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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Comme il n’y a pas eu de pass vaccinal, il n’y aura pas de ponction de l’épargne !

Par : h16

Le mois de mars avait vu quelques sourcils se froncer du côté de Bercy : le déficit budgétaire de 2023 était apparu – ô pénible surprise ! – plus prononcé que prévu sans que l’administration fiscale et le brave Bruneau Sans Noyau, le ministre à sa tête, ne puisse s’en expliquer clairement. Soudainement, les finances du pays apparaissaient moins bien tenues que ce qu’on nous disait jusqu’à présent…

Les jours qui suivirent la désagréable découverte furent rapidement employés à mettre sur place un efficace plan de communication du gouvernement vers la presse et les Français : il n’était pas question de laisser supposer que l’économie française pouvait marquer le pas, voire se retrouver bêtement à genoux suite à quelque péripétie forcément temporaire. Succédant au Bruneau dénoyauté, Gabriel, le mignon de Matignon prenait le problème à bras le corps et appelait à faire des économies drastiques. La France allait se sortir de l’ornière, et fissa.

Nous sommes le 10 avril et les discussions vont bon train : puisque c’est maintenant évident qu’il va manquer quelques sous pour boucler le budget 2024, il importe maintenant de savoir où on va les trouver. Les discussions sur les économies qui occupèrent fort les esprits de mars se sont transformées, petit-à-petit, en discussions pointues sur la façon dont les ponctions de l’État devaient s’opérer pour qu’enfin les déficits soient plus acceptables.

Eh oui, vous l’avez compris : exactement comme prévu, on est passé d’un fort besoin d’économies à un fort besoin de solides ponctions. À tous les étages de l’administration, l’heure n’est plus à la recherche des coupes qu’on voudrait claires, mais plutôt à la recherche de ces nouveaux réservoirs de richesses qu’on pourrait enfin taxer, tant il est clair que diminuer l’emprise étatique n’est plus du tout envisageable.

Mais voilà : dans le pays le plus taxé au monde, l’affaire s’avère plus complexe qu’il n’y paraît.

Électoralement parlant, tabasser la mauvaise catégorie de moutontribuables peut provoquer de gros remous. Il s’agit d’être subtil. De surcroît, économiquement parlant, même les plus lents de nos cerveaux gouvernementaux comprennent (au moins confusément) que taxer bien fort et n’importe comment pourrait ruiner un peu plus le pays, ce qui serait tout à fait acceptable à six mois d’une élection mais pas du tout à trois ans.

Assez logiquement, à mesure que la brochette de clowns qui nous gouvernement commence à comprendre que redresser les finances du pays ne va pas pouvoir se faire sans douleur, des tensions gouvernementales apparaissent. Et comme aucun n’est réputé pour sa capacité à endosser la moindre responsabilité, les petits noms fusent.

Agacé, le locataire de l’Élysée se demande même ce que fabrique Bruno à son poste depuis sept ans : après tout, il a accepté à l’époque, avec un grand sourire, le “quoi qu’il en coûte” du Président et n’a pas trop bronché lorsque la dette du pays s’est envolée comme jamais dans son histoire. Peut-être la sortie du nouvel ouvrage de Bruno, au moment où ce dernier commence à réclamer des économies aux autres ministères, aura crispé le chef de l’État qui, à son habitude de cuistre irresponsable, n’a même pas saisi toute l’ironie de sa propre question, sachant qu’il est, lui aussi, en place depuis sept ans et s’est même activement démené pour dépenser toujours plus…

Bien sûr, se demander ce que fabrique Le Maire depuis sept ans, c’est aussi remarquer, en creux, que personne n’a semblé suffisamment solide aux yeux de Macron et des gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 pour le remplacer, ce qui, vu le niveau de l’olibrius actuellement en charge, donne une assez bonne idée du désastre. S’il était déjà évident que le ministère de l’Intérieur n’intéresse vraiment plus grand monde (la plupart des ténors ont compris que le poste est devenu dangereux), il apparaît que celui de l’Économie et des Finances est devenu encore plus miné.

Cette nervosité de nos dirigeants lorsqu’on évoque l’épineuse question des sous-sous dans la popoche de l’État n’est pas cantonnée au ministre et à son président : on note le même ping-pong agacé entre différents intervenants gouvernementaux qui, tous, essaient de camoufler d’une façon ou d’une autre la gêne qui s’installe franchement.

C’est ainsi que, pendant qu’Attal lance une mission machin-chouette chargée de proposer des méthodes pour “taxer les rentes”, sa propre porte-parlote se fend d’une explication confuse visant à rassurer les épargnants sur le devenir de leur assurance vie ou de leur livret : non, il n’y aura “pas de hausse d’impôts, pas de suppression des APL, pas question de toucher aux assurances vies et aux livrets A” assène Prisca Thevenot avec exactement la même assurance qu’un Olivier Véran nous assurant en 2021 qu’il n’y aurait aucun pass vaccinal.

Et dans ce tableau général, il n’est guère étonnant de retrouver l’inutile dessert laitier pérorer sur la bonne santé des finances lorsqu’il était encore au pouvoir : pour ce dernier, enfoncer la France de déficits en déficits (mais sous les 3% du PIB, môssieu), c’est faire preuve de rigueur. La crèmerie qui tire sur la charité et l’hôpital qui se fout de l’ambulance, un grand classique de la politique française.

Petit-à-petit, tout le monde, au gouvernement, dans les médias et chez les Français, comprend que l’agitation qui s’est récemment emparée de la politicaillerie en charge du pays n’est plus tout à fait surjouée, n’est plus du seul domaine de la communication : si l’intention était seulement de ponctionner les Français, il serait facile pour l’actuel bande d’escroc jamais en mal de théâtre d’en rajouter pour faire comprendre à l’imminence d’un souci. Le fait qu’ils laissent entendre que de telles ponctions (sur l’énorme bas de laine français) sont envisagées semble plus destiné aux investisseurs habituels, histoire de garantir que les lignes de crédit seront pourvues, les bons du trésor achetés et les dettes reconduites sans trop de problème.

Et ça marche : avec la même facilité que le peuple français s’est complaisamment abaissé à remplir des petits formulaires pour sortir promener son chien, avec la même absence totale de réflexion sur les conséquences de ses actes qui l’a accompagné lorsqu’il s’est fébrilement accommodé d’un ausweiss vaccinal, le voilà maintenant acquiesçant à l’idée suicidaire d’aller rajouter une palette d’impôts, de ponctions et de taxes sur celles qu’il subit déjà comme jamais auparavant dans son histoire.

Un récent sondage montre que l’écrasante majorité des Français (qui ne payent pas d’impôts directs) croit finaud d’ajouter du malheur à celui qui les gangrène déjà.

Répétant les mantras pourtant parfaitement débiles qu’on trouve maintenant un peu partout sur les ondes (comme ici ou – appréciez le retour de la taxe sur les loyers fictifs, pourtant proféré par ce qui prétend être professeur d’économie), voilà qu’on prétend que le peuple vibrerait comme un seul homme (ou presque) à l’idée de voler taxer arbitrairement les uns ou les autres pour aider le gouvernement à continuer ses gabegies, les partouzes à Matignon et les soirées mousse à l’Élysée.

Et pendant que le peuple se fait bourrer le mou avec les mêmes idées socialistes qui l’ont mené à la misère jusqu’à présent et le mèneront ensuite à la ruine, on apprend que les défaillances d’entreprises battent tous les records. Est-il utile, à ce point du constat, de rappeler que sur les 225 dernières années, 98% des nations ou des États qui ont subi 130% de dettes ou plus ont terminé en hyperinflation puis en cessation de paiement, ou ont subi une guerre dans les 15 ans ?

Est-ce utile de conclure que ce pays est foutu ?

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Immigration « choisie » par l'Europe. La Tunisie exsangue

En France comme dans beaucoup de pays du Nord, l'économie repose en partie sur l'immigration. Or, le durcissement du discours sur les immigrés et l'externalisation des frontières européennes, conditionnés par les enjeux électoraux, se fait en parallèle d'une politique d'immigration dite « choisie », qui vide les pays du Sud de leurs travailleurs qualifiés. Un exemple, la Tunisie.

En mai 2023, un vent frais et sec balaie les hauteurs de Tunis. Idriss Hamza, diplômé en psychiatrie, se prépare à émigrer en France en sirotant un expresso. Dans un café populaire de la cité Mahrajène, non loin du centre-ville, il explique que sur 27 psychiatres diplômés cette année-là dans la capitale tunisienne, 12 sont partis à l'étranger et 6 ou 7 se préparent à quitter le pays. « Les autres temporisent », poursuit-il en racontant la réalité des hôpitaux tunisiens.

Pas assez de matériel, de médicaments, ni même de personnel : dans certains établissements publics, seuls quelques médecins se relayent jour et nuit. « Je ne peux rien faire pour mes patients, c'est du gâchis et c'est frustrant », raconte le jeune homme qui mentionne aussi que la Tunisie ne lui offre aucune possibilité de développement professionnel. Cette situation est due à un système de santé à deux vitesses, le privé pour les plus aisés et le public pour les autres. Ceci s'explique par le désengagement de l'État des secteurs de la santé et de l'éducation sous le régime de Zine El-Abidine Ben Ali au profit d'une libéralisation favorisant le secteur privé.

Depuis notre entretien, Idriss Hamza est parti s'installer à Paris et travaille sur ses équivalences de diplômes, comme la plupart de ses amis en médecine.

« Ces dernières années, c'est sauve-qui-peut »

Ce départ est encouragé par la crise politique, économique et sociale dans laquelle la Tunisie s'enlise, et qui a empiré depuis le coup d'État du président Kaïs Saïed en 2021. Les pénuries de denrées sont nombreuses, les systèmes éducatifs et de santé s'écroulent, et le chômage des jeunes atteint 35,2 % selon un rapport de l'Observatoire national de la jeunesse publié en 20211.

Alors que le pays croule sous les dettes, le Fonds monétaire international (FMI) et le président de la République ne semblent pas trouver de terrain d'entente pour l'obtention d'un prêt auprès de l'institution. Ce dernier refuse d'appliquer certains diktats du FMI, à l'instar de l'arrêt d'une partie des subventions et la restructuration de certaines entreprises publiques. L'enlisement de ces négociations et l'incertitude financière ont amené l'agence de notation Fitch Ratings à dégrader la note de la dette tunisienne en décembre 2023 de CCC+ a CCC-.

Face à cet horizon trouble — voire bloqué — bon nombre de jeunes ne pensent qu'à une chose : émigrer. Selon un sondage du Baromètre arabe publié en mars 2024, 71 % d'entre eux souhaitent quitter le pays. Le pourcentage est de 46 % pour l'ensemble de la population — un taux multiplié par deux depuis 2011. Pour les jeunes qualifiés, c'est une véritable hémorragie. Dans un pays où il y a moins d'un médecin pour 1 000 habitants dans le secteur public2, ils sont en moyenne 970 à partir chaque année depuis 2021.

Le constat est le même dans d'autres secteurs, comme chez les enseignants, les ingénieurs et autres personnels qualifiés. « Ces dernières années, c'est sauve-qui-peut », résume Idriss Hamza.

Un cercle vicieux

La plupart des médecins tunisiens partent en France pour rejoindre des hôpitaux qui sont là aussi sous tension. D'autres choisissent le Canada ou l'Allemagne, selon la demande, leurs ressources et leur réseau. À défaut de pouvoir s'épanouir dans leur pays d'origine, ces immigrés qualifiés viennent combler les besoins des pays d'accueil au Nord, dont la pénurie de main-d'œuvre s'explique entre autres par une chute de la natalité et des conditions de travail difficiles.

En France, c'est le secteur des services qui a le plus besoin de travailleurs, avec 62 % de projets de recrutement selon l'enquête « Besoins en main-d'œuvre 2023 » dirigée par Pôle emploi. Les couvreurs, pharmaciens ou encore les aides à domicile et aides ménagères sont parmi les métiers où il est le plus difficile de recruter. De son côté, l'Allemagne a besoin de 400 000 travailleurs qualifiés supplémentaires par an (surtout dans les secteurs de la santé et de l'industrie), avec 1,75 million de postes à pourvoir en mai 20233.

Mais ce qui profite au Nord dessert le Sud, et enfonce ses pays dans un cercle vicieux. « Si l'émigration fait diminuer le capital humain des pays en développement, la capacité de développement de ces pays diminue également et la migration, régulière comme irrégulière, augmente », explique Manon Domingues Dos Santos, professeure en économie des migrations à l'Université Gustave Eiffel, en région parisienne. Un cercle vicieux qui perpétue les crises.

De son côté, Amade M'Charek, anthropologue et professeure tunisienne à l'université d'Amsterdam travaillant actuellement sur les causes de la migration et les relations coloniales en cours, évoque la responsabilité des pays du Nord :

Ils ne font pas le lien : si vous sélectionnez des ressources humaines, vous créez un désastre [en encourageant l'augmentation de l'immigration irrégulière]. Il y a toujours un prix à payer. Un prix qui sera bien plus élevé pour les pays de départ comme la Tunisie.

Et cela ne risque pas de s'arrêter si l'on en croit les politiques migratoires qui se dessinent en France ou en Allemagne.

Vision à court terme

Avec l'adoption de la Loi immigration intégration asile le 26 janvier 2024, la France ancre sa politique migratoire dans un système de sélection, marquant une volonté de « contrôler l'immigration et d'améliorer l'intégration », selon les mots d'Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle en 2022.

Pour exemple, concernant la santé, une nouvelle carte de séjour de 4 ans a été instaurée, une carte « talent – profession médicale et de la pharmacie », pour attirer les professionnels extra-communautaires. L'Allemagne a pour sa part développé ces dernières années des programmes de recrutement de ses futurs infirmiers et professionnels de la santé, mais aussi des formations presqu'entièrement financées dans les pays de départ.

Ainsi, dans le lot de tous ceux qui ne rêvent que d'émigrer, les « talents » sont privilégiés par rapport aux autres. « On prive les pays du Sud de personnel de santé dont ils ont financé la formation et dont les conditions d'accueil sont problématiques », explique Manon Domingues Dos Santos en référence aux salaires plus bas octroyés à ces travailleurs, mais aussi aux processus de reconnaissance des diplômes et d'équivalence.

Pour elle, cette approche sélective a également pour écueil de ne pas être pensée de manière durable. « La situation des médecins en France est un cas d'école pour montrer l'inefficacité des politiques à court-terme et non coordonnées du pays en matière d'immigration », estime l'économiste. Il serait possible de répondre au manque de médecins d'abord en réformant la filière universitaire (dont le numerus clausus, même si une telle réforme ne porte ses fruits qu'après 10 ans).

Une préoccupation chronique

Si la loi « immigration » marque un durcissement majeur, elle se situe dans une lignée de textes cherchant à encadrer l'immigration (118 lois depuis 1945). Elle s'inscrit aussi dans une vision qui oppose « l'immigration choisie » et « l'immigration subie », comme l'avait établie Nicolas Sarkozy en 2006, en instaurant de nouveaux types d'autorisation de séjour liés au statut des travailleurs.

Pourtant, comme tient à le rappeler Manon Domingues Dos Santos, l'immigration favorise l'économie.

L'utilité de l'immigration pour l'économie ne se résume pas aux personnes qui arrivent pour des motifs économiques, il faut le rappeler ! Les personnes en regroupement familial ou venant pour des raisons humanitaires contribuent aussi à l'économie.

La dernière « loi immigration » en France a réjoui nombre d'élus du Rassemblement national (RN) par la reprise de plusieurs propositions du parti, dont la suppression de l'accès automatique à la nationalité pour les personnes nées en France de parents étrangers, ou la réforme à venir de l'aide médicale d'État qui permet l'accès gratuit aux soins, y compris pour les sans-papiers. L'adoption d'une telle loi par la majorité présidentielle dit quelque chose de la généralisation des thématiques de l'extrême droite dans le paysage politique national.

Une tendance qui se traduit aussi au niveau européen, dont la Commission sortante a poursuivi une fermeture des frontières, dépensant 26,2 milliards d'euros pour la migration et la gestion des frontières (dont 5,6 milliards pour Frontex, son agence de protection des frontières entre 2021 et 2027). Selon un rapport de la Cour des comptes publié en janvier 2024, la France a dépensé 1,8 milliard d'euros pour lutter contre l'immigration « illégale » en 2022, dont 1,46 milliard pour les forces de sécurité et 152 millions pour la rétention et l'éloignement.

Quant à l'Allemagne, le gouvernement tente depuis novembre 2023 de mieux « contrôler et limiter la migration irrégulière ». Face à une hausse de 50 % des demandes d'asile en 2023, la police obtiendra davantage de prérogatives, la durée maximale de détention augmentant de 10 à 28 jours.

Réfléchir au niveau de l'Union africaine

Interrogé sur cette situation, l'historien et professeur spécialisé sur les migrations méditerranéennes à l'université de Tunis Riadh Ben Khalifa propose de penser la migration collectivement.

La politique de l'UE profite des crises économiques dans les pays du Sud. Face à cela, il nous faudrait une politique migratoire au niveau de l'Union africaine, mais aussi des politiques de développement dans les pays de départ et de transit. Pas par la corruption des régimes, mais par de véritables moyens pour soutenir la population et les migrants.

Manon Domingues Dos Santos s'autorise toutefois à nuancer :

La migration permet aussi aux personnes des pays de départ d'accumuler des compétences qu'elles n'auraient peut-être pas eues et qu'elles pourront ensuite utiliser dans leur pays d'origine.

Alors que ce sont les pays de départ qui prennent en charge les formations des futures élites pour le Nord, elle aimerait que la migration pour le travail soit pensée de manière circulaire, et propose ainsi une « gestion coopérative entre les pays de départ et d'accueil ». « La migration est essentielle quand on parle de codéveloppement », poursuit la professeure en référence à un modèle d'aide au développement qui lisse les rapports de force entre pays aidant du Nord et pays aidés du Sud.

C'est ainsi qu'Idriss Hamza aujourd'hui psychiatre à Paris conçoit son départ. « Je n'ai pas de rancune envers mon pays. Bien au contraire ! Je vais partir pour mûrir et mieux revenir », réfléchit-il avant de filer à un atelier de théâtre. Ce jour-là, il devait interpréter un monologue sur sa migration et l'ensemble des questions qu'elle soulève pour lui : un flot de réflexions et de remises en question. « On ne quitte pas son pays de gaîté de cœur, le paradis n'est pas ailleurs ». S'il avait pu, il serait resté.

Un parcours du combattant
En France, obtenir un visa peut être un véritable parcours du combattant, dénoncé par les défenseurs des droits en avril 2023 : opacité administrative, multiplication des documents, obligation de francophonie, difficulté à se régulariser, longs délais de procédure, etc. Selon les données du ministère de l'intérieur, 323 260 nouveaux titres de séjours ont été délivrés en 2023 (avec une majorité d'étudiants et de regroupements familiaux), une hausse de 1,4 % par rapport à 2022, avec seulement 54 630 visas économiques. Par ailleurs, se naturaliser4 n'est pas plus simple. Elle nécessite de remplir plusieurs conditions strictes, et avoir été irrégulier peut conduire à un refus de naturalisation. De même, il faut prouver d'une « intégration réussie »5, de ressources financières suffisantes, d'un casier judiciaire vierge et, surtout, être patient. Autant de critères qui compliquent les demandes des travailleurs ou des personnes demandant l'asile, réfugiées ou protégées. Selon les données du ministère de l'intérieur, 61 640 personnes ont acquis la nationalité française en 2023, une baisse de 21,7 % par rapport à 2022. De son côté, l'Allemagne votait durant l'été 2023 une loi assouplissant fortement l'accès à la nationalité, mais facilitant l'immigration en fonction des secteurs en demande de main-d'œuvre. En 2021, ce sont 68 924 visas de travail qui ont été délivrés selon l'Organisation de coopération et du développement économique (OCDE). Or, cette orientation est à concilier avec une généralisation des discours d'extrême droite dont le parti phare, l'AFD (Alternative pour l'Allemagne), gagne électoralement du terrain, ainsi que leur banalisation sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Depuis décembre 2024, le land de Saxe-Anhalt conditionne aussi toute demande de naturalisation à la reconnaissance du « droit à l'existence » d'Israël.

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Ce dossier a été réalisé dans le cadre des activités du réseau Médias indépendants sur le monde arabe. Cette coopération régionale rassemble Al-Jumhuriya, Assafir Al-Arabi, BabelMed, Mada Masr, Maghreb Émergent, Mashallah News, Nawaat, 7iber et Orient XXI.


1Rapport d'analyse de l'enquête nationale auprès des jeunes en Tunisie, Volet « Participation Civique et Politique », Observatoire national de la jeunesse, ministère de la jeunesse et des sports, 2021.

2NDLR. À titre de comparaison, en France, ils sont un peu plus de 3 médecins - tous secteurs confondus.

3« Pénurie de main-d'oeuvre en Allemagne ? Entre réalité démographique et besoins du marché du travail », Anne Salles, Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa), IFRI, 2023.

4NDLR. La naturalisation permet de passer certains concours de fonction publique et donc une titularisation, comme pour les professeurs de l'enseignement secondaire.

5NDLR. Les candidats doivent répondre à une série de questions en entretien, qui peuvent concerner arbitrairement l'histoire, la géographie, ou l'actualité de la France. Beaucoup de candidats malheureux dénoncent des questions difficiles auxquelles les Français eux-mêmes ne sauraient pas répondre.

Une crise de l’emploi menace le Royaume-Uni, par Yves-Marie Adeline

En février dernier, faisant le bilan du Brexit, nous avions conclu que le vrai problème économique du Royaume-Uni n’est certainement pas dû au Brexit, qui lui a été plutôt favorable, c’est d’abord un problème social, dans la mesure où l’on y observe un déséquilibre croissant entre une métropole gigantesque et une périphérie encore plus laissée pour compte qu’en France. Ce déséquilibre vient de la place démesurée qu’a prise le secteur tertiaire aux dépens des deux autres, primaire (agricole) et secondaire (industriel).

Or, avec le développement accéléré de l’IA (l’intelligence artificielle), il se trouve que le secteur tertiaire va connaître une révolution sans précédent.

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Élections trafiquées, armée contestée. Le Pakistan face aux défis

Après des semaines d'atermoiements, les législatives pakistanaises se sont tenues le 8 février. Contre toute attente, le parti de l'ancien premier ministre Imran Khan, en prison, est arrivé en tête, témoignant de la crise politique, institutionnelle et économique dans ce pays au bord de la faillite. Le nouveau gouvernement de coalition mené par Shehbaz Sharif n'aura pas la tâche facile.

Les résultats des élections du 8 février 2024 ont surpris tout le monde, à commencer par l'homme fort du moment Nawaz Sharif, qui vient de céder le poste de premier ministre à son frère Shehbaz. C'est en effet le parti de l'ex premier ministre Imran Khan qui sort vainqueur du scrutin. Pourtant, bien avant les élections, les forces politiques et les militaires ont tout fait pour l'évincer.

Arrivé à la tête du pouvoir en 2018, le fondateur du Mouvement du Pakistan pour la justice (le PTI pour Pakistan Tehrik Al-Insaf), Imran Khan, a alors voulu incarner la lutte contre la corruption et l'opposition aux dynasties qui avaient jusque-là dirigé le pays : les Sharif, à la tête de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (LMP-N), ainsi que les Bhutto, à la tête du Parti du peuple pakistanais (PPP). Une partie de la classe moyenne a soutenu cet ancien capitaine de l'équipe de cricket qui a remporté la coupe du monde en 1992.

Manœuvres, mises en accusation, condamnations

Dans un pays où aucun gouvernement n'est jamais arrivé au bout de son mandat quinquennal, et où l'on parle pudiquement de « régime hybride » pour désigner le poids de l'establishment — en l'occurrence l'armée—, Imran Khan a reflété le choix des militaires. Mais le 9 avril 2022, il a été renversé par un vote de défiance au Parlement, qu'il avait tenté de dissoudre quelques jours plus tôt, avant que la Cour suprême ne s'y oppose.

Ses relations avec l'armée étaient devenues tendues après qu'il ait cherché à imposer une nomination à la tête des services de renseignement. S'ajoute à cela sa rhétorique vivement anti américaine, au nom de la défense de l'islam, mais aussi les aléas de la politique afghane de la part des États-Unis comme du Pakistan, et l'imposition de sa politique étrangère. Imran Khan avait notamment rendu visite au président russe Vladimir Poutine le jour de l'invasion de l'Ukraine, et boycotté le second sommet pour la démocratie organisé par Joe Biden, en mars 2023. Les tensions avec l'état-major militaire s'expliquent en outre par les réserves de Khan autour des modalités de la mise en place du corridor économique sino-pakistanais et le retard pris dans ce programme majeur, sans compter ses ambiguïtés à l'égard des talibans pakistanais avec qui il a cherché à négocier et, plus généralement, son mode de fonctionnement souvent imprévisible.

Deux jours après sa chute, l'Assemblée élit Shehbaz Sharif pour le remplacer. Ce dernier prend la tête d'un gouvernement de coalition, unissant la LMP-N, le PPP, et les islamistes de la Jamia Oulema Al-Islam. En novembre, le nouveau premier ministre annonce que l'Assemblée arrivant à son terme en août 2023, il passera la main à un gouvernement de transition, chargé d'organiser des élections dans les trois mois. Il faudra toutefois attendre février 2024 pour que celles-ci se tiennent dans tout le pays1.

Entretemps, les manœuvres pour marginaliser Imran Khan et son parti prennent un tour inédit. Arrêté le 9 mai 2022 pour corruption, l'ex premier ministre est bientôt relâché sous caution sur injonction de la Cour suprême, bien que son arrestation ait suscité des émeutes dans de nombreuses villes. Pour la première fois, les manifestants s'en prennent à des bâtiments militaires, un scandale dans le pays. Khan assure que le chef d'état-major est partie prenante de son éviction, voulue par le gouvernement américain. Il se rétractera quelques mois plus tard.

Mises en accusation et condamnations se multiplient. En août 2022, Imran Khan est condamné pour corruption avec cinq ans d'inéligibilité sur décision de la commission électorale. En août 2023, il est condamné à trois ans de prison pour vente de cadeaux reçus par l'État, un verdict qui est porté à quatorze ans, le 31 janvier 2024. Il vient s'ajouter s'ajouter à dix ans d'emprisonnement prononcés la veille pour avoir fait fuiter une dépêche diplomatique. Enfin, le 3 février 2024, Khan est condamné à sept ans de prison supplémentaires — avec son épouse Bouchra Bibi — pour « mariage non islamique ». Car le contrat a été conclu moins de quarante jours après le divorce de Bibi de son précédent mari.

Outre ces affaires, nombre de cadres du Mouvement du Pakistan pour la justice (PTI) sont emprisonnés au lendemain des émeutes de mai 2022. Le 22 décembre 2023, la commission électorale décide de priver ce parti de son symbole — une batte de cricket — arguant que les élections internes stipulées dans son règlement intérieur n'ont pas été tenues. Une sanction importante dans un pays où les analphabètes, qui représentent près de 42 % de la population, votent en fonction des symboles affichés sur les bulletins.

C'est dans ce contexte que participe aux élections du 8 février un parti aux dirigeants emprisonnés et dont les candidats sont contraints de se présenter à titre individuel en tant qu' « indépendants ».

Surprise, manipulations, coalition

Le scrutin s'est tenu dans une atmosphère délétère, avec des communications coupées sur les téléphones mobiles, des suspensions du réseau internet, et des pratiques douteuses chez certains présidents de bureaux de votes. Dès le lendemain, des éditoriaux dénoncent « des manipulations ouvertes ou cachées » et une élection conduite par une commission électorale « qui a trahi son mandat »2. Et de préciser qu'au-delà de la commission, le gouvernement intérimaire et tout l'appareil d'État sont « responsables de cette honte »3. Les résultats se font attendre, accentuant les accusations de fraude. D'autant que les premières données, confirmées par la suite, s'avèrent surprenantes : les « indépendants » soutenus par le PTI d'Imran Khan arrivent en tête, avec 92 élus4, contre 75 pour la LMP-N, arrivée deuxième.

L'Assemblée comprend 266 sièges pour les élus, 60 autres sont réservés aux femmes et 10 aux minorités religieuses. Ces sièges sont en principe répartis par la commission électorale entre les partis, en fonction de leurs résultats. Mais les indépendants en ont été exclus.

Se servant de ce stratagème et au terme de multiples tractations, la LMP-N, dirigée par les Sharif, constitue une coalition de cinq partis, grossie de quatre autres micro-partis. L'appui décisif vient du PPP, ainsi que du Mouvement Mouttahida Qaoumi (MQM), puissant à Karachi5. Rares sont les défections ou les ralliements. Et c'est surtout l'attribution des sièges réservés au détriment du PTI qui conforte la coalition portée au pouvoir. Au total le 7 mars, cette coalition rassemble 230 élus (122 LMP-N, 73 PPP, 22 MQM-P, 13 « autres partis »). L'opposition dispose pour sa part de seulement de 106 députés (91 SIC, en fait PTI, 11 Jamia Oulema Al-Islam, 2 « autres partis » et 1 indépendant)6.

En dépit du poids de la coalition gouvernementale, nombre d'observateurs pakistanais craignent que le rapport de force au Parlement n'entraîne sa paralysie. Les élus du PTI entendent protester continûment contre cette chambre résultant à leurs yeux d'un «  vol de mandat »7. La polarisation de la vie politique laisse penser que les sessions de la nouvelle assemblée seront particulièrement agitées. Cela apparaît dès la première séance. Et les appels au dialogue émanant de quelques figures de la majorité restent pour l'heure sans effet.

L'autre fragilité du gouvernement Shehbaz Sharif tient dans sa dépendance vis-à-vis du PPP qui a apporté son soutien sans participation, tout en négociant le poste de président de la République au bénéfice de son coprésident, Asaf Ali Zardari. Avec succès, puisque dernier est largement élu le 9 mars à ce poste certes honorifique, mais qui peut compliquer la vie des gouvernants.

Une fois de plus, les dynasties se retrouvent au pouvoir. D'autant que la LMP-N, arrivée en tête aux élections provinciales au Pendjab, a choisi Maryam Nawaz, fille de Nawaz Sharif et nièce du premier ministre, pour gouverner cette province décisive de 127 millions d'habitants, soit plus de la moitié de la population pakistanaise. Les autres provinces ont été remportées par le PPP au Sind (à la majorité absolue) et au Baloutchistan (avec l'appui de la LMP-N). Le PTI l'a emporté de très loin avec 90 sièges sur 115 dans la province très sensible de Khyber Pakhtunkhwa, voisine de l'Afghanistan.

In fine, avec une participation de 47,8 % sur les 128,5 millions d'inscrits (contre 51,7 % en 2018), dont une part significative de jeunes électeurs (40 % de moins de 35 ans) et de primo-votants (22 millions), les résultats, même officiels, ont été perçus comme un signal fort adressé aux militaires et au « régime hybride » qui sévit depuis 2008. Ce régime place le gouvernement sous le contrôle de l'establishment, non seulement en matière de défense, de politique étrangère et de politique antiterroriste, mais aussi dans le domaine économique. Avec la création du Conseil spécial de facilitation des investissements (SIFC) en juin 2023, le chef de l'armée siège en effet au cœur de la politique économique8.

Certes, les Sharif sont aux commandes, comme le souhaitaient les militaires pour éliminer un ex premier ministre devenu gênant. Toutefois, Imran Kahn est perçu, au Pakistan et à l'étranger, comme le vainqueur de facto, même sans majorité. « Le choc des résultats des élections pakistanaises montre que les régimes autoritaires ne gagnent pas toujours », assure le Washington Post9. Pour autant, des libéraux pakistanais rappellent que, si populaire soit-il, Khan n'incarne pas un idéal. Son bilan s'avère plus que critiquable. Il a instrumentalisé la religion en annonçant vouloir faire du Pakistan « la nouvelle Médine » et en promouvant un nouveau curriculum scolaire nourri de références religieuses. Il a en outre durci la loi sur la cybercriminalité, perçue comme liberticide par nombre de journalistes et ONG pakistanaises, de même que par Amnesty International. Enfin, sa rhétorique égalitaire ne s'est jamais traduite dans une politique économique, et il a encouragé la crispation de la vie politique10.

Des questions essentielles à résoudre

Outre la préservation de sa coalition dans la durée, le gouvernement de Shehbaz Sharif fait face à d'immenses défis qu'il a lui-même évoqués lors de son discours d'investiture. Parmi eux, la question des finances publiques est la plus urgente. L'accord en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) prend fin en avril. Un autre doit être négocié, en vue d'obtenir au moins 6 milliards de dollars. Mais au-delà de ces financements et des privatisations annoncées — dont Pakistan Airlines — comment mener des réformes structurelles quand l'un des points clés tient dans une meilleure répartition de l'impôt pour lutter contre l'évasion fiscale et la taxation des secteurs y échappant largement, tels les grands propriétaires fonciers ou l'immobilier qui constituent une base électorale influente ? Comment soulager les classes populaires de l'inflation, dans un pays aussi inégalitaire, arrivant au 164e rang mondial pour l'indice de développement humain ?

En dehors du champ économique, la question du terrorisme, en pleine recrudescence, est également évoquée. Lancé en 2014 sous Nawaz Sharif, le Plan national d'action antiterroriste n'a pas eu les effets escomptés. Et la résurgence des talibans s'est intensifiée après leur retour au pouvoir en Afghanistan en 202111. La multiplication des attentats contre les civils, les policiers et les militaires, en particulier dans les provinces de l'ouest bordant l'Afghanistan, tend les relations entre Islamabad et Kaboul. Le Pakistan accuse par ailleurs l'Émirat islamique d'Afghanistan d'offrir des sanctuaires aux insurgés du pays.

La marge de manœuvre vis-à-vis de l'autre voisin, l'Inde, n'est pas bien meilleure. Le premier ministre a évoqué le sort du Cachemire sous administration indienne à la suite de la perte de toute forme d'autonomie en 2019, de même que l'inaction de la communauté internationale à Gaza, appelant à la « liberté pour les Cachemiris et les Palestiniens ». Pour le reste, il a remercié l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Turquie pour leur soutien, et bien sûr la Chine, promettant de faire avancer le corridor économique sino-pakistanais. Son premier entretien à la presse étrangère a d'ailleurs été donné à l'agence chinoise Xinhua. Il y a repris la rhétorique habituelle. Un geste fort symboliquement.

Pour autant, la logique géoéconomique impose à Islamabad de cultiver les relations avec les États-Unis, son principal marché d'exportation. Certes, le poids du Pakistan dans la stratégie de Washington s'est amoindri après le départ des forces américaines d'Afghanistan, mais il reste sensible. Si le département d'État s'est inquiété des entraves qui ont entaché les élections, il a assuré, dès le lendemain du scrutin, que « les États-Unis sont prêts à travailler avec le prochain gouvernement pakistanais, quel qu'il soit »12.

Pour Durdana Najam, analyste pakistanaise, la tonalité du discours sur la politique étrangère « confirme que le premier ministre sera l'ombre d'un pouvoir tenant les rênes dans la coulisse ». Et de conclure : « le rêve de la suprématie civile a été un peu plus abandonné »13.

Restent bien d'autres questions, notamment celle du changement climatique. Après les catastrophiques inondations de 2022, qui ont fait plus de 1700 morts en quelques mois et près de 30 milliards de dollars de dégâts et de pertes économiques, le problème reste entier, du nord au sud du pays. Au moment des élections, des routes étaient bloquées au Gilgit-Baltistan himalayen, sujet à des retraits glaciaires et à des éboulements, alors qu'à l'extrême sud, la région maritime de Gwadar, subissait des pluies torrentielles désastreuses.

La tâche est « difficile mais pas impossible », a cependant assuré le premier ministre dans son discours d'investiture. Le nouveau gouvernement fait la part belle à des figures connues de la LMP-N, accommode des partenaires de la coalition, et inclut une poignée de technocrates, dont le plus important est le ministre des finances, jusqu'alors à la tête de la plus grande banque privée du pays. La primauté est donnée aux défis économiques et financiers à relever. Pourtant, la question de la gouvernance du pays, puissance nucléaire comptant aujourd'hui plus de 240 millions d'habitants demeure essentielle. Zahir Hussain, un commentateur reconnu, ne cachait pas son scepticisme devant le nouveau gouvernement qu'il résumait ainsi : « essentiellement des reliques du passé, évoquant peu d'espoir de changement »14. L'avenir dira si ce pessimisme est fondé ou non.


1Des élections provinciales avaient lieu le même jour au Pendjab, au Sind, au Baloutchistan et dans la province de Khyber-Pakhtunkhwa.

2« A vote for democracy », The Express Tribune, 9 février 2024.

3« Election reflections », Dawn, 9 février 2024.

4Le PTI affirme pour sa part avoir gagné dans 177 circonscriptions.

5Le Mouvement Mouttahida Qaoumi (« Mouvement national uni ») est un parti porte-voix de la communauté des Mohajirs (les « émigrants), ces musulmans parlant ourdou ayant quitté l'Inde lors de la partition de 1947 pour s'établir au Pakistan. Karachi, la plus grande ville du pays, est leur bastion politique. Cependant, le parti s'est divisé, et la faction entrée dans la coalition de Shehbaz Sharif est le MQM-Pakistan (MQM-P).

6« 2024 Parliament Party Position », Dunya News Television, 8 mars 2024. Un mois après l'élection, le site officiel de la commission électorale ne donne toujours pas de tableau synthétique des résultats.

7« PTI mandate stolen, says MNA », The News International, 7 mars 2024.

8« Pakistan's Military Extends its Role in Economic Decision-making Through the Special Investment Facilitation Council », Eve Register, The Geopolitics, 5 décembre 2023.

9« Pakistan's shocking elections result shows that authoritarians don't always win », The Washington Post, 11 février 2024

10« Imran Khan's resurrection », Pervez Hoodbhoy, Dawn, 2 mars 2024.

11« A Snake Rises from The Ashes In the West », Zalmay Azad, The Friday Times, 16 septembre 2023.

12« Elections in Pakistan », Matthew Miller, Department of State, 9 février 2024.

13« Of economy, foreign policy and terror threat », Durdana Najam, The Express Tribune, 8 mars 2024.

14« Of old and new faces », Zahir Hussain, Dawn, 13 mars 2024.

Nouvelles accusations de la caste covidisite contre le Dr Raoult

Les récentes déclarations du professeur Didier Raoult, comparant le non-recours à l’hydroxychloroquine à un “holocauste”, ont suscité une vive indignation parmi la communauté médicale. Ces propos controversés ont ravivé les critiques à l’égard du célèbre microbiologiste marseillais, déjà sous le feu des critiques pour ses prises de position antérieures sur le traitement de la COVID-19. Ce nouveau « procès » politique est l’illustration parfaite de cette volonté de faire taire les médecins anti caste covidiste.

Selon Didier Raoult, “les auteurs de cet holocauste” sont Olivier Véran, alors ministre de la Santé, le directeur de l’APHM (Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille) et la directrice général de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament)

Le professeur marseillais Didier Raoult est de nouveau au cœur d’une polémique. Dans sa dernière publication sur X, l’ancien Twitter, il a comparé la non-utilisation de l’hydroxychloroquine à l’holocauste. Pour plusieurs médecins, Raoult est allé trop loin en faisant cette nouvelle déclaration. Ils demandent aux autorités médicales en France de le sanctionner. Pour rappel, durant la crise COVID, en fin 2020,l’infectiologue marseillais a été visé par deux plaintes déposées par l’Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône et le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Le professeur Raoult avait immédiatement réagi en portant plainte à son tour contre le président du Cnom, Patrick Bouet, pour “harcèlement”. Accusé de charlatanisme, d’antivax et de complotiste, l’infectiologue marseillais a été évalué par ses pairs suite à des accusations d’entorses au code de déontologie médicale, liées à la promotion de l’hydroxychloroquine en tant que traitement Covid. Les résultats de la première étude de Didier Raoult, menée sur un nombre réduit de personnes, montraient pourtant très clairement que la prise simultanée d’hydroxychloroquine et d’azithromycine faisait chuter la charge virale.

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Allemagne : neutralité climatique grâce à la réduction du PIB ? par Ulrike Reisner

Par : Rédaction

L’Office fédéral allemand de l’environnement a récemment publié ses prévisions sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre. Ces données doivent montrer que l’objectif de protection du climat pour 2030 – une réduction d’au moins 65 % par rapport à 1990 – pourrait être atteint. Enfin une bonne nouvelle pour Robert Habeck. Mais pendant que celui-ci exulte, le nombre de faillites augmente en Allemagne, de plus en plus d’entreprises délocalisent leur production à l’étranger en raison de coûts trop élevés.

C’était une bonne journée pour Robert Habeck : avec 673 millions de tonnes, les émissions de gaz à effet de serre de l’année dernière auraient déjà baissé d’environ 10% par rapport à 2022, ont annoncé le ministère de l’Economie et l’Office fédérale de l’environnement. Il s’agirait de la plus forte baisse depuis la réunification en 1990.

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L'économie égyptienne vers l'inconnu

En renonçant à deux prérogatives centrales de l'État dans le domaine économique, le président Abdel Fattah Al-Sissi rompt avec l'histoire de son pays et prend un risque énorme. Il est encore trop tôt pour dire si ces réformes seront vraiment mises en œuvre. En revanche, on peut déjà annoncer qui sont les perdants : la majorité des citoyens.

Mercredi 6 mars, l'Égypte a sauté le pas pour le plus grand profit immédiat des affairistes et de la bourse. Le régime militaire a en effet pris deux décisions historiques qui, si elles sont appliquées dans la durée, bouleverseront en profondeur le fonctionnement de l'économie nationale. La réforme du marché des changes est la plus visible. Jusqu'ici, la banque centrale égyptienne (BCE), entièrement soumise à l'État, tenait à sa main la valeur de la livre égyptienne (LE) face au dollar ou à l'euro. Mais elle sera désormais déterminée par la confrontation entre l'offre et la demande de devises étrangères. Dès lors que ces dernières manquent depuis plus de deux ans en raison de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, le prix du change monte en livres égyptiennes, et la pénurie s'installe. Depuis 2022, le cours de la monnaie nationale a été abaissé à quatre reprises par la BCE dans des proportions considérables, passant de 17 à plus de 30 LE pour 1 dollar. Au marché noir, le billet vert a atteint jusqu'à plus de 70 LE. Et à l'avenir, le rapport entre la monnaie nationale et les devises s'établira quotidiennement.

Renoncements de l'État

La deuxième réforme concerne les marchés financiers. Jusqu'ici, l'épargne nationale était rémunérée à des taux d'intérêt inférieurs à la hausse des prix. Toutefois, cette « répression financière », dénoncée par la minorité aisée qui seule épargne, devrait prendre fin. D'où la vague de spéculation qui s'est immédiatement manifestée. À un terme non défini, les taux d'intérêt devraient être supérieurs à l'inflation et révisés chaque jour par la confrontation des offres et des demandes de crédits. Le 6 mars, l'écart entre les deux courbes a été réduit grâce à une remontée spectaculaire des taux d'intérêt, passant de +6 % à entre 24 % et 30 %.

Évènement politique majeur, les autorités égyptiennes ont de fait abandonné un contrôle historique instauré par le président Gamal Abdel Nasser dans les années 1950 sur deux instruments économiques clés : le change et le loyer de l'argent. Cette révolution n'a pas été faite « à la maison » comme l'a prétendu jeudi 7 mars à Alexandrie le premier ministre Mostafa Madbouly, mais sous la pression soutenue du Fonds monétaire international (FMI). Sa directrice générale, Kristalina Georgieva, une économiste bulgare formée à l'époque soviétique, a multiplié les escales au Caire, refusant obstinément, en l'absence d'un accord sur le change, d'augmenter son aide : trois milliards de dollars (2,76 milliards d'euros) sur trois ans, une misère pour le pays arabe le plus peuplé, et de loin.

À la suite des réformes du 6 mars, l'aide du FMI est passée à plus de neuf milliards (8,27 milliards d'euros), la Banque mondiale et l'Union européenne s'engageant à en apporter quinze de plus. S'y ajouterait une opération immobilière obscure montée par des capitaux venant des Émirats arabes unis, qui apporterait plus de 35 milliards de dollars (32,15 milliards d'euros), dont cinq disponibles immédiatement. Au Caire, on compte aussi sur l'argent des émigrés massivement passé sur le marché noir de la devise (une trentaine de milliards de dollars en année pleine), et qui devrait revenir par les canaux légaux.

Les pauvres, premières victimes

Cette manne est-elle en mesure de stabiliser l'économie exposée à un choc sans précédent ? Un dollar à 50 LE et des taux d'intérêt de 30 % bouleversent la vie quotidienne de plus de 106 millions d'Égyptiens. Avec une inflation annuelle de plus de 35 %, les prix et l'activité sont les premières victimes. Pour les pauvres, estimés à au moins 60 % de la population, se nourrir devient une gageure. Pour les entreprises, grandes ou petites, le prix des intrants largement importés et payables en devises, rend ces denrées presque inaccessibles. Le satisfecit décerné par Moody's, l'une des deux principales agences américaines de notation, qui estime désormais positivement d'investir en Égypte, n'y change pas grand-chose dans l'immédiat.

Les anticipations des différents acteurs économiques auront un rôle clé. S'ils prévoient une reprise du cycle infernal des prix intérieurs et des cours des devises, le dollar à 50 LE ne sera bientôt plus qu'un souvenir d'autant qu'il a déjà atteint 72 LE au début de l'année. Si les aides promises, souvent associées à des projets industriels ou d'infrastructure, n'arrivent pas ou prennent du retard, la stabilisation pourrait être compromise ou retardée.

Autre écueil, la situation désespérée des finances publiques. La charge de la dette, c'est-à-dire le paiement des intérêts dus sur la dette de l'État, absorbe les deux-tiers des recettes budgétaires. Reste un petit tiers pour aider les plus déshérités à ne pas mourir de faim, rémunérer (mal) plusieurs millions de fonctionnaires, former une jeunesse nombreuse et subvenir aux besoins d'une armée dispendieuse. La restructuration de la dette, comme cela a été fait dans les années 1990 au lendemain de la première guerre du Golfe, n'est pas à l'ordre du jour. La diplomatie internationale est incapable de s'accorder sur une solution à cette crise qui touche quasiment tous les pays émergents non pétroliers.

À défaut, l'Égypte retrouvera-t-elle le chemin des marchés financiers internationaux comme entre 2013 et 2021 ? C'est peu probable. Il faudra donc recourir à la planche à billets et relancer la chasse au dollar, avant de revenir sur les réformes du 6 mars.

Impossible « démilitarisation »

Reste enfin le plus dur : ajuster le reste de l'économie au fonctionnement désormais libéral du change et de l'argent. Cela nécessiterait de « démilitariser » l'économie aux mains des généraux depuis plus de 10 ans. Subventions, prêts non remboursés, privilèges en tous sens, fiscalité inexistante, orientations des investissements ont entrainé l'économie dans une voie stérile. L'endettement massif du pays (entre 160 et 300 milliards de dollars selon les estimations) a surtout servi à couler du béton. À elle seule, la nouvelle capitale administrative1 qui n'est toujours pas active, a coûté plus de 60 milliards de dollars. Cinq autres villes nouvelles sont perdues dans le désert, et des douzaines sont en projet. Ces investissements colossaux ne rapportent rien, sinon aux affairistes en kaki qui ont mis la main dedans.

Les investissements productifs dans le reste de l'économie ont quant à eux été sacrifiés. Seuls les étrangers ont osé quelques opérations dans les hydrocarbures ou le tourisme. La bourgeoisie très allante du temps du président Hosni Moubarak s'est mise aux abonnés absents, déséquilibrant un peu plus une économie sous influence.

Le président Abdel Fattah Al-Sissi et son premier ministre ont promis le retour des dollars et la baisse des prix grâce à leurs mesures. Pourtant le scepticisme reste de rigueur, ces mesures pouvant se révéler bonnes ni pour l'économie, ni pour les Égyptiens.


1Également appelée Wedian ou Al-Masa, cette ville nouvelle destinée à devenir la capitale en remplacement du Caire, est en construction depuis 2016. Le chantier est situé à environ 45 kilomètres à l'est du Caire, en plein désert.

Crise énergétique : comment Bruxelles courtise l’Ukraine, par Ulrike Reisner

L’UE a ouvert des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, avec une perspective jusqu’en 2030. Le pays est en guerre, l’économie est en ruine, la reconstruction prendra des décennies – les élections démocratiques sont reportées jusqu’à nouvel ordre. La liste des problèmes est longue et les perspectives d’amélioration rapide sont minces. Mais l‘adhésion pourrait aller plus vite si Kiev peut fournir quelque chose dont l’UE a un besoin urgent : de l’énergie par exemple. Les jalons de ce “deal” sont déjà posés.

On sait que Bruxelles intervient massivement depuis deux ans sur le marché européen de l’énergie, sans légitimité démocratique et au mépris des réserves de souveraineté des Etats membres. La Commission abuse de la clause d’urgence pour prolonger une situation précaire qu’elle a elle-même contribué à créer, notamment en adoptant plusieurs trains de sanctions contre la Russie.

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L'économie égyptienne vers l'inconnu

En renonçant à deux prérogatives centrales de l'État dans le domaine économique, le président Abdel Fattah Al-Sissi rompt avec l'histoire de son pays et prend un risque énorme. Il est encore trop tôt pour dire si ces réformes seront vraiment mises en œuvre. En revanche, on peut déjà annoncer qui sont les perdants : la majorité des citoyens.

Mercredi 6 mars, l'Égypte a sauté le pas pour le plus grand profit immédiat des affairistes et de la bourse. Le régime militaire a en effet pris deux décisions historiques qui, si elles sont appliquées dans la durée, bouleverseront en profondeur le fonctionnement de l'économie nationale. La réforme du marché des changes est la plus visible. Jusqu'ici, la banque centrale égyptienne (BCE), entièrement soumise à l'État, tenait à sa main la valeur de la livre égyptienne (LE) face au dollar ou à l'euro. Mais elle sera désormais déterminée par la confrontation entre l'offre et la demande de devises étrangères. Dès lors que ces dernières manquent depuis plus de deux ans en raison de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, le prix du change monte en livres égyptiennes, et la pénurie s'installe. Depuis 2022, le cours de la monnaie nationale a été abaissé à quatre reprises par la BCE dans des proportions considérables, passant de 17 à plus de 30 LE pour 1 dollar. Au marché noir, le billet vert a atteint jusqu'à plus de 70 LE. Et à l'avenir, le rapport entre la monnaie nationale et les devises s'établira quotidiennement.

Renoncements de l'État

La deuxième réforme concerne les marchés financiers. Jusqu'ici, l'épargne nationale était rémunérée à des taux d'intérêt inférieurs à la hausse des prix. Toutefois, cette « répression financière », dénoncée par la minorité aisée qui seule épargne, devrait prendre fin. D'où la vague de spéculation qui s'est immédiatement manifestée. À un terme non défini, les taux d'intérêt devraient être supérieurs à l'inflation et révisés chaque jour par la confrontation des offres et des demandes de crédits. Le 6 mars, l'écart entre les deux courbes a été réduit grâce à une remontée spectaculaire des taux d'intérêt, passant de +6 % à entre 24 % et 30 %.

Évènement politique majeur, les autorités égyptiennes ont de fait abandonné un contrôle historique instauré par le président Gamal Abdel Nasser dans les années 1950 sur deux instruments économiques clés : le change et le loyer de l'argent. Cette révolution n'a pas été faite « à la maison » comme l'a prétendu jeudi 7 mars à Alexandrie le premier ministre Mostafa Madbouly, mais sous la pression soutenue du Fonds monétaire international (FMI). Sa directrice générale, Kristalina Georgieva, une économiste bulgare formée à l'époque soviétique, a multiplié les escales au Caire, refusant obstinément, en l'absence d'un accord sur le change, d'augmenter son aide : trois milliards de dollars (2,76 milliards d'euros) sur trois ans, une misère pour le pays arabe le plus peuplé, et de loin.

À la suite des réformes du 6 mars, l'aide du FMI est passée à plus de neuf milliards (8,27 milliards d'euros), la Banque mondiale et l'Union européenne s'engageant à en apporter quinze de plus. S'y ajouterait une opération immobilière obscure montée par des capitaux venant des Émirats arabes unis, qui apporterait plus de 35 milliards de dollars (32,15 milliards d'euros), dont cinq disponibles immédiatement. Au Caire, on compte aussi sur l'argent des émigrés massivement passé sur le marché noir de la devise (une trentaine de milliards de dollars en année pleine), et qui devrait revenir par les canaux légaux.

Les pauvres, premières victimes

Cette manne est-elle en mesure de stabiliser l'économie exposée à un choc sans précédent ? Un dollar à 50 LE et des taux d'intérêt de 30 % bouleversent la vie quotidienne de plus de 106 millions d'Égyptiens. Avec une inflation annuelle de plus de 35 %, les prix et l'activité sont les premières victimes. Pour les pauvres, estimés à au moins 60 % de la population, se nourrir devient une gageure. Pour les entreprises, grandes ou petites, le prix des intrants largement importés et payables en devises, rend ces denrées presque inaccessibles. Le satisfecit décerné par Moody's, l'une des deux principales agences américaines de notation, qui estime désormais positivement d'investir en Égypte, n'y change pas grand-chose dans l'immédiat.

Les anticipations des différents acteurs économiques auront un rôle clé. S'ils prévoient une reprise du cycle infernal des prix intérieurs et des cours des devises, le dollar à 50 LE ne sera bientôt plus qu'un souvenir d'autant qu'il a déjà atteint 72 LE au début de l'année. Si les aides promises, souvent associées à des projets industriels ou d'infrastructure, n'arrivent pas ou prennent du retard, la stabilisation pourrait être compromise ou retardée.

Autre écueil, la situation désespérée des finances publiques. La charge de la dette, c'est-à-dire le paiement des intérêts dus sur la dette de l'État, absorbe les deux-tiers des recettes budgétaires. Reste un petit tiers pour aider les plus déshérités à ne pas mourir de faim, rémunérer (mal) plusieurs millions de fonctionnaires, former une jeunesse nombreuse et subvenir aux besoins d'une armée dispendieuse. La restructuration de la dette, comme cela a été fait dans les années 1990 au lendemain de la première guerre du Golfe, n'est pas à l'ordre du jour. La diplomatie internationale est incapable de s'accorder sur une solution à cette crise qui touche quasiment tous les pays émergents non pétroliers.

À défaut, l'Égypte retrouvera-t-elle le chemin des marchés financiers internationaux comme entre 2013 et 2021 ? C'est peu probable. Il faudra donc recourir à la planche à billets et relancer la chasse au dollar, avant de revenir sur les réformes du 6 mars.

Impossible « démilitarisation »

Reste enfin le plus dur : ajuster le reste de l'économie au fonctionnement désormais libéral du change et de l'argent. Cela nécessiterait de « démilitariser » l'économie aux mains des généraux depuis plus de 10 ans. Subventions, prêts non remboursés, privilèges en tous sens, fiscalité inexistante, orientations des investissements ont entrainé l'économie dans une voie stérile. L'endettement massif du pays (entre 160 et 300 milliards de dollars selon les estimations) a surtout servi à couler du béton. À elle seule, la nouvelle capitale administrative1 qui n'est toujours pas active, a coûté plus de 60 milliards de dollars. Cinq autres villes nouvelles sont perdues dans le désert, et des douzaines sont en projet. Ces investissements colossaux ne rapportent rien, sinon aux affairistes en kaki qui ont mis la main dedans.

Les investissements productifs dans le reste de l'économie ont quant à eux été sacrifiés. Seuls les étrangers ont osé quelques opérations dans les hydrocarbures ou le tourisme. La bourgeoisie très allante du temps du président Hosni Moubarak s'est mise aux abonnés absents, déséquilibrant un peu plus une économie sous influence.

Le président Abdel Fattah Al-Sissi et son premier ministre ont promis le retour des dollars et la baisse des prix grâce à leurs mesures. Pourtant le scepticisme reste de rigueur, ces mesures pouvant se révéler bonnes ni pour l'économie, ni pour les Égyptiens.


1Également appelée Wedian ou Al-Masa, cette ville nouvelle destinée à devenir la capitale en remplacement du Caire, est en construction depuis 2016. Le chantier est situé à environ 45 kilomètres à l'est du Caire, en plein désert.

Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent…

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…). Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

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Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…).

Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

Au fur et à mesure que la guerre se prolonge, la fracture entre les deux capitales devient plus visible pour un large public, et c’est cela qui est nouveau. Jusqu’à présent, les bisbilles étaient souvent dissimulées par de douces paroles diplomatiques. C’est de moins en moins le cas, au point que Norbert Röttgen, un parlementaire chrétien-démocrate qui présida longtemps la commission des Affaires étrangères du Bundestag, tweetait, le 27 février : « je ne me rappelle pas que la relation (franco-allemande) ait été aussi mauvaise depuis que je fais de la politique ». Ce qui fait tout de même une trentaine d’années…

L’acrimonie est montée de plusieurs tons depuis le 26 février, jour où Emmanuel Macron réunissait à l’Elysée une vingtaine de ses homologues occidentaux pour accélérer le soutien à Kiev. Concluant devant la presse la rencontre, le président lançait : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». La phrase a fait l’effet d’un choc : pour la première fois, l’engagement de troupes au sol au profit de l’Ukraine était ouvertement évoqué.

Paris s’attira les foudres de la plupart des capitales occidentales, Washington comprise, éberluées de cette manière publique de tenter de leur forcer la main, alors même que la proposition n’avait recueilli aucun consensus lors de la réunion. A Berlin, on fait même savoir à mi-voix qu’un consensus s’était dessiné… contre la proposition de l’hôte de l’Elysée. Le chancelier allemand a immédiatement opposé très sèchement un refus catégorique à la proposition macronienne.

Olaf Scholz s’était en outre senti visé quand Emmanuel Macron s’était moqué, lors de la même conférence de presse : « beaucoup de gens qui disent “jamais, jamais” aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient “jamais, jamais des tanks, jamais, jamais des avions, jamais des missiles de longue portée”. (…) Je vous rappelle qu’il y a deux ans, beaucoup, autour de cette table, disaient que nous allions proposer des sacs de couchage et des casques ». Suivez mon regard…

Et comme si l’ambiance n’était pas déjà assez tendue, le président français récidivait le 5 mars à Prague en encourageant ses alliés à « être à la hauteur de l’histoire et du courage qu’elle implique ». L’Europe est dans une situation « où il convient de ne pas être lâches », poursuivait l’orateur. Face à cette attaque à peine voilée, Boris Pistorius, le ministre de la défense allemand, réagissait sur le même ton : « nous n’avons pas besoin (…) de discussions sur le fait d’avoir plus ou moins de courage ».

Le tropisme pro-américain, qui remonte à la fondation de la RFA en 1949, continue d’influencer la politique de Berlin

L’affrontement n’est pas que superficiel. Il recouvre une opposition très ancienne, mais qui a été réactivée lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, le 24 février 2022. Le chancelier, quelques jours plus tard, prononçait alors un discours qui pointait un « changement d’époque ». Mais la conséquence qu’en tiraient Paris et Berlin était très différente.

A l’est du Rhin, la priorité était d’assurer la solidité de l’Alliance atlantique et donc l’alignement encore plus étroit sur l’Oncle Sam. Côté français, le président voyait au contraire l’occasion de pousser en avant sa marotte de « renforcer la souveraineté européenne », politique mais aussi militaire.

Un objectif pas vraiment en vogue en Allemagne, où le chancelier annonçait par exemple, fin 2022, un vaste système anti-missile sous l’égide de l’OTAN, avec la participation de dix-sept pays… mais sans la France. L’architecture en est essentiellement américaine (et inclut des éléments de fabrication israélienne).

En outre, si l’annonce par le chancelier d’un plan de 100 milliards d’euros pour moderniser et renforcer la Bundeswehr avait d’abord été accueillie avec intérêt à Paris, il a rapidement fallu déchanter. En particulier quand Berlin a précisé que cela inclurait notamment l’achat de 35 chasseurs F-35, le dernier joyau militaire aéronautique américain. Non seulement le pouvoir allemand privilégiait un fournisseur US, mais, vu de l’Elysée, il donnait un coup de couteau dans le dos au projet franco-allemand de long terme baptisé Système de combat aéronautique du futur (SCAF), sur lequel les industriels français sont chefs de file.

Outre les profits respectifs des marchands de canons des deux côtés du Rhin, certains analystes pointent une autre dimension du conflit. Depuis le lancement de l’intégration européenne, et plus particulièrement depuis l’unification allemande, l’Allemagne s’était vu reconnaître implicitement son rôle dirigeant en matière économique. En contrepartie, la France officielle, forte de l’arme nucléaire et du siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, se considérait comme la tête de l’UE, sur les plans militaire et diplomatiques, dans le monde.

Si désormais l’armée allemande se renforce et se modernise à marche forcée, cet « équilibre » pourrait bien être remis en cause au détriment de Paris. Un élément qui pourrait expliquer la fuite en avant d’Emmanuel Macron.

A l’inverse, le tropisme pro-américain, qui remonte à la fondation de la RFA en 1949 sous l’égide des Alliés de l’OTAN, continue d’influencer la politique de Berlin, peu tenté de contredire l’Oncle Sam. Or celui-ci, depuis ses échecs et humiliations extérieurs, préfère combattre par procuration que d’envoyer ouvertement des troupes au sol, même sous le drapeau de l’Alliance atlantique.

La constitution française donne au président un pouvoir digne de Louis XIV, en particulier en politique étrangère et en action militaire

Enfin, deux facteurs supplémentaires différencient la France de l’Allemagne. Cette dernière a connu un fort mouvement pacifiste qui a laissé des traces, notamment du fait de l’expérience terrible de la guerre contre l’URSS. Vue de France, la Russie est bien plus loin, géographiquement et culturellement, ce qui peut conduire le forcené de l’Elysée à rêver d’aventures guerrières.

L’autre facteur  relève de la politique intérieure et des institutions respectives des deux pays. Certes, tant Olaf Scholz qu’Emmanuel Macron sont en difficulté : ils s’appuient l’un et l’autre sur des majorités instables.

Mais la constitution française donne au président un pouvoir digne de Louis XIV, en particulier en politique étrangère et en action militaire. Le monarque républicain a certes octroyé un débat au Parlement – qui s’est déroulé le 12 mars à l’Assemblée nationale puis au Sénat –  mais ce dernier était facultatif et le vote n’avait aucun contraignant.

A l’inverse, le chancelier allemand doit obligatoirement rendre des comptes au Bundestag. Surtout, issu du Parti social-démocrate, il est conscient qu’il ne peut totalement tourner le dos à son électorat, dont une partie reste pacifiste. Sauf à se condamner à une déroute électorale certaine en 2025.

Même avec toutes ses limites actuelles, la démocratie reste donc un rempart, certes fragile, contre les aventures guerrières, même si elle n’empêche pas d’alimenter le conflit par des livraisons d’armes toujours plus massives.

Les deux capitales sont du reste engagées dans une polémique sur le thème « c’est moi qui donne le plus » à l’Ukraine. Et elles s’opposent sur la réforme de la mal nommée « Facilité européenne pour la paix », l’instrument de l’Union européenne par lequel transitent une partie des financements militaires.

Preuve supplémentaire que l’intégration européenne, loin de favoriser un développement harmonieux en son sein, provoque au contraire concurrence et surenchère. Dans le contexte actuel, celles-ci peuvent mener l’Europe sur un chemin qui n’a rien de rassurant.

Cet article Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent est apparu en premier sur Ruptures.

Abstention et désaveu, armes des électeurs en Iran

Abstention record, votes nuls, sanction de certains candidats appartenant aux cercles influents habituels : les élections législatives en Iran ont été marquées par le mécontentement de la population. Certes, les conservateurs et ultra-conservateurs maintiennent leur domination, mais la pression sociale s'intensifie.

Premières élections après le vaste mouvement de contestation de 2022-2023, les législatives se sont déroulées le 1er mars dans le but de renouveler les 290 députés pour un mandat de quatre ans (lire l'encadré) ainsi que les 88 membres de l'Assemblée des experts, élus pour huit ans. Ces derniers ont le pouvoir de superviser, mais aussi — en théorie — de révoquer le guide suprême (valy e-faghih). Bien que cette possibilité n'ait jamais été utilisée, l'âge avancé du guide suprême actuel (84 ans), l'ayatollah Ali Khamenei, après plus de trente ans au pouvoir, pourrait lui conférer une importance particulière.

Avant la consultation, le pouvoir et le Conseil des gardiens de la révolution, chargés de valider (ou pas) les candidats, avaient pris soin d'en disqualifier plus de la moitié, tous ou presque parmi les indépendants, les « modérés » et les « réformateurs », réduits à la portion congrue. « Ces élections [sont] dénuées de sens, sans compétition, et inefficaces », a déclaré ainsi Mohammad Khatami, ancien président de la République islamique (1997-2005) qui n'a pas participé au vote, sans avoir appelé au boycott.

En outre, pour être éligible au Parlement (Majlis), un niveau d'études universitaires de bac plus cinq est requis, excluant ainsi les classes populaires, en particulier les ouvriers qui constituent plus d'un quart de l'électorat. Au total, la majorité des 15 200 candidats autorisés, dont 1 713 femmes (11,2 % du total, deux fois plus qu'en 2020), appartenaient au camp majoritaire. Les listes étaient composées de quelques « caïds » (chefs influents suivis de noms souvent inconnus), et la campagne électorale s'est avérée courte – seulement dix jours.

Pas étonnant que, sans concurrent, les conservateurs et les ultra-conservateurs, parfois en rivalité, maintiennent leur domination au Parlement. Leur influence s'exerce également à la présidence de la République depuis 2021 ainsi qu'au pouvoir judiciaire. Ils consolident ainsi leur emprise sur toutes les instances nationales.

Abstention et votes nuls

Cependant, les Iraniens ont utilisé l'une des seules armes à leur disposition : rester à la maison. Comme le montre le tableau ci-dessous, le taux de participation ne dépasse pas les 41 %, le niveau le plus faible jamais atteint depuis la révolution de 19791.

Le cas de Téhéran est à la fois atypique et symbolique. Deux chiffres officiels de participation ont été successivement donnés : 24 % (en baisse de deux points par rapport à 2020), puis 34 % (en hausse de huit points). S'il est exact, ce dernier chiffre reflète, en réalité, une forte augmentation des votes nuls, considérés par une partie de l'électorat comme un moyen d'expression. Depuis 2020, le résultat de ces votes n'est plus rendu public.

Mais le décompte des voix à Téhéran, où trente sièges étaient à pourvoir, suggère qu'ils sont importants. Ainsi, celui qui a reçu le plus de suffrages dans la circonscription en a recueilli 597 770 contre 1 265 000 au premier député élu en 2020, soit deux fois moins. À l'exception des 14 premiers élus, 32 autres candidats aux sièges restants n'ont pas atteint le seuil requis des 20 % des voix exprimées. Ils vont devoir affronter un deuxième tour pour accéder au Majlis. Cela révèle que, d'une part, les voix se sont dispersées sur plusieurs candidats de différentes listes, au gré de leurs appréciations des personnes elles-mêmes et que, d'autre part, les votes nuls ont pesé. Certains les estiment à environ 20 % des voix.

À l'échelle du pays, on constate que l'abstention est forte, particulièrement dans les endroits où les couches populaires subissent la crise de plein fouet : 70 % dans la province d'Alborz, à l'est de Téhéran où habitent les familles qui n'arrivent pas à payer les loyers élevés de la capitale, ainsi qu'au Balouchistan, à l'est du pays, où les récents mouvements de contestation ont été durement réprimés. Deux exemples parmi tant d'autres.

Sanction des corrompus

Outre le faible niveau de participation, il est intéressant de noter que certains candidats appartenant aux cercles influents habituels, les « caïds » et les « gros poissons », ont été écartés. Ceux qui ont mis un bulletin dans l'urne ont clairement sanctionné les élus associés à la corruption ou à la répression, en optant pour des candidats relativement méconnus. Symbole de ce changement, Mohammad Bagher Ghalibaf, actuel président du Parlement, qui avait remporté l'élection avec 1 265 287 voix en 2020, n'en totalise aujourd'hui que 447 905, soit près de trois fois moins. On pourrait aussi citer le cas de Mohammad Bagher Nobakht qui n'a pas réussi à remporter les suffrages de la population de Racht (ville au nord du pays) malgré son long parcours politique. Issu de la faction des modérés, il a été l'un des pionniers du libéralisme aux côtés de feu Hachémi Rafsandjani dès le début des années 2000. Nobakht a ensuite dirigé, de 2015 à 2022, l'Institut de planification et du budget, crucial pour la gestion du système économique du pays, et à l'origine de nombreuses décisions de privatisations. Il y a également le cas d'Ali Asghar Anabestani, qui s'est fait connaître sur les réseaux sociaux pour avoir giflé un agent de la circulation, et celui de Hassan Norouzi, l'un des fervents partisans du projet de loi sur « le hijab et la chasteté » imposant le port du voile, tous deux éliminés dès le premier tour.

Ces résultats témoignent du discrédit de figures marquantes, et mettent au jour des positions moins assurées que prévu. Ils soulignent également le mécontentement social dans un pays confronté à une inflation proche de 50 % cette année, conséquence des sanctions économiques mais aussi de politiques néolibérales de déréglementation et de privatisations.

Privatisations et crise sociale

Les classes populaires, en particulier les quinze millions d'ouvriers, font face à des conditions de vie difficiles, qui touchent désormais aussi une partie des couches moyennes. Des pourparlers sont actuellement en cours en vue d'une éventuelle augmentation des salaires de 20 %, inférieure de moitié à l'inflation, pour une partie des fonctionnaires et des salariés bénéficiant de la protection de la loi du travail. Cela exclut cependant une grande partie des actifs, notamment les femmes qui travaillent chez des particuliers ou chez elles en sous-traitance pour des entreprises.

Si les réformateurs, aujourd'hui quasiment écartés de la scène politique, se prononcent pour une plus grande liberté sociétale, ils ne présentent pas de divergences fondamentales avec les conservateurs en matière économique et sociale, notamment à l'égard des couches défavorisées. Les deux factions mettent en œuvre des politiques néolibérales. Ainsi, avec les licenciements, les changements de statut liés aux privatisations et les départs à la retraite, désormais plus de 90 % de la main-d'œuvre du pays disposent de contrats temporaires, alors qu'à la fin de la guerre en 1988, plus de 90 % bénéficiaient de contrats à durée indéterminée (CDI).

Selon les statistiques de l'Organisation iranienne des privatisations, les ventes d'actifs publics ont atteint 639 218 milliards de tomans (environ 13,95 milliards d'euros actuels) entre 2001 et 2023 : 47,6 % ont été proposés en bourse, 47,1 % adjugés aux enchères, et le reste par négociation. Au cours des 30 dernières années, plus de 80 % des facilités bancaires ont été octroyées aux 20 % les plus riches qui présentent pourtant les plus grands arriérés de remboursement de prêts. Pendant ce temps, la moitié des ménages iraniens n'ont pas eu recours à un quelconque crédit.

Même l'enseignement a été en partie privatisé. À Téhéran, par exemple, la part des écoles publiques n'atteint que 54 %. À l'échelle du pays, seule une infime minorité des élèves (12 %) provenant de l'enseignement public réussit à faire partie des trois mille premiers aux concours nationaux, un classement qui permet d'accéder aux meilleures places dans les universités. Réformateurs comme conservateurs au Parlement ont ainsi reculé l'âge de la retraite, refusé d'indexer le salaire minimum sur l'inflation et privatisé des entreprises (dans le secteur pétrolier, la pétrochimie, l'acier…), l'enseignement et même des sites historiques. Dans ce domaine, les convergences sont patentes.

Clivages au sein du pouvoir

Outre le port du voile, les deux camps divergent sur la diplomatie. Les réformateurs misent sur un rapprochement avec l'Occident. Néanmoins, le camp conservateur est loin d'être uni sur l'attitude à adopter face au génocide perpétré par l'État d'Israël contre les Palestiniens et les risques d'une escalade de la guerre. Le pouvoir a privilégié une approche diplomatique plutôt que belliqueuse. Cela divise les conservateurs entre « réalistes », proches du président Ebrahim Raïssi et du guide Ali Khamenei, et les durs de l'« axe de la résistance », qui veulent entrer en guerre contre Israël. Les divergences existent également sur le rapprochement avec la Chine qui renforce silencieusement sa position en obtenant d'importants contrats d'équipement, notamment dans le domaine ferroviaire, la construction de routes et le développement de l'aéroport de Téhéran.

Au total, ces élections témoignent surtout du mécontentement profond au sein de la société iranienne. Contre l'obligation du port du voile, que plus du tiers des femmes ne portent plus en public, mais aussi contre la politique sociale. Des grèves fréquentes quoique sporadiques et sans leader, touchent régulièrement des secteurs tels que le logement, l'éducation, la santé. Elles mobilisent pour l'augmentation des salaires, des retraites, ou l'approvisionnement en eau. Toutefois le mouvement demeure non structuré.

Les arrestations et les procès inéquitables persistent tandis que les exécutions s'accélèrent. Le média iranien en ligne Radiozamaneh en reconnaît 125 en 2023. Mais, selon Human Rights Watch et Ensemble contre la peine de mort (ECPM), leur nombre s'est élevé à 834 en 2023, « une augmentation alarmante de 43 % en un an »2. Malgré les répressions, l'évolution des dynamiques sociales pourront-elles ouvrir la voie à l'émergence d'une opposition structurée ?

Élections mode d'emploi

Le Parlement compte 290 membres élus pour 4 ans au suffrage universel, par les Iraniens de 18 ans et plus. Parmi eux, 285 députés musulmans, chiites ou sunnites, sont élus dans l'une des 202 circonscriptions électorales, tandis que 5 sont élus par les membres de chacune des minorités religieuses lors d'un scrutin extraterritorial (1 Assyro-chaldéen, 2 Arméniens, 1 juif et 1 zoroastrien). Tout candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages est élu, à condition de compter plus de 20 % des votes exprimés, sinon il faut un second tour. Les votes blancs ne sont pas comptabilisés3.

Seuls les Iraniens et les Iraniennes ayant effectué des études supérieures peuvent se présenter. La plupart des 202 circonscriptions ne comptent qu'un seul député, les grandes villes en totalisent entre 2 et 6, selon la taille de leur population. La grande circonscription de Téhéran en élit quant à elle 30.

Établi depuis plusieurs décennies, le découpage électoral présente des complexités administratives, avec des situations où des districts non voisins sont regroupés dans une même circonscription. Il ne tient pas compte de la croissance démographique récente.


1Selon les statistiques officielles de l'Iranian Students News Agency (ISNA) à Téhéran.

2« Annual Report on Death Penalty in Iran 2023 », Iran Human Watch Rights and Together Against the Death Penalty, 5 mars 2023.

3Voir « Les élections législatives en Iran 2020, premier tour », Bernard Hourcade, CartOrient, 4 juin 2020.

Un Biden en plein déni fait son show à l’état de l’Union

Il ne faut pas s’arrêter à l’esbroufe théâtrale d’un président qui se voulait fougueux et braillard. Ni au chahut des réactionnaires. En réalité, le discours de Joe Biden sur l’état […]

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France, 2024 : Bruno Le Maire découvre l’économie pour la première fois

Par : h16

Bruno Le Maire n’est pas n’importe qui : c’est le ministre des Finances et de l’Économie de la République Française, monsieur, ce qui veut dire que c’est du sérieux, du solide, du réfléchi, et ça veut aussi dire que lorsqu’il faut prendre des décisions importantes, on sait qu’il sera au rendez-vous, scrogneugneu.

Et pour être au rendez-vous, il l’a été tout au long de son parcours à Bercy qu’il occupe maintenant depuis plus de six années ce qui a permis à tous les Français de jauger avec précision de la solidité du gaillard. Solidité qui s’est une fois encore illustrée il y a quelques jours lorsque, accordant un entretien aux scribouillards subventionnés du Monde, il a clairement expliqué qu’il n’entendait pas s’arrêter aux économies budgétaires déjà envisagées…

Rappelez-vous, c’était il y a – pfiouu – déjà deux semaines (une autre vie, pour ainsi dire) et le frétillant quinquagénaire nous promettait alors que pour redresser un peu le budget de l’État français, il entendait lancer un plan d’économies de 10 milliards d’euros afin de compenser la baisse visible de l’activité sur le territoire.

Les médias se chargèrent ensuite de relayer ce chiffre en appuyant bien sur les différents secteurs et ministères touchés par la terrible vague d’austérité qui ne manquerait pas de les frapper. Pensez donc, 10 milliards d’euros à trouver, ce n’est pas une mince affaire !

Aucun de ces médias ne fera cependant l’effort de rappeler que le déficit du budget se situe autour de 170 à 180 milliards d’euros, très au-delà de la petite économie envisagée ce qui rend l’ensemble de l’exercice particulièrement mineur. Ce n’est pas pour rien que ces médias sont subventionnés, n’est-ce pas, et cela leur permet d’affoler les ministères et les Français sur ces services publics qu’on ne va pas manquer de martyriser à coup d’austérité.

Malheureusement – et les médias furent quelque peu discrets à ce sujet – deux semaines plus tard et au moment de présenter le détail des économies espérées, notre Bruno de Bercy s’est retrouvé confronté à un autre problème : les chiffres en provenance des recettes commençaient à remonter une information inquiétante. Apparemment, non seulement les caisses de l’État se vident toujours aussi vite – d’où l’appel quasi chamanique à de putatives économies – mais il apparaît à présent qu’elles ne se remplissent plus aussi gaillardement qu’auparavant.

Dans un article du Figaro largement passé inaperçu, on apprend ainsi que les recettes fiscales diminuent depuis plusieurs mois, provoquant l’anxiété du ministère.

Saperlipopette ! Se pourrait-il les idées économiques lumineuses de Bruno et de sa troupe d’énarques à la tête du léviathan fiscal français n’aient pas suffi à assurer les rentrées fiscales prochaines ? Se pourrait-il que lancer des petits coups de menton contre l’économie russe ne suffise pas à émerveiller les industries françaises et étrangères à se bousculer sur notre sol pour y faire des affaires et produire de la richesse dûment taxable ? Se pourrait-il que produire de la dette indexée à l’inflation comme d’autres des saucisses industrielles pour l’Oktoberfest finisse par se retourner contre l’endetté au moment où l’inflation remonte brutalement ? Se pourrait-il que continuer à embaucher des fonctionnaires, à hauteur de près de 60.000 postes en 2023, n’améliore en rien la mise à genou de l’économie russe française ? Se pourrait-il qu’augmenter encore les retraites – pour une population qui s’en sort maintenant mieux que les actifs – aggrave globalement l’équilibre budgétaire général, la récente revalorisation aboutissant à 14 milliards de dépenses supplémentaires ?

Oh zut alors !

Pas étonnant, pour un homme aussi sérieux que Bruno, qu’une telle succession de révélations lui impose alors une prise de conscience : sapristi, l’État dépense trop et il nous faut rétablir les finances publiques, pardi. On admirera la performance qui permet à notre athlète des finances d’arriver à cette conclusion après seulement six ans et neuf mois en poste, certains politiciens, dans le circuit depuis plus d’un demi-siècle, n’étant toujours pas parvenus à intégrer cette réalité…

Voilà donc déployée la nouvelle feuille de route de Bercy : ce ne sera plus 10 milliards qu’il va falloir trouver, mais bien 180 pour combler le déficit et assainir enfin les fi… Ah pardon non, on me glisse dans l’oreillette que la prise de conscience de Bruno ne va pas jusque là, ouh là malheureux comme vous y allez et faut pas pousser mon brave : on va se contenter d’un petit 20 milliards d’euros, emballage et frais de port compris, et encore, pour 2025 histoire de n’affoler personne.

Il n’en reste pas moins que, dans leurs discours, les énarques à la tête de l’usine à gaz de Bercy ne montrent pas toute la sérénité que devrait autoriser leur maîtrise précise et pointue de l’économie française : on sent nettement qu’il manque un peu plus que quelques petits sous ici et là pour colmater les trous de plus en plus inquiétants dans les finances de l’État. Il faut dire qu’avec ce mois de janvier qui marque un record de déficit mensuel à 25,74 milliards d’euros (soit 3,9 milliards de plus que le précédent record de janvier 2021), la direction générale laisse augurer d’une fin d’année en fanfare.

Sans surprise, les factotums et les macronettes du gouvernement se sont rapidement relayés sur les plateaux télévisés pour expliquer qu’il s’agissait d’une étape normale et logique vers la nécessaire reprise en main des finances du pays : “moui, m’voyez, il faut sortir de notre addiction à la dépense publique, m’voyez, enfin voilà quoi…”

Autrement dit, il s’agit de ressasser ce que tant d’autres politiciens ont déjà dit depuis des décennies (tout le monde se souvient encore du candidat à la tête d’un pays en faillite, n’est-ce pas) en espérant que tout le monde croit instantanément que, cette fois, c’est sûr, c’est la bonne et, enfin, oui, bien sûr, des coupes et des redressements budgétaires courageux vont être faits et que “tout le monde devra participer au redressement des comptes publics”

Bon, ne rêvez pas : l’Elysée conservera ses 11% d’augmentation budgétaire pour cette année, l’Assemblée nationale ses 6%, le Sénat ses 2%, le Conseil constitutionnel ses 34%. Les députés et les sénateurs conserveront leur rallonge mensuelle (respectivement de 300€ et de 700€). Zelensky continuera de toucher l’argent du contribuable français, européen et américain. Les ministères qui devront éventuellement faire des petits efforts seront ceux qui ne peuvent pas faire grève (le régalien, donc). Le reste continuera de s’enfoncer en rouspétant sur la terrible austérité qui les touche.

Quant aux impôts et aux taxes, ils sont actuellement si élevés que les augmenter, même d’un chouilla, revient à expérimenter un peu plus loin sur le mauvais côté de la courbe de Laffer et vu les bobines peu assurées des clowns à la tête de Bercy, on comprend que l’option sera difficile à pousser.

Les dépenses continueront donc d’augmenter. C’est mathématique. À mesure que l’activité française va se contracter, les rentrées fiscales vont continuer à se réduire. C’est là encore mathématique. Le leasing pour les gonades du gouvernement n’ayant pas été renouvelé depuis des lustres, elles ont été renvoyées au fabricant qui s’en est manifestement débarrassé.

Sans courage, avec des dépenses qui grimpent, des rentrées qui diminuent et une conjoncture générale qui tourne au vinaigre, l’odeur qui se dégage des dernières nouvelles économiques du titanic France est très claire : c’est celle d’une tutelle du FMI.

Et ça, c’est si ça se passe bien.

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Journée de jacquerie à Paris

Ce vendredi, Paris a connu une véritable agitation paysanne, qui ne présage rien de bon pour le gouvernement. Dès potron-minet, des tracteurs de la Coordination Rurale répandaient du foin sur la place de l’Etoile. Au Salon de l’Agriculture, les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique quittaient les lieux sous escorte policière après avoir reçu des jets d’oeuf. L’ambiance n’est donc pas au beau fixe dans les rangs…

Les ministres Marc Fesneau et Christophe Béchu visés par des jets d'œufs et copieusement hués par des #agriculteurs au Salon de l'Agriculture. (@_Victor_RG_) #AgriculteursEnColere pic.twitter.com/cMGpIOvUDv

— Anonyme Citoyen (@AnonymeCitoyen) March 1, 2024

Voilà donc encore une mauvaise journée pour le gouvernement. Le Président ferait bien de se méfier de ce climat de jacquerie qui atteint désormais le coeur de Paris.

Ainsi, ce matin, les paysans de la Coordination rurale s’emparaient de la place de l’Etoile et répandaient du foin autour de l’Arc de Triomphe. Plusieurs dizaines d’arrestations ont eu lieu avec gardes à vue à la clé. Tout le problème tient évidemment à l’extrême fragilité du système défensif policier, visiblement beaucoup plus poreux en temps de Salon de l’Agriculture qu’en temps de Gilets Jaunes.

Quelques heures plus tard, comme on le voit sur la vidéo ci-dessus, des manifestants (présentés comme issus de la FNSEA) chassaient les ministres de l’Agriculture et de la Transition Ecologique du Salon, à coups de jets d’oeuf. Une mauvaise image, encore, pour un gouvernement dont les membres étaient exfiltrés par la police.

On sent bien qu’une colère s’exprime, qui n’en est peut-être qu’à ses balbutiements. On refera les comptes quand Gabriel Attal aura annoncé ses prochaines mesures d’austérité dans le domaine social.

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BCE : la grande destruction monétaire a commencé, par Ulrike Reisner

Par : Rédaction

Vendredi dernier, la BCE et la Deutsche Bundesbank ont annoncé presque simultanément d’énormes pertes pour 2023. À cause des taux d’intérêt élevés, disent-ils. En réalité, la BCE a créé quasiment de toutes pièces plusieurs billions d’euros depuis dix ans grâce à ses « programmes d’achat contre les crises ». Maintenant, avec l’aide du taux directeur, on passe par pertes et profits. Cela se fait au détriment de l’économie qui s’affaiblit. Et cela montre clairement qu’avec l’introduction d’un euro numérique, le risque augmente que de la monnaie fiduciaire non couverte puisse être créée et détruite « en appuyant sur un bouton ».

La Banque centrale européenne enregistre une perte en 2023 pour la première fois depuis environ 20 ans. Celle-ci, d’un montant de 1,3 milliard d’euros, n’est gérable que parce que la BCE a dissous ses provisions pour risques financiers et a déjà remboursé par anticipation 6,6 milliards d’euros de pertes. Pour 2023, il n’y aura pas de distribution de bénéfices aux banques centrales nationales de la zone euro. De plus, la BCE devrait continuer à enregistrer des pertes dans les années à venir.

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Les Etats-Unis ne paieront pas leurs dettes, par Yves-Marie Adeline

Par : Rédaction

Le Trésor américain vient d’annoncer que cette année, les Etats-Unis pourraient consacrer leurs nouveaux emprunts aux seuls intérêts de leur dette abyssale. Une prévision alarmante que nous allons essayer de mettre en perspective.

La dette publique totale américaine pèse à elle seule le tiers du PIB… mondial : 34.000 milliards de dollars. Ce qui permet cet endettement, qui d’ailleurs augmente jour après jour, est la confiance que l’on peut avoir dans les capacités gigantesques de la première puissance économique, mais aussi le statut particulier du dollar, monnaie nationale dans laquelle sont libellés 80% du commerce mondial ; une monnaie non-convertible en or, donc sui generis en théorie. En théorie seulement, car en réalité l’étalon-or a été remplacé par les matières premières, en particulier le pétrole, la reine des ressources que l’on transforme aussi bien en énergie qu’en plastiques de toutes sortes, dans une telle proportion que l’on peut dire que l’humanité a vécu un âge du bronze, puis du fer, etc. et aujourd’hui est passée à l’âge du plastique. Or, jusqu’à une période récente, le pétrole se négociait dans cette devise : seule échappait à l’empire du dollar-pétrole la Russie, autosuffisante – ce qui explique pourquoi l’Amérique aimerait bien la conquérir d’une manière ou d’une autre, mais c’est un autre sujet.

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La fin du miracle économique chinois

Depuis plusieurs dizaines d’années, les analyses convergent sur la continuité de la croissance chinoise et la projection d’un premier rang économique mondial. Mais les bambous ne montent pas jusqu’au ciel. Un certain nombre de signaux négatifs apparaissent dans l’économie chinoise. Sont-ils conjoncturels ou plutôt structurels ? Le ralentissement économique, la démographie, la dette des entreprises, ne seront pas passagers. Le retournement de l’économie chinoise commence sous nos yeux.

Quand on vit des dizaines d’années de forte croissance, on se laisse aller à imaginer que celle-ci sera éternelle. L’histoire nous enseigne que la vie économique relève de cycles.

 

La décélération de la croissance

En étudiant la courbe de la croissance économique chinoise depuis 60 ans, on s’aperçoit qu’elle se découpe en trois phases :

  1. Une croissance accélérée, pendant 30 ans, des années 1960 jusqu’au début des années 1990, avec une pointe proche de 20 %
  2. Une croissance stable, les 15 années suivantes, en moyenne autour des 10 %
  3. Une décélération de la croissance, amorcée en 2008, passant de 10 % à  « autour » de 5 % (vocabulaire officiel)

 

Des prévisions réalistes des prochaines années prolongent ce dernier chiffre vers 4 %, puis 3 %.

La décroissance est donc à l’œuvre depuis 15 ans… Elle s’explique par la hausse des coûts, la baisse des gains de productivité, et le manque de dépenses des ménages chinois, préférant l’épargne.

Cette décroissance sera alimentée par un paramètre additionnel, le repli démographique.

 

Une triple peine démographique

Le choix de l’enfant unique décidé en 1979 a atteint l’objectif de réduire la forte croissance de la population au moment où le pays devait relever le défi alimentaire. Cette politique maintenue jusqu’en 2016 a préparé un tsunami démographique.

Ce déficit de naissances sur une longue période, première peine, a mis en place la baisse décalée du vieillissement de la population, deuxième peine.

Début 2023, le pouvoir politique a eu la plus grande difficulté à admettre une baisse de population d’environ 200 000 personnes, en 2022. La baisse de 2023 se situe à deux millions.

Probablement en 2028, la Chine repassera sous la barre des 1,4 milliard d’habitants puis, dans une génération, en 2050, en dessous de 1,2 milliard.

Ce rétrécissement de population s’accompagne d’un vieillissement accéléré, déjà inscrit dans la structure de la pyramide des âges.

La population de plus de 60 ans atteignait 241 millions en 2017 ; elle est passée à 280 millions en 2020, et se dirige vers 420 millions en 2050. Cet accroissement spectaculaire aura deux impacts : l’un sur le marché intérieur, l’autre sur le marché du travail.

La disparition de 200 millions de personnes du marché du travail ne pourra conduire qu’à un renchérissement de la main-d’œuvre, même en intégrant l’impact de l’automatisation.

Un retraité dispose de moins de revenus qu’un actif. Des conséquences significatives sur la vitalité du marché intérieur sont donc à prévoir.

La troisième peine démographique concerne la jeunesse. Après un parcours dans un système éducatif très exigeant, elle se trouve face à un marché de l’emploi très compétitif, et des conditions de travail difficiles. Apparaît donc un phénomène de désenchantement, qui se traduit par deux phénomènes inattendus : l’exode intérieur et l’exil.

Le départ des grandes villes conduit à un exode vers des villes moyennes ou la campagne. Il s’explique par le cumul du coût de l’habitat urbain, le niveau de pollution, et les difficultés d’emploi.

L’autre dynamique de la jeunesse se traduit par un exil caché. Il est étonnant de découvrir que la quatrième nationalité des migrants à la frontière sud des États-Unis est la nationalité chinoise.

Ce retournement démographique global est porteur de conséquences économiques et financières très substantielles.

 

Le poids des dettes

Ces nouvelles tendances impactent la construction et le BTP, qui représentent presque 25 % du PIB.

Pendant plusieurs décennies, la hausse de la demande de logements neufs, urbains, a conduit les sociétés majeures du secteur à poursuivre leur endettement pour alimenter cette « croissance éternelle ». Le ralentissement économique, et le rétrécissement/vieillissement de la population ont provoqué une baisse de la demande, dans une situation où l’offre de logements continuait d’augmenter.

Le groupe Evergrande, un des plus grands groupes immobiliers chinois, à la tête de plus de 300 milliards de dollars de dettes s’est déclaré en faillite aux États-Unis pendant l’été 2023, et vient d’être mis en liquidation par une décision d’un tribunal de Hong Kong, le 4 février 2024.

À l’automne dernier, l’autre géant du secteur, Country Garden, n’a pas été en mesure d’honorer un paiement de 60 millions de dollars.

Le niveau des capitaux engagés provoque naturellement des effets sur le secteur financier. Le groupe Zhongzhi, géant de la finance parallèle, très exposé au marché immobilier, affiche une dette de 64 milliards de dollars. Il s’est déclaré en faillite au début du mois de janvier 2024.

Cette triple fissure, décroissance, démographie, dette, se traduit naturellement dans les indicateurs boursiers. Le repli de la bourse de Shanghai atteint 12 % depuis six mois. Depuis fin janvier 2024, la capitalisation boursière de Hong Kong, est dépassée par celle de Bombay…

Ces nouvelles tendances clés de la réalité chinoise ne sont pas conjoncturelles, mais structurelles.

 

Des conséquences globales

La rigueur idéologique du Parti communiste chinois est-elle adaptée à cette nouvelle phase de l’économie chinoise ? Face à cette situation nouvelle, il faut de la créativité, de l’ouverture, de l’innovation, de nouvelles politiques, et des décisions atypiques afin de faire face à des réalités totalement nouvelles.

Ceci constitue un autre défi, idéologique, et structurel lui aussi, porté directement au cœur du système du PCC.

L’objectif de rattraper et dépasser les États-Unis apparaît de moins en moins probable. Au 1er octobre 2029, 80e anniversaire de la République Populaire de Chine, cela pourrait même apparaître impossible.

Il nous faut absolument réfléchir aux conséquences intérieures et internationales de cette « nouvelle » Chine.

Quand la Chine s’éveillera…. Quand la Chine s’essoufflera…

Une révolution est-elle imminente en France ?

Depuis plusieurs années, on sent bien un malaise grandissant des Français vis-à-vis du régime en place, qui souffre de nombreux défauts, d’ailleurs indépendants des personnes qui le dirigent. Nous le répétons souvent, la démocratie représentative, en soi, est un mode de gouvernement qui ne correspond plus aux possibilités offertes par la technologie numérique. Les ingrédients sont réunis pour une grande bascule. Mais cette bascule tarde à se réaliser. Entretien avec Edouard Husson sur l’imminence d’une révolution dans notre pays.

Plusieurs éléments laissent à penser qu’une révolution en France est inéluctable comme le dit Edouard Husson.

  • la démocratie représentative est une forme dépassée de gouvernement
  • notre élite dirigeante est à bout de souffle et n’a guère de projet pour le pays autre que de se maintenir au pouvoir
  • comme en 1789, la France traverse une grave crise des finances publiques
  • les solutions pour moderniser le pays sont encore très incertaines, et portées par des forces sociales antagoniques

Cette capsule est aussi l’occasion de rafraîchir la mémoire des auditeurs sur le processus révolutionnaire de 1789.

Insistons sur un point, l’histoire n’est jamais écrite, et elle avance grâce aux rapports de force qui se construisent dans la durée. L’issue de ce rapport de force n’est jamais écrite, et elle doit beaucoup au hasard.

Retrouvez jusqu’à vendredi nos contenus dédiés à la Révolution.

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Comment les experts occidentaux peuvent être une arme de destruction massive – Nicolas Bonnal

Le monde moderne est plein de mathématiques, de chiffres, de machines étranges et d’illusions magiques ; il vacille sous les données. Malgré son arrogance, ce monde inquiet a besoin d’un nouveau type de mages et de « prévisionnistes scientifiques », que l’on appelle des experts. Environ 6000 chaînes de télévision dans le monde appellent à tout moment les experts pour étudier avec eux des événements complexes ou prévoir un avenir meilleur.

L’article Comment les experts occidentaux peuvent être une arme de destruction massive – Nicolas Bonnal est apparu en premier sur Strategika.

Contre la crise agricole, les circuits courts du Jura – par Yves-Marie Adeline

Par : Rédaction

La crise du monde agricole, qui à vrai dire ne date pas d’hier, est la résultante de deux facteurs. D’un côté, on trouve la domination de la production par la grande distribution, de sorte que les entreprises agricoles doivent atteindre un seuil de rentabilité élevé pour résister à la pression. De l’autre, la concurrence étrangère, aggravée par le fait que nos importations ne sont pas soumises aux contraintes règlementaires, forcément coûteuses, des producteurs européens. En France, la situation est encore pire, parce que la République ajoute encore des contraintes supplémentaires à ses agriculteurs, de sorte que, même à la seule échelle communautaire, ils sont pénalisés. Mais il y a aussi des motifs d’espoir. Yves-Marie Adeline nous montre, en prenant l’exemple du Jura, comme l’agriculture française sait aussi mettre en valeur des atouts locaux.

A banner reading “Let’s save agriculture” is attached to a farming vehicle, during a blockade by farmers on the A4 highway to protest over price pressures, taxes and green regulation, grievances that are shared by farmers across Europe, in Jossigny, near Paris, France, January 30, 2024. REUTERS/Yves Herman

Dès les années 50, le modèle agricole français s’est recomposé selon des schémas mondialistes : il fallait se servir de son légendaire potentiel agricole pour asseoir la puissance française dans le monde. Pour cela, sans nul doute, la France était forte de ses atouts : souvenons-nous du mot de Sully, le ministre d’Henri IV : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », à une époque où l’industrie n’existait pas encore. Mais cela signifiait surtout que la France ne comptait pas sur son commerce pour prospérer, au contraire de l’Angleterre ou de la Hollande. Après 1945, le business model s’est inversé : il fallait que la production française s’impose dans le monde, et de fait, elle s’est hissée au deuxième rang derrière les États-Unis, ce qui était une performance honorable quand on connaît l’immensité géographique de son rival.

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Suisse : Ueli Maurer persiste sur «l’ hystérie » du covid

Il y a deux semaines, l’ex-conseiller fédéral UDC, Ueli Maurer, a déclaré qu’il y avait une « hystérie autour du Covid ». En dépit des nombreuses critiques et pour clarifier les choses, il a réaffirmé ses propos dans la presse, et parle même d’une hystérie « d’ampleur mondiale ».

L’obsession du Covid a été telle que les autorités ont présenté de manière dramatique une banale histoire de diffusion d’un virus. Aussi pour Ueli Maurer, l’UDC zurichois de 73 ans, les autorités sanitaires ont outrageusement dramatisé la crise du COvid, avec des mesures qui ne sont guère solides et réalistes. Selon lui, toutes les déclarations faites tout au long de la crise du COVID 19 sont mensongères et propres à avoir influencé volontairement les politiques dans le sens de la peur et du durcissement de la politique sanitaire. Dans une nouvelle déclaration, Ueli Maurer réaffirme ses propos sur la prétendue « hystérie » entourant la pandémie de Covid-19.

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Les religieux ont mieux géré la crise du Covid, selon une étude britannique

Une nouvelle étude révèle comment la religiosité a influencé le bien-être mental pendant la crise du Covid. L’étude suggère que le niveau de stress et de détresse mentale chez les croyants était plus faible durant les politiques d’enfermement et de restrictions imposées en 2020 et 2021. Les chercheurs soutiennent que la religion pourrait être un rempart contre la détresse en cas de période de crise.

La crise du Covid a entraîné une détérioration alarmante de la santé mentale des populations occidentales. Les mesures mises en place par les gouvernements, basées sur les recommandations du Great Reset, ont semé la peur et l’agitation, ce qui a eu des conséquences néfastes sur notre bien-être psychique. Pour autant, selon une étude menée par des économistes de l’Université de Cambridge, la religion a agi comme un rempart contre la détresse pendant la crise sanitaire mondiale. Alors que tout le monde était confronté à des circonstances similaires, l’étude a permis de mesurer l’impact de la religion sur le bien-être mental à l’échelle de la société.

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Comment la stratégie agricole de Macron conduit à la misère des petits paysans

Le mouvement paysan qui vient d’éclater, et qui s’éteint doucement après une habile dilution par la police que nous avons abondamment annoncée et décrite, a révélé l’exaspération due à la misère dans nos campagnes. En profondeur, ce qui se joue, c’est l’épuisement d’un modèle hyper-étatiste, hyper-réglementé, et hyper-contraint, où les normes et les charges épuisent les petits producteurs. Pour contourner l’obstacle, Macorn avait proposé en 2017 une “montée en gamme” pour l’agriculture française. Nous dressons aujourd’hui le bilan de cette stratégie qui a manifestement échoué, et qui repose intégralement la question que nous posons régulièrement du trilemme agricole.

Nous évoquons régulièrement le trilemme agricole dans nos colonnes : comment assurer des revenus décents et une qualité de vie aux agriculteurs français, tout en apportant une nourriture abondante, à prix abordables, et de qualité ?

Nous touchons ici à la complexité du problème. Pour le résoudre, Emmanuel Macron a préconisé, lors de son discours du 11 octobre 2017, une “montée en gamme” des produits agricoles français, afin de se concentrer sur des produits à prix de vente élevé, dont rémunérateurs.

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L’économie allemande sous le joug du Green Deal, par Ulrike Reisner

Par : Rédaction

Le tournant énergétique compte parmi les facteurs d’influence les plus forts et les plus néfastes pour l’économie de la République fédérale et donc pour l’économie de l’Europe. Cette politique est menée dans un double jeu entre la Commission d’Ursula von der Leyen et le cabinet d’Olaf Scholz. L’Allemagne est certes en récession, les prix de l’énergie pèsent autant sur l’économie que sur la société, et pourtant des décisions politiques importantes sont soumises au diktat de la transition énergétique. Le gouvernement fédéral allemand n’hésite même pas à enfreindre la Constitution – il suffit de penser à la crise budgétaire actuelle. Celle-ci a été déclenchée, comme on le sait, parce que des autorisations de crédit issues de la crise Covid-19 devaient remplir les caisses du fonds climatique.

Les voix critiques ne sont pas les bienvenues, même lorsqu’elles émanent de personnes compétentes. Le tournant énergétique est devenu en peu de temps une question de foi. Avec le scénario menaçant du “changement climatique d’origine humaine”, on met en scène une crise, on crée une situation d’urgence qui ne tolère aucune contradiction.

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France 2024 : un système légal s’effondre, il en appelle un autre qui sera libéral ou fasciste

Commençons par un constat brutal mais nécessaire : l’édifice légal et constitutionnel de notre pays est contesté de part et d’autre pour des raisons différentes. Le Conseil constitutionnel en est le plus récent exemple mais, de plus en plus fréquemment, c’est la Cinquième République qui est mise en cause en tant que telle. Un système légal s’effondre, il en appelle un autre, qui sera ou vraiment libéral ou fasciste. L’entre-deux dans lequel nous nous trouvons depuis 1958, ce semi-libéralisme, mettons, est caduc : les signes en sont multiples. On peut choisir de les voir ou de considérer que la crise est passagère car due au macronisme, un exercice particulièrement vertical et solitaire du pouvoir. À moins que le macronisme ne soit la phase terminale de notre régime, ce qu’il est urgent d’acter avant qu’un régime illibéral ne profite de la situation de fragilité institutionnelle qui est la nôtre pour s’installer.

 

Le risque est réel : nos institutions n’ont pas la solidité de celles des États-Unis pour contrebalancer un pouvoir de type trumpiste. L’équilibre des pouvoirs n’est pas au rendez-vous de la Cinquième, ce que l’on sait déjà depuis fort longtemps. Ses critiques ont été nombreux, au premier rang desquels Raymond Aron qui n’a « jamais été gaulliste » selon le mot du Général lui-même. Le Parlement est faible, le président est trop puissant : sous un régime composé d’extrêmes, la Constitution actuelle offre trop peu de limitations envers le pouvoir exécutif.

Sous le second quinquennat Macron, le contre-pouvoir réel du pays se révèle être en réalité le Conseil constitutionnel, bien davantage que le Parlement. C’est inédit, mais il faut en prendre acte. La remise en question du Conseil des « Sages », inédite elle aussi, est un constat qui s’impose également.

Que faut-il en conclure ? Que le système légal actuel est en fin de vie, ce qui nous place dans une situation dangereuse en même temps qu’elle représente l’opportunité unique de pouvoir renouveler et revitaliser notre système politique. Les deux vont de pair : le risque de faire encore moins bien que la Cinquième, régime hybride — semi-libéral ou semi-autoritaire, on l’a dit— ou en revanche, beaucoup mieux. Ou bien nous basculons pour de bon dans un régime de type fasciste, ou bien nous devenons un régime pleinement libéral, c’est-à-dire parlementaire, dans lequel la fonction présidentielle retrouve sa juste place — voire disparaît (c’est un autre sujet, quoique corrélé). Vu le climat de tensions du pays dont la crise des agriculteurs n’est qu’une énième illustration, le risque est grand qu’une dérive autoritaire s’installe en France.

Comment y échapper ?

Il y a deux conditions impératives pour qu’un renouvellement institutionnel et politique se passe dans de bonnes conditions : c’est que la notion de légitimité et celle de légalité veuillent à nouveau dire quelque chose. Qu’on songe seulement aux procès en légitimité de l’élection d’Emmanuel Macron qui n’ont cessé de fleurir depuis le début de sa seconde mandature : on peut considérer que ces procès faits au président sont eux-mêmes illégitimes, il n’en demeure pas moins que le sentiment d’une « illégitimité présidentielle » s’est propagé et qu’il faut lui donner droit de cité — ce qui ne veut pas dire qu’on le cautionne ou qu’on l’approuve. La récurrence de ce procès doit nous interpeller : on ne peut en rester à sa seule condamnation, il demande à être pris au sérieux.

Qu’on songe par ailleurs à la manière dont les lois sont désormais appliquées à géométrie variable selon que des agriculteurs s’attaquent à des bâtiments publics ou que des manifestants contre la réforme des retraites, ou des Gilets jaunes, commettent des infractions : l’intervention du ministre de l’Intérieur au 20 heures de TF1 jeudi 25 janvier dernier a suscité un tollé de réactions bien compréhensibles face au propos par lui prononcés : « Est-ce qu’on doit les [les agriculteurs] laisser faire ? Oui, on doit les laisser faire » quand bien même ceux-ci portent gravement atteinte à l’ordre public. « Deux poids deux mesures » semblent s’appliquer, comme l’a alors justement rétorqué Gilles Bouleau au ministre. Il y a là un symptôme d’un dysfonctionnement sans précédent dans l’application de nos lois qui laisse entrevoir, béante, une rupture d’égalité entre les citoyens. Cette rupture est elle-même annonciatrice d’un mal plus grave : l’effondrement du système légal dans son ensemble. Dès lors que certaines catégories de citoyens sont privilégiées par rapport à d’autres, le pacte démocratique est mis à mal, et la concorde civile, menacée. La légitimité et la légalité fracturées, c’est l’appareil étatique lui-même qui se retrouve à vaciller dangereusement.

 

La Légalité et la Légitimité marchent ensemble, quoiqu’elles ne se situent pas sur le même plan : l’une relève du juridique, de l’appareil législatif, quand l’autre relève du moral et du politique.

Complémentaire l’une de l’autre, leur combinaison, selon des modalités qui varient en fonction du type de régime, produit les conditions de l’exercice d’un pouvoir plus ou moins stable, c’est-à-dire respecté. L’une et l’autre viennent-elles à être contestées, l’État de droit n’est plus garanti, mettant en péril l’ordre politique jusque-là en vigueur. Son effondrement constitue la première étape d’une Révolution. Ce qu’il importe de comprendre, c’est que légitimité et légalité vont de pair, et que la légalité découle seulement de la première. Les lois ont force de loi pour autant que leur légitimité, — ce mélange intime de raison, de sensibilité, de tact et de lucidité qui fait qu’on croit dans ce qu’on vote— de laquelle elles découlent, est respecté. La légitimité de lois légalement établies, c’est-à-dire votées et promulguées, n’est jamais acquise pour toujours quand bien même l’appareil légal est dûment établi : on peut cesser de penser que ces lois sont légitimes tout en sachant qu’elles sont légales, à l’instar de certaines positions sur la réforme des retraites. Une avalanche de formalisme et de procédures techniques est venue noyer le fait que l’assentiment populaire n’était pas là : la légalité a supplanté la légitimité — c’est littéralement inverser l’ordre des choses quoiqu’il y ait eu une élection, prise à tort pour un blanc-seing perpétuel.

C’est la transgression ultime du macronisme : malgré son élection légale et la légalité de son élection, Emmanuel Macron s’est assis sur le principe de légitimité, il en a fait fi. Or, il faut plus que des lois pour faire que les lois fassent loi, et c’est cette assise politico-morale qui fait aujourd’hui défaut à la France en 2024. Quand tout passe en force, rien ne passe légitimement, rien ne peut bien se passer. Il y a un effet d’usure qui mine souterrainement et de l’intérieur la force de nos institutions qui sont comme un arc trop tendu dont l’élastique a été usé jusqu’au point de rupture.

Le génie politique français est atone : il faut le réinventer. Comment cela ?

L’unique remède est de repenser la légitimité du pouvoir, donc aussi le pouvoir de la légitimité. Cela ne relève pas du juridique et du législatif, mais d’abord d’inclinations politiques aussi bien que d’une convergence morale entre les citoyens : c’est de l’alchimie entre les deux que viendra la solution, mélange de confiance et d’assentiment à l’endroit d’une nouvelle proposition politique solide qui prend le mal à la racine — très ancienne. D’aucuns pourraient préférer à cet égard l’antienne autoritaire à l’option libérale, d’autant que le macronisme a gravement entamé le crédit du libéralisme politique, en étant son faussaire bien plutôt que son accomplissement. C’est aux (vrais) libéraux français de faire en sorte que l’option libérale prévale entre toutes en expliquant que le macronisme a été une contrefaçon du libéralisme et non sa réalisation. C’est sans doute là la tâche la plus difficile.

Cette option est néanmoins de très loin la plus souhaitable du point de vue de la garantie des libertés publiques et individuelles tout comme de l’efficacité dans la prise de décisions. La légitimité de l’homme fort, de Napoléon à Emmanuel Macron, est en péril : c’est l’illusion d’une efficacité dans l’action. Débarrassons-nous de ce mythe encombrant, plutôt de que le renforcer encore, ce qui est, hélas, toujours possible. Soyons conscient que le statu quo de la situation actuelle ne tiendra pas dans la durée : semblablement à une falaise, on ne retient pas une légalité qui s’effondre, et c’est bien ce qui semble se produire et devant quoi il ne faut pas avoir peur. Ou bien on optera (hélas) pour un césarisme renforcé ou bien pour sa mise entre parenthèse, qu’on espèrera pérenne. La légitimité du pouvoir, c’est-à-dire le génie de la Cinquième République gaulliste, étant en train de s’écrouler : il faut se préparer à en faire advenir une nouvelle.

Pénuries d’antibiotiques : les difficultés d’approvisionnement se sont accrues en 2023

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a récemment annoncé une amélioration progressive de l’approvisionnement en amoxicilline et en amoxicilline-acide clavulanique, en particulier pour les présentations pédiatriques. Cependant, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a déclaré que cette amélioration de l’approvisionnement n’est pas encore perceptible sur le terrain.

Vendredi, dans un communiqué de l’ANSM, elle a annoncait que la situation concernant l’approvisionnement en amoxicilline et en amoxicilline-acide clavulanique s’améliore graduellement sur l’ensemble du territoire français, notamment pour les formulations pédiatriques. Cependant, des tensions persistent dans les pharmacies, en particulier pour les présentations à 250 mg/ml et 500 mg/ml, ainsi que des ruptures de stock chez les grossistes, bien que l’industrie pharmaceutique maintienne une bonne couverture. Pour rappel, durant le Covid, selon une étude, dans nombreux pays, les antibiotiques étaient couramment prescrits aux patients atteints de Covid. On sait que dans de nombreux pays ayant traité, d’abord à l’hydroxychloroquine puis à l’ivermectine, associées à un antibiotique comme l’azithromycine, l’épidémie était parfaitement contrôlée et même quasiment terminée.

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Il faut de bonnes cuisinières pour de bons agriculteurs, par Hélène Strohl

Par : Rédaction

Il faut de bonnes cuisinières pour de bons agriculteurs[1] – Les médias mainstream se posent sempiternellement les mêmes questions, dont on se demande si elles visent à discréditer tout mouvement de contestation ou si elles témoignent tout simplement de leur incapacité à comprendre l’époque et son imaginaire. S’agissant des Gilets Jaunes, une fois compris que la suppression de la taxe carbone ne suffirait pas à les renvoyer chez eux, le débat s’est focalisé sur « Mais que veulent-ils vraiment ? quel est leur programme ? qui sont leurs représentants ? » avant de se déplacer sur la question de la violence et du maintien de l’ordre.

Il en est de même pour ce qui est des agriculteurs. Les médias trouvent dans leur tentative d’imposer un narratif compatible avec la culture dite démocratique et progressiste un sérieux allié auprès de la FNSEA. Celle-ci a déjà offert au gouvernement une liste de 100 revendications auxquelles il faudrait satisfaire pour faire cesser le mouvement et que ces « pauvres paysans » rentrent chez eux. Notons qu’au contraire des gilets jaunes, Eric Verhaeghe l’a bien montré dans son reportage à Pamiers, ils sont largement infiltrés par des leaders du syndicat majoritaire. Syndicat qui, comme l’a rappelé la leader de la Coordination agricole, se compose pour beaucoup de patrons de l’industrie agro-alimentaire, celle qui impose des prix de plus en plus bas en spéculant sur le prix du lait, du blé, en développant les biocarburants, (et voilà pourquoi on peut taxer le GNR !), etc. Non, contrairement à ce qu’affirmait sur la même antenne le commentateur du matin, tous les agriculteurs n’ont pas les mêmes intérêts !

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Suisse : le Covid était une « hystérie sciemment attisée » selon l’ex-conseiller Ueli Maurer

Ancien conseiller fédéral, Ueli Maurer est bien connu pour ses déclarations très critiques concernant la gestion de la pandémie par les autorités suisse. Dans sa dernière déclaration, il a vivement critiqué les vaccins et Big Pharma, selon lui, le Covid est une « hystérie sciemment attisée ».

Ueli Maurer, l’UDC zurichois de 73 ans a vivement critiqué la gestion de la crise COVID 19. La «NZZ am Sonntag» a compilé ses différentes déclarations. En effet, selon lui, toutes les déclarations faites tout au long de la crise du COVID 19, sont mensongères et propres à avoir influencé volontairement les politiques dans le sens de la peur et du durcissement de la politique sanitaire. Maurer évoque une «alliance contre nature» et reproche même aux médias d’avoir accompagné tout cela «sans aucun esprit critique».

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Netanyahou pris dans le piège de sa guerre ? 

La crise humanitaire en Palestine n'en finit pas et risque d'exploser. Les bombardements de l'armée israélienne sont plus intenses que ceux en Syrie, en Ukraine, ou lors de la Seconde Guerre mondiale.

Crise du logement : problème insoluble pour le marché ? Avec Vincent Benard

Épisode #46

Vincent Bénard est économiste et ingénieur en aménagement du territoire. Il écrit régulièrement des articles remettant en cause la logique des politiques publiques. Spécialiste du logement, il a également consacré de nombreux textes à la problématique du changement climatique.

Dans cet entretien nous revenons sur les différentes causes de la grande difficulté d’accès au logement ces dernières années. Si vous ne serez pas surpris de découvrir que l’action de l’État a créé bien plus de problèmes qu’il n’a apporté de solutions, la cause principale de l’envolée des prix depuis une quinzaine d’années pourrait vous surprendre. Si comme nous, vous êtes convaincu de la responsabilité écrasante de l’État dans ce problème qui touche durement les jeunes générations, pensez à signer notre pétition. Enregistré fin décembre 2023 à Machecoul. 

Pour écouter l’épisode, utilisez le lecteur ci-dessous. Si rien ne s’affiche, rechargez la page ou cliquez directement ici.

Programme :

0:00 Introduction

1:07 Parcours et formation d’ingénieur

4:59 Pourquoi se loger est-il devenu si cher ?

6:33 La création monétaire peut-elle expliquer la hausse des prix ?

11:33 Pourquoi l’offre ne parvient pas à s’ajuster

15:10 Deux philosophies du droit des sols

20:21 La lutte contre « l’étalement urbain »

22:48 Les acheteurs ont-ils conscience du rapport foncier/bâti ?

26:15 Construire plus haut pour limiter l’étalement urbain ?

30:10 Les logements sont-ils les pires ennemis de la biodiversité ?

46:53 Le contrôle des loyers : fausse bonne idée

 

Pour aller plus loin : 

Articles de Vincent Benard dans Contrepoints 

Logement : crise publique, remèdes privés (Livre de Vincent Benard, 2006 )

Rapport sur la crise du logement (Vincent Benard, pour l’IREF)

Travaux de l’économiste Joseph Comby 

Order without Design: How Markets Shape Cities (livre d’Alain Bertaud)

« Une révolution fiscale pour sauver le logement » (Pétition lancée par Contrepoints)

https://www.contrepoints.org/2024/01/20/469878-petition-une-revolution-fiscale-pour-sauver-le-logement

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Du mur à la trappe : splendeurs et misères de la dette publique, par Florent Machabert

Par : Rédaction

L’info de la semaineSans nouveau miracle, les USA sont piégés par leur dette publique record. Les États-Unis sont actuellement piégés dans une redoutable trappe à dettes ! On en parle dans Finance & Tic. Lorsque le service de la dette d’un pays, incluant intérêts et remboursements, croît durablement plus vite que son PIB, la faillite devient inévitable. Cette situation est notamment accentuée outre-Atlantique par un endettement initial élevé. Le remboursement de cette dette n’est alors pas viable et cela n’est pas sans rappeler l’effondrement de l’URSS en raison du « social-clientélisme » pratiqué avec zèle (merci à C Gave pour cette expression). Vivre au-dessus de ses moyens comme le font les USA est donc insoutenable, puisqu’ils consacrent près de 1 000 Mds $ annuellement au remboursement des seuls intérêts de la dette publique ! Sur les marchés, les obligations d’État US sont pourtant traditionnellement considérées comme sans risque. Cependant, la dette émise par le gouvernement américain (mais également par certains membres de la zone euro, suivez mon regard) devient de plus en plus risquée.

Les besoins de financement massifs de l’économie américaine sont flagrants, notamment avec ses antécédents de crises financières (2008, 2020). Ils ont été systématiquement comblés par la planche à billets, quadruplant le bilan de la FED en un peu plus de 10 ans. Les rendements décroissants des USA sont une véritable bombe à retardement pour leur économie. Un cataclysme financier mondial sans précédent n’est désormais plus à exclure.

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Allemagne : les agriculteurs sur les routes, le gouvernement en déroute ?

Pour équilibrer son projet de budget, le gouvernement fédéral allemand a proposé en décembre dernier deux mesures affectant les agriculteurs pour un montant total de près d’un milliard d’euros (la suppression d’allègements fiscaux sur le carburant agricole et sur l’impôt sur les tracteurs). C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans les milieux agricoles déjà en mal-être.

 

À l’origine de la révolte : la nécessité d’équilibrer le budget 2024

En Allemagne, on ne badine pas avec l’orthodoxie budgétaire.

Saisi par des députés CDU-CSU, le Tribunal constitutionnel fédéral, qui siège à Karlsruhe, a rappelé le gouvernement de la coalition des « feux tricolores » – rouge pour le SPD, jaune pour le FDP et vert évidemment pour les Verts – à l’ordre le 15 novembre 2023 : la modification du budget supplémentaire 2021 – le ré-échelonnement des crédits pour la lutte contre la covid non utilisés et leur affectation à un fonds pour le climat – était anticonstitutionnelle.

Cela a créé un trou de quelque 60 milliards par rapport aux ambitions affichées. Il a fallu revoir les projets, couper dans les dépenses et trouver de nouvelles recettes. Début décembre 2023, le gouvernement fédéral s’est retrouvé avec un déficit de 17 milliards d’euros à combler.

 

Ponctionner l’agriculture

Il a été proposé de supprimer une ristourne sur les taxes perçues sur le gazole agricole ainsi que l’exonération de la taxe sur les véhicules, en vigueur pour les véhicules agricoles et sylvicoles.

Coût pour l’agriculture : près d’un milliard d’euros – 900 millions selon cet article d’Agrarheute. Pour une exploitation moyenne à temps plein, le remboursement de 21,48 centimes d’euro par litre de gazole au cours de la campagne 2020/2021 valait au total 2883 euros. La perte estimée pour une exploitation mixte est de 3000 euros, et près de 3900 euros pour une exploitation en grandes cultures. Ce ne sont que des moyennes. Des chiffres bien plus importants ont été articulés ici.

Des craintes ont également été exprimées – par les Verts du Landtag de Bade-Wurtemberg – pour la viabilité des exploitations des double-actifs avec, par exemple, des effets induits sur la protection des paysages et de la biodiversité.

Il est bien sûr illusoire que les agriculteurs puissent compenser la perte par une augmentation des prix. Et cette ponction se traduit par une perte de compétitivité par rapport aux autres États membres de l’Union européenne.

 

Un premier coup de semonce à la mi-décembre 2023

L’ampleur de l’effort mis à la charge de quelque 256 000 entreprises, et sa disproportion par rapport aux mesures affectant d’autres catégories d’acteurs de la vie économique ont mis le feu aux poudres chez des agriculteurs déjà en proie à des difficultés de tous ordres :

  • matérielles, avec notamment une année météorologique peu favorable sinon désastreuse qui, du reste, n’augure rien de bon pour les récoltes des cultures d’hiver en 2024 ;
  • économiques, avec l’inflation des coûts et des prix bas pour les céréales, et un manque de prévisibilité ;
  • administratives, avec le harcèlement réglementaire et les délires bureaucratiques ;
  • et peut-être même sociales : nombre d’agriculteurs ont le sentiment de ne pas être reconnus pour leur contribution à la société.

 

Des manifestations massives ont eu lieu le lundi 18 décembre 2023, partout en Allemagne. C’étaient par exemple 8000 à 10 000 personnes et plus de 3000 tracteurs à Berlin selon l’Union des Agriculteurs Allemands (DBV – Deutscher Bauernverband), 6600 personnes et 1700 tracteurs selon la police.

 

Solidarité et cohésion gouvernementales ?

C’était l’occasion de mesurer la solidarité et la cohésion gouvernementales : le ministre fédéral de l’Agriculture Cem Özdemir a pris la parole pour exprimer sa solidarité avec… les agriculteurs !

Il se serait opposé aux mesures envisagées. « Je sais que la suppression [des exonérations] vous touche plus durement que d’autres secteurs […] Je m’engagerai de toutes mes forces pour que cela ne puisse pas se passer ainsi ! » Dans le même temps – air connu en France – il affirmait que le monde agricole devait prendre sa part.

Par ailleurs, des dirigeants politiques de plusieurs Länder – Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Bavière, Basse-Saxe – se sont clairement exprimés contre la proposition de la coalition gouvernementale.

Ils seront rejoints ultérieurement par les ministres-présidents de la Sarre, du Brandebourg, de la Basse-Saxe et du Schleswig-Holstein, ainsi que du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.

Les oppositions sont donc venues de tous les bords politiques de gouvernement. Même les Verts du Landtag de Bade-Wurtemberg !

 

Un petit pas… trop petit ?

Le président du DBV, Joachim Rukwied, avait prévenu : les manifestations du 18 décembre 2023 seraient un tour de chauffe si les agriculteurs n’obtenaient pas satisfaction.

Le 4 janvier 2024, la coalition annonça une nouvelle proposition, selon un accord conclu entre le chancelier fédéral Olaf Scholz (SPD), le vice-chancelier Robert Habeck (Verts) et le ministre fédéral des Finances Christian Lindner (FDP) : l’exonération de la taxe sur les véhicules serait maintenue, et la ristourne sur la taxe sur le gazole payable en 2024 sur la consommation de 2023 également, mais réduite les années suivantes en trois fractions de 40, 30 et 30 points de pourcentage, respectivement. Les quantités consommées en 2026 ne seraient donc plus subventionnées.

C’est un accord au sommet. Le ministre fédéral de l’Agriculture Cem Özdemir a semblé vouloir sauver la face dans un communiqué de presse :

« … La charge disproportionnée imposée à l’agriculture et à la sylviculture dans le cadre de la nécessaire consolidation budgétaire n’est donc plus d’actualité. »

 

Des manifestations monstres le 8 janvier 2024

La profession agricole n’est évidemment – et à juste titre – pas de cet avis. Insuffisant ! « Au final, cela signifie la mort à petit feu », a aussi déclaré M. Joachim Rukwied. Les professionnels du secteur ont entamé leur semaine d’action le lundi 8 janvier 2024.

Un seul chiffre : il y aurait eu 100 000 tracteurs sur les routes, selon Agrarheute. Les manifestations se sont déroulées dans le calme. Les mots d’ordre des dirigeants et de quelques personnalités influentes ont été entendues.

Mais auparavant, il y avait aussi eu des actions que nous n’aimerions pas voir, ni en Allemagne ni en France. Ainsi, le 4 janvier 2024, des agriculteurs ont tenté d’empêcher un ferry, dans lequel se trouvait le vice-chancelier Robert Habeck, d’accoster à Schlüttsiel, en Schleswig-Holstein.

Parmi les commentaires de M. Cem Özdemir (oui, il y a eu du « en même temps »…) : « La majorité des agriculteurs et agricultrices allemands défendent leurs intérêts par des moyens démocratiques. C’est leur droit. »

Marques de soutien et manifestations communes avec les transporteurs

Comme le rapporte Agrarheute, les manifestations ont été bien accueillies, avec de nombreuses expressions et actions de soutien. Willi l’agriculteur note sur son blog que les gens applaudissaient les manifestants à Cologne et distribuaient du café, et qu’à de nombreux endroits les commerçants locaux approvisionnaient les manifestants.

Selon un sondage de N-TV, toutefois non représentatif, 91 % des répondants approuvaient les revendications des agriculteurs. Mais il ne faut pas se leurrer : sitôt les manifestations terminées, les médias et l’opinion publique passent à autre chose.

Il y a aussi eu des actions en signe de solidarité. Ainsi, près de Minden en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dix péniches ont bloqué le Mittellandkanal. À Munich, si M. Karl Bär, président des Verts à la commission agricole du Bundestag, a été hué, M. Heinrich Traubinger, de l’artisanat bavarois de la boulangerie, parlant aussi au nom d’autres entités, a été applaudi :

« Si on peut compter sur quelqu’un, c’est bien sur les agriculteurs […] Sans les agriculteurs, il n’y aurait pas de boulangeries ! »

Ce n’est pas vraiment anecdotique, mais symptomatique d’un désenchantement, et aussi d’une solidarité de filière : M. Cem Özdemir devait visiter une brasserie le 10 janvier 2024, événement prévu de longue date. Il a été « désinvité » par le patron de la brasserie :

« Par solidarité envers l’agriculture locale, nous avons donc décidé, après mûre réflexion, de retirer notre invitation à la visite de notre brasserie familiale d’Aalen. […] Ici, dans l’Ostalb en particulier, nous vivons de et avec l’agriculture paysanne : c’est d’elle que nous tirons une grande partie des matières premières de notre brasserie, comme l’orge de brasserie ou le blé de brasserie cultivés dans la région. »

 

Une voix dissonante : Greenpeace

Greenpeace s’est manifesté trois fois, les 18 décembre 2023 et les 4 et 8 janvier 2024, avec des arguments douteux :

« Les inondations dues au changement climatique inondent actuellement les champs et les pâturages dans toute l’Allemagne et l’Union allemande des agriculteurs veut continuer à protester contre la protection du climat – c’est incompréhensible. »

« Compte tenu des milliards de subventions accordées à l’agriculture, la suppression prévue des subventions pour le gazole est tout à fait supportable », écrit-elle aussi. Et la solution serait déjà là : « La technique existe, les premiers tracteurs électriques sont déjà en service. »

 

Le gouvernement en difficulté

D’une manière générale, la coalition gouvernementale allemande est un mariage peu harmonieux, souvent réduit à des compromis boiteux. Ainsi, dans le domaine agricole, les Verts étaient contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, le FDP pour… et le gouvernement s’est abstenu à Bruxelles. La question des nouvelles techniques génomiques divise également… la stratégie « Bio 2030 » d’un Cem Özdemir qui ne voulait pas les évoquer dans le document, ne passe pas la rampe en réunion interministérielle.

Selon un sondage de début décembre 2023, 68 % des répondants trouvaient que le gouvernement faisait mal son travail, mais ils n’étaient que 35 % à estimer qu’un gouvernement mené par la CDU-CSU ferait mieux. Et ils sont 57 % à estimer que le gouvernement ira jusqu’au bout, en 2025.

D’aucuns se font des idées sur des convergences de lutte. Des actions communes sont ainsi prévues par les agriculteurs, les transporteurs et chauffeurs routiers. Les conducteurs de train viennent de se mettre en grève. Les extrêmes se mettent à rêver…

Les prévisions sont certes difficiles, surtout si elles concernent l’avenir. Mais l’Allemagne est (encore ?) résiliente. Et 66 % des sondés ont trouvé que 2023 avait été une bonne année pour eux, 28 % pensant que 2024 sera meilleur, 58 % pareille, et seulement 13 % moins bonne.

Les agriculteurs, en ce moment sur le devant de la scène, ont fait leur maximum, avec succès, pour que leurs manifestations ne soient pas dévoyées. L’épouvantail de l’extrême droite et de la descente aux enfers a été vigoureusement agité, en partie dans une tentative de jeter le discrédit sur les manifestations (ce qui a été vigoureusement dénoncé par le président du syndicat fédéral de la police). Au gouvernement, un Robert Habeck plaide avec éloquence pour le respect des principes démocratiques.

La question qui fâche est maintenant devant le Bundestag, appelé à adopter le budget pour 2024. C’est aussi une question majeure pour l’échéance électorale du renouvellement du Parlement européen.

Bruxelles : poker des subventions dans la guerre économique avec les Etats-Unis, par Ulrike Reisner

Par : Rédaction

Grâce à de nouvelles règles en matière de subventions dans l’UE, l’Allemagne peut soutenir la construction d’une usine du fabricant suédois de batteries Northvolt à hauteur de 902 millions d’euros. Bruxelles y voit une réponse nécessaire à l’Inflation Reduction Act américain. Les Etats membres peuvent réagir aux offres de subventions de pays tiers en accordant leurs propres subventions d’un montant équivalent afin d’éviter que la production ne quitte l’Europe. Pour les entreprises, la guerre économique que les États-Unis mènent contre l’Europe offre de nouvelles opportunités de s’assurer des moyens financiers supplémentaires. Mais cette nouvelle pratique de soutien est très problématique et comporte de nombreux risques. On peut reprocher aux bureaucrates de Bruxelles – une fois de plus – d’orienter leur politique en fonction des intérêts des lobbies et non du bien-être des États membres. Il faut reprocher aux gouvernements, comme celui de l’Allemagne, de se laisser extorquer par des groupes et de distribuer ponctuellement des aides beaucoup trop élevées. Cet argent serait bien mieux utilisé ailleurs.

Elle est de retour – Margarete Vestager, vice-présidente de la Commission et responsable de la concurrence dans l’UE, s’était mise en congé pour sa candidature à la direction de la Banque européenne d’investissement. Comme on le sait, il n’en a rien été. Vestager et le Danemark ont retiré leur candidature en décembre, lorsqu’il est apparu clairement que l’Espagnole Nadia Calviño bénéficiait d’un plus large soutien parmi les gouvernements des États membres. Vestager est donc de retour, et a annoncé juste après les fêtes que l’Allemagne pourrait soutenir l’implantation du fabricant suédois de batteries Northvolt à hauteur de 902 millions d’euros.

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Comment le”modèle allemand” s’est déréglé

Pendant longtemps, le monde dirigeant français n’avait d’yeux que pour le “modèle allemand”. Aussi, l’étonnement est grand de voir aujourd’hui notre voisin, locomotive économique de l’Union Européenne, se mettre en grève. En réalité, cela aurait pu être anticipé – à condition de comprendre que le fameux “modèle allemand” n’était pas seulement économique et social. Retour sur quelques dates qui ont marqué une rupture dans l’équilibre complexe du “modèle allemand”. Jusqu’à le défaire complètement.

C’est un vieux cliché en France. L’Allemagne aurait la culture du consensus, à la différence de la France. Et elle serait intrinsèquement efficace économiquement, capable à la fois d’être une grande puissance exportatrice et de pratiquer une redistribution efficace.

Dans un livre paru en 2005, j’ai montré que c’était une vue superficielle des choses. Le “modèle allemand” avait aussi une composante politique, à la fois extérieure et intérieure: le renoncement de l’Allemagne à l’arme nucléaire, la priorité donnée à l’entente franco-allemande, le retour à de bonnes relations avec la Russie, le rejet des idéologies, le souci de l’homogénéité sociale, afin que la démocratie ait toujours une solide classe moyenne pour la protéger.

Or, dans les trente ans qui ont suivi la réunification de 1990, ce modèle s’est défait.

Les dates qui jalonnent la crise du modèle allemand

3 octobre 1990: L’Allemagne se réunifie mais reste dans l’OTAN

Mikhaïl Gorbatchev avait demandé à François Mitterrand de l’aider à obtenir que l’Allemagne réunifiée ne soit pas dans l’OTAN. Mais, au fond de lui, Mitterrand avait toujours été atlantiste; et il avait peur d’une Allemagne redevenue puissante. Il laissa donc Helmut Kohl négocier avec les Américains l’intégration de l’ancienne RDA dans l’OTAN. Ce fut une décision dramatique car,jusqu’à aujourd’hui,de facto, l’Allemagne n’est pas redevenue pleinement souveraine. Elle ne compte pas moins de 26 bases militaires américaines sur son territoire. Plusieurs dizaines de têtes nucléaires y sont stockées. Même quand l’Allemagne manifeste une certaine autonomie stratégique, comme en 2002-2003, lorsque Gerhard Schröder s’opposa à la guerre d’Irak, ce n’est pas la tendance dominante; Angela Merkel n’a eu de cesse de rendre l’Allemagne plus atlantiste. Et Olaf Scholz obtient le prix d’excellence de la “carpette américaine” en ayant accepté sans broncher que les Américains sabotent le gazoduc Nordstream. Au grand détriment de l’économie allemande, qui a perdu sa source d’énergie bon marché.

7 février 1992 -L’Allemagne signe le traité de Maastricht. et sacrifie le deutschemark, condensé de sa reconstruction réussie.

Là encore, il s’agit d’un choix fait avec la France. François Mitterrand, paniqué par la réunification, pensait contrôler la nouvelle puissance économique allemande en l’obligeant à “partager” sa monnaie. Helmut Kohl, qui ne comprenait guère mieux que François Mitterrand les réalités économiques accepta pour un ensemble de raisons complexes: garder une bonne relation avec la France malgré la réunification; financer plus facilement cette dernière car à une politique de taux d’intérêts uniformisée en Europe; discipliner les Etats endettés.En pratique,l’Allemagne a perdu son repère le plus important. Elle n’a pas assumé la vérité des dépenses publiques pendant la réunification; elle n’a pas imposé son modèle de bonne gestion aux partenaires européens (endettement de la France à l’abri des taux d’intérêts allemands; catastrophe de la dette grecque); et l’Allemagne a été mise en minorité au conseil des gouverneurs de la BCE,obligée d’accepter un endettement européen (rachat de bons du trésor par la BCE; plan de relance de 2021)

15 janvier 1992, l’Allemagne provoque l’éclatement de la Yougoslavie

En l’occurrence, François Mitterrand s’y opposait.Il voulait que la Croatie reconnaisse les droits de la minorité serbe sur sonterritoire avant que les pays de la Communauté (Union) européenne reconnaissent l’indépendance de ce pays. Mais Helmut Kohl ne voulut rien entendre. Il força le passage, déclenchant par un effet boomerang les guerres de Yougoslavie. Ce fut catastrophique, non seulement du fait des crimes de guerre et nettoyages ethniques commis.Mais aussi parce que l’Union Européenne révéla son impuissance. Elle se montra incapable de mettre fin au conflit sans recours aux Etats-Unis et à l’OTAN lors de la guerre du Kosovo – en 1999, lorsque la RFA perdit une part de son âme d'”après-guerre en envoyant des bombardiers allemands sur Belgrade,comme en 1981. .

6 juillet 2000: Gerhard Schröder fait basculer l’Allemagne du “capitalisme rhénan” vers le “capitalisme anglo-américain”

C’est une des mesures les moins connues mais la plus importante de la période (1998-2005) où Gerhard Schröder a été chancelier. Par la loi réformant la fiscalité, promulguée le 6 juillet 2000,les plus-values réalisées sur les cessions d’actif étaient taxées à…0%!. Jusque-là, le taux,dissuasif, avait permis le maintien des participations croisées entre banques et entreprises industrielles. C’était une des forces du fameux “capitalisme rhénan”: les entreprises n’allaient pas en bourse, ni les banques, car elles trouvaient toujours un financement sur leurs projets; le “capitalisme rhénan” se protégeait des prises de participation hostiles,il misait sur le long terme et la qualité des produits industriels. A partir du moment où le “taux zéro” fut instauré, entreprises allemandes et banques basculèrent vers le capitalisme anglo-saxon: les actifs croisés, qui n’avaient jamais été réévalués depuis les années 1950 dans les livres de compte prirent soudain une toute autre valeur., qui facilita l’entrée en bourse, en particulier aux USA. La cohésion des classes moyennes fut dynamitée; les entreprises allemandes misèrent moins sur la recherche et plus sur les apports de capitaux.

22 novembre 2004: l’Allemagne commence à déstabiliser l’Ukraine par la “révolution orange”

On parle souvent du rôle des Etats-Unis dans la première déstabilisation de l’Ukraine, celle de la fin 2004,lorsque l’Occident décida qu’il fallait inverser le résultat de l’élection présidentielle ukrainienne et imposer le perdant, IIouchenko, candidat de l’ouest ukrainien, contre le gagnant, Ianoukovitch, candidat de la partie orientale du pays. Mais les fondations allemandes et des personnalités, telles l’ancien président de la République Fédérale,Richard von Weizsäcker, furent très actifs aux côté des Américains pour financer la première “révolution de couleur”. L’Allemagne mettait le doigt dans l’engrenage qui l’entraînait vers Maïdan puis la guerre de 2022.

13 décembre 2007: Angela Merkel verrouille la forfaiture du traité de Lisbonne

Alors que Nicolas Sarkozy était candidat à la présidence de la République, Angela Merkel l’avait fait contacter et l’avait convaincu de préparer un traité qui remplacerait la Constitution Européenne rejetée par le peuple français en mai 2005. Nicolas Sarkozy se prêta au jeu. Sert mois après l’élection du successeur de Jacques Chirac, Angela Merkel cette femme à la mentalité d’apparatchik est-allemand, était satisfaite. Sans que le peuple français s’en aperçoive, l’Union Européenne avait une constitution qui ne disait pas son nom. Ce que le Chancelier allemand del ‘époque ne comprit pas, c’est l’indignation causée dans l’opinion britannique par la manoeuvre. Un puissant courant d’opinion naissait, qui devait mener au Brexit. Au grand dam d’Angela Merkel!

6 juin 2011: Angela Merkel fait sortir l’Allemagne du nucléaire civil

Il y avait l’accident de Fukushima au Japon quelques semaines plus tôt. Mais il y avait un accord politique et industriel remontant au début des années 2000,de sortie progressive du nucléaire avant la fin des années 2030. Par une décision brusque et émotionnelle dont seuls les apparatchiks sans contrôle sont capables, Madame Merkel décida que la sortie du nucléaire aurait été menée à bien dès le début des années 2020. Même si à l’époque tout le monde croyait fermement dans l’essor des “énergies renouvelables”, la décision d’Angela Merkel s’est révélée profondément imprudente. Non seulement l’Allemagne a dû réintroduire charbon et lignite dans le panachage industriel allemand; mais lorsqu’il s’est agi de rompre avec la fourniture de gaz russe bon marché, l’Allemagne a perdu l’un des principaux atouts de son appareil industriel.

4 septembre 2015: Angela Merkel ouvre totalement la frontière bavaroise aux migrants

Le samedi 4 septembre 2015, le Chancelier allemand était injoignable.Angela Merkel circulait en voiture entre des réunions publiques où elle allait soutenir des candidats de son parti, la CDU. Mais, dans sa voiture,elle n’utilisait pas son téléphone et ne prenait aucun appel. Le soir, sans avoir consulté son gouvernement ni le Ministre-Président de Bavière, elle annonçait que la frontière était totalement ouverte aux réfugiés des conflits libyen et syrien. 1,5 million de personnes venues du Proche-Orient, d’Afrique du Nord et des Balkans profitèrent del’appel d’air. Même si un tiers d’entre eux sont repartis entre temps, faute d’avoir trouvé un emploi, Angela Merkel a provoqué un séisme politique.La vieille sagesse politique voulait qu’il n’y eût aucun parti à la droite des chrétiens-démocrates et des chrétiens-sociaux bavarois. Aujourd’hui, il y a l’Alternative für Deutschland (AfD), parti fourre-tout où l’on trouve aussi bien des conservateurs compétents que des néo-nazis. Et l’AfD est à 24% dans les sondages!

2024 sera aussi l’année de l’Asie. Mais surtout de l’Inde. Et aussi de la crise européenne

Le résultat est que l'Europe, dans son ensemble, ne connaîtra qu'une faible croissance et que certains pays stagneront considérablement, à commencer par l'Italie. Et les retards sont destinés à accroître le fossé en perspective. Une croissance de moins de 1% quand les concurrents asiatiques et américains croissent de 4/5% ou plus, devient de plus en plus difficile à rattraper. Pratiquement impossible. Mais tout cela, Giorgia ne le sait pas. Ni Ursula, ni Annalena. Ou peut-être qu'elles le savent, mais qu'elles font semblant de l'ignorer pour ne pas irriter leurs maîtres d'outre-mer.

[Pétition] « Une révolution fiscale pour sauver le logement »

Vous pouvez soutenir cette pétition en cliquant ici  

Le député Guillaume Kasbarian vient d’être nommé ministre du Logement. Pour relancer la dynamique du logement en France (accès à la propriété, location, investissement immobilier) adressons lui cette pétition, qui a déjà récolté 450 signatures : il faut un électrochoc fiscal !

La recherche d’un logement destiné à la location en résidence principale ou aux travailleurs saisonniers est devenue dans certains régions un véritable parcours du combattant. Cette situation critique est la conséquence de la multiplication de logements vacants, de résidences secondaires et de locations meublées de tourisme.

Elle s’explique par les conditions fiscales et réglementaires actuelles :

  • Des taux de prélèvements obligatoires très élevés sur les loyers ;
  • Des avantages ciblés par les politiques antérieures sur la location de meublés ;
  • Une diminution de la rentabilité provoquée par le plafonnement des loyers ;
  • L’instrumentalisation de la législation par certains locataires ;
  • Les exigences très contraignantes des normes d’habitabilité ;
  • Une diminution du parc locatif due à l’exclusion des logements de DPE G et bientôt F.

 

Les mesures envisagées par les pouvoirs publics utilisent la fiscalité et la réglementation pour combler le déficit de logements destinés à la résidence principale et aux saisonniers créé par la réglementation précédente :

  • Les abattements forfaitaires sur les loyers des résidences de tourisme ont été supprimés ;
  • La taxe d’habitation est majorée pour les résidences secondaires et les meublés ;
  • La taxe foncière à la charge des propriétaires a été augmentée ;
  • Les logements vacants sont taxés, même ceux dont la location est interdite (TLV, THLV).

 

Ces mesures amplifieront les effets des précédentes. Certaines, comme de très fortes hausses de la taxe d’habitation, sont déjà appliquées.

Ce changement de fiscalité pénalise ceux qui ont investi dans l’immobilier de tourisme, les EHPAD, les logements étudiants… Les engagements pris par les propriétaires en échange d’avantages fiscaux et la nature des logements les empêchent de modifier la destination de leurs biens. Les taxes vont contraindre certains propriétaires d’un bien interdit à la location soit à le vendre dans des conditions très défavorables, soit à effectuer des travaux beaucoup trop coûteux pour leurs moyens financiers ou pour être rentables, surtout avec des loyers plafonnés, malgré les aides MaPrimRénov’ accordées pour passer d’un DPE G à E ou F à D.

Les deux séries de mesures proposées ci-dessous libèrent les propriétaires bailleurs au lieu de les contraindre. La première a pour but de régler aussi rapidement que possible la crise actuelle et la seconde d’éliminer les causes à long terme qui l’ont provoquée.

 

Une première série de réformes pour stabiliser le secteur immobilier

  • Supprimer tous les avantages fiscaux accordés actuellement aux investisseurs en fonction de la destination du bien loué (meublés de tourisme, investissement en EHPAD, logements étudiants…) ;
  • Permettre la transformation d’un meublé de tourisme en résidence principale sans pénalité fiscale comme le rappel de la TVA ;
  • Aligner la fiscalité des loyers sur celle des revenus des valeurs mobilières (suppression de l’IFI, prélèvement libératoire à 30 %) ;
  • Supprimer les taxes sur les logements vacants (TLV et THLV) ;
  • Déduire du revenu imposable le coût des travaux de mise aux normes d’un logement, qui reste à charge après le versement de MaPrimeRenov’

 

Ces mesures placent le marché immobilier à égalité fiscale avec l’investissement dans le secteur productif. Elles facilitent le retour des investisseurs institutionnels dans l’immobilier locatif traditionnel. Pour qu’elles conservent leur efficacité à long terme, il faut les compléter en protégeant les propriétaires de changements de fiscalité ultérieurs et du risque de pertes en capital parfois ruineuses (loyers impayés, squats).

 

Une deuxième série de réformes pour relancer la dynamique du logement

  • Supprimer les droits de mutation en ligne directe et réduire les droits de mutation en ligne indirecte pour relancer l’accès à la propriété ;
  • Alléger les normes de confort exigées pour une location et une construction ;
  • Déclarer les plus-values et les moins-values après une vente dans les revenus mobiliers en tenant compte de l’inflation ;
  • Garantir la même fiscalité et les mêmes normes d’habitabilité pendant quinze ans ;
  • Utiliser les taxes sur les plus-values perçues en cas de classement d’un terrain agricole en terrain à bâtir pour indemniser les propriétaires de terrains constructibles déclassés ;
  • Créer des tribunaux analogues aux prud’hommes pour régler rapidement les litiges entre locataires, élus locaux et propriétaires ;
  • Mettre à la charge des responsables d’un retard d’exécution d’une décision de justice l’indemnisation du propriétaire ou du locataire ;
  • Supprimer les surloyers et exclure du logement social les locataires dont la situation ne correspond pas ou plus aux conditions d’accession réglementaires.

 

Ces mesures pérennisent les précédentes et permettent aux investisseurs de répondre à la demande de logement en limitant le risque en capital et en revenu et en abaissant les coûts. C’est également l’objectif de la suppression des droits de succession et la diminution des droits de mutation en ligne indirecte. Le retour du dynamisme du marché immobilier produira de nouvelles recettes fiscales compensant l’abaissement de la fiscalité sur les loyers. La difficulté principale est le manque de confiance des investisseurs dans le long terme, qu’il est difficile de faire disparaître compte tenu des politiques passées.

 

Pour soutenir ce texte vous pouvez l’encourager dans l’espace dédié aux commentaires.

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Fabrice Le Saché, VP du Medef : « l’accord sur l’IA ne répond pas aux ambitions de départ »

Fabrice Le Saché est le vice-président du Medef en charge de l’Europe. Au cours de cet entretien, nous abordons les répercussions des nouvelles réglementations européennes (IA, minerais stratégiques, taxe carbone…) sur l’industrie française et européenne. Il est aussi question des réponses à apporter à la crise du logement et de l’impact des actions de sabotage des écologistes radicaux sur la croissance et l’emploi en France.

 

Intelligence artificielle

Loup Viallet, rédacteur en chef de Contrepoints – Le 08 décembre dernier, le commissaire européen Thierry Breton a qualifié d’« historique » l’accord de l’UE sur la réglementation de l’intelligence artificielle (IA ACT). Estimez-vous, avec M. Breton, que « L’Europe va devenir le meilleur endroit au monde pour faire de l’intelligence artificielle » ?

Fabrice Le Saché, vice-président du Medef chargé de l’Europe – Je souhaite tout d’abord rappeler un chiffre : 25 % des entreprises européennes utilisent l’intelligence artificielle (IA). Si la démocratie de l’IA est récente, l’IA n’est pas pour autant une technologie inconnue.

Le Medef a salué les ambitions initiales de Thierry Breton d’encadrer l’IA pour construire un écosystème favorable au tissu économique et à l’ensemble des citoyens. Une certaine idée de la régulation qui ne freine pas l’innovation et n’obère pas la compétitivité de nos entreprises. Nous avons toujours rappelé l’importance de maintenir une neutralité technologique et d’avoir une approche globale par les risques. Seul l’usage que l’on fait de l’IA doit définir son niveau de risque, et non les caractéristiques techniques de chaque modèle. Or, l’accord provisoire obtenu début décembre ne répond pas intégralement aux ambitions de départ. L’approche par les risques et le principe de neutralité technologique ont été fragilisés en intégrant des obligations propres aux IA génératives, ce qui ajoute de la complexité juridique. De plus, le texte nécessite de nombreuses lignes directrices et actes délégués de la Commission européenne pour être applicable, entraînant ainsi les entreprises dans une période d’incertitude et de flou juridique.

Dans la course mondiale à l’intelligence artificielle l’Europe est encore à la traîne, loin derrière les géants chinois et américains, mais nous pouvons encore combler notre retard. À condition de s’en donner les moyens, de mettre le pied sur le frein de la surrèglementation, et d’investir dans une politique d’innovation courageuse permettant de faciliter l’accès des entreprises aux financements, aux compétences et aux marchés.

Il est évident qu’aujourd’hui, le développement économique et l’innovation dépendent largement de l’évolution des compétences numériques, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. Si notre pays veut jouer un rôle dans la révolution industrielle 5.0, nous devons constamment anticiper et nous adapter aux évolutions technologiques. Le défi pour les entreprises est double : recruter du personnel qualifié tout en veillant à la mise à jour des compétences des salariés. C’est pourquoi la formation doit être au cœur des stratégies d’entreprise.

 

Souveraineté minérale

Début décembre 2023, le Parlement européen a approuvé un texte sur les matières premières critiques, fixant des objectifs pour la production, le raffinage et le recyclage des minéraux indispensables à la transition écologique et numérique. L’Europe est-elle en train de réduire sa dépendance à l’égard de la Chine ? Cette législation va-t-elle faciliter la production de voitures électriques, de panneaux solaires, d’éoliennes et smartphones en Europe ? Quels effets produit-elle déjà sur le marché du travail ?

Les récentes crises ont démontré à quel point la France était dépendante des chaînes d’approvisionnements mondiales. Nous avons désormais pris collectivement conscience de la nécessité de retrouver un appareil de production performant et une culture industrielle forte. Cette indispensable souveraineté passe par la réduction de nos dépendances extérieures de l’Union européenne vis-à-vis des matières premières critiques. Le monde change, celui dominé par les énergies fossiles laissera bientôt sa place à un monde dominé par les matières premières minérales. Il sera sans carbone, mais riche en métaux : le marché du cuivre va doubler, celui du nickel va tripler, et celui du lithium va quadrupler au cours des dix prochaines années.

C’est pour cela que nous avons – dès mars 2023 – soutenu le règlement sur les matières premières critiques qui permettra d’identifier des projets stratégiques et sécuriser des chaînes d’approvisionnement. Pour garantir notre autonomie stratégique et contribuer au redressement de notre commerce extérieur, il faudra aller encore plus loin.

Tout d’abord, il est impératif de valoriser l’exploitation de minerais stratégiques tant en Europe qu’en France par des dérogations ponctuelles aux Codes minier et environnemental. La France dispose en la matière d’un savoir-faire historique qui lui a longtemps permis de compter parmi les principaux producteurs mondiaux de métaux stratégiques comme l’antimoine, le tungstène et le germanium. Dans ce sens, je salue l’initiative de l’entreprise Imerys qui s’apprête à exploiter la plus grande mine de lithium d’Europe dans l’Allier, capable de fournir assez de matière première pour produire 750 000 batteries par an. Ce projet répond à la fois aux enjeux d’indépendance énergétique, de réindustrialisation – et avec elle de création de richesse partout dans les territoires – et de décarbonation de notre mobilité.

Aussi, l’Europe doit aussi repenser ses relations avec les pays fournisseurs au travers d’une diplomatie des matières premières qui déboucherait sur des accords commerciaux larges et ambitieux, permettant le renforcement des coopérations, la négociation de quotas, ou encore l’élimination de tarifs douaniers. L’Union européenne devrait également chercher à réduire les écarts de compétitivité, en particulier dans les hautes technologies et l’économie numérique, et plus globalement garantir des conditions de concurrence équitables entre les entreprises de l’Union européenne et les concurrents chinois.

Bien évidemment, l’Union européenne et la Chine doivent renforcer leurs liens commerciaux et d’investissement, mais sans naïveté, en recourant aux instruments de défense commerciale pour dissuader la Chine de prendre des mesures unilatérales dommageables.

Enfin, notre stratégie ne pourra faire l’impasse du recyclage, qui doit être considéré comme un pilier essentiel de l’offre en matières premières critiques. Il convient d’une part d’accompagner les entreprises dans les démarches d’éco-conception des produits afin qu’elles réduisent leurs besoins en matières critiques (ou qu’elles les substituent) et d’autre part, d’allonger la durée de vie des produits afin que les matières critiques soient utiles plus longtemps.

 

Taxe carbone aux frontières de l’UE

À partir du 1er janvier 2026, les importateurs européens devront s’acquitter d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Celle-ci va-t-elle renchérir les coûts de production pour les entreprises ? Pensez-vous que cette taxe est de nature à inciter les industriels européens à relocaliser leurs approvisionnements en matières premières à haute intensité de carbone ou, à l’inverse, qu’elle les encouragera à délocaliser leurs productions dans des zones où les normes environnementales sont plus légères, voire inexistantes (Maroc, Turquie..) ?

Le Carbon Border Adjustment Mechanism (MACF) ou la « taxe carbone aux frontières » s’inscrit dans un contexte de crise énergétique et d’un accroissement du différentiel de compétitivité entre l’Union européenne et le reste du monde. Le Medef soutient le principe d’une taxe carbone ambitieuse aux frontières, mais avec une surveillance forte pour éviter son contournement par nos partenaires commerciaux. Le texte de l’Union européenne ne répond toutefois pas entièrement aux inquiétudes des industriels, notamment sur les risques de contournement, et fera peser de nouvelles lourdeurs administratives sur les importateurs.

La mise en œuvre du MACF s’accompagnera d’une élimination progressive des « quotas gratuits » qui pèsera sur la compétitivité des exportations européennes face à une concurrence étrangère qui n’aura pas essuyé le même coût du carbone en amont. Rexecode entrevoit une dégradation des comptes d’exploitation des entreprises de l’ordre de 45 milliards d’euros par an au niveau européen, et 4 milliards en France. Le MACF représente une perte de marges estimée à 2,1 milliards pour l’industrie française (soit une baisse de 2,7 % du résultat courant avant impôts). La mise en route du MACF menacerait plus de 37 500 emplois industriels, soit 1,5 % du total des emplois industriels en France.

Les risques de délocalisation dépendront des mesures adoptées pour lutter contre le contournement. Le MACF ne couvre que quelques grands intrants industriels, et non l’ensemble des chaînes de valeur. Si l’aluminium étranger produit hors de l’Union européenne sera bien taxé à la frontière, un produit fini ou semi-fini à base d’aluminium et transformé hors de l’Union européenne échappera au MACF.

L’importateur européen n’aura donc pas à en acquitter le coût du carbone, ce qui peut l’inciter à opter pour cette solution plutôt que de se tourner vers la filière de fabrication française qui aura payé un coût du carbone dans tous les cas de figure. Dans les prochains mois, il sera donc essentiel de faire un suivi précis et de mener des évaluations régulières pour corriger toute conséquence négative sur notre tissu industriel et les emplois, ainsi que sur notre compétitivité à l’export.

Ce texte est ainsi loin de résoudre toutes nos difficultés. C’est pourquoi il faut mobiliser l’ensemble des leviers pour réindustrialiser notre continent, tels que l’assouplissement des règles sur les aides d’État, le financement de l’innovation bas carbone et l’adaptation des formations pour répondre aux besoins des entreprises.

 

Crise du logement

En 2023, la crise du logement s’est installée en France. Les taux d’emprunt ont continué à monter, les ventes de logements neufs ont chuté de 30 %, les délivrances de permis de construire ont baissé de 23 %, les prix des loyers ont augmenté dans la majorité des grandes villes. Dans le secteur du bâtiment, 180 000 emplois sont menacés dès cette année, 500 000 d’ici à 2025. Les pouvoirs publics ont-ils pris conscience de la situation ? À quel point cette crise affecte-t-elle le fonctionnement du marché européen ? Que préconisez-vous pour sortir de la crise actuelle ?

Le logement, c’est le socle de la cohésion, une condition essentielle du dynamisme économique et du bien-être de nos concitoyens. Sans possibilité de loger à hauteur des besoins nos salariés, nous ne pourrons pas continuer à assumer la volonté de retour au plein-emploi qui est la nôtre.

Dans un contexte économique marqué par le renchérissement du coût des matières premières et la hausse des taux d’intérêts, la situation du logement en France est aujourd’hui critique. La situation ne fait que de s’aggraver, notamment sous le coup de décisions prises sans concertation avec les acteurs économiques : le zéro artificialisation nette (ZAN), la révision tous azimuts des documents de planification urbaine, et la chute de la délivrance des permis de construire.

En un an, la production de logements a chuté de 20 %. Ce sont 100 000 logements manquants qui sont venus s’ajouter aux 600 000 logements abordables non construits. Pour nous, chefs d’entreprise, il nous faut répondre aux besoins en logement des salariés, là où sont les emplois, c’est-à-dire largement dans les métropoles, et ne pas imaginer que les emplois vont miraculeusement se déplacer dans les zones détendues, hors marché, plus difficiles d’accès.

La crise du secteur de la construction se propage dans toute l’Europe, alors que le secteur est un pilier de l’économie, il pèse 6 % du PIB de l’Union européenne et emploie 14 millions de personnes. Le ralentissement est particulièrement marqué en Allemagne où l’indice de production – prenant en compte les logements, mais aussi les magasins, usines et autres bâtiments à usage professionnel – est en chute de plus de 6 points depuis la guerre en Ukraine.

Il est encore temps d’agir pour sortir de la crise et les réponses à apporter devront être en grande partie nationales. C’est pour cette raison que le Medef propose d’organiser avec les pouvoirs publics une conférence annuelle sur le logement avec pour but de passer en revue, territoire par territoire, les objectifs de production, les réglementations contreproductives et les réalisations effectives. Le logement est la pièce maîtresse de nos équilibres économiques, personnels et collectifs. La relance d’une politique de logement est plus que jamais d’actualité.

 

Éco-sabotage

L’année 2023 a été particulièrement marquée par les actions de blocage ou de sabotage d’activités économiques intentées par des collectifs radicaux comme Soulèvements de la Terre ou Extinction Rébellion. Occupations de cimenteries, destructions de mégabassines, mobilisations contre l’autoroute A69, leurs initiatives montent en puissance. Avez-vous estimé le bilan économique et social de leurs destructions ? Représentent-ils un danger réel pour la croissance et l’emploi en France ? En Europe ?

Je tiens à condamner fermement les actions de blocage ou de sabotage d’activités économiques intentées par des collectifs radicaux. Ces actes sont inadmissibles, inquiétants et préjudiciables à tous. Manifester est un droit, saccager est un délit. Il existe des voies de recours légales pour tous les projets d’infrastructures. C’est valable pour l’A69, pour le Lyon-Turin et pour tous les autres projets. Il est très difficile d’estimer précisément le bilan économique des destructions, mais cette flambée de violence a bien évidemment de graves conséquences économiques et sociales. Cela se traduit non seulement par d’irréparables pertes d’exploitation pour les entreprises touchées, pouvant conduire à du chômage partiel, voire à des destructions d’emplois. Cette situation se traduit aussi par une dégradation de l’image de la France qu’il faudra redresser.

Au Medef, cela ne vous étonnera pas, nous ne croyons pas à la thèse de la décroissance. Nous pensons même qu’elle est fondamentalement destructrice pour la cohésion sociale. Pourtant, nos objectifs sont communs : assurer l’avenir de la planète. Mais nos solutions divergent. Nous sommes convaincus que seule une croissance responsable permettra de relever le défi climatique en finançant les investissements et en assurant l’acceptabilité sociale de cette nécessaire transition. La croissance responsable, c’est non seulement la condition absolue pour financer la décarbonation de l’économie mais aussi pour continuer à créer des emplois, soutenir le pouvoir d’achat et maintenir l’équilibre de nos régimes sociaux.

 

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Les méfaits de la taxe foncière

Un article de Ryan McMaken

Selon l’indice Case-Shiller, les prix des logements ont augmenté de 44 % depuis février 2020. Il ne s’agit bien sûr que d’une moyenne, et certains marchés ont connu des augmentations de prix bien plus importantes. Toutefois, même sur les marchés immobiliers de l’Amérique moyenne, où les prix sont censés être plus raisonnables que sur les côtes, les prix ont grimpé en flèche.

À Cleveland, par exemple, l’indice a augmenté de 40 % depuis le début de 2020. Au cours de la même période, l’indice a augmenté de 50 % à Atlanta, et de 33 % à Chicago.

Ce type d’inflation des prix n’est pas simplement un produit de l’offre de logements. La demande de logements a été fortement gonflée par près de quinze années de taux d’intérêt historiquement bas, suivies par d’immenses flux d’argent nouvellement créés pendant la panique liée au covid. Comme l’a fait remarquer l’économiste Brendan Brown, même si la croissance des prix à la consommation a semblé faible de 2008 à 2020, les effets de l’inflation monétaire sont depuis longtemps visibles dans l’inflation des prix des actifs (par exemple, les prix de l’immobilier).

Il n’est donc pas du tout surprenant que les taxes foncières augmentent également. Heureusement pour les propriétaires, elles n’ont jusqu’à présent pas suivi l’évolution des prix du marché. Selon un rapport d’avril de la société d’analyse du logement ATTOM, 339,8 milliards de dollars de taxes foncières ont été payés par les propriétaires : 339,8 milliards ont été prélevés sur les maisons individuelles en 2022, soit une augmentation de 3,6 % par rapport aux 328 milliards de 2021. Cette augmentation représente plus du double de la croissance de 1,6 % enregistrée en 2021, bien qu’elle soit inférieure à l’augmentation de 5,4 % de l’année précédente.

Le rapport montre également que la taxe moyenne sur les maisons individuelles aux États-Unis a augmenté de 3 % en 2022, pour atteindre 3901 dollars, après avoir augmenté de 1,8 % l’année précédente.

Au niveau des États et des collectivités locales, certaines hausses d’impôts fonciers sont montées en flèche. Le Michigan, par exemple, a augmenté les taxes foncières à des niveaux jamais atteints depuis 28 ans. Certaines collectivités locales ont augmenté les impôts fonciers de 20 % ou plus. Cependant, dans de nombreuses régions, les augmentations des taxes foncières n’ont même pas suivi l’inflation.

Alors, si les prix de l’immobilier augmentent en moyenne de 40 % ou plus, pourquoi les taxes foncières ne sont-elles pas aussi élevées ? Ces augmentations relativement modestes s’expliquent en grande partie par le fait que leurs évaluations ne sont pas instantanées, mais modifiées à des intervalles souvent longs. En d’autres termes, de nombreux propriétaires peuvent constater qu’il y a encore beaucoup de mauvaises nouvelles liées à l’impôt foncier à venir.

Realtor.com rapporte, par exemple :

« Les factures d’impôts fonciers ont augmenté ou sont sur le point d’augmenter car les gouvernements locaux capitalisent sur la hausse des prix de l’immobilier au cours des dernières années. Et il n’y a que peu de recours pour les propriétaires qui doivent faire face à des factures plus élevées […] La plupart des gens doivent s’attendre à une augmentation de l’impôt foncier, déclare Carl Davis, directeur de recherche à l’Institute on Taxation and Economic Policy. Nous assistons actuellement à un rattrapage des évaluations [foncières] par rapport au marché. Ce processus se poursuivra au cours des prochaines années. Les collectivités locales sont confrontées à l’augmentation des coûts comme tout le monde. Et l’explosion des prix pendant la pandémie de Covid-19 a offert aux municipalités une occasion en or de faire quelque chose pour y remédier. »

Kiplinger’s note que les États et les collectivités locales feront tout ce qui est en leur pouvoir pour traduire la hausse des prix de l’immobilier en augmentation des recettes :

« Dans les régions ayant connu une forte appréciation de la valeur de leur maison, les propriétaires doivent se préparer à la possibilité que leur administration locale augmente les taux pour faire face à des évaluations plus élevées, même si les ventes de maisons se sont stabilisées, disent les experts. Pour les collectivités locales, l’inflation a fait grimper tous les coûts, des salaires des fonctionnaires aux fournitures scolaires. En outre, dans le sillage de la pandémie de covid, les propriétaires de locaux commerciaux sont confrontés à un grand nombre de logements vacants, ce qui a entraîné une baisse des recettes provenant de ces sources. »

Ce dernier détail est particulièrement inquiétant : quiconque s’est intéressé à l’immobilier sait que l’immobilier commercial se « détériore », et que d’autres mauvaises nouvelles sont attendues. Cela signifie que les décideurs politiques se tourneront probablement vers l’immobilier résidentiel pour combler le déficit.

Une autre raison pour laquelle les impôts fonciers n’ont pas suivi l’évolution des prix de l’immobilier est la pression politique qui s’exerce sur eux. Bien sûr, dans certaines juridictions, les décideurs politiques ont les mains presque libres pour augmenter les impôts à des taux exorbitants. Mais dans de nombreuses régions, les contribuables résisteront de bon cœur si on leur dit de se préparer à une augmentation de 20 ou 30 %. D’un autre côté, les décideurs politiques peuvent presque toujours s’en tirer avec la politique moins évidente consistant à ne pas baisser les impôts fonciers, même lorsque les prix de l’immobilier diminuent. Nous ne devrions pas placer nos espoirs de réduction des impôts dans la chute des prix de l’immobilier qui surviendrait lors d’une récession ou d’une crise financière.

En effet, « même si la valeur des biens immobiliers diminue, la facture de l’impôt foncier ne baisse généralement pas. Au lieu de cela, les gouvernements augmentent généralement le pourcentage auquel les maisons sont taxées pour compenser le manque à gagner causé par la baisse des valeurs ».

 

Les taxes foncières sont particulièrement néfastes pour les chômeurs, les pauvres et les personnes âgées

Plus d’un libertarien grincheux a décrit l’impôt foncier résidentiel comme « le loyer que vous payez à l’État pour vivre dans votre propre maison ». Ce n’est pas faux. En outre, l’impôt sur la propriété résidentielle peut être particulièrement dévastateur en période de crise économique, bien plus dévastateur que l’impôt sur le revenu.

Par exemple, si l’économie se détériore, on peut s’attendre à ce que les taux de chômage augmentent et que les revenus réels diminuent encore plus qu’ils ne l’ont déjà fait au cours des deux dernières années. En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, une baisse des revenus se traduit généralement par une réduction de la facture fiscale. Mais nos impôts fonciers diminuent-ils lorsque nous perdons notre emploi ou subissons une baisse de salaire ? Il est presque certain que non.

En effet, si les nouvelles évaluations interviennent à la fin d’une période inflationniste, les propriétaires peuvent être frappés par une nouvelle augmentation des taxes foncières au moment même où leur situation professionnelle se dégrade.

L’étape suivante, bien sûr, peut consister à déménager toute la famille dans le sous-sol du domicile de vos parents âgés. Même eux ne sont pas à l’abri des taxes foncières. Elles font partie des impôts les plus préjudiciables pour les personnes âgées à revenu fixe.

Les retraités dépendent de leur épargne et de leurs revenus d’investissement, ou des transferts de l’État versés par les salariés actuels. Les revenus globaux des retraités sont généralement bien inférieurs à ceux qu’ils percevaient lorsqu’ils étaient salariés. Cela se traduit par des économies d’impôt sur le revenu, mais la hausse des prix de l’immobilier et des taxes foncières peut les obliger à quitter leur logement. Ce phénomène entraîne également une plus grande rotation dans les quartiers. Les réfugiés fiscaux laissent derrière eux des réseaux sociaux fracturés dans des quartiers où les habitants s’appuient les uns sur les autres pour le soutien social et économique. En effet, la gauche peut décrier l’embourgeoisement, mais elle n’a aucun problème avec l’augmentation des taxes foncières qui accélère l’embourgeoisement peut-être plus que n’importe quelle autre politique. Les saisies immobilières sont un moyen sûr de se débarrasser des personnes âgées et des résidents à faibles revenus d’un quartier en voie d’embourgeoisement.

Certains États ont mis en place des lois sur le homesteading et des politiques similaires visant à limiter l’augmentation des taxes foncières pour les personnes d’un certain âge. Ces mesures ne font qu’atténuer l’impact de l’augmentation des taxes foncières. Même de faibles augmentations peuvent être désastreuses pour les personnes âgées ou handicapées qui n’ont guère la possibilité d’augmenter leurs revenus pour faire face à la facture fiscale.

 

Il n’y a pas d’impôt neutre

Rien de ce que j’écris ici ne doit être interprété comme une affirmation selon laquelle l’impôt foncier est objectivement le pire type d’impôt. Comme l’a montré Murray Rothbard, il n’existe pas d’impôt neutre, et chaque type d’impôt a ses propres effets d’appauvrissement. Il n’y a pas d’impôt qui ne diminue pas notre utilité en prenant une partie de notre richesse et en la dépensant différemment de ce que nous aurions fait.

Nous ne pouvons pas non plus affirmer que l’impôt foncier est « meilleur » que, par exemple, l’impôt sur le revenu. L’impôt sur le revenu pose en effet des problèmes spécifiques.

Cependant, comme nous l’avons vu, l’impôt sur la propriété résidentielle s’attaque à l’un des besoins et des biens les plus fondamentaux dans la vie d’une personne, à savoir le logement, d’une manière que l’impôt sur le revenu ne fait pas.

En outre, l’accent mis sur l’impôt sur le revenu en tant que « pire » impôt d’État peut conduire certains à minimiser de manière inappropriée les coûts réels des impôts fonciers. Par exemple, les États sans impôt sur le revenu, comme le Texas, aiment s’en vanter, comme si cette absence rendait le Texas plus ou moins exempt d’impôts. Ce n’est évidemment pas du tout le cas. Le Texas se classe au troisième rang national pour la charge de l’impôt foncier, derrière le New Jersey et le New Hampshire, et à peine mieux que l’Illinois. (le New Hampshire n’a pas non plus d’impôt sur le revenu.) Il ne s’agit pas ici de recommander au Texas d’adopter un impôt sur le revenu, bien entendu. L’absence d’impôt sur le revenu présente en effet des avantages.

Mais tout gouvernement se battra pour obtenir des recettes fiscales, et les impôts fonciers sont susceptibles d’en devenir une source très lucrative dans les années à venir. Ce n’est qu’un fardeau de plus que nous supportons à notre époque d’argent facile et d’inflation des prix.

Sur le web.

Une traduction par la rédaction de Contrepoints.

Le Great Reset cherche à théoriser la permacrise mondiale…

Le prochain forum de Davos doit se tenir du 15 au 19 janvier 2024. L’an dernier, selon les organisateurs du Forum, la notion de “polycrise” avait triomphé. 2024 devrait naissance à l’expression de “permacrise”, terme assez bien trouvé pour désigner la crise général de l’Occident qui sévit désormais, entre chaos sanitaire, chaos social, et guerre à la fois en Ukraine et en Palestine. Comment traiter la permacrise dans laquelle l’Occident stagne désormais, les pieds embourbés dans les difficultés en tous genres ?

La loi immigration : une réponse à la stagnation économique ?

L’immigration génère des titres dans l’actualité en raison du passage d’une loi sur le sujet. Après débats, les deux tiers du Parlement ont voté pour la loi sur l’immigration… des mesures visant à resserrer les conditions d’entrée dans le pays.

L’arrivée de migrants occupe les gouvernements et les médias.

Geert Wilders, qui promet le blocage de l’immigration, prend le pouvoir aux Pays-Bas. Au Royaume-Uni, le Premier ministre, Rishi Sunak, a promis une campagne pour réduire le nombre d’immigrants de 300 000 par an. Et en Italie, lors de la campagne l’année dernière avant son élection, Mme Meloni a promis un blocus naval contre l’immigration en provenance d’Afrique du Nord.

Certains veulent davantage de sévérité vis-à-vis de l’entrée d’étrangers, d’autres veulent plus de programmes pour l’hébergement et la distribution d’allocations.

Personne ne défend la liberté de la circulation des biens et personnes. D’un côté, certains veulent des redistributions au prétexte de la solidarité. « Nous allons épargner au pays deux semaines de discours xénophobes et racistes », disent-ils, au sujet du vote de départ ; de l’autre, certains veulent le filtrage des arrivées, selon des quotas des dirigeants. Selon eux, le rejet de la loi, avant un passage après le durcissements des règles, « protège les Français d’un appel d’air migratoire ».

Même les défenseurs de la liberté d’échange – comme la Fondation iFRAP par exemple –  souhaitent davantage de contrôle sur l’arrivée de personnes. Dans une tribune pour le journal Le Figaro, Agnès Verdier-Molinié appelle à une préférence pour les travailleurs, par rapport aux autres types d’immigrants :

« Conditionner les arrivées à un emploi stable, c’est garantir, à la fois, une meilleure intégration et de meilleurs revenus aux immigrants tout en leur évitant de dépendre du système de protection sociale. »

En France et à l’international, la préoccupation pour l’immigration relève sans doute d’un sentiment de stagnation chez les particuliers. En effet, les lois sur l’immigration apparaissent souvent avec des crises, des licenciements et des pertes de revenus.

Les gens voient alors dans l’arrivée d’étrangers une des causes du déclin.

 

Signal de difficultés

La presse évoque de nouveau la menace de la concurrence des Chinois dans l’industrie.

Dans Les Échos un article affirme :

«… les prix baissent, ce qui fait l’affaire des consommateurs européens. Mais il n’est pas certain que les producteurs, eux, soient ravis de cette arrivée de biens chinois sur le Vieux Continent. En effet, la concurrence des produits chinois risque d’accélérer à terme la désindustrialisation. »

L’immigration, comme les biens d’importation, sont une forme de concurrence faite aux citoyens d’un pays.

Sur la première moitié du XXe siècle aux États-Unis, la loi la plus importante pour réduire l’immigration remonte à 1924. En effet, la même année, une contraction économique entraîne des faillites. La Réserve fédérale achète même des obligations sur le marché, pour la première fois depuis la création du groupe. Ensuite, au cours de la Dépression des années 1930, le gouvernement américain pousse les étrangers à repartir. Selon les estimations, entre 300 000 et deux millions de Mexicains quittent le pays au cours de la décennie. La récession de l’économie provoque un retournement contre les immigrés, et aussi contre le commerce avec l’étranger. En réaction au Krach de 1929, les États-Unis votent une série de tarifs sur l’importation de biens. Henry Ford, le créateur de la marque de voitures, qualifie la loi de stupidité économique.

Au début des années 1930, les pays européens, dont la France et l’Angleterre, mettent en place des tarifs douaniers. Les échanges internationaux chutent à grande vitesse. De 1929 à 1932, le commerce mondial chute de 60 %.

En France aussi, le gouvernement crée pour la première fois des restrictions à l’immigration au cours de la crise des années 1930. En 1931, le Parti socialiste propose de limiter l’accès à l’emploi des étrangers :

« Nul ne pourra embaucher de travailleurs étrangers si la proportion de travailleurs étrangers employés dans son entreprise excède 10 %. »

En 1938, le gouvernement crée une branche pour la régulation de l’immigration.

Les restrictions de l’accès des étrangers à des emplois des années 1930 sont toujours en place aujourd’hui.

Le Monde Diplomatique explique :

« Au total, selon l’Observatoire des inégalités, plus de cinq millions d’emplois demeurent inaccessibles aux étrangers non européens, soit plus d’un emploi sur cinq, y compris dans le secteur privé, où perdurent une cinquantaine de restrictions, en particulier pour les professions libérales, cadenassées depuis les années 1930. »

En réponse à une hausse du chômage, un retournement de l’opinion à l’égard de l’immigration a aussi lieu dans les années 1970… Le mouvement pour la préférence nationale conduit à l’interdiction de l’arrivée d’immigrants pour le travail.

Le même genre d’inquiétude pour les revenus et les niveaux de vie entre à présent en jeu.

 

Réponse à la stagnation

Les revenus n’augmentent pas, selon l’Observatoire des inégalités. Un article de La Nouvelle République cite le groupe :

« [Depuis 20 ans] les salaires des classes populaires n’augmentent pas. C’est le cas aussi depuis une quinzaine d’années pour les classes moyennes. À la rigueur, quand les plus riches s’enrichissaient, dans les années 1980 et 1990, cela causait moins de tensions car les salaires progressaient, les parents voyaient leurs enfants s’en sortir mieux qu’eux. »

Depuis les confinements, les gens travaillent davantage d’heures, peut-être en rattrapage de la perte de temps, ou les problèmes liés au télétravail… Ainsi, la productivité du travail reste en baisse par rapport à la normale.

Les patrons de PME donnent des signes de détresse. Selon Les Échos :

« Pour près de la moitié des dirigeants de PME et TPE, l’évolution de l’activité est devenue la préoccupation principale loin devant « l’inflation » et « la hausse des salaires », selon la dernière enquête de la CPME, que dévoile Les Échos. 42 % des interrogés indiquent aussi que leur situation de trésorerie se tend. »

Le gouvernement aussi manque d’argent.

L’hebdomadaire Marianne rapporte :

« La France exigera à Bruxelles que soit introduite « une flexibilité » dans le rythme de réduction des déficits publics excessifs pour les pays membres de l’Union européenne, a annoncé le ministre de l’Économie et des Finances lors d’un point presse ce 7 décembre. »

Dans les périodes de difficultés, les gens veulent en général des contrôles de frontières et des blocages sur l’arrivée de personnes. Ils souhaitent davantage de protections de la part des dirigeants, contre la concurrence des entreprises, ou l’arrivée de main-d’œuvre. Le gouvernement annonce alors des mesures bloquant les arrivées d’immigrants.

Les restrictions sur les capacités de déplacement – dont les entrées d’étrangers dans le pays – nuisent à la formation de capitaux. Par contre, la plupart des gens ne voient pas d’effets au quotidien. Comme d’autres interventions, les effets ont lieu à la marge – et à l’abri de la plupart des observateurs.

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