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La double injonction des prophètes de malheur (éditorial de l’édition d’avril)

Par : pierre

Editorial paru dans l’édition de Ruptures du 28 avril (les abonnés qui n’auraient pas encore reçu cette édition peuvent signaler ce dysfonctionnement postal par un message au journal).

Encore plus d’Europe. Encore plus de vert. Voilà la double recette miracle assénée sans relâche par l’idéologie dominante pour penser « l’après ». Chaque jour paraissent des textes enflammés – en réalité désespérés – de « grands intellectuels » ou de « militants de l’avenir durable » qui croient voir dans l’épidémie la preuve irréfutable de leurs dogmes préexistants. La chaîne de service public France 2 s’est à cet égard surpassée en diffusant, le 16 avril, une émission spéciale où le consensus libéralo-environnemental ruisselait jusqu’à l’écoeurement, avec comme invitée d’honneur la présidente de la Commission européenne.

On relèvera dans le même esprit l’appel lancé par une bonne douzaine de ministres européens de l’environnement : il faut résister, supplient-ils, à « la tentation de solutions de court terme qui maintiendraient l’Union dans une économie carbonée ». Bref, pas de relance si cela doit consommer du pétrole. Et tant pis pour le marché automobile, qui a chuté en mars de 55% (de 72% en France), avec toutes les conséquences pour l’emploi qui pourraient s’en suivre. Pour ne rien dire de la sidérurgie, de Fos sur Mer par exemple, dont les hauts-fourneaux ont été arrêtés, officiellement provisoirement.

Au même moment, une charmante alliance européenne s’est nouée autour d’un texte exhortant « les décideurs politiques, les chefs d’entreprise et les dirigeants financiers, de syndicats, d’ONG » à viser une « relance verte ». Outre l’eurodéputé Vert Pascal Canfin, on trouve parmi les signataires le ministre français de la transition écologique ainsi que sa collègue allemande, Laurent Berger en sa double qualité de patron de la CFDT et de la Confédération européenne des syndicats, les présidents des groupes socialiste, Vert et libéral à l’europarlement, des responsables d’ONG, ainsi que trente-sept PDG, dont ceux de Renault, d’Unilever, de Danone, de L’Oreal ou d’Ikea.

Dans un autre texte, plusieurs dizaines de personnalités engagées de longue date en faveur de l’UE claironnent solennellement : « le temps est venu d’un nouveau patriotisme européen ». C’est fou ce que le malheureux virus peut stimuler les imaginations. Pour les auteurs, « le premier message » est que l’UE « est là pour protéger » ; et le second est qu’elle « garantit l’unité, la force et la stabilité », notamment pour la zone euro. Il y aurait un doute ?

Pour le général Vincent Desportes, il faut « transformer cette crise en choc salutaire dont nous avions tant besoin »

Palme spéciale pour le général Vincent Desportes qui dénonce, dans les colonnes du Monde (15/04/20) « l’augmentation des dépenses et de la paix sociales » qui a plombé l’Europe jusqu’à présent. Sans doute le Vieux Continent et la France en particulier se gobergeaient-ils jusqu’ici dans une débauche de pouvoir d’achat. Eh bien, pour l’ancien directeur de l’Ecole de guerre, il faut « transformer cette crise en choc salutaire dont nous avions tant besoin ». On savourera ces derniers mots.

Le tragique troupier galonné a le mérite d’exprimer sans détour l’essence de la pensée libéralo-environnementalo-réactionnaire : « le mythe du progrès perpétuel vient de s’effondrer ». Deuxième « révélation » qu’a permis le virus, décidément bien inspiré : « l’Europe (…) n’est pas à l’abri du monde : ni la science, ni la civilisation et encore moins nos repliements nationaux ne nous rendent invulnérables ». On remarquera l’association dans la même phrase de ces trois fléaux.

D’où la très macronienne conclusion : l’Europe doit reconquérir son « autonomie stratégique » (tiens, pourquoi « re » ?). C’est que l’ancien diplômé du Collège militaire US a perdu foi dans l’Oncle Sam : « le soldat Ryan ne reviendra plus jamais mourir sur les plages de France ». Une « autonomie stratégique » qui s’impose, à l’avenir, notamment du fait du « niveau de civilisation » européen. Que le général juge sans doute supérieur aux autres contrées du globe, si les mots ont un sens.

Le chemin est tout tracé : il faut que nos nations « échangent un peu de souveraineté contre l’édification d’une confédération autonome », le tout menant à « une souveraineté européenne forte de souverainetés nationales respectées mais contenues ». Ce troc d’« un peu de souveraineté » (sic !) aboutissant à une « souveraineté contenue » (re-sic !) mérite assurément de passer à la postérité.

En attendant, l’adjudant-chef Desportes termine son ordre du jour comminatoire par une consigne à laquelle il n’est pas question de désobéir : « un peu de bon sens, l’Europe !, un peu de tenue, l’Europe !, un peu de fierté, l’Europe ! ».

On s’inquiète du moral des troupes, mon général ?

 

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Serbien: Verschiebung der Wahlen, die Popularität des Präsidenten bleibt hoch

Par : pierre

Die Serben sollten am Sonntag, den 26. April, ein neues Parlament wählen. Wegen des Coronavirus sind die Wahlen auf einen noch nicht festgelegten Termin verschoben worden. Es ist jedoch schwer, Aleksandar Vucic zu verdächtigen, dass er sich einer drohenden Frist entzogen hat: Der allmächtige Präsident scheint auf dem Höhepunkt seiner Popularität zu sein.

Bei den letzten Wahlen im April 2016 hatte sich seine Partei, die Serbische Fortschrittspartei (SNS, oft als Mitte-Rechts bezeichnet), der 50%-Marke genähert. Studien zeigen, dass sie diesmal 60% oder sogar 65% der Stimmen hätte erhalten können.

Herr Vucic ist ein Meister der ideologischen Flexibilität: er beherrscht  die Kunst, ein sehr breites Spektrum von Bürgern anzusprechen. Als junger Informationsminister wurde er, als die NATO 1999 das Land angriff, im Westen als Ultranationalist angeprangert. Doch 2008 vollzog er eine Wende und half bei der Gründung der SNS, um  eine Annäherung an die EU anzustreben.

Im Jahre 2016 hatte er seine Entscheidung zur Einberufung vorgezogener Wahlen sogar damit begründet, dass eine verstärkte Mehrheit erforderlich sei, um die von der Europäischen Union im Hinblick auf den Beitritt geforderten « Reformen » besser umsetzen zu können. Die genannten Reformen waren in der Tat bereits ab den 2000er Jahren begonnen worden: massive Privatisierungen, Umstrukturierungen, « Lockerung » des Arbeitsgesetzes.

Der Präsident ist stolz darauf, die Arbeitslosigkeit gesenkt zu haben, offiziell auf weniger als 10%. Auf der anderen Seite bleibt der Lebensstandard mit einem durchschnittlichen Gehalt von 500 Euro pro Monat für die meisten Menschen ein Problem. Er rühmt sich auch, den Bau neuer Infrastrukturen in Angriff genommen zu haben, von denen einige derzeit fertiggestellt sind.

Doch während er sich weiterhin der europäischen Integration verpflichtet fühlt, versteht es der starke Mann des Landes auch, mit den Millionen seiner Mitbürger zu sprechen, die noch immer eine emotionale, historische, kulturelle und geopolitische Verbindung zu Russland haben. Er versäumt es nie, die « unerschöpfliche » Freundschaft mit Moskau zu erwähnen, und hat viele Besuche mit Wladimir Putin ausgetauscht.

Eine andere Nähe beunruhigt nun auch die Westler. Wenn Russland auf wirtschaftlicher Ebene im Energiebereich – Öl, Gas,… – sehr präsent ist, so hat China seinerseits weitgehend in den Bergbausektor und in Rohstoffe sowie in die Stahlindustrie investiert.

Das Image der EU scheint sich im Zusammenhang mit der Gesundheitskrise verschlechtert zu haben

Und kürzlich war Peking seit Beginn der Covid-19-Pandemie offenkundig präsent. Die Ankunft von chinesischer Ausrüstung und chinesischem Personal wurde spektakulär inszeniert. Die Serben hatten also keinen Mangel im Gesundheitswesen, wie es in vielen Ländern der Europäischen Union der Fall war. Während der serbische Staat oft als zerfallend und korrupt beschrieben wird, liegt die Zahl der Todesopfer in einem Land mit mehr als 7 Millionen Einwohnern kaum über 100. Eine Effizienz (zwar um den Preis einer sehr strikten Ausgangssperre), die Aleksandar Vucic zugeschrieben wird.

Dieser zögerte nicht, die Chinesen ostentativ zu loben und im Gegensatz dazu den « Egoismus » der EU zu stigmatisieren, die als unfähig zur « Solidarität » mit Italien beurteilt wurde. Was Belgrad nicht daran hindert, die mit Brüssel 2014 angefangenen Beitritts-« Verhandlungen » fortzusetzen.

Das Image der EU scheint sich im Zusammenhang mit der Gesundheitskrise verschlechtert zu haben. Schon davor waren nicht so viele Bürger im Herzen europabegeistert. Ein großer Teil von ihnen stellt sich eher vor, auf pragmatische Weise wirtschaftlichen Nutzen aus dieser EU zu ziehen. Aber gefühlsmässig ist die Nähe zum « großen russischen Bruder » stärker.

Gekonnter Spagat

Jedenfalls versteht es Aleksandar Vucic, einen gekonnten Spagat gegenüber seinen Partnern im Westen und im Osten zu vollziehen. Premierminister im Jahr 2014, 2016 erneuert, wurde er 2017 zum Präsidenten gewählt, mit erheblich erweiterten Befugnissen für diese Funktion. An diesem Tag ernannte er, unter Beibehaltung seines Bündnisses mit der Sozialistischen Partei Serbiens (SPS, 1990 vom Präsidenten Milosevic gegründet), einen « Techno »-Premierminister mit einem besonders untypischen Profil: Ana Brnabic, die erste Frau an der Spitze einer serbischen Regierung, ist kroatischer Abstammung und macht keinen Hehl aus ihrer Homosexualität – eine Herausforderung in einem Land, das stark von einer konservativ-orthodoxen religiösen Tradition geprägt ist.

Die Ernennung dieser 43-jährigen Beamtin, die in den Vereinigten Staaten ausgebildet wurde, war ein neuer Beispiel des Vucics Geschicks: das gab gegenüber Brüssel Garantien des « Modernismus » und mähte der « liberalen » Opposition das Gras unter den Füßen weg. Darüber hinaus kommt die Stärke des Präsidenten auch aus der Schwäche seiner Gegner. Die Opposition setzt sich einerseits aus der « souveränistischen » Tendenz zusammen, die insbesondere von der Demokratischen Partei Serbiens (DSS) verkörpert wird; und andererseits aus der Demokratischen Partei (DS), die nach dem Sturz von – Präsident Milosevic im Jahr 2000 an die Macht kam. Die DS war dazu von den Westmächten gesponsert worden.

Letztere hatten also damals auf die DS gesetzt, die nun der Partei der Europäischen Sozialisten angehört, um sofort den Prozess des Bruchs mit dem jugoslawischen Sozialismus und der Angleichung an den Westen einzuleiten. Aber seit einigen Jahren hat die DS an Bedeutung verloren, etwa wie die französische sozialistische Partei.

Aus dieser liberalen « Linken » gingen dann viele kleine Parteien hervor, von denen einige noch nie an einer Wahl teilgenommen haben, deren Chancen aber sehr gering erschienen, wenn die Wahlen zum vorgesehenen Termin stattgefunden hätten. Vielleicht hatten deshalb mehrere Oppositionsführer zu einem Wahlboykott aufgerufen. Offiziell wurde dies mit der Dominanz der Freunde des Staatsoberhauptes über die Medien, die Verwaltung und die Justiz gerechtfertigt.

Bereits aufgrund dieser Vorwürfe, autoritär zu sein, hatte sich im Januar 2019 eine Protestbewegung entwickelt (ausgelöst durch die Prügel eines Gegners), die bis 50.000 Demonstranten auf den Straßen Belgrads versammeln konnte.

Das völlige Fehlen sozialer Forderungen und die mangelnde Organisation verurteilten diese Bewegung jedoch dazu, nicht mehr als ein Strohfeuer zu sein, das hauptsächlich die städtische oder studentische Bourgeoisie mobilisierte.

Eineinhalb Jahre später scheint das Fundament von Aleksandar Vucic, einem brillanten Seiltänzer, sicherer denn je.

 

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L’édition d’avril de Ruptures est parue

Par : pierre

Ruptures n°95 est paru le 28 avril.

Au sommaire :

l’éditorial qui pointe les deux « recettes » de l’idéologie dominante pour l’« après » : plus d’Europe et plus de vert… A l’image du général Vincent Desportes qui veut « transformer cette crise en choc salutaire dont nous avions tant besoin »

– un état des lieux de la désindustrialisation du pays engagée depuis des décennies « grâce » à la libre circulation des capitaux, avec des conséquences dramatiques dans de nombreux domaines, dont les médicaments et matériels médicaux

– un récit et une analyse des contradictions entre les Vingt-sept, qui n’ont pu se mettre d’accord sur le financement du plan de relance pour l’après-pandémie, dans un contexte où les peuples – de l’Italie aux Pays-Bas – sont de plus en plus réticents à l’intégration européenne

– une analyse géopolitique de la guerre du pétrole engagée en mars entre les trois premiers producteurs mondiaux à l’occasion de la chute brutale mais provisoire de la consommation de brut, la Russie se réjouissant de la faillite de producteurs texans de pétrole de schiste

– une analyse de la situation politique en Serbie, où l’élection présidentielle prévue le 26 avril a dû être reportée, mais où le chef de l’Etat sortant, Aleksandar Vucic, est passé maître dans l’art de séduire divers électorats et de trouver un équilibre entre ses relations à l’ouest et à l’est

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

NB : cette édition a dû parvenir aux abonnés le 30 avril, mais, compte tenu du service perturbé de La Poste, la distribution pourrait s’étaler sur la semaine qui suit. Comme précédemment, les lecteurs qui n’auraient pas reçu ce journal début mai peuvent le signaler, en précisant leurs coordonnées, en nous adressant un message.

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Die Verfechter der europäischen Integration beklagen die Zwistigkeiten zwischen den Mitgliedsstaaten

Par : pierre

Die ganz Europa erschütternde Corona-Pandemie hat erneut ein kollektives Psychodrama bei den Führern der EU hervorgerufen. Angesichts des Ausmaßes des sich abzeichnenden wirtschaftlichen Erdbebens hat die Kommission zwar einige ihrer heiligsten Tabus – vorübergehend – aufgehoben, sowohl im Hinblick auf die Haushaltszwänge als auch auf die Wettbewerbsregeln. Doch eine Reihe von Treffen der Staats- und Regierungschefs der 27 EU-Staaten, der Finanzminister und der Eurogruppe hat ein Wiederaufflammen längst vergangener Polemik ausgelöst.

Im Großen und Ganzen gibt es auf der einen Seite die am stärksten von der Pandemie betroffenen Länder. Das sind diejenigen, denen regelmäßig vorgeworfen wird,  ihre öffentlichen Finanzen nicht ausreichend « kontrollieren » zu wollen; und auf der anderen Seite gibt es die Länder, die sich weiterhin an strenge Haushaltsregeln halten wollen, und entschlossen sind, das Risiko einer übermäßigen Verschuldung zugunsten der ersteren nicht einzugehen.

Insbesondere kristallisierte sich die Schlacht um die mögliche Aufnahme von gemeinsamen (und daher gemeinsam rückzahlbaren) Schulden heraus, die der italienische Regierungschef « Coronabonds » nannte. Rom wird dabei von Madrid und Paris aktiv unterstützt.

Die Gruppe der Länder, die beschuldigt werden, sich dieser Perspektive zu widersetzen, wird hingegen von den Niederlanden angeführt und umfasst, mit unterschiedlichen Nuancen, Deutschland, Österreich, Finnland und (außerhalb der Eurozone) Schweden. Am Rande sei angemerkt, dass die europäische « Großzügigkeit », über die die 27 streiten, darin besteht, den am stärksten betroffenen Ländern die Möglichkeit zu geben, … Kredite (zu günstigen Zinssätzen) auf den Märkten aufzunehmen.

Die Macron-Propaganda zögert nicht, die Niederlande, Deutschland, und ihre Gleichgesinnten als den Klub der « Geizkragen » oder « Pfennigfuchser » anzuprangern

Die Macron-Propaganda zögert nicht, die Niederlande, Deutschland, und ihre Gleichgesinnten als den Klub der « Geizkragen » oder « Pfennigfuchser » zu bezeichnen. Dies umso mehr, als es sich um dieselben Länder handelt, die sich seit zwei Jahren für einen möglichst bescheidenen mehrjährigen gemeinsamen Finanzrahmen (MFR 2021-2027) einsetzen.

Der französische Wirtschaftsminister Bruno Le Maire stand in den letzten Wochen an vorderster Front, um diese « Egoisten » anzuprangern, die die Werte der EU „mit Füßen treten“ und diese damit in Todesgefahr brächten (obwohl noch vor einem Jahr derselbe Mann Meister in der Rückführung der Staatverschuldung sein wollte…).

Was die Stellungnahme der EU-Abgeordneten von „La France Insoumise“ betrifft (LFI, die mit ihren deutschen Kollegen von „der Linken“ in Strassburg vereint sind), kann man entweder weinen – oder lachen. In einer Pressemitteilung haben sie sich Wort für Wort dem « Narrativ » des von Brüssel dominierten Denkens über dieses Thema angeschlossen.

Die zwischen den Finanzministern auf der Tagung vom 10. April erzielte Einigung ist ein Kompromiss, der zum jetzigen Zeitpunkt vorläufige Zugeständnisse beider Seiten beinhaltet aber auch zu einem neuen zähen Ringen auf der für den 23. April anberaumten Europäischen Ratssitzung führen könnte. Jedoch noch mehr als der Inhalt der erzielten Vereinbarung sind es die Worte der LFI-Abgeordneten, die einem den Atem stocken lassen: Es ist die Rede von einem « Triumph des Clubs der Egoisten, angeführt von Deutschland und den Niederlanden« . Paris wird zwar vorgeworfen, « kapituliert » zu haben. Aber wenn die Worte noch etwas bedeuten, so meinen sie, dass Emmanuel Macron einen richtigen Kampf geführt habe, für den ihm nur vorgeworfen wird, ihn letztendlich aufgegeben zu haben…

…Als ob die Beziehungen zwischen Staaten eine Frage von (guten) Gefühlen wären – wo es sich nur um Interessen, Konfrontation oder Kooperation handeln kann

Vor allem die Verwendung des Wortes « egoistisch », das direkt aus dem EU-Sprachgebrauch übernommen wurde, sollte beachtet werden. Als ob die Beziehungen zwischen Staaten eine Frage von (guten) Gefühlen wären – wo es sich in Wirklichkeit nur um Interessen, Konfrontation oder Kooperation handeln kann.

Jedes Land hat seine eigene Realität (und Geschichte), nicht nur in Bezug auf die Gesundheitspolitik, sondern auch in wirtschaftlicher, sozialer, demografischer und kultureller Hinsicht. Dies ist genau der Kontext, in dem die europäische Integration funktioniert: Ihr Prinzip besteht darin, diese unterschiedlichen Realitäten  künstlich zu vereinheitlichen.

Einer der perversesten Mechanismen dieser Integration ist im Brüsseler Jargon als « Gruppenzwang » bekannt. Als Beispiel sei der niederländische liberale Premierminister genannt, der in Paris als Führer der « Herzlosen » bezeichnet wird. Mark Rutte ist einerseits an die vor seinem nationalen Parlament eingegangenen Verpflichtungen gebunden (in diesem Fall spiegeln diese Verpflichtungen den Geisteszustand eines Volkes wider, das der Europäischen Union gegenüber zunehmend skeptischer geworden ist – dasselbe Volk, das 2005 wenige Tage nach den Franzosen den Entwurf des Verfassungsvertrags massiv abgelehnt hat).

Was sollte wichtiger sein: die Souveränität des Volkes oder das « höhere europäische Interesse » ?

Auf der anderen Seite wurde der holländische Regierungschef durch die eindringlichen Forderungen vieler seiner Kollegen unter Druck gesetzt: « Mark, Du darfst nicht die schöne europäische Solidarität blockieren und damit die EU gefährden » (eine « europäische Solidarität », die drei Jahrzehnte lang zu immer drastischeren Einschnitten bei den öffentlichen Dienstleistungen, insbesondere im Gesundheitswesen, führte). Letztendlich hat Den Haag vorerst ein starkes Zugeständnis gemacht, indem es, wie von Paris gewünscht, den Rückgriff auf den Europäischen Stabilitätsmechanismus akzeptiert hat.

Es geht hier nicht darum, die Politik von Herrn Rutte zu loben oder zu beurteilen, sondern zu wissen, was wichtiger sein sollte: die Souveränität seines Volkes oder das « höhere europäische Interesse ». Für die EU-Befürworter liegt die Antwort auf der Hand. Diese Antwort wird nun auch von La France insoumise – also „dem unbeugsamen Frankreich“ – übernommen. Noch nie zuvor hatte diese Partei ihren Name so wenig verdient.

 

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Les partisans de l’intégration européenne se lamentent des bisbilles entre Etats membres de l’UE

Par : pierre

Les conséquences économiques dramatiques de l’épidémie ont réactivé les antagonismes entre Etats membres. La fable officielle des « pays égoïstes » du Nord est désormais relayée par les eurodéputés « insoumis ».

La crise épidémique qui secoue l’Europe a provoqué un psychodrame collectif dont les dirigeants de l’UE ont le secret. Devant l’ampleur du séisme économique qui menace, la Commission a certes levé – provisoirement – certains de ses tabous les plus sacrés, en matière de contraintes budgétaires comme de règles de concurrence.

Mais une succession de réunions des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, des ministres des finances, ainsi que de l’eurogroupe a déclenché le retour de polémiques déjà anciennes. Schématiquement, il y aurait d’un côté les pays les plus touchés par la pandémie, qui se trouvent être aussi ceux régulièrement accusés de ne pas savoir suffisamment « maîtriser » leurs finances publiques ; et de l’autre, les Etats qui restent attachés à des règles budgétaires rigoureuses, bien décidés à ne pas prendre le risque de s’endetter excessivement au profit des premiers.

La bataille s’est en particulier cristallisée autour de la possible émission de dette commune (et donc solidairement remboursable), ce que le chef du gouvernement italien a nommé les « coronabonds ». Rome est activement soutenue par Madrid et Paris. En face, le groupe des pays accusés de s’opposer à cette perspective est emmené par les Pays-Bas, et rassemble, avec des nuances diverses, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et (hors zone euro) la Suède. On notera au passage que la « générosité » européenne sur laquelle s’écharpent les Vingt-sept consiste à autoriser les pays les plus touchés à… emprunter (à taux favorable) sur les marchés.

La propagande macroniste n’hésite pas à dénoncer le club des « pingres » ou des « avares »

La propagande macroniste (notamment) n’hésite pas à nommer les seconds le club des « pingres » ou des « avares ». D’autant que ce sont les mêmes pays qui plaident depuis deux ans pour un budget communautaire pluri-annuel (2021-2027) le plus modeste possible.

Le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, a été, ces dernières semaines, en pointe dans la dénonciation de ces « égoïstes » qui fouleraient au pied les valeurs de l’UE et mettraient ainsi cette dernière en danger de mort (l’actuel locataire de Bercy n’en est pas à un retournement de veste près, lui qui se voulait jadis le plus déterminé pourfendeur de la dette publique…).

Il n’est pas interdit, sinon de s’étonner, du moins de s’affliger, de la position adoptée par les eurodéputés de la France insoumise. Dans un communiqué, ceux-ci se sont alignés mot pour mot sur le « narrative » – en bon français de communiquant, les « éléments de langage » – de la pensée dominante en la matière, celle-là même qui court de Paris à Bruxelles.

L’accord trouvé entre ministres des finances lors de la réunion du 10 avril est un compromis qui comporte à ce stade des concessions provisoires de part et d’autre, et pourrait donner lieu à un nouveau bras de fer lors du Conseil européen prévu le 23 avril (Ruptures consacrera un dossier sur les éléments factuels dans son édition de fin avril). Mais, plus qu’une appréciation sur le contenu de l’accord trouvé, ce sont les termes employés par les mélenchonistes de l’europarlement qui laissent pantois : il y est question d’un « triomphe pour le club des égoïstes, emmené par l’Allemagne et les Pays-Bas ». Certes, les eurodéputés étiquetés (par antiphrase) « gauche radicale » fustigent la « défaite politique pour la France qui s’était dit favorable à l’émission d’obligations communes », mais Paris est accusé d’avoir « capitulé ». Si les mots ont un sens, cela signifie que l’Elysée et Bercy menaient une juste bagarre, à laquelle ils sont seulement accusés d’avoir finalement renoncé…

Comme si les relations entre Etats devaient relever de (bons) sentiments – là où il ne peut s’agir que d’intérêts, de confrontation ou de coopération

Surtout, l’emploi du mot « égoïste », tout droit copié/collé de la doxa de Bercy, doit retenir l’attention. Comme si les relations entre Etats devaient relever de (bons) sentiments – là où en réalité il ne peut s’agir que d’intérêts, de confrontation ou de coopération.

Chaque pays connaît une réalité différente, pas seulement sur le plan sanitaire, mais aussi économique, social, démographique, culturel. Or c’est précisément dans ce cadre qu’agit l’intégration européenne : son principe est de vouloir aligner artificiellement ces situations.

Un des mécanismes les plus pervers de cette intégration est connu dans le jargon bruxellois sous le nom de « pression des pairs ». Pour prendre l’exemple du premier ministre libéral néerlandais, décrit à Paris comme le chef des « sans-cœur », Mark Rutte est d’un côté tenu par ses engagements pris devant son Parlement national, engagements qui, en l’espèce, reflètent l’état d’esprit d’un peuple devenu de plus en plus rétif à l’Union européenne – celui-là même qui refusa le projet de traité constitutionnel en 2005 quelques jours après les Français, et avec un pourcentage encore supérieur.

Qu’est-ce qui doit prévaloir : la souveraineté de son peuple ou « l’intérêt supérieur européen » ?

De l’autre, le chef du gouvernement batave se voit soumis aux sollicitations insistantes de nombre de ses collègues (même l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s’y est mis), sur le thème : « Mark, tu ne peux pas bloquer et mettre ainsi en danger la belle solidarité européenne » (une « solidarité européenne » qui s’est traduite, trois décennies durant, par des coupes de plus en plus drastiques dans les services publics, notamment de santé). De fait, La Haye a, pour l’heure, fait une forte concession en acceptant le recours au mécanisme européen de stabilité comme le souhaitait Paris.

Le point ici n’est pas de juger la politique de M. Rutte, mais de savoir ce qui doit prévaloir : la souveraineté de son peuple, ou « l’intérêt supérieur européen ». Pour les europhiles, la réponse va de soi. Elle est désormais adoptée – au moins dans la bulle strasbourgeoise, particulièrement propice à la transmission du virus européiste – par les Insoumis. Qui n’ont jamais aussi mal porté leur nom.

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Interview mit Brian Denny (UK-Gewerkschaft) : Zurück zur Souverainität

Par : pierre

Der große britische Gewerkschaftsbund TUC hatte sich zwar gegen den Brexit ausgesprochen, doch ein großer Teil der Basis war dafür. Brian Denny, Gewerkschafter in der Gewerkschaft RMT (besonders im Transportwesen verankert), gibt eine Bestandsaufnahme.

Ruptures – Mit dem Coronavirus steht das Vereinigte Königreich vor seiner ersten Krise nach dem Brexit. Wird diese Situation anders gehandhabt, als es bei einer Mitgliedschaft des Landes in der Europäischen Union der Fall gewesen wäre?

BD – Der Brexit ist ein Prozess der Wiedererlangung von Souveränität und Unabhängigkeit. Und in diesem Zusammenhang bestärkt die Epidemie die Entscheidung des Vereinigten Königreichs: Es ist klar, dass nur der Nationalstaat in der Lage ist, mit dieser Situation umzugehen und sich in der Krise zu organisieren. Die Europäische Union tut nichts, weil sie nichts dagegen tun kann. Sogar Emmanuel Macron sollte dies erkennen. Mehr und mehr Europa, mehr und mehr Globalisierung, immer weniger Grenzen, da trägt man in vollem Bewusstsein die ganze Last jeder Krise, indem man sich der unverzichtbaren Instrumente zu ihrer Bewältigung beraubt.

Ruptures – Die britische Regierung setzt beträchtliche finanzielle Mittel frei, um die Auswirkungen der Pandemie zu begrenzen. Wäre dies vor dem Brexit möglich gewesen?

BD
– Der Effekt ist eher psychologischer Natur als eine Frage die den Haushalt oder das Recht betrifft: Wir wissen, dass diese Entscheidungen national sind, und deshalb sind wir in dieser Situation nur uns selbst gegenüber rechenschaftspflichtig. Dies wird konkret am Coronavirus sichtbar, aber noch allgemeiner auf der Ebene wo die Entscheidungen für die expansive Finanzpolitik getroffen werden. Der Plan der Regierung scheint darin zu bestehen, die Wirtschaft durch die Zuweisung der notwendigen öffentlichen Mittel zu entwickeln. Dies ist das Gegenteil der Sparidee, auf der die EU besteht, und ganz allgemein auch der Globalisierung.

Ruptures – Ist es nicht verwunderlich, dass die Konservative Partei, die sich bisher von einem ungezügelten Wirtschaftsliberalismus leiten ließ, eine solche Politik ins Werk setzt?

BD – Es ist nicht so überraschend. Die Tories haben im Laufe ihrer Geschichte manchmal großen Pragmatismus und ein echtes Verständnis der Situation gezeigt. Dieser Pragmatismus und dieses Realitätsbewusstsein zeigt sich nun auch beim Brexit: Die EU-Anhänger innerhalb der Tory-Partei haben jetzt deutlich gemacht, dass für sie die Sache erledigt ist – so zum Beispiel der ehemalige Vize-Premierminister unter John Major, Michael Heseltine, der unter den Konservativen einer der schärfsten Gegner des Brexit war. Die Bürger haben gewählt, und das Blatt hat sich gewendet. Man muss wirklich ein Sozialdemokrat sein, um das Gegenteil daraus zu machen…

Ruptures – In der Tat ist dies nicht die Haltung von Jeremy Corbyn’s Labour Party…

BD – Ein Teil der sehr gespaltenen Labour Party erklärt, dass ihr neues Ziel die baldige, – am liebsten schon morgen- Rückkehr des Vereinigten Königreichs in die Europäische Union ist. Das wäre zum Lachen, wenn es nicht so dramatisch wäre. Diese Analysen sind grob und extrem vereinfachend, sie zeugen von Resignation und sind unangemessen. Sie sind charakteristisch für ein Denken, das zehn Jahre der Geschichte hinterher läuft!

Ruptures – Ist es nicht schmerzhaft für einen Gewerkschafter wie Sie, eine solche Erklärung abzugeben, die für die Konservativen günstiger ist als für die Labour Party?

BD – Der Brexit hat von Anfang an die Rechts-Links-Spaltung überwunden. Es war immer klar, dass wir uns in einer wichtigen Souveränitätsfrage befanden, die über die üblichen Positionen auf dem politischen Schachbrett hinausging. Das nationale Interesse hatte bei diesem Thema Vorrang.

Ruptures – Fürchten Sie aber nicht ein schwieriges Erwachen, wenn die Regierung, um politisch erfolgreich zu sein, die Voraussetzungen für eine weitgehende Deregulierung, insbesondere des Londoner Finanzplatzes, schafft, und zwar ohne jegliche Kontrolle?

BD – Dieses Phänomen der extremen Liberalisierung der Finanzaktivitäten gab es leider schon vor dem Brexit in der City. Die Europäische Union hat nichts getan, um dieses Phänomen zu verhindern… Und es ist in der Tat die Globalisierung, die die Sozialdemokraten so sehr anspricht – Anthony Blair war ein brillantes Beispiel dafür -, die die Idee dieser unbegrenzten und grenzenlosen Expansion des Finanzkapitalismus in sich trägt.

Ruptures – Auch um den Preis des Schwarzgeldes?

BD – Man kann sich im Kontext der Globalisierung nicht gegen schmutziges Geld wehren, sie erzeugt und verbreitet es. Unter diesem Gesichtspunkt wird sich eine starke Souveränität als viel effektiver erweisen. Natürlich ist der Brexit nicht die Lösung für alles. Es ist ein Prozess, und er wird das sein, was wir daraus machen. Lassen Sie mich hinzufügen, dass Singapur, das oft als Beispiel für Deregulierung angesehen wird, entgegen der landläufigen Meinung von massiven staatlichen Eingriffen profitiert. Die EU hat auch … ein Freihandelsabkommen mit diesem Land.

Ruptures – Wie wird innerhalb der Gewerkschaften diese expansive Finanzpolitik der Konservativen mit massiven Investitionen, zum Beispiel in den öffentlichen Verkehr, erlebt?

BD – Gewerkschaften sind keine politischen Parteien. Sie müssen die Interessen der Arbeitnehmer vertreten. In gewisser Weise ist es für uns einfacher, es zwingt uns, viel pragmatischer zu sein als politische Parteien. Wir begrüßen daher die Entscheidungen, insbesondere die Ankündigung der Entwicklung von Bahn- und Busnetzen. Diese Investitionen sind unerlässlich, und niemand in den Gewerkschaften ist dagegen. Wir sind sogar der Meinung, dass wir noch weiter gehen müssen und dass wir noch zu eng mit der europäischen Politik verbunden sind, insbesondere im Bereich der Eisenbahn. Die Verbindung muss gelöst werden. Wir sind dabei, den Handlungsspielraum für eine Politik zugunsten des öffentlichen Verkehrs zurückzugewinnen. Wir müssen noch weiter gehen.

Ruptures – Das heißt?

BD – Das Vereinigte Königreich war in den 1980er und 1990er Jahren bei der Deregulierung und Privatisierung des Schienenverkehrs an vorderster Front dabei. Die darauf folgenden großen Funktionsstörungen führten zur Wiederaneignung bestimmter Strecken durch die öffentliche Hand: Dies war 2018 der Fall bei der Londoner Nordost-Eisenbahn sowie bei der Ostküstenlinie (die London mit Edinburgh verbindet). Dies eröffnet neue Perspektiven.

Ruptures – Ironischerweise könnten Unternehmen wie Eurostar angesichts der Coronavirus-Krise vom Brexit profitieren.

BD – Dies ist ein gutes Beispiel, der Eurostar wird eine starke öffentliche Unterstützung brauchen, um die Krise zu überstehen. Diese öffentliche Intervention wird in einem von der Brexit-Mentalität getriebenen Vereinigten Königreich um so leichter sein. Wir haben jetzt eine größere Reaktionsfähigkeit. Auch die Privatwirtschaft wird, entgegen der Auffassung der Befürworter der Globalisierung und der Europäischen Union, von unserer wiedergewonnenen Souveränität profitieren.

Ruptures – Zu diesen Unterstützern der EU gehört der TUC, der grosse britische Gewerkschaftsverband. Wie reagieren die Gewerkschaftsführer, die von der Abstimmung des Volkes irgendwie überrascht wurden?

BD – Der TUC hat das EU-Projekt immer unterstützt, weitgehend ohne Mandat der Gewerkschaftsmitglieder. Heute ist er sehr still, da Millionen Mitglieder, die Basis der Gewerkschaften, eindeutig dafür gestimmt haben, dass das Land die EU verlässt. Die Führung nimmt nun die neue Situation mit einem gewissen Realismus auf, nimmt den Austritt aus der EU jedoch nur widerwillig in Kauf. Der Apparat ist offensichtlich nicht begeistert von der Chance, die der Brexit darstellt …

Interview von Julien Lessors

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Vous êtes abonné, et vous n’avez pas encore reçu l’édition de mars ?

Par : pierre

Du fait des circonstances, la distribution postale de l’édition de Ruptures parue le 31 mars peut être perturbée dans certains endroits.

En principe, La Poste s’est engagée à traiter notre mensuel de manière prioritaire, puisque celui-ci paye le tarif le plus élevé (« P1 ») pour une distribution rapide.

Cependant, il se peut que certains abonnés n’aient pas encore reçu cette édition.

Si tel est votre cas, n’hésitez pas à nous le signaler par un message via notre rubrique Contact. Veuillez alors préciser vos coordonnées postales (pour que nous puissions vérifier votre abonnement).

Nous vous proposerons alors, à titre exceptionnel, de vous envoyer par courriel la version numérique (PDF) de cette édition – il sera alors important de NE PAS la faire circuler.

Même si nous ne sommes évidemment pas responsables des dysfonctionnement postaux, nous avons à cœur de mettre cette édition à disposition de chacun de nos abonnés sans attendre l’arrivée, peut-être encore différée, de l’édition papier.

L’équipe de Ruptures

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L’UE « soutient » officiellement le plan américain visant à éliminer le président vénézuélien

Par : pierre

Washington a demandé a son poulain vénézuélien, Juan Guaido, de se retirer provisoirement, pour mieux écarter Nicolas Maduro – une stratégie sur laquelle Bruxelles vient de s’aligner

Les deux sont espagnols, les deux sont socialistes, les deux ont été ministre des Affaires étrangères de leur pays. Surtout, le premier fut Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère (1999-2009), responsabilité qu’occupe le second aujourd’hui.

Seule différence : Javier Solana fut également Secrétaire général de l’OTAN (1995-1999), alors que son successeur à Bruxelles, Josep Borrell, n’a pas eu cet honneur. Mais ses chances restent intactes, ne serait-ce qu’au regard de sa dernière prise de position, particulièrement appréciée à Washington.

A l’issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-sept du 3 avril (par vidéoconférence), M. Borrell a annoncé que l’Union européenne « soutient » le plan américain visant à faire partir le président du Venezuela, Nicolas Maduro. Celui-ci avait été réélu en mai 2018, au grand dam de l’opposition inspirée par Washington.

En janvier 2019, Juan Guaido, un homme issu de cette dernière, s’est auto-proclamé président du pays, aussitôt reconnu par la Maison-Blanche, par les chancelleries européennes, et par nombre des diplomaties sud-américaines.

Les dirigeants US – au premier rang desquels John Bolton, exfiltré des couloirs du pouvoir entre temps – escomptaient que le peuple et l’armée vénézuéliens acclameraient le jeune prétendant. Le scénario ne s’est pas déroulé selon les plans prévus. La seule chose qui a fonctionné, c’est un étranglement supplémentaire de l’économie du pays par les sanctions américaines.

Il y a quelques jours encore, le ministre américain de la Justice – les guillemets devraient être de rigueur – a lancé un « avis de recherche » dans la plus pure tradition du Far West, où la tête de Nicolas Maduro était mise à prix pour quiconque faciliterait son « arrestation », en fait son élimination, au moins politique.

Qu’un tel contrat mafieux, au vu et au su du monde entier, ait pu être lancé sans provoquer, en France par exemple, de réactions estomaquées et indignées montre à quel point le confinement de l’information qui sévit aujourd’hui grâce au coronavirus fait des ravages.

Sauf que le shériff qui siège à Washington a dû s’y faire : le président vénézuélien résiste, et la majorité du peuple n’est pas disposée à accepter les oukases des Yankees.

l’UE applaudit des deux mains ce plan qui vise ouvertement à un changement de régime piloté de l’extérieur

La diplomatie – si l’on ose dire – américaine a donc dû opérer un changement de stratégie. Elle a prié Juan Guaido de ne plus se revendiquer, pour l’instant, comme président, ce que l’intéressé, ça tombe bien, a accepté illico. Evidemment, elle a demandé au président élu… de faire de même. Et ce pendant une « période de transition » au cours de laquelle le pouvoir serait confié à un « Conseil d’Etat ». En échange, Washington consentirait à lever ses sanctions – Madame est trop bonne.

C’est donc à ce plan, qui vise ouvertement à un changement de régime piloté de l’extérieur, que l’UE a applaudi des deux mains. Dès aujourd’hui, même, puisqu’elle « accueille positivement le cadre pour une transition démocratique au Venezuela proposé par les Etats-Unis », selon les termes de Josep Borrell. Et le communiqué rédigé dans le plus pur sabir euro-diplomatique poursuit : l’UE est prête à « contribuer, notamment à travers le Groupe de contact international, à un processus inclusif vers le rétablissement de la démocratie et l’Etat de droit, à travers une élection présidentielle libre et équitable ».

Pour sa part, Caracas a refusé une offre si généreuse, et appelé les Européens « au respect de la souveraineté du peuple vénézuélien », le tout sur la base des « principes de la Charte des Nations-Unies ».

Quelle arrogance !

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Les deux piliers de l’UE vacillent (éditorial paru dans l’édition du 31/03/20)

Par : pierre

Trop tard. Mi-mars, après moult atermoiements, la Commission européenne s’est résignée à invoquer la « clause dérogatoire générale », encore jamais utilisée, qui suspend officiellement l’austérité. Les Etats sont autorisés à dépenser sans compter. C’est la seule chose que Bruxelles pouvait faire de bien : ne plus surveiller, ne plus menacer, ne plus sanctionner – en un mot, la boucler.

Sauf que le mal est fait. Pendant ses vingt-trois ans d’existence, le pacte de stabilité a constitué une arme de destruction massive des dépenses publiques des Etats membres, avec les services publics en première ligne. D’où le désastre tragique en matière de santé publique. En France par exemple, le nombre de lits d’hospitalisation par habitant a été… divisé par deux en trois décennies. Ni le chaos, ni la panique, ni le confinement ne seraient survenus si le pays avait disposé des masques, des tests, des respirateurs, et des personnels nécessaires – bref, si le gouvernement, et tous ses prédécesseurs engagés dans la logique européenne, avaient pris en compte les revendications de l’hôpital public plutôt que de le laminer.

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’Italie est au cœur du cyclone. L’hebdomadaire allemand Freitag rappelait récemment comment l’UE avait exigé de Rome, en 2011, une diminution des capacités de soin de 15%, justement au moment où Bruxelles remplaçait Silvio Berlusconi, jugé trop mou, par l’ancien Commissaire européen Mario Monti.

Les Vingt-sept, paniqués par le double tsunami sanitaire et économique, ont donc « suspendu » l’austérité. Mais pour combien de temps ? Car sans le corset du pacte de stabilité, la monnaie unique ne peut tenir longtemps.

Avec l’euro, l’espace de libre circulation Schengen constitue le second pilier célébré par les Européistes. Déjà ébranlé lors de la crise des migrants, il vacille désormais sur ses bases. En l’espace de quelques jours, pas moins de quinze pays – dont l’Allemagne – ont repris le contrôle voire bouclé leurs frontières dites « intérieures », piétinant ainsi les règles les plus sacrées. Le président français fut l’un de ceux qui, jusqu’au 12 mars, affirmaient qu’il convenait de laisser celles-ci ouvertes. Avant, quelques jours plus tard, de décider avec ses pairs de fermer les frontières dites extérieures. Curieux virus, décidément, qui semble faire la différence entre pays membres du club européen et les autres.

Dans la débandade générale, on a vu Paris et Berlin décréter que les précieux masques de protection devraient être prioritairement consacrés à leurs services de soin nationaux – un réflexe logique, qui témoigne que la nation reste ancrée comme le cadre de protection par excellence, mais qui a mis Bruxelles en transes – tandis que Prague subtilisait les masques envoyés à l’Italie par la Chine. L’Italie, justement, qui s’est vu offrir des empathiques condoléances par l’UE ; et des matériels, des personnels soignants et des militaires logisticiens par Pékin, donc, mais aussi par la Russie et par Cuba… Sur les réseaux sociaux de la Péninsule tournent en boucle des millions de messages avec une seule idée : on s’en souviendra. Le ministre des Affaires étrangères, Luigi di Maio, n’a pas dit autre chose.

Jacques Delors confie que l’UE « court un danger mortel », tandis que le président français estime que la « survie du projet européen est en jeu »

Depuis quelques semaines, pour les partisans de l’intégration européenne qui commençaient à réaliser avec terreur que le Brexit pourrait bien être une réussite, il ne pouvait y avoir pire scénario. Le Monde concédait dans un éditorial (20/03/20) que « le chacun pour soi qui prévaut au sein de l’UE n’(a) rien qui puisse donner des regrets aux Britanniques » d’avoir quitté le bloc. Pour sa part, l’hôte de l’Elysée évoquait le 12 mars, pour l’après, une « réflexion sur un changement de modèle » où il conviendrait de « reprendre le contrôle ». Ironie de l’histoire : l’expression est la traduction mot pour mot du slogan central des Brexiters… Même si son appel à « construire une France, une Europe souveraine », contradictoire dans les termes (deux souverainetés concurrentes ne peuvent cohabiter), confirme son attachement au dogme.

Mais l’angoisse monte. Alors que le fameux couple franco-allemand a disparu des radars, le quotidien du soir alertait à nouveau le 28 mars : « l’UE joue sa survie ». Peu avant, Bruno Le Maire évoquait un test crucial pour l’UE. Deux jours plus tard, Jacques Delors confiait qu’elle « court un danger mortel ». Un effroi réitéré par le président français estimant que la « survie du projet européen est en jeu ».

Une épidémie peut en cacher une autre. Bien plus réjouissante.

 

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

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Die zwei Säule der EU wackeln

Par : pierre

Zu spät. Mitte März hat sich die Europäische Kommission nach langem Zögern damit abfinden müssen, sich auf die noch nie genutzte « allgemeine Ausnahmeklausel » zu berufen, die erlaubt, die Sparpolitiken in den EU-Ländern auszusetzen. Die Staaten dürfen grenzenlos Ausgaben tätigen. Das ist das Einzige, was Brüssel richtig machen konnte: keine Überwachung mehr, keine Drohungen, keine Sanktionen – mit einem Wort: Klappe halten.

Aber der Schaden ist bereits da. In den dreiundzwanzig Jahren seines Bestehens war der Stabilitätspakt eine Massenvernichtungswaffe gegen die öffentlichen Ausgaben der Mitgliedstaaten, wobei die öffentlichen Dienste an vorderster Front stehen. Daher die tragische Katastrophe im Bereich der öffentlichen Gesundheit.

In Frankreich zum Beispiel wurde die Zahl der Krankenhausbetten pro Einwohner in drei Jahrzehnten halbiert. Weder Chaos, Panik noch Ausgangssperre wären entstanden, wenn das Land  genug Masken, Tests, Beatmungsgeräte und Personal gehabt hätte – anders gesagt, wenn die Regierung und alle ihre Vorgänger, die der europäischen Logik verpflichtet waren, die Anforderungen des öffentlichen Krankenhaussystems berücksichtigt hätten, anstatt es platt zu walzen.

Es ist wahrscheinlich kein Zufall, dass sich Italien im Herzen des Corona-Zyklons befindet. Die Wochenzeitung Freitag erinnerte kürzlich daran, wie die EU 2011 von Rom verlangte, die Kapazitäten im Gesundheitswesen um 15 Prozent zu kürzen. Gerade als Brüssel den als zu weich geltenden Silvio Berlusconi durch den ehemaligen EU-Kommissar Mario Monti ersetzte.

Die Siebenundzwanzig, die durch den doppelten Tsunami im Gesundheits- und Wirtschaftsbereich in Panik gerieten, setzten also ihre Sparmaßnahmen aus. Aber für wie lange? Ohne Stabilitätspakt als Korsett kann der Euro nicht lange durchhalten.

Neben dem Euro ist der Schengen-Freizügigkeitsraum die zweite Säule, die traditionell von den EU-Prominenten gefeiert wird. Bereits durch die Migrantenkrise erschüttert, wackelt er nun in seinen Grundfesten. Innerhalb weniger Tage haben nicht weniger als fünfzehn Länder – darunter auch die Bundesrepublik – die Kontrolle über die so genannten « inneren » Grenzen wiedererlangt oder diese sogar abgeriegelt und damit die heiligsten Regeln mit den Füßen getreten. Der französische Präsident gehörte zu denjenigen, die bis zum 12. März sagten, dass diese offen bleiben sollten. Einige Tage später beschloss er dann mit seinen Amtskollegen, die so genannten Außengrenzen zu schließen. Ein merkwürdiger Virus, der einen Unterschied zwischen den Ländern, die Mitglieder des europäischen Clubs sind, und den anderen, zu machen scheint…

In der allgemeinen Auflösung verordneten Paris und Berlin, dass die wertvollen Schutzmasken in erster Linie ihren nationalen Gesundheitsdiensten gewidmet werden sollten – ein logischer Reflex, der zeigt, dass der Nationalstaat als der Schutzrahmen schlechthin verankert bleibt, ein Reflex, der aber Brüssel in Trance versetzte – während Prag die von China nach Italien gesandten Masken klaute. Italien, dem die EU ihr Beileid entgegen brachte, während Peking, aber auch Russland und Kuba, Ausrüstung, medizinisches Personal und militärische Logistik zur Verfügung gestellt haben… In den sozialen Netzwerken der Halbinsel schwirren Millionen von Nachrichten mit einer einzigen Idee herum: Wir werden uns daran erinnern. Der Außenminister, Luigi di Maio, hat nichts anders gesagt.

Jacques Delors gibt zu, dass die EU « in Todesgefahr » ist, während der französische Präsident befürchtet, dass « das Überleben des europäischen Projekts auf dem Spiel steht »

Für die Anhänger der europäischen Integration, die mit Schrecken in den letzten Wochen zu erkennen begannen, dass der Brexit ein Erfolg werden könnte, konnte es kein schlimmeres Szenario geben. Die sehr pro-europäische Tageszeitung Le Monde räumte in einem Leitartikel (20.03.20) ein, dass « das ‚jeder für sich selbst’, das sich jetzt  in der EU entfaltet, nichts hat, das die Briten bereuen lassen kann« , den Block verlassen zu haben. Emmanuel Macron seinerseits sprach am 12. März von einer zukünftigen « Reflexion über einen Modellwechsel« , bei dem es notwendig sei, « die Kontrolle wiederzuerlangen« . Ironischerweise ist dieser Ausdruck genau eine wörtliche Übersetzung des zentralen Mottos der Brexiter… Auch wenn sein Aufruf, « ein Frankreich, ein souveränes Europa aufzubauen » (was in sich widersprüchlich ist: zwei konkurrierende Souveränitäten können nicht zusammenleben), seine weitere Verbundenheit mit dem Dogma bestätigt.

Aber die Angst wächst in der EU-Chefetage. Während das berühmte deutsch-französische Paar vom Radar verschwunden ist, alarmierte Le Monde am 28. März erneut: « Die EU spielt um ihr Überleben« . Kurz zuvor sprach der Wirtschaftsminister Bruno Le Maire von einem entscheidenden Test für die EU. Zwei Tage später gab Jacques Delors – der uralte Held der EU-Anhänger – zu, dass die EU « in Todesgefahr » sei. Diese Befürchtung wurde vom französischen Präsidenten wiederholt, der der Ansicht ist, dass « das Überleben des europäischen Projekts auf dem Spiel steht« .

Eine Epidemie kann eine andere verdecken. Eine viel erfreulichere.

 

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En raison des circonstances dramatiques, Bruxelles interdit la diffusion de poissons d’avril

Par : pierre

L’article ci-dessous, paru le 1er avril, visait à honorer la tradition des poissons. Les lecteurs auront donc bien compris que les faits et citations étaient imaginaires – pour le moment.

Au terme d’un débat de près de deux heures, le 31 mars à la mi-journée, la Commission européenne a décidé d’interdire toute diffusion d’informations qui se révéleraient être un poisson d’avril. Une décision qui ne concerne que cette année.

Celle-ci a été prise au cours d’une vidéoconférence qui n’était pas inscrite à l’agenda de la Commission. D’après plusieurs sources à Bruxelles, l’initiative a été imaginée au dernier moment, dans le climat très exceptionnel marqué par l’épidémie de coronavirus.

« Dans un contexte où nos citoyens sont pour la plupart confinés, où des centaines de malades meurent chaque jour, et où le personnel soignant est particulièrement éprouvé, la diffusion de fausses nouvelles, même sous forme de canular traditionnel du 1er avril, serait particulièrement inopportune », a justifié la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Le Commissaire chargé du portefeuille « une économie au service des personnes », le Letton Valdis Dombrovskis, a pour sa part souligné qu’une information inexacte pouvait aggraver encore une situation économique particulièrement inquiétante. Son collègue chargé de la justice, le Belge Didier Reynders, a précisé que les Etats membres sont chargés de faire appliquer ce que certains appellent déjà un « confinement humoristique ».

De son côté, Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission chargé du « Pacte vert », a ajouté qu’il ne serait pas tolérable que les graves questions climatiques soient l’objet de « blagues douteuses ».

De fait, le Conseil des affaires générales – les ambassadeurs des Vingt-sept – réuni en urgence dans la soirée a validé cette décision d’interdiction. Il semble cependant que plusieurs pays aient rechigné, à commencer la par la Pologne et la Hongrie, qui n’ont cependant pas réuni la minorité de blocage nécessaire pour s’opposer à la mesure.

Le premier ministre hongrois a notamment protesté contre une « tentative ridicule » qui va à l’encontre d’une « tradition remontant aux origines chrétiennes de notre continent ». Il a annoncé que son pays se tournerait vers la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour tenter de mettre en échec cet acte « contraire aux droits de l’Homme ». Une action en réalité symbolique puisque les délais ne permettent pas à la Cour de se prononcer.

Pour Josep Borrell, cette décision « nous permettra de lutter plus efficacement contre les ‘Fake news’ que la Russie répand chaque jour  »

Enfin, le chef de la politique étrangère de l’UE, le socialiste Josep Borrell, a fait valoir une raison supplémentaire à l’interdiction, cette année, des traditionnels poissons d’avril : « cela nous permettra de lutter plus efficacement contre les ‘Fake news’ que la Russie répand chaque jour pour déstabiliser l’Union européenne ».

L’équipe spécifiquement chargée de traquer les fausses informations concoctées par Moscou a été missionnée pour faire appliquer l’interdiction édictée. A Bruxelles, on indique qu’un Etat membre qui ne ferait pas respecter le bannissement des « poissons d’avril » serait susceptible d’une procédure d’infraction, et encourrait les sanctions prévues dans ce cas.

La Commission a cependant précisé que cette décision ne devrait pas être reconduite pour l’année 2021 – car ce serait alors « un problème pour l’Etat de droit ».

Enfin, pendant la période de transition qui suit la sortie du Royaume-Uni de l’UE, Bruxelles a demandé à Londres d’appliquer également cette restriction. Boris Johnson a immédiatement répondu : « bien entendu, nous nous alignerons ». Le sourire moqueur du premier ministre a été interprété comme l’expression de l’humour britannique – et donc comme un nouveau pied de nez à Bruxelles.

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Parution de l’édition de mars de Ruptures, avec au sommaire…

Par : pierre

Fidèle au poste et au calendrier, Ruptures n°94 a été imprimé et confié au centre de tri mardi 31 mars.

Au sommaire :

– l’éditorial qui analyse les racines de la triple crise – sanitaire, économique et sociale, politique – déclenchée par la pandémie, et note que l’angoisse monte chez les Européistes, au point au point qu’Emmanuel Macron estime que la « survie du projet européen est en jeu »

– une analyse balayant l’action de l’Union européenne face au coronavirus, chahutée par ce qu’elle appelle les « réflexes égoïstes » des Etats membres, et contrainte de suspendre le pacte de stabilité

– un entretien avec Brian Denny, syndicaliste britannique engagé en faveur du Brexit, qui revient sur les enjeux de celui-ci et l’attitude des syndicats à cet égard

– un récit de la nouvelle crise des migrants qu’a tenté de déclencher le président turc, qui n’a finalement réussi qu’à se mettre à dos tous ses alliés et partenaires – UE et OTAN, Russie

– un point sur le premier budget britannique hors UE, qui, par ses investissements particulièrement massifs, considère le Brexit comme le vecteur d’un changement de cap radical

– une analyse des élections slovaques du 29 février, qui a vu la défaite des « populistes de gauche » au pouvoir, au profit d’un homme d’affaires, « populiste de droite », à la tête d’une coalition comprenant deux partis « eurosceptiques »

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

NB : Compte tenu du service perturbé de La Poste, cette édition devrait parvenir aux abonnés entre le 2 et le 6 avril. En cas de non-distribution d’ici cette date, nous mettrons une boite courriel à disposition des lecteurs qui n’auraient pas reçu ce journal afin qu’ils signalent ce dysfonctionnement

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La crise du Covid-19 engendre des profiteurs idéologiques parmi les « défenseurs de la planète »

Par : pierre

Certains saisissent l’occasion de l’épidémie et du confinement pour affirmer que des contraintes autoritaires sont aussi possibles et nécessaires pour combattre le réchauffement climatique.

On les attendait. On s’impatientait. On s’inquiétait. Mais qu’étaient devenus les acharnés du climat, les Greta-ficionados, les combattants de la planète ? Les premières apparitions du virus remontent désormais à plusieurs mois, et toujours aucune preuve de la culpabilité du réchauffement dans le surgissement de l’agent épidémique. Rien, le Covid sidéral !

C’est désolant.

Alors, faute de grives (bio), il a bien fallu enfiler des merles. Dans le paysage de la presse écrite dominante, Libération et Le Monde ont publié de nombreuses contributions de partisans de la soumission de l’Homme à la nature, ou des tenants de la version douce – la cohabitation harmonieuse et sans conflit.

Certains ont salué au passage « le plus salutaire des coups de frein » que constitueraient les circonstances actuelles. Pour s’en tenir aux seules colonnes du Monde, un premier angle d’attaque a fait revivre le parfum nostalgique d’un « âge d’or » – qui n’a évidemment jamais existé – au sein duquel les humains auraient accepté avec bienveillance leur indépassable infériorité vis-à-vis de la nature. Ainsi, avance l’essayiste Dominique Eddé (1), « on est en droit de se demander si la pandémie de coronavirus aurait généré autant de panique et d’angoisse dans une autre époque, un autre temps ».

On n’a malheureusement pas (encore) inventé la machine à remonter le temps. Sinon, on aurait volontiers conseillé aux sceptiques de la « modernité », voire pour certains de la science, aux amoureux de la biodiversité, aux ennemis du « productivisme », des OGM et des pesticides, de se transporter par exemple au Moyen-âge, quand les épidémies de peste noire étaient – ô temps béni – parfaitement naturelles, tout comme l’étaient les moyens de les combattre, avec l’efficacité incontestable des médecines douces. A défaut, on peut relire Camus. L’écrivain, situant son roman La Peste au vingtième siècle, évoquait les cadavres que l’on ramassait chaque matin gisant dans les rues.

Aussi dramatique que soit l’épisode actuel, on n’en est pas tout à fait là aujourd’hui. Surtout, le chaos tragique que connaissent les hôpitaux français s’explique non par la virulence du virus, mais par la démolition qui a été progressivement imposée au service public de santé. Ainsi, la panique aurait-elle fait irruption si l’on n’était pas passé, en quatre décennies, de 11 lits d’hospitalisation pour mille habitants à 6,5 ? Si l’on avait disposé d’assez de masques, d’assez de tests, d’assez de respirateurs ? La gravité de la situation ne s’explique pas par trop de « modernité », mais au contraire par la manière dont celle-ci a été minée par des choix politiques.

L’inévitable Noël Mamère voit dans la crise actuelle « une sorte de répétition générale avant l’effondrement majeur »

Déjà, en 2010, l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, qui avait paralysé une large partie du trafic aérien planétaire, avait suscité des commentaires pénitents – y compris un éditorial du quotidien du soir – sur le thème : la nature nous prouve sa supériorité indépassable, cet événement nous rappelle opportunément la nécessaire humilité. Dominique Eddé livre la version 2020 : « l’ignorance et l’impuissance, qui sont en définitive les deux données fondamentales de la condition humaine, sont brusquement de retour au sein de l’humanité ».

Comme si l’aventure de l’humanité ne consistait pas précisément à faire reculer, toujours et encore, et sans limite, « l’ignorance et l’impuissance ».

Pour sa part, l’inévitable Noël Mamère (2) voit dans la crise actuelle « une sorte de répétition générale avant l’effondrement majeur ». L’ancien maire de Bègles fait cependant preuve, allez savoir pourquoi, d’une certaine prudence : nous n’en sommes qu’à la répétition, pour le véritable effondrement, il faudra sans doute patienter encore un peu.

Second axe

Le second axe d’attaque des Philippulus de l’apocalypse s’intéresse à la méthode employée, en France et dans plusieurs autres pays, pour combattre la crise sanitaire. C’est sans doute le chroniqueur Stéphane Foucart (qu’on a connu plus rationnel précédemment) qui a donné le signal (3). En substance : si l’on peut imposer autoritairement des mesures drastiques contre l’épidémie, pourquoi ne procéderait-on pas de la même manière pour endiguer la production de CO2 ? Car, pour le journaliste, la méthode douce vantant une transition « verte » progressive (à défaut d’être progressiste) a prouvé son inefficacité. Qui plus est, précise-t-il avec honnêteté, à la différence du confinement temporaire aujourd’hui mis en œuvre, la sauvegarde de la planète devra imposer des contraintes aussi drastiques, mais « durables ». Disons jusqu’à 2050 et n’en parlons plus.

Un groupe de militants et d’associatifs n’a pas tardé à embrayer (4), appelant dans un texte collectif à « entrer en résistance climatique », affirmant « viser une victoire climatique à travers une profonde transformation de nos vies et de nos sociétés ». C’est le moment où jamais, affirment-ils, car « la crise du coronavirus vient démontrer à tous qu’une bascule rapide est possible ». Pour « sortir du productivisme et du consumérisme », les signataires entendent devenir une « minorité motrice, catalyseur enthousiaste d’une transition désirable capable d’initier le changement nécessaire dans toute la société ».

En « phase 1 » (cinq sont proposées), ils « invitent » notamment à adopter de sympathiques recettes : « repenser sa manière de se déplacer et ne plus prendre l’avion, redécouvrir les transports doux et rouler moins de 2 000 kilomètres par an en voiture ; développer la cuisine végétarienne et se nourrir d’aliments biologiques, locaux et de saison, avec de la viande au maximum deux fois par mois ». La « phase 2 » devrait déboucher sur « un nouvel imaginaire donnant à voir ce futur frugal et désirable ». On notera la référence à la « frugalité », emballage (recyclable) de l’austérité. Quant à la phase 3, elle verrait l’abolition de « l’aviation de masse » ; ce qui, si les mots ont un sens, signifie le retour à l’aviation d’élite. Enfin, une fois le bon exemple donné, la « phase 5 » verrait la mise en œuvre de « l’ensemble des outils de la diplomatie politique et économique (…) pour convaincre les gouvernements réfractaires ». Lesdits réfractaires n’ont qu’à bien se tenir. Car dans la géopolitique actuelle, les outils évoqués portent un nom : « sanctions ».

Encore s’agit-il là de la version douce. Quelques jours plus tard, deux chercheurs proposent leur contribution (5) visant à « tirer les leçons de la crise du coronavirus pour lutter contre le changement climatique ». Le refrain est le même, mais en mode comminatoire. François Gemenne et Anneliese Depoux commencent par se réjouir que, vraisemblablement, « beaucoup de ces mesures de ralentissement forcé de l’économie (aient) induit une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre ». Prenant l’exemple de la Chine, ils notent que « la période de confinement (…) a vraisemblablement épargné, dans ce pays, un nombre de vies plus important que le coronavirus n’en a coûté » du fait de la baisse de la pollution atmosphérique. Message transmis aux Chinois, qui ne manqueront pas d’appeler de leurs vœux l’arrivée de nouveaux virus, tant le bilan global paraît si positif.

Ce qui semble avoir échappé aux auteurs, c’est que la production de l’ex-Empire du Milieu a certes brutalement chuté, conduisant ainsi le pays à vivre sur ses réserves. Mais pourrait-il tenir longtemps sans produire ? Et donc sans, le moment venu, être en proie à la disette – dans un air cependant de plus en plus pur, appréciable consolation.

Les auteurs du texte se réjouissent : « il est (donc) possible que des gouvernements prennent des mesures urgentes et radicales face à un danger imminent (et…) que ces mesures soient acceptées par la population ». Mais pour se désoler aussitôt : « nous sommes à l’évidence incapables de faire de même pour le changement climatique ». Ils s’interrogent sur les raisons d’un tel hiatus.

Pour certains, face à l’urgence climatique, nous ne pouvons plus nous payer le luxe de ce qui s’appelait naguère la démocratie

La conclusion est sans appel, et mérite d’être intégralement citée : « la lutte contre le changement climatique aura également besoin de mesures décidées verticalement : si nous attendons que chacun prenne les mesures qui s’imposent, nous risquons d’attendre longtemps ».

On soulignera au passage le terme « verticalement », qui renvoie évidemment à la « verticale du pouvoir », expression consacrée pour stigmatiser l’autoritarisme attribué au président russe. Le message est sans ambiguïté : face à l’urgence climatique, nous ne pouvons plus nous payer le luxe de ce qui s’appelait naguère la démocratie ; des mesures autoritaires vont s’imposer.

Le sacrifice de la souveraineté populaire au nom de l’urgence climatique – l’injonction n’est certes pas nouvelle. Le petit plus consiste ici à se saisir d’une occasion jugée opportune, précisément du fait de la situation dramatique, pour tenter de marquer des points.

Chacun jugera.

Pierre Lévy

(1) Le Monde, 23/03/2020
(2) Le Monde, 14/03/2020
(3) Le Monde, 15/03/2020
(4) Le Monde, 20/03/2020
(5) Le Monde, 19/03/2020

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L’actualité ne se résume pas au virus : Ruptures poursuit son travail d’information

Par : pierre

Tout le pays est désormais « confiné » suite aux mesures contraignantes arrêtées mi-mars. Le but est de tenter de ralentir l’épidémie de Coronavirus.

Les médias audiovisuels (chaînes de télévision, stations radiophoniques) rendent compte largement de cette situation, de l’évolution sanitaire et des conséquences sur la vie sociale. Ce qui est normal.

En revanche, ces médias ont désormais totalement cessé d’informer sur l’actualité internationale. Plus un mot, plus une allusion. Comme si, hors épidémie, il ne se passait plus rien. Comme si le monde s’était subitement arrêté de tourner.

Certes, nul ne conteste la gravité de la maladie qui touche la France, de même que la plupart des autres pays. Mais faut-il pour autant cesser de s’intéresser à l’actualité sur les cinq continents ?

Les migrants coincés à la frontière turco-grecque n’ont pas disparu comme par enchantement, et l’activité diplomatique liée aux décisions d’Ankara se poursuit. Les menées étrangères pour affaiblir la Syrie continuent. Les tensions irano-américaines s’accentuent, notamment sur le sol irakien, avec une escalade des attaques.

En Algérie, au Liban, en Irak, les mouvements s’interrogent sur leur avenir. Au Sahel et plus au sud, les massacres perpétrés par les groupes djihadistes n’ont pas cessé, pas plus que les horreurs de la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yemen.

En Slovaquie, des élections viennent d’avoir lieu ; et les primaires aux Etats-Unis avancent dans des conditions particulières. Les négociations sur un futur accord entre Londres et Bruxelles ont été gelées, mais les enjeux demeurent.

De France Inter à TF1 ou France 2, d’Europe 1 à BFM, de France Culture à Arte, le devoir d’informer sur la marche du monde ne devrait pas avoir disparu.

Pour sa part, Ruptures poursuit son travail. Notre mensuel entend continuer à vous informer sur l’actualité européenne ainsi que sur les grands enjeux géopolitiques.

Pour des raisons évidentes, la chaîne YouTube Le Point de Ruptures a suspendu ses enregistrements. La dernière émission reste bien sûr disponible, et vaut le détour.

Dans ces circonstances, nous donnons plus que jamais priorité à l’édition papier

Mais, dans ces circonstances, nous donnons plus que jamais priorité à l’édition papier.

Sauf cas de force majeure (arrêt de l’imprimerie, non prévu à ce jour…), la prochaine édition sera bouclée le 30 mars, et devrait donc parvenir aux abonnés aux alentours du 2 avril (car le journal prévoit de rendre compte du Conseil européen des 26 et 27 mars). A noter cependant que des retards postaux peuvent perturber la distribution.

Nous remercions tous nos abonnés pour leur fidélité. Et tous ceux qui ne se contentent pas de l’information monothématique seront les bienvenus : c’est le moment où jamais de s’abonner.

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Pierre Lévy invité ce mercredi soir à la Librairie Tropiques

Par : pierre

Ce mercredi 11 mars, à 19h30, retrouvez le rédacteur en chef de Ruptures à la Librairie Tropiques.

Pierre Lévy retracera l’histoire du Brexit, en rappellera les enjeux, et en analysera les perspectives actuelles

Librairie Tropiques – 56 et 63 Rue Raymond Losserand – 75014 Paris –
Métro Pernety – 01 43 22 75 95

 

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« Pacte Vert » préparé par la Commission : 11 millions d’emplois industriels directs menacés

Par : pierre

Un haut dirigeant syndical européen, pourtant favorable à l’UE, estime que la stratégie climatique de Bruxelles pourrait « mettre le secteur industriel tout entier à genoux ».

L’entretien ne fera pas la Une des grands médias. Il n’est même pas sûr qu’il trouve beaucoup d’écho au sein des différentes centrales syndicales, en France pas plus qu’ailleurs.

Et pourtant, la personnalité interviewée – en l’occurrence par le site spécialisé et favorable à l’UE, Euractiv – n’a pas de minces responsabilités : Luc Triangle est le Secrétaire général d’IndustriAll, la structure qui regroupe les fédérations syndicales des industries des pays du Vieux continent. Pour la France, en sont par exemple membres la Fédération CGT de la Métallurgie, celle des Mines-énergie, celle des Industries chimiques, et cela vaut pour les autres centrales, ainsi que pour les autres pays. IndustiAll est membre de la Confédération européenne des syndicats (CES).

Luc Triangle n’est nullement « eurosceptique » ni « climato-sceptique » – sans quoi il n’occuperait pas une telle responsabilité. Et pourtant, quand il est interrogé sur le « Pacte vert » européen – le projet phare de la Commission européenne pour les cinq ans à venir, censé sauver la planète – les informations qu’il donne et les prévisions qu’il évoque font froid dans le dos.

A commencer par ce chiffre : 11 millions d’emplois seront affectés par la politique climatique projetée par Bruxelles. Encore s’agit-il là d’emplois directs, précise bien le syndicaliste. C’est donc plusieurs dizaines de millions d’emplois qui pourraient disparaître, notamment « dans les industries extractives » (mines), dans celles « à haute intensité énergétique » (typiquement : la sidérurgie), ainsi que « dans l’automobile ». La métallurgie en général, la chimie, l’industrie pétrolière et bien d’autres ne seront pas épargnées. Et ce, note-t-il, « sans l’assurance d’une perspective d’avenir pour les travailleurs des industries touchées ».

En cause : la chasse au CO2, et donc aux activités qui en produisent des quantités importantes. Mais pour la Commission européenne – et tous les idéologues nationaux qui l’inspirent – il convient de ne point s’affoler. D’abord parce qu’elle promet que des activités nouvelles viendront supplanter les cadavres du vieux monde, moyennant le refrain : la sidérurgie (par exemple) est morte (sous-entendu : en Europe, car on n’imagine pas un déclin mondial de celle-ci), vive les industries « faibles en carbone », vertes, digitales, connectées…

Euractiv cite ainsi une étude de la Commission selon laquelle le PIB de l’UE devrait augmenter de 2% d’ici 2050 dans le cadre de la neutralisation des émissions de CO2. Faut-il préciser que personne n’a jamais vu le détail du « calcul » prévisionnel ?

Quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue

Surtout, la Commission concède que certaines régions seront particulièrement affectées, et a déjà prévu 7,5 milliards au titre du « Fonds de transition juste ». Le vice-président de la Commission chargé du « Pacte Vert », le social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, s’est ainsi engagé à ne « délaisser personne ». Une précision angoissante : quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue.

Le dirigeant syndical interviewé pointe en outre le danger d’un fossé croissant entre l’est de l’UE, et les pays de l’ouest et du nord. Les premiers seront touchés de plein fouet, tant certaines de leurs régions dépendent d’une mono-industrie. C’est par exemple le cas de la Pologne, qui continue à produire l’essentiel de son électricité à partir du charbon. Et les mineurs forment encore l’épine dorsale économique et sociale des régions productrices, telle la Silésie.

Pourtant, si la déflagration risque d’y être particulièrement violente, il est peu probable que « la transition écologique sera plus facile dans les pays nordiques ou d’Europe de l’ouest » comme l’affirme le syndicaliste belge. Certes l’extraction charbonnière en France a déjà été éradiquée il y a quelques décennies (pour des raisons de rentabilité, le prétexte climatique n’était pas encore inventé), ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. Mais croit-on vraiment qu’on va reconvertir les travailleurs de l’automobile, de la sidérurgie (il en reste), de la chimie ou des raffineries en « web-designers » ? A moins qu’on ne les réinsère dans l’« aide à la personne » ? Dans l’animation des parcs d’attraction ?

Pire : le tsunami sur l’emploi à l’est « pourrait bien avoir un impact majeur sur la migration au sein de l’UE », note Luc Triangle qui rappelle que « près de 22 millions de personnes ont déjà quitté » les pays de l’est. Autrement dit, une nouvelle vague migratoire intra-européenne en direction de l’ouest déjà industriellement sinistré (cette fois hors Royaume-Uni, grâce au Brexit) est à prévoir.

Angoisses bruxelloises

Cité par Euractiv, le dirigeant syndical estime que « le Green Deal risque bel et bien de mettre le secteur industriel tout entier à genoux ». Rien de moins. Et cela pourrait, en conséquence, « décrédibiliser la politique climatique européenne aux yeux des citoyens ». Pour qui aurait un doute sur l’angoisse sous-jacente qui assaille les syndicalistes bruxellois, M. Triangle alerte : « les politiques climatiques ne fonctionnent que si elles peuvent être vendues au grand public ».

Selon l’ancien président roumain, de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement »

Et Euractiv opine, en rappelant les propos de l’ancien président roumain Traian Basescu. Celui-ci estimait récemment que de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement ».

Si l’hystérie « pro-climat » avait pour conséquence d’accélérer le démembrement de l’UE amorcé par les Anglais, au moins aurait-elle servi à quelque chose – un peu à la manière de la taxe sur les carburants qui avait été l’étincelle du mouvement des Gilets jaunes.

En attendant, chacun peut prendre la mesure des conséquences de la « lutte anti-réchauffement », conséquences du reste volontiers admises par les militants les plus radicaux de cette cause, partisans de la « décroissance ».

Peut-être peut-on rappeler un exemple : le démantèlement qui avait touché une partie de l’industrie automobile d’Ile de France, dans le dernier quart du vingtième siècle, et les saignées massives dans l’emploi qui en furent issues avaient constitué un facteur déterminant de ce qu’il est convenu d’appeler, par euphémisme, l’actuelle « crise des banlieues ». On n’ose imaginer l’état de la société française si le séisme « vert » était mené à bien, moyennant la disparition de millions d’emplois manufacturiers sur le sol national.

Bienvenue, alors, dans la France des Misérables.

Lire à ce propos…

Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

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Et si le Brexit était un succès ? Le Point de Ruptures propose un vrai débat contradictoire

Par : pierre

Le Point de Ruptures propose désormais des débats contradictoires. Pour cette nouvelle émission, François Poulet-Mathis (ancien rédacteur en chef et éditorialiste Europe à France 3) et Pierre Lévy (rédacteur en chef de Ruptures) confrontent leurs points de vue à la lumière des négociations qui s’engagent entre Londres et Bruxelles.

 

Important : L’équipe de Ruptures a décidé de consacrer des moyens importants à la production régulière de l’émission. Or le journal n’a d’autres ressources que le produit des abonnements. Pour aider à financer cet investissement, le moyen le plus efficace est de s’abonner sans attendre !

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Emmanuel Macrons unglaubliches Eingeständnis bei Großbritanniens Austritt

Par : pierre

Der französische Präsident vertraute darauf, dass der »Brexit nicht erfolgreich sein darf »: eine explosive Bestätigung, die jedoch nur wenige Reaktionen hervorgerufen hat.

Die Verhandlungen zwischen London und Brüssel beginnen am 3. März. Das Vereinigte Königreich ist am 31. Januar aus der Europäischen Union ausgetreten, es ist daher notwendig, den Rahmen auszuhandeln, der die Beziehungen – vor allem Handel, aber auch Fischerei, Verkehr, Sicherheit und Verteidigung – zwischen den beiden Seiten am Ende der « Übergangszeit », d.h. ab dem 1. Januar 2021, bestimmen wird.

Die von Boris Johnson und der EU-27 definierten Ausgangspositionen scheinen unvereinbar zu sein. Die europäischen Staats- und Regierungschefs fordern von den Briten, dass sie sich an alle gegenwärtigen EU-Regeln anpassen, und sogar an die zukünftigen – wie Paris es verlangt. Umgekehrt behaupten die Briten, dass sie den Brexit nicht dazu erreicht haben, um immer weiter unterworfen zu bleiben. Und sie fragen: Warum uns so drakonische Bedingungen auferlegen, die bisher von keinem Handelspartner verlangt wurden?

Warum eigentlich diese übermässigen Forderungen? Vielleicht hat Emmanuel Macron, mehr oder weniger bewusst, einen Teil der Antwort gegeben. Der französische Präsident nahm an der Münchner Sicherheitskonferenz teil, die dieses Jahr vom 14. bis 16. Februar stattfand. Am Rande der Konferenz traf er in kleinen Gruppen mit verschiedenen deutschen Persönlichkeiten zusammen.

Eine von ihnen enthüllte, dass der Herr des Elysée-Palastes ein Geständnis losgelassen hatte, das seine Gesprächspartner erstaunte: « Der Brexit darf kein Erfolg werden« . Die Information wurde von Le Monde (18.02.20) bekannt gegeben, und ihr wurde nicht widersprochen.

Der Satz ist wirklich nicht unbedeutend, zu einer Zeit, in der die offizielle Rede der europäischen Staats- und Regierungschefs eine « Einigung zugunsten von beiden Seiten » fordert. Sie ist sogar explosiv, was erklären könnte, warum sie so wenige Kommentare hervorgerufen hat.

Was die Substanz betrifft, zeigt das Geständnis einen Geisteszustand, der nicht überraschend ist: seit dem britischen Referendum vom Juni 2016 sind die Brüsseler Eliten nicht nur durch den Austritt Großbritanniens traumatisiert, sondern vor allem durch den « Dominoeffekt », der dadurch entstehen könnte.

Boris Johnson kündigte einen « historischen » Wendepunkt in der Geschichte des Landes an

Dreieinhalb Jahre lang schien diese Perspektive jedoch recht abstrakt, solange die (illusorischen) Versuche, den Prozess scheitern zu lassen, weitergingen. Aber seit den britischen Wahlen vom 12. Dezember, die eine triumphale Bestätigung des Brexits darstellten und dem Premierminister ein beispielloses politisches Gewicht verliehen haben, hat sich alles verändert – und alles beschleunigt sich. Boris Johnson kündigte einen « historischen » Wendepunkt in der Geschichte des Landes an.

Zum Beispiel hat er gerade eine restriktive Migrationspolitik vorgeschlagen, die die Arbeitgeberverbände (wie auch… die Labour-Partei) zum Schreien brachte. Anderweitig hat sein Finanzminister, der als letztes Bollwerk gegen erhöhte öffentliche Ausgaben galt, seinen Platz geräumt.

Von da an stellte sich die Frage, für Emmanuel Macron, zweifellos viel konkreter als bisher: was wäre, wenn der Brexit nicht nur keine der angekündigten Katastrophen verursachte, sondern dem Land auch bemerkenswerte Erfolge ermöglichte? Sollte dies der Fall sein, könnte die Zahl der Austrittskandidatenländer schnell zunehmen…

Also der Brexit müsse scheitern, träumt man im Elysée-Palast. Dass ein solcher Wunsch vor Zeugen geäußert wurde, mag überraschen. Aber wir sollten dem Präsidenten in diesem Punkt danken: sein Eingeständnis, ob ungeschickt oder berechnend, hat das Verdienst, die Ängste des Staatsoberhauptes und wahrscheinlich auch seiner Kollegen im Europäischen Rat in unverblümter Weise zu offenbaren.

God save Macron!

 

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Elections en Slovaquie : des « populistes de gauche » battus par un « populiste de droite »…

Par : pierre

Les électeurs slovaques ont exprimé leur rejet d’un gouvernement dirigé par des sociaux-démocrates accusés d’être mouillés dans de graves scandales, mais, les « centristes » pro-UE n’obtiennent pas la victoire espérée par Bruxelles.

Les élections législatives qui se sont déroulées en Slovaquie le 29 février ont été marquées par une participation en forte hausse : 65,8%, soit + 6 points par rapport à 2016. La scène politique de ce pays d’Europe centrale de 5,5 millions d’habitants sort bouleversée du scrutin. Ce dernier a été marqué par deux traits saillants.

Le premier est la lourde défaite du parti SMER-SD, affilié aux sociaux-démocrates européens, mais souvent accusé de « dérive populiste ». Son chef emblématique, Robert Fico, a dirigé le gouvernement depuis 2006 (hors une parenthèse entre 2010 et 2012), avant d’être contraint à la démission en mars 2018. Et ce, suite à l’assassinat, en février 2018, d’un jeune journaliste qui enquêtait les liens entre la mafia italienne et des hommes d’affaires réputés proches du pouvoir – dont l’un est actuellement en procès, car accusé d’être le commanditaire du crime. M. Fico, face à des dizaines de milliers de manifestants le soupçonnant de couvrir le crime et de tremper dans nombre d’affaires de corruption, a dû céder sa place de premier ministre à l’un de ses camarades de parti, Peter Pellegrini.

« S’il n’y avait pas eu ce meurtre, je serais aujourd’hui devant vous comme premier ministre avec un soutien de 30 % des électeurs » – Robert Fico

Celui-ci n’a pu que constater la gifle que lui ont infligée les électeurs. Car c’est clairement ce contexte qui a fait chuter le SMER-SD à 18,3% des suffrages, soit 10 points de moins qu’en 2016. « S’il n’y avait pas eu ce meurtre, je serais aujourd’hui devant vous comme premier ministre avec un soutien de 30 % des électeurs », avait claironné M. Fico lors de la campagne.

L’autre caractéristique du scrutin est la victoire d’ampleur inattendue qu’a remportée le Mouvement des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (Olano). Avec 25% des suffrages (+ 14 points), celui-ci a capitalisé sur son appel à « nettoyer la Slovaquie ». C’est cette formation, de tendance conservatrice, qui a su cristalliser à son profit la colère et la frustration populaire.

Il s’agit d’un succès personnel pour Igor Matovic, fondateur du parti, il y a dix ans, et manifestement doté d’un grand sens de la communication, voire de l’autopromotion. Mais ce riche homme d’affaires de 46 ans, qui a fait fortune dans les petites annonces avant d’étendre son groupe de presse, est généralement décrit comme excentrique, imprévisible et versatile. Autoritaire dans son propre parti, il a bâti son succès sur la dénonciation des « voleurs » et des « corrompus ». Il a par ailleurs affirmé : « je veux faire de la politique comme je le sens, pas de manière correcte », ce qui a conduit des observateurs à le classer comme « populiste de droite ».

Arrivé en troisième position, le parti SME-Rodina, proche de Marine Le Pen et de Matteo Salvini, s’établit à 8,2%, soit une progression de 1,6 point. Il est suivi d’un cheveu par Notre Slovaquie (LSNS) qui obtient 8% (stable). Cette formation, qui a longtemps revendiqué une filiation avec le nazisme slovaque et continue d’être activement anti-Roms, met cependant en avant des propositions sociales marquées « à gauche » et sa volonté de quitter l’OTAN ainsi que d’organiser un référendum pour abandonner l’euro.

Enfin, deux formations dites centristes franchissent la barre nécessaire pour entrer au Parlement de 150 sièges : d’une part le SaS, parti d’inspiration ultra-libérale, qui obtient 6,2%, soit la moitié de son score antérieur ; d’autre part le parti Pour le peuple, fondé par l’ancien président et homme d’affaires « philanthrope » pro-UE Andrej Kiska, qui avait battu Robert Fico aux présidentielles de 2014. Ce nouveau mouvement s’établit à 5,8%.

Plusieurs autres formations centristes n’avaient pas réussi à s’entendre, ce qui les a empêchées de rester ou d’entrer au Parlement, au grand désespoir de Bruxelles, qui misait particulièrement sur le parti Slovaquie progressiste. Ce mouvement avait été récemment lancé par Zuzana Caputova, élue en mars 2019 à la présidence de la République ; celle-ci est parfois comparée politiquement à Emmanuel Macron. Elle avait gagné contre son concurrent du SMER-SD en surfant également sur l’indignation provoquée par l’assassinat du journaliste, et en proposant des mesures de libéralisation sociétale. Avec 6,96%, son alliance manque d’un cheveu l’entrée au Parlement.

Le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) qui prépara l’adhésion du pays à l’UE de 2004, reste hors jeu à 4,6%, de même que les deux formations voulant représenter la minorité hongroise, dont Most-Hid (2%, – 4,4 points) qui était associée au gouvernement sortant. Le Parti national slovaque (SNS, droite nationaliste, héritier d’un parti fondé en 1871), troisième partenaire de la coalition sortante, perd lui aussi tous ses députés, avec 3,2% ( – 5,7 points).

Avec six formations représentées au Parlement, l’éclatement est moindre que celui prédit par les sondages. Igor Matkovic devrait être sollicité pour former la future coalition. Il a d’emblée exclu d’y associer le SMER-SD malgré l’appel du pied de Peter Pellegrini, en affirmant : « on ne négocie pas avec la Mafia ».

En revanche, la presse slovaque considère qu’il pourrait s’allier avec au moins deux partenaires, le SaS et Pour le peuple. Cette coalition à trois disposerait de 78 sièges, soit trois de plus que la majorité absolue. Mais si ces deux partis sont clairement orientés à droite, le SaS est ultra-libéral mais plutôt « eurosceptique », et favorable à une libéralisation sociétale – exactement à l’inverse de Pour le peuple, la formation de M. Kiska, très pro-UE mais conservatrice sur le plan des mœurs. Les observateurs évoquent également un possible quatrième partenaire : le parti SME-Rodina, qui affiche son hostilité à l’UE et porte des valeurs « traditionalistes ».

Inquiétudes économiques

Au soir de son triomphe, le probable futur premier ministre a tenu à donner des gages à Bruxelles en proclamant que la Slovaquie allait combattre contre la corruption et pour l’Etat de droit – sous-entendu : pas comme les voisins du groupe de Visegrad (Tchéquie, Hongrie, Pologne).

Il est cependant peu probable que les dirigeants européens soient rassurés par ce passage d’un chef de gouvernement « populiste de gauche » vers un successeur « populiste de droite », d’autant que ce dernier ne fera pas basculer le pays vers une position pro-immigration. Du reste, si Igor Matovic a été habile à gagner l’élection, nul ne sait comment cet homme sans expérience de pouvoir se comportera à la tête du pays.

Or la Slovaquie pourrait bien faire face à de prochains déboires économiques. Certes, le gouvernement sortant s’est targué, pour 2019, d’une croissance à 2,2% et d’un chômage officiel à 5%. Mais le groupe américain United States Steel Corporation a par exemple annoncé l’année dernière la réduction d’un cinquième de ses effectifs (12 000 salariés) de l’aciérie de Kosice (Est du pays).

Surtout, la moitié du PIB du pays est concentré sur l’industrie automobile, après que Volkswagen, PSA et beaucoup d’autres y ont massivement délocalisé des emplois d’Europe de l’Ouest. Or ce secteur est désormais menacé notamment par les exigences et les normes environnementales édictées par l’UE, ce qui pourrait conduire à une véritable hécatombe de l’emploi dans les prochaines années.

 

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Hinter dem „Green Deal“ und der grünen Ideologie : die schlimmsten Projekte der globalisierten Eliten

Par : pierre

Es können mindestens fünf Themen aufgeworfen werden, die den inneren Zusammenhang zwischen den Interessen der globalisierten westlichen Oligarchie und der Klima-Ideologie verdeutlichen

Der im Dezember letzten Jahres in Brüssel vorgestellte « Green Deal » wird nun zum Schwerpunktprogramm der europäischen Institutionen. Am 14. Januar skizzierte die Kommissionspräsidentin Ursula von der Leyen die Finanzierung, bevor im Frühjahr ein « großes Klimagesetz » auf den Weg gebracht wird, das die Mitgliedstaaten umsetzen müssen. Es ist die Rede von Tausenden von Milliarden Euro. Dieser « große ökologische Kampfplan » wird, laut von der Leyen, zum « Markenzeichen » der EU werden.

Natürlich gab es viele Stimmen, die meinten, er ginge nicht weit genug. Andere oder auch dieselben beschuldigten die Kommission des Schwindels, des « Vortäuschens », einer Bekehrung zur Ökologie aus reiner Anpassung an den Zeitgeist.

Das ist jedoch keineswegs so. Der umweltpolitische Diskurs ist die Grundlage der Ideologie der globalisierten Eliten und Brüssel ist eines der besten Beispiele dafür. Um an die Wurzeln zu kommen, muss man mehrere Jahrzehnte zurückgehen. Zum Beispiel veröffentlichte 1972 ein Kreis, der aus der OECD (der Organisation der reichsten westlichen Länder) hervorgegangen ist und den wir als Club of Rome kennen, einen immer noch berühmten Bericht mit dem Titel « The Limits to Growth » (Die Grenzen des Wachstums).

Dieser Text wurde von Sicco Mansholt, dem Präsidenten der Europäischen Kommission 1972-1973, nachdrücklich unterstützt. Herr Mansholt, der allgemein als einer der « Väter Europas » angesehen wird, setzte sich bereits für den Stopp des Wirtschaftswachstums ein.

Und wenn es irgendeinen Zweifel an der treibenden Rolle der politischen, finanziellen und oligarchischen Führer bei der Förderung von klima- und umweltorientierten Theorien gibt, so kann man leicht feststellen, dass der emblematische amerikanische Multimilliardär Michaël Bloomberg bis vor kurzem UN-Sondergesandter für Klimaschutzmaßnahmen war. Seinen Posten übernahm nun der Kanadier Mark Carney, der bis Januar 2020 Präsident der Bank of England war. Der Mann wurde durch seine apokalyptischen Vorhersagen über den Brexit berühmt. Nun kann er seine Talente einsetzen, um phantasievolle Katastrophen vorherzusagen.

Es gilt, zwei Aspekte zu unterscheiden

Es ist wichtig, bei der Diskussion über das Thema « globale Erwärmung » von Anfang an zwischen zwei Aspekten zu unterscheiden: Einerseits die wissenschaftliche Forschung und Kontroverse, andererseits die Analyse und das Verständnis der damit verbundenen wirtschaftlichen, sozialen, politischen, geopolitischen, demokratischen und sogar philosophischen Fragen.

Die Diskussion über die Realität des Klimawandels und seine möglichen Ursachen ist Aufgabe der Wissenschaftler. Wir werden hier also nicht darauf eingehen. Allerdings sollte darauf hingewiesen werden, dass es über eine anthropogen bedingte Erwärmung keine Einigkeit unter den Wissenschaftlern gibt – es sei denn, man würde alle dissidenten Wissenschaftler als ignorant, Fantasten oder Betrüger bezeichnen.

Andererseits ist es völlig legitim, wenn sich Bürgerinnen und Bürger an der Diskussion über Zusammenhänge und Ziele der aktuellen Kampagne beteiligen. Darüber hinaus müsste die totalitäre Allgegenwart der dominanten These bei rational und kritisch denkenden Menschen Entsetzen auslösen, wenn sie erleben, wie diese morgens, mittags und abends in den Mainstreammedien propagiert wird, so dass es schwierig wird, den vorgegebenen Denkrahmen zu verlassen. Wenn man einigen Umweltaktivisten aufmerksam zuhört, so ist man nicht mehr sehr weit davon entfernt, die « Klima-Leugnung » zum Verbrechen zu erklären und diesbezüglich mit strafrechtlichen Sanktionen zu belegen.

Es können mindestens fünf Themen aufgeworfen werden, die den inneren Zusammenhang zwischen den Interessen der globalisierten westlichen Oligarchie und der Klima-Ideologie verdeutlichen. Wir können sie hier nur ansprechen, aber jede würde offensichtlich eine weitergehende Analyse verdienen.

Die soziale Frage

Das erste Thema könnte wie folgt zusammengefasst werden: Die Genügsamkeit, die als notwendig erachtet wird, um « den Planeten zu retten », ist in Wirklichkeit der Deckname für die Sparmaßnahmen, die die Finanzoligarchen den Völkern aufzwingen wollen. Sie wird von Kreisen der « Linken » freudig aufgegriffen und als « wohltuende Genügsamkeit » befürwortet. Allen, die sich Sorgen machen, wie sie das Monatsende überstehen sollen, wird das drohende Ende der Welt vor Augen geführt. Unter dem Motto „besser leben als mehr haben“ wird mit dem Finger auf den « übermäßigen Konsum » gezeigt, auch den von Energie.

Diese Geisteshaltung in der herrschenden Ideologie ist nicht neu. Der in den Medien gefeierte französische Journalist François de Closets verdankt den größten Teil seiner Karriere der Denunzierung der Arbeiter, als jene, die « Immer mehr » wollen – so auch der Titel eines der etwa zwanzig Bücher, die er seit 1970 zum gleichen Thema veröffentlicht hat.

Der Antagonismus zwischen denjenigen, die das « Ende des Monats » fürchten, und denjenigen, die vor dem « Ende der Welt » warnen, wurde im November 2018 deutlich in Frankreich: Die Gelb-Westen-Bewegung entstand aus der Ablehnung einer Treibstoff-Steuer, die die Regierung durchsetzen wollte mit dem erklärten Ziel « eine Verhaltensveränderung herbeizuführen ».

Nicht nur die Kaufkraft von Millionen von Lohnabhängigen steht auf dem Spiel. Direkt bedroht sind auch Hunderttausende von Arbeitsplätzen – im Namen der Ökologisierung der Wirtschaft, die angeblich weitere Arbeitsplätze schafft, nur eben später. Dies ist eine Realität, die in der gesamten Europäischen Union zu beobachten ist. Es ist kein Zufall, dass die Kommission einen Sonder-Fonds plant, der künftig in Not geratene Lohnabhängige, die ihrer Arbeit beraubt werden, und künftige deindustrialisierte Regionen « begleiten » soll.

Und es ist zweifellos nicht ohne Bedeutung, wenn man feststellen muss, dass die am meisten bedrohten Sparten diejenigen sind, die für die Stärke und die Geschichte der Arbeiterklasse am symbolischsten sind: Bergarbeiter (in Frankreich hatte man zuvor auch schon andere Vorwände gefunden, um diese Tätigkeit abzuschaffen), Stahlarbeiter, Arbeiter in der Chemie- und Automobilindustrie. Es ist, als ginge es im Unterbewusstsein der herrschenden Klasse darum, die übermäßig « CO2 produzierenden » Fabriken loszuwerden – und gleichzeitig die „gefährliche“ Klasse, vor allem dort, wo sie konzentriert und kämpferisch sind.

Die Geopolitik

Der zweite Bereich ist anderer Natur. Er rührt von einer Ungeschicklichkeit des Allmächtigen her: Er hatte die schlechte Idee, das Erdöl so zu verteilen, dass er einen großen Teil jenen Nationen gab, die nicht mit dem Westen verbunden sind. Russland, Iran und Venezuela, um nur drei Beispiele zu nennen, sind die Länder, in denen sich die größten Öl- und/oder Gasreserven konzentrieren.

Man kann sich also vorstellen, dass man in den herrschenden Kreisen nicht unbedingt unzufrieden wäre, wenn diesen Staaten nach und nach die durch den Export von Erdöl/Erdgas bereitgestellten Ressourcen entzogen würden. Durch Verteufelung dieser Brennstoffe werden die Positionen und finanziellen Ressourcen der Gegner oder Feinde geschwächt.

„Global Governance“

Das dritte Thema hat starke ideologische Konnotationen. Immer wieder wird uns gesagt: Die Klimakatastrophe kann nur im Weltmaßstab bekämpft werden. Dies ist ein willkommenes Mantra für all jene, die seit Jahrzehnten für eine « Global Governance » (der ultimative Traum der Mächtigen) – und ihre Variationen in großen regionalen Blöcken wie der EU – kämpfen.

Kurz gesagt, es kommt gerade richtig: Um die großen Probleme unserer Zeit zu lösen, gelten Nationalstaaten als veraltet. Daher hat die These den Anschein des Offensichtlichen: Die globale Erwärmung hat keine Grenzen, also sollen wir den altmodischen Begriff der nationalen Souveränität vergessen.

Die Demokratie

Die vierte Dimension der auferlegten Klima-Imperative betrifft das nicht ganz unbedeutende Thema der Demokratie. Denn die Beispiele zeigen es: Die Arbeiterklassen, die Völker, scheinen nicht zu akzeptieren, sich der umweltpolitischen Doxa zu unterwerfen, jedenfalls nicht schnell genug, um die angekündigten Katastrophen zu verhindern.

Schlimmer noch, sie wären sogar bereit, Regierungen, die übereifrig gegen CO2 kämpfen, bei Wahlen zu bestrafen. Und da diese Regierungen die Schwäche hätten, die Reaktionen ihrer Wähler zu fürchten, werden die notwendigen Maßnahmen – zusammengefasst in der Formel: « Wir müssen unsere Lebensweise radikal ändern » – ewig verzögert.

Die Schlussfolgerung liegt auf der Hand: Die Demokratie ist zu einem Hindernis für das Überleben des Planeten geworden. Einige Leute sagen das offen. Andere, weniger unverblümt, stellen ernsthaft die Frage. Denn wenn unser kollektives Überleben wirklich bedroht ist, muss die Demokratie zurückstehen. Das Argument ist unwiderlegbar und ist vor allem auf wundersamer Weise ein Geschenk des Himmels für die Mächtigen der Welt, die zunehmend mit der Volkssouveränität in Konflikt geraten (die Trilaterale Kommission hatte bereits in den 1970er Jahren – zur Zeit des Club of Rome – auf die « Probleme » der Demokratie hingewiesen).

Die Infragestellung des Fortschritts

Das fünfte Thema ist wahrscheinlich das grundlegendste und bezieht sich auf den Fortschritt. Es kann niemandem entgehen, dass der Fortschritt vom „Zeitgeist“ grundlegend in Frage gestellt wird. Der Fortschritt in all seinen Dimensionen – sozial (Kaufkraft, sozialer Schutz, öffentliche Dienstleistungen), wirtschaftlich (Wachstum), kulturell, wissenschaftlich, technologisch – gilt entweder als verdächtig, schuldig, riskant oder arrogant.

Hier und da fragen sich einige ernsthaft: Sind wir nicht zu weit gegangen? Das vorherrschende Dogma könnte also wie folgt ausgedrückt werden: « Bitte verlasse den Planeten in dem Zustand, in dem du ihn gefunden hast ». Und um der Sache eine zusätzliche emotionale Dimension zu verleihen, berufen wir uns auf « unsere Kinder », « unsere Enkel », denen gegenüber wir eine schwere Verantwortung tragen. Es ist exakt das gleiche Argument wie bei den Staatschulden.

Die Bandbreite ist groß, von den Kollapsologen, die offen für eine Rückkehr zum Pflug plädieren (wenn nicht sogar für den präventiven Selbstmord der Menschheit, um den Planeten überleben zu lassen) bis zu den ganz Vorsichtigen, die sich damit begnügen, jedes neue Infrastrukturprojekt in Frage zu stellen (Eisenbahn, Straße, Flughafen, Hydraulik – es gibt immer irgendwo einen Biber, der gerettet werden muss). Brauchen wir das alles wirklich? », hört man von verschiedenen Seiten.

Der Streit zwischen den Anhängern einer prometheischen Vision der Menschheit und den Anhängern eines Goldenen Zeitalters (das es nie gab) ist zwar nicht neu. Aber die fortschreitende Unfähigkeit des derzeit herrschenden Systems, Wohlstand zu schaffen (außer für die Aktionäre), führt dazu, dass dieses System regressive Ideologien erzeugt, wie den Stopp des Wirtschaftswachstums, der der Rezession einfach nur ein Bio-Label aufdrückt.

Die Konzeption vom Verhältnis zwischen Mensch und Natur ist das privilegierte Terrain dieser buchstäblich reaktionären Entwicklung

Die Konzeption vom Verhältnis zwischen Mensch und Natur ist das privilegierte Terrain dieser buchstäblich reaktionären Entwicklung. Die Natur sollte « bewahrt », « verteidigt » und « respektiert » werden. Schlimmer noch: Die herrschende Ideologie hat nun eine Gleichsetzung von dem was « natürlich » ist, mit « gut » vorgenommen (die Endlosschleife der diesbezüglichen Werbung verdeutlicht dies). Muss erst daran erinnert werden, dass diesem Kult des « Natürlichen » nicht zu allen Zeiten gehuldigt wurde?

Kann man die Absurdität einer solchen Anordnung erfassen? Die Natur ist reich an toxischen Produkten, während künstliche, im Labor erzeugte Produkte (z.B. Medikamente, Chemikalien) ein unersetzliches Gut für das kollektive und individuelle Wohlbefinden darstellen können. Trotzdem müssen wir uns natürlich gegen die Umweltverschmutzung wehren, die sich aus dem ungezügelten Streben nach Profit – und nicht aus dem Fortschritt als solchem – ergibt.

Könnte man nicht die Geschichte der Menschheit als eine Reihe von Kämpfen verstehen, um Entdeckungen und Erfindungen zu machen, die uns helfen, uns von den « Zwängen der Natur » zu emanzipieren? Von den ersten Menschen, die ein Dach bauten, um sich vor den Launen der Natur zu schützen, bis zur heutigen Zeit, in der eine Sonde zur Sonne geschickt wird, hat der Mensch immer versucht, sich von den Zwängen zu befreien, um das Unmögliche möglich zu machen.

Ist es nicht das, was die Menschheit definieren könnte? Ist es nicht charakteristisch für letztere, gegen die Natur zu handeln? Beginnend mit diesem tausendjährigen Kampf, um eines der Hauptmerkmale der Natur in Frage zu stellen: das Gesetz des Dschungels.

Es gibt also einerseits diejenigen, die die Natur respektieren, insbesondere eine ihrer Konstanten (wenn auch nicht ausschließlich): Die Stärksten dominieren die Schwächsten, Raubtiere ernähren sich von der Beute. Und auf der anderen Seite diejenigen, denen der Kampf für die Gleichberechtigung am Herzen liegt – ein Kampf, der, wenn man diese Abkürzung wagt, vom Sklavenaufstand des Spartacus bis zu den heutigen französischen Streikenden reicht, die für die Rente kämpfen.

Indem sie vorgeben, „den Planeten » vor den Bedrohungen durch menschliche Aktivitäten in Form von CO2 « zu retten », haben die europäischen Institutionen ihre Seite gewählt. Wir haben das Recht, uns auf die andere Seite zu stellen und vorzuschlagen, den Umfang der Möglichkeiten nicht auf das zu beschränken, was bereits vorhanden ist. Oder zumindest die Debatte ohne Beschimpfungen und ohne apokalyptisches Delirium zu akzeptieren.

Von Pierre Lévy,
Chefredakteur der Monatszeitschrift Ruptures

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L’angoisse existentielle de l’Occident (éditorial paru dans Ruptures n°93)

Par : pierre

Emmanuel Macron s’inquiète de ce que les « classes moyennes », désormais, « doutent » de « l’aventure européenne »

 

Querelles, déclin, arrogance. Tel était l’air du temps qui flottait lors de la Conférence sur la sécurité de Munich – une grand-messe non étatique qui draine chaque année la fine fleur des élites diplomatiques et militaires occidentales, dont l’édition 2020 s’est déroulée du 14 au 16 février.

Certes, chefs d’Etat et de gouvernement, ministres, diplomates, généraux et experts ont communié dans une foi commune : les « valeurs de l’Occident » devraient guider le monde – liberté (notamment d’entreprendre), droits de l’homme, Etat de droit, démocratie… Mais entre Washington, Berlin et Paris notamment – trois des pôles du bloc atlantique – les bisbilles et rivalités n’ont cessé de s’accentuer ces dernières années.

L’intervention du président français – c’était sa première apparition dans cette enceinte informelle – était donc attendue. Sans surprise, il a apporté de l’eau au moulin du thème volontairement provocateur proposé cette année par les organisateurs : « westlessness » – un terme anglais qu’on pourrait approximativement traduire par « effacement de l’Occident ». Depuis plusieurs mois en effet, le maître de l’Elysée met en garde ses pairs : des puissances rivales émergent qui menacent notre hégémonie. Sont bien sûr visées la Chine, la Russie, de même que la Turquie (pourtant membre de l’OTAN). Autant de pays qui « ne partagent pas nos valeurs ». Il y a donc bien « affaiblissement de l’Occident », affirme Emmanuel Macron, en particulier si l’on compare à l’euphorie d’il y a quinze ans, quand, selon ses termes, « nous pensions qu’on allait dominer le monde durablement ».

Il y a quinze ans, « nous pensions qu’on allait dominer le monde durablement » a rappelé le président français

On imagine au passage ce qu’eussent été les réactions si un leader non occidental avait affiché explicitement sa propension, fût-elle sur le mode nostalgique, à « dominer le monde ». Mais l’arrogance du maître de l’Elysée n’a nullement été remarquée tant elle parut parfaitement naturelle aux sommités réunies à Munich, de même qu’aux journalistes venus couvrir l’événement.

Quoi qu’il en soit, le dirigeant français a pris acte de l’unilatéralisme exacerbé de Washington. Il plaide dès lors pour un renouveau du dialogue « sans concession » avec Moscou, qui hérisse le poil de nombreux Etats membres de l’UE. Surtout, il placarde sans modération son oxymore préféré : il faut bâtir une « souveraineté européenne », ce qui signifie à la fois la poursuite de l’Alliance atlantique, mais aussi la construction d’une autonomie (stratégique, diplomatique, militaire, technologique, monétaire) vis-à-vis de l’Oncle Sam.

Pour le président, cela passe donc par une UE à géométrie variable, dont le premier cercle a vocation à une intégration poussée. Sauf que cette vision déplaît aux pays qui ne seraient pas dans ce premier cercle ; elle ne séduit guère non plus à Berlin (sauf les dirigeants des Verts que le président a rencontrés en particulier, peut-être en rêvant de leur arrivée dans une prochaine coalition, puisque la vie politique intérieure allemande devient de plus en plus chaotique). L’offre élyséenne de bâtir une « culture stratégique commune », voire des exercices militaires communs incluant l’arme nucléaire (sans cependant partager cette dernière) est tombée à plat outre-Rhin, où la culture atlantiste est profondément ancrée parmi les élites, même si celles-ci ne goûtent pas outre mesure le trumpisme. Et ce, dans un contexte où les divergences franco-allemandes se multiplient.

Tout se passe comme si, au spectre du déclin occidental sur le plan géopolitique, venait s’ajouter celui du déclin de l’idéologie eurolibérale

Le plaidoyer macronien n’est pas une révélation. La nouveauté, en revanche, est dans la référence aux « classes moyennes » qui « doutent » désormais de « l’aventure européenne » – une inquiétude répétée… à quatre reprises. L’ancien banquier semble considérer – à juste titre – que l’oligarchie est par nature acquise à l’intégration européenne ; que les classes populaires sont à l’inverse irrémédiablement perdues ; et que l’enjeu revient donc à stopper la glissade desdites classes moyennes dans ce que le vocabulaire officiel nomme « nationalisme » ou « illibéralisme ».

Ainsi, tout se passe comme si, au spectre du déclin occidental sur le plan géopolitique, venait s’ajouter, sur le plan hexagonal (et continental), celui du déclin de l’idéologie eurolibérale. Or cette dernière sous-tend les « réformes » d’inspiration bruxelloise, à commencer par celle des retraites.

Certes, dans l’état d’esprit populaire, politique extérieure et politique intérieure semblent être sans rapport direct : la lutte contre la régression sociale ne va pas spontanément de pair avec la résistance à l’arrogance atlantique.

Pas encore, du moins.

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

 

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L’incroyable aveu d’Emmanuel Macron sur la sortie du Royaume-Uni

Par : pierre

Le président français a confié qu’« il ne faut pas que le Brexit réussisse », une confirmation explosive qui n’a pourtant suscité que peu de réactions.

Les négociations entre Londres et Bruxelles vont s’engager dans quelques jours, le 3 mars précisément. Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne le 31 janvier, il convient donc de négocier le cadre qui fixera les relations – commerciales, mais aussi en matière de pêche, de transports, de sécurité, de défense – entre les deux parties à l’issue de la « période de transition », c’est-à-dire à compter du 1er janvier 2021.

Les positions de départ définies respectivement par Boris Johnson et par les Vingt-sept paraissent irréconciliables. Les dirigeants européens exigent des Britanniques qu’ils s’alignent sur l’ensemble des règles de l’UE, présentes – et même à venir, a insisté Paris. A l’inverse, les Anglais affirment qu’ils n’ont pas réalisé le Brexit pour finalement continuer à être soumis à ces dernières. Et ils interrogent : pourquoi nous imposer des conditions aussi draconiennes, qui n’ont été demandées à aucun partenaire commercial jusqu’à présent ?

Pourquoi, en effet, ces exigences léonines ? Peut-être Emmanuel Macron a-t-il fourni, plus ou moins volontairement, un élément de réponse. Le président français participait à la Conférence de Munich sur la sécurité qui avait lieu cette année du 14 au 16 février. En marge de celle-ci, il a rencontré en petit comité diverses personnalités allemandes.

L’une d’entre elles a révélé que le maître de l’Elysée avait lâché cette confidence qui n’a pas manqué de choquer ses interlocuteurs : « il ne faut pas que les Brexit soit un succès ». L’information a été révélée par Le Monde (18/02/20). Un quotidien qui ne passe pas pour inventer des bobards susceptibles de gêner Bruxelles. Et qui n’a du reste pas été démentie.

La phrase n’a rien d’anodin, au moment où le discours officiel des dirigeants européens appelle de ses vœux un « accord dans l’intérêt des deux parties ». Elle est même gênante et explosive, ce qui pourrait expliquer le peu de commentaires qu’elle a suscité.

Quant au fond, la confidence révèle un état d’esprit qui n’a rien de surprenant. Depuis le référendum britannique de juin 2016, les élites bruxellloises ne sont pas seulement traumatisées par le départ de la Grande-Bretagne en lui-même, mais aussi et surtout par l’« effet domino » que celui-ci pourrait bien entraîner.

Boris Johnson a annoncé un tournant « historique » dans l’histoire du pays

Pendant trois ans et demi, cette perspective semblait cependant bien abstraite, tant que les tentatives (illusoires) de faire dérailler le processus perduraient. Mais, depuis les élections britanniques du 12 décembre qui ont fonctionné comme une validation triomphale du Brexit et confié au Premier ministre un poids politique sans précédent, tout a changé – et tout s’accélère. Boris Johnson a annoncé un tournant « historique » dans l’histoire du pays. Il vient par exemple de proposer une politique migratoire restrictive qui fait hurler le patronat (de même que… les dirigeants travaillistes) ; et son ministre des finances, qui était considéré comme le dernier rempart contre l’augmentation des dépenses publiques, a rendu son tablier.

Dès lors, la question a sans doute assailli Emmanuel Macron de manière bien plus concrète que jusqu’à présent : et si le Brexit, non seulement ne provoquait aucune des catastrophes annoncées, mais permettait au pays d’engranger des succès notables ? Si tel est le cas, la liste des pays candidats au départ – du moins dans lesquels la pression populaire monterait en ce sens – pourrait s’allonger plus vite que prévu…

Il faut donc que le Brexit échoue, rumine-t-on à l’Elysée. Qu’un tel souhait ait été formulé devant des témoins qui ne font pas partie du premier cercle peut surprendre. Mais il faut au moins remercier le président sur ce point : sa sincérité, maladroite ou calculée, ne devrait pas réchauffer l’ambiance des négociations qui s’engagent ; et surtout, elle a le mérite de révéler crûment les angoisses du chef de l’Etat et probablement de ses collègues du Conseil européen.

God save Macron !

Ne manquez pas le débat contradictoire sur le Brexit proposé par la chaîne Le point de Ruptures

Et bien plus dans l’édition du 26 février du mensuel (imprimé) Ruptures. Il n’est pas trop tard pour s’abonner

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L’édition de février de Ruptures est parue

Par : pierre

Ruptures n°93 arrive chez les abonnés le 27 février.

Au sommaire :

– l’éditorial qui pointe l’angoisse existentielle quant au déclin de l’Occident, exprimée lors de la Conférence pour la sécurité de Munich par les dirigeants atlantistes, et les bisbilles entre ceux-ci

– un compte rendu du Conseil européen extraordinaire des 20 et 21 janvier, où les Vingt-sept ont échoué à trouver un accord sur le futur budget pluri-annuel de l’UE, du fait des affrontements entre « frugaux » et dépensiers

– un vaste tableau des enjeux géopolitiques dans l’est de la Méditerranée, avec les complexes alliances et rivalités de puissances – mais dont l’UE se lamente d’être exclue – le tout sur fond d’accès aux gisements gaziers

– une analyse des négociations qui vont s’engager entre Londres et Bruxelles sur la future relation, mais Boris Johnson refuse d’ores et déjà tout alignement sur l’UE ; il annonce la fin de l’immigration à bas prix et va s’affranchir des contraintes budgétaires

– une analyse des élections irlandaises du 8 février qui ont été marquées par l’échec du premier ministre sortant et la percée du Sinn Fein, parti « nationaliste de gauche », qui a centré sa campagne sur les questions sociales

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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Irland: der Sieg der « Linken Nationalisten »

Par : pierre

Eine wirklich verlorene Wette für den scheidenden irischen Premierminister Leo Varadkar. Mitte Januar hatte er Überraschungswahlen ausgerufen und damit gerechnet, dass er danks einer dreiwöchigen Blitzkampagne,  die Abstimmung am 8. Februar gewinnen würde.

Er setzte auf sein am 10. Oktober mit Boris Johnson ausgehandeltes bilaterales Abkommen zur Freigabe des Brexit ohne eine « harte » Grenze mit Nordirland zu schaffen, und auf den daraus von ihm erhofften Glorienschein. Er forderte daher seine Landsleute auf, ihn mit einem « starken Mandat » für die Verhandlungen zwischen London und Brüssel über die künftigen Handelsbeziehungen, bei denen Irland an vorderster Front steht, zu erneuern.

Die Wähler enttäuschten seine Hoffnungen, indem sie seiner Partei, der Fine Gael (FG,  als Mitte-Rechts geltend), nur 20,9 % der Stimmen gaben, was einem Rückgang von 4,9 Punkten gegenüber 2016 entspricht. So zeigten sie, dass sie andere Prioritäten im Sinn hatten, die bereits während der Kampagne in den Vordergrund gerückt waren: die akute Wohnungskrise mit astronomischen Mietpreisen in der Hauptstadt Dublin, das Gesundheitswesen unter hohem Druck, das Verkehrswesen unzulänglicher denn je.

Herr Varadkar rühmte sich eines beneidenswerten Wachstums (fast 5 %), aber viele Bürger erinnerten ihn daran, dass dies nicht in ihre Brieftaschen geflossen ist – ganz im Gegenteil. Die Partei Sinn Fein (SF), ein fortschrittlicher und historisch kämpferischer Befürworter der Wiedervereinigung ganz Irlands – was ihr den Titel « linke Nationalisten » einbrachte – führte ihren Wahlkampf, in dem sie einen Mietpreisstopp, den Bau von 100 000 Sozialwohnungen, zusätzliche Mittel für öffentliche Krankenhäuser und die Unternehmensbesteuerung vorschlug.

Lehrer und Kindergartenhelfer streikten im Januar

Und das in einem ungewöhnlichen sozialen Klima: Lehrer und Kindergartenhelfer streikten im Januar. Das Land ist zwar aus der schrecklichen Krise von 2008-2010 herausgekommen, die in einem von der EU unter dem Deckmantel der Rettung der schuldengeplagten öffentlichen Finanzen auferlegten Super-Austeritätsplan endete. Aber die arbeitende Bevölkerung hat von der Erholung überhaupt nicht profitiert.

Die Sinn Fein hat also « den großen Wurf gemacht »: Mit 24,5% der Stimmen, d.h. +10,7 Punkte, wird sie zur führenden Partei in Bezug auf die Anzahl der Vorzugsstimmen (das Wahlsystem erlaubt die Aufteilung der Stimmen). Viele Beobachter haben sogar von einem politischen Erdbeben gesprochen, da die SF die historische Vorherrschaft der beiden großen Parteien, die sich die politische Szene teilten, gebrochen hat: die FG sowie ihre traditionelle Rivalin, die Fianna Fail (FF), die ebenfalls als Mitte-Rechts-Partei bezeichnet wird. Die FF beteiligte sich nicht an der scheidenden Regierung, unterstützte sie aber in der Zeit vor dem Brexit. Mit 22,2% liegt sie 2,2 Punkte unter dem Wert von 2016.

Mit 4,4% (-2,2 Punkte) setzt die Labour-Partei ihren Abstieg in die Hölle fort, der während ihrer Regierungsbeteiligung 2011 begann, als sie die von Fine Gaël umgesetzten sozialen Abbaupläne unterstützt hatte. Mit 7,1% sind die Grünen gegenüber 2016 um 4,4 Punkte gestiegen, im Vergleich zur Europawahl vom Mai 2019 jedoch um 4,3 Punkte gesunken.

Sinn Fein hat sich « entdämonisiert »

Die ganze Aufmerksamkeit richtet sich daher nun auf Sinn Fein, die als einzige Partei sowohl in Irland als auch in Nordirland, das zum Vereinigten Königreich gehört, präsent ist. Die SF hat sich « entdämonisiert » mit Mary Lou McDonald, der Anführerin, die 2018 den historischen Führer Gerry Adams ablöste. Dieser wurde lange – wie die Partei selbst – beschuldigt, mit der IRA in Verbindung zu stehen und somit für den « Terrorismus » schuldig zu sein, und zwar gegen die britischen Armee, die seit Mitte der 1960er Jahre für die « Aufrechterhaltung der Ordnung » in Nordirland sorgte. Es war eine schmerzhafte Zeit, die Tausende von Opfern forderte und mit dem 1998 unterzeichneten Friedensabkommen endete.

Die IRA wurde aufgelöst, die Nationalisten wollen nun die Wiedervereinigung der Insel mit friedlichen Mitteln erreichen. Ein Ziel, das sicherlich von einer großen Mehrheit der Bürger der Republik geteilt wird, das aber eindeutig nicht zu ihren Prioritäten gehört. Sinn Fein, lange Zeit „euroskeptisch“, hat sich auf die Europäische Union zubewegt, eine Stellungnahme, die sie insbesondere beim britischen Referendum vom Juni 2016 verteidigte, als sie die Nordiren aufforderte, gegen den Brexit zu stimmen (was 55,8% von ihnen taten). Bei den Europawahlen im Mai 2019 mobilisierte die SF jedoch nicht viele für ihre Pro-EU-Positionen, da sie nur 11,7% der Stimmen erhielt. Im Gegensatz zu Herrn Adams, der in einem Arbeiterviertel aufwuchs, besuchte Frau McDonald eine wohlhabende Privatschule, bevor sie Personalmanagement und… die europäische Integration studierte.

Von ihrem eigenen Erfolg überrascht

Die Sinn Fein scheint von ihrem eigenen Erfolg überrascht gewesen zu sein: Sie stellte nur 42 Kandidaten, von denen 37 gewählt wurden. Das Unterhaus (Dail) hat 160 Sitze. Die Fine Gael und die Fianna Fail erhielten 35 bzw. 38 Sitze. Keine der jetzt drei großen politischen Kräfte wird daher allein regieren können.

Ideologisch gesehen würde nichts FG und FF daran hindern, ein Bündnis zu erneuern. Aber gerade um diese Konfiguration zu vermeiden, hatte Herr Varadkar die Wahlen ausgerufen. Vor allem würde eine « Große Koalition » der FG-FF gegen das Votum der Bürger gehen, die in der Hoffnung auf eine echte Veränderung für Sinn Fein gestimmt haben.

Während des Wahlkampfes hatten die beiden großen Parteien jedoch ausgeschlossen, mit Sinn Fein zu regieren, die sie für unberührbar halten. McDonald ihrerseits kündigte an, dass sie eine « Regierung für das Volk » bilden wolle (vielleicht ein Echo der von Boris Johnson behaupteten « Regierung des Volkes »), und dass sie vorrangig die Unterstützung kleiner Parteien (Sozialdemokraten, Grüne, usw.) suche – eine Aufgabe, die dennoch komplex erscheint. Sie prophezeite auch, dass ihre beiden Rivalen Sinn Fein nicht ewig auf der Strecke halten könnten. Tatsächlich schien Fianna Fail’s Führer, der ehemalige Minister Micheal Martin, nach der Bekanntgabe der Ergebnisse ein wenig aufgeschlossener zu sein.

Amüsantes Paradoxon: die Befürworter der europäischen Integration begrüßen den Erfolg einer offen nationalistischen Partei

Die ausländische Presse – insbesondere die französische, aber auch die in Brüssel – drückte am Tag nach der Wahl ihre Trauer über das Scheitern von Herrn Varadkar aus, der 2017 im Alter von 38 Jahren Premierminister wurde und für seine europäischen Kollegen ein Modell der « Vielfalt » verkörperte: indischer Herkunft, und offener Schwuler.

Aber viele in der Mainstream-Presse glauben, eine neue Perspektive voraussagen zu können, nämlich die der irischen Wiedervereinigung auf Kosten des Vereinigten Königreichs. Eine solche Aussicht ist zum jetzigen Zeitpunkt unrealistisch, aber viele Kommentatoren träumen wahrscheinlich von den Rückschlägen, die die britische Regierung so zu verkraften hätte. « Das erste Nachbeben nach dem Brexit“ war zum Beispiel eine Schlagzeile von Le Monde.

Das erklärt dieses amüsante Paradoxon: für das erste Mal begrüßen die Befürworter der europäischen Integration den Erfolg einer offen nationalistischen Partei. Im wirklichen Leben erwarten aber die Wähler tatsächlich schnelle Antworten auf ihre sozialen Erwartungen.

Wie auch immer, in dieser neuen dreigliedrigen Konfiguration könnte die Bildung der künftigen Regierung einige Wochen oder sogar Monate dauern.

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2020 wird das Jahr sein, in dem man vom „trotz“ Brexit zum „dank“ Brexit kommen wird

Par : pierre

Für Großbritannien wird 2020 das Jahr sein, in dem die in öffentlichen Reden angekündigte « Apokalypse » dem « britischen Wunder » weichen wird.
 

Von Charles-Henri Gallois, nationaler Leiter der UPR für Wirtschaftsfragen und Autor des kürzlich veröffentlichten Buches : Les Illusions économiques de l’Union européenne, Fauves éditions

Eines ist sicher: 2020 wird das Jahr sein, in dem wir in öffentlichen Reden und vielleicht sogar in den Medien von « trotz Brexit » zu « dank Brexit » und von « Apokalypse » zu « britischem Wunder » übergehen werden! Diese Gewissheit zeigt sich in der Kluft, die seit dem Referendum von 2016 zwischen den die Katastrophe heraufbeschwörenden Äußerungen einerseits und dem realwirtschaftlichen Kurs des Vereinigten Königreichs andererseits besteht.

Alle Pseudo-Experten und Anhänger der EU hatten in der Tat eine Apokalypse angekündigt, falls die Briten es wagen sollten, die EU zu verlassen, d.h. sich von der EU zu befreien. Diese Apokalypse sollte, so scheint es, am Tag nach der Abstimmung stattfinden. Das Referendum fand am 23. Juni 2016 statt, und 51,9% der britischen Bevölkerung stimmten für den Austritt.

Am nächsten Tag gab es überraschenderweise keine Heuschreckeninvasion in Westminster, die Neugeborenen waren wohlbehalten im Portland Hospital und das Wasser der Themse verwandelte sich nicht in Blut. Am 24. Juni 2016 gab es gegen 13 Uhr nur sehr leichte Schauer, was eine Meisterleistung ist, wenn wir über London und das Vereinigte Königreich sprechen.

Von allen Weltuntergangsprophezeiungen hat sich keine erfüllt

Die Pseudo-Experten nahmen dann die wirtschaftliche Aktivität genauestens unter die Lupe in der Hoffnung, das geringste Anzeichen eines Zusammenbruchs zu erkennen.

Glücklicherweise hat sich von allen apokalyptischen Prophezeiungen (Exodus aus der Stadt, Zusammenbruch des Pfunds, Zusammenbruch der Finanzmärkte, Rezession des BIP, steigende Arbeitslosigkeit, Investitionsdebakel, Explosion der Inflation und massiver Rückgang der Immobilienpreise…) keine erfüllt.

Schlimmer noch, die Zeit wurde mit guten Nachrichten gefüllt, da die Produktion im verarbeitenden Gewerbe zunahm, die Investitionen fortgesetzt wurden, die Arbeitslosigkeit stark zurückging, die Immobilien- und Aktienmärkte stiegen, das Wachstum anhielt und nicht einmal 7.000 Arbeitsplätze die Stadt verließen, verglichen mit den 75.000 « erwarteten » Verlusten vor dem Referendum. All diese positiven Daten wurden von allen französischen Medien und einigen EU-geförderten britischen Medien mit dem Vorbehalt der Sparsamkeit « trotz Brexit » begleitet. Als wäre es sicher und gewiß, daß der Brexit eine Katastrophe sein würde, war dies zumindest die Idee, die der Öffentlichkeit vermittelt werden mußte, um sie zu erschrecken.

Ein Regen guter Nachrichten im Jahr 2020

Zum Pech aller Weltuntergangspropheten regnet es weiter gute Nachrichten für das Vereinigte Königreich an diesem beginnenden 2020 und wenige Tage vor dem offiziellen Austritt am 31. Januar.

Die britische Regierung hat eine spektakuläre Erhöhung des Mindestlohns angekündigt. Zusätzlich zur völligen Beschämung derer, die behaupteten, der Brexit sei von Natur aus ultraliberal, wird der britische Mindeststundenlohn am 1. April 2020 den französischen Mindestlohn (10,24 Euro pro Stunde in Großbritannien gegenüber 10,15 Euro in Frankreich) übersteigen [1]. Diese Erhöhung des Mindestlohns um 6,2% bedeutet für einen Vollzeitbeschäftigten eine Erhöhung um 930 Pfund (etwa 1.090 Euro) pro Jahr.

Man muss bis ins Jahr 1981 zurückgehen, um einen solchen Anstieg in Frankreich zu finden. In der Zwischenzeit verlangen die Grundzüge der Wirtschaftspolitik der Europäischen Kommission, dass Frankreich den Mindestlohn jedes Jahr einfriert. Die Empfehlung wird seit 2012 brav umgesetzt.

34 Milliarden zusätzliche Pfund für die Gesundheit

Der andere Schlag für diejenigen, die von einem inhärent ultraliberalen Brexit sprachen, war die Ankündigung Boris Johnsons, zusätzliche 34 Milliarden Pfund für den NHS (National Health Service, das Äquivalent zum Gesundheitszweig unseres Sozialversicherungssystems) bereitzustellen [2].

Sajid Javid, Schatzkanzler (entspricht unserem Finanzminister), hat eine weitere europapolitische Illusion zerstört. Man erklärt den Franzosen immer: « Zum Glück gibt es die EU, um unsere Landwirtschaft zu finanzieren ». Man vergisst leicht, dass sowohl Frankreich als auch das Vereinigte Königreich Nettozahler der EU sind. Das bedeutet, dass das von der EU bezahlte Geld nur französisches und britisches Geld ist.

Sajid Javid hat dieses « Argument » offiziell als Lüge entlarvt, indem er ankündigte, dass sie nach dem Brexit [3] weiterhin die 3,4 Milliarden Pfund für den Agrarsektor zahlen werden. Es wird genauso viel Geld wie bei der europäischen Landwirtschaft zur Verfügung stehen, nur dass es nicht mehr diese sein wird, die eine schnellere und gerechtere Auszahlung der Mittel ermöglicht, indem Kriterien wie die Erhaltung der Umwelt und der biologischen Vielfalt und nicht das Kriterium der Betriebsgröße nach den Vorgaben der EU einbezogen werden.

Von Facebook zu Airbus, die Entscheidung Großbritanniens

Es gab nicht nur keinen Exodus aus der Stadt, sondern es wurde am 20. Januar angekündigt, dass mehr als 1.000 Banken, Vermögensverwalter, Zahlungsdienstleistungsunternehmen und Versicherer Büros in Großbritannien nach dem Brexit eröffnen werden [4].

Am 21. Januar kündigte Facebook an, dass es in diesem Jahr in London 1.000 Mitarbeiter für Positionen in den Bereichen Sicherheit und Produktentwicklung einstellen wird. Und das US-Unternehmen wird nach dem Brexit [5] sein größtes Ingenieurzentrum außerhalb der USA weiter ausbauen.

Im gleichen Sinne verpflichtete sich Airbus, das gedroht hatte, nach dem Brexit Großbritannien zu verlassen, schließlich nicht nur zu bleiben, sondern seine Aktivitäten über den Ärmelkanal auszuweiten [6].

Im Jahr 2020 wird das britische Wachstum höher sein als das von Deutschland und Frankreich

Zum Schluss die vielleicht wichtigste Nachricht: Der IWF beendet das « Projekt der Angst », das darin bestand, dass alle offiziellen Institutionen die Gefahr eines Zusammenbruchs der britischen Wirtschaft an die Wand malten. Die Institution kündigt an, dass das Wachstum in Großbritannien in den Jahren 2020 und 2021, d.h. nach dem offiziellen Ausstieg [7], höher sein wird als das der Euro-Zone. Für die Eurozone wird ein Wachstum von 1,3% im Jahr 2020 und 1,4% im Jahr 2021 erwartet, während für Großbritannien ein Wachstum von 1,4% im Jahr 2020 und 1,5% im Jahr 2021 erwartet wird. Sein Wachstum wäre höher als das von Deutschland und Frankreich.

Eine große Ohrfeige für die Eurofanatiker, die von der guten Nachricht profitierten, indem sie behaupteten, dass « es sowieso nichts bedeutet, sie sind noch nicht draußen ». Auch dies war eine unbestreitbar böswillige Aussage, da Unternehmen und verschiedene Wirtschaftsakteure bereits seit langem den Brexit einbeziehen. Das Mindeste, was man sagen kann, ist, dass die angekündigte Katastrophe nicht eingetreten ist und auch nicht eintreten wird.

Die Arbeitslosigkeit verschwindet, die Beschäftigung wird konsolidiert

Seit dem Brexit-Referendum sind die besten Nachrichten an der Beschäftigungsfront zu verzeichnen, was durch den Bericht des ONS (Office for National Statistics, das britische Pendant zum INSEE) vom Januar 2020 [8] bestätigt wird. Die Arbeitslosigkeit lag im Juni 2016 bei 5%. Sie liegt jetzt bei 3,8 %, dem niedrigsten Wert seit dem Winter 1974, d.h. seit 45 Jahren.

Noch spektakulärer ist der Aufschwung bei der Beschäftigungsquote, denn dieser Bericht vom Januar zeigt, dass sie auf 76,3% gestiegen ist, ein Allzeithoch. Vor dem Referendum lag er bei 74,2%, was einem Anstieg von 2,1 Punkten entspricht. Das Interessanteste ist, dass es sich bei den seit dem Referendum geschaffenen Arbeitsplätzen überhaupt nicht um Nullstunden- oder Teilzeitverträge, sondern um Vollzeitverträge handelt. Zwischen Juni 2016 und Dezember 2019 wurden 1,2 Millionen Arbeitsplätze geschaffen, während die Zahl der Teilzeitverträge um 19.500 zurückging. Der Anteil der Teilzeitbeschäftigung an der Gesamtbeschäftigung stieg von 36,9% auf 35,1%.

Bewusstwerdung

Die Tatsachen, die Daten werden also auch im Jahr 2020 Monat für Monat all jene widerlegen, die geschworen haben, dass alle Wunden der Krise und der Rezession auf das vom Brexit hinweggefegte Vereinigte Königreich fallen würden. Dann wird es das Ende der europäischen Illusionen sein. Hoffen wir, dass es unseren Landsleuten die Augen öffnen wird, um die Kraft und den Mut zu finden, sich durch einen Frexit von der EU und dem Euro zu befreien. Wir sollten keine Angst mehr haben und aufhören, auf diejenigen zu hören, die sich seit 40 Jahren in fast allen Fragen geirrt haben.

Die in der Rubrik Stellungnahmen veröffentlichten Analysen sind Beiträge zur Debatte. Sie liegen nicht in der Verantwortung der Redaktion der Website.

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[1]https://www.capital.fr/economie-politique/le-salaire-minimum-va-augmenter-de-6-au-royaume-uni-et-depasser-notre-smic-1358685

[2]https://www.telegraph.co.uk/politics/2019/12/18/boris-johnson-put-nhs-heart-domestic-agenda-queens-speech/

[3]https://euobserver.com/tickers/147015?fbclid=IwAR1MU3qwEcEwtbkY342FMV_qKfaw5axTHpbvSeOQ96e_eUYmBpQ6JWh9i-E

[4]https://uk.reuters.com/article/us-britain-eu-banks/a-thousand-eu-financial-firms-plan-to-open-uk-offices-after-brexit-idUKKBN1ZJ00D

[5]https://www.reuters.com/article/us-facebook-europe-business/facebook-targets-uk-growth-with-1000-hires-this-year-idUSKBN1ZK0G4?fbclid=IwAR1rrbOylzwstJN0Y7LjhYw0eTOWNHekJYaVDGB-R9Vs4Xf3JTGMIpb8rFs

[6]https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-01-08/airbus-chief-faury-pledges-expansion-in-the-u-k-after-brexit

[7]https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2020/01/20/weo-update-january2020

[8]https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/employmentandemployeetypes/bulletins/uklabourmarket/january2020/pdf

 

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Contre l’extradition de Julian Assange, une nouvelle opération citoyenne s’organise

Par : fabien

Comme un pied de nez auxdits «replis nationaux» censés caractériser la sortie d’un pays de l’Union européenne, des citoyens français et britanniques s’apprêtent à réclamer, d’une seule voix, la libération de Julian Assange, actuellement enfermé au Royaume-Uni, et menacé d’extradition aux Etats-Unis.

Dans la nuit du 23 au 24 février, des citoyens français traverseront la Manche afin de participer à une nouvelle action de soutien au fondateur de WikiLeaks, devant la prison de haute sécurité de Belmarsh où il est actuellement enfermé. Après plusieurs actions similaires réalisées depuis le mois de mai 2019, cette opération est organisée à l’occasion de l’ouverture des dernières audiences sur l’extradition de Julian Assange aux Etats-Unis, où il encourt jusqu’à 175 ans d’emprisonnement pour «espionnage».

« Nous organisons ce 23 février un départ de Paris en bus pour Londres. Nous arriverons le 24 au matin pour commencer la manifestation et repartirons le soir afin d’être de retour le 25 au matin. Tout drapeau ou bannière politique est a bannir, nous serons tous là pour Julian, bien évidemment Gilets jaunes bienvenus et souhaitables (aucune obligation bien sur). Au nom de la liberté de la presse, de la liberté d’expression, de la vérité nous demandons l’arrêt immédiat de la procédure d’extradition et la libération de Julian Assange » peut-on lire sur la page Facebook dédiée à l’action de soutien.

Fait notable, l’opération a d’ores-et-déjà reçu le soutien officiel du Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession qui, dans un communiqué daté du 11 février, a appelé ses adhérents à « informer les citoyens, par tous les moyens, de l’urgence de la situation qui touche [le] confrère australien ».

https://twitter.com/Fabien_Rives/status/1227293111543570432

Quant à l’avenir de celui qui a rendu possibles les fuites les plus massives du 21e siècle, toutes les spéculations sont à ce jour permises. Malgré leur dénonciation récurrente de l’absence de liberté de la presse en territoires décrétés ennemis, les chancelleries européennes n’ont fait preuve d’aucun engagement en faveur de la libération du fondateur de WikiLeaks.

En revanche, moins de deux semaines après la date effective du Brexit, l’affaire Julian Assange a fait l’objet, le 12 février, d’un échange entre Jeremy Corbyn et Boris Johnson, le premier appelant le second à refuser l’extradition du fondateur de WikiLeaks demandée par Washington.

« Il est évident que les droits des journalistes et des lanceurs d’alerte doivent être respectés et ce gouvernement continuera de le faire », a ainsi répondu le premier ministre britannique, s’abstenant toutefois de commenter la situation du journaliste australien, emprisonné depuis le 11 avril 2019, jour de la révocation de son asile politique par l’actuel président équatorien, Lenin Moreno.

Le ressortissant australien est en effet accusé par les autorités britanniques de ne pas avoir respecté ses engagements en matière de liberté conditionnelle, alors qu’en 2012, face au risque de son extradition outre-Atlantique, Julian Assange s’était réfugié dans la petite ambassade de l’Equateur à Londres.

Comme le rappelle le SNJ dans son communiqué, « en créant la société d’édition WikiLeaks en 2006, Julian Assange entendait informer le monde sur ceux qui nous gouvernent ».

« WikiLeaks est la conséquence d’un secret omniprésent et reflète le manque de transparence de notre système politique moderne », a récemment déclaré le rapporteur de l’ONU sur la torture Nils Melzer, avant de poursuivre  : « si nous ne savons plus ce que font nos gouvernements et les critères qu’ils suivent, si les crimes ne font plus l’objet d’enquêtes, alors cela représente un grave danger pour l’intégrité de la société ».

A la différence de Londres, où a eu lieu l’échange cité, Paris et Berlin sont restés discrets. La présidence française et la chancellerie allemande avaient pourtant appris en 2015, grâce à WikiLeaks, qu’elles avaient été écoutées par l’Oncle Sam dans les années 2000…

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De la Chine à la Syrie : les premières nouvelles géopolitiques de demain

Par : Grégoire

De quoi 2020 sera-t-il fait en géopolitique ? Confirmation de la résurrection russe, montée en puissance chinoise et effacement américain pourraient dessiner la politique internationale.

Par Michel Raimbaud, ancien ambassadeur, auteur de Tempête sur le Grand Moyen-Orient (ed. Ellipses, 2017) et  Les guerres de Syrie (ed. Glyphe, 2019)

L’exercice de prospective politique est devenu l’un des rites de l’an neuf. S’il promet plus de tempêtes que d’embellies, c’est que la vie commune de milliards d’êtres humains encadrée par deux centaines d’Etats n’est pas un fleuve tranquille. L’avenir n’est pas une science exacte.

Depuis la fin d’un XXème siècle ponctué par des épisodes « messianistes » de courte durée bien qu’ils aient eu l’éternité pour horizon (colonisation, épidémie des reichs, guerre froide, puis moment unipolaire américain), il est légitime de ne plus croire que l’histoire aurait un « sens », comme le professait le marxisme, ou une « fin », comme le fanfaronnait en 1992 Francis Fukuyama, chantre du libéralisme.

S’il n’y a en elle ni fatalité ni éternité, ce qu’elle a d’erratique est polarisé par des constantes naturelles : c’est ce que nous rappelle la géopolitique, politique de la géographie. Née avant 1900 en de brumeux pays avides d’espace vital, reprise par les « empires de la Mer » au temps du colonialisme et des expansionnismes, cette discipline permet de comprendre pourquoi, au-delà des avatars et séismes, l’Histoire continue, en quête de repères et d’équilibre.

En un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, les devins avides de « prédictions » faisaient de la géopolitique sans le savoir. Mais l’époque où Geneviève Tabouis présentait les dernières nouvelles de demain sur Radio Luxembourg étant révolue, qui oserait dire aujourd’hui de quoi sera fait 2020 ? Mieux vaudra donc ne pas voir des oracles dans ces premières nouvelles de demain. L’exercice – au vu du bilan 2019, entrevoir les évolutions pour 2020 – rappellera le pensum imposé jadis aux bizuts entrant en faculté : «  Etant donné le clair de lune, tirer le clair de l’autre »…

Le droit international en ruine

Il est presque minuit, Docteur Folamour. Début février, l’aiguille de l’« Horloge de l’Apocalypse » se trouverait, d’après le Bulletin des Scientifiques Nucléaires américains (qui ne sont pas astrologues), à 100 secondes du minuit de la guerre nucléaire, record d’imminence depuis la création de ce joujou en 1947. La situation ne semble pas inquiéter nos sorciers qui pérorent dans les hautes sphères.

Pas besoin d’être expert pour constater la ruine du droit international. Et après examen des tenants et aboutissants, on y verra un travail de sape programmé, inspiré par le « chaos créateur » de Leo Strauss, recette permettant à l’Empire de neutraliser à moindre coût les obstacles à son hégémonie.

Fustiger l’OTAN « en état de mort cérébrale », comme le fait le porte-voix élyséen de l’école complexiste, est d’un bel effet, mais escamote les responsabilités du « monde civilisé » dans l’effondrement de la vie internationale. Ce qu’il faut bien appeler un naufrage intellectuel et moral se décline de façon multiforme : échec et faillite de l’ONU et de sa charte, fin de la légalité et loi de la jungle, falsification des mots et détournement des concepts, abandon des us et coutumes de la diplomatie, de la courtoisie et du protocole… Autant de marches vers les enfers, là où s’abîme l’Occident, aveuglé par une imposture qui a viré au gangstérisme.

Pourtant, la nature ayant horreur du vide, un nouvel ordre est en gestation. Le bloc eurasien en pleine ascension le veut multipolaire, tandis que l’Empire Atlantique freine des quatre fers.

La géopolitique considère que le monde est structuré en trois « zones », (1) le Heartland russo-sibérien qui constitue le Pivot du monde habité, (2) le Rimland qui tel un glacis ceinture ce « Pivot » de l’Atlantique au Pacifique, (3) la zone des Territoires et Iles Périphériques ou offshore, qui génère des « Empires de la Mer », où le choix du grand large va de soi. C’est le messianisme de ces « peuples élus » qui leur fait voir le « Pivot » comme une terre promise, objet de leurs convoitises. Dans ce schéma, le Rimland (Europe Occidentale, Chine, le monde arabo-musulman) constitue tantôt un glacis, tantôt une proie. La théorie permet de saisir les ressorts des expansionnismes et d’éclairer les conflits.

Le déclin des Etats-Unis

Empire de la Mer malgré leur masse continentale, les Etats-Unis ont un avantage fondamental : loin du cœur du monde (Heartland), ils ne connaissent pas les affres de la guerre. Ils contrôlent les mers, l’espace et le cyberespace, le système financier mondial via le dollar. Ils peuvent envahir sans risquer de l’être. Depuis 1945, une langue invasive aidant, ils ont acquis la mainmise de l’espace médiatique et investissent le domaine « chrétien » par le biais des évangéliques, baptistes et autres chrétiens sionistes.

Toutefois cette puissance est en déclin, ce qui apparaît dans les chiffres, mais aussi dans le recours grandissant à la menace, aux sanctions, aux actions clandestines. S’y ajoutent le statut menacé du dollar, l’érosion de la crédibilité et la perte du magistère moral…. Au sein de l’Etat profond, on est tétanisé.

La Russie a vécu avec Poutine une vraie résurrection.

Depuis vingt ans, la Russie a vécu avec Poutine une vraie résurrection, effaçant l’humiliation subie à la chute de l’URSS et la décennie Eltsine. Elle doit ce retour au dossier qui lui a permis de s’imposer. Par son soutien à la Syrie, elle a contribué à stopper le rouleau compresseur des « révolutions arabes » pilotées par l’Occident et l’islamisme extrémiste. Même si les Occidentaux répugnent à l’admettre, Moscou est le pôle de référence.

La nouvelle puissance chinoise

La Chine est déjà numéro un de l’économie mondiale, devançant les Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat. Elle est en tête pour son palmarès commercial et industriel : après avoir été l’atelier du monde, elle en est devenue « l’usine », en attendant d’en être le banquier. Sa puissance militaire s’accroît rapidement, son budget de défense étant au deuxième rang derrière les Etats-Unis. L’essor de la marine est spectaculaire, visant à sécuriser son environnement (Mer de Chine) et asseoir sa capacité de projection (Méditerranée, voire Arctique).

S’y ajoute le défi sans précédent lancé à l’arrogante Amérique par un Iran sous sanctions, troisième pôle de cette Eurasie qui s’affirme militairement. En témoignent les premières manœuvres maritimes communes organisées en janvier 2020 entre les trois « menaces ». 

Le retour aux vieilles méthodes (coups d’Etat, ingérences, pressions, sanctions, menaces) témoigne de la colère de Washington. 

Les Arabo-musulmans ne sont pas seuls à chercher à Moscou et Pékin des contrepoids. Par le biais des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), l’Eurasie étend sa zone d’influence. Si l’Afrique du Sud est restée « un cas » sur le continent noir, l’Amérique Latine secoue le joug : le Brésil de Lula et Dilma Roussef avait entraîné dans son sillage le Venezuela chaviste, la Bolivie de Morales, l’Argentine de Mme Kirschner, rompant la singularité de Cuba. Le retour aux vieilles méthodes (coups d’Etat, ingérences, pressions, sanctions, menaces) témoigne de la colère de Washington face aux intrusions de Moscou.

Un « Amerixit » au sein du camp Atlantique ?

En Asie, on est sensible aux sirènes russes ou aux effluves des Routes de la Soie. L’Inde, membre des BRICS et de l’Organisation de Coopération de Shanghai, montre la voie : l’Indonésie, les deux Corées (la bonne qui aime l’Amérique et la méchante qui brave Trump, et dont Pékin est le protecteur), et d’autres, y compris la Thaïlande et ses voisins indochinois, sont alléchés. Le Japon lui-même desserrerait bien l’étreinte de son ex-vainqueur.

Sur le vieux continent, les « occidentalistes » font la loi. Ils se disent effarouchés par l’arrivée du soudard, mais ils ne s’indignent pas de ses turpitudes, lui reprochant son langage : ne réclame-t-il pas grossièrement le paiement de l’effort de défense. La dégradation est tangible. L’imputer à Trump ? Sa politique est au final celle de ses prédécesseurs.

Devenu réalité au 31 janvier 2020, le Brexit a traumatisé les chefs de l’UE, mais « l’évènement européen sans doute le plus important depuis la chute du Mur de Berlin » ne bouleversera pas l’équilibre. Voilà un grand Ex qui s’alignera encore davantage sur Washington, mais ni plus ni moins que ses anciens partenaires. Aucun n’est prêt à se démarquer d’un mauvais suzerain sur les dossiers qui fâchent, la Syrie, le bras de fer avec l’Iran (traité nucléaire, Soleimani), la « transaction du siècle », Erdogan, le terrorisme. La France encore moins que ses rivaux allemands, de plus en plus dominateurs.

Un Amerixit serait-il impensable au sein du camp atlantique?

Le Grand Moyen-Orient piégé 

Théorisé par les neocons israélo-étatsuniens, le Grand Moyen-Orient est au départ un ensemble d’Etats musulmans entre Levant et Asie Centrale, à amadouer ou à détruire. George W. Bush et ses acolytes avaient décrété qu’il fallait les « démocratiser », c’est-à-dire les rendre israélo-compatibles en les bombardant. La technique : exciter les oppositions contre les « régimes » en soutenant discrètement les islamistes, fussent-ils terroristes. On ne rappellera pas ici le bilan des « printemps arabes ».

Le clan des heureux élus s’est avéré extensible au gré des lubies et des lobbies : la frontière génétique imaginée par le colonisateur entre monde arabe et Afrique « noire » a été oubliée, le terrorisme et « l’Etat islamique » envahissant le Sahel (à partir de la Libye ou de zones sanctuarisées), avant de rayonner en direction du Sud. L’Amérique s’y implante à la place de la France. La Russie y fait des incursions (Mali, RCA), investissant par ailleurs les positions moyen-orientales de l’Empire (Arabie, Emirats Arabes Unis, Irak, Egypte…) et les appendices que sont la Turquie et Israël.

Nouvelles routes de la soie, voies nouvelles de puissance

Le « pivotement » de l’Amérique vers l’Asie ne signifie pas qu’elle se désintéresse du Moyen-Orient : dans sa translation, c’est la « ceinture verte musulmane » qu’elle côtoiera sur toute son extension.

Pour le Céleste Empire, pays d’adoption des Ouigours parfois irrédentistes et/ou djihadistes, les Routes de la Soie constituent une riposte au « projet » de Bush. A l’horizon 2049, centenaire de la Chine Populaire, Pékin aura tissé son paradigme multipolaire de nations souveraines/partenaires, reliées par un labyrinthe de ceintures et de routes interconnectées. La vision de Xi Jinping repose sur une étroite coordination entre Moscou et Pékin et implique une planification stratégique à long terme, Poutine dit « communication ». N’en déplaise aux occidentalistes, la « nouvelle ère », fondée sur un partage des rôles, n’est pas une chimère. Les investissements prévus sont gigantesques, par centaines de milliards.

Aux BRICS la tâche de réorganiser le monde.

Le projet russe de Grande Eurasie (Union économique eurasienne, Organisation de Coopération de Shanghai, Banque asiatique d’investissement) est comme un miroir des nouvelles Routes de la Soie. De l’Iran à la frontière mongole, le Grand Moyen-Orient vu de Moscou est une partie de « l’étranger proche » et pour la Russie, avec ses 20 millions de musulmans, il est urgent de recomposer l’Asie Centrale. Aux BRICS la tâche de réorganiser le monde.

Le « cœur » de l’Axe de la Résistance (Iran – Irak – Syrie – Liban) est stratégique. La simple idée d’un corridor offrant à la République Islamique un débouché sur la Méditerranée donne des sueurs froides à Israël et à l’Amérique. Intégré aux Routes de la Soie et à la grande Eurasie, il sera intouchable. Si la question des pipelines est centrale dans cette région flottant sur une nappe de gaz, la libre circulation des personnes et des marchandises ne l’est pas moins.

Guerres économiques invisibles

Comme le Venezuela où, selon le journaliste Jeffrey Sachs, «  au nom de la pression maximale, les sanctions américaines sont délibérément conçues pour détruire l’économie », l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban sont des cibles par excellence des guerres économiques invisibles. Celles-ci, enclenchées à la chaîne par les Etats-Unis, ont un effet terrifiant. Prenant la forme de sanctions, d’embargos, cachées par l’omerta, sans coup de feu, elles coûtent moins cher que des interventions militaires directes et permettent de contourner les vétos russo-chinois. Elles empêchent surtout toute vie normale.

Dans l’inventaire des dégâts, on notera la chute brutale de la croissance et la « contraction » des économies visées (de 14% en deux ans pour l’Iran), suite aux difficultés d’accès aux produits de base et matières premières. Autres conséquences : l’effondrement du niveau de vie et la glissade vers la grande pauvreté, la flambée des prix. Partout, les désastres socio-économiques (famine, malnutrition, surmortalité, misère) aggravent les crises sanitaires (ruptures concernant les médicaments et le matériel médical, infrastructures détruites).

Les sanctions financières affectent les banques, mais aussi la vie quotidienne. Dès 2011, les Etats-Unis et l’Europe ont mis en place un régime de sanctions particulièrement sévères contre le peuple syrien, « bloquant l’accès à de nombreuses ressources vitales »…« l’un des régimes de sanctions les plus vastes et compliqués jamais imposés ». La loi César « sur la protection des civils syriens » (sic) inscrite au budget 2020 impose, au nom des Droits de l’Homme, « des sanctions contre les secteurs liés à l’Etat et contre les gouvernements qui soutiennent la reconstruction et l’armée syrienne ». Le prétexte ? « Ouvrir un nouveau front contre l’influence de l’Iran en Syrie ».

La leçon de l’Irak ?

Thomas Nagy, de l’Université George Washington, citant la Defense Intelligence Agency (DIA),  évoque « un plan de génocide commis contre les Irakiens (…) permettant de liquider une part importante de la population irakienne ». Dennis Halliday, coordinateur démissionnaire de l’ONU, accuse en septembre 1998 « le système onusien aux ordres de Washington et de l’Occident depuis la chute de l’URSS, qui a « imposé des sanctions génocidaires contre les innocents ». C’est le prix à payer pour la « démocratisation », dira la sublime Albright….

Gavé par neuf années de « printemps », le monde arabe est en piètre condition : la plupart des Etats sont brisés, livrés au chaos et à la sédition. Certains comme la Libye, le Yémen, l’Irak, l’Afghanistan risquent de rester un moment sous le feu des bombardements, des destructions, au gré des ingérences, des terroristes, des luttes inextricables. Le « monde civilisé » regarde avec commisération ce spectacle qu’il a mis en scène.

D’autres Etats, passés entre les balles, se retrouvent sous le feu des forces « populaires » qui veulent « la chute du régime », « le retrait des militaires », la dévolution immédiate du pouvoir, sans concessions et d’ailleurs sans programme. Derrière le tumulte, s’agitent à nouveau ONG, forces du changement, sociétés civiles, le tout saupoudré d’égéries et de diplomates occidentaux. On devine la main de l’étranger, comme en 2011. Et lorsqu’une issue se dégage, elle donne souvent sur la Maison-Blanche et sur Tel-Aviv, on allait dire sur Jérusalem. La recette est partout de normaliser avec Israël (le Soudan), condition sine qua non pour plaire aux régimes du Golfe qui regardent maintenant l’Etat hébreu avec les yeux de Jared Kuschner.

Syrie, cœur battant du monde arabe

La Syrie, cœur battant du monde arabe, a pu tenir neuf années face à l’alliance entre l’Empire israélo-atlantique et les forces du takfirisme et du terrorisme. Elle a fait barrage à la vague des « révolutions », le payant au prix fort. Appartenant au camp des résistants et dotée de puissants alliés, elle est potentiellement victorieuse, un renversement de situation étant improbable. Mais elle doit faire face aux manigances néo-ottomanes d’Erdogan et aux crimes de ses terroristes déguisés en enfants de choeur, supporter les caprices des Kurdes tout en encaissant les insultes et inepties de Le Drian.

Entre Erdogan, Netanyahou, Ben Salman et Trump, l’échiquier du Moyen Orient est bien loti en rois, en fous et en pions

Désarticulé, le monde arabe est prié d’applaudir à la « transaction du siècle » qui liquide la cause sacrée du peuple palestinien pour une poignée de milliards de dollars, à payer par les Arabes. Rares sont les protestataires : la Syrie, dont la Palestine est une terre perdue, l’Iran droit dans son soutien, le Hezbollah, et la Turquie qui s’érige en défenseur de l’Islam face à la Saoudie.

Le terrorisme est toujours vivant, AlQaida en Syrie, ici et là Da’esh made in USA, et les innombrables groupes qui sévissent au Proche-Orient, en Libye, au Sahel, sous l’égide des Wahhabites (Arabie, Emirats) et/ou des Frères Musulmans (Turquie, Qatar).

Entre Erdogan, Netanyahou, Ben Salman et Trump, en 2020, l’échiquier du Moyen Orient est bien loti en rois, en fous et en pions.

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

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L’écologisme, un futur passéiste ?

Par : Grégoire

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin (ci-dessous) juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy, s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

 

Par Robert Charvin, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur émérite à l’Université de Nice – Sophia – Antipolis.

Régis Debray vient de signer un pamphlet stimulant Le Siècle Vert (Gallimard). Il applaudit le sursaut qui met en cause « l’imbécillité du tout économique, l’adoration nihiliste de l’argent et l’affairisme cynique des dernières décennies » qui détruisent tout, l’homme et la nature. Mais il met aussi en garde. Il alerte sur le danger que la bataille pour la justice sociale, pour une société sans classe soit écartée au profit d’une société sans carbone ni déchets à la dérive : « L’ennemi principal ne serait plus le patron mais la fumée d’usine » !

Une nouvelle manœuvre de diversion

La lucidité sur la destruction du « milieu » (et non de « l’environnement » qui nous classerait « à l’extérieur » de la nature) dont l’homme fait partie ne risque-t-elle pas en contrepartie de faire oublier la capacité du capitalisme à inventer sans cesse des diversions l’aidant à se pérenniser sans trop de dommages pour les privilégiés ?

Le capitalisme financier, hyper-concentré, de nature spéculative, de plus en plus éloigné de l’économie réelle productive et des exigences sociales est devenu une monstruosité planétaire. Fétichistes du capital, déstructurés, transnationalisés dans le cadre de leur seule vraie « patrie » (que sont devenues leurs firmes dévastatrices), propriétaires du travail des hommes, ses partisans balayent tous les obstacles.

Les besoins basiques des Hommes, l’air, l’eau, la terre sont privatisés au nom de leur profit – ces profits qu’ils osent prétendre redistribuer au bénéfice de tous par un « ruissellement » dont on ne trouve plus de trace depuis des décennies. Ils rejettent le droit (notamment dans les relations internationales) qu’ils ont pourtant, pour l’essentiel, fabriqué ; ils écrasent les peuples « inutiles » ou « dangereux » au nom du tout sécuritaire ; ils cultivent le mensonge médiatisé à haute dose par le relais de leurs politiciens pour faire croire que leur religion est la démocratie. Une démocratie qu’ils ignorent pourtant ouvertement dans leur sacro-sainte Entreprise.

L’argent, roi et dieu unique

Ces tricheurs de haute volée ont les moyens de faire de l’écologie et autre « bios » une arme pour fabriquer du consensus, de même qu’ils ont usé jusqu’à la corde la social-démocratie pour dissimuler leurs méfaits en qualifiant de vertu l’esprit de compromission (ils s’en servent encore dans les institutions de l’Union Européenne !). L’Eglise n’est plus là pour diaboliser les hérétiques, célébrer les vertus du Prince et consoler les pauvres « méritants ». L’incroyance est devenue la règle en Occident : en réalité, plus personne ne croit à rien, si ce n’est à l’argent, seule source de toutes les jouissances – ce qui est maigre.

Pour les capitalistes, l’environnement peut attendre, pas les coffres-forts.

L’écologie peut donc être un thème rassembleur alors que le social (les inégalités ne cessent de se creuser et la précarité de se généraliser) rallume la lutte des classes. Elle est une idéologie « digne », fondée scientifiquement. Les dominants n’ont qu’un seul reproche à lui faire : elle peut coûter cher, même si elle peut permettre aussi dans certains secteurs de faire de bonnes affaires. Pour le capitalisme, il s’agit donc de lui rendre hommage et de renvoyer à plus tard toute réalisation opératoire. Selon eux, l’environnement peut attendre, pas les coffres-forts.

Droit-de-l’hommisme et sécuritarisme

L’imaginaire capitaliste réussit en général fort bien dans sa fonction anesthésiante : avec les « droits de l’homme » instrumentalisés tous azimuts, il a fait oublier les massacres et les tortures subies par les peuples colonisés ; grâce au « sécuritarisme », il justifie l’autoritarisme et la répression en développant au nom de l’antiterrorisme une xénophobie bienvenue. On jette dans la Loire quelques jeunes profitant de la Fête de la Musique, on matraque des militants syndicaux et des Gilets Jaunes, comme on le faisait déjà en 1961 en tuant et jetant dans la Seine des Algériens manifestant contre un couvre-feu discriminatoire, sous l’autorité du vichyste antisémite Papon qui ne fait pas l’honneur de la Préfectorale ; et comme on a tué des communistes à Charonne quelques mois plus tard.

Mais le sécuritarisme a pour défaut de faire réagir l’opinion publique et il ne peut y avoir un attentat islamiste tous les mois pour le légitimer malgré les efforts persévérants des « grands » médias. Ce thème, comme les précédents, s’usant très vite, il convient d’en développer un autre plus séduisant, plus durable et qui fasse l’unanimité.

Il y a incompatibilité entre la logique capitaliste et l’écologie.

Voilà des décennies que les Nations Unies, les milieux scientifiques, des personnalités comme René Dumont, victime en son temps de toutes les ironies, et des militants de divers partis de gauche, alertent les gouvernants et l’opinion sur la destruction de la vie, de la nature et les perturbations du climat, sans rencontrer beaucoup d’intérêt. Mais voici que l’heure de l’écologie est arrivée enfin. Si le développement est loin d’être « durable », la manipulation et son instrumentalisation risquent d’être longues. Le grand patronat a pour seule devise : « après nous le Déluge ! ». Il sait qu’il pourrit la planète et la vie des hommes, comme ses lobbies qui achètent les complaisances de  divers élus. Il y a en effet incompatibilité entre la logique capitaliste et l’écologie. Après avoir réussi pendant des années à folkloriser les « écolos », à faire taire les scientifiques, les affairistes sont passés à une nouvelle étape : la récupération.

« Tout le monde devient écologiste ! Tout le monde est pour le bio ! Tout le monde est vert ! ». Certaines entreprises (qui ont intérêt à le faire) vont « verdir » leur production et faire paravent utile pour les autres. « On va tout changer », chantent en chœur le patronat et leurs commis politiques. Mais en prenant le temps pour éviter de mettre à mal leurs intérêts, pour que rien ne change vraiment, alors qu’il y a urgence ! Le social lui-même va paradoxalement servir de bouclier : pour justifier la lenteur de la mise en œuvre des bouleversements qui s’imposent afin de faire face aux effets des pesticides, du pétrole, du charbon, de l’automobile, etc., les milieux d’affaires invoquent les risques de chômage accru, par exemple. Une fois de plus, les plus pauvres sont utilisés pour servir les actionnaires, alors qu’ils sont « oubliés » « lorsque tout va bien ».

Culpabilisation généralisée

Les dominants culpabilisent les simples citoyens : « l’écologie est l’affaire de tous, disent-ils. Fermez le robinet en vous lavant les dents ! » ; la fermeture des puits de pétrole, des mines de charbon, l’arrêt du diesel, on verra plus tard. Dissoudre les responsabilités, les situer à égalité entre les grandes firmes polluantes et les simples citoyens, tel est l’objectif.

Une véritable solution doit être électorale : les Verts, associés aux Gauches radicales sont potentiellement en mesure de combattre avec succès les forces affairistes réunissant tous les tricheurs politiques.

Les Verts « modérés » pourraient faire l’affaire si l’union droite – extrême droite ne se réalise pas ! 

Il faut donc pour le pouvoir traiter avec prudence ces Verts et leurs électeurs, pour les orienter à droite ou les diviser. La situation autrichienne est parfaite : le gouvernement de Vienne associe les ultraconservateurs et les Verts ! Voilà le modèle à suivre. A défaut des alliances avec une Sociale Démocratie « fatiguée » et affaiblie (comme on le voit en Allemagne et en France), les Verts « modérés » et « responsables » pourraient faire l’affaire si l’union droite – extrême droite ne se réalise pas. Tout va être entrepris pour que les Verts deviennent une nouvelle fausse « gauche », au niveau européen et dans chaque Etat-membre.

Une position de type macronien « ni gauche, ni droite » conviendrait : les affairistes ont des postes à offrir, de l’argent à distribuer, des succès électoraux à favoriser. Pourquoi les Verts seraient-ils plus résistants à la séduction et aux compromissions que les socio-démocrates et les syndicalistes « réformistes » que l’on appelait autrefois les Jaunes !

Les ruptures nécessaires

La masse des citoyens, sincères et novices vis-à-vis de l’écologie, est-elle capable d’imposer aux dirigeants des partis verts et aux professionnels de la politique la ligne de combat anticapitaliste indispensable à la mise en œuvre des transformations écologiques qui s’imposent ? Dans la confusion idéologique d’aujourd’hui, les risques sont grands et Régis Debray a raison de s’inquiéter d’un « biologisme confusionniste » négligeant la maltraitance des hommes en privilégiant exclusivement la nature et les animaux.

L’urgence est une rupture globale avec le désordre établi, dévastateur au-delà de la grogne généralisée. Le Social, l’Ecologie et le Politique sont indissociables pour une authentique transformation de la société et du quotidien : que l’Homme prenne le contrôle de son travail, que le peuple devienne souverain, que la coopération internationale l’emporte sur la domination impériale. Le chemin est long et difficile, mais l’Histoire continue.

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

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Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

Par : pierre

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy (ci-dessous), s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

 

Par Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Ruptures

Le « Pacte vert » (« Green Deal » en sabir bruxellois) est désormais l’axe majeur des institutions européennes. Il a été présenté en décembre dernier par Bruxelles. Le 14 janvier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen en a précisé le financement, avant que ne soit lancé, au printemps, une « grande loi climatique », qui s’imposera aux Etats membres. Il est question de milliers de milliards d’euros. Ce vaste « plan de bataille écologique » va devenir, selon Mme Von der Leyen, la « marque de fabrique » de l’UE.

Bien sûr, il s’est trouvé de nombreuses voix pour estimer que tout cela n’allait pas assez loin. D’autres, ou les mêmes, ont accusé la Commission d’escroquerie, de « faire semblant » de se convertir à l’écologie en cédant à l’air du temps.

Le discours environnementaliste structure l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens

Il n’en est rien. Le discours environnementaliste structure en profondeur l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens. Il trouve ses racines il y a plusieurs décennies. Ainsi, un cénacle issu de l’OCDE (organisation des pays occidentaux les plus riches), connu sous le nom de Club de Rome, publiait en 1972 un rapport resté célèbre intitulé « Les limites de la croissance ».

Ce texte fut vivement soutenu par Sicco Mansholt, président de la Commission européenne en 1972-1973. M. Mansholt, généralement considéré comme un des « pères de l’Europe », plaidait déjà pour la décroissance.

Et si l’on a un doute sur le rôle moteur des dirigeants, politiques, financiers et oligarques, dans la promotion des thèses pro-climat et pro-environnement, il n’est pas interdit de remarquer que l’emblématique multimilliardaire américain Michaël Bloomberg était encore récemment le représentant de l’ONU pour le climat. Il vient d’être remplacé à ce poste par le Canadien Mark Carney, qui fut président de la Bank of England jusqu’à janvier 2020. L’homme s’était rendu célèbre par ses prévisions apocalyptiques en cas de Brexit. Il a désormais un nouveau job pour déployer ses talents de prophète des catastrophes annoncées mais fantaisistes.

Distinguer deux pans

Il convient de distinguer d’emblée deux pans de la réflexion en ce qui concerne le « réchauffement climatique » : d’une part, la recherche et la confrontation scientifiques ; d’autre part l’analyse et la compréhension des enjeux qui y sont liés : économiques, sociaux, politiques, géopolitiques, démocratiques, voire philosophiques.

Le premier débat, sur la réalité dudit dérèglement climatique et sur ses causes possibles, relève des scientifiques eux-mêmes. On ne l’abordera donc pas ici. Tout juste peut-on rappeler qu’il n’y a pas d’unanimité parmi les chercheurs qui établirait sans conteste l’existence du réchauffement d’origine anthropique – sauf à traiter tous les scientifiques dissidents de fantaisistes, d’ignorants ou d’imposteurs.

Un esprit rationnel devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante si martelée qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé

En revanche, tous les citoyens sont parfaitement légitimes à s’inscrire dans l’autre débat, celui qui tente de cerner les tenants et aboutissants des campagnes actuelles. Du reste, un esprit rationnel et critique devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante, serinée matin, midi et soir dans la presse écrite et audio-visuelle, au point qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé. Si l’on écoute bien certains militants écolos, on ne devrait plus être très loin de la mise en place du crime de « négationnisme climatique », voire des sanctions pénales afférentes.

Cinq dossiers, au moins, peuvent être évoqués qui mettent en lumière le lien intrinsèque entre les intérêts de l’oligarchie occidentale mondialisée, et l’idéologie pro-climat. On ne peut ici citer que les têtes de chapitre, chacun d’entre eux méritant à l’évidence de plus larges développements.

Premier dossier : le social

Le premier pourrait être ainsi résumé : la sobriété jugée nécessaire pour « sauver la planète » est en réalité le faux nez de l’austérité que les forces de l’argent entendent imposer aux peuples. Elle a ses relais, évidemment, dans nombres de succursales de la « gauche » et est parfois prônée sous le nom de « sobriété heureuse ». A tous ceux qui s’inquiètent de la manière de boucler leur fin de mois, on agite la menace de la fin du monde. La « surconsommation », y compris d’énergie, est pointée du doigt, sur le thème : plutôt mieux être qu’avoir plus.

On notera que cet état d’esprit n’est pas nouveau dans l’idéologie dominante. Le jadis médiatique journaliste François de Closets a bâti l’essentiel de sa carrière éditoriale en dénonçant le peuple qui voudrait « Toujours plus », titre de l’un de la vingtaine d’ouvrages parus depuis 1970 sur ce même thème.

L’antagonisme entre ceux qui angoissent sur la « fin du mois » et ceux qui alertent sur la « fin du monde » a fait irruption en novembre 2018 : le mouvement des Gilets jaunes est né du refus de la taxe qu’a tenté d’imposer le gouvernement sur les carburants, dans le but avoué de « modifier les comportements ».

Des centaines de milliers d’emplois directs sont menacés, au nom du verdissement de l’économie

Le pouvoir d’achat de millions de travailleurs n’est pas seul en ligne de mire. Des centaines de milliers d’emplois directs sont également menacés, au nom du verdissement de l’économie – censé créer d’autres postes de travail, mais plus tard. Une réalité qui se retrouve aux quatre coins de l’Union européenne. Ce n’est pas par hasard si la Commission prévoit un Fonds spécialement consacré à « accompagner » les futurs travailleurs privés de leur emploi et les futures régions sinistrées.

Et il n’est sans doute pas anodin de remarquer que les catégories les plus menacées sont les plus emblématiques de la force et de l’histoire ouvrières : mineurs (en France, on avait trouvé d’autres prétextes pour liquider précédemment cette activité), sidérurgistes, ouvriers des industries chimique et de l’automobile… Un peu comme si dans l’inconscient des dominants, il s’agissait de se débarrasser des usines trop « carbonées »… et dans le même temps des classes dangereuses, surtout là où elles ont sont concentrées et combatives.

Deuxième dossier : la géopolitique

Le deuxième domaine est d’une autre nature. Il tient à une maladresse du Tout-puissant : celui-ci a eu le mauvais goût de répartir les hydrocarbures en en confiant une large part aux Etats non alignés sur l’Occident… Ainsi, la Russie, l’Iran, le Venezuela, pour ne citer que ces trois exemples, sont les pays où sont concentrées les plus grandes réserves pétrolières et/ou gazières.

On peut donc imaginer que dans les sphères dominantes, on ne serait pas forcément mécontent que ces Etats soient petit à petit privés des ressources que leur procurent les exportations d’énergie carbonée. En diabolisant cette dernière, on affaiblit ainsi les positions et les moyens financiers des adversaires ou ennemis désignés.

Troisième dossier : la gouvernance mondiale

Le troisième dossier est à forte connotation idéologique. On nous le répète encore et encore : la catastrophe climatique ne peut être combattue qu’à l’échelle mondiale. Un mantra providentiel pour tous ceux qui militent, depuis des décennies, pour une gouvernance mondialisée (rêve ultime des puissants) et ses déclinaisons en grands blocs régionaux, tels que l’UE.

Bref, cela tombe à pic : pour résoudre les grands problèmes de notre temps, l’échelle des Etats nations serait dépassée. Du coup, la thèse a toutes les apparences de l’évidence : le réchauffement n’a pas de frontières, il faut donc oublier les vieilles lunes de la souveraineté nationale.

Quatrième dossier : la démocratie

La quatrième dimension des impératifs climatiques imposés concerne un enjeu qui n’est pas tout à fait anodin : la démocratie. Car les exemples le montrent : les classes populaires, les peuples, semblent ne pas accepter de se soumettre à la doxa environnementaliste, en tout cas pas assez vite pour éviter les catastrophes annoncées.

Pire, ils seraient prêts à punir électoralement les gouvernements trop zélés en matière de lutte contre le CO2. Et comme ceux-ci auraient la faiblesse de craindre les réactions de leurs électeurs, les mesures nécessaires – résumées dans la formule : « il faut changer radicalement notre mode de vie » – sont éternellement retardées…

La conclusion s’impose : la démocratie est devenue un obstacle à la survie de la planète. Certains l’affirment ouvertement. D’autres, qui ne peuvent être aussi brutaux, s’interrogent gravement. Car si notre survie collective est réellement menacée, la démocratie doit passer après. C’est imparable – et c’est surtout, miraculeusement, une aubaine pour les puissants du monde, qui font de moins en moins bon ménage avec la souveraineté populaire (la Commission Trilatérale avait déjà pointé les « problèmes » de la démocratie dès les années 1970 – l’époque du Club de Rome).

Dernier dossier : la remise en cause du progrès

Enfin, le cinquième enjeu est probablement le plus fondamental, et a trait au progrès. Il ne peut échapper à personne que l’« air du temps » est à la remise en cause fondamentale de ce dernier. Le progrès sous toutes ses dimensions – sociale (pouvoir d’achat, protection sociale, services publics…), économique (croissance), culturelle, scientifique, technologique… – serait, au choix, suspect, coupable, risqué, ou arrogant.

Ici et là, on s’interroge gravement : ne serait-on pas allé trop loin ? Le dogme dominant pourrait ainsi s’énoncer : « veuillez laisser la planète dans l’état où vous l’avez trouvée ». Et pour donner une dimension émotionnelle supplémentaire à l’affaire, on convoque « nos enfants », « nos petits enfants » auprès de qui nous portons une lourde responsabilité. Exactement le même argument que pour la dette…

La palette est vaste, des collapsologues prônant ouvertement le retour à la charrue (quand ce n’est pas le suicide préventif de l’humanité, seule méthode pour laisser survivre la planète) jusqu’aux plus prudents qui se contentent de mettre en cause chaque nouveau projet d’infrastructure (ferroviaire, routière, aéroportuaire, hydraulique – il y a toujours un castor de la pampa qu’il faut sauver). Avons-nous vraiment besoin de tout cela ? murmure-t-on de différents bords.

Certes, la querelle entre partisans d’une vision prométhéenne de l’humanité et les tenants d’un antique âge d’or (qui n’a jamais existé) n’est pas nouvelle. Mais l’incapacité progressive du système actuel dominant à créer de la richesse (autre que pour les seuls actionnaires) a pour conséquence que ce système secrète des idéologies régressives, telle la décroissance, qui n’est que l’habillage bio de la récession.

La conception du rapport entre l’homme et la nature est le terrain privilégié de cette évolution littéralement réactionnaire. Il faudrait « préserver », « défendre », « respecter » la nature. Pire : l’idéologie dominante a désormais mis une équivalence entre « naturel » et « bon » (l’abondance nauséeuse de la publicité en ce sens l’illustre). Faut-il rappeler que ce culte du « naturel » n’a pas toujours été célébré ?

Mesure-t-on l’absurdité d’une telle injonction ? La nature regorge de produits toxiques, alors que les produits les plus artificiels (médicaments, chimie) représentent un atout irremplaçable pour le bien-être collectif et individuel. Même si, évidemment, on doit s’opposer aux pollutions issues de la recherche effrénée de profit – et non du progrès en tant que tel.

Ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ?

Plus généralement, ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ? Des premiers humains qui construisent un toit protecteur pour se mettre à l’abri des caprices de la nature, à l’époque actuelle où l’on envoie une sonde tutoyer le soleil, l’Homme a toujours cherché à se libérer des contraintes pour rendre possible ce qui était impossible.

L’humanité n’a-t-elle pas précisément pour caractéristique d’agir contre-nature ?

N’est-ce pas du reste ce qui pourrait définir l’humanité ? Cette dernière n’a-t-elle pas pour caractéristique d’agir contre-nature ? A commencer par cette lutte millénaire pour remettre en cause une des principales caractéristiques de la nature : la loi de la jungle.

Il y a donc d’un côté ceux qui respectent la nature, en particulier l’une de ses constantes (même si pas exclusive) : les plus forts dominent les plus faibles, les prédateurs se nourrissent des proies. Et de l’autre ceux qui ont à cœur le combat pour l’égalité – combat qui court, si l’on ose ce raccourci, du soulèvement des esclaves avec Spartacus aux salariés actuels en lutte pour les retraites.

En prétendant « sauver la planète » des menaces que l’activité humaine, sous forme de CO2, ferait planer sur elle, les institutions européennes ont choisi leur camp. On est en droit de choisir celui d’en face, qui se propose de ne pas limiter le champ des possibles à l’existant. Ou, à tout le moins, d’accepter le débat sans invective et sans délire apocalyptique.

 

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Quand les discours écolos se déchaînent

Par : Grégoire

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren (ci-dessous) évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy, s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

Par Pierre Vermeren, professeur à Paris 1 en Histoire des sociétés arabo-berbères contemporaines.

Nul ne doute plus de la réalité du réchauffement climatique, éprouvée à nouveau au jour le jour en ce si doux hiver. Nul ne doute des conditions prédatrices de notre économie sur l’environnement, ni des conséquences tragiques de notre modèle de développement sur des phénomènes aussi différents que la destruction de la faune (la moitié des animaux sauvages auraient disparu de la terre en 40 ans), ou l’accumulation invraisemblable de résidus plastiques dans les mers, qui constitueraient une sorte d’immense île flottante au milieu de l’océan pacifique.

La prise de conscience de ces phénomènes étant établie, notamment dans certains milieux de la jeunesse à ce qu’on dit -quoique le mode de consommation des jeunes semble peu affecté-, notre classe politique s’est emparée de ce lourd sujet. Après une première phase, que l’on peut dater des années 2000, qui relevait d’une approche assez artificielle de l’écologie, la prise de conscience est bel et bien brandie : depuis que plane la menace de victoires électorales de candidats se réclamant de l’écologie politique, les choses sont en effet sérieuses !

Une foire à la démagogie inonde les discours, essentiellement à destination des citadins et des habitants des métropoles.

Cette apparente bonne volonté semble partagée par tous les partis politiques, façonnant en partie la campagne électorale des municipales de mars. Une foire à la démagogie inonde les discours, essentiellement à destination des citadins et des habitants des métropoles, les plus éloignés de la nature et des véritables méfaits écologiques.

Avec eux, nul besoin de s’intéresser aux problème structurels cruciaux des transports de longue distance, des parcs éoliens destructeurs d’espaces ou des dégâts de l’agro-business, mais seulement de la végétalisation des espaces urbains, des niches écologiques urbaines et des « mobilités douces ». Tout cela est epsilonesque à l’échelle planétaire, mais peut conduire un candidat de centre gauche ou de centre droit dans le fauteuil du maire.

Travaux absurdes

Dans certaines grandes métropoles, comme à Paris ou Bordeaux, l’imminence des élections a dopé les travaux publics, livrant les agglomérations à une véritable débauche de chantiers. D’énormes machines hyper-polluantes carburant au diesel lourd parcourent rues et boulevards en tous sens pendant des mois pour refaire les réseaux, daller une rue, faire une piste cyclable ou planter quelques arbres. Heureusement qu’aucune étude ne sera jamais faite sur le bilan carbone calamiteux de telles équipées.

Nul doute qu’au lendemain des élections, la bétonisation immobilière des espaces urbains et de leurs périphéries anciennement rurales va reprendre de plus belle.

Redoutant l’adage « un maire bâtisseur est un maire battu », les élus locaux, en fin de mandat, ont lancé leurs forces vives dans la voirie. Nul doute qu’au lendemain des élections, la bétonisation immobilière des espaces urbains et de leurs périphéries anciennement rurales va reprendre de plus belle. Il faut en effet occuper un million et demi de travailleurs dont la productivité a progressé à la mesure du gigantisme de leurs machines et de la sacro-sainte bétonisation inventée par Le Corbusier.

Déménagements inutiles

La saillie des candidats LREM à la mairie de Paris, évoquant le transfert en banlieue de gares parisiennes, est un rêve que les bétonneurs ne s’autorisaient même plus. Sous les précédentes présidences, ils avaient vécu le transfert en banlieue ou en périphérie parisienne de la Sorbonne-sciences humaines, de l’EHESS, des Archives nationales et de celles du Quai d’Orsay, du Palais de justice, du Ministère de la défense, du Quai des orfèvres, autant d’institutions rebâties à coûts de milliards d’euros à quelques kilomètres de distance.

Mais le coup des gares est encore plus fort, car il y en aurait une demi-douzaine à raser ! La tentative de déplacer les aéroports ayant échoué à Notre-Dame des Landes, il fallait en effet songer à la suite des opérations. C’est alors qu’intervient la touche écologique, un grand parc arboré étant appelé à succéder au démontage de centaines d’hectares de voies ferrées et de bâtiments, et à leur reconstruction quelques kilomètres plus loin.

La menace Amazon

Ces polémiques et ces propositions mettent en valeur notre incapacité à concevoir un programme de reconstruction de notre modèle de développement fondé sur le respect de l’environnement et la préservation des ressources. De même que tout continue à l’identique, que les légumes bios de la grande distribution sont emballés dans du plastique, que la restauration rapide et le portage à domicile (plébiscité par les « jeunes ») multiplient par 2 ou par 3 les emballages de l’alimentaire (sans parler de l’exploitation des hommes), et que le portage à domicile type Amazon aggrave deux fois la destruction de la nature -par la construction de plateformes logistiques géantes et l’activation de millions de transporteurs-, notre mode de vie n’est pas compatible avec une consommation soutenable.

Faute de changements réels, il nous faudra bien acter une fois pour toute que nous nous payons de mots, que nous sommes collectivement des affabulateurs qui font semblant de s’intéresser à la nature pour des raisons politiciennes ou de mode, et qu’au demeurant, puisque nous n’émettons pas plus d’1% des gaz à effet de serre, qu’il revient aux Chinois, aux Américains et aux Allemands de faire des efforts, ou bien nous agissons sérieusement.

Des centrales nucléaires pour les films de chats

Dans ces conditions, plutôt que de couvrir nos vieux bâtiments de végétaux et de parements hideux, allons droit au but. Cessons de prendre l’avion pour rien, supprimons les low-cost qui sont un scandale achevé, et faisons payer aux voyageurs le prix global de leur trajet. Limitons l’accès quotidien gratuit à Internet et aux réseaux sociaux, puisque plusieurs centrales nucléaires sont consacrées aux seules consommations au quotidien de films de chats et de pornographie, et bien plus encore pour le cloud.

Cessons d’étendre les agglomérations qui ont déjà absorbé en 40 ans l’équivalent en France de quatre départements.

Cessons d’utiliser des emballages plastiques pour un oui et pour un non, et rendons le possible et compréhensible à nos concitoyens. Arrêtons d’importer du maïs, du soja et des farines de poissons pour nourrir notre bétail, et rendons aux animaux l’accès aux pâturages qu’ils fertiliseront eux-mêmes. Cessons d’étendre les agglomérations qui ont déjà absorbé en 40 ans l’équivalent en France de quatre départements, soit 210 fois la surface de Paris consommée en cités pavillonnaires et zones d’entrepôts macadamisées. Enfin, cessons de détruire la SNCF et reconstruisons un fret ferroviaire obligatoire pour traverser la France en camion, comme cela se fait en Autriche et en Suisse. Toute autre approche ne serait elle pas pure vaticination ?

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Das von Amélie de Montchalin befürchtete fabelhafte Schicksal

Par : pierre

Die Verhandlungen zwischen London und Brüssel beginnen: Das Vereinigte Königreich ist weit davon entfernt isoliert zu sein und kann sich nun wieder ungehindert der Welt öffnen.

Seit Samstag, dem 1. Februar, hat das Vereinigte Königreich die Europäische Union legal verlassen (ohne dass bisher ein Tsunami über die britischen Inseln hinweggefegt ist). Aber es gibt noch eine entscheidende Etappe: das Aushandeln eines Abkommens, das die künftigen Beziehungen zwischen London und Brüssel regelt. In erster Linie betrifft es den Handel, aber auch die Sicherheit, die Verteidigung,die Energie, den Verkehr sowie die heikle Frage der Fischerei.

Diese Verhandlungen werden während der laufenden « Übergangsperiode » stattfinden, die am 31. Dezember endet. Zum großen Missfallen der EU-27 hat der britische Premierminister eine Verlängerung der Übergangszeit ausgeschlossen.

Am Montag, dem 3. Februar, haben die beiden Parteien daher wie geplant ihre Ausgangspositionen aus der Ferne präsentiert. Auf der Brüsseler Seite ist dies das « Verhandlungsmandat », das die EU-27 Herrn Barnier erteilen wird und das sie am 25. Februar nächsten Jahres formell bestätigen wird.

In London herrscht eine Stimmung des mitreißenden Optimismus

In London hat Herr Johnson eine große parlamentarische Mehrheit zur Hand.

Auf beiden Seiten des Ärmelkanals, fällt die unterschiedliche Denkweise auf. Einerseits hat sich der englische Premierminister entschieden, in die Zukunft zu blicken und von einem « neuen Aufbruch » für sein Land zu sprechen. Es ist sicherlich ein Quantum public relations dabei, aber die Stimmung ist eindeutig von mitreißendem Optimismus geprägt.

Auf der Brüsseler Seite besteht der Ton aus einer Mischung aus Warnung und Rückzug

Auf Seiten Brüssels besteht hingegen der Ton aus Warnungen und Drohungen für die Briten und man ruft etwas beunruhigt zum Schulterschluss innerhalb der EU auf.

Zugegebenermaßen schlug Michel Barnier in London ein « sehr ehrgeiziges Abkommen » an der Handelsfront vor: keine Zölle, keine Kontingente (d.h. keine Beschränkung der Importe von jenseits des gesamten Ärmelkanals). Aber mit einer großen Bedingung: dass sich das Vereinigte Königreich vertraglich verpflichtet, sich an alle geltenden EU-Regeln anzupassen und sich dem Schiedsgericht des EU-Gerichtshofs zu unterwerfen. Paris wünscht sich sogar eine « dynamische » Anpassung, d.h. dass die Briten alle zukünftigen EU-Regeln im Voraus akzeptieren.

Nach Ansicht der EU-27 solle verhindert werden, dass die Briten ihre Produkte und Dienstleistungen auf dem Kontinent zu Dumpingpreisen verhökern, indem sie soziales (d.h. durch Kürzung der sozialen Rechte, um billiger verkaufen zu können), ökologisches (durch Lockerung der Beschränkungen, wiederum um die Kosten zu senken) oder fiskalisches (durch Senkung der Steuern, um Kapital anzuziehen – ein Sport, der bereits innerhalb der EU selbst existiert, z.B. aus dem benachbarten Irland) « Dumping » betreiben.

Aber das Glück war bei der Demonstration nicht auf ihrer Seite: Die EU hat ein Freihandelsabkommen mit… Singapur ratifiziert

Kurzum, nach der in Brüssel populären Redewendung sollte um jeden Preis vermieden werden, dass unsere Nachbarn jenseits des Ärmelkanals ihr Land in ein « Singapur an der Themse » verwandeln, um auf ein hyperreguliertes Modell zu verweisen, das mit einem Freihandelsabkommen unvereinbar sei. Es gibt jedoch keine Chance für einen Beweis: Vor einem Jahr hat die EU ein Freihandelsabkommen mit… Singapur ratifiziert.

Boris Johnson schloss auf seine Weise, offen gesagt, von vornherein aus, sich einem solchen Diktat zu unterwerfen. Wir werden die britischen Regeln anwenden, ohne sie abzuschwächen, hämmerte Johnson, aber es ist nicht notwendig, einen Vertrag zu unterzeichnen, um dies zu tun.

« Werden wir Zölle auf italienische Autos oder deutschen Wein erheben mit der Begründung, dass die EU sich nicht an unsere britischen Vorschriften anpasst? Natürlich nicht! « 

Und außerdem, warum sollten die Anforderungen einseitig sein, fügte Herr Johnson klugerweise hinzu, warum sollte es nicht den Europäern obliegen, die britischen Regeln zu befolgen: « Werden wir Zölle auf italienische Autos oder deutschen Wein erheben (die Beispiele sind scherzhaft gewählt…) unter dem Vorwand, dass die EU sich nicht an unsere britischen Regeln für Plastik-Kaffeerührer oder für den Mutterschaftsurlaub angleicht? Natürlich nicht! « .

Die künftigen Verhandlungsführer unterscheiden verschiedene mögliche Szenarien: ein Abkommen « norwegischer Art », « schweizerischer », « kanadischer » oder sogar « australischer Art ». Im ersten Fall würde sich Großbritannien, wie derzeit Norwegen, zur Übernahme aller EU-Regeln verpflichten – dieses Szenario wird daher von London ausgeschlossen. Die « schweizerische » Konfiguration beinhaltet sektorale Regeln und Vereinbarungen – was Brüssel nicht gefällt. Das von London bevorzugte Szenario nach kanadischer Art bezieht sich auf den zwischen der EU und Ottawa (CETA) unterzeichneten Freihandelsvertrag, der die Zölle auf 98% der Produkte abschafft – ohne jedoch eine Angleichung der Vorschriften zu verlangen.

Was das « australische » Szenario betrifft, so wurde es von Herrn Johnson bewusst als « australisch » bezeichnet: Dieses Land handelt in der Tat allein nach den WTO-Regeln – was die Situation wäre, wenn es zu keiner Einigung käme. Aber der Hinweis auf Australien als Commonwealth-Land klingt in britischen Ohren nicht negativ.

« Wir übernehmen wieder die Kontrolle über unsere Gesetze, das ist sicher nicht um uns an die Regeln der Europäischen Union anzupassen »

Auf jeden Fall warnte der Außenminister von Anfang an: « Wir übernehmen wieder die Kontrolle über unsere Gesetze, das ist sicher nicht um uns an die Regeln der Europäischen Union anzupassen« . Eine Ohrfeige für all jene, die insbesondere in Frankreich auf ein bereits in Brino umbenanntes Brexit setzten (« Brexit in name only », ein Brexit nur als Fassade).

In der Zwischenzeit unternahm Dominic Raab eine Tournee durch Australien, Japan, Malaysia… und Singapur. Denn Großbritannien hat endlich das Recht wiedererlangt, Handelsabkommen im eigenen Namen zu unterzeichnen, was zu Zeiten der EU-Mitgliedschaft verboten war.

Die Bitterkeit war in diesen Tagen in den Korridoren von Brüssel spürbar, wo alle die britische Wahl der « Isolation » bedauerten. Michel Barnier wagte sogar zu sagen: « Ich bedauere, dass das Vereinigte Königreich sich dafür entschieden hat, eher Einzelkämpfer als solidarisch zu sein« .

Mit dem Austritt aus der EU hat sich das Land von dem Filter befreit, der seine Beziehungen zur Welt behindert hat, und kann sich ihr wieder ungehindert öffnen

Die Realität ist, dass das Land durch den Austritt aus der EU den Filter, der seine Beziehungen zur Welt (etwas) behindert hat, losgeworden ist und sich ihr wieder ungehindert öffnen kann, indem es « Freundschaft zwischen allen Nationen » pflegt, wie es in der neuen 50-Pence-Münze zur Feier des Brexit verkündet wird.

In der kommenden Zeit könnten wir daher die – noch nie dagewesene – Erfahrung machen, dass ein Land seine Souveränität wiedererlangt, die durch die EU eingeschränkt wurde: seine Freiheit, seine Gesetze zu machen und über seine Steuern zu entscheiden, aber auch an allen Fronten zu kooperieren. Und dies, ohne noch mehr unter dem makronischen Unsinn über ein mächtiges Europa mit eigener « Souveränität » leiden zu müssen. Ist das Vereinigte Königreich isoliert? Was für eine Dummheit!

Laut Amélie de Montchalin « wird der Brexit die Phantasien derjenigen beflügeln, die hier und da ihr Land aus Europa herausführen wollen »

Dies könnte anderen Ländern Anregungen geben, wovor die französische Staatssekretärin für europäische Angelegenheiten eindeutig Angst hat. In einem Interview in Le Monde (04/02/20) verrät Amélie de Montchalin ihre Besorgnis: « Der Brexit wird die Phantasien derjenigen beflügeln, die hier und da ihr Land aus Europa herausführen wollen« .

Ja, Amélie: « hier oder dort », ja, manche träumen vielleicht von einem fabelhaften Schicksal (1)…

(1) Anspielung an den berühmten französischen Film „Le fabuleux destin d’Amélie Poulain“

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Elections en Irlande : le parti nationaliste Sinn Fein triomphe grâce à son programme social

Par : pierre

Lors du scrutin irlandais du 8 février, le Sinn Fein a créé la surprise en détrônant les deux formations traditionnelles. Les électeurs ont exprimé leurs attentes sur le plan social et leur volonté de changement.

Pari vraiment raté pour le premier ministre irlandais sortant, Leo Varadkar. Mi-janvier, il déclenchait des élections surprises en comptant sur une campagne éclair de trois semaines pour remporter le scrutin fixé au 8 février.

Il misait sur son accord bilatéral négocié le 10 octobre dernier avec Boris Johnson en vue de débloquer le Brexit sans recréer de frontière « dure » avec l’Irlande du Nord, et sur l’aura qu’il en attendait. Il avait donc exhorté ses compatriotes à le reconduire avec un « mandat fort » pour la négociation qui va s’engager entre Londres et Bruxelles sur la future relation commerciale, pour laquelle l’Irlande se trouve en première ligne.

En accordant à son parti, le Fine Gael (FG, étiqueté centre-droit), seulement 20,9% des suffrages, soit une chute de 4,9 points par rapport à 2016, les électeurs ont douché ses espoirs, et manifesté qu’ils avaient d’autres priorités en tête (la participation s’est élevée à 62,9%, soit une baisse de 2,3 points). Déjà pendant la campagne, ces priorités étaient apparues au grand jour : la crise aiguë du logement, avec des loyers astronomiques dans la capitale, Dublin ; les services de santé sous haute pression ; les transports plus inadaptés que jamais.

M. Varadkar s’était prévalu d’une croissance enviable (près de 5%), mais de nombreux citoyens lui ont rappelé que celle-ci ne s’était pas traduite dans leur porte-monnaie, bien au contraire. Le parti Sinn Fein (SF), progressiste et historiquement militant de la réunification de toute l’Irlande – ce qui lui vaut le qualificatif de « nationaliste de gauche » – a précisément mené sa campagne en proposant un gel des loyers, la construction de 100 000 HLM, des moyens supplémentaires pour les hôpitaux publics, ainsi que la taxation des entreprises.

Les enseignants, de même que les assistantes maternelles ont fait grève en janvier

Et cela dans un climat revendicatif inhabituel : les enseignants, de même que les assistantes maternelles ont fait grève en janvier. Certes, le pays s’est sorti la crise terrifiante de 2008-2010 qui s’était soldée par un plan de super-austérité imposé par l’UE sous couvert de renflouement des finances publiques étranglées par la dette. Mais la population laborieuse n’a nullement profité de la reprise.

Le Sinn Fein a donc « cartonné » : avec 24,5% des voix, soit +10,7 points, il devient le premier parti en nombre de suffrages préférentiels (le mode de scrutin autorise les panachages). De nombreux observateurs ont même parlé de séisme politique, puisque le SF brise la domination historique des deux grands partis qui se partageaient la scène politique : le FG, ainsi que son traditionnel rival, le Fianna Fail (FF), également étiqueté centre-droit. Le FF ne participait pas au gouvernement sortant, mais soutenait celui-ci dans la période pré-Brexit. Avec 22,2%, il s’effrite de 2,2 points sur son score de 2016.

A 4,4% (-2,2 points), le Parti travailliste poursuit sa descente aux enfers entamée lors de sa participation gouvernementale de 2011, où il avait soutenu les plans de régression sociale mis en œuvre par le Fine Gaël. Avec 7,1%, les Verts progressent de 4,4 points sur 2016, mais chutent de 4,3 points par rapport aux Européennes de mai 2019.

Sinn Fein « dédiabolisé »

Toute l’attention se porte donc désormais sur le Sinn Fein, par ailleurs seul parti présent à la fois en Irlande, et en Irlande du Nord qui fait partie du Royaume-Uni. Il s’est manifestement « dédiabolisé » avec Mary Lou McDonald, la dirigeante qui a remplacé, en 2018, le leader historique Gerry Adams, longtemps accusé – comme le parti lui-même – d’être lié à l’IRA, et donc d’être responsable du « terrorisme » face à l’armée britannique chargée de « maintenir l’ordre » en Irlande du Nord à partir du milieu des années 1960. Ce fut une période douloureuse qui a compté des milliers de victimes, et qui s’est conclue par les accords de paix signés en 1998.

L’IRA a été dissoute, et les nationalistes souhaitent désormais obtenir la réunification de l’île par des voies pacifiques. Un objectif que partage certainement une très large majorité de citoyens de la République, mais qui ne fait manifestement pas partie de leurs priorités. Longtemps « eurosceptique », le Sinn Fein a évolué en faveur de l’Union européenne, une position qu’il a en particulier défendue lors du référendum britannique de juin 2016, lorsqu’il avait appelé les Nord-Irlandais à voter contre le Brexit (ce que firent 55,8% d’entre eux). Cependant, lors des élections européennes de mai 2019, le SF n’avait guère mobilisé sur ses positions pro-UE, puisqu’il n’avait obtenu que 11,7% des voix. A noter qu’à la différence de M. Adams, qui avait grandi dans un quartier populaire, Mme McDonald a fréquenté une école privée cossue, avant de faire des études supérieures de gestion des ressources humaines et… d’intégration européenne.

Surpris par son propre succès

Le Sinn Fein semble s’être fait surprendre par son propre succès : il n’a présenté que 42 candidats. 37 d’entre eux ont été élus sur les 160 sièges que compte la Chambre basse (le Dail). Le Fine Gael et le Fianna Fail en obtiennent respectivement 35 et 38. Aucune des désormais trois grandes forces politiques ne pourra donc gouverner seule.

Idéologiquement, rien n’empêcherait FG et FF de renouveler une alliance, fût-elle tacite, mais c’est précisément pour éviter cette configuration que M. Varadkar avait déclenché les élections. Surtout, une « grande coalition » FG-FF irait contre le vote des citoyens, qui ont voté Sinn Fein dans l’espoir d’un véritable changement.

Mais pendant la campagne, les deux grands partis sortants avaient exclu de gouverner avec le Sinn Fein, jugé trop sulfureux. Pour sa part, Mme McDonald a annoncé qu’elle voulait former un « gouvernement pour le peuple » (peut-être un écho au « gouvernement du peuple » revendiqué par Boris Johnson), et qu’elle cherchait en priorité le soutien de petits partis (sociaux-démocrates, Verts…) – une tâche qui paraît cependant complexe. Elle a par ailleurs prédit que ses deux rivaux ne pourraient pas éternellement tenir le Sinn Fein à l’écart. De fait, le leader du Fianna Fail, l’ancien ministre Micheal Martin, a semblé faire preuve d’ouverture après l’annonce des résultats.

Amusant paradoxe : des médias favorables à l’intégration européenne se félicitent du succès d’une force ouvertement nationaliste

La presse étrangère – française notamment, mais aussi à Bruxelles – exprimait, au lendemain du scrutin, sa tristesse quant à l’échec de M. Varadkar, qui devint premier ministre en 2017, à 38 ans, et incarnait pour ses pairs européens un modèle de « diversité » : métis d’origine indienne, et homosexuel déclaré. Mais ces médias croient déceler une nouvelle perspective, celle d’une réunification irlandaise au détriment du Royaume-Uni. Un tel horizon est à ce stade irréaliste, mais de nombreux commentateurs rêvent, sans doute par revanche, des déboires auxquels devrait alors faire face le gouvernement anglais. « La première réplique du Brexit » titrait ainsi Le Monde.

Ce qui explique cet amusant paradoxe : des médias favorables à l’intégration européenne se félicitent du succès d’une force ouvertement nationaliste. Dans la vraie vie, les électeurs espèrent en réalité des réponses rapides à leurs attentes sociales.

Quoiqu’il en soit, dans cette nouvelle configuration tripartite, la formation du futur gouvernement pourrait se faire attendre quelques semaines, voire quelques mois.

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Le fabuleux destin que craint Amélie de Montchalin

Par : pierre

Négociations qui s’amorcent entre Londres et Bruxelles : loin d’être isolé, le Royaume-Uni va désormais pouvoir se ré-ouvrir au monde sans entrave.

Décidément, Boris Johnson n’a pas fini de provoquer des aigreurs chez les dirigeants européens en général, chez le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, en particulier.

Depuis samedi 1er février, le Royaume-Uni a juridiquement quitté l’Union européenne (sans qu’aucun Tsunami n’ait encore emporté les îles britanniques). Mais il reste une étape décisive : la négociation d’un accord fixant les rapports à venir entre Londres et Bruxelles : commerce au premier chef, mais aussi sécurité, défense, énergie, transports, ainsi que l’épineux dossier de la pêche.

Cette négociation se déroulera pendant l’actuelle « période de transition » qui prendra fin au 31 décembre. Au grand dam des Vingt-sept, le chef du gouvernement britannique a exclu de prolonger ladite période de transition.

Lundi 3 février, comme prévu, les deux parties ont donc présenté, à distance, leurs positions de départ. Côté Bruxelles, il s’agit du « mandat de négociation » que les Vingt-sept vont confier à M. Barnier, et qu’ils valideront formellement le 25 février prochain.

A Londres, l’humeur est à l’optimisme conquérant

A Londres, M. Johnson dispose, lui, d’une large majorité parlementaire à sa main.

Mais avant même le contenu des deux documents, ce qui frappe, c’est la différence d’état d’esprit. D’un côté, le Premier ministre anglais a fait le choix de se tourner vers l’avenir, parlant d’une « nouvelle aube » pour son pays. Il faut certes faire la part de la communication, mais l’humeur est manifestement à l’optimisme conquérant.

Les esprits grognons étaient, lundi, à chercher du côté des représentants du patronat. La CBI (le Medef britannique) et les Chambres de commerce n’avaient pas été invitées, contrairement à l’habitude. Car, selon les services du 10 Downing street, le patronat « perd son temps » à faire pression sur le gouvernement « pour qu’il abandonne toutes les promesses faites au peuple britannique ».

Côté Bruxelles, le ton est aux avertissements et au repli sur soi.

Côté Bruxelles en revanche, le ton est aux avertissements et menaces en direction des Britanniques, et aux appels, un peu inquiets, à resserrer les rangs au sein de l’UE. L’humeur est au repli sur soi.

Certes, Michel Barnier a proposé à Londres un « accord très ambitieux » sur le plan commercial : zéro droit de douane, zéro quota (c’est-à-dire pas de limitation des importations en provenance d’outre-Manche). Mais en y mettant une énorme condition : que le Royaume-Uni s’engage, par traité, à s’aligner sur toutes les règles actuelles de l’UE, et à se soumettre aux arbitrages de la Cour de justice de l’UE. Paris souhaiterait même un alignement « dynamique », c’est-à-dire que les Anglais acceptent d’avance toutes les règles futures de l’UE…

Selon les Vingt-sept, il s’agit d’éviter que les Britanniques fourguent leurs produits et services sur le continent en pratiquant le « dumping » social (c’est-à-dire en rognant les droits sociaux pour vendre moins cher), « environnemental » (en allégeant les contraintes, là aussi pour faire baisser les coûts), ou « fiscal » (en abaissant les impôts pour attirer des capitaux – un sport qui existe pourtant déjà au sein même de l’UE, de la part de l’Irlande voisine, par exemple).

Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié un accord de libre échange avec… Singapour.

Bref, selon l’expression en vogue à Bruxelles, il faudrait à tout prix éviter que nos voisins d’outre-Manche transforment leur pays en « Singapour sur Tamise », manière de désigner un modèle hyper-déréglementé incompatible avec un accord de libre échange. Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié, il y a un an, un accord de libre échange avec… Singapour.

A sa manière, franche, Boris Johnson a d’emblée exclu de se soumettre à un tel diktat. Nous appliquerons les règles britanniques sans les affaiblir, a martelé Boris Johnson, mais il n’y a aucun besoin de signer un traité pour cela.

« Allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques  ? Bien sûr que non ! »

Et d’ailleurs, pourquoi les exigences seraient-elles à sens unique, a habilement ajouté M. Johnson, pourquoi ce ne serait pas aux Européens de se calquer sur les règles britanniques : « allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand (les exemples sont plaisamment choisis…) au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques concernant les touillettes à café en plastique ou sur les congés maternité ? Bien sûr que non ! ».

Les futurs négociateurs distinguent différents scénarios possibles : un accord « à la norvégienne », « à la suisse », « à la canadienne », voire « à l’australienne »… Dans le premier cas, Le Royaume-Uni, comme c’est le cas actuellement pour la Norvège, s’engagerait à adopter toutes les règles de l’UE – c’est donc l’hypothèse exclue par Londres. La configuration « helvète » comprend des règles et accords secteur par secteur – ce qui ne plaît pas à Bruxelles. Le scénario de type canadien, qui a la préférence de Londres, renvoie au traité de libre échange signé entre l’UE et Ottawa (le CETA) qui abolit les droits de douane sur 98% des produits – mais sans exiger un alignement réglementaire.

Quant à l’hypothèse « australienne », elle a été évoquée à dessein sous ce qualificatif par M. Johnson : ce pays commerce en effet selon les seules règles de l’OMC – ce qui serait la situation si aucun accord n’est trouvé. Mais la référence à l’Australie, pays du Commonwealth, ne sonne pas négativement aux oreilles des Britanniques.

« Nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne »

En tout cas, le ministre des Affaires étrangères, a d’emblée prévenu : « nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne ». Un camouflet à tous ceux, en France en particulier, qui pariaient sur un Brexit déjà rebaptisé Brino (« Brexit in name only », un Brexit seulement de façade).

Et sur ces entrefaites, Dominic Raab entame une tournée en Australie, au Japon, en Malaisie… et à Singapour. Car le Royaume-Uni a enfin récupéré le droit de signer des accords commerciaux en son nom propre, ce qui était interdit quand il était membre de l’UE.

L’amertume était palpable ces jours-ci dans les couloirs de Bruxelles où les uns et les autres déploraient le choix britannique de l’« isolement ». Michel Barnier a même osé : « je regrette que le Royaume-Uni ait choisi d’être solitaire plutôt que solidaire ».

En quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave

La réalité est qu’en quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait (un peu) son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave, en cultivant « l’amitié entre toutes les nations », comme le proclame la nouvelle pièce de 50 pence émise pour fêter le Brexit.

Dans la période qui s’ouvre, on pourrait donc assister à l’expérience – sans précédent – d’un pays qui reconquiert sa souveraineté bridée par l’UE : sa liberté de faire ses lois et de décider de ses impôts, mais aussi de nouer des coopérations tous azimuts. Et ce, sans plus devoir subir les absurdités macroniennes vantant une Europe-puissance dotée de sa propre « souveraineté ». Le Royaume-Uni, isolé ? Quelle stupidité !

Selon Amélie de Montchalin, « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe »

Voilà qui pourrait bien donner des idées à d’autres pays, comme le craint manifestement le Secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. Interviewée dans Le Monde (04/02/20), Amélie de Montchalin laisse ainsi apparaître son inquiétude : « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe ».

Oui, Amélie : « ici ou là » en effet, certains pourraient rêver d’un fabuleux destin…

Toutes les infos, complètes et mises à jour, à découvrir dans l’édition de Ruptures à paraître fin  février. Il n’est pas trop tôt (ni trop tard) pour s’abonner.

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2020 : l’automobile allemande, otage de l’affrontement sino-américain

Par : Grégoire

Pour l’industrie automobile allemande, 2020 sera une année de tension entre ses deux partenaires commerciaux, la Chine et les Etats-Unis.

Par Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, auteur notamment de Le Choc des Empires, Etats-Unis, Chine, Allemagne, qui dominera l’économie-monde ? Editions Le Débat – Gallimard (2014).

Das Auto ! Depuis un quart de siècle, l’industrie automobile est le pilier de l’économie allemande. Au lendemain de la réunification, elle a servi de modèle. Réorganisant ses chaînes de valeur, délocalisant la fabrication de ses sous-ensembles dans la Mitteleuropa (Europe centrale), privilégiant la valeur ajoutée dans les usines allemandes. Das Auto n’est pas pour rien dans le succès mercantiliste de l’Allemagne. Les marques – Volkswagen, Mercedes, Audi, Porsche, BMW – symboles de l’excellence du Made In Germany, ont conquis le marché européen. Elles se sont ensuite déployées à l’international, vers la Chine et, plus récemment, vers les Etats-Unis.

En 2015, à son apogée, l’industrie automobile allemande produisait 15 millions de véhicules, soit près de 20 % du marché mondial. Dans son sillage, une kyrielle d’équipementiers, de sous-traitants ont connu la prospérité. Das Auto pèse 13 % du PIB allemand et emploie 820 000 personnes, soit 14 % de l’ensemble des emplois industriels. Elle assure 18 % du total des exportations allemandes, 80 % de sa production étant vendue sur les marchés étrangers. En Europe, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et… en Chine.

Après deux décennies d’euphorie, c’est aujourd’hui la soupe à la grimace pour l’industrie automobile allemande

En 2019, sur les 28 millions de voitures vendues en Chine, 7 millions, soit le quart du marché, étaient d’origine allemande. Volkswagen, installé en Chine depuis les années 80, détient à lui seul 14 % du marché chinois, qui lui procure la moitié de ses profits. Daimler a un milliardaire chinois comme actionnaire, qui détient 10 % de son capital. C’est dire combien le marché chinois est essentiel pour ces groupes. Il l’est d’autant plus que le marché américain, sur lequel ils misaient beaucoup, il y a quelques années, leur a procuré des déconvenues. Volkswagen a fait l’objet d’une offensive judiciaire en règle pour avoir triché sur les émissions de particules fines de ses moteurs diesel. L’addition se monte déjà à plus de 20 milliards de dollars.

Après deux décennies d’euphorie, c’est aujourd’hui la soupe à la grimace pour Das Auto, qui découvre que la roche Tarpéienne est toujours proche du Capitole. Ses principaux marchés sont entrés en récession. Pire, son image d’excellence est atteinte par le « Dieselgate ». Tous les constructeurs doivent faire face aux changements de réglementation et à l’irruption prochaine des voitures électriques, voire du moteur à hydrogène. Or il faut dix fois moins d’ouvriers pour fabriquer un moteur électrique qu’un moteur diesel.

L’Allemagne prise en otage

Sur les 400 000 salariés de Bosch dans le monde, 50 000 dépendent du diesel. Ce basculement vers l’électrique entraîne des suppressions d’emplois outre-Rhin : d’ores et déjà, 30 000 ont été annoncées dans la filière automobile. De plus, les groupes allemands ont pris du retard en matière de véhicules électriques. À la différence des Chinois. D’où l’importance de leur coopération avec les firmes chinoises.

Or voilà que le bras de fer de Donald Trump avec la Chine bouleverse la donne. L’Allemagne, avec son industrie automobile, se trouve prise en sandwich, en otage. La trêve, dans la guerre commerciale entre Pékin et Washington, n’est que provisoire. La suprématie en matière technologique est au cœur de l’affrontement entre les deux géants. Une société en est le symbole : Huawei. Le géant des Télécoms chinois a pris quelques longueurs d’avance dans la course à l’innovation. Notamment, dans la 5G, cette technologie qui va bouleverser les économies mondiales.

Huawei a tissé sa toile patiemment, vendant aux quatre coins du monde des équipements de télécoms aux opérateurs. Développant ses propres smartphones et nouant des relations étroites avec les multinationales pour développer des applications de la future 5G. Notamment avec les grands groupes automobiles allemands, puisque demain les voitures autonomes utiliseront la 5G pour s’auto-piloter.

Huawei au cœur des tensions

Les Américains, qui se sont réveillés fort tard, ont donc décidé de bloquer Huawei. Avec un argument, qui est, d’abord et surtout, un prétexte : ses équipements pourraient être utilisés par le gouvernement chinois pour espionner, voire paralyser les réseaux de télécoms occidentaux.

Depuis deux ans, la diplomatie américaine se déploie donc tous azimuts pour stopper le groupe chinois. Avec, jusqu’à présent, plus ou moins de succès. Et l’Allemagne est piégée. D’un côté, elle a fait de l’alliance avec la Chine, pays mercantiliste comme elle, un des axes de sa diplomatie économique. Or, le gouvernement chinois vient de lui faire savoir qu’une exclusion de Huawei du marché allemand serait considérée comme une agression, qui aurait des conséquences. Elle pourrait se traduire par une exclusion des firmes allemandes du marché automobile chinois.

De l’autre côté, les Américains, dont les réseaux d’influence sont importants, notamment au sein de la CDU, menacent à peu près en ces termes : « Si vous continuez de travailler avec Huawei, il y aura des représailles contre l’industrie automobile allemande ». Celle-ci a exporté, outre-Atlantique, près de 500 000 véhicules, l’année dernière.

L’auto européenne dans le viseur de Trump

L’affaire Huawei s’ajoute désormais au conflit commercial entre Donald Trump et les Européens. Le président américain brandit la menace d’imposer des surtaxes sur les automobiles en provenance de l’UE ainsi que sur les pièces détachées. Le sujet de son ire est connu. Le fisc américain ne taxe qu’à 2,5 % les automobiles européennes, alors que les Européens imposent un droit de douane de 10 % sur les véhicules américains. Donald Trump veut un traitement équivalent des deux côtés de l’Atlantique.

En outre, il menace de taxer l’automobile européenne, si jamais les Européens mettent en place une taxe GAFA, ou d’autres impôts qui risqueraient de peser sur les multinationales américaines. C’est, bien évidemment, l’Allemagne qui, du fait de ses excédents commerciaux, à commencer par ceux de l’automobile, risque d’être le plus pénalisée par des taxes américaines.

Xi Jinping et Donald Trump demandent à l’Allemagne de choisir son camp

Pendant un quart de siècle, l’Allemagne a profité de la mondialisation, jouant la Chine et les Etats-Unis. Aujourd’hui, les temps changent. Il va lui devenir de plus en plus difficile de faire le grand écart. Xi Jinping et Donald Trump lui demandent de choisir son camp. Si les responsables allemands tergiversent trop, le pays risque même de perdre sur les deux tableaux et de se faire pousser dehors des deux marchés.

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En 2020, une nouvelle Commission intrusive et démissionnaire

Par : Grégoire

La nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen marquerait le retour du politique en faveur d’une Europe-puissance ? Un scénario improbable pour 2020…

Par Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la fondation Res Publica

En 2020, l’installation de la nouvelle Commission européenne, née des amours contrariées d’une majorité parlementaire qui croyait détenir le candidat légitime et de deux gouvernements nationaux désirant le passage en force, signerait-elle le retour au primat du politique ? L’auteur de ces lignes ne demanderait qu’à le croire : ne pourrait-on passer, après tout, par profits pertes l’ADN démocratique douteux d’un organe – la Commission – mi-législatif, mi-exécutif, qu’aucune instance légitime ne contrôle ? Et ce pour permettre enfin à l’Union européenne de définir le périmètre d’une souveraineté retrouvée ?

Cette évolution serait ô combien utile : dans le monde instable qui est celui de ce premier tiers du XXIeme siècle, il faut considérer l’enjeu de la puissance économique, voire financière, d’une zone qui, potentiellement, pourrait être un acteur majeur. Cette analyse est indispensable au regard du bénéfice que pourrait en tirer nos peuples.

Le monde est encore dominé par une puissance américaine plus arrogante que jamais, plus dangereuse aussi pour la paix

Las, les ententes gouvernementales à deux ou trois Etats (à les supposer réelles) ne suffiront pas à reverser la tendance. Dans un monde encore dominé par une puissance américaine plus arrogante que jamais, plus dangereuse aussi pour la paix, les projets et annonces de la nouvelle Commission restent marqués, avec un style différent, par la soumission à l’extérieur de l’UE et l’arrogance à l’intérieur.

Restriction des aides publiques

C’est Margrethe Vestager, vice-présidente, chargée de la concurrence et du numérique qui d’emblée (1) annonce, en guise de nouvelle politique de la concurrence, la révision du système de prohibition des aides publiques. Fort bien ! se dit-on… Car le recours à de telles aides constituent un sujet majeur pour le développement économique des territoires nationaux et régionaux. Hélas ! Il ne s’agit pas, dans l’esprit de la Commissaire, de libérer les initiatives nationales mais au contraire d’intégrer plus encore le contrôle des leviers étatiques en réduisant « la liste des secteurs que les Etats pourront aider à compenser le surcoût occasionné (…) à cause du green deal ».

Pas question donc, bien au contraire, de pousser enfin au développement des industries nationales. Quant aux fusions (pour ceux qui croient aux « champions européens »), la Commissaire qui s’est rendue célèbre par un despotique verdict sur la fusion Alstom-Siemens prévient d’emblée : le projet de fusion PSA-Fiat-Chrysler « sera regardé ». Pas au point toutefois de s’étonner de voir le futur groupe choisir le statut fiscal néeerlandais : ce type de concurrence interne, un des plus nocifs, n’a jamais ému la Commission et l’on sent bien que cet état de fait est appelé à durer.

Langue de bois

Enfin la concurrence des pays tiers soutenant leurs entreprises jusqu’en Europe doit-elle donner lieu à une politique spéciale de la Commission ? « C’est un problème, c’est vrai », reconnaît gravement l’éminente experte. Mais « nous n’avons pas de règles qui nous permettent de nous y attaquer ». Heureusement, « nous y réfléchissons ». Tout cela se passe de commentaires tant le renoncement à toute volonté de type étatique se conjugue avec l’imperium sur les Etats nations, soumis, de par le bon vouloir des traités, à une telle philosophie.

Dans son entretien avec Donald Trump, la présidente de la Commission a fait acte d’allégeance

Quant à la présidente de la Commission (qui devrait, si l’on comprend bien, faire, à la tête de cette institution, preuve d’une réussite qu’elle n’a pas connue dans son pays d’origine…), qu’en attendre ? Ursula von der Leyen a certes confié aux Echos (2) que « l’Europe doit faire la course en tête ». La belle déclaration que voilà… Si certaines de ses positions – acceptation du mix énergétique de chaque Etat, par exemple – semblent moins impériales que celles de son incontrôlable prédécesseur, son absence de soutien à la taxe Gafa, encore confirmée dans son entretien avec Donald Trump à Davos le 22 janvier, laisse les Etats, en premier lieu la France, dans la situation humiliante de rétropédaler en attendant le mécanisme (de longue date annoncé) qui serait demain préconisé par l’OCDE. Ne mentionnons même pas l’abaissement de l’Europe dans le conflit Etats-Unis/Iran comme un fait nouveau : dans son entretien avec Donald Trump, la présidente de la Commission a fait acte d’allégeance. Cette attitude est bien plutôt le témoignage que rien n’a changé depuis l’installation de la nouvelle « dream team »   (« équipe de rêve ») à la tête de l’UE.

« Dream team » ? Il en faudra plus, beaucoup plus pour que les peuples éprouvent ce minimum de fierté sans lequel il n’est même pas besoin de parler d’un « nouveau départ »…

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

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1 Entretien dans Le Monde du 20 décembre 2019

2 Entretien dans Les Echos du 27 décembre 2019

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Le Brexit et la trahison du thatcherisme (éditorial de Ruptures n°92)

Par : pierre

Boris Johnson serait-il devenu bolchévik ?

Historique. Pour une fois, le terme n’est pas galvaudé. Le 31 janvier au soir, le Royaume-Uni aura juridiquement quitté l’Union européenne. Avec la chute du mur de Berlin – mais dans un sens opposé – il s’agit probablement du plus important événement européen depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Dès le référendum, et malgré une suite incroyable d’embûches, sa réalisation ne faisait in fine aucun doute – c’est ce que nous n’avons cessé d’analyser dans ces colonnes.

Le dépit a saisi tous ceux qui ont eu jusqu’au bout l’illusion de pouvoir faire dérailler le processus, moyennant guérilla parlementaire et pression bruxelloise. Quelques jours avant les élections décisives du 12 décembre, qui tournèrent au plébiscite en faveur du Brexit, certains partisans de l’UE affirmaient encore que, grâce à l’inscription récente et massive de jeunes sur les listes électorales, le choix du 23 juin 2016 allait pouvoir être retoqué.

Très cruel paradoxe pour les partisans de l’Europe : la guerre d’usure que menèrent les députés pro-UE à Westminster a bloqué l’accord signé en novembre 2018 entre Bruxelles et Theresa May, alors même que cette dernière avait accepté d’y graver concession sur concession. A l’inverse, en affirmant que la Grande-Bretagne sortirait « quoi qu’il arrive, avec ou sans accord », son successeur a arraché un traité bien plus net et fait voter une application qui concrétise un Brexit bien plus « dur »… Boris Johnson a en outre exclu que les négociations pour fixer le cadre des futures relations bilatérales se traduisent par un « alignement » sur les règles des Vingt-sept.

Quitter l’Union européenne ne signifie nullement qu’adviendra mécaniquement une politique progressiste. Simplement, le pays reconquiert la liberté d’opter en ce sens

Bien sûr, quitter l’Union européenne ne signifie nullement qu’adviendra mécaniquement une politique progressiste. Simplement – et c’est évidemment l’essentiel – le pays partant reconquiert la liberté d’opter en ce sens. A cet égard, les signaux qui proviennent de Londres pourraient être pires. Une des premières décisions du « gouvernement du peuple » (selon l’appellation revendiquée par M. Johnson) a été d’augmenter de 6,2% le salaire minimum – un record.

Le locataire de Downing street a indiqué dans la foulée qu’il ne se rendrait pas à Davos « parce qu’il y a plus urgent à faire que d’aller trinquer avec les milliardaires ». Démagogique ? Peut-être. Mais doit-on également moquer ainsi un programme qui s’engage à réinvestir massivement dans les services publics (notamment la santé), les infrastructures (notamment ferroviaires), et à rééquilibrer les priorités en faveur des régions les plus déshéritées ? Le premier ministre vient même de renflouer un transporteur aérien dont la faillite aurait laissé à l’abandon nombre de liaisons régionales. Une décision contraire aux règles de l’UE – mais aussi une « trahison du thatchérisme », selon le quotidien conservateur The Telegraph.

Boris Johnson s’est-il converti au bolchevisme ? C’est peu probable. Mais au lieu de faire un bras d’honneur aux classes populaires après que celles-ci ont assuré sa victoire, il projette sans doute de s’ancrer à long terme au sein de celles-ci, en profitant du fossé qui s’est creusé entre les ouvriers et une « gauche » favorable à l’UE et à l’ouverture des frontières.

Il faudra juger sur pièces. Ce qui est certain, c’est que le Brexit a et aura des conséquences bien au-delà du Royaume-Uni. Alors que durant des mois, l’on nous a présenté la sortie de l’UE comme une interminable torture sans autre perspective que le chaos, désormais, chaque jour qui passe sans que le pays ne sombre dans l’abîme va constituer un cinglant désaveu de cette propagande.

Donc, on peut sortir de l’UE sans brûler en enfer. Pour les dirigeants européens, cela va devenir une bien fâcheuse évidence

Le président de la Banque d’Angleterre, le Canadien Mark Carney, avait été l’un des plus acharnés prophètes de l’apocalypse dès la campagne référendaire de 2016. Bougon, il vient de concéder discerner « la réduction des incertitudes », pour affirmer toutefois que le rebond économique « n’est pas assuré ». Ce qui dénote quand même une petite évolution par rapport à la catastrophe certaine… On note au passage que l’homme vient de quitter ses fonctions pour remplacer le milliardaire américain Michael Bloomberg comme représentant de l’ONU pour le climat – un autre poste où il brillera par l’annonce des catastrophes bien connues…

Donc, on peut sortir de l’UE sans brûler en enfer. Pour les dirigeants européens, cela va devenir une bien fâcheuse évidence. Taraudés par cette angoisse, ils viennent de lancer un processus de « rénovation » de l’UE censé durer deux ans et associant les « citoyens européens » via un « grand débat » à la Macron.

Grandiose !

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

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Que va-t-il advenir en 2020 ?…

Par : pierre

Le site relance une nouvelle série d’Opinions, au rythme de deux ou trois contributions publiées chaque semaine.

Nous avons fait plancher nos contributeurs invités sur le thème : que peut-il bien se passer en 2020 ? Ou pas…

Thèmes liés à l’Europe, à la politique internationale, à la situation économique et sociale française. Prospective et prédictions, au choix.

Comme d’habitude, les textes de la rubrique Opinions n’engagent pas la rédaction de Ruptures. Ils se veulent des contributions à la réflexion et aux débats.

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Face à face sur RT entre François Poulet-Mathis et Pierre Lévy : le Brexit n’a pas fini de faire débat

Par : pierre

La chaîne RT recevait, mercredi 29, deux débatteurs d’opinions opposées.

François Poulet-Mathis, longtemps journaliste responsable des questions européennes sur le service public de télévision, a pointé les risques liés selon lui au départ du Royaume-Uni.

Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, a insisté sur son analyse : le Brexit, décidé par une majorité du peuple, est un événement avant tout politique permettant la reconquête de la souveraineté.

Un débat sans concession, mais courtois et factuel. Qui en annonce d’autres, car l’Histoire n’est pas finie…

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Washington bekannte sich zu einem politischen Attentat: EU empfohl dem Iran « Zurückhaltung »…

Par : pierre

Es ist wahrscheinlich noch zu früh, um alle Gründe zu erkennen, die den amerikanischen Präsident dazu veranlasst haben, die Ermordung eines von den Iranern als Held betrachteten Generals und seines irakischen Stellvertreters anzuordnen. Es ist jedoch möglich, auf einen spektakulären Kontrast hinzuweisen.

Einerseits ein militärischer Angriff von außergewöhnlicher Schwere, sowohl politisch als auch juristisch. Um dies zu messen, reicht es beispielsweise aus, sich vorzustellen, dass Wladimir Putin den ranghöchsten ukrainischen Offizier an der Ostfront, auf dem Boden eines engen Verbündeten von Kiew, liquidieren gelassen hätte. Oder dass der iranische Supreme Guide zu der Eliminierung des berühmtesten amerikanischen Generals auf britischem Territorium sich stolz bekannt hätte.

Man wagt es kaum, sich die kriegerischen Tiraden, die Geräusche von Stiefeln und Schwertern vorzustellen, ganz zu schweigen von den apokalyptischen Sanktionen, die den Planeten in kürzerer Zeit erwärmt hätten, als es für einen rachsüchtigen Tweet nötig ist.

Der einfache diplomatische Begriff « Verurteilung » (der in vielen anderen Fällen so üblich ist) kam natürlich aus keinem Brüsseler Mund

Andererseits waren die Reaktionen der europäischen Hauptstätden, und der höchsten EU-Politikern, nach der vom Weißen Haus angeordneten Razzia, bemerkenswert mäßig, sogar nachsichtig. Unnötig zu sagen, dass der einfache diplomatische Begriff « Verurteilung » (der in vielen anderen Fällen so üblich ist) natürlich aus keinem Brüsseler Mund kam. Nur wurden zu hören die Worte « Sorge » und « Besorgnis ».

Besser noch: Die « Aufrufe zur Zurückhaltung » wurden « an beide Seiten » gerichtet, bevor die Mahnungen zur « Mäßigung » schließlich ausschließlich nach Teheran umgeleitet wurden, sobald der Iran angedeutet hat, dass er ein solches Verbrechen nicht ungestraft lassen wird.

Und als Donald Trump zweimal hämmerte, dass er nicht zögern würde, persische Kulturstätten zu bombardieren, antwortete die Europäische Kommission, als sie von Journalisten befragt wurde, dass sie « keinen Kommentar » abzugeben habe. (Der Sprecher des britischen Premierministers seinerseits erinnerte daran, dass es sich dabei um « Kriegsverbrechen » handeln würde; danks der Nähe des Brexits fühlte sich Boris Johnson offensichtlich frei, das Schweigen Brüssels zu übergehen).

Die Haltung der EU wird im Übrigen nicht überraschen. Ihre Verbundenheit mit dem westlichen Lager ist genetisch bedingt. Und die brüsselerische Verurteilung der US-Kommandos zu erwarten war so realistisch wie die Vorstellung, dass die NATO ihre Elitetruppen mobilisieren würde, um den Arm Washingtons zu behindern…

Irans Besonnenheit

Zu diesem Zeitpunkt musste jeder feststellen, dass die iranische Reaktion von großem Besonnenheit war. Sogar so sehr, dass man, wenn man einigen Abgeordneten und Mainstream-Medien zuhört, fast eine heimliche Enttäuschung erahnen kann… Dieselben Leute sprachen am Tag zuvor von der Gefahr einer « Spirale ». Ein Begriff, der nicht falsch ist, der aber die jeweiligen Verantwortungen unklar lässt.

Es ist daran zu erinnern, dass die Spannungen zwischen Washington und Teheran zunächst durch die US einseitige Kündigung des Abkommens mit dem Iran im Mai 2018 wiederbelebt wurden, das darauf abzielte, die Produktion von (ziviler) Kernenergie durch dieses Land zu begrenzen (ein Abkommen, das man im Übrigen nicht bewundern muss, da es der Islamischen Republik unrechtmäßige Beschränkungen auferlegt).

Man kann sich die Rolle der amerikanischen (und britischen) Führer beim Sturz des Premierministers Mohammad Mossadegh im Jahr 1953 in Erinnerung rufen

Und wenn man auf ältere Quellen zurückgreifen will, muss man sich die – längst bekannte – Rolle der amerikanischen (und britischen) Führer beim Sturz des fortschrittlichen und nationalistischen Premierministers Mohammad Mossadegh im Jahr 1953 in Erinnerung rufen; es handelte sich schon darum, die westliche Vorherrschaft in diesem ölreichen Schlüsselland des Nahen Ostens aufrechtzuerhalten.

Die Folgen der Ermordung von General Soleimani sind vorerst nicht gerade zum strategischen Vorteil der Vereinigten Staaten.

Die Iraner, sowohl regierungsfreundlich als auch regierungsfeindlich, fanden sich millionenfach hinter den Behörden vereint, um das amerikanische Verbrechen anzuprangern, obwohl einige Wochen zuvor hart unterdrückten Anti-Regierungsdemonstrationen stattgefunden hatten.

Im Irak werden diejenigen, die den iranischen Einfluss im Land in Frage stellten – ein Bestandteil der jüngsten Protestbewegung – marginalisiert.

Die Tendenz der Ölpreise wurde nach oben orientiert, was von den ölproduzierenden Ländern, einschließlich Russland (und Venezuela), nur begrüßt werden kann. Aber das tut dem amerikanischen Präsident und Kandidat nicht viel Gutes, dessen Wähler die Aussicht auf höhere Treibstoffpreise wahrscheinlich kaum schätzen.

Die letztendliche Folge dieser geostrategischen Umwälzungen ist schliesslich, dass Greta Thunberg aus den Schlagzeilen verschwunden ist.

Leider nur vorübergehend.

 

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Ruptures n°92 est paru

Par : pierre

L’édition de janvier est parue.

Au sommaire :

– l’éditorial qui souligne le caractère historique du Brexit, pointe le paradoxe d’avoir vu les pro-UE bloquer le précédent accord avec Theresa May, ce qui aboutit finalement à une sortie plus « dure », et évoque les perspectives au-delà du Royaume-Uni

– une analyse du « Pacte vert » lancé par Bruxelles contre le « changement climatique », en réalité pour financer les conséquences des centaines de milliers d’emplois condamnés par la transition écologique, et pour garantir la rentabilité des capitaux privés

– un compte-rendu de la dernière ligne droite avant la sortie, le 31 janvier, du Royaume-Uni, avec désormais de dures négociations sur les relations futures, que Boris Johnson entend conclure sans prolonger la période de transition au-delà du 31 décembre ; et un focus sur la transformation en profondeur du paysage politique britannique

– une analyse des deux élections régionales du 27 janvier en Italie où la Ligue a progressé, conquerrant la Calabre mais sans arracher le bastion d’Emilie-Romagne, tandis que l’effondrement du M5S fragilise encore plus la coalition au pouvoir

– un coup de projecteur sur la coalition entre Conservateurs et Verts formée en Autriche, un modèle que la droite européenne souhaite reproduire dans d’autres Etats membres, à commencer par l’Allemagne, et qui conjugue écologie et régression sociale

– le point sur la situation politique en Espagne, où le socialiste Pedro Sanchez a réuni de justesse une majorité pour une coalition avec Podemos, avec à la clé un gouvernement très fidèle à Bruxelles

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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Washington revendique un gravissime assassinat politique : l’UE recommande la « retenue »… à l’Iran

Par : pierre

Il est sans doute trop tôt pour cerner toutes les raisons qui ont conduit le président américain à ordonner l’assassinat d’un général considéré par les Iraniens comme un héros, et de son adjoint irakien. Il est en revanche possible de pointer un extraordinaire contraste.

D’un côté, un assaut militaire d’une exceptionnelle gravité, tant politique que juridique. Pour mesurer celle-ci, il suffit par exemple d’imaginer Vladimir Poutine diligentant la liquidation du plus haut gradé ukrainien auréolé de gloire sur le front de l’Est, et ce, sur le sol d’un proche allié de Kiev. Ou bien le Guide suprême iranien revendiquant fièrement l’élimination sur le territoire britannique du plus illustre des généraux américains.

On ose à peine imaginer les tirades guerrières, les bruits de bottes et de sabre, sans parler des sanctions apocalyptiques qui n’auraient pas manqué de réchauffer la planète en moins de temps qu’il ne faut pour composer un tweet vengeur.

Le simple terme diplomatique de « condamnation » n’est sorti d’aucune bouche bruxelloise

De l’autre, après le raid ordonné par la Maison-Blanche, les réactions des chancelleries européennes, et singulièrement des plus hauts responsables de l’UE, ont brillé par leur modération, pour ne pas dire leur indulgence. Faut-il préciser que le simple terme diplomatique de « condamnation » (dont on n’est guère avare par ailleurs) n’est évidemment sorti d’aucune bouche bruxelloise. Tout juste a-t-on entendu « inquiétude », « préoccupation ».

Mieux : les « appels à la retenue » ont été adressés « aux deux parties », avant que les exhortations à la « modération » ne soient finalement redirigés exclusivement vers Téhéran, dès lors que l’Iran a indiqué qu’il ne laisserait pas un tel forfait impuni.

Et quand Donald Trump a martelé, à deux reprises, qu’il n’hésiterait pas à bombarder les sites culturels perses, la Commission européenne, interrogée par des journalistes, a répondu… qu’elle n’avait « aucun commentaire » à faire. (Pour sa part, le porte-parole du Premier ministre britannique a rappelé qu’il s’agirait de « crimes de guerre » ; Boris Johnson, qu’on ne peut vraiment pas accuser d’anti-américanisme excessif, s’est manifestement senti libre de passer outre le silence de Bruxelles, proximité du Brexit oblige).

On ne s’étonnera pas, au demeurant, de l’attitude de l’UE. Son attachement au camp occidental est génétique. Et la voir condamner l’attaque américaine était aussi réaliste que d’imaginer l’OTAN mobiliser ses troupes d’élites pour entraver le bras de Washington…

Riposte iranienne très pondérée

A ce stade, chacun a été obligé de constater que la riposte iranienne s’est caractérisée par une grande pondération. Au point même qu’à écouter certains eurodéputés et journalistes de grands médias, on devine presque une secrète déception… Les mêmes parlaient pourtant la veille du risque d’« engrenage ». Un terme certes pas faux, mais qui laisse dans le flou les responsabilités respectives.

Car, faut-il le rappeler, les tensions entre Washington et Téhéran ont été initialement relancées par la dénonciation unilatérale par Washington, en mai 2018, de l’accord avec l’Iran visant à limiter la production de nucléaire (civil) par ce pays (un accord qu’on n’est par ailleurs pas obligé d’admirer, tant il impose des restrictions illégitimes à la République islamique).

Faut-il rappeler le rôle des dirigeants américains dans le renversement, en 1953, du Premier ministre progressiste et nationaliste Mohammad Mossadegh ?

Et si l’on veut remonter vers des sources plus anciennes, faut-il rappeler le rôle – depuis longtemps bien connu – des dirigeants américains (et britanniques) dans le renversement, en 1953, du Premier ministre progressiste et nationaliste Mohammad Mossadegh, histoire de maintenir la domination occidentale dans ce pays-clé du Moyen-Orient, riche en pétrole.

Pour l’heure, les conséquences du meurtre du général Soleimani ne sont pas exactement à l’avantage stratégique des Etats-Unis.

Les Iraniens, favorables au pouvoir comme opposants, se sont retrouvés unis par millions derrière les autorités dans la dénonciation du crime américain, alors que des manifestations anti-gouvernementales durement réprimées avaient eu lieu quelques semaines auparavant.

En Irak, ceux qui mettaient en cause l’influence iranienne dans le pays – une composante du mouvement de protestation récent – sont de fait marginalisés.

Le cours du pétrole est orienté à la hausse, ce qui ne peut que réjouir les pays producteurs, dont la Russie (et le Venezuela), mais ne fait guère les affaires du président-candidat américain, dont les électeurs risquent de modérément apprécier la perspective d’une hausse des prix du carburant.

Enfin, ultime conséquence de ces soubresauts géostratégiques : Greta Thunberg a disparu de la une des médias.

Hélas, provisoirement.

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Die Abwesenheit (Leitartikel, Dezember-Ausgabe von Ruptures)

Par : pierre

Es gibt nur ein gemeinsames Merkmal zwischen den Aufständen : das Fehlen einer politischen Alternative

Leben wir in einer Zeit der Aufstände? Chile, Kolumbien, Ecuador, aber auch Hongkong, und natürlich Iran, Irak, Libanon, Algerien [Foto]… Sollen wir auch Frankreich hinzufügen, sowie Finnland (wo sich eine mächtige Streikwelle abzeichnet)? Die Versuchung, eine Analogie herzustellen, ist groß. Aber sie ist gefährlich, da jede Bewegung in ihren einzigartigen historischen, wirtschaftlichen und sozialen, kulturellen und politischen Realitäten verwurzelt ist, die nicht vergleichbar sind.

Es handelt sich dabei um das Aufflammen von Bränden, von denen alle überrascht wurden. Aber damit enden die Gemeinsamkeiten auch schon. Welchen Sinn hat es, die Demonstranten, die in Bogotá gegen eine ultra-liberale Macht demonstrierten, in denselben Topf zu werfen wie die goldene Jugend von La Paz, die es schaffte, die Entscheidung der Wahlurnen zu kippen, die gerade den progressiven Evo Morales zurückgebracht hatte? Oder die wohlhabenden pro-westlichen Krawallmacher in Hongkong und die Revolten in Santiago de Chile, für die der Anstieg der U-Bahn-Tarife ein Abrutschen ins Elend bedeutet?

Zwei Kriterien können eine erste Vorstellung von jeder dieser Bewegungen geben. Einerseits gibt es die Beschreibung, die die herrschenden Medien anbieten: Je nachdem, ob man in Caracas zum Sturz der chavistischen Regierung marschiert oder in Bogotá, um einen anständigen Lebensstandard zu fordern, wird man mit Begeisterung begrüßt oder nur beiläufig erwähnt. Andererseits ist da die soziale Zusammensetzung. So drückt sich die Wut des irakischen Volkes entlang der Frontlinie der Ärmsten aus, vor allem der Arbeiterklasse. Im Libanon hingegen war die Mittelschicht die treibende Kraft der Bewegung.

Wenn man wirklich ein gemeinsames Merkmal herauslesen will, zumindest für die Aufstände, die einen Fortschrittsgedanken repräsentieren, so gibt es einen… der sich aber eher durch Abwesenheit auszeichnet: das Fehlen einer politischen Alternative. Ein schwerwiegender Mangel, der objektiv gesehen den Aufständischen nicht viel Hoffnung lässt. Von Bagdad bis Beirut über Algier lehnen viele Menschen sogar die Idee eines Sprechers ab – was an die französischen Gelbwesten erinnert. Diese Ablehnung jeglicher Repräsentation ist nach der Erfahrung der Gleichgültigkeit und des Verrats der traditionellen politischen Parteien ganz verständlich. Aber es ist ein tödliches Handicap. In keinem der genannten Länder – auch nicht in Frankreich – gibt es eine politisch entschlossene, straff organisierte und ideologisch kohärente Kraft, die die Aussicht auf einen Bruch mit der Vergangenheit herbeiführen könnte.

Wirtschaftliche « Zwänge », politische Einflussnahme, ideologische Vergiftung: Diese Waffen sind ein Hindernis für das Streben nach Fortschritt und Unabhängigkeit

Diese Abwesenheit, die von den Verfechtern der globalisierten Ordnung offensichtlich mit Sorgfalt gepflegt wird, beruht auf drei Arten von Hindernissen. Das erste ist ökonomischer Natur: Die Staaten sind durch den freien Waren- und Kapitalverkehr in einer Situation der « Interdependenz », d.h. in eine Situation der gegenseitigen Abhängigkeit, versetzt worden: Die Globalisierung der Wertschöpfungsketten zielt auch auf die Entschärfung sozialer Revolutionen ab.

Das zweite ist die Schaffung integrierter Institutionen, deren eigentlicher Zweck darin besteht, politische Entscheidungen außerhalb der Reichweite der Völker zu platzieren, indem ihnen ihre wirkliche Souveränität gestohlen wird. Die Europäische Union ist ein Prototyp dafür – und der nun bevorstehende Austritt des Vereinigten Königreichs ist ein eindrucksvolles Gegenbeispiel.

Das dritte ist ideologischer Natur. In einer Zeit, in der das herrschende Denken dazu neigt, die Jugend für ebenso absurde wie reaktionäre Ziele demonstrieren zu lassen – wie die « Rettung des Planeten » – was den immensen Vorteil hat, beträchtliche (aber nicht unbedingt erneuerbare) kollektive Energien umzuleiten. Es ist erwähnenswert, dass der UN-Klimaschützer Michael Bloomberg, einer der reichsten Milliardäre Amerikas (und ehemaliger Bürgermeister von New York) den Job gerade an den kanadischen Mark Carney, den derzeitigen (wütenden Anti-Brexit-) Gouverneur der Bank of England, übergeben hat. Es ist schwer, bessere Symbole der globalisierten Oligarchie zu finden…

Ökonomische « Zwänge », ideologische Vergiftung, politische Einflussnahme: Diese Waffen halten noch immer das Streben des Volkes nach sozialem Fortschritt und, untrennbar davon, nach nationaler Unabhängigkeit, in Schach. Dies wird durch das Ultimatum von Jean-Yves Le Drian, dem französischem Aussenminister, der eine UN-Gruppe mit anführt, die den Libanon unterstützen soll, belegt: Emmanuel Macrons getreuer Haudegen (nachdem er diese Dienste schon für François Hollande ausgeübt hat) rief die politische Klasse des Landes der Zedern auf, « sich des Ernstes der Situation und des Rufs der Straße bewusst zu werden »… Eine ganz gewöhnliche Einmischung, die sich die Hisbollah (eine schiitische Partei, die sich der Souveränität des Libanon verpflichtet hat) nicht erlaubte, mit Ironie an ihren Absender zurückzuschicken.

Schade?

Pierre Lévy

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Les élections présidentielles ont révélé la cohabitation de trois Algérie

Par : pierre

Alors que le général Gaïd Salah, qui s’était imposé comme l’homme fort de l’Algérie actuelle, vient de décéder, quelles leçons tirer du récent scrutin présidentiel ?

Par Pierre Vermeren, professeur à Paris 1 en Histoire des sociétés arabo-berbères contemporaines. A récemment publié chez Albin Michel, Déni Français. Notre histoire secrète des liaisons franco-arabes, Paris, octobre 2019.

 

Depuis février 2019, une immense et durable protestation populaire s’est levée en Algérie, parfois qualifiée de révolution. Le Hirak – mot-à-mot le mouvement en arabe – évoque immanquablement les « printemps arabes » qui, en 2011, ont renversé en quelques mois des pouvoirs présentés comme inébranlables, sans toujours y parvenir vraiment (en Syrie et en Egypte notamment). L’Algérie, alors riche de sa rente pétrolière, encore traumatisée par sa récente guerre civile – dite « décennie noire » (1992-2000/02) – était passée à côté de ces évènements.

Rien de tel en 2019. Tout au long de l’année, une vague populaire a successivement contesté le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika (grabataire et presque muet depuis son AVC de 2013), l’élection de son successeur à la hussarde en moins de trois mois conformément à la constitution, et enfin la présidentielle du 12 décembre dernier, orchestrée par le chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah – décédé brutalement le 23 décembre – au profit de son obligé Abdelmadjid Tebboun.

Toutes les semaines, des centaines de milliers, voire des millions, de manifestants pacifiques, à l’humour corrosif, ont défilé dans de nombreuses villes du pays, et spectaculairement à Alger, les mardi (étudiants) et les vendredi (tous manifestants). Ces immenses cohortes ont obtenu la décapitation du système de Bouteflika, notamment des deux clans principaux qui se partageaient avec une violence feutrée le pouvoir et le surplus de la rente pétrolière, une fois réalisées les dépenses nécessaires.

Ces deux clans étaient dirigés d’une part par le frère cadet du président, Saïd Bouteflika, entouré de ses hommes d’affaires, dont le chef du patronat, et d’anciens premiers ministres. Et de l’autre par les patrons – actuels et anciens – du DRS (l’ex-Sécurité militaire), d’anciens officiers supérieurs et des hommes d’affaires. Plusieurs dizaines de ces hommes ont été mis en prison, contraints à l’exil ou à tout le moins mis à l’écart. Gaïd Salah, le nouvel homme fort, a même offert aux Algériens à la veille des élections de décembre la condamnation de deux anciens premiers ministres à 12 et 15 ans de prison.

On ne pouvait toutefois ignorer, en ce début décembre 2019, que tout cela s’était déroulé en bon ordre. Passé les premières semaines incertaines du Hirak, non dénuées de provocations, le pouvoir s’est finalement habitué à ces foules sympathiques et polies, disciplinées et joyeuses, appelant à une seconde République. D’autant que la foule proclamait la fraternité entre l’armée et le peuple, et louait la modération des militaires.

Mais toutes les mesures qui ont été prises l’ont été avec l’aval de l’état-major et des services de renseignement. Et dès l’été, tout le monde a pu observer un raidissement progressif des autorités (cela a commencé par l’interdiction anachronique des drapeaux amazighes dans les manifestations). Il est vrai que le général Gaïd Saleh, qui n’était pas très connu en 2000, doit la seconde partie de sa carrière au président Bouteflika, et que c’est donc un des plus fidèles de ce dernier qui a accompagné les évènements de 2019. Puis il a fait élire un de ses proches, l’apparatchik Abdelmadjid Tebboun, à la tête de l’Etat.

Au pacifisme des manifestants s’est opposée une volonté ferme et déterminée de garder le contrôle du processus politique

Au pacifisme prudent et délibéré du peuple des manifestants s’est opposée une volonté ferme et déterminée de garder le contrôle du processus politique. Jamais le pouvoir n’a vacillé dès lors que sa colonne vertébrale repose sur une armée disciplinée qui contrôle la police et les renseignements, mais aussi la redistribution du « sang » qui irrigue l’Algérie, les hydrocarbures.

Certes, la « révolution » était (et est) fraîche et joyeuse, polyglotte et ironique, inventive et déterminée, et elle a tout pour plaire aux médias internationaux et aux opinions publiques des démocraties. Mais elle ne pouvait faire oublier que l’Etat algérien, qui a presque soixante ans d’existence, s’est construit sur une sainte trilogie : l’armée, le parti-Etat (FLN et RND) et la famille des moudjahidine.

Or rien n’a jamais signalé que cette trilogie, qui aurait tout à perdre d’un changement révolutionnaire ou d’un grand bain démocratique, ait vacillé. De 2011 à la victoire de Bachar el Assad en 2017, beaucoup avaient déjà voulu croire à l’effondrement du parti Baath et de l’Etat nationaliste et socialiste syrien, qui à bien des égards, est proche du FLN (minorités ethniques et religieuses en moins). Déjà à l’époque, on n’avait pas voulu voir que la bourgeoisie d’Etat, y compris sunnite, était solidaire du pouvoir, et qu’elle n’avait nullement pris le parti d’une aventure politique révolutionnaire. C’est ce que nous venons de redécouvrir en Algérie, et si nous ne l’avons pas fait, il va falloir s’y habituer.

Trois Algérie

Le scrutin du 12 décembre vient en effet de démontrer qu’il existe trois Algérie. La première est celle qui s’est rêvée libre et démocratique, qui s’est illustrée dans les manifestations de 2019, et pour laquelle l’opinion dominante en Europe a les yeux de Chimène. Elle a appelé au boycott électoral (près de 90% de boycott à l’étranger et en Kabylie), mais elle n’a pas écrasé les deux autres Algérie.

Le deuxième est celle qui s’abstient et ne se sent pas (ou plus) concernée par le jeu électoral : ou bien elle n’y croit pas et a perdu toute illusion ; ou bien elle se rêve exilée et prépare son avenir à l’étranger, ainsi que le rêvent la majorité des jeunes Algériens et de nombreux cadres. Ou bien encore elle est désocialisée et lumpen-prolétarisée, sortie du jeu politique : plusieurs millions d’Algériens n’ont même pas de carte électorale (24,5 millions de cartes pour 44 millions de citoyens, en comptant la diaspora encartée).

Enfin, la troisième Algérie est celle qui a voté pour un des cinq candidats en lice : 8,5 millions de voix se sont réparti entre eux, dont 58% en faveur de Tebboun, auxquelles il faut ajouter 1,2 million de votes blancs et nuls.

Ce sont donc près de 10 millions d’Algériens qui ont participé à un scrutin en faveur du pouvoir existant (même si l’on accorde une place particulière au candidat Ali Benflis, lui aussi ancien premier ministre), soit près de 40% du corps électoral (il n’est pas exclu que l’administration ait forcé la dose ici ou là).

La signification du scrutin aurait été fort différente avec 10% de votants, comme c’était le cas au XXe siècle dans les régimes autoritaires totalement verrouillés – sous Moubarak par exemple. Même 30% auraient été problématiques pour le général Salah et ses amis.

Mais à presque 40%, soit à 10 points seulement de la participation au dernier scrutin de Bouteflika en 2014, le pouvoir a fait le plein de ses clientèles : militaires et sécuritaires, fonctionnaires, élus et cadres locaux, famille FLN-RND et famille des moudjahidine, toutes les bases sociales du pouvoir ont participé. A quoi s’ajoutent probablement des retraités, des commerçants (y compris islamistes) ou des personnes âgées, effrayées par un retour des violences en cas d’impasse, par le blocage économique, voire par une dérive à la syrienne comme le discours officiel a su habilement le suggérer.

Le pouvoir a réussi son pari, peut-être même au-delà de ses espérances

Aussi, même s’il est de bon ton de parler d’une élection ratée et d’un président affaibli d’emblée, on peut tout aussi bien dire que le pouvoir a réussi son pari, peut-être même au-delà de ses espérances. L’Algérie a un nouveau président.

Une large partie de la jeunesse, des diplômés, des Kabyles, des démocrates, des émigrés, des professions libérales ne se reconnaissent pas en lui, et veulent poursuivre la construction d’un avenir démocratique. Mais il est probable, même si les manifestations vont certainement se poursuivre, que les nouvelles batailles vont désormais se dérouler lors des élections législatives à venir.

Le système aura plus de mal à verrouiller l’accès au parlement d’une nouvelle génération de candidats du hirak. Ce qu’il ne pouvait tolérer au niveau de la présidence, il devra certainement l’accepter aux législatives, peut-être à faible dose, ce qui permettrait de desserrer l’étau, de calmer la rue, et de préparer une nouvelle génération à l’exercice des responsabilités dans un cadre moins autoritaire. L’Algérie n’est pas au bout de son chemin.

 

 

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L’absence (éditorial paru dans l’édition de décembre)

Par : pierre

Le temps des insurrections ? Chili, Colombie, Equateur, mais aussi Hong-Kong, et bien sûr Iran, Irak, Liban, Algérie… Faut-il d’ailleurs ajouter la France, ainsi que la Finlande (où une puissante vague de grèves s’annonce) ? La tentation de l’analogie est grande. Mais elle est périlleuse, tant chaque mouvement est ancré dans des réalités historiques, économiques et sociales, culturelles et politiques propres et dissemblables.

Bien souvent, il s’agit d’incendies qui ont pris tout le monde de court. Mais les similitudes s’arrêtent là. Quel sens y a-t-il à fourrer dans le même sac les manifestants qui ont déferlé à Bogota contre un pouvoir ultra-libéral, et la jeunesse dorée de La Paz réussissant à annuler le verdict des urnes qui venait de reconduire le progressiste Evo Morales ? Ou bien les émeutiers aisés pro-occidentaux de Hong-Kong, et les révoltés de Santiago du Chili, pour qui la hausse du ticket de métro signifie le basculement dans la misère ?

Deux critères, parmi d’autres, permettent de se faire une première idée de chaque mouvement. D’une part la description qu’en proposent les médias dominants : selon que vous défilerez à Caracas pour renverser le pouvoir chaviste, ou à Bogota pour exiger un niveau de vie décent, vous serez salué avec enthousiasme, ou juste évoqué de manière distraite. Et d’autre part leur composition sociale. Ainsi, la fureur du peuple irakien s’exprime en première ligne au travers des plus démunis, notamment la classe ouvrière. Au Liban en revanche, les classes moyennes ont fait figure de moteur du mouvement.

Si l’on veut vraiment établir un trait commun, du moins pour les soulèvements d’inspiration progressiste, il en est un… qui apparaît plutôt en creux : l’absence d’alternative politique. Un manque cruel qui, objectivement, ne laisse pas beaucoup d’espoir aux révoltés. De Bagdad à Beyrouth en passant par Alger, nombreux sont ceux qui refusent même l’idée de porte-parole – ce qui n’est pas sans rappeler l’état d’esprit des Gilets jaunes. Ce rejet de la représentation est compréhensible après l’expérience de la désinvolture et des trahisons des partis politiques traditionnels. Mais elle constitue un fatal handicap. Dans aucun des pays cités – pas plus que dans l’Hexagone – ne s’esquisse une force politiquement déterminée, rigoureusement organisée et idéologiquement cohérente susceptible de porter des perspectives de rupture.

« Contraintes » économiques, ingérences politiques, intoxication idéologique : ces armes font obstacle aux aspirations au progrès et à l’indépendance

Une absence que les tenants de l’ordre mondialisé cultivent évidemment avec soin, et qui repose en outre sur trois catégories d’entraves. La première est économique : les Etats on été mis en situation d’« interdépendance », c’est-à-dire en réalité de dépendance mutuelle, du fait de la libre circulation des biens et des capitaux : la globalisation des chaînes de valeur vise aussi à désamorcer les révolutions sociales. La deuxième consiste en la mise en place d’institutions intégrées dont l’objectif même est de placer les choix politiques hors de portée des peuples par le vol de leur souveraineté réelle. L’Union européenne en constitue un prototype, et le départ désormais imminent du Royaume-Uni un contre-exemple formidable.

La troisième est idéologique, à l’heure où la pensée dominante tend à faire manifester les jeunes en faveur d’horizons aussi absurdes que réactionnaires – la « sauvegarde de la planète » – ce qui a l’immense avantage de dévoyer des énergies collectives considérables (mais pas forcément renouvelables). On notera que le grand manitou de l’ONU pour le climat, Michael Bloomberg, un des plus riches milliardaires américains (et ancien maire de New York) vient de passer la main pour cette fonction au Canadien Mark Carney, actuel gouverneur (furieusement anti-Brexit) de la Banque d’Angleterre. Difficile de trouver meilleurs symboles de l’oligarchie mondialisée…

« Contraintes » économiques, intoxication idéologique, ingérences politiques : ces armes tiennent encore à distance les aspirations populaires au progrès social et, inséparablement, à l’indépendance nationale. En témoigne cet ultimatum de Jean-Yves Le Drian, patron du Quai d’Orsay, qui co-dirige un groupe de l’ONU censé soutenir le Liban : le fidèle grognard d’Emmanuel Macron (après avoir été celui de François Hollande) a sommé la classe politique du pays du cèdre de « prendre conscience de la gravité de la situation et de l’appel de la rue »… Une ingérence ordinaire, que le Hezbollah (parti à base chiite engagé pour la souveraineté libanaise) ne s’est pas permis de renvoyer ironiquement à son expéditeur.

Dommage ?

Pierre Lévy

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Pourquoi la victoire de Boris Johnson est une bonne nouvelle

Par : Grégoire

La victoire de Boris Johnson est celle de la démocratie contre l’establishment. Dans la foulée du scrutin, il faut toutefois surveiller le risque d’éclatement du Royaume-Uni et l’intensification des tensions régionales en Europe.

Par Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, auteur notamment de Délivrez-nous du bien, halte aux nouveaux inquisiteurs, éditions de l’Observatoire, 2018.

« Get Brexit done ! » (« Que le brexit soit ! ») Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Avec un slogan aussi simple que concret, Boris Johnson a savouré son triomphe aux élections législatives anticipées. Les conservateurs obtiennent leur plus large majorité depuis Margaret Thatcher. Le Labour subit une défaite historique. Tout comme les européistes du parti libéral-démocrate. Ce vote marque d’abord une victoire sans appel des Brexiters. Et, en corollaire, une défaite de tous ceux qui rêvaient de faire revoter les Britanniques sur leur sortie de l’Union européenne.

Depuis le vote du Brexit, le 23 juin 2016, les opposants, à Londres aussi bien qu’au sein de l’Union européenne, ont tout fait pour contraindre les Britanniques à revenir sur leur décision. On ne quitte pas cette Union. Quand on y entre, c’est un engagement à vie. Si jamais un peuple manifeste des velléités de ne pas épouser la Doxa, on le fait revoter ou on lui impose, par une autre voie, le texte qu’il a rejeté. Les Français en savent quelque chose depuis le référendum de 2005.

Lobbying de l’establishment

Tout au long de ces trois dernières années, on a tenté d’enfermer les Britanniques dans un carcan. Theresa May s’est d’abord vu imposer par les Vingt-sept un accord qui revenait à vider le Brexit de sa substance. L’Angleterre ne sortait qu’en apparence. Elle n’avait plus les avantages d’être dans l’Union, mais elle en avait les inconvénients. Les milieux économiques, les cercles londoniens, l’establishment ont ensuite fait pression sur les parlementaires britanniques, en nourrissant le secret espoir qu’in fine, on déboucherait sur un nouveau référendum.

L’intelligence de Boris Johnson aura été de revenir à l’essentiel : respecter le vote populaire

Avec une bonne campagne de communication, ils se faisaient fort de faire basculer les quelques pourcents nécessaires pour inverser le vote. Enfin, ces mêmes milieux ont intensifié leur lobbying sur les parlementaires tories pour qu’ils refusent un « hard Brexit ». Résultat : affaiblie, incapable d’imposer son accord et son autorité, Theresa May a jeté l’éponge.

L’intelligence de Boris Johnson, bête noire des médias bien-pensants, notamment en France, aura été de revenir à l’essentiel : respecter le vote populaire et laisser le Brexit se faire. Il a renégocié certains points de l’accord conclu par Mme May et demandé au peuple souverain de trancher. Non pas à l’occasion d’un nouveau référendum, mais de législatives anticipées. Même s’il a fait Eton, l’équivalent de notre ENA, et qu’il est issu d’une famille de la gentry, Boris Johnson n’est pas un conservateur traditionnel. C’est un souverainiste. Un populiste, selon ses détracteurs, pour qui ce terme est une injure.

Question culturelle plutôt qu’économique

Il a compris que le Brexit était avant tout une question culturelle. La volonté d’une majorité des Britanniques d’être maîtres chez eux, de pouvoir contrôler l’immigration, avec une meilleure sécurité au quotidien. Dans les motivations des Brexiters, des classes populaires, l’économie, le social venaient au second rang. Toutes les prévisions apocalyptiques faites par l’establishment sur les conséquences économiques du Brexit sont donc tombées à plat.

D’autant que le programme électoral des conservateurs, lorsqu’on le regarde de près, n’a rien de néo-libéral. Il a même une approche protectionniste, voire étatiste. Il concerne le quotidien des Britanniques. À commencer par les services publics de base en déshérence à l’image du système de santé et des chemins de fer. Boris Johnson promet des constructions d’hôpitaux, des embauches massives, voire même une renationalisation du rail. Bref, une politique qui doit être au service « des gens ordinaires et pas seulement des élites ». Au passage, on remarquera bien des similitudes avec la situation en France.

Les voix de Farage siphonnées

Boris Johnson a réussi à unifier les souverainistes. Il a siphonné l’électorat de Nigel Farage, qui fut l’artisan du Brexit en forçant David Cameron à organiser le référendum. Issu des rangs des Tories, ce Thatchérien, ultra-libéral et même d’extrême droite, avait obtenu, avec son parti UKIP, 12,7 % des voix aux législatives de 2015. Aux dernières européennes de 2019, UKIP, transformé en parti du Brexit, était même arrivé en tête. Mais les positions extrémistes de Farage rendaient impossible son accession au pouvoir.

En prenant clairement position pour le Brexit et en affichant son souverainisme, Boris Johnson offrait à l’électorat conservateur une alternative crédible. Nigel Farage a compris qu’il avait moins à perdre en soutenant Johnson qu’en présentant ses propres candidats. Ce dernier a ainsi obtenu que UKIP se désiste là où il y avait un député conservateur sortant. Le camp du Brexit a joué uni. D’autant qu’à gauche, les électeurs travaillistes, qui avaient voté pour le Brexit, ont peu apprécié l’attitude ambiguë de leurs dirigeants sur cette question. Dans les régions périphériques de l’Angleterre, les petites villes et villes moyennes désindustrialisées, qui avaient massivement voté pour le Brexit, le Labour s’est effondré au profit des conservateurs.

Les Britanniques nous donnent une leçon de civisme

Le vote britannique est exemplaire. C’est une victoire de la démocratie et les Britanniques nous donnent à cet égard une leçon de civisme. C’est aussi, selon la formule de Christophe Guilly, « la victoire du soft power des classes populaires ». C’est a contrario une défaite des élites et des médias, qui ont été constamment dans le déni, préférant reproduire les opinions des « bobos » londoniens, plutôt que d’ausculter le pouls de l’Angleterre profonde.

Risques de désunion

Boris Johnson et les souverainistes britanniques ont gagné une bataille. Ils sont loin cependant d’avoir gagné la guerre. Si la victoire est éclatante en Angleterre, celle des nationalistes écossais est tout aussi spectaculaire. Quarante-huit sièges sur cinquante-neuf. Déjà, Nicola Sturgeon, premier ministre d’Écosse, demande la tenue d’un nouveau référendum sur l’indépendance. Ce que refuse Boris Johnson. Or, les Écossais étaient en majorité contre le Brexit. Ils veulent rester dans l’UE. Pour des raisons économiques, mais aussi au nom de la vieille rivalité avec l’Angleterre.

En Irlande du Nord, les Républicains partisans de l’unification avec l’Irlande du Sud ont fait une percée plus que symbolique. Le Royaume Uni risque désormais la désunion. D’autant qu’en Europe, certains vont jouer la politique du pire. Pour se venger de Boris Johnson, ils vont pousser l’Écosse à l’indépendance. Même chose pour l’Irlande du Nord, où on ne peut pas exclure que le Sinn Fein reprenne les attentats, en espérant que Londres lâchera Belfast et se résoudra à l’unification de l’Irlande. Le tout sur fond de guerre de religions. N’oublions pas que l’Écosse est catholique, tout comme l’Irlande du Sud et une partie de l’Irlande du Nord.

Effet de domino régionaliste

Si l’Union européenne soutient l’Écosse dans sa volonté d’indépendance, elle aura bien du mal à ne pas appuyer les irrédentistes catalans. Ces derniers n’attendent que cela. Avec un risque d’effet domino sur une Espagne, minée par la question catalane. L’Europe des régions est un vieux rêve des fédéralistes européens et des mondialistes. Ils y voient le moyen de rompre avec l’Europe des nations, en jouant sur l’égoïsme régional et les particularismes locaux (langues, culture, etc.).

Plus les régions seront autonomes, indépendantes, plus les grandes nations seront réduites, amputées de certaines de leurs provinces, plus on élargira à de micro-États dans les Balkans, et plus le pouvoir au sein de l’Union européenne sera, de facto, concentré sur les institutions communautaires. Pour la plus grande satisfaction des multinationales et de tous ceux qui ne veulent pas d’une Europe indépendante, d’une Europe puissance, qui puisse s’affirmer face aux États-Unis et à la Chine.

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

Lire aussi Derrière le triomphe de Boris Johnson, vers un bouleversement du paysage politique

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Derrière le triomphe de Boris Johnson, un bouleversement du paysage politique ?

Par : pierre

Après le vote ouvrier massif visant à assurer le Brexit, le premier ministre britannique a confirmé, dans son discours inaugurant la session parlementaire, vouloir tourner le dos à l’austérité

Une semaine a passé depuis les élections du 12 décembre au Royaume-Uni, et l’on mesure désormais non pas seulement l’ampleur du triomphe de Boris Johnson, mais aussi la profonde restructuration de la vie politique qui s’amorce.

Deux vedettes ont émergé : le Brexit, bien sûr, qui était l’enjeu le plus manifeste du scrutin ; et la classe ouvrière, dont le vote a été déterminant pour garantir que celui-ci sera finalement effectif.

Les citoyens ont transformé les élections en second référendum de confirmation…

Et ce, après trois ans et demi de blocages et de tergiversations devenus insupportables. Le 23 juin 2016 en effet, le verdict était clair : le pays devait reprendre son indépendance. Les efforts conjugués des forces anti-Brexit tant en Grande-Bretagne (au Parlement, en particulier) qu’à Bruxelles espéraient – stupidement – pouvoir s’y opposer. Les citoyens ont transformé les élections en second référendum de confirmation…

Le premier ministre conservateur sortant, Boris Johnson, a mené campagne autour d’un argument majeur : j’ai obtenu de haute lutte (en octobre) un accord avec Bruxelles, donnez moi maintenant une majorité qui puisse enfin le ratifier.

Forts de 365 sièges (sur 650), soit un gain de 66 élus, les Conservateurs n’avaient jamais réalisé une telle performance depuis 1987. Avec 43,6% des voix, ils progressent globalement de + 1,2 point par rapport à 2017. Mais c’est essentiellement leur succès dans l’Angleterre laborieuse du nord et du centre, sinistrée après la fermeture de milliers d’usines et des mines, qui a fait la différence.

Dans les cinquante circonscriptions comptant la plus grande proportions d’ouvriers, le parti de M. Johnson augmente son score d’en moyenne 4,7%

Très vite au cours de la soirée électorale, il est apparu que le « mur rouge », ces bastions industriels et populaires des Travaillistes qui s’étendent au Nord du pays et dans les Midlands, cédait à la poussée de la formation de Boris Johnson. Des dizaines de places fortes du Labour viraient au bleu (la couleur des conservateurs), dont vingt-quatre étaient des fiefs rouges depuis l’après-guerre, voire depuis 1919.

Un « vote de classe » qu’a détaillés le quotidien conservateur The Telegraph. Ainsi, dans les cinquante circonscriptions comptant la plus grande proportions d’ouvriers, le parti de M. Johnson augmente son score d’en moyenne 4,7%. Et dans les cinquante où il y a le moins de « cols bleus », il baisse de 2,9%…

Les classes populaires ont assuré le Brexit

C’est tout sauf un hasard si ce sont les classes populaires qui ont assuré son succès, car ce sont elles qui avaient voté massivement pour le Brexit. Et qui bouillaient d’exaspération que celui-ci ne soit pas encore effectif.

Logiquement et symétriquement, les Travaillistes encaissent leur pire déroute depuis 1935, avec 203 sièges, soit une perte de 42 par rapport à 2017 (32,2%, – 7,8 points). Leur leader Jeremy Corbyn, a d’emblée indiqué qu’il ne conduirait pas la prochaine campagne. Mais il a souhaité engager une réflexion collective avant de passer la main.

Un processus qui pourrait tourner à l’affrontement au sein de ce parti, entre des cadres massivement pro-UE, et certaines figures issues du Nord, qui pointent désormais la déconnexion du Parti d’avec les couches populaires, celles-là mêmes qui ne se sont plus senti écoutées.

M. Corbyn lui-même est accusé d’avoir affiché une position illisible : une renégociation (improbable) avec Bruxelles, puis un nouveau référendum (en précisant qu’il resterait neutre sur ce dernier…). Considéré comme économiquement très à gauche et proposant un programme « anti-capitaliste » (nationalisations, fiscalité), le chef du Labour tenait en revanche un discours pro-ouverture des frontières, un grand écart que ne lui ont pas pardonné les millions d’ouvriers qui votaient traditionnellement travailliste.

Santé, la sécurité, l’éducation, infrastructures…

C’est en réalité tout le camp des anti-Brexit (à l’exception des nationalistes écossais) qui subit une déroute monumentale, encore amplifiée par le système électoral à un tour où c’est le candidat arrivé en tête qui l’emporte. Ainsi, les Libéraux-démocrates passent de 21 à 11 sièges (même si leur pourcentage augmente de 4,2 points, à 11,6%), et leur jeune présidente est elle-même battue dans son fief écossais. Sous son impulsion, son parti a mené campagne en proposant… d’annuler purement et simplement le Brexit, sans même un nouveau référendum.

Sur le plan intérieur, Boris Johnson s’est immédiatement félicité de son mandat « irréfutable, incontestable » pour réaliser la sortie de l’UE, et à appelé à « panser les plaies » en vue de réconcilier la nation. Il a également confirmé ce que seraient ses priorités : la santé, la sécurité, l’éducation ainsi que les infrastructures. Pour ce faire, il entend engager des investissements massifs, et mettre ainsi fin aux politiques d’austérité.

En s’appuyant sur sa plateforme « ouvrière, interventionniste, étatiste, protectionniste et dépensière », M. Johnson peut espérer garder sa nouvelle base ouvrière, note The Telegraph

C’est en s’appuyant sur une telle plateforme « ouvrière, interventionniste, étatiste, protectionniste et dépensière » qu’il peut espérer garder sa nouvelle base ouvrière note le quotidien conservateur The Telegraph. C’est-à-dire bien éloignée des positions ultra-libérales qu’il défendait lorsqu’il était maire de Londres.

Le fera-t-il ? Boris Johnson a souvent passé pour un menteur et un tricheur. Pourtant, le lendemain du scrutin, il déclarait « nous devons comprendre les raisons du tremblement de terre que nous avons déclenché ; nous avons changé la carte politique, il nous reste désormais à changer le parti ». Déjà, le profil des députés Tories tranche avec la législature sortante : le groupe parlementaire est désormais plus provincial, plus jeune, et surtout plus féminin, et d’origine plus modeste.

Son discours programme prononcé (par la reine, conformément à la tradition) en ouverture de la session parlementaire, le 19 décembre, a confirmé nombre de ses promesses, pour les hôpitaux publics, l’éducation les investissements dans les infrastructures. S’il tourne le dos à l’austérité, cela ne réjouira pas les dirigeants européens, car cela constituera un contre-exemple face aux politiques imposées aux peuples du Vieux continent – loin des cataclysmes annoncés.

« Un concurrent à nos portes »

Mais pour l’heure, ce qui préoccupe Bruxelles et les capitales européennes concerne la manière dont le pays va quitter l’UE. Certes, l’accord de divorce va désormais être ratifié mais une nouvelle négociation va s’ouvrir sur le futur traité de coopération entre l’UE et Londres, notamment en matière commerciale.

Beaucoup, à Bruxelles, redoutent que le Royaume-Uni choisisse de diverger des règles européennes, et devienne de ce fait « un concurrent à nos portes », selon la formule d’Angela Merkel. Dans ce cas, il ne pourra y avoir de libre échange complet ont martelé les Vingt-sept réunis les 13 et 14 décembre en sommet.

La loi exclura explicitement toute prolongation de la période de transition au-delà du 31 décembre 2020, au grand dam de Bruxelles

Le Conseil européen a mandaté la Commission pour établir un mandat de négociation en leur nom. Celui-ci devrait être prêt au 1er février. Il ne restera alors qu’onze mois entre la sortie fixée au 31 janvier, et la fin de la « période de transition » prévue jusqu’au 31 décembre par l’accord de divorce, pendant laquelle les règles européennes continuent de s’appliquer, notamment en matière de circulation et de douane.

C’est bien trop court pour négocier un traité de libre échange très complexe, font valoir les experts. On va y arriver, affirme au contraire M. Johnson, qui vient de confirmer sa promesse : la loi de transposition de l’accord de divorce en droit anglais exclura explicitement toute prolongation au-delà du 31 décembre 2020, au grand dam de Bruxelles.

Alors, tentera-t-il de maintenir un rapport commercial très étroit avec l’UE ? Optera-t-il pour concurrencer celle-ci de manière « agressive » ? Négociera-t-il avec Donald Trump un « énorme accord commercial plus juteux (…) qu’avec l’UE », selon le Tweet de félicitation enthousiaste que la Maison-Blanche a immédiatement envoyé ?

Le simple fait d’avoir le choix est déjà une remarquable conséquence du Brexit…

Analyse de l’élection et des perspectives dans l’édition de Ruptures parue le 18 décembre

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Parution de l’édition de Ruptures de décembre

Par : pierre

Ruptures n°91 arrive chez les abonnés le 20 décembre.

Au sommaire :

– l’éditorial qui analyse les révoltes spontanées qui éclatent dans de nombreux pays, mais dont le seul point commun est l’absence d’alternative politique, du fait de la dépendance économique organisée et de la perte de souveraineté politique

– un entretien avec Benoît Martin, dirigeant de la CGT-Paris, qui précise les dangers ainsi que les commanditaires du projet de réforme des retraites, et rappelle le rôle de L’UE

– une large compte-rendu du sommet de l’OTAN des 3 et 4 décembre à Londres, qui a été marqué par de fortes tensions notamment entre Paris, Washington et Ankara, mais dont la déclaration finale a cependant dégagé un consensus belliciste

– une analyse des élections au Royaume-Uni : le triomphe de Boris Johnson au scrutin du 12 décembre résulte du basculement vers les Conservateurs des classes populaires qui ont ainsi plébiscité la sortie de l’UE, et transforme en profondeur le paysage politique

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

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Victoire écrasante pour Boris Johnson et pour le Brexit

Par : pierre

Au grand dam des partisans de l’Union européenne, le Brexit a été plébiscité – une nouvelle fois.

A l’instant où les bureaux de vote britanniques se sont fermés, les sondages « sorties d’urnes » n’ont laissé aucun doute : ce sera une victoire écrasante du Parti conservateur et de son chef, Boris Johnson. La majorité dont disposera celui-ci sera la plus large dont un gouvernement ait disposé depuis près de quatre décennies.

Ceux – au Royaume-Uni, à Bruxelles et dans les capitales européennes – qui comptaient encore sur un miracle divin qui verrait le pays rester dans l’Union européenne viennent de voir s’envoler leurs dernières illusions. L’accord qui fixe les modalités de divorce entre Londres et l’Union européenne avait été arraché – contre toute attente – le 17 octobre par le chef du gouvernement. Celui-ci s’était alors heurté une ultime fois aux chicanes des députés sortants pro-UE.

Mais ces derniers – et les Travaillistes en particulier – n’ont pas réussi à retarder encore la dissolution d’un Parlement qui devenait tout à la fois grotesque et illégitime. Le scrutin du 12 décembre revêtait donc une importance extraordinaire – le plus crucial depuis l’après-guerre, ont même affirmé certains. M. Johnson l’avait en quelque sorte transformé en plébiscite pour ou contre le Brexit. Il a gagné son pari haut la main – plus encore que les pronostics les plus optimistes ne le prédisaient. Les nouveaux députés vont donc, dans les toutes prochaines semaines, ratifier l’accord de sortie.

Il s’agit d’un événement de portée historique : pour la première fois, un Etat décide de partir, parce qu’on a demandé l’avis à son peuple

Et cette dernière sera effective le 31 janvier prochain. Démarrera alors une période de transition de onze mois, pendant laquelle les futures relations – notamment commerciales – entre le pays et l’Union européenne seront négociées. C’est très court, affirment la plupart des analystes. Et cela ne se fera pas sans mal. Mais, contrairement aux commentaires qui vont désormais fleurir, l’essentiel est politiquement accompli.

Il s’agit donc d’un événement de portée historique : pour la première fois, un Etat décide de partir, parce qu’on a demandé l’avis à son peuple. Mais sans doute pas pour la dernière.

PS : le mensuel Ruptures a été le seul journal à avoir analysé et affirmé, depuis le 23 juin 2016, que le Brexit aurait lieu, quoi qu’il arrive. Et même si nul ne pouvait prévoir le détail des péripéties, celles-ci n’ont jamais mis en cause la certitude du dénouement. Peu d’autres ont été aussi affirmatifs.

Tous les détails dans l’édition à paraître vers le 20 décembre. Il n’est pas trop tôt – ni trop tard – pour s’abonner à Ruptures, et suivre ainsi la suite de l’histoire…

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Brexit : pourquoi le Royaume-Uni va sortir gagnant

Par : Grégoire

Les scénarios catastrophes promis par les opposants au Brexit ne sont pas advenus : du marché de l’emploi à la croissance, les voyants restent au vert.

Dernière minute : Boris Johnson et le Brexit remportent une victoire écrasante

Par Charles-Henri Gallois, responsable national de l’UPR pour l’Économie et auteur de l’ouvrage qui vient de paraître : Les Illusions économiques de l’Union européenne, Fauves éditions

Les élections générales au Royaume-Uni auront lieu ce jeudi 12 décembre 2019. Il s’agira de l’élection la plus importante de ce siècle puisqu’elle va déterminer l’avenir du Brexit. Pour résumer les positions, il y a d’un côté le Parti conservateur de Boris Johnson et le Parti du Brexit de Nigel Farage qui font campagne en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, respectant ainsi la volonté du peuple, et de l’autre côté les Liberal-Democrats et le SNP écossais qui sont pour une annulation pure et simple du Brexit. Le Parti travailliste de Jeremy Corbyn, principal opposant au Parti conservateur, a une position peu limpide qui prolongerait l’incertitude : négocier un autre accord que celui de Boris Johnson, chose peu probable, puis le soumettre à référendum avec l’option de rester dans l’UE.

La position du Parti travailliste montre que les européistes ont voulu complètement retourner le sens du vote des électeurs de juin 2016. Ces derniers ont voté pour le Brexit et se fichaient bien qu’il y ait un accord ou pas. Le sujet ne figurait du reste pas dans les termes du référendum et les partisans du maintien dans l’UE n’ont eu de cesse que de menacer d’une sortie sans accord pendant cette campagne. Cette option était donc présente dans les esprits lors du vote. Si le maintien l’avait emporté, inutile de dire qu’il n’y aurait plus aucun débat sur le type de maintien décidé.

« Projet de la peur »

La « danger » d’une sortie sans accord n’était pas la seule menace des partisans du maintien dans l’UE, les ‘remainers’. Leur argument était simple, efficace et tout trouvé : « si vous votez non, ce sera une catastrophe économique dès le lendemain du vote ». Les partisans de la sortie, les brexiters, dénonçait de « projet de la peur » : il s’agissait d’effrayer les électeurs pour qu’ils votent bien, c’est-à-dire pour le maintien dans l’UE.

La Banque d’Angleterre, David Cameron, George Osborne, son ministre des Finances, et même Barack Obama ainsi que Christine Lagarde, qui se targuait ici de bonne ingérence, annonçaient des catastrophes imminentes : effondrement de la livre, affaissement des marchés financiers, récession du PIB, hausse du chômage, débâcle des investissements, explosion de l’inflation et baisse massive des prix de l’immobilier. L’intimidation était totale.

Observons maintenant la réalité depuis le vote en faveur du Brexit lors du référendum du 23 juin 2016, où 51,9 % des Britanniques ont voté pour sortir de l’UE. Avec une participation de 72,2 %, il s’agissait de l’une des plus grandes participations démocratiques de l’histoire moderne du Royaume-Uni, avec 33 568 184 votants. Seules les élections générales de 1992 avaient amené plus de Britanniques sur le chemin des urnes.

Une industrie britannique plus dynamique

La livre sterling a certes perdu de sa valeur à la suite du référendum et de la victoire du Brexit. Le 23 juin 2016, le taux de change était de 0,76 livre pour un euro. Au 7 décembre 2019, ce taux était de 0,84 livre pour un euro. Cela représente une dépréciation de 10,5 %. Voilà qui n’a rien d’insurmontable : entre avril 2014 et mars 2017 l’euro s’est lui-même déprécié de 25 % sans que personne ne hurle à l’apocalypse.

Les illusions économiques de l'UE

Le livre de Charles-Henri Gallois, qui vient de paraître, détaille tous ces éléments dans son chapitre V

Au contraire, la baisse de la livre sterling a favorisé la production sur le territoire britannique. Entre mars 2016 et mars 2017, la production manufacturière a augmenté de 2,7 %, et la production industrielle de 3,2 %. Un tel rebond n’avait pas été observé depuis 2010. Sur l’année 2017, la hausse a été de 1,8 % [1]. Sur la période 2016-2018, la hausse a été en moyenne de 1,2 %, alors que, sur la période 2001-2015, la production industrielle était en régression de 0,8 %. Les commandes industrielles en novembre 2017 ont d’ailleurs été au plus haut depuis près de trente ans (1988) [2] !

Bourse en hausse

Pour ce qui est des marchés financiers, le principal indice boursier britannique, le FTSE 100, équivalent de notre CAC 40, cotait à 6 338,10 le 23 juin 2016 au soir. L’indice a perdu 3,15 % le vendredi 24 juin, puis 2,55 % le lundi 27 juin. Il repartait à la hausse dès le mardi 28 juin, avec une augmentation de 2,64 %, puis dépassait son niveau d’avant le vote dès le mercredi 29 juin, à 6 360,06, avec une hausse journalière de 3,58 %. Le 7 décembre 2019, il cote désormais à 7 239,66, soit une hausse de 14 % depuis l’avant-référendum. Là aussi, on est très loin de l’effondrement annoncé.

Trois années plus tard, on attend encore la récession promise par les ‘remainers’

La catastrophe n’a pas non plus eu lieu dans le domaine de la croissance et du chômage. Dès 2016, une récession devait se produire après le vote pour le Brexit. Or en 2016, la croissance était la deuxième plus forte de tous les pays du G7, à 1,8 %. Elle avait même été revue à la hausse… après le référendum ! La croissance a été de 1,7 % en 2017 et de 1,3 % en 2018. Trois années plus tard, on attend encore la récession promise par les ‘remainers’ !

Sur la période 2016-2018, la croissance est similaire à celle de la France. Alors que d’une part l’Italie n’a pas de croissance depuis l’adoption de l’euro et sombre actuellement dans la récession, et que d’autre part l’économie allemande, en train de ralentir, se trouve également au bord de la récession, on peut même constater que le Royaume-Uni ne s’en sort pas trop mal !

Le retour de vrais emplois

Mais la plus grande claque pour tous les prophètes d’Apocalypse a sans doute été l’évolution du taux de chômage.

Ce que l’on constate, selon l’Office for National Statistics (ONS, équivalent britannique de l’INSEE), c’est que le chômage était de 5 % avant le référendum et qu’il est tombé à 3,8 % à la fin de mai 2019, soit le taux le plus bas depuis plus de quarante-quatre ans, depuis l’hiver 1974. Dans le même temps, le taux d’emploi est, lui, passé de 74,2 % à 76,1 %, ce qui constitue un record historique.

Les mauvaises langues, qui n’ont pas étudié en profondeur la question, expliquent que ce taux de chômage baisse grâce aux petits boulots et aux emplois zéro heure. Si cela a pu être vrai par le passé, c’est l’inverse que l’on observe depuis le verdict de juin 2016. Les emplois à temps partiel sont passés de 8,564 millions (27 % des emplois) à 8,562 millions (26,3 % des emplois). Cela veut donc dire que beaucoup des emplois créés l’ont été à temps plein.

Augmentations salariales

On apprenait également en septembre 2019 que les salaires ont augmenté de 4,0 %, et le pouvoir d’achat de 2,1 % sur un an pour la période mai-juillet 2019 [3]. De telles augmentations de salaire et de pouvoir d’achat n’avaient plus eu lieu depuis 2008, soit onze ans. On aimerait réellement vivre à notre tour une telle catastrophe en France !

Ironiquement, certains des plus gros investisseurs au Royaume-Uni ont été des entreprises de l’UE comme Siemens

Autre pronostic : les investissements devaient aussi s’effondrer. Là encore, rien de tel n’est advenu. L’enquête annuelle sur les tendances de l’investissement réalisée par le cabinet de conseil international EY en 2019, place même pour la première fois le Royaume-Uni au premier rang mondial des destinations d’investissement, dépassant même extraordinairement les États-Unis, une économie bien plus vaste que le Royaume-Uni.

L’investissement étranger direct (FDI, pour Foreign direct investment) a augmenté de 6 % en 2017, selon les derniers chiffres disponibles, par rapport à l’année précédente. Il y a eu 1 205 nouveaux projets, contre 1 138 en 2016 et seulement 700 en 2012. Lorsqu’ils ont été interrogés sur le Brexit, 6 % des investisseurs ont déclaré qu’il diminuait leur attrait pour le Royaume-Uni, tandis que 7 % ont déclaré qu’il augmentait leur attrait.

Ironiquement, certains des plus gros investisseurs au Royaume-Uni ont été des entreprises de l’UE comme Siemens ou la société espagnole CAF. Celles qui ont le plus investi sont les entreprises américaines : Boeing, Apple, Google, Facebook, Amazon, Snapchat, McDonald’s, Subway, McCain Foods, etc.

Mauvaise foi et catastrophisme

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, mais elle témoigne de l’absence totale de lucidité et de bonne foi de la part de ceux qui annonçaient l’effondrement du Royaume-Uni et cherchent maintenant à se raccrocher aux quelques mauvaises nouvelles courantes pour faire croire que ce serait la catastrophe.

Londres est la première destination européenne des investissements en capital-risque dans les nouvelles technologies, d’après une étude du cabinet PitchBook [4] publiée à l’ouverture de la semaine de la tech de Londres. Le Royaume-Uni avait d’ailleurs aussi été classé par le célèbre magazine Forbes comme le meilleur pays pour faire des affaires en 2018 [5].

Ces investissements ne sont pas des investissements engagés sur deux ou trois mois mais pour plusieurs années. Les investisseurs au moment de ces choix avaient déjà intégré le Brexit.

L’immobilier reste en forme

L’inflation était de 2,7 % en 2017 au Royaume-Uni. Elle n’était plus que de 2 % en 2018. Rien de catastrophique. Les salaires, eux, ont augmenté de 3,3 % en 2018 [6]. Il y a donc eu un gain de pouvoir d’achat. Il y a eu une perte de pouvoir d’achat très temporaire à la fin de 2017, mais tout cela est de l’histoire ancienne puisque en 2019 les salaires augmentent bien plus vite que l’inflation. Le gain moyen de pouvoir d’achat est de l’ordre de 1,5 %.

George Osborne, ancien chancelier de l’Echiquier, agitait une autre peur : les prix de l’immobilier devaient baisser de 18 %. Ils n’ont en réalité jamais décroché. Selon l’ONS, les prix de l’immobilier ont même augmenté de 5,2 % en 2016, de 4,5 % en 2017 et de 2,0 % en 2018. D’une baisse de 18 % annoncée, on passe en réalité à une hausse de 12 % de 2016 à 2018. En outre, Paris et Francfort attendent toujours les 10 000 à 30 000 financiers qui devaient traverser la Manche pour se réfugier en France ou en Allemagne.

Les mêmes qui ont asséné toutes ces prophéties apocalyptiques devraient se faire tout petits

Le projet de la peur s’est révélé complètement faux ! Les mêmes qui ont asséné toutes ces prophéties apocalyptiques devraient se faire tout petits. Et pourtant, le discours continue en France, dans les grands médias. Ceux précisément qui se sont trompés sur toutes leurs prévisions avant le référendum préparent le deuxième étage de la fusée projet de la peur et disent que la catastrophe aura lieu après la sortie effective. Comme si toutes les entreprises n’avaient pas déjà intégré depuis longtemps cette sortie…

La seule situation terrible est politique : observer des élus et toute l’oligarchie britannique refusant d’accepter le vote du peuple anglais rappelle furieusement l’attitude de toute l’élite française après le référendum de 2005. Ce sont les politiques européistes qui ont créé le climat d’incertitude en voulant bafouer le vote.

Légitimité du Brexit renouvelée

Les médias en France tentent même de nous faire croire que les Britanniques regretteraient leur vote. Or, aux élections européennes de 2019, c’est le Parti du Brexit qui est arrivé largement en tête avec 30,7 % des voix, contre 19,7 % pour le second parti.

On est donc loin d’un rejet massif du Brexit. L’opinion est partagée, comme elle l’était avant le vote. Notons tout de même qu’à l’époque la sortie avait récolté 1,3 million de voix en plus que le maintien, ce qui donne toute la légitimité démocratique nécessaire à la sortie.

Boris Johnson, selon mes pronostics, va gagner ces élections et réaliser le souhait du peuple britannique : reprendre le contrôle et être à nouveau un pays libre et indépendant. Ceux qui doivent redouter le Brexit, ce ne sont pas les Britanniques mais les peuples qui restent dans l’UE. Ce n’est pas pour rien que l’Allemagne a toujours freiné une sortie sans accord.

L’UE a voulu que le Royaume-Uni souffre pour ne pas donner aux autres l’envie de sortir

L’UE a tout à perdre, d’où sa position de fermeté totale et de sa volonté de faire un exemple. Plutôt que de vouloir faire un accord gagnant-gagnant pour sauvegarder ses intérêts économiques, l’UE, à commencer par l’eurofanatique Emmanuel Macron, a voulu que le Royaume-Uni souffre pour ne pas donner aux autres l’envie de sortir. Au fond, cette attitude est celle d’une secte qui veut punir l’adepte qui souhaite reprendre sa liberté.

L’UE peut être la grande perdante car le Royaume-Uni est massivement déficitaire au niveau des échanges de biens. Son déficit commercial était en 2017 de près de 110 milliards d’euros avec l’UE.

La France visée au portefeuille

Surtout, les pays contributeurs nets restants devront payer le manque à gagner au budget de l’UE. La contribution nette de la France au budget de l’UE est de 10 milliards d’euros en 2019. Après la sortie du Royaume-Uni, elle pourrait passer dans les années qui viennent à 14 ou 15 milliards d’euros par an. Alors que les services publics de base comme l’hôpital, ou l’entretien de nos routes et de nos ponts, manquent de moyens, on continue d’aligner les billets en pure perte pour la secte UE. 15 milliards d’euros, cela représente la construction de 375 hôpitaux ! Ce qui représente aussi 909 euros par an et par foyer fiscal payant l’impôt sur le revenu.

Bon vent à nos amis britanniques, qui sortiront tout début 2020 et s’en sortiront très bien. Il est grand temps de suivre leur exemple, de ne plus avoir peur de ces illusions économiques, de se libérer de la secte UE par le Frexit et de reprendre notre liberté et notre démocratie.

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[1] Office for National Statistics (ONS).

[2] Indice mensuel de la fédération patronale CBI (Confederation of British Industry) mesurant les commandes en carnet.

[3] ONS.

[4] Étude de juin 2019 du cabinet PitchBook.

[5] Forbes, décembre 2017.

[6] ONS.

 

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De Bruxelles, Thierry Breton demande à Emmanuel Macron de tenir bon sur les retraites

Par : pierre

Dans une interview sur Europe 1, le nouveau Commissaire européen, ancien patron de grandes firmes, insiste pour que soient réalisées les réformes que l’exécutif européen juge nécessaires

On ne saurait trop remercier nos confrères d’Europe 1. Ceux-ci ont eu l’idée lumineuse, ce lundi 9 décembre, d’inviter le tout frais Commissaire européen chargé du marché unique, de la politique industrielle, du numérique, et de quelques autres dossiers.

Thierry Breton allait donc pouvoir nous donner le point de vue de Bruxelles sur la réforme des retraites prévue par le gouvernement français. On attendait le verdict avec angoisse. Le suspense était total. Dès les premiers mots du Commissaire, cependant, le maître de l’Elysée – qui l’a proposé pour le poste, il est vrai en second choix après les malheurs de Sylvie Goulard – a dû pousser un immense soupir de soulagement : celui qui était, il y a quelques semaines encore le patron de la grande firme de services informatiques Atos, après avoir dirigé Bull, Thomson puis France Télécom, sans compter un détour ministériel par Bercy, n’a pas apporté son soutien aux grévistes.

« On espère qu’on saura trouver les moyens pour mener à son terme » la réforme – Thierry Breton

Au contraire : « je pense à toutes celles et ceux qui sont en difficulté ce matin », a-t-il lâché. En prononçant cette phrase sublime, M. Breton, même délocalisé dans la capitale de l’UE, ne songeait pas aux ministres du gouvernement français, mais voulait montrer son empathie avec les souffrances de son propre peuple. Et d’ajouter : « on espère qu’on saura trouver les moyens pour mener à son terme » ladite réforme.

Précision : le premier « on » se rapporte manifestement à la Commission européenne ; le deuxième, aux autorités françaises dont « on » attend qu’elles ne faiblissent pas face aux privilégiés du secteur public qui prennent les malheureux usagers – ou plutôt les clients – en otage.

Et Thierry Breton d’étayer sa pensée : « la Commission européenne juge nécessaires toutes les réformes qu’il faut mener sur l’ensemble du continent, et notamment celle-ci ». On n’en voudra pas au jeune Commissaire une formulation finement pléonastique (« la Commission juge nécessaires toutes les réformes nécessaires »), car on a compris l’essentiel : à Bruxelles, sur les « réformes structurelles », on ne relâche rien. Et surtout pas la pression sur les capitales qui sont sommées de ne pas flancher.

PNR

Même installé dans un bureau qui sent encore la peinture fraîche (on l’imagine), l’homme n’a pas mis longtemps à se familiariser avec l’ensemble des dispositifs communautaires visant à guider les Etats membres, tout particulièrement ceux de la zone euro, dans la politique économique à mener. Ainsi, le Programme national de réforme (PNR) qui résume les engagements annuels de Paris vis-à-vis de l’Union européenne, et dont la dernière copie fut remise à Bruxelles en avril 2019, stipule notamment : « l’accès à l’emploi et la revalorisation du travail constituent une priorité, en réformant le marché du travail et en réduisant les charges, en revalorisant les revenus d’activité, et en modernisant les systèmes d’assurance chômage et de retraite ».

Dans le sabir anglo-saxon transposé en français, on appelle cela une feuille de route. Et les autorités françaises sont en ordre de marche – c’est du moins ce que veut croire M. Breton qui affiche ainsi son optimisme : Emmanuel Macron est « vu de Bruxelles, quelqu’un qui a commencé à réformer en profondeur le pays », et jouit de « beaucoup de confiance » au sein de l’exécutif européen.

Il va sans doute en avoir besoin.

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