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Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent…

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…). Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

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Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…).

Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

Au fur et à mesure que la guerre se prolonge, la fracture entre les deux capitales devient plus visible pour un large public, et c’est cela qui est nouveau. Jusqu’à présent, les bisbilles étaient souvent dissimulées par de douces paroles diplomatiques. C’est de moins en moins le cas, au point que Norbert Röttgen, un parlementaire chrétien-démocrate qui présida longtemps la commission des Affaires étrangères du Bundestag, tweetait, le 27 février : « je ne me rappelle pas que la relation (franco-allemande) ait été aussi mauvaise depuis que je fais de la politique ». Ce qui fait tout de même une trentaine d’années…

L’acrimonie est montée de plusieurs tons depuis le 26 février, jour où Emmanuel Macron réunissait à l’Elysée une vingtaine de ses homologues occidentaux pour accélérer le soutien à Kiev. Concluant devant la presse la rencontre, le président lançait : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». La phrase a fait l’effet d’un choc : pour la première fois, l’engagement de troupes au sol au profit de l’Ukraine était ouvertement évoqué.

Paris s’attira les foudres de la plupart des capitales occidentales, Washington comprise, éberluées de cette manière publique de tenter de leur forcer la main, alors même que la proposition n’avait recueilli aucun consensus lors de la réunion. A Berlin, on fait même savoir à mi-voix qu’un consensus s’était dessiné… contre la proposition de l’hôte de l’Elysée. Le chancelier allemand a immédiatement opposé très sèchement un refus catégorique à la proposition macronienne.

Olaf Scholz s’était en outre senti visé quand Emmanuel Macron s’était moqué, lors de la même conférence de presse : « beaucoup de gens qui disent “jamais, jamais” aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient “jamais, jamais des tanks, jamais, jamais des avions, jamais des missiles de longue portée”. (…) Je vous rappelle qu’il y a deux ans, beaucoup, autour de cette table, disaient que nous allions proposer des sacs de couchage et des casques ». Suivez mon regard…

Et comme si l’ambiance n’était pas déjà assez tendue, le président français récidivait le 5 mars à Prague en encourageant ses alliés à « être à la hauteur de l’histoire et du courage qu’elle implique ». L’Europe est dans une situation « où il convient de ne pas être lâches », poursuivait l’orateur. Face à cette attaque à peine voilée, Boris Pistorius, le ministre de la défense allemand, réagissait sur le même ton : « nous n’avons pas besoin (…) de discussions sur le fait d’avoir plus ou moins de courage ».

Le tropisme pro-américain, qui remonte à la fondation de la RFA en 1949, continue d’influencer la politique de Berlin

L’affrontement n’est pas que superficiel. Il recouvre une opposition très ancienne, mais qui a été réactivée lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, le 24 février 2022. Le chancelier, quelques jours plus tard, prononçait alors un discours qui pointait un « changement d’époque ». Mais la conséquence qu’en tiraient Paris et Berlin était très différente.

A l’est du Rhin, la priorité était d’assurer la solidité de l’Alliance atlantique et donc l’alignement encore plus étroit sur l’Oncle Sam. Côté français, le président voyait au contraire l’occasion de pousser en avant sa marotte de « renforcer la souveraineté européenne », politique mais aussi militaire.

Un objectif pas vraiment en vogue en Allemagne, où le chancelier annonçait par exemple, fin 2022, un vaste système anti-missile sous l’égide de l’OTAN, avec la participation de dix-sept pays… mais sans la France. L’architecture en est essentiellement américaine (et inclut des éléments de fabrication israélienne).

En outre, si l’annonce par le chancelier d’un plan de 100 milliards d’euros pour moderniser et renforcer la Bundeswehr avait d’abord été accueillie avec intérêt à Paris, il a rapidement fallu déchanter. En particulier quand Berlin a précisé que cela inclurait notamment l’achat de 35 chasseurs F-35, le dernier joyau militaire aéronautique américain. Non seulement le pouvoir allemand privilégiait un fournisseur US, mais, vu de l’Elysée, il donnait un coup de couteau dans le dos au projet franco-allemand de long terme baptisé Système de combat aéronautique du futur (SCAF), sur lequel les industriels français sont chefs de file.

Outre les profits respectifs des marchands de canons des deux côtés du Rhin, certains analystes pointent une autre dimension du conflit. Depuis le lancement de l’intégration européenne, et plus particulièrement depuis l’unification allemande, l’Allemagne s’était vu reconnaître implicitement son rôle dirigeant en matière économique. En contrepartie, la France officielle, forte de l’arme nucléaire et du siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, se considérait comme la tête de l’UE, sur les plans militaire et diplomatiques, dans le monde.

Si désormais l’armée allemande se renforce et se modernise à marche forcée, cet « équilibre » pourrait bien être remis en cause au détriment de Paris. Un élément qui pourrait expliquer la fuite en avant d’Emmanuel Macron.

A l’inverse, le tropisme pro-américain, qui remonte à la fondation de la RFA en 1949 sous l’égide des Alliés de l’OTAN, continue d’influencer la politique de Berlin, peu tenté de contredire l’Oncle Sam. Or celui-ci, depuis ses échecs et humiliations extérieurs, préfère combattre par procuration que d’envoyer ouvertement des troupes au sol, même sous le drapeau de l’Alliance atlantique.

La constitution française donne au président un pouvoir digne de Louis XIV, en particulier en politique étrangère et en action militaire

Enfin, deux facteurs supplémentaires différencient la France de l’Allemagne. Cette dernière a connu un fort mouvement pacifiste qui a laissé des traces, notamment du fait de l’expérience terrible de la guerre contre l’URSS. Vue de France, la Russie est bien plus loin, géographiquement et culturellement, ce qui peut conduire le forcené de l’Elysée à rêver d’aventures guerrières.

L’autre facteur  relève de la politique intérieure et des institutions respectives des deux pays. Certes, tant Olaf Scholz qu’Emmanuel Macron sont en difficulté : ils s’appuient l’un et l’autre sur des majorités instables.

Mais la constitution française donne au président un pouvoir digne de Louis XIV, en particulier en politique étrangère et en action militaire. Le monarque républicain a certes octroyé un débat au Parlement – qui s’est déroulé le 12 mars à l’Assemblée nationale puis au Sénat –  mais ce dernier était facultatif et le vote n’avait aucun contraignant.

A l’inverse, le chancelier allemand doit obligatoirement rendre des comptes au Bundestag. Surtout, issu du Parti social-démocrate, il est conscient qu’il ne peut totalement tourner le dos à son électorat, dont une partie reste pacifiste. Sauf à se condamner à une déroute électorale certaine en 2025.

Même avec toutes ses limites actuelles, la démocratie reste donc un rempart, certes fragile, contre les aventures guerrières, même si elle n’empêche pas d’alimenter le conflit par des livraisons d’armes toujours plus massives.

Les deux capitales sont du reste engagées dans une polémique sur le thème « c’est moi qui donne le plus » à l’Ukraine. Et elles s’opposent sur la réforme de la mal nommée « Facilité européenne pour la paix », l’instrument de l’Union européenne par lequel transitent une partie des financements militaires.

Preuve supplémentaire que l’intégration européenne, loin de favoriser un développement harmonieux en son sein, provoque au contraire concurrence et surenchère. Dans le contexte actuel, celles-ci peuvent mener l’Europe sur un chemin qui n’a rien de rassurant.

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Le nouveau gouvernement polonais tiraillé entre Bruxelles et la colère des paysans…

Par : pierre

Paradoxale Pologne ! On décrivait son peuple comme frénétiquement pro-ukrainien, prêt à tout pour aider ses voisins de l’Est. On découvre que le gouvernement en place depuis décembre 2023, sous pression d’importantes manifestations de paysans, continue de bloquer les importations massives de céréales en provenance de Kiev.

Le nouveau premier ministre, Donald Tusk, ancien président du Conseil européen et donc très pro-UE, a accédé au pouvoir sous les acclamations de la Commission européenne ; l’on s’attendait donc qu’il suive la ligne de celle-ci de manière zélée. Pourtant, Varsovie n’a pas hésité à mettre en cause l’autorité de l’UE sur un deuxième dossier : le « Pacte vert ».

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Le nouveau gouvernement polonais tiraillé entre Bruxelles et la colère des paysans

Par : pierre

Paradoxale Pologne ! On décrivait son peuple comme frénétiquement pro-ukrainien, prêt à tout pour aider ses voisins de l’Est. On découvre que le gouvernement en place depuis décembre 2023, sous pression d’importantes manifestations de paysans, continue de bloquer les importations massives de céréales en provenance de Kiev.

Le nouveau premier ministre, Donald Tusk, ancien président du Conseil européen et donc très pro-UE, a accédé au pouvoir sous les acclamations de la Commission européenne ; l’on s’attendait donc qu’il suive la ligne de celle-ci de manière zélée. Pourtant, Varsovie n’a pas hésité à mettre en cause l’autorité de l’UE sur un deuxième dossier : le « Pacte vert ».

Certes, le gouvernement a retiré les recours juridiques contre certaines mesures de ce dernier, censé sauver la planète. Mais le ministre de l’agriculture a annoncé qu’il va « exiger de mettre des limites » audit Pacte, notamment en matière d’utilisation de pesticides et de contraintes pour l’exploitation de terres arables. Il a en outre refusé de s’inscrire dans un nouvel objectif, la diminution de 90% des émissions de CO2 d’ici 2040.

Enfin, un troisième terrain de friction pourrait bien apparaître prochainement : les réformes adoptées par une majorité des Vingt-sept en matière de migration et d’asile. M. Tusk va probablement se révéler plus proche… de la politique de son prédécesseur honni, issu du PiS (national-conservateur), que des orientations de Bruxelles.

Libre échange avec l’Ukraine, environnement, migrations : les points d’achoppement sont stratégiques. Pour autant, l’arrivée du nouveau pouvoir à Varsovie reste un soulagement pour les dirigeants européens, pour qui le PiS, désormais dans l’opposition, était la bête noire.

Ursula von der Leyen a confirmé le déblocage de 137 milliards d’euros destinés à la Pologne

En témoigne la visite enthousiaste qu’a effectuée la présidente de la Commission à Varsovie le 23 février. Ursula von der Leyen n’est pas venue les mains vides : elle a confirmé le déblocage de 137 milliards d’euros destinés à la Pologne, mais qui avaient été gelés par Bruxelles du fait des griefs européens à l’encontre du gouvernement précédent, notamment en matière d’« Etat de droit ».

« Enfin, on l’a (…) cela constitue une montagne d’argent », a jubilé Donald Tusk qui avait fait de ce feu vert sa première priorité. Plus précisément, ladite montagne d’argent (c’est le moins qu’on puisse dire !) provient de deux paquets. D’une part du fonds de relance économique post-Covid, adopté par les Vingt-sept en 2020, réparti sous forme de subventions et de prêts entre tous les Etats membres, et financé par un emprunt commun de 750 milliards. (A noter que la Commission prévoyait des « recettes nouvelles » pour le rembourser ; à ce jour, aucune n’a été mise en place si bien que nul ne sait vraiment comment sera remboursé cet emprunt communautaire géant).

Varsovie s’était vu attribuer 59,8 milliards en provenance de cette source (25,3 milliards de subventions et 34,5 milliards de prêts à faible taux). La somme est si considérable qu’une étude privée a affirmé qu’une large part ne pourrait probablement pas être dépensée. Les projets qu’elle doit financer (environnement, numérique…) doivent en effet être bouclés d’ici 2026, ce qui ne sera probablement pas le cas. Quoiqu’il en soit, une première tranche de 6,3 milliards pourrait être débloquée dans les prochaines semaines.

D’autre part, la Pologne va pouvoir accéder aux 76,5 milliards des « fonds de cohésion ». Ces fonds, qui proviennent du budget général de l’UE, sont censés favoriser le développement des pays les moins riches, c’est-à-dire dans les faits financés par les pays ayant les plus gros PIB. Les versements à la Pologne avaient été suspendus car cette dernière était accusée d’avoir mené des réformes portant atteinte à l’indépendance de son appareil judiciaire.

Certes, le nouveau ministre de la Justice a bien annoncé un plan de neuf mesures censé rétablir une organisation plus conforme aux obligations européennes. Mais lesdites mesures sont loin d’être effectives, ce qui a provoqué quelques grincements de dents au sein de l’europarlement : la célérité de Bruxelles à rétablir les financements contre seulement des promesses pourrait bien nourrir les accusations du PiS. Celui-ci semble fondé à constater que les sanctions précédentes étaient dirigées contre lui – un « délit de sale gueule », en quelque sorte ; et que la simple arrivée d’un gouvernement pro-européen a suffi a lever la punition. Un reproche qui ne manque pas de vraisemblance.

A l’instar des leurs collègues de nombreux pays de l’UE, les agriculteurs polonais ont su faire monter la pression

Le contraste est donc bien là : d’un côté, un gouvernement qui affiche sa fidélité de principe à l’intégration européenne, et qui jouit ainsi de la reconnaissance de Bruxelles, de Berlin et de Paris ; de l’autre, ce même gouvernement contraint de tenir compte de la colère des agriculteurs.

A l’instar des leurs collègues de nombreux pays de l’UE, ceux-ci ont su faire monter la pression. Notamment par des mobilisations qui ont connu deux temps forts, le 20 février où la capitale a vu converger des milliers de tracteurs ; et le 26 février, où les manifestants ont bloqué les postes frontières avec l’Ukraine et les grandes routes y conduisant. Des camions ukrainiens ont même vu leurs denrées déversées sur la chaussée.

Au menu des revendications, il y a d’une part l’hostilité au Pacte vert, qui grandit partout dans l’Union européenne, et pas seulement dans le monde agricole. Au point que, proximité des élections européennes aidant, le redoutable consensus qui rassemblait toutes les forces politiques européennes en faveur de « la planète » (!) commence à se lézarder un peu partout.

Mais les paysans ont aussi dénoncé les conséquences catastrophiques de la levée de toute taxe à l’importation des céréales ukrainiennes, alors que celles-ci sont produites à bas coût et sans contrainte (souvent pour le compte de gros propriétaires occidentaux). Depuis que cette mesure a été décidée par Bruxelles pour établir des « corridors de la solidarité » en faveur de Kiev, les marchés agricoles des pays en première ligne ont été littéralement inondés de produits – cela concerne aussi la volaille, les œufs, le sucre, les fruits rouges – avec pour conséquence la dégringolade des cours et donc des revenus des producteurs.

Au point que Bruxelles, sous pression, avait, en avril 2023, temporairement autorisé un embargo sur le grain ukrainien à destination de la Pologne, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Slovaquie, avant d’annuler cette mesure en septembre 2023.

Le gouvernement du PiS, lui, avait à ce moment unilatéralement maintenu un embargo national, violant ainsi les traités qui attribuent à la Commission l’exclusivité du pouvoir en matière de commerce international. Donald Tusk a choisi de faire perdurer le blocage, tout en se disant prêt à négocier avec le président ukrainien ; de son côté, ce dernier a dénoncé l’« érosion de la solidarité ».

L’UE a importé 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes en 2022-2023, soit deux fois plus que précédemment

Si cela touche au premier chef les pays de « la ligne de front », les pays de l’ouest ne sont pas épargnés. En tout, l’UE a importé 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes en 2022-2023, soit deux fois plus que précédemment.

En France, les quantités se montaient à 13 000 tonnes, un chiffre certes modeste, mais quinze fois supérieur à la situation antérieure. Et les volailles de Kiev continuent à concurrencer durement les producteurs hexagonaux.

D’un côté, les gouvernements des Etats membres sont donc fidèles à l’« idée européenne » et aux décisions communautaires qu’ils contribuent eux-mêmes à façonner. Mais de l’autre, ils ne peuvent ignorer les colères et mobilisations provoquées par ces dernières. Tout est une question de rapport de force.

Les dirigeants de l’UE ne sont peut-être pas au bout de leurs mauvaises surprises.

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Manu militari…

Par : pierre

Les déclarations d’Emmanuel Macron concernant la suite de la guerre en Ukraine ne sont pas passées inaperçues. A l’issue de la conférence qui a réuni à Paris, le 26 février, une vingtaine de ses homologues occidentaux, le président français n’a « pas exclu » l’envoi de troupes au sol pour soutenir l’armée ukrainienne en situation difficile.

Evoquant les travaux de ce sommet informel consacré aux moyens d’accroître l’aide militaire à Kiev, le maître de l’Elysée a notamment déclaré devant les journalistes : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol ; mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». Une phrase qui pourrait bien confirmer, indirectement, que des troupes spéciales occidentales seraient déjà en soutien sur place, mais de manière « non officielle et non assumée », ce qui constitue en réalité un secret de polichinelle.

« Mais rien ne doit être exclu, (car) nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre » a-t-il surtout ajouté. Et concernant la possible participation de troupes françaises à de potentielles opérations, le chef de l’Etat a précisé : « je n’ai absolument pas dit que la France n’y était pas favorable ». Ce qui constitue une formulation alambiquée pour en réalité ouvrir la porte.

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Manu militari

Par : pierre

Les déclarations d’Emmanuel Macron concernant la suite de la guerre en Ukraine ne sont pas passées inaperçues. A l’issue de la conférence qui a réuni à Paris, le 26 février, une vingtaine de ses homologues occidentaux, le président français n’a « pas exclu » l’envoi de troupes au sol pour soutenir l’armée ukrainienne en situation difficile.

Evoquant les travaux de ce sommet informel consacré aux moyens d’accroître l’aide militaire à Kiev, le maître de l’Elysée a notamment déclaré devant les journalistes : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol ; mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». Une phrase qui pourrait bien confirmer, indirectement, que des troupes spéciales occidentales seraient déjà en soutien sur place, mais de manière « non officielle et non assumée », ce qui constitue en réalité un secret de polichinelle.

« Mais rien ne doit être exclu, (car) nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre » a-t-il surtout ajouté. Et concernant la possible participation de troupes françaises à de potentielles opérations, le chef de l’Etat a précisé : « je n’ai absolument pas dit que la France n’y était pas favorable ». Ce qui constitue une formulation alambiquée pour en réalité ouvrir la porte.

Pour l’heure, il ne s’agit encore que de mots. Mais dans le contexte, ils pèsent très lourd et constituent en eux-mêmes un tournant. Un « tabou a été levé » ont noté de nombreux analystes. Car jusqu’à présent, les dirigeants occidentaux avaient toujours pris soin de cultiver la posture de la « non-cobelligérance » de l’OTAN face à la Russie, même si cela relevait plutôt du mythe compte tenu des dizaines de milliards d’euros d’armes et de munitions livrées à Kiev.

Cependant, Emmanuel Macron a concédé qu’il n’y avait pas de consensus sur sa suggestion. C’est le moins qu’on puisse dire… Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a immédiatement réagi en excluant d’engager des détachements au sol. Le premier ministre néerlandais sortant, Mark Rutte, dont on cite le nom comme prochain secrétaire général de l’OTAN, a fait de même.

Les désaveux se sont ensuite succédé, de la part de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce, de la Suède, de la Finlande, du Royaume-Uni… et même de la Pologne. Quant au chef du gouvernement slovaque, Robert Fico, que ses adversaires accusent d’être aussi « pro-russe » que son collègue hongrois, il a indiqué qu’il s’était rendu à Paris pour rejeter ce qu’il a qualifié de « pire décision possible ».

Il n’y a guère eu que la petite Lituanie qui se soit montrée intéressée. Quant à l’Estonie, autre pays balte, l’ancien commandant des forces armées, devenu eurodéputé, a évoqué « la possibilité que Macron ait dit cela parce qu’il sait que Scholz y est opposé ».

On notera surtout que l’actuel secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’est bien gardé d’approuver la suggestion macronienne. Quant au président américain, il a ouvertement balayé celle-ci. Le président n’a pas trouvé plus de soutien sur la scène politique intérieure, où toutes les oppositions ont dénoncé cet aventurisme.

Enfin, de nombreux analystes ont souligné un paradoxe. En 2022 Emmanuel Macron avait affirmé l’intérêt de maintenir un dialogue avec son homologue russe, s’attirant ainsi les quolibets et critiques des ultra-atlantistes. Ces derniers l’accusaient aussi de traîner les pieds pour les livraisons d’armes à Kiev.

C’est donc à une sorte d’autocritique que le locataire de l’Elysée s’est livré en notant : « beaucoup de ceux qui disent “jamais, jamais” aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient “jamais des tanks, jamais des avions, jamais des missiles à longue portée” il y a deux ans ». Désormais, il veut montrer qu’il a changé, et décrit ainsi son état d’esprit : « tout est possible si c’est utile pour atteindre notre objectif ». Avec un but central : « nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre ».

On imagine les réactions occidentales si un dirigeant russe avait déclaré : « tout est possible si c’est utile pour atteindre notre objectif ». Le chœur médiatique aurait immédiatement dénoncé un chantage nucléaire à peine voilé. Même si tel n’était pas l’intention du président français, nul n’ignore que la France est dotée de l’arme atomique, ce qui devrait imposer de réfléchir à deux fois avant de lancer des menaces d’engagement direct des forces.

La réponse macronienne constitue une fuite en avant

Alors comment expliquer une telle radicalisation d’Emmanuel Macron ?

Il faut évacuer les raisons de politique intérieure que certains ont évoquées. Certes, le président est en difficulté et redoute que ses amis soient très largement distancés par la liste du Rassemblement national (RN) lors des élections européennes du 9 juin prochain. Il est cependant peu probable que l’Elysée espère grappiller beaucoup de voix en poussant à la guerre, face aux candidats de Marine Le Pen accusés d’être favorables à Moscou. Au contraire…

Une première explication probable est cette prise de conscience : les espoirs des Occidentaux d’infliger une humiliante défaite à la Russie sont désormais totalement vains. Alors qu’il y a quelques mois encore, ce dénouement était présenté comme certain par les médias dominants, ces derniers ont dû opérer un demi-tour spectaculaire : malgré le soutien massif apporté à Kiev, et les sanctions contre Moscou, les plus lourdes jamais infligées à un pays, les euro-atlantistes ne peuvent désormais que constater leur triple échec. L’armée russe est repartie à l’offensive ; l’économie russe n’est nullement « à genoux » comme le prédisait le ministre français de l’Economie ; et le « Sud global » ne s’est nullement rangé sous la bannière diplomatique occidentale et dénonce plutôt le « deux poids – deux mesures » de l’Alliance dominée par l’Oncle Sam.

Dans ces conditions, la raison commanderait de donner désormais la priorité à la diplomatie. La réponse macronienne constitue, à l’inverse, une fuite en avant.

Une seconde explication, complémentaire, est probablement à chercher du côté des rapports de force internes à l’UE. Sur nombre de sujets, les divergences entre Paris et Berlin ne sont pas un mystère, voire s’amplifient (énergie nucléaire, application du pacte de stabilité, emprunt commun, commerce avec la Chine et plus généralement libre échange mondial, intégration et priorité au complexe militaro-industriel européen…).

Il n’est pas impossible que le chef de l’Etat français cherche à établir une position de force globale parmi les Vingt-sept face à son homologue allemand, notamment grâce à certains pays de l’Est ; et se lance donc dans une certaine surenchère. Dans ce cas, l’UE – et le principe même d’intégration européenne – se confirmerait comme un facteur nocif supplémentaire par les rivalités qu’elle engendre.

Quoiqu’il en soit, un élément apparaît certain : quelle que soit la posture des uns ou des autres, les grands dirigeants de l’Alliance atlantique savent que la crédibilité de l’OTAN est en jeu. Que certains « n’excluent rien » pour la défendre n’est pas très rassurant…

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Donald Trump sème l’effroi au sein des dirigeants occidentaux…

Par : pierre

La scène se déroule le 10 février, en Caroline du Sud (Etats-Unis). Donald Trump est en campagne électorale pour les primaires républicaines, qu’il est désormais sûr de remporter ; et surtout pour le scrutin de novembre prochain, qui pourrait – peut-être – le faire revenir à la Maison-Blanche.

L’ancien président évoque, devant ses partisans chauffés à blanc, un de ses sujets favoris : il faut, martèle-t-il, que les Européens financent davantage à l’effort militaire transatlantique. Il raconte à cet effet une conversation – à l’évidence inventée – qu’il aurait eue avec un dirigeant du Vieux Continent. A celui-ci, qui l’interrogeait sur la protection de son pays qu’assurerait l’Oncle Sam en cas d’offensive russe, il aurait répondu : « si vous n’avez pas payé, non, je ne vous protégerais pas. En fait, je les encouragerais (les Russes) à faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos factures ».

En quelques heures, la phrase fait le tour du monde et provoque un véritable séisme au sein des chancelleries occidentales. L’ancien président américain faisait déjà figure d’épouvantail dans les milieux pro-atlantistes. Désormais, les pires cauchemars de ceux-ci sont en train de prendre corps. Ils n’ont pas manqué de hanter les deux réunions majeures qui se tenaient dans les jours suivants : celle des ministres de l’OTAN, puis la Conférence pour la sécurité de Munich, fréquentée chaque année par le gotha politico-militaro-diplomatique des dirigeants occidentaux.

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Donald Trump sème l’effroi au sein des dirigeants occidentaux

Par : pierre

La scène se déroule le 10 février, en Caroline du Sud (Etats-Unis). Donald Trump est en campagne électorale pour les primaires républicaines, qu’il est désormais sûr de remporter ; et surtout pour le scrutin de novembre prochain, qui pourrait – peut-être – le faire revenir à la Maison-Blanche.

L’ancien président évoque, devant ses partisans chauffés à blanc, un de ses sujets favoris : il faut, martèle-t-il, que les Européens financent davantage à l’effort militaire transatlantique. Il raconte à cet effet une conversation – à l’évidence inventée – qu’il aurait eue avec un dirigeant du Vieux Continent. A celui-ci, qui l’interrogeait sur la protection de son pays qu’assurerait l’Oncle Sam en cas d’offensive russe, il aurait répondu : « si vous n’avez pas payé, non, je ne vous protégerais pas. En fait, je les encouragerais (les Russes) à faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos factures ».

En quelques heures, la phrase fait le tour du monde et provoque un véritable séisme au sein des chancelleries occidentales. L’ancien président américain faisait déjà figure d’épouvantail dans les milieux pro-atlantistes. Désormais, les pires cauchemars de ceux-ci sont en train de prendre corps. Ils n’ont pas manqué de hanter les deux réunions majeures qui se tenaient dans les jours suivants : celle des ministres de l’OTAN, puis la Conférence pour la sécurité de Munich, fréquentée chaque année par le gotha politico-militaro-diplomatique des dirigeants occidentaux.

Pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un potentiel chef du « monde libre » a menacé de laisser tomber ses alliés, voire de les « livrer aux griffes des Russes »… Bien sûr, chacun connaît le côté provocateur du personnage. D’autant que les « factures » que les Etats européens sont accusés de ne pas régler n’existent pas : Donald Trump fait en réalité allusion à un engagement (politique, non juridique) pris par les membres de l’OTAN en 2014, de porter leurs efforts militaires nationaux à au moins 2% de leur Produit intérieur brut (PIB).

Et surtout, le scénario évoqué est purement imaginaire. Mais le simple fait qu’il soit évoqué détruit la crédibilité de l’Alliance atlantique, crédibilité fondée sur l’automaticité de l’engagement militaire réciproque en cas d’agression. Si un doute apparaît, c’est cette crédibilité qui est mise à mal.

L’idée d’une « Union européenne de la défense » devient la marotte de la présente période. En clair, une structuration du complexe militaro-industriel à l’échelle de l’UE

Dans ces conditions, le secrétaire général de l’OTAN fut l’un des premiers à réagir : « toute suggestion selon laquelle les Alliés ne se défendront pas les uns les autres sape notre sécurité à tous, y compris celle des États-Unis », a martelé Jens Stoltenberg. Il a ajouté, comme pour s’en convaincre : « je suis convaincu que les États-Unis resteront un allié fort et engagé au sein de l’OTAN, quel que soit le gagnant de l’élection présidentielle ».

Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’UE n’a pas voulu être en reste : « une alliance militaire ne peut fonctionner au gré de l’humeur du président des Etats-Unis ». Pour sa part, le ministre polonais de la Défense – Varsovie est connu pour son attachement ultra-atlantiste – a tempêté : « la devise de l’OTAN “un pour tous, tous pour un” est un engagement concret. Saper la crédibilité des pays alliés revient à affaiblir l’ensemble de l’OTAN ».

Le président du Conseil européen a pour sa part affirmé que les déclarations de Donald Trump « ne servent que les intérêts de Poutine ». Mais comme d’autres dirigeants européens, Charles Michel a saisi l’occasion pour tenter de faire progresser « l’Europe de la Défense ». Proche de l’état d’esprit d’Emmanuel Macron, le Libéral belge a affirmé que tout cela « souligne à nouveau la nécessité pour l’UE de développer de toute urgence son autonomie stratégique et d’investir dans sa défense ». Sans employer les mêmes termes, Annalena Baerbock, qui dirige les Affaires étrangères allemandes, a abondé dans le même sens.

Un argument également défendu par le Commissaire européen Thierry Breton. Le Français, chargé à Bruxelles du marché intérieur mais aussi de l’armement, a estimé qu’on « ne peut pas jouer à pile ou face notre sécurité tous les quatre ans en fonction de l’élection américaine ». Conclusion : l’UE doit « augmenter ses dépenses en matière de défense et de capacités militaires ». Si Bruxelles considère (à regrets) que la perspective d’une armée européenne est hors d’atteinte (de même qu’une arme nucléaire de l’UE, comme l’a évoquée stupidement la tête de liste du SPD aux européennes, déclenchant un tollé, même parmi ses camarades), en revanche, l’idée d’une « Union européenne de la défense » devient la marotte de la présente période. En clair, une structuration du complexe militaro-industriel à l’échelle de l’UE.

Comment, dans ces conditions, analyser les menaces formulées par Donald Trump ?

M. Breton est cependant l’un des seuls à avoir rappelé qu’« on a déjà entendu ça » de la part de M. Trump, particulièrement lors de sa présidence, et qu’il n’y avait dès lors « rien de nouveau sous le soleil ».

En réalité, l’exigence américaine visant à faire payer plus les Européens est bien antérieure. Elle avait déjà été exprimée, certes plus poliment, notamment par Barack Obama, et reste l’un des refrains des sommets de l’Alliance. D’ailleurs, M. Stoltenberg vient de rappeler que l’engagement des 2% du PIB est désormais tenu par dix-huit des trente et un Etats membres. Berlin a longtemps été réticent quant à cet objectif ; le gouvernement Scholz a désormais levé toute réserve. Quant à la France d’Emmanuel Macron, elle prévoit d’augmenter son effort militaire pluriannuel de 40% pour la période 2024-2030 par rapport à la précédente.

Comment, dans ces conditions, analyser les menaces formulées par Donald Trump ? L’interprétation doit être double.

Il y a d’une part une certaine constance à Washington dans ses relations avec ses vassaux européens. Non pas tant dans le rééquilibrage du « fardeau financier » proprement dit, mais plutôt dans la rivalité industrielle et commerciale qui se joue en arrière-fond entre marchands de canons des deux côtés de l’Atlantique. Sous couvert d’exiger le « paiement des factures », Donald Trump escompte surtout que les pays européens augmentent leurs commandes auprès des grands groupes américains de l’armement. Un état d’esprit qui restera pressant quoiqu’il arrive.

A l’inverse, les firmes européennes espèrent bien prendre leur part dans des marchés militaires d’autant plus considérables et rentables que les tensions géopolitiques s’accroissent dans le monde. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les appels du président français et de quelques autres dirigeants européens en faveur d’une « souveraineté européenne ».

Il y a d’autre part une dimension liée à la campagne électorale que Donald Trump espère gagner. Il devine suffisamment le sentiment des électeurs pour avoir compris qu’une large partie d’entre eux donne la priorité aux questions intérieures, sociales notamment, plutôt que de souhaiter voir des dizaines de milliards de dollars engloutis dans des guerres ingagnables, en Ukraine particulièrement. C’est ce que les médias dominants qualifient, avec un mépris courroucé, de « tentation isolationniste » des citoyens américains.

En deux ans, l’Occident a déjà consacré environ 100 milliards d’euros au soutien militaire à Kiev. Dès lors, de leur côté, les dirigeants de l’UE seraient bien inspirés de s’intéresser à ce que pensent « leurs (propres) citoyens » de la poursuite de cette saignée monumentale, a fortiori à un moment où l’austérité budgétaire renforcée fait son grand retour.

En attendant, même hautement hypothétique, le spectre d’un prochain président américain adressant un bras d’honneur à l’OTAN terrorise Bruxelles. Ne boudons pas notre plaisir.

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Pour maintenir l’euro, le Pacte de stabilité, réformé, fait son retour…

Par : pierre

L’austérité budgétaire est officiellement de retour. La (presque) dernière étape visant à réactiver le « Pacte de stabilité » a été franchie à l’aube du 10 février, quand un accord formel a été trouvé entre représentants du Conseil de l’UE (les vingt-sept Etats membres) et de l’europarlement. Ce dernier devrait se prononcer en séance plénière en avril – une validation qui ne fait aucun doute. Juridiquement, le Pacte réformé entrera en vigueur au 1er janvier 2025. Mais la Commission européenne a annoncé qu’elle s’en inspirerait sans attendre.

Aucune capitale de la zone euro ne remet en cause le principe de la surveillance par Bruxelles des politiques budgétaires nationales. Mais, depuis longtemps, un clivage existe entre les pays qui plaident pour plus de « souplesse » dans cette gouvernance centralisée, et ceux qui jugent que la « rigueur budgétaire » doit primer sur toute autre considération. Dans ce second camp figurent traditionnellement les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche, et bien sûr l’Allemagne. Quant aux partisans de desserrer – un peu – le carcan, on les trouve entre autres du côté de Madrid, de Rome, mais aussi de Paris.

Les affrontements entre les deux camps ne datent pas d’hier, mais ils ont été relancés lorsque les conséquences économiques potentiellement cataclysmiques du Covid se sont profilées début 2020. L’urgence de dépenses publiques supplémentaires massives pour tenter de faire face à la crise s’est imposée même aux pays les plus « frugaux ». Au printemps 2020, l’UE convint alors de suspendre provisoirement les règles en vigueur.

Chaque pays fut donc autorisé à dépasser, sans craindre de sanctions, les deux bornes sacrées qui prévalaient depuis le lancement de l’euro : chaque dette publique nationale doit être contenue en dessous de 60% du PIB, et les déficits budgétaires et sociaux à moins de 3% du même indicateur. Face au péril d’une récession spectaculaire, la plupart des gouvernements auraient de toute façon appliqué des politiques de dépenses exceptionnelles ; Bruxelles a ainsi provisoirement légalisé des infractions massives qui s’annonçaient de toute façon.

Mais certains, en particulier à Berlin, n’ont pas tardé à rappeler que le provisoire ne devait pas durer. D’accord ont répondu les pays du sud – et quelques commissaires, dont l’Italien Paolo Gentiloni – mais ce doit être l’occasion de réformer le pacte.

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Pour maintenir l’euro, le Pacte de stabilité, réformé, fait son retour

Par : pierre

L’austérité budgétaire est officiellement de retour. La (presque) dernière étape visant à réactiver le « Pacte de stabilité » a été franchie à l’aube du 10 février, quand un accord formel a été trouvé entre représentants du Conseil de l’UE (les vingt-sept Etats membres) et de l’europarlement. Ce dernier devrait se prononcer en séance plénière en avril – une validation qui ne fait aucun doute. Juridiquement, le Pacte réformé entrera en vigueur au 1er janvier 2025. Mais la Commission européenne a annoncé qu’elle s’en inspirerait sans attendre.

Aucune capitale de la zone euro ne remet en cause le principe de la surveillance par Bruxelles des politiques budgétaires nationales. Mais, depuis longtemps, un clivage existe entre les pays qui plaident pour plus de « souplesse » dans cette gouvernance centralisée, et ceux qui jugent que la « rigueur budgétaire » doit primer sur toute autre considération. Dans ce second camp figurent traditionnellement les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche, et bien sûr l’Allemagne. Quant aux partisans de desserrer – un peu – le carcan, on les trouve entre autres du côté de Madrid, de Rome, mais aussi de Paris.

Les affrontements entre les deux camps ne datent pas d’hier, mais ils ont été relancés lorsque les conséquences économiques potentiellement cataclysmiques du Covid se sont profilées début 2020. L’urgence de dépenses publiques supplémentaires massives pour tenter de faire face à la crise s’est imposée même aux pays les plus « frugaux ». Au printemps 2020, l’UE convint alors de suspendre provisoirement les règles en vigueur.

Chaque pays fut donc autorisé à dépasser, sans craindre de sanctions, les deux bornes sacrées qui prévalaient depuis le lancement de l’euro : chaque dette publique nationale doit être contenue en dessous de 60% du PIB, et les déficits budgétaires et sociaux à moins de 3% du même indicateur. Face au péril d’une récession spectaculaire, la plupart des gouvernements auraient de toute façon appliqué des politiques de dépenses exceptionnelles ; Bruxelles a ainsi provisoirement légalisé des infractions massives qui s’annonçaient de toute façon.

En avril 2023, la Commission européenne a proposé une réforme du Pacte et de la très complexe gouvernance que ce dernier entraîne

Mais certains, en particulier à Berlin, n’ont pas tardé à rappeler que le provisoire ne devait pas durer. D’accord ont répondu les pays du sud – et quelques commissaires, dont l’Italien Paolo Gentiloni – mais ce doit être l’occasion de réformer le pacte.

D’autant que ce dernier était déjà violé avant le Covid. Aujourd’hui, une douzaine de pays ont des déficits supérieurs à 3%, et la moyenne des dettes publiques nationales était en 2023 de 83% du PIB, bien au-delà des 60%%.

D’autant, aussi, que les Vingt-sept ont, entre temps, fait de la transition écologique une priorité obsessionnelle, et que celle-ci suppose des investissements considérables. Enfin, une nouvelle marotte, également très dispendieuse, est apparue parmi les dirigeants européens : investir dans les capacités militaires et les armements, pour l’Ukraine… et pour les Etats membres eux-mêmes.

En avril 2023, la Commission européenne a donc proposé une réforme du Pacte et de la très complexe gouvernance que ce dernier entraîne. La proposition maintenait les bornes de 60% et 3%, mais confiait à chaque pays qui serait en dehors des clous le soin de mettre sur pied lui-même une « trajectoire » de quatre ans pour rétablir sa situation – sous la supervision bruxelloise.

A partir de ce principe général s’est déclenchée une épreuve de force entre Berlin et Paris. Un compromis a finalement été trouvé entre les deux capitales, ce qui a ouvert la voie à un texte adopté par le Conseil le 20 décembre. C’est cette mouture qui a été acceptée par les représentants de l’europarlement le 10 février dernier (moyennant quelques modifications minuscules).

Concrètement, les pays de la zone euro dont la dette dépasse les 60% du PIB devront réduire cette dette de 1% par an (quels que soient les conséquences sociales). Cependant, s’ils s’engagent sur des « réformes structurelles » (une exigence récurrente de Bruxelles, qui peut porter sur les systèmes de santé, de retraites, sue le marché ou le droit du travail…), ils pourront se voir accorder une période de grâce supplémentaire de trois ans. Bruxelles sera d’autant plus compréhensif si des investissements « verts », dans le secteur de l’économie numérique, ou bien encore militaires, sont prévus dans les plans nationaux.

Pour les pays dont le solde budgétaire dépasse les – 3%, le déficit « structurel » devra être réduit de 0,5% par an. C’était une exigence du gouvernement allemand, représenté en ce domaine par le ministre de l’économie, le Libéral Christian Lindner (à droite sur la photo, face à ses homologues français et espagnole). Le diable se cache dans les détails : le terme « structurel » renvoie à la non-comptabilisation des intérêts de la dette. Même le gouverneur de la Banque de France, pourtant très favorable à une réforme « rigoureuse » du Pacte a admis que celui-ci avait encore été complexifié par rapport au système précédent.

Quoiqu’il en soit, de l’avis de nombreux observateurs, Berlin a eu globalement gain de cause à travers la mise en place de ces « garde-fous ». Et a imposé qu’on se concentre plus sur la réduction des dépenses que sur celle des déficits (ce qui a l’« avantage » de ne pas nuire aux réductions d’impôts, chères aux libéraux). Paris a cependant obtenu une petite concession : l’exigence portant sur le rythme de réduction des déficits n’entrera en vigueur qu’en 2028. Donc après la prochaine élection présidentielle…

Le pacte de stabilité – au-delà de telle ou telle réforme – est un corset de fer mis en place pour éviter que l’euro n’explose

Lors du vote final dans l’hémicycle de Strasbourg, le PPE (droite européenne), les Libéraux mais aussi une très grande partie du groupe des socialistes et sociaux-démocrates voteront la réforme du pacte ainsi négociée. Une petite partie de ces derniers cependant, de même que les eurodéputés du groupe de gauche et de celui des Verts, s’y opposeront en dénonçant le règne de l’ultralibéralisme dans les instances européennes.

Mais ils se garderont certainement de pointer la raison d’être du Pacte de stabilité : lorsque le projet de monnaie unique avait été présenté, au début des années 1990, ses auteurs étaient bien conscients qu’une telle monnaie était intenable si elle était partagée par des économies aux caractéristiques différentes et aux tendances divergentes. Il fallait donc mettre en place un corset de fer pour faire tenir ensemble une entité économique hétéroclite.

Dit autrement, le pacte de stabilité – au-delà de telle ou telle réforme – est indispensable pour éviter que l’euro n’explose. Ce dernier, qui devait assurer protection et prospérité aux « citoyens européens », se confirme donc comme l’une des principales causes des coupes dans les dépenses, de Berlin à Paris et de Rome à Madrid. Au détriment des services publics dans tous les domaines.

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Conseil européen : Viktor à la Pyrrhus…

Par : pierre

Le 1er février, plus d’un millier de tracteurs convergeaient vers Bruxelles en provenance de différents pays de l’UE. Les agriculteurs voulaient ainsi prolonger la mobilisation qui s’est développée dans une dizaine de pays ces dernières semaines, notamment en Allemagne et en France.

La Commission a été contrainte d’annoncer des concessions notamment la mise au frigo de certaines dispositions du « Pacte vert », la diminution de la paperasserie bureaucratique, ou bien la suspension du processus devant aboutir à un traité de libre échange avec le Mercosur (quatre pays d’Amérique du sud).

Pour autant, le mouvement ne semble pas terminé. Des manifestations sont apparues ces jours-ci dans de nouveaux pays, comme l’Espagne et l’Italie. Car au-delà des revendications à court terme, les exploitants agricoles, notamment les petits et les moyens, ont un objectif fondamental : pouvoir vivre de leur travail plutôt que de subventions, et cela grâce à des prix rémunérateurs protégés de l’intenable concurrence mondiale.

Les organisateurs de la manifestation à Bruxelles n’avaient pas choisi la date au hasard. Les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement avaient en effet prévu ce jour-là un sommet extraordinaire. C’était donc l’occasion de se faire entendre au plus haut niveau, même si l’ordre du jour du Conseil, en l’occurrence le déblocage de dizaine de milliards d’euros en faveur de Kiev, n’avait que peu de rapport avec les revendications du monde rural.

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Conseil européen : Viktor à la Pyrrhus

Par : pierre

Le 1er février, plus d’un millier de tracteurs convergeaient vers Bruxelles en provenance de différents pays de l’UE. Les agriculteurs voulaient ainsi prolonger la mobilisation qui s’est développée dans une dizaine de pays ces dernières semaines, notamment en Allemagne et en France.

La Commission a été contrainte d’annoncer des concessions notamment la mise au frigo de certaines dispositions du « Pacte vert », la diminution de la paperasserie bureaucratique, ou bien la suspension du processus devant aboutir à un traité de libre échange avec le Mercosur (quatre pays d’Amérique du sud).

Pour autant, le mouvement ne semble pas terminé. Des manifestations sont apparues ces jours-ci dans de nouveaux pays, comme l’Espagne et l’Italie. Car au-delà des revendications à court terme, les exploitants agricoles, notamment les petits et les moyens, ont un objectif fondamental : pouvoir vivre de leur travail plutôt que de subventions, et cela grâce à des prix rémunérateurs protégés de l’intenable concurrence mondiale.

Les organisateurs de la manifestation à Bruxelles n’avaient pas choisi la date au hasard. Les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement avaient en effet prévu ce jour-là un sommet extraordinaire. C’était donc l’occasion de se faire entendre au plus haut niveau, même si l’ordre du jour du Conseil, en l’occurrence le déblocage de dizaine de milliards d’euros en faveur de Kiev, n’avait que peu de rapport avec les revendications du monde rural.

Quoique. Parmi les exigences paysannes figure la remise en place de barrières douanières sur les exportations agricoles ukrainiennes. Les énormes quantités de céréales, mais aussi de fruits et légumes et de viande, constituent une concurrence particulièrement déloyale pour les pays en première ligne (Pologne, Roumanie, Hongrie…) puisque les exploitants ukrainiens ne sont soumis à aucune des règles et contraintes (notamment sanitaires et phytosanitaires) qui prévalent dans l’UE. Mais les pays de l’ouest tels que la France sont également victimes de cette situation, comme en témoigne la hausse considérable des achats de volaille par les grands industriels et les centrales d’achat.

Finalement, les Vingt-sept envisagent de réintroduire quelques protections face à l’afflux de produits ukrainiens, une concession qui n’aurait jamais vu le jour sans la colère des agriculteurs. Bruxelles avait en effet retiré ces droits de douane l’année dernière pour afficher sa « solidarité sans faille » avec le gouvernement de Kiev. Les conséquences désastreuses pour les paysans de l’UE étaient pourtant prévisibles (ce qui donne une idée des effets cataclysmiques si un jour l’Ukraine adhérait en bonne et due forme à l’Union).

Le 1er février, le point unique à l’ordre du jour était le transfert vers l’Ukraine de 50 milliards d’euros

On sait que l’activisme pro-Kiev des dirigeants européens est sans limite : sanctions anti-russes, fourniture d’armes, d’équipements et munitions… Le 1er février, le point unique à l’ordre du jour était le transfert vers l’Ukraine de 50 milliards d’euros (33 milliards de prêts à taux réduit, et même 17 milliards de dons purs et simples). Cette perfusion financière considérable, programmée sur quatre ans, vise en fait à maintenir la tête hors de l’eau au régime de Kiev, dont l’économie est exsangue – et le restera. Elle s’inscrit dans la modification en cours du budget pluriannuel (2021-2027) de l’UE.

Cette dernière, selon les chiffres de la Commission, a déjà déversé 85 milliards sur ce pays depuis 2022 hors aide militaire proprement dite… L’objectif géopolitique est d’abord de tenir face à la Russie. Mais aussi d’envoyer un message de fierté et d’encouragement au président américain : celui-ci bataille face à la chambre des représentants, dominée par les amis de Donald Trump, qui bloque pour l’instant les transferts financiers de Washington vers Kiev.

Mais les dirigeants européens avaient un problème : lors de leur précédent sommet, le 14 décembre dernier, la modification du budget pluriannuel, et donc le déblocage des fonds promis à l’Ukraine, s’était heurté à l’opposition du premier ministre hongrois, alors que l’unanimité était nécessaire. Viktor Orban avait certes fini par accepter tacitement le démarrage des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, mais était resté ferme contre le versement des milliards.

Il avait ainsi semé la consternation et la fureur parmi ses pairs, qui l’accusent régulièrement d’être une « marionnette » de Moscou. Ainsi, en fin d’année dernière, le dirigeant hongrois avait osé serrer la main de Vladimir Poutine face aux caméras. « La Hongrie n’a jamais voulu affronter la Russie » avait-il alors déclaré en précisant que son pays « a toujours poursuivi l’objectif de construire et de développer la meilleure forme de communication » avec Moscou.

Pour les dirigeants européens, cette déclaration iconoclaste constitue un crime supplémentaire de celui qui est devenu, au fil des ans, la bête noire de Bruxelles. Une procédure est du reste en cours depuis des années contre la Hongrie accusée par la Commission et l’europarlement de violer l’« Etat de droit ». Conséquence : Budapest, qui, comme chaque Etat membre, est normalement destinataire de fonds bruxellois (notamment du plan de relance communautaire), attend toujours. Ou plutôt attendait.

Selon une méthode bruxelloise bien connue, quand on échoue une fois, on essaye à nouveau jusqu’à obtenir la « bonne » réponse

Car la veille du sommet du 14 décembre, la Commission avait fait un geste (à la fureur des ultras) en débloquant 10 milliards sur les 30 promis. Et ce, dans l’espoir que Viktor Orban assouplirait sa position. Ce qui fut donc le cas pour la perspective des négociations d’adhésion, mais pas pour les subsides en faveur de Kiev.

Mais, selon une méthode bruxelloise bien connue, quand on échoue une fois, on essaye à nouveau jusqu’à obtenir la « bonne » réponse. D’où le sommet de rattrapage du 1er février. Quelques jours avant la tenue de celui-ci, les conjectures allaient donc bon train : le dirigeant hongrois allait-il persister dans son veto ? Les pressions sur Budapest se sont alors multipliées. L’ambassadeur américain dans la capitale hongroise les a ouvertement soutenues.

Le Financial Times dévoila même un document selon lequel le Conseil allait annoncer que la Hongrie, si elle ne se soumettait pas, pourrait dire adieu pour longtemps à l’argent européen. But avoué de la note théoriquement confidentielle et de sa révélation opportune : saboter l’économie hongroise en effrayant les marchés financiers. Le pays serait alors privé d’investissements, donc oumis à des déficits croissants et à la chute de sa monnaie (la Hongrie n’a pas adopté l’euro). Le Conseil a mollement démenti, indiquant qu’il ne s’agissait que d’un document de travail…

La manœuvre aura-t-elle été efficace ? Alors que les diplomates et journalistes prévoyaient un sommet à rallonge et d’interminables bras de fer, le président du Conseil annonçait, un quart d’heure seulement après l’ouverture de la réunion, qu’un accord était trouvé au sein des Vingt-sept : le paquet de 50 milliards était validé, avec même la perspective d’un premier virement de 4,5 milliards début mars.

En échange, M. Orban obtenait trois concessions : la Commission devra établir un rapport annuel sur l’utilisation des fonds par Kiev ; un point sera fait dans deux ans si les Vingt-sept le demandent ; et, s’agissant des fonds communautaires gelés devant revenir à la Hongrie, le pays sera traité de manière « juste et équitable », confirmation implicite que, jusqu’à présent, le blocage de ces fonds constituait bien un pur moyen de pression politique.

Qu’un accord ait finalement pu être trouvé en quelques minutes laisse à penser que le « deal » et sa dramaturgie avaient été préparés en amont. Sans doute pour y mettre une dernière main, une réunion le matin même avait mis en présence en petit comité les dirigeants de trois pays (Allemagne, France, Italie), les chefs du Conseil et de la Commission, et M. Orban. Quoiqu’il en soit, au vu de ces maigres contreparties obtenues par ce dernier, ses nombreux adversaires n’ont pas tardé à triompher, arguant qu’il avait capitulé en rase campagne.

Est-ce si simple ? Bien sûr, les pressions n’ont pas été sans effet sur la conclusion – provisoire – de l’affrontement. Mais il serait erroné de décrire le dirigeant hongrois comme un adversaire de l’Union européenne, ou bien comme un fidèle du président russe, même s’il refuse toujours que son pays expédie ou laisse transiter des armes vers l’Ukraine.

Il fait plutôt figure de fin tacticien, défenseur de ce qu’il estime être les intérêts hongrois. Et il a toujours su ne pas prendre le risque d’un affrontement massif avec Bruxelles dans lequel le rapport de force ne pourrait pas être en faveur d’un pays de 10 millions d’habitants face au reste du bloc. Ainsi, il a laissé passer les douze paquets de sanctions visant Moscou, dont l’adoption requiert l’unanimité.

Mais il a su aussi imposer ses propres « lignes rouges » : le pays importe toujours ses hydrocarbures de Russie, et empêche a fortiori que des sanctions européennes touchent sa coopération avec Moscou dans le domaine de l’énergie nucléaire. Cela devrait être encore le cas pour le treizième paquet, imminent.

Et en lâchant du lest sur le bras de fer des 50 milliards, M. Orban reste dans le jeu pour tenter d’influer sur les prochaines décisions. C’est ce que ses nombreux adversaires européens nomment son « pouvoir de nuisance ». Ces derniers enragent face à cette épée de Damoclès, et n’osent même plus discuter de questions stratégiques à Vingt-sept, de peur, affirment-ils, que les secrets des Européens soient transmis à Vladimir Poutine.

Viktor Orban peut défendre une position moins va-t-en guerre que ses pairs parce qu’il s’appuie sur une aspiration pacifiste

Pour l’heure, deux éléments méritent d’être soulignés après cet épisode. D’une part, la confirmation que les dirigeants de l’UE n’hésitent à exercer aucune pression pour tenter de faire rentrer un pays dans le rang. Ce qui est nouveau, c’est qu’ils s’en vantent.

D’autre part et surtout, Viktor Orban peut défendre une position moins va-t-en guerre que ses pairs parce qu’il s’appuie sur une aspiration pacifiste de son peuple, une aspiration qui est partagée dans d’autre pays. Cela vaut particulièrement en Slovaquie, voire en Autriche, où les gouvernements ne sont pas les plus russophobes. Cela vaut également en Italie ou en Bulgarie, malgré le tropisme ultra-atlantistes des gouvernants actuels.

En dernière analyse, c’est bien l’état d’esprit des peuples qui sera de plus en plus déterminant. D’où la nervosité bruxelloise.

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Les révoltes paysannes, qui se répandent au sein de l’UE, inquiètent Bruxelles

Par : pierre

Un spectre hante l’Europe : celui d’une insurrection paysanne. Pour l’instant, l’affirmation ainsi formulée est sans doute exagérée ; mais un petit vent de panique fait présentement frissonner les bureaux de la Commission européenne et les gouvernements de nombreux Etats membres.

Allemagne, France, mais aussi Pays-Bas, Belgique, Espagne, Pologne, Roumanie et même la pourtant très disciplinée Lituanie : les agriculteurs se sont mobilisés ou se mobilisent encore pour défendre leur activité, et pour récupérer les moyens d’une vie digne.

En Allemagne, le mouvement, qui a connu un moment spectaculaire le 15 janvier lors de la convergence massive à Berlin de tracteurs et de manifestants, semble loin de retomber. Les paysans français ont démarré plus tard, mais la colère, qui était d’abord apparue mi-janvier à travers l’occupation d’une autoroute du sud du pays, s’est répandue en quelques jours comme une traînée de poudre. Voies de circulation bloquées, ronds-points occupés : le désespoir accumulé depuis des années a soudain explosé.

Un élément a mis le feu aux poudres : la suppression progressive de la détaxe dont bénéficiait le carburant pour les engins agricoles (gazole non routier, GNR). C’est le même élément qui avait déclenché la mobilisation paysanne allemande. Et cette mesure de fiscalité verte rappelle l’étincelle qui avait lancé le mouvement des Gilets jaunes en France, fin 2018 et profondément déstabilisé le règne d’Emmanuel Macron.

Autre point commun avec les Gilets jaunes : le très large soutien qui s’est tout de suite manifesté parmi les Français, comme ce fut également le cas lors des manifestations contre la réforme des retraites en 2023. Les paysans mobilisés sur les barrages routiers ont récolté d’innombrables témoignages de solidarité. Pour les agriculteurs, qui ont souvent le sentiment d’être les mal-aimés accusés de salir la planète, ces soutiens sont une aide et un encouragement considérables.

Si l’on ajoute à cela que de premières convergences se sont dessinées avec les pêcheurs en colère, ou avec les petites entreprises de transport routier, on comprend pourquoi le nouveau premier ministre était prêt à lâcher du lest dans l’espoir d’éteindre un incendie potentiellement hors de contrôle.

Le 26 janvier, il s’est donc rendu sur le terrain – une exploitation agricole près de Toulouse – et a annoncé un train de mesures : allègement de certaines normes écologiques, assouplissement des contrôles, fonds d’urgence, et surtout annulation de la hausse programmée des taxes sur le GNR. De nouvelles concessions devaient être accordées le 30 janvier. Il reste à voir si cela suffira pour calmer la mobilisation.

Si l’on ajoute aux ressources qui baissent et aux charges qui s’envolent les contraintes environnementales imposées de Bruxelles, on comprend le désespoir qui se répand un peu partout.

Même si le contexte politique diffère d’un pays de l’UE à l’autre, les dramatiques difficultés auxquelles est confronté le monde rural présentent bien des analogies. Les agriculteurs – essentiellement les nombreux petits et moyens exploitants – sont de plus en plus coincés entre des ressources qui baissent (avec notamment la pression des industriels de l’agro-alimentaire et des grandes chaînes de distribution) et des charges qui s’envolent : les taxes, mais aussi le prix des intrants (engrais…) ainsi que le coût de l’énergie (conséquence des sanctions décidées par l’UE contre la Russie) et celui des emprunts bancaires (lié notamment aux décisions sur les taux de la Banque centrale européenne).

Si l’on ajoute à cela les contraintes environnementales imposées de Bruxelles (et la prolifération des démarches administratives qui en résultent), on comprend le désespoir qui se répand un peu partout. De nombreux exploitants, qui travaillent couramment soixante-dix à quatre-vingt heures par semaine pour ne gagner qu’un revenu mensuel inférieur au salaire minimum, voire pour boucler l’année avec plus de dépenses que de revenus, désespèrent tant pour eux-mêmes que pour l’avenir de leur activité. Un paysan du centre de la France affichait récemment sur son tracteur : « je suis éleveur, je vous nourris, je meurs ».

Face aux mouvements qui se font jour, les réactions des différents gouvernements nationaux se ressemblent. Premièrement : « agriculteurs, on vous aime ». Deuxièmement, « l’Europe n’est pas du tout responsable ». Troisièmement : « attention, vous faites le jeu de l’extrême droite ».

Le premier point n’est que l’aveu implicite du rapport de forces… Le troisième fait écho au fait que les partis dits « populistes » ont longtemps été les seuls à tenir un discours (pas forcément sincère) remettant en question l’ouverture des frontières et le dogme quasi-religieux de l’environnement.

L’Union européenne porte une responsabilité écrasante dans la situation actuelle, avec deux points-clés : le libre échange et l’obsession écologique

Mais c’est le second point qui est le mensonge le plus frappant. L’Union européenne porte en effet une responsabilité écrasante dans la situation actuelle. Avec – notamment – deux points-clés : le libre échange ; et l’obsession écologique.

Premier volet, le libre échange en matière de commerce mondial, fait partie de l’ADN de l’UE. Cette dernière a rompu avec ce qui constituait la Politique agricole commune des débuts : dans les années 1960-1970, les six membres fondateurs affirmaient vouloir assurer l’indépendance alimentaire et avaient constitué pour ce faire une zone de protection de l’agriculture grâce à des droits de douane vis-à-vis du reste du monde, et à des subventions compensatoires.

Mais dès les années 1990-2000, l’UE s’est ouverte au grand vent de la mondialisation. Au fil du temps, la Commission, qui a le monopole des négociations commerciales internationales, a conclu des accords de libre échange avec, entre autres, le Mexique, le Chili, le Canada, le Japon ; celui avec la Nouvelle-Zélande entrera en vigueur cette année.

Avec un esprit d’à-propos qui fait grincer des dents dans certaines capitales (à Paris notamment), Bruxelles vient d’annoncer que les négociations en vue d’un accord avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) pourraient très prochainement aboutir, alors qu’on les croyait ensablées… Voilà qui va faire plaisir aux éleveurs européens !

Les échanges au sein du marché unique de l’UE ne sont pas neutres non plus. En effet, les coûts différents d’un pays à l’autre (le prix du travail notamment) engendrent une concurrence déloyale. C’est ce qu’ont voulu signifier les producteurs de fruits et légumes français qui ont stoppé et vidé sur les barrages les camions de marchandises venant par exemple des serres industrielles espagnoles.

Un cas particulier concerne les exportations en provenance d’Ukraine, telles que les céréales, mais aussi la viande et les fruits. Dans un geste politique visant à soutenir Kiev, Bruxelles a, en 2022, levé les quotas et taxes sur les produits de ce pays, qui est pourtant loin de respecter les normes et règles de l’UE. Il y a quelques mois, les producteurs français de volaille alertaient ainsi sur le déferlement de poulets ukrainiens (+ 127% en un an), élevés dans des conditions interdites au sein des Vingt-sept. Au grand détriment des producteurs français, mais aussi des consommateurs.

Cependant, les plus durement touchés sont les paysans polonais, roumains, bulgares, hongrois et slovaques : les dispositions décidées par Bruxelles prévoyaient aussi des « couloirs de la solidarité » censés faciliter le transport des céréales ukrainiennes vers des clients mondiaux, mais transitant par les pays de l’Est de l’UE. Conséquence immédiate : un effondrement des cours sur le marché national de ceux-ci et la ruine des producteurs polonais ou roumains.

L’émotion fut telle que Bruxelles dut suspendre provisoirement ces facilités. Mais elles sont désormais rétablies, au grand dam de Varsovie et de Bucarest. Dès lors, les agriculteurs se sont mobilisés en masse. Le nouveau gouvernement polonais, mis en place après les élections de novembre 2023 et pourtant fêté comme très pro-UE, a annoncé que, sur ce terrain, il poursuivrait la politique de son prédécesseur « europhobe » : il et maintiendra des taxes nationales, violant ainsi le droit communautaire.

Le « Pacte Vert », adopté en 2021 par le Conseil de l’UE et l’europarlement, inclut une partie agricole dont la perspective inquiète au plus haut point le monde rural

L’obsession écologique dont les dirigeants européens se veulent les plus zélés militants constitue le second volet qui contribue à noyer l’agriculture européenne. Par exemple, c’est bien au nom de l’environnement que la Commission européenne a demandé aux Etats membres de relever la fiscalité sur les carburants agricoles au même niveau que celle sur le gazole routier (proposition de directive du 14/07/2021).

Plus généralement, au motif que l’UE doit être exemplaire pour appliquer l’Accord de Paris sur le climat, ledit « Pacte Vert », adopté en 2021 par le Conseil de l’UE et l’europarlement, englobe pas moins de soixante-dix textes, dont cinquante déjà adoptés, dans des domaines divers (interdiction des moteurs thermiques, marché du carbone…). Il inclut une partie agricole, baptisée « de la ferme à la fourchette », dont la perspective inquiète au plus haut point le monde rural.

Cela s’ajoute à la réforme de la Politique agricole commune, déjà appliquée, qui prévoit toujours plus de contraintes environnementales. Il faut aussi citer le texte récemment voté intitulé « restauration de la nature », de même que les restrictions sur les produits phytosanitaires, les obligations de rétablissement de zones humides, de jachères, de haies.

Alors que les paysans du 21ème siècle s’estiment fiers de ce qu’ils voudraient faire, nourrir la population, ils se rendent compte que les technocrates bruxellois, qui prétendent leur imposer la manière de s’y prendre, voudraient en fait les transformer en « jardiniers du paysage ». Pour le plus grand plaisir des firmes agro-alimentaires avides de régner sur le commerce mondial…

Début janvier, un agriculteur roumain en route pour bloquer Bucarest, proclamait pour sa part : « frères fermiers, unissez-vous ! ».

Décidément, un spectre hante l’Europe…

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Les révoltes paysannes, qui se répandent au sein de l’UE, inquiètent Bruxelles…

Par : pierre

Un spectre hante l’Europe : celui d’une insurrection paysanne. Pour l’instant, l’affirmation ainsi formulée est sans doute exagérée ; mais un petit vent de panique fait présentement frissonner les bureaux de la Commission européenne et les gouvernements de nombreux Etats membres.

Allemagne, France, mais aussi Pays-Bas, Belgique, Espagne, Pologne, Roumanie et même la pourtant très disciplinée Lituanie : les agriculteurs se sont mobilisés ou se mobilisent encore pour défendre leur activité, et pour récupérer les moyens d’une vie digne.

En Allemagne, le mouvement, qui a connu un moment spectaculaire le 15 janvier lors de la convergence massive à Berlin de tracteurs et de manifestants, semble loin de retomber. Les paysans français ont démarré plus tard, mais la colère, qui était d’abord apparue mi-janvier à travers l’occupation d’une autoroute du sud du pays, s’est répandue en quelques jours comme une traînée de poudre. Voies de circulation bloquées, ronds-points occupés : le désespoir accumulé depuis des années a soudain explosé.

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Mythe de l’Europe-puissance, réalité des marchands de canons…

Par : pierre

Pacte de stabilité, politique migratoire, augmentation du budget communautaire pluriannuel, importations sans droits de douane des produits agricoles ukrainiens, élargissement, « Pacte vert »… La liste n’est pas exhaustive des dossiers sur lesquels les Vingt-sept s’écharpent, ouvertement ou plus discrètement.

Dans ce contexte pour le moins chahuté, le commissaire européen chargé du marché intérieur, le Français Thierry Breton, a-t-il trouvé un domaine qui fasse enfin consensus parmi les Etats membres ? Le 11 janvier, il a proposé de muscler l’« Europe de la Défense » – il serait plus exact de parler de l’Europe de l’armement – à travers la création d’un fonds doté de 100 milliards d’euros. La somme n’est pas tout à fait négligeable : si on la rapporte à la population vivant dans l’UE, elle représente plus de 200 euros par personne, bébés compris…

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Mythe de l’Europe-puissance, réalité des marchands de canons

Par : pierre

Pacte de stabilité, politique migratoire, augmentation du budget communautaire pluriannuel, importations sans droits de douane des produits agricoles ukrainiens, élargissement, « Pacte vert »… La liste n’est pas exhaustive des dossiers sur lesquels les Vingt-sept s’écharpent, ouvertement ou plus discrètement.

Dans ce contexte pour le moins chahuté, le commissaire européen chargé du marché intérieur, le Français Thierry Breton, a-t-il trouvé un domaine qui fasse enfin consensus parmi les Etats membres ? Le 11 janvier, il a proposé de muscler l’« Europe de la Défense » – il serait plus exact de parler de l’Europe de l’armement – à travers la création d’un fonds doté de 100 milliards d’euros. La somme n’est pas tout à fait négligeable : si on la rapporte à la population vivant dans l’UE, elle représente plus de 200 euros par personne, bébés compris…

Selon le commissaire – un grand partisan des réductions des dépenses publiques quand il était ministre des finances français (2005-2007) – il s’agit d’une part de « renforcer significativement notre base industrielle de défense » ; et d’autre part de « développer des infrastructures communes de sécurité ». Parmi ces dernières pourraient par exemple figurer le déploiement de satellites de surveillance de l’espace, des systèmes communs de défense aérienne, le possible lancement d’un porte-avion européen, ou bien des centres communs de cybersécurité.

L’achat direct par l’UE d’armements, de munitions et de matériels n’est pas autorisé par les traités. Pour contourner ce malencontreux obstacle, plusieurs fonds existent déjà, à l’image du Fonds européen de défense qui finance la recherche militaire ; du fonds baptisé ASAP encourageant les investissements des entreprises d’armement qui produisent des munitions ; du Fonds EDIP favorisant les acquisitions communes, par au moins trois Etats membres, d’équipements militaires.

On peut aussi citer la « Facilité européenne pour la paix » (sic !), un instrument plus ancien censé répondre aux besoins militaires des pays ou des régimes que Bruxelles souhaite soutenir, ce qui ne peut être fait par le budget général de l’UE. Le problème est que ce Fonds a été largement vidé par l’aide à l’Ukraine, et qu’il faudrait trouver un consensus pour l’abonder à nouveau.

Avec son projet présenté en janvier (et qui ne prendrait de toute façon pas forme avant la fin de l’année), Bruxelles souhaite subventionner les firmes productrices d’armes et de matériels qui, issues de plusieurs Etats membres, s’engageront à travailler ensemble. « Nous sommes prêts à aider les entreprises à prendre certains risques, notamment investir dans de nouvelles capacités, et ce sans nécessairement disposer d’emblée de commandes des différentes armées » a bien précisé M. Breton. En clair : risquer l’argent des contribuables pour permettre aux grandes firmes concernées d’être sures de rentrer dans leurs frais même si les commandes ne sont pas aussi nombreuses que prévu…

Les esprits chagrins pourraient observer qu’il s’agit là d’aides d’Etat, en principe pas très conformes au libéralisme prescrit par les traités. Certains gouvernements pourraient du reste brandir cet argument pour contester le projet. Mais pour M. Breton, comme pour de nombreux dirigeants européens (dont Emmanuel Macron), le jeu en vaut la chandelle.

Ladite Europe de la Défense poursuit deux objectifs : satisfaire les marchands de canons, et répondre aux fantasmes de l’« Europe-puissance »

Si aucun d’entre eux n’ose plus rêver d’une armée commune de l’UE, ladite Europe de la Défense poursuit en réalité deux objectifs : satisfaire les marchands de canons, et en particulier les soutenir face aux grands groupes américains qui lorgnent plus que jamais sur les commandes européennes ; et répondre aux fantasmes de l’« Europe-puissance », nouvel horizon mondial dont rêvent les élites de l’UE. Le 27 février prochain, la Commission précisera à cet égard sa « nouvelle stratégie de défense ».

Le premier but est d’autant plus sensible que de nombreux Etats membres n’hésitent pas à se fournir outre-Atlantique, au grand désespoir des firmes européennes (ADS/Airbus, Dassault, Thalès, KMW, Rheinmetall…).

Encore tout récemment, le ministre de la Défense bulgare était en visite à Washington puis dans les usines du géant Lockheed Martin. Sur sa liste de courses : des chasseurs F16, des véhicules de combat, des radars dernier cri, des missiles pour garde-côtes… Sofia a prévu d’y consacrer 10 milliards de dollars d’ici 2032. A noter que la Bulgarie passe pour le pays le plus pauvre de l’UE (mais aussi l’un de ceux où la proportion de la population qualifiée de « pro-russe » – en fait, anti-guerre – est la plus importante).

La Pologne avait pour sa part signé en juillet 2022 le « contrat du siècle » (avions, chars, obusiers…) avec des firmes… sud-coréennes, au grand dam des fournisseurs européens.

« Sommes nous prêts pour la guerre ? »

Quant au second but, il a encore été illustré par une déclaration, le 12 janvier, du nouveau ministre français des Affaires étrangères. Stéphane Séjourné, un très proche du président, a ré-insisté sur l’importance de l’« Europe puissance », et martelé : « le réarmement de la France passe évidemment par le réarmement de l’Europe ».

Hasard du calendrier, six jours plus tard doit arriver en librairie un essai écrit par un journaliste français spécialiste des questions militaires. Avec pour titre : « Sommes nous prêts pour la guerre ? ».

Naguère, les propagandistes de la CEE puis de l’UE proclamaient : « l’Europe, c’est la prospérité », « l’Europe, c’est la paix ».

Le deuxième slogan est désormais en passe de devenir aussi rassurant que le premier.

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Les rêves des euros-élites se délitent…

Par : pierre

Une actualité chasse l’autre… La classe politique française est entrée en ébullition avec la nomination du plus jeune premier ministre de l’histoire de France et la formation du nouveau gouvernement.

Quelques jours plus tôt, le décès de Jacques Delors, survenu le 27 décembre, avait provoqué en son sein un déluge d’éloges, une cascade de louanges, des torrents de larmes.

L’ancien ministre des finances (1981-1984) sous François Mitterrand, devenu président de la Commission européenne (1985-1995), est désormais élevé au statut d’un des « pères de l’Europe ». L’ex-pape de Bruxelles est en quelque sorte béatifié.

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Les rêves des euro-élites se délitent

Par : pierre

Une actualité chasse l’autre… La classe politique française est entrée en ébullition avec la nomination du plus jeune premier ministre de l’histoire de France et la formation du nouveau gouvernement.

Quelques jours plus tôt, le décès de Jacques Delors, survenu le 27 décembre, avait provoqué en son sein un déluge d’éloges, une cascade de louanges, des torrents de larmes.

L’ancien ministre des finances (1981-1984) sous François Mitterrand, devenu président de la Commission européenne (1985-1995), est désormais élevé au statut d’un des « pères de l’Europe ». L’ex-pape de Bruxelles est en quelque sorte béatifié.

Même ceux qui prétendent l’avoir combattu en matière d’intégration européenne n’ont pas manqué de tirer leur chapeau. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, censé incarner la « gauche radicale », a salué « le militant et l’homme d’action qui agissait en pensant au bien commun ». Pour sa part, la vice-présidente du Rassemblement national, Edwige Diaz, s’est jointe à cet hommage consensuel de la caste.

Mais il revenait bien sûr au président français de faire le discours solennel, un exercice auquel il s’est livré le 5 janvier. Emmanuel Macron s’était fait élire en 2017 en brandissant l’étendard de l’Europe. Mais en écoutant ses propos de 2024, un contraste frappe d’emblée si l’on se souvient des discours prononcés à Athènes, puis à la Sorbonne, peu après sa première prise de fonction. Il énumérait à l’époque de nombreuses ambitions concrètes visant à accélérer et renforcer l’intégration européenne. Beaucoup de ses partisans avaient alors regretté l’absence de réponse de l’Allemagne officielle. Il est vrai que le pays était en campagne électorale.

Sept ans plus tard, l’hommage à Jacques Delors a accumulé les formules creuses. Ce dernier, a ainsi vanté le chef de l’Etat, a su « réconcilier l’Europe avec son avenir », et celle-ci « nous appartient autant que nous lui appartenons, et il nous appartient de la poursuivre »…

Bien sûr, Emmanuel Macron reste un ardent militant de « la cause européenne ». Mais la dure réalité est passée par là.

Bien sûr, Emmanuel Macron reste un ardent militant de « la cause européenne ». Mais la dure réalité est passée par là, loin des rêves des euro-élites.

La réalité, c’est-à-dire d’une part les progrès des forces qui passent pour « eurosceptiques » (même si c’est à tort), un dangereux signal d’alarme vu de l’Elysée ; et d’autre part les contradictions croissantes entre Etats membres dans à peu près tous les domaines.

Pas seulement avec les dissidents traditionnels comme la Hongrie, voire la Pologne (ce pays est certes désormais dirigé par le très pro-Bruxelles Donald Tusk, mais ce dernier n’est pas en situation de laisser liquider la souveraineté polonaise).

Mais aussi et surtout entre membres fondateurs (comme l’a récemment illustré le scrutin aux Pays-Bas), et singulièrement entre Paris et Berlin. Sans ce « tandem » franco-allemand actif et cohérent, l’UE ne peut avancer, a-t-on coutume de répéter dans les coulisses de la Commission. Or c’est peu dire que les sujets de querelles ne manquent pas entre les deux rives du Rhin.

Les oppositions ne sont certes pas nouvelles, mais elles ne se résorbent pas, voire s’aggravent. La liste est longue, à commencer par le bras de fer sur l’avenir du Pacte de stabilité, véritable carcan permettant la survie de la monnaie unique et dont le principe est d’imposer des restrictions drastiques sur les dépenses publiques. Le compromis trouvé en décembre est finalement très proche des revendications allemandes : une obligation automatique de réduction du déficit. Le ministre français a seulement obtenu une souplesse sur la date de démarrage du nouveau dispositif finalement avalisé par les Vingt-sept.

Autre domaine ou l’opposition entre les deux pays est patente : la politique énergétique. Emmanuel Macron, après avoir fermé une centrale nucléaire a été contraint de se convertir à l’atome, une horreur pour le gouvernement fédéral ; ce dernier n’hésite pas, en revanche, à prolonger le charbon. Sur le terrain communautaire, cela a donné lieu à des foires d’empoigne sur la réforme du marché de l’électricité, et sur la classification (plus ou moins verte) des différentes technologies énergétiques. Et l’armistice n’est que provisoire.

Sur le commerce international, les divergences entre les deux premières puissances de l’UE sont tout aussi claires. Là où Paris alerte contre le « protectionnisme chinois », Berlin a pour première priorité de ne pas fâcher Pékin qui reste un immense marché pour les exportations. Il en va de même pour l’accord de libre échange entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Le traité est signé, mais Paris bloque pour l’instant la ratification (au nom de raisons écologiques, mais l’accord serait surtout un désastre pour les agriculteurs) alors que Berlin pousse à la roue.

On pourrait également citer le futur bouclier anti-missiles censé protéger l’UE : chacune des deux capitales rassemble ses alliés pour défendre deux systèmes incompatibles. Les querelles sur l’avion de combat du futur sont également un classique depuis des années entre les deux pays, chacun poussant ses champions nationaux.

« Je ne crois pas que nous ayons jamais observé aussi peu de coopération entre Paris et Berlin »

David McAllister (eurodéputé)

Même sur la forme de l’aide militaire à Kiev (pas sur le principe, bien sûr), des tensions se manifestent discrètement. La liste n’est pas exhaustive des frictions actuelles ou à venir. Mais le pire, pour les dirigeants européens, c’est que malgré les sourires officiels, l’esprit de dialogue se tarit – loin des époques Schmidt-Giscard, Kohl-Mitterrand, voire Schröder Chirac, se désolent les nostalgiques… Au point qu’en octobre dernier, l’eurodéputé (CDU) David McAllister lâchait, dépité : « je ne crois pas que nous ayons jamais observé aussi peu de coopération entre Paris et Berlin ».

En réalité, c’est moins un problème de « manque d’alchimie » entre les dirigeants qu’une double difficulté politique de fond : les réelles divergences d’intérêt entre pays ; et la part des électorats séduits par « la grande aventure européenne » qui se réduit comme peau de chagrin.

A cet égard, les actuels dirigeants allemands et français se trouvent dans des situations comparables. A l’enlisement du discours euro-enthousiaste du président français correspond l’oubli du programme de départ de la coalition allemande tricolore : celui-ci avait symboliquement placé l’Europe en tête du document, et plaidait pour une unification fédérale de l’UE.

Aujourd’hui, tant Olaf Scholz qu’Emmanuel Macron (photo) ont d’autres soucis : le premier craint régulièrement de voir sa coalition éclater, et le second ne dispose même pas de majorité parlementaire, ce qui le contraint à une guérilla épuisante pour chaque projet de loi à adopter (et désormais à changer de premier ministre).

Surtout, ils incarnent chacun des régimes qui battent des records d’impopularité. Et ce n’est manifestement pas en vantant les mérites de l’Europe, et encore moins en promettant de « faire progresser » celle-ci, qu’ils peuvent espérer remonter la pente…

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Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure…

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

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Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

L’auteur cite d’abord l’étude d’un économiste américain selon lequel « la mondialisation porte – avec le libre-échange, la libéralisation des capitaux et l’automatisation – (la) responsabilité essentielle, (…) depuis les années 1990, (de la) forte insécurité économique pour certaines populations ». « La désindustrialisation, les délocalisations, la déformation du partage entre capital et travail se sont opérées au détriment » de ces groupes sociaux, précise pour sa part la sociologue.

Celle-ci pointe des conséquences politiques : « cette situation aurait dû logiquement profiter à la gauche, mais les dirigeants politiques d’extrême droite ont réussi à la retourner à leur avantage ». Pour faire échec au parti de Marine Le Pen, il faut donc d’urgence « rompre avec une mondialisation conçue en fonction des besoins du capital afin d’obtenir un rééquilibrage en faveur du travail ».

Hélas, soupire Dominique Méda, le gouvernement français « n’a pas choisi cette voie, bien au contraire ». Mais heureusement, il y a l’Union européenne, car s’enthousiasme-t-elle : « ce sont la Commission et le Parlement européens qui semblent amorcer un tournant social ».

Les institutions de l’UE ont impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts

Elle cite trois exemples qui devraient achever de convaincre les lecteurs du quotidien des élites libérales françaises. Le premier concerne la directive relative à l’amélioration des conditions de travail des personnes dont le revenu dépend d’une plate-forme numérique. Pour mémoire, le texte en question énumère les critères qui devraient permettre à certains « faux indépendants » de réclamer un statut de salarié.

L’ubérisation porte en elle-même une logique de « dumping social auquel se livrent les nombreuses plates-formes qui échappent aux obligations du droit du travail et font perdre à la Sécurité sociale des centaines de millions d’euros de cotisations » note à juste titre Dominique Méda, qui se réjouit que la future directive européenne puisse ainsi repêcher certains esclaves des temps modernes.

Elle omet cependant un détail : ce sont précisément les institutions de l’ UE – Commission, Conseil, Parlement – qui ont de concert impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts. En France, la loi El Khomri, votée en 2016, avait provoqué une mobilisation syndicale de masse (hélas vaine) contre la « flexibilisation » du droit du travail. Ladite loi découlait directement des « recommandations » adressées à la France par Bruxelles.

Aujourd’hui encore, la même Commission fait dépendre le versement des subventions post-Covid destinées aux Etats membres du zèle avec lequel ces derniers mettent en œuvre les « réformes » néo-libérales. Ces dernières n’ont pas exactement pour but la protection des droits des travailleurs…

Bruxelles se fait le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Le deuxième exemple donné est analogue. Il porte sur la « directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité » (le choix des mots est un bel exemple de poésie technocratique). Ledit texte appelle les entreprises à « respecter les droits humains et l’impact environnemental sur l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement ». Bruxelles se fait ainsi le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Ravie de cette soudaine croisade bruxelloise, la sociologue dénonce « la manière dont la libre circulation des capitaux et des marchandises avait permis aux entreprises transnationales de s’émanciper des responsabilités sociales et environnementales qui pesaient auparavant sur elles à travers les droits nationaux ». Mais omet de rappeler que la libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne. Avec celle de la main d’œuvre et des services, la « quadruple liberté » de circulation figure même dans les traités fondateurs.

La libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne

Le troisième exemple est tiré du futur règlement européen encadrant l’intelligence artificielle. Le texte en question établit une typologie entre domaines « à risque inacceptable », « risque élevé » et « risque limité » ; et fixe des objectifs de transparence sur les algorithmes. Mais l’auteur vante surtout « plusieurs dispositions contribuant à améliorer les conditions de travail ». Lesquelles ? De qui ? Hélas, faute de place certainement, elle ne le précise pas…

Enfin, se réjouit-elle, « une dernière avancée mérite d’être mentionnée. Il ne s’agit certes que d’une résolution du Parlement européen – non contraignante –, mais elle dessine une voie novatrice ». Ladite résolution appelle l’UE notamment à investir dans une « transition écologique qui sera créatrice d’emplois de qualité ». Car, selon les eurodéputés, « 1,4 million d’emplois faiblement ou moyennement qualifiés ainsi que 450 000 emplois hautement qualifiés seront créés à la suite de l’augmentation des investissements dans la rénovation des bâtiments et de la réduction de la consommation d’énergie des combustibles fossiles pour le chauffage ».

Des chiffres – dont la méthode de calcul est inconnue – à comparer à d’autres, cités en 2020 par Luc Triangle, un dirigeant syndical belge alors à la tête de la fédération européenne IndustriAll. Cette dernière (qui n’a vraiment rien d’un syndicat anti-européen)  pointait alors les conséquences du « Green Deal » concocté par Bruxelles pour « sauver la planète » : « nous parlons ici d’environ 11 millions d’emplois affectés directement dans des industries extractives, à haute intensité énergétique et automobile ».

Alors, Bruxelles chevalier du progrès social face aux Etats récalcitrants ? L’affirmation prête à sourire. Et à supposer même qu’elle ne soit pas absurde, ceux qui y croient oublient qu’aucune conquête sociale ne peut être octroyée d’en haut ; elle ne peut être obtenue que par la lutte.

Ce qui n’empêche pas le serpent de mer de « l’Europe sociale » de refaire surface très régulièrement. En 1997, le parti socialiste européen tenait congrès à Malmö en arborant déjà ce slogan. Avec l’arrivée d’Anthony Blair au pouvoir à Londres, de Lionel Jospin à Paris, puis celle, imminente, de Gerhard Schröder à Berlin, la social-démocratie allait balayer les derniers obstacles à l’Europe sociale…

Déjà une décennie plus tôt, François Mitterrand, alors qu’il venait d’être élu président, déclamait solennellement : « l’Europe sera sociale ou ne sera pas ».

On connaît la suite.

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Un sommet des faux-semblants…

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

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Un sommet des faux-semblants

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux-semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Élargissement : les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

Cela n’a pas empêché les uns et les autres de pousser des cris de joie. A commencer par le président ukrainien (photo, en vidéo lors du Conseil) qui s’est écrié : « c’est une victoire pour l’Ukraine, une victoire pour toute l’Europe, une victoire qui motive, inspire et renforce ». Le président du Conseil européen, Charles Michel (photo, à droite), s’est réjoui d’un « signal politique très fort », tandis que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qualifiait la décision de « stratégique » (le plus haut compliment dans le jargon bruxellois).

La plupart des participants se sont exprimés à l’unisson. « Une décision historique » a salué de loin la Maison-Blanche, l’Oncle Sam considérant manifestement qu’il est un peu chez lui à Bruxelles.

Viktor Orban a accusé ses collègues de piétiner délibérément leurs propres règles

Comme attendu, la seule fausse note publique est venue du premier ministre hongrois. Viktor Orban a qualifié la décision d’« insensée ». Il a accusé ses collègues de piétiner délibérément leurs propres règles, à savoir l’ouverture de négociations sur la seule base du « mérite », autrement dit en examinant si les conditions requises sont remplies. Au lieu de cela, les participants n’ont pas caché vouloir, par cette décision, envoyer un « message à Moscou », à savoir : l’Ukraine appartient à la sphère occidentale.

Deux types de raisons peuvent expliquer ce cavalier seul de Budapest. D’une part, de nombreux observateurs estiment qu’il s’agit de négocier le versement des 22 milliards que Bruxelles doit à la Hongrie, mais qui ont été gelés par la Commission tant que le gouvernement de ce pays viole « l’état de droit » (notamment en matière d’indépendance de la justice). Du reste, Bruxelles avait débloqué partiellement (10 milliards) quelques jours avant le sommet, espérant ainsi assouplir la position hongroise – une concession dénoncée par de nombreux eurodéputés, qualifiant cette concession de « pot de vin » accordé à M. Orban.

D’autre part, ce dernier est bien conscient des conséquences économiques et sociales catastrophiques qu’une adhésion de pays particulièrement pauvres aurait pour l’UE en général, pour les pays d’Europe centrale en particulier.

Du reste, les cadeaux déjà offerts à l’Ukraine provoquent en ce moment même la révolte des chauffeurs routiers polonais, qui, victimes de cette concurrence nouvelle, bloquent de nombreux poins de passage aux frontières. Quant à la politique agricole commune, elle « s’effondrerait si nous (la) laissions telle qu’elle est et que nous élargissions l’UE à l’Ukraine, à la Moldavie et aux pays des Balkans occidentaux », a estimé le ministre allemand de l’agriculture.

Plusieurs capitales se réjouissent discrètement du veto hongrois

Ce qui explique que plusieurs capitales ne sont en réalité guère enthousiastes à l’idée que l’adhésion de l’Ukraine se réalise un jour. Elles préfèrent prétendre officiellement le contraire… mais se réjouissent discrètement du veto hongrois.

« Veto » ? De fait, le feu vert à l’ouverture des négociations d’adhésion nécessite l’unanimité des Vingt-sept. Mais à Bruxelles, on ne manque pas d’imagination. Au moment où la décision devait être prise, Viktor Orban a opportunément quitté la salle de réunion, dans un scénario évidemment préparé à l’avance. Résultat : aucun vote contre n’a été enregistré, et le Conseil a pu ainsi offrir son cadeau tant attendu à Volodymyr Zelensky.

De son côté, le dirigeant hongrois peut clamer qu’il n’a pas perdu la face, ni participé à une décision qu’il réprouve. Budapest a en outre rappelé qu’il y aurait « 75 occasions » de stopper le processus si celui-ci démarre, en plus de l’évaluation (à l’unanimité) des conditions préalables début 2024…

Budapest a refusé le « paquet budgétaire », au grand dam des autres pays

Viktor Orban, encore lui, a été plus carré dans le deuxième dossier « chaud » : l’augmentation du budget pluriannuel de l’UE en cours (2021-2027). Le choc économique provoqué par le Covid, puis surtout le soutien économique et militaire à Kiev ont vidé les caisses bruxelloises plus vite que prévu. Faut-il dès lors les renflouer, et dans quels domaines prioritaires ? Ou bien faut-il opérer des « redéploiements », c’est-à-dire des coupes dans certains domaines budgétaires ?

Le premier point de vue est soutenu par les pays du sud, dont l’Italie, mais aussi par la France. Et, classiquement, les pays dits « frugaux » – les Nordiques, les Pays-Bas, l’Autriche, menés par l’Allemagne – sont dans le camp d’en face. Cependant, la plupart d’entre eux font une exception pour l’Ukraine : celle-ci doit, selon eux, recevoir les 50 milliards d’aide (17 milliards de dons, 33 milliards de prêts préférentiels) qui lui ont été promis.

Dans ce contexte, vingt-six pays avaient fini par trouver un compromis : plutôt que les 100 milliards initialement proposés par la Commission, le supplément budgétaire s’élèverait à 73 milliards qui seraient alloués à la protection des frontières, à la politique migratoire, à la recherche technologique, à l’industrie d’armement, et… aux remboursements de l’emprunt commun de 750 milliards souscrit en 2020, dont le coût devient bien plus élevé que prévu.

Le compromis comprenait donc les 50 milliards de soutien « macroéconomique » à Kiev (qui viendraient s’ajouter aux 85 milliards déjà versés par l’UE et ses Etats membres depuis février 2022). Concrètement, il s’agit d’assurer par exemple une partie des salaires des fonctionnaires, et éviter ainsi que l’Etat ukrainien – notoirement corrompu – se retrouve en faillite.

C’est ce « paquet budgétaire » que Viktor Orban a refusé, au grand dam de ses collègues. Une  phrase laconique figure donc dans les conclusions : « le Conseil européen reviendra sur cette question au début de l’année prochaine ». Et, dans les coulisses, on prévoit un « plan B » pour financer l’Ukraine si la Hongrie maintient son refus. A condition bien sûr que d’autres capitales ne rejoignent pas Budapest d’ici là.

L’enfer subi par les Gazaouis ne trouve aucun écho dans les conclusions des Vingt-sept

Le sommet a également attribué le statut de pays candidat à la Géorgie. Et a traité d’autres points qui figuraient à son menu : politiques migratoires, « sécurité et défense », perspectives de réformes institutionnelles, relations avec la Turquie (les négociations d’adhésion avec Ankara ont été ouvertes en… 2005 et sont au point mort).

Mais les conclusions commencent par plus de trois pages pour « condamner résolument la guerre menée par la Russie et (affirmer la) solidarité inébranlable avec l’Ukraine et sa population ». Elles confirment un douzième paquet de sanctions contre Moscou et abordent la perspective de mettre la main sur les intérêts des avoirs russes gelés.

En revanche, elles se contentent d’indiquer : « le Conseil européen a tenu un débat stratégique approfondi sur le Proche-Orient ». L’enfer subi par les Gazaouis ne trouve aucun écho dans le texte.

Bilan du sommet : les deux points qui s’annonçaient explosifs restent entiers. La perfusion pour Kiev a été bloquée, mais demeure sur la table des Vingt-sept pour début 2024. Quant aux négociations d’adhésion, elles sont officiellement ouvertes, mais ne commenceront pas avant un nouvel examen.

En outre, le Conseil a omis un détail : l’adhésion proprement dite supposerait que l’Ukraine gagne la guerre – seule hypothèse que l’UE envisage. Mais cela n’est pas exactement ce qui se dessine sur le terrain.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension…

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

Premier point d’affrontement prévisible, l’élargissement de l’Union à l’Ukraine, mais aussi à la Moldavie et aux pays des Balkans, fait théoriquement l’objet d’un consensus sur le principe. En juin dernier, Kiev et Chisinau s’étaient vu reconnaître le statut de candidat officiel. Les dirigeants européens souhaitaient, par ce cadeau symbolique, affirmer une nouvelle fois leur soutien politique face à l’« agresseur russe ».

Mais derrière la façade, personne n’est dupe. Dès lors qu’il faut lancer concrètement l’étape suivante, en l’occurrence l’ouverture effective des « négociations » avec les pays candidats (en réalité l’alignement unilatéral de ceux-ci sur les règles communautaires – un processus qui dure de nombreuses années), les oppositions entre les Vingt-sept surgissent.

Il y a ceux qui sont des partisans inconditionnels des adhésions au plus tôt, quoiqu’il en coûte, même s’il faut tordre le droit de l’UE et même si les sept conditions préalables posées en juin à l’Ukraine (lutte contre la corruption, respect de l’« état de droit », « désoligarchisation »,…) ne sont pas remplies. Les Etats baltes se rangent dans cette catégorie, convaincus que c’est le seul moyen d’éviter que la Russie ne les envahisse puis ne déferle sur toute l’Europe…

Mais il y a aussi ceux qui mesurent l’écart de richesses abyssal qui sépare les candidats des membres actuels, et imaginent – à juste titre – les bouleversements budgétaires que subirait l’Union. En particulier, les pays qui reçoivent aujourd’hui de Bruxelles plus de fonds qu’ils n’en versent verraient cette situation s’inverser.

Les actuels pays de l’Est craignent d’être concurrencés par les nouveaux arrivants qui produisent à moindre coût

C’est notamment le cas pour les actuels pays de l’Est de l’UE. Ces derniers – Pologne, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie,… – craignent aussi d’être concurrencés dans divers domaines par les nouveaux arrivants qui produisent à moindre coût (une concurrence dont ils avaient bénéficié au détriment de l’Ouest lors de leur propre adhésion en 2004/2007). Compte tenu des cadeaux déjà faits à l’Ukraine (accès aux marchés) plusieurs secteurs sont déjà frappés, comme les transports et l’agriculture.

De leur côté, les partisans les plus zélés de l’intégration européenne redoutent (lucidement) qu’en passant de vingt-sept à près de trente-cinq membres, les processus de décisions soient de plus en plus bloqués. Pour éviter cela, le président français plaide pour une Europe « à plusieurs vitesses ». Les structures et modes de fonctionnement actuels devraient, à son sens, être réformés avant toute nouvelle adhésion.

Sans forcément le formuler de la même manière, Berlin partage cette inquiétude. Quant à l’Autriche, elle clame que l’Ukraine ne doit pas faire oublier l’adhésion des pays des Balkans qui attendent depuis des années…

Et puis enfin, il y a le premier ministre hongrois. Viktor Orban (photo, à droite) a écrit le 4 décembre au président du Conseil européen, Charles Michel (photo, à gauche), pour demander que ce sujet soit retiré de l’ordre du jour, de même que le projet de 50 milliards (sur trois ans) d’aide budgétaire à Kiev. Sinon, a menacé la bête noire de Bruxelles, « le manque évident de consensus conduirait inévitablement à un échec ». Son ministre des affaires étrangères a enfoncé le clou : « qui peut sérieusement affirmer que l’Ukraine est prête pour les négociations d’adhésion ? ».

Certes, le dirigeant hongrois – souvent dénoncé comme « pro-russe » par ses collègues – est un habitué des déclarations fracassantes mais finit par plier, non sans avoir obtenu des concessions mineures. Il pourrait cette fois encore vouloir menacer avant de négocier le déblocage des 22 milliards que Bruxelles a gelés en rétorsion aux « atteintes à l’état de droit » en Hongrie.

Sauf que cette fois, un déblocage partiel a déjà été obtenu. Et que le parti de M. Orban voit monter dans le pays un parti concurrent qui reflète l’état d’esprit d’une population de plus en plus hostile à la guerre et à l’Ukraine.

Surtout, les observateurs notent que la rébellion hongroise pourrait être en réalité bienvenue pour certaines capitales qui n’osent publiquement s’opposer à l’entrée de l’Ukraine, mais qui n’en pensent pas moins. C’est le cas de la France et de l’Allemagne, pour les raisons déjà citées, mais aussi des Pays-Bas et de la Slovaquie, où les électeurs ont plébiscité des partis hostiles au soutien à Kiev.

L’énorme contribution financière à la guerre en Ukraine et la crise du Covid ont vidé les caisses plus vite que prévu

Viktor Orban fait aussi partie des nombreux dirigeants opposés à la proposition que la Commission a formulée en juin : augmenter de 98 milliards le budget pluriannuel (2021-2027) de l’UE. C’est le second point explosif.

En effet, l’énorme contribution financière à la guerre en Ukraine et la crise du Covid ont vidé les caisses plus vite que prévu. Bruxelles a ensuite diminué ses ambitions : il est question d’une augmentation de « seulement » 73 milliards… dont 50 milliards pour renflouer l’économie ukrainienne.

Mais, à part ce domaine, les différents Etats membres sont en désaccord sur les postes budgétaires à abonder : climat, sécurité, frontières, recherche… D’autres proposent de faire prioritairement des économies.

C’est le cas des Etats traditionnellement baptisés « radins », comme les Nordiques, l’Autriche et les Pays-Bas. Dans ce dernier cas, c’est le chef du gouvernement sortant qui représentera son pays, mais il devra obtenir un mandat des nouveaux députés. Or Geert Wilders, le vainqueur de l’élection du 22 novembre, a affiché son refus de toute dépense européenne supplémentaire – un sentiment validé largement par les électeurs.

La position de Berlin pèsera plus encore. Et ce, dans un contexte ou le gouvernement « feu tricolore » vient d’être brutalement fragilisé par la décision du tribunal constitutionnel. Les juges de Karlsruhe ont interdit d’alimenter le budget annuel par des fonds spéciaux pluriannuels, a fortiori quand l’objet de ces derniers est modifié en cours de route. Conséquence immédiate : il faut trouver d’urgence 17 milliards pour le budget fédéral 2024… ce qui n’incite pas vraiment à laisser augmenter les versements à Bruxelles.

Conséquence indirecte : ceux qui espéraient, notamment à Paris, à Rome ou à Madrid, lancer un nouveau fonds commun après les 750 milliards empruntés en 2020 (et qu’il va bientôt falloir commencer à rembourser) doivent abandonner cet espoir. Et renoncer ainsi à vanter une UE qui deviendrait « plus fédérale ».

Quoiqu’il en soit, Olaf Scholz a bien l’intention de bloquer tout « laxisme budgétaire ». Il a cependant, comme la plupart de ses collègues, affiché sa volonté de sauvegarder les 50 milliards promis à Kiev.

Mais Viktor Orban s’y oppose. Selon lui, « il n’y aura pas de solution à la guerre entre la Russie et l’Ukraine sur le champ de bataille. Au lieu de financer la guerre, nous devrions enfin consacrer les ressources de l’Europe à faire la paix ». Le Hongrois a proposé que chaque pays soit libre de financer, ou non, l’économie ukrainienne…

Au nom de l’« unité européenne à préserver face à Poutine », le Conseil européen va-t-il, au dernier moment, trouver un compromis byzantin, typique de l’Union européenne ? Si tel est le cas, il reporterait à plus tard les contradictions sans les résoudre sur le fond.

A l’inverse, l’absence d’accord constituerait un fiasco monumental qui ébranlerait un peu plus les fondements de l’UE, au moment même où différentes élections expriment, selon la terminologie des grands médias, une montée du « populisme » sur les dossiers les plus chers à Bruxelles : Ukraine, budget, mais aussi immigration et climat.

Ce que traduit à sa manière le chef du groupe libéral de l’europarlement, le macroniste Stéphane Séjourné, quand il appelle ses troupes à « passer de proeuropéens convaincus à proeuropéens convaincants ».

Quel aveu !

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Bruxelles a vécu un automne électoral chaud…

Par : pierre

Plusieurs élections nationales ont marqué l’automne 2023. Dans trois cas en particulier, Bruxelles en redoutait le résultat. En Slovaquie et aux Pays-Bas, ces craintes se sont réalisées, au-delà même de ce qui était anticipé. En Pologne en revanche, les dirigeants européens ont poussé un soupir de soulagement, mais peut-être un peu imprudemment.

Dès lors que l’on tente de comparer plusieurs élections au sein de l’UE, la plus grande prudence s’impose : les Etats membres ne sont pas des Bundesländer d’un pays unifié, et possèdent des cultures politiques très différentes. C’est du reste la raison pour laquelle il ne peut exister un « peuple européen ».

Cependant, cela n’interdit pas de repérer certains points communs parmi les récents résultats. A commencer par le succès de partis qui affichent des positions critiques vis-à-vis de l’intégration européenne. Que les auteurs de ces promesses ou discours électoraux soient sincères est une autre question. Ce qui compte ici est l’état d’esprit que les électeurs ont voulu exprimer, non la bonne foi des politiciens.

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Bruxelles a vécu un automne électoral chaud

Par : pierre

Plusieurs élections nationales ont marqué l’automne 2023. Dans trois cas en particulier, Bruxelles en redoutait le résultat. En Slovaquie et aux Pays-Bas, ces craintes se sont réalisées, au-delà même de ce qui était anticipé. En Pologne en revanche, les dirigeants européens ont poussé un soupir de soulagement, mais peut-être un peu imprudemment.

Dès lors que l’on tente de comparer plusieurs élections au sein de l’UE, la plus grande prudence s’impose : les Etats membres ne sont pas des Bundesländer d’un pays unifié, et possèdent des cultures politiques très différentes. C’est du reste la raison pour laquelle il ne peut exister un « peuple européen ».

Cependant, cela n’interdit pas de repérer certains points communs parmi les récents résultats. A commencer par le succès de partis qui affichent des positions critiques vis-à-vis de l’intégration européenne. Que les auteurs de ces promesses ou discours électoraux soient sincères est une autre question. Ce qui compte ici est l’état d’esprit que les électeurs ont voulu exprimer, non la bonne foi des politiciens.

Le 30 septembre, les citoyens slovaques ont accordé une nette victoire au SMER-SD avec 23% des suffrages, soit un bond de près de 5 points sur les élections de 2020. Ce parti, dirigé par l’ancien premier ministre Robert Fico, a été suspendu du Parti socialiste européen (dont il reste cependant membre) parce qu’il vient de former un majorité incluant le SNS, un parti de droite nationaliste (un cas de figure analogue s’était déjà produit de 2006 à 2010). Il a ainsi chassé la coalition « pro-européenne » sortante.

Si M. Fico a retrouvé son poste de premier ministre, il le doit à une campagne à forte tonalité sociale, mais aussi à son discours proposant de stopper les livraisons d’armes à l’Ukraine (un objectif qu’il a désormais modéré). A Bruxelles, on le considère comme « pro-russe », à l’instar de son homologue Viktor Orban, figure emblématique de la droite nationale hongroise. Il partage également avec ce dernier un refus de l’immigration et un attachement aux « valeurs traditionnelles » sur le plan sociétal.

Les Néerlandais ont créé une immense surprise en plaçant en tête pour la première fois le « populiste » Geert Wilders

Le 22 novembre, ce furent les Néerlandais qui créèrent une immense surprise en plaçant en tête pour la première fois le « populiste » Geert Wilders, avec 23,6% des voix. Dissident des Libéraux, son parti, le PVV s’est toujours distingué par un discours anti-islam. Mais lui aussi a mené une campagne à tonalité sociale et a plaidé pour « reprendre le contrôle » face à l’UE (l’expression avait été inventée par les partisans britanniques du Brexit) ; son programme prévoit même un référendum sur la sortie de l’UE (« Nexit »).

Dans un pays qui a donné la victoire au Non dans deux consultations concernant l’intégration européenne (2005 et 2016), plusieurs autres partis veulent également se distancier de l’UE.

A l’inverse, le dirigeant social-démocrate Frans Timmermans (photo) a dû se contenter de 15,5%, loin derrière le PVV. Il avait démissionné de son poste de premier vice-président de la Commission afin de se réinvestir dans la politique nationale et constituer des listes communes avec les écolos pour faire basculer les Pays-Bas vers une « gauche pro-européenne ». Les semaines et peut-être les mois des négociations parlementaires qui viennent de commencer diront si M. Timmermans parvient à constituer une « grande coalition » susceptible d’écarter M. Wilders du pouvoir.

Si cela était le cas, il n’est pas sûr que les citoyens néerlandais apprécieraient : parmi les thèmes qui ont déterminé leur choix figure en bonne place la « crise de la démocratie », autrement dit le sentiment de ne pas être écoutés…

Deux autres thèmes sont partagés par les vainqueurs aux Pays-Bas et en Slovaquie, pays par ailleurs très dissemblables : la dénonciation de l’immigration ; et l’arrêt de l’aide militaire à Kiev. On pourrait également ajouter un autre point commun, le refus du catastrophisme climatique. Face à M. Timmermans, ex-homme orchestre du « Pacte vert » de l’UE, le succès de M. Wilders, de même que le score du nouveau parti rural néerlandais, prennent encore plus de relief.

En Pologne, c’est un peu comme si, en France, une coalition allant de LR à la NUPES, en passant par les macronistes, avait remporté la majorité contre le seul RN

Les élections du 15 octobre en Pologne ont, elles, été saluées par Bruxelles et par la presse mainstream du Vieux continent. Donald Tusk, l’ancien président du Conseil européen (2014 – 2019), est désormais en passe de chasser le premier ministre actuel issu du Parti PiS (droite nationale conservatrice). Ce dernier est pourtant arrivé en tête du scrutin avec 35,4% des voix (- 8,2 points).

Mais M. Tusk, lui-même ancien premier ministre (2007 – 2014), et qui avait repris en 2021 la tête de son parti, PO (droite libérale conservatrice), a formé une coalition électorale avec d’une part le Parti paysan (centre) et d’autre part une alliance dominée par les sociaux-démocrates. PO a rassemblé 30,7% des voix, soit moins que le PiS, mais dispose d’une majorité absolue de députés avec ses deux alliés. Même si la comparaison est loin d’être parfaite, c’est un peu comme si une coalition allant, en France, de LR à la NUPES, en passant par les macronistes, avait remporté la majorité contre le seul RN – une victoire qui doit donc être relativisée.

Sous le gouvernement du PiS, la Pologne était, avec la Hongrie, l’« enfant terrible » de l’Union européenne. Et M. Tusk, fort de son CV européen, est donc attendu à Bruxelles comme l’homme qui va remettre Varsovie sur le droit chemin.

En fait, ce n’est pas si simple. Sur la politique migratoire, M. Tusk est clairement plus proche du chef du gouvernement polonais sortant, de Budapest ou de Bratislava, que de Bruxelles. Il argue que le pays a déjà accueilli plus d’un million et demi d’Ukrainiens depuis 2022, et s’opposera probablement à toute « solidarité » imposée par la Commission.

Quant aux questions climatiques, la Pologne, même après un changement de gouvernement, restera un « mauvais élève » parmi les Vingt-sept. Le pays est en effet massivement dépendant du charbon, tant pour les ménages que pour les industries, avec un secteur minier dont dépend l’emploi dans plusieurs régions.

A cet égard, il est à noter que les Verts polonais ne s’étaient pas sentis assez forts pour se présenter sous leurs propres couleurs : ils se sont rangés sous l’aile de Donald Tusk.

L’absence ou la déconfiture des Verts constitue une constante de tous les scrutins qui se déroulés récemment

L’absence ou la déconfiture des Verts constitue du reste une constante de tous les scrutins qui se déroulés récemment. Comme en Pologne, les écolos néerlandais n’étaient pas présents de manière distincte. En Slovaquie, ils n’existent tout simplement pas.

Quant aux électeurs luxembourgeois, qui renouvelaient aussi leurs députés cet automne (le 8 octobre), ils ont infligé aux Verts une raclée, en ne leur accordant que 8,5%, soit un score divisé par deux par rapport au précédent scrutin.

La tendance est sans doute à rapprocher de la dégringolade de leurs camarades dans deux élections régionales allemandes qui se sont tenues le même jour : ils ont perdu 3,2 points en Bavière, et 5 points en Hesse. (Pour qui s’intéresse aux sondages, une récente étude à l’échelle du continent conforte cette évolution).

C’est un immense problème pour Bruxelles qui a fait de son action environnementale sa première priorité. Mais ce n’est pas le seul. Car dans leur diversité selon les pays, les formations qui s’affichent (avec plus ou moins de sincérité…) critiques de l’intégration européenne ont gagné des voix en mettant en avant les dossiers les plus sensibles et les plus explosifs entre les Vingt-sept : outre le climat et les migrations, on peut citer les rapports avec la Russie, l’élargissement de l’UE (notamment à l’Ukraine, ce que M. Wilders combat), ainsi que l’augmentation proposée par Bruxelles du budget communautaire.

Ces trois derniers sujets sont à l’ordre du jour du sommet européen prévu pour les 14 et 15 décembre. Pour des raisons de délais, ni M. Wilders ni M. Tusk ne devraient y participer. Mais l’ombre des électeurs d’un peu partout risque de hanter les participants.

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Séisme politique aux Pays-Bas, consternation à Bruxelles

Par : pierre

Un tremblement de terre politique aux Pays-Bas. Et une profonde consternation à Bruxelles. Tels sont les enseignements du verdict des électeurs néerlandais qui étaient appelés aux urnes le 22 novembre, deux ans avant l’échéance normale. Ceux-ci ont été 77,8% à se déplacer (contre 82,6% lors du scrutin de 2021).

Le triomphe du Parti pour la liberté (PVV) constitue l’élément marquant du scrutin ; il a pris de court responsables politiques et commentateurs. Cette formation avait été fondée en 2006 par l’ancien libéral Geert Wilders qui en est toujours le dirigeant emblématique.

Souvent étiqueté d’extrême droite ou populiste, ouvertement islamophobe, il a fait du combat contre l’immigration son cheval de bataille. Mais il plaide aussi pour la reconquête de la souveraineté nationale – un référendum sur la sortie de l’Union européenne figure dans son programme, même si ce point a été peu mis en avant pendant la campagne. Si l’on ajoute qu’il souhaite stopper les livraisons d’armes à l’Ukraine et qu’il s’oppose au catastrophisme climatique, on comprend qu’il effraye au plus haut point les dirigeants de l’UE.

Ceux-ci avaient déjà eu des sueurs froides en 2010, lorsque le PVV avait créé la surprise en obtenant 15,4% des suffrages. M. Wilders avait alors soutenu, sans participer au gouvernement, la première coalition dirigée par le libéral Mark Rutte (qui vient d’achever avec ce présent scrutin son quatrième et dernier mandat de premier ministre). Mais en 2012, le parti était tombé à 10,1%, ce qui avait immédiatement amené les eurocrates et la presse mainstream du Vieux continent à marteler triomphalement que l’UE avait à nouveau le vent en poupe un peu partout… En réalité, cette chute s’expliquait notamment par la concurrence et le succès de nouveaux partis réclamant la sortie de l’UE.

Les Néerlandais avaient rejeté le traité constitutionnel européen, peu après le référendum français de mai 2005, avec un Non encore plus massif qu’en France

Ce 22 novembre, le PVV arrive pour la première fois en tête, avec 23,6%, soit un bond de 12,8 points par rapport en 2021. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce succès historique.

D’abord l’existence aux Pays-Bas, depuis plus de deux décennies, d’un fort courant anti-système qui est aussi très défiant quant à la poursuite de l’intégration européenne. Le succès du politicien atypique Pim Fortuyn, assassiné en 2002, en avait été l’un des premiers signes visibles. Mais il faut surtout pointer le rejet du projet de traité constitutionnel européen, quelques jours après le référendum français de mai 2005, avec un Non encore plus massif qu’en France. Onze ans plus tard, les Bataves, consultés sur le traité d’association UE-Ukraine, contrariaient à nouveau Bruxelles en refusant la ratification (un vote « consultatif » qui fut ensuite bafoué).

Ensuite, le leader « populiste » a eu l’habileté de mettre de l’eau dans son vin en admettant que l’interdiction du Coran et la fermeture des mosquées n’étaient pas des priorités. Parallèlement, il renforçait son discours « social », ayant bien senti que beaucoup de ses compatriotes avaient le pouvoir d’achat comme première préoccupation. Inflation galopante, augmentation de la pauvreté, crise aigüe du logement, dégradation des systèmes de santé et d’enseignement : la campagne (qui a très peu évoqué le climat) a reflété les priorités des Néerlandais.

Deux domaines ont également motivé les électeurs. D’une part le sentiment d’être de moins en moins entendus, qui se traduit souvent par le souhait de « dégager » les sortants. D’autre part, les importants flux migratoires. C’est du reste ce dernier domaine qui a causé la chute prématurée de la coalition sortante. Le chef du gouvernement avait annoncé un durcissement des conditions d’entrée et de séjour, ce qui entraîna le départ de deux des partis de la majorité. Mais sur ce terrain, Geert Wilders avait incontestablement quelques longueurs d’avance…

S’il y a un vainqueur, il y a une longue liste de vaincus ou de frustrés. A commencer par le Parti libéral (VVD) du premier ministre sortant Mark Rutte (photo), avec comme tête de liste Dilan Yeşilgöz, une femme d’origine turque, jusqu’à maintenant ministre de la justice affichant sa fermeté face à l’immigration. Avec 15,2% des voix, le VVD chute brutalement de 6,7 points.

Ses trois ex-alliés de coalition subissent également des baisses significatives : le D66, parti aux origines libertaires, désormais social-libéral et qui séduit surtout l’électorat urbain et « éduqué », tombe de 15% à 6,2% ; les chrétiens-démocrates (CDA) de 9,5% à 3,3% ; et l’Union chrétienne (CU, fondamentalistes protestants) de 3,3% à 2%.

En face, le parti travailliste (PvdA, social-démocrate) avait cette fois fait alliance avec la « Gauche verte ». Ces listes communes étaient chapeautées par Frans Timmermans, qui avait quitté son poste de premier vice-président de la Commission européenne (chargé du « Pacte vert », un fanatique de l’environnement) pour revenir dans la politique nationale. Et ce, dans l’espoir de faire tomber le VVD qui était à la tête des différents gouvernements depuis treize ans.

Certes, l’alliance, avec 15,5%, gagne 4,6 points par rapport au cumul des voix des deux partis en 2021. Mais l’objectif de victoire électorale est lourdement manqué. M. Timmermans n’a pas caché sa déception. Les Travaillistes sont très loin de retrouver leurs niveaux de 1982 (30%) ou même de 2012 (25%).

Pour sa part, le PS, souvent classé « gauche radicale », doit se contenter de 3,1%, la moitié de son résultat de 2001.

Deux listes retiennent aussi l’attention. Tout d’abord celle conduite par Pieter Omtzigt, un dissident des chrétiens-démocrates, qui a centré sa campagne sur la « bonne gouvernance » et avait notamment dénoncé des scandales publics, comme la suppression injustifiée des allocations à des dizaines de milliers de familles pauvres. Son positionnement anti-corruption et anti-système l’avait même un temps propulsé en tête des sondages.

Sans être un opposant à l’UE, et situé au « centre-droit », il louait cependant les dirigeants hongrois ou polonais d’avoir mis la souveraineté nationale « sur la table », s’opposait à tout « transfert progressif de subsidiarité, de pouvoirs et de budgets » et prônait un droit de veto des parlements nationaux – une exigence contraire aux traités européens. Son mouvement (le Nouveau contrat social, NSC), qui n’existait pas en 2021, obtient 12,8% et la quatrième place.

Enfin, autre parti récemment apparu, le BBB (Mouvement agriculteur citoyen) obtient 4,7% contre 1% il y a deux ans. C’est certes très loin du score réalisé lors des régionales de mars dernier, où il avait créé une énorme surprise en arrivant devant tous les autres partis. Mais son thème premier, le refus des exigences environnementales européennes entraînant la disparition de près de 12 000 fermes et de centaines de milliers de  têtes de bétail, reste populaire au-delà même des milieux ruraux.

Prendre ostensiblement le contre-pied du verdict des urnes ne ferait que renforcer le rejet du « système » et de l’intégration européenne

Et maintenant ? Le mode de scrutin néerlandais, la proportionnelle sans seuil minimal, permet la représentation d’un grand nombre de partis à la chambre des députés (seize désormais). Cet émiettement rend possible une multitude de coalitions. Classiquement, de longs mois sont donc nécessaires pour former un gouvernement.

Deux types de scénario semblent envisageables. Le premier, le plus logique, verrait le PVV former une coalition puisqu’il sort premier et grand gagnant du scrutin. Geert Wilders a confirmé qu’il souhaitait vivement participer au prochain cabinet, sans trop insister pour en être le chef. Il verrait bien une alliance avec les libéraux du VVD ou le NSC de M. Omtzigt, ou, mieux, les deux, flanqués du BBB.

Les Libéraux n’excluaient pas, pendant la campagne, de s’allier avec le dirigeant « populiste » malgré les conflits passés ; ils n’imaginaient sans doute pas que celui-ci arriverait en tête. Ils évoquent désormais un éventuel soutien parlementaire sans participation gouvernementale.

Pour sa part, M. Omtzigt, qui avait initialement fermé la porte, n’est plus aussi catégorique. Le BBB a déjà donné son accord.

L’autre scénario verrait une « grande coalition » se former pour tenir M. Wilders à l’écart. Plusieurs configurations sont possibles, mais cette alliance serait sans doute dirigée par les Travaillistes. Cette perspective réjouirait évidemment les dirigeants de l’UE.

Mais prendre aussi ostensiblement le contre-pied du verdict des urnes ne pourrait que renforcer la distance, voire le rejet, du « système » et de l’intégration européenne, et préparer ainsi de futures « mauvaises surprises » plus grandes encore.

Quelle que soit la coalition qui sera formée, c’est déjà le scénario cauchemar qui vient de survenir pour Bruxelles : un des six pays fondateurs de l’UE a plébiscité un parti qui réclame de « reprendre le contrôle » (une expression qui rappelle de bien mauvais souvenirs aux eurocrates) ; il a aussi donné vie à deux nouveaux partis qui insistent sur l’urgence de rapatrier certaines compétences nationales.

Les dirigeants européens voudront-ils comprendre le message ?

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Séisme politique aux Pays-Bas, consternation à Bruxelles…

Par : pierre

Un tremblement de terre politique aux Pays-Bas. Et une profonde consternation à Bruxelles. Tels sont les premiers enseignements du verdict des électeurs néerlandais qui étaient appelés aux urnes le 22 novembre, deux ans avant l’échéance normale. Ceux-ci ont été 77,8% à se déplacer (contre 82,6% lors du scrutin de 2021).

Le triomphe du Parti pour la liberté (PVV) constitue l’élément marquant du scrutin ; il a pris de court responsables politiques et commentateurs. Cette formation avait été fondée en 2006 par l’ancien libéral Geert Wilders qui en est toujours le dirigeant emblématique.

Souvent étiqueté d’extrême droite ou populiste, ouvertement islamophobe, il a fait du combat contre l’immigration son cheval de bataille. Mais il plaide aussi pour la reconquête de la souveraineté nationale – un référendum sur la sortie de l’Union européenne figure dans son programme, même si ce point a été peu mis en avant pendant la campagne. Si l’on ajoute qu’il souhaite stopper les livraisons d’armes à l’Ukraine et qu’il s’oppose au catastrophisme climatique, on comprend qu’il effraye au plus haut point les dirigeants de l’UE.

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L’improbable horizon de l’élargissement

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

C’est par exemple le cas d’une étude de deux chercheurs publiée quelques jours avant le Conseil européen du 6 octobre à Grenade, un sommet censé donner un coup de fouet au processus. Les deux auteurs, Hans Kribbe et Luuk van Middelaar, travaillent pour un « think tank » Bruxellois, et sont naturellement à ce titre des partisans de l’intégration européenne. Leur analyse n’en est que plus intéressante.

Les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre »

Dans leur conclusion, les deux auteurs estiment ainsi que les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre ». Chacun des deux termes mérite ici d’être précisé.

« Nécessaire » ? Aux yeux des dirigeants européens, la guerre en Ukraine a accéléré la volonté d’« arrimer » plus étroitement (un verbe plus poli qu’« annexer ») les Etats qu’ils considèrent comme faisant partie de leur zone d’influence. Usant d’un lyrisme quasiment messianique, la présidente de la Commission a ainsi déclaré : « l’élargissement répond à l’appel de l’histoire, il est l’horizon naturel de notre UE ». Repousser sans cesse l’horizon des frontières, n’est-ce pas précisément ce qui définit un empire ? Pour l’ancienne ministre allemande de la défense, « nos voisins doivent choisir » entre « la démocratie » et « un régime autoritaire », autrement dit entre le bien et le mal, entre l’UE et la Russie.

Car plus prosaïquement, les ambitions de l’élargissement sont géopolitiques. Mme von der Leyen (photo) ne s’en cache guère : l’élargissement constitue un « investissement pour notre sécurité » et une façon de « stabiliser notre voisinage ». Ce que l’étude des chercheurs précise sans fard : « maintenir d’autres acteurs géopolitiques, tels que la Russie ou la Chine, à l’écart de cette région potentiellement instable est devenu une priorité absolue ».

Des « défis incroyablement difficiles dans les années à venir »…

Mais une fois la « nécessité » expliquée, l’étude se penche sur les contradictions explosives que le processus va inévitablement provoquer. Ils répartissent ces « défis incroyablement difficiles dans les années à venir » (ce sont leurs propres termes) en cinq domaines.

Tout d’abord « la prise de décisions et les institutions ». Surgit ainsi la question de la « gouvernabilité », déjà complexe à vingt-sept, qui deviendrait quasi-impossible à trente-cinq ou plus. Dès lors, il faudrait que l’UE se réforme, en particulier qu’elle abolisse la règle de l’unanimité dans les derniers domaines où elle subsiste encore, comme la fiscalité et la politique extérieure. Berlin milite fortement pour cela, mais de nombreux petits pays s’y opposent. Problème : pour réformer les traités (comme pour accepter un nouveau membre), il faut… l’unanimité.

Le deuxième domaine concerne le budget de l’UE. Soit celui-ci est très considérablement augmenté, par le relèvement des contributions des membres actuels – une piste totalement irréaliste ; soit le même gâteau est partagé en des parts plus nombreuses et donc plus petites. Comme les pays candidats ont en gros un PIB par habitant inférieur à la moitié de la moyenne de l’UE, les bénéficiaires nets actuels (ceux qui touchent de Bruxelles plus que la contribution qu’ils versent, bien souvent les pays de l’Est), deviendraient contributeurs nets. Cela vaut pour les subventions régionales (un tiers du budget communautaire) comme pour l’agriculture (un autre tiers).

« À elle seule, l’Ukraine possède plus de 40 millions d’hectares de terres agricoles, estiment les auteurs, soit plus que l’ensemble du territoire italien, et deviendrait l’un des principaux bénéficiaires des fonds de la PAC », évidemment au détriment des membres actuels, ce qui promet des bras de fer explosifs. Tout cela s’ajoute aux centaines de milliards que nécessitera la reconstruction, selon Kiev – sans même évoquer l’issue de la guerre.

Dans le troisième domaine, intitulé « marché unique, libre circulation et emploi », les experts relèvent que « sur certains marchés, comme celui de l’agriculture, l’afflux de marchandises, de cultures et de produits moins chers pourrait également frapper les économies locales, entraînant la fermeture d’entreprises et d’exploitations agricoles ». Dès aujourd’hui, rappellent les auteurs, « la décision d’ouvrir le marché unique aux céréales ukrainiennes a déjà provoqué de vives tensions avec la Pologne et d’autres pays d’Europe de l’Est ».

Ce n’est pas tout : les écarts de main d’œuvre « pourraient aussi, à court terme, faire baisser les niveaux de salaire dans l’Union, avoir un effet corrosif sur les conditions de travail et alimenter le mécontentement sociétal et politique ».

Les auteurs rappellent que la flambée de l’immigration intra-européenne vers le Royaume-Uni, alors membre de l’UE, avait contribué au résultat du référendum de 2016 favorable au Brexit. Ils auraient pu aussi citer les milliers de délocalisations industrielles vers les pays entrants, et les centaines de milliers d’emplois ainsi perdus à l’Ouest.

Dans le quatrième domaine, « Etat de droit et démocratie », le rapport pointe la difficulté d’exiger des candidats une réglementation exemplaire, alors que Bruxelles estime que plusieurs membres actuels (Pologne, Hongrie) bafouent les critères requis…

Enfin, le dernier domaine recouvre la « sécurité extérieure ». Après avoir noté que « le centre de gravité territorial de l’Union continuera à se déplacer vers l’est, de l’Atlantique vers la mer Noire », les auteurs pointent la probabilité selon laquelle « la dépendance à l’égard des États-Unis en matière de sécurité augmentera ».

En résumé, les dirigeants européens ne peuvent résister à leur envie de « ruée vers l’Est » du fait de leurs ambitions géopolitiques, tout particulièrement face à la Russie. Mais s’engager sur cette voie provoquera à coup sûr des tensions fatales au sein des Vingt-sept.

Un défi supplémentaire, et pas des moindres, les attend : « trouver des moyens de rallier leurs propres électeurs ». Les auteurs rappellent en effet que le double Non, français et néerlandais, au projet de traité constitutionnel européen de 2005 suivait l’élargissement de 2004.

Les auteurs évoquent « la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même »

D’où ce cri d’alarme : « l’Union commence à peine à s’attaquer aux défis, aux coûts, aux risques et aux inconvénients qu’une UE élargie pourrait entraîner, sans parler de la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même ».

Sauf à faire exploser l’UE, on peut donc penser qu’il y aura, le moment venu, des dirigeants réalistes qui gèleront le processus.

Hélas !

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L’improbable horizon de l’élargissement…

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

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Nouvelles bisbilles au sommet : sur les gros sous, et sur Gaza

Par : pierre

Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept qui s’est déroulé les 26 et 27 octobre (photo) est passé (presque) inaperçu. Il a pourtant apporté un nouveau lot de dossiers sur lesquels les Vingt-sept laissent apparaître leurs divisions. Après l’énergie, l’immigration et l’élargissement, deux domaines – et non des moindres – risquent de s’avérer explosifs : les questions de gros sous, et la politique extérieure notamment face au Moyen-Orient.

Le premier point n’est pas vraiment nouveau : l’élaboration du « cadre financier pluriannuel » provoque, tous les sept ans, des bras de fer homériques entre les Etats membres. Schématiquement, les pays baptisés « radins » par Bruxelles (les Pays-Bas, l’Autriche, les Nordiques…) tentent de réduire au maximum le budget communautaire, auquel ils apportent une contribution nette ; tandis que les pays, souvent à l’Est, qui reçoivent plus qu’ils ne payent, militent au contraire pour une expansion des dépenses.

Cette fois cependant, c’est particulier : il s’agit d’amender le budget en cours (qui couvre la période 2021-2027). Et c’est la Commission européenne qui est à l’initiative. Celle-ci pointe en effet l’écart croissant entre les recettes initialement prévues, et les nouvelles ambitions affichées par l’UE.

Bruxelles plaide ainsi pour « renforcer la compétitivité européenne » face au soutien public massif que les Etats-Unis offrent aux entreprises présentes sur leur sol, notamment (mais pas seulement) dans les « industries vertes ». Des aides tellement attrayantes que de nombreuses grandes firmes européennes préparent ou envisagent des délocalisations outre-Atlantique, quitte à sacrifier des dizaines de milliers d’emplois sur le Vieux continent. Montant de cette rallonge réclamée par Bruxelles pour ladite « compétitivité » : 10 milliards d’euros, au grand dam de Berlin et de La Haye.

La Commission veut aussi 15 milliards supplémentaires pour financer la régulation des flux migratoires – un dossier sur lequel les Vingt-sept ne cessent de s’écharper. Autre point litigieux : le surplus de financement qui s’annonce nécessaire avant de faire entrer les pays candidats au sein de l’UE.

Mais c’est l’« aide » à Kiev qui constitue le plus lourd dossier, pour lequel les contribuables des Etats membres risquent d’être le plus ponctionnés. C’est aussi celui auquel le sommet consacre les trois premières pages de ses conclusions… quelques jours après l’embrasement du Moyen-Orient. On peut notamment lire : « l’Union européenne continuera de fournir un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine et à sa population aussi longtemps qu’il le faudra ».

Au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… C’est peu dire que cela n’a pas fait l’unanimité parmi les Etats membres

La rallonge budgétaire est chiffrée à 50 milliards d’euros, auxquels devraient s’ajouter, hors budget, 20 milliards d’aide strictement militaire (équipements, munitions, formations et entraînements). Cependant, l’unanimité n’est plus tout à fait de mise : les premiers ministres hongrois et slovaque ont annoncé leur opposition. On saura en décembre – échéance à laquelle la modification budgétaire devrait être adoptée – s’ils joignent le geste à la parole.

Bref, au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… Rien que ça ! Le tiers serait emprunté sur les marchés financiers, alors même que, notamment du fait des décisions de la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt grimpent en flèche (ce qui entraîne déjà un accroissement considérable du coût de l’emprunt communautaire de 2020 finançant le plan de relance). Et les deux tiers des 100 milliards seraient financés par des contributions des Etats membres.

Dans ces conditions, c’est peu dire que la revendication de la Commission n’a pas fait l’unanimité parmi les Etats membres. Elle a même engrangé peu de soutiens. Très remonté, chef du gouvernement néerlandais, Mark Rutte, a martelé que les fonds devraient plutôt « être trouvés dans le budget actuel » par exemple en ponctionnant des dossiers moins prioritaires. La première ministre estonienne a pour sa part réclamé que la rallonge pour Kiev soit approuvée en priorité.

La question est tellement délicate que les conclusions n’ont pu y consacrer que trois lignes (sur douze pages) : « à la suite de son échange de vues approfondi sur la proposition de révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027, le Conseil européen invite le Conseil à faire avancer les travaux en vue de parvenir à un accord global d’ici la fin de l’année »…

L’autre dossier hautement conflictuel concerne l’approche du drame de la bande de Gaza, assiégée et bombardée

L’autre dossier hautement conflictuel concerne l’approche du drame de la bande de Gaza, assiégée et bombardée. Faut-il préciser qu’aucune capitale n’insiste sur l’occupation que subit le peuple palestinien depuis des décennies ? Les différences se situent plutôt entre ceux qui soutiennent Israël de manière univoque et quoiqu’il arrive (Allemagne, Autriche, Hongrie, Tchéquie…) et ceux qui auraient souhaité un (modeste) appel à un cessez-le-feu (Espagne, Portugal, Irlande…).

Il aura finalement fallu cinq heures aux dirigeants pour s’entendre sur un appel minimal : ni demande de cessez-le-feu, ni même de pause humanitaire. Seulement le souhait de « corridors », et de « trêves », au pluriel, pour marquer leur caractère ponctuel.

Ces oppositions entre les Vingt-sept furent encore plus ostensibles, le même jour, dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU. Celle-ci était appelée à voter, le 27 octobre, sur une résolution (non contraignante) appelant à la protection des civils et au respect des obligations juridiques et humanitaires. Le texte a été adopté à une large majorité de 120 pays, 14 votant contre, et 45 s’abstenant.

Mais une chose a frappé les esprits : les pays de l’UE se sont répartis entre  ces trois catégories. La Belgique, la France, la l’Irlande, le Luxembourg, Malte, le Portugal et la Slovénie ont approuvé le texte ; l’Autriche, la Croatie, la Hongrie et la République tchèque s’y sont opposées ; les autres se sont abstenus.

Si cet éclatement n’a pas spécialement retenu l’attention à New York (qui s’intéresse au rôle que prétend jouer l’Union européenne ?), il a en revanche mis au désespoir les partisans de l’intégration européenne. Ces derniers ont comme objectif prioritaire depuis des années de faire survenir une « politique extérieure commune ».

C’est mal parti.

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Nouvelles bisbilles au sommet : sur les gros sous, et sur Gaza…

Par : pierre

Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept qui s’est déroulé les 26 et 27 octobre est passé (presque) inaperçu. Il a pourtant apporté un nouveau lot de dossiers sur lesquels les Vingt-sept laissent apparaître leurs divisions. Après l’énergie, l’immigration et l’élargissement, deux domaines – et non des moindres – risquent de s’avérer explosifs : les questions de gros sous, et la politique extérieure notamment face au Moyen-Orient.

Le premier point n’est pas vraiment nouveau : l’élaboration du « cadre financier pluriannuel » provoque, tous les sept ans, des bras de fer homériques entre les Etats membres. Schématiquement, les pays baptisés « radins » par Bruxelles (les Pays-Bas, l’Autriche, les Nordiques…) tentent de réduire au maximum le budget communautaire, auquel ils apportent une contribution nette ; tandis que les pays, souvent à l’Est, qui reçoivent plus qu’ils ne payent, militent au contraire pour une expansion des dépenses.

Cette fois cependant, c’est particulier : il s’agit d’amender le budget en cours (qui couvre la période 2021-2027). Et c’est la Commission européenne qui est à l’initiative. Celle-ci pointe en effet l’écart croissant entre les recettes initialement prévues, et les nouvelles ambitions affichées par l’UE.

Bruxelles plaide ainsi pour « renforcer la compétitivité européenne » face au soutien public massif que les Etats-Unis offrent aux entreprises présentes sur leur sol, notamment (mais pas seulement) dans les « industries vertes ». Des aides tellement attrayantes que de nombreuses grandes firmes européennes préparent ou envisagent des délocalisations outre-Atlantique, quitte à sacrifier des dizaines de milliers d’emplois sur le Vieux continent. Montant de cette rallonge réclamée par Bruxelles pour ladite « compétitivité » : 10 milliards d’euros, au grand dam de Berlin et de La Haye.

La Commission veut aussi 15 milliards supplémentaires pour financer la régulation des flux migratoires – un dossier sur lequel les Vingt-sept ne cessent de s’écharper. Autre point litigieux : le surplus de financement qui s’annonce nécessaire avant de faire entrer les pays candidats au sein de l’UE.

Mais c’est l’« aide » à Kiev qui constitue le plus lourd dossier, pour lequel les contribuables des Etats membres risquent d’être le plus ponctionnés. C’est aussi celui auquel le sommet consacre les trois premières pages de ses conclusions… quelques jours après l’embrasement du Moyen-Orient. On peut notamment lire : « l’Union européenne continuera de fournir un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine et à sa population aussi longtemps qu’il le faudra ».

La rallonge budgétaire est chiffrée à 50 milliards d’euros, auxquels devraient s’ajouter, hors budget, 20 milliards d’aide strictement militaire (équipements, munitions, formations et entraînements). Cependant, l’unanimité n’est plus tout à fait de mise : les premiers ministres hongrois et slovaque ont annoncé leur opposition. On saura en décembre – échéance à laquelle la modification budgétaire devrait être adoptée – s’ils joignent le geste à la parole.

Bref, au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… Rien que ça ! Le tiers serait emprunté sur les marchés financiers, alors même que, notamment du fait des décisions de la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt grimpent en flèche (ce qui entraîne déjà un accroissement considérable du coût de l’emprunt communautaire de 2020 finançant le plan de relance). Et les deux tiers des 100 milliards seraient financés par des contributions des Etats membres.

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L’«isolement» change de camp…

Par : pierre

A l’Ouest, on s’inquiète. Bien sûr, cela fait longtemps que les dirigeants occidentaux ont compris que leur rêve d’hégémonie sur le monde allait se heurter à des obstacles qu’ils n’imaginaient pas au début des années 1990, lors de l’effacement de l’Union soviétique.

Mais dans les deux dernières années, et plus encore ces derniers mois, le rythme de leurs échecs et déconvenues s’est accéléré. En 2022, le retrait en catastrophe des forces américaines d’Afghanistan en constituait un symbole marquant. Et en 2023, les militaires français étaient contraints de se replier – certes de manière ordonnée – du Mali, du Burkina Faso, puis du Niger.

Les revers militaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur le plan diplomatique, les déceptions, voire les fiascos se succèdent. Lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, Washington et ses alliés étaient sûrs d’être suivis dans leur condamnation de Moscou. Ils escomptaient une indignation unanime, et donc un alignement général sur leur posture guerrière.

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L’«isolement» change de camp

Par : pierre

A l’Ouest, on s’inquiète. Bien sûr, cela fait longtemps que les dirigeants occidentaux ont compris que leur rêve d’hégémonie sur le monde allait se heurter à des obstacles qu’ils n’imaginaient pas au début des années 1990, lors de l’effacement de l’Union soviétique.

Mais dans les deux dernières années, et plus encore ces derniers mois, le rythme de leurs échecs et déconvenues s’est accéléré. En 2022, le retrait en catastrophe des forces américaines d’Afghanistan en constituait un symbole marquant. Et en 2023, les militaires français étaient contraints de se replier – certes de manière ordonnée – du Mali, du Burkina Faso, puis du Niger.

Les revers militaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur le plan diplomatique, les déceptions, voire les fiascos se succèdent. Lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, Washington et ses alliés étaient sûrs d’être suivis dans leur condamnation de Moscou. Ils escomptaient une indignation unanime, et donc un alignement général sur leur posture guerrière.

Il n’en fut rien. Lors des votes à l’ONU, de nombreux Etats du « sud global » s’abstenaient de condamner Moscou – voire, pour certains, votaient contre cette condamnation. Pire : en août et septembre derniers, trois événements diplomatiques ont souligné la difficulté croissante à imposer un leadership mondial de l’Occident : le sommet des BRICS à Johannesburg, où le groupe des cinq fondateurs s’est élargi à six nouvelles puissances (les candidatures étaient bien plus nombreuses) ; le sommet du G20 à New Dehli, où les efforts pour stigmatiser la Russie ont été vains (la résolution finale étant encore plus mesurée sur le dossier ukrainien que l’année précédente) ; et l’assemblée générale de l’ONU, où se sont succédé les prises de distance par rapport au G7 et à ce qu’il symbolise.

C’est notamment ce que relève une des chroniqueuses de relations internationales du Monde, qui reflète assez fidèlement le spectre de l’idéologie des élites françaises et même européennes. Non sans effroi, Sylvie Kauffmann note ainsi que « les grands acteurs du sud ne se conforment plus au récit des grands acteurs du nord », et conclut son analyse du 28 septembre par ces mots inquiets : « l’heure des ajustements et du rééquilibrage est venue ; ça va très vite et c’est brutal ».

Puis, le 6 octobre, son confrère Alain Frachon affirme dans le même quotidien que désormais « le monde occidental n’est plus hégémonique », et détaille les évolutions qui justifient son analyse. Il souligne que ce phénomène est notable y compris de la part d’Etats connus pour leur proximité historique avec l’Oncle Sam ; un des exemples les plus spectaculaires étant l’Arabie Saoudite.

Non sans pertinence, il relève du reste que les dirigeants occidentaux ont été les premiers à décrédibiliser l’ONU en s’affranchissant de ses règles, à commencer par la guerre faite à l’Irak en 2003. Il aurait pu citer la punition infligée à la Serbie en 1999. Bref, « le président George W. Bush a ouvert un boulevard à Vladimir Poutine », donnant ainsi à nombre de capitales non occidentales une bonne raison de ne pas condamner Moscou.

Le sentiment du « deux poids – deux mesures » s’est répandu à grande vitesse

Car le sentiment, justifié, du « deux poids – deux mesures » s’est répandu à grande vitesse : d’un côté, un mobilisation sans précédent des alliés occidentaux pour des livraisons massives d’armes à l’Ukraine et les sanctions anti-russes ; de l’autre, une indifférence (à peine) polie des mêmes face aux désastres économiques et sociaux, voire aux conflits, qui ravagent ce qu’on nommait jadis le Tiers-monde.

La présidente de la Commission européenne a même omis de dire un mot sur les Gazaouis assiégés, étranglés et bombardés

Et encore, tout cela, c’était avant le déchaînement israélien d’une violence inouïe contre la population martyre de Gaza (mais aussi, à plus bas bruit, contre celle de Cisjordanie de la part des colons). Au nom du « droit d’Israël à se défendre » contre le mouvement de résistance palestinien et les actions militaires du Hamas, les dirigeants des grands pays de l’Ouest se sont précipités à Jérusalem ou Tel-Aviv pour exprimer leur « solidarité » avec l’Etat juif. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a même carrément omis de dire un mot sur les Gazaouis assiégés, étranglés et bombardés.

Pour sa part, le président américain, certes de plus en plus mal à l’aise, n’a rien à refuser à son allié israélien. Il a même mis son veto à une résolution, pourtant très timide, présentée par le Brésil au Conseil de sécurité.

Quand le deux poids – deux mesures atteint un tel degré de cynisme, qui s’étonnera encore du malaise, et souvent de la colère, de pays, de plus en plus nombreux, du « Sud global » ? Tous les efforts des diplomates occidentaux, depuis février 2022, pour mobiliser derrière eux contre la Russie tombent à l’eau, et se retournent même contre leurs auteurs. Conclusion du Monde (21/10/2023), de plus en plus angoissé devant cette évolution : « l’isolement menace… le monde occidental ». Les points de suspension mis par le rédacteur dénotent son désarroi : pendant des mois en effet, la presse dite « mainstream » s’est réjouie de la perspective de voir… Moscou isolé.

Le même jour, le quotidien commence son éditorial par ces mots : « la colère monte, elle vient du Sud et elle est dirigée contre le Nord (…). La violence de la riposte de l’armée israélienne sur Gaza (…) a déclenché un puissant mouvement de contestation, teinté d’esprit de revanche, contre les pays occidentaux, accusés d’hypocrisie dans le choix des victimes auxquelles ils apportent leur soutien. (…) La vitesse et l’intensité avec lesquelles s’est propagée cette contestation depuis dix jours sont révélatrices d’un basculement politique ».

Un « basculement » tellement visible que Josep Borell lui-même (à droite sur la photo, saluant Joseph Biden), le chef de la politique extérieure de l’UE, a publiquement reconnu son inquiétude : sortant de sa visite, le 20 octobre, à la Maison-Blanche, il a évoqué ce que les diplomates de Bruxelles en poste un peu partout dans le « Sud global » confirment : une colère anti-occidentale croissante.

L’histoire n’est jamais écrite d’avance, et des retournements peuvent toujours survenir. Mais, pour l’heure, l’« isolement » est en train de changer de camp.

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L’Europe vers le chaos ? (vidéo)

Par : pierre

La nouvelle émission coréalisée par Le Média pour Tous et Ruptures est désormais en ligne, avec au menu : L’Europe vers le chaos ?

En effet, les sujets de discorde se multiplient au sein des Vingt-sept. Malgré un compromis provisoire, ces derniers divergent ainsi sur la réforme du marché de l’électricité de l’UE, dans le contexte de prix et de factures des ménages qui explosent, notamment du fait des sanctions anti-russes.

L’immigration est également un dossier brûlant et polémique, qui revient en force cette année après le pic d’arrivées de 2015-2016. Les dirigeants des Etats membres s’écharpent aussi sur les perspectives et les processus d’adhésion d’une nouvelle vague de pays, dont l’Ukraine. Notamment du fait des coûts faramineux que cet horizon entraînerait.

Après le sommet informel du 5 octobre, où les chefs d’Etat et de gouvernement se sont inquiétés de la « fatigue de la guerre » parmi les peuples, et avant le Conseil des 26 et 27 octobre, Charles-Henri Gallois, leader de Génération Frexit, et Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, débattent et exposent leurs analyses complémentaires et souvent convergentes.

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Pologne : vers le retour de Tusk ?…

Par : pierre

Ces derniers mois, Bruxelles a très rarement eu l’occasion de se réjouir. Les dirigeants européens n’ont donc pas boudé leur plaisir à l’annonce des résultats des élections en Pologne. Le 15 octobre, 30 millions d’électeurs y étaient appelés aux urnes. 74,4% d’entre eux ont voté, soit 12,8 points de plus qu’en 2019. Il s’agit d’un record de participation depuis 1989. La hausse du vote des femmes, et plus encore des jeunes, y a fortement contribué.

La campagne avait été très polarisée, coupant le pays en deux : d’un côté les partisans de la coalition sortante menée par le PiS (ultra-conservateur à affichage social, et nationaliste) ; de l’autre trois alliances d’opposition ayant en commun de vouloir faire tomber le PiS au pouvoir depuis huit ans, et proclamant toutes leur fidélité indéfectible à l’intégration européenne.

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Pologne : vers le retour de Tusk ?

Par : pierre

Ces derniers mois, Bruxelles a très rarement eu l’occasion de se réjouir. Les dirigeants européens n’ont donc pas boudé leur plaisir à l’annonce des résultats des élections en Pologne. Le 15 octobre, 30 millions d’électeurs y étaient appelés aux urnes. 74,4% d’entre eux ont voté, soit 12,8 points de plus qu’en 2019. Il s’agit d’un record de participation depuis 1989. La hausse du vote des femmes, et plus encore des jeunes, y a fortement contribué.

La campagne avait été très polarisée, coupant le pays en deux : d’un côté les partisans de la coalition sortante menée par le PiS (ultra-conservateur à affichage social, et nationaliste) ; de l’autre trois alliances d’opposition ayant en commun de vouloir faire tomber le PiS au pouvoir depuis huit ans, et proclamant toutes leur fidélité indéfectible à l’intégration européenne.

Ces oppositions, appuyées implicitement par Bruxelles, reprochaient au gouvernement sortant de miner l’« Etat de droit », de faire preuve d’un autoritarisme grandissant, et, péché suprême, de conduire le pays hors de l’Union européenne. Cette dernière accusation était infondée. Ni le gouvernement dirigé par Mateusz Morawiecki, ni l’homme fort historique du PiS, Jaroslaw Kaczynski, n’ont jamais souhaité de « Polexit », ne serait-ce que pour conserver la manne considérable des fonds communautaires qui a été versée à Varsovie depuis son adhésion, en 2004.

Il est vrai, en revanche, que le pouvoir sortant n’a pas lésiné sur ses attaques contre la Commission européenne, coupable notamment de bloquer les 35 milliards destinés à la Pologne par le plan de relance européen de 2020. Le pays est en effet accusé de violer les règles et normes communautaires. Le gouvernement avait même organisé, le jour du vote, des référendums sur quatre thèmes mettant en cause des politiques européennes (dont l’immigration). Avec 40% de votants, ces consultations n’ont pas connu le succès escompté.

Les résultats ont constitué une lourde déception pour le PiS, qui, avec 35,4% des suffrages, perd 8,2 points par rapport au précédent scrutin de 2019. Il reste cependant le premier parti du pays.

Mais les trois alliances d’opposition, après s’être chamaillées pendant la campagne, totalisent un nombre de députés dépassant largement la majorité absolue à la Diète (l’Assemblée nationale). Dès le soir du scrutin, elles ont promis de s’unir, et de porter ainsi Donald Tusk au pouvoir. Fondateur et dirigeant de l’éternel rival du PiS, la Plateforme civique (PO, droite libérale), l’homme fut déjà premier ministre de 2007 à 2014. Pro-européen acharné, il présida le Conseil européen de 2014 à 2019 (Photo : ses adieux à Bruxelles en novembre 2019).

Le PO était à la tête de la coalition KO, qui obtient 30,7% des voix, soit un gain de 3,3 points. Pour sa part, la coalition baptisée « Troisième voie », généralement classée centriste, et dont l’une des deux composantes est le Parti paysan (PSL), progresse plus fortement à 14,4%, soit + 5,9 points. De son côté, la coalition Nouvelle gauche, avec les sociaux-démocrates pour noyau, chute de 4 points en s’établissant à 8,6%.

Enfin, le dernier parti à être représenté au Parlement est la Confédération, généralement classée à l’extrême droite. Avec 7,2%, elle reste stable (+ 0,4 point), malgré des divisions en son sein qui s’étaient étalées au grand jour entre « pro-ukrainiens » et « pro-russes » minoritaires. Cette formation avait proclamé avant le vote ne vouloir s’allier à aucun des deux camps, mais nombre d’observateurs pensaient qu’elle pourrait in fine sauver le pouvoir du PiS. L’arithmétique électorale a finalement balayé cette hypothèse.

Toutes les grandes forces politiques sont des soutiens de Kiev

Les questions internationales semblent avoir joué peu de rôle dans le choix des électeurs : toutes les grandes forces politiques sont des soutiens de Kiev. C’est bien le gouvernement du PiS qui a placé la Pologne au premier rang des ennemis fanatiques de Moscou, en compagnie des pays baltes. Certes, ces derniers mois, des frictions s’étaient faites jour avec les dirigeants ukrainiens lorsqu’il s’est avéré que les céréales exportées par ce pays déstabilisaient les marchés agricoles polonais. Cela menaçait de ruine de nombreux paysans – une catégorie traditionnellement fidèle au PiS, que celui-ci ne voulait pas perdre. Les produits agricoles ont donc été bloqués à la frontière. Il est cependant probable qu’une fois le scrutin passé, le PiS aurait cherché un compromis…

Selon les catégories d’électeurs, deux types de préoccupation ont pu dominer. D’un côté, le PiS a fait valoir la hausse des prestations sociales (notamment des allocations familiales) qu’il a mises en œuvre depuis huit ans. Celles-ci ont objectivement profité aux classes populaires ; le gouvernement sortant a en outre mis en avant de bons résultats économiques en termes de croissance et d’emploi (il est vari que la Pologne n’a pas adopté l’euro).

Donald Tusk et ses amis ont pris conscience que le souvenir qu’ils ont laissé sur le plan social était désastreux. Leur passage au pouvoir a coïncidé avec les plans d’austérité et de libéralisations demandés par Bruxelles. Et le PiS n’a pas manqué de rappeler que M. Tusk avait porté l’âge de la retraite à 67 ans, conformément aux orientations de la Commission européenne. Le PiS avait ensuite rétabli 65 ans comme âge de départ (60 ans pour les femmes). Dans ces conditions, PO jure qu’il n’y touchera plus…

D’un autre côté, PO et la coalition qu’il animait ont concentré leurs promesses sur les questions sociétales, dans un pays longtemps conservateur et très catholique, mais en cours d’évolution. Un point, en particulier, a fortement contribué au recul du PiS : la quasi suppression, à l’automne 2020, du droit à l’avortement, ce qui avait provoqué de nombreuses mobilisations de masse. La mise en place d’une législation à ce point répressive a probablement indisposé jusqu’à certains électeurs du PiS.

Enfin, Donald Tusk s’est fait fort, en promettant une réconciliation avec Bruxelles, d’obtenir le déblocage des fonds attendus par Varsovie. Un argument qui a pu convaincre un certain électorat urbain favorable à l’intégration européenne.

Quand la majorité tripartite verra le jour apparaîtront de notables contradictions

Et maintenant ? L’hypothèse la plus probable est donc la formation d’une majorité parlementaire issue des trois coalitions et portant Donald Tusk à la tête d’un futur gouvernement. Mais ce ne sera pas immédiat. Arrivé en tête, le PiS se verra probablement confier en premier la recherche d’une majorité, ce pour quoi il n’a peut-être pas perdu espoir (en tentant de débaucher tout ou partie de la Troisième voie).

Surtout, le président de la République, Andrzej Duda, issu du PiS, reste en place jusqu’à (au moins) 2025. Il peut poser son veto sur certaines législations. Fera-t-il le choix d’une « cohabitation de combat » ? En outre, le PiS garde de solides positions de pouvoir dans l’appareil d’Etat, la justice et les médias.

Enfin, quand la majorité tripartite verra le jour apparaîtront de notables contradictions. La gauche, par exemple, a multiplié dans son programme les annonces « sociales » (qui contrastent avec les périodes où elle a dirigé le pays). Comment ces engagements seront-ils compatibles avec l’ultra-libéralisme que M. Tusk veut remettre sur les rails ?

Et qu’en sera-t-il de la querelle avec Kiev sur ses exportations agricoles ? Seront-elles débloquées, au grand dam des agriculteurs ? Et comment réagira alors le Parti paysan, qui sera dans la future majorité ? Des questions comparables se poseront si M. Tusk accepte les diktats environnementaux de Bruxelles et sacrifie ainsi les mineurs.

Le futur chef du gouvernement devra aussi se positionner sur la politique migratoire européenne. Il n’est pas sûr qu’une majorité de Polonais soit favorable à un large accueil de migrants, au moment où la présence de plus d’un million de réfugiés ukrainiens ne suscite plus l’empathie des débuts, bien au contraire.

La Pologne semble donc se diriger vers des temps politiques très agités. Bruxelles aurait tort de se réjouir trop vite.

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Le dollar pourrait souffrir des sanctions contre Moscou…

Par : pierre

« Nous allons mettre l’économie de la Russie à genoux » avait fanfaronné le ministre français de l’économie, quelques jours après l’entrée des troupes russes en Ukraine. Bruno Le Maire se réjouissait à l’avance de l’efficacité redoutable des sanctions que l’Union européenne s’apprêtait à prendre contre Moscou.

Dix-huit mois plus tard, peut-on faire un premier bilan ? Certes, les onze paquets successifs de « mesures restrictives » pilotées par Bruxelles n’ont pas été sans conséquences sur les prix, la croissance et la monnaie russes. Au moins dans un premier temps. Mais de nombreuses études montrent – que ce soit pour le déplorer ou pour s’en réjouir – qu’on est loin, très loin des espoirs de M. Le Maire et de ses collègues. Et plus le temps passe, plus apparaissent des signes que lesdites sanctions sont contre-productives au regard des objectifs occidentaux.

Le cas des exportations russes de pétrole est à cet égard très significatif.

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Le dollar pourrait souffrir des sanctions contre Moscou

Par : pierre

« Nous allons mettre l’économie de la Russie à genoux » avait fanfaronné le ministre français de l’économie, quelques jours après l’entrée des troupes russes en Ukraine. Bruno Le Maire se réjouissait à l’avance de l’efficacité redoutable des sanctions que l’Union européenne s’apprêtait à prendre contre Moscou.

Dix-huit mois plus tard, peut-on faire un premier bilan ? Certes, les onze paquets successifs de « mesures restrictives » pilotées par Bruxelles n’ont pas été sans conséquences sur les prix, la croissance et la monnaie russes. Au moins dans un premier temps. Mais de nombreuses études montrent – que ce soit pour le déplorer ou pour s’en réjouir – qu’on est loin, très loin des espoirs de M. Le Maire et de ses collègues. Et plus le temps passe, plus apparaissent des signes que lesdites sanctions sont contre-productives au regard des objectifs occidentaux.

Le cas des exportations russes de pétrole est à cet égard très significatif. Parallèlement aux mesures décrétées par l’UE, le G7 (incluant donc les Etats-Unis) avait ordonné, en décembre 2022 un plafonnement des prix auquel la Russie pouvait vendre son or noir, en l’occurrence 60 dollars le baril. Les grandes compagnies occidentales de transport maritime et d’assurance qui auraient contribué aux exportations russes au-dessus de ce prix peuvent être traînées devant les tribunaux.

On notera au passage que le G7 a évité d’édicter une interdiction pure et simple. Et pour cause : la disparition du pétrole vendu par la Russie, deuxième producteur planétaire, aurait déclenché l’apocalypse sur l’économie mondiale.

Surtout, contrairement au ministre français, les experts du monde pétrolier se doutaient bien que Moscou parviendrait à contourner l’interdiction. Il semble cependant qu’ils aient été surpris de la vitesse à laquelle la Russie y est parvenue.

New Dehli ne se prive pas de raffiner le brut russe, puis de ré-exporter ouvertement le carburant vers les pays européens

Outre la multiplication de livraisons discrètes, celle-ci a augmenté considérablement ses ventes officielles de brut à la Chine, et surtout à l’Inde. Ces pays n’appliquent pas le boycott que se sont auto-infligés les pays de l’UE, tout en respectant théoriquement le prix plafond. Mais les milieux pétroliers sont sûrs que, parallèlement, les compagnies russes surfacturent des services annexes, en accord avec leurs clients, de manière à ce que la Russie encaisse finalement les revenus correspondant aux cours actuels (qui s’établit début octobre à 90 dollars le baril pour le brut de type ‘Oural’).

Ainsi, avant la guerre, pour 100 barils importés par l’Inde, deux seulement provenaient de Russie. Cette part est désormais… de 40 barils. Comble de l’ironie : New Dehli ne se prive pas de raffiner le brut, puis de ré-exporter ouvertement le carburant vers les pays européens. Ce « blanchiment » de l’or noir se fait évidemment au détriment du prix payé à la pompe.

Beaucoup de connaisseurs du monde du pétrole estiment même que la Russie n’a jamais gagné autant d’argent par ce commerce. Pour sa part, le Financial Times signalait mi-septembre que cette situation avait multiplié le nombre de tankers passant par la route polaire à destination de l’Asie (plutôt que par l’itinéraire plus long via le canal de Suez), et que cela augmentait le risque de marée noire dans des régions sensibles.

D’ores et déjà, la Russie effectue une part croissante de ses échanges commerciaux en yuans, au détriment du billet vert

Mais il y a un aspect encore plus paradoxal dont Washington pourrait à moyen terme se mordre les doigts. C’est une étude publiée fin septembre par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) qui a attiré l’attention sur les conséquences négatives pour le dollar de cette évolution du marché pétrolier.

D’ores et déjà, la Russie effectue une part croissante de ses échanges commerciaux en yuans, au détriment du billet vert. Selon la banque centrale de ce pays, en juillet de cette année, la monnaie chinoise était utilisée pour 25 % des exportations russes, et même pour 34 % des importations.

Cette évolution pourrait s’accélérer. Pour le chef économiste de la BERD, cela « peut réduire l’attractivité du dollar comme monnaie de référence dans le commerce mondial ».

Qu’à cela ne tienne. Les Occidentaux rêvent de trouver la parade en se lançant dans la surenchère. On évoque des « sanctions secondaires » qui viseraient les entreprises, notamment européennes, qui seraient client final du pétrole russe.

Mais qui peut croire que cette fuite en avant hâterait la fin de la guerre ? En revanche, elle plomberait encore un peu plus les économies européennes, déjà handicapées par les conséquences des sanctions précédentes.

Ce qui ne chagrinerait pas forcément l’Oncle Sam…

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« Fatigue de la guerre » parmi les peuples, et querelles au sommet…

Par : pierre

La « fatigue de la guerre » commence à apparaître parmi les peuples, notamment dans les différents pays de l’UE. Ce n’est pas les Russes qui le disent, mais les dirigeants européens. Ceux-ci s’en inquiètent de plus en plus. Car le soutien « sans faille et inconditionnel » à Kiev, « aussi longtemps qu’il sera nécessaire », est l’un des principaux credos de Bruxelles.

Coût de l’énergie, manque à gagner en exportations, baisse du niveau de vie : même si beaucoup de citoyens sont loin de mesurer l’ampleur du lien entre les sanctions anti-russes et leurs conséquences économiques et sociales en Europe, l’hostilité au coût de la guerre se fait jour.

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« Fatigue de la guerre » parmi les peuples, et querelles au sommet

Par : pierre

La « fatigue de la guerre » commence à apparaître parmi les peuples, notamment dans les différents pays de l’UE. Ce n’est pas les Russes qui le disent, mais les dirigeants européens. Ceux-ci s’en inquiètent de plus en plus. Car le soutien « sans faille et inconditionnel » à Kiev, « aussi longtemps qu’il sera nécessaire », est l’un des principaux credos de Bruxelles.

Coût de l’énergie, manque à gagner en exportations, baisse du niveau de vie : même si beaucoup de citoyens sont loin de mesurer l’ampleur du lien entre les sanctions anti-russes et leurs conséquences économiques et sociales en Europe, l’hostilité au coût de la guerre se fait jour.

Le dernier signe en date remonte au 30 septembre, lorsque les électeurs slovaques ont assuré une large victoire à l’opposant Robert Fico, un ancien premier ministre social-démocrate. Ce scénario était celui redouté par Bruxelles puisque M. Fico avait mis au cœur de sa campagne l’arrêt des livraisons d’armes à Kiev et le refus de nouvelles sanctions. Après le chef du gouvernement hongrois, un nouveau dirigeant qualifié de « pro-russe » (une étiquette qu’il conteste) devrait donc siéger au Conseil européen, suite au verdict des citoyens slovaques.

Quant aux dirigeants polonais, qui furent pourtant dès le début les soutiens les plus acharnés à l’Ukraine, ils se sont désormais fâchés avec Volodymyr Zelensky. La querelle a pour point de départ la concurrence des céréales et autres produits agricoles ukrainiens qui menace de ruiner de nombreux producteurs polonais. Varsovie a donc bloqué l’arrivée de ces denrées ; l’affrontement s’est envenimé au point de stopper les livraisons d’armes polonaises. La proximité des élections dans ce pays, prévues pour le 15 octobre, a poussé le gouvernement à privilégier – pour l’instant du moins – les intérêts nationaux. Et illustre donc ladite « fatigue de la guerre » au sein de l’électorat.

« Au fil du temps, l’opinion publique s’est détachée de la guerre car elle a coïncidé avec une hausse de l’inflation et des crises industrielles et de production »

Le ministre italien de la défense

En  Italie, cette « fatigue » vient également de trouver un écho à travers la mise en garde lancée par le ministre de la défense. Alors que la chef du gouvernement, Georgia Meloni, ne cesse de répéter son attachement indéfectible à l’Alliance atlantique, et donc son soutien l’Ukraine en guerre, Guido Crosetto a pour sa part déclaré : « au fil du temps, l’opinion publique s’est détachée de la guerre parce qu’elle a coïncidé avec une hausse de l’inflation et des crises industrielles et de production. Tout cela a entraîné une détérioration des conditions de vie dans les pays des démocraties occidentales ». On ne saurait être plus clair…

D’autres signes comparables apparaissent sur le Vieux Continent. Mais ce qui hante particulièrement les chefs de l’UE, c’est le récent coup de théâtre à Washington. Lors des difficiles négociations entre parlementaires démocrates et républicains pour le vote du budget, un compromis provisoire a finalement été trouvé… qui exclut l’aide à Kiev. Le pouvoir ukrainien se verrait ainsi privé des 24 milliards prévus par le président américain. De nouveaux rebondissements vont certainement se produire, mais le signal est clair : à un an des élections, une partie des représentants – particulièrement parmi les soutiens de Donald Trump – ont compris que les électeurs seraient peu enthousiastes quant à la poursuite des versements « open bar » à Kiev.

Personne ne comprend vraiment à quoi sert la « Communauté politique européenne »

Cette angoisse des dirigeants européens était omniprésente dans les coulisses du troisième sommet de ladite « Communauté politique européenne » (CPE), le 5 octobre à Grenade (Espagne, photo ci-dessus). Cette étrange institution informelle, dont Emmanuel Macron fut à l’origine en 2022, regroupe les Etats membres de l’UE et ceux qui ne le sont pas, tels que la Norvège, le Royaume-Uni, la Suisse, mais aussi les pays des Balkans, et bien sûr l’Ukraine et la Moldavie.

Au grand désespoir des dirigeants de l’UE, le président turc avait cette fois séché la réunion, de même que son homologue et allié azerbaïdjanais. Cela a empêché que ce dernier rencontre le président arménien, ce qui aurait donné un peu de lustre à la conférence en renouant les fils entre les deux ennemis. Le face-à-face entre le président serbe et son homologue kosovare n’a pas eu lieu non plus.

Et comme les tables rondes ont surtout donné lieu à une suite de monologues sans résultat, personne ne comprend vraiment à quoi sert cette instance. Si ce n’est, du point de vue des organisateurs, à montrer l’isolement de la Russie et de la Biélorussie, seuls pays européens à ne pas être invités.

La CPE est un « espace paneuropéen de dialogue et de solidarité politique dans le contexte de la guerre en l’Ukraine », veut croire le président français. Une sorte de forum anti-russe, donc, mais marqué par l’amertume des participants quant au soutien financier à l’Ukraine de moins en moins populaire. Depuis février 2022, l’UE et ses Etats membres ont « aidé » Kiev à hauteur de 85 milliards, à comparer aux 70 milliards du soutien américain. Pour les quatre années à venir, Bruxelles prévoit de financer l’Ukraine en programmant le transfert de 50 milliards, plus 20 milliards sur le plan militaire. Encore faudra-t-il convaincre les pays réticents.

Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a estimé que l’Europe devrait compenser une éventuelle baisse du financement américain – mais ne pourrait évidemment pas le faire intégralement. Bref, l’humeur n’était pas à la fête ce 5 octobre, au point que la conférence de presse finale fut annulée in extremis.

Deux questions explosives figuraient au menu du Conseil européen du 6 octobre : l’élargissement et l’immigration

Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept sont restés sur place le lendemain afin de participer au Conseil européen. Un cadre plus établi et plus traditionnel, mais pas vraiment plus joyeux.

Deux questions en particulier figuraient au menu. Tout d’abord l’élargissement, c’est-à-dire la perspective de recruter de nouveaux membres : l’Ukraine mais aussi la Moldavie (voire la Géorgie), de même que six pays des Balkans, dont certains sont dans l’antichambre depuis des années.

Les Vingt-sept ont réaffirmé que cette perspective était nécessaire, en la justifiant explicitement par leur volonté de contrer l’influence russe. Mais au-delà de ce rappel de principe, les divergences sont multiples et les sources de conflit très nombreuses : faut-il des adhésions express en l’état, ou doit-on réformer l’UE avant ? Le processus devra-t-il être classique ou progressif ? Faudra-t-il faire gonfler démesurément le budget communautaire (et donc augmenter les contributions ou en  créer de nouvelles) ? Ou bien réduire drastiquement les dépenses – notamment les subventions agricoles ou régionales ?

« Les Français sont-ils prêts à payer plus ? »

Viktor Orban

L’entrée de l’Ukraine transformerait les pays qui reçoivent plus de subventions qu’ils ne payent de contribution, en contributeurs nets. Quant à l’intégration des neuf pays candidats, elle coûterait aux pays membres actuels 256 milliards d’euros, selon des estimations bruxelloises révélées par le Financial Times. « Les Français sont-ils prêts à payer plus ? » a ironisé Viktor Orban… Le président du Conseil européen, Charles Michel, voulait même imposer la date butoir de 2030. Finalement en vain.

Car, évidemment, ces questions sont explosives ; elles rebondiront du reste en décembre, quand la décision d’entamer les « négociations d’adhésion » (en fait, l’alignement pur et simple des candidats sur les normes de l’UE) devra être prise pays par pays. En réalité, il y a fort à parier que les adhésions formelles ne se réaliseront jamais.

Tout aussi explosive est l’autre question à l’ordre du jour : la politique de l’UE en matière de migrations et d’asile. Certes, les ministres des Vingt-sept avaient adopté le 4 octobre un compromis concernant les « situations d’urgence » (en cas d’afflux massif de réfugiés). Mais ce texte devra encore suivre une longue procédure. Surtout, la Pologne et la Hongrie se sont vu imposer, par une majorité qualifiée, des dispositions qu’elles refusent. Viktor Orban a même a comparé cette décision à un « viol ». La Pologne, la Hongrie, et peut-être demain d’autres pays, promettent de résister.

Soutien à l’Ukraine, élargissement, politiques migratoires : entre les Vingt-sept, les affrontements ne font que commencer.

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Slovaquie : les électeurs donnent des sueurs froides à Bruxelles…

Par : pierre

La présidente slovaque avait lancé un cri d’alarme quelques jours avant le 30 septembre, date à laquelle les 4,4 millions d’électeurs devaient renouveler leurs 150 députés : il s’agira d’un « vote de destin », qui déterminera « si les Slovaques veulent conserver leur démocratie et leur orientation pro-occidentale » avait estimé la très pro-européenne Zuzana Caputova.

Malgré – ou peut-être en partie grâce à – cet avertissement, les électeurs ont offert une victoire d’ampleur inattendue à la bête noire de Bruxelles, l’ancien premier ministre Robert Fico (photo, ici lors d’un Conseil européen en 2017). Avec 23% des suffrages (dans un scrutin marqué par une participation de 68,5 %, en hausse de 2,1 points par rapport à 2020), son parti, le SMER-SD gagne 4,8 points et arrive largement en tête, bien au-delà de ce qu’avaient prédit les sondages.

Toujours officiellement affilié au Parti socialiste européen, mais très peu en odeur de sainteté au sein de ce dernier, le SMER-SD avait mené une campagne radicale sur plusieurs thèmes, dont l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine, et la critique virulente des sanctions européennes contre la Russie.

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Slovaquie : les électeurs donnent des sueurs froides à Bruxelles

Par : pierre

La présidente slovaque avait lancé un cri d’alarme quelques jours avant le 30 septembre, date à laquelle les 4,4 millions d’électeurs devaient renouveler leurs 150 députés : il s’agira d’un « vote de destin », qui déterminera « si les Slovaques veulent conserver leur démocratie et leur orientation pro-occidentale » avait estimé la très pro-européenne Zuzana Caputova.

Malgré – ou peut-être en partie grâce à – cet avertissement, les électeurs ont offert une victoire d’ampleur inattendue à la bête noire de Bruxelles, l’ancien premier ministre Robert Fico (photo, ici lors d’un Conseil européen en 2017). Avec 23% des suffrages (dans un scrutin marqué par une participation de 68,5 %, en hausse de 2,1 points par rapport à 2020), son parti, le SMER-SD gagne 4,8 points et arrive largement en tête, bien au-delà de ce qu’avaient prédit les sondages.

Toujours officiellement affilié au Parti socialiste européen, mais très peu en odeur de sainteté au sein de ce dernier, le SMER-SD avait mené une campagne radicale sur plusieurs thèmes, dont l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine, et la critique virulente des sanctions européennes contre la Russie.

L’aide militaire nourrit l’inflation, avait martelé le SMER-SD, et les sanctions nuisent plus à la Slovaquie qu’à Moscou, ajoutait-il. Robert Fico avait même comparé les soldats de l’OTAN présents dans le pays aux forces d’occupation de la Wehrmacht lors de la seconde guerre mondiale. On comprend, dans ces conditions, que l’homme soit traité de « populiste » et « démagogue » dans les couloirs de Bruxelles, où l’on redoutait cette victoire.

La moitié de la population considère les Etats-Unis comme une menace pour la sécurité, et seulement 31% ont une bonne opinion du président ukrainien

Ce thème a contribué à son succès électoral dans un pays où la population exprime des sentiments « pro-russes » dans une des plus fortes proportions au sein de l’UE. Une récente étude réalisée pour le compte d’un think tank occidental affirmait que plus du tiers des citoyens partageaient l’idée que la guerre en Ukraine résultait d’une provocation occidentale. Selon la même étude, la moitié de la population considérait les Etats-Unis comme une menace pour la sécurité, et seulement 31% avaient une bonne opinion du président ukrainien.

La politique internationale n’a évidemment pas été le seul thème du SMER-SD, qui a mis en avant son programme social, et dénoncé la brutalité de l’inflation – encore 9,6% en août dernier, le plus haut niveau de la zone euro. Sur l’immigration, M. Fico a exprimé des positions aussi contraires à Bruxelles que celles du premier ministre hongrois, et partage également l’hostilité de ce dernier face aux mariages entre personnes du même sexe, et plus généralement en matière sociétale.

Un autre facteur a contribué à la victoire de ce parti : le chaos politique permanent depuis 2020, date à laquelle un nouveau parti politique auto-proclamé anti-corruption, OL’ANO, a accédé au pouvoir, à la tête d’une coalition de quatre partis seulement unis par la volonté de chasser le SMER, mais particulièrement disparate sur le reste.

L’inexpérience du chef d’OL’ANO et son autoritarisme vis-à-vis de ses partenaires de coalition (ainsi que… des scandales de corruption) ont abouti à la succession de trois gouvernements en trois ans et à l’éclatement de la majorité. Celle-ci a tout de même eu le temps de livrer de très grandes quantités d’armements à Kiev…

Avec 8,9% des suffrages contre 25% il y a trois ans, OL’ANO subit un échec cuisant. Mais cette fois, le camp pro-UE et pro-OTAN était également représenté par Slovaquie Progressiste (PS, étiqueté « centriste », et dont est issue l’actuelle chef de l’Etat) qui n’était pas présent dans le parlement sortant. Ce parti espérait devancer le SMER, mais n’a finalement obtenu que 18%. Il n’a cependant pas perdu espoir de former une coalition conforme aux espoirs bruxellois.

Car en tout, sept partis sont représentés au Parlement. Quatre d’entre eux seraient susceptibles de contribuer à former une majorité pro-occidentale : en plus de PS et d’OL’ANO, les chrétiens-démocrates (6,8%, soit + 2,2 points) ; et le parti SaS (6,3%, + 0,1 point), ultra-libéral sur le pan économique, et libertaire sur le plan sociétal. Soit en tout 71 sièges pour un parlement qui en compte 150. Non seulement cela n’atteint pas la majorité absolue, mais un tel attelage, très hétérogène, pourrait bien reproduire le même chaos que précédemment.

Quant au SMER-SD, il reste deux partis auxquels il pourrait s’allier. D’une part le parti HLAS (« voix », qui a récolté 14,7%) créé en juin 2020 par des dissidents sociaux-démocates qui souhaitaient se dissocier de l’image sulfureuse de M. Fico. Ce dernier, qui fut à la tête du gouvernement entre 2006 et 2010, puis entre 2016 et 2018, fut en effet contraint à la démission après une campagne de ses adversaires l’accusant de liens avec la mafia, voire d’avoir commandité l’assassinat d’un journaliste d’investigation. C’est son ancien lieutenant, futur créateur du HLAS, qui lui succéda comme premier ministre de 2018 à 2020.

SMER-SD et HLAS sont donc issus d’une matrice sociale-démocrate commune. Mais le second est plus proche de l’idéologie occidentale

SMER-SD et HLAS sont donc issus d’une matrice sociale-démocrate commune. Mais le second est plus proche de l’idéologie occidentale, et refuse en outre toute alliance avec des partis classés à l’extrême droite. Le SMER, en revanche, a déjà gouverné deux fois avec le Parti national slovaque (SNS), ce qui lui valut d’être suspendu du Parti socialiste européen (avant d’être finalement réintégré en 2008).

Le SNS, le plus ancien parti dans l’histoire du pays (il affirme sa filiation avec un parti créé en 1871), se revendique de la droite nationale, et est plutôt hostile à Bruxelles (ainsi désormais qu’à l’engagement militaire en faveur de l’Ukraine). Il fait cette fois son retour au Parlement avec 5,6% des suffrages (contre 3,2% lors du scrutin de 2020).

Si ces trois partis, qui cumulent 79 sièges, réussissent à s’allier, Robert Fico redeviendra l’homme fort du pays. Certes, il ne prône aucunement la sortie de l’UE. Mais avec une politique sociale peu compatible avec l’austérité imposée dans la zone euro, et une proximité politique affichée avec Viktor Orban – les deux hommes sont accusés d’être « pro-russes » par les grands médias occidentaux – cela serait de nature à modifier les équilibres, voire à secouer les fondements mêmes de l’UE.

Même s’il était redouté et anticipé, le coup est donc très rude pour Bruxelles. Ainsi, l’eurodéputée française Valérie Hayer, qui dirige la délégation macroniste au Parlement européen, a évoqué un « jour sombre pour l’Ukraine et l’unité de l’Occident ».Et l’on peut penser que nombre de dirigeants européens vont œuvrer en coulisses, notamment par des pressions sur HLAS, pour faire prévaloir une coalition maintenant le SMER dans l’opposition, au risque d’une nouvelle instabilité politique.

Deux jours après le scrutin, la chef de l’Etat a dû confier au vainqueur du scrutin la première tentative pour former un gouvernement. Les négociations entre forces politiques sont donc lancées.

Le vote des Slovaques marque un tournant qui fragilise l’Union européenne sur notamment deux sujets explosifs : les rapports avec la Russie, et l’immigration.

Quelle que soit l’issue de celles-ci, le vote des Slovaques marque un tournant qui fragilise l’Union européenne sur notamment deux sujets particulièrement explosifs : les rapports avec la Russie, et l’immigration.

D’ici la fin de l’année, les électeurs de deux autres pays se rendront aux urnes – la Pologne et les Pays-Bas. Sous des angles différents, mais non moins cruciaux, Bruxelles a beaucoup à perdre. Sans même parler des élections dans plusieurs Länder allemands, dans les prochaines semaines et les prochains mois, où les scores de l’AfD seront particulièrement scrutés (et craints) au sein des institutions européennes.

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Besoins considérables en énergie : le défi caché (vidéo)

Par : pierre

Les besoins en énergie de demain sont complètement sous-estimés, à moins de plaider pour la décroissance… qui précipiterait les pays dans la catastrophe économique et sociale.

Cela vaut tout particulièrement pour l’électricité. Le modèle allemand – tout miser sur les renouvelables, et finalement ré-ouvrir les centrales à charbon – est-il enviable ? A Bruxelles comme à Berlin, il ne manque pas d’adversaires du nucléaire – une source qui a permis à la France d’avoir les tarifs les plus bas, l’approvisionnement le plus sûr, et l’énergie finale la plus décarbonée.

Mais l’atome a manqué d’investissements depuis trente ans. Comment inverser cette tendance ? C’est l’objet de ce présent débat, co-produit avec Le Média pour tous et animé par Vincent Lapierre.

Marc Fontecave, chimiste, est professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences. Il consacre une large part de ses travaux à anticiper les énergies de demain, en plaidant notamment pour une large part de nucléaire.

Il débat avec Pierre Lévy qui pointe la triple responsabilité de l’Union européenne dans la hausse des prix de l’énergie et les risques de ruptures d’approvisionnement : la libéralisation lancée dès 1996 ; le renoncement aux hydrocarbures russes (du fait des sanctions) ; et la politique environnementale, notamment tous les mécanismes de marchés et taxes carbone.

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Pendant le drame arménien, Bruxelles continue de choyer l’Azerbaïdjan pour son gaz…

Par : pierre

Le 20 septembre, l’Azerbaïdjan a parachevé sa reprise en main du Haut-Karabakh. Cette province appartient certes administrativement à ce pays, mais elle est historiquement peuplée d’Arméniens – elle est même parfois considérée comme le berceau de la culture arménienne.

Entre cette date et aujourd’hui, soit en moins de deux semaines, plus de 100 000 habitants, soit la grande majorité de la population, ont fui l’enclave dans des conditions dramatiques, par peur des exactions redoutées de l’armée azerbaïdjanaise.

Le conflit entre l’enclave séparatiste et Bakou (la capitale azérie) remonte à l’éclatement de l’URSS (même s’il a des racines historiques séculaires). Il en est même l’une des conséquences puisque, pas plus que la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’affrontement armé entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises n’aurait pu se dérouler entre Républiques alors soviétiques…

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Pendant le drame arménien, Bruxelles continue de choyer l’Azerbaïdjan pour son gaz

Par : pierre

Le 20 septembre, l’Azerbaïdjan a parachevé sa reprise en main du Haut-Karabakh. Cette province appartient certes administrativement à ce pays, mais elle est historiquement peuplée d’Arméniens – elle est même parfois considérée comme le berceau de la culture arménienne.

Entre cette date et aujourd’hui, soit en moins de deux semaines, plus de 100 000 habitants, soit la grande majorité de la population, ont fui l’enclave dans des conditions dramatiques, par peur des exactions redoutées de l’armée azerbaïdjanaise.

Le conflit entre l’enclave séparatiste et Bakou (la capitale azérie) remonte à l’éclatement de l’URSS (même s’il a des racines historiques séculaires). Il en est même l’une des conséquences puisque, pas plus que la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’affrontement armé entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises n’aurait pu se dérouler entre Républiques alors soviétiques.

Le dernier affrontement massif entre ces deux pays remonte à l’automne 2020, à l’initiative de l’Azerbaïdjan. Il avait débouché sur une victoire de Bakou, fort du soutien militaire, politique et diplomatique de la Turquie, et de livraisons de nombreuses armes israéliennes.

Les combats avaient provoqué la mort de près de 7 000 militaires et civils, et des dizaines de milliers de déplacés. Ils avaient débouché sur un cessez-le-feu, conclu sous l’égide de la Russie, dont 2 000 soldats sont ensuite arrivés sur place en tant que force de paix entre les belligérants. Sur le terrain, Bakou recouvrait des territoires préalablement sous contrôle arménien. Mais le Haut-Karabakh lui-même restait administré par les Arméniens sur place, dont le rêve est le rattachement à la mère-patrie.

Pour Bakou, qui voulait récupérer le contrôle total de la région, c’était encore trop. Sentant que la situation internationale lui était favorable – Moscou ayant d’autres priorités que de faire pression pour que les deux capitales négocient – le président azerbaïdjanais lançait, en décembre 2022, un véritable blocus de l’enclave. Une manœuvre facilitée par le fait que celle-ci n’est reliée à l’Arménie que par une seule route (le corridor de Latchine). Une fois cette route bloquée, les approvisionnements de première nécessité – alimentation, médicaments… – se sont progressivement taris, plaçant la population civile dans une pénurie de plus en plus catastrophique.

Dès lors, il ne suffisait plus que de donner le coup de grâce. Le 18 septembre dernier, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, ordonnait une ultime offensive militaire, sous couvert d’opération « anti-terroriste ». L’Arménie a alors dénoncé une « agression à grande échelle »particulièrement meurtrière.

Mais le rapport de force ne laissait aucun autre choix aux séparatistes que de capituler et de rendre les armes. Grand seigneur, Bakou a promis de garantir les droits civils et religieux aux Arméniens souhaitant rester sur place, tout en comptant que nombre d’entre eux fuiraient vers l’Arménie. C’est ce qui vient de se produire.

En France, où la communauté arménienne est fortement représentée, la plupart des forces politiques – notamment via leurs députés européens – ont eu des mots très durs vis-à-vis de du président Aliev, certains pointant les risques de « nettoyage ethnique ». Pour sa part, le chef de la diplomatie de l’UE a condamné l’offensive militaire lancée par l’Azerbaïdjan, et appelé à la reprise du dialogue. Josep Borrell est d’autant plus contrarié que Bruxelles avait parrainé des pourparlers entre Bakou et Erivan, se vantant même, en août dernier, d’être à deux doigts d’un accord.

Dépité, l’un des adjoints de M. Borrell a accusé Moscou d’être responsable de l’offensive azérie en dénonçant la passivité de la force d’interposition russe. Le calcul du Kremlin serait d’attiser la colère des courant arméniens les plus nationalistes afin de précipiter la chute de l’actuel président arménien, jugé trop pro-occidental. Une thèse reprise par Catherine Colonna, le ministre français des affaires étrangères.

Chacun a bien compris que Bruxelles ne prendrait aucune mesure de rétorsion contre Bakou

L’accusation qui pourrait bien être une diversion. Car, malgré les condamnations formelles, chacun a bien compris que Bruxelles ne prendrait aucune mesure de rétorsion contre Bakou. Et pour cause : le gaz de ce pays doit contribuer à remplacer celui que Bruxelles ne veut plus acheter à la Russie. Ainsi, en 2022, l’Union européenne a reçu 11,3 milliards de m3 de gaz azéri, contre 8 milliards l’année précédente. Et prévoit d’atteindre un rythme annuel de 20 milliards d’ici 2027.

Bref, pour l’UE, sanctionner la Russie – au détriment des consommateurs européens, victimes de prix en hausse – est la priorité. Quitte à se fournir auprès d’un pays dont les dirigeants viennent d’utiliser la force la plus brutale pour régler un problème qui aurait dû être traité de manière diplomatique comme le demandaient tant Moscou que les capitales occidentales…

Par ailleurs, l’Azerbaïdjan n’est pas vraiment un modèle du fameux « Etat de droit » dont Bruxelles se fait le chantre. Il est, de notoriété publique, rongé par la corruption, le népotisme et l’autoritarisme. Le sort des opposants politiques y est fort peu enviable.

Ce qui n’avait nullement empêché la présidente de la Commission européenne de se rendre à Bakou le 18 juillet 2022 pour y signer et fêter un nouveau protocole d’accord sur l’énergie (photo). Ursula von der Leyen n’hésitait pas alors à déclarer : « nous ouvrons un nouveau chapitre de notre coopération énergétique avec l’Azerbaïdjan, un partenaire clé de nos efforts pour abandonner les combustibles fossiles russes (…). Cependant, l’énergie n’est qu’un des domaines dans lesquels nous pouvons intensifier notre coopération avec l’Azerbaïdjan et je me réjouis de la perspective d’exploiter pleinement le potentiel de nos relations ».

Bakou, un « partenaire de confiance » ? Bel exemple du deux poids – deux mesures pratiqué par les Occidentaux en général, les dirigeants de l’UE en particulier.

Et plus tard, ceux-ci s’interrogeront gravement sur le fossé qui s’élargit entre eux et le « Sud global »…

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Union européenne : montée de la précarité et de la pauvreté…

Par : pierre

Les études se suivent et se ressemblent. Elles confirment la montée inexorable de la précarité et de la pauvreté. Cela vaut en particulier pour les pays de l’Union européenne (qui promettait pourtant, dès le Traité de Rome, d’assurer le bien-être et la prospérité…) ; les Etats membres les plus riches, dont la France, ne sont nullement épargnés.

C’est ce que vient de montrer une enquête réalisée par le SPF, une des plus grandes organisation caritatives françaises, associé à l’institut de sondage IPSOS qui a travaillé dans dix pays (dont sept de l’UE).

Plusieurs chiffres illustrent ce constat de manière effrayante. On note ainsi que 29% des sondés affirment se trouver durablement en situation de précarité. Et plus d’un sur deux (51%) a dû se priver, dans les six derniers mois, dans au moins un domaine vital : santé, alimentation, chauffage. En particulier, pour les dix pays confondus, 37% des personnes interrogées ont déclaré avoir renoncé à certains soins médicaux. La France et l’Italie sont précisément à ce niveau…

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Union européenne : montée de la précarité et de la pauvreté

Par : pierre

Les études se suivent et se ressemblent. Elles confirment la montée inexorable de la précarité et de la pauvreté. Cela vaut en particulier pour les pays de l’Union européenne (qui promettait pourtant, dès le Traité de Rome, d’assurer le bien-être et la prospérité…) ; les Etats membres les plus riches, dont la France, ne sont nullement épargnés.

C’est ce que vient de montrer une enquête réalisée par le SPF, une des plus grandes organisation caritatives françaises, associé à l’institut de sondage IPSOS qui a travaillé dans dix pays (dont sept de l’UE).

Plusieurs chiffres illustrent ce constat de manière effrayante. On note ainsi que 29% des sondés affirment se trouver durablement en situation de précarité. Et plus d’un sur deux (51%) a dû se priver, dans les six derniers mois, dans au moins un domaine vital : santé, alimentation, chauffage. En particulier, pour les dix pays confondus, 37% des personnes interrogées ont déclaré avoir renoncé à certains soins médicaux. La France et l’Italie sont précisément à ce niveau.

Le chiffre est le même (36%) pour les personnes se privant d’éléments essentiels pour leurs enfants, tels que les frais médicaux, les frais de scolarité, l’habillement, ou même les repas.

Sans surprise, la Grèce est l’un des pays les plus mal lotis. Depuis la crise de 2008, des sacrifices considérables – salaires, retraites, services publics… – ont été imposés à ce pays par les dirigeants européens. On se souvient que la « Troïka », formée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne, et le FMI, était alors à la manœuvre pour élaborer les plans d’austérité successifs et les faire accepter par le gouvernement national, alors dirigé par Alexis Tsipras. Mais ce dernier, pourtant catalogué « gauche radicale », avait préféré se soumettre au diktat – malgré un non massif exprimé par référendum en juillet 2015 – afin que le pays puisse rester dans la zone euro…

Aujourd’hui encore, outre les sacrifices dans les domaines essentiels de la vie, 60% des sondés en Grèce affirment faire appel à des proches pour se faire prêter ou donner de l’argent. Et 75% d’entre eux précisent se restreindre sur leurs besoins de transport.

La patrie de Socrate avait été l’un des premiers pays où la classe moyenne a été touchée par les privations. Ce phénomène s’étend désormais en Europe, précise l’étude du SPF. Et la France n’est pas épargnée. Ainsi, 58% des Français interrogés affirment redouter de tomber à court terme dans la précarité. Et 45% d’entre eux s’estiment en difficulté pour payer des actes médicaux. Enfin, 32 % ne peuvent pas se procurer une alimentation saine et en quantité suffisante pour faire trois repas par jour. La viande est le premier poste sacrifié, mais l’achat de fruits et légumes frais est aussi lourdement concerné.

Et tous ces indicateurs se sont aggravés depuis la précédente enquête. Ce n’est évidemment pas une surprise, au regard de l’inflation galopante depuis dix-huit mois, une inflation qui percute tous les pays de la zone euro. Lors de son discours solennel du 13 septembre, la présidente de la Commission européenne a tenté de souligner que celle-ci ralentissait depuis le pic d’octobre 2022 où elle avait culminé à 10,6%. En réalité, le rythme mesuré s’est encore établi à 5,3% en août 2023, très loin devant l’augmentation des salaires et des retraites.

Selon les pays, ce sont les dépenses de santé qui ont le plus plombé les budgets des ménages, dans d’autres, le prix de l’énergie. En France, les prix de l’alimentation ont bondi de 22% en 2022 par rapport à 2021. Ce rythme annuel devrait s’établir à + 11,8% pour 2023 selon les prévisions pour ce secteur.

Les principes et les politiques de l’UE, qui constituent son ADN, contribuent massivement à appauvrir les peuples

Bien sûr, l’Union européenne n’a pas l’exclusivité en matière de pauvreté et de précarité. Celles-ci font des ravages sur tous les continents. Mais, d’une part, l’UE était censée « protéger » les citoyens face à la dureté de la mondialisation. « Unis, nous sommes plus forts et plus prospères » reste un des slogans favoris des partisans de l’intégration européenne…

D’autre part et surtout, les principes et les politiques de l’UE, qui constituent son ADN, contribuent massivement à appauvrir les peuples, à commencer par la libre circulation des capitaux et le soutien au principe de la concurrence mondiale.

En outre, la gouvernance économique bruxelloise est constituée de règles et mécanismes qui visent à imposer l’austérité – et pas seulement aux Grecs. Le Pacte de stabilité – dont la raison d’être est d’assurer la survie de l’euro – en est l’outil le plus connu. Provisoirement suspendu suite à la débâcle économique post-Covid, il doit à nouveau entrer en vigueur d’ici quelques mois. Les discussions sur sa réforme, théoriquement dans un sens plus souple, patinent. Même si elles aboutissent, il n’y a aucune chance que ce soit vers une relance du pouvoir d’achat des ménages.

Ces derniers, à commencer par ceux en bas de l’échelle, ne sont donc pas au bout de leurs peines. Ils pourront toujours se consoler en contemplant la générosité de l’UE dans un domaine en particulier : le soutien à l’Ukraine.

Le soutien militaire à Kiev a déjà totalisé 5,6 milliards d’euros depuis février 2022

Depuis le déclenchement de la guerre, le total des aides versées par l’Union et ses Etats membres dépasse les 77 milliards. Une somme pharaonique qui inclut le soutien financier macro-économique, humanitaire, et bien sûr militaire. Concernant le premier poste, une nouvelle manne de 50 milliards a été proposée en juin par la Commission pour la période 2024-2027.

Quant au soutien militaire à Kiev, il a déjà totalisé 5,6 milliards d’euros depuis février 2022, selon les chiffres officiels. A cela, il faut ajouter au moins 10 milliards d’euros de livraisons d’armes directes des différents Etats membres sur une base bilatérale. Encore ne s’agit-il là que de chiffres officiels…

Qui a dit que l’UE ne pratiquait que l’austérité ?

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Trois élections à hauts risques pour Bruxelles…

Par : pierre

La perspective de trois élections nationales d’ici la fin de l’année commence à donner des sueurs froides aux partisans de l’intégration européenne : le 30 septembre en Slovaquie ; le 15 octobre en Pologne ; et le 22 novembre aux Pays-Bas.

Dans ce dernier pays, il s’agira d’un scrutin anticipé : une crise politique a causé, le 7 juillet dernier, la chute du gouvernement dirigé par le Libéral Mark Rutte – à la tête de son pays depuis 2010 – et l’éclatement de la coalition qui associait aux Libéraux les chrétiens-démocrates, le D66 (sociaux-libéraux) et un parti de fondamentalistes protestants.

A Bruxelles, on regarde toujours avec inquiétude ce petit pays fondateur de l’UE…

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Trois élections à hauts risques pour Bruxelles

Par : pierre

La perspective de trois élections nationales d’ici la fin de l’année commence à donner des sueurs froides aux partisans de l’intégration européenne : le 30 septembre en Slovaquie ; le 15 octobre en Pologne ; et le 22 novembre aux Pays-Bas.

Dans ce dernier pays, il s’agira d’un scrutin anticipé : une crise politique a causé, le 7 juillet dernier, la chute du gouvernement dirigé par le Libéral Mark Rutte – à la tête de son pays depuis 2010 – et l’éclatement de la coalition qui associait aux Libéraux les chrétiens-démocrates, le D66 (sociaux-libéraux) et un parti de fondamentalistes protestants.

A Bruxelles, on regarde toujours avec inquiétude ce petit pays fondateur de l’UE, où le peuple rejeta massivement le projet de constitution européenne en 2005, puis un traité Ukraine-UE en 2016. Les Pays-Bas ont également connu le succès – souvent éphémère – de partis critiques vis-à-vis de l’Union européenne. Ce fut par exemple le cas lorsque Geert Wilders, classé populiste, obtint 15% des voix en 2010. Aujourd’hui, celui-ci a tempéré (un peu) son langage anti-islam, et certains font l’hypothèse d’une alliance d’une alliance de son parti avec les Libéraux, car ces derniers ont de leur côté durci leur politique sur l’immigration. C’est du reste sur ce dernier point que la coalition sortante a explosé, les partenaires de M. Rutte refusant de le suivre sur cette voie.

Mais le danger pour les partisans de l’UE vient cette fois d’ailleurs. Il remonte à 2019, quand le gouvernement annonça un plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment en planifiant des coupes drastiques dans l’élevage bovin. Depuis lors, la colère des agriculteurs menacés de disparition, et parfois harcelés par des groupes tels qu’« Extinction Rebellion », n’a cessé de croître. Et ce, à l’unisson d’une partie de la population, attachée à ce pan essentiel de l’économie néerlandaise, et lasse des oukases judiciaires condamnant le gouvernement à en faire toujours plus en matière de climat.

Au point de provoquer un tremblement de terre lors des élections régionales du 15 mars dernier : un groupe totalement nouveau, baptisé Mouvement agriculteur citoyen (BBB), fait irruption. Avec près de 20% des suffrages, il terrasse tous les partis traditionnels, y compris celui du premier ministre arrivé en deuxième avec… 11% des voix. Fondé et dirigé par une novice complète en politique, le BBB passe de zéro à 137 sièges régionaux. Dans les mois qui ont suivi, les intentions de vote en sa faveur en vue de novembre ont dépassé les 30%, avant de revenir à des niveaux un peu plus modestes.

Mais un point ne fait guère de doute : le mouvement opposé aux surenchères écologiques est désormais incontournable. Son score sera d’autant plus scruté que la gauche social-démocrate et les Verts ont décidé de faire alliance, et ont désigné Frans Timmermans (photo) comme chef de file. Ce dernier n’est autre que le premier vice-président de la Commission européenne (il vient d’en démissionner pour mener la bataille électorale), responsable du « Green Deal » bruxellois, et défenseur des mesures les plus radicales « pour sauver la planète ».

La Pologne (comme la Hongrie) est toujours sous le coup de sanctions et de procédures lancées par la Commission européenne

Les questions environnementales ne seront pas tout à fait absentes de la campagne électorale en Pologne. Ne serait-ce que parce que le gouvernement sortant, dirigé par le PiS (Droit et Justice, droite nationaliste), a menacé de traîner les plans environnementaux de Bruxelles devant la Cour européenne. Varsovie avait jusqu’à présent toujours rudement négocié lesdits plans, qui prévoient une réduction drastique du charbon, pilier de l’économie nationale, mais les avait toujours acceptés.

Ce n’est là qu’un des très nombreux litiges avec Bruxelles. La Pologne (comme la Hongrie) est toujours sous le coup de sanctions et de procédures lancées par la Commission européenne : cela vaut pour l’environnement, mais aussi le respect de « l’Etat de droit », l’indépendance de la justice et la liberté des médias – autant de griefs qui ont jusqu’à présent bloqué le versement du moindre centime en provenance du « plan de relance européen » décidé en 2020 pour un montant de 750 milliards d’euros

En duo avec Budapest, Varsovie conteste également le plan d’accueil des réfugiés adopté à la majorité des Etats membres en juin dernier. Là encore, la politique migratoire constitue un point de friction sensible. A Bruxelles, on souhaite sûrement la victoire de l’opposition constituée autour de PO (Plateforme civique, droite libérale), menée par l’ancien président du Conseil européen, Donald Tusk. Une hypothèse pas exclue, mais peu probable à ce jour.

A défaut, il faudrait se résigner à continuer à vivre avec un pays dirigé par le PiS, qu’il faut en outre ménager. Car si la Pologne donne du fil à retordre à ses partenaires européens sur bien des plans, elle est aussi un modèle d’intransigeance anti-russe, et se prévaut d’être « sur la ligne de front » et championne de l’aide au pouvoir ukrainien. Dans ces conditions, il est difficile de pousser trop loin les querelles.

Les élections en Slovaquie pourraient défaire l’ancrage anti-russe du pouvoir sortant

A l’inverse, les résultats des élections en Slovaquie pourraient défaire l’ancrage anti-russe du pouvoir sortant. Celui-ci est particulièrement instable : le pays a connu pas moins de trois premiers ministres depuis les élections de 2020. A l’issue de ces dernières, une coalition hétéroclite s’était formée avec pour seul mot d’ordre de battre le Parti social-démocrate sortant (SMER-SD).

Son chef, Robert Fico, dont les positions critiques vis-à-vis de l’UE étaient comparables à celles du Hongrois Viktor Orban, dominait et clivait la scène politique. Mais M. Fico avait été contraint à la démission en 2018, après l’assassinat d’un journaliste lanceur d’alerte. Son gouvernement avait été soupçonné de complicité.

Olano, un mouvement auto-proclamé anti-corruption, sans existence politique préalable, avait, lors du scrutin de 2020, porté à la tête du pays un dirigeant novice et autoritaire, qui a vite été contesté dans son propre parti et parmi ses alliés. Une période de confusion politique extrême s’en est suivie, qui a finalement débouché sur l’annonce du scrutin du 30 septembre.

SMER-SD a tiré parti de cette évolution et a à nouveau le vent en poupe. Les sondages lui accordent désormais plus de 20% des suffrages. Un niveau pas tout à fait suffisant pour conquérir une majorité de sièges, en alliance à nouveau avec deux ou trois partis eurosceptiques, généralement classés à droite et à l’extrême droite (une coalition qui déplairait infiniment aux sociaux-démocrates européens auxquels SMER-SD est encore affilié).

En face cependant, les différents partis n’ont en commun que leur fidélité à l’ancrage atlantique et au soutien armé à l’Ukraine. Mais sur les plans économique, social, ou sociétal, une coalition anti-Fico aurait du mal à trouver une cohérence.

Robert Fico semble compter sur les Slovaques qualifiés de « pro-russes », soit une partie non négligeable de l’électorat (plus d’un tiers selon les sondeurs). Il accuse les sanctions contre Moscou de nuire à l’économie et à la population, plaide pour la souveraineté du pays, et avait même comparé les militaires de l’OTAN qui y stationnent aux soldats de la Wehrmacht… Autant dire qu’une victoire de SMER-SD sèmerait une certaine panique à Bruxelles.

Immigration, environnement, rapports avec la Russie : quels que soient les résultats des élections dans ces trois pays, les sujets au cœur des débats sont précisément les plus explosifs pour Bruxelles…

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