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À partir d’avant-hierContrepoints

Les champions (franco)africains du french bashing

« Je déteste tous les Français »

Le 3 février dernier, un immigré malien de 32 ans, Sagou Gouno Kassogue, a attaqué au couteau et blessé grièvement des passagers de la Gare de Lyon. Finalement maîtrisé par l’action conjuguée des passants, des agents de sécurité et des membres de la police ferroviaire, l’homme en garde à vue a été mis en examen pour tentative d’assassinat aggravée et violence avec armes aggravée.

Les premiers éléments de l’enquête dévoilés par le préfet de police de Paris révèlent les discours conspirationnistes d’un individu ayant visiblement prémédité son acte, comme le montre l’activité d’un compte Tik-Tok et d’un compte Facebook à son nom, ainsi que des dizaines de messages postés sur les réseaux sociaux. Il est pourtant encore présenté comme psychiatriquement fragile. Fragile mais capable de préméditer.

Sur son compte Tik-Tok et sur son compte Facebook la même boue habituelle, victimaire et antioccidentale charriée par la fachosphère ouest-africaine : « la France paye, par ce crime, pour le pillage des ressources durant la colonisation », « la France finance le terrorisme », « Emmanuel Macron a fait alliance avec le diable ».

En retour, des déclarations à « son excellence Vladimir Poutine ».

On en passe et des meilleures.

Ce discours on le connaît. Il inonde la Toile depuis des années, parfois émanant de personnes naturalisées ou binationales mais résidant en France : on se demande ce que fait la Justice française devant ce déferlement de haine anti-française…

Ce discours on le connaît aussi parce qu’il est porté depuis des années par des associations ayant pignon sur rue, on le connaît surtout parce que c’est celui des juntes militaires malienne, burkinabé et nigérienne. On le connaît enfin parce que c’est celui que Abdoulaye Diop et Abdoulaye Maïga, membres du gouvernement militaire malien, ont tenu tous deux, sans honte, à la tribune des Nations Unies.

L’attaque au couteau de la gare de Lyon ne sort pas de nulle part et encore moins des brumes cérébrales d’un immigré perturbé.

Cette attaque est l’aboutissement d’un long et lent processus viral né et métastasé sur le Net. Et qui s’est brusquement défictionnalisé en s’incarnant dans une tragédie.

La première sans doute d’une série.

Retour sur les enjeux de la guerre informationnelle menée contre la France, et donc depuis le 3 février, contre chaque Français.

 

Ils vous connaissent mieux que vous ne vous connaissez vous-même… 

Quatre milliards d’humains votent en 2024, soit la moitié de l’humanité : un fait sans précédent dans son histoire, qui laisse certains penser que la démocratie s’étend dans le monde. Pour autant, toutes les démocraties ne se valent pas, en effet beaucoup de régimes étant des « démocratures », des régimes à élection mais sans les garanties de libertés individuelles qu’offre le système de Westminster.

Encore faut-il rappeler que ces élections vont se dérouler dans un contexte numérique de désinformation massive, également sans précédent dans l’histoire de la démocratie libérale.

Non seulement la désinformation peut influer sur les déterminants du vote et favoriser telle ou telle famille d’idées politiques, mais elle peut aussi renverser des régimes : en Afrique de l’Ouest, notamment, où quatre régimes politiques sont tombés (Mali, Burkina Faso, Guinée-Conakry et Niger), largement sous les coups portés à l’idéal démocratique par des réseaux sociaux alimentant les fausses nouvelles à un rythme effréné.

Derrière ces campagnes de désinformation, des personnalités, des mécanismes, des éléments de langage qu’on arrive maintenant à bien connaître car le Sahel en a été dans le monde francophone un des laboratoires les plus prolifiques et aussi les plus prolixes.

Anti-Français, anti-démocratie, antilibéraux, adeptes de toutes les théories du complot les plus rétrogrades, quand ils ne les fabriquent pas eux-mêmes, ces influenceurs et activistes du Net sont entrés dans une « guerre sans fumée » contre la France. Ils sont capables de faire tomber des gouvernements, voire, comme au Sahel, de renverser des régimes politiques.

Qui a dit à la Radio Télévision Suisse : « […] Chaque soldat français qui tombe en Afrique, c’est un ennemi qui tombe […] » ? Nathalie Yamb, « La Dame de Sotchi ».

Qui a dit : « […] « La seule chose qui nous rapproche des nazis, et que je ne renie pas, c’est qu’ils aimaient l’Allemagne plus que l’Allemagne s’aimait elle-même » […] » ? Stellio Capo Chichi, alias Kemi Seba, « L’Étoile Noire », dans un entretien (Rapporté par Jean Chichizola et Gabrielle Gabizon dans Le Figaro, 30/05/2006) ; et il ajoute une charge contre « […] les macaques de l’amitié judéo-noire […] » (2004) précisant ensuite son propos « […] Nous combattons tous ces macaques qui trahissent leurs origines, de Stéphane Pocrain à Christiane Taubira en passant par Mouloud Aounit. […] Les nationalistes sont les seuls Blancs que j’aime. […] » (Propos rapportés par Mourad Guichard, Libération, 18 janvier 2008).

Vous ne les connaissez pas, mais ils vous connaissent très bien et ont fait de vous les boucs émissaires à l’origine de tous les problèmes du monde. Enquêtes au cœur de la galaxie de l’absurde assassin.

 

Choc des civilisations et menace existentielle

Ces gens, ces propos, ne restent pas inertes, cantonnés à la sphère virtuelle : la porosité entre le virtuel et le réel est forte, comme en témoigne par exemple l’alliance de circonstance entre la Ligue de Défense Noire Africaine, mouvement suprémaciste noir microscopique en termes d’adhérents, mais très largement présent sur les réseaux sociaux, et l’association « Vérité pour Adama », dans les manifestations organisées par cette dernière contre les « violences policières ».

Les propos tenus en ligne par les ténors du french bashing se diffusent via les réseaux sociaux bien au-delà des cercles géographiques ou culturels initiaux dans lesquels ils sont produits : par capillarité ils irriguent des sphères voisines, puis se diffusent par le jeu des commentaires et des reposts dans des sphères de plus en plus éloignées. Et finissent dans les cités par donner un vernis idéologique et anti- démocratique à des malaises sociaux ou sociétaux, mais aussi à la haine de la République, de la laïcité, de l’école.

Si les atteintes à la laïcité dans les écoles et les lycées, mais aussi les universités, se multiplient, c’est aussi parce que les réseaux sociaux démultiplient à l’infini les thèses les plus extrémistes, dont beaucoup sont destinées préférentiellement aux populations du Sahel, mais sont récupérées au passage par des membres de diasporas, qui restent à l’écoute de ce qui se passe dans leur pays d’origine, et en irriguent ensuite les conversations à la maison, transmettant en France via leurs enfants jeunes adultes ou adolescents le narratif d’intolérance et de haine qui sont le pain quotidien de ces réseaux sociaux.

Il n’y a plus du frontière entre le local et le global : ce qui est local est global, ce qui est global s’incarne dans du local. Comme il n’y a plus de frontière entre le virtuel et le réel. Nous sommes entrés dans un monde hyper-performatif : hier on disait « dire c’est faire ! » aujourd’hui nous sommes dans un âge où « Lire c’est faire ! » comme les assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard nous l’ont montré.

Les voies migratoires sont autant de canaux de diffusion physiques des propos anti-démocratiques, anti-occidentaux et anti-mondialistes tenus sur les réseaux sociaux et auxquels sont littéralement biberonnés les jeunes des grandes métropoles du Sahel, mais aussi ceux des « quartiers », c’est-à-dire les grandes banlieues des métropoles françaises.

Les propos tenus sur les réseaux sociaux destinés aux populations sahéliennes sont rarement produits au Sahel : ainsi Alain Foka, ancien journaliste de Radio France Internationale (RFI), qui après avoir soutenu la chute des régimes démocratiques au Burkina Faso, au Mali et au Niger, et avoir lui aussi fait le déplacement à Bamako, et après son récent départ de RFI s’est illustré au Togo, dictature familiale de la famille Gnasimbé, y a inauguré sa nouvelle entreprise de média, s’interroge ou feint de s’interroger : « Pourquoi la jeunesse africaine rejette l’Occident ? ».

Ou bien @La guêpe, sur X, installée aux États-Unis, ou Fenelon Massala (@rfemassala sur X) installé en Belgique…

La fabrique du french bashing et de la haine de l’Occident est largement produite en Occident. Le cas d’Alain Foka est loin d’être un cas isolé : Claudy Siarr, chroniqueur culture sur RFI et animateur de l’emblématique émission de RFI « Couleurs tropicales » s’est, lui aussi, sur les réseaux sociaux fait une spécialité de défendre le narratif russe dans la guerre en Ukraine, comme de soutenir le régime dictatorial en Centrafrique…

 

La coalescence des galaxies du french bashing : le suprémacisme noir…

Ils sont légion. Mais ils ne sont ni inconnus ni insaisissables. Derrière l’armée des petites mains qui officie sous pseudos sur les réseaux sociaux, et bien sûr derrière l’armée des bots issus des fermes à trolls souvent d’obédience russe (mais parfois chinois ou même iraniens), il y a des têtes d’affiche du french bashing. Et ceux-là, non seulement sont très connus, mais vivent et existent grâce à leurs outrances sur les réseaux sociaux.

Certains d’entre eux vivent et s’enrichissent de cette guerre informationnelle. Par le biais de partis politiques et d’organisations non gouvernementales (ONG) comme Urgences panafricanistes du franco-béninois Stellio Capo Chichi alias Kemi Seba (« L’Étoile Noire »), ou d’association comme L’Institut de l’Afrique des Libertés du franco-camerounais Franklin Nyamsi, ou par le biais de sociétés : Nathalie Yamb est spécialiste en la matière, ayant fondé en Suisse, dans le Canton de Zoug, une société de consulting, et dans le Delaware, paradis fiscal aux États-Unis, une société écran révélée (2021) par les Panama papers, Hutchinson Hastings Partners LLC.

Ils évoluent cependant dans des galaxies hier déconnectées, aujourd’hui en voie de coalescence.

Les tenants du kémitisme et du suprémacisme noir

La galaxie du suprémacisme noir est la première à avoir émergé sur la scène médiatique et numérique francophone. Cette galaxie est représentée en France par une myriade d’associations et quelques leaders qui se sont progressivement imposés sur une scène médiatique élargie, alors même que leurs militants se compte sur les doigts de la main. L’audience numérique d’un Sylvain Dodji Afoua, Franco-Togolais qui se fait appeler « Egountchi Behanin » du nom d’un ancien roi du Dahomey, est sans commune mesure avec le nombre d’adhérents de sa Ligue de Défense Noire Africaine (LDNA), moins de 250 adhérents lors de sa dissolution.

L’un des parrains de cette galaxie est le docteur Franklin Nyamsi, Franco-Camerounais, arrivé en France pour y poursuivre ses études supérieures, docteur en philosophie, professeur de l’Éducation nationale, temporairement mis à pied en 2023 pour ses propos tenus en classe, mais maintenu dans la fonction publique. Il vitupère sur les réseaux sociaux contre la France, accusée de tous les maux du continent africain. Sous le pseudonyme de Nyamsi Wa Kamerun Wa Afrika, ses vidéos de moins d’une minute sur Tik Tok, le réseau social chinois, sont vues des centaines de milliers de fois.

Sur sa chaîne YouTube (Plus de 300 000 abonnés) il se présente :

« […] La liberté, la dignité, Le bien- être intégral de l’humanité dans une planète harmonieuse sont mes rêves éveillés. Je veux promouvoir ici comme ailleurs, La justice. […] ».

Jamais en mal d’emphase sur lui-même, le professeur de l’Académie de Rouen n’en n’attise pas moins un feu continu sur le pays qui l’a formé et l’accueille.

C’est ainsi qu’en janvier 2024 sur sa chaîne YouTube où il rappelle son séjour au Niger et sa réception en grande pompe par les autorités militaires qui viennent de renverser le président élu Mohamed Bazoum, il présente son retour à Bamako, « Capitale de l’Alliance des États du Sahel ». Les louanges dans les commentaires sont à la mesure de l’enflure de l’ego de Franklin Nyamsi : ainsi @ognok4196 qui affirme : « […] Soyez béni, Prof Inbougique pour votre contribution louable […] » et ajoute « […] Comme toujours, vive la Russie et le GRAND POUTINE, le président du siècle […] ».

Si après, on conteste encore l’influence russe derrière la sphère suprémaciste noire…

La haine de la France n’est d’ailleurs jamais loin :

« […] nous ne pardonnons jamais à ces locodermes (sic) [Pour leucodermes id est les Blancs], qui ont osés souillés la terre de l’homme et son humanité ! Hotep professeur ! […] » déclare @deazolowry4473 tandis que @Africa_infoTV1994 affirme espérer « […] Les pays de L’A.E.S Transition jusqu’en 2100 […] ». C’est-à-dire pas d’élection jusqu’en 2100 !

Le triptyque haine des Blancs, haine de la démocratie et délire égyptologique est posé. Il fonde le discours du suprémacisme noir. Derrière ces figures d’intellectuels de l’afrocentrisme, émergent des figures plus rustres mais tout aussi populaires de militants. Comme Sylvain Dodji Afoua ou Stellio Capo Chichi.

Sylvain Dodji Afoua, né au Togo, arrivé en France à l’âge de 14 ans après le décès de son père au Togo. Il rassemble autour de son association LDNA plus de 50 000 followers sur Instagram, presque autant sur Facebook : condamné pour viol sur personne vulnérable en 2014, et incarcéré, puis pour intimidation en 2019 envers un élu public, Sylvain Dodji Afoua s’est ensuite régulièrement affiché dans les pays enclavés du Sahel victimes des coups d’État militaires, dont le Mali où il pose aux côtés d’un manifestant portant une pancarte « Mort à la France ».

Stellio Capo Chichi, connu sur les réseaux sociaux sous l’alias de Kemi Seba (« L’Étoile Noire »), est lui aussi un récidiviste des condamnations, en règle générale pour incitation à la haine raciale et antisémitisme.

Il déclarait notamment :

« [Les institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale ou l’Organisation mondiale de la santé sont] tenues par les sionistes qui imposent à l’Afrique et à sa diaspora des conditions de vie tellement excrémentielles que le camp de concentration d’Auschwitz peut paraître comme un paradis sur Terre. » (2009).

Les médias africains souvent situés dans l’opposition ne sont pas avares de louanges pour Stellio Capo Chichi, confinant parfois à l’admiration homo érotique.

Ainsi Joseph Akoutou (2018) dans BeninWebTV qui déclare :

« […] Ce Franco-Béninois a un physique imposant par sa taille élancée, son épaule rectangulaire, sa démarche de guerrier, son visage grave où l’on lit la fermeté, la colère, la révolte, la rage, une revendication. […] ».

L’éternel retour de la figure de l’homme providentiel.

Engagé dans la branche européenne de Nation of Islam du leader musulman américain Louis Farrakhan, il quitte plusieurs fois le mouvement et décide finalement de rompre avec les religions révélées et fonde divers groupuscules dont Tribu Ka, et maintenant l’ONG Urgences Panafricanistes. Expulsé du Sénégal puis de Côte d’Ivoire, il s’installe au Bénin, et apporte ensuite son soutien aux régimes militaires malien, puis burkinabè, et enfin nigérien. Il organise d’ailleurs un meeting à Niamey dans la foulée du coup d’État militaire perpétré contre le président élu Mohamed Bazoum.

L’ONG Urgences Panafricanistes est fondée en 2015 en partenariat avec Toussaint Alain, ancien conseiller de Laurent Gbagbo et alors en exil, et c’est sans doute là que, dans la sphère suprémaciste noire, les rapprochements commencent avec l’autre galaxie anti-France et anti-démocratie, celle des orphelins de la crise ivoirienne.

Les orphelins de la crise ivoirienne : un composite instable mais soudé par la haine de la France et une survie médiatique sur les réseaux sociaux

La galaxie des influenceurs Web issue de la crise ivoirienne est composite : pour partie elle est constituée des militants de Laurent Gbagbo, ancien président de Côte d’Ivoire, déféré puis acquitté par la Cour Pénale Internationale (CPI) ; pour partie par les partisans de Guillaume Soro, ennemi de Laurent Gbagbo, mais revenu à de meilleurs sentiments lorsqu’il échoua à son tour dans son coup de force contre le président élu Alassane Dramane Ouattara.

Une galaxie bien fragile en apparence, mais soudée par la haine de la France et très active sur les réseaux sociaux – exil oblige – et architecturée autour de la commune haine contre Alassane Dramane Ouattara (ADO pour ses supporters). Et donc qui verse dans la haine de la France, considérée comme la garante du pouvoir et de la longévité du président ADO.

Alors qu’elle tempête en permanence sur le climat de dictature qui règnerait en Côte d’Ivoire, nombre des artisans de cette galaxie anti-France, résident pourtant en Côte d’Ivoire ou y ont résidé : c’est le cas, on l’a dit, de Stellio Capo Chichi, finalement expulsé, de Nathalie Yamb, expulsée elle aussi, c’est le cas sur X de @amir_nourdine, dit Amir Nourdine Elbachir, qui regroupe plus de 120 000 followers sur X, ou de @DelphineSankara, dit Issa Sissoko Elvis, un homme, en dépit de son pseudonyme, qui vit comme animateur de radio communautaire dans le nord de la Côte d’Ivoire.

Nathalie Yamb illustre à elle seule les contours très flous d’une galaxie largement inféodée au narratif russe.

Elle est impliquée dans le scandale aux cryptomonnaies organisé par la société Global Investment Trading de Émile Parfait Simb, un autre Camerounais actuellement en fuite. Elle fait l’objet d’une plainte collective des clients de Simb Group dans l’affaire Liyeplimal, une plainte adressée au parquet fédéral du New Jersey, dans laquelle elle figure comme co-accusée aux côtés de personnalités politiques et médiatiques camerounaises. Il lui est reproché d’avoir vanté les mérites de Liyeplimal, gigantesque pyramide de Ponzi numérique, alors que les autorités de régulations financières d’Afrique centrale avaient déjà averti les usagers des irrégularités commises par les sociétés de Simb Group.

Émile Parfait Simb, actuellement mis en examen au Cameroun, et dont la société a son siège social à Dubaï, bénéficie d’un passeport diplomatique de la Centrafrique, premier pays francophone à tomber dans l’escarcelle de Wagner. Il a quitté l’Afrique, d’abord pour la Russie, puis pour une destination inconnue. Ange-Félix Taoudéra, dont les liens avec la société parapublique Wagner et avec la Russie sont forts, est étonnamment exempt de toute critique de la part de Nathalie Yamb.

Surnommée « La Dame de Sotchi » depuis son intervention en 2019 à la première édition du Forum Russie-Afrique où elle a fustigé la France, Nathalie Yamb a depuis apporté son soutien aux juntes militaires burkinabè, malienne et nigérienne, se rendant à Niamey, la capitale politique du Niger, au mois de décembre 2023 où elle est reçue en grande pompe par les nouvelles autorités militaires.

Nathalie Yamb est d’ailleurs souvent citée dans les plaintes qui la visent aux côtés de Jean-Jacques Moiffo, dit Jacky : autre ressortissant Camerounais installé en région parisienne, animateur et fondateur de la Web TV modestement appelée JMTV. Il est arrivé en France à 25 ans et est également impliqué dans la plainte déposé aux États-Unis contre Global Investment Trading SA dans le cadre du scandale Liyeplimal.

La haine de l’Occident sur les réseaux sociaux se fabrique donc d’abord en Occident, par des immigrés qui y sont accueillis et installés, et qui ne comptent visiblement pas s’installer ailleurs…

 

Les prébendiers, intellectuels et artistes en perte de vitesse : le « syndrome Maître Gims »

La recette est assez simple ; quand tu es un artiste ou un intellectuel et que tu perds de l’audience, dis une connerie et tu retrouveras ton audience et ta popularité.

On se souvient des propos lunaires de Maître Gims sur l’électricité et les anciens Égyptiens, sur les tableaux de chevaliers noirs cachés sous le Vatican dans des catacombes (?). La même chose existe bien évidemment au Sahel. Une galaxie de prébendiers de la politique s’est réveillée pour se mettre au service des régimes militaires, c’est-à-dire diffuser le narratif anti-démocratique et anti-français.

Les artistes qui se refont une seconde carrière sur le french bashing

Dernière galaxie à s’agréger à cette nébuleuse du french bashing, celle des artistes et intellectuels sahéliens, plus ou moins ringardisés, et dont la notoriété à été revigorée par leurs prises de positions publiques haineuses à l’égard de la France.

Il en est ainsi du dernier arrivé dans la galaxie des has been de la culture ouest-africaine : Doumbia Moussa Fakoly, dit Tikken Jah Fakoly, reggae man ivoirien, habitué des scènes françaises, n’en n’est pas moins un adversaire acharné, non seulement de la France, mais également de la démocratie. Dernière sortie en date, non pas un album mais une déclaration tonitruante en faveur des régimes militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Quand on sait le sort réservé aux militaires ivoiriens envoyés dans le cadre de la MINUSMA pour protéger la base aérienne de l’ONU au Mali et retenus en otages par les autorités maliennes pendant de longs mois, le ralliement du reggae man étonne… Mais la « jeunesse » ouest-africaine est sensible à ces déclarations à l’emporte-pièces anti-françaises et anti-démocratiques.

Il n’est pas le seul artiste à avoir rallié les régimes militaires : Salif Keïta, qui avait par ses déclarations largement discrédité la démocratie malienne, a intégré le Conseil National de la Transition (CNT) institué par les putschistes maliens avant de s’en retirer pour des raisons de santé trois ans plus tard. Il n’a pourtant jamais cessé, ni avant son entrée au CNT ni après, de vitupérer contre la France et les démocraties sahéliennes, usant de son aura internationale de musicien et de chanteur pour donner une forme de légitimité populaire à la junte militaire malienne.

Las, il a dû aussi annuler en catastrophe un concert prévu à… Abidjan, capitale de la Côte d’Ivoire devant la bronca des réseaux sociaux ivoiriens, ulcérés de voir un des principaux propagandistes de la junte militaire malienne oser paraître devant le public ivoirien, alors que cette même junte avait retenu de longs mois des militaires ivoiriens en otages.

L’entrée de Tikken Jah Fakoly le reggae man sur la scène pro-putschiste avait aussi pour ambition de rallier le public des jeunes Ivoiriens au narratif anti-Ouattara développé par les militaires maliens : les crimes en série commis par Wagner contre les populations civiles, majoritairement peules et touarègues, les coupures d’électricité incessantes dans tout le Mali et notoirement à Bamako, le coût de l’utilisation de Wagner (près de 200 millions de dollars par an au lieu des 120 annoncés initialement, et payés essentiellement en or malien) ont toutefois largement discrédité le régime militaire de Bamako.

Des intellectuels ont également apporté une aide inattendue mais inespérée aux putschistes, notamment au Mali où une large partie de l’intelligentsia s’est ralliée au régime militaire. Aminata Dramane Traoré s’est ainsi ralliée assez facilement au régime militaire. L’Occident francophone, dans les années 1990 et 2000,  avait porté cette femme aux nues pour ses romans et essais anti-occidentaux, culture woke avant le wokisme, et on avait célébré son antimondialisme. Bien qu’elle fasse paraître la totalité de ses ouvrages en France où se trouve l’essentiel de son public, Aminata Dramane Traoré s’est fait une spécialité de dénoncer les supposés méfaits de l’Occident et de la mondialisation en Afrique et notamment au Mali.

Si son ralliement à la junte militaire malienne a surpris, c’est parce que l’engouement initial autour de ses publications avait sans doute masqué une constante dans la trajectoire politique d’Aminata Dramane Traoré : elle a servi tous les régimes et toutes les institutions : étudiante en France, professeur en Côte d’Ivoire, puis fonctionnaire de l’ONU, puis ministre de la jeune démocratie malienne, elle sert aujourd’hui le régime militaire. Il est vrai qu’Aminata Dramane Traoré a toujours su se servir et servir sa famille avant de servir la communauté.

 

Une immense lâcheté

Au Sahel aussi les consciences se sont relâchées comme des ventres. La France a soutenu, et soutient encore, nombre de personnalités qui se sont retournées contre elle, et au-delà, contre les valeurs universelles que sont la démocratie, la protection des minorités, la tolérance, et on en passe. Via des subventions, des visas, des colloques et des conférences financées sur les fonds de l’aide au développement, d’aides à la création culturelle, la France a largement contribué à nourrir des officines et des personnalités qui lui sont désormais hostiles.

En Côte d’Ivoire la situation est la même. Les propagandistes ouvertement profrançais ont fait l’objet d’une répression judiciaire qui apparaît étrange : les propagandistes prorusses sont largement préservés, seules les petites mains sont l’objet d’une surveillance et de poursuites tandis que les ténors restent aussi virulents. La faute en revient d’abord à la crainte qu’ont les régimes de s’aliéner une jeunesse désœuvrée, et qu’on espère distraire en la laissant se nourrir de haine contre un ennemi lointain. Par peur de devoir affronter le courroux de la rue si la France et au-delà l’Occident cessaient d’être le bouc émissaire commode qu’ils sont devenus.

Au-delà de la situation spécifique du Sahel et de ses relations avec la France, c’est toute une politique policière et judiciaire vis-à-vis de la diffusion et de la propagation exponentielle des fausses informations qui doit être revue.

Encore aujourd’hui, la menace que représente pour la démocratie libérale la diffusion massive de fausses informations est considérée comme une menace mineure, alors même que la presse écrite ou les émissions de radio ou de télévision, pourtant devenues des supports marginaux dans l’acte de s’informer, sont l’objet d’une surveillance tatillonne.

La loi existe pourtant pour punir ces dérives informationnelles. Encore faut-il la faire appliquer. Et bien évidemment cesser de laisser la bride sur le cou des services de coopération et d’action culturelle (et les institutions universitaires) afin de resserrer les cordons de la bourse. Lénine avait coutume de dire que le capitalisme vendrait la corde qui servirait à le pendre, au Sahel la France finance et donne les verges qui servent à la battre.

L’africanisation du monde

Pourquoi et comment l’africanisation du monde est en marche, principalement du fait de la croissance de sa population ?

Pendant longtemps, et encore très largement aujourd’hui, ce sont des pays arabes, puis l’Occident, qui ont influencé l’Afrique, alors que les Africains étaient peu connus à l’extérieur, sauf comme esclaves dans les Amériques et dans les pays arabes.

La situation est actuellement en train de s’inverser, pour les raisons que nous allons voir. C’est ce que j’appelle « l’africanisation du monde », mouvement qui devrait s’accentuer dans l’avenir.

 

La principale raison est démographique

Vers 1900, la population de l’Afrique était estimée à environ 100 millions de personnes, en stagnation depuis plus d’un siècle ; elle était de 275 millions dans les années 1950 ; 814 millions vers 2000 ; et probablement 1,4 milliard en 2023, soit la population de la Chine ou de l’Inde.

Les prévisions de 2,5 milliards d’Africains en 2050, et entre 4 et 5 milliards en 2100, supposent une forte baisse de la fécondité, à l’image de ce qui s’est passé dans le reste du monde.

C’est vraisemblable, mais pas certain. En effet, pour l’instant, la fécondité décroît régulièrement, mais beaucoup plus lentement que prévu, traduisant notamment les retards en matière de scolarisation, particulièrement au Sahel. On est aujourd’hui à deux à trois enfants par femme en Afrique du Nord où la baisse est lente ou stoppée, et à 4 à 7 enfants par femme en Afrique subsaharienne.

Les deux premiers enfants remplaçant les parents, en avoir quatre ou six signifie que le nombre de parents va doubler ou tripler à chaque génération au sud du Sahara, phénomène qui va être amplifié par le fait que les générations se succèdent plus rapidement que dans le reste du monde, le premier enfant arrivant souvent entre 13 et 18 ans contre 30 ans dans les pays du Nord.

Exemple extrême inspiré du Niger : en 30 ans (deux générations), une fécondité de 6 enfants par femme entraîne à chaque génération un triplement du nombre de parents, soit une multiplication par 9 (3×3) de la population, à fécondité constante.

Croissance démographique au Niger (Les Echos)
Croissance démographique au Niger (Les Échos)

Bref, 20 % de l’humanité vit en Afrique aujourd’hui, et ce sera au moins 30 % en 2050 ; et plus de 40 % en 2100; dans la mesure où, simultanément, la population des autres pays, tous continents confondus, baisse hors immigration. Et cette immigration est largement africaine en Europe.

L’histoire démographique africaine est liée à sa géographie

La géographie de l’Afrique a déterminé l’histoire des rapports avec les Arabes et les Occidentaux, rapports pour lesquels je me limite ici à leur impact démographique.

L’Afrique est en effet un continent massif et difficilement pénétrable, divisé entre deux grandes aires culturelles : le nord, de peuplement arabo-berbère, et l’Afrique subsaharienne (je passe sur les pays géographiquement intermédiaires comme l’Éthiopie, la Mauritanie ou la Somalie).

Partout il y avait une grande différence entre les villes côtières et l’intérieur inaccessible. Les villes côtières d’Afrique du Nord ont des contacts depuis la plus Haute Antiquité avec d’autres civilisations méditerranéennes, alors que ce ne fut pas le cas de celles de l’Afrique subsaharienne.

Pour cette dernière, il a fallu attendre le XVIe siècle pour voir arriver les Portugais puis les autres Occidentaux. Mais ces derniers n’avaient que peu de contacts avec l’intérieur jusqu’à la colonisation dans la deuxième partie du XIXe siècle.

Un continent jadis considéré comme vide

Au Moyen Âge, les principaux contacts avec l’intérieur du continent se limitent aux razzias des esclavagistes arabes sur la côte orientale, et aux marchands maghrébins qui allaient livrer au Sahel des produits manufacturés contre de l’or et des esclaves.

Ces razzias ont continué, en s’accentuant (meilleurs fusils arabes) jusqu’à la colonisation. Certaines régions d’Afrique en ont été largement dépeuplées.

Cette raison s’ajoutant à un profond sous-développement, lui-même cause d’une mortalité élevée, explique que l’Afrique subsaharienne était un continent perçu comme vide par les Européens.

Au sud du Sahara, sauf en Afrique du Sud, la colonisation s’est faite avec un tout petit nombre de militaires, souvent en majorité africains.

Au Maghreb en revanche, il fallut d’importantes opérations militaires, particulièrement au Maroc et en Algérie.

 

La colonisation a déclenché la croissance de la population

L’arrivée des Occidentaux, contrairement à celle des Arabes, a commencé par réduire considérablement la mortalité.

D’une part, les Occidentaux avaient interdit l’esclavage dans leurs propres colonies dans la première moitié du XIXe siècle, et l’ont donc interdit dans les territoires colonisés. La traite interne ainsi que la traite arabe se sont arrêtées.

Seule la traite arabe a continué de manière discrète dans la corne de l’Afrique vers le Moyen-Orient, et dans le Sahara vers le Maroc. Elle s’est pratiquement arrêtée avec l’arrivée des Français au Maroc à partir de 1911, et des Anglais au Moyen-Orient à partir de 1918. Elle resterait présente sous d’autres noms vers la péninsule arabique.

La colonisation a en général apporté la paix civile, deuxième raison de la baisse de la mortalité. Les conflits actuels au Sahel, au Soudan, en Somalie et ailleurs contrastent avec une paix coloniale un peu oubliée aujourd’hui.

Plus tard, et progressivement, les règles de base de l’hygiène, puis la vaccination se sont répandues et cette évolution a continué après les indépendances.

Le fait que la colonisation ait déclenché la croissance démographique a été observé aussi bien en Afrique du Nord qu’en Afrique subsaharienne.

 

De la démographie africaine aux craintes migratoires

Si les diasporas rendent l’Afrique, aussi bien du Nord que subsaharienne, de plus en plus visible, leur installation a précédé l’explosion démographique actuelle.

La situation actuelle ne préjuge donc pas du tout de la situation future.

Il faut distinguer les diasporas maghrébines de celles de l’Afrique subsaharienne.

La diaspora maghrébine

Elle pose des problèmes qui ne sont pas le sujet de cet article, et qu’il ne faut pas minimiser.
Néanmoins, démographiquement, sa  fécondité n’est que peu supérieure au reste de la population, elle se francise rapidement dès la deuxième génération sur le plan linguistique, et une grande partie se fond dans le reste de la population en trois générations : la religion s’atténue, malgré le ressenti inverse venant d’une minorité, et la partie qui réussit socialement devient presque invisible.

L’immigration subsaharienne

Nous n’avons pas le même recul pour l’immigration subsaharienne qui est récente, beaucoup moins nombreuse mais en croissance.

Par exemple, des familles très intégrées gardent néanmoins une très forte fécondité.

Ce constat s’ajoute à une meilleure connaissance, par l’opinion occidentale, de la rapide croissance de la population africaine, de son sous-développement et de la visibilité de cette immigration. Visibilité encore accrue par les drames subis par les migrants, qui déclenchent des réactions diamétralement opposées.

Je peux témoigner que, dans mon quartier parisien, les Subsahariens sont très minoritaires contrairement, par exemple, à la ville de Montreuil. Mais leur nombre est en accroissement rapide, avec chaque matin une marée de travailleurs, migrants récents ou descendants, venant de banlieue : employés de sécurité, employés de banque,  vendeuses, nounous, cadres moyens, soignants.

Et parmi les résidents, donc des bourgeois, j’observe une très forte fécondité. Je peux citer l’exemple de mères de famille enceintes, avec déjà trois ou quatre jeunes enfants, ce qui montre bien que ce n’est pas seulement un effet de la pauvreté ou d’une scolarisation insuffisante. Lorsque je les interroge en me présentant comme démographe, elles me répondent que « c’est la tradition » et que « on adore les enfants ».

Par ailleurs je remarque de plus en plus de couples homme blanc/femme noire, ce qui est nouveau et témoigne d’un niveau scolaire croissant chez les intéressées.

C’était jadis l’inverse, les Noirs ne trouvant pas d’Africaines à leur niveau. On constate d’ailleurs que de nombreux chefs d’État africains épousent une Européenne.

 

L’immigration et le développement des pays de départ

Bref, cette immigration subsaharienne est relativement limitée jusqu’à présent : 1,5 % de la population française d’après François Héran, ancien directeur de l’INED, titulaire de la chaire Migrations et Sociétés au Collège de France.

Elle est néanmoins l’objet d’une forte crainte pour l’avenir.

Cette crainte est exprimée par l’africaniste Stephen Smith qui a publié : La ruée vers l’Europe, la jeune Afrique en route pour le Vieux Continent. L’auteur y évoque la possibilité que 25 % de la population européenne ait des origines subsahariennes en 2050.

Évoquons tout d’abord un consensus des spécialistes ignoré du grand public : on émigre peu quand on est très pauvre. Il faut en effet beaucoup d’argent pour migrer (cf les écrits de l’économiste britannique Paul Collier en 2013).

Le développement de l’Afrique ne diminuera donc pas la pression migratoire, d’autant que d’autres facteurs vont dans le même sens, et notamment une amélioration de l’information internationale lorsque le niveau de vie augmente.

Les discussions sont donc vives sur l’immigration africaine, maghrébine et subsaharienne en Europe.

Remarquons qu’il y a des discussions analogues en Grande-Bretagne pour l’immigration indo-pakistanaise, et aux États-Unis pour l’immigration d’Amérique latine. Contrairement par exemple au Canada qui cherche à accueillir un maximum d’immigrants.

Cette augmentation de la population africaine a été précédée sur le plan intellectuel par l’action des diasporas africaines dans le monde.

 

Le rôle culturel des diasporas dans l’africanisation

Les diasporas africaines ont largement contribué à un début d’africanisation culturelle du monde, bien avant l’apparition de la pression démographique.

Les Afro-Américains

La population afro-américaine n’est pas une diaspora récente, puisqu’elle date de l’époque esclavagiste qui s’est terminée avec la guerre civile américaine (1861-1865).

Elle est aujourd’hui d’environ 50 millions, et a joué un rôle culturel très important dans tout l’Occident.

En France, les  artistes noirs américains ont commencé à arriver à Paris entre les deux guerres mondiales, où ils trouvaient une ambiance beaucoup moins raciste qu’aux États-Unis. Il n’y a pas eu que Joséphine Baker. Ils y ont notamment apporté le jazz, puis ont été relayés beaucoup plus tard par les migrants nord-africains puis subsahariens.

Cette diaspora étatsunienne se veut non seulement noire mais africaine, comme on a pu le vérifier avec le succès du roman Racines (1976) décrivant la succession des générations dans les familles américaines à partir de leurs ancêtres africains. Ce roman fut adapté pour la télévision en 1977, et la série américaine Racines (Roots) a connu un véritable succès avec plus de 100 millions de téléspectateurs, soit environ la moitié de la population américaine de l’époque.

Les Afro-Américains lancent également le hip-hop à la fin des années 1970, puis le rap au début des années 1990, avec des textes de plus en plus revendicatifs : on est passé de la musique à la politique, notamment pour la défense de la communauté et des valeurs proclamées comme africaines.

Les Antillais

Ils ont également cultivé et médiatisé leurs origines africaines.

On peut citer les Jamaïcains du mouvement rastafari et le Français Aimé Césaire (1913–2008). Ce dernier, martiniquais, est un écrivain mondialement connu pour son concept de « négritude » réhabilitant la culture africaine. Et Léopold Sédar Senghor qui deviendra plus tard président du Sénégal.

Notons que ces deux hommes ont eu parallèlement une brillante carrière électorale dans le système politique français, qui n’était donc pas si fermé que certains le proclament aujourd’hui.

En France

Jusqu’à présent, la diaspora subsaharienne est relativement récente et peu nombreuse.

C’est surtout la diaspora maghrébine qui a eu une influence culturelle, particulièrement en France et en Belgique, du fait de sa francophonie. Et cette influence ne se développe pas seulement en cuisine.

Au début des années 1980, débarque le rap américain où la France aurait pris la deuxième place mondiale via les radios pirates, puis la télévision à partir de 1984. Une quinzaine d’années plus tard, MC Solaar et bien d’autres détachent le rap de son ancêtre américain, et il devient un genre littéraire où le texte est plus important que la musique.

Aujourd’hui, le rap s’est démocratisé et il est même devenu incontournable, en tête des téléchargements sur les plateformes musicales et la principale écoute des jeunes…

Dans mon domaine, je constate qu’il joue un rôle important dans la francisation linguistique de la diaspora africaine.

 

L’impact de la culture africaine dans le monde

L’art contemporain africain

Conséquence ou non de la démographie, de plus en plus d’artistes africains d’art contemporain sont reconnus et salués à l’échelle du continent, ou plus largement.

C’est le cas par exemple d’El Anatsui, sculpteur ghanéen qui a régulièrement exposé en Europe et sur le continent américain.

On peut aussi citer Kehinde Wiley, Afro-Américain de la côte Ouest, ou l’artiste peintre zimbabwéenne, Kudzanai-Violet Hwami, et bien d’autres.

Les biennales d’art contemporain africain se multiplient un peu partout. La plus célèbre d’entre elles est bien sûr Dak’Art, la Biennale de Dakar au Sénégal consacrée à l’art contemporain africain depuis 1996. Dans sa foulée, la Biennale du Bénin s’est mise en place à partir de 2012.

Notons aussi que la ville de Montpellier lancera en octobre de cette année une première Biennale de l’art africain.

Le monde des musées offre également une place de plus en plus large à l’art africain contemporain : citons le Musée Jacques Chirac du Quai Branly à Paris initialement dédié aux arts primitifs, et qui détient maintenant une belle collection d’art africain contemporain, ou encore le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa, au Cap, en Afrique du Sud.

Au cinéma

Enfin, les festivals du film africain fleurissent un peu partout sur le continent noir (Ouagadougou, Marrakech, Burkina Faso), mais aussi ailleurs comme par exemple à Cordoue, en Espagne, qui accueille un Festival du Film africain ou à Paris avec « L’Afrique fait son cinéma ».

Les super-héros noirs

Jusqu’il y a quelques dizaines d’années, au cinéma comme en littérature, il y avait peu de grands héros, et encore moins d’héroïnes, noirs. Ce statut était majoritairement réservé aux blancs.

Aujourd’hui, les choses ont changé. Sans être majoritaires, les héros et héroïnes noirs sont de plus en plus présents dans les films et les livres.

Le cinéma américain inspiré de l’univers des comics s’habitue à mettre en avant des super héros/héroïnes noirs : l’incontournable Black Panther, Halle Berry dans les X-Men, pour ne citer que ceux-là.

Black Panther reste l’un des  plus gros succès du box-office mondial et a rapporté 1,3 milliard de dollars de recettes, pour un budget de 200 millions de dollars.

On peut aussi constater que le cinéma français sacre davantage de vedettes d’origine africaine subsaharienne qu’auparavant : Omar Sy, Aïssa Maïga, Eriq Ebouaney, par exemple.

Les séries africaines 

Les pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale financent ou cofinancent de plus en en plus de séries réalisées sur place avec des acteurs africains. Celles-ci sont largement diffusées sur le continent, mais aussi au-delà, grâce à des chaines de télévision telles que TV5, RFO ou Canal+ et grâce à Internet.

Le Nigéria est aujourd’hui le troisième centre mondial de production cinématographique après Hollywood et Bollywood en Inde.

Par exemple, Netflix produit des séries tv en Afrique (du Sud, notamment) et les diffuse largement sur sa plateforme de vidéos à la demande. Il affirme avoir investi 160 millions d’euros dans la production cinématographique en Afrique depuis 2016 (source Jeune Afrique – 12 avril 2023).

Le sport et son rôle médiatique

Il y a maintenant très longtemps que les sportifs africains ou d’origine africaine se font remarquer dans les compétitions internationales, les équipes de football de tous les pays, et dans bien d’autres disciplines.

Cela a eu un double effet : donner une image valorisante des Africains aux  autres continents, et diminuer les complexes ou les agacements des Africains qui se sentent défavorisés sur le plan économique et militaire.

Il est probable que ce poids de l’Afrique dans le sport va augmenter, d’une part pour des raisons démographiques (en 2050, un jeune sur trois sera africain) ; et d’autre part, parce qu’il est maintenant reconnu comme un moyen de développement, notamment par les Nations unies.

Le financement des sports nationaux va donc augmenter, et avec lui le nombre des sportifs de haut niveau.

On sait combien les rencontres sportives sont médiatisées et les sportifs mis en valeur par les médias. La présence africaine se diffuse donc par les images et retransmissions sportives des athlètes africains.

Par ailleurs, si l’Afrique demeure extrêmement en retard sur le plan économique, et que les guerres civiles bloquent le développement d’une grande partie de ces pays, il y a aussi des bonnes nouvelles, en particulier dans le domaine numérique.

 

Le tournant du numérique et les perspectives de développement

Le téléphone portable

Il a fait faire un grand bond en Afrique, subsaharienne surtout.

En effet, beaucoup de services de base (médecins, banques, clients pour la production locale) n’étant pas présents sur place, cet outil s’est révélé beaucoup plus nécessaire que dans les pays du Nord, d’où sa diffusion rapide, malgré les grandes imperfections des réseaux.

Ensuite, un foisonnement d’applications est apparu, par exemple en matière de paiement à distance.

Plus tard encore, les startups d’usage du numérique se sont multipliées. L’Afrique a donc sauté plusieurs étapes du développement, comme c’est le cas en général dans les rattrapages, et notamment en Chine.

C’est le Kenya qui a d’abord été en pointe, mais le mouvement s’est généralisé, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

L’Afrique, future place technologique majeure ?

Dans son rapport annuel sur le développement économique de l’Afrique, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estime dans son rapport 2023 que le continent a une opportunité historique de s’inviter dans les chaînes d’approvisionnement technologiques mondiales, qu’il s’agisse de l’automobile, de la téléphonie, du photovoltaïque…

Elle recommande par ailleurs d’attirer des investisseurs étrangers pour mettre en place les infrastructures nécessaires à la transformation des matières premières brutes issues des sous-sols.

Cela suppose bien sûr des progrès en matière de sécurité.

Des atouts à ne pas gaspiller

Le sous-sol africain est très riche, ce qui a attiré jusqu’à présent les prédateurs russes, chinois… et africains. Il est encore aujourd’hui la cause de guerres civiles.

L’Afrique recèle en effet une petite moitié des réserves mondiales de cobalt et de manganèse, notamment nécessaires à la fabrication de batteries. Elle est également riche en argent, titane, nickel, lithium, graphite… Et en pétrole et gaz qu’elle entend développer, malgré le changement climatique.

Sur ce dernier point, on peut résumer les réactions africaines par : « Vous, gens du Nord, vous avez bourré l’atmosphère de CO2, et vous voulez qu’on cesse d’exploiter le pétrole sous nos pieds, alors que nous manquons d’argent et d’électricité ? Laissez-nous nous développer, et on verra après ».

Par ailleurs, si la démographie est actuellement une lourde charge, elle devrait théoriquement être un atout par le grand marché qui va s’offrir aux investisseurs étrangers.

Dans leur époque de croissance rapide, le Japon, la Corée ou la Chine ont largement profité de leur boom démographique d’alors. Mais les industriels, africains ou non, s’interrogent sur leur sécurité et les risques de détournements.

 

L’insécurité et la montée des dictatures

Nous retombons sans cesse sur le plus grand des obstacles au développement de l’Afrique : l’insécurité physique (guerres civiles, banditisme, enlèvements…), et juridique (un étranger sera-t-il jugé équitablement, pourra-t-il poursuivre un mauvais payeur proche du gouvernement ?)

Cette insécurité pèse d’abord sur la population locale, et l’exaspération qui en découle mène au pouvoir des dictateurs, dont le règne est souvent plus catastrophique que les gouvernements civils qu’ils remplacent. On vient de le voir au Niger, qui était auparavant une démocratie relativement efficace.

L’africanisation du monde est comprise comme une menace pour la sécurité, tant sur place que partout dans le monde du fait des diasporas. C’est un problème réel et important qui nuit à l’image de l’Afrique.

Il faut cependant rappeler que ce n’est pas un phénomène spécifiquement africain, mais mondial. Dans le monde entier, la violence et le non-respect des règles gagnent du terrain.

Par exemple, en Europe c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Un autre exemple est le pourrissement du Mexique par des gangs, ou encore le poids de plus en plus important dans les pays occidentaux de mafias non africaines.

 

Conclusion

L’africanisation du monde est un fait.

Inutile de le craindre ou de s’en féliciter. Il faut l’analyser et en tirer des conséquences géopolitiques.

C’est apparemment ce qu’essaie de faire la Chine, en étendant l’association des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à de nouveaux membres, notamment africains. Pour l’instant, elle se borne à jouer au G7 en paradant sur une photo officielle.

Je suis un peu sceptique sur son efficacité opérationnelle en voyant la grande hétérogénéité de ce groupe en matière de développement et de comportement géopolitique. Et surtout en voyant les rivalités qui le divisent, dont celle entre la Chine et l’Inde. Certains l’ont même qualifié de machine à laver pour (la réputation des) dictateurs.

Un mouvement totalement différent me semble avoir davantage d’avenir : les mouvements de femmes africaines qui pourraient à long terme faire évoluer l’autorité patriarcale, conservatrice et machiste qui plombe tellement l’Afrique et de nombreux autres pays.

 

Article publié initialement le 31 août 2023

Loup Viallet : l’auteur qui repense les rapports entre la France et l’Afrique 

« Alimenter la paranoïa, c’est faire le lit d’une guerre civile ».

Loup Viallet aime les formules percutantes. Ce jour-là, au micro de Jean-Jacques Bourdin, il accusait l’avocat français Juan Branco d’être un « receleur de fake news qui n’aura jamais à endurer les conséquences des discours de ses clients », les leaders panafricanistes Kemi Séba et Ousmane Sonko. Cette parole détonne dans un environnement médiatique français souvent tenté par un soutien par défaut aux opposants politiques africains.

Or, ces dernières années, Loup Viallet a construit une parole singulière, aussi incisive dans ses  interventions médiatiques que rigoureuse dans ses écrits : celle d’un analyste engagé dans les débats  contemporains entre la France et l’Afrique.

Sa trajectoire est plutôt insolite.

Au cours de la décennie passée, Loup Viallet a conseillé des personnalités politiques de tous bords.  Tenté dans un premier temps par des courants proches du souverainisme (il a conseillé aussi bien des  personnalités de gauche comme Georges Sarre, ancien ministre de François Mitterrand, que de droite  nationale, comme Marine Le Pen), Loup Viallet a « appris à se défier des idéologies trop radicales et  des analyses aussi séduisantes que simplistes ».

Il entend défendre ses idées au-delà des clivages partisans. Décrypter la stratégie de déstabilisation conduite par la Russie en Afrique ou dénoncer les activités de Wagner relèverait d’un « intérêt régalien » partagé par des courants très variés de l’échiquier politique. En outre, pour ce dernier, « nombre de personnalités et de partis politiques français témoignent d’une conception obsolète des relations avec l’Afrique. Négliger l’influence grandissante de ces dernières peut nuire à l’applicabilité de leurs propositions dans tout une série de domaines : sécurité, défense, immigration, diplomatie, économie, transition énergétique… ».

 

Comprendre les interdépendances euro-africaines

En constatant au cours de ses expériences politiques une profonde méconnaissance du champ des  possibles avec l’Afrique, Loup Viallet a orienté son attention et ses recherches sur des problématiques  africaines entraînant des conséquences en France et sur le continent européen. Cette volonté de  comprendre les réalités africaines l’a conduit à voyager et à intervenir en Afrique de l’Ouest comme  conférencier dans des écoles de commerce et de sciences politiques.

Pour mieux prendre conscience du quotidien des grandes villes, il a pris ses marques à Abobo et à  Mènontin, quartiers populaires d’Abidjan et de Cotonou. Dans les rues sans nom et sans numéro où  habite « le tiers état du tiers monde », Loup Viallet s’est immergé parmi des populations vivant au jour  le jour de petits métiers : apprentis-chauffeurs, vulcanisateurs, vendeurs de sachets d’eau potable et de mouchoirs à l’unité, brouteurs, petits trafiquants d’essence, portiers, mais aussi vendeurs de forfaits  téléphoniques, tailleurs, tenanciers de maquis… Il décrit des existences « en prise à une adversité  permanente », où un micro-événement (une pluie un peu forte, une coupure d’électricité) peut  provoquer des drames collectifs. L’analyste retire de cette approche concrète une plus grande lucidité  sur des objets d’études « qui ne sauraient être réduits à des abstractions théoriques ».

Dans ses écrits, Loup Viallet cherche à décrypter la nouvelle géopolitique africaine avec rigueur et  précision.

« Revenir aux faits, aux informations sourcées et aux analyses précises pour éviter à tout prixde tomber dans les écueils des discours idéologiques et dogmatiques ».

Cela passe par la critique de concepts usés comme ceux de Françafrique ou de pré carré français.

« Ces concepts dépassés empêchent de penser l’actualité des relations franco-africaines telle quelle est. Leur remise en cause s’avère d’autant plus nécessaire dans un moment où les difficultés partagées s’intensifient en même temps que les sources de tensions ».

 

Approche rigoureuse de la gouvernance monétaire ouest-africaine

Issu avant tout d’une filière littéraire, cet ancien khâgneux multi-diplômé s’est formé par lui-même aux questions financières et monétaires.

Son éclectisme lui a permis d’aborder des sujets tels que le franc CFA ou l’extraversion des économies d’Afrique subsaharienne par un biais transversal, touchant aussi bien aux enjeux économiques que politiques ou sociaux. Cet économiste a ainsi pu développer un regard original et transdisciplinaire sur des champs souvent accaparés par des groupes d’experts peu soucieux d’ouvrir leurs disciplines à d’autres publics et à d’autres domaines que les leurs.

Son approche audacieuse n’a pour autant pas desservi la crédibilité de son propos ; son ouvrage sur le franc CFA est d’ailleurs présent dans de nombreuses bibliothèques universitaires à travers le monde.

Dans La fin du franc CFA, il adopte une position à rebours de la plupart des commentateurs panafricains, ou dans les rangs de la gauche française, qui critiquent le franc CFA comme une monnaie coloniale qui grève la croissance de l’Afrique. Il démontre à ce titre que les solutions alternatives mises en avant manquent de sérieux, ou sont inapplicables.

Au contraire, il avance que la parité fixe du franc CFA avec l’euro (précédemment le franc), et sa garantie par la France (et l’Europe), le tout adossée à une gouvernance de haut niveau, sont la garantie de la stabilité de la monnaie, même en cas de crise politique.

Loup Viallet affirme donc que le franc CFA est un avantage comparatif crucial pour les pays  composant l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté  économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) : une clef pour le bon développement de  l’Afrique. A contrario, la dissolution de la zone franc aurait comme conséquence probable la fin d’un des derniers secteurs de stabilité de la région, avec des conséquences funestes pour les continents  africain et européen.

Conscient qu’une doctrine doit se propager et qu’un renouvellement du regard sur les relations franco-africaines est inévitable, Loup Viallet décide donc, à 32 ans, de franchir une nouvelle étape en lançant son propre média.

Via une approche organique située au plus près du terrain, « Les Deux Continents » aura à cœur de décrire les enjeux économiques, politiques et sociaux qui se posent aux deux rives de la Méditerranée. Dés lors, le décryptage des interdépendances favorisera du même coup la compréhension entre deux continents au bord de la rupture.

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