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Chaud effroi (éditorial paru dans l’édition du 27/09/22)

Par : pierre

Y aura-t-il du courant à Noël ? Pour peu que les centrales nucléaires en maintenance reviennent vite en service et que la météo soit clémente (vive le réchauffement…), les interruptions de service sont peu probables, rassure le Réseau de transport d’électricité. A condition toutefois de se plier aux consignes de « sobriété » – autrement dit d’austérité – qu’édicte le gouvernement. Ainsi, un des pays les plus avancés de la planète en est réduit, au vingt-et-unième siècle, à évoquer le black-out, et à ordonner de baisser le chauffage… Il fallait bien un président « progressiste » pour accompagner cette régression d’échelle historique. Avec la sombre désinvolture qui fait son charme, Emmanuel Macron a ainsi prophétisé « la fin de l’abondance »…

Difficultés d’accès aux hydrocarbures, hausse vertigineuse des cours : une crise énergétique d’ampleur sans précédent s’accélère en Europe, dont les conséquences économiques et sociales pourraient bien faire figure de tsunami. Trois facteurs notamment sont à l’œuvre. Le premier d’entre eux est « systémique », diraient les linguistes bruxellois : l’avènement de la loi du marché. Celle-ci n’a pas toujours régi le commerce du gaz en particulier. Naguère, des contrats à long terme assuraient aux Etats producteurs des revenus stables, et aux acheteurs des prix bas. C’était avant que la fourniture de l’or bleu ne soit libéralisée, parallèlement à la déréglementation des ex-monopoles publics – une des réalisations phares de l’Union européenne.

Le deuxième facteur a trait au mot d’ordre désormais commun aux élites mondialisées : la réduction des émissions de CO2. Ainsi, le système d’échange européen des quotas carbone vise à renchérir délibérément l’utilisation, mais aussi la production, d’énergie carbonée. Au point que le gouvernement socialiste espagnol – qu’on ne peut soupçonner d’être « climatosceptique » – plaide pour que cette écotaxe, elle aussi régie par les mécanismes de marché et qui a bondi, soit gelée. Sans succès.

Enfin, le troisième facteur est celui qui a mis le feu aux poudres : les sanctions édictées par les dirigeants européens contre Moscou. L’UE a fait le choix politique de boycotter le charbon puis le pétrole russe, et menaçait de faire de même pour le gaz, avant que le Kremlin ne prenne les devants à titre de contre-sanction, en restreignant drastiquement les flux livrés par gazoduc. Résultat : le cours de l’or bleu – pour lequel les Vingt-sept cherchent désespérément des fournisseurs alternatifs – a été multiplié par douze en moins d’un an, entraînant une hausse faramineuse du prix de l’électricité.

Il faut dès lors tout l’aplomb d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour faire porter la responsabilité de la crise énergétique sur la Russie : celle-ci aurait volontiers, guerre ou pas, poursuivi ses livraisons si Bruxelles ne s’était pas juré de mettre son économie à genoux. Mais il semble que les peuples, confrontés à la chute brutale du pouvoir d’achat et aux restrictions qui se profilent, soient de moins en moins dupes : de Prague à Leipzig et d’Athènes à Naples en passant par Bruxelles, des manifestations se font jour, réclamant des pourparlers avec Moscou plutôt que le soutien inconditionnel à Kiev, voire l’ouverture du gazoduc Nord Stream II – une perspective dont Bruxelles ne veut pas entendre parler.

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois

Et même en France, ou pourtant ni la Nupes ni les syndicats n’osent mettre en cause le principe de punir Moscou, les élites s’inquiètent : « le doute et la lassitude menacent de s’installer », s’alarme avec effroi un récent éditorial du Monde (13/09/22). Celui-ci éprouve donc le besoin de marteler que les sanctions sont nécessaires « et fonctionnent ». La guerre en Ukraine serait-elle donc en passe de prendre fin ? Nullement. Mais la Russie « n’en est qu’au début d’un long calvaire », jubile discrètement le quotidien, dévoilant ainsi involontairement le véritable objet de celles-ci.

Surtout, « changer de cap sur les sanctions reviendrait à conforter Vladimir Poutine dans sa vision d’une Europe pleutre et incapable de tenir sa place dans l’histoire », argue Le Monde, ajoutant que « dévier de cette trajectoire (…) pourrait être fatal au projet européen ». Il faut donc tenir le cap, fût-ce au prix de « notre confort énergétique et notre prospérité économique ».

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois. Si cette froide vérité se répandait plus largement, l’hiver pourrait bien être chaud.

Pierre Lévy

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À lire : « Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique » de Marc Fontecave

Par : laurent

Une recension du livre de Marc Fontecave Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique (Flammarion, 2020) par Françoise Delcelier-Douchin, ingénieur au Centre national d’études spatiales (Cnes).

Il est rare d’entendre autant de scientifiques (virologues, épidémiologistes, biologistes à la recherche d’un vaccin, etc.) s’exprimer dans les médias, tous supports confondus, qu’en cette fin d’année 2020, plongés au cœur de la pandémie de coronavirus. Ces derniers mois, ils ont pris le relais des climatologues, glaciologues, spécialistes des énergies… Mais quel que soit le sujet, en écho à leurs interventions, le quatrième et le cinquième pouvoirs, respectivement les médias (écrits, audiovisuels) et les citoyens commentent, s’insurgent, dénoncent… Formidable vitalité d’une démocratie peuplée d’individus à l’esprit critique aiguisé par une culture abondante et multidisciplinaire ? Ou population dotée d’un esprit de critique systématique, soumettant toute allégation « à la critique rongeuse des souris » comme le dénonçait Karl Marx en son temps.

Marc Fontecave est chimiste de formation ; professeur au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences, il dirige une équipe de chercheurs sur la photosynthèse artificielle qui permettrait de « transformer le soleil en carburants » comme il l’écrit lui-même. Fervent défenseur des sciences et techniques et de leur apport indéniable à l’Humanité, il se donne deux grandes ambitions en publiant son ouvrage Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique. Au fil de trois grands chapitres, il incite le lecteur à le suivre sur le chemin, certes cahoteux, qui mènera à une réconciliation entre Progrès et Environnement ; mais encore, il s’attaque avec force pédagogie aux idées reçues, opposant à des croyances quasi mystiques des ordres de grandeur physiques incontestables.

Convaincu que les objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre (principaux responsables de l’augmentation de la température atmosphérique), acceptés par nombre de gouvernements sont parfaitement irréalistes, il fait la démonstration que les politiques énergétiques vont le plus souvent à contre-courant de cette diminution.

En effet, il démontre que seul le doublement de la part de l’électricité (de 25 % à 50 %) dans les énergies permettrait une décarbonation significative des secteurs les plus critiques (chauffage, transports et bâtiment), à condition que cette énergie électrique soit assurée par un mix énergétique performant et aussi propre et renouvelable que possible.

Or les chiffres et les faits sont là : la formidable promotion faite aux énergies solaire photovoltaïque et éolienne, certes renouvelables par essence et non génératrices de CO₂ dans leur utilisation est un leurre, et même, osons le dire, un mensonge, quand elles sont seules érigées au rang d’énergies de substitution du parc énergétique actuel.

Ces énergies ont une efficacité médiocre, elles sont constituées de matériaux rares (et donc non renouvelables), leur transformation est hautement génératrice de CO₂ puisque réalisée dans des usines alimentées au charbon ou au pétrole, elles sont intermittentes et non stables puisque la nuit, les nuages et le vent ne se commandent pas (encore ?) et sont donc irrémédiablement liées à une énergie de substitution ou à des moyens de stockage (batteries). Or, ces derniers sont peu vertueux aujourd’hui en termes d’émission de gaz à effet de serre ou sont encore au stade de prototype (hydrogène). Que dire enfin des conflits d’usage des sols qu’elles génèrent, tant la surface occupée doit être immense pour atteindre une production de masse ? Elles seront tout au plus un accompagnement de sources d’énergies plus efficaces.

Coulant de source sous la plume de Marc Fontecave, les mêmes critères appliqués aux autres énergies conduisent à une conclusion sans appel : la décarbonation de l’énergie et son effet significatif sur les émissions polluantes placent le nucléaire au premier plan. Mais sur ce sujet, gousses d’ail et crucifix sortent de l’ombre ! L’énergie diabolique est de retour…

Il ne faut pas moins d’un chapitre entier pour rappeler l’absence totale d’émission de CO₂ lors de l’utilisation (et le volume modéré produit lors de la construction de la centrale, dû au béton notamment), l’emprise au sol ridicule d’une centrale nucléaire en regard d’une centrale éolienne de même capacité (facteur 2 500 environ), la puissance colossale déployée, et une politique de sécurisation drastique.

Et l’auteur de se désoler que certaines options soient souvent disqualifiées « au mépris de simples règles de la physique », par des décideurs politiques davantage soucieux d’alliances électorales ou enclins à paraître plus verts que la chlorophylle aux yeux de leurs concitoyens. Mais les politiques ne sont pas seuls en cause, selon lui : des scientifiques sortent de leur domaine de compétence pour déployer des argumentaires que la pauvreté et l’approximation feraient bondir, appliquées à leur propre champ d’expertise ; des journalistes, malheureusement trop souvent formés aux seules sciences humaines et sociales relaient des énormités scientifiques et techniques ; des citoyens qui n’ont pas eu la chance d’accéder à un enseignement de la physique ou qui l’ont oublié… envient régulièrement l’herbe plus verte dans le champ du voisin mais lui laissent ses éoliennes (bruyantes), confondent la vapeur d’eau des tours de refroidissement des centrales avec des gaz à effet de serre (polluantes) et créent une association à chaque parc photovoltaïque déployé (laid). En résumé, à la différence de Saint Thomas, ils ne voient que ce qu’ils croient.

Le peuple de France, dans toutes ses composantes, fier à juste titre de sa culture, de son histoire, de sa souveraineté et de ses réussites passées (Concorde, TGV, Ariane, etc.) serait bien inspiré, de (re)lire De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville et de se donner comme objectif de faire l’éclatante démonstration que la démocratie française peut déjouer les travers que le philosophe prophétisait pour sa cousine américaine : vision court-termiste (alors que les considérations sur le climat imposent de penser en temps long), consumérisme effréné (cause d’émissions de gaz à effet de serre et de pollutions diverses), détermination du vote sur la base d’informations parcellaires, grossièrement agglomérées, parfois erronées, et sans faire l’effort d’une quelconque vérification.

Dans une ambiance apaisée où ne s’échangeraient plus que des considérations incontestables, la voie serait tracée pour renouer avec un progrès technique qui a permis l’augmentation de la longévité humaine, l’éradication de nombre de maladies, le recul des famines, le confort quotidien… Il est vrai, et Marc Fontecave le rappelle, ce progrès n’a pas été partagé par tous, pour paraphraser Aristote. Mais n’est-ce pas un formidable défi que de permettre au milliard de Terriens qui n’ont pas encore accès à l’énergie de partager ses bienfaits, de déployer toutes les intelligences pour que le vivre mieux s’accorde avec le vivre propre et que les effets inévitables aujourd’hui des politiques ayant tardé à se mettre en place puissent être palliés à moindre dégât ?

Pourraient alors s’accorder une politique courageuse de réindustrialisation, soutenue par une recherche fondamentale et appliquée aux énergies de demain, secteurs dans lesquels l’enthousiasme d’une jeunesse formée à la physique et aux techniques innovantes pourrait s’exprimer, soutenue par des citoyens qui se seront détournés des ayatollahs du catastrophisme, des chantres de la décroissance, ambition profondément égoïste et synonyme de davantage de misère, qui auront retrouvé l’optimisme et la confiance nécessaires aux nouveaux défis à relever.

Citoyens, professeurs, décideurs, journalistes… pour mettre à profit cette période de confinement et sortir de la paresse confortable qui enkyste les certitudes, lisez cet ouvrage d’éducation populaire complet et documenté. La pédagogie de Marc Fontecave, « distribue suffisamment de miettes parfumées de savoirs pour ouvrir l’appétit de la connaissance » pour reprendre les mots de Jean-Marie Albert. Halte au catastrophisme ! permet ainsi une réconciliation avec des domaines certes complexes mais traités ici avec simplicité pour demain décider, s’exprimer et peut-être voter en conscience.

Françoise Delcelier-Douchin

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La crise du Covid-19 engendre des profiteurs idéologiques parmi les « défenseurs de la planète »

Par : pierre

Certains saisissent l’occasion de l’épidémie et du confinement pour affirmer que des contraintes autoritaires sont aussi possibles et nécessaires pour combattre le réchauffement climatique.

On les attendait. On s’impatientait. On s’inquiétait. Mais qu’étaient devenus les acharnés du climat, les Greta-ficionados, les combattants de la planète ? Les premières apparitions du virus remontent désormais à plusieurs mois, et toujours aucune preuve de la culpabilité du réchauffement dans le surgissement de l’agent épidémique. Rien, le Covid sidéral !

C’est désolant.

Alors, faute de grives (bio), il a bien fallu enfiler des merles. Dans le paysage de la presse écrite dominante, Libération et Le Monde ont publié de nombreuses contributions de partisans de la soumission de l’Homme à la nature, ou des tenants de la version douce – la cohabitation harmonieuse et sans conflit.

Certains ont salué au passage « le plus salutaire des coups de frein » que constitueraient les circonstances actuelles. Pour s’en tenir aux seules colonnes du Monde, un premier angle d’attaque a fait revivre le parfum nostalgique d’un « âge d’or » – qui n’a évidemment jamais existé – au sein duquel les humains auraient accepté avec bienveillance leur indépassable infériorité vis-à-vis de la nature. Ainsi, avance l’essayiste Dominique Eddé (1), « on est en droit de se demander si la pandémie de coronavirus aurait généré autant de panique et d’angoisse dans une autre époque, un autre temps ».

On n’a malheureusement pas (encore) inventé la machine à remonter le temps. Sinon, on aurait volontiers conseillé aux sceptiques de la « modernité », voire pour certains de la science, aux amoureux de la biodiversité, aux ennemis du « productivisme », des OGM et des pesticides, de se transporter par exemple au Moyen-âge, quand les épidémies de peste noire étaient – ô temps béni – parfaitement naturelles, tout comme l’étaient les moyens de les combattre, avec l’efficacité incontestable des médecines douces. A défaut, on peut relire Camus. L’écrivain, situant son roman La Peste au vingtième siècle, évoquait les cadavres que l’on ramassait chaque matin gisant dans les rues.

Aussi dramatique que soit l’épisode actuel, on n’en est pas tout à fait là aujourd’hui. Surtout, le chaos tragique que connaissent les hôpitaux français s’explique non par la virulence du virus, mais par la démolition qui a été progressivement imposée au service public de santé. Ainsi, la panique aurait-elle fait irruption si l’on n’était pas passé, en quatre décennies, de 11 lits d’hospitalisation pour mille habitants à 6,5 ? Si l’on avait disposé d’assez de masques, d’assez de tests, d’assez de respirateurs ? La gravité de la situation ne s’explique pas par trop de « modernité », mais au contraire par la manière dont celle-ci a été minée par des choix politiques.

L’inévitable Noël Mamère voit dans la crise actuelle « une sorte de répétition générale avant l’effondrement majeur »

Déjà, en 2010, l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, qui avait paralysé une large partie du trafic aérien planétaire, avait suscité des commentaires pénitents – y compris un éditorial du quotidien du soir – sur le thème : la nature nous prouve sa supériorité indépassable, cet événement nous rappelle opportunément la nécessaire humilité. Dominique Eddé livre la version 2020 : « l’ignorance et l’impuissance, qui sont en définitive les deux données fondamentales de la condition humaine, sont brusquement de retour au sein de l’humanité ».

Comme si l’aventure de l’humanité ne consistait pas précisément à faire reculer, toujours et encore, et sans limite, « l’ignorance et l’impuissance ».

Pour sa part, l’inévitable Noël Mamère (2) voit dans la crise actuelle « une sorte de répétition générale avant l’effondrement majeur ». L’ancien maire de Bègles fait cependant preuve, allez savoir pourquoi, d’une certaine prudence : nous n’en sommes qu’à la répétition, pour le véritable effondrement, il faudra sans doute patienter encore un peu.

Second axe

Le second axe d’attaque des Philippulus de l’apocalypse s’intéresse à la méthode employée, en France et dans plusieurs autres pays, pour combattre la crise sanitaire. C’est sans doute le chroniqueur Stéphane Foucart (qu’on a connu plus rationnel précédemment) qui a donné le signal (3). En substance : si l’on peut imposer autoritairement des mesures drastiques contre l’épidémie, pourquoi ne procéderait-on pas de la même manière pour endiguer la production de CO2 ? Car, pour le journaliste, la méthode douce vantant une transition « verte » progressive (à défaut d’être progressiste) a prouvé son inefficacité. Qui plus est, précise-t-il avec honnêteté, à la différence du confinement temporaire aujourd’hui mis en œuvre, la sauvegarde de la planète devra imposer des contraintes aussi drastiques, mais « durables ». Disons jusqu’à 2050 et n’en parlons plus.

Un groupe de militants et d’associatifs n’a pas tardé à embrayer (4), appelant dans un texte collectif à « entrer en résistance climatique », affirmant « viser une victoire climatique à travers une profonde transformation de nos vies et de nos sociétés ». C’est le moment où jamais, affirment-ils, car « la crise du coronavirus vient démontrer à tous qu’une bascule rapide est possible ». Pour « sortir du productivisme et du consumérisme », les signataires entendent devenir une « minorité motrice, catalyseur enthousiaste d’une transition désirable capable d’initier le changement nécessaire dans toute la société ».

En « phase 1 » (cinq sont proposées), ils « invitent » notamment à adopter de sympathiques recettes : « repenser sa manière de se déplacer et ne plus prendre l’avion, redécouvrir les transports doux et rouler moins de 2 000 kilomètres par an en voiture ; développer la cuisine végétarienne et se nourrir d’aliments biologiques, locaux et de saison, avec de la viande au maximum deux fois par mois ». La « phase 2 » devrait déboucher sur « un nouvel imaginaire donnant à voir ce futur frugal et désirable ». On notera la référence à la « frugalité », emballage (recyclable) de l’austérité. Quant à la phase 3, elle verrait l’abolition de « l’aviation de masse » ; ce qui, si les mots ont un sens, signifie le retour à l’aviation d’élite. Enfin, une fois le bon exemple donné, la « phase 5 » verrait la mise en œuvre de « l’ensemble des outils de la diplomatie politique et économique (…) pour convaincre les gouvernements réfractaires ». Lesdits réfractaires n’ont qu’à bien se tenir. Car dans la géopolitique actuelle, les outils évoqués portent un nom : « sanctions ».

Encore s’agit-il là de la version douce. Quelques jours plus tard, deux chercheurs proposent leur contribution (5) visant à « tirer les leçons de la crise du coronavirus pour lutter contre le changement climatique ». Le refrain est le même, mais en mode comminatoire. François Gemenne et Anneliese Depoux commencent par se réjouir que, vraisemblablement, « beaucoup de ces mesures de ralentissement forcé de l’économie (aient) induit une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre ». Prenant l’exemple de la Chine, ils notent que « la période de confinement (…) a vraisemblablement épargné, dans ce pays, un nombre de vies plus important que le coronavirus n’en a coûté » du fait de la baisse de la pollution atmosphérique. Message transmis aux Chinois, qui ne manqueront pas d’appeler de leurs vœux l’arrivée de nouveaux virus, tant le bilan global paraît si positif.

Ce qui semble avoir échappé aux auteurs, c’est que la production de l’ex-Empire du Milieu a certes brutalement chuté, conduisant ainsi le pays à vivre sur ses réserves. Mais pourrait-il tenir longtemps sans produire ? Et donc sans, le moment venu, être en proie à la disette – dans un air cependant de plus en plus pur, appréciable consolation.

Les auteurs du texte se réjouissent : « il est (donc) possible que des gouvernements prennent des mesures urgentes et radicales face à un danger imminent (et…) que ces mesures soient acceptées par la population ». Mais pour se désoler aussitôt : « nous sommes à l’évidence incapables de faire de même pour le changement climatique ». Ils s’interrogent sur les raisons d’un tel hiatus.

Pour certains, face à l’urgence climatique, nous ne pouvons plus nous payer le luxe de ce qui s’appelait naguère la démocratie

La conclusion est sans appel, et mérite d’être intégralement citée : « la lutte contre le changement climatique aura également besoin de mesures décidées verticalement : si nous attendons que chacun prenne les mesures qui s’imposent, nous risquons d’attendre longtemps ».

On soulignera au passage le terme « verticalement », qui renvoie évidemment à la « verticale du pouvoir », expression consacrée pour stigmatiser l’autoritarisme attribué au président russe. Le message est sans ambiguïté : face à l’urgence climatique, nous ne pouvons plus nous payer le luxe de ce qui s’appelait naguère la démocratie ; des mesures autoritaires vont s’imposer.

Le sacrifice de la souveraineté populaire au nom de l’urgence climatique – l’injonction n’est certes pas nouvelle. Le petit plus consiste ici à se saisir d’une occasion jugée opportune, précisément du fait de la situation dramatique, pour tenter de marquer des points.

Chacun jugera.

Pierre Lévy

(1) Le Monde, 23/03/2020
(2) Le Monde, 14/03/2020
(3) Le Monde, 15/03/2020
(4) Le Monde, 20/03/2020
(5) Le Monde, 19/03/2020

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Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

Par : pierre

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy (ci-dessous), s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

 

Par Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Ruptures

Le « Pacte vert » (« Green Deal » en sabir bruxellois) est désormais l’axe majeur des institutions européennes. Il a été présenté en décembre dernier par Bruxelles. Le 14 janvier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen en a précisé le financement, avant que ne soit lancé, au printemps, une « grande loi climatique », qui s’imposera aux Etats membres. Il est question de milliers de milliards d’euros. Ce vaste « plan de bataille écologique » va devenir, selon Mme Von der Leyen, la « marque de fabrique » de l’UE.

Bien sûr, il s’est trouvé de nombreuses voix pour estimer que tout cela n’allait pas assez loin. D’autres, ou les mêmes, ont accusé la Commission d’escroquerie, de « faire semblant » de se convertir à l’écologie en cédant à l’air du temps.

Le discours environnementaliste structure l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens

Il n’en est rien. Le discours environnementaliste structure en profondeur l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens. Il trouve ses racines il y a plusieurs décennies. Ainsi, un cénacle issu de l’OCDE (organisation des pays occidentaux les plus riches), connu sous le nom de Club de Rome, publiait en 1972 un rapport resté célèbre intitulé « Les limites de la croissance ».

Ce texte fut vivement soutenu par Sicco Mansholt, président de la Commission européenne en 1972-1973. M. Mansholt, généralement considéré comme un des « pères de l’Europe », plaidait déjà pour la décroissance.

Et si l’on a un doute sur le rôle moteur des dirigeants, politiques, financiers et oligarques, dans la promotion des thèses pro-climat et pro-environnement, il n’est pas interdit de remarquer que l’emblématique multimilliardaire américain Michaël Bloomberg était encore récemment le représentant de l’ONU pour le climat. Il vient d’être remplacé à ce poste par le Canadien Mark Carney, qui fut président de la Bank of England jusqu’à janvier 2020. L’homme s’était rendu célèbre par ses prévisions apocalyptiques en cas de Brexit. Il a désormais un nouveau job pour déployer ses talents de prophète des catastrophes annoncées mais fantaisistes.

Distinguer deux pans

Il convient de distinguer d’emblée deux pans de la réflexion en ce qui concerne le « réchauffement climatique » : d’une part, la recherche et la confrontation scientifiques ; d’autre part l’analyse et la compréhension des enjeux qui y sont liés : économiques, sociaux, politiques, géopolitiques, démocratiques, voire philosophiques.

Le premier débat, sur la réalité dudit dérèglement climatique et sur ses causes possibles, relève des scientifiques eux-mêmes. On ne l’abordera donc pas ici. Tout juste peut-on rappeler qu’il n’y a pas d’unanimité parmi les chercheurs qui établirait sans conteste l’existence du réchauffement d’origine anthropique – sauf à traiter tous les scientifiques dissidents de fantaisistes, d’ignorants ou d’imposteurs.

Un esprit rationnel devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante si martelée qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé

En revanche, tous les citoyens sont parfaitement légitimes à s’inscrire dans l’autre débat, celui qui tente de cerner les tenants et aboutissants des campagnes actuelles. Du reste, un esprit rationnel et critique devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante, serinée matin, midi et soir dans la presse écrite et audio-visuelle, au point qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé. Si l’on écoute bien certains militants écolos, on ne devrait plus être très loin de la mise en place du crime de « négationnisme climatique », voire des sanctions pénales afférentes.

Cinq dossiers, au moins, peuvent être évoqués qui mettent en lumière le lien intrinsèque entre les intérêts de l’oligarchie occidentale mondialisée, et l’idéologie pro-climat. On ne peut ici citer que les têtes de chapitre, chacun d’entre eux méritant à l’évidence de plus larges développements.

Premier dossier : le social

Le premier pourrait être ainsi résumé : la sobriété jugée nécessaire pour « sauver la planète » est en réalité le faux nez de l’austérité que les forces de l’argent entendent imposer aux peuples. Elle a ses relais, évidemment, dans nombres de succursales de la « gauche » et est parfois prônée sous le nom de « sobriété heureuse ». A tous ceux qui s’inquiètent de la manière de boucler leur fin de mois, on agite la menace de la fin du monde. La « surconsommation », y compris d’énergie, est pointée du doigt, sur le thème : plutôt mieux être qu’avoir plus.

On notera que cet état d’esprit n’est pas nouveau dans l’idéologie dominante. Le jadis médiatique journaliste François de Closets a bâti l’essentiel de sa carrière éditoriale en dénonçant le peuple qui voudrait « Toujours plus », titre de l’un de la vingtaine d’ouvrages parus depuis 1970 sur ce même thème.

L’antagonisme entre ceux qui angoissent sur la « fin du mois » et ceux qui alertent sur la « fin du monde » a fait irruption en novembre 2018 : le mouvement des Gilets jaunes est né du refus de la taxe qu’a tenté d’imposer le gouvernement sur les carburants, dans le but avoué de « modifier les comportements ».

Des centaines de milliers d’emplois directs sont menacés, au nom du verdissement de l’économie

Le pouvoir d’achat de millions de travailleurs n’est pas seul en ligne de mire. Des centaines de milliers d’emplois directs sont également menacés, au nom du verdissement de l’économie – censé créer d’autres postes de travail, mais plus tard. Une réalité qui se retrouve aux quatre coins de l’Union européenne. Ce n’est pas par hasard si la Commission prévoit un Fonds spécialement consacré à « accompagner » les futurs travailleurs privés de leur emploi et les futures régions sinistrées.

Et il n’est sans doute pas anodin de remarquer que les catégories les plus menacées sont les plus emblématiques de la force et de l’histoire ouvrières : mineurs (en France, on avait trouvé d’autres prétextes pour liquider précédemment cette activité), sidérurgistes, ouvriers des industries chimique et de l’automobile… Un peu comme si dans l’inconscient des dominants, il s’agissait de se débarrasser des usines trop « carbonées »… et dans le même temps des classes dangereuses, surtout là où elles ont sont concentrées et combatives.

Deuxième dossier : la géopolitique

Le deuxième domaine est d’une autre nature. Il tient à une maladresse du Tout-puissant : celui-ci a eu le mauvais goût de répartir les hydrocarbures en en confiant une large part aux Etats non alignés sur l’Occident… Ainsi, la Russie, l’Iran, le Venezuela, pour ne citer que ces trois exemples, sont les pays où sont concentrées les plus grandes réserves pétrolières et/ou gazières.

On peut donc imaginer que dans les sphères dominantes, on ne serait pas forcément mécontent que ces Etats soient petit à petit privés des ressources que leur procurent les exportations d’énergie carbonée. En diabolisant cette dernière, on affaiblit ainsi les positions et les moyens financiers des adversaires ou ennemis désignés.

Troisième dossier : la gouvernance mondiale

Le troisième dossier est à forte connotation idéologique. On nous le répète encore et encore : la catastrophe climatique ne peut être combattue qu’à l’échelle mondiale. Un mantra providentiel pour tous ceux qui militent, depuis des décennies, pour une gouvernance mondialisée (rêve ultime des puissants) et ses déclinaisons en grands blocs régionaux, tels que l’UE.

Bref, cela tombe à pic : pour résoudre les grands problèmes de notre temps, l’échelle des Etats nations serait dépassée. Du coup, la thèse a toutes les apparences de l’évidence : le réchauffement n’a pas de frontières, il faut donc oublier les vieilles lunes de la souveraineté nationale.

Quatrième dossier : la démocratie

La quatrième dimension des impératifs climatiques imposés concerne un enjeu qui n’est pas tout à fait anodin : la démocratie. Car les exemples le montrent : les classes populaires, les peuples, semblent ne pas accepter de se soumettre à la doxa environnementaliste, en tout cas pas assez vite pour éviter les catastrophes annoncées.

Pire, ils seraient prêts à punir électoralement les gouvernements trop zélés en matière de lutte contre le CO2. Et comme ceux-ci auraient la faiblesse de craindre les réactions de leurs électeurs, les mesures nécessaires – résumées dans la formule : « il faut changer radicalement notre mode de vie » – sont éternellement retardées…

La conclusion s’impose : la démocratie est devenue un obstacle à la survie de la planète. Certains l’affirment ouvertement. D’autres, qui ne peuvent être aussi brutaux, s’interrogent gravement. Car si notre survie collective est réellement menacée, la démocratie doit passer après. C’est imparable – et c’est surtout, miraculeusement, une aubaine pour les puissants du monde, qui font de moins en moins bon ménage avec la souveraineté populaire (la Commission Trilatérale avait déjà pointé les « problèmes » de la démocratie dès les années 1970 – l’époque du Club de Rome).

Dernier dossier : la remise en cause du progrès

Enfin, le cinquième enjeu est probablement le plus fondamental, et a trait au progrès. Il ne peut échapper à personne que l’« air du temps » est à la remise en cause fondamentale de ce dernier. Le progrès sous toutes ses dimensions – sociale (pouvoir d’achat, protection sociale, services publics…), économique (croissance), culturelle, scientifique, technologique… – serait, au choix, suspect, coupable, risqué, ou arrogant.

Ici et là, on s’interroge gravement : ne serait-on pas allé trop loin ? Le dogme dominant pourrait ainsi s’énoncer : « veuillez laisser la planète dans l’état où vous l’avez trouvée ». Et pour donner une dimension émotionnelle supplémentaire à l’affaire, on convoque « nos enfants », « nos petits enfants » auprès de qui nous portons une lourde responsabilité. Exactement le même argument que pour la dette…

La palette est vaste, des collapsologues prônant ouvertement le retour à la charrue (quand ce n’est pas le suicide préventif de l’humanité, seule méthode pour laisser survivre la planète) jusqu’aux plus prudents qui se contentent de mettre en cause chaque nouveau projet d’infrastructure (ferroviaire, routière, aéroportuaire, hydraulique – il y a toujours un castor de la pampa qu’il faut sauver). Avons-nous vraiment besoin de tout cela ? murmure-t-on de différents bords.

Certes, la querelle entre partisans d’une vision prométhéenne de l’humanité et les tenants d’un antique âge d’or (qui n’a jamais existé) n’est pas nouvelle. Mais l’incapacité progressive du système actuel dominant à créer de la richesse (autre que pour les seuls actionnaires) a pour conséquence que ce système secrète des idéologies régressives, telle la décroissance, qui n’est que l’habillage bio de la récession.

La conception du rapport entre l’homme et la nature est le terrain privilégié de cette évolution littéralement réactionnaire. Il faudrait « préserver », « défendre », « respecter » la nature. Pire : l’idéologie dominante a désormais mis une équivalence entre « naturel » et « bon » (l’abondance nauséeuse de la publicité en ce sens l’illustre). Faut-il rappeler que ce culte du « naturel » n’a pas toujours été célébré ?

Mesure-t-on l’absurdité d’une telle injonction ? La nature regorge de produits toxiques, alors que les produits les plus artificiels (médicaments, chimie) représentent un atout irremplaçable pour le bien-être collectif et individuel. Même si, évidemment, on doit s’opposer aux pollutions issues de la recherche effrénée de profit – et non du progrès en tant que tel.

Ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ?

Plus généralement, ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ? Des premiers humains qui construisent un toit protecteur pour se mettre à l’abri des caprices de la nature, à l’époque actuelle où l’on envoie une sonde tutoyer le soleil, l’Homme a toujours cherché à se libérer des contraintes pour rendre possible ce qui était impossible.

L’humanité n’a-t-elle pas précisément pour caractéristique d’agir contre-nature ?

N’est-ce pas du reste ce qui pourrait définir l’humanité ? Cette dernière n’a-t-elle pas pour caractéristique d’agir contre-nature ? A commencer par cette lutte millénaire pour remettre en cause une des principales caractéristiques de la nature : la loi de la jungle.

Il y a donc d’un côté ceux qui respectent la nature, en particulier l’une de ses constantes (même si pas exclusive) : les plus forts dominent les plus faibles, les prédateurs se nourrissent des proies. Et de l’autre ceux qui ont à cœur le combat pour l’égalité – combat qui court, si l’on ose ce raccourci, du soulèvement des esclaves avec Spartacus aux salariés actuels en lutte pour les retraites.

En prétendant « sauver la planète » des menaces que l’activité humaine, sous forme de CO2, ferait planer sur elle, les institutions européennes ont choisi leur camp. On est en droit de choisir celui d’en face, qui se propose de ne pas limiter le champ des possibles à l’existant. Ou, à tout le moins, d’accepter le débat sans invective et sans délire apocalyptique.

 

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