosevelt aux élections présidentielles de 1912) la Banque Fédérale avec les Warburg, c’est lui qui a liquidé le libéralisme américain et renforcé et créé l’Etat moderne (voyez l’ouvrage collectif de Denton, voyez Jonah Goldberg ou Hans-Hermann Hoppe, voyez Garet Garrett), c’est lui qui a militarisé la nation et créé les mille bases, c’est lui a créé la Deuxième Guerre Mondiale et réduit l’Europe à la portion congrue, c’est lui qui avec Truman a rasé Hiroshima-Dresde-Nagasaki, créé la guerre froide contre la Russie (génial Ralph Raico) et c’est lui qui a fait la guerre pendant dix ans au Vietnam, guerre inutile, assassine et cruelle. Mais c’est lui qui est adoré. On ne se refait pas. Et ce parti en même temps qu’il veut une guerre d’extermination contre la Russie et la Chine désire remplacer la population (quel que soit le pays qu’il contrôle) et liquider agriculture et industrie (Harris-Kerry).

Et c’est normal puisque c’est le parti non pas du chaos mais de la mort.
L’occidental des temps de la Fin est tourné vers l’obscurité, disait Guénon, il adore la mort.
Et on ne parlera pas de JFK.

On répètera encore avec Trotski :

« Pendant ce temps, l’Amérique édifie son plan et se prépare à mettre tout le monde à la portion congrue… La social-démocratie est chargée de préparer cette nouvelle situation, c’est-à-dire d’aider politiquement le capital américain à rationner l’Europe. Que fait en ce moment la social-démocratie allemande et française, que font les socialistes de toute l’Europe ? Ils s’éduquent et s’efforcent d’éduquer les masses ouvrières dans la religion de l’américanisme; autrement dit, ils font de l’américanisme, du rôle du capital américain en Europe, une nouvelle religion politique. »

Et comme on adore mourir pour ces religions politiques…

Apologie de Macron

Apologie de Macron

28 février 2024 (13H00) – Le gamin a fait des vagues. Il est content et sa maman l’a certainement félicité, avec quelques gâteries à l’appui ; au fond, j’en suis sûr, tout au fond de lui-même il jubile. Alors, on le prend au sérieux, non ? Ce n’est pas de Gaulle, mais bon, – pas si loin, dans un autre style, plus pentu en un sens, plus de sorties en boite à partouze, plus hussard que cuirassier, tel le Céline des quartiers chics et de “la banque” (comme on disait du temps des 200 Familles qui faisaient ‘Les grandes Familles’)... Ni slalom géant ni slalom spécial, – mais “un slalom de dingue” ! Et puis un côté “La Garde meurt mais ne se rend pas” ou conseiller financier de la division SS ‘Charlemagne’ qui défend son Führer-Zelenski jusqu’à son dernier bunker.

Moi j’avoue, au départ je ne l’ai pas pris au sérieux, c’est-à-dire au tragique. Quand j’ai lu la nouvelle, – s’il le faut on bouffera du moujik au petit déjeuner, – je me suis dit :“C’est du vrai Macron, rien à dire” Et puis : “Ca va nous faire une Troisième dernière ? Et alors ? Tout a une fin et il faut savoir, comme dit le grand poète Charles Aznavour, ‘quitter la scène’”.

Et puis, je me suis pris un peu plus au sérieux en prenant Macron un peu plus au sérieux. Et s’il y pensait vraiment ? Si son hypothèse, toute encombrée qu’elle est d’ambitions et d’arrogances accessoires, comme celle, dérisoire, de présider au destin de l’Europe, était fondée sur la perception qu’il faut se préparer à prendre les armes directement contre l’envahisseur barbare venu du fond des grandes steppes désolées ? A y penser, diable, cela est très possible. Il est, je veux dire qu’il devrait être notoire que Macron est l’homme le plus mal informé de France de la situation réelle en Ukraine, manquant de maturité et de culture dans une mesure telle qu’il est bien incapable de comprendre ce qu’est la force inhérente et métaphysique de la Russie, comme le caractère catastrophique du conflit nucléaire. Toutes ses sources, qui lui font croire à la puissance de son information, sont toutes orientées et filtrées par ses courtisans de façon à lui faire entendre la seule musique que ses oreilles acceptent. Par conséquent, la conviction est loyale, la franchise est complète, l’imbécile s’exprime sans entraves.

Cela n’empêche qu’on n’a pu empêcher qu’arrivent jusqu’à lui les  bruits des victoires russes depuis Avdeyevka et soudain se sont emparées de lui, successivement, – la panique de voir la marche victorieuse des Ukrainiens jusqu’à Moscou et au-delà soudain entravée, – et l’ivresse d’être celui qui volerait au secours de ceux qui sont ainsi frappés par l’infamie. Sa proposition est donc bien sérieuse et, sérieusement, elle fut prise comme telle. On put alors décompter les dissidents incurables (la Slovaquie en tête) et les pétochards révélés (Suédois, Polonais, Italiens, Allemands, Britts, Tchèques, etc. y compris cette grande courgette cuite à la vapeur de Stoltenberg de l’OTAN, – euh, à peu près tout le monde plus ou moins).

Le grand exploit de Macron, au niveau de la communication, ce fut d’engendrer la plus folle des séances Christoforou-Mercouris jamais vues, où l’on vit le second d’habitude sérieux comme un pape incapable de retenir des emportements échevelés entrecoupés d’éclats de rire nerveux sous les ricanements de satisfaction du premier. Je crois qu’ils se moquaient absolument et sans dissimulation et je n’en fus pas contrarié, écartant les derniers restes de mes élans de patriote un peu rance...

Le seul moment de sérieux est au tout début, avant de passer à la vitesse supérieure et de décrire l’état pourtant indescriptible du mélange de panique, de colère et de peur, des différents chefs de guerre européens :

Christoforou : « Alexander, je vais juste vous demander ce que vous faites de la déclaration de Macron...

Mercouris : « Oh, je pense que c’est une réaction de panique devant la façon dont la situation en Ukraine est en train d’accélérer hors de leur contrôle ... [...]

» Je voudrais juste ajouter un dernier mot : pour que Macron panique à ce point et ait convoqué cette réunion d’une façon si pressante, une telle précipitation suggère qu’ils ont reçu des informations d’Ukraine montrant que la situation est encore pire que celle que nous connaissons nous-mêmes, nous qui suivons les choses jour après jour, heure après heure... »

Et pourtant, cette page de journal que vous lisez prétend être une apologie... Et pourtant, il me faut bien justifier mon titre de façon décisive, n’est-ce pas ! Eh bien, je vais vous dire où, selon moi, se trouve “la vertu de Macron”, celle qui mérite une “Apologie”, quelque part entre et au-delà de ‘Apologie de Socrate’ et ‘L’Apologie de Raymond Sebond’. Nous y sommes.

C’est en ceci que Macron, avec son esclandre extraordinaire et sa panique qui ne l’est pas moins, – par les effets de raffut et d’agitation dialectique et médiatique obtenus, – a donné vie à l’hypothèse jusqu’alors considérée comme une ‘Fantasy’-bouffe d’une guerre directe contre la Russie. Il a poussé le bouchon un peu trop loin, et justement dépassant le stade de la ‘Fantasy’ pour atteindre celui de la réelle possibilité d’une guerre avec la Russie. Il a montré “dans le dur” l’extraordinaire impasse psychologique et opérationnelle où se trouvent l’Occident et la Russie par la faute entière et exclusive du premier, avec la seule “stratégie de survie” concevable si l’on suit la logique de l’escalade qu’instaurent ces projets, conduisant à l’extrême à rien de moins que l’enterrement à petites pompes de la survivance de l’espèce humaine. Comme trouvaille, cela vaut bien celle du transhumanisme, n’est-ce pas ?

Comprenez-moi bien : je n’applaudis pas à l’homme ni à son acte. Au contraire, je mets au crédit d’une intelligence si complètement pervertie qu’elle en devient stupidité et aveuglement complets, cette idée folle de la possibilité d’une guerre dont il serait le général commandant en chef, et ainsi, chemin faisant, et donc au crédit de cette même intelligence devenue stupidité et aveuglement complets, cette idée folle de la réalisation bien concrète dans les esprits de la possibilité en vérité opérationnelle de cette folie. Là est l’événement, le Grand Événement, involontaire, inconscient, irresponsable, – toutes ces vertus cardinales du mini-président en toc, – l’événement dont se sont aussitôt saisi les forces supérieures et terribles qui nous précipitent dans la GrandeCrise pour nous purger de tous  nos vices, bassesses et difformités infâmes.

Gloire au Camarade-Président Macron ! Il ne nous manque plus que son Petit Livre Rouge devenu Arc-en-ciel !

Car je prétends, moi, que c’est un pas en avant immense qui a été franchi, ce pas décisif où l’on brise avec panique, colère et grande peur un faux miroir, un terrible miroir déformant, qui vous renvoyait une image faussaire, trompeuse et sans pitié, un simulacre de réalité. Désormais, nous savons qu’il s’agit bien de la guerre... Et que cela nous ait été exposé par l’idiot dont parle Shakespeare n’a guère d’importance ; on dira que c’est “un idiot utile”, et voilà que tout est dit... « Une histoire, racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. »

« She [The Queen] should have died hereafter ;
There would have been a time for such a word.—
To-morrow, and to-morrow, and to-morrow,
Creeps in this petty pace from day to day,
To the last syllable of recorded time ;
And all our yesterdays have lighted fools
The way to dusty death. Out, out, brief candle !

Life's but a walking shadow ; a poor player,
That struts and frets his hour upon the stage,
And then is heard no more : it is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing
. »

« ...La vie n’est qu’une ombre errante ; un pauvre acteur
Qui se pavane et frétille une heure durant sur la scène
Et qu’ensuite on n’entend plus ; c’est une histoire
Racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur,
Et qui ne signifie rien
. »

Qui pourrait croire que la reine morte, – comme celle de Montherlant, – est la guerre à venir, et Macron un Macbeth transformé en idiot racontant sa propre histoire “qui ne signifie rien” ? Nous sommes dans les temps des grandes folies du monde.

À qui Poutine a-t-il parlé ?

À qui Poutine a-t-il parlé ?

À en juger par les réactions des médias occidentaux, l’interview de Poutine avec Tucker Carlson a suscité une grande confusion. Le plus terrible, du point de vue des rédacteurs du New York Times, du Washington Post et des autres suspects habituels, c’est que les Occidentaux – plus de cent millions d’entre eux – ont pu écouter Poutine parler. L’interview a permis de franchir un obstacle à l’information : les médias occidentaux ne sont pas autorisés à citer directement Poutine et doivent soigneusement déformer ses propos pour les faire correspondre aux récits occidentaux approuvés. Ils n’ont donc pas été en mesure d’aborder directement le contenu de l’entretien ; incapables de le citer, ils ont été contraints de recourir à des circonlocutions, des déformations et des insinuations. Heureusement, ils sont très doués pour cela.

Mais qu’en ont retiré les plus de cent millions d’Occidentaux qui ont regardé l’interview ? Se souviennent-ils avec émotion de l’année où le prédécesseur de Poutine, Vladimir le Grand, a baptisé les Russes ? (Comprennent-ils maintenant les subtilités juridiques de la dissolution de l’URSS et les promesses faites au moment de l’indépendance de l’Ukraine (qui ont depuis été violées de toutes les manières possibles ?) Qu’est-ce que c’était que ce cours d’histoire ?

Poutine semble avoir fait quelques recherches sur Tucker. Ce dernier a étudié l’histoire au Trinity College de Hartford, dans le Connecticut (mais n’a pas obtenu son diplôme). Étant donné que Tucker a été licencié en tant que journaliste et qu’il est actuellement au chômage (c’est-à-dire blogueur), Poutine a naturellement supposé que Tucker est un historien amateur avec une formation professionnelle incomplète qui est venu en tant qu’émissaire politique pour entendre quelques mots de sagesse de la part du dirigeant d’une grande nation sur un certain sujet spécifique – l’Ukraine. Par conséquent, Poutine a jugé parfaitement raisonnable de combler les lacunes de Tucker en lui présentant un bref aperçu des 1000 dernières années de l’histoire russe, en mettant l’accent sur le territoire qui, pendant les derniers 3 % de cette histoire, a été ppelé “l’Ukraine” ou “ukraine” ou “okraina”. Ce mot se traduit par “périphérie ; frange ; périphérie ; districts frontaliers ; districts périphériques ; terres marginales”. Cette définition soulève une question évidente : “L’ukraine/okrainа de quoi ?” De la Russie, évidemment !

Tucker a semblé déconcerté par la leçon d’histoire de Poutine. Toute sa stratégie, qui consistait à poser des questions provocantes et à s’esclaffer devant les réponses, avait déraillé et il ne savait plus quoi faire d’autre. Il est donc revenu à l’essentiel, c’est-à-dire, pour tout Américain, aux affaires. Et les affaires reposent sur L’art de la négociation, écrit par le seigneur et maître de Tucker, Donald Trump. Le pauvre Tucker en a donc été réduit à poser des questions évidentes : Poutine est-il prêt à négocier ? La réponse étonnante a été que, oui, la Russie n’a jamais refusé de s’engager dans des négociations et souhaite la paix et la prospérité pour tous.

En ce qui concerne le conflit ukrainien, la Russie a failli obtenir ce qu’elle voulait à Istanbul le 22 juillet 2022, mais le gaffeur Boris Johnson est intervenu et a dit aux Ukrainiens de déchirer l’accord et de se battre. Peu importe : si les États-Unis et l’OTAN voulaient mettre fin aux hostilités en Ukraine, il leur suffirait d’interrompre l’acheminement des armes et, quelques semaines plus tard, la guerre serait terminée.

Le 8 Février 2024, Club Orlov – Traduction du ‘Sakerfrancophone

 

Note du Saker Francophone

Depuis quelques temps, des gens indélicats retraduisent “mal” en anglais nos propres traductions sans l’autorisation de l’auteur qui vit de ses publications. Dmitry Orlov nous faisait l’amitié depuis toutes ses années de nous laisser publier les traductions françaises de ses articles, même ceux payant pour les anglophones. Dans ces nouvelles conditions, en accord avec l’auteur, on vous propose la 1ere partie de l’article ici. Vous pouvez lire la suite en français derrière ce lien en vous abonnant au site Boosty de Dimitri Orlov

L’OTAN tonne creux

L’OTAN tonne creux

27 février 2024 (17H00) – Ces derniers temps, divers événements de divers horizons ont obscurci les discours des communicants : la chute d’Adeyevka et l’offensive qui s’ensuit, le retentissement de l’“interview métahistorique”, l’historique vague d’enthousiasme qui porte Donald Trump, et d’autres événements de moindre importance, et d’autres encore. On sent bien que l’Ukraine craque de partout et que Zelenski n’est que l’ombre pâle de lui-même, et sa courte barbe bien dans la mode des élites occidentales est devenue celle du type mal rasé des matins de banlieues.

Ceci est curieux à relever, que la seule parole assez sage de ces heures courantes est venue d’un des dirigeants européens, un membre de cette junte infâme et illégitime dénoncée comme totalitaire, incompétente et usurpatrice. Josep Borrell , qui sent la retraite arriver, paraît comme s’il devait prendre ses distances du simulacre général. Lui, au moins, voit large, et ne s’en tient pas aux considérations sur la ligne de front ukrainienne qui, bien, entendu,  ne cesse de reculer. Alors, il écrit sur son site, son ‘blog’, comme l’on dit :

« Si les tensions géopolitiques mondiales actuelles continuent d'évoluer dans le sens de “l’Occident contre le reste”, l'avenir de l'Europe risque d'être sombre. L’ère de la domination occidentale est en effet définitivement terminée. Même si cela a été théoriquement compris, nous n'avons pas toujours tiré toutes les conclusions pratiques de cette nouvelle réalité”. Selon lui, l'opération militaire spéciale en Ukraine et le conflit à Gaza ont “considérablement accru ce risque” d'affrontement entre l'Occident global et le Sud global, déjà “observé au Sahel et ailleurs en Afrique”.

» Il souligne que de nombreux pays du Sud accusent l’Occident de “deux poids, deux mesures”. Borrell considère ce fait comme injuste et en accuse la Russie et sa propagande.

» “La Russie a réussi à profiter de la situation”, estime-t-il. “Nous devons revenir sur ce discours, mais aussi aborder cette question pas seulement avec des mots : dans les mois à venir, nous devons faire un effort massif pour regagner la confiance de nos partenaires. »

Réunion à Paris

Et puis il y a cette réunion à Paris, d’hier ; une réunion de remobilisation avec des participants sûrs et invités en nombre insaisissable, d’autres présents mais présentés plutôt comme observateurs assez sympas, – dont les USA et le Royaume-Uni. Ainsi, par exemple, ‘Le Point’ nous assure qu’il y dix-sept pays invités (précipitez-vous pour connaître les heureux élus si vous y parvenez) et il ajoute, comme si l’on parlait d’une seconde classe qui ferait un peu tapisserie, – mais dont on pourrait croire également qu’ils sont là, juste pour mettre un petit doigt de pied dans l’eau et sentir si elle n’est pas trop froide, et absolument pas prêts à gambader avec les autres dans des décisions inconsidérées :

« Par ailleurs, des représentants ministériels du Canada, des États-Unis (un adjoint du secrétaire d'État Antony Blinken), du Royaume-Uni (le secrétaire aux Affaires étrangères, David Cameron) et de la Suède ont confirmé leur présence. »

Pourquoi y eut-il des invités, dont deux européens notablement impliqués, et des représentants formant une sorte de délégation d'une 'Anglosphère' boudeuse, et puis peut-être quelques autres qui traînaient, – mystère et bulle de gomme... La réunion dura longtemps, du style très-macronien “le temps qu’il faudra”, et l’on en sortit avec diverses déclarations. Je cite au passage celle, assez prudente, du président polonais Duba, venu avec son premier ministre Tusk : les deux hommes se haïssent et se combattent mais sont d’accord sur la question de l’Ukraine, tandis que les tracteurs polonais bloquent le frontière ukrainienne.

« “Si nous parlons de fournir une assistance spécifique, chaque pays décide du type d'assistance qu'il fournit à l'Ukraine. L'envoi de soldats en Ukraine a fait l'objet d'une discussion animée et il n'y a pas eu de compréhension mutuelle absolue sur cette question. Les opinions divergent. Mais je tiens à souligner qu'il n'y a absolument aucune décision de ce type”, a déclaré M. Duda aux journalistes à l'issue d'une conférence sur le soutien à l'Ukraine, qui s'est tenue à Paris. »

Cette déclaration résume un sentiment assez général, parfois plus affirmé (celui du premier ministre slovaque, ayant annoncé avant de venir, qu’il excluait tout envoi de troupes en Ukraine), parfois assorties de quelques épines d’avertissement comme celle de Scholz affirmant qu’il n’est question ni d’envoyer des troupes, ni de livrer des missiles ‘Taurus’ à très longue portée.

Note de PhG-Bis : « Toutes ces impolitesses sur les invités, qui sont-ils, combien sont-ils, pourquoi des représentants seulement, ne sortent pas du seul caprice de PhG pour jouer avec les mots. Il y a une véritable impréparation, une improvisation complète, comme si une mouche les avait tous piqués... Comme si l’armée russe avait attendu la primaire de la Caroline du Sud pour faire tomber cette forteresse d’Avdeyevka. »

En réalité, – on vous le cachait jusqu’ici, avec un sens prodigieux du suspens,  – le maître de ballet, le ‘Führer’ de la soirée, était bien le personnage que vous attendez tous avec impatience. Je cède donc à la pression de l’évidence. Comme il y eut le McCarthysme qui tint en haleine le Congrès des États-Unis dans les années 1950, on peut avancer “avec l’audace qu’il faut” qu’il y avait hier soir le McMacrisme qui dominait la réunion des pays européens. Le président français se trouve aujourd’hui dans une position où il se sent comme une sorte de président européen à l’intérieur de l’OTAN, c’est-à-dire vice-président de la société OTAN et adjoint du patron qui est bien empêtré dans des querelles intérieures. Du pur gaullisme, quoi.

Première observation à retenir, sur la dynamique des sentiments courant après la dynamique des événements, – mais avec au moins une ferme certitude que je traduirais par un impératif “Nous ferons ce qu’il faut pour que la Russie soit vaincue” :

« “Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer, de manière officielle, des troupes sur le terrain”, a déclaré M. Macron aux journalistes après avoir accueilli une réunion des dirigeants européens lundi à Paris. “Mais en termes de dynamique, nous ne pouvons rien exclure. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour empêcher la Russie de gagner cette guerre.” »

D’autre part, on cite cette déclaration qui est du pur sophisme bien dans le style macronien, ponctuée évidemment du “ce qu’il faut ” (“Nous ferons ce qu’il faut”)... Il explique qu’aujourd’hui tout le monde n’est pas d’accord pour envoyer des troupes, mais que la même chose s’est déjà produite (pas d’accord pour envoyer des chars, puis envoyant des chars ; pas d’accord pour envoyer des missiles, puis envoyant des missiles), et donc qu’il nous suffit d’attendre.

« Macron a fait remarquer que les alliés qui disent aujourd'hui “jamais, jamais” au sujet de déploiements directs de troupes en Ukraine sont les mêmes que ceux qui ont précédemment exclu les escalades de l'aide militaire qui ont été accordées par la suite, y compris les missiles à longue portée et les avions de combat

» “Il y a deux ans, beaucoup autour de cette table ont dit que nous allions offrir des casques et des sacs de couchage, et maintenant ils disent que nous devons faire plus pour fournir des missiles et des chars à l'Ukraine. Nous devons faire preuve d'humilité et nous rendre compte que nous avons toujours eu six à huit mois de retard, alors nous ferons ce qu'il faut pour atteindre notre objectif.” »

Macron nous donne une bonne leçon de cette humilité où il est passé maître. Là où il sophistique avec une belle complaisance et comme d’autres slaloment, c’est lorsqu’il omet d’expliquer la cause des hésitations qu’il note chez ses troupiers européens en les dénonçant fort amicalement : cela ne vient pas d’une absence de caractère, d’une faiblesse de jugement au contraire de ce qu’a constamment montré la France en fait de fermeté ; cela vient des événements sur le terrain de la guerre, demandant de plus en plus d’interevention pour tenbir l’Ukraine à bout de missile... Et lorsque, demain, nous déciderons d’envoyer des soldats, c’est que les Russes seront à Kiev, comme l’annonce Medvedev, – lequel, dit le dicton, “dit toujours aujourd’hui ce que Poutine dira demain”, –  et qu’en envoyant des soldats sur le terrain de la bataille face aux soldats russes, nous entrons en guerre contre eux. Est-ce bien le but recherché ?

Vous savez que la France a passé traité avec l’Ukraine qui ne lui interdit pas, s’il le faut, d’utiliser du nucléaire si l’Ukraine est en grave danger, c’est-à-dire contre les troupes russes en Ukraine. Je répète ma question : est-ce bien le but recherché ? L’idée a fait frissonner de terreur les deux vieux routards politiques Védrine et ‘le Che’, que j’ai beaucoup appréciés en leur temps mais dont je trouve qu’ils devraient rassembler ce qu’il leur reste d’énergie pour clamer ces choses-là un ton plus haut et avec une bien plus grande vigueur :

« Face au développement de la crise due à l’invasion de l’Ukraine et à des menaces récentes, des décisions aussi importantes que celles qu’entrainent l'Accord de sécurité conclu ce vendredi à Paris, ou les déclarations préalables à la Conférence de sécurité de Münich, notamment celles qui concernent une européisation de la dissuasion, méritent un débat public. Les récentes déclarations de Donald Trump remettant en cause le traité de l’Atlantique Nord et l’hypothèse de sa victoire à l’automne ne peuvent être ignorées. Elles impliquent que les États européens ne soient pas surpris par leurs conséquences. Ils doivent mesurer la portée de telles décisions. 

» C’est pourquoi, aussi, il serait raisonnable d‘engager dès aujourd’hui le débat politique sur le fond, et d’en saisir le Parlement. C’est affaire de démocratie, mais c’est également une question de responsabilité pour que l’Europe puisse affronter en bon ordre des échéances qui seront difficiles. De tout cela, chacun doit prendre conscience faute de risquer d’être entraînés dans un avenir proche dans un engrenage que nous ne maîtriserons pas. »

Echos de Caroline du Sud

J’ai été bien aise d’entendre avant-hier, alors que la France McMacriste venait de mettre sur la table de la roulette zélenkiste le sort de la sacro-sainte dissuasion nucléaire, Mercouris nous dire :

« Selon mon opinion aujourd’hui, l’événement le plus important dans l’évolution de la situation géopolitique en Ukraine, au Moyen-Orient, dans les relations de l’Ouest avec la Chine n’a pas eu lieu en Ukraine, au Moyen-Orient, en Chine ou dans le Pacifique, il a eu lieu aux États-Unis où Donald Trump a remporté une victoire impressionnante dans les primaires républicaines, dans la Caroline du Sud... »

Mercouris parlait de l’impressionnante victoire de Trump (60%-40%) sur sa rivale Haley, pourtant gouverneur durant deux termes de cet État, chez elle, chez ses amis et voisins. Cette victoire signait l’impressionnante cavalcade de Trump vers la candidature républicaine, et avec de fortes chances que cela le conduise à la Maison-Blanche. Comme je et nous ne cessons de le répéter, le centre matriciel de la GrandeCrise est aux USA et, désormais, le GOP est le parti de Trump, et il fera, au moins jusqu’en novembre prochain, et sans doute après, ce que Trump entend suivre comme voie politique, à l’intérieur comme à l’extérieur. Cela signifie un blocage de plus en plus verrouillé de l’engagement des USA en Ukraine, et une distance de plus en plus abrupte mise entre les USA et les entreprises européennes de l’OTAN.

Une de nos sources juge que l’article extraordinaire du New York ‘Times’ du 25 février, exposant avec une foule de détails, les installations de la CIA en Ukraine à partir de fuites évidemment dirigées, signifie effectivement un signal pour les Russes que les USA abandonnent la partie en Ukraine. Venu deux jours après la victoire de Trump en Caroline du Sud, il acte indirectement cette victoire comme un tournant majeur de l’orientation politique US, un tournant vers l’intérieur avec ses crises multiples.

Tout cela a pesé lourd dans la réunion parisienne d’hier qui ressemblait à un rassemblement d’orphelinat, comme a pesé de tout son poids la vigueur offensive que les Russes montrent désormais après la chute d’Adeyevka.

Ainsi les choses vont-elles, à une assez bonne vitesse et, comme l’écrit Andrew Korybko :

« Le débat de l'OTAN sur l'opportunité d'une intervention conventionnelle en Ukraine montre son désespoir... »

Et ledit Korybko, pourtant homme de grande mesure, ne montre pas un très grand optimisme pour une issue qui permettrait d’éviter l’une ou l’autre rencontre bien désagréable avec l’ogre russe. Il détaille quelques points de stratégie et même d’interventions possibles où les Européens de l’OTAN pourraient tenir un rôle sans paraître trop ridicules et en évitant si possible cette drôle de chose qu’on nomme Troisième Guerre Mondiale :

« Le bloc ne peut pas se permettre un autre désastre de type afghan, encore moins sur le sol européen dans le conflit le plus important sur le plan géostratégique depuis la Seconde Guerre mondiale, et c'est pourquoi il ne restera pas les bras croisés pendant que l'Ukraine s'effondre s'il y a une chance crédible que cela se produise et que la Russie se fraye un chemin à travers les ruines. La seule raison pour laquelle ses membres planifient actuellement cette éventualité est que la victoire de la Russie dans la “course à la logistique”-“guerre de la logistique” la rend concevable dans le courant de l'année, bien qu'il ne faille pas non plus la considérer comme acquise. »

Je ne sais pas s’il importe d’être aussi catégorique dans la perspective de ce qui serait un face-à-face qui aurait de fortes chances de tourner à l’affrontement. Mais si ce scénario est effectivement appliqué, c’est alors que les choses deviendront extrêmement délicates, et certains de nos dirigeants européens ne s’en doutent certainement pas. Les Russes en position de vainqueur irrésistible, malgré les tendances de Poutine à l’arrangement, exerceront une pression formidable.

Qui auront-ils en face d’eux ? Un Macron qui ne cesse de jouer des rôles sans aucune conscience de ce qu’est le risque nucléaire. Pendant plusieurs mois au début du conflit, il a joué à l’arrangeur tout en considérant les Russes comme battus d’avance (quelle extraordinaire prescience !), jusqu’à être traité de complice de Poutine par les autres acteurs de ce simulacre-‘Fantasy’ monté de toutes pièces par l’OTAN-compulsif. Aujourd’hui, il aurait tendance à jouer le chef de guerre intransigeant formant une “Europe de la défense” qui laisserait sa marque dans l’histoire. Même vaincus, ces maîtres de la communication en simulacre se croient plus que jamais les vainqueurs, maîtres de la morale... Voire combien de temps les Russes le supporteront...  

L’UE veut sa guerre pour verrouiller sa dictature

L’UE veut sa guerre pour verrouiller sa dictature

Le virage totalitaire de l’UE est ancien, il colle même à son ADN, et De Gaulle l’avait pressenti au moment de la commission Hallstein. Jusque-là elle a été lente cette Europe pantagruélique et elle découvre comme Tocqueville que le meilleur moyen d’établir sa dictature est la guerre ; la Russie comme pour Hitler ou Napoléon fournit l’adversaire idéal (vive la Pologne ou les pays baltes dont parlait déjà avec confiance Rumsfeld il y a vingt ans), et ce au moment où les insectes, les vaccins, les contraintes et l’esclavage numérique font leur apparition dans les cours de récréation sous l’œil bienveillant et malthusien de la cité totalitaire et affairiste de Davos.

Tocqueville a bien traité de l’épineux problème de la guerre en démocratie (elles le sont toujours en guerre, voyez mon texte sur Athènes et la Guerre du Péloponnèse°. Et cela donne – dans ce qui devrait être le livre de chevet de tout le monde (Tome II, 3e partie, ch. XXII) :

« Il n’y a pas de longue guerre qui, dans un pays démocratique, ne mette en grand hasard la liberté. Tous ceux qui cherchent à détruire la liberté dans le sein d’une nation démocratique doivent savoir que le plus sûr et le plus court moyen d’y parvenir est la guerre. »

Ici il est presque rassurant Tocqueville. On ne possède pas encore d’armée européenne (elle viendra cet été au moment des vacances après la réélection de l’Ursula ou de son successeur sinistre) :

« Après tout, et quoi qu’on fasse, une grande armée, au sein d’un peuple démocratique, sera toujours un grand péril ; et le moyen le plus efficace de diminuer ce péril, sera de réduire l’armée : mais c’est un remède dont il n’est pas donné à tous les peuples de pouvoir user. »

La clé de la guerre c’est la centralisation et l’accroissement du pouvoir civil ; Jouvenel reprendra cette argumentation dans son chapitre sur la guerre et le pouvoir (la démocratie s’adapte mieux à la guerre que les tyrannies ou les trop civilisées monarchies) :

« Le péril est d’une autre sorte. La guerre ne livre pas toujours les peuples démocratiques au gouvernement militaire ; mais elle ne peut manquer d’accroître immensément, chez ces peuples, les attributions du gouvernement civil ; elle centralise presque forcément dans les mains de celui-ci la direction de tous les hommes et l’usage de toutes les choses. Si elle ne conduit pas tout à coup au despotisme par la violence, elle y amène doucement par les habitudes. »

Stoltenberg et consorts nous ont promis une guerre ad absurdum, une guerre définitive (la population de l’Europe est déjà vieille et pauvre, et pas très équipée ou motivée)  et éternelle, qui va durer trente ans alors que ni les conditions démographiques ou économiques, industrielles ou militaires, ne sont réunies. Mais le but est clair :

« Tous ceux qui cherchent à détruire la liberté dans le sein d’une nation démocratique doivent savoir que le plus sûr et le plus court moyen d’y parvenir est la guerre. C’est là le premier axiome de la science. Un remède semble s’offrir de lui-même, lorsque l’ambition des officiers et des soldats devient à craindre, c’est d’accroître le nombre des places à donner, en augmentant l’armée. Ceci soulage le mal présent, mais engage d’autant plus l’avenir. Augmenter l’armée peut produire un effet durable dans une société aristocratique, parce que, dans ces sociétés, l’ambition militaire est limitée à une seule espèce d’hommes, et s’arrête, pour chaque homme, à une certaine borne ; de telle sorte qu’on peut arriver à contenter à peu près tous ceux qui la ressentent. »

La cour des ambitieux se précipite. On voit à la télé française (je ne l’ai pas, on m’en parle) que les militaires, les journalistes et les politiciens adorent cette guerre contre la Russie comme ils adoraient celles contre l’Allemagne. Ce n’est pas pour rien : on va en profiter de cette guerre en haut lieu (voyez l’Ukraine) pour se remplir les poches et se doter « des pleins pouvoirs républicains » :

« Mais chez un peuple démocratique on ne gagne rien à accroître l’armée, parce que le nombre des ambitieux s’y accroît toujours exactement dans le même rapport que l’armée elle-même. Ceux dont vous avez exaucé les vœux en créant de nouveaux emplois sont aussitôt remplacés par une foule nouvelle que vous ne pouvez satisfaire, et les premiers eux-mêmes recommencent bientôt à se plaindre ; car la même agitation d’esprit qui règne parmi les citoyens d’une démocratie se fait voir dans l’armée ; ce qu’on y veut, ce n’est pas de gagner un certain grade, mais d’avancer toujours. Si les désirs ne sont pas très-vastes, ils renaissent sans cesse. Un peuple démocratique qui augmente son armée ne fait donc qu’adoucir, pour un moment, l’ambition des gens de guerre ; mais bientôt elle devient plus redoutable, parce que ceux qui la ressentent sont plus nombreux. »

On répète quand même :

« Tous ceux qui cherchent à détruire la liberté dans le sein d’une nation démocratique doivent savoir que le plus sûr et le plus court moyen d’y parvenir est la guerre. »

Nous avons une guerre interminable contre le terrorisme et ce, alors que les USA sont les protecteurs de l’islam intégriste ; et nous avons cette guerre mortelle contre la Russie qui, avec le coup de la Grèce, prend un air de choc des civilisations dirigé contre l’orthodoxie.

Espérons qu’il y ait un Dieu pour les chrétiens que nous ne  sommes plus. Mais je ne sens rien dans cette situation que nous n’ayons déjà vécu dans le passé.

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