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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

« Chaque pouvoir qui arrive dans Gaza essaye d'utiliser les clans à son profit »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Dimanche 24 mars 2024.

Les Israéliens sont toujours en train de chercher des solutions pour remplacer le Hamas. Parmi ces anciennes et mauvaises solutions, ils ont essayé de s'attacher la collaboration des chefs des « grandes familles » de la bande de Gaza. C'est la méthode de tous les colonisateurs et occupants : les Soviétiques ont voulu l'employer en Afghanistan, les États-Unis en Irak et en Afghanistan. Malheureusement, dans le monde arabe et surtout au Proche-Orient, l'esprit clanique est une réalité, et il faut souvent passer par ces chefs pour régler les problèmes. Les Israéliens ont commencé à faire ça en 1967, après leur occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem.

À l'époque, il y avait un vide dans le pouvoir administratif et politique. Ils ont donc commencé à chercher des interlocuteurs pour assurer la sécurité. Ils se sont adressés aux moukhtar, les chefs des familles importantes. Ces gens étaient connus pour leurs relations avec les occupants successifs, depuis l'empire ottoman, jusqu'aux Britanniques, puis les Israéliens. Leur réputation était ambivalente. On les voyait comme des médiateurs avec l'occupant, fournissant un service administratif et facilitant la vie des gens, mais ils étaient aussi considérés comme des collabos.

Cela se passait ainsi : le général israélien qui commandait la région venait voir le moukhtar — ou le chef de la famille X — et lui disait : « Il y a un problème avec un de vos membres. Donc soit vous réglez le problème, sinon nous allons l'arrêter ». Parfois, au contraire, le moukhtar pouvait intervenir pour faire libérer des gens.

« Tout change avec l'arrivée d'Arafat »

Mais tout a changé avec le début de la première Intifada, en 1987. Les grandes familles ont perdu leur influence. C'est l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui a pris le pouvoir et en premier lieu, parmi les factions qui la composaient, le Fatah de Yasser Arafat. Cette situation a duré jusqu'aux accords d'Oslo, avec la création de l'Autorité palestinienne (AP), et l'installation en 1994 de Yasser Arafat à Gaza. Arafat avait besoin du soutien des grandes familles pour consolider son pouvoir. Il a créé à l'époque un organisme qui s'appelait Hay'at Al ‘Achaer, ou l'Instance des clans. Ces derniers pouvaient intervenir par exemple en cas d'affrontements ou de différends entre les membres de différentes familles, afin que le problème soit réglé à l'amiable plutôt que devant les tribunaux. Cela a continué ainsi jusqu'au début de la deuxième intifada, en 2000. C'est à cette époque que le rôle des familles a commencé à évoluer, pour passer de médiateurs à des pratiques qu'on peut qualifier de mafieuses.

Plusieurs d'entre elles ont profité du désordre sécuritaire et de l'affaiblissement de l'AP, dont la police et les services de sécurité ne pouvaient plus travailler, leurs locaux et leur personnel étant pris pour cible par les Israéliens. La création du Hamas, devenu rapidement assez populaire, enlevait aussi à l'AP une partie de son pouvoir. À son tour, le parti islamiste a décidé de s'appuyer sur certains clans, allant jusqu'à les armer. Ces derniers ont tué des chefs de la police de l'AP et de ses Moukhabarat, ses services de renseignement, notamment un dirigeant important, Jad Tayeh, ainsi que les enfants d'un autre responsable de ces services. Tout cela jusqu'à la prise de pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza en 2007.

Ce projet suppose l'éradication du Hamas

Depuis, la situation s'est une nouvelle fois renversée pour ces grandes familles. Une fois établi au pouvoir, le Hamas ne pouvait plus tolérer l'existence d'une force parallèle. La première chose qu'il a faite, c'est de les désarmer. Les alliés sont devenus des ennemis. Plusieurs assauts sanglants ont eu lieu contre les bastions de plusieurs clans, au cours desquels des femmes et des enfants ont été tués. Certaines de ces familles, proches de la frontière, ont préféré se réfugier en Israël. Parmi ses membres se trouvait un responsable important du Fatah.

Si je fais ce rappel historique, c'est pour montrer que chaque pouvoir qui arrive dans la bande de Gaza essaye d'utiliser ces clans à son profit, quitte à s'en débarrasser quand il n'en a plus besoin. Maintenant, les Israéliens voudraient faire la même chose, en transférant le pouvoir vers les familles importantes. Mais ce projet suppose l'éradication du Hamas. Or, ce n'est pas le cas, et la plupart de ces grandes familles le savent.

Depuis le 7 octobre, la police et la sécurité intérieure, qui sont particulièrement visées par l'armée israélienne, ne sont plus présentes sur le terrain. Certains clans en ont profité pour se livrer au pillage. Il y en a eu dans le nord, dans les maisons bombardées et abandonnées par leurs propriétaires, qui avaient fui vers le sud. Les convois d'aide humanitaire ont parfois été pillés aussi, pour revendre l'aide sur le marché.

Le Hamas leur a fait comprendre de façon explicite qu'il fallait encore compter avec lui. Il a menacé des moukhtar, et même exécuté certains d'entre eux, parce qu'ils avaient franchi la ligne rouge en sortant les kalachnikovs pour piller des convois humanitaires. Le Hamas tolère les armes blanches, voire les pistolets, mais pas les mitraillettes ; c'est une arme de guerre et le Hamas ne peut admettre l'existence d'une force armée parallèle.

« Vous allez protéger les convois, mais sous notre contrôle »

Du coup, quand les « kalach' » ont été sorties, les combattants du Hamas ont surgi de leurs caches souterraines. Résultat : on n'entend plus parler de pillages. Le Hamas a ensuite choisi de nouveau une solution politique : coopter les grandes familles en leur disant en substance : on ne peut plus être présents en uniforme pour protéger les convois humanitaires, parce qu'on est aussitôt ciblés par les Israéliens. Vous allez participer à la protection de l'aide, mais sous notre contrôle. C'est ainsi que pendant deux jours consécutifs, deux convois humanitaires chargés principalement de farine en provenance de Rafah sont arrivés sans encombre jusqu'à Jabaliya, dans le nord, protégés par des jeunes des clans, sous la supervision de nombreux militants du Hamas en civil. D'ailleurs beaucoup de ces jeunes étaient en réalité également proches du Hamas. Tous étaient armés de bâtons et non de kalachnikovs, tout le long de la rue Salaheddine, la route principale de la bande de Gaza. Le Hamas avait publié un communiqué demandant aux gens de ne pas s'approcher, et qu'il était là pour superviser la distribution équitable de l'aide.

Tout cela a fonctionné parce que le Hamas avait mis en place une coordination avec les grandes familles, en particulier pour les distributions de nourriture. Les Israéliens ont été furieux, et comme je l'ai raconté dans mon dernier journal, ils ont commencé à assassiner les dirigeants du Hamas responsables de cette coordination. En tout cas, leur projet de trouver des collaborateurs chez les grandes familles a échoué, et ils se rendent compte que le Hamas est toujours là, la preuve étant qu'ils continuent à participer à des discutions avec lui au Caire ou au Qatar.

Banksters de la BCE, actualisation au 22 mars

Les banksters de la BCE prêtent de l’argent qu’ils n’ont pas à des banksters de la zone qui en manquent. C’est de la cavalerie financière et de la création monétaire ex nihilo létale à terme.

***

Les actifs de la BCE ont augmenté depuis sa création, de plus en plus fortement jusqu’à une inversion à partir du 24 juin 2022 pour atteindre un plus haut record historique à 8 836 milliards d’euros,

Document 1 :

Ces actifs sont constitués pour l’essentiel par des titres (Securities) pour 4 833 milliards d’euros au 12 mars dernier et de prêts (Lending) à des banques commerciales. Ils sont en forte baisse mais ils atteignent la somme de 402 milliards d’euros,

Document 2 :

Ces prêts ont fortement augmenté à partir du 6 mars 2020, c’est-à-dire à partir du moment où les autorités européennes ont interdit à la population de travailler tout en lui prêtant jusqu’à 2 217 milliards d’euros sous le prétexte de cette histoire de coronavirus, dans le cadre des opérations dites de TLTROs III (Targeted Longer-Term Refinancing Operations).

Cependant, ces prêts généreusement accordés (avec parfois des taux… négatifs !) ont fortement baissé (par exemple le 28 décembre 2022 et le 30 juin 2023) surtout pour des raisons dites techniques, car les banksters européens devaient diminuer leurs actifs compte tenu des montants de leurs capitaux propres,

Document 3 :

Euh…

Comment ont été financés les 8 836 milliards d’euros d’actifs de la BCE ?

Pour rappel, les actifs de toute entreprise et de toute banque y compris ceux d’une banque centrale sont financés par son passif, c’est-à-dire par des dettes et des capitaux propres, liabilities and equity en anglais, le mot passif n’existant pas logiquement dans cette langue.

Or les capitaux propres de la BCE sont négligeables.

Les actifs de la BCE sont donc financés pour l’essentiel par des dettes, liabilities, mais qui sont les créanciers ?

Qui ?

Euh… ben… ce sont les banksters des banques commerciales qui ont prêté ces centaines de milliards d’euros à la BCE !

Oui mais les banksters des banques commerciales n’avaient pas d’argent puisqu’ils étaient obligés d’emprunter des centaines de milliards d’euros à la BCE qui n’avait pas d’argent elle non plus !!!

Euh… ben… toute personne ayant un minimum d’intelligence comprend tout de suite que cette histoire est ubuesque et qu’il s’agit en fait d’une gigantesque opération de cavalerie financière !

En réalité, les banksters de la BCE se sont toujours entendus avec leurs homologues des banques centrales, par exemple le 26 juin 2020, pour leur prêter… 564 milliards d’euros supplémentaires à condition qu’ils les redéposent en retour le même jour à la BCE !

Ainsi, au cours de la même journée de banque, la BCE prête l’argent qu’elle n’a pas à ses banksters (qui n’ont pas d’argent).

Ces banksters des banques commerciales déposent alors cet argent (qu’ils sont censés avoir) en retour à la BCE.

Ces opérations sont faites finalisées après la fin des heures d’ouverture des agences bancaires (en back office).

Débit égale crédit, actif égale passif, tout donne l’impression d’être (presque) en ordre mais c’est de la pure création monétaire ex nihilo !

Les dettes de la BCE sont donc constituées des dépôts des banques commerciales auprès de la BCE qui se sont montés à un plus haut record de 4 910 milliards d’euros le 11 novembre 2022 pour retomber à 3 662 milliards, ce qui constitue de l’argent qui n’existe pas en réalité selon les règles comptables,

Document 4 :

Il existe une antériorité à cette création monétaire ex nihilo : l’Allemagne de l’entre-deux guerres, cf. le livre de notre ami Pierre Jovanovic, Hitler ou la revanche de la planche à billets.

Une remarque importante : aux États-Unis, il n’y a pas de création monétaire ex nihilo car c’est l’État fédéral qui a emprunté de l’argent sur les marchés financiers avant de le distribuer généreusement.

C’est une hypertrophie monétaire de plus de 5 200 milliards de dollars qui subsiste aux États-Unis, ce qui les handicape gravement, comme le montre le fait que la masse monétaire M2 représente 73,5 % du PIB courant annuel alors que ce ratio ne devrait pas dépasser 55 %, cf. mes analyses à ce sujet.

Pour rappel, l’argent sain est le premier pilier des Reagonomics comme l’a dit et répété Arthur, Laffer et le gros problème aux États-Unis est que l’argent n’y est plus sain actuellement, pour la première fois depuis l’après-guerre.

***

Je dénonce en vain depuis des années cette arnaque gigantesque qu’est cette cavalerie financière qui alimente cette création monétaire ex nihilo orchestrée par les autorités monétaires de la zone euro, ce qui n’intéresse personne (ou presque) jusqu’à ce que ce problème révèle son importance… qui prend un tour nouveau après cette histoire de coronavirus, puis la guerre en Ukraine puis à Gaza et maintenant avec une aggravation particulièrement inquiétante de ces conflits alimentés par les juifs révisionnistes américains.

La vieille Europe continentale est une des plus grandes victimes de ces manipulations à l’échelle planétaire.

***

Pour rajouter une petite touche négative, il faut remarquer que les moyens de financement des actifs que sont les billets et les dettes des banques commerciales (banknotes et liabilities) ont été insuffisants pour financer les actifs que sont les prêts et les titres acquis par la BCE.

Document 5 :

L’écart a été gigantesque au plus fort le 31 décembre 2021, ce qui a obligé à de mystérieux et anonymes non-résidents de la zone euro d’apporter des centaines de milliards d’euros pour combler ce trou afin que la BCE puisse ne pas sombrer,

Document 6 :

Comme je l’ai publié à maintes reprises, ces mystérieux et anonymes non-résidents de la zone euro ne pouvaient être que des dirigeants de pays musulmans exportateurs d’hydrocarbures qui ne l’ont pas fait entièrement gratuitement…

Pour information, copie d’écran des actifs de la BCE avec les prêts et les titres…

Document 7 :

… et leurs moyens de financement que sont les billets en circulation et les dépôts des banques commerciales,

Document 8 :

Les capitaux propres de la BCE ne sont que d’une centaine de milliards d’euros pour un total du bilan de 6 813 milliards d’euros, ce qui est négligeable et dangereux car ses pertes s’accentuent  !

Bravo les artistes.

© Chevallier.biz

« Ce qui rend les Israéliens furieux, c'est que le Hamas est toujours là »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Jeudi 23 mars 2024.

Trois dirigeants du Hamas ont été tués par l'armée israélienne ces derniers jours. Un à Gaza-ville, un à Nusseirat et le troisième au nord de la bande de Gaza. Tous trois étaient responsables de la coordination pour sécuriser l'aide humanitaire qui passe via les camions, depuis la frontière égyptienne à Rafah, jusqu'au nord de la bande de Gaza en passant par Gaza ville.

La date de leur assassinat ne doit rien au hasard. Il y a environ cinq jours, deux convois ont effectivement réussi à atteindre la ville de Gaza et le nord de la bande de Gaza. Ils ont livré leur cargaison de farine aux entrepôts de l'UNRWA à Jabaliya. Ces convois humanitaires venus d'Égypte n'ont pas été attaqués.

Pourquoi cela s'est bien passé ? Parce que le Hamas avait déployé ses hommes tout au long du parcours, sur la rue Salaheddine, la plupart armés de bâtons. Auparavant, l'organisation avait publié un communiqué disant qu'il ne fallait pas se trouver dans ces endroits-là, et ne pas tenter d'arrêter les camions, surtout sur ce qu'on appelle le rond-point du Koweït, là où des camions d'aide humanitaire ont été attaqués et où l'armée israélienne a tiré sur les gens. Ces gardes – pour la plupart des jeunes - déployés n'étaient pas des policiers, mais des militants du Hamas. Deux convois se sont donc succédé sans encombre pendant deux jours. Le troisième jour, les Israéliens les ont bombardés.

Il y aurait eu plus de vingt morts ce jour-là. Après quoi, l'armée israélienne a assassiné ces trois hommes. Le premier à l'hôpital Al-Chifa, le deuxième dans une voiture à Nusseirat et le troisième à côté d'un entrepôt de l'UNRWA je crois. Pourquoi ? Parce que ces hommes du Hamas organisaient la protection des convois terrestres. Leur efficacité n'a pas plu aux Israéliens. Le passage des camions sans difficulté menaçait de faire capoter leur projet de faire arriver l'aide humanitaire par la mer, et ça contredisait leur propagande comme quoi « le Hamas détourne l'aide ».

Pour comprendre leurs motivations, il faut savoir que dans le nord de la bande, la situation est encore pire qu'au sud. La famine s'est installée parmi les quelque 400 000 personnes qui n'ont pas fui vers le sud comme voulait les y pousser l'armée israélienne. Si les Israéliens veulent empêcher toute aide humanitaire de parvenir depuis le sud, c'est probablement parce qu'ils veulent séparer définitivement les deux parties de la bande, laissant le sud à l'Égypte, et faire du nord une zone tampon administrée par eux. Voilà pourquoi Israël cherche toujours à organiser le désordre pour pouvoir prétendre qu'il est impossible de faire passer l'aide par voie terrestre du sud vers le nord, qu'il y a des détournements, des attaques.

Ce qui rend les Israéliens furieux, c'est que le Hamas est toujours là, qu'il est encore puissant, et qu'il a résolu la question des pillages.

Les Israéliens veulent s'appuyer sur les « grandes familles » de Gaza, qui sont devenues en quelque sorte des clans mafieux et qui avaient pu, au début, attaquer les convois d'aide humanitaire. Le Hamas a réagi par la manière forte. On parle de l'exécution de treize membres de l'un de ces clans, je reviendrai dessus dans une prochaine page de mon journal pour Orient XXI.

Après l'assassinat des trois responsables de la protection des convois humanitaires, que peut-il se passer ? Le Hamas trouvera sans doute une solution. C'est un mouvement très bien organisé, de la base vers le sommet, qui a une hiérarchie très développée. Et sa dimension religieuse fait qu'il y a une grande loyauté envers les chefs et envers le mouvement en général.

D'ailleurs, les Israéliens croient-ils à leur propre propagande, quand ils disent que c'en est bientôt fini du Hamas ? Si c'est le cas, pourquoi sont-ils en train de négocier avec eux au Caire ? Éradiquer le Hamas ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudrait au moins que l'armée israélienne occupe la bande de Gaza pendant au minimum deux ou trois ans pour y arriver.

« Coco, ton dessin nous dépeint comme des sauvages »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Mercredi 20 mars 2024.

La nuit de lundi à mardi a été terrible, une nuit sanglante sur la ville de Rafah.

Des bombardements intensifs ont causé la mort de quinze personnes, en majorité des femmes et des enfants.

Les bombes ont commencé à tomber à 17h, tout près de là où on vit. Les enfants - ceux de mon épouse, Sabah, que je considère comme mes propres enfants, et notre fils Walid – ont eu très peur. Walid, qui a deux ans et demi, s'est réveillé pendant la nuit. Il a toujours le même réflexe : il applaudit quand il entend une explosion. Je lui ai appris ça quand on était encore à Gaza-ville, quand ça bombardait 24h/24, 7 jours/7, et quand les vitres se brisaient dans la tour où on habitait. C'était pour lui faire croire que les explosions faisaient partie d'un spectacle, que c'était un feu d'artifice.

Et donc quand les explosions ont commencé lundi, il a applaudi, et il m'a regardé dans les yeux, pour que j'applaudisse avec lui, comme on le faisait avant. Alors je l'ai regardé en souriant et j'ai applaudi. Même chose la nuit, quand il y a eu des bombardements vers 2 heures du matin. J'ai fait mon habituel sourire de clown, et ça a marché. Mais ça ne marche pas avec les autres enfants, qui ont entre 9 et 13 ans. Surtout pour l'aîné, Moaz, qui a très peur des bombes. Il est venu à côté de moi – on dort tous dans la même pièce, sur des matelas, les uns à côté des autres. Je lui ai dit : « Ne t'inquiète pas, c'est loin… » Mais c'est difficile de mentir avec lui, parce qu'il comprend ce qui se passe. J'essaye alors de le convaincre que ça ne va pas arriver jusqu'à nous. Il me demande :


— Est-ce que ça va se rapprocher ? Est-ce que c'est nous la prochaine cible ? Est-ce que c'est nous la prochaine maison ?
— Mais non, pourquoi ils nous viseraient ? Pourquoi ? On n'a rien à voir avec tout cela.
— Oui, mais tous ceux qui sont morts, ils n'avaient rien à voir non plus.

« Il me regarde sans trop y croire »

Il a des amis qui sont morts de la même façon, dont toute la famille a été bombardée. Et tous ces gens n'avaient rien à voir ni avec les factions, ni avec la branche armée du Hamas, ni avec la politique. À chaque fois que je cherche un prétexte, il me répond par des faits. La seule chose que je peux alors dire à Moaz, c'est : « Ne t'inquiète pas, Dieu nous protège, il ne va rien se passer. Dans quelques années, on sourira de tout cela. On dira : " Tu te rappelles quand tu t'es réveillé et que tu as eu peur ?" »

Le problème, c'est que je n'arrive pas toujours à le convaincre. Le pire, c'est quand il me dit : « Mais je crois qu'ils ont déjà visé des journalistes, et toi tu es un journaliste. » Et là je ne peux pas répondre grand-chose. Je dis :

Ne t'inquiète pas, je suis journaliste, mais je ne suis pas une vedette. D'habitude, ils visent des stars, et moi je suis juste un petit journaliste. J'essaie juste de faire mon boulot. Je ne suis pas assez connu pour qu'ils me visent. Je ne suis pas un danger pour les Israéliens.

Et Moaz de me regarder toujours sans trop y croire.

J'essaye de maîtriser ma peur, un peu celle de ma femme. Mais pas celle des enfants. Ils voient tout. Je ne peux pas cacher ce qui se passe. Ils voient que je suis connecté tout le temps pour chercher les infos. Je ne parle jamais devant eux de ce qui s'est passé, des massacres, des morts. Même quand les bombes sont tombées à côté de chez nous, je ne leur ai pas dit qu'il y avait eu des morts et des blessés. Mais ils ne sont pas petits comme Walid. Ils ont des amis dans le quartier, ils partagent les infos, il n'y a plus rien qui leur échappe. Leur peur est alimentée en permanence par les massacres. Et je sais qu'après la guerre, si on en sort vivants, il y aura beaucoup de choses à faire pour ces enfants, et surtout pour Moaz. Quand il voit son père applaudir et rigoler, Walid, lui, pense que le danger est plus ou moins maîtrisable et qu'il est un peu en sécurité parce que son papa est là.

« Je ne peux pas protéger mes enfants de la mort »

Il y aura beaucoup à faire pour ces enfants de Gaza qui sont peut-être un million, et que leurs parents n'arrivent pas à protéger. Je me sens impuissant. La protection, ce n'est pas juste un abri, une maison en dur au lieu d'une tente. C'est de dire aux enfants n'ayez pas peur, je suis avec vous. Ils savent que même si je suis à côté d'eux, ça n'est pas une garantie de ne pas mourir ni de ne pas souffrir, ni de ne pas être blessé. Ça peut marcher pour Walid, mais pas pour les autres. Ils savent que la présence physique d'un parent ne les protège pas.

J'essaie de tout faire pour mes enfants, trouver un endroit pour être plus ou moins en sécurité, un endroit qui protège de la chaleur ou de la pluie et du vent. Mais je ne peux pas les protéger de la mort, leur éviter d'être pris pour cible par les Israéliens. Je suis tellement impuissant, et c'est ça qui me brise le cœur avant de partir le matin pour aller travailler ou bien chercher les besoins quotidiens comme l'eau, la nourriture, etc. Je regarde dans les yeux de Walid ou de ceux des enfants de Sabah, et je vois toutes ces images que j'ai vues, comme journaliste, dans les hôpitaux ou dans les endroits qui ont été bombardés. Est-ce lui qui va venir me voir à l'hôpital ou à la morgue et me dire au revoir sans comprendre que je suis parti ? Ou bien l'inverse : est-ce moi qui irai voir mon fils à la morgue, ou bien sous les décombres, et souhaiter qu'il soit parti en paix ?

Je n'aime pas parler de ça, mais ça revient tout le temps, tout le temps. C'est arrivé à tellement de gens, pourquoi pas moi ? Pourquoi pas mon fils, ma famille ? Il n'y a pas de pourquoi avec les Israéliens. Ils disent « dégâts collatéraux », mais les dégâts collatéraux, c'est une personne, deux personnes, 100 personnes à la limite, mais pas 30 000. Il n'y a que de la vengeance aveugle. Voilà leur logique : tu dis bonjour à un type du Hamas, tu es une cible, tu serres la main à un type du Hamas, tu es une cible, tu as un voisin qui est du Hamas, tu es une cible. Ton frère est un type du Hamas, tu es une cible. Et pas seulement toi, toute ta famille.

Sauf que le Hamas est partout. Le Hamas, c'est ton frère, ton fils, ton cousin. Le Hamas, c'est ton collègue. Je prie Dieu quand je sors de chez moi, et je le remercie quand je rentre, quand je vois que ma famille est toujours saine et sauve, et moi aussi.

« La faim commence à arriver à Rafah »

Mais l'autre arme que l'on ne voit pas, c'est la famine. Walid s'est réveillé en ayant faim. Il m'a dit : « Baba [papa], je veux manger du jaja. » « Jaja » pour lui, c'est le poulet, déformation de « dajaj » en arabe. Je lui ai dit qu'il il n'y avait pas de « jaja », je lui ai donné un peu de concombre et une tomate à la place, il m'a dit : « Non, non ! Jaja ! » Il n'a pas arrêté de pleurer. Juste avant, il avait regardé un de ses dessins animés préférés sur YouTube, et on y voyait un petit bébé manger du poulet.

Je me plains parce que mon fils n'a pas de poulet, mais au moins il a des boîtes de conserve. Mais il y en a beaucoup comme Walid à Gaza au nord de la bande de Gaza qui ne trouvent rien à manger. Et la faim commence à arriver à Rafah. Si je regarde la photo de Walid avant et après l'offensive israélienne, je vois vraiment la différence. Pareil avec mes autres enfants.

Et c'est à ce moment-là que je découvre cette caricature publiée dans Libération de la dessinatrice Coco, qui montre des gens en train de courir derrière des rats pendant le ramadan, pour manger. Je vais considérer qu'elle veut dénoncer la famine à Gaza. Mais je peux te dire Coco, ce n'est pas du tout professionnel ce que tu as fait.

Ton dessin, il nous dépeint comme des sauvages qui mangent des rats et qui attendent l'iftar [le repas pour la rupture du jeûne] pour le faire. Mais même si je considère que c'est de l'humour noir, tu ne t'es pas dit qu'il fallait parler de tous les facteurs ? Dans ton dessin, tu n'as pas mis ceux qui sont derrière tout ça, qui empêchent de faire rentrer les sacs de farine et qui sont en train de tuer 2,3 millions de personnes. Si tu ne sais pas ce qui se passe à Gaza, c'est un vrai problème. Si tu le sais, c'est encore pire.

« Ton dessin nous humilie »

On n'est pas des sauvages. On est des êtres humains, et nous sommes en train de subir des massacres et des bombardements. On a tout perdu. On a perdu nos enfants, nos parents, nos commerces, notre travail ; on a tout perdu mais on a toujours gardé notre dignité. Et ton dessin touche à notre dignité, il nous humilie.

À Libération, ils savent très bien ce qui se passe à Gaza. C'est honteux de publier ça. Je ne comprends pas pourquoi il faut toujours nous humilier. Nous humilier quand on nous bombarde. Nous humilier quand on quitte nos maisons pour être déplacés au sud ou ailleurs. Nous humilier quand ils nous donnent à manger par parachutage.

Ne touchez pas à notre dignité. Personne ne peut nous faire perdre notre dignité.

Les Gazaouis ont perdu leur vie pour aller sur les ronds-points et arrêter les camions de livraison d'aide, en sachant qu'ils allaient mourir. Mais ils préfèrent mourir avec les bombes des israéliens que d'en arriver à manger des rats. Ils savaient qu'ils allaient être visés par l'armée israélienne, et malgré ça, ils préféraient mourir plutôt que de renoncer à leur dignité.

Banque de France et banksters français, au 19 mars 2024

Tous les banksters français, ceux des banques commerciales et ceux de la Banque de France (ce sont les mêmes !), sont d’accord : ils ont réussi à faire croire au bon peuple ignare que ceux de la Banque de France n’ont pas eu de chance en faisant perdre à la France… 12,445 milliards d’euros en 2023… qui sont autant de bénéfices pour leurs homologues les banksters des banques commerciales !

Document 1 :

Tous les journaleux et tous les bonimenteurs de tous les médias ont repris les dépêches de l’AFP et de Reuters qui propagent la même propagande organisée par ces banksters.

Effectivement, le bilan de l’exercice de 2023 publié par la Banque de France le 15 mars fait apparaitre au poste 14 du passif cette perte de 12,445 milliards d’euros sur l’exercice de 2023 à partir de bénéfices accumulés de 16 441 milliards d’euros fin 2022… en prévision de ces futures pertes que ces banksters avaient bien anticipées.

Document 2 :

Les banksters de la Banque de France ont bien anticipé ces pertes pour leur banque en sachant très bien que ces pertes correspondent à autant de bénéfices généreusement accordés à leurs homologues les banksters des banques commerciales…

En effet, pour prendre l’exemple de BNP-Paribas, la banque dont le gouverneur de la Banque de France a été l’un de ses grands dirigeants, son bilan publié pour la fin 2023 montre que cette banque a déposé a priori 273,614 milliards d’euros à la BCE rémunérés à un taux de… 4,5 % alors qu’ils ont été empruntés précédemment pour la plupart à des taux… négatifs !

Document 3 :

12,445 milliards d’euros de pertes en 2023 pour la Banque de France, ce sont 12,445 milliards d’euros de gagnés sans grande fatigue pour les banksters français, dont ceux de BNP-Paribas qui en partagent la plus grande partie.

Socialiser les pertes, privatiser les bénéfices, ce sont toujours les mêmes manips pour la nomenklatura française !

Par comparaison, aux États-Unis, à la fin de l’année 2023 et au début de l’année 2024, les banques ont eu la possibilité pendant quelques jours d’emprunter des milliards de dollars à la Fed à son taux de base (EFFR, Effective Federal Funds Rate) à un taux de 5,33 % et de les replacer sur le marché au taux de 5,40 % qu’est le SOFR, le Secured Overnight Financing Rate qui est le successeur du Libor,

Document 4 :

Ainsi, les banksters américains ont pu gagner… 0,07 % sans trop se fatiguer pendant quelques jours mais ces gains scandaleux ont été vigoureusement dénoncés par un grand nombre d’intervenants dans un grand nombre d’articles.

Document 5 :

En France et dans la zone euro, les banksters peuvent compter sur l’incompétence du public et de toute la communauté financière pour se gaver en empruntant à la BCE (et aux banques centrales nationales) des centaines de milliards d’euros à des taux négatifs et en les y replaçant à 4,5 % sans que personne (sauf une exception !) ne dénonce ces manips scandaleuses !

L’ersatz de bilan que publie mensuellement la Banque de France montre que la situation a continué à se détériorer au mois de janvier comme le montre la baisse de 83,6 milliards d’euros des dépôts des IFM (Institution Financières et Monétaires, c’est-à-dire les banques commerciales).

Cette baisse de 83,6 milliards d’euros est compensée par de mystérieux et anonymes apports de 92,5 milliards d’euros émanant de dépôts d’autres pays de la zone euro…

Document 6 :

Suite au prochain article, car il y a plusse pire encore !

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« La plus grande joie d'un enfant, c'est de faire manger sa famille »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Dimanche 17 mars 2024.

C'est la plus grande joie de ma vie. Il y a deux jours j'ai reçu un appel de nos anciens voisins de Gaza ville, la famille de Chahine. Ils habitaient dans la même tour que nous. Leur appartement, au dernier étage, a été complètement détruit. La famille compte quatre enfants, deux garçons et deux filles. Ils font partie des quelque 400 000 personnes qui n'ont pas fui vers le sud, qui ont choisi de rester à Gaza ville, où la situation est encore pire qu'ici. La benjamine s'appelle Ghada, elle a sept ou huit ans. Je l'appelais Doudou, elle était ma chouchoute, elle me faisait des câlins, des bisous, je l'adorais, je l'adore toujours. Son père me l'a passée au téléphone. J'avais les larmes aux yeux. Elle m'a dit combien je lui manquais et elle m'a demandé : « Est-ce que tu peux venir pendant le ramadan, on va faire des iftar [repas de rupture du jeûne] ensemble ». Je lui ai demandé si elle voulait du chocolat, comme avant. Elle m'a répondu : « Non, ‘ammo1, je préfère que tu nous apporte des légumes et de la viande, ou du poulet, parce qu'on n'en a pas vu à Gaza depuis cinq mois ». Cette réponse m'a brisé le cœur. J'ai insisté mais elle m'a dit : « Tu sais, on vit une famine ici. Et je ne veux pas que mon père aille dans ces ronds-points de la mort [où l'armée israélienne a plusieurs fois tiré sur des civils qui attendaient les camions transportant de l'aide], je préfère qu'il reste avec moi ».

J'ai pensé toute la journée à cette petite Doudou qui rêvait de légumes et de poulet, des choses banales en temps normal, mais qui ne l'étaient pas non plus plus pour nous, plus au sud. J'ai mis dans un petit sac quelques tomates, quelques concombres, un peu d'oignon et de pommes de terre, deux kilos en tout peut-être. Et comme on n'a pas de poulet à Rafah, j'ai ajouté de la viande hachée en boîte, ce qu'on appelle « Bolobeef »2 ici. Je suis allé au terminal de Rafah, à la frontière égyptienne, d'où partent les camions d'aide humanitaire. J'ai demandé s'il y en avait un qui allait à Gaza ville, et si le conducteur pouvait ajouter mon petit sac à sa cargaison. Et justement quelqu'un qui était à côté de moi m'a dit que son frère était chauffeur et qu'il partait pour Gaza ce jour-là. À ma surprise, il connaissait notre ancien quartier, et il me connaissait comme étant le journaliste qui a des contacts en France. Il m'avait vu à la télé raconter comment j'étais sorti de Gaza ville. Il a dit : « Je vais demander à mon frère de prendre le sac, mais je ne te promets rien, car c'est interdit de transporter autre chose que la cargaison du camion ». Je lui ai donné le numéro de téléphone de mon ami.

Son frère est allé sur place. Il a remis le sac à Chahine. Le lendemain j'ai reçu un SMS de mon ami :

Doudou a sauté de joie. Elle a dit : « c'est le plus beau cadeau de ma vie. Enfin on va manger de la viande, enfin on va faire une salade, on va manger des légumes ; et c'est grâce à moi, parce que ‘ammo Rami m'aime et qu'il m'a envoyé ce cadeau ».

J'ai relu ce message trente-six fois, les larmes aux yeux. J'ai pensé : on en est arrivé au point que la plus grande joie d'un enfant, c'est quelques tomates et une boîte de conserve. Elle ne voulait pas de jouet ni de chocolat, elle voulait faire manger sa famille. J'ai essayé de joindre Chahine et sa famille, pour entendre encore la voix de Doudou, mais les communications ne passaient pas. Mais j'étais content d'avoir pu faire quelque chose, d'avoir pu faire entrer la joie dans le cœur de ma petite Doudou. Mais combien y a-t-il de Doudou à Gaza ? Combien d'enfants qui rêvent de quelques tomates ?

Il y a 400 000 personnes au nord de la bande de Gaza. Nous sommes une société jeune. Un tiers ou peut-être la moitié d'entre eux sont des enfants. Je sais que ce petit cadeau ne les a pas rassasiés, mais il a pu leur donner un peu de joie. Et j'enrage devant les millions dépensés pour les « corridors humanitaires maritimes » qui vont prendre beaucoup de temps, ou les parachutages, alors que la solution est très simple : faire pression sur les Israéliens pour augmenter le nombre de camions qui rentrent. Dire qu'il n'y a pas de sécurité, ou que le Hamas va détourner l'aide, ce sont des prétextes. Et si c'était vrai, les mêmes choses se produiraient avec l'aide qui arrivera par la mer. Le lieu de débarquement de la cargaison transportée par la barge de l'ONG espagnole, c'est juste un terminal de plus3. Et une fois débarquée, l'aide sera traitée comme celle qui passe par les terminaux terrestres. Donc ce n'est qu'un prétexte. Arrêtez cette hypocrisie de « l'aide humanitaire » ! Si les Israéliens veulent que rien ne passe par eux, c'est pour couper tout lien avec Gaza.

Cette aide maritime, ce n'est pas une idée américaine, c'est une idée israélienne, que les Israéliens avaient négociée avec le président chypriote et présentée à Biden dès l'automne dernier. Biden veut faire croire qu'il est le sauveur de la bande de Gaza, il veut faire croire qu'il « fait pression sur les Israéliens », mais c'est faux. Il a juste obéi aux ordres des Israéliens. Ils sont en train de séparer la bande de Gaza non seulement d'Israël mais du reste des Palestiniens et de l'Autorité palestinienne. Ils veulent créer un gouvernement à leur botte, un gouvernement de Vichy, pour prendre une comparaison avec l'histoire de France.

Ils veulent faire croire que la question ce n'est pas l'occupation ni la conquête de la terre, et que les gens qui sont là sont seulement de pauvres indigènes à qui il faut donner à manger. Ils ont réussi à réduire la question politique à une simple question humanitaire.

L'essentiel, ce n'est pas ce qu'a fait le Hamas le 7 octobre, ni les prisonniers, mais le fait qu'Israël veut profiter de la situation pour faire ce qu'il n'a pas pu faire depuis 1948 : faire fuir l'ensemble de la population palestinienne. Tous les jours il y a des gens qui partent de Gaza, en payant des sommes exorbitantes à une agence de voyages égyptienne, pour fuir la machine de mort, les boucheries, les massacres qui se produisent sur toute la bande de Gaza, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

Les Israéliens ont toujours des buts tactiques, et des buts stratégiques. Je crois que ce corridor maritime est aussi un moyen stratégique : les Israéliens veulent expulser toute la population de Gaza, mais en disant qu'ils sont partis volontairement. Cela peut ressembler à une théorie du complot, mais si vous voulez vivre dans cette région, vous devez croire aux théories du complot.


1« mon oncle », terme affectueux et respectueux pour une personne plus âgée

2NDLR. Déformation de bully beef, l'équivalent du corned-beef.

3NDLR. Référence à l'ONG espagnole Open Arms qui a remorqué une barge chargée de 200 tonnes de vivres pour Gaza-ville.

Banques US : problématique du financement des actifs par les dépôts, au 16 mars 2024

Le système bancaire des États-Unis est globalement au bord du dépôt de bilan car beaucoup de clients des banques en retirent leur argent pour le placer dans des fonds mutuels de trésorerie.

***

Les banques des États-Unis financent leurs actifs aux trois quarts par les dépôts de leurs clients qui proviennent des apports des personnes qui y résident et des trésoreries des entreprises.

Notre ami Fred de Saint Louis publie les statistiques sur ces actifs et dépôts depuis 1973.

Les actifs et les dépôts des banques américaines augmentent logiquement au même rythme sur la longue période mais avec des écarts qui sont significatifs,

Document 1 :

En effet, l’écart entre les actifs et (moins) les dépôts fait apparaitre des pics lors des grandes crises, en 2008 (ce fut la Grande récession), en 2020 avec cette histoire de coronavirus et… présentement !

Document 2 :

Cet écart entre les actifs et (moins) les dépôts est même sur une tendance haussière lourde et longue depuis le début du mois de mai 2022 avec un pic en mars 2023 lorsque trois banques des États-Unis ont fait défaut,

Document 3 :

En effet, lorsqu’une crise se développe, les clients des banques sortent leurs capitaux des banques qui risquent d’être en faillite.

En conséquence, les dépôts des clients baissent alors que les actifs des banques continuent à augmenter normalement.

Cet écart entre les actifs et (moins) les dépôts avec un pic en mars 2023 augmente donc depuis le mois de février 2022, ce qui apparait clairement sur un graphique utilisant deux échelles différentes,

Document 4 :

Le problème est que cet écart ne peut pas être comblé par l’augmentation des capitaux propres des banques ni par une augmentation de leurs emprunts.

En conséquence, beaucoup de banques sont au bord de la faillite comme cela s’est passé avec Silicon Valley Bank.

Pour rappel, les clients des banques qui n’ont plus confiance en elles en sortent leurs capitaux disponibles pour les placer dans des fonds mutuels de trésorerie qui sont sur une tendance haussière lourde et longue.

Le total de ces apports dans ces fonds mutuels de trésorerie dépasse les 6 000 milliards de dollars, soit un tiers du montant des dépôts bancaires !

Document 5 :

Une remarque très importante s’impose à parti de l’observation de l’évolution des dépôts dans ces fonds mutuels de trésorerie : ils augmentent avant le déclenchement d’une crise !

En effet, ils ont augmenté de 1 000 milliards de dollars avant la fin de 2008, puis de 1 944 milliards de dollars avant le début de la crise liée à cette histoire de coronavirus et de 1 273 milliards de dollars depuis la fin du troisième trimestre 2023 à la fin de l’année 2023 (derniers chiffres publiés)… et c’est pire encore car ces données sont arrêtées à la fin 2023 alors que d’après d’autres sources (l’ICI) qui publient chaque jeudi les chiffres hebdomadaires de ces fonds mutuels de trésorerie avec un seul jour de délai, les dépôts sur les MMMF continuent d’augmenter !

Document 6 :

La dégradation du système bancaire des États-Unis se confirme par la baisse de plus de 100 milliards de dollars au cours des deux derniers jours des dépôts des banques bien gérées qui ont des trésoreries nettes excédentaires qui sont placées au jour le jour auprès de la Fed (le ON RRP).

La tendance linéaire de cette baisse tend vers le zéro absolu avant la fin de ce mois de mars, ce qui signifie que ce système bancaire des États-Unis sera alors globalement en situation nette négative !

Document 7 :

Le programme d’aides des banques régionales (le BTFP) a pris fin le 11 mars, ce qui va provoquer des baisses de dépôts dans les banques américaines qui sont dans une situation critique selon tous les indicateurs fiables.

Document 8 :

La fin du mois de mars est aussi la fin du premier trimestre 2024, ce qui peut révéler des situations de panique pour beaucoup de banques qui ne vont pas pouvoir équilibrer leur bilan !

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« Les camions qui distribuent l'aide sont protégés par des hommes armés »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Mardi 12 mars 2024.

Parlons du ramadan tel qu'on le vit d'habitude. Parlons des lumières. D'habitude, les lumières du ramadan sont partout. Dans la rue, dans les maisons, dans les boutiques. Il y a des haut-parleurs à côté des boutiques qui vendent les cadeaux du ramadan, et qui diffusent des tawachih, des chants religieux qui parlent de ce mois : « Le ramadan est arrivée, préparez-vous pour le jeûne ! » Il y a aussi d'habitude des chansons joyeuses pour les enfants, souvent égyptiennes, et qui sont connues dans tout le monde arabe.

C'est un mois de joie et de consommation. D'habitude, pendant le ramadan, il y a tout ce qu'il faut, ont trouve tout ce que l'on veut. Les étals des marchés sont pleins.

Mais pas cette fois.

Avant, pendant le ramadan, trois ou quatre heures avant le coucher du soleil, c'est-à-dire avant l'iftar (le repas de rupture du jeûne), tout le monde sort dans les rues pour faire les courses, acheter les ingrédients pour faire des gâteaux. Parce que le ramadan, c'est aussi le mois des gâteaux. Mais aujourd'hui, on ne trouve plus rien, ou à des prix exorbitants. Quand je pense qu'on disait, avant, que pendant le ramadan les produits étaient trop chers… Aujourd'hui, les gâteaux du ramadan, comme par exemple les ktayef1, ça n'existe plus. Normalement, il faut les farcir soit avec des fruits secs, soit avec du fromage blanc sucré. Aujourd'hui, il n'y a pas de fruits secs, ni de fromage blanc sucré.

Avant, on veillait toute la nuit, on se promenait, dans les rues, sur la « corniche », au bord de la mer. Une autre chose très importante pendant le ramadan : les visites entre familles, entre voisins. Le ramadan nous unit. Aujourd'hui, sortir est dangereux. Dès le coucher du soleil, c'est presque le couvre-feu.

De toute façon on n'a rien à apporter. Lundi, on avait voulu aller voir des amis, déplacés comme nous, mais on n'a rien pour les enfants. Pas de gâteaux, pas de knafeh2. Nous avons décidé de reporter la visite et de voir si on peut d'ici là trouver quelque chose sur le marché.

Les prix ont explosé. Avant, le kilo de ktayef coûtait entre 8 et 10 shekels (entre 2 et 2,5 euros), aujourd'hui son prix est entre 40 et 50 shekels (entre 10 et 12,5 euros). Les mélanges de fruits secs coûtaient 4 shekels (un euro) les 250 grammes. Aujourd'hui, c'est 10 fois plus cher, et en plus, c'est un mélange de n'importe quoi qui ne fait même pas envie. Quant à la viande, si on en trouve, est à 150 shekels le kilo (37,50 euros). Un kilo pour une famille de cinq personnes, ça ne vaut rien du tout. Nous par exemple, lundi, pour le premier iftar de ce ramadan, nous n'avons mangé que du riz, accompagné de haricots blancs en conserve, et encore, nous avons de la chance par rapport à la plupart des autres déplacés. Les enfants rêvent des spécialités du ramadan, des samboussek3, des knafeh, des ktayef. Mais il n'y en a pas.

Pour trouver de l'eau potable, ça demande beaucoup d'efforts. Les ONG en distribuent parfois dans les camps. Ou bien on achète, et ça prend beaucoup d'efforts et ça prend beaucoup de temps. Et de l'argent aussi.

Les bouteilles d'eau minérale coûtent aussi trop cher : 3 shekels la bouteille d'1,5 litre (0,75 euro). J'en achète juste pour les enfants, sinon on achète des jerricans d'eau vendus par des camions citernes, à 3 shekels le jerrycan de 20 litres. Cette eau vient de stations d'épuration. Il y en a trois qui fonctionnent encore. Elles pompent l'eau dans des puits. Je crois que l'UNRWA leur fournit le gazole pour les pompes. Cette eau est claire, mais on n'est pas sûr à 100 % qu'elle soit potable.

Les aliments arrivent au compte-gouttes. Il entre en moyenne entre 100 et 120 camions par jour, alors qu'il en faudrait au moins cinq cents. Leur chemin est ultra compliqué. Ils viennent tous d'Égypte, mais ils doivent ensuite passer par des terminaux israéliens pour être fouillés. Les camions entrent donc par la frontière égyptienne, à Rafah. Ils sont dirigés vers ces deux terminaux, Nitzana et Kerem Salem. Puis ils reviennent à Rafah. Les marchandises sont transférées des camions égyptiens à des camions palestiniens.

Il y a deux sortes de camions, Ceux de l'ONU, des ONG, du Croissant rouge et du CICR, et des camions appartenant à des transporteurs palestiniens privés, de vingt à trente camions par jour. Il y a six transporteurs, choisis par les Israéliens. La nourriture est en majorité achetée en Égypte, et elle est souvent de mauvaise qualité. Il y a parfois des conserves avariées, parce que les fournisseurs égyptiens ou les importateurs palestiniens veulent gagner plus d'argent. Normalement ces camions sont destinés à la bande de Gaza tout entière, mais depuis le « massacre de la farine »4, très peu de camions passent le checkpoint qui coupe Gaza en deux. Les gens qui ont été tués, on le sait, voulaient se servir directement sur les camions. Parce qu'ils avaient faim. C'est vrai qu'il y a eu aussi des pillages par des gangs, mais les gens qui se précipitent sur l'aide, c'est en majorité parce qu'il y a un manque, que la distribution est loin de toucher tout le monde.

On parle de maximum 150 camions qui rentrent. Donc 1 500 palettes, pour 2,3 millions de personnes. Cela fait même pas un tiers de boîte de conserve par personne.

L'aide est mal distribuée. Moi par exemple, je suis un déplacé, mais je n'ai rien reçu. Certes, je n'ai rien demandé, mais personne n'est venu me voir. Il y a des milliers, des centaines de milliers de personnes qui n'ont rien touché non plus. Les Israéliens organisent la pénurie parce qu'ils veulent que les prix montent et que cette pénurie entraîne le chaos.

Mais maintenant, il y a moins de pillages. Cela n'existe presque plus à Rafah parce que les camions sont protégés par des hommes armés de bâtons ou de kalachnikov. Pour l'aide humanitaire, ce sont les hommes du Hamas. Pour le privé, les transporteurs ont leurs propres gardes. Mais parfois ils demandent des hommes au Hamas.

D'habitude pendant le ramadan, les mosquées sont pleines de monde. On prie aussi à l'extérieur, sur les places, dans les espaces libres. Mais pas cette fois. Aujourd'hui, quelques habitants de Rafah vont prier, mais c'est parce qu'ils n'ont pas vécu ce que nous, les déplacés du nord, avons vécu : les mosquées bombardées par l'armée israélienne, pour tuer les fidèles. Je ne vais plus à la mosquée depuis que je suis arrivé à Rafah. J'ai entendu le prêche dans les haut-parleurs de la mosquée voisine. Il espérait que Dieu arrête cette guerre pendant le ramadan. Il parlait de résilience, recommandait d'être patient et disait que tout cela est une épreuve de Dieu.

On ne fait plus les tarawih, les prières de la nuit du ramadan. D'habitude, on priait ensemble, en plein air, surtout quand il faisait beau.

Tout cela n'existe plus.


1Crêpes un peu épaisses.

2NDLR. Dessert à base de cheveux d'ange et de fromage.

3NDLR. Petits pâtés farcis de viande ou de fromage.

4NDLR. En référence aux 112 Palestiniens tués par des tirs de soldats israéliens le 29 février 2024, lors d'une distribution d'aide alimentaire, dans l'ouest de Gaza.

Momentum crash

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« C'est ramadan, mais le cœur n'y est pas »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Dimanche 10 mars 2024

Je voudrais aujourd'hui parler de l'ambiance du ramadan, qui commence ce lundi. Et comme d'habitude je débute avec la réunion des voisins, le matin, dès que je sors du deux-pièces que ma famille partage avec une autre. D'habitude, c'est eux qui commencent à parler, et ils me demandent mon avis ensuite. Ce dimanche au contraire, ils me regardent en silence, et ils attendent que je parle. Je lis dans leurs yeux qu'ils attendent une bonne nouvelle : une trêve pour le ramadan. Malheureusement rien n'a abouti. Dans leurs yeux, j'ai vu la déception quand j'ai commencé à leur expliquer la situation, qu'aujourd'hui une délégation israélienne va se rendre en Égypte, et une autre du Hamas est arrivée la veille. Je leur dis que ces délégations sont venues à la veille du mois de ramadan, parce qu'il faut arriver à une trêve en ce mois béni, et que je suis sûr qu'on va aboutir à quelque chose.

Mais dans leurs yeux, je lis : « Cette fois on sait que tu mens, Rami ». On s'est réveillé sur la nouvelle d'un massacre à El-Mawassi, près de Rafah, dans des camps de réfugiés - enfin, plutôt de nouveaux camps de déplacés du nord de la bande de Gaza. Il y a eu neuf morts dans la famille Abdelghafour. Peut-être plus finalement parce qu'il y a eu des blessés, et avec les hôpitaux qui manquent de moyens, les blessés meurent souvent. Il y a eu aussi des victimes à Gaza-ville, à Nusseirat. J'ai essayé de dire à mes voisins que cela annonçait peut-être une trêve, parce qu'il est courant que les trêves soient précédées d'une intensification des bombardements. Mais je voyais bien qu'ils n'étaient pas convaincus, qu'ils préféraient entendre ce bilan de la part d'un officiel et non d'un journaliste déplacé à Rafah. Ils voulaient quelqu'un de plus haut placé qui les rassure, qui leur dise qu'il y a allait avoir une trêve pour le ramadan.

Traditionnellement, il y a beaucoup de rituels dans le ramadan. Il y a les fawanis, les lampes du ramadan, des pochettes-surprises, les gens font les courses pour les iftar - les repas de rupture du jeûne - et pour offrir des cadeaux. Mais cette fois, il n'y a pas toute cette joie. Et le cœur n'y est pas. D'abord, il y a les massacres. Et puis, la majorité des gens n'ont rien ; du nord au sud, les habitants de Gaza dépendent de l'aide alimentaire, qui arrive au compte-gouttes. Un peu à Rafah, presque rien au nord et dans la ville de Gaza. Les quantités larguées par parachute sont dérisoires par rapport aux besoins de la population, elles sont une humiliation pour nous. En plus, ces largages ont tué cinq personnes, parce que le parachute attaché au colis ne s'était pas ouvert. On sait tous qu'il y a la famine à Gaza. Des gens meurent parce qu'ils ne trouvent pas à manger. Tout le monde a vu les photos de Yazan, cet enfant mort de faim. Mais Yazan n'est pas le seul. D'après le ministère de la santé, 24 enfants sont morts de faim à Gaza. Ni les parachutages ni le projet de port américain ne règleront le problème. Ils sont en train de se moquer de nous. On n'a pas besoin de tout ça. Tout le monde parle d'aide humanitaire, personne ne parle de l'arrêt de la guerre. Car les Israéliens ne veulent pas arrêter la guerre. Si Netanyahou l'arrête, sa vie politique est terminée. Il vit grâce au sang des Palestiniens.

Les États-Unis envoient de l'aide humanitaire, et en même temps ils envoient des armes à Israël. Je n'arrive pas à comprendre s'ils se moquent de nous. C'est beaucoup plus que de l'hypocrisie. Biden peut, sur un simple coup de téléphone à Netanyahou, faire passer cinq cents ou même mille camions dans la bande de Gaza par les terminaux qui existent. Dans les périodes « normales » avant la guerre, il passait entre cinq cents et six cents camions par jour. On dit qu'il y a du marché noir à Gaza, que les gens confisquent les produits. Tout cela est vrai. Mais pourquoi les gens font-ils cela ? Parce qu'ils manquent de tout. Cela cessera si on fait entrer des quantités normales de marchandises. Plus personne n'attaquera de camion, plus personne ne revendra de l'aide humanitaire sur les marchés. Mais ce que cherchent les Israéliens c'est le chaos, c'est l'humiliation. Ce qui me fait mal, c'est de voir que cette guerre s'est transformée en un « problème humanitaire ». Mais c'est d'abord un problème politique. Les Israéliens veulent se débarrasser des Palestiniens. Ils veulent toute la terre. À Gaza, ils ont sorti l'épouvantail du Hamas, mais en Cisjordanie, le Hamas n'est pas présent, et les incursions n'arrêtent pas. Ils ne veulent pas la paix, et tout cela se passe sous les yeux des États-Unis. Cette aide humanitaire, c'est de l'arnaque. Arrêtez de vous moquer de nous. Nous ne sommes pas des idiots, nous sommes un peuple conscient et éduqué. Nous savons très bien ce que vous voulez. Toute la population est dans la misère, nous avons perdu nos enfants, nos maisons, nous avons tout perdu. Mais nous n'avons pas perdu notre raison. Ils veulent nous enlever la raison et casser notre dignité, mais ça n'aura pas lieu.

Banques US : problématique du financement des actifs par les dépôts

Le système bancaire des États-Unis est globalement au bord du dépôt de bilan car beaucoup de clients des banques en retirent leur argent pour le placer dans des fonds mutuels de trésorerie.

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Les banques des États-Unis financent leurs actifs aux trois quarts par les dépôts de leurs clients qui proviennent des apports des personnes qui y résident et des trésoreries des entreprises.

Notre ami Fred de Saint Louis publie les statistiques sur ces actifs et dépôts depuis 1973.

Les actifs et les dépôts des banques américaines augmentent logiquement au même rythme sur la longue période mais avec des écarts qui sont significatifs,

Document 1 :

En effet, l’écart entre les actifs et (moins) les dépôts fait apparaitre des pics lors des grandes crises, en 2008 (ce fut la Grande récession), en 2020 avec cette histoire de coronavirus et… présentement !

Document 2 :

Cet écart entre les actifs et (moins) les dépôts est même sur une tendance haussière lourde et longue depuis le début du mois de mai 2022 avec un pic en mars 2023 lorsque trois banques des États-Unis ont fait défaut,

Document 3 :

En effet, lorsqu’une crise se développe, les clients des banques sortent leurs capitaux des banques qui risquent d’être en faillite.

En conséquence, les dépôts des clients baissent alors que les actifs des banques continuent à augmenter normalement.

Cet écart entre les actifs et (moins) les dépôts avec un pic en mars 2023 augmente donc depuis le mois de février 2022, ce qui apparait clairement sur un graphique utilisant deux échelles différentes,

Document 4 :

Le problème est que cet écart ne peut pas être comblé par l’augmentation des capitaux propres des banques ni par une augmentation de leurs emprunts.

En conséquence, beaucoup de banques sont au bord de la faillite comme cela s’est passé avec Silicon Valley Bank.

Pour rappel, les clients des banques qui n’ont plus confiance en elles en sortent leurs capitaux disponibles pour les placer dans des fonds mutuels de trésorerie qui sont sur une tenance haussière lourde et longue.

Le total de ces apports dans ces fonds mutuels de trésorerie dépasse les 6 000 milliards de dollars, soit un tiers du montant des dépôts bancaires !

Document 5 :

Des problèmes se posent à propos des statistiques publiées par le gouvernement.

En effet, les séries longues des dépôts de toutes les banques peuvent cacher des disparités entre les grandes banques, les banques régionales et les banques étrangères.

Notre ami Fred de Saint Louis publie les séries logues des dépôts corrigés des variations saisonnières (SA, Seasonally Adjusted), ce qui ne donne pas une image fidèle de la réalité car la situation présente est hors normes,

Document 6 :

Les chiffres des séries brutes, non corrigées des variations saisonnières (NSA, Not Seasonally Adjusted) devraient être plus fiable car la situation présente des banques ne s’est jamais produite précédemment.

Le programme d’aides des banques régionales prend fin le 11 mars, ce qui peut provoquer des baisses des dépôts dans les banques américaines qui sont dans une situation critique selon tous les indicateurs fiables.

La fin du mois de mars est aussi la fin du premier trimestre 2024, ce qui peut révéler des situations de panique pour beaucoup de banques qui ne vont pas pouvoir équilibrer leur bilan.

© Chevallier.biz

Crise bancaire US, marché monétaire et manque de liquidité, actualisation au 8 mars 2024

Les dépôts des banques américaines baissent mais leurs actifs augmentent. Les Américains n’ont plus confiance dans leurs banksters. Un tsunami bancaire est en gestation pour… très bientôt !

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Pour rappel… la crise qui va se produire aux États-Unis dans un avenir très, très proche peut être mise en évidence à partir d’indicateurs qui sont tous concordants, ce qui est rare…

Les Américains n’ont plus confiance en leurs banksters. Ils retirent donc leurs disponibilités des banques pour les placer principalement dans des fonds mutuels de trésorerie (voir mes articles à ce sujet) dont les avoirs continuent à augmenter pour atteindre au 6 mars un plus haut record historique de… 6 077,1 milliards de dollars !

Document 1 :

Par ailleurs, les banques régionales ont été obligées d’emprunter 164 milliards de dollars au 6 mars à des conditions avantageuses à la Fed dans le cadre du BTFP pour ne pas faire faillite tout de suite, mais comme ce programme prendra fin la semaine prochaine, la voie sera ouverte à une certaine incertitude qui peut avoir des conséquences gravement dommageables pour beaucoup de banques…

Document 2 :

D’autre part, les dirigeants des banques bien gérées refusent de confier leurs liquidités excédentaires au jour le jour à des banksters en situation nette négative et ils les déposent auprès de la Fed dans le cadre du ON RRP mais la politique monétaire menée par les dirigeants de la Fed les met finalement en difficultés si bien que la masse globale de ces dépôts baisse sur une tendance lourde qui tend vers zéro à la fin de ce mois de mars !

Le marché interbancaire américain est donc bloqué avec des banksters en situation nette globalement négative et des banques bien gérées qui vont se trouver globalement en situation nette positive mais proche de zéro, ce qui signifie que c’est tout le système bancaire américain qui serait alors au bord du gouffre !

Document 3 :

Par contre, une autre occurrence peut se produire représentée par une courbe de tendance polynomiale d’ordre 3 atteignant une asymptote dans les 300 à 400 milliards de dollars,

Document 4 :

Une vue d’ensemble de l’évolution de ce ON RRP montre que les banques américaines bien gérées arrivent à la fin d’une période de liquidités abondantes,

Document 5 :

La situation des marchés financiers est présentement hors normes avec des capitalisations bancaires qui atteignent des plus hauts records historiques alors que le cours de l’or vient de battre lui aussi son plus haut record historique à 2 203 dollars l’once à 12 heures 19 ce 8 mars 2024 !

Document 6 :

Le désordre est donc total sur les marchés financiers américains. Tout peut se produire à la fin de ce mois de mars qui est aussi celui de la fin de ce premier trimestre.

***

Pour rappel…

Cette crise bancaire américaine qui s’annonce ne sera pas l’apocalypse mais une crise majeure, potentiellement plus dévastatrice que celle de 2008-2009, et elle devrait se produire très, très prochainement avec une date critique fin… mars !

Elle permettra au Donald d’être réélu, sauf si ses adversaires (qui sont très puissants), réussissent à la retarder…

La Fed va essayer d’éviter le pire en apportant des milliards de dollars aux banksters mais cela risque fort de ne pas être suffisant pour éviter une crise majeure.

Cliquer ici pour lire mon article précédent à ce sujet.

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« Les coupures de connexion annoncent toujours une incursion militaire, un nouveau massacre »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Rami Abou Jamous n'a pas pu nous envoyer son texte du mercredi 6 mars car il n'avait pas de connexion.

Jeudi 7 mars 2024

Mardi, il y a eu une coupure totale de tous les moyens de communication : téléphones fixes, portables et internet. Mais même en dehors de ces coupures, communiquer est difficile. Pour me connecter, je fais des kilomètres jusqu'à un endroit où se retrouvent les journalistes, et où il y a un peu de réseau. J'utilise la carte SIM égyptienne envoyée par une amie. Mais il faut la recharger, et pour la recharger… Il faut une connexion. Autrement, il y a toujours deux compagnies qui opèrent à Gaza, bien que difficilement : Paltel (palestinienne) et Ooredoo (à capitaux qataris). Cependant, les Israéliens les coupent quand ils veulent.

Nous étions inquiets mardi car ces coupures annoncent souvent une opération de l'armée. À chaque fois que ça a eu lieu, c'était suivi d'une incursion, d'un nouveau massacre. Cette fois il y a eu une incursion à Khan Younès. La famille Farkawi, entre autres, a perdu plusieurs de ses membres. Il y a aussi eu beaucoup de morts au nord de la bande de Gaza. Les massacres ne s'arrêtent pas.

Comme d'habitude, quand je sors, les voisins se rassemblent autour de moi. Pour eux, je suis le journaliste qui sait tout. En ce moment, tout le monde veut savoir ce qu'il se passe en Égypte avec les négociations. En général, les gens veulent entendre ce qui leur fait plaisir. Ils disent : « Il va y avoir une trêve, on va rentrer chez nous pendant le ramadan ». Puis ils me demandent ce que j'en pense. Je les regarde dans les yeux… Si mon analyse personnelle ne va pas dans le même sens, je n'ai pas le cœur à leur dire la vérité.

Aujourd'hui je voudrais vous parler de ces négociations, et surtout de l'état d'esprit des négociateurs palestiniens. Le problème, c'est que les Israéliens leur font croire que l'objectif, c'est un arrêt des combats, ou la libération des prisonniers des deux côtés. Je me demande si les négociateurs palestiniens sont vraiment conscients de certaines réalités. Je ne parle pas des boucheries, des massacres, que tout le monde voit, mais des faits accomplis que les Israéliens sont en train de mettre en place. À chaque fois qu'on retarde l'accord, les Israéliens font quelque chose sur le terrain. Ils ont laissé entendre que si l'on arrivait à un accord, il n'y aurait pas de « zones tampons »1. Pourtant ils sont en train de les installer. Elles seront directement reliées au territoire israélien, donc il s'agit d'une annexion. On parle d'une surface d'un ou deux kilomètres de large, tout autour de la bande de Gaza, soit à peu près 20 % du territoire. Autre fait accompli : cette route qui traversera la bande de Gaza dans la largeur, séparant le sud du nord de la bande. Ce sera un grand barrage comme à Qalandia2.

Pareil pour Khan Younès, au sud, et pour la ville de Gaza, au nord. Il n'y a plus de vie à Gaza-ville, plus d'eau potable, plus d'électricité, plus d'infrastructures. En réalité les Israéliens ne cherchent pas à libérer leurs otages. Nétanyahou s'en moque. On le voit dans l'attitude de l'armée israélienne qui est en train de tirer sur ses propres otages, parce qu'un otage mort vaut moins cher qu'un otage vivant. Ce n'est pas ça le but de Nétanyahou. Les faits accomplis sur le terrain, la misère, l'humiliation ont pour but de rendre difficile toute reconstruction et tout retour. On en arrive au véritable objectif : l'émigration « volontaire ». Ce mot me fait rire : on t'assiège, on te tue, on ne te laisse rien à manger, mais si tu veux partir c'est ta propre volonté, ce n'est pas nous qui t'y forçons. À cause de tout ce qu'il se passe, tous les jours, près de cinq cent personnes sortent de la bande de Gaza. Les gens paient 5 000 dollars par tête, 2 500 dollars pour les moins de seize ans, à une agence égyptienne, Yahala, pour les faire passer en Égypte. Si la guerre s'arrête, un grand nombre de personnes voudra sortir. Parce qu'il n'y a plus de vie dans la bande de Gaza. Je ne parle pas de la ville de Rafah où je me trouve. C'est la dernière carte de négociation pour Israël.

Je ne sais pas si les négociateurs palestiniens sont au courant de tout cela. J'ai l'impression qu'ils se concentrent sur la libération des prisonniers palestiniens et peut-être sur le retour des déplacés. Mais ce n'est pas ça l'objectif de guerre des Israéliens. Il faut faire la distinction entre le courage et la sagesse. Si un lion menace ta famille, l'affronter les armes à la main, c'est du courage. Mais le courage seul ne suffit pas, surtout quand les armes sont tellement inégales. Il faut aussi de la sagesse, renoncer à des objectifs maximalistes comme de libérer la totalité des prisonniers palestiniens. Car l'objectif final du lion n'est pas de tuer ta famille, c'est de prendre ton territoire. Les gens sont prêts à mourir. Ce qui nous tue vraiment, c'est qu'on prend notre territoire, notre pays. En Cisjordanie, les colons détruisent des oliviers qui sont beaucoup plus âgés qu'eux. Pour les Palestiniens, ces arbres valent plus que leur propre vie, et les colons le savent, c'est pour cela qu'ils les arrachent. Donc un conseil pour les négociateurs : prendre en considération le fait que le véritable but des Israéliens, c'est le transfert de deux millions et demi de personnes vers l'étranger par la force, même si l'on utilise le mot « humanitaire » ou le mot « volontaire ». Nous assistons à Gaza à la reproduction de la Nakba. Comme en 1948, les Israéliens massacrent les Palestiniens pour les faire fuir. L'armée israélienne est l'héritière des milices de l'époque.


1NDLR. Zones censées isoler la bande de Gaza d'Israël.

2NDLR. Point de contrôle qui isole la ville de Ramallah en Cisjordanie.

New York Community Bank, banksters et crise bancaire US, actualisation au 6 mars

Cette banque, New York Community Bank, joue un rôle important dans le développement de la crise bancaire qui couve aux États-Unis…

En effet, la cotation de NYCB a été suspendue ce 6 mars avant l’annonce de son sauvetage par Steven Mnuchin par l’intermédiaire de son fonds Liberty Strategic Capital,

Document 1 :

Or Steven Mnuchin a été un fervent partisan du Donald en 2016 lors de son élection à la présidence des États-Unis pour devenir par la suite Secrétaire d’État au Trésor.

Auparavant, c’est Jamie Dimon qui a tout fait pour maintenir à flot cette bad bank en recommandant aux investisseurs ce titre (Strong Buy) par l’intermédiaire de l’analyste de JPMorgan Steven Alexopoulos avec un objectif de cours de 11,50 USD contre 14 USD auparavant,

Document 2 :

Or, avant la suspension de cotation de NYCB, le titre est tombé à… 1,70 USD !

Document 3 :

Ce qui vient de se passer pour ce qui concerne cette banque manque de cohérence…

Il est compréhensible que Jamie Dimon ait voulu tout faire pour que le tsunami bancaire américain prévisible n’ait pas lieu, ou qu’il soit retardé après l’élection présidentielle pour que le Donald ne soit pas réélu en incitant le public à investir dans ce titre NYCB, mais il est difficile de d’admettre que Mnuchin puisse intervenir personnellement pour sauver présentement cette bad bank compte tenu de ses convictions antérieures.

Soit il a changé de camp, soit il intervient, en engageant… 450 millions de dollars, pour accentuer la crise dans l’avenir très proche pour faire tomber au bon moment les dominos bancaires qui sont encore en place, ce qui renforcera alors les chances du Donald de redevenir Président.

Ya de la magouille un peu partout…

Cliquer ici pour lire un article présentant l’intervention de JPMorgan en faveur de NYCB.

Cliquer ici pour lire un article de ZeroHedge au sujet de NYCB.

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New York Community Bank, banksters et crise bancaire US

New York Community Bank (NYCB) est présentement la banque des États-Unis la plus critique comme le montre la baisse de 80 % de son cours depuis un plus haut atteint fin juillet 2023…

***

Deux problèmes se posent à ce sujet…

D’abord, il apparait clairement que le total de ses actifs au 31 décembre 2023 a augmenté de 5 % par rapport à ce qu’il était fin 2022 alors que le total des dépôts de ses clients a baissé de 2 %, ce qui entraine une baisse de ses capitaux propres de 2 % et une hausse de ses dettes de 5 %… ce qui est parfaitement logique !

Document 1 :

Dans ces conditions, cette banque est au bord de la faillite, et il en est de même pour l’ensemble des banques américaines sur la base des chiffres des actifs et des dépôts publiés par le gouvernement des États-Unis (H8), cf. mes articles à ce sujet.

Les investisseurs ne se sont pas trompés en vendant les actions de NYCB mais il n’en est pas de même des autorités américaines chargées de surveiller le bon fonctionnement du système bancaire des États-Unis, et c’est là le second gros problème.

En effet, ces autorités, la FDIC puis l’OCC ont accepté l’acquisition par Flagstar de New York Community Bank le 1° décembre 2022 puis le 19 mars 2023 celle de… Signature Bank qui était… en faillite !

Document 2 :

Ainsi, les autorités américaines ont contribué à faire passer les actifs de la banque Flagstar de 25 milliards de dollars fin septembre 2022 à 123 milliards de dollars fin mars 2023 en acquérant une banque actuellement au bord de la faillite puis une autre qui était alors en faillite !

Bravo les artistes !

Une fois de plus, il apparait que les fonctionnaires chargés de la supervision du système bancaire américain sont totalement incompétents. Ils ont laissé se développer une crise systémique déjà bien avancée, c’est-à-dire un tsunami bancaire.

Document 3 :

Alessandro (Sandro) DiNello précédemment Executive Chairman of the Board a été nommé President et CEO de NYCB.

***

Cliquer ici pour lire le rapport financier de Flagstar à la SEC pour le 4° trimestre 2023.

Cliquer ici pour lire l’analyse de Better Markets sur NYCB

Cliquer ici pour lire l’article du 4 mars de Pa Martens de Wall Street on Parade sur NYCB.

Cliquer ici pour lire l’article du 5 mars de Pam Martens de Wall Street on Parade sur NYCB qui montre que JPMorgan intervient pour en retarder la faillite !

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Liste NON! -Supprimons 50% des fonctionnaires dédiés à la gestion de la PAC !

NON! PRENONS-NOUS EN MAINS ! – Avec Michel Goldstein, nous sommes allés visiter le Salon de l’Agriculture pour tester notre vision de l’avenir de la France en Europe. Nos propositions: (1) La suppression de 50% des postes de fonctionnaires et gestionnaires de la distribution de la PAC: à Bruxelles, mais aussi à Paris et en région. (2) La renégociation voire la sortie du “Pacte Vert”. (3) Le conditionnement des versements français au budget de la PAC à une levée des sanctions contre la Russie et à une taxation des importations agricoles depuis l’Ukraine. L’agriculture française a besoin qu’on la soulage des contraintes qui pèse sur elle. C’est pourquoi nous proposons une débureaucratisation qui rendra la distribution des aides plus rapide et plus sûre; la fin d’une écologie idéologique pour laisser les acteurs faire leur agriculture verte, sur le terrain; l’amorce d’une négociation dure au service des intérêts français dans la PAC.

Nous nous sommes rendus au Salon de l’Agriculture vendredi 1er mars, dans le cadre de notre campagne pour notre liste « Non ! Prenons-Nous En Mains » pour les élections européennes du 9 juin prochain. Passionnante plongée au cœur des contradictions françaises !

Un Salon bon enfant régulièrement dérangé par les politiques

Pour l’anecdote, nous avons croisé François Hollande, détendu, tout sourire, se prêtant à toutes les photos demandées. Quelques heures avant lui, Marc Fesneau, revenu au salon sans le président de la République, mais avec le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, avait été visés par des jets d’œufs, des sifflets, des appels à la démission. 

Vendredi était une journée ordinaire : ce qui a dominé depuis le début de la semaine, c’est une bonne humeur généralisée et une atmosphère détendue, de temps à autre interrompues par l’irruption d’une personnalité gouvernementale (ça s’est mal passé) ou une personnalité d’opposition (Jordan Bardella, Marion Maréchal, François-Xavier Bellamy), qui était bien accueillie.

Le fait qu’Emmanuel Macron ait été très mal reçu et Marine Le Pen au contraire chaleureusement ne doit pas nous empêcher de voir que la classe politique plaque, globalement, des slogans sur une réalité agricole française complexe, à la fois dynamique et fragile.  

L’agriculture française est dynamique

D’un côté, on ressort du salon plein d’optimisme sur le potentiel de notre pays. Le Salon de l’Agriculture n’est pas un village Potemkine dissimulant le déclin de l’agriculture française ni un musée de la nostalgie d’une France rurale. Il permet de prendre la mesure du dynamisme de notre agriculture et de l’intelligence collective qui règne dans le secteur.

Nous avons, comme bien d’autres candidats aux élections européennes, arpenté les allées du Salon, pour comprendre les implications de la Politique Agricole Commune – qui reste, avec 40% du total, le premier poste du budget européen, soit 9 milliards et demi pour la seule France. Nous voulions aussi mieux comprendre les racines du malaise actuel des agriculteurs. Voici quelques-unes de nos observations :

L’agriculture française est porteuse d’une grande vitalité. On est heureux de constater la liberté d’esprit et de ton des agriculteurs avec qui on peut s’entretenir sur différents stands. L’histoire de notre pays, la puissance de facto de l’agriculture française d’aujourd’hui, ont pour l’instant laissé peu de prise au discours défaitiste habituel sur « la France trop petite pour peser ». Non, la France reste un grand pays agricole. Les longs entretiens que nous avons eus avec l’association « Zéro Pesticides  » ou avec un céréalier de la Beauce sont deux exemples de « l’intelligence collective » évoquée à  l’instant : d’un côté, le regroupement de 400 « petits producteurs » qui cherchent à innover à partir de leurs savoir-faire plutôt que selon des slogans venus d’en haut (Bruxelles ou Paris) et qui commencent à peser, collectivement, dans les circuits de vente ; de l’autre un agriculteur à quelques mois de sa retraite, fier de pouvoir transmettre son entreprise à une jeune agricultrice prête à relever le défi et qui nous a décrit, en une heure d’entretien, la manière dont il est à la pointe d’une agriculture hyper-moderne, utilisant la collecte de données d’un bout à l’autre de la chaîne de production.

L’exemple paradoxal de l’agriculture bio

Nous avions pris comme fil directeur « le bio ». Or quelle n’a pas été notre surprise, de constater que l’agriculture bio proprement dit n’avait pas de grand espace à elle. On ne la trouvait nulle part, ou presque, en tant que telle, le bio semblant être l’oublié de la crise.

Le gouvernement avait pourtant promis un avenir radieux à la filière. Les ventes du bio ont encore baissé de 5% l’année dernière, les consommateurs délaissant ces produits jugés trop chers qui coûtent en moyenne 30% de plus que les autres. Les agriculteurs qui passent au Bio doivent accepter une perte de rendement. Ont été versé à la filière Bio en 2023 cent millions d’euros, 50 millions en janvier dernier ; soit 833 euros par exploitation. Résultat ; 3300 agriculteurs ont arrêté le Bio.

Mais certains diront que la préoccupation d’une agriculture  respectueuse de l’environnement et de la santé est suffisamment intégrée pour être partout…En réalité, les agriculteurs à qui nous avons parlé se méfient d’un label imposé par l’administration ou des modes des citadins des grandes métropoles. A la Porte de Versailles, on préférait visiblement mettre en valeur les terroirs et les initiatives locales. Et puis, il y a un ennemi…. : le « Pacte Vert ». ( Atteindre la neutralité climatique entre 2030 et 2050 …avec tout un tas de mesures restrictives.)

Cette bureaucratie française qui emm… les agriculteurs français

Au risque de briser un tabou, ce n’est pas la PAC en soi qui constitue le principal problème.

D’abord parce que la France, ainsi que nous vous l’avons dit, reste le premier bénéficiaire de la politique agricole commune.

Ensuite, parce que les complications, pour nos interlocuteurs, viennent d’abord de l’administration française, des couches de bureaucratie, de la « surtransposition » des directives de Bruxelles. ; nous sommes là au cœur de l’incohérence d’un gouvernement français qui, d’un côté, explique aux agriculteurs, que l’on peut vivre avec des accords de libre-échange, qui accroissent la compétition mondiale, et, de l’autre, ne cesse de renforcer les lourdeurs bureaucratiques.  

Enfin, parce que ce sont des contraintes politiques actuelles qui sont visées : le « Pacte Vert », dont nous parlions à l’instant ; ou les conséquences des sanctions qui ont fait perdre le marché russe, depuis dix ans ; et qui se sont énormément accrues depuis le début de la Guerre d’Ukraine, en particulier avec le renchérissement du prix du gaz et du pétrole ; la concurrence des produits ukrainiens, qui font baisser les prix.

Nos priorités pour l’agriculture française

Nous sommes repartis du Salon avec une vision plus claire de ce que devrait faire un gouvernement qui défende l’agriculture française :

+ Conformément à la philosophie générale de notre programme, nous voudrions que les lourdeurs bureaucratiques soient supprimées à tous les niveaux : de l’administration régionale, en première ligne pour la répartition des fonds de la PAC au niveau bruxellois, en passant par l’administration centrale française. Conformément à notre programme, notre objectif est la suppression, au niveau supranational comme au niveau national et régional de 50% des fonctionnaires dédiés à la gestion de l’agriculture française et de la PAC en général.

+ En suivant l’esprit de notre « liste citoyenne », nous voulons défendre la créativité de nos agriculteurs en ce qui concerne le respect de la santé et de l’environnement. Il s’agira de refuser des dispositifs abstraits, imposés depuis Bruxelles : pensons à la question de la rotation des céréales, à « Farm to Fork » ou aux objectifs fixés a priori de diminution de l’emploi des pesticides (-50%) et des engrais (-20%) d’ici 2030.  Ce n’est pas à la Commission de Bruxelles de décider de ces questions d’en haut. Nous souhaitons la renégociation voire la suspension du Pacte Vert.

+ Lorsque l’on parle de « souveraineté alimentaire », c’est inséparable de la souveraineté tout court. Le moyen le plus immédiat de défendre notre souveraineté alimentaire, c’est de mettre fin à la Guerre d’Ukraine et à ses conséquences. Non seulement, il n’est pas question que l’Ukraine devienne membre de l’UE ; mais Kiev ne doit disposer d’aucun accès privilégié au marché européen – et ceci d’autant plus qu’un tiers des terres ukrainiennes sont aujourd’hui aux mains d’investisseurs étrangers.  Nous souhaitons donc que les versements français au budget européen de la PAC soient conditionnés à la fin des sanctions contre la Russie et à la taxation des produits agricoles importés d’Ukraine.

Crise bancaire US, marché monétaire et manque de liquidité, actualisation au 4 mars 2024

Les dépôts des banques américaines baissent mais leurs actifs augmentent. Les Américains n’ont plus confiance dans leurs banksters. Un tsunami bancaire est en gestation pour… très bientôt !

***

Pour rappel…

La crise qui va se produire aux États-Unis dans un avenir très, très proche peut être mise en évidence à partir d’indicateurs qui sont tous concordants, ce qui est rare !

Il en est ainsi par exemple du problème soulevé par la baisse des dépôts des clients des banques américaines …

Pour rappel, les Américains, c’est-à-dire les habitants des États-Unis et leurs entreprises ont de l’argent disponible qu’ils placent dans leurs banques.

Pour les banques, ce sont des dépôts (deposits), c’est-à-dire des dettes qui financent leurs actifs.

Sous le prétexte de cette histoire de coronavirus, les autorités américaines leur ont apporté presque 5 000 milliards de dollars pour les aider à vivre normalement tout en leur interdisant de travailler en contrepartie.

Une telle augmentation de ces dépôts ne s’est jamais produite depuis que les données statistiques à ce sujet sont publiées, c’est-à-dire depuis 1973.

Cependant, depuis le 13 avril 2022, ces Américains ont utilisé une partie de cet argent, ce qui est normal.

En conséquence, ces dépôts ont baissé, ce qui ne s’est jamais produit globalement d’une telle ampleur depuis que les données statistiques à ce sujet sont publiées, c’est-à-dire depuis 1973 !

La Fed publie chaque semaine des données sur la structure du système bancaire des États-Unis qui permettent de suivre son évolution.

Ainsi, il apparait que les actifs des banques américaines se montaient globalement au 21 février, derniers chiffres publiés à ce jour, à 23 303 milliards de dollars, en données non corrigées des variations saisonnières.

Ces actifs sont financés essentiellement par les dépôts des clients pour 17 421 milliards de dollars, par des emprunts (borrowings) et le reste est présenté comme étant un résidu.

Ainsi, il apparait que la baisse de ces dépôts dans les banques américaines a été de presque 1 000 milliards de dollars entre avril 2022 et mai 2023 après que trois banques aient fait faillite alors que les actifs des banques ont augmenté !

Donc, les actifs des banques américaines augmentent alors que leurs principaux moyens de financement baissent !

L’écart entre les actifs et (moins) les dépôts était de l’ordre de 4 500 milliards de dollars début 2022 et il fluctue présentement aux alentours de 5 900 milliards de dollars.

Il atteignait précisément 5 882 milliards de dollars au 21 février, derniers chiffres publiés,

Cette divergence est bien mise en valeur en regroupant sur un même graphique les actifs et les dépôts sur deux échelles différentes à partir d’un point de départ en janvier 2022,

Document 1 :

Les Américains n’ont plus confiance en leurs banksters. Ils retirent donc leurs disponibilités des banques pour les placer principalement dans des fonds mutuels de trésorerie (voir mes articles à ce sujet) dont les avoirs continuent à augmenter pour atteindre au 28 février un plus haut record historique de 6 018,7 milliards de dollars !

Document 2 :

Par ailleurs, les dirigeants des banques bien gérées refusent de confier leurs liquidités excédentaires au jour le jour à des banksters en situation nette négative et ils les déposent auprès de la Fed dans le cadre du ON RRP mais la politique monétaire menée par les dirigeants de la Fed les met finalement en difficultés si bien que la masse globale de ces dépôts baisse sur une tendance lourde qui tend vers zéro à la fin de ce mois de mars !

Le marché interbancaire américain est donc bloqué avec des banksters en situation nette globalement négative et des banques bien gérées qui se trouvent globalement en situation nette positive mais proche de zéro, ce qui signifie que c’est tout le système bancaire américain qui est au bord du gouffre !

Document 3 :

Ainsi par exemple, le cours de New York Community Bancorp, Inc. (NYCB) continue de plonger ce jour à 2,9650 USD après avoir atteint un plus haut de 14,22 USD le 28 juillet 2023, soit une baisse de presque 80 % !

Document 4 :

Beaucoup de banques régionales sont très exposées aux risques d’impayés pour leurs prêts dans l’immobilier de bureaux.

Les banques qui sont dans une situation pire que celle de New York Community Bancorp (NYCB) sont très nombreuses !

Document 5 :

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Pour rappel…

Cette crise bancaire américaine qui s’annonce ne sera pas l’apocalypse mais une crise majeure, potentiellement plus dévastatrice que celle de 2008-2009, et elle devrait se produire très, très prochainement avec une date critique fin… mars !

Elle permettra au Donald d’être réélu, sauf si ses adversaires (qui sont très puissants), réussissent à la retarder…

La Fed va essayer d’éviter le pire en apportant des milliards de dollars aux banksters mais cela risque fort de ne pas être suffisant pour éviter une crise majeure.

Cliquer ici pour lire mon article précédent à ce sujet.

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« Le parachutage, c'est comme donner à manger à des chiens »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Dimanche 3 mars 2024

Beaucoup de bombardements samedi soir à Rafah. La famille Abou Aina à Khan Younès a perdu 13 de ses membres. L'armée israélienne a encerclé la ville d'Hamad. Elle a dit qu'elle voulait libérer des prisonniers. Il y a des morts partout.

Mais aujourd'hui, je voudrais vous parler du dernier cri de ce qui se fait dans l'aide humanitaire : le parachutage. Je n'ai jamais vu ça. C'est devenu la mode ces dernières semaines : larguer quelques gouttes d'aide. Il y a eu les armées de l'air égyptienne, jordanienne, et hier c'était les Américains. Je ne comprends pas pourquoi ces gens-là se comportent avec nous de cette façon. Ils veulent montrer au monde entier, et surtout à leurs populations, qu'ils sont en train d'aider Gaza. Mais en fait ils sont en train d'humilier Gaza.

Cette façon de larguer quelques gouttes d'aide humanitaire c'est comme donner à manger à des chiens. On leur jette des morceaux, et les chiens se précipitent pour les manger. Il y a une situation de famine dans le nord de la bande de Gaza, notamment dans la ville de Gaza. Les enfants sont en train de mourir de malnutrition. Deux bébés cette semaine sont décédés, qu'ils reposent en paix. Juste parce qu'ils n'avaient pas à manger. Et on vient nous larguer quelques sacs de farine et de riz… C'est de l'humiliation. Les Israéliens le savent, c'est pour ça qu'ils ont donné le feu vert. Car pour faire ça, il faut avoir leur autorisation. C'est eux qui fixent l'endroit où les avions jettent cette aide humanitaire, qui donnent les coordonnées GPS. Tout est fait par les Israéliens. Ce que je ne comprends pas, c'est que ces pays-là, au lieu d'aider de façon digne, le fassent de cette façon humiliante. On n'a pas besoin de cette aide si elle est imprégnée d'humiliation. Déjà, on est dans l'humiliation de l'occupation qui est en train de larguer des bombes partout, et là ce n'est pas de l'aide humanitaire qu'ils larguent, c'est de l'humiliation. Je ne comprends pas les pays comme le Canada qui veulent participer à ce genre d'opérations, la France qui a déjà participé à ce genre de parachutage, ou encore les États-Unis… Tous ces pays qui sont considérés comme des grandes puissances ne peuvent pas faire passer de la nourriture pour la population de Gaza, de manière digne ?

Quand les Houthis ont empêché les navires de passer par la mer Rouge, tout le monde s'est précipité pour faire passer dignement les marchandises pour Israël. Pourquoi ils ne le font pas pour Gaza ? Pourquoi les Émirats et la Jordanie ont ouvert les portes, les terminaux etc. pour les Israéliens1, et quand il s'agit des Palestiniens il faut toujours y ajouter de l'humiliation ? On est des êtres vivants. Tous ces pays apportent de l'aide et des armes à l'Ukraine ; je ne vois pas la différence entre l'Ukraine et la Palestine. On est occupés par les Israéliens, l'Ukraine est occupée par la Russie. Tout le monde se mobilise pour les Ukrainiens, et ils le font d'une façon digne. On n'a pas les yeux bleus et les cheveux blonds, mais on est des êtres humains.

Pour les États-Unis, c'est un autre dossier : ils fournissent aux Israéliens les armes les plus sophistiquées pour nous les larguer sur la tête, et en même temps, ils larguent de l'humiliation sous prétexte d'aide humanitaire. Je ne sais pas si c'est de la schizophrénie ou de l'hypocrisie aveugle dans ce monde. Arrêtez ! Il faut que ce monde-là s'arrête. Si vous voulez nous aider, faites-le de façon digne. On est déjà assez humiliés comme ça. On vit sous occupation, on a perdu nos proches, on a perdu nos maisons, notre travail. Il ne nous reste que la dignité. Et ils sont en train de nous l'enlever. Nous ne l'acceptons pas. Nous préférons mourir plutôt que d'accepter un morceau de pain au goût d'humiliation.


1NDLR. Rami Abou Jamous fait ici référence au pont terrestre qui aurait été mis en place entre Dubaï et Haïfa via l'Arabie saoudite et la Jordanie, ainsi que celui mis en plus entre l'Égypte et Israël, pour contourner la mer Rouge.

Gabriel Attal : déjà dans l’impasse ?

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’être simple, d’autant que, sitôt nommé,  il se trouve devoir faire face à une révolte paysanne, nos agriculteurs se plaignant d’être soumis à des réglementations bruxelloises absurdes qui entravent leurs activités et assombrissent leur horizon.

Nous allons voir que, par divers signes qui ne trompent pas, tant dans le domaine agricole que dans le domaine industriel, notre pays se trouve en déclin, et la situation devient critique. Le mal vient de ce que nous ne produisons pas suffisamment de richesses et, curieusement, les habitants paraissent l’ignorer. Notre nouveau Premier ministre, dans son discours de politique générale du 30 janvier dernier, n’a rien dit de l’urgence de remédier à ce mal qui affecte la France.

 

Dans le domaine agricole, tout d’abord :

La France, autrefois second exportateur alimentaire mondial, est passée maintenant au sixième rang. Le journal l’Opinion, du 8 février dernier, titre : « Les exportations agricoles boivent la tasse, la souveraineté trinque » ; et le journaliste nous dit : « Voilà 20 ans que les performances à l’export de l’alimentation française déclinent ». Et, pour ce qui est du marché intérieur, ce n’est pas mieux : on recourt de plus en plus à des importations, et parfois dans des proportions importantes, comme on le voit avec les exemples suivants :

On est surpris : la France, grand pays agricole, ne parvient-elle donc pas à pourvoir aux besoins de sa population en matière alimentaire ? Elle en est tout à fait capable, mais les grandes surfaces recourent de plus en plus à l’importation car les productions françaises sont trop chères ; pour les mêmes raisons, les industriels de l’agroalimentaire s’approvisionnent volontiers, eux aussi, à l’étranger, trouvant nos agriculteurs non compétitifs. Aussi, pour défendre nos paysans, le gouvernement a-t-il fini par faire voter une loi qui contraint les grandes surfaces et les industriels à prendre en compte les prix de revient des agriculteurs, leur évitant ainsi le bras de fer auquel ils sont soumis, chaque année, dans leurs négociations avec ces grands acheteurs qui tiennent les marchés. Il y a eu Egalim 1, puis Egalim 2, et récemment Egalim 3. Mais, malgré cela, les agriculteurs continuent à se plaindre : ils font valoir qu’un bon nombre d’entre eux ne parviennent même pas à se rémunérer au niveau du SMIC, et que beaucoup sont conduits, maintenant, au désespoir. 

 

Dans le domaine industriel, ensuite : 

La France est un gros importateur de produits manufacturés, en provenance notamment de l’Allemagne et de la Chine. Il s’est produit, en effet, depuis la fin des Trente Glorieuses, un effondrement de notre secteur industriel, et les pouvoirs publics n’ont pas réagi. La France est ainsi devenue le pays le plus désindustrialisé d’Europe, la Grèce exceptée. Notre production industrielle, calculée par habitant, selon les données de la Banque mondiale (qui incorpore la construction dans sa définition de l’industrie) est faible, comme le montre le tableau ci-dessous :

Nous nous situons en dessous de l’Italie, et nous sommes à 50 % de l’Allemagne. 

Autre signe préoccupant : la France, depuis des années, a une balance commerciale déficitaire, et ce déficit va en s’aggravant, d’année en année :

En 2023, notre déficit commercial a été extrêmement important : 99,6 milliards d’euros. Les commentateurs de la vie politique ont longtemps incriminé des éléments conjoncturels : augmentation du prix du baril de pétrole, baisse des commandes chez Airbus, le Covid-19, etc… Ils ont fini par réaliser que la véritable raison tient à la dégradation de notre secteur industriel.

 

Des pouvoirs publics sans cesse impuissants : 

Les pouvoirs publics, depuis une quarantaine d’années, se sont montrés impuissants à faire face à la dégradation de notre économie : ils ne sont pas parvenus à faire que notre économie puisse assurer le bien être de la population selon les normes qui sont celles des pays les plus avancés. Cela vient de ce qu’ils n’ont pas vu que la cause fondamentale des difficultés que nous rencontrions provenait de la dégradation de notre secteur industriel. Ce qui s’est produit, c’est que nos dirigeants se sont laissés piéger par le cliché qui s’était répandu dans nos sociétés, avec des sociologues fameux comme Alain Touraine, selon lequel une société moderne est une société « postindustrielle », une société « du savoir et de la connaissance » où les productions industrielles sont reportées sur les pays en voie de développement qui ont une main d’œuvre pas chère et corvéable à merci. Jean Fourastié avait formulé « la loi des trois secteurs de l’économie » dans son ouvrage « Le grand espoir du XXe siècle » (Population – 1949) qui connut un succès considérable. Une société, quand elle se développe, passe du secteur agricole (le secteur primaire) au secteur industriel (le secteur secondaire), puis ensuite du secteur industriel au secteur des services (le secteur tertiaire) : on en a conclu qu’une société moderne n’avait plus d’activités industrielles. C’est bien sûr une erreur : le secteur industriel reste toujours présent avec, certes, des effectifs réduits, mais qui sont extrêmement productifs, c’est-à-dire à haute valeur ajoutée par emploi. Nos dirigeants ont donc laissé notre secteur industriel se dégrader, sans broncher, voyant dans l’amenuisement de ce secteur le signe même de la modernisation du pays. Ainsi, on est-on arrivé à ce qu’il ne représente  plus, aujourd’hui, que 10% du PIB : en Allemagne, ou en Suisse, il s’agit de 23 % ou 24 %.

 

Des dépenses sociales phénoménales 

Le pays s’appauvrissant du fait de l’amenuisement de son secteur industriel, il a fallu que les pouvoirs publics accroissent régulièrement leurs dépenses sociales : des dépenses faites pour soutenir le niveau de vie des citoyens, et elles sont devenues considérables. Elles s’élèvent, maintenant, à 850 milliards d’euros, soit 31,5 % du PIB, ce qui est un chiffre record au plan mondial. Le tableau ci-dessous indique comment nous nous situons, en Europe :

Le graphique suivant montre comment nos dépenses sociales se situent par rapport aux autres pays européens :

La corrélation ci-dessus permet de chiffrer l’excès actuel des dépenses sociales françaises, comparativement aux autres pays de cet échantillon : 160 milliards d’euros, ce qui est un chiffre colossal, et ce sont des dépenses politiquement impossibles à réduire en démocratie car elles soutiennent le niveau de vie de la population. 

 

Un endettement du pays devenu structurel :

Autre conséquence de l’incapacité des pouvoirs publics à maitriser la situation : un endettement qui augmente chaque année et qui est devenu considérable. Faute de créer une richesse suffisante pour fournir à la population un niveau de vie correct, l’Etat recourt chaque année à l’endettement et notre dette extérieure n’a pas cessé d’augmenter, comme l’indique le tableau ci-dessous :

Notre dette dépasse à présent le montant du PIB, et les agences de notation commencent à s’en inquiéter car elles ont bien vu qu’elle est devenue structurelle. Le graphique ci-dessous montre combien est anormal le montant de notre dette, et il en est de même pour la Grèce qui est, elle aussi, un pays fortement désindustrialisé.

 

 

Quelle feuille de route pour Gabriel Attal ?

Notre jeune Premier ministre a une feuille de route toute tracée : il faut de toute urgence redresser notre économie et cela passe par la réindustrialisation du pays.

Nous avons, dans d’autres articles, chiffré à 350 milliards d’euros le montant des investissements à effectuer par nos entreprises pour porter notre secteur industriel à 17 % ou 18 % du PIB, le niveau à viser pour permettre à notre économie de retrouver ses grands équilibres. Ce montant est considérable, et il faudra, si l’on veut aller vite, des aides importantes de l’Etat, comme cela se fait actuellement aux Etats Unis avec les mesures prises par le Président Joe Biden. Nous avons avancé le chiffre de 150 milliards d’euros pour ce qui est des aides à accorder pour soutenir les investissements, chiffre à comparer aux 1.200 milliards de dollars du côté américain, selon du moins les chiffres avancés par certains experts. Il faut bien voir, en effet, que les industriels, aujourd’hui, hésitent à investir en Europe : ils ont avantage à aller aux Etats-Unis où existe l’IRA et où ils bénéficient d’une politique protectionniste efficace. 

Emmanuel Macron a entrepris, finalement, de réindustrialiser le pays. On notera qu’il a fallu que ce soit la crise du Covid-19 qui lui fasse prendre conscience de la grave désindustrialisation de notre pays, et il avait pourtant été, précédemment, ministre de l’économie !  Il a donc  lancé, le 12 octobre 2021, le Plan « France 2030 », avec un budget, pour soutenir les investissements, de 30 milliards d’euros auquel se rajoutent 24 milliards restants du Plan de relance. Ce plan vise à « aider les technologies innovantes et la transition écologique » : il a donc un champ d’application limité.

Or, nous avons un besoin urgent de nous réindustrialiser, quel que soit le type d’industrie, et cela paraît échapper aux autorités de Bruxelles qui exigent que l’on n’aide que des projets bien particuliers, définis selon leurs normes, c’est à dire avant tout écologiquement corrects. Il faudra donc se dégager de ces contraintes bruxelloises, et cela ne sera pas aisé. La Commission européenne sait bien, pourtant, que les conditions pour créer de nouvelles industries en Europe ne sont guère favorables aujourd’hui : un coût très élevé de l’énergie, et il y a la guerre en Ukraine ; et, dans le cas de la France, se rajoutent un coût de la main d’œuvre particulièrement élevé et des réglementations très tatillonnes. Il va donc falloir ouvrir très largement  le champ des activités que l’on va aider, d’autant que nous avons besoin d’attirer massivement les investissements étrangers, les entreprises françaises n’y suffisant pas.

Malheureusement, on va buter sur le fait que les ministres des Finances de la zone euro, lors de leur réunion du 18 décembre dernier, ont remis en vigueur les règles concernant les déficits budgétaires des pays membres et leurs dettes extérieures : on conserve les mêmes ratios qu’auparavant, mais on en assouplit l’application.

Notre pays va donc devoir se placer sur une trajectoire descendante afin de remettre ses finances en ordre, et, ceci, d’ici à 2027 : le déficit budgétaire doit être ramené en dessous de 3 % du PIB, et la dette sous la barre des 60 % du PIB. On voit que ce sera impossible pour la France, d’autant que le taux de croissance de notre économie sur lequel était bâti le budget de 2024 était trop optimiste : Bruno le Maire vient de nous le dire, et il a annoncé que les pouvoirs publics allaient procéder à 10 milliards d’économies, tout de suite.

L’atmosphère n’est donc pas favorable à de nouvelles dépenses de l’Etat : et pourtant il va falloir trouver 150 milliards pour soutenir le plan de réindustrialisation de la France ! Où notre Premier ministre va-t-il les trouver ? C’est la quadrature du cercle ! Il est donc dos au mur. Il avait dit aux députés qu’il allait œuvrer pour que la France « retrouve pleinement la maîtrise de son destin » : c’est une bonne intention, un excellent projet, mais, malheureusement, il n’a pas d’argent hélicoptère pour le faire.

Chaîne du frussien : Agenda 2030, Russie et forum de DAVOS…

La majorité des gens en Russie sont des technophiles. Ils sont beaucoup plus connectés que les gens à l'ouest et la jeunesse à l'est est beaucoup plus moderne, digitale et connectée que la jeunesse à l'ouest.

Journée de jacquerie à Paris

Ce vendredi, Paris a connu une véritable agitation paysanne, qui ne présage rien de bon pour le gouvernement. Dès potron-minet, des tracteurs de la Coordination Rurale répandaient du foin sur la place de l’Etoile. Au Salon de l’Agriculture, les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique quittaient les lieux sous escorte policière après avoir reçu des jets d’oeuf. L’ambiance n’est donc pas au beau fixe dans les rangs…

Les ministres Marc Fesneau et Christophe Béchu visés par des jets d'œufs et copieusement hués par des #agriculteurs au Salon de l'Agriculture. (@_Victor_RG_) #AgriculteursEnColere pic.twitter.com/cMGpIOvUDv

— Anonyme Citoyen (@AnonymeCitoyen) March 1, 2024

Voilà donc encore une mauvaise journée pour le gouvernement. Le Président ferait bien de se méfier de ce climat de jacquerie qui atteint désormais le coeur de Paris.

Ainsi, ce matin, les paysans de la Coordination rurale s’emparaient de la place de l’Etoile et répandaient du foin autour de l’Arc de Triomphe. Plusieurs dizaines d’arrestations ont eu lieu avec gardes à vue à la clé. Tout le problème tient évidemment à l’extrême fragilité du système défensif policier, visiblement beaucoup plus poreux en temps de Salon de l’Agriculture qu’en temps de Gilets Jaunes.

Quelques heures plus tard, comme on le voit sur la vidéo ci-dessus, des manifestants (présentés comme issus de la FNSEA) chassaient les ministres de l’Agriculture et de la Transition Ecologique du Salon, à coups de jets d’oeuf. Une mauvaise image, encore, pour un gouvernement dont les membres étaient exfiltrés par la police.

On sent bien qu’une colère s’exprime, qui n’en est peut-être qu’à ses balbutiements. On refera les comptes quand Gabriel Attal aura annoncé ses prochaines mesures d’austérité dans le domaine social.

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Passifs des banques : France / USA

Les Français n’ont pas assez d’argent, ce qui aggrave la situation de… leurs banques qui ne peuvent pas financer leurs actifs alors que les Américains et leurs banques regorgent de dollars !

***

Pour rappel, les actifs des entreprises sont financés par des dettes et des capitaux propres, liabilities and equity en anglais car le mot passif n’existe pas dans cette langue, et il en est évidemment de même pour les banques.

Pour ce qui concerne les banques des États-Unis, leurs actifs (23 336 milliards de dollars) sont financés pour l’essentiel par les dépôts de leurs clients (17 485 milliards de dollars), à 75 % plus précisément, comme le montrent les données (brutes, non désaisonnalisées) publiées chaque semaine par le gouvernement (H8),

Document 1 :

Pour JPMorgan, les dépôts de ses clients (2 400,7 milliards de dollars) financent ses actifs (3 875,4 milliards de dollars) à hauteur de 62 %, ce qui signifie que beaucoup d’autres banques financent mieux leurs actifs par les dépôts de leurs clients,

Document 2 :

Quid pour ce qui concerne les banques françaises ?

D’abord, il est difficile de trouver de telles informations qui ne sont publiées… qu’une fois par an, et… fin octobre pour les données arrêtées… à la fin de l’année précédente !

Bravo les artistes de la Banque de France, toujours aussi nuls !

Plus précisément, ces données sur le système bancaire français sont publiées par un de ses sous-produits, l’ACPR, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution.

Le total des dépôts des banques françaises se montait à 2 646 milliards d’euros fin 2022,

Document 3 :

Le total des actifs des banques françaises (c’est-à-dire de leurs bilans) était de 9 191 milliards d’euros fin 2022, ce qui montre que les actifs des banques françaises sont financés à 29 % par les dépôts de leurs clients, et non pas à 68 % comme c’est publié par l’ACPR !!!

Document 4 :

Les nuls de la Banque de France sont vraiment nuls, même pour calculer un pourcentage…

Pour ce qui concerne BNP-Paribas, les dépôts de ses clients (965,98 milliards d’euros) financent à 35,76 % ses actifs d’un montant de 2 701,36 milliards d’euros fin 2023, derniers chiffres publiés,

Document 5 :

Conclusion : les Américains ont de l’argent (ils sont riches), qu’ils déposent dans leurs banques qui financent ainsi facilement et quasi gratuitement leurs actifs alors que ce qui reste des Français a beaucoup moins d’argent, ce qui fragilise aussi… leurs banques mal gérées !

Document 6 (données en milliards de dollars ou d’euros) :

***

Pour une population de 335 millions d’Américains, leurs dépôts dans des banques correspondent à 52 200 dollars par personne, les dépôts bancaires des 68 millions de Français correspondent à 38 900 euros par personne d’après ces données qui ne tiennent compte qu’imparfaitement de la richesse de ces Américains car ils déposent aussi leur argent dans des fonds mutuels de trésorerie (6 000 milliards de dollars) et surtout une grande partie de leur capital financier est investi dans des titres cotés en bourse.

Ce qui est important dans cette étude succincte des systèmes bancaires américains et français, c’est de constater que les banques françaises ont de très grosses difficultés à financer leurs actifs.

De graves irrégularités sont même décelables, suite à venir dans de prochains articles…

Cliquer ici pour accéder aux données du système bancaire des États-Unis.

Cliquer ici pour accéder au site de l’ACPR publiant le rapport de 2022 sur le système bancaire français.

Cliquer ici pour accéder au PDF de ce rapport.

© Chevallier.biz

 

 

 

 

 

 

« Pour leur remonter le moral, il faut parfois mentir aux gens »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Dimanche 25 février 2024

Ce matin, en sortant dans la rue, j'étais entouré par des dizaines de personnes, des enfants, des familles. On me considère comme le journaliste du quartier. Et surtout, je suis un journaliste francophone :

Alors Rami, tes amis français savent sûrement quelque chose sur les discussions, à Paris. Ils ont eu des informations qui ont fuité ? Est-ce qu'on se rapproche d'une trêve ? Doit-on se préparer à retourner vers le nord de la bande ou vers la ville de Gaza ? Faut-il sortir de Rafah et se diriger avec les tentes vers Al-Mawassi1 ?

Les gens attendent avec impatience le mois de ramadan. D'habitude, on ne l'attend pas autant, parce que c'est une période de jeûne et de fatigue. Mais cette année, les gens disent : « Qu'il arrive vite ! ». Car ils espèrent qu'il y aura une trêve à cette occasion, que la boucherie subie depuis le 7 octobre s'arrêtera. C'est l'ambiance générale.

Ce désir de trêve est d'autant plus fort que depuis deux ou trois jours, les frappes ne s'arrêtent pas. Des mosquées, des immeubles sont visés. Comme si les Israéliens voulaient s'échauffer avant le match, qu'ils effectuaient des préparatifs pour une incursion terrestre. Pour le moment, les massacres continuent. Samedi, un immeuble proche du centre-ville de Rafah et du marché a été visé. Une famille entière a été tuée, les Chahine. On parle de sept morts, mais il y en a sans doute plus. Il y a encore des gens sous les décombres. Les secours continuent de les chercher, pourtant je doute qu'ils puissent trouver des survivants. Ni les pompiers, ni les ambulanciers, ni la municipalité ne disposent des moyens adéquats. Ils n'ont ni grues, ni bulldozers.

Vidéo envoyée par Rami Abou Jamous depuis Rafah.

Pour leur remonter le moral, il faut parfois mentir aux gens. À ceux qui m'interrogeaient, j'ai répondu : « Oui, apparemment quelque chose de bien se profile. D'ici le mois de ramadan, tout va s'arrêter. Les États-Unis sont en train de faire pression sur les Israéliens, et les Égyptiens sur le Hamas. On finira par arriver à quelque chose ». C'est juste une analyse, avec un peu de bon sens. C'est peut-être mon souhait personnel. Que tout cela s'arrête. J'ai menti, mais ce mensonge a apaisé les gens. Tout le monde était content.

Ça me fait parfois de la peine de voir que les gens espèrent entendre quelque chose de positif. Ils savent bien que je cherche avant tout à leur remonter le moral. Il faut garder l'espoir et surtout, il faut avoir le souffle long après plus de cinq mois de guerre. Ou plutôt de nettoyage ethnique avec ces flots de sang, ces massacres qui ne s'arrêtent pas.

Parmi ceux qui m'écoutaient, il y avait le fils d'un ami. Il m'a demandé : « Tonton Rami, est-ce qu'on va rentrer chez nous ? Quand on rentrera, je t'inviterai à manger une pizza ! » Cet enfant ne sait pas que s'il rentre, il n'y aura pas de pizza. Il n'y aura plus de pizzerias. Il n'y aura plus rien. Tout a été détruit. Il croit que la vie va reprendre comme avant. Je lui ai répondu : « Oui, bien sûr, tu m'inviteras à manger une pizza, et moi je t'inviterai à manger une glace ! » J'étais content que cet enfant puisse encore rêver. On fait des rêves ensemble.

Vidéo envoyée par Rami Abou Jamous depuis Rafah.

1Zone en bordure de mer que l'armée israélienne désigne comme « sûre », tout en la bombardant occasionnellement

Italie. Faut-il être un alien pour pouvoir parler du génocide à Gaza ?

Si Angelina Mango a remporté l'édition 2024 du festival de Sanremo, la plus importante compétition célébrant la chanson italienne, la victoire morale revient sans doute à Ghali, chanteur hip hop italien d'origine tunisienne. Il a été en effet le seul à avoir porté le mot « génocide » sur le devant de la scène la plus regardée du pays. Ce qui n'a pas manqué de faire réagir à la fois l'ambassadeur d'Israël et la télévision nationale.

Chaque jour, nos informations et nos programmes relatent, et continueront de le faire, la tragédie des otages aux mains du Hamas et rappellent le massacre d'enfants, de femmes et d'hommes le 7 octobre. Ma solidarité envers le peuple d'Israël et la communauté juive est sincère et profonde.

C'est par les mots de ce communiqué de presse lu en direct sur la principale chaîne de télévision publique italienne que s'achève la controverse soulevée par le Festival de Sanremo, un événement davantage capable de polariser les esprits que ne le feraient les élections. Le message ne se voulait même pas pondéré en commençant par condamner l'attaque du 7 octobre (prémisse incontournable à toute prise de parole sur Gaza aujourd'hui) pour faire ensuite cas des victimes palestiniennes, chiffres à l'appui. Non : ce que l'on a entendu, c'est une déclaration de soutien inconditionnel à Israël, à ses victimes, à ses otages. Pas un mot sur les civils tués, qui ont désormais dépassé la barre des 30 000 morts, dont plus de 10 000 enfants. Des morts invisibles, inexistants. Pour la Radiotélévision italienne (Rai), il ne se passe rien depuis quatre mois à Gaza.

« Et je devais l'utiliser pour quoi cette scène ? »

Ce communiqué signé par Roberto Sergio, administrateur délégué de la Rai, a été diffusé lors de la dernière soirée du festival qui s'est tenu du 6 au 10 février, et ce à la suite de la protestation d'Alon Bar, ambassadeur d'Israël en Italie. Ce dernier n'a pas apprécié la phrase « stop au génocide », scandée par Ghali, un chanteur très populaire dans le pays, « un peu italien, un peu tunisien », comme il se définit lui-même. Traditionnellement, c'est cette dernière soirée qui fait toujours le plus d'audience, même si tout le monde en Italie prétend qu'il ne la regarde pas. Elle se poursuit sans relâche avec les votes des téléspectateurs1 pour finir sur le classement des super finalistes.

« Je considère qu'il est honteux que la scène du festival de Sanremo soit exploitée pour répandre la haine et la provocation d'une manière superficielle et irresponsable », a écrit l'ambassadeur israélien sur X (ex-Twitter) le matin du 11 février, quelques heures après que le rideau est retombé sur Sanremo. Ainsi, demander de ne pas tuer des innocents sans même nommer le coupable représente toujours pour Israël « une incitation à la haine », « une provocation ». Un monde à l'envers, dans lequel est désigné comme coupable celui qui prend la défense de la victime.

« Et je devais l'utiliser pour quoi cette scène ? », a répondu Ghali.

Je parle de cette question depuis que je suis enfant. Cela n'a pas commencé le 7 octobre, cela dure depuis longtemps. Les gens ont de plus en plus peur, et le fait que l'ambassadeur dise ce qu'il a dit n'envoie pas un bon signal. Cette politique de terreur continue, les gens ont de plus en plus peur de dire « arrêtez la guerre », « arrêtez le génocide ». Nous sommes à un moment de l'Histoire où les gens ont l'impression de courir un risque s'ils disent qu'ils sont en faveur de la paix, c'est absurde.

Deux directs parallèles

Sanremo représente une scène hautement politique, dans le sens où ce festival est le baromètre infaillible des humeurs nationales et populaires. Mais c'est une scène de plus en plus traversée par les styles et les notes d'une deuxième génération – les enfants d'immigrés - encore profondément exclue, et largement incomprise.

Pourtant, lors de l'édition 2023, alors que les bombes russes tombaient sur Kiev, la direction n'a pas hésité à ouvrir le festival par la lecture publique d'un message du président ukrainien Volodymyr Zelensky et plusieurs hommages, notamment en chansons, ont été rendus à la tragédie du peuple ukrainien.

L'édition de cette année a ainsi fait tomber le voile sur cette politique du deux poids deux mesures à l'œuvre dans le monde occidental depuis le 7 octobre, y compris dans l'espace public italien dominé par le narratif d'un gouvernement néo-fasciste. La semaine de festivités était d'autant plus choquante qu'elle se déroulait en parallèle des massacres diffusés sur les réseaux sociaux depuis Gaza. Deux directs simultanés, dystopie de notre temps.

Seuls deux artistes sur les 30 en compétition ont tenté de briser ce silence qui entoure la souffrance des Palestiniens. Dargen D'amico d'abord qui, lors de la soirée d'ouverture, a fait une référence générale aux « enfants qui meurent sous les bombes en Méditerranée », puis a répété un simple appel au cessez-le-feu, révélant par là que les mots « Palestine », « Gaza » et « Israël » étaient imprononçables.

« Avons-nous quelque chose à dire ? »

Et puis est venu Ghali (de son nom complet Ghali Amdouni), né en Italie en 1993 de parents tunisiens, et élevé dans une banlieue difficile de Milan. Pendant toute la soirée, il était accompagné par l'extraterrestre Rich, un personnage déguisé à qui il demande à un moment : « Avons-nous quelque chose à dire ? ». C'est alors que son acolyte lui glisse à l'oreille le message que Ghali « répète » dans le micro : « Stop al genocidio » stop au génocide »). La phrase étonne autant qu'elle émeut, tant elle semble inattendue, imprévue, impossible. Pourtant, quelque chose de ce climat général de censure à l'égard de l'actualité palestinienne est déjà perceptible dans la chanson que Ghali présente au concours ce soir-là, « Casa mia » (Ma maison) :

Je n'ai pas envie de faire d'histoire.
Mais comment pouvez-vous dire que tout est normal ici ?
Pour tracer une frontière
Avec des lignes imaginaires, tu bombardes un hôpital
Pour un morceau de terre ou pour un morceau de pain
Il n'y a jamais de paix

Devant lui, dans les gradins, le public applaudit mais sans rien consentir. Il observe d'un regard paternaliste celui qui a réussi mais reste une exception, sous le gouvernement très à droite de Giorgia Meloni qui continue de s'opposer farouchement à tout amendement de la loi qui permettrait l'accession automatique à la citoyenneté italienne pour toute personne née en Italie de parents étrangers.

Cette discrimination a toujours été dénoncée dans les textes de Ghali : « Le journal en abuse/Parle de l'étranger/comme si c'était un alien », dit-il dans l'une de ses chansons les plus populaires, « Cara Italia » (Chère Italie). Cette thématique est également présente dans la chanson qu'il a présentée à Sanremo en compétition cette année :

Le chemin ne va pas chez moi
Si tu es chez toi, tu ne le sais pas
Chez moi
Chez toi
Où est la différence ? Il n'y en a pas
Mais laquelle est ma maison
Mais laquelle est ta maison
Depuis le ciel tout est semblable, je te jure

Un « vrai Italien »… qui chante en arabe

C'est au croisement du racisme et de l'islamophobie, du nationalisme et du soutien inconditionnel à Israël, que l'on peut apprécier la portée des vers chantés par Ghali à Sanremo. Dans un pays qui se perçoit encore comme beaucoup plus « blanc » qu'il ne l'est en réalité, et qui mobilise le narratif des « racines judéo-chrétiennes » propre à la théorie du choc des civilisations, Ghali - avec son visage non-blanc et son accent milanais prononcé - monte sur scène et chante en arabe. Plus encore : il le mélange à l'italien, pour envoyer un message encore plus fort.

Ce mélange se fait grâce à une collaboration avec Ratchopper, nom de scène de Souhayl Guesmi, un artiste talentueux originaire de Jendouba (région du nord-ouest de la Tunisie), ingénieur du son, compositeur et producteur, qui s'est fait connaître d'abord en Tunisie puis à l'étranger, et qui travaille avec Ghali depuis 2022. Ensemble, ils ont signé la première chanson en arabe qui a été chantée sur la scène de Sanremo : « Bayna » (« C'est clair »). C'est ce titre qui ouvre l'album Sensazione Ultra, sorti en 2022, et qui sert aussi de nom au bateau dont l'artiste a fait don à l'ONG Mediterranea, qui a secouru en deux ans plus de 200 personnes qui tentaient la traversée vers les côtes italiennes :

Méditerranée
Entre toi et moi, la Méditerranée
Le visage familier d'un étranger
Imagine le Coran à la radio
On ne dit pas du bien de nous aux informations
Tu rêves de l'Amérique, moi de l'Italie
De la nouvelle Italie

L'artiste commente ainsi son morceau sur les réseaux sociaux :

« Bayna » m'a permis de tenir ma promesse de chanter en arabe sur la scène de Sanremo. Grâce à cette chanson et à Mediterranea, nous avons sauvé des vies dans notre mer. J'aime et je crois en ce pays qui répudie la guerre par sa constitution2 Je suis aussi un vrai Italien3.

L'ultime performance de Ghali durant la soirée de Sanremo se fait alors sous le signe de la réappropriation et du renversement sémantique de la fameuse chanson « L'Italiano » de Toto Cutugno, devenue au fil des années la quintessence de l'approche nationale-populaire la plus provinciale. Ghali lance ainsi son message le plus profanateur. Avec élégance, il s'empare du texte de Cotugno et le retourne contre les détenteurs de discours identitaires, pour qui l'Autre est toujours une menace à contenir.

Un partisan de l'extrême droite à la tête de la Rai

Le nationalisme du gouvernement de Giorgia Meloni et ses alliances avec la Lega4 ne sont d'ailleurs pas sans conséquence sur la télévision publique. Depuis le 15 mai 2023, c'est Giampaolo Rossi qui est à la tête de la Rai. Directeur de la fondation Alleanza Nazionale (Alliance nationale), un parti politique d'extrême droite fondé en 1995, et partisan assumé de la politique israélienne, Rossi est également chroniqueur à Il Giornale, journal d'extrême droite le plus important du pays. Il y affirme par exemple que l'antisémitisme et l'immigration vont de pair, n'hésitant pas à les associer à « l'enracinement dans les pays européens de communautés islamiques irréductibles aux valeurs de l'Occident ».

Le 13 février, deux jours après la diffusion du communiqué de la Rai en réaction au message de Ghali, des rassemblements ont eu lieu devant les bureaux régionaux de la télévision publique à Naples et à Turin, pour protester contre ce qui a été jugé par une partie des téléspectateurs comme de la propagande. Ces sit-in, pourtant pacifiques, ont été brutalement réprimés par la police.

Dans un tel contexte, Ghali apparaît aussi « alien » que sa marionnette, ou que celles et ceux qui essaient de parler de la Palestine, de la nommer, pour qu'elle existe. Et pour prononcer ces quelques mots d'humanité que sont « stop au génocide », il fallait un Italien tunisien, un extraterrestre à côté d'un alien.

« Ici, nous parlons de musique » est le leitmotiv qui vise à interdire tout débat sur l'actualité palestinienne, et pas seulement à Sanremo. Mais l'histoire de la chanson italienne, aujourd'hui traversée par la voix et le positionnement de chanteurs de deuxième génération, en dit beaucoup plus. Les chansons qui ont été présentées sur la scène de Sanremo durant cette édition 2024 ne pourront jamais être réduites à n'être « que des chansons ».

#

Traduit de l'italien par Christian Jouret.


1Les résultats du festival répondent à une arithmétique complexe où interviennent pendant trois soirées un jury radio, le vote des téléspectateurs et un jury salle de presse. Leur combinaison détermine le classement général.

2NDLR. Référence à l'article 11 de la constitution italienne qui stipule : « L'Italie répudie la guerre comme moyen d'attenter à la liberté des autres peuples et comme mode de solution des différends internationaux ».

3NDLR. Référence au titre de Toto Cotugno « Lasciatemi cantare » où le chanteur dit « je suis un Italien, un vrai Italien ».

4La Lega ou la Ligue du Nord est un parti politique italien populiste, d'extrême droite, eurosceptique et xénophobe initialement favorable à l'indépendance de la Padanie.

Bulle monétaire US, actualisation au 28 février 2024

Beaucoup de banques américaines sont au bord de la faillite à cause de la bulle monétaire qui s’est développée au cours de ces dernières années. Explications de ces dysfonctionnements…

***

L’agrégat monétaire M2 a fait un bond historique lors de cette histoire de coronavirus.

Cette bulle monétaire a atteint un pic historique en mars 2022.

Par la suite, elle a baissé de 1 000 milliards de dollars mais elle repart à la hausse,

Document 1 :

Pour rappel, l’agrégat monétaire M2 comprend l’ensemble des moyens de paiements dont disposent les ménages, sous la forme de liquidités immédiatement disponibles (billets et comptes courants bancaires, ce qui constitue l’agrégat M1) et de comptes d’épargne récupérables sans préavis (M2-M1).

Comme les gouvernements du Donald et de son successeur ont généreusement distribué aux Américains plus de… 7 500 milliards de dollars tout en leur interdisant de travailler en contrepartie, une gigantesque bulle monétaire s’y est développée : l’agrégat monétaire M2 a représenté jusqu’à… 91 % du PIB annuel courant en juin 2020 alors que de ratio n’aurait pas dû dépasser 55 % du PIB selon les normes !

Document 2 :

Après avoir atteint un pic historique en juin 2020, ce ratio a heureusement baissé à 73 % du PIB mais il repart à la hausse selon une tendance lourde et longue particulièrement inquiétante car tout bulle monétaire est létale à terme !

Document 3 :

Zoom sur la période récente qui met bien en évidence la hausse vertigineuse de l’agrégat M2 (plus de 1 000 milliards de dollars distribués en avril 2020 !) avec un excès de 7 400 milliards de dollars par rapport aux normes en juillet 2022,

Document 4 :

Certes, la variation d’une année sur l’autre de l’agrégat monétaire M2 ne baisse plus que de 2 % mais ce concept n’a aucune signification pertinente, car ce qui est important, c’est la persistance de cette bulle monétaire… qui repart à la hausse !

Document 5 :

Pire encore : des Américains avisés sortent leurs capitaux des banques qui risquent de faire faillite pour les placer dans des fonds mutuels de trésorerie qui les placent en T-Notes à courte échéance (2 ans principalement) qui ont l’avantage de rapporter… 5 % (par an) tout en bénéficiant automatiquement de la garantie du gouvernement !

Document 6 :

Ainsi, d’après les chiffres publiés par l’Investment Company Institute (ICI) ce sont… 1 194 milliards de dollars qui sont sortis pour l’essentiel des dépôts dans les banques américaines (donc des agrégats monétaires M2 et M3-M2 pour ce qui concerne les trésoreries des entreprises) depuis le 22 février 2023, c’est-à-dire avant la faillite de quelques banques américaines…

C’est donc un total de… 6 000 milliards de dollars qui sont placés opportunément dans ces fonds mutuels de trésorerie !

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que des banques américaines soient au plus mal au point que l’Etat fédéral doit apporter à des banques régionales 164 milliards de dollars dans le cadre du programme de sauvetage du BTFP pour pouvoir ne pas faire faillite tout de suite,

Document 7 :

Dans ces conditions, personne ne s’étonnera lorsque le système bancaire américain s’écroulera…

En effet, et pour rappel, les trois quarts des actifs des banques américaines (23 313 milliards de dollars) sont financés par les dépôts de leurs clients (17 477 milliards de dollars).

Comme ces dépôts baissent alors que les actifs de ces banques progressent normalement, beaucoup de banques sont logiquement au bord de la faillite car l’écart entre les actifs et ces dépôts augmente pour atteindre 5 836 milliards de dollars (derniers chiffres publiés à ce jour par notre ami Fred de Saint Louis) contre 4 465 milliards de dollars début février 2022 !

Document 8 :

En effet, les capitaux propres des banques ne peuvent pas augmenter au même rythme que cet écart entre les actifs et les dépôts !

***

Cliquer ici pour lire mon article précédent datant du 28 août à ce sujet.

© Chevallier.biz

 

« Recevoir un colis à Rafah, c'est exceptionnel »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. En octobre, sous la pression de l'armée israélienne, ce journaliste a quitté son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et ses quatre enfants. Un voyage périlleux, sous les tirs des snipers et des chars israéliens. Aujourd'hui, ils font partie des environ 1,5 million de déplacés qui s'entassent à Rafah, la ville la plus au sud, à la frontière égyptienne. Et que le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou menace d'envahir, au risque d'un nouveau massacre de civils.

Rami, fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. « Un luxe », dit-il plein d'humour noir, en regard de la situation de la plupart des déplacés. Cet espace lui est dédié sur Orient XXI pour raconter son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée, sans prise sur leur avenir.

Mercredi 21 février 2024

Hier, on a reçu un beau cadeau d'un ami français : une tente de quatre places. C'est un très beau cadeau. Avoir une tente à Rafah, c'est un rêve. Parce qu'à tout instant, on peut être déplacés de force, comme ça a été le cas en octobre, sous les tirs des chars et des snipers. Cette tente, c'est notre roue de secours. Cet ami nous a aussi fait parvenir des vêtements et du chocolat pour les enfants. Walid, mon fils cadet, a sauté de joie. Il y avait aussi des médicaments et, surtout, des pastilles pour purifier l'eau. C'est très important car l'eau est salée. Recevoir des colis à Rafah, c'est exceptionnel. Cela tient du miracle, c'est extraordinaire. Il faut des connexions dont je ne peux pas parler, pour des raisons de sécurité.

Ce matin, les voisins m'ont demandé s'il fallait aller à Al-Mawassi, une zone sablonneuse au bord de la mer. L'armée israélienne n'arrête pas de dire que c'est un endroit sûr. Mais hier soir, elle l'a attaqué. Il y a eu au moins sept morts et beaucoup de blessés. Il y a notamment eu deux morts dans un chalet occupé par des employés locaux de Médecins sans frontières (MSF). Aux dernières nouvelles, ce mercredi matin, l'armée s'est retirée. Les coordonnées satellites avaient été données par MSF aux Israéliens pour qu'ils ne soient pas bombardés.

Capture d'écran de l'itinéraire à pied de Rafah à Al-Mawassi (la durée de 1h37 est purement indicative).
Google Maps

L'armée a coupé la route qui va vers le nord, de Rafah à Deir El-Balah en passant par Khan Younès. C'est nouveau. L'avenue Salaheddine, qui va aussi vers le nord, est coupée depuis longtemps. Rafah est maintenant complètement isolée. Les gens sont en panique, angoissés. Ils ne savent plus quoi faire. Est-ce que c'est l'incursion terrestre à Rafah qui commence ? Les Israéliens vont-ils commencer par Al-Mawassi pour attaquer ensuite Rafah et nous chasser vers l'Égypte, vers le Sinaï ?

Ceux qui préfèrent être optimistes s'intéressent à la visite au Caire d'Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas. On croit qu'il va y a avoir de la pression sur le Hamas et sur Israël pour au moins arriver à un cessez-le-feu. Je l'espère pour la période du ramadan, même si c'est provisoire. Les gens sont vraiment fatigués. Il faut que l'aide humanitaire entre, surtout dans la ville de Gaza et dans le nord de la bande.

Capture d'écran de la bande de Gaza où l'on voit les trois villes de Rafah, Khan Younès et Deir El-Balah.
Google Maps

Chaos global : tout pour l’Ukraine, rien pour les Français

Dans ce nouveau numéro de Chaos Global, nous abordons les grands points de l’actualité qui feront l’information importante de la semaine. Dans la foulée du G7 qui a été essentiellement consacré à l’aide à l’Ukraine, Emmanuel Macron a tenu un sommet à Paris sur le même sujet. Cette séquence a suivi un salon de l’agriculture désastreux pour lui. Nous prenons par ailleurs le temps de faire le point sur l’instruction de la question du génocide palestinien par la Cour Internationale de Justice.

Si vous souhaiez plus d’informations sur la question de l’agriculture, ne manquez pas notre autre contenu du jour.

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Nordstream 3 unter Avdeevka

Par : AHH

“Nord Stream Three” and the Russian capture of Avdeevka

by Gilbert Doctorow

In the past several weeks, I have complained that the Vesti news programs on Russian state television had become formulaic. They opened with micro-snapshots of the war from the front without giving an overview. They then featured the misery of civilians in Donbas under Ukrainian fire. They largely ignored all international news.

This evening’s 20.00 o’clock prime time broadcast was a wholly different story. It opened with interviews taken with those who just completed one of the most daring military operations of modern times, the so-called “Nord Stream Three” which we will discuss in a minute. This operation all by itself helps to explain the sudden loss of Avdeevka by Ukraine over the past weekend. And then the program moved on to show lengthy excerpts from a video of Defense Minister Sergei Shoigu’s report earlier in the day to Vladimir Putin that covered a great many topics and will be studied in detail by the global intelligence community. Naturally, I ask why the CIA alone should know this:  I use this opportunity to share with you what I heard and saw. I caught all of this on the fly and cannot say that every number I record below is perfectly correct, but in the contest between speed and accuracy, tonight I knowingly opt for speed.

*****

In my preceding report on Russia’s capture of Avdeevka, I repeated the emphasis on their artillery shell advantage that you will see and hear in Western media accounts.  However, there is another very important side to the victory: outstanding bravery and inventiveness.

Anyone listening to Western media has heard the constant refrain about the outstanding bravery of Ukrainian soldiers.  And there is certainly truth to that assertion.  What you will not have heard at all is the incredible courage of Russian soldiers and officers, who are highly motivated, know why they are fighting and are ready to defend their country’s interests at all costs. The “Nord Stream 3” adventure this past weekend demonstrates that point perfectly. And it further shows that brains are very much at work to complement the brawn.

What we are talking about was the passage of a full Russian brigade through a 3-km long pipe measuring 1.2 to 1.5 meters in diameter leading from their positions outside Avdeevka straight under the enemy lines into the city center.  They managed this passage unheard and unsuspected, so that when they emerged from the pipe-tunnel they overwhelmed the nearby Ukrainian troops and took possession of 19 buildings from which they fought on.  Because of the pipe as conduit, it has been dubbed “Nord Stream 3” but the principle involved was pure “Trojan horse’ tactics.

As the soldier interviewed by Vesti insisted, this operation has the makings of a great film. No doubt one or another producer at Mosfilm will follow this up.

*****

In his report to Putin, Shoigu said that Kiev’s assertions that the surrender of Avdeevka was an orderly strategic withdrawal are a bald-faced lie. This was бегство, chaotic flight in which the Ukrainian troops left behind their hand weapons, not to mention armored personnel carriers and other military equipment. They also left their many wounded behind to die.  Shoigu estimates that the Ukrainians lost 2,300 men in Avdeevka in the two days 17-18 February.

As for Avdeevka itself, he remarked that it had been built and re-built over the course of 9 years to be one of the strongest defense sites in Ukraine, with extensive use of reinforced concrete and defense lines.

Shoigu went on to speak about the latest intelligence conclusions regarding Ukraine’s spring and summer long Counter-Offensive. It is now clear that the entire Counter-Offensive was planned and directed from the United States, which used NATO instructors to instill in the Ukrainians NATO military doctrine and techniques.  The result was an unmitigated military disaster which cost Ukraine 130,000 soldiers dead and seriously wounded. The whole experience left the States and its NATO allies in shock: their doctrine, techniques and hardware had all been overwhelmed and destroyed by the Russians!

Shoigu also reported on the dismal results for Ukraine of its repeated efforts to establish a bridgehead on the Eastern (Left) bank of the Dnieper river in the area of Krynki.  He explained that the hopelessness of this mission did not prevent multiple repetitions of the same landing parties which were first cut off from their supplies by the Russians and then were decimated. The entire area is now fully under RF control.

For his part, Putin moved the discussion to the latest howls coming out of Washington over alleged Russian development of nuclear devices to be stationed in earth orbit.  He rejected this as pure imagination. ‘We don’t have such weapons or such plans.’ Putin believes this sounding of the alarm is intended to frighten legislators into passing the requested new appropriations for Ukraine. Meanwhile, Washington says nothing about the genuinely threatening cutting-edge strategic weapons systems that Russia is developing and deploying, such as the Poseidon underwater nuclear armed drone, the Sarmat and Burevestnik ICBMs and much more that have no equivalent in the West, that overcome all existing and planned defensive equipment and that constitute Russia’s true deterrent.

In conclusion, Putin reiterated recent statements that Russia is always ready to enter into strategic arms limitations talks as a matter of principle, however the talks must take into account all factors. The unacceptable present day factor is that the United States is openly seeking to inflict a strategic defeat on Russia on the field of battle. Putin is wary of what he calls the never-ending attempts of the United States and its allies to impose one-sided solutions favorable to themselves in all negotiations.

Radio Diploweb. Comment la guerre russe en Ukraine transforme-t-elle l'UE ?

L'Union européenne est-elle - enfin - sortie de son hébétude géopolitique et stratégique sous la pression de la guerre russe en Ukraine ? L'Europe communautaire avait un ADN contraire à la guerre et à la puissance par voie militaire, et l'UE se retrouve avec un conflit majeur en Europe géographique et d'importants sujets sur la table.

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Faut-il créer une SCI pour gérer son immobilier ? par Florent Machabert

Par : Rédaction

Une entreprise sur sept créée chaque année est une Société Civile Immobilière, alias une SCI : pourquoi cet engouement ? Est-ce un passage obligé pour gérer son patrimoine, étant entendu (voir le dossier N°38) qu’il s’agit déjà d’un bon instrument pour en anticiper la transmission ?

Dans le cadre de ce 39 dossier, nous examinerons l’engouement croissant pour les Sociétés Civiles Immobilières (SCI) en tant que moyen de gestion de patrimoine.

Nous vous présentons donc dans ce 39ème dossier :

  • En quoi consiste une SCI et les principaux cas de figure où elle s’impose ;
  • Un kit de création pas à pas si vous décidez de vous lancer ;
  • Un état des lieux des écueils à éviter ;
  • La mise à jour du baromètre général des portefeuilles (en annexe).
    Un indispensable pour tout savoir sur cette structure juridique qui a le vent en poupe.

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Quatre indicateurs de la crise bancaire américaine en gestation

Ce ne sont pas les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse qui arrivent mais quatre indicateurs de la crise du système bancaire américain qui est actuellement en gestation et qui va éclater (très) bientôt…

***

Petite synthèse de mes analyses précédentes qui permettent d’expliquer les causes de la crise bancaire qui est actuellement en gestation aux États-Unis et qui permettent aussi d’en anticiper les conséquences négatives…

Les deux premiers indicateurs sont les actifs et les dépôts (des clients) des banques américaines.

Le problème fondamental est que les actifs des banques américaines continuent à progresser normalement alors que les dépôts des clients dans ces banques ont baissé depuis la mi-avril 2022 pour la première fois depuis l’après-guerre de presque… 1 000 milliards de dollars,

Document 1 :

Zoom sur la période récente qui met en évidence la baisse globale de ces dépôts des clients des banques américaines depuis la mi-avril 2022 et qui s’est accentuée du 8 au 22 mars 2023 à la suite de la faillite de trois banques dont la première fut Silicon Valley Bank,

Document 2 :

L’écart croissant entre les actifs et les dépôts des banques depuis le début du mois de février 2022 apparait clairement en regroupant sur le même graphique avec deux échelles différentes l’évolution ces données hebdomadaires,

Document 3 :

Cet écart entre les actifs et les dépôts des banques est présentement de l’ordre de… 6 000 milliards de dollars.

Cet écart entre les actifs et les dépôts des banques bondit lorsqu’une crise majeure se produit aux États-Unis, ou, autre formulation, c’est le bond de cet écart qui provoque une telle crise majeure, en 2008 et en 2020 !

Document 4 :

Le gros problème qui se pose présentement est que cet écart entre les actifs et les dépôts des banques est déjà de plus grande ampleur qu’au cours des deux crises majeures précédentes alors que la crise actuelle… ne s’est même pas encore manifestée !!!

La crise qui est présentement en gestation devrait donc être de plus grande ampleur que la Grande récession de 2008-2009 !

D’où la question : quelle est la cause fondamentale de cette crise à venir ?

La réponse est simple (tout est simple, comme toujours !) : comme beaucoup de clients de banques américaines ont perdu confiance en leur banque, ils sortent leur argent (par milliards de dollars !) en quelques clics de mulot de leur banque pour placer ces disponibilités dans des fonds mutuels de trésorerie qui les investissent dans des titres a priori sans risques, à savoir dans des bons du Trésor des États-Unis qui ont aussi l’avantage de livrer des intérêts de l’ordre de 5 % !

Document 5 :

Le total des dépôts dans ces fonds mutuels de trésorerie est actuellement de l’ordre de 6 000 milliards de dollars, ce qui correspond parfaitement au montant de l’écart entre les actifs et les dépôts des banques !

Ces fonds mutuels de trésorerie sont le troisième des quatre indicateurs de cette crise en gestation.

Il en a été de même pour ce qui concerne la Grande récession, mais le total des dépôts dans ces fonds mutuels de trésorerie et le montant de l’écart entre les actifs et les dépôts des banques n’était alors que de 1 000 milliards de dollars en 2008 !!!

La crise à venir pourrait donc être au moins 6 fois plus grave que celle de la Grande récession !

Zoom sur la période récente des dépôts dans les fonds mutuels de trésorerie,

Document 6 :

Les niveaux et les variations des dépôts des Américains sur leurs comptes bancaires correspondent aux niveaux et aux variations de l’agrégat monétaire M2 qui est normalement constitué de leurs disponibilités et de leur épargne.

Or cet agrégat monétaire M2 a lui aussi baissé de l’ordre de 1 000 milliards de dollars entre la fin du mois de juillet 2022 et la fin de l’année 2023 et c’est là aussi la première fois depuis l’après-guerre qu’une telle baisse s’est produite,

Document 7 :

L’agrégat monétaire M2 est le quatrième des quatre indicateurs de cette crise en gestation.

Les agrégats monétaires sont des indicateurs très importants, tellement importants qu’avant chaque grande crise, les dirigeants de la Fed arrêtent d’en publier certaines données (M3 par Ben Bernanke) ou en modifient les définitions, M1 et la périodicité des publications pour Jerome Powell.

L’argent sain est le premier pilier pour les Reaganomics, dixit Arthur, Laffer, ce qui signifie qu’il ne doit jamais se développer d’hypertrophie de la masse monétaire dans une nation car une telle situation devient alors toujours ingérable et même létale à terme avec des conséquences dramatiques, comme ce fut le cas par exemple dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres.

Ce qui est important en matière monétaire est la part de la masse monétaire, ici représentée par l’agrégat M2 par rapport au PIB annuel courant.

En effet, le ratio M2 sur ce PIB ne doit pas dépasser 55 %, cf. mes analyses à ce sujet.

Or ce ratio a largement dépassé les normes depuis la fin du mois de juillet 2011 pour exploser en 2020 à la suite de la politique monétaire menée par les autorités américaines,

Document 8 :

Ces quatre indicateurs ne sont donc pas les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse qui arriveraient mais quatre indicateurs de la crise du système bancaire américain qui est actuellement en gestation et qui va éclater (très) bientôt

Comme le disait et le répétait Milton Friedman, tout est simple.

Tout ce qu’il faut savoir tient en (presque) une seule page… et quelques graphiques.

© Chevallier.biz

Sur Israël, les prémonitions au vitriol de Raymond Aron

Il était plus facile il y a quelques décennies de critiquer en France la politique de Tel-Aviv qu'aujourd'hui. Les analyses de Raymond Aron, chroniqueur à L'Express et au Figaro, incisives et dénuées de tout sentimentalisme vis-à-vis de sa judaïté, tranchent avec le tropisme pro-israélien actuel des médias dominants.

Raymond Aron est à la mode. Le penseur libéral, l'universitaire doublé d'un éditorialiste influent par ses éditoriaux dans Le Figaro puis dans L'Express, des années 1950 à 1980, a été convoqué à l'occasion du quarantième anniversaire de sa disparition par des médias de droite à la recherche des références intellectuelles qui leur manquent dans la production actuelle : « un maître pour comprendre les défis d'aujourd'hui », « un horizon intellectuel », « un libéral atypique ».

Curieusement, les prises de position les plus incisives de son œuvre journalistique, à savoir celles consacrées à Israël et à la Palestine, sont absentes des injonctions à « relire Raymond Aron ». Elles n'en restent pas moins d'une actualité brûlante.

On comprend cette gêne si on les relit, effectivement. Certaines de ces idées, exprimées dans une presse de droite par un homme de droite d'origine juive, le feraient classer en 2024 comme « antisioniste » (voire pire) par des médias et des « philosophes » de plateaux télé qui se contentent de paraphraser le narratif israélien.

C'est une véritable réflexion qui se déclenche le 27 novembre 1967, à la suite de la célèbre conférence de presse du général de Gaulle dénonçant, après la victoire éclair d'Israël et l'occupation des territoires palestiniens : « les Juifs (…) qui étaient restés ce qu'ils avaient été de tout temps, c'est-à-dire un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur ». Chaque mot de cette déclaration « aberrante » choque Raymond Aron. En accusant « les Juifs » éternels et non l'État d'Israël, de Gaulle réhabilite, écrit-il, un antisémitisme bien français : « Ce style, ces adjectifs, nous les connaissons tous, ils appartiennent à Drumont, à Maurras, non pas à Hitler et aux siens ».

Interrogations sur le concept de « peuple juif »

Mais Aron, en vrai philosophe, ne saurait s'arrêter là : « Et maintenant, puisqu'il faut discuter, discutons », écrit-il dans Le Figaro. Il se lance alors dans une étude socio-historique, adossée à une auto-analyse inquiète qui n'a pas vieilli. Quel rapport entre ses origines et l'État d'Israël ? L'obligent-elles à un soutien inconditionnel ? Et d'ailleurs qu'est-ce qu'être juif ? Ces questions parfois sans réponse définitive, on les trouve dans un ouvrage qui rassemble ses articles du Figaro1 puis, plus tard, dans ses Mémoires2 publiées l'année de sa mort, en 1983, et enfin dans un livre paru récemment qui comporte, lui, tous ses éditoriaux de L'Express3. Les citations de cet article sont extraites de ces trois livres.

Et d'abord, qu'est-ce que ce « peuple » juif comme le dit le président de la République, commence par se demander Raymond Aron. Il n'existe pas comme l'entend le sens commun, répond-il, puisque « ceux qu'on appelle les Juifs ne sont pas biologiquement, pour la plupart, les descendants des tribus sémites » de la Bible. « Je ne pense pas que l'on puisse affirmer l'existence objective du "peuple juif" comme celle du peuple français. Le peuple juif existe par et pour ceux qui veulent qu'il soit, les uns pour des raisons métahistoriques, les autres pour des raisons politiques ». Sur un plan plus personnel, Aron se rapproche, sans y adhérer complètement, de la fameuse théorie de son camarade de l'École normale supérieure, Jean-Paul Sartre, qui estimait qu'on n'était juif que dans le regard des autres. L'identité n'est pas une chose en soi, estime-t-il, avec un brin de provocation :

Sociologue, je ne refuse évidemment pas les distinctions inscrites par des siècles d'histoire dans la conscience des hommes et des groupes. Je me sens moins éloigné d'un Français antisémite que d'un Juif marocain qui ne parle pas d'autre langue que l'arabe…

Mais c'est pour ajouter aussitôt : « Du jour où un souverain décrète que les Juifs dispersés forment un peuple "sûr de lui et dominateur", je n'ai pas le choix ». Cette identité en creux ne l'oblige surtout pas à soutenir une politique. Aron dénonce « les tenants de l'Algérie française ou les nostalgiques de l'expédition de Suez qui poursuivent leur guerre contre les Arabes par Israël interposé ». Il se dit également gêné par les manifestations pro-israéliennes qui ont eu lieu en France en juin 1967 : « Je n'aimais ni les bandes de jeunes qui remontaient les Champs-Élysées en criant : "Israël vaincra", ni les foules devant l'ambassade d'Israël ». Dans ses Mémoires, il va plus loin en réaffirmant son opposition à une double allégeance :

Les Juifs d'aujourd'hui ne sauraient éluder leur problème : se définir eux-mêmes Israéliens ou Français ; Juifs et Français, oui. Français et Israéliens, non – ce qui ne leur interdit pas, pour Israël, une dilection particulière.

Cette « dilection », il la ressent émotionnellement. Lui qui en 1948 considérait la création de l'État d'Israël comme un « épisode du retrait britannique » qui « n'avait pas éveillé en lui la moindre émotion », lui qui n'a « jamais été sioniste, d'abord et avant tout parce que je ne m'éprouve pas juif », se sentirait « blessé jusqu'au fond de l'âme » par la destruction d'Israël. Il confesse toutefois : « En ce sens, un Juif n'atteindra jamais à la parfaite objectivité quand il s'agit d'Israël ». Sur le fond, il continue de s'interroger. Son introspection ne le prive pas d'une critique sévère de la politique israélienne, puisqu'Aron ne se sent aucune affinité avec les gouvernements israéliens : « Je ne consens pas plus aujourd'hui qu'hier à soutenir inconditionnellement la politique de quelques hommes ».

Le refus d'un soutien « inconditionnel »

Cette politique va jusqu'à le révulser. Il raconte comment il s'emporte, au cours d'un séminaire, contre un participant qui clame : « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». Le digne professeur explose : « Contre mon habitude, je fis de la morale avec passion, avec colère. Cette formule… un Juif devrait avoir honte de la prendre à son compte ». Mais en général, le philosophe-journaliste reste attaché à une analyse froide des réalités du moment. Raymond Aron n'oublie pas qu'Israël est aussi un pion dans la géopolitique de la guerre froide : « S'il existe un "camp impérialiste" [face à l'URSS], comment nier qu'Israël en fasse partie ? » Puis : « Dans le poker de la diplomatie mondiale, comment le nier ? Israël, bon gré mal gré, est une carte américaine ».

Il pousse loin le principe de la « déontologie » intellectuelle. S'il juge qu'en 1967, Israël a été obligé d'attaquer, il peut être bon, pour le bien de la paix régionale, qu'il perde quelques batailles  : « Je jugeai normale l'attaque syro-égyptienne de 1973 », écrit-il, ajoutant même : « Je me réjouis des succès remportés par les Égyptiens au cours des premiers jours », car ils permettraient au président Anour El-Sadate de faire la paix.

Mais Aron reste tout de même sceptique devant l'accord de 1978 entre Menahem Begin et Sadate à Camp David, simple « procédure » qu'il « soutient sans illusion » car il lui manque le principal : elle ne tient pas compte du problème « des colonies implantées en Cisjordanie ». En 1967 (rejoignant, cette fois, les prémonitions du général de Gaulle, dans la même conférence), il décrit l'alternative à laquelle Israël fait face : « Ou bien évacuer les territoires conquis… ou bien devenir ce que leurs ennemis depuis des années les accusent d'être, les derniers colonisateurs, la dernière vague de l'impérialisme occidental ». L'impasse est totale, selon lui : « Les deux termes semblent presque également inacceptables » pour Tel-Aviv.

Ce pessimisme foncier s'exprime dans ses articles écrits pour L'Express dans les dernières années de sa vie. En 1982, il salue la portée « symbolique » et la « diplomatie précise » de François Mitterrand, qui demande devant le parlement israélien un État pour les Palestiniens, en échange de leur reconnaissance d'Israël. Tout en restant lucide : « Mitterrand ne convaincra pas Begin, Reagan non plus ». Selon lui, écrit-il toujours en 1982, Israël n'acceptera jamais de reconnaître l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme seul représentant des Palestiniens. Dix ans plus tard, les accords d'Oslo connaîtront finalement l'échec que l'on sait, et Israël facilitera la montée du Hamas, dans le but d'affaiblir l'OLP.

L'invasion du Liban par Israël en 1982, le départ de Yasser Arafat et de ses combattants protégés par l'armée française donnent encore l'occasion à Raymond Aron de jouer les prophètes : même si l'OLP devient « exclusivement civile (…), d'autres groupements reprendront l'arme du terrorisme (…). L'idée d'un État palestinien ne disparaîtra pas, quel que soit le sort de l'OLP ».

En septembre, il commente ainsi les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila par les phalangistes libanais, protégés par l'armée israélienne :

Israël ne peut rejeter sa responsabilité dans les massacres de Palestiniens (…). Pendant les trente-trois heures de la tuerie, des officiers de Tsahal ne pouvaient ignorer ce qui se passait dans les camps.

Et les prédictions d'Aron, en décembre de la même année, résonnent singulièrement aujourd'hui. À l'époque, le terme d'apartheid est encore réservé à l'Afrique du Sud. Le philosophe évoque un autre mot et une autre époque :

D'ici à la fin du siècle, il y aura autant d'Arabes que de Juifs à l'intérieur des frontières militaires du pays. Les Juifs porteront les armes, non les Arabes. Les cités grecques connaissaient cette dualité des citoyens et des métèques. Faut-il croire au succès de la reconstitution d'une cité de ce type au XXe siècle ?

Oui, il faut relire Raymond Aron.


1De Gaulle, Israël et les Juifs, Plon, 1968.

2Mémoires, tome 2, Julliard, 1983.

3De Giscard à Mitterrand, 1977-1983, Calmann-Lévy, 2023.

USA : la bulle monétaire est létale, actualisation au 15 février 2024

Une bulle monétaire létale s’est développée aux États-Unis. Aucune solution n’est concevable pour la faire éclater. Le système bancaire américain risque de s’effondrer très bientôt…

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L’augmentation de la masse monétaire des États-Unis représentée par l’agrégat M2 est hors normes depuis 2011 (cf. document 3) mais elle a surtout explosé à partir du mois de février 2020 lorsque les autorités ont commencé à distribuer plus de… 6 000 milliards de dollars à des Américains tout en leur interdisant de travailler en contrepartie sous le prétexte de lutter contre cette histoire de coronavirus !

L’agrégat monétaire M2 des États-Unis a atteint un plus haut sommet historique fin juillet 2022 à 21 704 milliards de dollars pour baisser par la suite de près de 1 000 milliards de dollars…

Une baisse de cette ampleur ne s’est jamais produite depuis que ces statistiques existent, c’est à dire depuis 1973 !

Document 1 :

Comme la masse monétaire des États-Unis a augmenté beaucoup plus rapidement que la création de richesse, une forte inflation s’y est évidemment et logiquement développée.

Les membres du FOMC ont décidé d’augmenter le taux de base de la Fed (à partir du mois de mars 2022) pour faire éclater cette bulle monétaire comme leurs prédécesseurs l’ont toujours fait en pareilles circonstances depuis l’après-guerre.

Cependant, pour la première fois (depuis l’après-guerre), cette hausse très rapide du taux de base de la Fed (de 0 % à 5 % en un an) n’a pas fait baisser significativement cet agrégat monétaire M2…

En effet, entre le mois de juillet 2022 lorsque l’agrégat monétaire M2 a atteint son sommet historique (21 704 milliards de dollars) et le mois d’avril 2023, il n’a baissé que de… 998 milliards de dollars (soit – 4,6 %), ce qui est peu.

Par la suite l’agrégat M2 a peu varié. Il faudrait qu’il baisse encore de… 5 401 milliards de dollars pour rentrer dans les normes à la date de fin décembre 2023, derniers chiffres publiés !

Document 2 :

D’après les normes historiques, l’agrégat monétaire M2 ne devrait pas dépasser la limite de 55 % du PIB annuel courant, soit 15 366 milliards de dollars, cf. mes analyses à ce sujet.

Or cette masse monétaire entre les mains des Américains a largement dépassé les normes depuis le mois de juillet 2011 pour culminer à un plus haut record historique de 91 % du PIB annuel courant fin juillet 2020 !

Document 3 :

Certes, cette masse monétaire par rapport au PIB a baissé depuis fin juillet 2020 mais ce ratio fluctue autour de 75 % depuis le mois de juillet 2023.

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Une telle bulle monétaire qui a été créée en distribuant en 2020 et jusqu’en mars 2022 plus de… 6 000 milliards de dollars à des Américains (tout en leur interdisant de travailler en contrepartie sous le prétexte de lutter contre cette histoire de coronavirus) ne s’est jamais produite depuis l’après-guerre.

En effet, après la guerre (la Seconde guerre mondiale) les autorités monétaires et en particulier les dirigeants de la Fed ont toujours réussi à contenir l’augmentation des agrégats monétaires dans les normes.

Pour atteindre cet objectif, ils ont toujours augmenté le taux de base de la Fed, ce qui a toujours provoqué une récession, voire une crise finalement salvatrice car elle a toujours fait éclater cette bulle monétaire.

Maintenant, c’est-à-dire depuis la mi-2022, une telle solution ne produit plus ces effets positifs et il n’existe aucune autre solution envisageable ou imaginable pour résorber cette hypertrophie monétaire américaine hors normes.

Pour rappel, l’argent sain est le premier pilier des Reaganomics, dixit Arthur, Laffer.

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Cet excès d’argent sur les comptes bancaires des Américains leur permet de pouvoir continuer à le dépenser et à investir malgré les hausses des taux provoquées par celle du taux de base de la Fed.

C’est ce qui explique la continuation de la croissance du PIB alors qu’une récession était et est encore attendue par beaucoup d’investisseurs.

Le risque majeur est maintenant celui d’une crise systémique provoquée par l’effondrement du système bancaire américain à la suite de la baisse des dépôts émanant des gros clients que sont les gestionnaires des trésoreries d’entreprises, comme cela s’est déjà passé avec la Silicon Valley Bank.

En effet, beaucoup de banques américaines ne pourront pas supporter une baisse massive de leurs moyens de financement (provenant des dépôts de leurs clients) lorsque les gestionnaires de trésoreries les déposeront massivement dans des fonds mutuels de trésorerie.

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La variation de l’évolution de l’agrégat M2 par rapport au PIB d’une année sur l’autre est tombée en territoire négatif pour la première fois depuis l’après-guerre, ce qui est compréhensible car M2 n’a jamais baissé significativement et durablement en valeur absolue avant 2020,

Document 4 :

Cependant, ce concept n’est pas pertinent.

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Une précision importante doit être rappelée : cette hypertrophie de la masse monétaire ainsi mesurée par l’agrégat M2 n’est pas le résultat de la fameuse planche à billets !

En effet, l’augmentation de l’agrégat monétaire M2 a été financée par l’Etat fédéral qui a emprunté… 11 045 milliards de dollars supplémentaires depuis la fin du premier trimestre 2020 !

Document 5 :

11 045 milliards de dollars supplémentaires de dettes de l’Etat fédéral, c’est une augmentation de presque la moitié de cette dette depuis le premier avril 2020, ce qui n’est pas un poisson d’avril !

Cette hypertrophie de la masse monétaire est donc causée par un excès d’endettement. Ce n’est donc pas le résultat d’une création monétaire ex nihilo !

Cliquer ici pour accéder au site du gouvernement des États-Unis publiant le montant de la dette de l’Etat fédéral à ce jour.

Document 6 :

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Cliquer ici pour lire mon article précédent sur le même sujet.

© Chevallier.biz

 

 

 

À Gaza, les soldats israéliens mettent en scène leurs crimes en vidéo

Si beaucoup de Gazaouis se sont transformés en journalistes reporters d'image pour documenter le massacre en cours, les vidéos ne manquent pas du côté des militaires israéliens, qui eux filment leurs exactions, brandissent leurs forfaits, avec la complicité de leur hiérarchie.

Dans toutes les guerres, des militaires exhibent les ennemis tués ou torturés comme autant de preuves de leur supériorité. Chacun se souvient de cette soldate américaine tenant en laisse un prisonnier dans la prison d'Abou Ghraib en Irak. Mais, jusqu'alors ce type d'images était réservé à un cercle restreint et n'arrivait au grand public que grâce à d'autres soldats indignés.

Avec les réseaux sociaux et en raison de la nature même de la guerre d'Israël contre les Palestiniens de Gaza, les bombardements, les destructions, les humiliations, sont mis en scène par des soldats, et les images partagées avec la population. Il n'y a plus d'hommes, de femmes ou d'enfants, mais des « ennemis » à abattre, des « choses » à faire disparaître. Voici quelques exemples parmi les très nombreuses vidéos publiées sur X (ex-Twitter), Instagram, TikTok etc. adressées au grand public israélien que nous avons pu visionner, vérifier, sélectionner. Et faire commenter.

Brûler un camion de provisions

Ce qui frappe en tout premier lieu c'est le nombre de photos et de vidéos venant de militaires heureux, hilares même, totalement inconscients de leurs propres crimes, tel un couple de soldats se demandant en mariage dans une école fraîchement bombardée au nord de Gaza. Ou ce militaire qui célèbre ses fiançailles avec ses camarades, comptant à rebours jusqu'à l'explosion d'une bombe dans un immeuble civil juste derrière lui.

Un soldat israélien demande son amie en mariage devant leurs collègues mobilisés sur le front de la guerre à Gaza.
Instagram

On pourrait citer aussi ce militaire s'amusant avec des affaires abandonnées d'enfants gazaouis1, ces soldats forçant un coffre-fort dans une maison, et chantant au milieu des ruines en exhibant le rouleau de la Torah, ou encore cette scène invraisemblable à Jénine, en Cisjordanie, où des guerriers au repos fument la chicha, mangent des chips ou l'équivalent, se sentent à l'aise dans la maison de Palestiniens qui apparaissent les yeux bandés et les mains menottées en arrière-plan – le tout dans une atmosphère décalée qui siérait à un groupe de copains revenant de ballade.

Toujours à Jénine, on voit un soldat chanter des prières juives au minbar d'une mosquée (là où se tient l'imam pour le prêche du vendredi). Ici, un autre militaire se vante d'avoir détruit les bâtiments de l'université Al-Azhar dans la ville de Gaza. Là, deux soldats fument une cigarette pendant la destruction d'un bloc entier d'habitations civiles. Il y a aussi cette vidéo montrant deux soldats devant un camion d'aides alimentaires destinées aux civils gazaouis, avec ce commentaire de l'un, tout sourire : « C'est le deuxième jour d'Hanouka [la fête juive des lumières] (...) que tout le monde passe de joyeuses fêtes », avant de mettre le feu aux provisions.

Deux soldats israéliens fument une cigarette pendant la destruction d'un bloc d'habitations civiles à Gaza.
X

On pourrait être surpris de voir ces images si ardemment publiées, tant elles peignent un tableau peu glorieux de l'armée qui aime à se présenter comme « la plus morale du monde ». Mais au final, il s'agit de présenter la participation à l'écrasement d'un peuple et à l'anéantissement de toute forme d'infrastructure dans l'enclave comme un divertissement. La banalité des crimes de guerre !

Les influenceurs se réinventent

Un deuxième type de publications relève de la mise en scène minutieuse. Ces petits films, de courte durée, scénarisés, soigneusement écrits, montrent par exemple des soldats face caméra préparer des lance-missiles, installer des bombes pour détruire des structures civiles à Gaza sur fond de musique entraînante - mimant des tutoriels et adoptant le langage visuel des vidéos TikTok - et se féliciter de chaque explosion. D'autres s'amusent dans une maison vidée de ses habitants avant d'y mettre le feu, et finissent leur « sketch » par un « restez connectés [pour de prochaines vidéos] ».

Un soldat israélien, tout sourire, prépare ses munitions pour bombarder des habitations et des civils palestiniens à Gaza.
Instagram

Le dernier chic pour les militaires israéliens est de signer avec des messages plus ou moins guerriers un obus. Un geste repris par le président israélien Yitzhak Herzog lui-même, le 25 décembre 2023, lors d'une visite sur le terrain. À la demande, on peut faire dédicacer une frappe de missile à un être cher à son cœur, comme on le ferait d'une chanson à la radio. Ou, comme cette influenceuse, inscrire des messages sur les obus puis accompagner les soldats pendant qu'ils les tirent sur Gaza.

Car ce tableau serait incomplet s'il ne donnait pas à voir le rôle des influenceuses et influenceurs professionnels, dont les comptes sur les réseaux sociaux étaient déjà suivis par des millions de « followers » avant le 7 octobre. Parmi eux, le blogueur-soldat Guy Hochman que l'on peut voir, par exemple, faire un tour dans une maison gazaouie détruite, comme s'il visitait une location sur Airbnb. Sur un ton extrêmement moqueur, il pointe tour à tour le toit en lambeaux, le sol jonché de débris et de sable, les murs tagués de messages anti-palestiniens : « Tout ce séjour est gratuit en utilisant le code ‘FREE PALESTINE' pour réserver vos vacances », ajoute-il avant d'aller se baigner dans la mer de Gaza. « Ce sable, il est à nous. Cette mer, elle est à nous », martèle-t-il dans une autre vidéo toujours filmée à Gaza où le ton est, là, au premier degré.

On peut également suivre cet influenceur populaire, Shita Hakdosha, qui fait des vidéos en anglais, invitant à « profiter » d'un coucher de soleil et d'une glace devant les bombardements à Khan Younès, en compagnie de soldats en jeep. Si l'on en croit ses publications les plus récentes, il se serait enrôlé dans l'armée de terre déployée dans Gaza.

L'influenceur Shita Hakdosha mange une glace en compagnie de soldats israéliens en regardant les bombardements sur Khan Younès, dans la bande de Gaza.
TikTok

Tout comme la réserviste Natalia Fadeev, créatrice de contenu « confirmée » sur TikTok et Instagram, qui se présente elle aussi dans sa biographie comme « réserviste de l'armée de défense israélienne ». Cette fan de cosplay2 titre toutes ses stories à la une avec le mot « war » (guerre) et les illustre d'un personnage de manga en tenue militaire israélienne. Si elle ne se filme pas en train de commettre des exactions, ses publications visent plutôt à donner une image « sexy » d'Israël, de son armée et de la guerre génocidaire contre Gaza. Sans surprise, la presse conservatrice israélienne glorifie souvent ces soldats et les présente comme des héros de guerre3, notamment en les invitant sur les plateaux télé et en leur donnant la parole.

En dehors des cercles médiatiques israéliens, on peut trouver sur les réseaux sociaux des vidéos de personnalités tournées vers un public international, tel que l'influenceur proche de Benyamin Netanyahu, Hananya Naftali, ou le journaliste arabophone Edy Cohen.

La fierté de « raser un pays et sa population »

« Je n'ai pas été surpris que cela émerge du traumatisme du 7 octobre, commente le militant israélien contre l'occupation aujourd'hui installé en Allemagne Nimrod Flaschenberg. Il y a eu un processus rapide de légitimation de l'agressivité et du racisme. C'est ce qui a causé cette atmosphère et a permis aux artistes et aux politiciens de s'exprimer librement dans un langage génocidaire ».

Cette plongée dans la guerre représentée par les guerriers eux-mêmes met à nu ce que le professeur en sociologie politique Yagil Levy nomme la « déshumanisation par mépris » - soit la déshumanisation « passive » par mépris qui s'est installée chez une grande partie de la société israélienne, parallèlement au modèle de déshumanisation « active » vis-à-vis de l'ennemi à éradiquer. Un exemple en est donné par les vidéos qui ont défilé pendant des mois d'Israéliens grimés en Palestiniens, un Minstrel show4 contemporain se moquant cruellement d'un massacre à quelques kilomètres d'eux.

Un Israélien se filme grimé en Palestinien.
TikTok

« Ce qui est troublant, poursuit Nimrod Flaschenberg, c'est qu'ils se filment en train de célébrer le bombardement des universités et des maisons à Gaza. C'est fou le degré de joie et de fierté que ces soldats éprouvent à raser un pays et sa population. Cette déshumanisation est si gangrenée qu'ils ne pensent pas faire quelque chose de mal. » Encore ne voit-on que l'écume, car « l'armée censure et monitore les images qui filtrent du front ». En fait, assure-t-il :

Dans le psychisme israélien, les Gazaouis n'existent pas. Ce qui arrive aux civils à Gaza n'est pas montré. Seul le Hamas existe, et il est responsable des pertes civiles. En Israël, les gens ordinaires qui ne veulent pas que l'occupation continue, ne sont pas conscients des souffrances causées par les bombardements. La conversation se déroule uniquement dans le confort intra-israélien : « Allons-nous ramener les otages ? Allons-nous mettre fin au règne du Hamas ? » Les Gazaouis ne sont nulle part dans l'équation…

Mais ces images largement diffusées posent une autre question, plus franco-française celle-là. Pourquoi n'en entend-on presque jamais parler en France, alors qu'elles sont accessibles à tous en Israël, et que des journalistes vivant dans la bande de Gaza – ou plutôt survivant quand ils ne sont pas tirés comme des lapins par l'armée israélienne – ont très largement documenté des faits semblables ? Pourquoi les journalistes n'utilisent pas ces données qui circulent en toute liberté sur les réseaux sociaux et dans les médias israéliens, alors que le gouvernement israélien leur interdit l'accès à l'enclave sauf s'ils sont « accompagnés » par l'armée et baladés dans les circuits adéquats ?

Des Français se filment aussi à Gaza

Au moins 4 000 Français et Franco-israéliens combattent aux côtés des forces israéliennes, rapportait déjà Europe 1 en octobre 20235. Le député de la France insoumise Thomas Portes a réclamé en décembre 2023 qu'ils soient poursuivis en justice pour participation à des crimes de guerre. Deux combattants français cagoulés, en tenue militaire et portant des obus, lui ont adressé depuis Gaza un message vidéo : « Merci pour votre soutien, joyeux noël khouya [mon frère, en arabe] ».

Au moins deux Français combattant à Gaza figurent dans des vidéos qui pourraient servir de preuve de participation à des crimes de guerre, dont un Franco-israélien de Nice qui a participé à l'enlèvement et à la torture d'ouvriers gazaouis au mois d'octobre. Confronté par plusieurs internautes sur X (ex-Twitter), il a verrouillé ses comptes sur les réseaux sociaux, affirmant qu'il n'a fait que relayer les vidéos d'autres soldats, sans participer lui-même aux actes de torture.

C'est principalement sur ces vidéos et sur les faits documentés par l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) que les représentants de l'Afrique du Sud ont appuyé leur plainte à la Cour de justice internationale (CIJ), déposée le 29 décembre 2023, montrant qu'il s'agit « du premier génocide diffusé en direct ».

Malgré les campagnes de signalement dont font l'objet ces vidéos, elles continuent d'être visibles en ligne, alors que les contenus relatant ce qui se passe à Gaza sont régulièrement censurés. L'ONG 7amleh (pour « hamleh », « campagne » en arabe), qui milite pour les droits numériques palestiniens, a interpellé le 7 février 2024 plusieurs plateformes qui hébergent toujours ce type de contenu, dont Meta (Facebook, Instagram et Whatsapp), X (ex-Twitter), Telegram et TikTok. L'organisation signale la prolifération des discours de haine, de déshumanisation et d'incitation à la violence et au génocide contre les Palestiniens. Elle rappelle que l'ordonnance de la CIJ nécessite que les plateformes assument leur responsabilité juridique et morale en matière de respect des droits humains et de prévention de la diffusion de contenus compromettants. Elle rappelle aussi que ces plateformes ont attisé par le passé des discours favorables au génocide en permettant leur diffusion en ligne, notamment en Éthiopie et au Myanmar.

Depuis le 7 octobre, 7amleh compte près de trois millions de contenus haineux ou incitant à la haine des Palestiniens en ligne, contre au moins 4 400 cas de censure côté palestinien, considérés par l'ONG Human Rights Watch comme « systémique ». De son côté, Meta prévoit uniquement de revisiter ses règles en estimant désormais que l'usage des termes « sioniste » et « sionisme » relève du discours haineux à l'encontre de personnes juives ou israéliennes.


1« Videos of soldiers acting maliciously in Gaza create new headache for Israel », Los Angeles Times, 13 décembre 2023.

2Loisir qui consiste à se déguiser – vêtements, coiffure, maquillage – pour ressembler à un personnage de fiction.

3« The soldiers who became social media stars during the fighting », The Jerusalem Post, 27 octobre 2023.

4Forme théâtrale américaine répandue durant les XIXe et XXe siècles, dans laquelle des comédiens blancs se grimaient en Noirs, caricature raciste des Afro-américains.

5« « Quelque chose d'irréel » : le témoignage d'un Français engagé avec l'armée israélienne », Europe 1.

Crise à venir : danger et opportunité

Une crise majeure est en gestation. C’est à la fois un danger en risquant de perdre une grande partie de son capital ou une opportunité pour l’augmenter. Des solutions existent pour en profiter…

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D’après Wikipédia, pour les chinois et les japonais, le mot crise est constitué de deux idéogrammes Wei (danger) et Ji (opportunité). C’est le paradoxe d’une crise : c’est une situation difficile qui permet de saisir de nouvelles opportunités et de rebondir.

En français le mot crise vient du grec « Krisis » qui signifie « décision »…

Effectivement, toute personne possédant un capital doit prendre les bonnes décisions pour ne pas le perdre et même pour le valoriser !

Document 1 :

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La première solution consiste à placer son capital financier dans des produits financiers, a priori dans des titres, actions (et) ou obligations.

Sur le long terme, depuis 1789, l’indice S&P 500 (rétropédalé) montre que c’est un placement très performant…

Document 2 :

… mais avec des variations de grande ampleur, à la hausse comme à la baisse, sur de longues périodes, pour information, zoom de 1928 à 1955,

Document 3 :

Zoom sur la période plus récente, depuis 1997,

Document 4 :

En prenant comme base un investissement au plus bas du S&P 500 pendant la Grande récession au 2 mars 2009, à l’indice… 666 (et non pas 777 !) un capital financier placé selon cet indice aboutit à un montant multiplié par 7 présentement surpassant largement un placement dans l’or qui n’obtient qu’un multiple de 2 !

Document 5 :

Cependant, sur une période plus longue, en prenant comme base un investissement en 2000, les performances relatives sont inversées : un capital financier placé dans l’or aboutit à un montant multiplié par 7 présentement surpassant largement un placement selon l’indice du S&P 500 qui n’obtient qu’un multiple de 3,5 !

Document 6 :

La gestion optimale d’un capital financier consiste donc à profiter de l’anticipation d’une crise à venir pour l’investir dans des titres qui sont appelés à prendre de la valeur quand cette crise se développera puis à investir par la suite dans d’autres titres qui prendront de la valeur après cette crise.

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Un certain nombre d’indicateurs concordants permettent de mettre en évidence qu’une crise est en actuellement gestation et qu’elle sera plus importante que les précédentes…

Pour l’essentiel, et pour la première fois dans l’Histoire des États-Unis, c’est-à-dire depuis que des données fiables sont publiées, en l’occurrence depuis 1973, les dépôts des clients dans leurs banques ont présentement globalement baissé de l’ordre de 1 000 milliards de dollars d’un plus haut atteint en avril 2022 alors que les actifs des banques continuent au contraire à augmenter de 500 milliards de dollars environ !

Document 7 :

Comme les banques américaines financent leurs actifs à 75 % par les dépôts de leurs clients, cet écart grandissant entre ces actifs et ces dépôts conduit automatiquement et irrémédiablement à une (quasi) faillite globale du système bancaire des États-Unis !

Beaucoup d’Américains, c’est-à-dire de personnes habitant aux États-Unis, ont bien compris qu’ils risquent ainsi de perdre une grande partie de leur capital financier placé dans ces banques.

Une solution simple et rapide existe pour eux : ils sortent leurs capitaux (et la trésorerie de leurs entreprises) de leurs comptes bancaires pour les placer dans des fonds mutuels de trésorerie (MMMF) dont les montants ont déjà augmenté de plus de 1 000 milliards de dollars depuis février 2023 (lorsque trois banques ont fait faillite) pour dépasser présentement un total de plus de… 6 000 milliards de dollars !

Document 8 :

La Grande récession de 2008-2009 concernait essentiellement des pertes potentielles inférieures à 2 000 milliards de dollars (celles des sub-primes).

La crise qui est actuellement en gestation sera systémique ce qui signifie qu’elle conduira à un effondrement du système bancaire américain à cause de la perte de confiance des clients en leurs banques qui les amènera à sortir leurs capitaux de ces banques par… milliers de milliards de dollars en quelques clics de mulot !

Lors de la Grande récession de 2008-2009, les dépôts dans les MMMF ont augmenté de 1 000 milliards de dollars au total alors que l’augmentation de ces dépôts dans les MMMF a déjà été de plus de 1 000 milliards de dollars à la fin du troisième trimestre 2023 (d’après les données de notre ami Fred de Saint Louis) alors que cette crise ne s’est même pas encore manifestée !

Document 9 :

D’après les données de l’ICI (The Investment Company Institute) qui portent sur des bases légèrement différentes de celles de la Fed, les dépôts dans les MMMF ont augmenté à ce jour de 400 milliards de dollars depuis la fin du troisième trimestre 2023 et la sortie des capitaux des banques (pour les porter dans les MMMF) sera encore de bien plus grande ampleur dans les semaines et les mois à venir.

En conséquence, les banques perdront encore plus de moyens de financements de leurs actifs, les mettant irrémédiablement en situation de faillite (car les dépôts de leurs clients ne pourront plus financer leurs actifs).

Dans cette attente, les placements dans l’or permettront de conserver un capital sans pouvoir bénéficier des effets positifs d’investissements plus performants lors de la crise à venir…

En effet, comme je l’ai déjà écrit, la stratégie gagnante consiste à investir dans des titres qui vont prendre de la valeur lorsque la crise se manifestera, puis à réinvestir dans d’autres produits financiers lorsque ces titres auront atteint leur point le plus bas, ce qui permet ainsi de tripler un capital financier en quelques mois, comme cela s’est passé en 2020, cf. mes articles à ce sujet !

Trois gros problèmes se présentent donc…

Le premier problème qui a été identifié porte sur les pertes non comptabilisées sur les prix des bons du Trésor acquis quand leurs rendements étaient au plus bas, donc leurs prix au plus haut, alors qu’à la suite des hausses du taux de base de la Fed, cette situation s’est inversée : les taux sont au plus haut et les prix au plus bas, d’où des pertes non comptabilisées.

Ces pertes ont été évaluées comme étant de l’ordre de 600 à 700 milliards de dollars.

Le deuxième problème qui a été identifié porte sur pertes sur l’immobilier de bureaux. Ces pertes sont évaluées comme étant de l’ordre de 700 à 800 milliards de dollars.

Ces deux premiers problèmes génèrent donc des pertes qui sont proches de 1 500 milliards de dollars.

Le troisième problème qui a été identifié porte sur les sorties de capitaux des banques pour les placer dans les MMMF. Les pertes en moyens de financement des actifs des banques sont déjà supérieures à celles qui ont été enregistrées au plus fort de la Grande récession de 2008-2009… alors que cette crise ne s’est pas encore produite !!!

En conséquence, la crise à venir sera pire que celle de 2008-2009, avec une situation a priori ingérable à cause de l’hypertrophie monétaire qui s’est développée aux États-Unis et dans la zone euro.

Conclusion : toute personne possédant un certain capital doit impérativement prendre les bonnes décisions de façon à le conserver et même en profiter pour le valoriser, le tripler comme je l’ai déjà écrit…

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À Marseille, Gaza fait écho à l'histoire du racisme anti-arabe

Dans les années 1970, la mobilisation des travailleurs immigrés pour la Palestine a été importante dans la cité phocéenne. En 1973, cette ville a aussi été l'épicentre d'une vague de criminalité raciste sans précédent. Aujourd'hui, alors que la municipalité de gauche maintient son soutien à l'UNRWA, les initiatives s'inscrivent dans la mémoire collective anticoloniale d'une partie des Marseillais.

Une histoire qui se répète, ou plutôt se reflète. C'est ce que l'on saisit en filigrane de l'engagement pour la Palestine de nombreux jeunes Français issus de l'immigration. À Marseille, Dalal, 23 ans, descend chaque semaine dans la rue pour demander un cessez-le-feu : « J'ai été très tôt sensibilisée par ma famille à la cause palestinienne, mes grands-parents et arrières grands-parents ayant vécu sous le joug colonial français ». Tout comme Sarah, étudiante algérienne à la faculté de droit d'Aix-Marseille, qui lie son soutien à son histoire personnelle et se dit « très sensible aux questions de lutte indépendantiste et de libération des peuples en raison de l'histoire de l'Algérie ».

Mi-novembre 2023, les manifestations en soutien à Gaza essaiment les rues de Marseille depuis plus d'un mois quand des étudiants décident de lancer le Comité étudiant Palestine. Une initiative qui coïncide dans la cité phocéenne avec les cinquante ans d'une page sombre de l'histoire française. En 1973, une vague de meurtres racistes cible ses immigrés maghrébins, noyés, tués à l'arme blanche, ou battus à mort. La ville devient l'épicentre d'une « chasse à l'Arabe », comme nommera rétrospectivement Le Monde cette période de meurtres en série qui fit une cinquantaine de victimes en France, dont au moins 17 dans la région. Une flambée de violences qui intervient au terme d'années de diabolisation de la figure de l'Arabe.

Car le racisme est une histoire française qui s'accorde aux contrecoups du conflit au Proche-Orient. Dès la guerre de juin 1967, l'opinion publique rejette dans sa grande majorité les puissances arabes opposées à Israël dans la région. Aux avant-postes du soutien écrasant à Israël, des associations de pieds-noirs rapatriés d'Algérie instrumentalisent le conflit pour attaquer les immigrés arabes en France.

Mémoires coloniales

« En France, le fait que la parole coloniale n'ait jamais été dite joue beaucoup dans le soutien occidental à Israël. Pour les Occidentaux, Israël est un exemple réussi de reconquête coloniale ». Depuis le 7-Octobre, Pierre Stambul, porte-parole de l'Union juive française pour la paix (UJFP), multiplie les interventions en soutien à la Palestine. Il clame son antisionisme comme prolongement de ses convictions anticoloniales. Le 16 octobre 2023, la militante gazaouie du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) Mariam Abou Daqqa quitte son appartement à Marseille quand elle est arrêtée par la police à la gare Saint-Charles. « On assiste à une criminalisation de la Palestine par l'État français », s'insurge Pierre Stambul.

Fils de Yakov Stambul, résistant et rescapé juif du groupe Manouchian déporté à Buchenwald, survivant des camps, sa parole jaillit régulièrement des manifestations en soutien à la cause palestinienne à Marseille. Pour lui, mal nommer les choses ajoute au malheur de Gaza :

Ce n'est pas une guerre raciale, ni communautaire ni religieuse, mais coloniale. Et nous faisons face à un colonialisme particulier, puisque le colonialisme sioniste n'a jamais visé à exploiter l'indigène mais à l'expulser et à le remplacer.

Le colonialisme est une histoire partagée entre Israël et la France. Les mémoires à vif héritées du règlement de la « guerre d'Algérie » ancrent le conflit israélo-arabe dans le débat français dès la guerre de juin 1967. Elle « correspond à l'un des moments les plus stupéfiants de l'histoire des passions françaises (…). Un véritable vent de folie s'est alors levé sur le pays, saisi par un déchaînement de haine anti-arabe qui n'allait pas retomber de sitôt »1.

En amont de la guerre de juin 1967, les comparaisons entre Gamal Abdel Nasser et Hitler se multiplient. Ainsi que les manifestations en soutien à Israël. À gauche, comme au Parti communiste, on s'inquiète du caractère anti-arabe qu'elles prennent. Sur les Champs-Élysées, différentes organisations de rapatriés d'Algérie « fournissent d'amples contingents » pour klaxonner sur les cinq notes le slogan « Al-gé-rie fran-çaise » rebaptisé « Is-ra-ël vain-cra ». Selon un sondage SOFRES d'octobre 1967, 44 % des personnes interrogées se considèrent plus fortement hostiles envers les Arabes qu'envers les juifs, contre 3 %2.

Rancunes d'après-guerre

À Marseille en particulier, les fractures identitaires qui survivent au conflit algérien nourrissent la haine contre l'immigré et cristallisent les mémoires coloniales françaises. Ainsi le 7 septembre 1972, le quotidien marseillais Le Méridional qualifiait, en réaction à l'attentat de Munich, l'immigration algérienne de « gangrène ». La veille, un commando de l'organisation palestinienne Septembre noir3 avait pris en otage la délégation israélienne aux Jeux olympiques, à l'issue de quoi 11 de ses athlètes seront tués. Un an plus tard, un épisode de violences racistes sans précédent marquera la France.

Dès sa création en octobre 1972 par des anciens de la Waffen-SS4, le Front national de Jean-Marie Le Pen s'attelle à séduire l'électorat pied-noir. En 1973, lors des élections législatives, son programme propose d'indemniser les rapatriés d'Algérie tout en dénonçant les Accords d'Évian. À Marseille, son candidat Roland Soler, ancien membre de l'Organisation armée secrète (OAS), prétend porter la voix des 100 000 pieds-noirs que compte la ville. Depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962, l'afflux des rapatriés Français d'Algérie et des travailleurs immigrés font de la cité phocéenne l'épicentre des flux migratoires en France. En 1973, des statistiques du ministère de l'intérieur font état d'un million deux cent mille Maghrébins en France dont environ 18 % dans le sud-est.

À l'époque, le mythe du retour s'éloigne pour beaucoup d'entre eux qui finissent par s'installer en France. Un mouvement qui coïncide avec Mai 68 et le climat de révolution anti-impérialiste qui oriente les luttes de classe, notamment en France. Après la défaite arabe de juin 1967, la cause palestinienne s'ancre à gauche. « Encouragée par ce souffle international, la résistance palestinienne se voudra l'alternative aux échecs du nationalisme arabe nassérien (…) et véhiculera une idéologie révolutionnaire universalisante »5.

En 1970, des Comités Palestine s'organisent au lendemain des massacres de « Septembre noir »6 contre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) en Jordanie. Des militants immigrés se saisissent de l'événement pour unir leurs revendications. À Marseille, le comité local est pourchassé par les forces de police, convaincues de trouver parmi leurs militants une cellule clandestine du FPLP. Le soutien à la cause palestinienne par les immigrés est appréhendé par les autorités françaises comme un trouble à l'ordre public. L'expérience des Comités Palestine dure deux ans, avant leur intégration dans le nouveau Mouvement des travailleurs arabes (MTA) en 1972 : « C'était une manière de prendre acte de la transformation de la nature même de notre action, qui a dépassé le soutien aux Palestiniens pour devenir presque entièrement centrée sur la problématique des droits et de la lutte contre le racisme », avance Driss El-Yazami, alors étudiant marocain à Marseille7.

L'engrenage de violences

Mais en 1973, c'est l'escalade8. Le 25 août, en plein centre-ville de Marseille, un chauffeur de bus est tué par un déséquilibré d'origine algérienne. Le lendemain, le rédacteur en chef du Méridional, Gabriel Domenech, signe un éditorial qui fera date : « Assez des voleurs algériens, assez des casseurs algériens, assez des fanfarons algériens, assez des trublions algériens, assez des syphilitiques algériens, assez des violeurs algériens (…) ».

Le 28 août 1973, l'assassinat de Ladj Lounès, 16 ans, abattu de trois balles, provoque une grève générale des travailleurs immigrés à l'initiative du MTA. C'est sur son cercueil, rapatrié en Algérie depuis la gare maritime de la Joliette, que l'appel est lancé. Entre août et décembre 1973, une cinquantaine d'agressions et 17 meurtres d'immigrés algériens sont comptabilisés dans la région, informations brièvement évoquées dans les pages des faits divers de la presse locale : « En une ou deux lignes, il est seulement question de crânes fracturés, de morts par balles ou à coups de hache, de coups de feu tirés depuis des voitures, de noyés retrouvés dans le Vieux-Port (…) »9.

Les violences sont si graves que le président algérien Houari Boumédiène décide de suspendre les départs des travailleurs : « Si la France ne veut pas de nos ressortissants, qu'elle nous le dise, nous les reprendrons ! » Le 14 décembre, un attentat revendiqué par le Groupe Charles Martel vise le consulat d'Algérie à Marseille. Le bilan est de 4 morts et 16 blessés. Mais l'antiracisme politique hérité de la mobilisation pour la Palestine est déjà ancré dans l'expérience politique des immigrés arabes en France. En 1974, le sujet du vote des immigrés est notamment posé lors du premier congrès des travailleurs étrangers à Marseille.

Luttes en marche

La création de l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) en 1982 marque une étape dans l'approche politique de la question de l'immigration. À l'origine nommée Association des Marocains en France (AMF), fondée par Mehdi Ben Barka, elle prend acte de l'abrogation du décret de 193910. À l'époque la création d'associations dites « étrangères » se fait sur une base nationale et reste subordonnée à l'autorisation du ministre de l'intérieur. Les immigrés de nationalités différentes pouvaient difficilement s'unir au sein d'une même organisation. Une barrière que les Comités Palestine puis le MTA ont contribué à commencer de lever.

Mais à l'heure des 40 ans de la Marche pour l'égalité et contre le racisme, partie de Marseille le 15 octobre et arrivée en fanfare à Paris le 3 décembre 1983, le bilan des luttes antiracistes convoque une mémoire coloniale encore étouffée. La gauche socialiste s'inquiète alors des revendications portées par des jeunes de banlieues arborant le keffieh palestinien. Pour Antoine, 20 ans, étudiant en cinéma à Marseille, « les raisons des violences, physiques ou institutionnelles, qui sont perpétuées sur les immigrés et descendants d'immigrés sont liées idéologiquement au soutien (français) apporté à un État génocidaire »11. Dalel pointe pour sa part les récentes « interdictions de manifester début octobre qui s'inscrivent dans le continuum colonial français ».

Ce que montre tristement la participation du Rassemblement national (RN) et de Reconquête ! à la marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 à Paris, Éric Zemmour ne lésinant pas devant les micros des chaînes d'info en continu sur les prétendus dangers de « l'immigration venue des contrées musulmanes » qui entretiendrait l'antisémitisme en France.

Lundi 5 février 2024, plus d'une semaine après l'annonce par un certain nombre de pays de leur suspension à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), Benoît Payan, le maire (ex-socialiste) de Marseille, déclarait maintenir les 80 000 euros d'aide de la ville à l'UNRWA. L'agence onusienne avait révélé fin janvier avoir licencié 12 employés accusés d'être impliqués dans les attaques du Hamas du 7-octobre. À l'origine de ces allégations, Israël refuse néanmoins de partager avec l'organisme ses éléments de preuves. Une pétition avait invité l'édile marseillais à ne pas participer à une « punition collective » pour Gaza. Message reçu, contrairement à plusieurs pays occidentaux dont les États-Unis.


1Samir Kassir et Farouk Mardam-Bey, Itinéraires de Paris à Jérusalem. La France et le conflit judéo-arabe, tome II, 1958- 1991, Minuit, coll. « Les livres de la Revue d'Études Palestiniennes », 1993, Paris.

2Yvan Gastaut, « La Guerre des Six jours et la question du racisme en France », Cahiers de la Méditerranée, 2005, pp. 15-29.

3NDLR. Organisation fondée à la suite de la répression sanglante, en septembre 1970, par l'armée jordanienne des fedayins palestiniens qui ont pris leurs quartiers dans le royaume hachémite, devenu la base arrière de la résistance armée palestinienne en Cisjordanie. Voir Alain Gresh, « Mémoire d'un septembre noir », Le Monde diplomatique, septembre 2020.

4Comme Pierre Bousquet, premier trésorier du Front national dont il dépose les statuts avec Jean-Marie Le Pen en 1972.

5Georges Corm, Le Liban contemporain, La Découverte, 2003.

6En septembre 1970, l'armée jordanienne s'attaque aux fedayins palestiniens dans tout le pays, notamment à Amman. La Résistance sera chassée du pays l'année suivante.

7Marie Poinsot, « Une idée revenait tout le temps parmi les ouvriers : pas de politique », Hommes & migrations, 2020, pp. 25-29.

8Lire sur ces événements, l'excellent roman de Dominique Manotti, Marseille 73, Les Arènes, 2022.

9Rachida Brahim, La race tue deux fois. Une histoire des crimes racistes en France (1970-2000), Editions Syllepse, 2021.

10Décret-loi qui interdisait aux immigrés de constituer des associations selon la loi de 1901 et instaurait un régime dérogatoire pour les associations étrangères.

11Antoine, 20 ans, étudiant en cinéma et membre du Comité étudiant pour la Palestine à Marseille.

Crise bancaire US, marché monétaire et manque de liquidité, actualisation au 10 février 2024

Les dépôts des banques américaines baissent mais leurs actifs augmentent. Les Américains n’ont plus confiance dans leurs banksters. Un tsunami bancaire est en gestation pour… très bientôt !

***

Pour rappel…

La crise qui va se produire aux États-Unis dans un avenir très proche peut être mise en évidence à partir d’indicateurs qui sont tous concordants, ce qui est rare !

Il en est ainsi par exemple du problème soulevé par la baisse des dépôts des clients des banques américaines …

Pour rappel, les Américains, c’est-à-dire les habitants des États-Unis et leurs entreprises ont de l’argent disponible qu’ils placent dans leurs banques.

Pour les banques, ce sont des dépôts (deposits), c’est-à-dire des dettes qui financent leurs actifs.

Sous le prétexte de cette histoire de coronavirus, les autorités américaines leur ont apporté presque 5 000 milliards de dollars pour les aider à vivre normalement tout en leur interdisant de travailler en contrepartie.

Une telle augmentation de ces dépôts ne s’est jamais produite depuis que les données statistiques à ce sujet sont publiées, c’est-à-dire depuis 1973.

Cependant, depuis le 13 avril 2022, ces Américains ont utilisé une partie de cet argent, ce qui est normal.

En conséquence, ces dépôts ont baissé, ce qui ne s’est jamais produit globalement d’une telle ampleur depuis que les données statistiques à ce sujet sont publiées, c’est-à-dire depuis 1973 !

La Fed publie chaque semaine des données sur la structure du système bancaire des États-Unis qui permettent de suivre son évolution, ici en données non corrigées des variations saisonnières,

Document 1 :

Ainsi, il apparait que les actifs des banques américaines se montaient globalement au 31 janvier, derniers chiffres publiés à ce jour, à 23 256 milliards de dollars.

Ces actifs sont financés essentiellement par les dépôts des clients pour 17 512 milliards de dollars, par des emprunts (borrowings) et le reste, un résidu qui est constitué a priori et pour simplifier par des capitaux propres.

C’est simple, tout est simple.

Notre ami Fred de Saint Louis publie des séries sur la longue période de ces données qui permettent de visualiser leur évolution sur des graphiques…

Document 2 :

Ainsi, il apparait que la baisse de ces dépôts dans les banques américaines a été de presque 1 000 milliards de dollars entre avril 2022 et mai 2023 après que trois banques aient fait faillite alors que les actifs des banques ont augmenté !

Donc, les actifs des banques américaines augmentent alors que leurs principaux moyens de financement baissent !

L’écart entre les actifs et (moins) les dépôts était de l’ordre de 4 500 milliards de dollars début 2022 et il fluctue présentement aux alentours de 5 900 milliards de dollars.

Cette divergence est bien mise en valeur en regroupant sur un même graphique les actifs et les dépôts sur deux échelles différentes à partir d’un point de départ en janvier 2022,

Document 3 :

L’écart entre les actifs et les dépôts augmente donc fortement depuis le 4 mai 2022 pour fluctuer entre 1 275 (au 31 janvier) et 1 444 milliards de dollars au 24 janvier dernier,

Document 4 :

Cet écart bondit à chaque fois que se développe une crise majeure, surtout en 2008 (la Grande récession) et en avril 2020 avec cette histoire de coronavirus.

Le bond actuel de cet écart entre les actifs et les dépôts des banques américaines montre la gravité de la crise bancaire actuellement en gestation qui n’a pas encore éclaté !

Document 5 :

Les Américains n’ont plus confiance en leurs banksters. Ils retirent donc leurs disponibilités des banques pour les placer principalement dans des fonds mutuels de trésorerie dont les avoirs continuent à augmenter pour atteindre au 8 février un plus haut record historique de 6 017 milliards de dollars !

Document 6 :

Ainsi, les banques ne peuvent plus financer normalement leurs actifs par les dépôts de leurs clients. Comme elles n’ont pas assez de capitaux propres et qu’elles ne peuvent pas augmenter leurs emprunts sur les marchés, elles se retrouvent globalement au bord de la faillite.

Tout est simple.

L’écart entre les actifs et les dépôts a déjà augmenté allègrement de plus de 1 200 milliards de dollars, ce qui est ingérable car les clients des banques vont encore retirer plusieurs… milliers de milliards de dollars de leurs comptes bancaires comme ils l’ont déjà fait depuis le 22 février 2023 dès que de nouvelles banques commenceront à annoncer qu’elles sont au bord de la faillite !

Le système bancaire des États-Unis est donc sur le point de s’effondrer, ce qui est pire que ce qui s’est déjà produit précédemment en 2008-2009 en particulier.

Jerome Powell a déclaré que les problèmes des banques régionales était gérable, ce qui est possible car leurs besoins de financement fluctuent présentement autour de 165 milliards de dollars… seulement !

Document 7 :

Les pertes potentielles déjà bien décelées sur les emprunts portant sur l’immobilier de bureaux sont évaluées aux alentours de 700 à 800 milliards de dollars, ce qui est là encore largement inférieur aux sorties des capitaux des clients de leurs comptes bancaires qui sont déjà de plus de… 6 000 milliards de dollars depuis février 2023 et cela sera plusse pire dans les semaines et les mois à venir !

***

Les marchés financiers sont dans une situation extraordinaire (en dehors de ce qui est ordinaire) car d’autres indicateurs montrent à l’opposé que tout va bien !

En effet, le S&P 500 bat ses plus hauts records,

Document 8 :

La croissance du PIB des États-Unis est elle aussi à des niveaux stratosphériques et les dépôts bancaires ont connu un rebond spectaculaire (mais qui sera éphémère) au 31 janvier !

La chute sera dure et violente mais pas pour les bons spéculateurs qui voient juste et loin…

***

Pour rappel…

Cette crise bancaire américaine qui s’annonce ne sera pas l’apocalypse mais une crise majeure, potentiellement plus dévastatrice que celle de 2008-2009, et elle devrait se produire prochainement (avec une date critique fin mars).

Elle permettra au Donald d’être réélu, sauf si ses adversaires (qui sont très puissants), réussissent à la retarder…

La Fed va essayer d’éviter le pire en apportant des milliards de dollars aux banksters mais cela risque fort de ne pas être suffisant pour éviter une crise majeure.

Le Donald avait raison de se méfier de Jerome Powell.

Cliquer ici pour lire un article de ZeroHedge à ce sujet.

© Chevallier.biz

 

De la Nakba à Gaza. Poésie et résistance en Palestine

Mahmoud Darwich (1941-2008) est devenu le porte-voix de la cause palestinienne parce que sa poésie est acte de résistance à portée universelle. Mais la poésie palestinienne est multiple et a vu, depuis la Nakba de 1948 jusqu'à Gaza ces derniers mois, plusieurs générations de femmes et d'hommes écrire sur un futur de liberté et d'indépendance.

Dès 1948, la poésie s'est imposée en Palestine occupée face aux autres genres littéraires. Ce n'est pas seulement le signe d'un attachement des écrivains palestiniens à un mode ancien et populaire d'expression dans le monde arabe, mais l'expression d'une volonté de résister aux règles de l'occupation israélienne qui prolongeaient celles du mandat britannique en Palestine (1917-1948). Face aux mesures de répression des forces coloniales, la poésie, qui se transmet et se mémorise aisément, est mieux armée que les autres genres littéraires pour contourner la censure.

C'est d'ailleurs à travers de véritables festivals de poésie ou mahrajanat que la première génération de poètes post 1948 a pu atteindre un large public demeuré sur les terres de Palestine. Parmi les auteurs qui ont participé et se sont révélés lors de ces festivals, se trouvent les grands noms de la poésie palestinienne de cette génération : Taoufik Ziyad (1929-1994), Samih al-Qasim (1939-2014), Mahmoud Darwich (1941-2008), Salim Joubran (1941-2011) et Rashid Hussein (1936-1977). Tous avaient atteint l'âge adulte dans les années qui ont suivi la Nakba de 1948. Ils étaient généralement issus de la classe ouvrière et militaient aussi pour l'amélioration des conditions de vie des ouvriers et des paysans. Ce qui fait de la poésie palestinienne un genre traditionnellement marqué à gauche.

La majorité de ces poètes ont été formés en arabe et en hébreu, en Palestine occupée ou à l'étranger. Seule la poétesse Fadwa Touqan (1917-2003), autodidacte, aurait été initiée à la poésie par son frère Ibrahim Touqan (1905-1941), lui-même poète. Beaucoup étaient des enseignants dans des écoles gérées par les autorités israéliennes. Ces institutions, tout comme les festivals de poésie et d'autres rassemblements publics comme les mariages et les fêtes religieuses, étaient surveillés de près par les services de sécurité coloniaux qui s'efforçaient de contenir le nationalisme palestinien.

À travers leur poésie, ces auteurs ont joué un rôle important dans la production et la diffusion d'idées à portée politique. Leur participation aux festivals était de fait un geste de résistance. Leurs poèmes, écrits le plus souvent dans le respect des codes de la prosodie arabe traditionnelle, étaient faciles à chanter et à retenir. Ils étaient déclamés devant un auditoire nombreux, coupé du reste du monde arabe et des Palestiniens forcés à l'exil, et traumatisé par les massacres commis par l'armée israélienne. Les poèmes exprimaient le plus souvent espoirs et rêves révolutionnaires de liberté et d'indépendance, mais ils abordaient aussi des thèmes plus graves liés au sentiment de dépossession, et aux violences physiques et symboliques subies.

C'est au cours de ces festivals que se développe le concept de résistance, de sumud ou persévérance face à l'adversité, concept qui deviendra un thème majeur de la poésie palestinienne notamment chez Taoufik Ziyad avec son célèbre poème Ici nous resterons dont cet extrait résonne comme un manifeste politique et poétique :

Ici nous resterons

Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers

Si nous avons soif nous presserons les pierres

Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !

Ici nous avons un passé un présent et un avenir1

La participation aux festivals a valu à plusieurs auteurs comme Taoufik Ziyad et Hanna Ibrahim (1927- ) d'être arrêtés puis emprisonnés ou assignés à domicile. Ils n'ont pas renoncé pour autant à composer des poèmes, et la colère et l'indignation traversent de nombreux textes. En témoigne cet extrait d'un poème du charismatique Rashid Hussein que Mahmoud Darwich surnommait Najm ou l'étoile, et auquel Edward Saïd rend un hommage appuyé dans l'introduction de son ouvrage sur la Palestine2 :

Sans passeport

Je viens à vous

et me révolte contre vous

alors massacrez-moi

peut-être sentirai-je alors que je meurs

sans passeport3

Discours de Tawfiq Ziad lors de la Journée de la Terre, le 31 mars 1979. (Wikimedia Commons)

Certains poèmes deviendront des chansons populaires, connues de tous en Palestine occupée et ailleurs, comme celui intitulé Carte d'identité, composé par Mahmoud Darwich, en 1964 :

Inscris

je suis arabe

le numéro de ma carte est cinquante mille

j'ai huit enfants

et le neuvième viendra… après l'été

Te mettras-tu en colère ?4

Si les anthologies et recueil imprimés demeurent assez rares jusqu'aux années 1970 et ne représentent, d'après le chercheur Fahd Abu Khadra, qu'une infime partie des poèmes composés et publiés entre 1948 et 1958, certains poètes auront recours aux organes de presse de partis politiques pour diffuser leurs écrits. Le Parti des travailleurs unis (Mapam) a par exemple soutenu et financé la revue Al-Fajr (l'Aube), fondée en 1958 et dont le poète Rashid Hussein était l'un des rédacteurs en chef. Subissant attaques et censure, la revue sera interdite en 1962.

Les membres du Parti communiste israélien (Rakah) ont pour leur part relancé la revue Al-Itihad (L'Union) en 1948, qui avait été fondée en 1944 à Haïfa par une branche du parti communiste. À partir de 1948, Al-Itihad ouvre ses colonnes à des poètes importants comme Rashid Hussein, Émile Habibi (1922-1996), Hanna Abou Hanna (1928-2022). Ces revues ont joué un rôle crucial pour la cause palestinienne en se faisant les porte-voix d'une poésie de combat. Longtemps regardés avec méfiance et suspectés de collaborer avec les forces coloniales par le simple fait d'être restés, c'est Ghassan Kanafani (1961-1972), auteur et homme politique palestinien qui a redonné à ces auteurs la place qu'ils méritent, en élaborant le concept de « littérature de résistance »5 . Cette littérature est considérée par certains comme relevant davantage d'une littérature engagée que d'une littérature de combat, restreinte par le poète syrien Adonis (1930- ), à tort nous semble-t-il, au combat armé.

Cette poésie a par ailleurs souvent été critiquée pour être davantage politique que « littéraire », comme si l'un empêchait l'autre. À ce sujet, Mahmoud Darwich fait une mise au point salutaire :

Mais je sais aussi, quand je pense à ceux qui dénigrent la « poésie politique », qu'il y a pire que cette dernière : l'excès de mépris du politique, la surdité aux questions posées par la réalité de l'Histoire, et le refus de participer implicitement à l'entreprise de l'espoir6.

Pour finir, il est important de noter que les poèmes de cette période n'évoquent pas seulement la Palestine et son combat pour l'indépendance. Y apparaissent d'autres causes de la lutte anticoloniale, notamment celle du peuple algérien, ou des Indiens d'Amérique. Dans un poème de 1970, Salem Joubran (1941-2011) interpelle ainsi Jean-Paul Sartre qui a défendu la cause algérienne mais reste silencieux quant à la colonisation de la Palestine :

À JEAN-PAUL SARTRE

Si un enfant était assassiné, et que ses meurtriers jetaient son corps dans la boue,

seriez-vous en colère ? Que diriez-vous ?

Je suis un fils de Palestine,

je meurs chaque année,

je me fais assassiner chaque jour,

chaque heure.

Venez, contemplez les nuances de la laideur,

toutes sortes d'images,

dont la moins horrible est mon sang qui coule.

Exprimez-vous :

Qu'est-ce qui a provoqué votre soudaine indifférence ?

Quoi donc, rien à dire ?7

Autre figure souvent citée, celle de Patrice Lumumba auquel on rend hommage après son assassinat par les forces coloniales belges. Rashid Hussein déclame ce poème lors d'un festival de poésie :

L'Afrique baigne dans le sang, avec la colère qui l'envahit,

Elle n'a pas le temps de pleurer l'assassinat d'un prophète,

Patrice est mort... où est un feu comme lui ?...

Il s'est éteint, puis a enflammé l'obscurité en évangile8 .

Cultiver l'espoir et renouveler le combat

Les générations de poètes qui ont suivi celle de 1948 perpétuent les thèmes de résistance et de combat en leur donnant un souffle politique nouveau. À mesure que les guerres se succèdent, que la situation des Palestiniens de 1948 se détériore, que les camps de réfugiés se multiplient et s'inscrivent dans la durée et que la colonisation de la Palestine se poursuit — en violation des résolutions de l'ONU et du droit international - les thèmes abordés renvoient à la situation intenable de tous les Palestiniens où qu'ils soient. Entre dépossession, exils forcés, conditions précaires et inhumaines dans les camps de réfugiés, emprisonnements arbitraires, massacres, faim, mort, tristesse, les textes cultivent également l'espoir comme en échos au fameux poème de Mahmoud Darwich de 1986, Nous aussi, nous aimons la vie  :

Nous aussi, nous aimons la vie quand nous en avons les moyens.

Nous dansons entre deux martyrs et pour le lilas entre

eux, nous dressons un minaret ou un palmier9.

En 2011, la poétesse Rafeef Ziadah, née en 1979, compose en réponse à un journaliste qui la somme d'expliquer pourquoi les Palestiniens apprennent à leurs enfants la haine, un poème intitulé Nous enseignons la vie, monsieur We teach life, Sir »), qu'elle récite à Londres et dont la vidéo sera amplement partagée :

Aujourd'hui, mon corps a été un massacre télévisé.

Aujourd'hui, mon corps a été un massacre télévisé qui devait tenir en quelques mots et en quelques phrases.

Aujourd'hui, mon corps a été un massacre télévisé qui devait s'inscrire dans des phrases et des mots limités, suffisamment remplis de statistiques pour contrer une réponse mesurée.

J'ai perfectionné mon anglais et j'ai appris les résolutions de l'ONU.

Mais il m'a quand même demandé : "Madame Ziadah, ne pensez-vous pas que tout serait résolu si vous arrêtiez d'enseigner tant de haine à vos enfants ?

Pause.

Je cherche en moi la force d'être patiente, mais la patience n'est pas sur le bout de ma langue alors que les bombes tombent sur Gaza.

La patience vient de me quitter.

Pause. Sourire.

Nous enseignons la vie, monsieur.

Rafeef, n'oublie pas de sourire.

Pause.

Nous enseignons la vie, monsieur10 .

La poésie se montre critique aussi de l'Autorité palestinienne qui après les Accords d'Oslo se montre défaillante, gère les fonds qui lui sont alloués de manière peu transparente et ne parvient pas à juguler la montée du Hamas que plusieurs poètes palestiniens, traditionnellement de gauche, déplorent. Voici un exemple d'un poème sans concessions et à l'humour corrosif, intitulé L'État de Abbas, rédigé en 2008 par Youssef Eldik (1959-) :

Celui qui n'a pas mal au derrière

Ou qui ne voit pas comment le singe se promène,

Qu'il entre dans l'État de Abbas.

Cet état est apprivoisé –

aucune autorité dans cette « Autorité »

Si un voleur ne se présente pas devant le tribunal

ils le remplacent par son voisin ou sa femme

car le gazouillis de l'oiseau sur les fils téléphoniques

résonnent comme « Hamas ! »

Notre type de justice s'applique à toutes créatures

faisant du singe le semblable de son maître

de l'escroc ….un policier ( …)

Dieu soit loué

Après notre humiliation… notre labeur… sommeil,

nous avons éternué… un Chef d'État

Oh, peuple : sauvons l'État11

Mais si les thèmes se perpétuent, ils prennent aussi une nouvelle dimension, notamment au sein de la diaspora palestinienne vivant en Amérique du Nord, qui désormais écrit en anglais et se met au diapason des nouvelles luttes décoloniales et écologiques internationales. Cette poésie est assez peu connue en France. Quelques poèmes ont été traduits par l'incontournable Abdellatif Laâbi dans une anthologie publiée en 2022 et consacrée aux nouvelles voix mondiales de la poésie palestinienne12. Laâbi avait déjà publié en 1970 une première Anthologie de la poésie palestinienne de combat, suivie vingt ans plus tard de La poésie palestinienne contemporaine.

Dans cette nouvelle poésie contemporaine, on notera les recueils de Remi Kanazi (1981-) poète et performer qui, dans une langue nerveuse et moderne, utilise souvent l'adresse, puise dans le langage moderne des hashtags et des réseaux sociaux, et s'inspire de la rythmique incisive du hip-hop, reprenant peut-être aussi inconsciemment les codes de la poésie arabe de ses prédécesseurs qui déclamaient leurs vers lors des festivals de poésie. Voici deux exemples de sa poésie percutante13. L'un est extrait du poème intitulé Hors saison :

mais vos proverbes ne sont pas de saison

des anecdotes plus jouées

que les contes d'un pays

sans peuple (...)

vous ne voulez pas la paix

vous voulez des morceaux

et ce puzzle

ne se termine pas

bien pour

vous

L'autre poème est intitulé Nakba :

Elle n'avait pas oublié

nous n'avons pas oublié

nous n'oublierons pas

des veines comme des racines

des oliviers

nous reviendrons

ce n'est pas une menace

pas un souhait

un espoir

ou un rêve

mais une promesse

Le thème de la terre traverse bien évidemment l'ensemble de la poésie palestinienne puisqu'elle est au cœur de la colonisation de peuplement dont ils sont victimes depuis 1948. Il est également mobilisé par des poètes de la diaspora mais sous un angle sensiblement différent. Il ne s'agit plus de revenir sur la catastrophe de 1948 pour déplorer une dépossession en des termes qui reprennent la terminologie capitaliste donc colonialiste et d'exprimer d'une volonté de réappropriation des terres. Il s'agit désormais de penser la Nakba en tant que catastrophe et lieu de rupture écologique. Cette rupture écologique a touché la Palestine en 1948 mais elle touche la Planète entière. C'est ainsi que Nathalie Handal (1969- ), dans un hommage qu'elle rend à Mahmoud Darwich, imagine ce que lui dirait le poète disparu dans une veine poétique et universelle :

Je lui demande s'il vit maintenant près de la mer.

Il répond : « Il n'y a pas d'eau, seulement de l'eau, pas de chanson, seulement de la chanson, pas de version de la mort qui me convienne, pas de vue sur le Carmel, seulement sur le Carmel, personne pour l'écouter »14.

Naomi Shihab Nye (1952- ) pour sa part décentre l'humain pour redonner force et pertinence à son propos écologiste. Dans le poème Même en guerre, elle écrit :

Dehors, les oranges dorment, les aubergines,

les champs de sauge sauvage. Un ordre du gouvernement,

Vous ne cueillerez plus cette sauge

qui parfume toute votre vie.

Et toutes les mains ont souri15.

Elle fait le lien entre les oranges, les aubergines, la sauge et probablement des dormeurs sans méfiance, juste avant un raid de l'armée israélienne. Et si les mains sourient, c'est probablement par dépit et pour défier les autorités coloniales et leurs décisions arbitraires. Il n'y a là aucune hyperbole, les autorités israéliennes ayant en effet interdit aux Palestiniens de 1948 de cueillir plusieurs herbes, notamment le zaatar, pour en réserver l'exploitation et la vente aux colons israéliens.

Un homme passe devant une pancarte citant le poète Ghassan Kanafani à Hébron en Cisjordanie occupée, le 8 mars 2023, lors d'une grève générale en protestation contre l'armée israélienne au lendemain d'un raid à Jénine (HAZEM BADER/AFP).

Gaza, poésie et génocide

Depuis octobre 2023, la poésie palestinienne est en deuil, toutefois elle reste au combat. Si la poésie française a eu son Oradour16, chanté et commémoré par des poètes comme Georges-Emmanuel Clancier (1914-2018), la poésie palestinienne ne compte plus le nombre de villages et localités dévastés depuis plus de trois mois auxquels il faut ajouter toutes les guerres et attaques infligées à la bande de Gaza depuis 1948. À la fin du second conflit mondial, le philosophe Theodor Adorno avait affirmé qu'il était impossible d'écrire de la poésie après Auschwitz. Si l'on a retenu cette affirmation, on oublie souvent qu'Adorno est plus tard revenu sur ses propos, considérant que face à l'inhumain, à l'impensable, la littérature se doit de résister.

Avec plus de 23 000 morts et 58 000 blessés dénombrés à ce jour, la littérature palestinienne perd elle aussi des hommes et des femmes. Refaat Alareer (1979-2023), professeur de littérature à l'Université islamique de Gaza et poète, avait fait le choix de la langue anglaise pour mieux faire connaître la cause palestinienne à l'étranger. Il a été tué lors d'une frappe israélienne dans la nuit du mercredi 6 au jeudi 7 décembre. Le 1er novembre il a écrit un poème traduit et publié dans son intégralité par Orient XXI et dont voici un extrait :

S‘il était écrit que je dois mourir

Alors que ma mort apporte l'espoir

Que ma mort devienne une histoire

Quelques semaines plus tôt, le 20 octobre 2023, c'est Hiba Abou Nada (1991-2023), poétesse et romancière de 32 ans, habitante de Gaza qui est tuée. Voici un extrait d'un poème, écrit le 10 octobre, quelques jours avant sa mort :

Je t'accorde un refuge

contre le mal et la souffrance.

Avec les mots de l'écriture sacrée

je protège les oranges de la piqûre du phosphore

et les nuages du brouillard

Je vous accorde un refuge en sachant

que la poussière se dissipera,

et que ceux qui sont tombés amoureux et sont morts ensemble

riront un jour17.

Poésie tragique d'une femme assiégée qui offre refuge à l'adversaire. On y retrouve le thème de la persévérance mais aussi de la générosité et de l'amour de la vie en dépit de l'adversité, des violences subies, du génocide en cours et de sa mort imminente.

Fondée en 2022 et basée à Ramallah, la revue littéraire Fikra (Idée) donne voix en arabe et en anglais aux auteurs palestiniens. Depuis le début des exactions contre la population civile de Gaza, elle a publié les poèmes de Massa Fadah et Mai Serhan. Le poème écrit par cette dernière et intitulé Tunnel met en accusation l'Occident et son hypocrisie vis-à-vis de la cause palestinienne :

Piers Morgan ne cesse de poser la question,

« qu'est-ce qu'une réponse proportionnée ? »

Dites-lui que cela dépend. Si c'est une maison

de saules et de noyers, alors c'est à l'abri des balles, un souvenir. Si c'est un mot

c'est un vers épique, et il n'y a pas

de mots pour l'enfant blessé, sans famille

qui lui survit - seulement un acronyme, une anomalie

Dites-lui que si c'est un enfant, il ne devrait

pas hanter ses rêves, l'enfant n'était

pas censé naître d'une mère, mais

d'une terre. Cet enfant est une graine, rappelez-le-lui,

la graine est sous terre, chose têtue,

plus souterraine que le tunnel.

D'autres plateformes, comme celle de l'ONG Action for Hope, s'efforce de donner voix à des poètes palestiniens qui, sous les bombes ou forcés à fuir, continuent d'écrire et de faire parvenir des textes bouleversants de vérité et de courage. À travers l'initiative « Ici, Gaza » (« This is Gaza »), des acteurs lisent des textes en arabe sous-titrés en anglais ou en français. Un livret de poèmes a été mis en ligne en arabe et anglais pour donner à cette poésie une plus grande portée en atteignant des publics arabophones et anglophones.

La poésie refuse de se résoudre à l'horreur mais aussi à tous les diktats, ceux de la langue, de la forme, de la propagande et des discours dominants. Cela a toujours été sa force quelles que soient les époques et les latitudes. Elle a résisté aux fascismes, aux colonialismes et autoritarismes et a payé ses engagements par la mort, l'exil ou la prison. De Robert Desnos (1900-1945) mort en camp de concentration à Federico Garcia Lorca (1898-1936) exécuté par les forces franquistes, de Nâzim Hikmet (1901-1963) qui a passé 12 ans dans les prisons turques à Kateb Yacine (1929-1989) emprisonné à 16 ans par la France coloniale en Algérie, de Joy Harjo (1951- ) qui célèbre les cultures amérindiennes, à Nûdem Durak (1993- ) qui chante la cause kurde et croupit en prison depuis 2015, condamnée à y demeurer jusqu'en 2034, partout où l'obscurantisme sévit, la poésie répond et se sacrifie.

On tremble pour ce jeune poète de Gaza, Haidar Al-Ghazali qui comme ses concitoyens s'endort chaque nuit dans la peur de ne pas se réveiller le lendemain, auteur de ces lignes bouleversantes :

Il est maintenant quatre heures et quart du matin, je vais dormir et je prépare mon corps à l'éventualité d'une roquette soudaine qui le ferait exploser, je prépare mes souvenirs, mes rêves ; pour qu'ils deviennent un flash spécial ou un numéro dans un dossier, faites que la roquette arrive alors que je dors pour que je ne ressente aucune douleur, voici notre ultime rêve en temps de guerre et une fin bien pathétique pour nos rêves les plus hauts.

Je m'éloigne de la peur familiale vers mon lit, en me posant une question : qui a dit au Gazaoui que le dormeur ne souffre pas ?18


1Cité dans The Tent Generation, Palestinian Poems, Selected, introduced and translated by Mohammed Sawaie, Banipal Books, Londres, 2022. (ma traduction).

2Edward Said, La Question de Palestine, Actes Sud, 2010.

3Rashid Hussein, Al-Amal al-shiriyya (Œuvres poétiques complètes), Kuli Shay', 2004. (ma traduction).

4Mahmoud Darwich, Carte d'identité, in La poésie palestinienne contemporaine, poèmes traduits par Abdellatif Laâbi, Écrits des Forges, 1990.

5Ghassan Kanafani, Adab al-Muqawama fi Filastin al-Muhtalla 1948-1966, (La littérature de résistance en Palestine occupée 1948-1966), Muassasat al-Abhath al-Arabiya, 1966.

6Mahmoud Darwich, La Terre nous est étroite et autres poèmes, traduit de l'arabe par Élias Sanbar, nrf, Poésie, Gallimard, 2023.

7Cité dans The Tent Generation, Palestinian Poems, Selected, introduced and translated by Mohammed Sawaie, Banipal Books, Londres, 2022 (ma traduction).

8Rashid Hussein, Al- Amal al-shiriyya (Œuvres poétiques complètes), Kuli Shay', 2004 (ma traduction).

9Mahmoud Darwich, La Terre nous est étroite et autres poèmes, p.227.

10Le poème ainsi que d'autres a donné lieu à un album de poésie déclamé, intitulé We Teach life, Sir, 2015. https://www.rafeefziadah.net/js_albums/we-teach-life/

11Cité dans The Tent Generation, Palestinian Poems, (ma traduction).

12Anthologie de la poésie palestinienne d'aujourd'hui. Textes choisis et traduits de l'arabe par Abdellatif Laâbi. Points, 2022.

13Les deux poèmes sont extraits de Remi Kanazi, Before the Next Bomb Drops. Rising Up from Brooklyn to Palestine, Haymarket Book, 2015 (ma traduction).

14Nathalie Handal, Love and Strange Horses, University of Pittsburgh Press, Pittsburgh 2010, p 8. (Ma traduction).

15Naomi Shihab Nye, 19 Varieties of Gazelle Gazelle : Poems of the Middle East, Greenwillow Books, 2002, p 50 (ma traduction).

16Oradour : le 10 juin 1944, les troupes allemandes massacrent la population entière, 642 habitants, d'Oradour-sur-Glane, village de Haute-Vienne.

17Le poème a été publié dans son intégralité en anglais sur le site de la revue en ligne Protean Magazine

18Texte écrit le 27 octobre 2023, après que tous les moyens de communication ont été coupés, et dont l'auteur ne pensait pas qu'il parviendrait à ses destinataires, mis en ligne par Action for Hope.

Gaza. « On ampute des enfants sans anesthésie. C'est ça la réalité »

Au moment où le président français Emmanuel Macron décide de rendre hommage aux victimes franco-israéliennes des attaques du 7-Octobre perpétrées par les Brigades Ezzeddine Al-Qassam, les Palestiniennes de Gaza comme ceux et celles de Cisjordanie continuent à être tuées et déplacées dans l'indifférence totale de la plupart des gouvernements occidentaux. Le « risque de génocide » contre lequel s'est prononcé la Cour internationale de justice le 26 janvier a été rapidement balayé par les accusations non vérifiées portées par Israël contre l'UNRWA. Et le massacre qui se poursuit ne figure même plus dans les principaux titres de la presse française. Dans ce contexte, nous avons choisi de donner la parole à Jean-François Corty, médecin et vice-président de Médecins du monde, qui compte une équipe dans la bande de Gaza. Il raconte la médecine de guerre dans ses pires conditions, mais également les risques de mort à moyen et long terme pour une population de presque deux millions de déplacées. Propos recueillis par Sarra Grira.

Il faut d'abord comprendre une chose : il est difficile pour les autorités sanitaires d'avoir des données précises sur les mortalités, les blessés, mais aussi concernant les infrastructures. Les moyens de communication ne marchent pas tous les jours, et les gens meurent au quotidien. Les chiffres des décès sont sous-estimés car ils ne tiennent pas compte des personnes restées sous les décombres, ni de tous ceux qui n'ont pas pu être pris en charge d'un point de vue médical.

Cela fait pas mal de temps que la plupart des hôpitaux sont totalement ou partiellement non fonctionnels. Beaucoup sont devenus des morgues. Et pour les établissements qu'on estime encore fonctionnels, il faut s'entendre sur le sens de ce mot : on parle d'hôpitaux qui tournent à 300 %, surchargés de malades, de blessés et de familles qui sont là pour les accompagner, ou de personnes venues tout simplement y trouver refuge. Mais tant que les blessés peuvent encore y être reçus, on estime que l'hôpital est plus ou moins fonctionnel. Les services font de la médecine de guerre, toutefois sans avoir les médicaments nécessaires, tels que les antalgiques, les antibiotiques ou les anesthésiants, sans parler du manque de fuel - et donc d'électricité1. La médecine de guerre, cela veut dire : faire du tri, choisir des patients qu'on estime pouvoir sauver par des gestes simples. On ne va pas s'engager sur de la chirurgie longue pour sauver la vie de quelqu'un, alors que cela pourrait être possible dans un autre contexte. Vu le type d'armes utilisées dans une zone aussi petite et dense en population, on se retrouve souvent devant des blessures graves qui nécessitent des amputations. Si l'on disposait d'un plateau technique plus poussé, comme il en existe chez nous, en Égypte ou dans n'importe quel pays doté d'installations médicales importantes, on aurait recours à la chirurgie pour essayer de récupérer le membre. Cependant à Gaza, cette option n'est pas envisageable. On ampute des enfants sans anesthésie. C'est ça la réalité.

L'offre de soin est donc extrêmement diminuée. En plus des morts causés par les bombardements, il y a ceux qui meurent parce que leur maladie n'a pas pu être prise en charge, et ça ce n'est ni facilement détectable, ni dénombrable. En France, si vous avez un infarctus, vous appelez le SAMU qui arrive en quelques minutes. Si cela vous arrive à Gaza, vous allez mourir chez vous et on ne le saura pas forcément. De même pour toutes les maladies chroniques, comme le diabète décompensé, l'asthme, les problèmes thyroïdiens, etc. La plupart des personnes atteintes vont mourir chez elles sans comptabilisation épidémiologique. Sans parler de la médecine préventive pour la cancérologie ou la gynécologie. Tous les diagnostics préventifs ont volé en éclats. La perte de chance de survie va donc se poursuivre dans les semaines et les mois à venir.

Soigner « là où on ne risque pas de se faire sniper »

On meurt donc sous les bombes, mais aussi d'infections et de complications, par manque de traitement, et dans la douleur. Les brûlures et les blessures, dues principalement à l'écrasement de membres sous des bâtiments, ne peuvent pas être prises en charge faute de moyens. Il y a une perte de chance car les blessures s'infectent facilement et il n'y a pas d'antibiotiques. Sur les 66 700 blessés, beaucoup vont mourir, car la réponse médicale est largement en-deçà des besoins.

Nos collègues sur place nous le disent : il y a tellement de blessés qui arrivent en même temps qu'on fait les amputations à même le sol, dans le hall d'entrée, ou tout simplement là où le bâtiment de l'hôpital n'est pas détruit et où l'on ne risque pas de se faire sniper. On est donc en dehors de tous les standards d'asepsie et d'hygiène classique. Sans oublier le fait que le système de santé est visé en tant que tel, et que les hôpitaux ont été délibérément attaqués et bombardés par l'armée. C'est donc chaque maillon de la chaîne de ce dispositif qui est défaillant.

Une des particularités de ce contexte, c'est aussi le nombre d'enfants blessés, probablement handicapés à vie s'ils survivent, et qui ont perdu toute leur famille dans les bombardements. Cela pose des questions sur leur devenir. Je ne parle pas en termes de « radicalisation », mais en termes social, médical, d'accompagnement, de projet de vie… La proportion de ces enfants parmi les blessés est très importante à Gaza, comparativement à d'autres contextes de guerre.

L'aide est là, mais elle est bloquée

Sous blocus depuis 17 ans, la bande de Gaza dépendait déjà de l'aide extérieure à 90 %. Depuis le 7 octobre, Israël a accentué ce blocus. Aujourd'hui, rien ne rentre, ou alors de manière très éparse. Médecins du monde (MDM), comme d'autres organisations, a prépositionné du matériel côté israélien et côté égyptien. Tout notre stock se trouve là-bas. C'est la même chose pour le Croissant-Rouge. Kerem Shalom2 devait être un lieu de passage, finalement c'est devenu une zone de combat militaire. La question n'est pas de mobiliser de l'aide : elle est là, prête à rentrer. Mais les conditions de sécurité pour la faire distribuer sans que les aidants meurent sous les bombes sont inexistantes. Les Israéliens ne laissent pas entrer les camions en nombre, en plus de procéder à des fouilles. Il faut négocier longtemps par exemple pour faire entrer un peu de fuel. Il faudrait six à dix fois plus que la moyenne quotidienne actuelle de véhicules entrants pour subvenir aux besoins de la population.

Aujourd'hui, nous avons 14 collègues de MDM encore sur place, tous des Palestiniens. Un collègue a été tué début novembre3, et quatre autres, qui sont binationaux, ont été évacués. Nos collègues sur place sont tous formés à la médecine d'urgence, ils travaillent depuis plusieurs années avec MDM. Notre équipe vit dans les mêmes conditions que le reste de la population. Très vite, ces membres sont aussi devenus une cible. Et comme la plupart des Gazaouis, un grand nombre a été contraint de partir vers le sud. Certains n'ont cependant pas pu bouger parce qu'ils avaient des parents malades.

Depuis qu'ils sont dans le sud, certains collègues dorment dans leurs voitures, d'autres ont pu trouver un point de chute à 25 dans un petit appartement, le tout dans des zones censées être sécurisées et hors combat. Une fois qu'elle a répondu à ses besoins vitaux, notre équipe a essayé de s'organiser à nouveau pour reconstituer des équipes de soin mobiles. Ils ont pu retrouver un lieu pour en faire un bureau. Mais depuis l'offensive de l'armée israélienne dans le sud, leur secteur n'est plus sécurisé, et les bombardements intenses reprennent à côté de leur bureau et de leurs lieux de vie. Nos équipes doivent à nouveau bouger, sans aucune perspective : le nord est totalement détruit et le sud vers Rafah, totalement bloqué.

Le déplacement de la population, un risque supplémentaire de mortalité

Dans ces conditions de déplacement forcé de population, des épidémies ont été rapidement identifiées en lien avec l'eau non potable, saumâtre ou mal filtrée, telles que l'hépatite A ou la gastroentérite. Il y a des endroits où les gens disposent à peine d'un ou deux litres d'eau par jour et par personne pour tous les usages (boire, se laver, cuisiner…), alors que le standard minimum est de 20 litres par jour.

D'autres maladies sont dues à la vie dans la précarité, comme les infections respiratoires. Encore une fois, ces épidémies ne seraient pas graves dans un système de santé classique, mais elles le sont dans un système à plat, où vous avez des enfants et des nourrissons qui ne mangent pas à leur faim, qui ont donc des défenses immunitaires diminuées et ne peuvent pas répondre à ce genre d'agressions virales ou bactériennes. Le déplacement de la population ajoute par conséquent au risque de mortalité. Un des aspects caractéristiques de la situation à Gaza est que la grande majorité des Gazaouis, qui vivent « emprisonnés », n'ont pas pu faire de stock ni anticiper les événements. Ils n'ont rien. Ce sont des « sans domicile fixe » baladés au gré des bombardements, et ils consacrent chaque jour le plus gros de leur temps à essayer de trouver à manger et à boire, voire à se soigner. On oscille en permanence entre les temps d'accalmie où l'on arrive à se poser un peu - pour les équipes de MDM à se restructurer - et le temps de la survie.

Enfin, toutes les personnes qui vivent à Gaza sont sous pression. C'est la peur de la mort à chaque minute. Toutes les conditions du trouble de stress post-traumatique sont réunies. Nous en parlons avec nos équipes. Normalement, quand le contexte de travail est difficile, nous organisons des débriefings, du soutien psychologique à la demande ou de manière préventive. La santé mentale de nos équipes a toujours été pour nous un enjeu majeur. Mais aujourd'hui, ce suivi est impossible. Nous faisons beaucoup de régulation et de soutien par téléphone. Toutefois, on n'est pas dans une configuration où l'on peut apporter une réponse appropriée. On ne peut ni faire sortir nos équipes, ni faire rentrer ce qu'on veut.

Le problème ce n'est pas l'UNRWA, ce sont les bombes

Dans ce contexte, toute la polémique autour de l'UNRWA (l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) est – excusez-moi le terme – dégueulasse. La Cour internationale de justice s'est prononcée sur un risque de génocide. Cela veut dire que poser la question est légitime. L'enjeu aujourd'hui c'est comment sauver des vies. Malheureusement, la CIJ n'a pas appelé à un cessez-le-feu, cependant elle rappelle qu'il faut tout mettre en œuvre pour éviter l'avènement d'un génocide potentiel. Dans ce cadre, on peut dire que la décision de certains pays occidentaux de ne plus financer l'UNRWA est une manière de ne pas respecter la décision de la CIJ. Et de contribuer à l'agonie des civils.

Les accusations portées contre cette organisation méritent certes une enquête interne. Mais on assiste à une forme de punition collective. Pourquoi toute une institution serait-elle sanctionnée à cause des actes d'un nombre infime de ses employés ? C'est du jamais vu. Les Occidentaux prennent une décision rapide, sur la bonne foi des déclarations d'une seule des parties, alors que parallèlement, les besoins sont immenses. Vu la situation humanitaire et le faible nombre présent sur le terrain - contrairement à des situations de catastrophe naturelle où il y a un embouteillage d'aide humanitaire –, vu l'incapacité des organisations à être opérationnelles, c'est de l'UNRWA que dépend la survie de 2 millions de personnes. Cette institution onusienne est un acteur local incontournable, avec le Croissant-Rouge palestinien, puisqu'elle investit dans la distribution de nourriture, d'eau potable et dans l'hébergement. Elle contribue à l'amélioration des conditions de vie qui ont un impact direct sur la santé.

On assiste à un nouveau cas de figure de deux poids deux mesures dans le traitement des atrocités. Des pays occidentaux sont prompts à réagir à ces accusations, mais pas aux bombardements et au blocus qui engendre cette situation à Gaza. C'est vraiment ignoble. En mettant en suspens le financement de l'UNRWA, on joue le jeu des Israéliens qui, depuis le début, ont cherché à détruire cette institution. Tout ce qui peut concourir à améliorer le sort des Palestiniens est ciblé dans le contexte actuel. Le problème ce n'est pas l'UNRWA, ce sont les bombes et le blocus. Dire le contraire, c'est inverser la figure victimaire.


1NDLR. Le fuel est nécessaire pour faire fonctionner les générateurs électriques.

2NDLR. Kibboutz situé à la frontière de la ligne verte qui sépare Gaza d'Israël, et non loin de la frontière égyptienne.

3Selon le communiqué de MDM, « Maysara Rayyes, médecin urgentiste et superviseur médical chez Médecins du monde depuis deux ans a été tué, ainsi que plusieurs membres de sa famille, lors du bombardement de son immeuble survenu à Gaza City, le 5 novembre 2023 ».

Le CESE préconise ouvertement la fin de la liberté de la presse en ligne

Le Conseil Economique, Social et Environnemental vient de se livrer à une nouvelle mise en scène “citoyenne” destinée à promouvoir la cause de la censure et de la discrète suppression de la liberté de la presse en ligne en France. Emboîtant le pas au mortifère Digital Services Act européen, le conseil ouaté de l’avenue d’Iéna a organisé les prétendus “Etats généraux de l’information” avec des citoyens tirés au sort et manipulés en sous-main (et de façon opaque) par un comité de pilotage composé de sbires du gouvernement. Objectif : légitimer la censure de médias devenus trop gênants, notamment pour les milliardaires qui perdent de l’argent, malgré les subventions, avec les “grands médias” qu’ils possèdent.

À pas de loup, le gouvernement avance dans son projet, plusieurs fois avorté, de remettre en cause la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Tout le monde a bien compris l’objectif de cette stratégie : faire taire une presse en ligne dont certains éléments sont libres et indépendants, comme le Courrier des Stratèges, et adressent une concurrence agaçante aux grands médias possédés par les milliardaires qui soutiennent le pouvoir.

Après l’échec de la loi Avia, qui visait à autoriser le retrait administratif des contenus gênants, le gouvernement utilise une autre tactique : maquiller ses ambitions derrière de nébuleux “Etats généraux de l’Information”, simulacre de consultation citoyenne destiné à faire croire que le petit peuple demande désormais une censure des médias en ligne. Organisés de façon totalement opaque, ne donnant la parole qu’à des représentants du système, ces Etats généraux ont débouché sur un document scélérat qui préconise, in fine, une loi remettant en cause la liberté de la presse en ligne.

Voilà une vieille technique de manipulation digne des régimes illibéraux qui ne semble gêner personne.

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Transmettre en gardant la main, par Florent Machabert

Par : Rédaction

Dans ce dossier 38, Machabert renoue avec les dossiers à mi-chemin entre le droit notarial et la gestion de patrimoine, comme il l’avait déjà fait avec le dossier N°18. Ce dossier est pensé pour vous aider à anticiper votre succession (et ses droits « à titre gratuit », qui portent mal leur nom tant ils sont lourds en France), tout en gardant la main. Il est donc proposé un tour d’horizon complet et précis de toutes les options qui s’offrent à vous pour réduire de votre vivant les droits dont devront s’acquitter vos héritiers, sans perdre totalement le contrôle de votre patrimoine. Même la famille Delon gagnera à lire ce dossier !

Avec cet opus, nous renouons avec les dossiers à mi-chemin entre le droit notarial et la gestion de patrimoine. Aussi, vous est-il présenté dans ce 38ème dossier :


– Le dernier intérêt à détenir une assurance-vie ;
– Les donations entre vifs et le démembrement de propriété ;
– Un premier aperçu des SCI (société civile immobilière).

Profitez encore du dossier de rétrospective 2023 (23 dossiers en 1)

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Gaza. Sérieuses fritures sur la ligne au Parti communiste français

Par : Jean Stern

De nombreux communistes s'inquiètent de ce qu'ils estiment être une mollesse dans la riposte de leur parti depuis le 7 octobre 2023. Ils ajoutent que si une partie de la direction joue profil bas sur la solidarité avec Gaza, c'est d'abord pour préparer les esprits à un changement de ligne sur l'analyse du conflit et sur l'organisation de la solidarité. Les enjeux du débat n'ont donc rien d'anodin.

C'est un débat où les mots volent parfois bas, sans toutefois franchir le plafond invisible entre polémiques internes et place publique. Certes le Parti communiste français (PCF) semble toujours aux premières loges de la solidarité avec la Palestine et les Palestiniens, Fabien Roussel le réaffirme haut et fort en exclusivité pour Orient XXI. Cependant, beaucoup de militants et d'élus locaux, engagés de longue date dans des associations ou des comités de jumelages, déplorent que leur parti fasse « profil bas » depuis le 7 octobre, pour reprendre le mot d'un élu.

Le refus d'appeler à certaines manifestations a en particulier marqué les esprits, donnant le sentiment d'un flottement, voire d'un changement de ligne par un parti qui s'est toujours mobilisé pour la Palestine, mais qui aurait désormais quelque indulgence pour Israël. « À force de vouloir plaire à tout le monde, on finit par pédaler à l'envers », constate avec amertume un ancien du bureau politique. Un autre dénonce « l'intelligence d'un chewing-gum » de l'actuelle direction1. Le débat n'a donc rien de serein, et n'est pas non plus anodin.

« La direction a des vapeurs »

Chez les communistes, on préfère laver le linge sale à l'abri des regards. « En soixante ans de PCF, on a toujours su gérer les désaccords de manière civilisée », m'explique un ancien député. « Les cocos sont dans les manifs, que la direction du parti ait des vapeurs ne les empêche pas de se mobiliser », dit un autre. Seule Raphaëlle Primet, conseillère de Paris et longtemps responsable Palestine au Conseil national du parti, exprime publiquement son inquiétude. L'élue parisienne n'est « pas d'accord sur notre investissement et notre manière de participer aux manifestions pour la Palestine ». Dans un courriel adressé à Fabien Roussel le 29 octobre 2023, elle décrit des

camarades (qui) se sentent orphelins, ils ne savent plus s'ils doivent et peuvent manifester. Certains sont en colère contre notre manque de prise d'initiatives, de parole et d'actes forts. Certains se questionnent sur notre positionnement et se demandent même si nous sommes toujours solidaires du peuple palestinien.

Bien entendu, lui répond Vincent Boulet, le nouveau responsable international du parti, lui aussi élu parisien. Mais il concède volontiers que son parti a refusé de signer certains appels à manifester du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens (CNPJDPI)2 « quand ils mêlaient dangereusement le soutien au Hamas avec le droit à résister ».

Raphaëlle Primet va plus loin en estimant que Vincent Boulet et un autre dirigeant, Christian Piquet, membres du comité exécutif national (l'actuel nom du bureau politique) « sont en train de travailler à un changement de position » du parti, avec une « mauvaise compréhension de ce qu'il se passe là-bas ». Longtemps trotskiste et permanent de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Christian Piquet, 72 ans, a rejoint le PCF en 2015, après avoir participé au Front de gauche et dirigé la Gauche unitaire (GU). Durant sa longue carrière politique, il a été un des piliers du Collectif national (CNPJDPI), qui reste aujourd'hui la principale plateforme de coordination pour les mobilisations sur la Palestine. Ce collectif est aujourd'hui dans son collimateur pour son indulgence supposée à l'égard du Hamas.

Chargé du mouvement des idées et des intellectuels à la direction, Christian Piquet avait fait venir Caroline Fourest et quelques autres proches du Printemps républicain au siège du parti pour un hommage à Charlie-Hebdo en janvier 2022 qui a fait grincer bien des dents au PCF. On lui prête un rôle de proche conseiller de Fabien Roussel et même l'ambition, pour cet ancien rédacteur en chef de Rouge, de « piquer » la place de Fabien Gay, le très populaire sénateur de Seine-Saint-Denis à la direction de L'Humanité. « Pour l'instant, il est plutôt au piquet sur ce front-là », ironise un permanent...

« À la recherche d'une sorte de normalisation »

Beaucoup de militants ayant croisé Christian Piquet ces dernières années l'ont longtemps considéré comme irréprochable sur des sujets qui lui tiennent à cœur depuis un passage à Hashomer Hatzaïr, un mouvement de jeunesse sioniste de gauche qui s'est développé en France et en Belgique dans les années 1950. En Israël, le mouvement Hashomer Hatzaïr formera l'ossature de certains kibboutz, ainsi que des partis Mapam, très influent au début des années 1950, ou encore Meretz. Mais les militants s'interrogent aujourd'hui sur son changement de cap. « À gauche, sur Israël-Palestine, Piquet fait le mouvement inverse de Jadot », résume Raphaëlle Primet. En clair : l'un fait un grand pas vers Israël, l'autre vers la Palestine.

D'autres sous le sceau de l'anonymat, parlent plutôt de « désinvolture », voire de « désintérêt » que d'un véritable changement de ligne. Un ancien dignitaire précise :

dans leur masse, les adhérents du PCF n'ont pas changé, ils sont très actifs dans le mouvement de solidarité. Mais le petit groupe de dirigeants reste à la recherche d'une sorte de normalisation, on ne sait d'ailleurs pas très bien avec qui et comment.

Un autre ancien haut dirigeant s'indigne que le secrétaire national Fabien Roussel ait applaudi la présidente de l'Assemblée nationale qui parlait de soutien inconditionnel à Israël : « Cela m'a fait penser à Bush soutenu par Robert Hue en 2001 ! ». Il estime également que l'accent mis après le 7 octobre sur la qualification de « terroriste » à propos du Hamas témoigne surtout « d'un acharnement contre Jean-Luc Mélenchon pour s'en différencier ». Lui, comme d'autres cadres du parti me l'ont également confié, juge que Mélenchon a été « assez impeccable ». Mais il déplore le « peu de débats en interne. Notre parti est très légitimiste, cela nous rend parfois aveugles et un peu bêtas ».

Désaccords publics sur l'apartheid israélien

Les débats sont cependant mis sur le devant de la scène par Christian Piquet lui-même, au moment où un autre communiste, le député Jean-Paul Lecoq, présente à l'Assemblée nationale en mai 2023 une résolution condamnant l'apartheid israélien. De nombreux pro-israéliens poussent alors des cris d'effroi, mais aussi Christian Piquet, qui s'en prend publiquement à cette résolution, pourtant signée puis votée par Fabien Roussel et la plupart des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) auquel appartient le PCF. Parlant « d'une lourde faute politique », Piquet se dit dans un billet de blog « révulsé » par plusieurs phrases de ce texte. Il refuse que « l'on assimile sans la moindre précaution Israël à l'Afrique du Sud de l'époque de l'apartheid ». Il estime qu'Israël n'a « rien à voir, par conséquent, avec la domination de la minorité blanche d'Afrique du Sud sur la majorité noire - et ce, même si le nationalisme encouragé par les sommets de l'État israélien a connu, au fil du temps, une dérive calamiteuse ».

Malgré les remous provoqués, Christian Piquet persiste dans son refus en s'opposant à une autre résolution, cette fois présentée - et adoptée - au 39e congrès du PCF à Marseille en avril 2023. « Il a créé au congrès une sorte de clivage pour s'en prendre à Jean-Paul Lecoq. Mais piqué au vif, Lecoq ne s'est pas laissé faire. Les arguments très mainstream de Piquet ont été démontés, et la résolution a été adoptée par le congrès », précise un observateur. La résolution condamnait, tout comme celle de Lecoq au Parlement, « un régime d'apartheid par l'État d'Israël consécutif à sa politique coloniale, à l'encontre du peuple palestinien, tant dans les territoires occupés (Cisjordanie incluant Jérusalem Est, et Gaza) que sur le territoire israélien ». Et non uniquement dans les territoires occupés, comme le dit Fabien Roussel dans l'interview qu'il nous a accordée.

Cela dit, ajoute un autre délégué, si Roussel et Piquet sont « en phase sur les grandes évolutions du parti autour des sujets comme la laïcité ou les modes de vie », sur Israël-Palestine, c'est plus compliqué. Le réflexe légitimiste mais aussi l'engagement de militants et de L'Humanité, jouent pour le coup en faveur des positions historiques du parti que défend Fabien Roussel dans notre interview. Il n'est évidemment pas dupe du débat qui couve en interne. « Roussel craint la renaissance de divisions du parti qui avaient marqué la période Robert Hue, pas avec les mêmes gens évidemment », commente un ancien du bureau politique. Il craint aussi et plus que tout la marginalisation, avec un parti plafonnant à 2,28 % à la présidentielle de 2022.

Faire taire les dissonances

« Christian Piquet a pris plus de place que Fabien Roussel ne l'aurait souhaité au PCF, même si le large spectre de ses positions nationales-républicaines n'est pas pour lui déplaire », explique un autre dirigeant. « En fait, il a surtout peur d'Igor Zamichiei, le coordinateur national du parti, qui est lui très proche des positions politiques de Piquet, poursuit-il.

Sur Israël-Palestine, il s'agit pour eux de freiner au sein du Collectif et du mouvement associatif l'influence supposée d'autres partis ou groupes : le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), les Insoumis, les indigénistes (sic), etc. Il y aurait sûrement un débat profond à avoir sur la ligne exacte du parti, mais pour l'instant il n'a pas lieu.

« Cela serait pourtant autre chose que de blablater sur les réseaux sociaux, car beaucoup se méprennent sur pas mal de choses », déplore un grand élu.

Pour l'instant il s'agit surtout de taire les « dissonances », pour reprendre le mot d'une élue. Vincent Boulet m'explique qu'il n'est « pas d'accord avec ceux qui affirment que le PCF laisse tomber les Palestiniens. La question est quelle perspective politique pour la paix ? ». Pour lui, si les gens se mobilisent peu pour la Palestine « c'est qu'il y a sans doute besoin d'un cadre d'expression large et ouvert pour revendiquer ce que l'on porte ». Une manière de dire que le Collectif national actuel a fait son temps. Beaucoup reprochent la focale mise sur le « terrorisme du Hamas » depuis le 7 octobre dans un rapport du 18 novembre 2023 remis au Conseil national du PC, mais également d'avoir soigneusement évité le mot « apartheid » qui déplait tant à Piquet. « Il y a un débat sur le terrain entre les termes "régime d'apartheid" et "politique d'apartheid" », m'explique Vincent Boulet. La logique du dos-à-dos, qui semble être la nouvelle doctrine du PCF souhaitée par Piquet, est aussi à l'œuvre dans ce texte, où le Hamas comme Israël prennent « deux peuples au piège du fanatisme et d'une aspiration théocratique réactionnaire » et représentent des « ennemis politiques ».

Piquet affiche lui une certaine « zen attitude » à l'égard de ses détracteurs. Dans un long échange téléphonique, il déroule son argumentaire sur le Hamas, dont le projet porte sur « la terreur », ajoutant qu'il ne « faut pas confondre la défense de la cause palestinienne et les porteurs d'un projet totalitaire qui menace la région d'une guerre », tout en s'inquiétant de la perspective d'une « nouvelle Nabka qui serait un crime contre l'humanité ». Il théorise le dos-à-dos : « on est face à deux sociétés qui se haïssent », ce qui est pour beaucoup une forme d'absolution à l'égard d'Israël. Il ajoute :

On ne nous entrainera pas dans un soutien au terrorisme, comme la France Insoumise ou certains collectifs militants sur la Palestine. On ne mobilisera le peuple que sur des valeurs fondamentales. Je continuerai à manifester à Toulouse où je réside, mais jamais avec des forces qui disent que le Hamas est une force de résistance.

Mais ses divergences ne s'arrêtent pas là. Piquet me dit par exemple qu'il n'aime pas le slogan « Palestine vaincra ! » qui « délégitime » l'existence de l'État d'Israël. Pour lui, « l'État d'Israël n'est pas un État démocratique parfait, mais il a des fondements qui le distinguent des pays qui l'entourent ». Reste à en dresser la liste et à les analyser pour éviter que ce credo classique du sionisme de gauche soit le énième cache-sexe d'une indifférence à l'égard des Palestiniens qui, en raison de l'occupation, de l'apartheid, du blocus, de la guerre, n'ont même pas le droit de rêver à une démocratie. Même imparfaite...

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Lire également : Gaza. Fabien Roussel : « Je ne suis pas dupe de l'usage du mot terrorisme », par Jean Stern.


1Beaucoup de responsables ou anciens responsables communistes ont choisi de me parler en off. C'est un peu devenu une sale manie de la classe politique et journalistique française...

2Le Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens regroupe une cinquantaine d'associations, syndicats et partis politiques et coordonne les actions de solidarité et les manifestations.

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