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Conseil européen de printemps : qui va payer pour les armes ?…

Par : pierre

Le spectre d’un échec occidental en Ukraine a plané sur les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept réunis à Bruxelles les 21 et 22 mars. Au point que ce Conseil européen de printemps a été presque exclusivement consacré à la guerre et aux dossiers qui y sont liés.

« La Russie ne doit pas l’emporter » affirme la déclaration finale dès son premier paragraphe. Cette proclamation pourrait sembler banale de la part de l’UE. Pourtant, il y a quelques mois encore, les dirigeants européens ne jugeaient pas utile de la marteler, tant la victoire de Kiev, massivement soutenu par les Occidentaux, semblait aller de soi.

Désormais, l’ambiance a radicalement changé. L’armée russe avance, notamment sur le front du Donbass. Et les forces ukrainiennes paraissent chaque jour en plus mauvaise posture. Quelques jours avant le sommet, Emmanuel Macron résumait l’état d’esprit de la plupart de ses collègues : « si on laisse l’Ukraine seule, si on la laisse perdre cette guerre, la Russie menacera à coup sûr la Moldavie, la Roumanie, la Pologne ». Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, enchérissait peu après, dans le quotidien français Libération : « si nous n’apportons pas suffisamment d’aide à l’Ukraine pour arrêter la Russie, nous serons les suivants ».

Dans ces conditions, le sommet a pris des allures de conseil de guerre, sans cependant réussir à effacer les divergences et contradictions entre Etats membres. A propos notamment de cette question particulièrement sensible en période de restriction budgétaire : où trouver l’argent ?

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Portugal : vers un gouvernement de droite minoritaire…

Par : pierre

Le 10 mars, les 11 millions d’électeurs portugais étaient appelés à renouveler leur parlement. Les votes des Portugais de l’étranger n’ont pas encore été consolidés, mais ils ne devraient pas modifier les tendances.

Ce troisième scrutin en moins de cinq ans a été marqué par une forte augmentation de la participation : cette dernière s’est établie à 66,2%, un niveau certes modeste, mais à comparer aux 51,4% de janvier 2022, ou aux 48,6% d’octobre 2019.

Le grand perdant du scrutin est le Parti socialiste (PS), qui doit se contenter de 28,7% des suffrages, soit un plongeon de 13,8 points par rapport à son score de 2022. Une chute qui ne constitue pas une surprise, puisque le premier ministre issu de ses rangs, Antonio Costa (photo), avait été contraint de démissionner en novembre dernier en raison d’un nouveau scandale de corruption ayant touché son proche entourage politique.

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Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent…

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…). Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

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Le nouveau gouvernement polonais tiraillé entre Bruxelles et la colère des paysans…

Par : pierre

Paradoxale Pologne ! On décrivait son peuple comme frénétiquement pro-ukrainien, prêt à tout pour aider ses voisins de l’Est. On découvre que le gouvernement en place depuis décembre 2023, sous pression d’importantes manifestations de paysans, continue de bloquer les importations massives de céréales en provenance de Kiev.

Le nouveau premier ministre, Donald Tusk, ancien président du Conseil européen et donc très pro-UE, a accédé au pouvoir sous les acclamations de la Commission européenne ; l’on s’attendait donc qu’il suive la ligne de celle-ci de manière zélée. Pourtant, Varsovie n’a pas hésité à mettre en cause l’autorité de l’UE sur un deuxième dossier : le « Pacte vert ».

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Manu militari…

Par : pierre

Les déclarations d’Emmanuel Macron concernant la suite de la guerre en Ukraine ne sont pas passées inaperçues. A l’issue de la conférence qui a réuni à Paris, le 26 février, une vingtaine de ses homologues occidentaux, le président français n’a « pas exclu » l’envoi de troupes au sol pour soutenir l’armée ukrainienne en situation difficile.

Evoquant les travaux de ce sommet informel consacré aux moyens d’accroître l’aide militaire à Kiev, le maître de l’Elysée a notamment déclaré devant les journalistes : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol ; mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». Une phrase qui pourrait bien confirmer, indirectement, que des troupes spéciales occidentales seraient déjà en soutien sur place, mais de manière « non officielle et non assumée », ce qui constitue en réalité un secret de polichinelle.

« Mais rien ne doit être exclu, (car) nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre » a-t-il surtout ajouté. Et concernant la possible participation de troupes françaises à de potentielles opérations, le chef de l’Etat a précisé : « je n’ai absolument pas dit que la France n’y était pas favorable ». Ce qui constitue une formulation alambiquée pour en réalité ouvrir la porte.

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Donald Trump sème l’effroi au sein des dirigeants occidentaux…

Par : pierre

La scène se déroule le 10 février, en Caroline du Sud (Etats-Unis). Donald Trump est en campagne électorale pour les primaires républicaines, qu’il est désormais sûr de remporter ; et surtout pour le scrutin de novembre prochain, qui pourrait – peut-être – le faire revenir à la Maison-Blanche.

L’ancien président évoque, devant ses partisans chauffés à blanc, un de ses sujets favoris : il faut, martèle-t-il, que les Européens financent davantage à l’effort militaire transatlantique. Il raconte à cet effet une conversation – à l’évidence inventée – qu’il aurait eue avec un dirigeant du Vieux Continent. A celui-ci, qui l’interrogeait sur la protection de son pays qu’assurerait l’Oncle Sam en cas d’offensive russe, il aurait répondu : « si vous n’avez pas payé, non, je ne vous protégerais pas. En fait, je les encouragerais (les Russes) à faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos factures ».

En quelques heures, la phrase fait le tour du monde et provoque un véritable séisme au sein des chancelleries occidentales. L’ancien président américain faisait déjà figure d’épouvantail dans les milieux pro-atlantistes. Désormais, les pires cauchemars de ceux-ci sont en train de prendre corps. Ils n’ont pas manqué de hanter les deux réunions majeures qui se tenaient dans les jours suivants : celle des ministres de l’OTAN, puis la Conférence pour la sécurité de Munich, fréquentée chaque année par le gotha politico-militaro-diplomatique des dirigeants occidentaux.

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Conseil européen : Viktor à la Pyrrhus…

Par : pierre

Le 1er février, plus d’un millier de tracteurs convergeaient vers Bruxelles en provenance de différents pays de l’UE. Les agriculteurs voulaient ainsi prolonger la mobilisation qui s’est développée dans une dizaine de pays ces dernières semaines, notamment en Allemagne et en France.

La Commission a été contrainte d’annoncer des concessions notamment la mise au frigo de certaines dispositions du « Pacte vert », la diminution de la paperasserie bureaucratique, ou bien la suspension du processus devant aboutir à un traité de libre échange avec le Mercosur (quatre pays d’Amérique du sud).

Pour autant, le mouvement ne semble pas terminé. Des manifestations sont apparues ces jours-ci dans de nouveaux pays, comme l’Espagne et l’Italie. Car au-delà des revendications à court terme, les exploitants agricoles, notamment les petits et les moyens, ont un objectif fondamental : pouvoir vivre de leur travail plutôt que de subventions, et cela grâce à des prix rémunérateurs protégés de l’intenable concurrence mondiale.

Les organisateurs de la manifestation à Bruxelles n’avaient pas choisi la date au hasard. Les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement avaient en effet prévu ce jour-là un sommet extraordinaire. C’était donc l’occasion de se faire entendre au plus haut niveau, même si l’ordre du jour du Conseil, en l’occurrence le déblocage de dizaine de milliards d’euros en faveur de Kiev, n’avait que peu de rapport avec les revendications du monde rural.

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Les révoltes paysannes, qui se répandent au sein de l’UE, inquiètent Bruxelles…

Par : pierre

Un spectre hante l’Europe : celui d’une insurrection paysanne. Pour l’instant, l’affirmation ainsi formulée est sans doute exagérée ; mais un petit vent de panique fait présentement frissonner les bureaux de la Commission européenne et les gouvernements de nombreux Etats membres.

Allemagne, France, mais aussi Pays-Bas, Belgique, Espagne, Pologne, Roumanie et même la pourtant très disciplinée Lituanie : les agriculteurs se sont mobilisés ou se mobilisent encore pour défendre leur activité, et pour récupérer les moyens d’une vie digne.

En Allemagne, le mouvement, qui a connu un moment spectaculaire le 15 janvier lors de la convergence massive à Berlin de tracteurs et de manifestants, semble loin de retomber. Les paysans français ont démarré plus tard, mais la colère, qui était d’abord apparue mi-janvier à travers l’occupation d’une autoroute du sud du pays, s’est répandue en quelques jours comme une traînée de poudre. Voies de circulation bloquées, ronds-points occupés : le désespoir accumulé depuis des années a soudain explosé.

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Mythe de l’Europe-puissance, réalité des marchands de canons…

Par : pierre

Pacte de stabilité, politique migratoire, augmentation du budget communautaire pluriannuel, importations sans droits de douane des produits agricoles ukrainiens, élargissement, « Pacte vert »… La liste n’est pas exhaustive des dossiers sur lesquels les Vingt-sept s’écharpent, ouvertement ou plus discrètement.

Dans ce contexte pour le moins chahuté, le commissaire européen chargé du marché intérieur, le Français Thierry Breton, a-t-il trouvé un domaine qui fasse enfin consensus parmi les Etats membres ? Le 11 janvier, il a proposé de muscler l’« Europe de la Défense » – il serait plus exact de parler de l’Europe de l’armement – à travers la création d’un fonds doté de 100 milliards d’euros. La somme n’est pas tout à fait négligeable : si on la rapporte à la population vivant dans l’UE, elle représente plus de 200 euros par personne, bébés compris…

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Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure…

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

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Un sommet des faux-semblants…

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension…

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

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Bruxelles a vécu un automne électoral chaud…

Par : pierre

Plusieurs élections nationales ont marqué l’automne 2023. Dans trois cas en particulier, Bruxelles en redoutait le résultat. En Slovaquie et aux Pays-Bas, ces craintes se sont réalisées, au-delà même de ce qui était anticipé. En Pologne en revanche, les dirigeants européens ont poussé un soupir de soulagement, mais peut-être un peu imprudemment.

Dès lors que l’on tente de comparer plusieurs élections au sein de l’UE, la plus grande prudence s’impose : les Etats membres ne sont pas des Bundesländer d’un pays unifié, et possèdent des cultures politiques très différentes. C’est du reste la raison pour laquelle il ne peut exister un « peuple européen ».

Cependant, cela n’interdit pas de repérer certains points communs parmi les récents résultats. A commencer par le succès de partis qui affichent des positions critiques vis-à-vis de l’intégration européenne. Que les auteurs de ces promesses ou discours électoraux soient sincères est une autre question. Ce qui compte ici est l’état d’esprit que les électeurs ont voulu exprimer, non la bonne foi des politiciens.

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Séisme politique aux Pays-Bas, consternation à Bruxelles…

Par : pierre

Un tremblement de terre politique aux Pays-Bas. Et une profonde consternation à Bruxelles. Tels sont les premiers enseignements du verdict des électeurs néerlandais qui étaient appelés aux urnes le 22 novembre, deux ans avant l’échéance normale. Ceux-ci ont été 77,8% à se déplacer (contre 82,6% lors du scrutin de 2021).

Le triomphe du Parti pour la liberté (PVV) constitue l’élément marquant du scrutin ; il a pris de court responsables politiques et commentateurs. Cette formation avait été fondée en 2006 par l’ancien libéral Geert Wilders qui en est toujours le dirigeant emblématique.

Souvent étiqueté d’extrême droite ou populiste, ouvertement islamophobe, il a fait du combat contre l’immigration son cheval de bataille. Mais il plaide aussi pour la reconquête de la souveraineté nationale – un référendum sur la sortie de l’Union européenne figure dans son programme, même si ce point a été peu mis en avant pendant la campagne. Si l’on ajoute qu’il souhaite stopper les livraisons d’armes à l’Ukraine et qu’il s’oppose au catastrophisme climatique, on comprend qu’il effraye au plus haut point les dirigeants de l’UE.

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L’improbable horizon de l’élargissement…

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

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Nouvelles bisbilles au sommet : sur les gros sous, et sur Gaza…

Par : pierre

Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept qui s’est déroulé les 26 et 27 octobre est passé (presque) inaperçu. Il a pourtant apporté un nouveau lot de dossiers sur lesquels les Vingt-sept laissent apparaître leurs divisions. Après l’énergie, l’immigration et l’élargissement, deux domaines – et non des moindres – risquent de s’avérer explosifs : les questions de gros sous, et la politique extérieure notamment face au Moyen-Orient.

Le premier point n’est pas vraiment nouveau : l’élaboration du « cadre financier pluriannuel » provoque, tous les sept ans, des bras de fer homériques entre les Etats membres. Schématiquement, les pays baptisés « radins » par Bruxelles (les Pays-Bas, l’Autriche, les Nordiques…) tentent de réduire au maximum le budget communautaire, auquel ils apportent une contribution nette ; tandis que les pays, souvent à l’Est, qui reçoivent plus qu’ils ne payent, militent au contraire pour une expansion des dépenses.

Cette fois cependant, c’est particulier : il s’agit d’amender le budget en cours (qui couvre la période 2021-2027). Et c’est la Commission européenne qui est à l’initiative. Celle-ci pointe en effet l’écart croissant entre les recettes initialement prévues, et les nouvelles ambitions affichées par l’UE.

Bruxelles plaide ainsi pour « renforcer la compétitivité européenne » face au soutien public massif que les Etats-Unis offrent aux entreprises présentes sur leur sol, notamment (mais pas seulement) dans les « industries vertes ». Des aides tellement attrayantes que de nombreuses grandes firmes européennes préparent ou envisagent des délocalisations outre-Atlantique, quitte à sacrifier des dizaines de milliers d’emplois sur le Vieux continent. Montant de cette rallonge réclamée par Bruxelles pour ladite « compétitivité » : 10 milliards d’euros, au grand dam de Berlin et de La Haye.

La Commission veut aussi 15 milliards supplémentaires pour financer la régulation des flux migratoires – un dossier sur lequel les Vingt-sept ne cessent de s’écharper. Autre point litigieux : le surplus de financement qui s’annonce nécessaire avant de faire entrer les pays candidats au sein de l’UE.

Mais c’est l’« aide » à Kiev qui constitue le plus lourd dossier, pour lequel les contribuables des Etats membres risquent d’être le plus ponctionnés. C’est aussi celui auquel le sommet consacre les trois premières pages de ses conclusions… quelques jours après l’embrasement du Moyen-Orient. On peut notamment lire : « l’Union européenne continuera de fournir un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine et à sa population aussi longtemps qu’il le faudra ».

La rallonge budgétaire est chiffrée à 50 milliards d’euros, auxquels devraient s’ajouter, hors budget, 20 milliards d’aide strictement militaire (équipements, munitions, formations et entraînements). Cependant, l’unanimité n’est plus tout à fait de mise : les premiers ministres hongrois et slovaque ont annoncé leur opposition. On saura en décembre – échéance à laquelle la modification budgétaire devrait être adoptée – s’ils joignent le geste à la parole.

Bref, au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… Rien que ça ! Le tiers serait emprunté sur les marchés financiers, alors même que, notamment du fait des décisions de la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt grimpent en flèche (ce qui entraîne déjà un accroissement considérable du coût de l’emprunt communautaire de 2020 finançant le plan de relance). Et les deux tiers des 100 milliards seraient financés par des contributions des Etats membres.

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L’«isolement» change de camp…

Par : pierre

A l’Ouest, on s’inquiète. Bien sûr, cela fait longtemps que les dirigeants occidentaux ont compris que leur rêve d’hégémonie sur le monde allait se heurter à des obstacles qu’ils n’imaginaient pas au début des années 1990, lors de l’effacement de l’Union soviétique.

Mais dans les deux dernières années, et plus encore ces derniers mois, le rythme de leurs échecs et déconvenues s’est accéléré. En 2022, le retrait en catastrophe des forces américaines d’Afghanistan en constituait un symbole marquant. Et en 2023, les militaires français étaient contraints de se replier – certes de manière ordonnée – du Mali, du Burkina Faso, puis du Niger.

Les revers militaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur le plan diplomatique, les déceptions, voire les fiascos se succèdent. Lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, Washington et ses alliés étaient sûrs d’être suivis dans leur condamnation de Moscou. Ils escomptaient une indignation unanime, et donc un alignement général sur leur posture guerrière.

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Pologne : vers le retour de Tusk ?…

Par : pierre

Ces derniers mois, Bruxelles a très rarement eu l’occasion de se réjouir. Les dirigeants européens n’ont donc pas boudé leur plaisir à l’annonce des résultats des élections en Pologne. Le 15 octobre, 30 millions d’électeurs y étaient appelés aux urnes. 74,4% d’entre eux ont voté, soit 12,8 points de plus qu’en 2019. Il s’agit d’un record de participation depuis 1989. La hausse du vote des femmes, et plus encore des jeunes, y a fortement contribué.

La campagne avait été très polarisée, coupant le pays en deux : d’un côté les partisans de la coalition sortante menée par le PiS (ultra-conservateur à affichage social, et nationaliste) ; de l’autre trois alliances d’opposition ayant en commun de vouloir faire tomber le PiS au pouvoir depuis huit ans, et proclamant toutes leur fidélité indéfectible à l’intégration européenne.

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« Fatigue de la guerre » parmi les peuples, et querelles au sommet…

Par : pierre

La « fatigue de la guerre » commence à apparaître parmi les peuples, notamment dans les différents pays de l’UE. Ce n’est pas les Russes qui le disent, mais les dirigeants européens. Ceux-ci s’en inquiètent de plus en plus. Car le soutien « sans faille et inconditionnel » à Kiev, « aussi longtemps qu’il sera nécessaire », est l’un des principaux credos de Bruxelles.

Coût de l’énergie, manque à gagner en exportations, baisse du niveau de vie : même si beaucoup de citoyens sont loin de mesurer l’ampleur du lien entre les sanctions anti-russes et leurs conséquences économiques et sociales en Europe, l’hostilité au coût de la guerre se fait jour.

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Slovaquie : les électeurs donnent des sueurs froides à Bruxelles…

Par : pierre

La présidente slovaque avait lancé un cri d’alarme quelques jours avant le 30 septembre, date à laquelle les 4,4 millions d’électeurs devaient renouveler leurs 150 députés : il s’agira d’un « vote de destin », qui déterminera « si les Slovaques veulent conserver leur démocratie et leur orientation pro-occidentale » avait estimé la très pro-européenne Zuzana Caputova.

Malgré – ou peut-être en partie grâce à – cet avertissement, les électeurs ont offert une victoire d’ampleur inattendue à la bête noire de Bruxelles, l’ancien premier ministre Robert Fico (photo, ici lors d’un Conseil européen en 2017). Avec 23% des suffrages (dans un scrutin marqué par une participation de 68,5 %, en hausse de 2,1 points par rapport à 2020), son parti, le SMER-SD gagne 4,8 points et arrive largement en tête, bien au-delà de ce qu’avaient prédit les sondages.

Toujours officiellement affilié au Parti socialiste européen, mais très peu en odeur de sainteté au sein de ce dernier, le SMER-SD avait mené une campagne radicale sur plusieurs thèmes, dont l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine, et la critique virulente des sanctions européennes contre la Russie.

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Trois élections à hauts risques pour Bruxelles…

Par : pierre

La perspective de trois élections nationales d’ici la fin de l’année commence à donner des sueurs froides aux partisans de l’intégration européenne : le 30 septembre en Slovaquie ; le 15 octobre en Pologne ; et le 22 novembre aux Pays-Bas.

Dans ce dernier pays, il s’agira d’un scrutin anticipé : une crise politique a causé, le 7 juillet dernier, la chute du gouvernement dirigé par le Libéral Mark Rutte – à la tête de son pays depuis 2010 – et l’éclatement de la coalition qui associait aux Libéraux les chrétiens-démocrates, le D66 (sociaux-libéraux) et un parti de fondamentalistes protestants.

A Bruxelles, on regarde toujours avec inquiétude ce petit pays fondateur de l’UE…

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Macron, l’Europe, et les dures réalités…

Par : pierre

Le 28 août, Emmanuel Macron a prononcé son discours annuel devant les ambassadeurs de France réunis à Paris. C’est l’occasion traditionnelle pour le chef de l’Etat de définir ou de préciser les grandes orientations du pays en matière de politique étrangère.

Cette intervention a été peu commentée, hormis le passage concernant l’Afrique, actualité oblige. Il est pourtant intéressant d’analyser les glissements de langage et de posture à propos de l’Union européenne. Bien sûr, l’hôte de l’Elysée, qui avait initialement pris ses fonctions au son de l’« hymne européen », poursuit les grands discours enthousiastes en faveur de toujours plus d’intégration européenne.

Il multiplie les expressions telles que « agir en Européens », « travailler en Européens », et ne manque pas de répéter « notre Europe ». Il en appelle toujours à la « souveraineté européenne » (un oxymore qu’il avait inventé en 2017) ; mais il ajoute désormais « et française ». Surtout, au-delà des louanges de principe, force est de constater que la plupart des domaines qu’il cite recouvrent des problèmes, concentrent ses critiques, ou constituent des contradictions entre les Vingt-sept Etats membres, voire des blocages.

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Parmi les soutiens de Kiev, le réalisme gagne du terrain…

Par : pierre

Stupeur, désarroi et indignation : les commentateurs réunis le 16 août sur le plateau de LCI ne cachaient pas leur fureur au lendemain des propos tenus la veille par le chef de cabinet du secrétaire général de l’OTAN.

Interviewé par le journal norvégien Verdens Gang, Stian Jenssen avait notamment évoqué une « solution pour l’Ukraine » qui consisterait à ce que celle-ci « cède du territoire (à la Russie) et obtienne en retour son adhésion à l’OTAN ». Et il précisait même : « cette discussion est déjà en cours » au sein de l’Alliance.

Évidemment, à ce stade, cette perspective est inacceptable tant pour Moscou que pour de nombreux gouvernements occidentaux. Mais qu’une piste autre qu’une victoire totale de Kiev ait été évoquée par un haut responsable a littéralement déstabilisé les « experts » régulièrement invités pour faire l’exégèse de la guerre et de ses enjeux.

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Niger : les Occidentaux inquiets de perdre une carte majeure au Sahel…

Par : pierre

Les pays voisins du Niger vont-ils intervenir militairement dans ce pays ? C’est la menace qu’a brandie la Cedeao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), le 31 juillet, cinq jours après qu’une junte, dirigée par le général Tiani, eut pris le pouvoir à Niamey, la capitale. Une menace soutenue par Paris, qui ne souhaite pas apparaître trop directement, mais qui redoute de devoir retirer les troupes françaises sur place – 1 500 hommes environ, ainsi que du matériel et des équipements lourds et sophistiqués.

Outre la mise en place de sanctions économiques, la Cedeao avait fixé un ultimatum qui expirait le 6 août. Elle exigeait la libération du président déchu, Mohamed Bazoum, et le « rétablissement de l’ordre constitutionnel ». Pour l’heure, la possibilité d’une telle action armée reste toujours sur la table, mais elle apparaît comme de moins en moins probable.

D’abord parce que le soutien populaire au régime militaire se renforce. Ensuite parce que…

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Derrière l’affaire Scott-Morton, le dogme de la sacro-sainte concurrence ébranlé ?…

Par : pierre

Les polémiques politiques et le brouhaha médiatique se sont désormais estompés. On peut donc prendre un peu de recul sur la nomination, puis le renoncement, de Fiona Scott Morton au poste de chef économiste auprès du commissaire européen à la Concurrence, la Danoise Margrethe Vestager (à droite sur la photo).

Le 11 juillet, cette dernière annonçait qu’elle avait trouvé l’oiseau rare pour cette fonction déterminante : une Américaine issue de la prestigieuse université de Yale, spécialiste du droit de la concurrence ayant exercé ses talents au service du gouvernement Obama, puis comme consultante pour le compte, entre autres, d’Apple, d’Amazon et de Microsoft.

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Du sommet de l’UE à celui de l’OTAN, les divergences entre Occidentaux se confirment…

Par : pierre

A la veille du sommet de l’OTAN des 11 et 12 juillet, les Occidentaux sont divisés sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique, mais aussi à l’UE. Dans ce dernier cas, les différences se sont fait jour lors du Conseil européen des 29 et 30 juin sur ce dossier, mais des querelles se sont surtout confirmées sur plusieurs autres thèmes, dont les politiques migratoires.

Heureusement qu’il y a l’Ukraine : au moins les Vingt-sept ont-ils ainsi un dossier pour lequel ils peuvent se réjouir d’un consensus… En réalité, cette affirmation n’a jamais été complètement exacte. Car la Hongrie a toujours fait entendre sa différence face à l’agressivité anti-russe caricaturale dont l’UE fait preuve depuis – au moins – février 2022.

Certes, Budapest a entériné les onze paquets de sanctions successifs visant Moscou. Mais le premier ministre, Viktor Orban, prône plutôt une désescalade, et a freiné ou limité un certain nombre de mesures restrictives que ses vingt-six partenaires auraient voulu imposer. Ce qui n’a pas manqué d’agacer au plus haut point certains de ceux-ci. Globalement cependant, l’UE pouvait se vanter de son « unité » face à l’« agresseur » désigné.

Après le Conseil européen des 29 et 30 juin (au déjeuner duquel s’est joint le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg – photo), cette unité sur ce dossier et sur ces conséquences est apparue fragilisée.

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La CPE, objet politique non identifié…

Par : pierre

Le deuxième sommet de la « Communauté politique européenne » (CPE) s’est déroulé le 1er juin près de Chisinau, la capitale de la Moldavie. Quarante six chefs d’Etat ou de gouvernement étaient présents. Les dirigeants des Etats membres de l’UE ont donc côtoyé ceux d’une vingtaine d’autres pays du Vieux continent. Une réunion de la « famille européenne », se sont réjoui les organisateurs. Comme lors de sa première édition, seules la Russie et la Biélorussie avaient d’emblée été exclues.

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Syriza, grand perdant des élections grecques…

Par : pierre

Le scénario que prévoyaient de nombreux analystes politiques est bel et bien advenu : au terme des élections générales qui se sont déroulées en Grèce le 21 mai, le parti du Premier ministre sortant, Nouvelle Démocratie (ND, droite classique), est arrivé largement en tête, mais sans cependant disposer de majorité absolue dans le nouveau Parlement.

Kyriakos Mitsotakis ayant exclu un gouvernement de coalition, les 9 millions d’électeurs grecs vont très probablement retourner aux urnes, sans doute le 25 juin. Selon la loi électorale du pays en effet, le parti arrivé en tête bénéficiera lors de ce second scrutin d’un bonus de sièges, ce qui devrait permettre au chef du gouvernement de se succéder à lui-même ; et peut-être même d’obtenir un majorité qualifiée (soit 180 sièges sur 300) susceptible de lancer des changements constitutionnels.

M. Mitsotakis a ostensiblement triomphé le soir du vote, évoquant même un « séisme politique » en sa faveur. Une affirmation exagérée : avec 40,8% des suffrages, ND ne gagne que 0,9 point par rapport au scrutin de 2019. Mais il est vrai que les ultimes sondages ne lui accordaient que moins de 35% d’intentions de vote.

Le véritable événement du scrutin, en revanche, est la déculottée subie par le parti Syriza, que certains continuent, contre toute vraisemblance, à étiqueter « gauche radicale ». Avec 20,1%, le mouvement dirigé par Alexis Tsipras chute de 11,5 points par rapport à 2019 où il avait pourtant été battu au terme de quatre années à la tête du gouvernement.

Un grand nombre de ses électeurs ne lui avaient alors pas pardonné de s’être fait élire en janvier puis septembre 2015 en promettant de rompre avec l’austérité, et d’avoir finalement mis en œuvre cette dernière sous pression de l’Union européenne et du FMI (photo). Manifestement, M. Tsipras n’a pas regagné leur confiance. Syriza n’a effectué aucune autocritique sérieuse de ce qui est toujours ressenti comme une trahison.

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Bulgarie, Slovaquie, voire Tchéquie, et bien sûr Hongrie : l’Europe centrale inquiète Bruxelles

Par : pierre

A l’Est, du nouveau ? Alors que les dirigeants de l’UE ne cessent de renforcer leur appui à Kiev, les perspectives politiques dans certains pays d’Europe centrale commencent à leur donner des sueurs froides. Cela vaut en Bulgarie, en Slovaquie, voire en République tchèque, tandis que la Hongrie reste le mouton noir honni par Bruxelles.

La Bulgarie n’a toujours pas de gouvernement de plein exercice. Les électeurs étaient appelés aux urnes le 2 avril dernier… pour le cinquième scrutin consécutif depuis 2021. Cette fois encore, aucune majorité parlementaire claire ne s’est dégagée.

Pour simplifier, le pays – en proie à d’immenses difficultés économiques et sociales, et où la pauvreté est endémique – voit s’affronter deux coalitions aussi atlantistes l’une que l’autre, mais qui ont toujours exclu de s’allier, du moins jusqu’à présent.

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« Macron est-il devenu fou ?… »

Par : pierre

Lors de son vol le ramenant de Pékin à Paris, le 7 avril, le président français a lâché quelques phrases qui ont provoqué une onde de choc dans les milieux les plus atlantistes – en France, en Europe, et aux Etats-Unis.

Evoquant la question de Taïwan – une île que la Chine considère comme faisant partie de son territoire, mais dirigée depuis sept décennies par des forces très liées à Washington – Emmanuel Macron a en substance plaidé pour que, dans ce dossier, l’Union européenne ne soutienne pas aveuglément les Etats-Unis, aujourd’hui engagés dans une escalade de confrontation avec Pékin.

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La fable merveilleuse de la jungle, du jardin, et de la sobriété (éditorial du 27/10/22)

Par : pierre

Vers une tempête sociale ? Une mobilisation populaire d’ampleur ne se décrète, ni ne se prédit. Mais à l’évidence, un tel spectre hante la Macronie, de même que de nombreux dirigeants d’autres pays de l’UE.

La baisse du pouvoir d’achat torture le monde du travail. Les prix de l’énergie sont au cœur des inquiétudes. Indissociable de l’idéologie écologiste, voire de décroissance, le concept de « sobriété » connaît une fortune soudaine. Mais qu’est-ce donc, sinon une version post-moderne de l’austérité ? Ce qu’a involontairement avoué Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, lorsqu’elle déclara : « on ne demandera jamais à des Français en situation de sobriété subie de faire des économies ». Merveilleux néologisme : ne dites plus « pauvre », mais « en situation de sobriété subie »…

Dès lors, la profession de foi d’Élisabeth Borne prend tout son sens : « la sobriété est une nouvelle manière de penser et d’agir », a martelé le premier ministre. Au moins, c’est clair. Il y a bien une continuité entre le refus d’augmenter décemment les fonctionnaires – une décision qui dépend du gouvernement (sous contrainte budgétaire européenne) – et les exhortations sans fin à restreindre le chauffage ou à délaisser les ascenseurs au profit des escaliers (suggestion faite dans plusieurs cités HLM)… Pour sa part, La Poste vient de publier « l’évolution des offres courrier » : à compter de janvier 2023, la norme devient une distribution à J+3 ; et pour les plis urgents, ça sera J+2, à prix d’or. Jadis, le plus vieux service public du pays s’enorgueillissait d’acheminer une lettre en une seule journée d’un village proche de Dunkerque à la banlieue de Perpignan. Mais désormais, marche arrière toute : il s’agit de sauver la planète, selon le discours accompagnant l’annonce…

Indissociable de l’idéologie écologiste, voire de décroissance, le concept de « sobriété » connaît une fortune soudaine

Inflation effrénée, services publics en lambeaux et plus généralement progrès historiquement inversé – décidément tout va bien. C’est en tout cas ce que semble penser Josep Borrell, sans ironie aucune. Discourant le 13 octobre devant le collège européen de Bruges, le chef de la politique extérieure communautaire a osé : « l’Europe est un jardin. Tout fonctionne. C’est la meilleure combinaison de liberté politique, de prospérité économique et de cohésion sociale que l’humanité ait pu construire »…

L’ancien ministre espagnol (socialiste) des affaires étrangères ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Ce merveilleux jardin d’Eden dans lequel se prélassent douillettement les Européens est menacé, car « la plupart du reste du monde est une jungle, et la jungle pourrait envahir le jardin ». Décidément, l’arrogance candide fait le charme des hommes de Bruxelles… Face aux barbares qui menacent d’envahir notre paradis européen, M. Borrell écarte la construction de murs, et propose une alternative bien plus prometteuse : « les jardiniers doivent aller dans la jungle. Les Européens doivent être beaucoup plus engagés avec le reste du monde. Sinon, le reste du monde nous envahira, de différentes manières et par différents moyens ».

Cet « engagement » que préconise le haut-représentant est manifestement diplomatique mais aussi militaire. En témoigne entre autres la Facilité européenne pour la paix (!), fonds finançant le soutien armé aux régimes amis face aux sauvages de la jungle. Et grâce auquel Kiev, en particulier, est gavé d’armements toujours plus massifs et sophistiqués (une sixième tranche de 500 millions vient de porter le total à 3,1 milliards). S’il restait un doute sur la manière dont les dirigeants de l’UE entendent policer la jungle, Josep Borrell s’emploie à le lever : « après la guerre (en Ukraine), ce sera une période d’instabilité et nous devrons construire un nouvel ordre de sécurité. La façon dont nous intégrons la Russie – la Russie post-Poutine – dans cet ordre mondial est quelque chose qui demandera beaucoup de travail ».

La « Russie post-Poutine » ? Bruxelles s’attribue donc le droit de décider de la légitimité du président russe, voire de contribuer à écarter l’actuel titulaire. Il est vrai que ce dernier vient de rappeler aux dirigeants européens que Moscou est disponible pour fournir – notamment via NordStream 2, sorti indemne d’un sabotage – autant de gaz qu’ils le souhaitent, il suffit qu’ils ouvrent les robinets de leur côté. Ce qui constituerait un puissant coup de frein au choc énergétique, et écarterait ainsi les perspectives de tsunami économique et social.

Mais cela reviendrait à une levée des sanctions européennes. Pour Bruxelles, pas question.

Et vive donc la sobriété !

Pierre Lévy

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Chaud effroi (éditorial paru dans l’édition du 27/09/22)

Par : pierre

Y aura-t-il du courant à Noël ? Pour peu que les centrales nucléaires en maintenance reviennent vite en service et que la météo soit clémente (vive le réchauffement…), les interruptions de service sont peu probables, rassure le Réseau de transport d’électricité. A condition toutefois de se plier aux consignes de « sobriété » – autrement dit d’austérité – qu’édicte le gouvernement. Ainsi, un des pays les plus avancés de la planète en est réduit, au vingt-et-unième siècle, à évoquer le black-out, et à ordonner de baisser le chauffage… Il fallait bien un président « progressiste » pour accompagner cette régression d’échelle historique. Avec la sombre désinvolture qui fait son charme, Emmanuel Macron a ainsi prophétisé « la fin de l’abondance »…

Difficultés d’accès aux hydrocarbures, hausse vertigineuse des cours : une crise énergétique d’ampleur sans précédent s’accélère en Europe, dont les conséquences économiques et sociales pourraient bien faire figure de tsunami. Trois facteurs notamment sont à l’œuvre. Le premier d’entre eux est « systémique », diraient les linguistes bruxellois : l’avènement de la loi du marché. Celle-ci n’a pas toujours régi le commerce du gaz en particulier. Naguère, des contrats à long terme assuraient aux Etats producteurs des revenus stables, et aux acheteurs des prix bas. C’était avant que la fourniture de l’or bleu ne soit libéralisée, parallèlement à la déréglementation des ex-monopoles publics – une des réalisations phares de l’Union européenne.

Le deuxième facteur a trait au mot d’ordre désormais commun aux élites mondialisées : la réduction des émissions de CO2. Ainsi, le système d’échange européen des quotas carbone vise à renchérir délibérément l’utilisation, mais aussi la production, d’énergie carbonée. Au point que le gouvernement socialiste espagnol – qu’on ne peut soupçonner d’être « climatosceptique » – plaide pour que cette écotaxe, elle aussi régie par les mécanismes de marché et qui a bondi, soit gelée. Sans succès.

Enfin, le troisième facteur est celui qui a mis le feu aux poudres : les sanctions édictées par les dirigeants européens contre Moscou. L’UE a fait le choix politique de boycotter le charbon puis le pétrole russe, et menaçait de faire de même pour le gaz, avant que le Kremlin ne prenne les devants à titre de contre-sanction, en restreignant drastiquement les flux livrés par gazoduc. Résultat : le cours de l’or bleu – pour lequel les Vingt-sept cherchent désespérément des fournisseurs alternatifs – a été multiplié par douze en moins d’un an, entraînant une hausse faramineuse du prix de l’électricité.

Il faut dès lors tout l’aplomb d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour faire porter la responsabilité de la crise énergétique sur la Russie : celle-ci aurait volontiers, guerre ou pas, poursuivi ses livraisons si Bruxelles ne s’était pas juré de mettre son économie à genoux. Mais il semble que les peuples, confrontés à la chute brutale du pouvoir d’achat et aux restrictions qui se profilent, soient de moins en moins dupes : de Prague à Leipzig et d’Athènes à Naples en passant par Bruxelles, des manifestations se font jour, réclamant des pourparlers avec Moscou plutôt que le soutien inconditionnel à Kiev, voire l’ouverture du gazoduc Nord Stream II – une perspective dont Bruxelles ne veut pas entendre parler.

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois

Et même en France, ou pourtant ni la Nupes ni les syndicats n’osent mettre en cause le principe de punir Moscou, les élites s’inquiètent : « le doute et la lassitude menacent de s’installer », s’alarme avec effroi un récent éditorial du Monde (13/09/22). Celui-ci éprouve donc le besoin de marteler que les sanctions sont nécessaires « et fonctionnent ». La guerre en Ukraine serait-elle donc en passe de prendre fin ? Nullement. Mais la Russie « n’en est qu’au début d’un long calvaire », jubile discrètement le quotidien, dévoilant ainsi involontairement le véritable objet de celles-ci.

Surtout, « changer de cap sur les sanctions reviendrait à conforter Vladimir Poutine dans sa vision d’une Europe pleutre et incapable de tenir sa place dans l’histoire », argue Le Monde, ajoutant que « dévier de cette trajectoire (…) pourrait être fatal au projet européen ». Il faut donc tenir le cap, fût-ce au prix de « notre confort énergétique et notre prospérité économique ».

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois. Si cette froide vérité se répandait plus largement, l’hiver pourrait bien être chaud.

Pierre Lévy

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Bulgarie : bientôt les quatrièmes élections en un an et demi

Par : pierre

Les électeurs bulgares seront à nouveau appelés aux urnes le 2 octobre prochain. Ce sera la quatrième fois en dix-huit mois, puisque des élections générales ont déjà eu lieu en avril, juillet, puis novembre 2021. Les deux premiers scrutins n’avaient pu dégager aucune majorité parlementaire ; le dernier avait enfin permis que se constitue une coalition de quatre partis, mais l’attelage était fragile. Il a finalement déraillé lors de l’adoption, le 22 juin, d’une motion censure à la faveur de la défection d’un des quatre partenaires.

Le 14 novembre 2021, seulement 38,6% des inscrits s’étaient déplacés pour voter, afin de renouveler le parlement, mais également de désigner le président de la République. Il n’est pas certain que l’échéance d’octobre prochain mobilisera beaucoup plus fortement. Le pays, déjà considéré comme le plus pauvre de l’Union européenne, est confronté à une situation économique et sociale alarmante ; il est également l’objet de tensions géopolitiques exacerbées par la guerre en Ukraine.

La Bulgarie a été gouvernée de 2009 à 2021 quasiment sans interruption par le parti GERB (« citoyens pour le développement européen de la Bulgarie »), dit de centre-droit et affilié au Parti populaire européen (PPE, qui compte parmi ses membres la CDU/CSU). Son chef, Boïko Borissov, un ancien garde du corps, a toujours mis en œuvre de manière zélée les orientations préconisées par Bruxelles, tout en déployant ouvertement et sans complexe une stratégie clientéliste dans un pays où l’achat de voix est monnaie courante.

Avec 22,7% des suffrages en novembre 2021, le GERB chutait de 10 points par rapport au scrutin de 2017. M. Borissov achevait ainsi une dégringolade de popularité amorcée en 2019 lorsque plusieurs de ses amis politiques ont été impliqués dans de vastes scandales immobiliers ; cette dégringolade s’est accélérée lors des manifestations anti-corruption qui avaient mobilisé la classe moyenne dans la capitale à l’été 2020.

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement dont les deux dirigeants sont de jeunes hommes d’affaires formés aux États-Unis

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement, baptisé Continuons le changement (PP), dont les deux dirigeants ont en commun d’être de jeunes et sémillants hommes d’affaires formés aux Etats-Unis (Harvard). Kiril Petkov (né au Canada) et Assen Vassilev étaient ministres respectivement de l’Economie et des Finances du gouvernement intérimaire formé en mai 2021. Ils ont fait campagne avec pour premier cheval de bataille la lutte contre la corruption, mais aussi l’engagement de ne pas augmenter les impôts et d’attirer les capitaux étrangers.

Avec 25,7% des suffrages, alors que ce parti n’existait pas quelques mois plus tôt, la formation classée « centriste » est sortie vainqueur et a propulsé M. Petkov comme chef d’un gouvernement formé en décembre 2021. PP s’est en effet allié sans difficulté avec la coalition libérale-écolo Bulgarie démocratique (DB), également pro-business et pro-UE. Le Parti socialiste (BSP) a rejoint cette coalition.

Le quatrième partenaire était mouvement baptisé Un tel peuple existe (ITN), issu (comme PP et d’autres groupes) de la mobilisation anti-corruption de l’été 2020. Après un succès remarqué en avril 2021, ITN dégringolait finalement dans les urnes en novembre 2021. Une chute due à la personnalité fantasque et égocentrique de son fondateur, le chanteur à succès Stanislas Trifonov, flamboyant adversaire de la vaccination, et lui aussi partisan déclaré de l’ancrage du pays dans l’UE et l’OTAN. C’est lui qui a finalement fait chuter le cabinet en juin dernier.

L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans est un sujet qui traîne depuis des années

Officiellement, des désaccords budgétaires l’ont opposé au premier ministre (ce dernier le soupçonnant de réclamer des crédits de manière clientéliste), mais M. Trifonov a surtout joué sur la corde nationaliste : il a dénoncé l’accord en préparation – espéré avec impatience par Bruxelles – entre la Bulgarie et la Macédoine du Nord voisine. Skoplje (la capitale de ce dernier pays) attend désespérément depuis 2005 le lancement des négociations d’adhésion à l’UE. Celles-ci ont longtemps été bloquées par la Grèce avant que celle-ci ne lève son veto en 2018 ; mais le démarrage du processus d’adhésion a ensuite été empêché par Sofia, qui considère que la Macédoine est d’histoire et de culture bulgares, et qu’y vit une minorité bulgare non reconnue.

L’affaire peut paraître byzantine vue de l’ouest de l’Europe, mais elle a des implications très actuelles. L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans (processus où la Serbie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine se trouvent à des étapes diverses) est un sujet qui traîne depuis des années, mais qui a pris une nouvelle acuité lorsque les dirigeants européens ont considéré que, faute d’avancées significatives de cet « élargissement » de l’UE, la Russie (voire la Turquie et la Chine) risquait de regagner en influence dans la région.

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE – tout en mesurant les obstacles économiques et institutionnels. Du fait de ces obstacles, les adhésions formelles ne sont pas envisageables avant de nombreuses années (l’UE pourrait bien avoir disparu d’ici là…).

Le dossier est d’autant plus sensible que les Vingt-sept ont, en juin, octroyé officiellement à l’Ukraine (et à la Moldavie), le statut de pays candidat, en un temps record, ce qui a alimenté amertume et jalousies parmi les dirigeants des pays qui patientent depuis des années…

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles, même si le conflit entre Sofia et Skoplje a évolué le 25 juin par un vote parlementaire vers un possible déblocage.

Pire pour les dirigeants de l’UE, le prochain scrutin bulgare pourrait bien voir des partis considérés comme « pro-russes » se renforcer. Dans un pays de culture slave et orthodoxe, et longtemps membre du Pacte de Varsovie, la Russie, historiquement alliée, continue d’être vue avec sympathie par une part non négligeable de la population. Le président de la République, un ancien général sans appartenance politique, a été réélu brillamment en novembre. Il passe pour nourrir une certaine sympathie pour Moscou, et était soutenu par le Parti socialiste, lui-même soupçonné d’être anti-OTAN par les Occidentaux.

De fait, le gouvernement pourtant pro-occidental de M. Petkov n’a pas pu, du fait de l’opposition du BSP en son sein, trouver un compromis permettant l’envoi d’armes aux dirigeants ukrainiens. L’attachement à la Russie (mais aussi à l’ex-Union soviétique) d’une partie du peuple bulgare représente donc bien une inquiétude pour Bruxelles, que M. Petkov avouait à sa manière, dans une interview récente : « nous avons été pendant très longtemps l’objet de la propagande russe, il faut donc du temps pour faire évoluer les mentalités ». Il rappelait à cette occasion qu’il avait décidé de limoger son premier ministre de la défense, une personnalité indépendante jugée trop proche de Moscou.

Les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie

Mais, si cruciaux que soient les enjeux géopolitiques, les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie. La Bulgarie a adhéré à l’Union européenne en 2007, ce qui a enclenché l’ouverture progressive des frontières permettant une « libre circulation de la main d’œuvre » ; le pays a dès lors connu une émigration massive, notamment de la jeunesse, vers l’Ouest, le laissant démographiquement exsangue. On voit mal comment le prochain scrutin pourrait inverser cette tendance.

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Italie : Bruxelles s’angoisse d’une probable « rechute populiste »

Par : pierre

Le 21 juillet, gouvernement italien est tombé. Lâché par trois des partis qui formaient sa majorité, son chef, Mario Draghi, a présenté sa démission. Alors qu’une semaine auparavant, le président de la République, Sergio Mattarella, avait tenté de refuser cette dernière dans l’espoir d’une combinazione de dernière minute, il n’a eu, cette fois, pas d’autre choix que d’en prendre acte. Les électeurs de la Péninsule se rendront aux urnes le 25 septembre prochain.

C’est peu dire que cet événement provoque des sueurs froides à Bruxelles et parmi les grandes capitales européennes. « Une tempête parfaite » est désormais l’expression qui revient dans les couloirs de la Commission européenne et dans la presse mainstream.

Le Monde notait ainsi, dans un éditorial (21/07/22) : « le moment ne pouvait pas être pire pour l’Italie, pour la zone euro et pour l’Union européenne tout entière ». « Les orages s’accumulent » poursuit le quotidien qui rappelle le contexte : un pays dont l’économie a considérablement pâti du Covid-19, lesté d’une dette publique considérable, touché par des taux d’emprunt qui repartent vivement à la hausse, en proie à une inflation qui grimpe en flèche, et menacé par une pénurie de gaz en provenance de Russie dont il est particulièrement dépendant.

Toute l’Union européenne est certes concernée par ces menaces à des degrés divers. Mais la troisième puissance économique de la zone l’est tout particulièrement. L’Italie est du reste, avec l’Espagne, le plus gros « bénéficiaire » du plan de relance piloté par la Commission européenne : Rome s’est vu promettre 69 milliards d’euros de subventions et 123 milliards de prêts à taux réduit. Seule une petite part de cette somme a été transférée, car Bruxelles procède – comme pour les autres pays – à un décaissement par tranches en fonction de l’avancement des « réformes » que chaque pays membre a promis de mener à bien en échange des subsides.

Un homme personnifiait la garantie de la fidélité aux «recommandations» européennes : Mario Draghi

En Italie, un homme personnifiait la garantie de la fidélité aux « recommandations » européennes : Mario Draghi. Celui-ci, après un passage à la direction du Trésor italien puis chez Goldman Sachs, assura de 2011 à 2019 la présidence de la Banque centrale européenne. Dans la légende européenne, il est décrit comme le magicien qui a sauvé l’euro des attaques spéculatives en 2012. C’est peu dire que sa présence à la tête du gouvernement italien était stratégique pour Bruxelles.

Or les intentions de vote d’ici septembre placent le parti Les frères d’Italie, souvent qualifié de « post-fasciste », en tête, avec la possibilité de diriger une alliance qui associerait deux autres forces de droite : la Ligue, et Forza Italia, de Silvio Berlusconi. Certes, aucune de ces forces ne prônent la sortie de l’UE ni de l’euro, et le mouvement des Frères d’Italie ne cache pas son atlantisme. Mais peu importe : si une telle coalition voyait le jour, et avant même le premier acte d’un tel gouvernement, tous les espoirs bruxellois s’effondreraient. Les éléments constitutifs de l’éclatement de la zone euro – puis de l’UE – seraient réenclenchés.

En février 2018, une vague électorale qualifiée de «populiste» avait balayé l’Italie

On n’en est pas là, mais pour mesurer les enjeux, il faut garder à l’esprit les soubresauts de la politique italienne de la dernière décennie. Un tournant majeur a eu lieu en 2018 : en février de cette année-là, une vague électorale qualifiée de « populiste » a balayé l’Italie, aboutissant à une coalition impensable alliant le grand vainqueur du scrutin, le Mouvement cinq étoiles (M5S), classé « anti-système » de gauche, et la Ligue, souvent étiquetée extrême droite et dirigée par Matteo Salvini.

Après un moment de panique à Bruxelles, l’attelage s’est assagi avant d’être secoué par des contradictions. A l’été 2019, le chef du gouvernement, Guiseppe Conte, proche du M5S (et dont il prendra la direction ultérieurement) opéra un retournement d’alliance en associant ce mouvement au Parti démocrate (dit de centre gauche) – un attelage qui paraissait improbable – et en larguant la Ligue.

Nouveau retournement en février 2021 : M. Conte dut constater que sa nouvelle majorité n’était plus viable. Le très pro-UE président Mattarella manœuvra alors discrètement pour constituer une majorité associant à peu près tous les partis parlementaires, à l’exception des Frères d’Italie. Un peu comme si, à Paris, une « grande coalition » rassemblait de La France insoumise au Rassemblement national. Avec donc, à sa tête, le Dottore Draghi, en sauveur de l’Italie dans l’UE.

Le surgissement « miracle » de ce dernier avait alors rappelé le coup de théâtre de novembre 2011. A ce moment, c’était Silvio Berlusconi qui dirigeait le pays. Certes, ce magnat des médias n’était nullement anti-européen, mais, sous pression populaire, il peinait à mettre en œuvre les « réformes » drastiques imposées par Bruxelles, réformes d’autant plus sévères que l’Italie était alors la proie des spéculateurs. Le cavaliere fut donc dégagé, officiellement « sous la pression des marchés » ; en réalité, Bruxelles, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient orchestré en coulisses (lors d’un sommet européen) ce coup d’état rampant. Avec à l’époque déjà un personnage miracle pour prendre la tête du gouvernement : l’ex-commissaire européen Mario Monti. Ce dernier partage avec Mario Draghi au moins trois caractéristiques : les deux hommes n’ont jamais été élus, ils sont en étroite osmose avec le monde des affaires, et, surtout, ils ont été des hommes clés au sein de l’Union européenne.

Du quasi-putsch opéré par l’UE en 2011 date l’hostilité populaire à l’encontre de l’intégration européenne

Ce quasi-putsch opéré de l’extérieur a eu des conséquences profondes au sein du peuple italien. C’est de cette époque que date l’hostilité à l’encontre de l’intégration européenne de la part d’un pays auparavant réputé particulièrement « europhile ». Un peu comme quand les Non français et néerlandais aux référendums de 2015 portant sur le projet de constitution européenne avaient été bafoués – on se souvient qu’un traité équivalent (dit de Lisbonne) avait finalement été imposé.

Pour les dirigeants européens, l’angoisse est réelle face à la « rechute » italienne. Au point que le quotidien La Stampa a cru trouver l’origine de celle-ci : la crise politique à Rome aurait été pilotée de Moscou – une affirmation largement relayée par les médias occidentaux. L’« explication », qui fait l’impasse sur les contradictions politiques du pays, n’est guère crédible. Mais à supposer qu’elle soit vraie, la presse pro-UE est mal placée pour s’indigner de cette supposée ingérence, elle qui avait applaudi des deux mains les parachutages successifs des deux Mario, quasi-ouvertement manigancés par Bruxelles.

Le début de panique des dirigeants européens s’explique aussi par le contraste entre un Mario Draghi qui fut l’un des plus fermes défenseurs de la cause ukrainienne contre Moscou ; et les partis qui viennent de provoquer sa chute, et qui pourraient participer au futur gouvernement issu des élections de septembre : la Ligue et Forza Italia d’un côté, le M5S de l’autre sont tous accusés d’une certaine indulgence « pro-Poutine ». Et ce, dans un pays dont l’opinion publique est décrite comme la moins anti-russe au sein de l’UE.

Il revient «à l’UE d’agir avec doigté pour éviter ce scénario de cauchemar».

Éditorial du Monde (21/07/22)

On comprend dans ces conditions la fébrilité et les conseils du Monde, en conclusion de l’éditorial déjà cité : « aux Italiens pro-européens de se mobiliser et à l’UE d’agir avec doigté pour éviter ce scénario de cauchemar ». L’UE est ainsi appelée à s’ingérer une nouvelle fois. Mais, de grâce, « avec doigté » cette fois-ci…

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Royaume-Uni : la conspiration des caciques Tories pour faire chuter Boris Johnson

Par : pierre

Le 5 septembre, le nom du nouveau premier ministre britannique sera connu. Durant le mois d’août en effet, les adhérents du Parti conservateur (« Tory ») sont invités à voter pour départager les deux finalistes dans la course à la tête de ce parti, le gagnant devenant automatiquement le chef du gouvernement. Lors du mois de juillet, les parlementaires Tories avaient successivement éliminé les différents candidats pour ce poste – il y en avait initialement une douzaine – avant que n’ait lieu ce duel final.

Ce dernier se joue entre le chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances) du cabinet de Boris Johnson, Rishi Sunak ; et sa collègue des Affaires étrangères, Elisabeth Truss. Le premier était un « Brexiter » de la première heure, tandis que la seconde ne s’est ralliée à la sortie de l’UE qu’après le référendum de juin 2016. Paradoxalement, celle-ci est soutenue par l’aile la plus favorable au Brexit, son concurrent étant présenté comme plus « mou » par ses adversaires.

Bien sûr, le Brexit est effectif et irréversible ; ce thème n’est donc plus l’enjeu, si ce n’est pour les négociations conflictuelles, en cours et futures, avec Bruxelles sur la mise en œuvre de l’accord de divorce et de celui de libre échange.

Cette compétition en vue de remplacer Boris Johnson a été lancée le 7 juillet, quand ce dernier a été littéralement contraint de démissionner au terme d’une longue conjuration ourdie par de nombreux caciques du parti. Cette péripétie peut surprendre : en décembre 2019, M. Johnson avait fait figure d’homme miracle qui avait mené le Parti conservateur à un véritable triomphe électoral, puis permis la réalisation du Brexit qui se heurtait depuis trois ans et demi à une véritable guérilla des partisans de l’Union européenne.

L’ampleur du succès Tory dans les urnes et donc en nombre de parlementaires avait, dans un premier temps, condamné au silence les nombreux ennemis du premier ministre. Ceux-ci se trouvaient parmi les Conservateurs adversaires du Brexit, mais aussi parmi les Tories « traditionalistes » dont la référence politique reste Margareth Thatcher.

C’est peu dire que le locataire de Downing street a poursuivi une politique opposée à celle qu’avait menée en son temps la « dame de fer »

Or c’est peu dire que le locataire de Downing street a poursuivi une politique opposée à celle qu’avait menée en son temps la « dame de fer ». Là où cette dernière prônait un ultralibéralisme appuyé sur l’individualisme forcené (« la société n’existe pas »), son lointain successeur a engagé une démarche d’inspiration « keynésienne » : annonce d’investissements publics massifs, de travaux d’infrastructures, de renflouement financier pour les services publics (notamment pour le système de santé, également la renationalisation d’un réseau de chemins de fer), de relance industrielle et technologique, et de rattrapage pour les régions ouvrières déshéritées, notamment le centre et le nord de l’Angleterre.

Non que l’ancien maire de Londres fût devenu soudain un gauchiste radical, loin de là. Mais il mettait ainsi en œuvre une stratégie électorale visant à conserver les électeurs de ces anciens bastions travaillistes qui s’étaient tournés vers Boris Johnson du fait de sa promesse de réaliser enfin le Brexit. Maintenir dans le camp Tory les électeurs ouvriers et les couches populaires, tel était l’objectif – qui coïncidait sur ce plan avec une perspective de développement du pays désormais libéré de la tutelle bruxelloise.

Sauf que cela était incompatible avec les vues de nombreux dirigeants de son parti. A peine la crise du Covid passée, une fronde a commencé à s’organiser en sourdine, et s’est développée sur fond de crise économique – inflation, hausse vertigineuse des factures d’énergie, chute de croissance – d’ampleur mondiale.

La question du pouvoir d’achat est du reste devenue si cruciale que des grèves importantes se développent depuis juin dans tout le pays, notamment avec la mobilisation massive des cheminots. A noter cependant que la chute de l’immigration liée au Brexit a entraîné un certain manque de main d’œuvre, avec comme conséquence une hausse de nombreux salaires… au grand désespoir du patronat.

Le scandale baptisé « Partygate » a servi de prétexte à l’insurrection de parlementaires du Parti contre leur chef

Dès lors, le scandale baptisé « Partygate » a servi de prétexte à l’insurrection de parlementaires du Parti contre leur chef : ce terme recouvre la révélation que le chef du gouvernement avait laissé ses équipes faire la fête (et y avait lui-même pris part) au moment même où le pays se voyait imposer le confinement. Face à ces accusations, M. Johnson a tenté de se défendre en alignant des excuses maladroites, des demi-vérités et de vrais mensonges. Ultime goutte d’eau : il a cru bon de défendre un de ses amis politiques impliqué dans un scandale de mœurs, avant de devoir rétropédaler.

Pourtant, le 6 juin, le premier ministre croyait encore pouvoir sauver sa peau lorsqu’il remportait une majorité lors d’un vote de défiance dans ses propres rangs. Cependant, même minoritaire, le nombre important de votes en faveur de son départ (149 sur 359) avait amené de nombreux commentateurs à estimer que le chef du gouvernement était fragilisé.

Un constat qui s’est finalement concrétisé lors des deux journées des longs couteaux : les 5 et 6 juillet, ses propres ministres se sont mis à démissionner en nombre, y compris certains de ceux qui venaient d’être nommés la veille par ses soins pour boucher les trous. Avec un mot d’ordre : Boris Johnson n’est plus en situation de mener le parti à une nouvelle victoire lors d’élections prévues pour 2024 au plus tard. Tout cela ne lui laissait guère d’autre choix que d’annoncer sa démission. Il garde cependant la barre jusqu’à ce que soit connu le nom de son successeur.

Les deux finalistes rivalisent de promesses d’esprit thatchérien

Pour l’heure, les deux finalistes rivalisent de promesses d’esprit thatchérien avec un thème obsessionnel : renouer avec les baisses d’impôts et surenchérir sur l’ampleur de celles-ci. Sur ce terrain, censé séduire les adhérents de base, Mme Truss a pris de l’avance et semble largement favorite. Elle pousse même le zèle jusqu’à calquer son attitude et ses goûts vestimentaires sur ceux de Lady Thatcher. M. Sunak, de son côté, promet également de faire chuter la pression fiscale, mais, ancien grand argentier, il se garde de s’engager à très court terme, sachant les besoins des finances publiques.

Quoiqu’il en soit, les besoins collectifs – sociaux et salariaux, notamment – risquent de sortir exsangues d’un tel revirement. Par exemple, Elizabeth Truss a un jour proposé de revoir à la baisse les salaires des fonctionnaires résidant hors de la capitale au motif que le coût de la vie est moindre en province (avant finalement d’abandonner cette idée). C’est peu dire que de telles perspectives achèveraient d’éloigner les électeurs des couches populaires que M. Johnson comptait bichonner.

Ce dernier n’a peut-être pas dit son dernier mot. Une pétition de ses fidèles a circulé pour que son nom soit ajouté à la liste des finalistes. Cette revendication avait très peu de chance de voir le jour, mais, à terme, le locataire sortant de Downig Street ne semble pas décidé à prendre sa retraite. Il a conclu son annonce de démission en s’exclamant : « hasta la vista, baby » (en référence au film Terminator, et qu’on pourrait traduire par « ce n’est qu’un au revoir »). Précédemment, il avait dénoncé les agissements d’une « Etat profond » opposé à sa politique, une référence plus habituelle chez ceux qui mettent en cause les systèmes occidentaux, alors même que M. Johnson n’est évidemment pas anti-OTAN (et menait une orientation très antirusse que promettent d’ailleurs de poursuivre ses successeurs potentiels)

Dans l’immédiat cependant, le Royaume-Uni va probablement engager un nouveau cours en politique intérieure qui va décevoir, voire désespérer, les catégories populaires, celles-là même qui avaient voté pour le Brexit.

Ce dernier ne peut pas entraîner automatiquement une politique en faveur du monde du travail. Mais, en se libérant des règles et contraintes de l’UE, il la rend possible… le moment venu.

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A Genève, le début de la sagesse ? (éditorial paru dans l’édition du 22 juin)

Par : pierre

L’UE choisit le moment où Washington et Moscou esquissent un très prudent dialogue pour afficher une attitude martiale et jusqu’au-boutiste

Plaisant retournement. Pendant ses trente-six ans de carrière parlementaire, Joseph Biden n’a jamais caché son hostilité à la Russie en général, puis à Vladimir Poutine en particulier. Fraîchement entré à la Maison-Blanche, il assurait encore qu’avec ce dernier, il n’y avait rien à discuter. Et il y a quelques semaines à peine, il qualifiait son homologue russe de « tueur ». Finalement, les deux hommes se sont rencontrés le 16 juin à Genève. Le président russe a dû savourer le moment. Son homologue avait préalablement nuancé son appréciation : le chef du Kremlin était soudain devenu « brillant, coriace ». En retour, ce dernier a salué « le pragmatisme et l’énorme expérience » du président américain.

Peu avant l’entrevue, tant Washington que Moscou s’étaient efforcés de modérer les attentes : nul ne devait se faire d’illusion sur une éventuelle « percée ». Mais, dans le climat délétère fait de sanctions, de contre-mesures, et d’attaques ouvertes – la partie américaine accusant Moscou notamment de cyber-ingérences dans les élections et l’économie américaines – qu’un tel échange ait eu lieu constitue un événement tout sauf anodin. Vladimir Poutine s’est réjoui qu’il n’y ait « pas eu d’hostilité » et a salué une « relation pragmatique » ; son homologue a qualifié les échanges de « bons, positifs, et sans hystérie ». Bref, si la confrontation n’est pas près de disparaître, celle-ci, espère-t-on des deux côtés, pourrait avoir lieu selon des règles, et dans un cadre plus rationnel. Même si Joseph Biden a cru bon de brandir ses « lignes rouges » (attaques cyber attribuées à Moscou, sort d’Alexeï Navalny).

Symboliquement, les ambassadeurs respectifs vont regagner leur poste. Surtout, un « dialogue de stabilité stratégique » devrait être institué afin de rebâtir une architecture de contrôle des armements nucléaires. L’actuelle a été lancée dès les années 1970, mais s’est progressivement effondrée depuis les années 2000 suite aux dénonciations unilatérales de traités de la part des Américains. Seul celui sur les forces stratégiques a été récemment renouvelé ; mais il conviendrait d’y intégrer désormais de nouveaux acteurs et de nouvelles technologies. C’était, avec le climat et les conflits régionaux, l’un des dossiers d’entente possible que le président russe avait évoqués il y a quelques semaines. Et c’est aussi l’un des rares domaines concernant la Russie pour lequel celui qui allait devenir le président américain a toujours manifesté un certain intérêt. Au regard des modestes ambitions affichées pour la rencontre de Genève, ce n’est déjà pas si mal. Mieux vaut de petits pas prudents que des embrassades sans lendemain.

Mais on remarquera – avec effroi ou amusement, c’est selon – que le chef de la diplomatie de l’UE a précisément choisi ce 16 juin que pour présenter le document proposant la future stratégie des Vingt-sept à l’égard de la Russie, stratégie qu’il a résumée par ces trois verbes : « riposter, contraindre, dialoguer ». Notant que les relations avec le grand voisin de l’Est n’avaient jamais été aussi mauvaises depuis la Guerre froide et que cette spirale risque de s’amplifier, Josep Borrell a précisé qu’il convenait de conjuguer ces trois instruments simultanément. « Riposter » se réfère à la contre-attaque annoncée face aux offensives futures prêtées à Moscou ; « contraindre » s’appuie sur le renforcement souhaité des capacités militaires euro-atlantiques ; et « dialoguer » vise à faire miroiter la levée de certaines sanctions et la reprise de certains échanges. Cela s’appelle « la carotte et le bâton », le tout enrobé dans un langage d’adjudant-chef.

Les Vingt-sept débattront de ce document lors du Conseil européen prévu les 24 et 25 juin. A Bruxelles, on n’aime rien tant qu’imaginer l’UE en « grande puissance » géopolitique. Une perspective totalement illusoire, ne serait-ce que parce que les Etats membres sont plus divisés que jamais. M. Borrell l’a lui-même reconnu, en implorant ceux-ci de se mettre d’accord, et de ne pas favoriser Moscou par des discussions séparées comme cela a souvent été le cas. Mais tant l’histoire que les intérêts sont profondément différents d’un pays à l’autre, ce qui fait apparaître l’unité recherchée comme un vœu pieux.

Mais si, par hypothèse d’école, l’UE surmontait ses divergences, il faudrait noter qu’elle choisit le moment où Washington et Moscou esquissent un très prudent dialogue pour afficher une attitude martiale et jusqu’au-boutiste.

Une Europe qui deviendrait « puissance géopolitique » ? Au secours !

Pierre Lévy

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Réforme de la fiscalité internationale : une fausse bonne idée

Par : pierre

Les ministres des finances du G7, réunis le 5 juin, se sont mis d’accord sur les grandes lignes d’un projet qui modifierait la fiscalité mondiale. Ce consensus semble ouvrir la voie à une réforme qui devrait cependant passer par de nombreuses étapes : au sein de l’OCDE (issue à l’origine de la sphère occidentale, et qui rassemble 139 pays), de l’Union européenne, ainsi que du G20. Un sommet de cette dernière instance est prévu pour les 9 et 10 juillet : ce thème devrait y être débattu.

Schématiquement, la réforme envisagée repose sur deux piliers : l’établissement d’un impôt minimum de 15% sur les bénéfices des grandes sociétés multinationales ; et une répartition complexe de cet impôt : aujourd’hui le prélèvement est réalisé par le pays où les entreprises ont leur siège, demain, les pays où les entreprises ont leur marché pourraient avoir leur part du gâteau. Le but affiché est de limiter l’évasion fiscale qui passe aujourd’hui par des « paradis fiscaux », c’est-à-dire des Etats où les grands groupes peuvent établir leur siège pour bénéficier d’une taxation réduite, voire inexistante.

Présenté ainsi, il est difficile de rejeter d’un revers de main un plan qui semble viser plus de justice et réduire les abus. D’ailleurs, même les géants du numériques – tels que Google, Apple, Facebook ou Amazon – ont salué l’intention, alors même qu’ils seraient les premiers concernés.

Il n’est cependant pas interdit de regarder de plus près, et de se poser quelques questions.

Un aspect fondamental, par exemple, concerne la souveraineté des pays. Historiquement, les parlements nationaux ont été créés sur une prérogative qui fondait leur raison d’être : voter l’impôt. C’est au fond la base de toute politique nationale : quelles contributions les citoyens et les entreprises doivent apporter à la collectivité nationale ? Si des règles devaient s’imposer de l’extérieur – quoi qu’on pense de celles-ci par ailleurs – ce principe fondamental de la démocratie serait mis en cause.

Joseph Biden aurait-il soudain basculé dans ladite « gauche radicale » ?

Une deuxième question mérite réflexion. L’initiative décisive pour relancer cette réforme régulièrement évoquée est venue cette fois de Washington. Berlin et Paris n’ont pas manqué d’afficher leur soutien enthousiaste. Joseph Biden aurait-il soudain basculé dans ladite « gauche radicale », lui qui a passé un demi-siècle dans la politique américaine avec un profil « centriste », c’est-à-dire en réalité défenseur de la primauté absolue de la libre entreprise et de l’exportation de la puissance américaine sur la planète, les armes à la main (économiques, militaires et culturelles) ?

Angela Merkel a-t-elle soudain renoué avec son engagement de jeunesse dans le parti dirigeant de la RDA ? Emmanuel Macron, l’ancien banquier de chez Rothschild, vient-il d’avoir un coup de foudre pour les œuvres complètes de Marx et d’Engels ? Et au-delà, les classes politiques des pays européens sont-elles à l’orée d’une révolution culturelle, alors même qu’en leurs rangs, dirigeants publics et grands patrons privés alternent et échangent leurs responsabilités ? Symbole de ce petit monde oligarchique, la banque Goldmann Sachs a formé un nombre impressionnant de politiciens, et recruté ensuite une quantité non moins imposante d’élus de haut niveau au sortir de leur mandat.

Certes, on évoque ici ou là l’état des finances publiques, exsangues à la suite de la pandémie et des récessions qui en ont résulté. Il conviendrait dès lors de trouver des ressources pour les renflouer, ce que permettrait la réforme. Depuis longtemps cependant, les dirigeants occidentaux n’hésitaient nullement, pour ce faire, à aggraver l’austérité envers ceux qui vivent de leur travail, plutôt que de toquer à la porte des multinationales.

Le problème est que l’image de celles-ci n’a cessé de se dégrader un peu partout parmi les peuples. L’arrogance des grands groupes pharmaceutiques, dont les bénéfices n’ont désormais vraiment pas à se plaindre du virus ; celle des géants de l’Internet qui, non contents de faire des profits faramineux, règnent en maîtres sur les réseaux sociaux et ont droit de vie ou de mort sur des pans de la liberté d’expression ; sans parler de la toute puissance du secteur financier qui régente une large part de l’économie mondiale… tous ces empires et bien d’autres commencent à susciter un rejet croissant de la part des citoyens de nombreux pays.

Pire, pour les maîtres du système : ce ne sont pas seulement les sociétés transnationales qui sont conspuées, mais potentiellement le système lui-même dont la raison d’être est précisément s’assurer le règne de celles-ci. Pour les oligarchies mondialisées – celles-là même qui donnent le ton idéologique occidental, de la libre circulation des capitaux à la « protection de l’environnement » en passant par l’agressivité croissante, y compris militaire, à l’égard des pays non soumis à leurs normes – la priorité absolue est d’assurer la pérennité dudit système. Quitte à savoir faire la part du feu, à travers des mesures fiscales.

La fiscalité pourrait bien servir de couverture pour éviter que les vrais enjeux soient dévoilés et questionnés

Ainsi, la fiscalité pourrait bien servir de couverture pour éviter que les vrais enjeux soient dévoilés et questionnés. Car c’est bien l’existence même de trusts transnationaux qui constitue le problème, non simplement leurs « excès ». Pfizer, Facebook, Goldmann Sachs et tous leurs semblables n’ont jamais eu, et n’auront jamais l’ambition de servir l’intérêt général, mais, par construction même, de maximiser leurs profits. Faut-il dès lors les taxer un peu plus et les « réguler », ou bien récupérer leurs activités dans le domaine public ? Un peu comme si on se demandait s’il convenait de civiliser ou de taxer la mafia plutôt que de l’éliminer.

A l’ère de la mondialisation – dont les multis constituent la raison d’être – la question pourrait bien être, non pas d’aménager celle-ci pour la sauver, mais de renouer avec le principe même de nationalisation. Ce qui suppose, bien sûr, que chaque pays récupère sa souveraineté politique, sans laquelle le respect du choix des peuples reste vide de sens.

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« Censure, arbitraire, opacité : les réseaux sociaux, nouveaux maîtres du monde ? » – émission en direct

Par : laurent

Suite à l’affaire du « label rouge » de Twitter, Ruptures propose d’élargir le champ en organisant un débat sur le thème « Censure, arbitraire, opacité : les réseaux sociaux, nouveaux maîtres du monde ? »

En direct sur Internet, l’émission a eu lieu le mardi 13 avril à 19h. Elle a été diffusée sur la chaîne YouTube de Ruptures.

Pour cette première, l’équipe de Ruptures échange avec trois journalistes :

Elsa Ferreira, journaliste pigiste spécialisée en culture et technologie, elle écrit notamment pour les sites Makery et CTRLZ ;

Raphaël Grably, chef du service « BFM Tech » de BFM-TV ;

Erwan Seznec, journaliste indépendant, passé par La Tribune et Que Choisir, il contribue aujourd’hui à Marianne et Causeur.

L’émission évoque bien sûr le cas Ruptures/Twitter – les trois invités font partie des rares journalistes à en avoir rendu compte (voir leurs articles ci-dessous) –, mais il s’agit surtout de parler plus largement du pouvoir des grands réseaux sociaux états-uniens et en particulier de leur rôle prééminent dans la circulation de l’information et le contrôle de l’expression publique. En somme, quels sont les enjeux politiques et démocratiques de la situation de quasi-monopole des plateformes californiennes ?

L’équipe de Ruptures

Les articles de nos invités par ordre chronologique :

– « Twitter présente un journal français comme “affilié à la Russie” » – Raphaël Grably (BFM-TV)

– « Quand Twitter invente la bêtise artificielle » – Erwan Seznec (Causeur)

– « Modération des plateformes : y a-t-il un humain sur les réseaux ? » – Elsa Ferreira (CTRLZ)

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« SOTEU » : l’arrogance d’Ursula passée inaperçue

Par : pierre

Lors de son discours du 16 septembre, la chef de l’exécutif bruxellois a plaidé pour l’humilité devant la nature, mais vanté les ambitions géopolitiques de l’Union européenne.

L’événement est évidemment passé inaperçu. Le 16 septembre, Ursula von der Leyen a prononcé un discours que toute la petite bulle bruxelloise attendait avec fébrilité. Mais, au-delà de celle-ci, il n’y a pas, de Lisbonne à Helsinki ou de Naples à Sofia, une personne sur mille – hors sans doute en Allemagne – qui connaisse la présidente de la Commission européenne. Et, a fortiori, qui s’intéresse à ce que le microcosme communautaire baptise discours SOTEU (pour « State of the EU »), une sorte de mot de passe pour initiés.

A noter que cette coutume annuelle organisée devant l’europarlement avait été directement copiée de la pratique en vigueur aux Etats-Unis. C’était du temps où les dirigeants européens rêvaient encore des « Etats-Unis d’Europe », un cauchemar mortifère pour les peuples devenu heureusement une chimère.

Au-delà du lyrisme creux, habituel pour ce type d’exercice (« l’avenir sera ce que nous en ferons. Et l’Europe sera ce que nous voulons qu’elle soit »), les commentateurs avaient l’embarras du choix tant le tour d’horizon était large.

Deux points parmi d’autres méritent d’être relevés. Le premier est l’humilité repentante devant la nature – un couplet typique de l’idéologie dominante. Pour Mme von der Leyen, le Covid-19 a « mis à nu les faillites de notre système de santé » (l’austérité imposée par l’UE depuis des années, notamment en matière de services publics, n’est naturellement pour rien dans cette faillite…) ; il a aussi « mis en lumière la fragilité de notre planète, que nous constatons chaque jour avec la fonte des glaciers, les incendies de forêts et, aujourd’hui, une pandémie mondiale » (et qu’importe si strictement aucun lien n’a été établi entre les deux premiers éléments et le troisième).

Bref, tout cela révèle « la fragilité de tout ce qui nous entoure »… Dès lors, pour la chef de l’exécutif bruxellois, la conclusion évidente s’impose : « pour l’Europe, le moment est venu d’agir ». Quelques instants plus tard, elle martèlera à nouveau : « il est temps désormais de nous mettre au travail ». Ce qui n’est pas de la dernière élégance pour ses prédécesseurs.

Et comme la pédagogie est l’art de la répétition, elle y insistera derechef, exhortant ainsi à « accélérer car il y va de l’avenir de notre fragile planète ». Avec, au menu, le « Pacte vert » (« Green Deal »), la plus haute priorité bruxelloise. Celui-ci n’a nullement été mis de côté ou assoupli, alors même que les économies européennes connaissent leur pire récession depuis la seconde guerre mondiale, et que le chômage va encore monter en flèche cet automne.

Mais Ursula von der Leyen a les soutiens qu’elle mérite : « pas plus tard qu’hier, j’ai reçu de 170 chefs d’entreprise et investisseurs une lettre appelant l’Europe à fixer un objectif d’au moins 55% » de réduction des émissions de CO2 d’ici 2030 (initialement, c’était 40%). Une consigne que la présidente s’est engagée à réaliser. On peut rappeler que le « Pacte vert » va menacer 11 millions d’emplois directs (mines, énergie, chimie, sidérurgie…), et ce, bien avant 2030, selon l’estimation d’un dirigeant syndical européen, lui-même pourtant partisan de la « transition écologique ».

« L’Europe est résolue à construire le monde dans lequel nous voulons vivre. Bien sûr, cela ne s’arrête pas à nos frontières »

Mais l’humilité extrême affichée devant la nature a son symétrique : l’arrogance démultipliée (et légèrement grotesque) dans la géopolitique mondiale : « L’Europe est résolue à profiter de cette période de transition pour construire le monde dans lequel nous voulons vivre. Bien sûr, cela ne s’arrête pas à nos frontières ».

Suit une liste d’exigences adressées à la Chine : sur le plan commercial, sur le plan climatique, et sur celui des droits de l’Homme. Mais dans cette dernière matière, c’est la Russie qui fait l’objet de la plus grande partie du discours. Avec pour hôte d’honneur le blogueur et avocat Alexei Navalny. Pour l’ancienne ministre allemande de la Défense, la thèse de l’empoisonnement télécommandé par Moscou via un agent chimique neurotoxique ne fait pas l’ombre du moindre doute. Même si les dirigeants russes réclament toujours les « preuves » attestées par le laboratoire militaire allemand.

Du reste, « nous avons pu observer ce type de pratiques en Géorgie et en Ukraine, en Syrie et à Salisbury – sans parler de l’ingérence électorale dans le monde entier. Ces pratiques ne changent pas ». Mme von der Leyen en profite pour joindre sa voix à ceux qui mettent l’achèvement du gazoduc Nord Stream II dans la balance. Et projette la mise en place d’un « Magnitisky Act » copié de la loi américaine permettant des sanctions rapides et ciblées contre des personnalités.

La Turquie – certainement un paradis pour les droits de l’Homme – n’est pas évoquée sur ce plan. Elle est un « voisin important et le sera toujours », à qui il est cependant demandé de ne pas intimider la Grèce et Chypre par ses manœuvres militaires et projets de forage.

Pour s’en tenir aux seuls pays du G20, ni l’Arabie saoudite, ni l’Inde ne sont non plus citées – autres grands pays où la modération religieuse, la liberté d’expression et l’immense respect des opposants sont particulièrement célébrés.

En revanche, la présidente de la Commission ne cache pas son émotion dès qu’il s’agit de l’Oncle Sam : « nous ne sommes peut-être pas toujours d’accord avec les décisions récentes de la Maison-Blanche. Mais nous chérirons toujours l’alliance transatlantique – fondée sur des valeurs et une histoire communes, et sur un lien indéfectible entre nos peuples ».

Pour avoir droit à la compassion bruxelloise, il vaut donc certainement mieux se nommer Alexei Navalny que George Floyd. Il est vrai qu’on n’a pas vraiment laissé la chance au second de passer sa convalescence à la Charité.

« L’avenir [de l’ex-Yougoslavie] est bien dans l’UE. Nous partageons la même histoire et la même destinée »

Enfin, il y a une proie, pardon, des amis qui font l’objet d’une attention plus à portée de mains : « l’Europe sera toujours prête à établir des partenariats solides avec ses voisins les plus proches. Cela commence par les Balkans occidentaux ». Les « Balkans occidentaux » ? Ce terme désigne pour l’essentiel ce qui s’appelait jadis la Yougoslavie dans l’éclatement de laquelle Berlin avait joué un rôle clé durant la décennie 1990.

Pour la patronne de Bruxelles, « l’avenir de toute cette région est bien dans l’UE. Nous partageons la même histoire et la même destinée ». Ce qu’il y a de bien, avec la « destinée », c’est qu’elle échappe par définition aux choix humains – qui oserait s’opposer à une telle volonté transcendante, pour ne pas dire divine ?

Car selon une définition couramment admise, le destin est « une puissance qui, selon certaines croyances, fixerait de façon irrévocable le cours des évènements ». Ainsi, les rédacteurs des traités ont tenu à définir l’Union européenne comme une « communauté de destin », histoire de mettre l’existence de celle-ci à l’abri des colères, des contestations et des résistances humaines.

Le « SOTEU », cru 2020, s’est conclu par une « leçon de vie » : « ne jamais se laisser bloquer par les obstacles sur son chemin ». Même – et surtout – si lesdits obstacles sont les peuples eux-mêmes ?

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Retour sur le Russiagate : 98 % des médias français ont été conspirationnistes

Par : laurent

Ce travail est chaleureusement dédié à Aaron Maté, Glenn Greenwald, Robert Parry (†), Julian Assange, Max Blumenthal, Stephen Cohen, Caitlin Johnstone, Matt Taibbi, Chris Hedges, Jimmy Dore et à tous les autres journalistes et commentateurs qui ont correctement informé sur le Russiagate malgré la marginalisation, les pressions et les calomnies (voir cette liste des valeureux sceptiques anglo-saxons).

Le Russiagate, dont la thèse centrale était l’existence d’une collusion entre Moscou et l’équipe de Donald Trump pour favoriser l’élection de celui-ci à la présidence des États-Unis, a subi une débâcle flagrante lors de la remise du rapport Mueller en mars 2019. Dénuée de toute preuve, cette théorie du complot fait pourtant régulièrement l’objet de tentatives de réanimation par différentes forces traumatisées par la défaite d’Hillary Clinton. Les médias ayant joué un rôle essentiel dans la production de ce mauvais feuilleton d’espionnage – aux conséquences néfastes bien réelles –, il n’est pas inutile de revenir sur le traitement de l’affaire en France. Sur les 56 médias de premier plan que nous avons examinés, dont certains font bruyamment profession d’« indépendance », comme Mediapart ou Le Canard enchaîné, un seul ne s’est pas vautré dans le conspirationnisme : Le Monde diplomatique.

Après sa déroute, le Russiagate a rapidement été remplacé, ou plutôt prolongé, par un autre récit sensationnel qui tournera lui aussi au fiasco, l’Ukrainegate. Les commentateurs et médias dominants (et parfois moins dominants…), nullement ébranlés par leur fourvoiement manifeste, continuent de servir de caisse de résonance docile aux multiples allégations d’« ingérence russe ». Une telle obstination irrationnelle signe la propagande, on peut même légitimement parler de russophobie. C’est parce que les médias refusent de reconnaître leurs erreurs et d’en tirer les enseignements appropriés qu’il est nécessaire de bien prendre la mesure du délire conspirationniste dans lequel ils se sont complu.

Il faut donc se souvenir que la thèse clintonienne d’une collusion entre l’équipe Trump et Moscou en vue de faire élire l’homme d’affaires à la présidence des États-Unis en novembre 2016 a été très favorablement relayée dans les médias occidentaux pendant deux ans et demi. C’est-à-dire qu’elle a occupé le devant de la scène durant la majeure partie du mandat de Donald Trump.

À la remorque de leurs homologues d’outre-Atlantique, les principaux acteurs français de la presse, de la télévision et de la radio, mais aussi la plupart des organes dits indépendants ou alternatifs, ont ainsi donné de l’importance et du crédit à la plus grande théorie du complot officielle depuis la fable criminelle sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein. Nous présentons ci-dessous les preuves de cette quasi-unanimité (98 % des médias dans l’échantillon large et représentatif que nous avons retenu).

Conspirationnisme mainstream

Bien qu’incapables de fournir la moindre preuve, les médias ont choisi de croire – et surtout de faire croire – à ce « Russiagate », un nom faisant référence au scandale du Watergate qui avait abouti à la démission du président Richard Nixon. S’ils se sont acharnés à donner vie à cette conspiration en essayant de faire passer les allégations les plus abracadabrantes pour de solides éléments à charge, c’est principalement sous l’effet grisant d’une double détestation : celle de la Russie (personnifiée par son maître maléfique, Vladimir Poutine) et celle de Trump. La victoire « impensable » de ce dernier face à Hillary Clinton, la championne des élites libérales-atlantistes, devait être contestée d’une façon ou d’une autre ; c’était moins pénible que de s’astreindre à réfléchir aux raisons véritables de la défaite.

Sans originalité, l’amertume du camp otanien a pris la forme d’une accusation du grand méchant ours russe, une incrimination reprise en France y compris par des médias se réclamant – certes plutôt timidement – de positions moins alignées sur l’impérialisme washingtonien (Mediapart, Le Canard enchaîné, Marianne, L’Humanité, Politis). Comme il y a des alter-européistes, il y a des alter-impérialistes ; ce sont d’ailleurs souvent les mêmes.

Il n’était nullement nécessaire d’être bien disposé à l’égard de la ligne politique de Moscou ou de celle (moins claire…) de Donald Trump pour être capable de s’apercevoir que les innombrables adeptes du Russiagate ont fait preuve d’un manque de prudence et de discernement stupéfiant. Il suffisait d’être sensible à la vraisemblance du scénario et attentif aux faits, ou plutôt… à leur absence.

Le paroxysme du n’importe quoi a été atteint avec la médiatisation abondante du « dossier Steele », qui postulait notamment l’existence d’une vidéo dans laquelle on verrait Donald Trump en train de contempler des prostituées soulageant leur vessie sur le lit de la chambre du Ritz-Carlton de Moscou que les époux Obama avaient occupée lors d’une visite présidentielle. Ce « kompromat » obtenu par le FSB permettrait à Voldemort Poutine de faire chanter l’homme d’affaires… Le dossier, un grotesque tissu de rumeurs et de fake news, avait été concocté par un ancien agent du renseignement britannique pour le compte d’un prestataire du Comité national démocrate (DNC – l’organisme qui dirige le Parti démocrate) et du comité de campagne officiel d’Hillary Clinton. Une source on ne peut plus fiable donc.

Aux États-Unis comme en France, les personnes qui exprimaient publiquement des doutes sur la crédibilité du récit dominant étaient volontiers dépeintes en thuriféraires du président américain ou de son homologue russe, voire des deux. Avec ceux qui ont un faible plus ou moins assumé pour l’Otan, l’intimidation et l’ostracisation remplacent souvent l’argumentation. Le débat est rendu délibérément impossible en assimilant toute critique de la ligne euro-atlantiste à un soutien aux « dictateurs » et autres « populistes illibéraux ». C’est l’application d’une méthode simpliste courante en propagande de guerre, généralement cuirassée d’un alibi humanitaire : « Si vous êtes contre un changement de régime par la force en Irak/Libye/Syrie/etc., c’est que vous êtes du côté du boucher Saddam/Kadhafi/Bachar/etc. »

L’irresponsabilité des Russiagâteux

Si tous les médias français n’ont pas défendu la thèse de la collusion avec le même zèle, les comptes rendus et commentaires partaient toujours du principe que celle-ci était crédible et que des éléments probants plaidaient en sa faveur (précisons que la préférence compréhensible de Moscou pour le candidat Trump – compte tenu de l’hostilité anti-russe affichée d’Hillary Clinton – ne constitue évidemment pas en soi une preuve d’entente). Les tournures conservant l’apparence du doute masquaient mal une adhésion préférentielle à la théorie du complot. La rationalité avait une fois encore déserté toutes les rédactions. Toutes sauf celle du Monde diplomatique (et dans une bien moindre mesure celle d’Atlantico), qui parlera de « Tchernobyl médiatique » lors de l’explosion en plein vol du Russiagate.

À chaque fois qu’il y avait un rebondissement dans « l’affaire » – et il y en eut beaucoup –, que les spéculations allaient bon train sur les « avancées » de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, le bourrage de crâne reprenait de plus belle. « Ingérence russe », « collusion avec la Russie », « liens troubles », « relations ambiguës »… Ce récit jamesbondesque à base de machiavélisme poutinien a libéré la parole conspirationniste dominante et permis de multiplier les procès à charge contre Moscou, accusé de vouloir saper à la chaîne les bienveillantes « démocraties libérales ».

En effet, si la Russie a manipulé l’élection présidentielle américaine, alors pourquoi pas le référendum sur le Brexit, la campagne présidentielle française, le référendum catalan, le mouvement des Gilets jaunes, les élections européennes, les élections générales britanniques, etc., etc. ? Dernièrement, on nous a dit que, « selon des sources du renseignement », Moscou payait des talibans pour qu’ils tuent des soldats américains et que des hackers russes essayaient de voler des données sur un vaccin pour la Covid-19. Il n’y a pas de fumée sans feu. C’est pourquoi il faut produire beaucoup de fumée. Et donc relayer servilement les opérations d’intoxication mitonnées par les services de renseignement occidentaux.

Les propagateurs de ces multiples scoops tonitruants devraient s’enquérir de la moralité de la fable d’Ésope appelée « Le Berger mauvais plaisant », plus connue sous le titre « Le Garçon qui criait au loup »…

Au lieu de se montrer soucieux de la vérité et des faits, de tempérer leur agressivité systématique à l’égard de la deuxième puissance nucléaire mondiale, les médias ont endossé le paradigme belliciste de la « menace russe ». Ce climat hostile a facilité, entre autres mesures antagoniques, l’intensification de l’odieuse politique de sanctions contre la Russie, le retrait états-unien de plusieurs traités internationaux de contrôle des armes, le renvoi de diplomates russes et l’opposition au projet de gazoduc Nord Stream 2 soutenu par Moscou. Quant à l’Otan, qualifiée d’« obsolète » par Donald Trump pendant sa campagne, elle est redevenue selon lui pertinente peu de temps après son élection, et même « un rempart pour la paix et la sécurité internationales » (voir notre article sur ce revirement). La « marionnette Trump » semble moyennement sous le contrôle du maître du Kremlin…

La campagne permanente de dénigrement anti-russe travaille l’opinion publique afin qu’elle consente à la hargne occidentale, en premier lieu à l’égard de Moscou, mais aussi des autres « ennemis » du bloc euro-atlantique (Chine, Iran, Syrie, Venezuela, etc.). Il s’agit ultimement de justifier un prétendu « droit d’ingérence ». Les médias sont en grande partie responsables de cette mentalité obsidionale qui tente de légitimer des comportements de brute et la pratique routinière du deux poids, deux mesures. Ce ne sont pas seulement les usages diplomatiques, l’esprit de concorde, voire le droit international qui sont piétinés, mais aussi plus fondamentalement les valeurs de vérité et de justice.

Les journalistes sont-ils conscients que la russophobie paranoïaque et le climat de guerre froide qu’ils nous imposent empoisonnent les relations internationales et font courir de graves risques à la paix dans le monde ? Non seulement les médias ne favorisent pas la désescalade, mais ils la combattent âprement.

Aaron Maté, l’expert proscrit

Deux ans et demi d’intense propagande conspirationniste donc, et puis… le verdict est tombé avec la remise du rapport Mueller : la « théorie du complot » selon laquelle « Donald Trump ou ses équipes auraient conspiré avec les Russes pour voler la présidentielle américaine » est une « illusion » (Wall Street Journal, 24 mars 2019). Une conclusion confirmée par la publication du rapport complet. À ceux qui douteraient encore du caractère tout à fait vide du dossier, nous recommandons la lecture des articles de celui qui est probablement le meilleur spécialiste au monde du Russiagate, le journaliste Aaron Maté, qui travaille désormais pour l’excellent site The Grayzone.

Ses textes, très étayés et rigoureux, sont malheureusement peu accessibles en français. Toutefois, Le Monde diplomatique en a traduit trois : « Ingérence russe, de l’obsession à la paranoïa », « Comment le “Russiagate” aveugle les démocrates » et « Un cadeau des démocrates à Donald Trump » (nous avons déjà indiqué plus haut un quatrième article d’Aaron Maté paru dans le mensuel, celui sur l’Ukrainegate). Et le site Les Crises a publié celui-ci : « Repose en Paix, Russiagate ».

Pour les lecteurs qui maîtrisent la langue de Steinbeck, il est indispensable de prendre connaissance de cette analyse approfondie du rapport Mueller. Aaron Maté y réfute également les allégations centrales du volet informatique de l’accusation d’ingérence russe dans l’élection américaine de 2016, à savoir d’une part le piratage des serveurs du DNC (voir aussi cet article plus récent) et de la messagerie électronique de John Podesta – le directeur de campagne d’Hillary Clinton –, et d’autre part les opérations menées par des « bots russes » sur les réseaux sociaux afin d’influencer les électeurs américains (pour en savoir plus sur le second point, lire cet autre texte).

Il est édifiant de constater que le journaliste le plus compétent sur le Russiagate a été complètement marginalisé, quand il n’était pas harcelé sur les réseaux sociaux ou attaqué avec virulence par des personnes occupant des positions professionnelles plus confortables, y compris d’anciens collègues. Aux États-Unis, Aaron Maté a vu ses espaces d’expression se réduire à cause de la lucidité dont il a fait preuve ; il a été (et reste) quasiment banni de l’univers mainstream. En France, parmi la cinquantaine de médias connus que nous avons observés, seul Le Monde diplomatique s’est intéressé à son travail ; son nom n’a pas même été mentionné par les autres (sauf une unique fois dans cet article malhonnête de Slate éreintant Glenn Greenwald, « tellement critique de la couverture médiatique sur l’ingérence russe que son discours ressemble à celui de Donald Trump »…).

Les chauffards du journalisme

Le Russiagate a fait chou blanc mais, sans surprise, les médias et commentateurs installés n’ont nullement fait amende honorable et reconnu qu’ils avaient massivement intoxiqué leurs publics, s’alignant ainsi sur les objectifs géostratégiques des faucons de Washington – qui dominent aussi le Parti démocrate – et des services de renseignement occidentaux. Ils auraient pourtant eu intérêt à admettre leur égarement pour enrayer la spirale du discrédit dans laquelle ils sont pris. Mais rien n’indique pour l’instant qu’ils se soient résolus à pratiquer un journalisme honnête et rigoureux.

En diffusant avec délectation une théorie du complot accablante pour Donald Trump, les médias dissimulaient à peine leur souhait de le voir destitué ; il en fut de même ensuite avec l’Ukrainegate et la procédure formelle en ce sens. Résultat : en l’accusant à tort de façon aussi outrée, en orchestrant une chasse aux sorcières de type maccarthyste, ils ont renforcé le président honni et l’ont en partie immunisé contre les critiques légitimes – qui ne manquent pas –, ce qui l’a positionné avantageusement pour un second mandat (depuis, sa gestion de la crise du coronavirus a beaucoup fragilisé cette configuration favorable).

Par contre, les perroquets otanophiles sont parvenus à leurs fins sur un autre plan : ils ont empêché tout apaisement entre les États-Unis (et leurs vassaux) et la Russie. Le parti de la guerre continue de mener la danse. On peut d’ailleurs se demander si le Russiagate n’avait pas pour but premier, dans l’esprit de ses instigateurs, de contrecarrer le non-interventionnisme, l’obsolescence de l’Otan et le rapprochement américano-russe sur lesquels Donald Trump avait fait campagne (la sincérité de ces positions est une autre question).

Ce sinistre feuilleton était une façon pour les adorateurs du Pentagone de réaffirmer leurs fondamentaux : exceptionnalisme états-unien, hégémonie mondiale et impérialisme humanitaire. La vaste campagne anti-russe favorise également une restriction de la liberté d’expression et un contrôle de plus en plus strict d’Internet. De tout cela, les médias sont activement complices.

98 %, vraiment ? – Oui.

Nous présentons ci-dessous des captures d’écran effectuées sur les versions en ligne des principaux médias d’information permettant de se faire une idée de leur traitement du Russiagate et plus globalement du dossier des « ingérences russes » dans l’élection de 2016 (Le Canard enchaîné n’ayant pas de formule numérique, nous utilisons pour ce titre des reproductions réalisées à partir des archives sur microfilms). Au nombre de dix au maximum, les publications sont ordonnées chronologiquement. Comme cela peut être aisément vérifié, les titres – et les chapôs quand ils sont présents – des articles reflètent leur contenu, à quelques nuances près. Il s’agit ici de restituer la tonalité générale du discours.

Les lecteurs attentifs remarqueront la mention récurrente de l’expression « avec l’AFP » dans la signature des articles listés (c’est-à-dire qu’ils ont été écrits en reprenant largement une dépêche produite par l’agence de presse), ce qui montre le rôle majeur qu’a joué celle-ci dans la propagation de la théorie du complot. L’agence britannique Reuters est également citée. L’emprise souvent néfaste des agences de presse sur la production journalistique mériterait d’être davantage mise en lumière (sur le sujet, voir cette étude).

La couverture du Russiagate permet de mesurer le degré d’uniformité de l’espace médiatique français – droite et « gauche » confondues – sur ce qui a trait aux rapports de force mondiaux et à la géopolitique. Pluralisme et finesse d’analyse font particulièrement défaut quand il est question de la Russie. Nous avons affaire à un cas d’école qui révèle la soumission foncière à l’impérialisme américain, y compris de la part de publications prétendument alternatives (qui semblent réclamer une « autre Otan » – inclusive, bienveillante et durable – comme elles réclament une « autre Europe »). 98 % des médias sont les attachés de presse ou des critiques superficiels du militarisme euro-atlantique.

La pensée conspirationniste, considérée par les élites comme un grand fléau civilisationnel quand elle est pratiquée par les dominés, devient tout à fait autorisée pour la défense des intérêts de l’Occident néocolonial. On notera au passage le silence pudique des chasseurs patentés de fake news, fact-checkeurs et autres spécialistes médiatiques du complotisme sur la déconfiture du Russiagate. Par exemple, à notre connaissance, le sociologue Gérald Bronner, qui déplore abondamment – et souvent à juste titre – le « succès des mythologies du complot [et l’]hystérisation des débats publics » (cf. cette tribune), n’a pas dit un mot sur le sujet. Comment expliquer cette occultation si ce n’est par un biais politique ?

Quant à Rudy Reichstadt, qui est considéré par les médias dominants comme l’expert de référence en matière de conspirationnisme, il a écrit dans un article publié le 18 janvier 2019 sur Conspiracy Watch que le Russiagate était étayé par des « indices accablants » et des « éléments autrement plus solides que ceux sur lesquels sont habituellement bâties les théories du complot diffusées par le Kremlin ». Deux ans plus tôt, dans cet autre texte, il était allé jusqu’à accorder du crédit au fameux dossier Steele, dont « les éléments troublants […] portés sur la place publique » lui semblaient de nature à appuyer « l’hypothèse que le Kremlin ait pu influencer les élections américaines ». Convenons-en, Rudy Reichstadt est bien, en un certain sens, « expert en complotisme »… On comprend que le complexe médiatico-politique ait adoubé un tel champion pour défendre la cause.

Le cas du Russiagate montre à quel point l’ensemble du secteur médiatique peut faillir sous le poids de ses biais idéologiques et vices structurels. Une telle irresponsabilité représente une menace pour la paix mondiale. C’est pourquoi il nous faut inlassablement demander des comptes aux propagandistes. À ceux qui seraient tentés de minorer leur influence, nous préconisons la lecture de ce bref compte rendu d’un sondage effectué après la médiatisation des conclusions du rapport Mueller : « Pour près de la moitié des Américains, il y a eu collusion Trump-Russie ».

Laurent Dauré

Cliquez sur le nom d’un média pour accéder à l’échantillon de publications le concernant.

I. La règle : médias conspirationnistes (55)

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II. L’exception : média non-conspirationniste (1)

A. Mensuel (1)

Le Monde diplomatique

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Elections en Autriche : les fondamentaux du paysage politique confirmés

Par : pierre

Les 6,4 millions d’électeurs autrichiens étaient appelés à élire leurs députés le 29 septembre. 75,1% d’entre eux se sont rendus aux urnes, soit cinq points de moins que lors du précédent scrutin, en octobre 2017.

Un constat, au moins, réunit tous les analystes : l’éclatante victoire de l’ÖVP (droite conservatrice) qui a rassemblé 37,5% des électeurs. Lors des scrutins de 2008, 2013, et 2017, ce parti avait obtenu respectivement 26%, 24%, et 31,5%. Ce dernier résultat, obtenu il y a deux ans et déjà remarquable, était la conséquence du raid éclair que venait de mener Sebastian Kurz, alors âgé de 31 ans, sur son parti alors vieillissant et en perte de vitesse. Ce dernier avait pris la tête de l’ÖVP en mai 2017 en promettant de mettre fin à la « grande coalition » entre conservateurs et sociaux-démocrates. En octobre 2017, il triomphait dans les urnes et accédait à la chancellerie en constituant une alliance avec le FPÖ, souvent classé à l’extrême-droite.

Cette dernière formation avait axé sa campagne contre l’immigration, un sujet très sensible dans le pays : des centaines de milliers de réfugiés avaient transité ou demandé asile en Autriche lors du pic de la crise de 2015-2016. Son chef, Heinz-Christian Strache, fort des 26% dans les urnes, devenait vice-chancelier, tandis que les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères (notamment) revenaient également à ce parti ou à des personnalités proches.

Les dirigeants de l’UE avaient, en 2000, boycotté l’Autriche, avant que cette attitude ne s’avère un fiasco

Une telle alliance entre une formation membre du Parti populaire européen (PPE, droite européenne) et une force jugée sulfureuse avait certes connu un premier épisode entre 2000 et 2005. Les dirigeants de l’UE avaient alors boycotté l’Autriche, avant que cette attitude ne s’avère un fiasco.

La coalition de 2017 a vu le jour dans un contexte très différent. Elle semblait plébiscitée par une majorité de citoyens, du moins jusqu’en mai dernier, lorsqu’éclata le scandale vite baptisé Ibizagate, du nom de l’île espagnole où M. Strache est tombé dans un énorme piège : une femme censée représenter un oligarque russe propose à M. Strache de financer son parti en échange de privilèges économiques. Celui-ci se montre très intéressé. Tout était monté de toutes pièces, mais la scène a été filmée. Sa diffusion a évidemment déclenché un tollé qui a poussé l’homme politique à la démission. Son parti a immédiatement pris ses distances.

Quelques semaines plus tard, ÖVP et FPÖ ne parviennent pas à former un nouveau cabinet, le premier posant des conditions draconiennes au second. Le FPÖ vote alors avec l’opposition sociale-démocrate contre le chancelier Kurz. Ce dernier doit céder sa place à un cabinet purement technique chargé d’expédier les affaires courantes.

Dommages électoraux

Un des enjeux du scrutin du 29 septembre était donc de mesurer les dommages électoraux du scandale sur le FPÖ. Avec 16,2% des suffrages, il dégringole de 9,8 points par rapport à son score de 2017. Cependant, en 2008 puis en 2013, ses scores s’étaient respectivement établis à 17,5% et 20,5%, ce qui relativise quelque peu cette chute. Selon les études, les gros bataillons des électeurs perdus sont venus renforcer le parti de M. Kurz, ou bien se sont abstenus.

Pour sa part, le Parti social-démocrate poursuit sa chute – un peu à l’image de son grand frère allemand – avec un score historiquement bas, soit 21,2%. Lors des précédents scrutins, il avait obtenu successivement 29,2%, 26,8% et 26,9%. Jusqu’aux années 2000, il rassemblait plus du tiers des électeurs.

Les Verts rassemblent 13,8% des électeurs, certes un bond de 10 points par rapport à 2017, mais guère supérieur à leur score de 2013, 12,4%

De son côté, Neos, la formation créée par un oligarque et qui se réclame ouvertement de l’ultralibéralisme, recueille 8,1% des suffrages, soit un gain de 2,8 points par rapport à 2017 (après s’être établi aux alentours de 5% dans les deux scrutins précédents).

Enfin, le résultat des Verts a été de toutes parts salué comme une prouesse historique. Certes, ceux-ci rassemblent 13,8% des électeurs, soit un bond de 10 points par rapport à 2017. Cette année-là cependant, les écolos étaient en proie à de ravageuses dissensions internes. Mais en 2008 et 2013, les Verts obtenaient respectivement 10,4% puis 12,4% – des scores finalement guère inférieurs à leur résultat de 2019.

Quel attelage ?

Quel partenaire M. Kurz et son parti vont-ils se choisir ? La question obsède désormais les analystes.

Pour constituer une majorité, l’ÖVP pourrait souhaiter renouveler son attelage avec le FPÖ, une perspective politiquement cohérente : les programmes des deux formations ne diffèrent pas beaucoup – notamment en matière de contrôle strict de l’immigration et de préservation de l’identité autrichienne. De même, les électorats ont de larges caractéristiques communes – notamment leur ancrage particulièrement solides dans les petites villes et le milieu rural.

Sauf que la déception des dirigeants du FPÖ a conduit ces derniers à annoncer, au lendemain du scrutin, qu’ils préféraient désormais se ressourcer dans l’opposition. Et ce, alors même qu’ils avaient fait campagne pour reformer la coalition avec le parti de M. Kurz, « afin que celui-ci ne mène pas une politique ‘de gauche’ ». Il est vrai que la législature sortante avait à son bilan des mesures particulièrement draconiennes contre le monde du travail, notamment la liberté laissée aux entreprises de payer à leur guise les heures supplémentaires, et des possibilités supplémentaires d’allongement de la durée du travail.

La perspective d’une alliance avec les Verts (qui centrent leurs exigences sur le climat et l’intégration européenne, mais pas sur le social) est au centre des pronostics. Elle était déjà sur la table avant les élections, mais dans une configuration qui aurait inclus Neos (ce qui en dit long sur la place qui aurait été accordée au social). Mais après le vote, ÖVP et Verts disposent arithmétiquement de la majorité sans avoir besoin d’une alliance à trois.

Une telle coalition existe déjà dans plusieurs Länder, et correspond probablement au souhait de barons régionaux de l’ÖVP. En revanche, elle représenterait un risque politique pour M. Kurz, qui a bâti ses succès sur une image de rigueur en matière migratoire et de conservatisme culturel. Les conditions posées par les écolos, du haut de leur score, semblent dans ce contexte peu compatibles avec la ligne du futur chancelier.

Une dernière hypothèse serait la formation d’un gouvernement sans alliance stable, Sebastian Kurz s’efforçant alors de constituer des majorités au coup par coup.

Au lendemain du scrutin, ce dernier s’est efforcé d’en dire le moins possible sur ses intentions.

A Bruxelles, on affiche discrètement sa satisfaction de voir les « populistes » rejoindre l’opposition, et d’aucuns font même le lien avec l’Italie où la Ligue a également été sortie du gouvernement.

Un soulagement d’autant plus notable que le FPÖ est lié par un accord de coopération avec le parti russe qui soutient Vladimir Poutine, Russie unie. Les dirigeants européens étaient particulièrement effrayés, par exemple, d’imaginer que, via le ministère de l’Intérieur, des informations des services autrichiens transitent vers Moscou. De ce fait, certains analystes n’excluent pas que les services allemands aient trempé dans le coup monté contre M. Strache, pour faire éclater la coalition mise en place en 2017, en tout cas pour écarter le sulfureux ministre de l’Intérieur FPÖ, Herbert Kickl, qui représentait une pomme de discorde avec l’ÖVP. Il est vrai que des conflits internes au FPÖ pourraient aussi expliquer la mise en place du piège.

Bruxelles aurait sans doute tort de se réjouir trop vite, car les fondamentaux de la politique autrichienne ont été plutôt confirmés par ce scrutin

Cependant, Bruxelles aurait sans doute tort de se réjouir trop vite, car les fondamentaux de la politique autrichienne ont été plutôt confirmés par ce scrutin : victoire personnelle pour Sebastian Kurz, qui ne met certes pas en cause l’appartenance de son parti au PPE, mais représente tout de même une aile spécifique de celui-ci ; maintien du FPÖ à une troisième place avec un score non négligeable (et supérieur à celui des Verts) malgré un scandale d’une ampleur sans précédent ; et nouvelle chute des sociaux-démocrates, alors même que la situation aurait pu leur profiter.

A ce titre, renouer avec une grande coalition ÖVP-SPÖ est moins que jamais à l’ordre du jour. Cette configuration a été fréquente à Vienne depuis des décennies, et a conduit à un rejet de la politique traditionnelle basée sur le consensus « centre droit – centre gauche » (et le clientélisme qui va avec), modèle si typique de l’intégration européenne.

Les négociations entre forces politiques prendront des semaines, peut-être même plusieurs mois. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts du Danube. Et qui sait si une alliance ÖVP-FPÖ ne sera pas revenue d’actualité ?

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Espagne : quelle majorité après le scrutin du 28 avril ?

Par : pierre

En Espagne, les élections législatives du 28 avril ont connu une participation record : 75,8% des 37 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes, soit 9,3 points de plus qu’en juin 2016. Il s’agissait du troisième scrutin de ce type depuis décembre 2015.

Ce dernier avait marqué un tournant majeur. Le traditionnel face-à-face entre le Parti populaire (PP, droite conservatrice) et le Parti socialiste (PSOE) avait été bouleversé par l’émergence de deux nouvelles formations : Podemos, étiqueté gauche radicale, issu du mouvement social des Indignés (apparu dès 2011 en pleine crise économique et sociale) ; et Ciudadanos, une formation initialement issue de la Catalogne mais radicalement opposée à l’indépendance de celle-ci, et qui s’est étendue à l’ensemble du pays, mettant en avant la lutte contre la corruption ainsi que le libéralisme, voire l’ultralibéralisme.

Cette quadripartition avait alors empêché la formation d’une majorité parlementaire, et provoqué un nouveau scrutin en juin 2016. Mariano Rajoy (PP), premier ministre depuis décembre 2011, s’était finalement maintenu à son poste en obtenant des majorités au coup par coup. Et ce n’est qu’en juin 2018 qu’il avait été renversé, de manière inattendue, par une motion de défiance parlementaire présentée par le chef des socialistes, Pedro Sanchez.

Ce dernier a profité d’un énorme scandale de corruption où le PP était impliqué pour réunir ponctuellement une majorité de députés, et accéder ainsi à la présidence du gouvernement. Il ne disposait cependant que sur 84 députés (sur 350). Son gouvernement minoritaire a tenu jusqu’à février 2019, date à laquelle son budget a été rejeté. Des élections anticipées sont alors devenues inévitables.

Pedro Sanchez apparaît comme l’un des vainqueurs du scrutin du 28 avril. Avec 28,7% des suffrages, il gagne 6,1 points, arrive largement en tête, et compte désormais 123 députés (et même 123 sénateurs, soit la majorité de la Chambre haute).

En revanche, Unidas Podemos (qui regroupait Podemos et des petits alliés comme la Gauche unie) doit se contenter de 14,3% des suffrages, soit une chute de 6,8 points. En 2016, ses dirigeants rêvaient de doubler le PSOE (il s’en est fallu de 1,5 point) et de prendre la tête du gouvernement. Aujourd’hui, son premier dirigeant, Pablo Iglesias, n’a même pas attendu la fin du dépouillement pour proposer à M. Sanchez de devenir un partenaire junior de gouvernement.

De nombreuses querelles internes expliquent en partie cette déconfiture. Plusieurs dirigeants, dont le numéro deux, Inigo Errejon, sont partis. Ce dernier plaidait pour que Podemos redevienne un mouvement transversal populaire transcendant le clivage droite-gauche. La campagne de Podemos a balayé de nombreux thèmes (jusqu’au bien-être animal) plus à même de répondre aux souhaits d’un électorat urbain plutôt aisé qu’aux préoccupations ouvrières. Ses pertes sont moins sévères dans les régions géographiquement « périphériques » (dont la Catalogne), mais il dégringole dans les régions centrales.

Pour sa part, le PSOE a mis en avant des mesures prises en quelques mois de gouvernement minoritaire en vue des élections : augmentation du SMIC à 900 euros (+22%), indexation des retraites, hausse des bourses étudiantes, et annonce de création de postes de fonctionnaires. Le transfert de la dépouille de l’ex-dictateur Francisco Franco a symboliquement complété le tableau. Les socialistes ont en outre bénéficié d’un « vote utile » face à l’émergence annoncée de Vox, une force d’extrême droite ne cachant guère sa nostalgie du franquisme.

Deux thèmes

Vox avait fait une entrée fracassante au parlement d’Andalousie en décembre 2018 (cf. Ruptures du 31/01/19), passant d’un groupuscule marginal dissident du PP en 2013 à un parti réunissant 11% des électeurs. Il a ainsi permis à une coalition PP-Ciudadanos de conquérir la majorité régionale, détrônant le PSOE dans son fief historique.

Deux thèmes en particulier avaient permis à cette jeune formation, très active sur les réseaux sociaux, de créer la surprise : la dénonciation de l’immigration qui s’est considérablement accrue dans la dernière période ; et l’opposition aux indépendantismes, notamment catalan. La mise en avant des traditions et de l’unité espagnoles est ainsi apparue dans le débat public. Elle a ensuite imprégné la campagne pour les élections générales.

Avec 10,3% et 24 députés, Vox réussit sa spectaculaire arrivée, même si ses dirigeants et sympathisants espéraient un score encore plus élevé, susceptible de reproduire au niveau national la nouvelle configuration andalouse. Tel n’est pas le cas, du fait de la défaite historique du PP.

Avec 16,7%, ce dernier divise son résultat par deux (- 16,3 points) et obtient ainsi le pire score de son histoire. Les retombées des scandales de corruption ont manifestement pesé. En outre, la stratégie déployée par son jeune leader, Pablo Casado, consistait à radicaliser son discours pour tenter de contenir l’hémorragie de ses électeurs vers Vox. Cela n’a pas fonctionné, et lui a en outre fait perdre des voix plus « centristes » au bénéfice de Ciudadanos.

Ce parti s’en sort bien puisqu’avec 15,8%, il améliore de 2,8 points son résultat de 2016. Son chef, Albert Rivera, a souligné que 200 000 voix seulement le séparaient du PP. Mais l’hypothèse d’une coalition majoritaire des trois partis de droite est désormais exclue : ensemble, ils ne totalisent que 147 députés. Le « bloc de gauche » en compte, lui, 165. Insuffisant, cependant, pour atteindre la majorité absolue de 176 sièges. Une barre qui ne serait pas atteinte même avec le soutien des six élus du Parti nationaliste basque.

Le triomphe du PSOE au soir du scrutin (conforté par de bons résultats aux élections régionales à Valence), doit donc être relativisé. En 2008, à l’aube de la crise, ce parti obtenait encore 43,9% des suffrages – il est vrai que Podemos n’existait pas encore. Par ailleurs, l’actuel écart entre le « bloc de gauche » et celui de droite est inférieur à 100 000 voix. Enfin et surtout, M. Sanchez reste confronté à un choix délicat.

Soutien des indépendantistes ?

S’il écoute une large part de sa base, favorable à un accord avec Podemos, il lui faudra aller chercher le soutien complémentaire des indépendantistes catalans, au moins ceux de la gauche républicaine catalane (ERC) qui juge tactiquement plus adroit de composer avec Madrid. A noter que la droite indépendantiste – Ensemble pour la Catalogne (JxC), dont le chef est exilé à Bruxelles – prône en revanche l’intransigeance. Mais l’ERC (dont plusieurs dirigeants élus députés sont en prison après l’organisation du référendum illégal d’indépendance en octobre 2017) a largement battu ses alliés et rivaux de JxC.

M. Sanchez n’est guère enthousiaste quant à cette alliance avec des séparatistes catalans : ce sont ces derniers qui ont refusé de voter son budget. En outre, un tel soutien pourrait donner des armes à ses adversaires de droite prompts à l’accuser de défaire l’unité de l’Espagne.

Quant à une alliance PSOE-Ciudadanos, elle a été exclue par M. Rivera pendant sa campagne. Certes, un retournement n’est jamais à exclure, mais elle ne semble pas être dans l’intérêt tactique de Ciudadanos qui veut devenir le premier parti d’opposition, et mise sur un échec à court terme de M. Sanchez.

Pourtant, cette coalition entre deux formations qu’aucune grave divergence idéologique ne sépare assurerait arithmétiquement une majorité parlementaire stable – ce serait une première depuis 2015. Un avantage qui a probablement la sympathie des milieux d’affaires, comme en témoignent les récents commentaires du Financial Times et de The Economist.

A moins que M. Sanchez ne préfère constituer un gouvernement homogène minoritaire ? Dans ce cas, la question de sa longévité serait à nouveau posée. Quoiqu’il en soit, le 26 mai, les électeurs retourneront aux urnes pour les élections européennes, mais aussi régionales et locales. Aucune alliance ne devrait être constituée d’ici là.

Pedro Sanchez, à peine les résultats connus, a annoncé qu’il souhaitait « former un gouvernement pro-européen pour renforcer et non affaiblir l’Europe ». Une allusion implicite au fait que ce scrutin espagnol est bien le premier depuis longtemps au sein de l’UE qui n’a pas provoqué de sueurs froides à Bruxelles. Car tous les partis, Vox compris, sont des partisans déclarés de l’intégration européenne.

Pas sûr cependant que cela traduise un enthousiasme populaire unanime : le thème a été, prudemment, totalement absent de la campagne électorale…

Analyse issue notamment d’un entretien avec Nicolas Klein

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Le Royaume-Uni partira le 22 mai, ou peut-être même d’ici le 12 avril

Par : pierre

Depuis le 23 juin 2016 et le choix majoritaire du peuple britannique, l’issue finale était certaine : le Royaume-Uni sortirait bel et bien de l’Union européenne. Ce qui vient de s’éclaircir avec le sommet des Vingt-sept du 21 mars, ce sont le chemin, les modalités et les échéances. Certes, outre de toujours possibles ultimes rebondissements, il reste encore une incertitude importante : Londres partira-t-il le 22 mai moyennant l’accord de divorce signé en novembre dernier et assorti des garanties juridiques négociées en mi-mars ? Ou y aura-t-il une sortie « sans accord » le 12 avril ? La réponse sera fournie d’ici peu par les parlementaires britanniques.

Il y avait deux manières d’aborder ce qui s’est passé depuis près de trois ans. La première était de suivre au jour les jours les événements, sans prendre aucun recul. Et il faut bien reconnaître que l’incroyable suite de surprises, de rebondissements, de retournements, de coups de théâtre, d’affrontements internes et externes, de pièges, de chausse-trapes a dépassé tout ce qu’aurait pu concevoir le plus fou des scénaristes. Jusqu’au dernier moment, d’innombrables dirigeants politiques et commentateurs, des deux côtés de la Manche ont espéré que le résultat du référendum pourrait être inversé, ignoré ou gelé pour l’éternité.

le choix de juin 2016 n’était nullement une foucade conjoncturelle des Anglais

La seconde approche supposait, au contraire, de comprendre les mouvements politiques de fond, et notamment deux d’entre eux. D’une part, le choix de juin 2016 n’était nullement une foucade conjoncturelle des Anglais, mais s’inscrivait dans une tendance longue, marquée par un délitement de l’intégration européenne. Que celle-ci se soit d’abord concrétisée en Grande-Bretagne n’étonnera que ceux qui ignorent ou méprisent l’Histoire (et la géographie qui la détermine).

D’autre part, l’époque n’est plus où les dirigeants européens pouvaient tranquillement exiger que le résultat d’un référendum soit à nouveau soumis au vote jusqu’à ce que les électeurs donnent enfin la « bonne réponse », ou soit purement et simplement inversé. C’est ce qu’ont subi les Danois en 1992 (traité de Maëstricht), les Irlandais en 2001 (traité de Nice) et 2008 (traité de Lisbonne), ainsi bien sûr que les Français et les Néerlandais en 2005 (traité constitutionnel). Les temps ont changé, et les peuples supportent de moins en moins cette arrogance.

Beaucoup de partisans de l’intégration européenne auraient pu s’éviter trois ans de faux espoirs

Beaucoup de partisans de l’intégration européenne auraient pu s’éviter trois ans de faux espoirs et de vaines illusions s’ils avaient simplement mesuré la détermination de Theresa May. Arrivant au pouvoir dans la foulée du référendum, en juillet 2016, celle qui avait pourtant elle-même voté pour rester dans l’UE a affirmé : je suis ici pour remplir le mandat que les citoyens m’ont donné, et je le ferai.

Sans doute ne mesurait-elle pas elle-même l’incroyable déchaînement d’obstacles qu’allaient ériger ses innombrables détracteurs – bien sûr les Vingt-sept et la Commission européenne, de même que sa propre opposition parlementaire, ce qui est somme toute logique ; mais aussi ses adversaires parmi ses propres députés, ceux qui militaient pour une sortie sans accord, comme ceux – nombreux – qui espéraient que le pays resterait au sein de l’UE ; et jusqu’au sein de son propre gouvernement, y compris son numéro deux ainsi que le chancelier de l’Echiquier, et même son propre chef de cabinet !… A des degrés divers, les uns et les autres ont tenté de faire dérailler le processus, ou de le dénaturer. Et l’on ne compte pas les quolibets quotidiens, moquant les « humiliations », les « gifles », les « revers », les « défaites » subies par le premier ministre, et pronostiquant régulièrement (depuis trois ans) sa démission. Encore aujourd’hui, certains poussent le grotesque jusqu’à espérer cette issue comme arme pour un ultime retournement.

Jamais un autre dirigeant européen n’aura tenu tête à ses pairs d’une telle manière

Quoi qu’on pense par ailleurs des orientations politiques de Mme May, force est de le constater : jamais un autre dirigeant européen n’aura tenu tête à ses pairs d’une telle manière.

Enfin, le chemin de croix qui lui a été imposé avait un autre objectif : convaincre les peuples du Vieux continent que sortir de l’UE est un cauchemar, une catastrophe, une torture sans fin. Et à l’exaspération – ô combien compréhensible – des Britanniques eux-mêmes face à un dénouement toujours reculé, s’est ajouté le sentiment instillé aux Allemands, aux Français et à bien d’autres que, décidément, quitter le club est une impasse insupportable.

D’ici quelques semaines ou quelques mois, chacun pourra enfin le constater : le Royaume-Uni n’aura ni sombré ni subi on ne sait quelle infernale catastrophe économique.

Au contraire.

La prochaine édition de Ruptures (fin mars) reviendra en détail sur le Conseil européen et les suites du dossier. Il n’est pas trop tard pour s’abonner

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Le donnant-donnant d’Aix-la-Chapelle

Par : pierre

C’est ce qui s’appelle avoir le sens du symbole. Le 21 janvier, Emmanuel Macron paradait à Versailles, dans le château du Roi-Soleil. Objectif : séduire les plus grands patrons des multinationales. Le lendemain, il officiait à Aix-la-Chapelle, la capitale de Charlemagne. Il s’agissait de signer un nouveau traité franco-allemand.

Ledit traité a suscité beaucoup de commentaires unilatéraux, caricaturaux, voire fantaisistes. Ce qui a permis, en retour, à certains d’assurer que le texte était en réalité anodin, ce qui n’est pas le cas.

Pour en saisir le contexte et l’esprit, il convient de lire l’accord lui-même, mais aussi les allocutions des deux dirigeants lors de la cérémonie. Angela Merkel n’a pas caché que diverses dispositions ont été âprement négociées. Elle a rappelé que c’est son hôte qui en a le premier lancé l’idée (à la Sorbonne, en septembre 2017).

Une angoisse commune des deux protagonistes pointe  face à un ordre où la domination occidentale ne va plus de soi

A travers les discours des deux protagonistes pointe une angoisse commune face à un ordre où la domination occidentale – que certains avaient cru éternellement établie après la disparition de l’URSS – ne va plus de soi. Montée de la Russie, de la Chine, ainsi que d’autres puissances émergentes, mais aussi imprévisibilité du président américain qui déstabilise tant ses alliés : tout cela constitue un inquiétant « tumulte du monde », selon le chef de l’Etat français, qui ajoute : « la menace (…) vient de l’extérieur de l’Europe » mais aussi « de l’intérieur de nos sociétés ». Angela Merkel fait écho : « le populisme et le nationalisme se renforcent dans tous nos pays », et cite en premier lieu le Brexit – un cataclysme pour les deux dirigeants effrayés par la menace d’épidémie dans une Union européenne qui prend l’eau de toutes parts.

Face à ces risques de débâcle, le remède est tout trouvé : toujours plus d’intégration européenne. La chancelière précise que cela passe par une « refondation de notre responsabilité franco-allemande au sein de l’Union européenne », et par une « compréhension commune de notre rôle international ». De tels propos ne devraient pas manquer d’agacer les autres « partenaires européens », dont beaucoup sont peu enthousiastes à l’idée d’un nouveau directoire franco-allemand qui ne dit pas son nom. Les dirigeants italiens ont été les premiers à prendre la mouche.

Donnant-donnant

L’accord apparaît comme un donnant-donnant : à Paris, on voudrait partager la codirection de l’Europe avec une Allemagne économiquement dominante. A Berlin, on accepte volontiers le marchepied diplomatique proposé par la France officielle à son voisin pour un accès privilégié à la scène diplomatique mondiale. Ce n’est pas un hasard si la chancelière a insisté sur « notre responsabilité commune en matière de politique étrangère » et sur l’action en matière de politique de développement, particulièrement en Afrique.

Aux termes du traité, la coopération diplomatique et militaire devrait donc être renforcée, que ce soit en matière capacitaire (armements) ou d’interventions à l’extérieur. Côté allemand, les marchands de canons rêvent d’effacer les quelques garde-fous en matière d’exportations d’armement qui prévalent chez eux, alors que les contrôles sont fort accommodants en France. De même, une « harmonisation » avec la France serait saluée par ceux qui s’agacent que les militaires allemands ne puissent être projetés sur des terrains extérieurs sans le consentement du Bundestag, là où l’Assemblée nationale française n’a pas son mot à dire.

Par ailleurs sont encouragées l’« harmonisation » des législations « par exemple dans le droit des affaires », et plus généralement la « convergence » en matière économique, fiscale et sociale. Un souhait exprimé de longue date par les organisations patronales des deux côtés du Rhin, dans la perspective de diminuer les « charges » et d’accroître la « compétitivité » des grandes entreprises.

Des « entités transfrontalières » pourront se voir accorder des « compétences appropriées » moyennant des dispositions législatives dérogatoires

Enfin, est affirmée la volonté de renforcer les prérogatives des « entités transfrontalières » qui pourront se voir accorder des « compétences appropriées » moyennant des dispositions législatives dérogatoires pour les régions frontalières. Le processus est connu pour promouvoir un effacement rampant des frontières et donc une intégration européenne à bas bruit, contradictoire avec la souveraineté nationale. Angela Merkel n’a pas manqué de se réjouir de cette évolution de la culture politique française – historiquement attachée à l’égalité de la loi pour tous – là où l’Allemagne fonctionne selon un mode fédéral laissant aux régions une large marge de manœuvre. Que le traité se sente obligé de préciser que ces dispositions doivent respecter les constitutions des deux pays constitue un aveu en creux de ce qui se joue sur ce terrain.

Il reste que ces embrassades au sommet adviennent au moment où la chancelière allemande est très affaiblie dans son propre pays et où son homologue français est honni dans l’Hexagone.

Et au moment où ce dernier prétend mener un « grand débat » pour s’enquérir des vœux de ces concitoyens, il s’est bien gardé de soumettre le traité d’Aix-la-Chapelle à ces derniers. Souveraineté, cadre des évolutions économiques et sociales, perspective de convergence diplomatico-militaire, union européenne : on ne va tout de même pas laisser le peuple débattre de ces détails…

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L’accord de Marrakech est né à Davos

Par : pierre

Le « Pacte global pour des migrations sures, ordonnées et régulières » est le fruit de négociations entre près de 190 pays depuis 2013. Rappelant le principe de souveraineté des Etats, le texte se veut « non contraignant ».

Mais derrière l’apparence rassurante se profile un contenu explosif, plus idéologique que juridique. En substance : les migrations sont une composante nécessaire et bienvenue d’une mondialisation heureuse… Et dans la quarantaine de pages du document, il est à peine question des causes qui poussent aux mouvements collectifs de populations : la misère est peu évoquée, les guerres, jamais. A fortiori leurs responsables.

Au contraire, l’introduction affirme d’emblée que « les migrations font partie intégrante de l’histoire humaine et (… sont) source de prospérité, d’innovation, et de développement durable dans notre monde globalisé ». Conséquence : les impacts positifs « doivent être optimisés en améliorant la gouvernance des migrations ».

L’accord prévoit donc de « créer les conditions pour que les migrants enrichissent les sociétés par leurs capacités humaines, économiques et sociales, et de faciliter ainsi leur contribution au développement durable aux niveaux local, national, régional et global ».

Parmi les vingt-trois objectifs énoncés figurent « le renforcement de la disponibilité et de la flexibilité des routes pour les migrations régulières », « l’investissement dans la reconnaissance mutuelle des qualifications et compétences », ainsi que « la promotion des transferts d’argent sûrs et rapides et de l’inclusion financière des migrants ».

« Subventionnement du Nord par le Sud »

L’économiste allemand Norbert Häring s’est attaché à décortiquer le Pacte, ainsi que l’influence de ceux qui ont, très en amont, déterminé son contenu. Il s’appuie notamment sur les analyses d’un des meilleurs spécialistes du sud en matière migratoire, l’économiste Raoul Delgado Wise. Cet universitaire mexicain antilibéral résume ainsi l’une de ses conclusions : « la migration est fondamentalement un subventionnement du Nord par le Sud ».

L’affirmation est fondée sur un constat, confirmé entre autres par une étude de la grande banque américaine Citi, qui se réjouit : « les migrants arrivent avec une éducation et une formation qu’a financées leur pays d’origine ».

Le Pacte évoque peu le problème de la « traite des cerveaux », regrette Norbert Häring. A peine est-il noté que « le départ des jeunes qualifiés a des conséquences importantes tant financières que sociales pour les pays d’origine ». Pourtant, cette fuite des mieux formés représente entre le cinquième et la moitié des jeunes qualifiés en Afrique et en Amérique centrale. Une saignée d’autant plus dramatique que, par exemple en Afrique sub-saharienne, seulement 4% des jeunes accèdent à l’université.

Plus globalement, l’expert mexicain conclut que « le scénario soi-disant gagnant-gagnant (notamment martelé par la Banque mondiale) ne bénéficie en réalité qu’aux pays d’accueil, et plus précisément aux employeurs dans ceux-ci ». Quant au souhait, exprimé dans le Pacte, de promouvoir une migration sur la seule base volontaire, Raoul Delgado Wise n’y croit pas un instant : « les migrations du Sud vers le Nord sont par essence des migrations forcées par le fossé de niveau de vie ».

Cela ne concerne du reste pas seulement les rapports Nord-Sud. Norbert Häring cite ainsi une étude de la Banque centrale allemande de janvier 2018 pointant en particulier l’arrivée en Allemagne de travailleurs de l’Est de l’UE : « l’immigration nette en provenance des Etats membres a été, ces dernières années, un facteur qui a fortement ralenti la hausse des salaires ».

Brochette de patrons

Ce n’est donc pas un hasard si les idées clé du Pacte migratoire trouvent leur origine dans le cénacle de Davos. Au sein dudit Forum économique mondial, un réseau, nommé Conseil de l’agenda global sur les migrations, est particulièrement actif. Entre 2011 et 2013 en particulier, une brochette de patrons de grandes multinationales et de responsables politiques a élaboré un document très complet qui a largement inspiré les organes des Nations Unies s’occupant des migrations.

Les têtes de chapitres de ce discret document sont édifiantes : « migrants et compétition mondiale pour les talents », « migration et compétitivité », « la migration engendre des opportunités de business », « démographie, migration et business »…

Outre le mantra selon lequel les migrations seraient bonnes pour tout le monde, on y lit notamment que les partis politiques s’opposant à celles-ci représentent un problème pour le monde des affaires ; et que les entrepreneurs ne s’engagent pas assez sur ce terrain, par peur d’impopularité.

Plus important encore : les auteurs soulignent que les migrations ne devraient pas mettre en jeu les rapports entre les individus et les Etats, mais bien entre les individus et les employeurs, par l’intermédiaire des Etats.

L’économiste allemand livre en outre les notes prises lors de la présentation orale de ce document dans le cénacle helvétique. Selon celles-ci, les travailleurs migrants, toutes qualifications confondues, sont devenus des « forces motrices » pour l’économie mondiale. Et les responsables politiques qui promettent de restreindre les migrations constituent « un grave danger pour les entreprises ». D’où la nécessité que ces dernières travaillent main dans la main avec les responsables politiques et les ONG.

Bref, de plus en plus de pays auraient besoin d’une immigration forte pour des raisons démographiques, de forces de travail, mais aussi fiscales et de « diversité ». Par ailleurs, les migrants représentent non seulement de la main d’œuvre, mais potentiellement un marché de consommateurs avec d’« énormes potentialités de business ».

A ce titre, le groupe de Davos considère constituer « un microcosme idéal pour la formation d’une coalition en faveur des migrations ». Et martèle : « le secteur privé a intérêt à attirer les talents du monde entier. Pour leur part, les gouvernements, dans l’intérêt de la compétitivité des entreprises, doivent changer le ton des débats en s’engageant pour les migrations. Pour sa part, la société civile (y compris les syndicats) comme garante de conditions de travail décente, (…) doit se considérer comme partenaire du secteur privé ».

Hôte du sommet de Marrakech, le ministre marocain des Affaires étrangères décrivait récemment les migrations comme des « phénomènes naturels ». Force est de constater que certains entendent bien encourager la « nature »…

Article paru dans l’édition de Ruptures du 18/12/18 (qui comprend notamment d’autres analyses sur ce dossier)

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« Nous sommes le peuple ! » (éditorial paru dans l’édition du 19/12/2018)

Par : pierre

Londres, Berlin, Rome, Madrid, Bruxelles, Stockholm. Et Paris. Si un européiste s’était éclipsé de l’UE il y a quelques années et ré-atterrissait aujourd’hui, il serait atterré, éberlué, anéanti. Où qu’il porte le regard, il ne découvrirait que ruines et cataclysmes. A commencer par ce fait de portée littéralement historique : pour la première fois, un pays va quitter l’Union européenne après en avoir démocratiquement décidé. Certes, les soubresauts ne sont pas terminés. Mais, d’une manière ou d’une autre, fût-ce à une échéance un peu plus éloignée qu’espéré par certains, le Royaume-Uni va reprendre le contrôle de ses lois, de ses deniers, de ses frontières.

L’Allemagne connaît une instabilité politique durable. A Rome, le cauchemar de la Commission européenne s’est réalisé. La Belgique vient de plonger dans une crise gouvernementale. La Suède n’a toujours pas de gouvernement.

L’Allemagne est, quant à elle, plongée depuis les élections de septembre 2017 dans une instabilité politique durable. Elections régionales calamiteuses, coalition chancelante et démission forcée de la patronne des chrétiens-démocrates : nul ne se risque à pronostiquer la fin de ce chaos qui paralyse Berlin sur la scène européenne.

A Rome, le cauchemar de la Commission européenne s’est réalisé : la coalition baroque des « populistes » et de l’« extrême droite » est au pouvoir et ne s’estime pas tenue par les règles sacrées de l’euro. Certes, des signes de compromis sont envoyés vers Bruxelles. Mais le fait est là : l’un des pays réputés les plus euro-enthousiastes durant des décennies a tourné casaque.

L’Espagne était il y a quelques mois encore décrite comme l’un des derniers pays immunisé contre ladite extrême droite. Or le parti Vox, jusqu’à présent marginal, vient d’entrer de manière fracassante dans le parlement régional d’Andalousie, et nourrit des espoirs réalistes de s’allier avec le Parti populaire (conservateur) en vue d’être associé au pouvoir à Madrid, peut-être dès 2019. La Belgique vient de plonger dans une crise gouvernementale. La Suède n’a toujours pas de gouvernement, près de quatre mois après les élections.

Et si notre néo-huron tentait de se consoler en se tournant vers l’Est, le spectacle achèverait de le désespérer. La Pologne et plus encore la Hongrie sont en conflit avec l’Union qui a entamé contre elles des procédures pour « grave atteinte à l’Etat de droit ». Quant à la Roumanie, elle est en passe de rejoindre le camp des moutons noirs « illibéraux », mais là avec un gouvernement social-démocrate. Comble de malheur : Bucarest prend au 1er janvier la présidence semestrielle du Conseil de l’UE.

Champ de ruines et de mines

Dans ce qui représente pour les fans de l’Europe un champ de ruines et de mines, on ne saurait oublier la France. On peut même penser que le mouvement des Gilets jaunes constitue, parmi les Vingt-huit et hors Brexit, la crise la plus ample, la plus profonde, et la plus dangereuse pour l’intégration européenne.

Parti d’un rejet ô combien légitime d’une taxe supplémentaire sur le carburant visant officiellement à imposer la « sobriété » énergétique « pour éviter la fin du monde », cette mobilisation allie dans une même dynamique l’irruption de la question sociale, à travers la révélation que la pauvreté et le mal-vivre ne sont pas le lot des seuls « exclus », mais bien de millions de ménages qui forment le monde du travail ; et la prégnance de la question nationale, comme en témoigne l’omniprésence du drapeau tricolore et de la Marseillaise. Deux mots sont revenus comme un leitmotive : pouvoir d’achat pour vivre décemment ; et souveraineté populaire, pour décider ensemble. Une auto-politisation accélérée résumée en une formule : « nous sommes le peuple ». Explosif et ravageur pour un président de la République symbolisant la richesse éhontée et l’arrogance assumée.

« Notre seule bataille, c’est pour la France » : la proclamation d’Emmanuel Macron relève de l’escroquerie, mais révèle la force d’un mouvement qui l’a contraint à passer ce soir-là l’Europe par pertes et profits

Ce dernier n’est pas seulement démonétisé dans l’Hexagone. Il a largement perdu son crédit au sein des élites de l’UE, qui, il y encore un an, voyaient en lui le jeune et brillant sauveur de l’Europe. La presse allemande, en particulier, ne lui pardonne pas d’être tombé de son piédestal jupitérien. C’en est fini des espoirs de réformes « audacieuses » et des ambitions européennes déclamées dans le discours de la Sorbonne.

Concluant son intervention solennelle du 10 décembre, le maître de l’Elysée a usé notamment de deux formules : « mon seul souci, c’est vous » ; « notre seule bataille, c’est pour la France ». La première est un aveu involontairement humoristique ; la seconde relève évidemment de l’escroquerie, mais révèle la force d’un mouvement qui a contraint le chantre de la « souveraineté européenne » à passer ce soir-là l’Europe par pertes et profits.

Rien ne sera plus jamais comme avant.

Pierre Lévy

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