Lateo.net - Flux RSS en pagaille (pour en ajouter : @ moi)

🔒
❌ À propos de FreshRSS
Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraîchir la page.
À partir d’avant-hierLe blog de Seb Musset

Qui sont vraiment les "insiders" ?


Comme anticipé l'escadrille médiatique des VRP de la réforme libérale s'est mise en formation pour dézinguer sur les ondes la mobilisation du 9 mars contre l'infâme loi VallsElKhomri. Étonnant comme ceux qui se targuent de vouloir adapter le code du travail à un monde moderne se gaussent d'un million de signatures en ligne. Les journaux télévisés qui sont déjà à la limite du regardable en temps normal donnent envie de savater l'écran (césar d'honneur à David Pujadas qui a chaque prestation pro-Medef gonfle la pétition de 50000 signatures).  Il va falloir tenir car ils vont marteler, amadouer, tenter de nous avoir à l'usure en jouant du calendrier, d'autant qu'ils ont la quasi-intégralité des éditorialistes multisupports avec eux et qu'ils vont nous vendre, pour une fois, l'argument de la lutte des classes en prétendant que la contestation est bourgeoise, entendre diplômée (comme si cela préservait du chômage longue durée).  

Pour ceux qui ont battu le pavé ce 9 mars à Paris, un constat s'impose : les cortèges sont différents des manifestations habituelles. Bien plus de jeunes, mais aussi un calme déconcertant, une détermination palpable dans des regards sombres. Les phrases qui revenaient souvent : "Ça va au-delà de la loi travail", "c'est la mesure de trop", "ils sont bien décidés à nous faire payer la crise par encore plus de casse sociale...." Le niveau de conscience des raisons de lutter est parfaitement mis à jour, il n'y a pas de manipulation ici, mais des trajectoires personnelles et de l'exaspération. On n'est pas dans le pessimisme de 2010, quelque chose s'est levé là qui déstabilise un gouvernement à cran (le volume de la présence policière autour des ministères rappelle fortement les heures sarkozystes). Comme me le rappelait un syndicaliste l'autre jour : c'est la première fois que l'union se fait aussi vite sur le terrain. "En mai 68, il a fallu attendre quinze jours pour que les syndicats se mêlent de la contestation des jeunes". Ici en quinze jours, nous avons déjà des centaines de milliers de personnes dans la rue (jeunes, salariés du privé et du public, front syndical...).

Hors de sa morgue standard, la seule réponse du pouvoir à ce jour est l'éventualité de "taxer les CDD pour encourager les CDI" (énième pirouette puisque de fait le projet de loi détruit CDI ET CDD en instaurant sans le dire un CDE généralisé contrat à durée éphémère). La rengaine des pro Khomri est simple : les salariés sont des "insiders", des "privilégiés. Tu ne peux pas réduire le chômage ? Détruisons donc le travail. La troisième étape de cette arme de destruction salariale (la première étant la création de l'auto-entrepreneur) sera l'attaque frontale des fonctionnaires. Le récent acharnement du parquet à poursuivre les syndicats en justice (Goodyear, Air France) s'inscrit avec cohérence dans ce grand dynamitage.

Éditorialistes à un Smic par jour et en CDI depuis des décennies d'un côté, politiques déconnectés de l'autre ne connaissant pas plus l'entreprise que le travail et voguant d'un poste à l'autre depuis la sortie de l'ENA, chacun nous vantant la nécessité (pour les autres) de ne pas trop s'accrocher au contrat de travail à durée indéterminée. Se rendent-ils seulement compte de l'indécence ? 

Je ne sais pas s'ils ont l'air du temps avec eux, mais ils ont clairement derrière eux trente années d'échecs dans leurs prescriptions économiques.


Illustrations : S.Musset

La #loitravail ou la fin du salariat


15 jours. C’est le temps jugé nécessaire par le premier ministre pour que nous comprenions mieux, bande crétins que nous sommes, la loi travail de Madame El-Khomri.

15 jours. C'est le temps jugé suffisant au microcosme parisien mediatico-politco-patronal, enfin rentré des sports d’hiver (comme quoi les congés payés c’est pas si mal), pour décrédibiliser le million de signatures de la pétition contre ce projet de loi merdique et empêcher la cristallisation des contestations. Bon, rappelons ici à ce pouvoir qu'il a cédé en quelques jours face à 30000 likes de #pigeons sur Facebook.

C'est pourtant limpide. 

Dans le parfait prolongement du virage soc-lib de Hollande et du quinquennat hystérique de Sarkozy, on peut résumer ce projet de loi en une phrase. Phrase non écrite, mais qui suinte de chaque article : la fin du salariat.

La loi Khomri donne un cadre juridique à la disparition des salariés.
La possibilité de licencier sans justification économique signe de fait la fin du CDI, mais aussi du CDD. On peut reconnaitre pour une fois à Hollande son caractère révolutionnaire. Il est allé plus vite et plus loin que ce que prévoyaient la droite et le MEDEF : notre entrée de plein pied dans une société du travail où le prestataire de service remplacera le salarié. On pourrait discuter du bien-fondé, économique et philosophique, de la chose (j’ai assez tapé sur le salariat), le problème majeur est ici la brutalité du changement qui laissera inévitablement des millions de personne sur le carreau avec la certitude d’un contrecoup majeur pour la société dans sa globalité en termes de qualité de vie et de santé (et ne comptez pas trop vous enrichir non plus). 

L’économie rêvée des Gattaz et compagnie a besoin de prestataires, corvéables à merci et sur demande, qui se maintiennent eux-mêmes dans une concurrences tirant leurs tarifs vers le bas au lieu de penser collectif, et anesthésiant ainsi grâce au dieu marché toute velléité de révolte. Le tout sans "charges" ni responsabilités pour le donneur d'ordre.

Ça ne réduira pas le chômage mais on s'en fout, vu qu'il n'y aura plus de salariés, il n'y aura plus de chômeurs non plus. Ce seront "les miracles" anglais, allemand et américain enfin réunis sur sol français.

La loi El-Khomri est la phase deux du démantèlement concret du salariat commencée avec la propagation de l’auto-entreprise sarkozyste porte ouverte à l'uberisation joyeuse (du taxi pour le moment, et qui ira de l'école jusqu'au traitement de votre cancer). Sous prétexte de permettre à chacun de se créer une activité à moindre frais, l'auto-entreprise a surtout permis de nous faire travailler pour moins cher en renonçant de nous-mêmes à des droits sociaux, tout en nous sortant des statistiques du chomdu. 

La loi El Khomri est le sarcophage (côté salarié) du code du travail qui le protégeait tant bien que mal jusque-là. C’était un monde où le travailleur, enfin surtout ses prédécesseurs, avaient conquis des droits et allaient vers le progrès, en ayant le temps de bénéficier des fruits de leur labeur. Ce ne sera plus le cas, hors du champ « autorisé » de la consommation.

Il va de soit bien sûr que nous ne demandons pas 15 jours de réflexion pour mieux comprendre. Nous avons parfaitement compris ce que vous attendez de nous :

La ferme, active-toi, consomme où on te dit et péris sans bruit (mais à crédit). 

Articles connexes :

Les gueux et les geeks à l'assaut de la #loitravail ?



A défaut d'inverser les courbes, encore une fois, notre clairvoyant gouvernement innove et frappe fort : 

Augmenter les heures de travail des salariés va réduire le chômage. 

Imparable logique arithmétique de l'avant-projet de loi El-Khomri (certes légèrement murmurée par le MEDEF à l'oreille des nigauds gouvernementaux ne connaissant la vie de l'entreprise que via leur brèves excursions biannuelles en tour-opérator sous l’œil des caméras).

Et oui, encore lui, c’est bien ce gouvernement qui a déjà dilapidé 40 milliards (les vôtres) pour acheter 2000 pin’s nous allons créer 1 million d’emplois au dit MEDEF qui se mêle encore une fois d'économie et, pire encore, de temps de travail alors qu'il n'a visiblement que très peu de compétences pour la première et aucune expérience du second. 

Le projet de loi El-Khomri, c'est Orwell,  Philip K.Dick et Francis Veber réunis, avec le gouvernement dans le rôle de François Pignon dans le diner de cons. Sarkozy n'avait pas esquissé la moitié du tiers de ce que ce gouvernement goguenard est en train de détruire au nom du "progrès".

L'avant-projet El-Khomri est le rêve humide à portée de loi de tout ce que la droite n’a pas osé faire au pouvoir (par peur de la rue) en matière d’esclavagisation des masses. De l’idéologie en barre en surfant sur la culpabilisation de l’inactif ? Ça on commence à être habitué : trente ans que l'on vous assène que vous êtes une sous-merde si vous n'avez pas un boulot alors vous avez fini par l'intégrer.  Non, là où les socialistes en carton innovent un chouilla c'est sur la culpabilisation de l’actif. Définition de l'actif : privilégié pas assez productif et trop payé (imaginez que certains à moins de trente ans ont encore quelques euros en poche après avoir payé le loyer de leur colocation, c'est proprement scandaleux). Au passage, j'invite le MEDEF à lire cet article sur ce que coûte au final le "présenteisme" aux entreprises.

 J’ai beau avoir tapé sur les patrons ici même, la plupart de ceux que je rencontre depuis quelque temps (plutôt de la TPE, je reste timide) sont atterrées par la bêtise de cette loi qui ne créera pas un seul emploi tant elle tape à côté. Pire, grâce à elle, les autres boites, les grosses ou celles gérées par des salopards vont pouvoir s’autoriser à être encore plus dégueulasses sous couvert de "modernité" comme dirait Valls  (note que ça rime).  

Résumons à dix ans le paysage social français passé au tamis de la Tchatchérisation sauce Hollande : d'un côté les grosses boites avec leurs armadas d'experts fiscalistes et lobbyistes et qui se goinfreront toutes les aides publiques en pure perte, et les Uberisés de l'autre qui se feront baiser dans tous les sens, trop fiers d'être entrepreneurs (mais à 90h par semaine et sans protection, ce que ne vont pas tarder à devenir les salariés si les porn-libéraux, se servant du socialisme comme diversion pour passer les acquis sociaux au Round-up, poursuivent à ce rythme). Du côté des non-entrepreneurs ce sera plus simple : il y aura les travailleurs qui accepteront TOUT et les chômeurs qui n'auront RIEN. Bref, la société Vallso-macronoEl-Khomrinique ne sera pas celle de Trepalium, mais plutôt cellede Sacdecouchagium: ceux en sac de couchage sous les ponts, et ceux en sac de couchage qui dormiront au boulot.

Vient le bon côte des choses. 

Après ses erreurs, ses cascades de renoncements, de minables calculs politiciens, ces trahisons maladroites, celles assumées, le pouvoir pensait que cette abjection supplémentaire passerait toute seule entre une déchéance de nationalité et un procès de Cahuzac repoussé. Manque de bol le timing est aussi mauvais que le malaise profond : c'était les vacances. Il faut croire que pendant que l’élite de l’analyse économique skie, il ne reste aux crevards, chômeurs ou salariés, qu’une connexion internet pour se défouler. Le pouvoir et ses relais ne s’attendaient pas à une telle lever de boucliers : 8000000 signatures contre la loi travail recueillies sur internet en une semaine : sale coup pour "les modernes".

Ces jours-ci se joue non pas le futur du gouvernement ou l'énième retour de Martine Aubry (ou tout autre détail technique totalement inintéressant vers lequel le microcosme journalistique tend à réduire le débat), mais bien la direction vers laquelle nous voulons que la société aille. C'est plus un choix philosophique qu'économique (en termes d'économie, c'est un non-sens). Au cœur de nos désillusions et de nos abattements, de nos isolements, le passage ou non de cette loi est un test grandeur nature de résistance commune face à la prétentieuse et contreproductive crétinerie des dogmes libéraux. 

Et idéologiquement, ils ont déjà gagné beaucoup trop de batailles.   

[Update 11h59 : Au moment où j'écris cet article, j'apprends que le gouvernement va annoncer un report de la présentation du projet de loi Travail en Conseil des ministres d'après des sources gouvernementales de l'AFP.]>>> Un report n'est pas un retrait. Le combat s'inscrit dans la durée.



❌