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Pierre Lévy invité ce mercredi soir à la Librairie Tropiques

Par : pierre

Ce mercredi 11 mars, à 19h30, retrouvez le rédacteur en chef de Ruptures à la Librairie Tropiques.

Pierre Lévy retracera l’histoire du Brexit, en rappellera les enjeux, et en analysera les perspectives actuelles

Librairie Tropiques – 56 et 63 Rue Raymond Losserand – 75014 Paris –
Métro Pernety – 01 43 22 75 95

 

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« Pacte Vert » préparé par la Commission : 11 millions d’emplois industriels directs menacés

Par : pierre

Un haut dirigeant syndical européen, pourtant favorable à l’UE, estime que la stratégie climatique de Bruxelles pourrait « mettre le secteur industriel tout entier à genoux ».

L’entretien ne fera pas la Une des grands médias. Il n’est même pas sûr qu’il trouve beaucoup d’écho au sein des différentes centrales syndicales, en France pas plus qu’ailleurs.

Et pourtant, la personnalité interviewée – en l’occurrence par le site spécialisé et favorable à l’UE, Euractiv – n’a pas de minces responsabilités : Luc Triangle est le Secrétaire général d’IndustriAll, la structure qui regroupe les fédérations syndicales des industries des pays du Vieux continent. Pour la France, en sont par exemple membres la Fédération CGT de la Métallurgie, celle des Mines-énergie, celle des Industries chimiques, et cela vaut pour les autres centrales, ainsi que pour les autres pays. IndustiAll est membre de la Confédération européenne des syndicats (CES).

Luc Triangle n’est nullement « eurosceptique » ni « climato-sceptique » – sans quoi il n’occuperait pas une telle responsabilité. Et pourtant, quand il est interrogé sur le « Pacte vert » européen – le projet phare de la Commission européenne pour les cinq ans à venir, censé sauver la planète – les informations qu’il donne et les prévisions qu’il évoque font froid dans le dos.

A commencer par ce chiffre : 11 millions d’emplois seront affectés par la politique climatique projetée par Bruxelles. Encore s’agit-il là d’emplois directs, précise bien le syndicaliste. C’est donc plusieurs dizaines de millions d’emplois qui pourraient disparaître, notamment « dans les industries extractives » (mines), dans celles « à haute intensité énergétique » (typiquement : la sidérurgie), ainsi que « dans l’automobile ». La métallurgie en général, la chimie, l’industrie pétrolière et bien d’autres ne seront pas épargnées. Et ce, note-t-il, « sans l’assurance d’une perspective d’avenir pour les travailleurs des industries touchées ».

En cause : la chasse au CO2, et donc aux activités qui en produisent des quantités importantes. Mais pour la Commission européenne – et tous les idéologues nationaux qui l’inspirent – il convient de ne point s’affoler. D’abord parce qu’elle promet que des activités nouvelles viendront supplanter les cadavres du vieux monde, moyennant le refrain : la sidérurgie (par exemple) est morte (sous-entendu : en Europe, car on n’imagine pas un déclin mondial de celle-ci), vive les industries « faibles en carbone », vertes, digitales, connectées…

Euractiv cite ainsi une étude de la Commission selon laquelle le PIB de l’UE devrait augmenter de 2% d’ici 2050 dans le cadre de la neutralisation des émissions de CO2. Faut-il préciser que personne n’a jamais vu le détail du « calcul » prévisionnel ?

Quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue

Surtout, la Commission concède que certaines régions seront particulièrement affectées, et a déjà prévu 7,5 milliards au titre du « Fonds de transition juste ». Le vice-président de la Commission chargé du « Pacte Vert », le social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, s’est ainsi engagé à ne « délaisser personne ». Une précision angoissante : quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue.

Le dirigeant syndical interviewé pointe en outre le danger d’un fossé croissant entre l’est de l’UE, et les pays de l’ouest et du nord. Les premiers seront touchés de plein fouet, tant certaines de leurs régions dépendent d’une mono-industrie. C’est par exemple le cas de la Pologne, qui continue à produire l’essentiel de son électricité à partir du charbon. Et les mineurs forment encore l’épine dorsale économique et sociale des régions productrices, telle la Silésie.

Pourtant, si la déflagration risque d’y être particulièrement violente, il est peu probable que « la transition écologique sera plus facile dans les pays nordiques ou d’Europe de l’ouest » comme l’affirme le syndicaliste belge. Certes l’extraction charbonnière en France a déjà été éradiquée il y a quelques décennies (pour des raisons de rentabilité, le prétexte climatique n’était pas encore inventé), ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. Mais croit-on vraiment qu’on va reconvertir les travailleurs de l’automobile, de la sidérurgie (il en reste), de la chimie ou des raffineries en « web-designers » ? A moins qu’on ne les réinsère dans l’« aide à la personne » ? Dans l’animation des parcs d’attraction ?

Pire : le tsunami sur l’emploi à l’est « pourrait bien avoir un impact majeur sur la migration au sein de l’UE », note Luc Triangle qui rappelle que « près de 22 millions de personnes ont déjà quitté » les pays de l’est. Autrement dit, une nouvelle vague migratoire intra-européenne en direction de l’ouest déjà industriellement sinistré (cette fois hors Royaume-Uni, grâce au Brexit) est à prévoir.

Angoisses bruxelloises

Cité par Euractiv, le dirigeant syndical estime que « le Green Deal risque bel et bien de mettre le secteur industriel tout entier à genoux ». Rien de moins. Et cela pourrait, en conséquence, « décrédibiliser la politique climatique européenne aux yeux des citoyens ». Pour qui aurait un doute sur l’angoisse sous-jacente qui assaille les syndicalistes bruxellois, M. Triangle alerte : « les politiques climatiques ne fonctionnent que si elles peuvent être vendues au grand public ».

Selon l’ancien président roumain, de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement »

Et Euractiv opine, en rappelant les propos de l’ancien président roumain Traian Basescu. Celui-ci estimait récemment que de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement ».

Si l’hystérie « pro-climat » avait pour conséquence d’accélérer le démembrement de l’UE amorcé par les Anglais, au moins aurait-elle servi à quelque chose – un peu à la manière de la taxe sur les carburants qui avait été l’étincelle du mouvement des Gilets jaunes.

En attendant, chacun peut prendre la mesure des conséquences de la « lutte anti-réchauffement », conséquences du reste volontiers admises par les militants les plus radicaux de cette cause, partisans de la « décroissance ».

Peut-être peut-on rappeler un exemple : le démantèlement qui avait touché une partie de l’industrie automobile d’Ile de France, dans le dernier quart du vingtième siècle, et les saignées massives dans l’emploi qui en furent issues avaient constitué un facteur déterminant de ce qu’il est convenu d’appeler, par euphémisme, l’actuelle « crise des banlieues ». On n’ose imaginer l’état de la société française si le séisme « vert » était mené à bien, moyennant la disparition de millions d’emplois manufacturiers sur le sol national.

Bienvenue, alors, dans la France des Misérables.

Lire à ce propos…

Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

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Et si le Brexit était un succès ? Le Point de Ruptures propose un vrai débat contradictoire

Par : pierre

Le Point de Ruptures propose désormais des débats contradictoires. Pour cette nouvelle émission, François Poulet-Mathis (ancien rédacteur en chef et éditorialiste Europe à France 3) et Pierre Lévy (rédacteur en chef de Ruptures) confrontent leurs points de vue à la lumière des négociations qui s’engagent entre Londres et Bruxelles.

 

Important : L’équipe de Ruptures a décidé de consacrer des moyens importants à la production régulière de l’émission. Or le journal n’a d’autres ressources que le produit des abonnements. Pour aider à financer cet investissement, le moyen le plus efficace est de s’abonner sans attendre !

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Emmanuel Macrons unglaubliches Eingeständnis bei Großbritanniens Austritt

Par : pierre

Der französische Präsident vertraute darauf, dass der »Brexit nicht erfolgreich sein darf »: eine explosive Bestätigung, die jedoch nur wenige Reaktionen hervorgerufen hat.

Die Verhandlungen zwischen London und Brüssel beginnen am 3. März. Das Vereinigte Königreich ist am 31. Januar aus der Europäischen Union ausgetreten, es ist daher notwendig, den Rahmen auszuhandeln, der die Beziehungen – vor allem Handel, aber auch Fischerei, Verkehr, Sicherheit und Verteidigung – zwischen den beiden Seiten am Ende der « Übergangszeit », d.h. ab dem 1. Januar 2021, bestimmen wird.

Die von Boris Johnson und der EU-27 definierten Ausgangspositionen scheinen unvereinbar zu sein. Die europäischen Staats- und Regierungschefs fordern von den Briten, dass sie sich an alle gegenwärtigen EU-Regeln anpassen, und sogar an die zukünftigen – wie Paris es verlangt. Umgekehrt behaupten die Briten, dass sie den Brexit nicht dazu erreicht haben, um immer weiter unterworfen zu bleiben. Und sie fragen: Warum uns so drakonische Bedingungen auferlegen, die bisher von keinem Handelspartner verlangt wurden?

Warum eigentlich diese übermässigen Forderungen? Vielleicht hat Emmanuel Macron, mehr oder weniger bewusst, einen Teil der Antwort gegeben. Der französische Präsident nahm an der Münchner Sicherheitskonferenz teil, die dieses Jahr vom 14. bis 16. Februar stattfand. Am Rande der Konferenz traf er in kleinen Gruppen mit verschiedenen deutschen Persönlichkeiten zusammen.

Eine von ihnen enthüllte, dass der Herr des Elysée-Palastes ein Geständnis losgelassen hatte, das seine Gesprächspartner erstaunte: « Der Brexit darf kein Erfolg werden« . Die Information wurde von Le Monde (18.02.20) bekannt gegeben, und ihr wurde nicht widersprochen.

Der Satz ist wirklich nicht unbedeutend, zu einer Zeit, in der die offizielle Rede der europäischen Staats- und Regierungschefs eine « Einigung zugunsten von beiden Seiten » fordert. Sie ist sogar explosiv, was erklären könnte, warum sie so wenige Kommentare hervorgerufen hat.

Was die Substanz betrifft, zeigt das Geständnis einen Geisteszustand, der nicht überraschend ist: seit dem britischen Referendum vom Juni 2016 sind die Brüsseler Eliten nicht nur durch den Austritt Großbritanniens traumatisiert, sondern vor allem durch den « Dominoeffekt », der dadurch entstehen könnte.

Boris Johnson kündigte einen « historischen » Wendepunkt in der Geschichte des Landes an

Dreieinhalb Jahre lang schien diese Perspektive jedoch recht abstrakt, solange die (illusorischen) Versuche, den Prozess scheitern zu lassen, weitergingen. Aber seit den britischen Wahlen vom 12. Dezember, die eine triumphale Bestätigung des Brexits darstellten und dem Premierminister ein beispielloses politisches Gewicht verliehen haben, hat sich alles verändert – und alles beschleunigt sich. Boris Johnson kündigte einen « historischen » Wendepunkt in der Geschichte des Landes an.

Zum Beispiel hat er gerade eine restriktive Migrationspolitik vorgeschlagen, die die Arbeitgeberverbände (wie auch… die Labour-Partei) zum Schreien brachte. Anderweitig hat sein Finanzminister, der als letztes Bollwerk gegen erhöhte öffentliche Ausgaben galt, seinen Platz geräumt.

Von da an stellte sich die Frage, für Emmanuel Macron, zweifellos viel konkreter als bisher: was wäre, wenn der Brexit nicht nur keine der angekündigten Katastrophen verursachte, sondern dem Land auch bemerkenswerte Erfolge ermöglichte? Sollte dies der Fall sein, könnte die Zahl der Austrittskandidatenländer schnell zunehmen…

Also der Brexit müsse scheitern, träumt man im Elysée-Palast. Dass ein solcher Wunsch vor Zeugen geäußert wurde, mag überraschen. Aber wir sollten dem Präsidenten in diesem Punkt danken: sein Eingeständnis, ob ungeschickt oder berechnend, hat das Verdienst, die Ängste des Staatsoberhauptes und wahrscheinlich auch seiner Kollegen im Europäischen Rat in unverblümter Weise zu offenbaren.

God save Macron!

 

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Elections en Slovaquie : des « populistes de gauche » battus par un « populiste de droite »…

Par : pierre

Les électeurs slovaques ont exprimé leur rejet d’un gouvernement dirigé par des sociaux-démocrates accusés d’être mouillés dans de graves scandales, mais, les « centristes » pro-UE n’obtiennent pas la victoire espérée par Bruxelles.

Les élections législatives qui se sont déroulées en Slovaquie le 29 février ont été marquées par une participation en forte hausse : 65,8%, soit + 6 points par rapport à 2016. La scène politique de ce pays d’Europe centrale de 5,5 millions d’habitants sort bouleversée du scrutin. Ce dernier a été marqué par deux traits saillants.

Le premier est la lourde défaite du parti SMER-SD, affilié aux sociaux-démocrates européens, mais souvent accusé de « dérive populiste ». Son chef emblématique, Robert Fico, a dirigé le gouvernement depuis 2006 (hors une parenthèse entre 2010 et 2012), avant d’être contraint à la démission en mars 2018. Et ce, suite à l’assassinat, en février 2018, d’un jeune journaliste qui enquêtait les liens entre la mafia italienne et des hommes d’affaires réputés proches du pouvoir – dont l’un est actuellement en procès, car accusé d’être le commanditaire du crime. M. Fico, face à des dizaines de milliers de manifestants le soupçonnant de couvrir le crime et de tremper dans nombre d’affaires de corruption, a dû céder sa place de premier ministre à l’un de ses camarades de parti, Peter Pellegrini.

« S’il n’y avait pas eu ce meurtre, je serais aujourd’hui devant vous comme premier ministre avec un soutien de 30 % des électeurs » – Robert Fico

Celui-ci n’a pu que constater la gifle que lui ont infligée les électeurs. Car c’est clairement ce contexte qui a fait chuter le SMER-SD à 18,3% des suffrages, soit 10 points de moins qu’en 2016. « S’il n’y avait pas eu ce meurtre, je serais aujourd’hui devant vous comme premier ministre avec un soutien de 30 % des électeurs », avait claironné M. Fico lors de la campagne.

L’autre caractéristique du scrutin est la victoire d’ampleur inattendue qu’a remportée le Mouvement des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (Olano). Avec 25% des suffrages (+ 14 points), celui-ci a capitalisé sur son appel à « nettoyer la Slovaquie ». C’est cette formation, de tendance conservatrice, qui a su cristalliser à son profit la colère et la frustration populaire.

Il s’agit d’un succès personnel pour Igor Matovic, fondateur du parti, il y a dix ans, et manifestement doté d’un grand sens de la communication, voire de l’autopromotion. Mais ce riche homme d’affaires de 46 ans, qui a fait fortune dans les petites annonces avant d’étendre son groupe de presse, est généralement décrit comme excentrique, imprévisible et versatile. Autoritaire dans son propre parti, il a bâti son succès sur la dénonciation des « voleurs » et des « corrompus ». Il a par ailleurs affirmé : « je veux faire de la politique comme je le sens, pas de manière correcte », ce qui a conduit des observateurs à le classer comme « populiste de droite ».

Arrivé en troisième position, le parti SME-Rodina, proche de Marine Le Pen et de Matteo Salvini, s’établit à 8,2%, soit une progression de 1,6 point. Il est suivi d’un cheveu par Notre Slovaquie (LSNS) qui obtient 8% (stable). Cette formation, qui a longtemps revendiqué une filiation avec le nazisme slovaque et continue d’être activement anti-Roms, met cependant en avant des propositions sociales marquées « à gauche » et sa volonté de quitter l’OTAN ainsi que d’organiser un référendum pour abandonner l’euro.

Enfin, deux formations dites centristes franchissent la barre nécessaire pour entrer au Parlement de 150 sièges : d’une part le SaS, parti d’inspiration ultra-libérale, qui obtient 6,2%, soit la moitié de son score antérieur ; d’autre part le parti Pour le peuple, fondé par l’ancien président et homme d’affaires « philanthrope » pro-UE Andrej Kiska, qui avait battu Robert Fico aux présidentielles de 2014. Ce nouveau mouvement s’établit à 5,8%.

Plusieurs autres formations centristes n’avaient pas réussi à s’entendre, ce qui les a empêchées de rester ou d’entrer au Parlement, au grand désespoir de Bruxelles, qui misait particulièrement sur le parti Slovaquie progressiste. Ce mouvement avait été récemment lancé par Zuzana Caputova, élue en mars 2019 à la présidence de la République ; celle-ci est parfois comparée politiquement à Emmanuel Macron. Elle avait gagné contre son concurrent du SMER-SD en surfant également sur l’indignation provoquée par l’assassinat du journaliste, et en proposant des mesures de libéralisation sociétale. Avec 6,96%, son alliance manque d’un cheveu l’entrée au Parlement.

Le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) qui prépara l’adhésion du pays à l’UE de 2004, reste hors jeu à 4,6%, de même que les deux formations voulant représenter la minorité hongroise, dont Most-Hid (2%, – 4,4 points) qui était associée au gouvernement sortant. Le Parti national slovaque (SNS, droite nationaliste, héritier d’un parti fondé en 1871), troisième partenaire de la coalition sortante, perd lui aussi tous ses députés, avec 3,2% ( – 5,7 points).

Avec six formations représentées au Parlement, l’éclatement est moindre que celui prédit par les sondages. Igor Matkovic devrait être sollicité pour former la future coalition. Il a d’emblée exclu d’y associer le SMER-SD malgré l’appel du pied de Peter Pellegrini, en affirmant : « on ne négocie pas avec la Mafia ».

En revanche, la presse slovaque considère qu’il pourrait s’allier avec au moins deux partenaires, le SaS et Pour le peuple. Cette coalition à trois disposerait de 78 sièges, soit trois de plus que la majorité absolue. Mais si ces deux partis sont clairement orientés à droite, le SaS est ultra-libéral mais plutôt « eurosceptique », et favorable à une libéralisation sociétale – exactement à l’inverse de Pour le peuple, la formation de M. Kiska, très pro-UE mais conservatrice sur le plan des mœurs. Les observateurs évoquent également un possible quatrième partenaire : le parti SME-Rodina, qui affiche son hostilité à l’UE et porte des valeurs « traditionalistes ».

Inquiétudes économiques

Au soir de son triomphe, le probable futur premier ministre a tenu à donner des gages à Bruxelles en proclamant que la Slovaquie allait combattre contre la corruption et pour l’Etat de droit – sous-entendu : pas comme les voisins du groupe de Visegrad (Tchéquie, Hongrie, Pologne).

Il est cependant peu probable que les dirigeants européens soient rassurés par ce passage d’un chef de gouvernement « populiste de gauche » vers un successeur « populiste de droite », d’autant que ce dernier ne fera pas basculer le pays vers une position pro-immigration. Du reste, si Igor Matovic a été habile à gagner l’élection, nul ne sait comment cet homme sans expérience de pouvoir se comportera à la tête du pays.

Or la Slovaquie pourrait bien faire face à de prochains déboires économiques. Certes, le gouvernement sortant s’est targué, pour 2019, d’une croissance à 2,2% et d’un chômage officiel à 5%. Mais le groupe américain United States Steel Corporation a par exemple annoncé l’année dernière la réduction d’un cinquième de ses effectifs (12 000 salariés) de l’aciérie de Kosice (Est du pays).

Surtout, la moitié du PIB du pays est concentré sur l’industrie automobile, après que Volkswagen, PSA et beaucoup d’autres y ont massivement délocalisé des emplois d’Europe de l’Ouest. Or ce secteur est désormais menacé notamment par les exigences et les normes environnementales édictées par l’UE, ce qui pourrait conduire à une véritable hécatombe de l’emploi dans les prochaines années.

 

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Hinter dem „Green Deal“ und der grünen Ideologie : die schlimmsten Projekte der globalisierten Eliten

Par : pierre

Es können mindestens fünf Themen aufgeworfen werden, die den inneren Zusammenhang zwischen den Interessen der globalisierten westlichen Oligarchie und der Klima-Ideologie verdeutlichen

Der im Dezember letzten Jahres in Brüssel vorgestellte « Green Deal » wird nun zum Schwerpunktprogramm der europäischen Institutionen. Am 14. Januar skizzierte die Kommissionspräsidentin Ursula von der Leyen die Finanzierung, bevor im Frühjahr ein « großes Klimagesetz » auf den Weg gebracht wird, das die Mitgliedstaaten umsetzen müssen. Es ist die Rede von Tausenden von Milliarden Euro. Dieser « große ökologische Kampfplan » wird, laut von der Leyen, zum « Markenzeichen » der EU werden.

Natürlich gab es viele Stimmen, die meinten, er ginge nicht weit genug. Andere oder auch dieselben beschuldigten die Kommission des Schwindels, des « Vortäuschens », einer Bekehrung zur Ökologie aus reiner Anpassung an den Zeitgeist.

Das ist jedoch keineswegs so. Der umweltpolitische Diskurs ist die Grundlage der Ideologie der globalisierten Eliten und Brüssel ist eines der besten Beispiele dafür. Um an die Wurzeln zu kommen, muss man mehrere Jahrzehnte zurückgehen. Zum Beispiel veröffentlichte 1972 ein Kreis, der aus der OECD (der Organisation der reichsten westlichen Länder) hervorgegangen ist und den wir als Club of Rome kennen, einen immer noch berühmten Bericht mit dem Titel « The Limits to Growth » (Die Grenzen des Wachstums).

Dieser Text wurde von Sicco Mansholt, dem Präsidenten der Europäischen Kommission 1972-1973, nachdrücklich unterstützt. Herr Mansholt, der allgemein als einer der « Väter Europas » angesehen wird, setzte sich bereits für den Stopp des Wirtschaftswachstums ein.

Und wenn es irgendeinen Zweifel an der treibenden Rolle der politischen, finanziellen und oligarchischen Führer bei der Förderung von klima- und umweltorientierten Theorien gibt, so kann man leicht feststellen, dass der emblematische amerikanische Multimilliardär Michaël Bloomberg bis vor kurzem UN-Sondergesandter für Klimaschutzmaßnahmen war. Seinen Posten übernahm nun der Kanadier Mark Carney, der bis Januar 2020 Präsident der Bank of England war. Der Mann wurde durch seine apokalyptischen Vorhersagen über den Brexit berühmt. Nun kann er seine Talente einsetzen, um phantasievolle Katastrophen vorherzusagen.

Es gilt, zwei Aspekte zu unterscheiden

Es ist wichtig, bei der Diskussion über das Thema « globale Erwärmung » von Anfang an zwischen zwei Aspekten zu unterscheiden: Einerseits die wissenschaftliche Forschung und Kontroverse, andererseits die Analyse und das Verständnis der damit verbundenen wirtschaftlichen, sozialen, politischen, geopolitischen, demokratischen und sogar philosophischen Fragen.

Die Diskussion über die Realität des Klimawandels und seine möglichen Ursachen ist Aufgabe der Wissenschaftler. Wir werden hier also nicht darauf eingehen. Allerdings sollte darauf hingewiesen werden, dass es über eine anthropogen bedingte Erwärmung keine Einigkeit unter den Wissenschaftlern gibt – es sei denn, man würde alle dissidenten Wissenschaftler als ignorant, Fantasten oder Betrüger bezeichnen.

Andererseits ist es völlig legitim, wenn sich Bürgerinnen und Bürger an der Diskussion über Zusammenhänge und Ziele der aktuellen Kampagne beteiligen. Darüber hinaus müsste die totalitäre Allgegenwart der dominanten These bei rational und kritisch denkenden Menschen Entsetzen auslösen, wenn sie erleben, wie diese morgens, mittags und abends in den Mainstreammedien propagiert wird, so dass es schwierig wird, den vorgegebenen Denkrahmen zu verlassen. Wenn man einigen Umweltaktivisten aufmerksam zuhört, so ist man nicht mehr sehr weit davon entfernt, die « Klima-Leugnung » zum Verbrechen zu erklären und diesbezüglich mit strafrechtlichen Sanktionen zu belegen.

Es können mindestens fünf Themen aufgeworfen werden, die den inneren Zusammenhang zwischen den Interessen der globalisierten westlichen Oligarchie und der Klima-Ideologie verdeutlichen. Wir können sie hier nur ansprechen, aber jede würde offensichtlich eine weitergehende Analyse verdienen.

Die soziale Frage

Das erste Thema könnte wie folgt zusammengefasst werden: Die Genügsamkeit, die als notwendig erachtet wird, um « den Planeten zu retten », ist in Wirklichkeit der Deckname für die Sparmaßnahmen, die die Finanzoligarchen den Völkern aufzwingen wollen. Sie wird von Kreisen der « Linken » freudig aufgegriffen und als « wohltuende Genügsamkeit » befürwortet. Allen, die sich Sorgen machen, wie sie das Monatsende überstehen sollen, wird das drohende Ende der Welt vor Augen geführt. Unter dem Motto „besser leben als mehr haben“ wird mit dem Finger auf den « übermäßigen Konsum » gezeigt, auch den von Energie.

Diese Geisteshaltung in der herrschenden Ideologie ist nicht neu. Der in den Medien gefeierte französische Journalist François de Closets verdankt den größten Teil seiner Karriere der Denunzierung der Arbeiter, als jene, die « Immer mehr » wollen – so auch der Titel eines der etwa zwanzig Bücher, die er seit 1970 zum gleichen Thema veröffentlicht hat.

Der Antagonismus zwischen denjenigen, die das « Ende des Monats » fürchten, und denjenigen, die vor dem « Ende der Welt » warnen, wurde im November 2018 deutlich in Frankreich: Die Gelb-Westen-Bewegung entstand aus der Ablehnung einer Treibstoff-Steuer, die die Regierung durchsetzen wollte mit dem erklärten Ziel « eine Verhaltensveränderung herbeizuführen ».

Nicht nur die Kaufkraft von Millionen von Lohnabhängigen steht auf dem Spiel. Direkt bedroht sind auch Hunderttausende von Arbeitsplätzen – im Namen der Ökologisierung der Wirtschaft, die angeblich weitere Arbeitsplätze schafft, nur eben später. Dies ist eine Realität, die in der gesamten Europäischen Union zu beobachten ist. Es ist kein Zufall, dass die Kommission einen Sonder-Fonds plant, der künftig in Not geratene Lohnabhängige, die ihrer Arbeit beraubt werden, und künftige deindustrialisierte Regionen « begleiten » soll.

Und es ist zweifellos nicht ohne Bedeutung, wenn man feststellen muss, dass die am meisten bedrohten Sparten diejenigen sind, die für die Stärke und die Geschichte der Arbeiterklasse am symbolischsten sind: Bergarbeiter (in Frankreich hatte man zuvor auch schon andere Vorwände gefunden, um diese Tätigkeit abzuschaffen), Stahlarbeiter, Arbeiter in der Chemie- und Automobilindustrie. Es ist, als ginge es im Unterbewusstsein der herrschenden Klasse darum, die übermäßig « CO2 produzierenden » Fabriken loszuwerden – und gleichzeitig die „gefährliche“ Klasse, vor allem dort, wo sie konzentriert und kämpferisch sind.

Die Geopolitik

Der zweite Bereich ist anderer Natur. Er rührt von einer Ungeschicklichkeit des Allmächtigen her: Er hatte die schlechte Idee, das Erdöl so zu verteilen, dass er einen großen Teil jenen Nationen gab, die nicht mit dem Westen verbunden sind. Russland, Iran und Venezuela, um nur drei Beispiele zu nennen, sind die Länder, in denen sich die größten Öl- und/oder Gasreserven konzentrieren.

Man kann sich also vorstellen, dass man in den herrschenden Kreisen nicht unbedingt unzufrieden wäre, wenn diesen Staaten nach und nach die durch den Export von Erdöl/Erdgas bereitgestellten Ressourcen entzogen würden. Durch Verteufelung dieser Brennstoffe werden die Positionen und finanziellen Ressourcen der Gegner oder Feinde geschwächt.

„Global Governance“

Das dritte Thema hat starke ideologische Konnotationen. Immer wieder wird uns gesagt: Die Klimakatastrophe kann nur im Weltmaßstab bekämpft werden. Dies ist ein willkommenes Mantra für all jene, die seit Jahrzehnten für eine « Global Governance » (der ultimative Traum der Mächtigen) – und ihre Variationen in großen regionalen Blöcken wie der EU – kämpfen.

Kurz gesagt, es kommt gerade richtig: Um die großen Probleme unserer Zeit zu lösen, gelten Nationalstaaten als veraltet. Daher hat die These den Anschein des Offensichtlichen: Die globale Erwärmung hat keine Grenzen, also sollen wir den altmodischen Begriff der nationalen Souveränität vergessen.

Die Demokratie

Die vierte Dimension der auferlegten Klima-Imperative betrifft das nicht ganz unbedeutende Thema der Demokratie. Denn die Beispiele zeigen es: Die Arbeiterklassen, die Völker, scheinen nicht zu akzeptieren, sich der umweltpolitischen Doxa zu unterwerfen, jedenfalls nicht schnell genug, um die angekündigten Katastrophen zu verhindern.

Schlimmer noch, sie wären sogar bereit, Regierungen, die übereifrig gegen CO2 kämpfen, bei Wahlen zu bestrafen. Und da diese Regierungen die Schwäche hätten, die Reaktionen ihrer Wähler zu fürchten, werden die notwendigen Maßnahmen – zusammengefasst in der Formel: « Wir müssen unsere Lebensweise radikal ändern » – ewig verzögert.

Die Schlussfolgerung liegt auf der Hand: Die Demokratie ist zu einem Hindernis für das Überleben des Planeten geworden. Einige Leute sagen das offen. Andere, weniger unverblümt, stellen ernsthaft die Frage. Denn wenn unser kollektives Überleben wirklich bedroht ist, muss die Demokratie zurückstehen. Das Argument ist unwiderlegbar und ist vor allem auf wundersamer Weise ein Geschenk des Himmels für die Mächtigen der Welt, die zunehmend mit der Volkssouveränität in Konflikt geraten (die Trilaterale Kommission hatte bereits in den 1970er Jahren – zur Zeit des Club of Rome – auf die « Probleme » der Demokratie hingewiesen).

Die Infragestellung des Fortschritts

Das fünfte Thema ist wahrscheinlich das grundlegendste und bezieht sich auf den Fortschritt. Es kann niemandem entgehen, dass der Fortschritt vom „Zeitgeist“ grundlegend in Frage gestellt wird. Der Fortschritt in all seinen Dimensionen – sozial (Kaufkraft, sozialer Schutz, öffentliche Dienstleistungen), wirtschaftlich (Wachstum), kulturell, wissenschaftlich, technologisch – gilt entweder als verdächtig, schuldig, riskant oder arrogant.

Hier und da fragen sich einige ernsthaft: Sind wir nicht zu weit gegangen? Das vorherrschende Dogma könnte also wie folgt ausgedrückt werden: « Bitte verlasse den Planeten in dem Zustand, in dem du ihn gefunden hast ». Und um der Sache eine zusätzliche emotionale Dimension zu verleihen, berufen wir uns auf « unsere Kinder », « unsere Enkel », denen gegenüber wir eine schwere Verantwortung tragen. Es ist exakt das gleiche Argument wie bei den Staatschulden.

Die Bandbreite ist groß, von den Kollapsologen, die offen für eine Rückkehr zum Pflug plädieren (wenn nicht sogar für den präventiven Selbstmord der Menschheit, um den Planeten überleben zu lassen) bis zu den ganz Vorsichtigen, die sich damit begnügen, jedes neue Infrastrukturprojekt in Frage zu stellen (Eisenbahn, Straße, Flughafen, Hydraulik – es gibt immer irgendwo einen Biber, der gerettet werden muss). Brauchen wir das alles wirklich? », hört man von verschiedenen Seiten.

Der Streit zwischen den Anhängern einer prometheischen Vision der Menschheit und den Anhängern eines Goldenen Zeitalters (das es nie gab) ist zwar nicht neu. Aber die fortschreitende Unfähigkeit des derzeit herrschenden Systems, Wohlstand zu schaffen (außer für die Aktionäre), führt dazu, dass dieses System regressive Ideologien erzeugt, wie den Stopp des Wirtschaftswachstums, der der Rezession einfach nur ein Bio-Label aufdrückt.

Die Konzeption vom Verhältnis zwischen Mensch und Natur ist das privilegierte Terrain dieser buchstäblich reaktionären Entwicklung

Die Konzeption vom Verhältnis zwischen Mensch und Natur ist das privilegierte Terrain dieser buchstäblich reaktionären Entwicklung. Die Natur sollte « bewahrt », « verteidigt » und « respektiert » werden. Schlimmer noch: Die herrschende Ideologie hat nun eine Gleichsetzung von dem was « natürlich » ist, mit « gut » vorgenommen (die Endlosschleife der diesbezüglichen Werbung verdeutlicht dies). Muss erst daran erinnert werden, dass diesem Kult des « Natürlichen » nicht zu allen Zeiten gehuldigt wurde?

Kann man die Absurdität einer solchen Anordnung erfassen? Die Natur ist reich an toxischen Produkten, während künstliche, im Labor erzeugte Produkte (z.B. Medikamente, Chemikalien) ein unersetzliches Gut für das kollektive und individuelle Wohlbefinden darstellen können. Trotzdem müssen wir uns natürlich gegen die Umweltverschmutzung wehren, die sich aus dem ungezügelten Streben nach Profit – und nicht aus dem Fortschritt als solchem – ergibt.

Könnte man nicht die Geschichte der Menschheit als eine Reihe von Kämpfen verstehen, um Entdeckungen und Erfindungen zu machen, die uns helfen, uns von den « Zwängen der Natur » zu emanzipieren? Von den ersten Menschen, die ein Dach bauten, um sich vor den Launen der Natur zu schützen, bis zur heutigen Zeit, in der eine Sonde zur Sonne geschickt wird, hat der Mensch immer versucht, sich von den Zwängen zu befreien, um das Unmögliche möglich zu machen.

Ist es nicht das, was die Menschheit definieren könnte? Ist es nicht charakteristisch für letztere, gegen die Natur zu handeln? Beginnend mit diesem tausendjährigen Kampf, um eines der Hauptmerkmale der Natur in Frage zu stellen: das Gesetz des Dschungels.

Es gibt also einerseits diejenigen, die die Natur respektieren, insbesondere eine ihrer Konstanten (wenn auch nicht ausschließlich): Die Stärksten dominieren die Schwächsten, Raubtiere ernähren sich von der Beute. Und auf der anderen Seite diejenigen, denen der Kampf für die Gleichberechtigung am Herzen liegt – ein Kampf, der, wenn man diese Abkürzung wagt, vom Sklavenaufstand des Spartacus bis zu den heutigen französischen Streikenden reicht, die für die Rente kämpfen.

Indem sie vorgeben, „den Planeten » vor den Bedrohungen durch menschliche Aktivitäten in Form von CO2 « zu retten », haben die europäischen Institutionen ihre Seite gewählt. Wir haben das Recht, uns auf die andere Seite zu stellen und vorzuschlagen, den Umfang der Möglichkeiten nicht auf das zu beschränken, was bereits vorhanden ist. Oder zumindest die Debatte ohne Beschimpfungen und ohne apokalyptisches Delirium zu akzeptieren.

Von Pierre Lévy,
Chefredakteur der Monatszeitschrift Ruptures

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L’angoisse existentielle de l’Occident (éditorial paru dans Ruptures n°93)

Par : pierre

Emmanuel Macron s’inquiète de ce que les « classes moyennes », désormais, « doutent » de « l’aventure européenne »

 

Querelles, déclin, arrogance. Tel était l’air du temps qui flottait lors de la Conférence sur la sécurité de Munich – une grand-messe non étatique qui draine chaque année la fine fleur des élites diplomatiques et militaires occidentales, dont l’édition 2020 s’est déroulée du 14 au 16 février.

Certes, chefs d’Etat et de gouvernement, ministres, diplomates, généraux et experts ont communié dans une foi commune : les « valeurs de l’Occident » devraient guider le monde – liberté (notamment d’entreprendre), droits de l’homme, Etat de droit, démocratie… Mais entre Washington, Berlin et Paris notamment – trois des pôles du bloc atlantique – les bisbilles et rivalités n’ont cessé de s’accentuer ces dernières années.

L’intervention du président français – c’était sa première apparition dans cette enceinte informelle – était donc attendue. Sans surprise, il a apporté de l’eau au moulin du thème volontairement provocateur proposé cette année par les organisateurs : « westlessness » – un terme anglais qu’on pourrait approximativement traduire par « effacement de l’Occident ». Depuis plusieurs mois en effet, le maître de l’Elysée met en garde ses pairs : des puissances rivales émergent qui menacent notre hégémonie. Sont bien sûr visées la Chine, la Russie, de même que la Turquie (pourtant membre de l’OTAN). Autant de pays qui « ne partagent pas nos valeurs ». Il y a donc bien « affaiblissement de l’Occident », affirme Emmanuel Macron, en particulier si l’on compare à l’euphorie d’il y a quinze ans, quand, selon ses termes, « nous pensions qu’on allait dominer le monde durablement ».

Il y a quinze ans, « nous pensions qu’on allait dominer le monde durablement » a rappelé le président français

On imagine au passage ce qu’eussent été les réactions si un leader non occidental avait affiché explicitement sa propension, fût-elle sur le mode nostalgique, à « dominer le monde ». Mais l’arrogance du maître de l’Elysée n’a nullement été remarquée tant elle parut parfaitement naturelle aux sommités réunies à Munich, de même qu’aux journalistes venus couvrir l’événement.

Quoi qu’il en soit, le dirigeant français a pris acte de l’unilatéralisme exacerbé de Washington. Il plaide dès lors pour un renouveau du dialogue « sans concession » avec Moscou, qui hérisse le poil de nombreux Etats membres de l’UE. Surtout, il placarde sans modération son oxymore préféré : il faut bâtir une « souveraineté européenne », ce qui signifie à la fois la poursuite de l’Alliance atlantique, mais aussi la construction d’une autonomie (stratégique, diplomatique, militaire, technologique, monétaire) vis-à-vis de l’Oncle Sam.

Pour le président, cela passe donc par une UE à géométrie variable, dont le premier cercle a vocation à une intégration poussée. Sauf que cette vision déplaît aux pays qui ne seraient pas dans ce premier cercle ; elle ne séduit guère non plus à Berlin (sauf les dirigeants des Verts que le président a rencontrés en particulier, peut-être en rêvant de leur arrivée dans une prochaine coalition, puisque la vie politique intérieure allemande devient de plus en plus chaotique). L’offre élyséenne de bâtir une « culture stratégique commune », voire des exercices militaires communs incluant l’arme nucléaire (sans cependant partager cette dernière) est tombée à plat outre-Rhin, où la culture atlantiste est profondément ancrée parmi les élites, même si celles-ci ne goûtent pas outre mesure le trumpisme. Et ce, dans un contexte où les divergences franco-allemandes se multiplient.

Tout se passe comme si, au spectre du déclin occidental sur le plan géopolitique, venait s’ajouter celui du déclin de l’idéologie eurolibérale

Le plaidoyer macronien n’est pas une révélation. La nouveauté, en revanche, est dans la référence aux « classes moyennes » qui « doutent » désormais de « l’aventure européenne » – une inquiétude répétée… à quatre reprises. L’ancien banquier semble considérer – à juste titre – que l’oligarchie est par nature acquise à l’intégration européenne ; que les classes populaires sont à l’inverse irrémédiablement perdues ; et que l’enjeu revient donc à stopper la glissade desdites classes moyennes dans ce que le vocabulaire officiel nomme « nationalisme » ou « illibéralisme ».

Ainsi, tout se passe comme si, au spectre du déclin occidental sur le plan géopolitique, venait s’ajouter, sur le plan hexagonal (et continental), celui du déclin de l’idéologie eurolibérale. Or cette dernière sous-tend les « réformes » d’inspiration bruxelloise, à commencer par celle des retraites.

Certes, dans l’état d’esprit populaire, politique extérieure et politique intérieure semblent être sans rapport direct : la lutte contre la régression sociale ne va pas spontanément de pair avec la résistance à l’arrogance atlantique.

Pas encore, du moins.

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

 

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L’incroyable aveu d’Emmanuel Macron sur la sortie du Royaume-Uni

Par : pierre

Le président français a confié qu’« il ne faut pas que le Brexit réussisse », une confirmation explosive qui n’a pourtant suscité que peu de réactions.

Les négociations entre Londres et Bruxelles vont s’engager dans quelques jours, le 3 mars précisément. Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne le 31 janvier, il convient donc de négocier le cadre qui fixera les relations – commerciales, mais aussi en matière de pêche, de transports, de sécurité, de défense – entre les deux parties à l’issue de la « période de transition », c’est-à-dire à compter du 1er janvier 2021.

Les positions de départ définies respectivement par Boris Johnson et par les Vingt-sept paraissent irréconciliables. Les dirigeants européens exigent des Britanniques qu’ils s’alignent sur l’ensemble des règles de l’UE, présentes – et même à venir, a insisté Paris. A l’inverse, les Anglais affirment qu’ils n’ont pas réalisé le Brexit pour finalement continuer à être soumis à ces dernières. Et ils interrogent : pourquoi nous imposer des conditions aussi draconiennes, qui n’ont été demandées à aucun partenaire commercial jusqu’à présent ?

Pourquoi, en effet, ces exigences léonines ? Peut-être Emmanuel Macron a-t-il fourni, plus ou moins volontairement, un élément de réponse. Le président français participait à la Conférence de Munich sur la sécurité qui avait lieu cette année du 14 au 16 février. En marge de celle-ci, il a rencontré en petit comité diverses personnalités allemandes.

L’une d’entre elles a révélé que le maître de l’Elysée avait lâché cette confidence qui n’a pas manqué de choquer ses interlocuteurs : « il ne faut pas que les Brexit soit un succès ». L’information a été révélée par Le Monde (18/02/20). Un quotidien qui ne passe pas pour inventer des bobards susceptibles de gêner Bruxelles. Et qui n’a du reste pas été démentie.

La phrase n’a rien d’anodin, au moment où le discours officiel des dirigeants européens appelle de ses vœux un « accord dans l’intérêt des deux parties ». Elle est même gênante et explosive, ce qui pourrait expliquer le peu de commentaires qu’elle a suscité.

Quant au fond, la confidence révèle un état d’esprit qui n’a rien de surprenant. Depuis le référendum britannique de juin 2016, les élites bruxellloises ne sont pas seulement traumatisées par le départ de la Grande-Bretagne en lui-même, mais aussi et surtout par l’« effet domino » que celui-ci pourrait bien entraîner.

Boris Johnson a annoncé un tournant « historique » dans l’histoire du pays

Pendant trois ans et demi, cette perspective semblait cependant bien abstraite, tant que les tentatives (illusoires) de faire dérailler le processus perduraient. Mais, depuis les élections britanniques du 12 décembre qui ont fonctionné comme une validation triomphale du Brexit et confié au Premier ministre un poids politique sans précédent, tout a changé – et tout s’accélère. Boris Johnson a annoncé un tournant « historique » dans l’histoire du pays. Il vient par exemple de proposer une politique migratoire restrictive qui fait hurler le patronat (de même que… les dirigeants travaillistes) ; et son ministre des finances, qui était considéré comme le dernier rempart contre l’augmentation des dépenses publiques, a rendu son tablier.

Dès lors, la question a sans doute assailli Emmanuel Macron de manière bien plus concrète que jusqu’à présent : et si le Brexit, non seulement ne provoquait aucune des catastrophes annoncées, mais permettait au pays d’engranger des succès notables ? Si tel est le cas, la liste des pays candidats au départ – du moins dans lesquels la pression populaire monterait en ce sens – pourrait s’allonger plus vite que prévu…

Il faut donc que le Brexit échoue, rumine-t-on à l’Elysée. Qu’un tel souhait ait été formulé devant des témoins qui ne font pas partie du premier cercle peut surprendre. Mais il faut au moins remercier le président sur ce point : sa sincérité, maladroite ou calculée, ne devrait pas réchauffer l’ambiance des négociations qui s’engagent ; et surtout, elle a le mérite de révéler crûment les angoisses du chef de l’Etat et probablement de ses collègues du Conseil européen.

God save Macron !

Ne manquez pas le débat contradictoire sur le Brexit proposé par la chaîne Le point de Ruptures

Et bien plus dans l’édition du 26 février du mensuel (imprimé) Ruptures. Il n’est pas trop tard pour s’abonner

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L’édition de février de Ruptures est parue

Par : pierre

Ruptures n°93 arrive chez les abonnés le 27 février.

Au sommaire :

– l’éditorial qui pointe l’angoisse existentielle quant au déclin de l’Occident, exprimée lors de la Conférence pour la sécurité de Munich par les dirigeants atlantistes, et les bisbilles entre ceux-ci

– un compte rendu du Conseil européen extraordinaire des 20 et 21 janvier, où les Vingt-sept ont échoué à trouver un accord sur le futur budget pluri-annuel de l’UE, du fait des affrontements entre « frugaux » et dépensiers

– un vaste tableau des enjeux géopolitiques dans l’est de la Méditerranée, avec les complexes alliances et rivalités de puissances – mais dont l’UE se lamente d’être exclue – le tout sur fond d’accès aux gisements gaziers

– une analyse des négociations qui vont s’engager entre Londres et Bruxelles sur la future relation, mais Boris Johnson refuse d’ores et déjà tout alignement sur l’UE ; il annonce la fin de l’immigration à bas prix et va s’affranchir des contraintes budgétaires

– une analyse des élections irlandaises du 8 février qui ont été marquées par l’échec du premier ministre sortant et la percée du Sinn Fein, parti « nationaliste de gauche », qui a centré sa campagne sur les questions sociales

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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Irland: der Sieg der « Linken Nationalisten »

Par : pierre

Eine wirklich verlorene Wette für den scheidenden irischen Premierminister Leo Varadkar. Mitte Januar hatte er Überraschungswahlen ausgerufen und damit gerechnet, dass er danks einer dreiwöchigen Blitzkampagne,  die Abstimmung am 8. Februar gewinnen würde.

Er setzte auf sein am 10. Oktober mit Boris Johnson ausgehandeltes bilaterales Abkommen zur Freigabe des Brexit ohne eine « harte » Grenze mit Nordirland zu schaffen, und auf den daraus von ihm erhofften Glorienschein. Er forderte daher seine Landsleute auf, ihn mit einem « starken Mandat » für die Verhandlungen zwischen London und Brüssel über die künftigen Handelsbeziehungen, bei denen Irland an vorderster Front steht, zu erneuern.

Die Wähler enttäuschten seine Hoffnungen, indem sie seiner Partei, der Fine Gael (FG,  als Mitte-Rechts geltend), nur 20,9 % der Stimmen gaben, was einem Rückgang von 4,9 Punkten gegenüber 2016 entspricht. So zeigten sie, dass sie andere Prioritäten im Sinn hatten, die bereits während der Kampagne in den Vordergrund gerückt waren: die akute Wohnungskrise mit astronomischen Mietpreisen in der Hauptstadt Dublin, das Gesundheitswesen unter hohem Druck, das Verkehrswesen unzulänglicher denn je.

Herr Varadkar rühmte sich eines beneidenswerten Wachstums (fast 5 %), aber viele Bürger erinnerten ihn daran, dass dies nicht in ihre Brieftaschen geflossen ist – ganz im Gegenteil. Die Partei Sinn Fein (SF), ein fortschrittlicher und historisch kämpferischer Befürworter der Wiedervereinigung ganz Irlands – was ihr den Titel « linke Nationalisten » einbrachte – führte ihren Wahlkampf, in dem sie einen Mietpreisstopp, den Bau von 100 000 Sozialwohnungen, zusätzliche Mittel für öffentliche Krankenhäuser und die Unternehmensbesteuerung vorschlug.

Lehrer und Kindergartenhelfer streikten im Januar

Und das in einem ungewöhnlichen sozialen Klima: Lehrer und Kindergartenhelfer streikten im Januar. Das Land ist zwar aus der schrecklichen Krise von 2008-2010 herausgekommen, die in einem von der EU unter dem Deckmantel der Rettung der schuldengeplagten öffentlichen Finanzen auferlegten Super-Austeritätsplan endete. Aber die arbeitende Bevölkerung hat von der Erholung überhaupt nicht profitiert.

Die Sinn Fein hat also « den großen Wurf gemacht »: Mit 24,5% der Stimmen, d.h. +10,7 Punkte, wird sie zur führenden Partei in Bezug auf die Anzahl der Vorzugsstimmen (das Wahlsystem erlaubt die Aufteilung der Stimmen). Viele Beobachter haben sogar von einem politischen Erdbeben gesprochen, da die SF die historische Vorherrschaft der beiden großen Parteien, die sich die politische Szene teilten, gebrochen hat: die FG sowie ihre traditionelle Rivalin, die Fianna Fail (FF), die ebenfalls als Mitte-Rechts-Partei bezeichnet wird. Die FF beteiligte sich nicht an der scheidenden Regierung, unterstützte sie aber in der Zeit vor dem Brexit. Mit 22,2% liegt sie 2,2 Punkte unter dem Wert von 2016.

Mit 4,4% (-2,2 Punkte) setzt die Labour-Partei ihren Abstieg in die Hölle fort, der während ihrer Regierungsbeteiligung 2011 begann, als sie die von Fine Gaël umgesetzten sozialen Abbaupläne unterstützt hatte. Mit 7,1% sind die Grünen gegenüber 2016 um 4,4 Punkte gestiegen, im Vergleich zur Europawahl vom Mai 2019 jedoch um 4,3 Punkte gesunken.

Sinn Fein hat sich « entdämonisiert »

Die ganze Aufmerksamkeit richtet sich daher nun auf Sinn Fein, die als einzige Partei sowohl in Irland als auch in Nordirland, das zum Vereinigten Königreich gehört, präsent ist. Die SF hat sich « entdämonisiert » mit Mary Lou McDonald, der Anführerin, die 2018 den historischen Führer Gerry Adams ablöste. Dieser wurde lange – wie die Partei selbst – beschuldigt, mit der IRA in Verbindung zu stehen und somit für den « Terrorismus » schuldig zu sein, und zwar gegen die britischen Armee, die seit Mitte der 1960er Jahre für die « Aufrechterhaltung der Ordnung » in Nordirland sorgte. Es war eine schmerzhafte Zeit, die Tausende von Opfern forderte und mit dem 1998 unterzeichneten Friedensabkommen endete.

Die IRA wurde aufgelöst, die Nationalisten wollen nun die Wiedervereinigung der Insel mit friedlichen Mitteln erreichen. Ein Ziel, das sicherlich von einer großen Mehrheit der Bürger der Republik geteilt wird, das aber eindeutig nicht zu ihren Prioritäten gehört. Sinn Fein, lange Zeit „euroskeptisch“, hat sich auf die Europäische Union zubewegt, eine Stellungnahme, die sie insbesondere beim britischen Referendum vom Juni 2016 verteidigte, als sie die Nordiren aufforderte, gegen den Brexit zu stimmen (was 55,8% von ihnen taten). Bei den Europawahlen im Mai 2019 mobilisierte die SF jedoch nicht viele für ihre Pro-EU-Positionen, da sie nur 11,7% der Stimmen erhielt. Im Gegensatz zu Herrn Adams, der in einem Arbeiterviertel aufwuchs, besuchte Frau McDonald eine wohlhabende Privatschule, bevor sie Personalmanagement und… die europäische Integration studierte.

Von ihrem eigenen Erfolg überrascht

Die Sinn Fein scheint von ihrem eigenen Erfolg überrascht gewesen zu sein: Sie stellte nur 42 Kandidaten, von denen 37 gewählt wurden. Das Unterhaus (Dail) hat 160 Sitze. Die Fine Gael und die Fianna Fail erhielten 35 bzw. 38 Sitze. Keine der jetzt drei großen politischen Kräfte wird daher allein regieren können.

Ideologisch gesehen würde nichts FG und FF daran hindern, ein Bündnis zu erneuern. Aber gerade um diese Konfiguration zu vermeiden, hatte Herr Varadkar die Wahlen ausgerufen. Vor allem würde eine « Große Koalition » der FG-FF gegen das Votum der Bürger gehen, die in der Hoffnung auf eine echte Veränderung für Sinn Fein gestimmt haben.

Während des Wahlkampfes hatten die beiden großen Parteien jedoch ausgeschlossen, mit Sinn Fein zu regieren, die sie für unberührbar halten. McDonald ihrerseits kündigte an, dass sie eine « Regierung für das Volk » bilden wolle (vielleicht ein Echo der von Boris Johnson behaupteten « Regierung des Volkes »), und dass sie vorrangig die Unterstützung kleiner Parteien (Sozialdemokraten, Grüne, usw.) suche – eine Aufgabe, die dennoch komplex erscheint. Sie prophezeite auch, dass ihre beiden Rivalen Sinn Fein nicht ewig auf der Strecke halten könnten. Tatsächlich schien Fianna Fail’s Führer, der ehemalige Minister Micheal Martin, nach der Bekanntgabe der Ergebnisse ein wenig aufgeschlossener zu sein.

Amüsantes Paradoxon: die Befürworter der europäischen Integration begrüßen den Erfolg einer offen nationalistischen Partei

Die ausländische Presse – insbesondere die französische, aber auch die in Brüssel – drückte am Tag nach der Wahl ihre Trauer über das Scheitern von Herrn Varadkar aus, der 2017 im Alter von 38 Jahren Premierminister wurde und für seine europäischen Kollegen ein Modell der « Vielfalt » verkörperte: indischer Herkunft, und offener Schwuler.

Aber viele in der Mainstream-Presse glauben, eine neue Perspektive voraussagen zu können, nämlich die der irischen Wiedervereinigung auf Kosten des Vereinigten Königreichs. Eine solche Aussicht ist zum jetzigen Zeitpunkt unrealistisch, aber viele Kommentatoren träumen wahrscheinlich von den Rückschlägen, die die britische Regierung so zu verkraften hätte. « Das erste Nachbeben nach dem Brexit“ war zum Beispiel eine Schlagzeile von Le Monde.

Das erklärt dieses amüsante Paradoxon: für das erste Mal begrüßen die Befürworter der europäischen Integration den Erfolg einer offen nationalistischen Partei. Im wirklichen Leben erwarten aber die Wähler tatsächlich schnelle Antworten auf ihre sozialen Erwartungen.

Wie auch immer, in dieser neuen dreigliedrigen Konfiguration könnte die Bildung der künftigen Regierung einige Wochen oder sogar Monate dauern.

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2020 wird das Jahr sein, in dem man vom „trotz“ Brexit zum „dank“ Brexit kommen wird

Par : pierre

Für Großbritannien wird 2020 das Jahr sein, in dem die in öffentlichen Reden angekündigte « Apokalypse » dem « britischen Wunder » weichen wird.
 

Von Charles-Henri Gallois, nationaler Leiter der UPR für Wirtschaftsfragen und Autor des kürzlich veröffentlichten Buches : Les Illusions économiques de l’Union européenne, Fauves éditions

Eines ist sicher: 2020 wird das Jahr sein, in dem wir in öffentlichen Reden und vielleicht sogar in den Medien von « trotz Brexit » zu « dank Brexit » und von « Apokalypse » zu « britischem Wunder » übergehen werden! Diese Gewissheit zeigt sich in der Kluft, die seit dem Referendum von 2016 zwischen den die Katastrophe heraufbeschwörenden Äußerungen einerseits und dem realwirtschaftlichen Kurs des Vereinigten Königreichs andererseits besteht.

Alle Pseudo-Experten und Anhänger der EU hatten in der Tat eine Apokalypse angekündigt, falls die Briten es wagen sollten, die EU zu verlassen, d.h. sich von der EU zu befreien. Diese Apokalypse sollte, so scheint es, am Tag nach der Abstimmung stattfinden. Das Referendum fand am 23. Juni 2016 statt, und 51,9% der britischen Bevölkerung stimmten für den Austritt.

Am nächsten Tag gab es überraschenderweise keine Heuschreckeninvasion in Westminster, die Neugeborenen waren wohlbehalten im Portland Hospital und das Wasser der Themse verwandelte sich nicht in Blut. Am 24. Juni 2016 gab es gegen 13 Uhr nur sehr leichte Schauer, was eine Meisterleistung ist, wenn wir über London und das Vereinigte Königreich sprechen.

Von allen Weltuntergangsprophezeiungen hat sich keine erfüllt

Die Pseudo-Experten nahmen dann die wirtschaftliche Aktivität genauestens unter die Lupe in der Hoffnung, das geringste Anzeichen eines Zusammenbruchs zu erkennen.

Glücklicherweise hat sich von allen apokalyptischen Prophezeiungen (Exodus aus der Stadt, Zusammenbruch des Pfunds, Zusammenbruch der Finanzmärkte, Rezession des BIP, steigende Arbeitslosigkeit, Investitionsdebakel, Explosion der Inflation und massiver Rückgang der Immobilienpreise…) keine erfüllt.

Schlimmer noch, die Zeit wurde mit guten Nachrichten gefüllt, da die Produktion im verarbeitenden Gewerbe zunahm, die Investitionen fortgesetzt wurden, die Arbeitslosigkeit stark zurückging, die Immobilien- und Aktienmärkte stiegen, das Wachstum anhielt und nicht einmal 7.000 Arbeitsplätze die Stadt verließen, verglichen mit den 75.000 « erwarteten » Verlusten vor dem Referendum. All diese positiven Daten wurden von allen französischen Medien und einigen EU-geförderten britischen Medien mit dem Vorbehalt der Sparsamkeit « trotz Brexit » begleitet. Als wäre es sicher und gewiß, daß der Brexit eine Katastrophe sein würde, war dies zumindest die Idee, die der Öffentlichkeit vermittelt werden mußte, um sie zu erschrecken.

Ein Regen guter Nachrichten im Jahr 2020

Zum Pech aller Weltuntergangspropheten regnet es weiter gute Nachrichten für das Vereinigte Königreich an diesem beginnenden 2020 und wenige Tage vor dem offiziellen Austritt am 31. Januar.

Die britische Regierung hat eine spektakuläre Erhöhung des Mindestlohns angekündigt. Zusätzlich zur völligen Beschämung derer, die behaupteten, der Brexit sei von Natur aus ultraliberal, wird der britische Mindeststundenlohn am 1. April 2020 den französischen Mindestlohn (10,24 Euro pro Stunde in Großbritannien gegenüber 10,15 Euro in Frankreich) übersteigen [1]. Diese Erhöhung des Mindestlohns um 6,2% bedeutet für einen Vollzeitbeschäftigten eine Erhöhung um 930 Pfund (etwa 1.090 Euro) pro Jahr.

Man muss bis ins Jahr 1981 zurückgehen, um einen solchen Anstieg in Frankreich zu finden. In der Zwischenzeit verlangen die Grundzüge der Wirtschaftspolitik der Europäischen Kommission, dass Frankreich den Mindestlohn jedes Jahr einfriert. Die Empfehlung wird seit 2012 brav umgesetzt.

34 Milliarden zusätzliche Pfund für die Gesundheit

Der andere Schlag für diejenigen, die von einem inhärent ultraliberalen Brexit sprachen, war die Ankündigung Boris Johnsons, zusätzliche 34 Milliarden Pfund für den NHS (National Health Service, das Äquivalent zum Gesundheitszweig unseres Sozialversicherungssystems) bereitzustellen [2].

Sajid Javid, Schatzkanzler (entspricht unserem Finanzminister), hat eine weitere europapolitische Illusion zerstört. Man erklärt den Franzosen immer: « Zum Glück gibt es die EU, um unsere Landwirtschaft zu finanzieren ». Man vergisst leicht, dass sowohl Frankreich als auch das Vereinigte Königreich Nettozahler der EU sind. Das bedeutet, dass das von der EU bezahlte Geld nur französisches und britisches Geld ist.

Sajid Javid hat dieses « Argument » offiziell als Lüge entlarvt, indem er ankündigte, dass sie nach dem Brexit [3] weiterhin die 3,4 Milliarden Pfund für den Agrarsektor zahlen werden. Es wird genauso viel Geld wie bei der europäischen Landwirtschaft zur Verfügung stehen, nur dass es nicht mehr diese sein wird, die eine schnellere und gerechtere Auszahlung der Mittel ermöglicht, indem Kriterien wie die Erhaltung der Umwelt und der biologischen Vielfalt und nicht das Kriterium der Betriebsgröße nach den Vorgaben der EU einbezogen werden.

Von Facebook zu Airbus, die Entscheidung Großbritanniens

Es gab nicht nur keinen Exodus aus der Stadt, sondern es wurde am 20. Januar angekündigt, dass mehr als 1.000 Banken, Vermögensverwalter, Zahlungsdienstleistungsunternehmen und Versicherer Büros in Großbritannien nach dem Brexit eröffnen werden [4].

Am 21. Januar kündigte Facebook an, dass es in diesem Jahr in London 1.000 Mitarbeiter für Positionen in den Bereichen Sicherheit und Produktentwicklung einstellen wird. Und das US-Unternehmen wird nach dem Brexit [5] sein größtes Ingenieurzentrum außerhalb der USA weiter ausbauen.

Im gleichen Sinne verpflichtete sich Airbus, das gedroht hatte, nach dem Brexit Großbritannien zu verlassen, schließlich nicht nur zu bleiben, sondern seine Aktivitäten über den Ärmelkanal auszuweiten [6].

Im Jahr 2020 wird das britische Wachstum höher sein als das von Deutschland und Frankreich

Zum Schluss die vielleicht wichtigste Nachricht: Der IWF beendet das « Projekt der Angst », das darin bestand, dass alle offiziellen Institutionen die Gefahr eines Zusammenbruchs der britischen Wirtschaft an die Wand malten. Die Institution kündigt an, dass das Wachstum in Großbritannien in den Jahren 2020 und 2021, d.h. nach dem offiziellen Ausstieg [7], höher sein wird als das der Euro-Zone. Für die Eurozone wird ein Wachstum von 1,3% im Jahr 2020 und 1,4% im Jahr 2021 erwartet, während für Großbritannien ein Wachstum von 1,4% im Jahr 2020 und 1,5% im Jahr 2021 erwartet wird. Sein Wachstum wäre höher als das von Deutschland und Frankreich.

Eine große Ohrfeige für die Eurofanatiker, die von der guten Nachricht profitierten, indem sie behaupteten, dass « es sowieso nichts bedeutet, sie sind noch nicht draußen ». Auch dies war eine unbestreitbar böswillige Aussage, da Unternehmen und verschiedene Wirtschaftsakteure bereits seit langem den Brexit einbeziehen. Das Mindeste, was man sagen kann, ist, dass die angekündigte Katastrophe nicht eingetreten ist und auch nicht eintreten wird.

Die Arbeitslosigkeit verschwindet, die Beschäftigung wird konsolidiert

Seit dem Brexit-Referendum sind die besten Nachrichten an der Beschäftigungsfront zu verzeichnen, was durch den Bericht des ONS (Office for National Statistics, das britische Pendant zum INSEE) vom Januar 2020 [8] bestätigt wird. Die Arbeitslosigkeit lag im Juni 2016 bei 5%. Sie liegt jetzt bei 3,8 %, dem niedrigsten Wert seit dem Winter 1974, d.h. seit 45 Jahren.

Noch spektakulärer ist der Aufschwung bei der Beschäftigungsquote, denn dieser Bericht vom Januar zeigt, dass sie auf 76,3% gestiegen ist, ein Allzeithoch. Vor dem Referendum lag er bei 74,2%, was einem Anstieg von 2,1 Punkten entspricht. Das Interessanteste ist, dass es sich bei den seit dem Referendum geschaffenen Arbeitsplätzen überhaupt nicht um Nullstunden- oder Teilzeitverträge, sondern um Vollzeitverträge handelt. Zwischen Juni 2016 und Dezember 2019 wurden 1,2 Millionen Arbeitsplätze geschaffen, während die Zahl der Teilzeitverträge um 19.500 zurückging. Der Anteil der Teilzeitbeschäftigung an der Gesamtbeschäftigung stieg von 36,9% auf 35,1%.

Bewusstwerdung

Die Tatsachen, die Daten werden also auch im Jahr 2020 Monat für Monat all jene widerlegen, die geschworen haben, dass alle Wunden der Krise und der Rezession auf das vom Brexit hinweggefegte Vereinigte Königreich fallen würden. Dann wird es das Ende der europäischen Illusionen sein. Hoffen wir, dass es unseren Landsleuten die Augen öffnen wird, um die Kraft und den Mut zu finden, sich durch einen Frexit von der EU und dem Euro zu befreien. Wir sollten keine Angst mehr haben und aufhören, auf diejenigen zu hören, die sich seit 40 Jahren in fast allen Fragen geirrt haben.

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[1]https://www.capital.fr/economie-politique/le-salaire-minimum-va-augmenter-de-6-au-royaume-uni-et-depasser-notre-smic-1358685

[2]https://www.telegraph.co.uk/politics/2019/12/18/boris-johnson-put-nhs-heart-domestic-agenda-queens-speech/

[3]https://euobserver.com/tickers/147015?fbclid=IwAR1MU3qwEcEwtbkY342FMV_qKfaw5axTHpbvSeOQ96e_eUYmBpQ6JWh9i-E

[4]https://uk.reuters.com/article/us-britain-eu-banks/a-thousand-eu-financial-firms-plan-to-open-uk-offices-after-brexit-idUKKBN1ZJ00D

[5]https://www.reuters.com/article/us-facebook-europe-business/facebook-targets-uk-growth-with-1000-hires-this-year-idUSKBN1ZK0G4?fbclid=IwAR1rrbOylzwstJN0Y7LjhYw0eTOWNHekJYaVDGB-R9Vs4Xf3JTGMIpb8rFs

[6]https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-01-08/airbus-chief-faury-pledges-expansion-in-the-u-k-after-brexit

[7]https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2020/01/20/weo-update-january2020

[8]https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/employmentandemployeetypes/bulletins/uklabourmarket/january2020/pdf

 

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Contre l’extradition de Julian Assange, une nouvelle opération citoyenne s’organise

Par : fabien

Comme un pied de nez auxdits «replis nationaux» censés caractériser la sortie d’un pays de l’Union européenne, des citoyens français et britanniques s’apprêtent à réclamer, d’une seule voix, la libération de Julian Assange, actuellement enfermé au Royaume-Uni, et menacé d’extradition aux Etats-Unis.

Dans la nuit du 23 au 24 février, des citoyens français traverseront la Manche afin de participer à une nouvelle action de soutien au fondateur de WikiLeaks, devant la prison de haute sécurité de Belmarsh où il est actuellement enfermé. Après plusieurs actions similaires réalisées depuis le mois de mai 2019, cette opération est organisée à l’occasion de l’ouverture des dernières audiences sur l’extradition de Julian Assange aux Etats-Unis, où il encourt jusqu’à 175 ans d’emprisonnement pour «espionnage».

« Nous organisons ce 23 février un départ de Paris en bus pour Londres. Nous arriverons le 24 au matin pour commencer la manifestation et repartirons le soir afin d’être de retour le 25 au matin. Tout drapeau ou bannière politique est a bannir, nous serons tous là pour Julian, bien évidemment Gilets jaunes bienvenus et souhaitables (aucune obligation bien sur). Au nom de la liberté de la presse, de la liberté d’expression, de la vérité nous demandons l’arrêt immédiat de la procédure d’extradition et la libération de Julian Assange » peut-on lire sur la page Facebook dédiée à l’action de soutien.

Fait notable, l’opération a d’ores-et-déjà reçu le soutien officiel du Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession qui, dans un communiqué daté du 11 février, a appelé ses adhérents à « informer les citoyens, par tous les moyens, de l’urgence de la situation qui touche [le] confrère australien ».

https://twitter.com/Fabien_Rives/status/1227293111543570432

Quant à l’avenir de celui qui a rendu possibles les fuites les plus massives du 21e siècle, toutes les spéculations sont à ce jour permises. Malgré leur dénonciation récurrente de l’absence de liberté de la presse en territoires décrétés ennemis, les chancelleries européennes n’ont fait preuve d’aucun engagement en faveur de la libération du fondateur de WikiLeaks.

En revanche, moins de deux semaines après la date effective du Brexit, l’affaire Julian Assange a fait l’objet, le 12 février, d’un échange entre Jeremy Corbyn et Boris Johnson, le premier appelant le second à refuser l’extradition du fondateur de WikiLeaks demandée par Washington.

« Il est évident que les droits des journalistes et des lanceurs d’alerte doivent être respectés et ce gouvernement continuera de le faire », a ainsi répondu le premier ministre britannique, s’abstenant toutefois de commenter la situation du journaliste australien, emprisonné depuis le 11 avril 2019, jour de la révocation de son asile politique par l’actuel président équatorien, Lenin Moreno.

Le ressortissant australien est en effet accusé par les autorités britanniques de ne pas avoir respecté ses engagements en matière de liberté conditionnelle, alors qu’en 2012, face au risque de son extradition outre-Atlantique, Julian Assange s’était réfugié dans la petite ambassade de l’Equateur à Londres.

Comme le rappelle le SNJ dans son communiqué, « en créant la société d’édition WikiLeaks en 2006, Julian Assange entendait informer le monde sur ceux qui nous gouvernent ».

« WikiLeaks est la conséquence d’un secret omniprésent et reflète le manque de transparence de notre système politique moderne », a récemment déclaré le rapporteur de l’ONU sur la torture Nils Melzer, avant de poursuivre  : « si nous ne savons plus ce que font nos gouvernements et les critères qu’ils suivent, si les crimes ne font plus l’objet d’enquêtes, alors cela représente un grave danger pour l’intégrité de la société ».

A la différence de Londres, où a eu lieu l’échange cité, Paris et Berlin sont restés discrets. La présidence française et la chancellerie allemande avaient pourtant appris en 2015, grâce à WikiLeaks, qu’elles avaient été écoutées par l’Oncle Sam dans les années 2000…

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De la Chine à la Syrie : les premières nouvelles géopolitiques de demain

Par : Grégoire

De quoi 2020 sera-t-il fait en géopolitique ? Confirmation de la résurrection russe, montée en puissance chinoise et effacement américain pourraient dessiner la politique internationale.

Par Michel Raimbaud, ancien ambassadeur, auteur de Tempête sur le Grand Moyen-Orient (ed. Ellipses, 2017) et  Les guerres de Syrie (ed. Glyphe, 2019)

L’exercice de prospective politique est devenu l’un des rites de l’an neuf. S’il promet plus de tempêtes que d’embellies, c’est que la vie commune de milliards d’êtres humains encadrée par deux centaines d’Etats n’est pas un fleuve tranquille. L’avenir n’est pas une science exacte.

Depuis la fin d’un XXème siècle ponctué par des épisodes « messianistes » de courte durée bien qu’ils aient eu l’éternité pour horizon (colonisation, épidémie des reichs, guerre froide, puis moment unipolaire américain), il est légitime de ne plus croire que l’histoire aurait un « sens », comme le professait le marxisme, ou une « fin », comme le fanfaronnait en 1992 Francis Fukuyama, chantre du libéralisme.

S’il n’y a en elle ni fatalité ni éternité, ce qu’elle a d’erratique est polarisé par des constantes naturelles : c’est ce que nous rappelle la géopolitique, politique de la géographie. Née avant 1900 en de brumeux pays avides d’espace vital, reprise par les « empires de la Mer » au temps du colonialisme et des expansionnismes, cette discipline permet de comprendre pourquoi, au-delà des avatars et séismes, l’Histoire continue, en quête de repères et d’équilibre.

En un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, les devins avides de « prédictions » faisaient de la géopolitique sans le savoir. Mais l’époque où Geneviève Tabouis présentait les dernières nouvelles de demain sur Radio Luxembourg étant révolue, qui oserait dire aujourd’hui de quoi sera fait 2020 ? Mieux vaudra donc ne pas voir des oracles dans ces premières nouvelles de demain. L’exercice – au vu du bilan 2019, entrevoir les évolutions pour 2020 – rappellera le pensum imposé jadis aux bizuts entrant en faculté : «  Etant donné le clair de lune, tirer le clair de l’autre »…

Le droit international en ruine

Il est presque minuit, Docteur Folamour. Début février, l’aiguille de l’« Horloge de l’Apocalypse » se trouverait, d’après le Bulletin des Scientifiques Nucléaires américains (qui ne sont pas astrologues), à 100 secondes du minuit de la guerre nucléaire, record d’imminence depuis la création de ce joujou en 1947. La situation ne semble pas inquiéter nos sorciers qui pérorent dans les hautes sphères.

Pas besoin d’être expert pour constater la ruine du droit international. Et après examen des tenants et aboutissants, on y verra un travail de sape programmé, inspiré par le « chaos créateur » de Leo Strauss, recette permettant à l’Empire de neutraliser à moindre coût les obstacles à son hégémonie.

Fustiger l’OTAN « en état de mort cérébrale », comme le fait le porte-voix élyséen de l’école complexiste, est d’un bel effet, mais escamote les responsabilités du « monde civilisé » dans l’effondrement de la vie internationale. Ce qu’il faut bien appeler un naufrage intellectuel et moral se décline de façon multiforme : échec et faillite de l’ONU et de sa charte, fin de la légalité et loi de la jungle, falsification des mots et détournement des concepts, abandon des us et coutumes de la diplomatie, de la courtoisie et du protocole… Autant de marches vers les enfers, là où s’abîme l’Occident, aveuglé par une imposture qui a viré au gangstérisme.

Pourtant, la nature ayant horreur du vide, un nouvel ordre est en gestation. Le bloc eurasien en pleine ascension le veut multipolaire, tandis que l’Empire Atlantique freine des quatre fers.

La géopolitique considère que le monde est structuré en trois « zones », (1) le Heartland russo-sibérien qui constitue le Pivot du monde habité, (2) le Rimland qui tel un glacis ceinture ce « Pivot » de l’Atlantique au Pacifique, (3) la zone des Territoires et Iles Périphériques ou offshore, qui génère des « Empires de la Mer », où le choix du grand large va de soi. C’est le messianisme de ces « peuples élus » qui leur fait voir le « Pivot » comme une terre promise, objet de leurs convoitises. Dans ce schéma, le Rimland (Europe Occidentale, Chine, le monde arabo-musulman) constitue tantôt un glacis, tantôt une proie. La théorie permet de saisir les ressorts des expansionnismes et d’éclairer les conflits.

Le déclin des Etats-Unis

Empire de la Mer malgré leur masse continentale, les Etats-Unis ont un avantage fondamental : loin du cœur du monde (Heartland), ils ne connaissent pas les affres de la guerre. Ils contrôlent les mers, l’espace et le cyberespace, le système financier mondial via le dollar. Ils peuvent envahir sans risquer de l’être. Depuis 1945, une langue invasive aidant, ils ont acquis la mainmise de l’espace médiatique et investissent le domaine « chrétien » par le biais des évangéliques, baptistes et autres chrétiens sionistes.

Toutefois cette puissance est en déclin, ce qui apparaît dans les chiffres, mais aussi dans le recours grandissant à la menace, aux sanctions, aux actions clandestines. S’y ajoutent le statut menacé du dollar, l’érosion de la crédibilité et la perte du magistère moral…. Au sein de l’Etat profond, on est tétanisé.

La Russie a vécu avec Poutine une vraie résurrection.

Depuis vingt ans, la Russie a vécu avec Poutine une vraie résurrection, effaçant l’humiliation subie à la chute de l’URSS et la décennie Eltsine. Elle doit ce retour au dossier qui lui a permis de s’imposer. Par son soutien à la Syrie, elle a contribué à stopper le rouleau compresseur des « révolutions arabes » pilotées par l’Occident et l’islamisme extrémiste. Même si les Occidentaux répugnent à l’admettre, Moscou est le pôle de référence.

La nouvelle puissance chinoise

La Chine est déjà numéro un de l’économie mondiale, devançant les Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat. Elle est en tête pour son palmarès commercial et industriel : après avoir été l’atelier du monde, elle en est devenue « l’usine », en attendant d’en être le banquier. Sa puissance militaire s’accroît rapidement, son budget de défense étant au deuxième rang derrière les Etats-Unis. L’essor de la marine est spectaculaire, visant à sécuriser son environnement (Mer de Chine) et asseoir sa capacité de projection (Méditerranée, voire Arctique).

S’y ajoute le défi sans précédent lancé à l’arrogante Amérique par un Iran sous sanctions, troisième pôle de cette Eurasie qui s’affirme militairement. En témoignent les premières manœuvres maritimes communes organisées en janvier 2020 entre les trois « menaces ». 

Le retour aux vieilles méthodes (coups d’Etat, ingérences, pressions, sanctions, menaces) témoigne de la colère de Washington. 

Les Arabo-musulmans ne sont pas seuls à chercher à Moscou et Pékin des contrepoids. Par le biais des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), l’Eurasie étend sa zone d’influence. Si l’Afrique du Sud est restée « un cas » sur le continent noir, l’Amérique Latine secoue le joug : le Brésil de Lula et Dilma Roussef avait entraîné dans son sillage le Venezuela chaviste, la Bolivie de Morales, l’Argentine de Mme Kirschner, rompant la singularité de Cuba. Le retour aux vieilles méthodes (coups d’Etat, ingérences, pressions, sanctions, menaces) témoigne de la colère de Washington face aux intrusions de Moscou.

Un « Amerixit » au sein du camp Atlantique ?

En Asie, on est sensible aux sirènes russes ou aux effluves des Routes de la Soie. L’Inde, membre des BRICS et de l’Organisation de Coopération de Shanghai, montre la voie : l’Indonésie, les deux Corées (la bonne qui aime l’Amérique et la méchante qui brave Trump, et dont Pékin est le protecteur), et d’autres, y compris la Thaïlande et ses voisins indochinois, sont alléchés. Le Japon lui-même desserrerait bien l’étreinte de son ex-vainqueur.

Sur le vieux continent, les « occidentalistes » font la loi. Ils se disent effarouchés par l’arrivée du soudard, mais ils ne s’indignent pas de ses turpitudes, lui reprochant son langage : ne réclame-t-il pas grossièrement le paiement de l’effort de défense. La dégradation est tangible. L’imputer à Trump ? Sa politique est au final celle de ses prédécesseurs.

Devenu réalité au 31 janvier 2020, le Brexit a traumatisé les chefs de l’UE, mais « l’évènement européen sans doute le plus important depuis la chute du Mur de Berlin » ne bouleversera pas l’équilibre. Voilà un grand Ex qui s’alignera encore davantage sur Washington, mais ni plus ni moins que ses anciens partenaires. Aucun n’est prêt à se démarquer d’un mauvais suzerain sur les dossiers qui fâchent, la Syrie, le bras de fer avec l’Iran (traité nucléaire, Soleimani), la « transaction du siècle », Erdogan, le terrorisme. La France encore moins que ses rivaux allemands, de plus en plus dominateurs.

Un Amerixit serait-il impensable au sein du camp atlantique?

Le Grand Moyen-Orient piégé 

Théorisé par les neocons israélo-étatsuniens, le Grand Moyen-Orient est au départ un ensemble d’Etats musulmans entre Levant et Asie Centrale, à amadouer ou à détruire. George W. Bush et ses acolytes avaient décrété qu’il fallait les « démocratiser », c’est-à-dire les rendre israélo-compatibles en les bombardant. La technique : exciter les oppositions contre les « régimes » en soutenant discrètement les islamistes, fussent-ils terroristes. On ne rappellera pas ici le bilan des « printemps arabes ».

Le clan des heureux élus s’est avéré extensible au gré des lubies et des lobbies : la frontière génétique imaginée par le colonisateur entre monde arabe et Afrique « noire » a été oubliée, le terrorisme et « l’Etat islamique » envahissant le Sahel (à partir de la Libye ou de zones sanctuarisées), avant de rayonner en direction du Sud. L’Amérique s’y implante à la place de la France. La Russie y fait des incursions (Mali, RCA), investissant par ailleurs les positions moyen-orientales de l’Empire (Arabie, Emirats Arabes Unis, Irak, Egypte…) et les appendices que sont la Turquie et Israël.

Nouvelles routes de la soie, voies nouvelles de puissance

Le « pivotement » de l’Amérique vers l’Asie ne signifie pas qu’elle se désintéresse du Moyen-Orient : dans sa translation, c’est la « ceinture verte musulmane » qu’elle côtoiera sur toute son extension.

Pour le Céleste Empire, pays d’adoption des Ouigours parfois irrédentistes et/ou djihadistes, les Routes de la Soie constituent une riposte au « projet » de Bush. A l’horizon 2049, centenaire de la Chine Populaire, Pékin aura tissé son paradigme multipolaire de nations souveraines/partenaires, reliées par un labyrinthe de ceintures et de routes interconnectées. La vision de Xi Jinping repose sur une étroite coordination entre Moscou et Pékin et implique une planification stratégique à long terme, Poutine dit « communication ». N’en déplaise aux occidentalistes, la « nouvelle ère », fondée sur un partage des rôles, n’est pas une chimère. Les investissements prévus sont gigantesques, par centaines de milliards.

Aux BRICS la tâche de réorganiser le monde.

Le projet russe de Grande Eurasie (Union économique eurasienne, Organisation de Coopération de Shanghai, Banque asiatique d’investissement) est comme un miroir des nouvelles Routes de la Soie. De l’Iran à la frontière mongole, le Grand Moyen-Orient vu de Moscou est une partie de « l’étranger proche » et pour la Russie, avec ses 20 millions de musulmans, il est urgent de recomposer l’Asie Centrale. Aux BRICS la tâche de réorganiser le monde.

Le « cœur » de l’Axe de la Résistance (Iran – Irak – Syrie – Liban) est stratégique. La simple idée d’un corridor offrant à la République Islamique un débouché sur la Méditerranée donne des sueurs froides à Israël et à l’Amérique. Intégré aux Routes de la Soie et à la grande Eurasie, il sera intouchable. Si la question des pipelines est centrale dans cette région flottant sur une nappe de gaz, la libre circulation des personnes et des marchandises ne l’est pas moins.

Guerres économiques invisibles

Comme le Venezuela où, selon le journaliste Jeffrey Sachs, «  au nom de la pression maximale, les sanctions américaines sont délibérément conçues pour détruire l’économie », l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban sont des cibles par excellence des guerres économiques invisibles. Celles-ci, enclenchées à la chaîne par les Etats-Unis, ont un effet terrifiant. Prenant la forme de sanctions, d’embargos, cachées par l’omerta, sans coup de feu, elles coûtent moins cher que des interventions militaires directes et permettent de contourner les vétos russo-chinois. Elles empêchent surtout toute vie normale.

Dans l’inventaire des dégâts, on notera la chute brutale de la croissance et la « contraction » des économies visées (de 14% en deux ans pour l’Iran), suite aux difficultés d’accès aux produits de base et matières premières. Autres conséquences : l’effondrement du niveau de vie et la glissade vers la grande pauvreté, la flambée des prix. Partout, les désastres socio-économiques (famine, malnutrition, surmortalité, misère) aggravent les crises sanitaires (ruptures concernant les médicaments et le matériel médical, infrastructures détruites).

Les sanctions financières affectent les banques, mais aussi la vie quotidienne. Dès 2011, les Etats-Unis et l’Europe ont mis en place un régime de sanctions particulièrement sévères contre le peuple syrien, « bloquant l’accès à de nombreuses ressources vitales »…« l’un des régimes de sanctions les plus vastes et compliqués jamais imposés ». La loi César « sur la protection des civils syriens » (sic) inscrite au budget 2020 impose, au nom des Droits de l’Homme, « des sanctions contre les secteurs liés à l’Etat et contre les gouvernements qui soutiennent la reconstruction et l’armée syrienne ». Le prétexte ? « Ouvrir un nouveau front contre l’influence de l’Iran en Syrie ».

La leçon de l’Irak ?

Thomas Nagy, de l’Université George Washington, citant la Defense Intelligence Agency (DIA),  évoque « un plan de génocide commis contre les Irakiens (…) permettant de liquider une part importante de la population irakienne ». Dennis Halliday, coordinateur démissionnaire de l’ONU, accuse en septembre 1998 « le système onusien aux ordres de Washington et de l’Occident depuis la chute de l’URSS, qui a « imposé des sanctions génocidaires contre les innocents ». C’est le prix à payer pour la « démocratisation », dira la sublime Albright….

Gavé par neuf années de « printemps », le monde arabe est en piètre condition : la plupart des Etats sont brisés, livrés au chaos et à la sédition. Certains comme la Libye, le Yémen, l’Irak, l’Afghanistan risquent de rester un moment sous le feu des bombardements, des destructions, au gré des ingérences, des terroristes, des luttes inextricables. Le « monde civilisé » regarde avec commisération ce spectacle qu’il a mis en scène.

D’autres Etats, passés entre les balles, se retrouvent sous le feu des forces « populaires » qui veulent « la chute du régime », « le retrait des militaires », la dévolution immédiate du pouvoir, sans concessions et d’ailleurs sans programme. Derrière le tumulte, s’agitent à nouveau ONG, forces du changement, sociétés civiles, le tout saupoudré d’égéries et de diplomates occidentaux. On devine la main de l’étranger, comme en 2011. Et lorsqu’une issue se dégage, elle donne souvent sur la Maison-Blanche et sur Tel-Aviv, on allait dire sur Jérusalem. La recette est partout de normaliser avec Israël (le Soudan), condition sine qua non pour plaire aux régimes du Golfe qui regardent maintenant l’Etat hébreu avec les yeux de Jared Kuschner.

Syrie, cœur battant du monde arabe

La Syrie, cœur battant du monde arabe, a pu tenir neuf années face à l’alliance entre l’Empire israélo-atlantique et les forces du takfirisme et du terrorisme. Elle a fait barrage à la vague des « révolutions », le payant au prix fort. Appartenant au camp des résistants et dotée de puissants alliés, elle est potentiellement victorieuse, un renversement de situation étant improbable. Mais elle doit faire face aux manigances néo-ottomanes d’Erdogan et aux crimes de ses terroristes déguisés en enfants de choeur, supporter les caprices des Kurdes tout en encaissant les insultes et inepties de Le Drian.

Entre Erdogan, Netanyahou, Ben Salman et Trump, l’échiquier du Moyen Orient est bien loti en rois, en fous et en pions

Désarticulé, le monde arabe est prié d’applaudir à la « transaction du siècle » qui liquide la cause sacrée du peuple palestinien pour une poignée de milliards de dollars, à payer par les Arabes. Rares sont les protestataires : la Syrie, dont la Palestine est une terre perdue, l’Iran droit dans son soutien, le Hezbollah, et la Turquie qui s’érige en défenseur de l’Islam face à la Saoudie.

Le terrorisme est toujours vivant, AlQaida en Syrie, ici et là Da’esh made in USA, et les innombrables groupes qui sévissent au Proche-Orient, en Libye, au Sahel, sous l’égide des Wahhabites (Arabie, Emirats) et/ou des Frères Musulmans (Turquie, Qatar).

Entre Erdogan, Netanyahou, Ben Salman et Trump, en 2020, l’échiquier du Moyen Orient est bien loti en rois, en fous et en pions.

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

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L’écologisme, un futur passéiste ?

Par : Grégoire

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin (ci-dessous) juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy, s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

 

Par Robert Charvin, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur émérite à l’Université de Nice – Sophia – Antipolis.

Régis Debray vient de signer un pamphlet stimulant Le Siècle Vert (Gallimard). Il applaudit le sursaut qui met en cause « l’imbécillité du tout économique, l’adoration nihiliste de l’argent et l’affairisme cynique des dernières décennies » qui détruisent tout, l’homme et la nature. Mais il met aussi en garde. Il alerte sur le danger que la bataille pour la justice sociale, pour une société sans classe soit écartée au profit d’une société sans carbone ni déchets à la dérive : « L’ennemi principal ne serait plus le patron mais la fumée d’usine » !

Une nouvelle manœuvre de diversion

La lucidité sur la destruction du « milieu » (et non de « l’environnement » qui nous classerait « à l’extérieur » de la nature) dont l’homme fait partie ne risque-t-elle pas en contrepartie de faire oublier la capacité du capitalisme à inventer sans cesse des diversions l’aidant à se pérenniser sans trop de dommages pour les privilégiés ?

Le capitalisme financier, hyper-concentré, de nature spéculative, de plus en plus éloigné de l’économie réelle productive et des exigences sociales est devenu une monstruosité planétaire. Fétichistes du capital, déstructurés, transnationalisés dans le cadre de leur seule vraie « patrie » (que sont devenues leurs firmes dévastatrices), propriétaires du travail des hommes, ses partisans balayent tous les obstacles.

Les besoins basiques des Hommes, l’air, l’eau, la terre sont privatisés au nom de leur profit – ces profits qu’ils osent prétendre redistribuer au bénéfice de tous par un « ruissellement » dont on ne trouve plus de trace depuis des décennies. Ils rejettent le droit (notamment dans les relations internationales) qu’ils ont pourtant, pour l’essentiel, fabriqué ; ils écrasent les peuples « inutiles » ou « dangereux » au nom du tout sécuritaire ; ils cultivent le mensonge médiatisé à haute dose par le relais de leurs politiciens pour faire croire que leur religion est la démocratie. Une démocratie qu’ils ignorent pourtant ouvertement dans leur sacro-sainte Entreprise.

L’argent, roi et dieu unique

Ces tricheurs de haute volée ont les moyens de faire de l’écologie et autre « bios » une arme pour fabriquer du consensus, de même qu’ils ont usé jusqu’à la corde la social-démocratie pour dissimuler leurs méfaits en qualifiant de vertu l’esprit de compromission (ils s’en servent encore dans les institutions de l’Union Européenne !). L’Eglise n’est plus là pour diaboliser les hérétiques, célébrer les vertus du Prince et consoler les pauvres « méritants ». L’incroyance est devenue la règle en Occident : en réalité, plus personne ne croit à rien, si ce n’est à l’argent, seule source de toutes les jouissances – ce qui est maigre.

Pour les capitalistes, l’environnement peut attendre, pas les coffres-forts.

L’écologie peut donc être un thème rassembleur alors que le social (les inégalités ne cessent de se creuser et la précarité de se généraliser) rallume la lutte des classes. Elle est une idéologie « digne », fondée scientifiquement. Les dominants n’ont qu’un seul reproche à lui faire : elle peut coûter cher, même si elle peut permettre aussi dans certains secteurs de faire de bonnes affaires. Pour le capitalisme, il s’agit donc de lui rendre hommage et de renvoyer à plus tard toute réalisation opératoire. Selon eux, l’environnement peut attendre, pas les coffres-forts.

Droit-de-l’hommisme et sécuritarisme

L’imaginaire capitaliste réussit en général fort bien dans sa fonction anesthésiante : avec les « droits de l’homme » instrumentalisés tous azimuts, il a fait oublier les massacres et les tortures subies par les peuples colonisés ; grâce au « sécuritarisme », il justifie l’autoritarisme et la répression en développant au nom de l’antiterrorisme une xénophobie bienvenue. On jette dans la Loire quelques jeunes profitant de la Fête de la Musique, on matraque des militants syndicaux et des Gilets Jaunes, comme on le faisait déjà en 1961 en tuant et jetant dans la Seine des Algériens manifestant contre un couvre-feu discriminatoire, sous l’autorité du vichyste antisémite Papon qui ne fait pas l’honneur de la Préfectorale ; et comme on a tué des communistes à Charonne quelques mois plus tard.

Mais le sécuritarisme a pour défaut de faire réagir l’opinion publique et il ne peut y avoir un attentat islamiste tous les mois pour le légitimer malgré les efforts persévérants des « grands » médias. Ce thème, comme les précédents, s’usant très vite, il convient d’en développer un autre plus séduisant, plus durable et qui fasse l’unanimité.

Il y a incompatibilité entre la logique capitaliste et l’écologie.

Voilà des décennies que les Nations Unies, les milieux scientifiques, des personnalités comme René Dumont, victime en son temps de toutes les ironies, et des militants de divers partis de gauche, alertent les gouvernants et l’opinion sur la destruction de la vie, de la nature et les perturbations du climat, sans rencontrer beaucoup d’intérêt. Mais voici que l’heure de l’écologie est arrivée enfin. Si le développement est loin d’être « durable », la manipulation et son instrumentalisation risquent d’être longues. Le grand patronat a pour seule devise : « après nous le Déluge ! ». Il sait qu’il pourrit la planète et la vie des hommes, comme ses lobbies qui achètent les complaisances de  divers élus. Il y a en effet incompatibilité entre la logique capitaliste et l’écologie. Après avoir réussi pendant des années à folkloriser les « écolos », à faire taire les scientifiques, les affairistes sont passés à une nouvelle étape : la récupération.

« Tout le monde devient écologiste ! Tout le monde est pour le bio ! Tout le monde est vert ! ». Certaines entreprises (qui ont intérêt à le faire) vont « verdir » leur production et faire paravent utile pour les autres. « On va tout changer », chantent en chœur le patronat et leurs commis politiques. Mais en prenant le temps pour éviter de mettre à mal leurs intérêts, pour que rien ne change vraiment, alors qu’il y a urgence ! Le social lui-même va paradoxalement servir de bouclier : pour justifier la lenteur de la mise en œuvre des bouleversements qui s’imposent afin de faire face aux effets des pesticides, du pétrole, du charbon, de l’automobile, etc., les milieux d’affaires invoquent les risques de chômage accru, par exemple. Une fois de plus, les plus pauvres sont utilisés pour servir les actionnaires, alors qu’ils sont « oubliés » « lorsque tout va bien ».

Culpabilisation généralisée

Les dominants culpabilisent les simples citoyens : « l’écologie est l’affaire de tous, disent-ils. Fermez le robinet en vous lavant les dents ! » ; la fermeture des puits de pétrole, des mines de charbon, l’arrêt du diesel, on verra plus tard. Dissoudre les responsabilités, les situer à égalité entre les grandes firmes polluantes et les simples citoyens, tel est l’objectif.

Une véritable solution doit être électorale : les Verts, associés aux Gauches radicales sont potentiellement en mesure de combattre avec succès les forces affairistes réunissant tous les tricheurs politiques.

Les Verts « modérés » pourraient faire l’affaire si l’union droite – extrême droite ne se réalise pas ! 

Il faut donc pour le pouvoir traiter avec prudence ces Verts et leurs électeurs, pour les orienter à droite ou les diviser. La situation autrichienne est parfaite : le gouvernement de Vienne associe les ultraconservateurs et les Verts ! Voilà le modèle à suivre. A défaut des alliances avec une Sociale Démocratie « fatiguée » et affaiblie (comme on le voit en Allemagne et en France), les Verts « modérés » et « responsables » pourraient faire l’affaire si l’union droite – extrême droite ne se réalise pas. Tout va être entrepris pour que les Verts deviennent une nouvelle fausse « gauche », au niveau européen et dans chaque Etat-membre.

Une position de type macronien « ni gauche, ni droite » conviendrait : les affairistes ont des postes à offrir, de l’argent à distribuer, des succès électoraux à favoriser. Pourquoi les Verts seraient-ils plus résistants à la séduction et aux compromissions que les socio-démocrates et les syndicalistes « réformistes » que l’on appelait autrefois les Jaunes !

Les ruptures nécessaires

La masse des citoyens, sincères et novices vis-à-vis de l’écologie, est-elle capable d’imposer aux dirigeants des partis verts et aux professionnels de la politique la ligne de combat anticapitaliste indispensable à la mise en œuvre des transformations écologiques qui s’imposent ? Dans la confusion idéologique d’aujourd’hui, les risques sont grands et Régis Debray a raison de s’inquiéter d’un « biologisme confusionniste » négligeant la maltraitance des hommes en privilégiant exclusivement la nature et les animaux.

L’urgence est une rupture globale avec le désordre établi, dévastateur au-delà de la grogne généralisée. Le Social, l’Ecologie et le Politique sont indissociables pour une authentique transformation de la société et du quotidien : que l’Homme prenne le contrôle de son travail, que le peuple devienne souverain, que la coopération internationale l’emporte sur la domination impériale. Le chemin est long et difficile, mais l’Histoire continue.

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

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Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

Par : pierre

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy (ci-dessous), s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

 

Par Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Ruptures

Le « Pacte vert » (« Green Deal » en sabir bruxellois) est désormais l’axe majeur des institutions européennes. Il a été présenté en décembre dernier par Bruxelles. Le 14 janvier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen en a précisé le financement, avant que ne soit lancé, au printemps, une « grande loi climatique », qui s’imposera aux Etats membres. Il est question de milliers de milliards d’euros. Ce vaste « plan de bataille écologique » va devenir, selon Mme Von der Leyen, la « marque de fabrique » de l’UE.

Bien sûr, il s’est trouvé de nombreuses voix pour estimer que tout cela n’allait pas assez loin. D’autres, ou les mêmes, ont accusé la Commission d’escroquerie, de « faire semblant » de se convertir à l’écologie en cédant à l’air du temps.

Le discours environnementaliste structure l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens

Il n’en est rien. Le discours environnementaliste structure en profondeur l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens. Il trouve ses racines il y a plusieurs décennies. Ainsi, un cénacle issu de l’OCDE (organisation des pays occidentaux les plus riches), connu sous le nom de Club de Rome, publiait en 1972 un rapport resté célèbre intitulé « Les limites de la croissance ».

Ce texte fut vivement soutenu par Sicco Mansholt, président de la Commission européenne en 1972-1973. M. Mansholt, généralement considéré comme un des « pères de l’Europe », plaidait déjà pour la décroissance.

Et si l’on a un doute sur le rôle moteur des dirigeants, politiques, financiers et oligarques, dans la promotion des thèses pro-climat et pro-environnement, il n’est pas interdit de remarquer que l’emblématique multimilliardaire américain Michaël Bloomberg était encore récemment le représentant de l’ONU pour le climat. Il vient d’être remplacé à ce poste par le Canadien Mark Carney, qui fut président de la Bank of England jusqu’à janvier 2020. L’homme s’était rendu célèbre par ses prévisions apocalyptiques en cas de Brexit. Il a désormais un nouveau job pour déployer ses talents de prophète des catastrophes annoncées mais fantaisistes.

Distinguer deux pans

Il convient de distinguer d’emblée deux pans de la réflexion en ce qui concerne le « réchauffement climatique » : d’une part, la recherche et la confrontation scientifiques ; d’autre part l’analyse et la compréhension des enjeux qui y sont liés : économiques, sociaux, politiques, géopolitiques, démocratiques, voire philosophiques.

Le premier débat, sur la réalité dudit dérèglement climatique et sur ses causes possibles, relève des scientifiques eux-mêmes. On ne l’abordera donc pas ici. Tout juste peut-on rappeler qu’il n’y a pas d’unanimité parmi les chercheurs qui établirait sans conteste l’existence du réchauffement d’origine anthropique – sauf à traiter tous les scientifiques dissidents de fantaisistes, d’ignorants ou d’imposteurs.

Un esprit rationnel devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante si martelée qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé

En revanche, tous les citoyens sont parfaitement légitimes à s’inscrire dans l’autre débat, celui qui tente de cerner les tenants et aboutissants des campagnes actuelles. Du reste, un esprit rationnel et critique devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante, serinée matin, midi et soir dans la presse écrite et audio-visuelle, au point qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé. Si l’on écoute bien certains militants écolos, on ne devrait plus être très loin de la mise en place du crime de « négationnisme climatique », voire des sanctions pénales afférentes.

Cinq dossiers, au moins, peuvent être évoqués qui mettent en lumière le lien intrinsèque entre les intérêts de l’oligarchie occidentale mondialisée, et l’idéologie pro-climat. On ne peut ici citer que les têtes de chapitre, chacun d’entre eux méritant à l’évidence de plus larges développements.

Premier dossier : le social

Le premier pourrait être ainsi résumé : la sobriété jugée nécessaire pour « sauver la planète » est en réalité le faux nez de l’austérité que les forces de l’argent entendent imposer aux peuples. Elle a ses relais, évidemment, dans nombres de succursales de la « gauche » et est parfois prônée sous le nom de « sobriété heureuse ». A tous ceux qui s’inquiètent de la manière de boucler leur fin de mois, on agite la menace de la fin du monde. La « surconsommation », y compris d’énergie, est pointée du doigt, sur le thème : plutôt mieux être qu’avoir plus.

On notera que cet état d’esprit n’est pas nouveau dans l’idéologie dominante. Le jadis médiatique journaliste François de Closets a bâti l’essentiel de sa carrière éditoriale en dénonçant le peuple qui voudrait « Toujours plus », titre de l’un de la vingtaine d’ouvrages parus depuis 1970 sur ce même thème.

L’antagonisme entre ceux qui angoissent sur la « fin du mois » et ceux qui alertent sur la « fin du monde » a fait irruption en novembre 2018 : le mouvement des Gilets jaunes est né du refus de la taxe qu’a tenté d’imposer le gouvernement sur les carburants, dans le but avoué de « modifier les comportements ».

Des centaines de milliers d’emplois directs sont menacés, au nom du verdissement de l’économie

Le pouvoir d’achat de millions de travailleurs n’est pas seul en ligne de mire. Des centaines de milliers d’emplois directs sont également menacés, au nom du verdissement de l’économie – censé créer d’autres postes de travail, mais plus tard. Une réalité qui se retrouve aux quatre coins de l’Union européenne. Ce n’est pas par hasard si la Commission prévoit un Fonds spécialement consacré à « accompagner » les futurs travailleurs privés de leur emploi et les futures régions sinistrées.

Et il n’est sans doute pas anodin de remarquer que les catégories les plus menacées sont les plus emblématiques de la force et de l’histoire ouvrières : mineurs (en France, on avait trouvé d’autres prétextes pour liquider précédemment cette activité), sidérurgistes, ouvriers des industries chimique et de l’automobile… Un peu comme si dans l’inconscient des dominants, il s’agissait de se débarrasser des usines trop « carbonées »… et dans le même temps des classes dangereuses, surtout là où elles ont sont concentrées et combatives.

Deuxième dossier : la géopolitique

Le deuxième domaine est d’une autre nature. Il tient à une maladresse du Tout-puissant : celui-ci a eu le mauvais goût de répartir les hydrocarbures en en confiant une large part aux Etats non alignés sur l’Occident… Ainsi, la Russie, l’Iran, le Venezuela, pour ne citer que ces trois exemples, sont les pays où sont concentrées les plus grandes réserves pétrolières et/ou gazières.

On peut donc imaginer que dans les sphères dominantes, on ne serait pas forcément mécontent que ces Etats soient petit à petit privés des ressources que leur procurent les exportations d’énergie carbonée. En diabolisant cette dernière, on affaiblit ainsi les positions et les moyens financiers des adversaires ou ennemis désignés.

Troisième dossier : la gouvernance mondiale

Le troisième dossier est à forte connotation idéologique. On nous le répète encore et encore : la catastrophe climatique ne peut être combattue qu’à l’échelle mondiale. Un mantra providentiel pour tous ceux qui militent, depuis des décennies, pour une gouvernance mondialisée (rêve ultime des puissants) et ses déclinaisons en grands blocs régionaux, tels que l’UE.

Bref, cela tombe à pic : pour résoudre les grands problèmes de notre temps, l’échelle des Etats nations serait dépassée. Du coup, la thèse a toutes les apparences de l’évidence : le réchauffement n’a pas de frontières, il faut donc oublier les vieilles lunes de la souveraineté nationale.

Quatrième dossier : la démocratie

La quatrième dimension des impératifs climatiques imposés concerne un enjeu qui n’est pas tout à fait anodin : la démocratie. Car les exemples le montrent : les classes populaires, les peuples, semblent ne pas accepter de se soumettre à la doxa environnementaliste, en tout cas pas assez vite pour éviter les catastrophes annoncées.

Pire, ils seraient prêts à punir électoralement les gouvernements trop zélés en matière de lutte contre le CO2. Et comme ceux-ci auraient la faiblesse de craindre les réactions de leurs électeurs, les mesures nécessaires – résumées dans la formule : « il faut changer radicalement notre mode de vie » – sont éternellement retardées…

La conclusion s’impose : la démocratie est devenue un obstacle à la survie de la planète. Certains l’affirment ouvertement. D’autres, qui ne peuvent être aussi brutaux, s’interrogent gravement. Car si notre survie collective est réellement menacée, la démocratie doit passer après. C’est imparable – et c’est surtout, miraculeusement, une aubaine pour les puissants du monde, qui font de moins en moins bon ménage avec la souveraineté populaire (la Commission Trilatérale avait déjà pointé les « problèmes » de la démocratie dès les années 1970 – l’époque du Club de Rome).

Dernier dossier : la remise en cause du progrès

Enfin, le cinquième enjeu est probablement le plus fondamental, et a trait au progrès. Il ne peut échapper à personne que l’« air du temps » est à la remise en cause fondamentale de ce dernier. Le progrès sous toutes ses dimensions – sociale (pouvoir d’achat, protection sociale, services publics…), économique (croissance), culturelle, scientifique, technologique… – serait, au choix, suspect, coupable, risqué, ou arrogant.

Ici et là, on s’interroge gravement : ne serait-on pas allé trop loin ? Le dogme dominant pourrait ainsi s’énoncer : « veuillez laisser la planète dans l’état où vous l’avez trouvée ». Et pour donner une dimension émotionnelle supplémentaire à l’affaire, on convoque « nos enfants », « nos petits enfants » auprès de qui nous portons une lourde responsabilité. Exactement le même argument que pour la dette…

La palette est vaste, des collapsologues prônant ouvertement le retour à la charrue (quand ce n’est pas le suicide préventif de l’humanité, seule méthode pour laisser survivre la planète) jusqu’aux plus prudents qui se contentent de mettre en cause chaque nouveau projet d’infrastructure (ferroviaire, routière, aéroportuaire, hydraulique – il y a toujours un castor de la pampa qu’il faut sauver). Avons-nous vraiment besoin de tout cela ? murmure-t-on de différents bords.

Certes, la querelle entre partisans d’une vision prométhéenne de l’humanité et les tenants d’un antique âge d’or (qui n’a jamais existé) n’est pas nouvelle. Mais l’incapacité progressive du système actuel dominant à créer de la richesse (autre que pour les seuls actionnaires) a pour conséquence que ce système secrète des idéologies régressives, telle la décroissance, qui n’est que l’habillage bio de la récession.

La conception du rapport entre l’homme et la nature est le terrain privilégié de cette évolution littéralement réactionnaire. Il faudrait « préserver », « défendre », « respecter » la nature. Pire : l’idéologie dominante a désormais mis une équivalence entre « naturel » et « bon » (l’abondance nauséeuse de la publicité en ce sens l’illustre). Faut-il rappeler que ce culte du « naturel » n’a pas toujours été célébré ?

Mesure-t-on l’absurdité d’une telle injonction ? La nature regorge de produits toxiques, alors que les produits les plus artificiels (médicaments, chimie) représentent un atout irremplaçable pour le bien-être collectif et individuel. Même si, évidemment, on doit s’opposer aux pollutions issues de la recherche effrénée de profit – et non du progrès en tant que tel.

Ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ?

Plus généralement, ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ? Des premiers humains qui construisent un toit protecteur pour se mettre à l’abri des caprices de la nature, à l’époque actuelle où l’on envoie une sonde tutoyer le soleil, l’Homme a toujours cherché à se libérer des contraintes pour rendre possible ce qui était impossible.

L’humanité n’a-t-elle pas précisément pour caractéristique d’agir contre-nature ?

N’est-ce pas du reste ce qui pourrait définir l’humanité ? Cette dernière n’a-t-elle pas pour caractéristique d’agir contre-nature ? A commencer par cette lutte millénaire pour remettre en cause une des principales caractéristiques de la nature : la loi de la jungle.

Il y a donc d’un côté ceux qui respectent la nature, en particulier l’une de ses constantes (même si pas exclusive) : les plus forts dominent les plus faibles, les prédateurs se nourrissent des proies. Et de l’autre ceux qui ont à cœur le combat pour l’égalité – combat qui court, si l’on ose ce raccourci, du soulèvement des esclaves avec Spartacus aux salariés actuels en lutte pour les retraites.

En prétendant « sauver la planète » des menaces que l’activité humaine, sous forme de CO2, ferait planer sur elle, les institutions européennes ont choisi leur camp. On est en droit de choisir celui d’en face, qui se propose de ne pas limiter le champ des possibles à l’existant. Ou, à tout le moins, d’accepter le débat sans invective et sans délire apocalyptique.

 

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Quand les discours écolos se déchaînent

Par : Grégoire

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren (ci-dessous) évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy, s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

Par Pierre Vermeren, professeur à Paris 1 en Histoire des sociétés arabo-berbères contemporaines.

Nul ne doute plus de la réalité du réchauffement climatique, éprouvée à nouveau au jour le jour en ce si doux hiver. Nul ne doute des conditions prédatrices de notre économie sur l’environnement, ni des conséquences tragiques de notre modèle de développement sur des phénomènes aussi différents que la destruction de la faune (la moitié des animaux sauvages auraient disparu de la terre en 40 ans), ou l’accumulation invraisemblable de résidus plastiques dans les mers, qui constitueraient une sorte d’immense île flottante au milieu de l’océan pacifique.

La prise de conscience de ces phénomènes étant établie, notamment dans certains milieux de la jeunesse à ce qu’on dit -quoique le mode de consommation des jeunes semble peu affecté-, notre classe politique s’est emparée de ce lourd sujet. Après une première phase, que l’on peut dater des années 2000, qui relevait d’une approche assez artificielle de l’écologie, la prise de conscience est bel et bien brandie : depuis que plane la menace de victoires électorales de candidats se réclamant de l’écologie politique, les choses sont en effet sérieuses !

Une foire à la démagogie inonde les discours, essentiellement à destination des citadins et des habitants des métropoles.

Cette apparente bonne volonté semble partagée par tous les partis politiques, façonnant en partie la campagne électorale des municipales de mars. Une foire à la démagogie inonde les discours, essentiellement à destination des citadins et des habitants des métropoles, les plus éloignés de la nature et des véritables méfaits écologiques.

Avec eux, nul besoin de s’intéresser aux problème structurels cruciaux des transports de longue distance, des parcs éoliens destructeurs d’espaces ou des dégâts de l’agro-business, mais seulement de la végétalisation des espaces urbains, des niches écologiques urbaines et des « mobilités douces ». Tout cela est epsilonesque à l’échelle planétaire, mais peut conduire un candidat de centre gauche ou de centre droit dans le fauteuil du maire.

Travaux absurdes

Dans certaines grandes métropoles, comme à Paris ou Bordeaux, l’imminence des élections a dopé les travaux publics, livrant les agglomérations à une véritable débauche de chantiers. D’énormes machines hyper-polluantes carburant au diesel lourd parcourent rues et boulevards en tous sens pendant des mois pour refaire les réseaux, daller une rue, faire une piste cyclable ou planter quelques arbres. Heureusement qu’aucune étude ne sera jamais faite sur le bilan carbone calamiteux de telles équipées.

Nul doute qu’au lendemain des élections, la bétonisation immobilière des espaces urbains et de leurs périphéries anciennement rurales va reprendre de plus belle.

Redoutant l’adage « un maire bâtisseur est un maire battu », les élus locaux, en fin de mandat, ont lancé leurs forces vives dans la voirie. Nul doute qu’au lendemain des élections, la bétonisation immobilière des espaces urbains et de leurs périphéries anciennement rurales va reprendre de plus belle. Il faut en effet occuper un million et demi de travailleurs dont la productivité a progressé à la mesure du gigantisme de leurs machines et de la sacro-sainte bétonisation inventée par Le Corbusier.

Déménagements inutiles

La saillie des candidats LREM à la mairie de Paris, évoquant le transfert en banlieue de gares parisiennes, est un rêve que les bétonneurs ne s’autorisaient même plus. Sous les précédentes présidences, ils avaient vécu le transfert en banlieue ou en périphérie parisienne de la Sorbonne-sciences humaines, de l’EHESS, des Archives nationales et de celles du Quai d’Orsay, du Palais de justice, du Ministère de la défense, du Quai des orfèvres, autant d’institutions rebâties à coûts de milliards d’euros à quelques kilomètres de distance.

Mais le coup des gares est encore plus fort, car il y en aurait une demi-douzaine à raser ! La tentative de déplacer les aéroports ayant échoué à Notre-Dame des Landes, il fallait en effet songer à la suite des opérations. C’est alors qu’intervient la touche écologique, un grand parc arboré étant appelé à succéder au démontage de centaines d’hectares de voies ferrées et de bâtiments, et à leur reconstruction quelques kilomètres plus loin.

La menace Amazon

Ces polémiques et ces propositions mettent en valeur notre incapacité à concevoir un programme de reconstruction de notre modèle de développement fondé sur le respect de l’environnement et la préservation des ressources. De même que tout continue à l’identique, que les légumes bios de la grande distribution sont emballés dans du plastique, que la restauration rapide et le portage à domicile (plébiscité par les « jeunes ») multiplient par 2 ou par 3 les emballages de l’alimentaire (sans parler de l’exploitation des hommes), et que le portage à domicile type Amazon aggrave deux fois la destruction de la nature -par la construction de plateformes logistiques géantes et l’activation de millions de transporteurs-, notre mode de vie n’est pas compatible avec une consommation soutenable.

Faute de changements réels, il nous faudra bien acter une fois pour toute que nous nous payons de mots, que nous sommes collectivement des affabulateurs qui font semblant de s’intéresser à la nature pour des raisons politiciennes ou de mode, et qu’au demeurant, puisque nous n’émettons pas plus d’1% des gaz à effet de serre, qu’il revient aux Chinois, aux Américains et aux Allemands de faire des efforts, ou bien nous agissons sérieusement.

Des centrales nucléaires pour les films de chats

Dans ces conditions, plutôt que de couvrir nos vieux bâtiments de végétaux et de parements hideux, allons droit au but. Cessons de prendre l’avion pour rien, supprimons les low-cost qui sont un scandale achevé, et faisons payer aux voyageurs le prix global de leur trajet. Limitons l’accès quotidien gratuit à Internet et aux réseaux sociaux, puisque plusieurs centrales nucléaires sont consacrées aux seules consommations au quotidien de films de chats et de pornographie, et bien plus encore pour le cloud.

Cessons d’étendre les agglomérations qui ont déjà absorbé en 40 ans l’équivalent en France de quatre départements.

Cessons d’utiliser des emballages plastiques pour un oui et pour un non, et rendons le possible et compréhensible à nos concitoyens. Arrêtons d’importer du maïs, du soja et des farines de poissons pour nourrir notre bétail, et rendons aux animaux l’accès aux pâturages qu’ils fertiliseront eux-mêmes. Cessons d’étendre les agglomérations qui ont déjà absorbé en 40 ans l’équivalent en France de quatre départements, soit 210 fois la surface de Paris consommée en cités pavillonnaires et zones d’entrepôts macadamisées. Enfin, cessons de détruire la SNCF et reconstruisons un fret ferroviaire obligatoire pour traverser la France en camion, comme cela se fait en Autriche et en Suisse. Toute autre approche ne serait elle pas pure vaticination ?

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Das von Amélie de Montchalin befürchtete fabelhafte Schicksal

Par : pierre

Die Verhandlungen zwischen London und Brüssel beginnen: Das Vereinigte Königreich ist weit davon entfernt isoliert zu sein und kann sich nun wieder ungehindert der Welt öffnen.

Seit Samstag, dem 1. Februar, hat das Vereinigte Königreich die Europäische Union legal verlassen (ohne dass bisher ein Tsunami über die britischen Inseln hinweggefegt ist). Aber es gibt noch eine entscheidende Etappe: das Aushandeln eines Abkommens, das die künftigen Beziehungen zwischen London und Brüssel regelt. In erster Linie betrifft es den Handel, aber auch die Sicherheit, die Verteidigung,die Energie, den Verkehr sowie die heikle Frage der Fischerei.

Diese Verhandlungen werden während der laufenden « Übergangsperiode » stattfinden, die am 31. Dezember endet. Zum großen Missfallen der EU-27 hat der britische Premierminister eine Verlängerung der Übergangszeit ausgeschlossen.

Am Montag, dem 3. Februar, haben die beiden Parteien daher wie geplant ihre Ausgangspositionen aus der Ferne präsentiert. Auf der Brüsseler Seite ist dies das « Verhandlungsmandat », das die EU-27 Herrn Barnier erteilen wird und das sie am 25. Februar nächsten Jahres formell bestätigen wird.

In London herrscht eine Stimmung des mitreißenden Optimismus

In London hat Herr Johnson eine große parlamentarische Mehrheit zur Hand.

Auf beiden Seiten des Ärmelkanals, fällt die unterschiedliche Denkweise auf. Einerseits hat sich der englische Premierminister entschieden, in die Zukunft zu blicken und von einem « neuen Aufbruch » für sein Land zu sprechen. Es ist sicherlich ein Quantum public relations dabei, aber die Stimmung ist eindeutig von mitreißendem Optimismus geprägt.

Auf der Brüsseler Seite besteht der Ton aus einer Mischung aus Warnung und Rückzug

Auf Seiten Brüssels besteht hingegen der Ton aus Warnungen und Drohungen für die Briten und man ruft etwas beunruhigt zum Schulterschluss innerhalb der EU auf.

Zugegebenermaßen schlug Michel Barnier in London ein « sehr ehrgeiziges Abkommen » an der Handelsfront vor: keine Zölle, keine Kontingente (d.h. keine Beschränkung der Importe von jenseits des gesamten Ärmelkanals). Aber mit einer großen Bedingung: dass sich das Vereinigte Königreich vertraglich verpflichtet, sich an alle geltenden EU-Regeln anzupassen und sich dem Schiedsgericht des EU-Gerichtshofs zu unterwerfen. Paris wünscht sich sogar eine « dynamische » Anpassung, d.h. dass die Briten alle zukünftigen EU-Regeln im Voraus akzeptieren.

Nach Ansicht der EU-27 solle verhindert werden, dass die Briten ihre Produkte und Dienstleistungen auf dem Kontinent zu Dumpingpreisen verhökern, indem sie soziales (d.h. durch Kürzung der sozialen Rechte, um billiger verkaufen zu können), ökologisches (durch Lockerung der Beschränkungen, wiederum um die Kosten zu senken) oder fiskalisches (durch Senkung der Steuern, um Kapital anzuziehen – ein Sport, der bereits innerhalb der EU selbst existiert, z.B. aus dem benachbarten Irland) « Dumping » betreiben.

Aber das Glück war bei der Demonstration nicht auf ihrer Seite: Die EU hat ein Freihandelsabkommen mit… Singapur ratifiziert

Kurzum, nach der in Brüssel populären Redewendung sollte um jeden Preis vermieden werden, dass unsere Nachbarn jenseits des Ärmelkanals ihr Land in ein « Singapur an der Themse » verwandeln, um auf ein hyperreguliertes Modell zu verweisen, das mit einem Freihandelsabkommen unvereinbar sei. Es gibt jedoch keine Chance für einen Beweis: Vor einem Jahr hat die EU ein Freihandelsabkommen mit… Singapur ratifiziert.

Boris Johnson schloss auf seine Weise, offen gesagt, von vornherein aus, sich einem solchen Diktat zu unterwerfen. Wir werden die britischen Regeln anwenden, ohne sie abzuschwächen, hämmerte Johnson, aber es ist nicht notwendig, einen Vertrag zu unterzeichnen, um dies zu tun.

« Werden wir Zölle auf italienische Autos oder deutschen Wein erheben mit der Begründung, dass die EU sich nicht an unsere britischen Vorschriften anpasst? Natürlich nicht! « 

Und außerdem, warum sollten die Anforderungen einseitig sein, fügte Herr Johnson klugerweise hinzu, warum sollte es nicht den Europäern obliegen, die britischen Regeln zu befolgen: « Werden wir Zölle auf italienische Autos oder deutschen Wein erheben (die Beispiele sind scherzhaft gewählt…) unter dem Vorwand, dass die EU sich nicht an unsere britischen Regeln für Plastik-Kaffeerührer oder für den Mutterschaftsurlaub angleicht? Natürlich nicht! « .

Die künftigen Verhandlungsführer unterscheiden verschiedene mögliche Szenarien: ein Abkommen « norwegischer Art », « schweizerischer », « kanadischer » oder sogar « australischer Art ». Im ersten Fall würde sich Großbritannien, wie derzeit Norwegen, zur Übernahme aller EU-Regeln verpflichten – dieses Szenario wird daher von London ausgeschlossen. Die « schweizerische » Konfiguration beinhaltet sektorale Regeln und Vereinbarungen – was Brüssel nicht gefällt. Das von London bevorzugte Szenario nach kanadischer Art bezieht sich auf den zwischen der EU und Ottawa (CETA) unterzeichneten Freihandelsvertrag, der die Zölle auf 98% der Produkte abschafft – ohne jedoch eine Angleichung der Vorschriften zu verlangen.

Was das « australische » Szenario betrifft, so wurde es von Herrn Johnson bewusst als « australisch » bezeichnet: Dieses Land handelt in der Tat allein nach den WTO-Regeln – was die Situation wäre, wenn es zu keiner Einigung käme. Aber der Hinweis auf Australien als Commonwealth-Land klingt in britischen Ohren nicht negativ.

« Wir übernehmen wieder die Kontrolle über unsere Gesetze, das ist sicher nicht um uns an die Regeln der Europäischen Union anzupassen »

Auf jeden Fall warnte der Außenminister von Anfang an: « Wir übernehmen wieder die Kontrolle über unsere Gesetze, das ist sicher nicht um uns an die Regeln der Europäischen Union anzupassen« . Eine Ohrfeige für all jene, die insbesondere in Frankreich auf ein bereits in Brino umbenanntes Brexit setzten (« Brexit in name only », ein Brexit nur als Fassade).

In der Zwischenzeit unternahm Dominic Raab eine Tournee durch Australien, Japan, Malaysia… und Singapur. Denn Großbritannien hat endlich das Recht wiedererlangt, Handelsabkommen im eigenen Namen zu unterzeichnen, was zu Zeiten der EU-Mitgliedschaft verboten war.

Die Bitterkeit war in diesen Tagen in den Korridoren von Brüssel spürbar, wo alle die britische Wahl der « Isolation » bedauerten. Michel Barnier wagte sogar zu sagen: « Ich bedauere, dass das Vereinigte Königreich sich dafür entschieden hat, eher Einzelkämpfer als solidarisch zu sein« .

Mit dem Austritt aus der EU hat sich das Land von dem Filter befreit, der seine Beziehungen zur Welt behindert hat, und kann sich ihr wieder ungehindert öffnen

Die Realität ist, dass das Land durch den Austritt aus der EU den Filter, der seine Beziehungen zur Welt (etwas) behindert hat, losgeworden ist und sich ihr wieder ungehindert öffnen kann, indem es « Freundschaft zwischen allen Nationen » pflegt, wie es in der neuen 50-Pence-Münze zur Feier des Brexit verkündet wird.

In der kommenden Zeit könnten wir daher die – noch nie dagewesene – Erfahrung machen, dass ein Land seine Souveränität wiedererlangt, die durch die EU eingeschränkt wurde: seine Freiheit, seine Gesetze zu machen und über seine Steuern zu entscheiden, aber auch an allen Fronten zu kooperieren. Und dies, ohne noch mehr unter dem makronischen Unsinn über ein mächtiges Europa mit eigener « Souveränität » leiden zu müssen. Ist das Vereinigte Königreich isoliert? Was für eine Dummheit!

Laut Amélie de Montchalin « wird der Brexit die Phantasien derjenigen beflügeln, die hier und da ihr Land aus Europa herausführen wollen »

Dies könnte anderen Ländern Anregungen geben, wovor die französische Staatssekretärin für europäische Angelegenheiten eindeutig Angst hat. In einem Interview in Le Monde (04/02/20) verrät Amélie de Montchalin ihre Besorgnis: « Der Brexit wird die Phantasien derjenigen beflügeln, die hier und da ihr Land aus Europa herausführen wollen« .

Ja, Amélie: « hier oder dort », ja, manche träumen vielleicht von einem fabelhaften Schicksal (1)…

(1) Anspielung an den berühmten französischen Film „Le fabuleux destin d’Amélie Poulain“

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Elections en Irlande : le parti nationaliste Sinn Fein triomphe grâce à son programme social

Par : pierre

Lors du scrutin irlandais du 8 février, le Sinn Fein a créé la surprise en détrônant les deux formations traditionnelles. Les électeurs ont exprimé leurs attentes sur le plan social et leur volonté de changement.

Pari vraiment raté pour le premier ministre irlandais sortant, Leo Varadkar. Mi-janvier, il déclenchait des élections surprises en comptant sur une campagne éclair de trois semaines pour remporter le scrutin fixé au 8 février.

Il misait sur son accord bilatéral négocié le 10 octobre dernier avec Boris Johnson en vue de débloquer le Brexit sans recréer de frontière « dure » avec l’Irlande du Nord, et sur l’aura qu’il en attendait. Il avait donc exhorté ses compatriotes à le reconduire avec un « mandat fort » pour la négociation qui va s’engager entre Londres et Bruxelles sur la future relation commerciale, pour laquelle l’Irlande se trouve en première ligne.

En accordant à son parti, le Fine Gael (FG, étiqueté centre-droit), seulement 20,9% des suffrages, soit une chute de 4,9 points par rapport à 2016, les électeurs ont douché ses espoirs, et manifesté qu’ils avaient d’autres priorités en tête (la participation s’est élevée à 62,9%, soit une baisse de 2,3 points). Déjà pendant la campagne, ces priorités étaient apparues au grand jour : la crise aiguë du logement, avec des loyers astronomiques dans la capitale, Dublin ; les services de santé sous haute pression ; les transports plus inadaptés que jamais.

M. Varadkar s’était prévalu d’une croissance enviable (près de 5%), mais de nombreux citoyens lui ont rappelé que celle-ci ne s’était pas traduite dans leur porte-monnaie, bien au contraire. Le parti Sinn Fein (SF), progressiste et historiquement militant de la réunification de toute l’Irlande – ce qui lui vaut le qualificatif de « nationaliste de gauche » – a précisément mené sa campagne en proposant un gel des loyers, la construction de 100 000 HLM, des moyens supplémentaires pour les hôpitaux publics, ainsi que la taxation des entreprises.

Les enseignants, de même que les assistantes maternelles ont fait grève en janvier

Et cela dans un climat revendicatif inhabituel : les enseignants, de même que les assistantes maternelles ont fait grève en janvier. Certes, le pays s’est sorti la crise terrifiante de 2008-2010 qui s’était soldée par un plan de super-austérité imposé par l’UE sous couvert de renflouement des finances publiques étranglées par la dette. Mais la population laborieuse n’a nullement profité de la reprise.

Le Sinn Fein a donc « cartonné » : avec 24,5% des voix, soit +10,7 points, il devient le premier parti en nombre de suffrages préférentiels (le mode de scrutin autorise les panachages). De nombreux observateurs ont même parlé de séisme politique, puisque le SF brise la domination historique des deux grands partis qui se partageaient la scène politique : le FG, ainsi que son traditionnel rival, le Fianna Fail (FF), également étiqueté centre-droit. Le FF ne participait pas au gouvernement sortant, mais soutenait celui-ci dans la période pré-Brexit. Avec 22,2%, il s’effrite de 2,2 points sur son score de 2016.

A 4,4% (-2,2 points), le Parti travailliste poursuit sa descente aux enfers entamée lors de sa participation gouvernementale de 2011, où il avait soutenu les plans de régression sociale mis en œuvre par le Fine Gaël. Avec 7,1%, les Verts progressent de 4,4 points sur 2016, mais chutent de 4,3 points par rapport aux Européennes de mai 2019.

Sinn Fein « dédiabolisé »

Toute l’attention se porte donc désormais sur le Sinn Fein, par ailleurs seul parti présent à la fois en Irlande, et en Irlande du Nord qui fait partie du Royaume-Uni. Il s’est manifestement « dédiabolisé » avec Mary Lou McDonald, la dirigeante qui a remplacé, en 2018, le leader historique Gerry Adams, longtemps accusé – comme le parti lui-même – d’être lié à l’IRA, et donc d’être responsable du « terrorisme » face à l’armée britannique chargée de « maintenir l’ordre » en Irlande du Nord à partir du milieu des années 1960. Ce fut une période douloureuse qui a compté des milliers de victimes, et qui s’est conclue par les accords de paix signés en 1998.

L’IRA a été dissoute, et les nationalistes souhaitent désormais obtenir la réunification de l’île par des voies pacifiques. Un objectif que partage certainement une très large majorité de citoyens de la République, mais qui ne fait manifestement pas partie de leurs priorités. Longtemps « eurosceptique », le Sinn Fein a évolué en faveur de l’Union européenne, une position qu’il a en particulier défendue lors du référendum britannique de juin 2016, lorsqu’il avait appelé les Nord-Irlandais à voter contre le Brexit (ce que firent 55,8% d’entre eux). Cependant, lors des élections européennes de mai 2019, le SF n’avait guère mobilisé sur ses positions pro-UE, puisqu’il n’avait obtenu que 11,7% des voix. A noter qu’à la différence de M. Adams, qui avait grandi dans un quartier populaire, Mme McDonald a fréquenté une école privée cossue, avant de faire des études supérieures de gestion des ressources humaines et… d’intégration européenne.

Surpris par son propre succès

Le Sinn Fein semble s’être fait surprendre par son propre succès : il n’a présenté que 42 candidats. 37 d’entre eux ont été élus sur les 160 sièges que compte la Chambre basse (le Dail). Le Fine Gael et le Fianna Fail en obtiennent respectivement 35 et 38. Aucune des désormais trois grandes forces politiques ne pourra donc gouverner seule.

Idéologiquement, rien n’empêcherait FG et FF de renouveler une alliance, fût-elle tacite, mais c’est précisément pour éviter cette configuration que M. Varadkar avait déclenché les élections. Surtout, une « grande coalition » FG-FF irait contre le vote des citoyens, qui ont voté Sinn Fein dans l’espoir d’un véritable changement.

Mais pendant la campagne, les deux grands partis sortants avaient exclu de gouverner avec le Sinn Fein, jugé trop sulfureux. Pour sa part, Mme McDonald a annoncé qu’elle voulait former un « gouvernement pour le peuple » (peut-être un écho au « gouvernement du peuple » revendiqué par Boris Johnson), et qu’elle cherchait en priorité le soutien de petits partis (sociaux-démocrates, Verts…) – une tâche qui paraît cependant complexe. Elle a par ailleurs prédit que ses deux rivaux ne pourraient pas éternellement tenir le Sinn Fein à l’écart. De fait, le leader du Fianna Fail, l’ancien ministre Micheal Martin, a semblé faire preuve d’ouverture après l’annonce des résultats.

Amusant paradoxe : des médias favorables à l’intégration européenne se félicitent du succès d’une force ouvertement nationaliste

La presse étrangère – française notamment, mais aussi à Bruxelles – exprimait, au lendemain du scrutin, sa tristesse quant à l’échec de M. Varadkar, qui devint premier ministre en 2017, à 38 ans, et incarnait pour ses pairs européens un modèle de « diversité » : métis d’origine indienne, et homosexuel déclaré. Mais ces médias croient déceler une nouvelle perspective, celle d’une réunification irlandaise au détriment du Royaume-Uni. Un tel horizon est à ce stade irréaliste, mais de nombreux commentateurs rêvent, sans doute par revanche, des déboires auxquels devrait alors faire face le gouvernement anglais. « La première réplique du Brexit » titrait ainsi Le Monde.

Ce qui explique cet amusant paradoxe : des médias favorables à l’intégration européenne se félicitent du succès d’une force ouvertement nationaliste. Dans la vraie vie, les électeurs espèrent en réalité des réponses rapides à leurs attentes sociales.

Quoiqu’il en soit, dans cette nouvelle configuration tripartite, la formation du futur gouvernement pourrait se faire attendre quelques semaines, voire quelques mois.

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Der Brexit und der Verrat des Thatcherismus…

Par : pierre

Historisch. Ausnahmsweise wird der Begriff diesmal nicht übertrieben. Am Abend des 31. Januar wird das Vereinigte Königreich die Europäische Union juristisch verlassen haben. Mit dem Fall der Berliner Mauer – jedoch in umgekehrter Richtung – ist dies wahrscheinlich das wichtigste europäische Ereignis seit dem Ende des Zweiten Weltkriegs. Schon seit dem Referendum und trotz einer unglaublichen Reihe von Fallstricken gab es eigentlich keinen Zweifel an seiner Verwirklichung.

Die Frustration erfasste all jene, die bis zum Ende die Illusion hatten, den Prozess durch parlamentarischen Guerillakrieg und Druck aus Brüssel noch zum Scheitern bringen zu können. Wenige Tage vor den entscheidenden Wahlen am 12. Dezember, die in eine Volksabstimmung zugunsten des Brexit mündeten, behaupteten einige EU-Anhänger noch immer, dass dank der jüngsten massiven Eintragung junger Menschen in die Wählerlisten die Wahl vom 23. Juni 2016 widerrufen werden könnte.

Ein grausames Paradoxon für die Anhänger Europas: Der Zermürbungskrieg, den die EU-freundlichen Abgeordneten in Westminster führten, blockierte das im November 2018 zwischen Brüssel und Theresa May unterzeichnete Abkommen, obwohl letztere in diesem Text angenommen hatte, Zugeständnis auf Zugeständnis machen zu können. Hingegen erkämpfte erfolgreich ihr Nachfolger – mit der Behauptung, dass Großbritannien « egal was, mit oder ohne Abkommen » herauskommen würde – für einen viel schärferen Vertrag, der in Wirklichkeit einen « härteren » Brexit darstellt. Darüber hinaus schloss Johnson die Möglichkeit aus, dass die Verhandlungen zur Festlegung des Rahmens für die künftigen bilateralen Beziehungen zu einer automatischen « Anpassung » an die Regeln der Siebenundzwanzig führen werden.

Natürlich bedeutet der Austritt aus der EU keineswegs, dass eine fortschrittliche Politik automatisch zustande kommt. Aber das austretende Land erlangt die Freiheit wieder, sich dafür zu entscheiden

Natürlich bedeutet der Austritt aus der Europäischen Union keineswegs, dass eine fortschrittliche Politik automatisch zustande kommt. Aber – und das ist natürlich das Wichtigste – das austretende Land erlangt die Freiheit wieder, sich dafür zu entscheiden. In dieser Hinsicht könnten die Signale, die aus London kommen, schlimmer sein. Eine der ersten Entscheidungen der « Volksregierung » (wie Herr Johnson es nennt) war die Anhebung des Mindestlohns um 6,2% – ein Rekord.

Der Regierungschef sagte, er würde nicht nach Davos gehen, « weil es dringenderes zu tun gibt, als mit den Milliardären zu trinken ». Demagogisch? Vielleicht. Aber sollte man sich auch über ein Programm lustig machen, das sich verpflichtet, massiv in öffentliche Dienstleistungen (vor allem im Gesundheitswesen) und Infrastrukturen (vor allem im Eisenbahnbereich) wieder zu investieren und die Prioritäten zugunsten der am stärksten benachteiligten Regionen neu auszubalancieren? Der Premierminister hat sogar gerade eine Fluggesellschaft gerettet, deren Bankrott viele regionale Routen aufgegeben hätte. Eine Entscheidung, die gegen die EU-Regeln verstößt – und auch ein « Verrat am Thatcherismus », so die konservative Tageszeitung The Telegraph.

Ist Boris Johnson zum Bolschewismus konvertiert? Es ist wenig wahrscheinlich. Aber anstatt der Arbeiterklasse unmittelbar nach seinem Sieg den Rücken zuzuwenden, plant er wahrscheinlich, sich langfristig in dieser Wählerschaft zu verankern und dabei die Kluft zwischen den Arbeitern und einer « Linken », die sich der EU und offenen Grenzen angeschlossen hat, zu nutzen.

Also, ein Land kann aus der EU herauskommen, ohne in der Hölle zu schmoren…

Dazu kommt, dass der Brexit Auswirkungen weit über das Vereinigte Königreich hinaus hat und haben wird. Während uns der Ausstieg aus der EU seit Monaten als endlose Folter mit keiner anderen Perspektive als dem Chaos präsentiert wurde, wird nun jeder Tag, der vergeht, ohne dass das Land im Abgrund versinkt, ein bitterer Widerruf dieser Propaganda sein.

Der Präsident der Bank of England (BoE), der Kanadier Mark Carney, war bereits im Referendumswahlkampf 2016 einer der unerbittlichsten Propheten der Apokalypse gewesen. Brummelnd hat er jetzt eingeräumt, dass « die Unsicherheiten abgenommen haben », während er aber behauptete, dass die wirtschaftliche Erholung « nicht gesichert ist ». Das ist schon eine kleine Entwicklung im Vergleich zu der sicheren Katastrophe… Der Mann hat gerade seinen Posten verlassen, um den amerikanischen Milliardär Michael Bloomberg als UN-Vertreter für das Klima zu ersetzen – ein weiterer Posten, auf dem er durch die Ankündigung der bekannten Katastrophen glänzen wird…

Also, ein Land kann aus der EU herauskommen, ohne in der Hölle zu schmoren. Für die europäischen Staats- und Regierungschefs wird dies zu einer sehr störenden Tatsache werden. In diesem Zusammenhang haben gerade die Staats- und Regierungschefs der EU einen zweijährigen Prozess der « Erneuerung » der EU eingeleitet, an dem die « europäischen Bürger » durch eine « große Debatte » à la Macron beteiligt werden sollen.

Großartig!

 

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Le fabuleux destin que craint Amélie de Montchalin

Par : pierre

Négociations qui s’amorcent entre Londres et Bruxelles : loin d’être isolé, le Royaume-Uni va désormais pouvoir se ré-ouvrir au monde sans entrave.

Décidément, Boris Johnson n’a pas fini de provoquer des aigreurs chez les dirigeants européens en général, chez le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, en particulier.

Depuis samedi 1er février, le Royaume-Uni a juridiquement quitté l’Union européenne (sans qu’aucun Tsunami n’ait encore emporté les îles britanniques). Mais il reste une étape décisive : la négociation d’un accord fixant les rapports à venir entre Londres et Bruxelles : commerce au premier chef, mais aussi sécurité, défense, énergie, transports, ainsi que l’épineux dossier de la pêche.

Cette négociation se déroulera pendant l’actuelle « période de transition » qui prendra fin au 31 décembre. Au grand dam des Vingt-sept, le chef du gouvernement britannique a exclu de prolonger ladite période de transition.

Lundi 3 février, comme prévu, les deux parties ont donc présenté, à distance, leurs positions de départ. Côté Bruxelles, il s’agit du « mandat de négociation » que les Vingt-sept vont confier à M. Barnier, et qu’ils valideront formellement le 25 février prochain.

A Londres, l’humeur est à l’optimisme conquérant

A Londres, M. Johnson dispose, lui, d’une large majorité parlementaire à sa main.

Mais avant même le contenu des deux documents, ce qui frappe, c’est la différence d’état d’esprit. D’un côté, le Premier ministre anglais a fait le choix de se tourner vers l’avenir, parlant d’une « nouvelle aube » pour son pays. Il faut certes faire la part de la communication, mais l’humeur est manifestement à l’optimisme conquérant.

Les esprits grognons étaient, lundi, à chercher du côté des représentants du patronat. La CBI (le Medef britannique) et les Chambres de commerce n’avaient pas été invitées, contrairement à l’habitude. Car, selon les services du 10 Downing street, le patronat « perd son temps » à faire pression sur le gouvernement « pour qu’il abandonne toutes les promesses faites au peuple britannique ».

Côté Bruxelles, le ton est aux avertissements et au repli sur soi.

Côté Bruxelles en revanche, le ton est aux avertissements et menaces en direction des Britanniques, et aux appels, un peu inquiets, à resserrer les rangs au sein de l’UE. L’humeur est au repli sur soi.

Certes, Michel Barnier a proposé à Londres un « accord très ambitieux » sur le plan commercial : zéro droit de douane, zéro quota (c’est-à-dire pas de limitation des importations en provenance d’outre-Manche). Mais en y mettant une énorme condition : que le Royaume-Uni s’engage, par traité, à s’aligner sur toutes les règles actuelles de l’UE, et à se soumettre aux arbitrages de la Cour de justice de l’UE. Paris souhaiterait même un alignement « dynamique », c’est-à-dire que les Anglais acceptent d’avance toutes les règles futures de l’UE…

Selon les Vingt-sept, il s’agit d’éviter que les Britanniques fourguent leurs produits et services sur le continent en pratiquant le « dumping » social (c’est-à-dire en rognant les droits sociaux pour vendre moins cher), « environnemental » (en allégeant les contraintes, là aussi pour faire baisser les coûts), ou « fiscal » (en abaissant les impôts pour attirer des capitaux – un sport qui existe pourtant déjà au sein même de l’UE, de la part de l’Irlande voisine, par exemple).

Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié un accord de libre échange avec… Singapour.

Bref, selon l’expression en vogue à Bruxelles, il faudrait à tout prix éviter que nos voisins d’outre-Manche transforment leur pays en « Singapour sur Tamise », manière de désigner un modèle hyper-déréglementé incompatible avec un accord de libre échange. Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié, il y a un an, un accord de libre échange avec… Singapour.

A sa manière, franche, Boris Johnson a d’emblée exclu de se soumettre à un tel diktat. Nous appliquerons les règles britanniques sans les affaiblir, a martelé Boris Johnson, mais il n’y a aucun besoin de signer un traité pour cela.

« Allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques  ? Bien sûr que non ! »

Et d’ailleurs, pourquoi les exigences seraient-elles à sens unique, a habilement ajouté M. Johnson, pourquoi ce ne serait pas aux Européens de se calquer sur les règles britanniques : « allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand (les exemples sont plaisamment choisis…) au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques concernant les touillettes à café en plastique ou sur les congés maternité ? Bien sûr que non ! ».

Les futurs négociateurs distinguent différents scénarios possibles : un accord « à la norvégienne », « à la suisse », « à la canadienne », voire « à l’australienne »… Dans le premier cas, Le Royaume-Uni, comme c’est le cas actuellement pour la Norvège, s’engagerait à adopter toutes les règles de l’UE – c’est donc l’hypothèse exclue par Londres. La configuration « helvète » comprend des règles et accords secteur par secteur – ce qui ne plaît pas à Bruxelles. Le scénario de type canadien, qui a la préférence de Londres, renvoie au traité de libre échange signé entre l’UE et Ottawa (le CETA) qui abolit les droits de douane sur 98% des produits – mais sans exiger un alignement réglementaire.

Quant à l’hypothèse « australienne », elle a été évoquée à dessein sous ce qualificatif par M. Johnson : ce pays commerce en effet selon les seules règles de l’OMC – ce qui serait la situation si aucun accord n’est trouvé. Mais la référence à l’Australie, pays du Commonwealth, ne sonne pas négativement aux oreilles des Britanniques.

« Nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne »

En tout cas, le ministre des Affaires étrangères, a d’emblée prévenu : « nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne ». Un camouflet à tous ceux, en France en particulier, qui pariaient sur un Brexit déjà rebaptisé Brino (« Brexit in name only », un Brexit seulement de façade).

Et sur ces entrefaites, Dominic Raab entame une tournée en Australie, au Japon, en Malaisie… et à Singapour. Car le Royaume-Uni a enfin récupéré le droit de signer des accords commerciaux en son nom propre, ce qui était interdit quand il était membre de l’UE.

L’amertume était palpable ces jours-ci dans les couloirs de Bruxelles où les uns et les autres déploraient le choix britannique de l’« isolement ». Michel Barnier a même osé : « je regrette que le Royaume-Uni ait choisi d’être solitaire plutôt que solidaire ».

En quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave

La réalité est qu’en quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait (un peu) son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave, en cultivant « l’amitié entre toutes les nations », comme le proclame la nouvelle pièce de 50 pence émise pour fêter le Brexit.

Dans la période qui s’ouvre, on pourrait donc assister à l’expérience – sans précédent – d’un pays qui reconquiert sa souveraineté bridée par l’UE : sa liberté de faire ses lois et de décider de ses impôts, mais aussi de nouer des coopérations tous azimuts. Et ce, sans plus devoir subir les absurdités macroniennes vantant une Europe-puissance dotée de sa propre « souveraineté ». Le Royaume-Uni, isolé ? Quelle stupidité !

Selon Amélie de Montchalin, « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe »

Voilà qui pourrait bien donner des idées à d’autres pays, comme le craint manifestement le Secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. Interviewée dans Le Monde (04/02/20), Amélie de Montchalin laisse ainsi apparaître son inquiétude : « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe ».

Oui, Amélie : « ici ou là » en effet, certains pourraient rêver d’un fabuleux destin…

Toutes les infos, complètes et mises à jour, à découvrir dans l’édition de Ruptures à paraître fin  février. Il n’est pas trop tôt (ni trop tard) pour s’abonner.

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2020 : l’automobile allemande, otage de l’affrontement sino-américain

Par : Grégoire

Pour l’industrie automobile allemande, 2020 sera une année de tension entre ses deux partenaires commerciaux, la Chine et les Etats-Unis.

Par Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, auteur notamment de Le Choc des Empires, Etats-Unis, Chine, Allemagne, qui dominera l’économie-monde ? Editions Le Débat – Gallimard (2014).

Das Auto ! Depuis un quart de siècle, l’industrie automobile est le pilier de l’économie allemande. Au lendemain de la réunification, elle a servi de modèle. Réorganisant ses chaînes de valeur, délocalisant la fabrication de ses sous-ensembles dans la Mitteleuropa (Europe centrale), privilégiant la valeur ajoutée dans les usines allemandes. Das Auto n’est pas pour rien dans le succès mercantiliste de l’Allemagne. Les marques – Volkswagen, Mercedes, Audi, Porsche, BMW – symboles de l’excellence du Made In Germany, ont conquis le marché européen. Elles se sont ensuite déployées à l’international, vers la Chine et, plus récemment, vers les Etats-Unis.

En 2015, à son apogée, l’industrie automobile allemande produisait 15 millions de véhicules, soit près de 20 % du marché mondial. Dans son sillage, une kyrielle d’équipementiers, de sous-traitants ont connu la prospérité. Das Auto pèse 13 % du PIB allemand et emploie 820 000 personnes, soit 14 % de l’ensemble des emplois industriels. Elle assure 18 % du total des exportations allemandes, 80 % de sa production étant vendue sur les marchés étrangers. En Europe, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et… en Chine.

Après deux décennies d’euphorie, c’est aujourd’hui la soupe à la grimace pour l’industrie automobile allemande

En 2019, sur les 28 millions de voitures vendues en Chine, 7 millions, soit le quart du marché, étaient d’origine allemande. Volkswagen, installé en Chine depuis les années 80, détient à lui seul 14 % du marché chinois, qui lui procure la moitié de ses profits. Daimler a un milliardaire chinois comme actionnaire, qui détient 10 % de son capital. C’est dire combien le marché chinois est essentiel pour ces groupes. Il l’est d’autant plus que le marché américain, sur lequel ils misaient beaucoup, il y a quelques années, leur a procuré des déconvenues. Volkswagen a fait l’objet d’une offensive judiciaire en règle pour avoir triché sur les émissions de particules fines de ses moteurs diesel. L’addition se monte déjà à plus de 20 milliards de dollars.

Après deux décennies d’euphorie, c’est aujourd’hui la soupe à la grimace pour Das Auto, qui découvre que la roche Tarpéienne est toujours proche du Capitole. Ses principaux marchés sont entrés en récession. Pire, son image d’excellence est atteinte par le « Dieselgate ». Tous les constructeurs doivent faire face aux changements de réglementation et à l’irruption prochaine des voitures électriques, voire du moteur à hydrogène. Or il faut dix fois moins d’ouvriers pour fabriquer un moteur électrique qu’un moteur diesel.

L’Allemagne prise en otage

Sur les 400 000 salariés de Bosch dans le monde, 50 000 dépendent du diesel. Ce basculement vers l’électrique entraîne des suppressions d’emplois outre-Rhin : d’ores et déjà, 30 000 ont été annoncées dans la filière automobile. De plus, les groupes allemands ont pris du retard en matière de véhicules électriques. À la différence des Chinois. D’où l’importance de leur coopération avec les firmes chinoises.

Or voilà que le bras de fer de Donald Trump avec la Chine bouleverse la donne. L’Allemagne, avec son industrie automobile, se trouve prise en sandwich, en otage. La trêve, dans la guerre commerciale entre Pékin et Washington, n’est que provisoire. La suprématie en matière technologique est au cœur de l’affrontement entre les deux géants. Une société en est le symbole : Huawei. Le géant des Télécoms chinois a pris quelques longueurs d’avance dans la course à l’innovation. Notamment, dans la 5G, cette technologie qui va bouleverser les économies mondiales.

Huawei a tissé sa toile patiemment, vendant aux quatre coins du monde des équipements de télécoms aux opérateurs. Développant ses propres smartphones et nouant des relations étroites avec les multinationales pour développer des applications de la future 5G. Notamment avec les grands groupes automobiles allemands, puisque demain les voitures autonomes utiliseront la 5G pour s’auto-piloter.

Huawei au cœur des tensions

Les Américains, qui se sont réveillés fort tard, ont donc décidé de bloquer Huawei. Avec un argument, qui est, d’abord et surtout, un prétexte : ses équipements pourraient être utilisés par le gouvernement chinois pour espionner, voire paralyser les réseaux de télécoms occidentaux.

Depuis deux ans, la diplomatie américaine se déploie donc tous azimuts pour stopper le groupe chinois. Avec, jusqu’à présent, plus ou moins de succès. Et l’Allemagne est piégée. D’un côté, elle a fait de l’alliance avec la Chine, pays mercantiliste comme elle, un des axes de sa diplomatie économique. Or, le gouvernement chinois vient de lui faire savoir qu’une exclusion de Huawei du marché allemand serait considérée comme une agression, qui aurait des conséquences. Elle pourrait se traduire par une exclusion des firmes allemandes du marché automobile chinois.

De l’autre côté, les Américains, dont les réseaux d’influence sont importants, notamment au sein de la CDU, menacent à peu près en ces termes : « Si vous continuez de travailler avec Huawei, il y aura des représailles contre l’industrie automobile allemande ». Celle-ci a exporté, outre-Atlantique, près de 500 000 véhicules, l’année dernière.

L’auto européenne dans le viseur de Trump

L’affaire Huawei s’ajoute désormais au conflit commercial entre Donald Trump et les Européens. Le président américain brandit la menace d’imposer des surtaxes sur les automobiles en provenance de l’UE ainsi que sur les pièces détachées. Le sujet de son ire est connu. Le fisc américain ne taxe qu’à 2,5 % les automobiles européennes, alors que les Européens imposent un droit de douane de 10 % sur les véhicules américains. Donald Trump veut un traitement équivalent des deux côtés de l’Atlantique.

En outre, il menace de taxer l’automobile européenne, si jamais les Européens mettent en place une taxe GAFA, ou d’autres impôts qui risqueraient de peser sur les multinationales américaines. C’est, bien évidemment, l’Allemagne qui, du fait de ses excédents commerciaux, à commencer par ceux de l’automobile, risque d’être le plus pénalisée par des taxes américaines.

Xi Jinping et Donald Trump demandent à l’Allemagne de choisir son camp

Pendant un quart de siècle, l’Allemagne a profité de la mondialisation, jouant la Chine et les Etats-Unis. Aujourd’hui, les temps changent. Il va lui devenir de plus en plus difficile de faire le grand écart. Xi Jinping et Donald Trump lui demandent de choisir son camp. Si les responsables allemands tergiversent trop, le pays risque même de perdre sur les deux tableaux et de se faire pousser dehors des deux marchés.

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En 2020, une nouvelle Commission intrusive et démissionnaire

Par : Grégoire

La nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen marquerait le retour du politique en faveur d’une Europe-puissance ? Un scénario improbable pour 2020…

Par Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la fondation Res Publica

En 2020, l’installation de la nouvelle Commission européenne, née des amours contrariées d’une majorité parlementaire qui croyait détenir le candidat légitime et de deux gouvernements nationaux désirant le passage en force, signerait-elle le retour au primat du politique ? L’auteur de ces lignes ne demanderait qu’à le croire : ne pourrait-on passer, après tout, par profits pertes l’ADN démocratique douteux d’un organe – la Commission – mi-législatif, mi-exécutif, qu’aucune instance légitime ne contrôle ? Et ce pour permettre enfin à l’Union européenne de définir le périmètre d’une souveraineté retrouvée ?

Cette évolution serait ô combien utile : dans le monde instable qui est celui de ce premier tiers du XXIeme siècle, il faut considérer l’enjeu de la puissance économique, voire financière, d’une zone qui, potentiellement, pourrait être un acteur majeur. Cette analyse est indispensable au regard du bénéfice que pourrait en tirer nos peuples.

Le monde est encore dominé par une puissance américaine plus arrogante que jamais, plus dangereuse aussi pour la paix

Las, les ententes gouvernementales à deux ou trois Etats (à les supposer réelles) ne suffiront pas à reverser la tendance. Dans un monde encore dominé par une puissance américaine plus arrogante que jamais, plus dangereuse aussi pour la paix, les projets et annonces de la nouvelle Commission restent marqués, avec un style différent, par la soumission à l’extérieur de l’UE et l’arrogance à l’intérieur.

Restriction des aides publiques

C’est Margrethe Vestager, vice-présidente, chargée de la concurrence et du numérique qui d’emblée (1) annonce, en guise de nouvelle politique de la concurrence, la révision du système de prohibition des aides publiques. Fort bien ! se dit-on… Car le recours à de telles aides constituent un sujet majeur pour le développement économique des territoires nationaux et régionaux. Hélas ! Il ne s’agit pas, dans l’esprit de la Commissaire, de libérer les initiatives nationales mais au contraire d’intégrer plus encore le contrôle des leviers étatiques en réduisant « la liste des secteurs que les Etats pourront aider à compenser le surcoût occasionné (…) à cause du green deal ».

Pas question donc, bien au contraire, de pousser enfin au développement des industries nationales. Quant aux fusions (pour ceux qui croient aux « champions européens »), la Commissaire qui s’est rendue célèbre par un despotique verdict sur la fusion Alstom-Siemens prévient d’emblée : le projet de fusion PSA-Fiat-Chrysler « sera regardé ». Pas au point toutefois de s’étonner de voir le futur groupe choisir le statut fiscal néeerlandais : ce type de concurrence interne, un des plus nocifs, n’a jamais ému la Commission et l’on sent bien que cet état de fait est appelé à durer.

Langue de bois

Enfin la concurrence des pays tiers soutenant leurs entreprises jusqu’en Europe doit-elle donner lieu à une politique spéciale de la Commission ? « C’est un problème, c’est vrai », reconnaît gravement l’éminente experte. Mais « nous n’avons pas de règles qui nous permettent de nous y attaquer ». Heureusement, « nous y réfléchissons ». Tout cela se passe de commentaires tant le renoncement à toute volonté de type étatique se conjugue avec l’imperium sur les Etats nations, soumis, de par le bon vouloir des traités, à une telle philosophie.

Dans son entretien avec Donald Trump, la présidente de la Commission a fait acte d’allégeance

Quant à la présidente de la Commission (qui devrait, si l’on comprend bien, faire, à la tête de cette institution, preuve d’une réussite qu’elle n’a pas connue dans son pays d’origine…), qu’en attendre ? Ursula von der Leyen a certes confié aux Echos (2) que « l’Europe doit faire la course en tête ». La belle déclaration que voilà… Si certaines de ses positions – acceptation du mix énergétique de chaque Etat, par exemple – semblent moins impériales que celles de son incontrôlable prédécesseur, son absence de soutien à la taxe Gafa, encore confirmée dans son entretien avec Donald Trump à Davos le 22 janvier, laisse les Etats, en premier lieu la France, dans la situation humiliante de rétropédaler en attendant le mécanisme (de longue date annoncé) qui serait demain préconisé par l’OCDE. Ne mentionnons même pas l’abaissement de l’Europe dans le conflit Etats-Unis/Iran comme un fait nouveau : dans son entretien avec Donald Trump, la présidente de la Commission a fait acte d’allégeance. Cette attitude est bien plutôt le témoignage que rien n’a changé depuis l’installation de la nouvelle « dream team »   (« équipe de rêve ») à la tête de l’UE.

« Dream team » ? Il en faudra plus, beaucoup plus pour que les peuples éprouvent ce minimum de fierté sans lequel il n’est même pas besoin de parler d’un « nouveau départ »…

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1 Entretien dans Le Monde du 20 décembre 2019

2 Entretien dans Les Echos du 27 décembre 2019

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Le Brexit et la trahison du thatcherisme (éditorial de Ruptures n°92)

Par : pierre

Boris Johnson serait-il devenu bolchévik ?

Historique. Pour une fois, le terme n’est pas galvaudé. Le 31 janvier au soir, le Royaume-Uni aura juridiquement quitté l’Union européenne. Avec la chute du mur de Berlin – mais dans un sens opposé – il s’agit probablement du plus important événement européen depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Dès le référendum, et malgré une suite incroyable d’embûches, sa réalisation ne faisait in fine aucun doute – c’est ce que nous n’avons cessé d’analyser dans ces colonnes.

Le dépit a saisi tous ceux qui ont eu jusqu’au bout l’illusion de pouvoir faire dérailler le processus, moyennant guérilla parlementaire et pression bruxelloise. Quelques jours avant les élections décisives du 12 décembre, qui tournèrent au plébiscite en faveur du Brexit, certains partisans de l’UE affirmaient encore que, grâce à l’inscription récente et massive de jeunes sur les listes électorales, le choix du 23 juin 2016 allait pouvoir être retoqué.

Très cruel paradoxe pour les partisans de l’Europe : la guerre d’usure que menèrent les députés pro-UE à Westminster a bloqué l’accord signé en novembre 2018 entre Bruxelles et Theresa May, alors même que cette dernière avait accepté d’y graver concession sur concession. A l’inverse, en affirmant que la Grande-Bretagne sortirait « quoi qu’il arrive, avec ou sans accord », son successeur a arraché un traité bien plus net et fait voter une application qui concrétise un Brexit bien plus « dur »… Boris Johnson a en outre exclu que les négociations pour fixer le cadre des futures relations bilatérales se traduisent par un « alignement » sur les règles des Vingt-sept.

Quitter l’Union européenne ne signifie nullement qu’adviendra mécaniquement une politique progressiste. Simplement, le pays reconquiert la liberté d’opter en ce sens

Bien sûr, quitter l’Union européenne ne signifie nullement qu’adviendra mécaniquement une politique progressiste. Simplement – et c’est évidemment l’essentiel – le pays partant reconquiert la liberté d’opter en ce sens. A cet égard, les signaux qui proviennent de Londres pourraient être pires. Une des premières décisions du « gouvernement du peuple » (selon l’appellation revendiquée par M. Johnson) a été d’augmenter de 6,2% le salaire minimum – un record.

Le locataire de Downing street a indiqué dans la foulée qu’il ne se rendrait pas à Davos « parce qu’il y a plus urgent à faire que d’aller trinquer avec les milliardaires ». Démagogique ? Peut-être. Mais doit-on également moquer ainsi un programme qui s’engage à réinvestir massivement dans les services publics (notamment la santé), les infrastructures (notamment ferroviaires), et à rééquilibrer les priorités en faveur des régions les plus déshéritées ? Le premier ministre vient même de renflouer un transporteur aérien dont la faillite aurait laissé à l’abandon nombre de liaisons régionales. Une décision contraire aux règles de l’UE – mais aussi une « trahison du thatchérisme », selon le quotidien conservateur The Telegraph.

Boris Johnson s’est-il converti au bolchevisme ? C’est peu probable. Mais au lieu de faire un bras d’honneur aux classes populaires après que celles-ci ont assuré sa victoire, il projette sans doute de s’ancrer à long terme au sein de celles-ci, en profitant du fossé qui s’est creusé entre les ouvriers et une « gauche » favorable à l’UE et à l’ouverture des frontières.

Il faudra juger sur pièces. Ce qui est certain, c’est que le Brexit a et aura des conséquences bien au-delà du Royaume-Uni. Alors que durant des mois, l’on nous a présenté la sortie de l’UE comme une interminable torture sans autre perspective que le chaos, désormais, chaque jour qui passe sans que le pays ne sombre dans l’abîme va constituer un cinglant désaveu de cette propagande.

Donc, on peut sortir de l’UE sans brûler en enfer. Pour les dirigeants européens, cela va devenir une bien fâcheuse évidence

Le président de la Banque d’Angleterre, le Canadien Mark Carney, avait été l’un des plus acharnés prophètes de l’apocalypse dès la campagne référendaire de 2016. Bougon, il vient de concéder discerner « la réduction des incertitudes », pour affirmer toutefois que le rebond économique « n’est pas assuré ». Ce qui dénote quand même une petite évolution par rapport à la catastrophe certaine… On note au passage que l’homme vient de quitter ses fonctions pour remplacer le milliardaire américain Michael Bloomberg comme représentant de l’ONU pour le climat – un autre poste où il brillera par l’annonce des catastrophes bien connues…

Donc, on peut sortir de l’UE sans brûler en enfer. Pour les dirigeants européens, cela va devenir une bien fâcheuse évidence. Taraudés par cette angoisse, ils viennent de lancer un processus de « rénovation » de l’UE censé durer deux ans et associant les « citoyens européens » via un « grand débat » à la Macron.

Grandiose !

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

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Que va-t-il advenir en 2020 ?…

Par : pierre

Le site relance une nouvelle série d’Opinions, au rythme de deux ou trois contributions publiées chaque semaine.

Nous avons fait plancher nos contributeurs invités sur le thème : que peut-il bien se passer en 2020 ? Ou pas…

Thèmes liés à l’Europe, à la politique internationale, à la situation économique et sociale française. Prospective et prédictions, au choix.

Comme d’habitude, les textes de la rubrique Opinions n’engagent pas la rédaction de Ruptures. Ils se veulent des contributions à la réflexion et aux débats.

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2020 : l’année où l’on passera de « malgré le Brexit » à « grâce au Brexit »

Par : Grégoire

En ce qui concerne le Royaume-Uni, 2020 sera l’année où l‘« apocalypse » annoncée fera place, dans les discours publics, au « miracle britannique »

 

Par Charles-Henri Gallois, responsable national de l’UPR pour l’Économie et auteur de l’ouvrage qui vient de paraître : Les Illusions économiques de l’Union européenne, Fauves éditions

Une certitude : 2020 sera l’année où l’on passera, dans les discours publics et peut-être même dans les médias, de « malgré le Brexit » à « grâce au Brexit » ; et de « l’apocalypse » au « miracle britannique » ! Cette certitude s’impose à observer le fossé qui existe, depuis le référendum de 2016, entre les commentaires catastrophistes d’une part et le parcours économique réel du Royaume-Uni d’autre part.

Tous les pseudo-experts, partisans de l’UE, avaient en effet annoncé une apocalypse si les Britanniques osaient quitter cette dernière, c’est-à-dire choisissaient de se libérer de l’UE. Cette apocalypse devait avoir lieu, paraît-il, dès le lendemain du vote. Le référendum se déroula le 23 juin 2016, et 51,9 % des Britanniques ont voté pour la sortie.

Le lendemain, il n’y eut étonnamment pas d’invasion de sauterelles à Westminster, les nouveaux-nés étaient sains et saufs au Portland Hospital et la Tamise ne s’est pas changée en sang.

Il n’y eut que de très faibles averses vers 13 h le 24 juin 2016, ce qui est un tour de force quand on parle de Londres et du Royaume-Uni.

De toutes les prophéties apocalyptiques, aucune n’a eu lieu

Les pseudo-experts ont ensuite scruté l’activité économique dans l’espoir de déceler le moindre signe d’effondrement. Les impies devaient payer.

Manque de chance, de toutes les prophéties apocalyptiques (exode de la City, effondrement de la livre, affaissement des marchés financiers, récession du PIB, hausse du chômage, débâcle des investissements, explosion de l’inflation et baisse massive des prix de l’immobilier…), aucune n’a eu lieu.

Pis encore, la période a été rythmée par de bonnes nouvelles puisque la production manufacturière a augmenté, les investissements ont continué, le chômage a fortement diminué, les marchés immobiliers et boursiers ont crû, la croissance a continué, et pas même 7 000 emplois ont quitté la City, contre les 75 000 pertes « attendues » avant le référendum. Toutes ces données positives étaient accompagnées dans tous les médias français, et certains médias britanniques pro-UE avec la réserve de rigueur « malgré le Brexit ». Comme s’il était sûr et certain que le Brexit serait une catastrophe, du moins c’est l’idée qu’il fallait transmettre au public pour l’effrayer.

Une pluie de bonnes nouvelles en 2020

Manque de chance pour tous les prophètes d’apocalypse, les bonnes nouvelles continuent de pleuvoir pour le Royaume-Uni en ce début d’année 2020 et à quelques jours de la sortie officielle le 31 janvier.

Le gouvernement britannique a annoncé une hausse spectaculaire du SMIC. Outre que cette décision tord totalement le cou à ceux qui prétendaient que le Brexit serait par essence ultralibéral, le SMIC horaire britannique va désormais dépasser le SMIC français (10,24 euros de l’heure au Royaume-Uni contre 10,15 euros en France) au 1er avril 2020 [1]. Cette hausse du SMIC de 6,2 % représente une hausse de 930 £ (environ 1 090 euros) par an pour un temps plein.

Il faut remonter à 1981 pour voir une telle hausse en France. Pendant ce temps-là, les grandes orientations des politiques économiques (GOPÉ) de la Commission européenne exigent tous les ans à la France de geler le SMIC. La préconisation est d’ailleurs sagement appliquée depuis 2012.

34 milliards de livres supplémentaires pour la santé

L’autre coup dur pour ceux qui parlaient d’un Brexit par essence ultralibéral est l’annonce faite par Boris Johnson d’une dotation supplémentaire de 34 milliards de livres supplémentaires allouée au NHS (National Health Service, équivalent de la branche santé de notre Sécurité sociale) [2].

Sajid Javid, chancelier de l’Échiquier (équivalent de notre ministre des Finances), a brisé une autre illusion européiste. On explique toujours aux Français : « heureusement qu’il y a l’UE pour financer notre agriculture ». C’est vite oublier que la France comme le Royaume-Uni sont des contributeurs nets de l’UE. Cela signifie donc que l’argent versé par l’UE n’est que l’argent des Français et des Britanniques.

Sajid Javid a officialisé le caractère mensonger de cet « argument » en annonçant qu’ils continueront à verser les 3,4 milliards de livres de la PAC après le Brexit [3]. Il y aura autant d’argent qu’avec la PAC, sauf que ce ne sera plus la PAC, ce qui permettra de verser les fonds plus rapidement et de façon plus juste en intégrant des critères tels que la préservation de l’environnement et de la biodiversité plutôt que le critère de taille de l’exploitation de la PAC.

De Facebook à Airbus, le choix du Royaume-Uni

Non seulement il n’y a pas eu d’exode de la City, mais on a appris le 20 janvier que plus de 1 000 banques, gestionnaires d’actifs, société de services de paiements et assureurs vont ouvrir des bureaux dans le Royaume-Uni post-Brexit [4].

Le 21 janvier, Facebook a annoncé qu’il allait engager 1 000 personnes cette année à Londres pour des postes de sécurité et de développement de produits. Et la société américaine va continuer après le Brexit à y développer son plus gros centre d’ingénierie en dehors des États-Unis [5].

Dans la même lignée, Airbus qui avait menacé de quitter le Royaume-Uni avec le Brexit, s’est finalement non seulement engagé à rester mais à développer ses activités outre-Manche [6].

En 2020, la croissance britannique sera supérieure à celle de l’Allemagne et de la France.

Enfin, la nouvelle sans doute la plus importante : le FMI met fin au « projet de la peur », qui consistait pour toutes les institutions officielles à agiter les menaces d’effondrement de l’économie britannique. L’institution annonce que la croissance du Royaume-Uni sera supérieure à celle de la zone euro en 2020 et 2021, soit après la sortie officielle [7]. La zone euro devrait croître de 1,3 % en 2020 et de 1,4 % en 2021 tandis que le Royaume-Uni aurait une croissance de 1,4 % en 2020 et 1,5 % en 2021. Sa croissance serait supérieure à celle de l’Allemagne et de la France.

Une grande claque pour les eurofanatiques qui encaissaient les bonnes nouvelles en alléguant que « de toute façon, cela ne veut rien dire, ils ne sont pas encore sortis ». Ces affirmations étaient, là aussi, d’une mauvaise foi à toute épreuve car les entreprises et les différents acteurs économiques ont déjà intégré le Brexit depuis longtemps. Le moins que l’on puisse dire est que la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu et n’aura pas lieu.

Le chômage disparaît, l’emploi se consolide

Depuis le référendum sur le Brexit, les meilleures nouvelles sont sur le front de l’emploi, et cela est confirmé par le rapport de l’ONS (Office for National Statistics, équivalent britannique de l’INSEE) de janvier 2020 [8]. Le chômage était de 5 % en juin 2016. Il est désormais de 3,8 %, soit le plus bas depuis l’hiver 1974, soit depuis 45 ans.

Le redressement est encore plus spectaculaire pour le taux d’emploi, puisque ce rapport de janvier montre qu’il est passé à 76,3 %, ce qui constitue un record historique. Il était de 74,2 % avant le référendum, soit donc une hausse de 2,1 points. Le plus intéressant étant que les emplois créés depuis le référendum ne sont pas du tout des contrat zéro heure ou du temps partiel mais des contrats à temps plein. Entre juin 2016 et décembre 2019, 1,2 million d’emplois ont été créés alors même que le nombre de contrats à temps partiel a diminué de 19 500. La part d’emploi à temps partiel dans l’emploi total est passée de 36,9 % à 35,1 %.

Prise de conscience

Les faits, les données vont ainsi continuer, mois après mois, en 2020, à donner tort à tous ceux qui juraient que toutes les plaies de la crise et de la récession s’abattraient sur le Royaume-Uni, emporté par le Brexit. Il en sera alors fini des illusions européennes. Espérons que le phénomène ouvre les yeux à nos compatriotes pour qu’ils trouvent la force et le courage de se libérer de l’UE et de l’euro par le Frexit. N’ayons plus peur et cessons d’écouter ceux qui se sont trompés sur à peu près tout depuis 40 ans.

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[1]https://www.capital.fr/economie-politique/le-salaire-minimum-va-augmenter-de-6-au-royaume-uni-et-depasser-notre-smic-1358685

[2]https://www.telegraph.co.uk/politics/2019/12/18/boris-johnson-put-nhs-heart-domestic-agenda-queens-speech/

[3]https://euobserver.com/tickers/147015?fbclid=IwAR1MU3qwEcEwtbkY342FMV_qKfaw5axTHpbvSeOQ96e_eUYmBpQ6JWh9i-E

[4]https://uk.reuters.com/article/us-britain-eu-banks/a-thousand-eu-financial-firms-plan-to-open-uk-offices-after-brexit-idUKKBN1ZJ00D

[5]https://www.reuters.com/article/us-facebook-europe-business/facebook-targets-uk-growth-with-1000-hires-this-year-idUSKBN1ZK0G4?fbclid=IwAR1rrbOylzwstJN0Y7LjhYw0eTOWNHekJYaVDGB-R9Vs4Xf3JTGMIpb8rFs

[6]https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-01-08/airbus-chief-faury-pledges-expansion-in-the-u-k-after-brexit

[7]https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2020/01/20/weo-update-january2020

[8]https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/employmentandemployeetypes/bulletins/uklabourmarket/january2020/pdf

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Face à face sur RT entre François Poulet-Mathis et Pierre Lévy : le Brexit n’a pas fini de faire débat

Par : pierre

La chaîne RT recevait, mercredi 29, deux débatteurs d’opinions opposées.

François Poulet-Mathis, longtemps journaliste responsable des questions européennes sur le service public de télévision, a pointé les risques liés selon lui au départ du Royaume-Uni.

Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, a insisté sur son analyse : le Brexit, décidé par une majorité du peuple, est un événement avant tout politique permettant la reconquête de la souveraineté.

Un débat sans concession, mais courtois et factuel. Qui en annonce d’autres, car l’Histoire n’est pas finie…

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Washington bekannte sich zu einem politischen Attentat: EU empfohl dem Iran « Zurückhaltung »…

Par : pierre

Es ist wahrscheinlich noch zu früh, um alle Gründe zu erkennen, die den amerikanischen Präsident dazu veranlasst haben, die Ermordung eines von den Iranern als Held betrachteten Generals und seines irakischen Stellvertreters anzuordnen. Es ist jedoch möglich, auf einen spektakulären Kontrast hinzuweisen.

Einerseits ein militärischer Angriff von außergewöhnlicher Schwere, sowohl politisch als auch juristisch. Um dies zu messen, reicht es beispielsweise aus, sich vorzustellen, dass Wladimir Putin den ranghöchsten ukrainischen Offizier an der Ostfront, auf dem Boden eines engen Verbündeten von Kiew, liquidieren gelassen hätte. Oder dass der iranische Supreme Guide zu der Eliminierung des berühmtesten amerikanischen Generals auf britischem Territorium sich stolz bekannt hätte.

Man wagt es kaum, sich die kriegerischen Tiraden, die Geräusche von Stiefeln und Schwertern vorzustellen, ganz zu schweigen von den apokalyptischen Sanktionen, die den Planeten in kürzerer Zeit erwärmt hätten, als es für einen rachsüchtigen Tweet nötig ist.

Der einfache diplomatische Begriff « Verurteilung » (der in vielen anderen Fällen so üblich ist) kam natürlich aus keinem Brüsseler Mund

Andererseits waren die Reaktionen der europäischen Hauptstätden, und der höchsten EU-Politikern, nach der vom Weißen Haus angeordneten Razzia, bemerkenswert mäßig, sogar nachsichtig. Unnötig zu sagen, dass der einfache diplomatische Begriff « Verurteilung » (der in vielen anderen Fällen so üblich ist) natürlich aus keinem Brüsseler Mund kam. Nur wurden zu hören die Worte « Sorge » und « Besorgnis ».

Besser noch: Die « Aufrufe zur Zurückhaltung » wurden « an beide Seiten » gerichtet, bevor die Mahnungen zur « Mäßigung » schließlich ausschließlich nach Teheran umgeleitet wurden, sobald der Iran angedeutet hat, dass er ein solches Verbrechen nicht ungestraft lassen wird.

Und als Donald Trump zweimal hämmerte, dass er nicht zögern würde, persische Kulturstätten zu bombardieren, antwortete die Europäische Kommission, als sie von Journalisten befragt wurde, dass sie « keinen Kommentar » abzugeben habe. (Der Sprecher des britischen Premierministers seinerseits erinnerte daran, dass es sich dabei um « Kriegsverbrechen » handeln würde; danks der Nähe des Brexits fühlte sich Boris Johnson offensichtlich frei, das Schweigen Brüssels zu übergehen).

Die Haltung der EU wird im Übrigen nicht überraschen. Ihre Verbundenheit mit dem westlichen Lager ist genetisch bedingt. Und die brüsselerische Verurteilung der US-Kommandos zu erwarten war so realistisch wie die Vorstellung, dass die NATO ihre Elitetruppen mobilisieren würde, um den Arm Washingtons zu behindern…

Irans Besonnenheit

Zu diesem Zeitpunkt musste jeder feststellen, dass die iranische Reaktion von großem Besonnenheit war. Sogar so sehr, dass man, wenn man einigen Abgeordneten und Mainstream-Medien zuhört, fast eine heimliche Enttäuschung erahnen kann… Dieselben Leute sprachen am Tag zuvor von der Gefahr einer « Spirale ». Ein Begriff, der nicht falsch ist, der aber die jeweiligen Verantwortungen unklar lässt.

Es ist daran zu erinnern, dass die Spannungen zwischen Washington und Teheran zunächst durch die US einseitige Kündigung des Abkommens mit dem Iran im Mai 2018 wiederbelebt wurden, das darauf abzielte, die Produktion von (ziviler) Kernenergie durch dieses Land zu begrenzen (ein Abkommen, das man im Übrigen nicht bewundern muss, da es der Islamischen Republik unrechtmäßige Beschränkungen auferlegt).

Man kann sich die Rolle der amerikanischen (und britischen) Führer beim Sturz des Premierministers Mohammad Mossadegh im Jahr 1953 in Erinnerung rufen

Und wenn man auf ältere Quellen zurückgreifen will, muss man sich die – längst bekannte – Rolle der amerikanischen (und britischen) Führer beim Sturz des fortschrittlichen und nationalistischen Premierministers Mohammad Mossadegh im Jahr 1953 in Erinnerung rufen; es handelte sich schon darum, die westliche Vorherrschaft in diesem ölreichen Schlüsselland des Nahen Ostens aufrechtzuerhalten.

Die Folgen der Ermordung von General Soleimani sind vorerst nicht gerade zum strategischen Vorteil der Vereinigten Staaten.

Die Iraner, sowohl regierungsfreundlich als auch regierungsfeindlich, fanden sich millionenfach hinter den Behörden vereint, um das amerikanische Verbrechen anzuprangern, obwohl einige Wochen zuvor hart unterdrückten Anti-Regierungsdemonstrationen stattgefunden hatten.

Im Irak werden diejenigen, die den iranischen Einfluss im Land in Frage stellten – ein Bestandteil der jüngsten Protestbewegung – marginalisiert.

Die Tendenz der Ölpreise wurde nach oben orientiert, was von den ölproduzierenden Ländern, einschließlich Russland (und Venezuela), nur begrüßt werden kann. Aber das tut dem amerikanischen Präsident und Kandidat nicht viel Gutes, dessen Wähler die Aussicht auf höhere Treibstoffpreise wahrscheinlich kaum schätzen.

Die letztendliche Folge dieser geostrategischen Umwälzungen ist schliesslich, dass Greta Thunberg aus den Schlagzeilen verschwunden ist.

Leider nur vorübergehend.

 

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Ruptures n°92 est paru

Par : pierre

L’édition de janvier est parue.

Au sommaire :

– l’éditorial qui souligne le caractère historique du Brexit, pointe le paradoxe d’avoir vu les pro-UE bloquer le précédent accord avec Theresa May, ce qui aboutit finalement à une sortie plus « dure », et évoque les perspectives au-delà du Royaume-Uni

– une analyse du « Pacte vert » lancé par Bruxelles contre le « changement climatique », en réalité pour financer les conséquences des centaines de milliers d’emplois condamnés par la transition écologique, et pour garantir la rentabilité des capitaux privés

– un compte-rendu de la dernière ligne droite avant la sortie, le 31 janvier, du Royaume-Uni, avec désormais de dures négociations sur les relations futures, que Boris Johnson entend conclure sans prolonger la période de transition au-delà du 31 décembre ; et un focus sur la transformation en profondeur du paysage politique britannique

– une analyse des deux élections régionales du 27 janvier en Italie où la Ligue a progressé, conquerrant la Calabre mais sans arracher le bastion d’Emilie-Romagne, tandis que l’effondrement du M5S fragilise encore plus la coalition au pouvoir

– un coup de projecteur sur la coalition entre Conservateurs et Verts formée en Autriche, un modèle que la droite européenne souhaite reproduire dans d’autres Etats membres, à commencer par l’Allemagne, et qui conjugue écologie et régression sociale

– le point sur la situation politique en Espagne, où le socialiste Pedro Sanchez a réuni de justesse une majorité pour une coalition avec Podemos, avec à la clé un gouvernement très fidèle à Bruxelles

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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Washington revendique un gravissime assassinat politique : l’UE recommande la « retenue »… à l’Iran

Par : pierre

Il est sans doute trop tôt pour cerner toutes les raisons qui ont conduit le président américain à ordonner l’assassinat d’un général considéré par les Iraniens comme un héros, et de son adjoint irakien. Il est en revanche possible de pointer un extraordinaire contraste.

D’un côté, un assaut militaire d’une exceptionnelle gravité, tant politique que juridique. Pour mesurer celle-ci, il suffit par exemple d’imaginer Vladimir Poutine diligentant la liquidation du plus haut gradé ukrainien auréolé de gloire sur le front de l’Est, et ce, sur le sol d’un proche allié de Kiev. Ou bien le Guide suprême iranien revendiquant fièrement l’élimination sur le territoire britannique du plus illustre des généraux américains.

On ose à peine imaginer les tirades guerrières, les bruits de bottes et de sabre, sans parler des sanctions apocalyptiques qui n’auraient pas manqué de réchauffer la planète en moins de temps qu’il ne faut pour composer un tweet vengeur.

Le simple terme diplomatique de « condamnation » n’est sorti d’aucune bouche bruxelloise

De l’autre, après le raid ordonné par la Maison-Blanche, les réactions des chancelleries européennes, et singulièrement des plus hauts responsables de l’UE, ont brillé par leur modération, pour ne pas dire leur indulgence. Faut-il préciser que le simple terme diplomatique de « condamnation » (dont on n’est guère avare par ailleurs) n’est évidemment sorti d’aucune bouche bruxelloise. Tout juste a-t-on entendu « inquiétude », « préoccupation ».

Mieux : les « appels à la retenue » ont été adressés « aux deux parties », avant que les exhortations à la « modération » ne soient finalement redirigés exclusivement vers Téhéran, dès lors que l’Iran a indiqué qu’il ne laisserait pas un tel forfait impuni.

Et quand Donald Trump a martelé, à deux reprises, qu’il n’hésiterait pas à bombarder les sites culturels perses, la Commission européenne, interrogée par des journalistes, a répondu… qu’elle n’avait « aucun commentaire » à faire. (Pour sa part, le porte-parole du Premier ministre britannique a rappelé qu’il s’agirait de « crimes de guerre » ; Boris Johnson, qu’on ne peut vraiment pas accuser d’anti-américanisme excessif, s’est manifestement senti libre de passer outre le silence de Bruxelles, proximité du Brexit oblige).

On ne s’étonnera pas, au demeurant, de l’attitude de l’UE. Son attachement au camp occidental est génétique. Et la voir condamner l’attaque américaine était aussi réaliste que d’imaginer l’OTAN mobiliser ses troupes d’élites pour entraver le bras de Washington…

Riposte iranienne très pondérée

A ce stade, chacun a été obligé de constater que la riposte iranienne s’est caractérisée par une grande pondération. Au point même qu’à écouter certains eurodéputés et journalistes de grands médias, on devine presque une secrète déception… Les mêmes parlaient pourtant la veille du risque d’« engrenage ». Un terme certes pas faux, mais qui laisse dans le flou les responsabilités respectives.

Car, faut-il le rappeler, les tensions entre Washington et Téhéran ont été initialement relancées par la dénonciation unilatérale par Washington, en mai 2018, de l’accord avec l’Iran visant à limiter la production de nucléaire (civil) par ce pays (un accord qu’on n’est par ailleurs pas obligé d’admirer, tant il impose des restrictions illégitimes à la République islamique).

Faut-il rappeler le rôle des dirigeants américains dans le renversement, en 1953, du Premier ministre progressiste et nationaliste Mohammad Mossadegh ?

Et si l’on veut remonter vers des sources plus anciennes, faut-il rappeler le rôle – depuis longtemps bien connu – des dirigeants américains (et britanniques) dans le renversement, en 1953, du Premier ministre progressiste et nationaliste Mohammad Mossadegh, histoire de maintenir la domination occidentale dans ce pays-clé du Moyen-Orient, riche en pétrole.

Pour l’heure, les conséquences du meurtre du général Soleimani ne sont pas exactement à l’avantage stratégique des Etats-Unis.

Les Iraniens, favorables au pouvoir comme opposants, se sont retrouvés unis par millions derrière les autorités dans la dénonciation du crime américain, alors que des manifestations anti-gouvernementales durement réprimées avaient eu lieu quelques semaines auparavant.

En Irak, ceux qui mettaient en cause l’influence iranienne dans le pays – une composante du mouvement de protestation récent – sont de fait marginalisés.

Le cours du pétrole est orienté à la hausse, ce qui ne peut que réjouir les pays producteurs, dont la Russie (et le Venezuela), mais ne fait guère les affaires du président-candidat américain, dont les électeurs risquent de modérément apprécier la perspective d’une hausse des prix du carburant.

Enfin, ultime conséquence de ces soubresauts géostratégiques : Greta Thunberg a disparu de la une des médias.

Hélas, provisoirement.

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Die Abwesenheit (Leitartikel, Dezember-Ausgabe von Ruptures)

Par : pierre

Es gibt nur ein gemeinsames Merkmal zwischen den Aufständen : das Fehlen einer politischen Alternative

Leben wir in einer Zeit der Aufstände? Chile, Kolumbien, Ecuador, aber auch Hongkong, und natürlich Iran, Irak, Libanon, Algerien [Foto]… Sollen wir auch Frankreich hinzufügen, sowie Finnland (wo sich eine mächtige Streikwelle abzeichnet)? Die Versuchung, eine Analogie herzustellen, ist groß. Aber sie ist gefährlich, da jede Bewegung in ihren einzigartigen historischen, wirtschaftlichen und sozialen, kulturellen und politischen Realitäten verwurzelt ist, die nicht vergleichbar sind.

Es handelt sich dabei um das Aufflammen von Bränden, von denen alle überrascht wurden. Aber damit enden die Gemeinsamkeiten auch schon. Welchen Sinn hat es, die Demonstranten, die in Bogotá gegen eine ultra-liberale Macht demonstrierten, in denselben Topf zu werfen wie die goldene Jugend von La Paz, die es schaffte, die Entscheidung der Wahlurnen zu kippen, die gerade den progressiven Evo Morales zurückgebracht hatte? Oder die wohlhabenden pro-westlichen Krawallmacher in Hongkong und die Revolten in Santiago de Chile, für die der Anstieg der U-Bahn-Tarife ein Abrutschen ins Elend bedeutet?

Zwei Kriterien können eine erste Vorstellung von jeder dieser Bewegungen geben. Einerseits gibt es die Beschreibung, die die herrschenden Medien anbieten: Je nachdem, ob man in Caracas zum Sturz der chavistischen Regierung marschiert oder in Bogotá, um einen anständigen Lebensstandard zu fordern, wird man mit Begeisterung begrüßt oder nur beiläufig erwähnt. Andererseits ist da die soziale Zusammensetzung. So drückt sich die Wut des irakischen Volkes entlang der Frontlinie der Ärmsten aus, vor allem der Arbeiterklasse. Im Libanon hingegen war die Mittelschicht die treibende Kraft der Bewegung.

Wenn man wirklich ein gemeinsames Merkmal herauslesen will, zumindest für die Aufstände, die einen Fortschrittsgedanken repräsentieren, so gibt es einen… der sich aber eher durch Abwesenheit auszeichnet: das Fehlen einer politischen Alternative. Ein schwerwiegender Mangel, der objektiv gesehen den Aufständischen nicht viel Hoffnung lässt. Von Bagdad bis Beirut über Algier lehnen viele Menschen sogar die Idee eines Sprechers ab – was an die französischen Gelbwesten erinnert. Diese Ablehnung jeglicher Repräsentation ist nach der Erfahrung der Gleichgültigkeit und des Verrats der traditionellen politischen Parteien ganz verständlich. Aber es ist ein tödliches Handicap. In keinem der genannten Länder – auch nicht in Frankreich – gibt es eine politisch entschlossene, straff organisierte und ideologisch kohärente Kraft, die die Aussicht auf einen Bruch mit der Vergangenheit herbeiführen könnte.

Wirtschaftliche « Zwänge », politische Einflussnahme, ideologische Vergiftung: Diese Waffen sind ein Hindernis für das Streben nach Fortschritt und Unabhängigkeit

Diese Abwesenheit, die von den Verfechtern der globalisierten Ordnung offensichtlich mit Sorgfalt gepflegt wird, beruht auf drei Arten von Hindernissen. Das erste ist ökonomischer Natur: Die Staaten sind durch den freien Waren- und Kapitalverkehr in einer Situation der « Interdependenz », d.h. in eine Situation der gegenseitigen Abhängigkeit, versetzt worden: Die Globalisierung der Wertschöpfungsketten zielt auch auf die Entschärfung sozialer Revolutionen ab.

Das zweite ist die Schaffung integrierter Institutionen, deren eigentlicher Zweck darin besteht, politische Entscheidungen außerhalb der Reichweite der Völker zu platzieren, indem ihnen ihre wirkliche Souveränität gestohlen wird. Die Europäische Union ist ein Prototyp dafür – und der nun bevorstehende Austritt des Vereinigten Königreichs ist ein eindrucksvolles Gegenbeispiel.

Das dritte ist ideologischer Natur. In einer Zeit, in der das herrschende Denken dazu neigt, die Jugend für ebenso absurde wie reaktionäre Ziele demonstrieren zu lassen – wie die « Rettung des Planeten » – was den immensen Vorteil hat, beträchtliche (aber nicht unbedingt erneuerbare) kollektive Energien umzuleiten. Es ist erwähnenswert, dass der UN-Klimaschützer Michael Bloomberg, einer der reichsten Milliardäre Amerikas (und ehemaliger Bürgermeister von New York) den Job gerade an den kanadischen Mark Carney, den derzeitigen (wütenden Anti-Brexit-) Gouverneur der Bank of England, übergeben hat. Es ist schwer, bessere Symbole der globalisierten Oligarchie zu finden…

Ökonomische « Zwänge », ideologische Vergiftung, politische Einflussnahme: Diese Waffen halten noch immer das Streben des Volkes nach sozialem Fortschritt und, untrennbar davon, nach nationaler Unabhängigkeit, in Schach. Dies wird durch das Ultimatum von Jean-Yves Le Drian, dem französischem Aussenminister, der eine UN-Gruppe mit anführt, die den Libanon unterstützen soll, belegt: Emmanuel Macrons getreuer Haudegen (nachdem er diese Dienste schon für François Hollande ausgeübt hat) rief die politische Klasse des Landes der Zedern auf, « sich des Ernstes der Situation und des Rufs der Straße bewusst zu werden »… Eine ganz gewöhnliche Einmischung, die sich die Hisbollah (eine schiitische Partei, die sich der Souveränität des Libanon verpflichtet hat) nicht erlaubte, mit Ironie an ihren Absender zurückzuschicken.

Schade?

Pierre Lévy

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Les élections présidentielles ont révélé la cohabitation de trois Algérie

Par : pierre

Alors que le général Gaïd Salah, qui s’était imposé comme l’homme fort de l’Algérie actuelle, vient de décéder, quelles leçons tirer du récent scrutin présidentiel ?

Par Pierre Vermeren, professeur à Paris 1 en Histoire des sociétés arabo-berbères contemporaines. A récemment publié chez Albin Michel, Déni Français. Notre histoire secrète des liaisons franco-arabes, Paris, octobre 2019.

 

Depuis février 2019, une immense et durable protestation populaire s’est levée en Algérie, parfois qualifiée de révolution. Le Hirak – mot-à-mot le mouvement en arabe – évoque immanquablement les « printemps arabes » qui, en 2011, ont renversé en quelques mois des pouvoirs présentés comme inébranlables, sans toujours y parvenir vraiment (en Syrie et en Egypte notamment). L’Algérie, alors riche de sa rente pétrolière, encore traumatisée par sa récente guerre civile – dite « décennie noire » (1992-2000/02) – était passée à côté de ces évènements.

Rien de tel en 2019. Tout au long de l’année, une vague populaire a successivement contesté le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika (grabataire et presque muet depuis son AVC de 2013), l’élection de son successeur à la hussarde en moins de trois mois conformément à la constitution, et enfin la présidentielle du 12 décembre dernier, orchestrée par le chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah – décédé brutalement le 23 décembre – au profit de son obligé Abdelmadjid Tebboun.

Toutes les semaines, des centaines de milliers, voire des millions, de manifestants pacifiques, à l’humour corrosif, ont défilé dans de nombreuses villes du pays, et spectaculairement à Alger, les mardi (étudiants) et les vendredi (tous manifestants). Ces immenses cohortes ont obtenu la décapitation du système de Bouteflika, notamment des deux clans principaux qui se partageaient avec une violence feutrée le pouvoir et le surplus de la rente pétrolière, une fois réalisées les dépenses nécessaires.

Ces deux clans étaient dirigés d’une part par le frère cadet du président, Saïd Bouteflika, entouré de ses hommes d’affaires, dont le chef du patronat, et d’anciens premiers ministres. Et de l’autre par les patrons – actuels et anciens – du DRS (l’ex-Sécurité militaire), d’anciens officiers supérieurs et des hommes d’affaires. Plusieurs dizaines de ces hommes ont été mis en prison, contraints à l’exil ou à tout le moins mis à l’écart. Gaïd Salah, le nouvel homme fort, a même offert aux Algériens à la veille des élections de décembre la condamnation de deux anciens premiers ministres à 12 et 15 ans de prison.

On ne pouvait toutefois ignorer, en ce début décembre 2019, que tout cela s’était déroulé en bon ordre. Passé les premières semaines incertaines du Hirak, non dénuées de provocations, le pouvoir s’est finalement habitué à ces foules sympathiques et polies, disciplinées et joyeuses, appelant à une seconde République. D’autant que la foule proclamait la fraternité entre l’armée et le peuple, et louait la modération des militaires.

Mais toutes les mesures qui ont été prises l’ont été avec l’aval de l’état-major et des services de renseignement. Et dès l’été, tout le monde a pu observer un raidissement progressif des autorités (cela a commencé par l’interdiction anachronique des drapeaux amazighes dans les manifestations). Il est vrai que le général Gaïd Saleh, qui n’était pas très connu en 2000, doit la seconde partie de sa carrière au président Bouteflika, et que c’est donc un des plus fidèles de ce dernier qui a accompagné les évènements de 2019. Puis il a fait élire un de ses proches, l’apparatchik Abdelmadjid Tebboun, à la tête de l’Etat.

Au pacifisme des manifestants s’est opposée une volonté ferme et déterminée de garder le contrôle du processus politique

Au pacifisme prudent et délibéré du peuple des manifestants s’est opposée une volonté ferme et déterminée de garder le contrôle du processus politique. Jamais le pouvoir n’a vacillé dès lors que sa colonne vertébrale repose sur une armée disciplinée qui contrôle la police et les renseignements, mais aussi la redistribution du « sang » qui irrigue l’Algérie, les hydrocarbures.

Certes, la « révolution » était (et est) fraîche et joyeuse, polyglotte et ironique, inventive et déterminée, et elle a tout pour plaire aux médias internationaux et aux opinions publiques des démocraties. Mais elle ne pouvait faire oublier que l’Etat algérien, qui a presque soixante ans d’existence, s’est construit sur une sainte trilogie : l’armée, le parti-Etat (FLN et RND) et la famille des moudjahidine.

Or rien n’a jamais signalé que cette trilogie, qui aurait tout à perdre d’un changement révolutionnaire ou d’un grand bain démocratique, ait vacillé. De 2011 à la victoire de Bachar el Assad en 2017, beaucoup avaient déjà voulu croire à l’effondrement du parti Baath et de l’Etat nationaliste et socialiste syrien, qui à bien des égards, est proche du FLN (minorités ethniques et religieuses en moins). Déjà à l’époque, on n’avait pas voulu voir que la bourgeoisie d’Etat, y compris sunnite, était solidaire du pouvoir, et qu’elle n’avait nullement pris le parti d’une aventure politique révolutionnaire. C’est ce que nous venons de redécouvrir en Algérie, et si nous ne l’avons pas fait, il va falloir s’y habituer.

Trois Algérie

Le scrutin du 12 décembre vient en effet de démontrer qu’il existe trois Algérie. La première est celle qui s’est rêvée libre et démocratique, qui s’est illustrée dans les manifestations de 2019, et pour laquelle l’opinion dominante en Europe a les yeux de Chimène. Elle a appelé au boycott électoral (près de 90% de boycott à l’étranger et en Kabylie), mais elle n’a pas écrasé les deux autres Algérie.

Le deuxième est celle qui s’abstient et ne se sent pas (ou plus) concernée par le jeu électoral : ou bien elle n’y croit pas et a perdu toute illusion ; ou bien elle se rêve exilée et prépare son avenir à l’étranger, ainsi que le rêvent la majorité des jeunes Algériens et de nombreux cadres. Ou bien encore elle est désocialisée et lumpen-prolétarisée, sortie du jeu politique : plusieurs millions d’Algériens n’ont même pas de carte électorale (24,5 millions de cartes pour 44 millions de citoyens, en comptant la diaspora encartée).

Enfin, la troisième Algérie est celle qui a voté pour un des cinq candidats en lice : 8,5 millions de voix se sont réparti entre eux, dont 58% en faveur de Tebboun, auxquelles il faut ajouter 1,2 million de votes blancs et nuls.

Ce sont donc près de 10 millions d’Algériens qui ont participé à un scrutin en faveur du pouvoir existant (même si l’on accorde une place particulière au candidat Ali Benflis, lui aussi ancien premier ministre), soit près de 40% du corps électoral (il n’est pas exclu que l’administration ait forcé la dose ici ou là).

La signification du scrutin aurait été fort différente avec 10% de votants, comme c’était le cas au XXe siècle dans les régimes autoritaires totalement verrouillés – sous Moubarak par exemple. Même 30% auraient été problématiques pour le général Salah et ses amis.

Mais à presque 40%, soit à 10 points seulement de la participation au dernier scrutin de Bouteflika en 2014, le pouvoir a fait le plein de ses clientèles : militaires et sécuritaires, fonctionnaires, élus et cadres locaux, famille FLN-RND et famille des moudjahidine, toutes les bases sociales du pouvoir ont participé. A quoi s’ajoutent probablement des retraités, des commerçants (y compris islamistes) ou des personnes âgées, effrayées par un retour des violences en cas d’impasse, par le blocage économique, voire par une dérive à la syrienne comme le discours officiel a su habilement le suggérer.

Le pouvoir a réussi son pari, peut-être même au-delà de ses espérances

Aussi, même s’il est de bon ton de parler d’une élection ratée et d’un président affaibli d’emblée, on peut tout aussi bien dire que le pouvoir a réussi son pari, peut-être même au-delà de ses espérances. L’Algérie a un nouveau président.

Une large partie de la jeunesse, des diplômés, des Kabyles, des démocrates, des émigrés, des professions libérales ne se reconnaissent pas en lui, et veulent poursuivre la construction d’un avenir démocratique. Mais il est probable, même si les manifestations vont certainement se poursuivre, que les nouvelles batailles vont désormais se dérouler lors des élections législatives à venir.

Le système aura plus de mal à verrouiller l’accès au parlement d’une nouvelle génération de candidats du hirak. Ce qu’il ne pouvait tolérer au niveau de la présidence, il devra certainement l’accepter aux législatives, peut-être à faible dose, ce qui permettrait de desserrer l’étau, de calmer la rue, et de préparer une nouvelle génération à l’exercice des responsabilités dans un cadre moins autoritaire. L’Algérie n’est pas au bout de son chemin.

 

 

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L’absence (éditorial paru dans l’édition de décembre)

Par : pierre

Le temps des insurrections ? Chili, Colombie, Equateur, mais aussi Hong-Kong, et bien sûr Iran, Irak, Liban, Algérie… Faut-il d’ailleurs ajouter la France, ainsi que la Finlande (où une puissante vague de grèves s’annonce) ? La tentation de l’analogie est grande. Mais elle est périlleuse, tant chaque mouvement est ancré dans des réalités historiques, économiques et sociales, culturelles et politiques propres et dissemblables.

Bien souvent, il s’agit d’incendies qui ont pris tout le monde de court. Mais les similitudes s’arrêtent là. Quel sens y a-t-il à fourrer dans le même sac les manifestants qui ont déferlé à Bogota contre un pouvoir ultra-libéral, et la jeunesse dorée de La Paz réussissant à annuler le verdict des urnes qui venait de reconduire le progressiste Evo Morales ? Ou bien les émeutiers aisés pro-occidentaux de Hong-Kong, et les révoltés de Santiago du Chili, pour qui la hausse du ticket de métro signifie le basculement dans la misère ?

Deux critères, parmi d’autres, permettent de se faire une première idée de chaque mouvement. D’une part la description qu’en proposent les médias dominants : selon que vous défilerez à Caracas pour renverser le pouvoir chaviste, ou à Bogota pour exiger un niveau de vie décent, vous serez salué avec enthousiasme, ou juste évoqué de manière distraite. Et d’autre part leur composition sociale. Ainsi, la fureur du peuple irakien s’exprime en première ligne au travers des plus démunis, notamment la classe ouvrière. Au Liban en revanche, les classes moyennes ont fait figure de moteur du mouvement.

Si l’on veut vraiment établir un trait commun, du moins pour les soulèvements d’inspiration progressiste, il en est un… qui apparaît plutôt en creux : l’absence d’alternative politique. Un manque cruel qui, objectivement, ne laisse pas beaucoup d’espoir aux révoltés. De Bagdad à Beyrouth en passant par Alger, nombreux sont ceux qui refusent même l’idée de porte-parole – ce qui n’est pas sans rappeler l’état d’esprit des Gilets jaunes. Ce rejet de la représentation est compréhensible après l’expérience de la désinvolture et des trahisons des partis politiques traditionnels. Mais elle constitue un fatal handicap. Dans aucun des pays cités – pas plus que dans l’Hexagone – ne s’esquisse une force politiquement déterminée, rigoureusement organisée et idéologiquement cohérente susceptible de porter des perspectives de rupture.

« Contraintes » économiques, ingérences politiques, intoxication idéologique : ces armes font obstacle aux aspirations au progrès et à l’indépendance

Une absence que les tenants de l’ordre mondialisé cultivent évidemment avec soin, et qui repose en outre sur trois catégories d’entraves. La première est économique : les Etats on été mis en situation d’« interdépendance », c’est-à-dire en réalité de dépendance mutuelle, du fait de la libre circulation des biens et des capitaux : la globalisation des chaînes de valeur vise aussi à désamorcer les révolutions sociales. La deuxième consiste en la mise en place d’institutions intégrées dont l’objectif même est de placer les choix politiques hors de portée des peuples par le vol de leur souveraineté réelle. L’Union européenne en constitue un prototype, et le départ désormais imminent du Royaume-Uni un contre-exemple formidable.

La troisième est idéologique, à l’heure où la pensée dominante tend à faire manifester les jeunes en faveur d’horizons aussi absurdes que réactionnaires – la « sauvegarde de la planète » – ce qui a l’immense avantage de dévoyer des énergies collectives considérables (mais pas forcément renouvelables). On notera que le grand manitou de l’ONU pour le climat, Michael Bloomberg, un des plus riches milliardaires américains (et ancien maire de New York) vient de passer la main pour cette fonction au Canadien Mark Carney, actuel gouverneur (furieusement anti-Brexit) de la Banque d’Angleterre. Difficile de trouver meilleurs symboles de l’oligarchie mondialisée…

« Contraintes » économiques, intoxication idéologique, ingérences politiques : ces armes tiennent encore à distance les aspirations populaires au progrès social et, inséparablement, à l’indépendance nationale. En témoigne cet ultimatum de Jean-Yves Le Drian, patron du Quai d’Orsay, qui co-dirige un groupe de l’ONU censé soutenir le Liban : le fidèle grognard d’Emmanuel Macron (après avoir été celui de François Hollande) a sommé la classe politique du pays du cèdre de « prendre conscience de la gravité de la situation et de l’appel de la rue »… Une ingérence ordinaire, que le Hezbollah (parti à base chiite engagé pour la souveraineté libanaise) ne s’est pas permis de renvoyer ironiquement à son expéditeur.

Dommage ?

Pierre Lévy

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Pourquoi la victoire de Boris Johnson est une bonne nouvelle

Par : Grégoire

La victoire de Boris Johnson est celle de la démocratie contre l’establishment. Dans la foulée du scrutin, il faut toutefois surveiller le risque d’éclatement du Royaume-Uni et l’intensification des tensions régionales en Europe.

Par Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, auteur notamment de Délivrez-nous du bien, halte aux nouveaux inquisiteurs, éditions de l’Observatoire, 2018.

« Get Brexit done ! » (« Que le brexit soit ! ») Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Avec un slogan aussi simple que concret, Boris Johnson a savouré son triomphe aux élections législatives anticipées. Les conservateurs obtiennent leur plus large majorité depuis Margaret Thatcher. Le Labour subit une défaite historique. Tout comme les européistes du parti libéral-démocrate. Ce vote marque d’abord une victoire sans appel des Brexiters. Et, en corollaire, une défaite de tous ceux qui rêvaient de faire revoter les Britanniques sur leur sortie de l’Union européenne.

Depuis le vote du Brexit, le 23 juin 2016, les opposants, à Londres aussi bien qu’au sein de l’Union européenne, ont tout fait pour contraindre les Britanniques à revenir sur leur décision. On ne quitte pas cette Union. Quand on y entre, c’est un engagement à vie. Si jamais un peuple manifeste des velléités de ne pas épouser la Doxa, on le fait revoter ou on lui impose, par une autre voie, le texte qu’il a rejeté. Les Français en savent quelque chose depuis le référendum de 2005.

Lobbying de l’establishment

Tout au long de ces trois dernières années, on a tenté d’enfermer les Britanniques dans un carcan. Theresa May s’est d’abord vu imposer par les Vingt-sept un accord qui revenait à vider le Brexit de sa substance. L’Angleterre ne sortait qu’en apparence. Elle n’avait plus les avantages d’être dans l’Union, mais elle en avait les inconvénients. Les milieux économiques, les cercles londoniens, l’establishment ont ensuite fait pression sur les parlementaires britanniques, en nourrissant le secret espoir qu’in fine, on déboucherait sur un nouveau référendum.

L’intelligence de Boris Johnson aura été de revenir à l’essentiel : respecter le vote populaire

Avec une bonne campagne de communication, ils se faisaient fort de faire basculer les quelques pourcents nécessaires pour inverser le vote. Enfin, ces mêmes milieux ont intensifié leur lobbying sur les parlementaires tories pour qu’ils refusent un « hard Brexit ». Résultat : affaiblie, incapable d’imposer son accord et son autorité, Theresa May a jeté l’éponge.

L’intelligence de Boris Johnson, bête noire des médias bien-pensants, notamment en France, aura été de revenir à l’essentiel : respecter le vote populaire et laisser le Brexit se faire. Il a renégocié certains points de l’accord conclu par Mme May et demandé au peuple souverain de trancher. Non pas à l’occasion d’un nouveau référendum, mais de législatives anticipées. Même s’il a fait Eton, l’équivalent de notre ENA, et qu’il est issu d’une famille de la gentry, Boris Johnson n’est pas un conservateur traditionnel. C’est un souverainiste. Un populiste, selon ses détracteurs, pour qui ce terme est une injure.

Question culturelle plutôt qu’économique

Il a compris que le Brexit était avant tout une question culturelle. La volonté d’une majorité des Britanniques d’être maîtres chez eux, de pouvoir contrôler l’immigration, avec une meilleure sécurité au quotidien. Dans les motivations des Brexiters, des classes populaires, l’économie, le social venaient au second rang. Toutes les prévisions apocalyptiques faites par l’establishment sur les conséquences économiques du Brexit sont donc tombées à plat.

D’autant que le programme électoral des conservateurs, lorsqu’on le regarde de près, n’a rien de néo-libéral. Il a même une approche protectionniste, voire étatiste. Il concerne le quotidien des Britanniques. À commencer par les services publics de base en déshérence à l’image du système de santé et des chemins de fer. Boris Johnson promet des constructions d’hôpitaux, des embauches massives, voire même une renationalisation du rail. Bref, une politique qui doit être au service « des gens ordinaires et pas seulement des élites ». Au passage, on remarquera bien des similitudes avec la situation en France.

Les voix de Farage siphonnées

Boris Johnson a réussi à unifier les souverainistes. Il a siphonné l’électorat de Nigel Farage, qui fut l’artisan du Brexit en forçant David Cameron à organiser le référendum. Issu des rangs des Tories, ce Thatchérien, ultra-libéral et même d’extrême droite, avait obtenu, avec son parti UKIP, 12,7 % des voix aux législatives de 2015. Aux dernières européennes de 2019, UKIP, transformé en parti du Brexit, était même arrivé en tête. Mais les positions extrémistes de Farage rendaient impossible son accession au pouvoir.

En prenant clairement position pour le Brexit et en affichant son souverainisme, Boris Johnson offrait à l’électorat conservateur une alternative crédible. Nigel Farage a compris qu’il avait moins à perdre en soutenant Johnson qu’en présentant ses propres candidats. Ce dernier a ainsi obtenu que UKIP se désiste là où il y avait un député conservateur sortant. Le camp du Brexit a joué uni. D’autant qu’à gauche, les électeurs travaillistes, qui avaient voté pour le Brexit, ont peu apprécié l’attitude ambiguë de leurs dirigeants sur cette question. Dans les régions périphériques de l’Angleterre, les petites villes et villes moyennes désindustrialisées, qui avaient massivement voté pour le Brexit, le Labour s’est effondré au profit des conservateurs.

Les Britanniques nous donnent une leçon de civisme

Le vote britannique est exemplaire. C’est une victoire de la démocratie et les Britanniques nous donnent à cet égard une leçon de civisme. C’est aussi, selon la formule de Christophe Guilly, « la victoire du soft power des classes populaires ». C’est a contrario une défaite des élites et des médias, qui ont été constamment dans le déni, préférant reproduire les opinions des « bobos » londoniens, plutôt que d’ausculter le pouls de l’Angleterre profonde.

Risques de désunion

Boris Johnson et les souverainistes britanniques ont gagné une bataille. Ils sont loin cependant d’avoir gagné la guerre. Si la victoire est éclatante en Angleterre, celle des nationalistes écossais est tout aussi spectaculaire. Quarante-huit sièges sur cinquante-neuf. Déjà, Nicola Sturgeon, premier ministre d’Écosse, demande la tenue d’un nouveau référendum sur l’indépendance. Ce que refuse Boris Johnson. Or, les Écossais étaient en majorité contre le Brexit. Ils veulent rester dans l’UE. Pour des raisons économiques, mais aussi au nom de la vieille rivalité avec l’Angleterre.

En Irlande du Nord, les Républicains partisans de l’unification avec l’Irlande du Sud ont fait une percée plus que symbolique. Le Royaume Uni risque désormais la désunion. D’autant qu’en Europe, certains vont jouer la politique du pire. Pour se venger de Boris Johnson, ils vont pousser l’Écosse à l’indépendance. Même chose pour l’Irlande du Nord, où on ne peut pas exclure que le Sinn Fein reprenne les attentats, en espérant que Londres lâchera Belfast et se résoudra à l’unification de l’Irlande. Le tout sur fond de guerre de religions. N’oublions pas que l’Écosse est catholique, tout comme l’Irlande du Sud et une partie de l’Irlande du Nord.

Effet de domino régionaliste

Si l’Union européenne soutient l’Écosse dans sa volonté d’indépendance, elle aura bien du mal à ne pas appuyer les irrédentistes catalans. Ces derniers n’attendent que cela. Avec un risque d’effet domino sur une Espagne, minée par la question catalane. L’Europe des régions est un vieux rêve des fédéralistes européens et des mondialistes. Ils y voient le moyen de rompre avec l’Europe des nations, en jouant sur l’égoïsme régional et les particularismes locaux (langues, culture, etc.).

Plus les régions seront autonomes, indépendantes, plus les grandes nations seront réduites, amputées de certaines de leurs provinces, plus on élargira à de micro-États dans les Balkans, et plus le pouvoir au sein de l’Union européenne sera, de facto, concentré sur les institutions communautaires. Pour la plus grande satisfaction des multinationales et de tous ceux qui ne veulent pas d’une Europe indépendante, d’une Europe puissance, qui puisse s’affirmer face aux États-Unis et à la Chine.

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

Lire aussi Derrière le triomphe de Boris Johnson, vers un bouleversement du paysage politique

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Derrière le triomphe de Boris Johnson, un bouleversement du paysage politique ?

Par : pierre

Après le vote ouvrier massif visant à assurer le Brexit, le premier ministre britannique a confirmé, dans son discours inaugurant la session parlementaire, vouloir tourner le dos à l’austérité

Une semaine a passé depuis les élections du 12 décembre au Royaume-Uni, et l’on mesure désormais non pas seulement l’ampleur du triomphe de Boris Johnson, mais aussi la profonde restructuration de la vie politique qui s’amorce.

Deux vedettes ont émergé : le Brexit, bien sûr, qui était l’enjeu le plus manifeste du scrutin ; et la classe ouvrière, dont le vote a été déterminant pour garantir que celui-ci sera finalement effectif.

Les citoyens ont transformé les élections en second référendum de confirmation…

Et ce, après trois ans et demi de blocages et de tergiversations devenus insupportables. Le 23 juin 2016 en effet, le verdict était clair : le pays devait reprendre son indépendance. Les efforts conjugués des forces anti-Brexit tant en Grande-Bretagne (au Parlement, en particulier) qu’à Bruxelles espéraient – stupidement – pouvoir s’y opposer. Les citoyens ont transformé les élections en second référendum de confirmation…

Le premier ministre conservateur sortant, Boris Johnson, a mené campagne autour d’un argument majeur : j’ai obtenu de haute lutte (en octobre) un accord avec Bruxelles, donnez moi maintenant une majorité qui puisse enfin le ratifier.

Forts de 365 sièges (sur 650), soit un gain de 66 élus, les Conservateurs n’avaient jamais réalisé une telle performance depuis 1987. Avec 43,6% des voix, ils progressent globalement de + 1,2 point par rapport à 2017. Mais c’est essentiellement leur succès dans l’Angleterre laborieuse du nord et du centre, sinistrée après la fermeture de milliers d’usines et des mines, qui a fait la différence.

Dans les cinquante circonscriptions comptant la plus grande proportions d’ouvriers, le parti de M. Johnson augmente son score d’en moyenne 4,7%

Très vite au cours de la soirée électorale, il est apparu que le « mur rouge », ces bastions industriels et populaires des Travaillistes qui s’étendent au Nord du pays et dans les Midlands, cédait à la poussée de la formation de Boris Johnson. Des dizaines de places fortes du Labour viraient au bleu (la couleur des conservateurs), dont vingt-quatre étaient des fiefs rouges depuis l’après-guerre, voire depuis 1919.

Un « vote de classe » qu’a détaillés le quotidien conservateur The Telegraph. Ainsi, dans les cinquante circonscriptions comptant la plus grande proportions d’ouvriers, le parti de M. Johnson augmente son score d’en moyenne 4,7%. Et dans les cinquante où il y a le moins de « cols bleus », il baisse de 2,9%…

Les classes populaires ont assuré le Brexit

C’est tout sauf un hasard si ce sont les classes populaires qui ont assuré son succès, car ce sont elles qui avaient voté massivement pour le Brexit. Et qui bouillaient d’exaspération que celui-ci ne soit pas encore effectif.

Logiquement et symétriquement, les Travaillistes encaissent leur pire déroute depuis 1935, avec 203 sièges, soit une perte de 42 par rapport à 2017 (32,2%, – 7,8 points). Leur leader Jeremy Corbyn, a d’emblée indiqué qu’il ne conduirait pas la prochaine campagne. Mais il a souhaité engager une réflexion collective avant de passer la main.

Un processus qui pourrait tourner à l’affrontement au sein de ce parti, entre des cadres massivement pro-UE, et certaines figures issues du Nord, qui pointent désormais la déconnexion du Parti d’avec les couches populaires, celles-là mêmes qui ne se sont plus senti écoutées.

M. Corbyn lui-même est accusé d’avoir affiché une position illisible : une renégociation (improbable) avec Bruxelles, puis un nouveau référendum (en précisant qu’il resterait neutre sur ce dernier…). Considéré comme économiquement très à gauche et proposant un programme « anti-capitaliste » (nationalisations, fiscalité), le chef du Labour tenait en revanche un discours pro-ouverture des frontières, un grand écart que ne lui ont pas pardonné les millions d’ouvriers qui votaient traditionnellement travailliste.

Santé, la sécurité, l’éducation, infrastructures…

C’est en réalité tout le camp des anti-Brexit (à l’exception des nationalistes écossais) qui subit une déroute monumentale, encore amplifiée par le système électoral à un tour où c’est le candidat arrivé en tête qui l’emporte. Ainsi, les Libéraux-démocrates passent de 21 à 11 sièges (même si leur pourcentage augmente de 4,2 points, à 11,6%), et leur jeune présidente est elle-même battue dans son fief écossais. Sous son impulsion, son parti a mené campagne en proposant… d’annuler purement et simplement le Brexit, sans même un nouveau référendum.

Sur le plan intérieur, Boris Johnson s’est immédiatement félicité de son mandat « irréfutable, incontestable » pour réaliser la sortie de l’UE, et à appelé à « panser les plaies » en vue de réconcilier la nation. Il a également confirmé ce que seraient ses priorités : la santé, la sécurité, l’éducation ainsi que les infrastructures. Pour ce faire, il entend engager des investissements massifs, et mettre ainsi fin aux politiques d’austérité.

En s’appuyant sur sa plateforme « ouvrière, interventionniste, étatiste, protectionniste et dépensière », M. Johnson peut espérer garder sa nouvelle base ouvrière, note The Telegraph

C’est en s’appuyant sur une telle plateforme « ouvrière, interventionniste, étatiste, protectionniste et dépensière » qu’il peut espérer garder sa nouvelle base ouvrière note le quotidien conservateur The Telegraph. C’est-à-dire bien éloignée des positions ultra-libérales qu’il défendait lorsqu’il était maire de Londres.

Le fera-t-il ? Boris Johnson a souvent passé pour un menteur et un tricheur. Pourtant, le lendemain du scrutin, il déclarait « nous devons comprendre les raisons du tremblement de terre que nous avons déclenché ; nous avons changé la carte politique, il nous reste désormais à changer le parti ». Déjà, le profil des députés Tories tranche avec la législature sortante : le groupe parlementaire est désormais plus provincial, plus jeune, et surtout plus féminin, et d’origine plus modeste.

Son discours programme prononcé (par la reine, conformément à la tradition) en ouverture de la session parlementaire, le 19 décembre, a confirmé nombre de ses promesses, pour les hôpitaux publics, l’éducation les investissements dans les infrastructures. S’il tourne le dos à l’austérité, cela ne réjouira pas les dirigeants européens, car cela constituera un contre-exemple face aux politiques imposées aux peuples du Vieux continent – loin des cataclysmes annoncés.

« Un concurrent à nos portes »

Mais pour l’heure, ce qui préoccupe Bruxelles et les capitales européennes concerne la manière dont le pays va quitter l’UE. Certes, l’accord de divorce va désormais être ratifié mais une nouvelle négociation va s’ouvrir sur le futur traité de coopération entre l’UE et Londres, notamment en matière commerciale.

Beaucoup, à Bruxelles, redoutent que le Royaume-Uni choisisse de diverger des règles européennes, et devienne de ce fait « un concurrent à nos portes », selon la formule d’Angela Merkel. Dans ce cas, il ne pourra y avoir de libre échange complet ont martelé les Vingt-sept réunis les 13 et 14 décembre en sommet.

La loi exclura explicitement toute prolongation de la période de transition au-delà du 31 décembre 2020, au grand dam de Bruxelles

Le Conseil européen a mandaté la Commission pour établir un mandat de négociation en leur nom. Celui-ci devrait être prêt au 1er février. Il ne restera alors qu’onze mois entre la sortie fixée au 31 janvier, et la fin de la « période de transition » prévue jusqu’au 31 décembre par l’accord de divorce, pendant laquelle les règles européennes continuent de s’appliquer, notamment en matière de circulation et de douane.

C’est bien trop court pour négocier un traité de libre échange très complexe, font valoir les experts. On va y arriver, affirme au contraire M. Johnson, qui vient de confirmer sa promesse : la loi de transposition de l’accord de divorce en droit anglais exclura explicitement toute prolongation au-delà du 31 décembre 2020, au grand dam de Bruxelles.

Alors, tentera-t-il de maintenir un rapport commercial très étroit avec l’UE ? Optera-t-il pour concurrencer celle-ci de manière « agressive » ? Négociera-t-il avec Donald Trump un « énorme accord commercial plus juteux (…) qu’avec l’UE », selon le Tweet de félicitation enthousiaste que la Maison-Blanche a immédiatement envoyé ?

Le simple fait d’avoir le choix est déjà une remarquable conséquence du Brexit…

Analyse de l’élection et des perspectives dans l’édition de Ruptures parue le 18 décembre

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Parution de l’édition de Ruptures de décembre

Par : pierre

Ruptures n°91 arrive chez les abonnés le 20 décembre.

Au sommaire :

– l’éditorial qui analyse les révoltes spontanées qui éclatent dans de nombreux pays, mais dont le seul point commun est l’absence d’alternative politique, du fait de la dépendance économique organisée et de la perte de souveraineté politique

– un entretien avec Benoît Martin, dirigeant de la CGT-Paris, qui précise les dangers ainsi que les commanditaires du projet de réforme des retraites, et rappelle le rôle de L’UE

– une large compte-rendu du sommet de l’OTAN des 3 et 4 décembre à Londres, qui a été marqué par de fortes tensions notamment entre Paris, Washington et Ankara, mais dont la déclaration finale a cependant dégagé un consensus belliciste

– une analyse des élections au Royaume-Uni : le triomphe de Boris Johnson au scrutin du 12 décembre résulte du basculement vers les Conservateurs des classes populaires qui ont ainsi plébiscité la sortie de l’UE, et transforme en profondeur le paysage politique

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

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Victoire écrasante pour Boris Johnson et pour le Brexit

Par : pierre

Au grand dam des partisans de l’Union européenne, le Brexit a été plébiscité – une nouvelle fois.

A l’instant où les bureaux de vote britanniques se sont fermés, les sondages « sorties d’urnes » n’ont laissé aucun doute : ce sera une victoire écrasante du Parti conservateur et de son chef, Boris Johnson. La majorité dont disposera celui-ci sera la plus large dont un gouvernement ait disposé depuis près de quatre décennies.

Ceux – au Royaume-Uni, à Bruxelles et dans les capitales européennes – qui comptaient encore sur un miracle divin qui verrait le pays rester dans l’Union européenne viennent de voir s’envoler leurs dernières illusions. L’accord qui fixe les modalités de divorce entre Londres et l’Union européenne avait été arraché – contre toute attente – le 17 octobre par le chef du gouvernement. Celui-ci s’était alors heurté une ultime fois aux chicanes des députés sortants pro-UE.

Mais ces derniers – et les Travaillistes en particulier – n’ont pas réussi à retarder encore la dissolution d’un Parlement qui devenait tout à la fois grotesque et illégitime. Le scrutin du 12 décembre revêtait donc une importance extraordinaire – le plus crucial depuis l’après-guerre, ont même affirmé certains. M. Johnson l’avait en quelque sorte transformé en plébiscite pour ou contre le Brexit. Il a gagné son pari haut la main – plus encore que les pronostics les plus optimistes ne le prédisaient. Les nouveaux députés vont donc, dans les toutes prochaines semaines, ratifier l’accord de sortie.

Il s’agit d’un événement de portée historique : pour la première fois, un Etat décide de partir, parce qu’on a demandé l’avis à son peuple

Et cette dernière sera effective le 31 janvier prochain. Démarrera alors une période de transition de onze mois, pendant laquelle les futures relations – notamment commerciales – entre le pays et l’Union européenne seront négociées. C’est très court, affirment la plupart des analystes. Et cela ne se fera pas sans mal. Mais, contrairement aux commentaires qui vont désormais fleurir, l’essentiel est politiquement accompli.

Il s’agit donc d’un événement de portée historique : pour la première fois, un Etat décide de partir, parce qu’on a demandé l’avis à son peuple. Mais sans doute pas pour la dernière.

PS : le mensuel Ruptures a été le seul journal à avoir analysé et affirmé, depuis le 23 juin 2016, que le Brexit aurait lieu, quoi qu’il arrive. Et même si nul ne pouvait prévoir le détail des péripéties, celles-ci n’ont jamais mis en cause la certitude du dénouement. Peu d’autres ont été aussi affirmatifs.

Tous les détails dans l’édition à paraître vers le 20 décembre. Il n’est pas trop tôt – ni trop tard – pour s’abonner à Ruptures, et suivre ainsi la suite de l’histoire…

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Brexit: Warum das Vereinigte Königreich der Gewinner sein wird

Par : pierre

Die von den Brexit-Gegnern versprochenen Worst-Case-Szenarien sind nicht eingetreten: Vom Arbeitsmarkt bis zum Wachstum bleiben die Signale auf Grün.

Von Charles-Henri Gallois, Verantwortlicher der UPR für Wirtschaftsfragen und Autor des gerade erschienenen Buches: Les Illusions économiques de l’Union européenne, Fauves éditions

Am Donnerstag, dem 12. Dezember 2019, finden im Vereinigten Königreich Parlamentswahlen statt. Dies ist die wichtigste Wahl dieses Jahrhunderts, da sie das Schicksal des Brexit entscheidet. Hier seien noch einmal die unterschiedlichen Positionen dazu zusammengefasst. Es gibt einerseits die Konservative Partei von Boris Johnson und die Brexit-Partei von Nigel Farage, die sich für den Austritt des Vereinigten Königreichs aus der Europäischen Union einsetzen und damit den Willen des Volkes respektieren. Andererseits gibt es die Liberaldemokraten und die schottische SNP, die für eine völlige Annullierung des Brexit sind. Die Labour Party von Jeremy Corbyn, der Hauptgegner der Konservativen Partei, hat eine ziemlich unklare Position, mit der die Unsicherheit noch ausgezögertwird: sie will ein anderes Abkommen als das von Boris Johnson aushandeln, was jedoch ziemlich unmöglich zu sein scheint um es dann einem Referendum unterwerfen, mit der Option, in der EU zu bleiben.

Die Position der Labour Party zeigt, dass die Verfechter der EU den Willen der Wähler vom Juni 2016 völlig umkehren wollten. Diese stimmten für den Brexit und kümmerten sich nicht darum, ob es ein Abkommen geben würde oder nicht. Das Thema war nicht Bestandteil des Referendums. Die Befürworter des Verbleibens in der EU haben dann während der Kampagne wiederholt gedroht, dass es zu einem Austritt ohne Abkommen -einem harten Brexit- kommen würde. Diese Option war daher während der Abstimmung in den Köpfen der Menschen. Hätte sich die Option des Verbleibens durchgesetzt, gäbe es natürlich keine Debatte mehr daüber wie das Verbleiben aussehen sollte.

« Ein Angstprojekt »

Die « Gefahr » eines Ausstiegs ohne Abkommen war nicht die einzige Bedrohungin den Augen der Anhänger, der « Remainers », des Verbleibens in der EU. Ihr Argument war einfach, effektiv und schnell gefunden : « Wenn Sie mit Nein stimmen, wird es am Tag nach der Abstimmung eine wirtschaftliche Katastrophe geben ». Die Anhänger des Ausstiegs, die Brexiters, prangerten das « Angstprojekt » an: Es ginge darum, die Wähler zu erschrecken, damit sie „richtig“ abstimmen, das heißt, um sie in der EU zu halten.

Die Bank of England, David Cameron, George Osborne, sein Finanzminister, und sogar Barack Obama und Christine Lagarde, die hier mit „richtiger“ Einmischung glänzten, kündigten drohende Katastrophen an: den Zusammenbruch des Pfunds, den Zusammenbruch der Finanzmärkte, die Rezession des BIP, die steigende Arbeitslosigkeit, den Zusammenbruch der Investitionen, die Explosion der Inflation und den massiven Rückgang der Immobilienpreise. Die Einschüchterung war total.

Betrachten wir nun die Realität seit der Abstimmung über den Brexit im Referendum vom 23. Juni 2016, als 51,9% der Briten für den Austritt aus der EU stimmten. Mit einer Beteiligung von 72,2% war es mit 33.568.184 Wählern eine der größten demokratischen Beteiligungen in der modernen Geschichte des Vereinigten Königreichs. Nur die Parlamentswahlen von 1992 hatten mehr britische Bürger zu den Urnen geführt.

Eine wesentlich dynamischere britische Industrie

Sicher, das britische Pfund hat nach dem Referendum und dem Sieg des Brexits an Wert verloren. Am 23. Juni 2016 betrug der Wechselkurs mit dem Euro 0,76 Pfund. Zum 7. Dezember 2019 lag dieser Wert bei 0,84 Pfund. Er entspricht einer Abwertung von 10,5%. Das ist nichts Unüberwindbares: Zwischen April 2014 und März 2017 gab der Euro um 25% nach, ohne dass jemand Apokalypse geschrien hätte.

Im Gegenteil, die Abwertung des Pfunds Sterling hat die Produktion im Vereinigten Königreich begünstigt. Zwischen März 2016 und März 2017 stieg die Produktion im verarbeitenden Gewerbe um 2,7% und die Industrieproduktion um 3,2%. Ein solcher Anstieg war seit 2010 nicht mehr zu beobachten. Im Jahr 2017 betrug er 1,8%[1]. Im Zeitraum 2016-2018 durchschnittlich 1,2%, während die Industrieproduktion im Zeitraum 2001-2015 um 0,8% zurückging. Die Industrieaufträge waren im November 2017 auf dem höchsten Stand seit fast dreißig Jahren (1988)[2] !

Der Aktienmarkt im Aufwind

Was die Finanzmärkte betrifft, so lag der wichtigste britische Aktienindex, der FTSE 100, das Äquivalent zum französischen CAC 40 und dem deutschen DAX, am Abend des 23. Juni 2016 bei 6.338,10. Der Index fiel am Freitag, dem 24. Juni, um 3,15% und am Montag, dem 27. Juni, dann um 2,55%. Er stieg am Dienstag, dem 28. Juni, mit einem Plus von 2,64% wieder an und übertraf am Mittwoch, dem 29. Juni, mit 6 360,06% mit einem täglichen Plus von 3,58% das Niveau von vor der Abstimmung. Seit dem 7. Dezember 2019 liegt er nun bei 7.239,66, was einer Steigerung von 14% seit dem Zeitpunkt von vor dem Referendum entspricht. Auch hier sind wir sehr weit von dem prognostizierten Zusammenbruch entfernt.

Drei Jahre später warten wir immer noch auf diesen versprochenen Zusammenbruch.

Auch im Bereich Wachstum und Arbeitslosigkeit ist die Katastrophe nicht eingetreten. Bereits 2016 wurde eine Rezession nach der Brexit-Abstimmung vorausgesagt. Im Jahr 2016 war das Wachstum jedoch mit 1,8% das zweithöchste aller G7-Länder. Es ging sogar noch in die Höhe…. nach dem Referendum! Das Wachstum betrug 1,7% im Jahr 2017 und 1,3% im Jahr 2018. Drei Jahre später warten wir immer noch auf die von den « Remainers » versprochene Rezession!

Im Zeitraum 2016-2018 ähnelt das Wachstum dem in Frankreich. Während Italien einerseits seit der Einführung des Euro nicht gewachsen ist und sich derzeit in der Rezession befindet und andererseits die deutsche Wirtschaft, die sich verlangsamt, ebenfalls am Rande der Rezession steht, können wir sogar sehen, dass es dem Vereinigten Königreich nicht allzu schlecht geht!

Die Rückgewinnung echter Arbeitsplätze

Aber der größte Schlag für alle Propheten der Apokalypse war zweifellos die Entwicklung der Arbeitslosenquote.

Laut dem Office for National Statistics (ONS, dem britischen Gegenstück zu INSEE), lag die Arbeitslosigkeit vor dem Referendum bei 5% und sank Ende Mai 2019 auf 3,8%, die niedrigste Rate seit über 44 Jahren seit dem Winter 1974. Gleichzeitig stieg die Beschäftigungsquote von 74,2% auf 76,1%, was einen historischen Rekord darstellt.

Die schlechten Zungen, die das Thema nicht eingehend untersucht haben, erklären, dass diese Arbeitslosenquote dank Gelegenheitsjobs und Nullstundenjobs sinkt. Wenn dies in der Vergangenheit der Fall gewesen sein mag, so ist das Gegenteil seit der Entscheidung vom Juni 2016 der Fall. Die Teilzeitbeschäftigung fiel von 8,564 Millionen (27% der Arbeitsplätze) auf 8,562 Millionen (26,3% der Arbeitsplätze). Das bedeutet, dass viele der geschaffenen Arbeitsplätze auf Vollzeitbasis geschaffen wurden.

Lohnerhöhungen

Im September 2019 wurde auch berichtet, dass die Löhne im Zeitraum Mai-Juli 2019 um 4,0% und die Kaufkraft um 2,1% innerhalb eines Jahres gestiegen sind[3]. Solche Lohn- und Kaufkrafterhöhungen hatten seit 2008, also seit elf Jahren, nicht mehr stattgefunden. Wir würden eine solche Katastrophe gerne in Frankreich erleben!

Ironischerweise waren einige der größten Investoren im Vereinigten Königreich EU-Unternehmen wie Siemens.

Eine weitere Prognose: Auch die Investitionen sollten zusammenbrechen. Auch hier ist nichts dergleichen passiert. Die von der internationalen Beratungsfirma EY im Jahr 2019 durchgeführte jährliche Erhebung über die Anlagetrends stellt das Vereinigte Königreich erstmals sogar an die Spitze der weltweiten Investitionsziele und übertrifft damit sogar die Vereinigten Staaten, eine Wirtschaft, die viel größer ist als die des Vereinigten Königreichs.

Die ausländischen Direktinvestitionen (DI) stiegen 2017 nach den neuesten verfügbaren Zahlen im Vergleich zum Vorjahr um 6%. Es gab 1.205 neue Projekte, verglichen mit 1.138 im Jahr 2016 und nur 700 im Jahr 2012. Auf die Frage nach dem Brexit antworteten 6% der Investoren, dass dies für sie die Attraktivität des Vereinigten Königreichs verringert, während 7% angaben, dass es seine Attraktivität erhöht.

Ironischerweise waren einige der größten Investoren im Vereinigten Königreich EU-Unternehmen wie Siemens oder das spanische Unternehmen CAF. Die Unternehmen, die am meisten investiert haben, sind amerikanische Unternehmen: Boeing, Apple, Google, Facebook, Amazon, Snapchat, McDonald’s, Subway, McCain Foods, etc.

Böswilligkeit und Katastrophe

Diese Liste ist natürlich nicht vollständig, aber sie spiegelt den völligen Mangel an Klarheit und gutem Willen seitens derjenigen wider, die den Zusammenbruch des Vereinigten Königreichs angekündigt haben und jetzt versuchen, sich an die wenigen schlechten Nachrichten zu klammern, damit es wie eine Katastrophe aussieht.

Laut einer Studie von PitchBook[4], die zur Eröffnung der Londoner Technologiewoche veröffentlicht wurde, ist London das führende europäische Ziel für Risikokapitalinvestitionen in neue Technologien. Das Vereinigte Königreich wurde auch von der renommierten Zeitschrift Forbes als das beste Land für Geschäfte im Jahr 2018 eingestuft[5].

Bei diesen Investitionen handelt es sich nicht um Investitionen, die über zwei oder drei Monate, sondern über mehrere Jahre getätigt werden. Die Investoren zum Zeitpunkt dieser Entscheidung hatten den Brexit bereits integriert.

Der Immobiliensektor bleibt in guter Verfassung

Im Jahr 2017 betrug die Inflation im Vereinigten Königreich 2,7%. Im Jahr 2018 waren es nur 2%. Nichts Katastrophales also. Die Löhne hingegen stiegen 2018 um 3,3%[6]. Damit ist die Kaufkraft gestiegen. Ende 2017 gab es einen sehr temporären Kaufkraftverlust, aber das ist alles schon Geschichte, denn 2019 steigen die Löhne viel schneller als die Inflation. Der durchschnittliche Anstieg der Kaufkraft liegt bei rund 1,5%.

George Osborne, ehemaliger Finanzminister, hatte noch eine weitere Angst: Die Hauspreise sollten um 18% sinken. Sie haben sich eigentlich nie wirklich entspannt. Dem ONS nach sind die Immobilienpreise sogar gestiegen um 5,2% im Jahre 2016, um 4,5% in 2017 und um 2,0% in 2018. Statt eines angekündigten Rückgangs um 18% nähern wir uns derzeit einem Anstieg um 12% von 2016 bis 2018. Darüber hinaus warten Paris und Frankfurt noch immer auf die 10.000 bis 30.000 Geldgeber, die den Kanal überqueren sollten, um nach Frankreich oder Deutschland zu flüchten.

Dieselben Menschen, die all diese apokalyptischen Prophezeiungen getroffen haben, sollten sich sehr klein machen

Das Angstprojekt hat sich als völlig unwahr erwiesen. Dieselben, die all diese apokalyptischen Prophezeiungen getroffen haben, sollten sich sehr klein machen. Und dennoch geht dieser Diskurs in den Mainstream-Medien weiter. Gerade diejenigen, die sich vor dem Referendum mit all ihren Prognosen geirrt haben, bereiten die zweite Stufe der Rakete Angstprojekt vor, indem sie behaupten, die wirkliche Katastrophe käme nach dem tatsächlichen Austritt…. Als ob alle Unternehmen diesen Austritt nicht schon seit langem einbezogen hätten……..

Die einzige Situation, die wirklich schrecklich ist, ist politisch: Wenn man die Mandatsträger und die gesamte britische Oligarchie anschaut, die sich weigert, das Votum des englischen Volkes zu akzeptieren, so kommt einem eine zornige Erinnerung an die Haltung der gesamten französischen Elite nach dem Referendum 2005 in den Sinn. Es waren die Verfechter der EU, die ein Klima der Verunsicherung schufen, indem sie versuchten, über die Abstimmung hinweg zu gehen.

Die Legitimität eines erneuten Brexits

Die Medien versuchen sogar, uns glauben zu machen, dass die Briten ihr Votum bereuen würden. Bei den Europawahlen 2019 lag die Brexit-Partei mit 30,7% der Stimmen an der Spitze, gegenüber 19,7% der zweitgrösstenPartei.

Von einer massiven Ablehnung des Brexits sind wir daher weit entfernt. Die Meinungen sind geteilt, so wie es vor der Abstimmung war. Es sei jedoch darauf hingewiesen, dass damals der Austritt 1,3 Millionen mehr Stimmen erhalten hat als der Verbleib, was dem Austritt alle erforderlichen demokratischen Legitimationen verleiht.

Boris Johnson wird nach meinen Prognosen diese Wahlen gewinnen und den Wunsch des britischen Volkes erfüllen, die Kontrolle über das eigene Land zurück zu gewinnen und wieder frei und unabhängig zu werden. Diejenigen, die den Brexit fürchten müssen, sind nicht die Briten, sondern die Menschen, die in der EU bleiben. Nicht umsonst hat Deutschland schon immer einen Ausstieg ohne Vertrag verhindert.

Die EU wollte, dass das Vereinigte Königreich leidet, damit andere nicht auch die Idee bekämen, sie zu verlassen

Die EU hat alles zu verlieren, daher ihre Position der totalen Unnachgiebigkeit und ihre Bereitschaft, ein Exempel zu statuieren. Anstatt ein Win-Win-Abkommen zum Schutz ihrer wirtschaftlichen Interessen abzuschließen, wollte die EU, angefangen bei dem Eurofanatiker Emmanuel Macron, dass das Vereinigte Königreich leidet, um andere nicht zum Austritt zu bewegen. Im Grunde genommen ist dies die Haltung einer Sekte, die den Anhänger bestrafen will, der seine Freiheit wiedererlangen möchte.

Die EU könnte der große Verlierer sein, weil das Vereinigte Königreich ein massives Defizit im Warenverkehr aufweist. Das Handelsdefizit mit der EU betrug 2017 fast 110 Milliarden Euro.

Es geht an Frankreichs Portemonnaie

Vor allem die übrigen Nettozahlerländer werden für die Lücke im EU-Haushalt aufkommen müssen. Der Nettobeitrag Frankreichs zum EU-Haushalt beträgt 2019 10 Milliarden Euro. Nach dem Ausscheiden des Vereinigten Königreichs könnte er in den kommenden Jahren auf 14 oder 15 Milliarden Euro pro Jahr steigen. Während grundlegenden öffentlichen Dienstleistungen wie Krankenhäusern oder der Instandhaltung unserer Straßen und Brücken die Ressourcen fehlen, verlieren wir an die EU-Sekte weiterhin Geld. 15 Milliarden Euro, das entspricht dem Bau von 375 Krankenhäusern! Dies entspricht auch 909 Euro pro Jahr und pro Steuerhaushalt, für den, der Einkommenssteuer bezahlt.

Viel Glück für unsere britischen Freunde, die Anfang 2020 austreten und sehr gut abschneiden werden. Es ist höchste Zeit, ihrem Beispiel zu folgen, diese wirtschaftlichen illusionären Vorstellungen nicht mehr zu fürchten, uns durch den Frexit von der EU-Sekte zu befreien und unsere Freiheit und Demokratie zurückzugewinnen.

Die im Bereich Stellungnahmen veröffentlichten Analysen sind Diskussionsbeiträge. Die Redaktion trägt keine Verantwortung.

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1] Büro für nationale Statistiken (ONS).

2] Monatlicher Index der Confederation of British Industry (CBI) zur Messung gegebener Aufträge.

3] ONS.

4] Juni 2019 Studie von PitchBook.

5] Forbes, Dezember 2017.

6] ONS.

 

 

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Thierry Breton fordert von Brüssel aus Emmanuel Macron auf, seine Rentenreform durchzuziehen

Par : pierre

In einem Interview mit dem Radiosender Europe 1 besteht der neue EU-Kommissar, ehemaliger Chef einer Reihe von Großunternehmen, darauf, dass die Reformen, die die europäische Exekutive für notwendig hält, durchgeführt werden.

Am Montag, dem 9. Dezember, hatte der Radiosender Europe 1 die schöne Idee, den neu ernannten EU-Kommissar für Binnenmarkt, Industriepolitik, digitale Technologien und einige andere Arbeitsbereiche einzuladen.

Thierry Breton sollte den Standpunkt Brüssels zu der von der französischen Regierung geplanten Rentenreform darlegen. Voller Angst  warteten wir auf das Urteil. Die Spannung war gross.

Von den ersten Worten des Kommissars an muss der Herr des Elysée – der Breton für das Amt in Brüssel vorgeschlagen hatte – jedoch einen tiefen Seufzer der Erleichterung getan haben: Von dem Mann, der noch vor wenigen Wochen der Chef des großen IT-Dienstleistungsunternehmens Atos war, nachdem er Bull, Thomson und dann France Télécom geleitet hatte, ganz zu schweigen von seinem Umweg über das französische Finanzministerium, kam für die Streikenden keine Unterstützung.

« Man hofft, dass man die Mittel finden wird, um diese Reform zu Ende zu bringen » – Thierry Breton

Im Gegenteil: « Ich denke an alle, die heute Morgen in Schwierigkeiten sind » (i.e. in den Verkehrsmitteln festsitzen), sagte er. Mit diesem erhabenen Satz wollte sicher Herr Breton von Brüssel aus sein Mitgefühl mit den Leiden seines eigenen Volkes zeigen… Er fügte hinzu: « Man hofft, dass man die Mittel finden wird, um diese Reform zu Ende zu bringen« .

Das erste « man » bezieht sich eindeutig auf die Europäische Kommission, das zweite auf die französischen Behörden, von denen « man » erwartet, dass sie den bösen Streikenden nicht nachgeben.

Und Thierry Breton bekräftigte dies noch: « Die Europäische Kommission hält es für notwendig, dass alle Reformen, die notwendig sind, insbesondere diese, auf dem gesamten Kontinent durchgeführt werden« . Dem gerade erst bestellten Kommissar wird man nicht die Schuld für den feinen Pleonasmus geben (« die Kommission hält alle Reformen, die notwendig sind, für notwendig »), denn das Wesentliche ist klar: In Brüssel wollen wir nichts von den « Strukturreformen » aufgeben. Und vor allem nicht den Druck auf die Hauptstädte, von denen erwartet wird, dass sie nicht nachgeben.

NRP

Selbst in einem Büro, das noch nach frischer Farbe riecht (davon kann man ausgehen), hat es nicht lange gedauert, bis sich der neue Kommissar mit allen EU-Maßnahmen vertraut gemacht hat, die den Mitgliedstaaten, insbesondere denjenigen der Eurozone, bei der zu verfolgenden Wirtschaftspolitik Orientierung geben. So heißt es im Nationalen Reformprogramm (NRP), das die jährlichen Verpflichtungen von Paris (wie von jeder Hauptstadt) gegenüber der Europäischen Union zusammenfasst, und deren letzte Ausgabe im April 2019 in Brüssel vorgelegt wurde: « Der Zugang zur Beschäftigung und die Neubewertung der Arbeit sind eine Priorität, daher muss der Arbeitsmarkt reformiert, die Lohnnebenkosten gesenkt und die Arbeitslosen- und Rentenversicherungssysteme modernisiert werden« . Alles klar…

Im angelsächsischen Kauderwelsch, ins Französische übertragen, nennt man das eine ‚Roadmap’. Und die französischen Behörden sind betriebsbereit – zumindest will Herr Breton das glauben: Emmanuel Macron wird « von Brüssel aus als jemand gesehen, der begonnen hat, das Land gründlich zu reformieren« ; und genießt « viel Vertrauen » innerhalb der europäischen Exekutive.

Er wird es wahrscheinlich brauchen.

 

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Brexit : pourquoi le Royaume-Uni va sortir gagnant

Par : Grégoire

Les scénarios catastrophes promis par les opposants au Brexit ne sont pas advenus : du marché de l’emploi à la croissance, les voyants restent au vert.

Dernière minute : Boris Johnson et le Brexit remportent une victoire écrasante

Par Charles-Henri Gallois, responsable national de l’UPR pour l’Économie et auteur de l’ouvrage qui vient de paraître : Les Illusions économiques de l’Union européenne, Fauves éditions

Les élections générales au Royaume-Uni auront lieu ce jeudi 12 décembre 2019. Il s’agira de l’élection la plus importante de ce siècle puisqu’elle va déterminer l’avenir du Brexit. Pour résumer les positions, il y a d’un côté le Parti conservateur de Boris Johnson et le Parti du Brexit de Nigel Farage qui font campagne en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, respectant ainsi la volonté du peuple, et de l’autre côté les Liberal-Democrats et le SNP écossais qui sont pour une annulation pure et simple du Brexit. Le Parti travailliste de Jeremy Corbyn, principal opposant au Parti conservateur, a une position peu limpide qui prolongerait l’incertitude : négocier un autre accord que celui de Boris Johnson, chose peu probable, puis le soumettre à référendum avec l’option de rester dans l’UE.

La position du Parti travailliste montre que les européistes ont voulu complètement retourner le sens du vote des électeurs de juin 2016. Ces derniers ont voté pour le Brexit et se fichaient bien qu’il y ait un accord ou pas. Le sujet ne figurait du reste pas dans les termes du référendum et les partisans du maintien dans l’UE n’ont eu de cesse que de menacer d’une sortie sans accord pendant cette campagne. Cette option était donc présente dans les esprits lors du vote. Si le maintien l’avait emporté, inutile de dire qu’il n’y aurait plus aucun débat sur le type de maintien décidé.

« Projet de la peur »

La « danger » d’une sortie sans accord n’était pas la seule menace des partisans du maintien dans l’UE, les ‘remainers’. Leur argument était simple, efficace et tout trouvé : « si vous votez non, ce sera une catastrophe économique dès le lendemain du vote ». Les partisans de la sortie, les brexiters, dénonçait de « projet de la peur » : il s’agissait d’effrayer les électeurs pour qu’ils votent bien, c’est-à-dire pour le maintien dans l’UE.

La Banque d’Angleterre, David Cameron, George Osborne, son ministre des Finances, et même Barack Obama ainsi que Christine Lagarde, qui se targuait ici de bonne ingérence, annonçaient des catastrophes imminentes : effondrement de la livre, affaissement des marchés financiers, récession du PIB, hausse du chômage, débâcle des investissements, explosion de l’inflation et baisse massive des prix de l’immobilier. L’intimidation était totale.

Observons maintenant la réalité depuis le vote en faveur du Brexit lors du référendum du 23 juin 2016, où 51,9 % des Britanniques ont voté pour sortir de l’UE. Avec une participation de 72,2 %, il s’agissait de l’une des plus grandes participations démocratiques de l’histoire moderne du Royaume-Uni, avec 33 568 184 votants. Seules les élections générales de 1992 avaient amené plus de Britanniques sur le chemin des urnes.

Une industrie britannique plus dynamique

La livre sterling a certes perdu de sa valeur à la suite du référendum et de la victoire du Brexit. Le 23 juin 2016, le taux de change était de 0,76 livre pour un euro. Au 7 décembre 2019, ce taux était de 0,84 livre pour un euro. Cela représente une dépréciation de 10,5 %. Voilà qui n’a rien d’insurmontable : entre avril 2014 et mars 2017 l’euro s’est lui-même déprécié de 25 % sans que personne ne hurle à l’apocalypse.

Les illusions économiques de l'UE

Le livre de Charles-Henri Gallois, qui vient de paraître, détaille tous ces éléments dans son chapitre V

Au contraire, la baisse de la livre sterling a favorisé la production sur le territoire britannique. Entre mars 2016 et mars 2017, la production manufacturière a augmenté de 2,7 %, et la production industrielle de 3,2 %. Un tel rebond n’avait pas été observé depuis 2010. Sur l’année 2017, la hausse a été de 1,8 % [1]. Sur la période 2016-2018, la hausse a été en moyenne de 1,2 %, alors que, sur la période 2001-2015, la production industrielle était en régression de 0,8 %. Les commandes industrielles en novembre 2017 ont d’ailleurs été au plus haut depuis près de trente ans (1988) [2] !

Bourse en hausse

Pour ce qui est des marchés financiers, le principal indice boursier britannique, le FTSE 100, équivalent de notre CAC 40, cotait à 6 338,10 le 23 juin 2016 au soir. L’indice a perdu 3,15 % le vendredi 24 juin, puis 2,55 % le lundi 27 juin. Il repartait à la hausse dès le mardi 28 juin, avec une augmentation de 2,64 %, puis dépassait son niveau d’avant le vote dès le mercredi 29 juin, à 6 360,06, avec une hausse journalière de 3,58 %. Le 7 décembre 2019, il cote désormais à 7 239,66, soit une hausse de 14 % depuis l’avant-référendum. Là aussi, on est très loin de l’effondrement annoncé.

Trois années plus tard, on attend encore la récession promise par les ‘remainers’

La catastrophe n’a pas non plus eu lieu dans le domaine de la croissance et du chômage. Dès 2016, une récession devait se produire après le vote pour le Brexit. Or en 2016, la croissance était la deuxième plus forte de tous les pays du G7, à 1,8 %. Elle avait même été revue à la hausse… après le référendum ! La croissance a été de 1,7 % en 2017 et de 1,3 % en 2018. Trois années plus tard, on attend encore la récession promise par les ‘remainers’ !

Sur la période 2016-2018, la croissance est similaire à celle de la France. Alors que d’une part l’Italie n’a pas de croissance depuis l’adoption de l’euro et sombre actuellement dans la récession, et que d’autre part l’économie allemande, en train de ralentir, se trouve également au bord de la récession, on peut même constater que le Royaume-Uni ne s’en sort pas trop mal !

Le retour de vrais emplois

Mais la plus grande claque pour tous les prophètes d’Apocalypse a sans doute été l’évolution du taux de chômage.

Ce que l’on constate, selon l’Office for National Statistics (ONS, équivalent britannique de l’INSEE), c’est que le chômage était de 5 % avant le référendum et qu’il est tombé à 3,8 % à la fin de mai 2019, soit le taux le plus bas depuis plus de quarante-quatre ans, depuis l’hiver 1974. Dans le même temps, le taux d’emploi est, lui, passé de 74,2 % à 76,1 %, ce qui constitue un record historique.

Les mauvaises langues, qui n’ont pas étudié en profondeur la question, expliquent que ce taux de chômage baisse grâce aux petits boulots et aux emplois zéro heure. Si cela a pu être vrai par le passé, c’est l’inverse que l’on observe depuis le verdict de juin 2016. Les emplois à temps partiel sont passés de 8,564 millions (27 % des emplois) à 8,562 millions (26,3 % des emplois). Cela veut donc dire que beaucoup des emplois créés l’ont été à temps plein.

Augmentations salariales

On apprenait également en septembre 2019 que les salaires ont augmenté de 4,0 %, et le pouvoir d’achat de 2,1 % sur un an pour la période mai-juillet 2019 [3]. De telles augmentations de salaire et de pouvoir d’achat n’avaient plus eu lieu depuis 2008, soit onze ans. On aimerait réellement vivre à notre tour une telle catastrophe en France !

Ironiquement, certains des plus gros investisseurs au Royaume-Uni ont été des entreprises de l’UE comme Siemens

Autre pronostic : les investissements devaient aussi s’effondrer. Là encore, rien de tel n’est advenu. L’enquête annuelle sur les tendances de l’investissement réalisée par le cabinet de conseil international EY en 2019, place même pour la première fois le Royaume-Uni au premier rang mondial des destinations d’investissement, dépassant même extraordinairement les États-Unis, une économie bien plus vaste que le Royaume-Uni.

L’investissement étranger direct (FDI, pour Foreign direct investment) a augmenté de 6 % en 2017, selon les derniers chiffres disponibles, par rapport à l’année précédente. Il y a eu 1 205 nouveaux projets, contre 1 138 en 2016 et seulement 700 en 2012. Lorsqu’ils ont été interrogés sur le Brexit, 6 % des investisseurs ont déclaré qu’il diminuait leur attrait pour le Royaume-Uni, tandis que 7 % ont déclaré qu’il augmentait leur attrait.

Ironiquement, certains des plus gros investisseurs au Royaume-Uni ont été des entreprises de l’UE comme Siemens ou la société espagnole CAF. Celles qui ont le plus investi sont les entreprises américaines : Boeing, Apple, Google, Facebook, Amazon, Snapchat, McDonald’s, Subway, McCain Foods, etc.

Mauvaise foi et catastrophisme

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, mais elle témoigne de l’absence totale de lucidité et de bonne foi de la part de ceux qui annonçaient l’effondrement du Royaume-Uni et cherchent maintenant à se raccrocher aux quelques mauvaises nouvelles courantes pour faire croire que ce serait la catastrophe.

Londres est la première destination européenne des investissements en capital-risque dans les nouvelles technologies, d’après une étude du cabinet PitchBook [4] publiée à l’ouverture de la semaine de la tech de Londres. Le Royaume-Uni avait d’ailleurs aussi été classé par le célèbre magazine Forbes comme le meilleur pays pour faire des affaires en 2018 [5].

Ces investissements ne sont pas des investissements engagés sur deux ou trois mois mais pour plusieurs années. Les investisseurs au moment de ces choix avaient déjà intégré le Brexit.

L’immobilier reste en forme

L’inflation était de 2,7 % en 2017 au Royaume-Uni. Elle n’était plus que de 2 % en 2018. Rien de catastrophique. Les salaires, eux, ont augmenté de 3,3 % en 2018 [6]. Il y a donc eu un gain de pouvoir d’achat. Il y a eu une perte de pouvoir d’achat très temporaire à la fin de 2017, mais tout cela est de l’histoire ancienne puisque en 2019 les salaires augmentent bien plus vite que l’inflation. Le gain moyen de pouvoir d’achat est de l’ordre de 1,5 %.

George Osborne, ancien chancelier de l’Echiquier, agitait une autre peur : les prix de l’immobilier devaient baisser de 18 %. Ils n’ont en réalité jamais décroché. Selon l’ONS, les prix de l’immobilier ont même augmenté de 5,2 % en 2016, de 4,5 % en 2017 et de 2,0 % en 2018. D’une baisse de 18 % annoncée, on passe en réalité à une hausse de 12 % de 2016 à 2018. En outre, Paris et Francfort attendent toujours les 10 000 à 30 000 financiers qui devaient traverser la Manche pour se réfugier en France ou en Allemagne.

Les mêmes qui ont asséné toutes ces prophéties apocalyptiques devraient se faire tout petits

Le projet de la peur s’est révélé complètement faux ! Les mêmes qui ont asséné toutes ces prophéties apocalyptiques devraient se faire tout petits. Et pourtant, le discours continue en France, dans les grands médias. Ceux précisément qui se sont trompés sur toutes leurs prévisions avant le référendum préparent le deuxième étage de la fusée projet de la peur et disent que la catastrophe aura lieu après la sortie effective. Comme si toutes les entreprises n’avaient pas déjà intégré depuis longtemps cette sortie…

La seule situation terrible est politique : observer des élus et toute l’oligarchie britannique refusant d’accepter le vote du peuple anglais rappelle furieusement l’attitude de toute l’élite française après le référendum de 2005. Ce sont les politiques européistes qui ont créé le climat d’incertitude en voulant bafouer le vote.

Légitimité du Brexit renouvelée

Les médias en France tentent même de nous faire croire que les Britanniques regretteraient leur vote. Or, aux élections européennes de 2019, c’est le Parti du Brexit qui est arrivé largement en tête avec 30,7 % des voix, contre 19,7 % pour le second parti.

On est donc loin d’un rejet massif du Brexit. L’opinion est partagée, comme elle l’était avant le vote. Notons tout de même qu’à l’époque la sortie avait récolté 1,3 million de voix en plus que le maintien, ce qui donne toute la légitimité démocratique nécessaire à la sortie.

Boris Johnson, selon mes pronostics, va gagner ces élections et réaliser le souhait du peuple britannique : reprendre le contrôle et être à nouveau un pays libre et indépendant. Ceux qui doivent redouter le Brexit, ce ne sont pas les Britanniques mais les peuples qui restent dans l’UE. Ce n’est pas pour rien que l’Allemagne a toujours freiné une sortie sans accord.

L’UE a voulu que le Royaume-Uni souffre pour ne pas donner aux autres l’envie de sortir

L’UE a tout à perdre, d’où sa position de fermeté totale et de sa volonté de faire un exemple. Plutôt que de vouloir faire un accord gagnant-gagnant pour sauvegarder ses intérêts économiques, l’UE, à commencer par l’eurofanatique Emmanuel Macron, a voulu que le Royaume-Uni souffre pour ne pas donner aux autres l’envie de sortir. Au fond, cette attitude est celle d’une secte qui veut punir l’adepte qui souhaite reprendre sa liberté.

L’UE peut être la grande perdante car le Royaume-Uni est massivement déficitaire au niveau des échanges de biens. Son déficit commercial était en 2017 de près de 110 milliards d’euros avec l’UE.

La France visée au portefeuille

Surtout, les pays contributeurs nets restants devront payer le manque à gagner au budget de l’UE. La contribution nette de la France au budget de l’UE est de 10 milliards d’euros en 2019. Après la sortie du Royaume-Uni, elle pourrait passer dans les années qui viennent à 14 ou 15 milliards d’euros par an. Alors que les services publics de base comme l’hôpital, ou l’entretien de nos routes et de nos ponts, manquent de moyens, on continue d’aligner les billets en pure perte pour la secte UE. 15 milliards d’euros, cela représente la construction de 375 hôpitaux ! Ce qui représente aussi 909 euros par an et par foyer fiscal payant l’impôt sur le revenu.

Bon vent à nos amis britanniques, qui sortiront tout début 2020 et s’en sortiront très bien. Il est grand temps de suivre leur exemple, de ne plus avoir peur de ces illusions économiques, de se libérer de la secte UE par le Frexit et de reprendre notre liberté et notre démocratie.

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[1] Office for National Statistics (ONS).

[2] Indice mensuel de la fédération patronale CBI (Confederation of British Industry) mesurant les commandes en carnet.

[3] ONS.

[4] Étude de juin 2019 du cabinet PitchBook.

[5] Forbes, décembre 2017.

[6] ONS.

 

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De Bruxelles, Thierry Breton demande à Emmanuel Macron de tenir bon sur les retraites

Par : pierre

Dans une interview sur Europe 1, le nouveau Commissaire européen, ancien patron de grandes firmes, insiste pour que soient réalisées les réformes que l’exécutif européen juge nécessaires

On ne saurait trop remercier nos confrères d’Europe 1. Ceux-ci ont eu l’idée lumineuse, ce lundi 9 décembre, d’inviter le tout frais Commissaire européen chargé du marché unique, de la politique industrielle, du numérique, et de quelques autres dossiers.

Thierry Breton allait donc pouvoir nous donner le point de vue de Bruxelles sur la réforme des retraites prévue par le gouvernement français. On attendait le verdict avec angoisse. Le suspense était total. Dès les premiers mots du Commissaire, cependant, le maître de l’Elysée – qui l’a proposé pour le poste, il est vrai en second choix après les malheurs de Sylvie Goulard – a dû pousser un immense soupir de soulagement : celui qui était, il y a quelques semaines encore le patron de la grande firme de services informatiques Atos, après avoir dirigé Bull, Thomson puis France Télécom, sans compter un détour ministériel par Bercy, n’a pas apporté son soutien aux grévistes.

« On espère qu’on saura trouver les moyens pour mener à son terme » la réforme – Thierry Breton

Au contraire : « je pense à toutes celles et ceux qui sont en difficulté ce matin », a-t-il lâché. En prononçant cette phrase sublime, M. Breton, même délocalisé dans la capitale de l’UE, ne songeait pas aux ministres du gouvernement français, mais voulait montrer son empathie avec les souffrances de son propre peuple. Et d’ajouter : « on espère qu’on saura trouver les moyens pour mener à son terme » ladite réforme.

Précision : le premier « on » se rapporte manifestement à la Commission européenne ; le deuxième, aux autorités françaises dont « on » attend qu’elles ne faiblissent pas face aux privilégiés du secteur public qui prennent les malheureux usagers – ou plutôt les clients – en otage.

Et Thierry Breton d’étayer sa pensée : « la Commission européenne juge nécessaires toutes les réformes qu’il faut mener sur l’ensemble du continent, et notamment celle-ci ». On n’en voudra pas au jeune Commissaire une formulation finement pléonastique (« la Commission juge nécessaires toutes les réformes nécessaires »), car on a compris l’essentiel : à Bruxelles, sur les « réformes structurelles », on ne relâche rien. Et surtout pas la pression sur les capitales qui sont sommées de ne pas flancher.

PNR

Même installé dans un bureau qui sent encore la peinture fraîche (on l’imagine), l’homme n’a pas mis longtemps à se familiariser avec l’ensemble des dispositifs communautaires visant à guider les Etats membres, tout particulièrement ceux de la zone euro, dans la politique économique à mener. Ainsi, le Programme national de réforme (PNR) qui résume les engagements annuels de Paris vis-à-vis de l’Union européenne, et dont la dernière copie fut remise à Bruxelles en avril 2019, stipule notamment : « l’accès à l’emploi et la revalorisation du travail constituent une priorité, en réformant le marché du travail et en réduisant les charges, en revalorisant les revenus d’activité, et en modernisant les systèmes d’assurance chômage et de retraite ».

Dans le sabir anglo-saxon transposé en français, on appelle cela une feuille de route. Et les autorités françaises sont en ordre de marche – c’est du moins ce que veut croire M. Breton qui affiche ainsi son optimisme : Emmanuel Macron est « vu de Bruxelles, quelqu’un qui a commencé à réformer en profondeur le pays », et jouit de « beaucoup de confiance » au sein de l’exécutif européen.

Il va sans doute en avoir besoin.

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Le grand retour du cinéma politique ?

Par : Grégoire

Du dernier film de Costa-Gavras à celui d’Olivier Assayas (Cuban Network, programmé pour janvier – affiche ci-dessus), le film politique retrouve sa place sur les écrans français.

Par Serge Regourd, professeur émérite à l’Université de Toulouse 1-Capitole.

Au cours de la période récente, la programmation cinématographique s’est caractérisée par un retour sur les écrans d’un certain nombre de films fondés sur un propos clairement politique, de critique de la société néolibérale contemporaine.

Pour s’en tenir au seul cadre du cinéma français, la tradition du film politique a été, voici quelques décennies, importante autour, en particulier, des films de Costa-Gavras ou d’Yves Boisset. Mais cette tradition a connu un profond reflux au profit d’un cinéma dominé, d’une part, par les logiques proprement commerciales de distraction grand public et, d’autre part, d’un courant cinéphilique, un peu autistique, axé sur les heurs et  malheurs de la petite – ou plus grande – bourgeoisie, des beaux quartiers ou des bobos, de préférence parisiens. De telle sorte que les analyses de l’école de Francfort, en particulier celles d’Adorno, pouvaient tourner à plein régime, illustrant la dégénérescence de la pensée critique à l’heure des médias de masse, au profit d’une pseudo-culture de pur divertissement.

Encéphalogramme politique plat

Le cinéma se manifestant, selon les études statistiques, comme la première pratique culturelle des Français, après la télévision, il était loisible d’établir une articulation – sinon une relation de cause à effet – entre le cours du temps marqué par les tendances à l’individualisme, au sauve-qui-peut, à l’acceptation implicite des dogmes mortifères de la concurrence sans rivage et de la performance managériale s’imposant dans toutes les strates de la régulation sociale, et l’encéphalogramme politiquement plat du cinéma français et européen.

Un cinéma dit d’auteur dont l’imaginaire ne dépasse guère les limites du 7ème arrondissement parisien

Certes, quelques francs-tireurs continuaient régulièrement à brosser le tableau éprouvant du saccage social opéré par les politiques néolibérales, détruisant les liens de solidarité collective, brisant des vies, à l’image de l’infatigable Ken Loach. Mais ces films n’apparaissaient que comme autant de petits canots de sauvetage, éparpillés dans la grande mer de l’industrie du divertissement, dans les marges du vaisseau amiral, compartimenté entre les vestibules de la pure distraction, jusqu’à ses limites les plus affligeantes selon la figure des Tuches, et les salons d’un cinéma dit d’auteur dont l’imaginaire ne dépasse guère les limites du 7ème arrondissement parisien.

Il n’est, peut-être, pas totalement fantaisiste de penser que, de manière évidemment non concertée, mais concomitante, le réveil d’une certaine conscience politique et sociale incarnée par le surgissement imprévu des Gilets jaunes, trouve, selon d’autres voies, un écho en termes de retour d’un cinéma authentiquement politique.

Le cinéma selon Lénine et Roosevelt

Ce cinéma politique apparaît alors lui-même comme un véhicule, sinon un élément, de gestation d’une pensée critique, au sens selon lequel Lénine définissait le septième art comme l’art le plus important pour l’URSS nouvelle, et selon lequel encore, dialectiquement, Roosevelt quelques années plus tard, concevait la conquête des esprits comme préalable à la conquête des marchés : envoyez les films, les produits suivront…

Selon une approche moins conjoncturelle, et plus générique, Gramsci démontra de manière lumineuse comment les défaites politiques sont d’abord des défaites culturelles et sans trahir sa pensée, des défaites de l’imaginaire, domaine dans lequel le cinéma occupe une place centrale.

Conditions d’une renaissance

S’agissant d’avancer l’hypothèse du retour d’un cinéma de critique politique, il convient que plusieurs éléments soient conjointement réunis afin de dépasser la simple situation des petites productions éparses. Car, comme le dit l’adage populaire, une hirondelle ne saurait faire le printemps. Au cours de la période actuelle, ces éléments paraissent bien coagulés avec la prégnance d’un certain nombre de films cumulant la qualité de films d’auteurs, c’est-à-dire d’œuvres bâties sur un point de vue, le succès critique, la reconnaissance médiatique et l’ambition d’un large public sur le terrain même capté par le cinéma proprement commercial.

Nous ne mentionnerons que de manière incidente le J’accuse de Polanski. Son sujet et son traitement sont, certes, de nature politique mais son identité historique ne saurait être confondue avec les narrations politiques des temps présents.

Dans ce mouvement, prennent place les dernières réalisations de ceux qui, précisément, n’ont jamais renoncé à leur assise politique dans un contexte global défavorable. Il s’agit pour eux de poser la question politique à partir de ses traductions sociales, à partir du quotidien meurtri, abîmé, déshumanisé, des gens d’en bas, victimes des conséquences des choix politiques n’obéissant plus qu’aux normes des eaux glacées du calcul égoïste.

Avec l’uberisation, l’exploitation capitaliste connaît une étape nouvelle au regard de laquelle le salariat fait figure de presque paradis

L’on y retrouve Ken Loach dont le titre du dernier film pourrait être le sous-titre du discours officiel de ceux qui nous gouvernent à l’égard du plus grand nombre des gouvernés : Sorry, we missed you (désolé, on vous a oublié). Traduction courtoise en quelque sorte des propos abjects d’un président de la République en exercice qui ose désigner nombre de ses concitoyens comme ceux qui ne sont rien. Avec l’uberisation, l’exploitation capitaliste connaît une étape nouvelle au regard de laquelle le salariat fait figure de presque paradis, de zone en tout cas de sécurité, sinon de confort. Une étape, comme le donne à voir le film de Ken Loach, de négation de la dignité de la personne humaine, de maillon intermédiaire entre salariat et esclavage moderne.

Les ravages de la précarisation, portant délitement du sentiment de solidarité entre les faibles, perte de toute conscience de classe et empressement à se jeter sous la table de festin des dominants pour en récupérer des miettes avec délectation, sont au cœur du dernier film de Robert Guédiguian, Gloria Mundi. Dans quel monde vivront nos enfants au rythme de l’actuelle déflagration sociale ? La question, en forme de déploration blessée, vaut lancement d’alerte politique, d’impératif catégorique de prise de conscience car la mort des apprentis businessmen est au bout du chemin. Comme métaphore de mort sociale de ce qu’il est encore convenu de nommer l’humanité.

Les Misérables constitue un véritable coup de poing dans la gueule des représentations convenues

Selon une autre approche, Les Misérables, premier film de Ladj Ly, cinéaste autodidacte des cités de Montfermeil, constitue un véritable coup de poing dans la gueule des représentations convenues d’un certain cinéma français usurpant sans vergogne les atours détournés de l’exception culturelle. Film hautement politique sur le délabrement avancé du tissu républicain, le surgissement sauvage de modalités de lutte des classes dépourvues de conscience de classe, l’éclatement communautaire, produit du déchaînement aveugle du néolibéralisme, préfigurant la menace d’un nouveau Léviathan selon lequel l’homme est un loup pour l’homme.

Panique dans la Macronie

Cette cécité de ceux qui nous gouvernent, ayant jeté aux orties les missions supposées légitimer leurs pouvoirs – liberté, égalité, fraternité –, explique, selon les informations parues dans les gazettes, que découvrant ce film, le susvisé président de la République, aurait conjointement découvert l’état désastreux des territoires abandonnés de la République – le propre d’un film politique permettant le dessillement des moins préparés – et demandé à ses ministres de proposer quelques solutions d’urgence… Le film, primé au dernier Festival de Cannes, représentera la France dans la course aux Oscars. Tout un symbole sur le retour du cinéma politique.

Mais au-delà de ces films, parmi les plus représentatifs de ce qui veut être signifié ici, témoignant des conséquences sociales de choix politiques, plusieurs autres films correspondant aux critères précédemment évoqués, expriment plus directement ce retour au politique en termes institutionnels.

La Mafia, figure ultime du capitalisme

Ce pourrait être déjà le cas de l’admirable dernier film de Bellochio, Le traître, contant l’histoire du repenti de Cosa Nostra, Buscetta, tant il montre l’interpénétration entre le crime organisé et une partie de la classe politique italienne, en forme de parabole selon laquelle la figure ultime de la jungle capitaliste pourrait bien s’incarner dans l’entreprise mafieuse elle-même, alors débarrassée des derniers oripeaux des contraintes juridiques, comme hyperbole d’un marché libre et non faussé.

Il ne s’agit encore que d’un spectre menaçant, né avec les règles du droit de la concurrence, mais les dégâts déjà produits par celui-ci dans le cadre de l’Union européenne ne sauraient être sous-évalués. Tel est le sujet du dernier film de Costa-Gavras, Adults in the room, à partir du sort infligé à la Grèce.

Une nouvelle tragédie grecque

L’adaptation du livre de l’ancien ministre de l’économie Varoufakis, décrivant les cruelles déconvenues subies par les espoirs politiques non conformes à la doxa libérale, montre, hélas, de manière implacable, à quel point les gouvernants européens, et plus fondamentalement le système dont ils sont les officiants, se moquent éperdument des choix démocratiques des peuples concernés.

Figure de Janus : les conséquences sociales montrées par Guédigian correspondent bien, sur l’autre face, aux causes politiques montrées par Costa-Gavras, annihilant les résultats d’un référendum exprimant pourtant sans ambiguïté les attentes du peuple grec. Expression démocratique aussitôt foulée aux pieds par les dirigeants de l’Union Européenne pour non-conformité aux principes libéraux inscrits dans le marbre des traités non renégociables de l’Union Européenne. De telle sorte que les consultations populaires tendent à devenir un théâtre d’ombres, une cour de récréation dans laquelle s’ébrouent les diverses filiales politiques du système et de supposés opposants réduits à une verbalisation velléitaire, en violation de la définition même de la démocratie, et clin d’œil cynique de l’Histoire, ce au sein même de son berceau athénien.

De Saint-Germain-des-Prés à Cuba

Cette incontestable vague de cinéma politique sera-t-elle pérenne et pourra-t-elle avoir un effet politique dans le champ culturel ? Il apparaît en tout cas, pour conclure sur une note d’espoir, que certains cinéastes parmi les plus représentatifs de la tendance lourde précédemment évoquée, paraissent eux-mêmes être concernés.

Ainsi, en particulier du dernier film d’Olivier Assayas, Cuban Network qui se présente comme la parfaite antithèse de son calamiteux film précédent (Doubles vies), caricature extrême du petit univers germanopratin de l’édition. Comme touché par la grâce de la rédemption politique, son dernier film (sortie prévue en janvier), se présente comme une passionnante enquête sur l’épopée des responsables politiques cubains exfiltrés en Floride pour conjurer les périls des menées terroristes de l’extrême droite américaine, discrètement soutenue par le Département d’Etat. La relation entre Cuba et les États-Unis y est l’objet d’une analyse politique en forme de divine surprise.

 

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Démondialisation : vers un retour à la souveraineté ?

Par : Grégoire

Alors que, ce 5 décembre, se forme un mouvement social marquant et que l’ébranlement des Gilets jaunes est toujours sensible, Jacques Sapir montre ici à quel point la démondialisation doit être comprise comme le retour de la souveraineté du peuple.

Par Jacques Sapir, économiste, spécialiste de la Russie et des questions monétaire

Lors de la rédaction de mon ouvrage La Démondialisation en 2011(1), il était déjà possible de percevoir les signes d’une crise de la mondialisation. Le constat que l’on peut tirer des dix dernières années est que cette mondialisation, ou globalisation, a engendrée de profondes forces de contestation, dont la puissance n’a cessé de croître. Nous percevons mieux encore aujourd’hui un élément incontestable de ce phénomène : la mondialisation est contradictoire à l’existence même de la démocratie.

Ce n’est pas le seul problème que cette mondialisation soulève : les questions de développement économique, celles concernant l’environnement et les problèmes sociaux multiples que les pays, qu’ils soient développés ou non, connaissent, sont les fruits amers de la mondialisation. Ils ont provoqué de véritables fractures, tant économiques que sociales, tant sociales qu’écologiques, dans les pays du « centre » du système économique capitaliste tout comme dans les pays de la « périphérie ». Mais le fait nouveau auquel nous sommes aujourd’hui confrontés est bien la crise de la démocratie, la crise des systèmes politiques engendrées par la mondialisation. En un sens, le mouvement des Gilets Jaunes, qui a ébranlé jusqu’au plus profond la société française depuis le mois de novembre 2018, en est le produit.

Accélération de la démondialisation

Les événements qui constituent la trame de cette démondialisation ont pu s’étaler sur une période assez longue. Il en va ainsi de la paralysie qui a gagné l’OMC et le « cycle de Doha » au début des années 2010. D’autres événements se sont produits sur un laps de temps plus court. On peut considérer que la période qui va de 2016 à 2018 a été à cet égard particulièrement fertile. Ainsi, le Brexit reste un ébranlement majeur dans la zone de l’Union européenne. Donald Trump a, quant à lui, signifié la fin des accords de libre-échange discutés depuis plusieurs années, comme le TAFTA (2), et a renégocié le traité avec le Canada et le Mexique (ALENA) (3). Le processus de démondialisation s’est donc accéléré. Il a été marqué par la stabilisation puis la baisse de la part des échanges, que ces derniers soient mesurés en volume ou mesurés en pourcentage du PIB mondial.

Graphique 1

https://www.les-crises.fr/wp-content/uploads/2019/02/00-00-Gr.jpgSource : UNCTAD, Handbook of Statistics 2018 – International merchandise trade,

Ce mouvement ne pouvait être encore perçu dans les années 2010-2011. Le montant des exportations est ainsi passé de 6 100 milliards de dollars américains à 16 100 milliards de 2001 à 2008 soit une augmentation de 2,6 fois. Mais de 2008 à 2017, ce montant est passé de 16 100 à 17 700 milliards, soit une augmentation de seulement 10%, inférieure de fait à celle du PIB mondial. Le ressort semble donc cassé.

Graphique 2

Source : FMI (base de données) 

La baisse du pourcentage de ces exportations mondiales rapportées au Produit intérieur brut mondial (PIB) indique clairement que le poids du commerce international dans la richesse mondiale est lui-même en train de baisser. En clair : une part croissante de la richesse est produite en réalité pour alimenter les marchés intérieurs des divers pays.

Le G7, qui s’est réuni en août 2019, ne peut plus, que ce soit dans son format actuel, ou que ce soit sur ses principes de constitution, être la plate-forme qui impulse et dirige l’économie mondiale. Il n’en a pas, d’ailleurs, la légitimité. Il a beaucoup perdu de son importance économique. Après avoir dépassé le 65% du PIB mondial à la fin des 1980 et dans les années 1990, et s’être un temps élargi à la Russie pour devenir le G8, son poids est tombé aujourd’hui nettement sous les 50%. Et il y a un lien évident entre cette perte de légitimité et cette perte d’influence dans le PIB mondial. De fait, quand le G7 a expulsé la Russie en 2014 (4), il a probablement signé son acte de décès.

En tentant de transformer ce qui devait être un forum en un club politique, les pays occidentaux ont montré leur incapacité à saisir le renouvellement du monde. Il est d’ailleurs intéressant que la Russie ne soit pas intéressée par un retour au G7 (5). Elle tire les leçons des transformations de l’économie mondiale de ces quinze dernières années et entend privilégier le G-20, comme l’indique Serguey Lavrov : « au sein du G20, les ultimatums ne marchent pas et vous avez besoin de parvenir à des accords (…) Je pense que c’est le format le plus prometteur pour l’avenir ».

Cette idée de la multipolarité du monde se combine alors avec une vision claire du rôle de la souveraineté (6).

Fragmentation de l’espace économique mondial

Mais, ce qui frappe aussi aujourd’hui est que les pathologies politiques engendrées par la mondialisation ont atteint un point de rupture. Nous le constatons en France et dans les pays voisins.

Nous le constatons aussi dans le pays qui se présentait comme le cœur même du processus de mondialisation, les Etats-Unis (7). Avec l’élection de Donald Trump, ces derniers ont tourné le dos aux accords multilatéraux dont ils s’étaient pourtant faits les champions durant des décennies. Ils ont engagé une négociation bilatérale globale avec la Chine, reconnaissant de fait que les Etats, les autres Etats qu’eux-mêmes, comptaient bien. Plus indirectement, à travers la politique des sanctions économiques dont ils usent et abusent (et cela en réalité depuis une période bien antérieure à l’élection de Donald Trump), ils accélèrent la fragmentation de l’espace économique mondial. La démondialisation est ainsi passée du stade de possibilité, de virtualité, à celui de fait ; puis elle est passée de celui de fait à celui de fait majeur. Les signes d’un épuisement du processus, mais aussi d’une remise en cause de ce dernier s’accumulent. Le retour au premier rang des nations comme acteurs politiques s’impose (8).

La « mondialisation » n’a jamais interrompu les guerres 

Certes, on parle aujourd’hui de risques de guerre à l’échelle mondiale. Et il est vrai que les tensions géopolitiques se sont accrues. Mais, elles traduisent plus la volonté de certains Etats de maintenir des cadres de la démondialisation que l’inverse. En réalité, la « mondialisation » n’a jamais interrompu les guerres. Ces dernières années, que ce soit dans les Balkans, en Afrique, au Moyen-Orient, la « mondialisation » s’est accompagnée de conflits violents, certains mettant en présence des armées régulières et d’autres faisant intervenir des forces dites « irrégulières ». Ces conflits armés ont même été précipités par la « mondialisation ».

Les intérêts des grandes entreprises et des Etats, la volonté dans certains cas de s’assurer un monopole de ressources – sur le pétrole mais aussi sur les terres rares (9) – pour utiliser ce monopole dans le cadre d’un commerce « mondialisé », tout cela a précipité des millions et des millions de femmes, d’hommes et d’enfants dans les horreurs des guerres et des guerres civiles (10).

Le fait justement que le commerce soit « mondialisé » induit un nouveau degré dans la concurrence mais implique aussi de nouveaux espoirs de profits. Ces deux éléments jouent bien souvent un rôle décisif dans la décision d’entrer en conflit armé ou de susciter, en exploitant telle ou telle revendication, ce conflit armé. Le navire marchand fut en permanence précédé du navire de guerre… Le commerce et la « mondialisation » ne sont pas des alternatives aux conflits, mais la forme particulière qu’ils prennent dans un contexte donné.

A l’ordre glacé de la guerre froide n’a succédé aucun système stable organisant les relations entre les nations

Cela devrait nous faire comprendre que nous vivons une période dangereuse car, à l’ordre glacé de la guerre froide n’a succédé aucun système stable organisant les relations entre les nations. La volonté de certains de remettre en cause la souveraineté des nations a durablement déséquilibré le cadre des relations internationales. Comme le dit Hamlet : « This time is out of joint », « ce temps est hors de ses gonds » (11).

Dans ce cadre, qu’appelle-t-on aujourd’hui la « démondialisation » ? Certains confondent ce terme avec une interruption volontaire ou fortuite des flux d’échanges à l’échelle de la planète. Ils confondent ainsi un protectionnisme, qui peut être amplement justifié dans la théorie économique, et la pratique de l’autarcie qui, elle, bien souvent est annonciatrice de guerres. Ils se trompent aussi sur la nature du lien qui lie la croissance du PIB à l’échelle mondiale et le volume des échanges. Rappelons ici que c’est la croissance du PIB qui tire les échanges et non les échanges qui tirent le PIB. Mais, surtout, ils oublient que ces échanges, échanges de biens, de services, mais aussi échanges culturels voire échanges financiers, sont bien plus anciens que le phénomène nommé « mondialisation » ou « globalisation ». Car la « mondialisation » pour ne garder que ce seul mot, ne se réduit pas à l’existence de ces flux.

Reprise en main par les Etats

Ce qui avait fait émerger le phénomène de la mondialisation et l’avait constitué en « fait social » généralisé était un double mouvement. Il y avait à la fois la combinaison, et l’intrication, des flux de marchandises et des flux financiers, ET le développement d’une forme de gouvernement (ou de gouvernance) où l’économique semblait l’emporter sur le politique, les entreprises sur les Etats, les normes et les règles sur la politique. Or, sur ce point, nous ne pouvons que constater une reprise en mains par les Etats de ces flux, un retour victorieux du politique. Ce mouvement s’appelle le retour de la souveraineté des Etats.

Or, la souveraineté est indispensable à la démocratie (12). Nous avons des exemples d’Etats qui sont souverains mais qui ne sont pas démocratiques, mais nulle part on a vu un Etat qui était démocratique mais n’était pas souverain.

Cette reprise en main s’accompagne aussi d’une insurrection des peuples contre les effets de la « mondialisation », insurrection qui va aujourd’hui du Chili au Liban, en passant par cette « vieille » Europe avec le Brexit et le mouvement des Gilets jaunes. Cette insurrection peut prendre des formes très diverses. Ce qui se produit cependant, c’est bien la révolte d’une population qui a été paupérisée par le « mondialisation » – un phénomène qui avait été analysé il y a plus de dix ans (13).

Une population qui se sent aussi humiliée et dépossédée par ce processus de sa capacité à décider de sa vie. On a beaucoup dit, et avec raison, que le mouvement des Gilets jaunes correspondait à une révolte de la France périphérique, un concept popularisé par un géographe, Christophe Guilluy (14). Mais, et ce point en dit long sur la profondeur de ce mouvement, il a aussi lancé des passerelles vers d’autres catégories sociales qui, tout comme cette France périphérique, souffrent de la mondialisation.

La démondialisation sera donc le grand retour du politique sur le « technique », de la décision souveraine sur l’automaticité des normes.

En France, il est très instructif de voir comment les revendications des Gilets Jaunes se sont développées d’une révolte antifiscale au départ à une remise en cause de l’injustice fiscale, puis à une remise en cause de la structure économique qui maintient les salaires et les revenus de la majorité au plus bas, et enfin à une remise en cause du cadre politique avec des revendication comme celle du référendum d’initiative citoyenne, voire avec la demande de démission du président de la République.

La démondialisation sera donc le grand retour du politique sur le « technique », de la décision souveraine sur l’automaticité des normes. Or, le « technique » s’incarne aujourd’hui principalement dans l’économique et le financier. La démondialisation est donc fondamentalement le retour de la souveraineté.

Être souverain, c’est avant tout avoir la capacité de décider (15), ce que Carl Schmitt exprime aussi dans la forme « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » (16). Sur cette question de la souveraineté, il ne faudra donc pas hésiter à se confronter, et pour cela à lire Carl Schmitt (17), si l’on veut espérer avoir une intelligence du futur. Car, la question du rapport de la décision politique aux règles et aux normes, et donc la question de la délimitation de l’espace régi par la politique et de celui régi par la technique, est bien constitutive du débat sur la souveraineté (18).

L’économique au service de la politique

Non que les raisonnements économiques et financiers soient amenés à perdre toute importance. De fait, la prise en compte des éléments économiques du pouvoir et de la souveraineté fait partie intégrante du processus de démondialisation. Non qu’il n’existe non plus, dans nos sociétés, des espaces régis par l’ordre technique, ou du moins des espaces dominés par la légitimité technicienne. Mais, ces dimensions deviendront désormais secondes par rapport au politique, qui recouvrera ses droits. L’économique et le financier redeviendront des instruments au service du politique. Et, avec ce retour en force du politique, nous pourrons avoir celui de la démocratie, d’un ordre qui tire sa légitimité non du marché mais du peuple, qui est mis au service des intérêts du peuple, et qui se matérialise dans le pouvoir du peuple.

La phrase de Lincoln (19), prononcée dans sa célèbre Adresse de Gettysburg le 19 novembre 1863 qui commémorait l’une des plus terribles et des plus sanglantes bataille de la guerre de Sécession(20), « du peuple, pour le peuple, par le peuple » va retrouver tout son sens.

La démondialisation, doit donc être comprise comme le retour de la souveraineté. La souveraineté des Nations bien sûr, que l’on avait analysée dans un ouvrage de 2008 (21), mais aussi la souveraineté du peuple, qui s’y exprime, car cette souveraineté doit prendre la forme en démocratie véritable (et non en démocratie formelle) de la souveraineté du peuple. C’est pourquoi la démondialisation doit être regardée comme positive, car elle implique cette réaffirmation de la souveraineté qui rend possible la démocratie. Elle détermine ainsi le contexte des futurs combats politiques.

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[1] Sapir J., La Démondialisation, Paris, Le Seuil, 2011.

[2] https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-va-enfoncer-un-premier-coin-dans-les-traites-de-libre-echange_1871797.html

[3] https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/02/donald-trump-veut-mettre-fin-a-l-alena-rapidement_5391562_3210.html

[4] http://www.lefigaro.fr/international/2014/03/24/01003-20140324ARTFIG00370-g7-la-russie-exclue-du-club-des-puissants-apres-l-annexion-de-la-crimee.php

[5] https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-russie-ne-compte-pas-reintegrer-le-g8_2015762.html

[6] https://fr.sputniknews.com/international/201806061036682564-poutine-russie-souverainete/

[7] Page, B et Gilens, M, Democracy in America: What Has Gone Wrong and What Can be Done About It, Chicago, IL, University of Chicago Press, 2017; Domhoff, W, The Power Elite and the State, Londres, Routledge, 2017.

[8] J’en avais rendu compte dans Sapir J., Le Nouveau XXIè Siècle, le Seuil, Paris, 2008.

[9] Voir le cas de la guerre du Kivu, Autesserre S.,« Penser les Conflits Locaux: L’Echec de l’Intervention Internationale au Congo, » in L’Afrique des Grands Lacs : Annuaire 2007-2008, Paris: L’Harmattan, pp. 179 – 196, 2008.

[10] Voir par exemple Lavergne M., Darfour : impacts ethniques et territoriaux d‘une guerre civile en Afrique

[11] Hamlet, Acte 1, scène 5.

[12]  Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

[13] Voir Bivens J., “Globalization, American Wages, and Inequality” Economic Policy Institute Working Paper, Washington DC, Septembre 6, 2007 ; Irwin G., “Growing Inequality in the Neo-liberal Heartland,” in Post-Autistic Economics Review, 43 15 Septembre 2007, pp. 2–23.

[14] Guilluy C., La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, coll. Champs, 2015.

[15] Schmitt C., Légalité, Légitimité, traduit de l’allemand par W. Gueydan de Roussel, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, Paris, 1936; édition allemande, 1932.

[16] Schmitt C., Théologie politique, Paris, Gallimard, 1988., p. 16.

[17] Balakrishnan G., The Ennemy: An intellectual portait of Carl Schmitt, Verso, 2002. Voir aussi Kervégan J-F, Que Faire de Carl Schmitt, Paris, Gallimard, coll. Tel Quel, 2011.

[18] Voir Sapir J., Les économistes contre la démocratie – Les économistes et la politique économique entre pouvoir, mondialisation et démocratie, Albin Michel, Paris, 2002.

[19] https://www.citation-du-jour.fr/citation-abraham-lincoln/democratie-gouvernement-peuple-peuple-peuple-13727.html

[20] Pour un commentaire sur ce discours et sa signification tant politique que symbolique, voir Perry R.B., « La Conscience américaine », in Revue de métaphysique et de morale, Société française de philosophie, vol. 29, no 4,‎ 1922.

[21] Sapir J., Le Nouveau XXIè Siècle, op.cit..

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Le double langage de la Charte européenne des droits fondamentaux

Par : Grégoire

Ferme sur la libre concurrence en économie, faible sur les droits sociaux : la Charte européenne des droit fondamentaux « fête » ses dix ans d’application.

Par Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la fondation Res Publica

Parmi les bonnes fées qui se penchent sur les berceaux des peuples, européens il en est une qui fête ces jours-ci son anniversaire : la Charte européenne des droits fondamentaux. Négociée en marge du traité de Nice (2000), elle devait à l’origine apparaître dans toute sa gloire dans la défunte « Constitution européenne », brillant au fronton de ce grand œuvre. Pouvait-elle s’éteindre avec cette « Constitution » mort-née ? Impossible, ont pensé ses créateurs. Dès lors que la session de rattrapage était ouverte, il fallait nécessairement que la Charte en fût : n’apportait-elle pas, à elle seule, cette garantie de progrès vers le bonheur futur des peuples quoique ces derniers, par quelque malentendu incompréhensible, aient rejeté la Constitution ?

C’est ainsi que le Traité de Lisbonne a donné valeur obligatoire à la Charte depuis son adoption le 1er décembre 2009. Alors, dix ans de bons et loyaux services ?

A vrai dire, cette célébration risque d’être bien moins flatteuse que n’auraient pu l’espérer les pères de la Charte

Un colloque universitaire[1] sera très prochainement consacré au grand évènement qu’est nécessairement ce dixième anniversaire. A vrai dire, cette célébration risque d’être bien moins flatteuse que n’auraient pu l’espérer les pères de la Charte. On lit ainsi dans la présentation du colloque que « l’hypothèse pourra être confirmée ou infirmée (que) le bilan est mitigé ». Les participants sont invités à explorer « les domaines dans lesquels la Charte a eu une influence visiblement significative comme ceux dans lesquels les espoirs suscités par son invocation ont été déçus ».

Explorer ? Explorons !

La Charte se présente comme un texte ambitieux. Il est certes compliqué, pour ce qui est de son articulation, par les droits déjà proclamés avec libéralité dans la Convention européenne des droits de l’homme – sans parler de la redondance des deux textes… Mais quand on aime on ne compte pas. Pourtant, la Charte ne s’en veut pas moins l’aile avancée des progrès futurs non de l’esprit humain mais de l’esprit européen.

Pas d’avancée vers l’égalité réelle

Notons d’emblée ce que quelques critiques impénitents avaient souligné dès 2005 [2] l’inaptitude radicale de la Charte à faire progresser le droit par des avancées vers cette égalité réelle que l’on opposait jadis aux « libertés formelles ». Il n’était en effet que de lire le texte pour y voir la différence de traitement entre d’une part les droits « formels » – liberté de presse, d’opinion, de réunion, etc. – hardiment imposés à des pays qui, tel le nôtre, les avaient inscrits dans la loi depuis plus d’un siècle – et, d’autre part, les droits économiques et sociaux – droit au travail, à la sécurité professionnelle, à la protection contre le licenciement abusif, conditions de travail justes et équitables. Ces derniers, loin de figurer, comme les précédents, au fronton des exigences directement applicables sont sèchement renvoyés « aux traditions et pratiques (sic) nationales ».

Tout est proclamation, rien n’a de consistance

Aucune avancée donc que ce soit dans la protection des travailleurs, sans parler des lénifiants « droits de l’enfant » sans portée et des droits des personnes âgées « à mener une vie indépendante et à participer (sic) à la vie sociale et culturelle ». Tout est proclamation, rien n’a de consistance. Et c’est également ainsi, dans un autre domaine, que ni la Pologne ni l’Irlande n’ont pu être contraintes par ladite Charte à adopter une législation permettant la libre disposition du corps humain, par la reconnaissance d’un droit à l’IVG : le texte, proclame en effet, dès son article 2, le « droit à la vie ». Des combats qui ont été menés dans ces deux pays, aucune trace et pour cause du rôle de la Charte : elle ne s’imposait pas au droit national. Quel progrès a-t-elle pu ainsi apporter aux droits fondamentaux ?

Nous sommes certes habitués avec cette Europe-là aux proclamations vertueuses et sans la moindre portée obligatoire, lorsqu’il s’agit des invocations rituelles dans les traités à la « solidarité », à l’« égalité » etc. Nous sommes aussi habitués, en contraste, aux règles de droit au contraire directement contraignantes lorsqu’il s’agit d’organiser le marché sur la base de la concurrence « libre et non faussée ». En ce sens le double langage de la Charte, qui, dans un même texte d’une cinquantaine d’articles, réunit avec art les libertés formelles surprotégées et des droits économiques et sociaux sans aucune consistance, est le témoignage le plus achevé de la schizophrénie institutionnelle européenne.

Refus du progressisme

On pourrait aller plus loin encore. Car s’il faut également, comme le proposent les organisateurs du colloque, tenter d’« identifier les domaines dans lesquels la Charte présente ou pourrait (sic) présenter une plus-value que cela soit sur un plan substantiel ou sur un plan procédural », l’honnêteté intellectuelle ne conduirait-elle pas tout aussi bien à s’interroger sur les moins-values ?

En voici une et non des moindres : la laïcité est sans existence aucune dans la Charte[3] ce qui revient à dire qu’il faut et qu’il faudra toujours combattre pour que cette dernière ne se solde pas, dans son application par les juridictions communautaires, par une régression.

La laïcité est en France, contrairement à d’autres pays, de valeur constitutionnelle : précisément la Charte était une belle occasion de la généraliser. C’est le contraire qui a été choisi car la Charte, dit son préambule, reconnaît les « traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ». Un refus donc d’intégrer ce qu’il y aurait pu y avoir de plus progressiste dans telle ou telle Constitution. S’agissant de la laïcité, l’occasion a ainsi été perdue d’intégrer ce qu’aurait pu être l’apport d’un grand texte fondamental progressiste. Aucun supplément d’âme n’attend donc le lecteur attentif de la Charte.

Il ne reste plus qu’à attendre avec intérêt le colloque de Grenoble…

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[1] Université de Grenoble-Alpes colloque des 9 et 10 décembre 2019 consacré aux dix ans de la Charte

[2] Oser dire non à la politique du mensonge, Editions du Rocher 2005

[3] Qui reconnaît « la liberté de pensée, de conscience et de religion » en les mettant sur le même plan alors qu’en France la loi de 1905 fait de la liberté de conscience la matrice de la liberté de croire ou ne pas croire, surplombant ainsi la liberté de religion

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Wie sieht die Zukunft der Gelbwestenbewegung ein Jahr nach ihrem Beginn aus?

Par : pierre

Ein Jahr nach Beginn des von niemand vorausgesehenen Aufstands, denkt der Pariser Vorsitzende der Gewerkschaft CGT über die Zukunft dieser Bewegung nach.

Von Benoît Martin, Generalsekretär der Gewerkschaft CGT (Confédération Générale du Travail) des Departements Paris.

Die Auslöser sind bekannt, vor allem die Frage der Kraftstoffpreise und insbesondere die inländische Verbrauchssteuer auf Energieprodukte. Dieses Problem ist auch ein Jahr später noch nicht gelöst. Autofahrer gelten nach wie vor als « dreckschleudernde Melkkühe ». Denn die Kraftstoffsteuern sind der Goldesel des Finanzministeriums. In den heutigen Zeiten der Mobilisierung für das Klima bleibt die Bestrafung des kleinen Verursachers eine vielversprechende politische Marktlücke. Aber niedrige Einkommen in Verbindung mit den zurück zu legenden Kilometern, die durch den Abbau von Arbeitsplätzen und öffentlichen Dienstleistungen erzwungen werden, bleiben eine unhaltbare Gleichung. Die von einer Sprecherin der Gelbwesten, Priscillia Ludosky, initiierte Petition « für eine Senkung der Kraftstoffpreise an der Pumpe » erhielt 1.256.000 Unterschriften. Ihre Forderungen haben die Menschen angesprochen, daher der Erfolg dieses Vorläufers der Gelbwestenbewegung.

Aber das ist noch nicht alles. Auch im Bereich der Steuerpolitik wurde die Abschaffung der Vermögenssteuer als unerträgliche Ungerechtigkeit angesehen. Dem schönfärberische Diskurs über die talentierten, wohlhabenden, genialen Erfinder und Arbeitsbeschaffer ist immer weniger glaubwürdig geworden. Und die ISF (Impôt sur la fortune, Vermögenssteuer) ist zu einem Katalysator für die Bewegung geworden.

Als aktives Mitglied der CGT sagte ich mir im Dezember 2018, dass die gewerkschaftlichen Steuerforderungen in den Parolen der Gelbwesten ein hervorragendes Echo gefunden hatten. Die CGT hatte in der Tat schon seit langem den Standpunkt vertreten, dass es notwendig sei, die Verbrauchssteuern zu senken und die Steuereinnahmen auf der Grundlage von Einkommen, Vermögen und Unternehmensgewinnen zu fördern. So einfach wie Guten Tag sagen und so effizient wie man es sich nur wünschen kann. Nur, dass ein großer Teil der Gewerkschaftsbewegung zu den Gelbwesten auf Distanz ging, obwohl objektiv die Forderungen ähnlich waren.

Ich dachte mir:  » Das ist der Pöbel, da bin ich dabei! « 

Auf den Kreiseln, deren Echo ich auf Facebook hörte, auf den Pariser Demonstrationen, an denen ich teilnahm, wurden das Thema Steuergerechtigkeit und der Wunsch nach einem bürgernahen und effizienten öffentlichen Dienst formuliert. Die Bewegung interessierte sich nicht nur dafür wie die Einnahmen des Staates zustande kommen, sondern auch dafür wie sie ausgegeben werden. Unter Proletariern und Kleinhandwerkern fand eine Bürgerdebatte über die Form des PLF (Projet de loi de finances, Finanzierungsgesetz) statt. Ich dachte mir: „Das ist der Pöbel, da ich bin dabei!“ (1). Mitte Dezember entschied der Generalausschuss der CGT-Abteilung des Departements von Paris, es sei angebracht, mit den Gelbwesten in Kontakt zu treten, um zu sehen, was wir gemeinsam tun könnten.

Die Bewegung der Gelbwesten ist in einer französischen Gesellschaft entstanden, die schlummern zu sein schien. Diese Gesellschaft ist jedoch von zunehmenden Ungleichheiten und vielfachem sozialem Abstieg betroffen. Achtzehn Monate vor Beginn der Gelbwestenbewegung schien sich die politische Landschaft jedoch neu formiert zu haben. Mit der Ausnahme, dass der neu gewählte Präsident der Republik die Kontinuität des Neoliberalismus verkörperte, nachdem sich jahrzehntelang die Linke wie die Rechte abwechselnd mit derselben Politik diskreditiert hatten.

Emmanuel Macron wurde von der Oligarchie gewählt, seine Politik ist die der Europäischen Union

Emmanuel Macron ist die Synthese seiner beiden Vorgänger; dieser Plutokrat wurde von der Oligarchie gewählt. Ihre Politik ist die der Europäischen Union; nichts Neues am Horizont… Doch am 23. Juni 2016 beschloss das britische Volk, die EU zu verlassen. Dieses wichtige Ereignis fand statt ein Jahr nachdem der damalige griechische Premierminister die Durchführung eines Referendums über die Sparpolitik Brüssels angekündigt hatte. Die Griechen wählten massiv gegen diese Sparpolitik – die wurde trotzdem durchgesetzt!

Der Rücktritt des Elysée-Bewohners ist heutzutage in Frankreich eine Forderung, die aus dem Volk kommt. Die Verantwortung und die Rolle der grossen Arbeitgeber wurden aber leider verschwiegen. Auf Emmanuel Macron wird mit dem Finger gezeigt, aber vergessen wir nicht Ursula Von der Leyen und Christine Lagarde!

Denn wo stossen die Forderungen nach höheren Löhnen, mehr Beschäftigung und öffentlichen Dienstleistungen auf Widerstand, wenn nicht an der EU-Mauer? Es ist sehr nützlich, die im Juni 2018 und im Juni 2019 ausgearbeiteten allgemeinen Grundzüge der Wirtschaftspolitik der EU für Frankreich zu lesen. Das ist sehr aufschlussreich. Privatisierung, Kürzung der öffentlichen Ausgaben, Steuererleichterung für die Reichen und die Unternehmen, Flexibilisierung des Arbeitsmarktes, Reform der Renten: Da steht das alles!

Eine Volksbewegung statt zwischengeschaltete Interessengruppen

Zur Demokratie, zu Fragen der Machtdelegation und zu den Zwischenorganen hat die Gelbwestenbewegung eine Fülle von sehr interessanten Vorschlägen gemacht, die Teil einer langen, auf die Zeiten der Monarchie folgenden Geschichte sind:

Anstelle von Gesetzen, die von gewählten Amtsträgern verabschiedet wurden, ein Volksreferendum (RIC) (2).

Eine Volksbewegung und keine zwischengeschalteten Interessengruppen.

Eine Botschaft, die von der Bewegung und nicht von einem Sprecher ausgeht.

Die wiedergefundene mitmenschliche Brüderlichkeit anstelle von Kandidaten für die Europawahlen….

Das vergangene Jahr wäre fast zu einem verfassungsgebenden Jahr geworden. Schade, dass dies nicht gelungen ist. Aber ich weiß, dass Gruppen von Gelbwesten weiterhin an diesen Themen arbeiten. Sich eine von Grund auf neue Verfassung auszudenken, kann dazu führen, dass theoretische Rechte von der Art wie die Präambel von 1946 unserer Verfassung, neu geschrieben werden, ja, dass sogar die Vorstellungen der Pariser Kommune wieder aufgenommen werden, und vielleicht sogar zu politischen Erneuerungen führen.

Was wird nun aus der Gelbwestenbewegung, gegen die die Regierung eine blutige Repression ausübt, weil sie um jeden Preis ihre Strukturreformen durchsetzen will? Zu erwarten ist sowohl kollektives als auch individuelles Handeln. Die Bewegung ist nicht am Ende. Sie wird ihre Aktionsmöglichkeiten diversifizieren. Es wird sicher radikale Formen von Engagement geben sowohl kollektive wie individuelle und es werden neue, kleinere Gruppen entstehen. Bäuerliche Gruppen, die sich sowohl des sozialen Abstiegs, dessen Opfer sie sind, bewusst sind, wie auch der Möglichkeiten, die ihnen ihr Land bietet, werden ihre assoziativen und genossenschaftlichen Erfahrungen vervielfachen. Einzelpersonen und Gruppen werden sich in den Kommunalwahlkampf einbringen. Andererseits, so sehr sich auch viele politische Parteien dafür entschieden haben, in die Bewegung einzutauchen, so wenige Gelbwesten werden sich dafür entscheiden, bei den Parteien mitzumachen. Das Entstehen einer politischen Partei, die die Gelbwesten vereint, ist unwahrscheinlich. Eine Form von « bunter und parteiloser Bewegung » wird sich durchsetzen.

Die Bewegung der Gelbwesten ist Realität. Sie ist nicht perfekt, aber trotz einer gewissen Desorganisation kann sie zielstrebiger und auf jeden Fall mutiger und subversiver sein als die meisten Unternehmungen dieser Art. Nichts desto weniger wird das Zusammengehen des gewerkschaftlichen Kampfes und der Bewegung der Gelbwesten entscheidend sein: Der Streik bleibt eine wichtige Waffe gegenüber Regierung und Arbeitgebern. Auch Verbände, die sich für die Verwirklichung von Grundrechten und die Erfüllung von Grundbedürfnissen einsetzen, sind ebenfalls willkommen. In der Zukunft stellen sich dann zwei wesentliche Fragen: die Formulierung eines Forderungskatalogs und die Ausarbeitung einer Strategie für die Bewegung.

Ich habe einige Meinungen in der Gelbwestenbewegung, bei der ich seit dem Anfang mitmache, wahrgenommen. Darunter welche, die gegen die Gewerkschaften sind, gegen Streiks, gegen Sozialversicherungsbeiträge!

Nach dem verpassten Schulterschluss mit der Gewerkschaftsbewegung, insbesondere am 1. Mai, könnte der 5. Dezember 2019 (3) der Beginn einer Periode der Vereinigung aller verfügbaren Kräfte sein auf der Grundlage eines gemeinsamen Forderungskatalogs einschließlich dem Ziel, die Regierung zur Aufgabe des Rentenreformprojekts zu bewegen?

(1) revolutionäres Lied, berühmt geworden durch die Pariser Kommune von 1871.

(2) Volksreferendum nach Initiative der Bürger (im Unterschied zum Präsidentenreferendum auf Initiative des Präsidenten, das es seit Beginn in der Verfassung der V. Republik gibt).

(3) Geplanter Streik gegen Rentereform, der massiv sein könnte

Die im Bereich „Meinungen“ veröffentlichten Analysen sind Diskussionsbeiträge. Sie stehen nicht in der Verantwortung der Redaktion.

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Comment l’Arabie saoudite fait son lobbying en France

Par : Grégoire

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a recours à de multiples agences de communication dans l’Hexagone. Et peut compter sur la bienveillance du Quai d’Orsay.

(Seconde partie de l’analyse précédemment publiée, cette fois concernant plus particulièrement la France)

Par Pierre Conesa, ancien haut-fonctionnaire, auteur de Dr Saoud et Mr Djihad, La diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016).

L’Arabie saoudite a singulièrement renforcé son lobbying à l’égard des pays occidentaux ces dernières années. Et le pays devrait utiliser la présidence du G20, qui se poursuivra jusqu’au sommet des dirigeants à Riyad les 21 et 22 novembre 2020, pour démultiplier les tentatives de séduction.

Dans ce cadre, l’Arabie saoudite déploie un réseau particulièrement actif en France. Aux yeux de Riyad, il s’agit d’un pays de second rang, surtout comparé aux enjeux économiques et militaires qui animent la relation avec les Etats-Unis. Pour autant, l’Hexagone attire toute l’attention du Prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS).

Notre pays est devenu le terrain de jeux concurrentiel, entre les influences opposées du Qatar (Frères Musulmans), des Emirats et de l’Arabie saoudite (salafisme). En avril 2019, Ali Bensaad dans un article, parle même de Françarabie comme il existe une Françafrique. Faut-il aller jusque-là ? Riyad n’ambitionne pas de convaincre l’opinion française et n’a pas besoin d’une communication massive. Ses cibles sont les sphères dirigeantes, les milieux patronaux et enfin les élites musulmanes.

Lobbying et autocensure

Il n’est pas évident de relever les points d’entrée de ce lobbying. Le parlementarisme français n’obligeant pas les lobbies à la transparence, certains liens contractuels peuvent être prouvés, mais d’autres sont plus informels. L’influence peut se traduire par de l’autocensure. D’autres liens relèvent davantage de logiques d’opportunités. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique ne semble pas connaître les lobbies étrangers puisque son répertoire ne mentionne aucune des sociétés de communication et d’influence qui sont mobilisées sur ce sujet.

Une façon de maintenir les liens et la bienveillance de la France consiste à faire miroiter, en permanence, à ses dirigeants la signature d’importants contrats. Les décideurs politiques en visite, repartent ainsi avec une lettre d’intention annonçant la promesse de nouveaux contrats : Manuel Valls, à l’époque Premier ministre, avait ainsi pu annoncer 10 milliards de dollars à venir. La France n’est pas le seul pays sujet à cette tactique : Donald Trump s’était vu promettre 110 milliards de dollars. Mais en réalité, aucun achat ferme n’a suivi depuis.

Les annonces d’ambitieux projets destinés à l’après-pétrole sont régulières mais rarement suivies de réalisations

Pour les hommes d’affaires, les annonces de projet pharaoniques, calment les critiques : Neom, ville futuriste voulue par MBS, concentré de nouvelles technologies, coûterait entre 200 et 500 milliards de dollars. Les annonces d’ambitieux projets destinés à l’après-pétrole sont, elles aussi, régulières mais rarement suivies de réalisations. Peu importe que chaque monarque annonce sa Tech City qui jamais ne voit le jour, toute annonce permet d’entretenir des relations bienveillantes jusqu’à la prochaine promesse.

Et si ces partenaires, surtout lorsqu’ils ne sont que mineurs, ne jouent pas le jeu, la menace monte. En août 2018 L’Arabie saoudite annonce ainsi qu’il va vendre tous ses actifs canadiens quel qu’en soit le coût, selon le Financial Times. La raison : Ottawa avait osé critiquer l’arrestation de militantes féministes. Riyad a alors expulsé l’ambassadeur canadien et transféré des milliers d’étudiants et de patients saoudiens vers d’autres pays. La solidarité occidentale n’a pas joué. La France, dans cette situation de partenaire secondaire, n’est jamais à l’abri d’un geste d’humeur de Riyad.

Une constellation d’agences de communication

Pour valoriser son image, comme dans le reste du monde, l’Arabie saoudite s’appuie sur des entreprises de communication de tout ordre. Publicis est un partenaire essentiel sur l’ensemble du spectre, surtout depuis le rachat de Qorvis en 2012, agence responsable de l’action au Parlement européen. Les largesses saoudiennes ont également bénéficié à son concurrent Havas (groupe Vivendi) ou encore à Steele & Holt, cofondée par Sylvain Fort, qui fût conseiller en communication d’Emmanuel Macron. Autant d’activités qui, là encore, ne sont pas mentionnées, au registre du lobbying mis en place en 2017 sous l’autorité de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

MSL Brussels, autre filiale de Publicis, détient un contrat qu’elle souhaite garder secret. Parmi les services : la gestion de sites web et des réseaux sociaux dans la capitale de l’UE, l’organisation de rencontres avec des parlementaires européens et autres décideurs bruxellois, l’écriture d’éléments de langage, ou le placement dans les médias d’articles dépeignant le régime sous un jour favorable. Dans un article adressé aux médias, Adel bin Ahmed Al-Jubeir, ancien ministre des affaires étrangères, tente de justifier l’exécution de 47 personnes au titre de la lutte contre le terrorisme. L’article est intitulé : « Les Saoudiens combattent le terrorisme, ne croyez pas autrement ! ».

Des conseillers de tous horizons

Parmi les autres sociétés de relations publiques françaises, MBS a aussi eu recours à Image 7, le groupe fondé par Anne Méaux, qui fût notamment conseillère de François Fillon dans sa course malheureuse à la présidentielle. Ce contrat semble toutefois s’être terminé au milieu de l’année 2018. Edile Consulting (ELN Group) créée par Souid Sihem, ancienne policière, conseillère au cabinet d’Arnaud Montebourg est aussi à la manœuvre. Sollicitée après les attentats du 13 novembre, elle publie à compte d’auteur, une apologie intitulée « L’Arabie Saoudite, ce pays méconnu » et fait la publicité du Forum pour le dialogue des civilisations (KAICIID) créé par Riyad. Elle semble, elle aussi, avoir renoncé à ce contrat.

On compte parmi les influenceurs François-Aïssa Touazi. Ancien conseiller au cabinet de Philippe Douste-Blazy lorsqu’il était Ministre des Affaires Etrangères de 2005 à 2007, il a fondé CAP MENA, un think tank spécialisé sur les questions économiques et financières du monde arabe, et édité un livre confidentiel, « Le ciel est leur limite ». Il a organisé en mai 2018 un voyage, tous frais payés, de parlementaires, d’élus locaux, de journalistes, d’experts et d’anciens diplomates, mais sans rencontre avec des officiels de haut niveau. Responsable pour le Moyen-Orient du fonds de capital investissement, Ardian, l’un des plus importants de France, il vient d’être décoré de la Légion d’Honneur pour ses services rendus à la coopération entre les deux pays.

De Jacques Attali à Alexandre Adler

Car au-delà de cette multitude d’agences, l’Arabie saoudite prend soin de s’attacher les services de quelques personnalités françaises. Nicolas Sarkozy, a ainsi tenu à marquer de sa présence le Business forum de Riyad, malgré l’affaire Khashoggi. Comble d’ironie, ce forum de rencontre baptisé le Davos du désert, est supervisé par Richard Attias, ancien pilier de Publicis… et compagnon de Cécilia ex-Sarkozy. Jacques Attali est pour sa part conseiller économique du Royaume depuis deux ans et demi ; il joue les sherpas de MBS. Christine Ockrent, journaliste, chroniqueuse est l’auteur d’une biographie sur MBS – dont on ne sait si elle l’a rencontré.

Elle concurrence ainsi, Alexandre Adler, chroniqueur célèbre pour la quantité d’erreurs dans ses analyses, bénéficiaire d’un contrat depuis mai 2018, et qui a pour sa part écrit dans Figarovox un étonnant article attribuant l’assassinat de Khashoggi… aux Turcs. Un article opportunément repris par la chaîne saoudienne Al Arabiya. Mentionnons au passage que ni Michèle Alliot-Marie, ni Rachida Dati, députées européennes, n’ont voté les résolutions dénonçant les atteintes aux droits de l’homme et des femmes dans le Royaume.

Financement de mosquées

Et pour parfaire le tableau, l’Arabie saoudite n’hésite pas à mettre la main à la poche pour financer des actions culturelles. Ainsi, elle a participé au développement du département des arts islamiques du Louvre. Et elle a acquis l’œuvre Salvator Mundi de Leonard de Vinci, exposé au Louvre… d’Abou Dhabi, pas en Arabie.

En termes de propagation du salafisme, la France ne semble pas une cible prioritaire. D’abord parce que la population musulmane est majoritairement maghrébine, ensuite parce que la laïcité y est un principe législatif qui fait encore rempart. Pour autant, le but de ce travail d’influence est bien de maintenir un lobby efficace concentré sur les niveaux décisionnels. La Ligue islamique mondiale (LIM), dont le secrétaire général est toujours saoudien, est ainsi devenue un acteur majeur dans la mise en place des infrastructures cultuelles musulmanes en Europe et notamment dans la construction de mosquées en France. Elle a par exemple participé au financement de la construction de la mosquée de Mantes-la-Jolie en 1980, de celle d’Évry en 1984 et de celle de Lyon en 1994.

Des zones d’ombre demeurent, notamment au sujet des écoles coraniques : qui paye ?

De nombreuses bourses d’études vers des universités islamiques à La Mecque (université al-Mukkarama), à Médine (université al-Munawwara) ou à Riyad (université Ibn Saûd), ont été distribuées dans l’Hexagone afin de concurrencer directement les grandes universités historiques comme celle d’Al-Azhar en Égypte, de la Zaytouna en Tunisie ou d’Al Karawiyine au Maroc. Il y aurait environ 120 Français à Médine (le nombre est inconnu pour Riyad). Et le régime refuse toujours de communiquer leurs noms. Et des zones d’ombre demeurent, notamment au sujet des écoles coraniques. Qui paye ? Qui assure le salaire des enseignants par exemple dans l’école saoudienne de l’avenue d’Iéna ? La question est sans réponse.

Wahhabisation de l’Islam de France

Cette relative discrétion n’est pas une preuve d’inaction de l’Arabie saoudite. Le rapport Al Karoui pour l’Institut Montaigne parle ainsi pour la première fois de la « wahhabisation de l’Islam de France » et évoque l’influence prépondérante de prédicateurs saoudiens dans la propagation d’un message rigoriste, qu’il illustre à travers cinq d’entre eux. Certains ont plus de followers que le Dalaï-Lama et le Pape et à peine moins que le président des Etats-Unis ! Ce sont Mohamed al-Arifi, Ayid al-Qarni, Ahmad al-Shugairi, Salman al-Ouda et Michari Rachid al-Afasi, qui se classent respectivement 7e, 8e, 10e, 15e et 16e dans le champ du monde des idées sur les réseaux sociaux.

On est ainsi frappé de la critique vive du régime saoudien dans un certain nombre de pays arabo-musulmans, comparée à l’inaction française en matière de travail sur la doctrine wahhabite. Une conférence s’est ainsi tenue à Grozny (Tchétchénie) en septembre 2016 qui a exclu le wahhabisme salafiste de la doctrine du Sunnisme, voire du cadre de la communauté sunnite. Des personnalités de haut rang de l’Islam ont participé à cette conférence : le Recteur de l’Université Islamique Al Azhar du Caire, Ahmed al-Tayeb y figurait auprès de 200 dignitaires religieux, oulémas et penseurs musulmans d’Egypte, de Syrie, de Jordanie, du Soudan et d’Europe. Alors que l’action religieuse saoudienne est dénoncée dans nombre de pays musulmans, elle est soigneusement exclue du champ de l’analyse académique et diplomatique en Occident. Faut-il y voir l’action de lobbying saoudien ?

La diplomatie française applique la philosophie des trois singes : ne pas voir, ne pas entendre, ne pas parler

La question n’est tout simplement pas posée au Quai d’Orsay. La diplomatie française applique la philosophie des trois singes : ne pas voir, ne pas entendre, ne pas parler. Quitte à ce que cette protection se traduise par des réactions diplomatiques hasardeuses. Ainsi des critiques françaises ont été adressées au gouvernement bahreïni pour ses atteintes aux Droits de l’Homme après que le royaume a condamné le militant des droits de l’Homme, Nabeel Rajab, en juin 2018. Mais à aucun moment la diplomatie française ne mentionne que le pays est occupé par l’armée saoudienne depuis mars 2011, cette prise de contrôle ayant pour objectif de remettre en place la monarchie sunnite contre une révolution démocratique chiite.

Autre exemple : seize ONG ont écrit à Emmanuel Macron pour s’étonner que les bombardements au Yémen n’aient fait l’objet que d’une brève mention dans le discours du 27 août 2019 devant les ambassadeurs. Le ministre des Affaires étrangères n’en avait, pour sa part, pas dit un mot. La missive des ONG est restée sans réponse.

Une justice française sélective

Cette exclusion de l’Arabie saoudite du champ des critiques ne concerne pas que le Quai d’Orsay. La justice elle-même semble sous influence. Les commissions versées sur le marché des frégates saoudiennes n’ont ainsi jamais donné lieu à procédure anti-corruption, à la différence des contrats de sous-marins pakistanais qui font toujours l’objet d’une enquête. Pourtant, le gouvernement aux commandes à l’époque de ces deux contrats est le même : celui d’Edouard Balladur. Le contrat portant sur des frégates destinées à l’Arabie saoudite avait donné lieu à des retours de commissions présumés vers l’équipe de campagne d’Edouard Balladur, alors que celui-ci se présentait contre son ami de trente ans, Jacques Chirac.

Ces rétrocommissions passaient par l’intermédiaire d’anciens des Phalanges libanaises. Ce n’est qu’à l’élection de Jacques Chirac que les Saoudiens ont découvert qu’ils avaient été instrumentalisés dans des querelles franco-françaises. Ils ont fait part de leur profond mécontentement. Est-ce la raison pour laquelle aucune enquête sérieuse n’a été lancée au sujet de ces versements ?

Et ce n’est pas là l’unique dossier qui a vu la justice se montrer peu pressante à l’égard de Riyad. Une plainte déposée par une association yéménite de défense des droits de l’homme, le Legal center for rights and development, auprès du pôle des crimes contre l’humanité, délits et crimes de guerre du tribunal de grande instance de Paris, avait certes, dans un premier temps, été déclarée recevable. Mais cette volonté judiciaire affichée n’a été de courte durée : le doyen des juges d’instruction vient de faire savoir que la plainte yéménite était finalement jugée irrecevable.

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Louable lucidité et réjouissantes angoisses (éditorial paru dans l’édition du 27 novembre)

Par : pierre

L’entretien accordé par Emmanuel Macron à l’hebdomadaire The Economist témoigne du vertige de la disparition de l’Occident

L’économie de marché fonctionnant pour le bien de tout le monde ? Ce n’est plus vrai. L’ouverture infinie du commerce mondial ? Sûrement pas un élément de pacification. L’obligation de réduire à moins de 3% les déficits budgétaires ? Une contrainte d’un autre siècle. Le principe de souveraineté des peuples ? Hélas oublié, ce qui a poussé à vouloir imposer nos valeurs et changer des régimes – une erreur funeste issue du mariage fatal entre droit d’ingérence et néo-conservatisme. La Russie ? Toujours considérée implicitement comme un ennemi, alors qu’il conviendrait de réfléchir avec elle à une architecture de confiance et de sécurité. L’OTAN ? Une organisation en état de mort cérébrale.

Signé ? Le président de la République française à l’occasion d’un entretien fleuve publié le 7 novembre par l’hebdomadaire britannique libéral The Economist. Quelle mouche l’a donc piqué ? Probablement la lucidité et l’inquiétude d’un Emmanuel Macron comprenant que l’époque bascule, et capable de dépasser l’atlantisme compulsif dans lequel barbotaient ses (au moins) deux prédécesseurs.

Pour le géostratège de l’Elysée, l’Occident – au sens de l’Europe de l’Ouest – est en passe de perdre sa prééminence historique

L’angoisse n’est pas feinte : pour le géostratège de l’Elysée, l’Occident – au sens de l’Europe de l’Ouest – est en passe de perdre sa prééminence historique, et avec lui, les « valeurs humanistes universelles » qu’il aurait inventées. En fait de valeurs, c’est plutôt celles du CAC 40 qui sont à terme menacées – mais cela, le président ne le dit évidemment pas. Encore que. Au détour d’une analyse critique de l’Alliance atlantique, il rappelle que celle-ci a été mise en place avec les Etats-Unis en vue d’installer « une forme d’ombrelle géopolitique, mais en contrepartie, il faut (…) acheter américain ». Or « la France n’a pas signé pour ça », s’insurge le président.

Il poursuit, en substance : l’Union européenne était un projet de communauté, elle se réduit de plus en plus à un marché ; les dirigeants américains s’intéressent de plus en plus à l’Asie, et de moins en moins au Vieux Continent, plus encore sous Donald Trump qui ne se sent nullement lié par un projet européen que Washington avait pourtant à l’origine sponsorisé ; et, troisième élément, la Chine émerge au point que s’ébauche un duopole Washington-Pékin.

Et nous, et nous ? M. Macron, tente d’alerter ses pairs en les avertissant : si l’on continue ainsi – une UE qui ne s’intéresse qu’au commerce, à la libre concurrence, et à la baisse des dépenses publiques au moment où Etats-Unis et Chine investissent massivement dans l’innovation – nous allons disparaître de la scène mondiale. En outre, de nombreux pays de l’UE se débattent dans des crises politiques, dont l’avatar en France est le séisme social des Gilets jaunes, précise le président.

Face au danger de devenir le « partenaire junior » d’un Oncle Sam dont les intérêts stratégiques les plus cruciaux ne sont plus en Europe ; et face à l’absurde illusion selon laquelle le « doux commerce » mène forcément à la pacifique et libérale « fin de l’Histoire » pronostiquée après l’effacement de l’URSS, le président français brandit son double credo : primo, un rapprochement « sans naïveté » avec Moscou, puisque l’Europe doit maîtriser elle-même son voisinage sans être déterminée par le grand frère américain. Secundo, une « souveraineté européenne » qui doit commencer par la puissance militaire, puisque le « garant » de l’OTAN ne garantit plus les règles de l’Alliance atlantique. Cette dernière se trouve de ce fait en « mort cérébrale », comme l’a montré le feu vert donné par Donald Trump à la Turquie contre les Kurdes et la Syrie.

Entre la pure Europe américaine chère aux précédents hôtes de l’Elysée, et l’empire européen autonome rêvé par l’actuel, on ne choisira pas

La pensée macronienne est issue du croisement de deux déterminants contradictoires. D’un côté, la négation de la pertinence et de la viabilité politique des nations – un axiome qui ne conçoit l’avenir mondial qu’en termes de grands ensembles voués à confronter leurs influences respectives – bref, une logique d’empires. De l’autre, la prégnance de l’Histoire longue qui ne prédispose pas la France à une posture de vassalité alignée, à l’exception des périodes où elle est dirigée par des caniches de la taille politique de MM. Sarkozy ou Hollande.

Si l’on estime que l’avenir est à la coopération entre Etats indépendants et souverains, on ne choisira pas entre la pure Europe américaine des précédents hôtes de l’Elysée, et l’empire européen autonome rêvé par l’actuel. Pour l’heure, et faute d’un sursaut stratégique, ce dernier estime que l’Union européenne est « au bord du précipice ».

On attend donc avec impatience le prochain pas en avant.

Pierre Lévy

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Auf beiden Seiten des Rheins äußern die Bauern ihren Ärger und ihre Not

Par : pierre

Schlag auf Schlag demonstrierten in Berlin und in Paris Zehntausende von Landwirten gegen die in Brüssel verhängten Verbote und Vorschriften, die ihre Zukunft auf dem Altar der Umwelt opfern, sowie gegen  die von der EU abgeschlossenen Freihandelsabkommen.

Am Dienstag, dem 26. und am Mittwoch, dem 27. November erhoben deutsche und französische Bauern nacheinander ihre Stimme auf der Strasse. Auf beiden Seiten des Rheins sind Erbitterung, Verzweiflung, und die daraus resultierenden Forderungen sehr ähnlich. Zumal in vielen Fällen die Ursachen für die Entscheidungen auf der Ebene der Europäischen Union liegen.

Ist der Bauer ruiniert, wird dein Essen importiert

In Berlin trafen sich 40 000 Bauern – so die Polizei – auf dem Potsdamer Platz. Diese kamen, um ihrem Ärger Ausdruck zu verleihen und dem Gefühl, dass ihnen ihre Zukunft gestohlen wird. Zu ihren Slogans gehörten: „Ist der Bauer ruiniert, wird dein Essen importiert“ sowie „Gemeinsam statt gegeneinander“. Die in Brüssel beschlossenen neuen Beschränkungen, Regeln und Verbote bedrohen einen Sektor, dessen Hauptaufgabe darin besteht, die Bevölkerung zu ernähren. Es sei denn, man akzeptiert, dass die Zukunft in einer ständig zunehmenden Globalisierung liegt: dem Import von Äpfeln aus Chile bis hin von Rindfleisch aus Argentinien.

Deutsche Landwirte hatten in jüngster Zeit bereits zweimal demonstriert: Die Ankündigung des « Insektenschutzplans » der Bundesregierung, der die Beschränkung oder Beseitigung von Chemikalien (Herbizide, Insektizide, Düngemittel…) vorsieht, hatte wie der Funken, der das Feuer entzündet, gewirkt: Ausserdem stellt der freie Warenverkehr die Landwirte des Landes jedoch in Konkurrenz zu Staaten, in denen es diese Art von Beschränkungen nicht gibt.

Der im September angekündigte Plan wurde umgesetzt, nachdem die EU-Kommission ein zweites Vertragsverletzungsverfahren gegen Deutschland eingeleitet hatte: Berlin wurde aufgefordert, den Nitratgehalt im Grundwasser zu senken.

Grundsätzlich steigt der Druck der umweltpolitischen Lobbys, den « Naturschutz » zum höchsten Wert zu machen so weit, dass Bauern das Ziel von Anschuldigungen und Racheakten aus bestimmten Meinungsbereichen werden– oft aus den wohlhabenden Schichten in Großstädten (aber nicht aus den Arbeitervierteln).

Eine vergleichbare Situation in Frankreich

Vergleichbar ist die Lage in Frankreich, wo sich die Landwirte immer mehr wie Sündenböcke behandelt fühlen. In Wirklichkeit sind es aber die Mainstream-Medien, die immer wieder die Gesellschaften auf beiden Seiten des Rheins beschreiben, als befänden diese sich, wie von einer grünen Welle getragen, in einer höheren Sphäre. Nichts dürfte  dieser „grünen“ Stimmung entgegen gesetzt  werden – sowohl  aus ideologischen wie auch aus wahltaktischen Gründen.

Diese zunehmende Diskriminierung der Agrarwelt ist besonders schlimm in einer Zeit, in der Hunderttausende von kleinen französischen bäuerlichen Familienbetrieben vom Bankrott bedroht sind, und wo, von unlösbaren Schwierigkeiten getrieben, sich im Durchschnitt ein Bauer pro Tag, das Leben nimmt. Filme, die kürzlich in Frankreich herausgekommen sind, veranschaulichen diese dramatische Situation (Au nom de la terre, Petit paysan). Der populäre Erfolg dieser Werke deutet darauf hin, dass die Anklage gegen die Bauern bei weitem nicht einstimmig ist.

In diesem Kontext demonstrierten die französischen Bauern am 27. November in mehreren Städten. In Paris blockierten zwischen 800 und 900 Traktoren den „périphérique“ (Ring-Autobahn), dann die Champs-Elysées, und streuten sogar Heu vor das sehr vornehme Restaurant Le Fouquet’s.

In Paris wie in Berlin prangerten die Demonstranten die Ungerechtigkeit an: einerseits werden immer mehr Zwänge durchgesetzt, anderseits werden landwirtschaftliche Erzeugnisse massiv importiert. Insbesondere die von der Europäischen Union unterzeichneten jüngsten Freihandelsabkommen, (mit Kanada,  dem Mercosur…), wurden von den Protestierenden angegriffen.

Grundsätzlich haben die Bauern auf beiden Seiten des Rheins ein zentrales Anliegen: Sie wollen von ihrer Arbeit leben können.

Darüber hinaus hat ein zu Beginn des Jahres verabschiedetes Gesetz („Egalim“) zur Neugewichtung der Einkommen zwischen Produzenten, Lebensmittelindustrie und grossen Handelsketten bisher noch keine konkreten Ergebnisse gezeigt. Grundsätzlich haben die Bauern auf beiden Seiten des Rheins ein zentrales Anliegen: Sie wollen von ihrer Arbeit leben können.

Und sie wollen nicht als Sündenbock benutzt werden. Vor allem von denen nicht, die Petitionen zur « Rettung der Bienen » (wie in Bayern vor kurzem) in die Welt setzen, ein Slogan, der ihnen mehr am Herzen zu liegen scheint als die « Rettung der Bauern ».

Die gleiche Opposition entstand vor einigen Monaten in Frankreich, als die Regierung im Namen der Umwelt eine Kraftstoffsteuer einführen wollte. Dies hat zu einer Spaltung geführt zwischen denen, die sich um das « Ende der Welt » sorgen , und denen, die sich mehr um das « Ende des Monats » sorgen.

Und das war die Bewegung der Gelbwesten-..

 

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Un an après son lancement, quel avenir pour le mouvement des Gilets jaunes ?

Par : pierre

Un an après le démarrage d’un soulèvement que personne n’avait vu venir, le premier dirigeant de la CGT-Paris s’interroge sur l’avenir de ce mouvement – une analyse écrite à la première personne.

Par Benoît Martin, secrétaire général de l’Union départementale CGT de Paris

Les déclencheurs sont bien connus et en premier lieu la question du prix des carburants et notamment de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Cette question n’est pas réglée un an après. Les automobilistes restent considérés comme des « cochons de pollueurs », des vaches à lait, les taxes sur les carburants étant la poule aux oeufs d’or de Bercy ! En ces temps de mobilisation pour le climat, punir le petit pollueur reste un créneau politique porteur. Mais les faibles revenus conjugués aux kilomètres imposés par la fuite des emplois et des services publics restent l’équation intenable. La pétition « pour une baisse des prix du carburant à la pompe » lancée par Priscillia Ludosky a recueilli près de 1.256.000 signatures. Ses revendications ont parlé aux gens, d’où le succès de ce fait avant-coureur.

Mais ce n’est pas tout. Toujours dans le domaine de la fiscalité, la suppression de l’impôt sur la fortune a été ressentie comme une injustice intolérable. Le discours sur les talentueux fortunés, créateurs de génie et créateurs d’emplois, a du plomb dans l’aile. A force de prendre les citoyens pour des demeurés sous le règne de François Hollande, avec ses fables autour du CICE et du CIR qui étaient vendus comme créateurs d’emplois, le bon sens populaire a vaincu la croyance libérale. Et l’ISF est devenu un catalyseur du mouvement. En tant que militant CGT, je me suis dit en décembre 2018 que les revendications syndicales concernant la fiscalité trouvaient un formidable écho dans les slogans des gilets jaunes. En effet, depuis longtemps, la CGT expliquait qu’il fallait réduire les taxes sur la consommation et privilégier les recettes fiscales assises sur le revenu, sur le patrimoine et sur les bénéfices des sociétés. Simple comme bonjour et efficace à souhait. Sauf qu’une grande partie du syndicalisme a boudé les gilets jaunes, malgré des similitudes revendicatives objectives.

Je me suis dit : « c’est la canaille, eh bien j’en suis ! »

Sur les ronds-points dont les échos me parvenaient, sur Facebook, dans les manifestations parisiennes auxquelles je participais, le thème de la justice fiscale s’articulait au désir d’un service public proche des gens et efficace. Non seulement le mouvement s’intéressait à la composition des recettes de l’Etat, mais aussi à la nature de ses dépenses. Un débat citoyen de type « PLF » (projet de loi de financement) se déroulait chez les prolétaires et les petits artisans. Je me suis dit : « c’est la canaille, eh bien j’en suis ! » (1). A la mi-décembre, le comité général de l’Union départementale CGT de Paris décidait qu’il convenait d’aller au contact des gilets jaunes pour voir ce qu’on pouvait faire ensemble.

Le mouvement des gilets jaunes a surgi dans une société française qui semblait amorphe. Cette société est frappée par la montée des inégalités et par les relégations multiples. Le paysage politique semblait recomposé dix-huit mois avant le début du mouvement des gilets jaunes, sauf que le président de la République nouvellement élu incarnait la continuité du néolibéralisme, après des décennies d’alternance où tant la droite que la gauche, menant la même politique, s’étaient discréditées.

Emmanuel Macron a été choisi par l’oligarchie, sa politique est celle de l’Union européenne

Emmanuel Macron est la synthèse de ses deux prédécesseurs ; ce ploutocrate a été choisi par l’oligarchie. Sa politique est celle de l’Union européenne ; rien de neuf à l’horizon… Pourtant, le 23 juin 2016, le peuple britannique décidait d’en sortir. Ce fait majeur survenait un an après l’annonce, par le premier ministre grec de l’époque, de la convocation d’un référendum sur l’austérité bruxelloise. Il faut voir Adults in the room, le film de Costa Gavras. On y comprend bien à qui l’on a affaire. Référendum contre mémorandum…

Aujourd’hui en France, la démission de l’hôte de l’Elysée est une exigence populaire, alors que le patronat est laissé un peu trop tranquille. Quant à la responsabilité de l’UE, elle se trouve dissimulée. Emmanuel, voire Geoffroy, sont pointés du doigt, mais n’oublions pas Christine et Ursula (2) ! Car à quoi se heurtent les revendications portant sur les salaires, l’emploi et les services publics, si ce n’est au mur de l’UE ? Il est très utile de lire les grandes orientations de politique économique pour la France rédigées en juin 2018 et juin 2019, c’est éclairant. Privatiser, baisser les dépenses publiques, exonérer les riches et les entreprises, flexibiliser le marché du travail, réformer les retraites : tout y est !

Un mouvement populaire plutôt que des corps intermédiaires

Sur la démocratie, sur les questions de délégation de pouvoir et de corps intermédiaires, le mouvement des gilets jaunes a foisonné de propos très intéressants qui s’inscrivent dans une longue histoire post-monarchique. Un RIC (3) plutôt que la loi votée par des élus. Un mouvement populaire plutôt que des corps intermédiaires. Un message émergeant du mouvement plutôt qu’un porte-parole. La chaleureuse fraternité retrouvée plutôt que des candidats aux élections européennes.

Cette année passée a failli devenir constituante, mais ne l’a pas été. C’est dommage. Mais je sais que des groupes de gilets jaunes continuent à travailler ces questions. Imaginer une nouvelle constitution, en reprenant tout à zéro, peut conduire à réécrire des droits théoriques de la trempe du préambule de 1946, voire à redire les ambitions de la Commune de Paris, et même à innover politiquement.

Alors que le gouvernement réprime car il veut imposer ses réformes structurelles, à tout prix, y compris celui du sang, que va devenir le mouvement des Gilets jaunes ? Des comportements collectifs comme individuels sont à prévoir. Le mouvement n’est pas fini. Il va diversifier ses moyens d’action. Des engagements radicaux, individuels et de petits groupes, vont naître. Des groupes ruraux conscients à la fois de la relégation dont ils sont victimes, mais aussi des atouts de leur territoire, vont multiplier des expériences associatives et coopératives. Des individus et des groupes vont se lancer dans la bataille des municipales. Par contre, autant des partis politiques ont choisi d’être immergés dans le mouvement, autant peu de Gilets jaunes choisiront d’être immergés dans les partis. L’apparition d’un parti politique unifiant les Gilets jaunes est peu probable. La forme « mouvement hétéroclite et apartidaire » va prévaloir.

Le mouvement des gilets jaunes est une réalité. Il n’est pas parfait, mais malgré une certaine désorganisation, il lui arrive d’être plus stratège et en tout cas plus audacieux et plus subversif que la plupart des organisations. Ceci dit, l’addition du syndicalisme de lutte et du mouvement des gilets jaunes sera déterminant : la grève reste une arme essentielle face au gouvernement et au patronat. Des associations qui mobilisent sur des revendications visant à répondre aux besoins et aux droits fondamentaux sont également les bienvenues. Deux questions essentielles se posent alors pour la suite : l’adoption d’une plate-forme revendicative, et la stratégie du mouvement.

J’en ai vu des nuances dans le mouvement des Gilets jaunes que je côtoie depuis l’acte 4, y compris quelques uns contre le syndicalisme, contre la grève, contre les cotisations sociales ! Après des rendez-vous manqués avec le mouvement syndical, notamment le 1er mai, le 5 décembre 2019 va-t-il être le départ d’une période d’addition de toutes les forces disponibles, sur la base d’une plate-forme revendicative commune incluant l’abandon du projet de réforme des retraites ?

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(1) chant révolutionnaire rendu célèbre par la Commune de Paris

(2) Respectivement Emmanuel Macron, Geoffroy Roux de Bézieux (Medef), Christine Lagarde (BCE) et Ursula Von der Leyen (Commission européeene)

(3) Référendum d’initiative citoyenne

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Des deux côtés du Rhin, les agriculteurs font entendre leur colère et leur détresse

Par : pierre

A Paris comme à Berlin, des dizaines de milliers de paysans ont manifesté contre les interdictions et règlements édictés à Bruxelles qui sacrifient leur avenir au nom de l’environnement, ainsi que contre les traités de libre échange.

Coup sur coup, les agriculteurs allemands puis français, se sont fait entendre, respectivement les mardi 26 et mercredi 27 novembre. Des deux côtés du Rhin, l’exaspération, la détresse et les revendications qui en découlent sont comparables. D’autant que, bien souvent, ce sont des décisions prises au niveau de l’Union européenne qui en constituent les causes.

A Berlin, 8 600 tracteurs – selon la police – ont convergé vers la Potsdamer Platz, soit 40 000 agriculteurs venus exprimer leur colère et le sentiment qu’on leur vole leur avenir. Parmi leurs slogans : « agriculteurs ruinés, nourriture importée ». Les nouvelles contraintes, règles et interdictions décidées à Bruxelles menacent gravement un secteur dont le rôle premier est pourtant de nourrir la population. Sauf à accepter que l’avenir soit à une mondialisation toujours plus poussée, de l’importation de pommes du Chili à celles de viande bovine d’Argentine.

Les paysans allemands avaient déjà manifesté deux fois récemment, après une étincelle qui avait mis le feu aux poudres : l’annonce par le gouvernement fédéral du « plan de protection des insectes » prévoyant la restriction ou l’élimination de produits chimiques (herbicides, insecticides, engrais…). Or la libre circulation des marchandises met les agriculteurs du pays en concurrence avec des Etats où ce type de contrainte n’existe pas.

Le plan, annoncé en septembre, avait été adopté notamment après que la Commission européenne eut lancé une deuxième procédure d’infraction contre l’Allemagne, sommée de réduire le niveau de nitrates dans les eaux souterraines.

Plus généralement, la pression monte de la part des lobbys écologistes qui érigent la « protection de la nature » en valeur suprême. Au point que les paysans sont l’objet d’accusations et de vindicte de la part de certains secteurs de l’opinion, souvent les classes aisées des grandes villes, bien moins fréquemment au sein des milieux populaires.

Situation comparable en France

La situation est comparable en France, où les paysans se sentent de plus en plus les mal-aimés. En réalité, les grands médias ne cessent de dépeindre des sociétés, des deux côtés du Rhin, soulevées par une vague verte. Il faudrait donc ne rien refuser à celle-ci, pour des raisons tant idéologiques qu’électoralistes.

Cette discrimination contre le monde agricole est particulièrement mal vécue au moment où des centaines de milliers de petites exploitations sont menacées de faillite

Cette discrimination montante contre le monde agricole est particulièrement mal vécue au moment où des centaines de milliers de petites exploitations sont menacées de faillite, et où, en moyenne, un paysan par jour met fin à ses jours, acculé par des difficultés infernales. Des films, sortis récemment dans l’Hexagone, illustrent cette situation dramatique (Au nom de la terre, Petit paysan). Le succès populaire de ces œuvres laisse à penser que la mise en accusation des agriculteurs est loin d’être unanime.

C’est notamment avec cela en tête que les agriculteurs français ont manifesté dans plusieurs villes, le 27 novembre. A Paris, entre 800 et 900 tracteurs ont bloqué le boulevard périphérique, puis les Champs-Elysées, et même déversé du foin devant le très select restaurant Le Fouquet’s.

Là encore, c’est l’injustice qui a été dénoncée, matérialisée par des contraintes imposées, alors que des produits agricoles sont importés massivement. Les récents traités de libre échange signés par l’Union européenne (avec le Canada, avec le Mercosur…) étaient particulièrement en ligne de mire des manifestants.

En outre, une loi mise en place en début d’année censée rééquilibrer les revenus entre producteurs, transformateurs et grande distribution, n’a pour l’instant pas montré de résultats tangibles. Fondamentalement, les agriculteurs, des deux côtés du Rhin, ont une exigence centrale : pouvoir vivre de leur travail.

Et ne pas servir de boucs émissaires. Notamment de la part de ceux qui répandent les pétitions pour « sauver les abeilles » (comme en Bavière récemment), un mot d’ordre qui semble les intéresser plus que « sauver les paysans ».

Une même opposition était apparue il y a quelques mois en France, lorsque le gouvernement avait voulu introduire une taxe sur le carburant au nom de l’environnement. Ce qui a provoqué un clivage entre ceux qui sont angoissés par « la fin du monde », et ceux qui s’inquiètent plutôt de « la fin du mois ».

Et ce fut le mouvement des Gilets jaunes…

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Comment l’Arabie saoudite soigne sa com’

Par : Grégoire

Appuyée sur une armée de cabinets de conseils, et alors qu’elle vient de prendre la présidence tournante du G20, l’Arabie saoudite tente de promouvoir dans le monde l’image d’un pays en pleine modernisation. A mille lieux de la réalité répressive du régime.

Par Pierre Conesa, ancien haut-fonctionnaire, auteur de Dr Saoud et Mr Djihad, La diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016).

Il est étonnant de constater qu’un sujet comme celui du lobby saoudien n’ait jamais fait l’objet d’une étude. Le lobby qatarien a été démonté par les livres de Christian Chesnot et Georges Malbrunot (Nos très chers émirs, Michel Lafon, 2016 ; Qatar Papers, Michel Lafon, 2019) et les Emirats viennent de faire l’objet du livre de Michel Taubé (La face cachée des Émirats arabes unis, Ed. Cherche Midi, 2019). Mais sur l’Arabie saoudite, rien.

L’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi a pourtant soudainement révélé le vrai visage du pouvoir wahhabite, auquel on accordait un satisfecit poli quand le jeune Prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) octroyait aux femmes le droit de conduire. C’est à cette occasion que sont apparues ou réapparues dans la presse tant d’affaires jusque-là passées sous silence : les horreurs de la Guerre au Yémen, la condamnation de Raef Badawi, ou celle du neveu de l’ayatollah Nimr al Nimr (décapitation et crucifixion), l’affaire Hariri, le blocus du Qatar, l’arrestation des militantes féministes arrêtées et enfin la politique d’enlèvements d’opposants vivant à l’étranger.

Le contraste entre ces informations et la discrétion médiatique et diplomatique qui précédait est frappant. Pourquoi ce silence s’était-il imposé comme une règle générale, dans le traitement de l’Arabie saoudite ? Complicité internationale tacite passive et/ou intéressée, corruption, incompétence, lâcheté… Pourquoi ? Comment ? Le champ des explications possibles est large.

L’“oubli” de George W. Bush

La capacité d’influence médiatique, politique et diplomatique de l’Arabie au-delà de sa puissance financière, est significative. Le discours de George W. Bush désignant les pays de l’Axe du Mal comme coupables des attentats du 11 septembre 2001 l’a prouvé. Le Président américain n’avait alors pas dit un mot sur l’Arabie Saoudite, alors que l’on dénombrait 15 Saoudiens sur 19 terroristes.

Autre signe de son influence : ce pays qui cumule nombre de titres mondiaux en matière de violations des droits de l’Homme, a été admis au Conseil des droits de l’homme depuis 2013, et à la tête du groupe consultatif de l’ONU chargé de sélectionner les rapporteurs sur les violences faites aux femmes avec le soutien de 4 pays membres de l’UE (dont la Belgique mais sans la France). Et qu’importe si neuf féministes saoudiennes ont été torturées en prison alors qu’elles demandaient simplement plus de droits. Qu’importe aussi, la récente de demande d’asile politique au Canada de Rahaf Mohammed Al Qunun, une Saoudienne évadée avec l’aide d’un réseau de femmes ayant vécu la même expérience.

Un cas pour école de journalisme

Comment ce pays, qui a fourni le plus gros contingent des combattants étrangers de Daech, qui est classé en tête des condamnations à mort par tête d’habitant, qui pratique le même islam intolérant et cruel que Daech, qui a envahi un petit état voisin (le Bahreïn) pour s’opposer à une révolution populaire et qui, enfin, déclenche une offensive aérienne provoquant une crise humanitaire sans précédent au Yémen, peut-il se permettre d’assassiner un journaliste saoudien opposant, correspondant d’un grand média américain, sans risquer la moindre sanction ? Le lobbying de ce pays fait partie de la réponse. Un cas pour école de journalisme ou de relations publiques.

Le concept de lobby international, élément explicatif de ce phénomène, est pris ici au sens de groupe d’entités diverses agissant ensemble de façon plus ou moins coordonnée pour empêcher une action diplomatique, législative ou politique, ou au contraire valoriser l’image d’un pays. Ce type d’influence n’est pas nécessairement et toujours fonction de contributions ou contreparties directement matérielles.

Le produit Arabie saoudite est invendable. Il ne dispose d’aucun intellectuel présentable.

Premier problème pour les autorités de Riyad : le produit Arabie saoudite est invendable. Il ne dispose d’aucun intellectuel présentable, sauf des religieux obtus mais très actifs sur les réseaux sociaux, et n’a pas de diaspora à l’étranger, donc pas d’organisations sociales structurées à la différence de certains pays maghrébins. Enfin le pays a trop d’ennemis désignés : les Frères Musulmans, l’Iran, le Qatar, les Houthis au Yémen, Daech, les princes félons : tout cela rend le ciblage de la communication internationale difficile.

La prise de contrôle des media arabes dans les années 1970-1980 (Al-Hayat, Sharq al-Awsat) et la constitution d’un pool avec dix chaînes de télévision et sept radios, n’ont jamais réussi à asseoir la légitimité du Royaume au service des intérêts des Arabes et des Musulmans. En 1996, la fondation d’Al Jazeera, la première chaîne d’information pan-arabe lancée par le Qatar, a même traumatisé Riyad car elle dispose d’une liberté de ton exceptionnelle dans la région. En 2003, en réplique, l’Arabie Saoudite lance Al Arabiya, jugé particulièrement utile après les attentats du 11 septembre 2001. Mais son succès n’a jamais atteint celui d’Al Jazeera.

Sur le terrain géopolitique, des bouleversements ont depuis bousculé encore l’influence wahhabite – ainsi des révolutions arabes qui voient triompher partout les Frères Musulmans.

Un budget communication de 1 à 2 milliards de dollars

Pour toutes ces raisons, Riyad a pris conscience qu’il fallait agir. La solution a donc consisté, pour le pays, à contracter avec toutes les sociétés internationales de relations publiques et cabinets de lobbying afin d’agir au plus haut niveau. A noter en revanche que l’objectif n’est pas d’intervenir auprès des populations de l’Occident pour faire passer des messages, l’opinion publique n’ayant aucune importance aux yeux des dirigeants de Riyad. Le budget annuel total pour cette communication serait de 1 à 2 milliards de dollars par an, si on s’en tient aux contrats passés avec les consultants étrangers identifiés.

Jusque là, le pays vivait heureux dans son archaïsme religieux. Et cela ne lui réussissait pas si mal en termes de communication.

Cette politique est en rupture avec le choix des décennies précédentes, avant l’arrivée de MBS. Le but premier du régime était alors que l’on parle le moins possible de son cas. Le pays vivait heureux dans son archaïsme religieux. Et finalement, cela ne lui réussissait pas si mal en termes de communication : toute mesurette est immédiatement présentée comme une réforme d’importance par les médias internationaux. Ainsi des élections municipales ouvertes aux femmes en 2011 ou de la création, en 2013, de 30 postes pour des femmes au Parlement – même si ces dernières devaient s’asseoir séparément et que ce n’est en réalité qu’en décembre 2015 que 14 femmes ont été élues pour la première fois.

La presse, ne sachant comment traiter ce pays assez fermé, se contente alors de présenter tout nouveau roi comme l’homme du changement. Le premier article annonçant la réforme de l’Arabie saoudite date de… 1953. Pour preuve : 70 ans de couverture du New York Times expliquent, à chaque nouveau monarque, que le pays a enfin trouvé l’homme du changement.

Les documentaires sur le pays vont aussi chercher des sujets exotiques comme le rappeur saoudien et la femme chef d’entreprise, mais jamais d’entretiens avec le Grand Mufti, ni de reportage sur le quotidien de l’enseignement dans les écoles.

Offensive contre les princes « félons »

Désormais, appuyé par une multitude d’agences de com’ et de relations publiques, le régime se montre plus offensif pour faire passer ses messages. L’une des marottes consiste à viser de sa vindicte les princes félons, ces traîtres qui connaissent bien le système et le dénoncent de l’extérieur. Khashoggi en est un exemple.

Mais la politique d’enlèvement avait déjà commencé sous les règnes des rois Fahd et Abdallah. La politique actuelle est simplement plus brutale : depuis sa destitution le 21 juin 2017, l’ancien prince héritier d’Arabie saoudite n’a plus reparu en public et serait en résidence surveillée. Il n’est que le dernier en date et le plus en vue des princes disparus d’Arabie saoudite (Saudi Arabia’s Missing Princes), selon les termes un documentaire de la BBC de juin 2017. Le résultat est toutefois largement contre-productif : l’image très négative des princes saoudiens explique sans doute l’absence d’intérêt médiatique pour des enlèvements qui ressemblent à des règlements de compte mafieux, toujours plus ou moins obscurs.

Des blogueurs dans le viseur

Pour tenter de maîtriser sa communication, le régime vise également des citoyens qui font fonction de journalistes, en particulier les blogueurs, pour les réduire au silence. Il s’est ainsi efforcé d’instaurer un black-out contre les manifestations dans le gouvernorat d’Al-Qatif, à majorité chiite. L’écrivain Nazir Al-Majid qui avait publié à ce sujet, en avril, un article intitulé  » Je proteste, donc je suis un être humain » sur le site d’informations rasid.com, est toujours emprisonné.

Dans ce cadre, l’aide des grands cabinets conseils étrangers (les Big Five : les trois Américaines, Interpublic, Omnicom et WPP et les Français Publicis et Havas Worldwide) s’est avérée indispensable. Au-dessous des majors, s’est construite une fantastique arborescence de sociétés sous-traitantes : Targeted Victory, cabinet de conseil républicain basé à Alexandria, en Virginie ; Zignal Laboratories, pour mener des enquêtes sur l’opinion publique et l’image de l’Arabie saoudite aux États-Unis ; le cabinet d’avocats Hogan Lovells (HP Goldfield) ; le groupe Albright Stonebridge (de l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Allbright) ; Hill & Knowlton (depuis 1982) et DLA Piper, Pillsbury Winthrop ; The Podesta Group, etc.

Prestataire extrêmement sulfureux

Riyad a également engagé la société Qorvis, prestataire spécialiste des affaires publiques et basée à Washington, qui l’avait approchée dès le 12 septembre 2001. Cette dernière s’est engagée dans une frénésie de relations publiques auprès du Sénat américain. Rachetée par Publicis en 2012, elle est une agence « extrêmement sulfureuse qui a travaillé pour les pires pays du monde », nous a confié un ex-cadre de Publicis.

Selon Reporter sans frontières, les ambassades saoudiennes rémunèrent fréquemment pour des articles élogieux afin de saturer le champ médiatique

L’influence passe aussi par des interventions financières plus ou moins directes. La base Wikileaks Saudi Cables, qui contient plus de 122 000 documents saoudiens, dévoile des actions auprès des médias étrangers à l’échelle régionale (Égypte, Liban,…) et à l’échelle mondiale (Canada, Australie, Allemagne, etc.) par souscriptions de centaines voire des milliers d’abonnements, par des aides financières régulières, voire par la corruption de certains responsables. Selon Reporter sans frontières, les ambassades saoudiennes rémunèrent fréquemment pour des articles élogieux (de 8 000 à 10 000 euros par mois). Quant aux ONG, elles sont souvent très discrètes : ayant l’impression que le régime est imperméable à toute critique et de moyens, elles préfèrent parfois cibler d’autres pays.

Ainsi armée pour approcher les médias internationaux, l’Arabie Saoudite martèle ses nouveaux thèmes de communication. L’image glamour de MBS, le prince héritier jeune et moderne, est valorisée, à travers par exemple la distribution gratuite à partir de mars 2018 de 200 000 copies d’un magazine de 100 pages dans les aéroports et les grandes surfaces américaines WalMart, Safeway and Kroger’s avant la visite du Prince aux Etats-Unis.

Le faux-semblant de l’émancipation des femmes

Autre thème : L’émancipation des femmes, la possibilité qui leur est octroyée de conduire – une décision que la presse internationale a saluée comme preuve de la libéralisation du régime. Elle a moins évoqué le cas des neuf femmes emprisonnées peu après, et qui demandaient la fin du tutorat et de ses différentes applications. Tout aussi discrète a été la couverture de Absher, application informatique gratuite lancée par le gouvernement en 2015 et qui donne aux hommes le pouvoir d’arrêter des femmes essayant de partir sans autorisation – à l’exception du magazine britannique Insider, qui a révélé le sujet. Apple et Google ont supprimé cette application mais Google a refusé, affirmant qu’elle n’enfreignait aucun accord.

Même succès de lobbying, pour imposer la thématique de la lutte contre la corruption avec la très médiatique opération du Ritz Carlton, où les opposants ont été enfermés. L’opération a rapporté environ 107 milliards de dollars (40 % en liquidités et 60 % en actifs) sous forme de saisies d’avoirs immobiliers, d’actifs commerciaux, de titres ou d’espèces.

L’alibi antiterroriste

L’Arabie Saoudite sait aussi jouer sur les peurs de l’Occident, pour porter ses sujets à la Une. Elle jure ainsi mener une lutte antiterroriste sans répit. Pourtant, le pays n’a commencé cette offensive qu’après en avoir été lui-même victime, en 2003. Il a pu dès lors, comme d’autres dictatures, procéder à une répression indifférenciée.

Selon James Wolsey, cette politique d’influence et de rayonnement aurait mobilisé plus de 85 milliards de dollars entre 1975 et 2005 au niveau mondial. Elle s’appuie essentiellement sur des intermédiaires et se caractérise par une faible présence physique sur le terrain, différence essentielle avec le Qatar qui a cru, probablement comme tout nouveau riche, que le nom du pays devait apparaître systématiquement dans son travail de sponsoring.

Cette force de frappe mobilisée pour la communication du royaume n’a pas été sans efficacité. Le suivi de l’affaire Kashoggi est pour le moins discret. Le tumulte s’est tu. Il n’y a pas eu d’enterrement puisque personne ne sait où sont les morceaux du cadavre. Même discrétion sur les neuf militantes féministes arrêtées et torturées, dont Aïcha al-Menae ou Hassa al-Sheykh, figures historiques de la lutte des droits des femmes. Avec Imane al-Nafjan, fondatrice du blog Saudi Woman, elles croupissent toujours dans un lieu tenu secret, derrière les barreaux, et sont qualifiées de traîtresses par la presse officielle.

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