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À partir d’avant-hierContrepoints

Mort de Navalny, colère agricole, guerre en Ukraine : ce qu’on retiendra de février 2024

Ukraine : inquiétude sur le front et à l’arrière

Le mois de février aura vu s’accumuler les mauvaises nouvelles pour l’Ukraine. Son armée est confrontée à une pénurie grave de munitions qui amène désormais en maints endroits de ce front de 1000 km le « rapport de feu » (nombre d’obus tirés par l’ennemi vs nombre d’obus qu’on tire soi-même) à près de dix contre un. Ce qui a contribué, après deux mois d’intenses combats et de pertes élevées, jusqu’à 240 chars russes, selon Kyiv, à la chute d’Adviivka, vendredi dernier. La conquête de cette ville que les Ukrainiens avaient repris aux forces soutenues par Moscou il y a dix ans constitue un gain politique pour le Kremlin à un mois d’une présidentielle au demeurant jouée d’avance ; aucun candidat vraiment d’opposition n’a été validé et tous les trouble-fêtes peuvent avoir en tête le sort d’Alexeï Navalny, décédé dans des circonstances qui restent à élucider dans un pénitencier de l’Arctique russe, le genre d’endroit où le régime enferme ceux qu’il ne souhaite pas voir vivre trop longtemps. La reprise d’Adviivka constitue aussi un gain tactique pour le Kremlin, puisqu’il rapproche le front de nœuds logistiques de l’armée ukrainienne.

Si Moscou, qui a perdu beaucoup d’hommes (vraisemblablement 300 000 à 500 000 hors de combats depuis le début de la guerre il y a deux ans), ne semble pas en position de percer la ligne de défense ukrainienne, il pourrait faire perdre du terrain à Kyiv en d’autres endroits, même si les opérations offensives sont désormais très compliquées, puisque le champ de bataille est devenu très transparent à cause de l’utilisation de simples drones d’observations capables de repérer le moindre char d’assaut ou groupe de fantassins. Seul lot de consolation pour l’Ukraine : elle a gagné, loin des projecteurs médiatiques, la « bataille de la mer Noire » en repoussant ces derniers mois les navires russes loin des corridors indispensables à l’exportation de ses céréales, et en coulant plusieurs navires, dont encore un il y a dix jours.

Autre revers pour Kyiv, l’aide cruciale de 60 milliards de dollars sur laquelle la Maison Blanche et les Républicains travaillent depuis des mois, est encalminée au Congrès. Certes, 22 sénateurs républicains sur 48, animés traditionnellement par une solide culture géopolitique héritée de la Guerre froide, et peu sensibles aux intimidations de Donald Trump, ont voté récemment pour ce paquet. Mais la majorité républicaine à la Chambre des représentants bloque toujours le texte sur instruction de Trump. Ce dernier ne veut en aucun cas faire cadeau d’un victoire politique à Joe Biden, à moins de neuf mois de la présidentielle qui verra certainement s’affronter les deux hommes. La Maison Blanche avait, erreur tactique, cru pouvoir obtenir un feu vert sur l’aide à l’Ukraine en la liant à celle à Israël et Taïwan, deux chevaux de bataille des Républicains, en sus de mesures sur l’immigration illégale en provenance du Mexique, sujet prioritaire des électeurs. Mais c’était prendre le risque de voir l’aide à Kyiv devenir otage d’autres sujets, ce qui n’a pas manqué d’arriver. L’administration Biden a, enfin, compris le danger et accepté il y a dix jours de dissocier un peu ces sujets ; mais trop tard, les trumpistes ont compris qu’ils tenaient là de quoi faire mordre la poussière à Biden, au risque de faire un cadeau au Kremlin, sous réserve que le deep state sécuritaire républicain ne se réveille pas.

Vague lueur d’espoir pour Kyiv toutefois, Donald Trump a laissé entendre récemment qu’il n’objecterait pas à une aide militaire à l’Ukraine si elle se faisait uniquement sous forme de prêts (ce qui est déjà le cas, en fait, pour un quart à un tiers de l’aide militaire occidentale). L’Europe va aussi s’efforcer de passer à la vitesse supérieure, malgré ses goulets d’étranglement dans la production, notamment d’obus, comme l’illustre la décision spectaculaire du Danemark, samedi, d’offrir l’intégralité de son artillerie à l’Ukraine, convaincue qu’en fait Kyiv défend le continent face aux ambitions du Kremlin.

Devant ces revers, comme régulièrement depuis le début de la guerre déclenchée il y a deux ans, samedi prochain, de beaux esprits évoquent une « fatigue » dans l’opinion publique occidentale, où pourtant les sondages indiquent toujours un soutien à l’Ukraine oscillant entre 60 et 75 % suivant les pays, ainsi que la nécessité d’une négociation. Certes, mais avec qui et sur quoi ?

En effet, un accord signé avec Poutine vaut-il plus que le papier sur lequel il est écrit ? Il a déchiré la quasi-totalité des traités signés par son pays depuis 1999. Et a assumé, c’est passé inaperçu, lors de son récent entretien avec le journaliste américain Tucker Carlson, qu’il n’avait « pas encore atteint ses buts de guerre en Ukraine ». En clair, l’annexion de quatre régions ukrainiennes ne lui suffit pas. Voilà pour les naïfs, voire pas si naïfs, qui prétendent que le Kremlin serait prêt à signer la paix en échange de quelques gains territoriaux. Ce que veut Poutine est clairement vassaliser l’ensemble de l’Ukraine et ridiculiser l’OTAN.

Dernier sujet préoccupant pour Kyiv, le président Volodymyr Zelensky, a limogé récemment son chef d’état-major, Valery Zaloujny, très populaire dans l’opinion, mais aussi et surtout parmi les soldats, pour le remplacer par Oleksandr Syrsky, unanimement détesté des hommes sur le front. Inquiétant, même si les dissensions sont au demeurant normales par temps de guerre. On oublie par exemple que, malgré l’union sacrée, le cabinet de guerre français a sauté trois fois suite à des désaccords sur la conduite des opérations et les buts de guerre en 14-18… Le défi pour l’Ukraine sera de changer de doctrine de combat, suite à l’échec de sa contre-offensive de juin-août, pour intégrer les nouvelles technologies : drones tueurs, brouillage des fréquences ennemies, ébauche d’utilisation d’intelligence artificielle (des pays occidentaux travaillent à fournir des essaims de drones bon marché opérant de manière synchronisée par utilisation de programmes d’AI simples).

 

Gaza : l’impasse

À court terme aucune issue, ni même une pause dans le conflit entre Israël et le Hamas ne semble être envisageable. Les négociations, qui avaient repris le 6 février au Caire sous médiation qatari, égyptienne et américaine en vue d’une pause de six semaines (à ne pas confondre avec un cessez-le-feu, qui suppose un arrêt indéfini des combats) en échange de la libération de tout ou partie des 100 otages que le Hamas détient encore, ont été interrompues il y a quelques jours. Le Hamas exige aussi la libération de centaines de ses militants détenus en Israël, dont des meurtriers, ce qui est une ligne rouge pour Jérusalem dont la majorité de l’opinion, selon les sondages, juge prioritaire d’éliminer le Hamas plutôt que de libérer les otages.

Le Premier ministre israélien se dit d’ailleurs plus que jamais déterminé à liquider intégralement le Hamas, avec notamment une offensive prochaine sur la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza où se seraient réfugiés les chefs militaires de l’organisation terroriste. Or, des dissensions commencent à se faire discrètement jour au sein de la hiérarchie militaire, et même parmi des ministres sur la possibilité d’éliminer entièrement le Hamas. Trois mois après le début de l’invasion de la bande de Gaza, selon les renseignements américains, Israël n’aurait mis hors de combat qu’un cinquième des quelques 40 000 combattants du Hamas. Certes, Tsahal a évité le piège de type Stalingrad que beaucoup lui promettait, avec des pertes relativement limitées pour trois mois d’opérations en milieu urbain, environ 200 soldats, et a détruit des dizaines de kilomètres de tunnels du Hamas.

Mais les victimes collatérales (le chiffre de 27 000 victimes, en grande majorité femmes et enfants, avancé par le Hamas semble plausible, pour une fois, par recoupement avec diverses données indépendantes) posent de plus en plus problème aux partenaires internationaux d’Israël, surtout les États-Unis, seul allié que Jérusalem écoute traditionnellement. Joe Biden s’est engagé fortement auprès d’Israël après les attentats du 7 octobre, avec déploiement de navires de guerre pour dissuader Téhéran ou le Hezbollah au Liban, approvisionnement en munitions, renseignements satellites. Ce dont l’aile gauche des Démocrates lui en fait grief… au risque de faire élire Donald Trump, soutien absolument inconditionnel de Jérusalem.

Reste le risque d’embrasement régional, évoqué à l’envi depuis quasiment le début de la guerre, le 7 octobre. Heureusement sans concrétisation, pour l’instant. En mode chien qui aboie ne mord pas, le Hezbollah, milice chiite libanaise soutenue par Téhéran, avait promis des représailles terribles « en temps et en heure » à différents raids israéliens, notamment l’élimination du numéro deux de la branche politique du Hamas à Beyrouth. De même, les ripostes des États-Unis et du Royaume-Uni contre les Houthis, missile yéménite soutenue aussi par Téhéran, qui menace de frapper les cargos transitant par le golfe d’Aden. Les frappes américaines sur le sol yéménite lui-même ont suscité des menaces de l’Iran. Sans rien pour l’instant.

 

Présidentielle américaine : Biden en pleine confusion et Trump dans ses trumperies 

Ce ne sera plus tenable longtemps. Si la Maison Blanche a joué les tauliers de l’Occident par une aide décisive (même si on peut aussi lui reprocher d’être « trop tard trop peu ») en Ukraine et un soutien vigilant d’Israël face au Hamas, force est de constater qu’une défaite de Joe Biden le 5 novembre face à Trump parait désormais probable.

Malgré le dynamisme économique, le président américain est terriblement impopulaire en raison de l’inflation. Les sondages le créditent de cinq points de retard sur son rival qui a le vent en poupe, puisqu’il devrait pousser à l’abandon sa dernière rivale, Nikki Haley après la primaire du 24 février en Caroline du Sud. Une victoire à peine six semaines après le début de la campagne des primaires serait sans précédent historique, et explique que si peu de ténors républicains osent tenir le moindre propos susceptible de déplaire aux trumpistes. Les sondages donnent aussi Trump gagnant dans les 5-7 swing states, ceux susceptibles de basculer dans un camp ou un autre, et qui feront l’élection : Arizona, Géorgie, Michigan, Pennsylvanie, Wisconsin, voire Caroline du Nord et Nevada.

Surtout, est apparu un fait nouveau et qui pourrait bientôt devenir intenable. Joe Biden multiplie les confusions qui ne sont plus seulement embarrassantes, à l’image des gaffes et trous de mémoire qu’il multiplie depuis longtemps. Cela touche désormais à sa capacité de gouverner. Comment croire que cet octogénaire pourrait prendre les bonnes décisions en cas de crise, en quelques minutes dans la war room par exemple, s’il prétend, comme il l’a fait dernièrement, avoir rencontré Mitterrand, décédé en 1995, en lieu et place d’Emmanuel Macron, ou le chancelier Kohl à la place d’Angela Merkel, et déclaré que le président égyptien Al Sissi était en fait celui du Mexique (Donald Trump a fait diffuser une carte du Proche-Orient où était calqué la carte du Mexique avec mention « source : Joe Biden »).

Enfin, une campagne américaine est une épreuve physique redoutable. Joe Biden a tenu le choc lors de la dernière uniquement parce qu’elle n’a pas eu lieu pour cause de covid. Problème, les Démocrates, divisés, indécis, et en panne d’idées et, il faut bien le dire, de lucidité, n’ont pas de plan B. Aucune personnalité connue, dotée d’un minimum de charisme et susceptible de faire consensus parmi les Démocrates n’a émergé en quatre ans, ce qui est une faute. La vice-présidente, Kamala Harris, n’a pas pris la lumière, elle est réputée ne pas avoir la carrure, comme l’illustre son parcours peu convaincant. Surtout, juridiquement, il semble très difficile d’annuler les primaires démocrates, pour lesquelles un certain nombre de délégués pro Biden ont été désignés. Seule issue, un avis médical sollicité par les ministres du président, terrible responsabilité et trahison, pour déclarer qu’il n’est plus en capacité d’exercer ses fonctions, selon la Constitution. Jamais un candidat bénéficiant du désistement au dernier moment du président en exercice n’a gagné la présidentielle…

L’affaire est d’autant plus cruciale que, bien évidemment, l’élection du président du pays le plus puissant du monde, militairement et économiquement, ne concerne pas que les Américains et que Donald Trump a raconté publiquement, il y a dix jours, avoir déclaré à un chef de gouvernement européen (allemand ?) qu’il ne viendrait pas à son secours si la Russie l’attaquait. On peut essayer de se rassurer à bon compte en se persuadant qu’il s’agissait d’un procédé rhétorique, ou d’une technique de négociation un peu rude pour obtenir, légitimement, que les Européens prennent plus au sérieux leur sécurité. Mais force est de constater, et ce discours de Trump représente de ce point de vue un évènement géopolitiquement majeur, malheureusement, tranchant avec une jurisprudence constante à Washington depuis 1949. La sécurité collective de l’Alliance atlantique repose en effet sur le fait que si un quelconque de ses 31 membres est attaqué, chacun des autres volera à son secours de manière inconditionnelle, sans émettre des si et des mais. Tout l’inverse de ce qu’a déclaré Trump qui assume que dans ce cas là il pourrait dire « désolé, je ne suis pas très motivé, regardons d’abord si vous avez réglé vos factures ». De la musique aux oreilles du Kremlin, de nature à le convaincre qu’une aventure en Pologne, ou en pays Balte serait opportune pour discréditer définitivement son ennemi juré, l’Alliance atlantique…

 

Menaces sur l’économie chinoise

Les nuages s’accumulent sur la Chine, deuxième économie mondiale et qui a réalisé depuis 1979 une performance sans équivalent historique, une croissance de 6 à 10 % par an pour un pays à l’époque d’environ un milliard d’habitants.

Sa croissance ralentit et n’aurait même pas dépassé 0,8 % au dernier trimestre. En cause : le vieillissement de la population, conséquence de la politique de l’enfant unique en vigueur jusqu’à récemment en sus de la chute de désir d’enfant, comme en Occident ; le chômage des jeunes au plus haut depuis des temps immémoriaux ; la moindre dynamique des exportations liées à la conjoncture mondiale ainsi qu’à une certaine défiance post covid envers Pékin ; sans doute les imites rencontrées par un système totalitaire à l’ère de l’innovation technologique ; et les menaces sur le système bancaire en raison de l’accumulation de créances douteuses sur le secteur immobilier après des années de spéculation, illustrées par ces images vertigineuses de tours fantômes construites pour être condamnées à la destruction.

La mise en liquidation, le 29 janvier dernier par un tribunal de Hong Kong, du groupe Evergrande, principal promoteur immobilier du pays, après deux années d’agonie est venue rappeler le danger, même s’il n’a pas, pour l’heure, provoqué d’effets dominos comme aux États-Unis la faillite de Lehman Brothers en 2008. Le secteur immobilier pèse pour un tiers du PIB chinois, contre un dixième en France. Les prix des logements ont chuté en deux ans de 30 %, du jamais vu. Les bourses chinoises sont par ailleurs atones et le président Xi Jinping a dû convoquer récemment les régulateurs des marchés financiers pour leur demander de doper un peu la conjoncture, notamment par un allègement des règles de réserves obligatoires des banques. Sans résultat spectaculaire. Un défi politique pour les autorités, puisque les Chinois sont habitués depuis trente ans à des perspectives de progression de leur revenu…

 

Union européenne : les agriculteurs se rebiffent

C’est un événement important dans l’histoire de l’Union européenne qui s’est déroulé ces dernières semaines, à coups de cortèges de tracteurs klaxonnant dans les principales villes d’Europe.

Les agriculteurs, pourtant en majorité très pro-européens, notamment parce qu’ils bénéficient, pour la majorité d’entre eux, du système d’administration des marchés avec prix garantis peu ou prou dans les céréales, certaines viandes, produits laitiers, ont manifesté massivement. À rebours de l’adage « on ne mord pas la main qui vous nourrit », et peut-être parce que ladite main ne nourrit plus tant que ça ceux qui nous nourrissent, comme le résumait un cortège espagnol ; « laissez-nous bosser, carajo ! ». Pas un hasard si le mouvement est parti, il y a presque un an, des Pays-Bas où un plan d’écologie punitive avait prévu, au nom de la désormais omniprésente lutte en Occident contre le réchauffement climatique (une vertu qui permet de massacrer agriculture et industrie sous le regard goguenard ou stupéfait du reste du monde, et qui ne les incite en tout cas pas à nous emboiter le pas), la disparition de la moitié du cheptel.

Les Allemands ont pris le relais début janvier, suivis par leurs confrères français, puis italiens, belges, espagnols, polonais, roumains. Ce mouvement spectaculaire, avec des blocages inédits de centres- villes en Allemagne, et la panoplie habituelle en France de lisier déversé, mais des blocages d’autoroutes sur 400 km (sans précédent) ont pu avoir des motifs divers, prix de vente trop bas (donc, appel, comme d’habitude, à subventions), la concurrence ukrainienne, avaient pour revendication centrale la réduction drastique de la réglementation d’origine, le plus souvent écologique (les associations écologistes ont beau prétendre être les alliées des agriculteurs, ce discours ne convainc pas ces derniers qui savent sous la pression de qui on les bride depuis des années), ou sanitaire au nom d’un principe de précaution devenu absolu. En clair, les agriculteurs ne supportent plus les exigences des plans écolos européens Green Deal et Farm to Fork, même si leurs représentants n’osent pas trop le dire.

Si le gouvernement Attal a su apaiser les grands syndicats agricoles par des chèques et promesses, notamment d’une pause (mais pas annulation) du plan de réduction impératif de 50 % des traitements phytosanitaires d’ici 2030, avec chute des rendements, donc à la clé des revenus, martingale française inépuisable, et si Bruxelles a accordé une dérogation pour les jachères, les agriculteurs se rendent compte que cela ne résout pas du tout le problème « bureaucratie/punitions ». La FNSEA, qui ne se résout pas à s’attaquer aux programmes européens Green Deal et Farm to Fork, menace de reprendre les manifestations à la veille du Salon de l’agriculture, dans quelques jours.

Que le soufflé de cette contestation inédite par le nombre de pays concernés, quoique sans synchronisation, retombe ou pas, il aura déjà eu un mérite : le grand public a découvert le poids dément des règlementations en milieu rural, qui punissent tout et son contraire, la nécessité d’obtenir x autorisations pour tailler une haie, curer un fossé, le calendrier des semis, traitements… comme l’illustre ce slogan d’agriculteurs espagnols « mais laissez-nous bosser, carajo ! ».

 

En France, l’horizon indépassable des règlements partout, tout le temps

Une bataille clé dans la guerre culturelle entre la réglementation tous azimuts, qui ne se confine pas à l’agriculture, comme prétend d’ailleurs l’admettre depuis peu le gouvernement et qu’illustre cette savoureuse révélation, parmi mille autres : un employé de mairie ne peut pas changer une ampoule sans suivre trois jours de formation. Eh oui, nos vies sont régies par une dizaine de codes de 4000 pages, qui s’enrichissent de plusieurs pages chaque jour.

De quoi rappeler le fameux texte de Tocqueville sur « le réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes » édictée par un pouvoir « immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer la jouissance des citoyens et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux ».

Tout cela a poussé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire (qui a dû se résoudre, dimanche soir, à annoncer une révision à la baisse, de 1,4 à 1 % de la prévision de la croissance française en 2024, évoquant la guerre en Ukraine, le Moyen-Orient, le ralentissement économique très marqué en Chine et la récession technique de 0,3 % du principal partenaire commercial de la France, l’Allemagne), à dénoncer « un suicide européen » par les entraves règlementaires, et à promettre il y a quelques semaines, à plusieurs reprises, un vaste effort de simplification… avant d’annoncer aussitôt des contrôles sévères sur la grande distribution, bouc émissaire, pour vérifier qu’elle pratique des marges raisonnables sur les produits alimentaires.

De même, le gouvernement a découvert récemment, sans promptitude excessive, que les normes DPE constituaient une véritable bombe sociale puisqu’elle imposait des dépenses insupportables aux ménages modestes voulant louer un bien pour le mettre en conformité (en attendant d’interdire aussi leur vente, voire, tant qu’on y est dans le fanatisme vert, leur occupation par les propriétaires). Ce qui contribue au blocage spectaculaire du marché de la location depuis deux ans.

Miracle, une étude technique vient démontrer que les DPE ne sont pas fiables pour les logements de moins de 40 m2 ouvrant droit à dérogation. Un peu tartuffe, mais c’est déjà ça… Il faudra surveiller la suite, du fait de la nomination d’un nouveau ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, qui assume vouloir provoquer un « choc de l’offre », en clair stimuler la construction de logements et leur mise à disposition sur le marché locatif. Un discours bienvenu, pour ne pas dire déconcertant, tant il est à rebours de ce à quoi nous habituent les ministres d’Emmanuel Macron.

Selon ses déclarations à l’issue, jeudi, d’une rencontre avec des représentants du secteur, il s’agit de rénover un processus de rénovation énergétique « comportant trop de lourdeurs administratives ». Sur la table, notamment la limitation des obligations de recourir à un accompagnateur agréé aux subventions de rénovation les plus élevées. Il s’agit aussi de permettre aux propriétaires de logements à étiquette énergétique G, a priori aux revenus les plus modestes, qui ne pourront plus être mis en location à partir du 1er janvier 2025, de les aider à commencer à améliorer la performance de leur bien.

 

France-sur-mer : le sujet empoisonné de l’immigration fait son grand retour

Le sujet de l’immigration, en mode sparadrap du capitaine Haddock, hante plus que jamais la politique française, avec un exécutif au sommet du « Enmêmptentisme », chèvre-chou, qui cherche à séduire des électeurs de droite (comme si ceux de gauche classique ne pouvaient pas objecter aux changements fondamentaux à l’œuvre dans notre pays depuis quatre ou cinq décennies, illustrés par une comparaison, au hasard, entre deux photos de classe 2024-1974 ?) sans perdre ceux de gauche. Dilemme d’autant plus sensible que le parti Renaissance est crédité de 18,5 % des suffrages aux européennes de juin, très loin des 29 % attribués, selon un sondage, au Rassemblement national.

L’Élysée a remporté une première manche tactique en demandant aux députés Renaissance de voter pour la loi immigration avec Les Républicains et le Rassemblement nationale… pour aussitôt en déférer les amendements Les Républicains au Conseil constitutionnel. Voter pour un texte qu’on espère anticonstitutionnel, c’est nouveau… Lequel Conseil constitutionnel a eu l’obligeance d’invalider 32 des amendements « droitiers » pour vice de procédure, qui ne se rattachaient pas à un élément précis, un article, du texte proposé. Il avait pourtant validé un amendement sur Mayotte en 2018 dans une loi qui ne traitait pourtant ni de Mayotte ni d’immigration…

Deuxième manche, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est rendu récemment à Mayotte, plus grande maternité d’Europe (25 naissances par jour, cinq fois plus que la seule Corrèze) pour annoncer ce que les élus de tous bords y attendent depuis longtemps : la fin du droit du sol. Au prix, puisqu’une loi ne peut pas être en vigueur dans un département, et pas sur l’ensemble du territoire national selon la Constitution, d’une révision de cette dernière. Ouvrant ainsi une boîte de Pandore, car ce principe d’une territorialisation d’une loi pourrait s’appliquer plus tard sur bien d’autres sujets. Il semble bien qu’il n’ait pas échappé à l’exécutif que la question devenue incandescente, voire civilisationnelle de l’immigration risque de rapporter gros aux élections européennes de juin prochain.

Une réforme du droit du sol sur l’ensemble du territoire n’aurait au demeurant rien de choquant et ne ferait pas basculer la France, contrairement à ce que prétendent les beaux esprits immigrationnistes, dans « les heures les plus sombres de notre histoire », pour la bonne raison que le droit du sang prioritaire est pratiqué par de nombreux pays pas franchement gouvernés à l’extrême droite.

Au demeurant, et cela illustre au passage combien le dossier de l’immigration à Mayotte est instrumentalisé, le droit du sol dit sec, c’est-à-dire l’obtention automatique de la nationalité du pays où l’on naît quelle que soit celle de ses parents et leur propre lieu de résidence et/ou de naissance, n’existe presque plus nulle part au monde. Et notamment pas en Europe, où les pays les plus souples là-dessus, la France, l’Espagne et la Belgique, pratiquent plutôt le « double droit du sol » : on obtient automatiquement, ou sur demande la nationalité française à l’adolescence si un des deux parents étrangers, même en situation irrégulière, est lui-même né en France, même en situation irrégulière, sous réserve qu’il ait séjourné en France un nombre suffisant d’années.

Le problème étant que les habitants des Comores, manipulés en outre par un régime dictatorial voyant dans cette émigration un moyen commode de déstabiliser une « puissance coloniale » à qui ils réclament la restitution de Mayotte, ignorent ces subtilités juridiques et que, motivées par la chimère d’une nationalité française automatique, avec ses droits et avantages pour l’enfant qu’elles portent, des Comoriennes enceintes se ruent à Mayotte pour y accoucher. Face à la désinformation aux Comores (en sus des autres facteurs d’immigration clandestine massive d’hommes jeunes cherchant une terre promise où les salaires sont huit fois supérieurs à ceux en vigueur chez eux à quelques heures de navigation) des ajustements constitutionnels sur le droit du sol, à la majorité, difficile, des trois cinquièmes au Congrès, risquent de ne pas changer grand-chose.

« Leur but est de saper notre État de droit » grand entretien avec Nicolas Quénel

Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l’information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

Quand le PCC met en scène sa propre légende dans les rues de Paris

Loup Viallet, rédacteur en chef de Contrepoints – Pouvez-vous décrire les failles les plus alarmantes et les plus inattendues que vous avez mises au jour dans votre enquête ?

Nicolas Quénel – Il n’y a pas vraiment un exemple en particulier qui me revienne en tête. Le fait que la Chine ait pu tourner Fox Hunt, un film de propagande à la gloire du programme de disparition forcée (qui a fait des victimes en France) en plein dans les rues de Paris pendant des semaines sans que personne ne trouve rien à y redire me fascinera toujours par exemple.

On pourrait aussi citer les Indian Chronicles. Une opération d’influence indienne qui avait duré 15 années et durant laquelle les Indiens ont su exploiter les failles de l’ONU pour mener des opérations de dénigrement du Pakistan directement au Conseil des droits de l’Homme.

Plus inattendu encore, l’exemple d’Evguéni Prigojine, le défunt patron des mercenaires de Wagner, qui avait financé une fausse ONG de défense des droits de l’Homme pour faire monter le sujet des violences policières en France quelques mois avant l’élection présidentielle de 2022. Avec un collègue nous avions pu entrer en contact avec un homme qui avait l’audace de se présenter sous le nom de Ivan Karamazov. C’était assez cocasse.

 

Guerre froide 2.0

Samedi 3 février dernier, l’ancien président russe Dimitri Medvedev a publié un long texte sur Telegram appelant à s’ingérer dans les processus électoraux européen et américain en soutenant les partis « antisystème ». Il a notamment écrit : « Notre tâche est de soutenir de toutes les manières possibles ces hommes politiques et leurs partis en Occident, en les aidant apertum et secretum [ouvertement et secrètement], à obtenir des résultats corrects aux élections ». Comment prouver les traces de cette ingérence ? Quelles types d’actions recouvrent ce terme, « secretum » ? 

Il est toujours difficile de prouver l’ingérence d’une puissance étrangère dans un processus électoral. Évidemment, on ne parle pas ici du jeu d’influence classique entre États. Après tout, Vladimir Poutine, quand il invite au Kremlin une candidate à l’élection présidentielle française, et lui accorde un entretien immortalisé par quelques photos, est tout à fait en droit de le faire, et la candidate est libre d’accepter ou de décliner l’invitation en fonction de ce qu’elle juge être le mieux pour son intérêt personnel.

Quand nous parlons d’ingérence électorale, nous parlons communément de ce qu’il était convenu d’appeler les « mesures actives » pendant la Guerre froide, lesquelles désignent l’ensemble des moyens employés pour influencer une situation de politique intérieure d’un pays-cible, ou sa ligne de politique étrangère. Parmi ces moyens, on peut évoquer notamment la désinformation, la propagande, le recrutement d’agents d’influence, ou l’utilisation de faux ou d’idiots utiles.

Ces mesures actives, elles, sont par essence secrètes, et la Russie mène ce type d’opérations en France aujourd’hui comme au temps de la Guerre froide. Si on ne devait donner qu’un exemple pour illustrer l’ancienneté de ces ingérences électorales, ce serait l’élection de 1974 pendant laquelle la « résidence de Paris » (l’antenne du KGB dans la capitale française) s’était vantée d’avoir mené en une semaine seulement 56 de ces opérations en faveur de Mitterrand dans un rapport envoyé à Moscou. Fait amusant, les Soviétiques à Moscou avaient de leur côté mené des opérations pour favoriser Giscard.

Ces opérations ont évidemment évolué depuis la Guerre froide, notamment avec le numérique. Les objectifs, eux, restent inchangés. Ce qui n’a pas changé non plus, c’est le fait que ces opérations restent très difficilement attribuables formellement. On ne trouve presque jamais la preuve ultime de l’implication directe de l’appareil d’État russe. Remonter la piste de ces opérations pour découvrir qui est le commanditaire réel demande parfois des années de travail, et ce travail n’aboutit pas toujours.

 

Agents d’influences et idiots utiles

Quels sont les principaux canaux utilisés par Moscou pour véhiculer sa propagande en France ? Est-ce facile pour le régime de Poutine de recruter des « agents » ? Quels sont leurs profils ?

Il faut faire la distinction entre les agents d’influence et les simples idiots utiles. Quand on parle d’idiots utiles, nous faisons référence à ceux qui répercutent la propagande du Kremlin de manière consciente ou non. Eux ne tirent pas de bénéfices de cela de la part de la Russie, mais se reconnaissent dans cette propagande. Il y a un alignement idéologique entre le discours du Kremlin et leurs convictions profondes. Dans notre pays, des gens sont persuadés que les Arabes vont remplacer les Blancs, que l’homosexualité est un signe de la dégénérescence des sociétés occidentales etc. De fait, ils se retrouvent dans les narratifs du Kremlin, et peuvent sincèrement penser que Poutine est un rempart contre une prétendue décadence.

C’est grotesque, évidemment, mais jusqu’à preuve du contraire, être con n’est pas un délit dans ce pays.

Les agents d’influence, par contre, c’est autre chose. Il s’agit d’individus qui tirent bénéfice de la récitation de cette propagande. Les Russes vont essayer de recruter des politiciens, des journalistes, des avocats… Ceux dont la voix porte, et qui, en plus, ont l’avantage d’être un peu mieux protégés que le citoyen ordinaire, dans le sens où il est plus délicat pour un service de renseignement d’enquêter ouvertement sur ce type de profils. On se souvient de l’affaire Jean Clémentin, le journaliste du Canard enchaîné qui était en réalité un vrai agent d’influence payé par les Soviétiques.

 

La France est dans leur viseur

Outre la Russie, quelles sont les principales puissances qui mettent en œuvre des stratégies de désinformation en France ? Dans quels buts ? Ont-elles des manières communes de procéder ?

Les plus actifs en France en matière d’opérations d’influence sont les Russes et les Chinois. On pourrait ensuite citer l’Iran, la Turquie, l’Azerbaïdjan, l’Inde… Tous ont un agenda, des objectifs stratégiques qui leur sont propres. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont globalement tous les mêmes méthodes et surtout apprennent des erreurs des uns et des autres. Et c’est bien parce qu’ils apprennent que nous devons adapter et muscler notre réponse.

 

Une prise de conscience (très) récente

Dans son rapport publié le 2 novembre dernier, la délégation parlementaire au renseignement a souligné la « naïveté » et les « fragilités » de la France, notamment face aux ingérences chinoises et russes. À quoi a servi concrètement la dernière commission d’enquête parlementaire relative aux ingérences de puissances étrangères clôturée en juin 2023, soit quatre mois avant la publication du rapport de la délégation au renseignement ?

Cette commission a été l’occasion d’entendre différents services de l’État s’exprimer en détails sur ce sujet des opérations d’influence étrangères. Je me souviens notamment de l’audition de Nicolas Lerner, à l’époque directeur de la DGSI, et aujourd’hui passé chef de la DGSE, qui avait été particulièrement offensif contre les élus qui se rendaient dans le Donbass pour observer des processus électoraux fantoches. Il n’a pas hésité à déclarer qu’« accepter de servir de caution à un processus prétendument démocratique et transparent revient à franchir un cap en termes d’allégeance ».

On peut, bien sûr, regretter les ambitions cachées des parlementaires qui ont participé à cette commission. De son côté, le Rassemblement national voulait se blanchir de ses liens avec la Russie de Poutine, et d’autres voulaient profiter de cette occasion pour les enfoncer sur le même sujet. Mais bon. On ne va pas reprocher aux politiques de faire de la politique quand même !

À mon sens, cette commission a surtout été l’occasion d’imposer le sujet des opérations d’influence étrangères dans le débat public. En cela, elle a été très utile, et ce même travail s’est poursuivi avec le rapport de la DPR qui avait aussi pour sujet central ces opérations.

 

Être ou ne plus être une démocratie libérale

Comment les démocraties libérales peuvent-elles s’adapter à cette nouvelle menace sans tomber dans l’autoritarisme ?

La lutte contre les opérations d’influence a un point en commun avec la lutte contre le terrorisme. Dans les deux cas nous sommes face à un conflit asymétrique dans lequel les démocraties libérales sont contraintes dans leur réponse par des limites éthiques, morales et juridiques. Des limites que n’ont évidemment pas les dictatures qui mènent ces opérations d’influence.

En menant ces mesures actives, leur but est de détruire le modèle des démocraties libérales et de saper notre État de droit. Partant de ce principe, on ne protège pas l’État de droit en le sabordant nous-mêmes, et il faut veiller à ce qu’aucune ligne rouge ne soit franchie.

En réalité, le meilleur moyen de lutter efficacement contre ces opérations d’influence est au contraire de renforcer notre modèle démocratique. Cela passera par de grandes politiques publiques d’investissement pour renforcer les moyens de la Justice, de l’Éducation Nationale… Il faut aussi s’atteler sérieusement à répondre à la crise de défiance des citoyens envers l’État, les politiques et les médias.

Ce sera long, coûteux et difficile, mais ce n’est pas comme si nous avions le choix.

 

Les canards de l’infox 

Mercredi 24 janvier 2024 un avion russe s’est écrasé dans l’oblast de Belgorod, près de la frontière ukrainienne. Une semaine après le crash, le président russe Vladimir Poutine affirmait publiquement que ce dernier avait été abattu « à l’aide d’un système Patriot américain ». Dans la foulée et sans vérifications, cette version a été reprise par de très nombreux journaux français. Quelle est la responsabilité de la presse dans la diffusion d’intox ?

Sauf erreur de ma part, nous ne sommes toujours pas au courant des raisons de ce crash. Je garderai alors une certaine prudence sur ce point. Un autre exemple, peut-être plus adapté car nous avons plus de recul à son sujet, est celui des étoiles de David dans les rues de Paris. Les médias, surtout télévisuels, se sont jetés dessus et ont spéculé pendant des jours en y voyant une preuve de la montée de l’antisémitisme en France après les attaques terroristes du 7 octobre en Israël. Seul problème, nous avons appris dans les jours qui suivirent qu’il s’agissait en réalité d’une opération d’influence perpétrée par un couple de Moldaves avec un commanditaire de la même nationalité, connu pour ses positions très proches de la Russie.

Cet événement a pointé très directement les failles de notre système médiatique. L’immédiateté de l’information couplée à la course à l’audience sont de vrais fléaux. Cela pousse des gens pourtant compétents à commettre des erreurs qui viennent décrédibiliser par la suite ces mêmes médias auprès de leur audience, et en bout de chaîne cela vient encore accroître la défiance envers notre profession.

Si cette opération d’influence a particulièrement bien fonctionné, ce n’est pas parce que les Russes ont essayé d’amplifier l’histoire sur les réseaux sociaux avec des faux comptes, c’est parce que les médias se sont jetés dessus sans prendre de précautions.

 

La désinformation au stade industriel

La guerre hybride menée par la Russie pour déstabiliser les démocraties libérales et diffuser un discours anti-Occidental n’a pas commencé le 24 février 2022. Avez-vous cependant constaté un changement d’échelle, d’intensité, dans les tentatives d’ingérences « discrètes » à partir de février 2022 ?

Il est difficile de donner un chiffre ou une tendance sur des opérations qui sont par nature secrètes. On peut supposer sans prendre trop de risques de se tromper qu’il y a une hausse de ces opérations depuis le début de l’invasion de l’Ukraine du 24 février 2022 car il y a un enjeu stratégique pour Moscou à faire cesser le soutien des Occidentaux à Kyiv.

À titre personnel, je pense que l’on va voir dans un avenir proche une multiplication des opérations d’influence qui se reposent sur les outils numériques, car il est aujourd’hui bien plus facile de créer des discours ou des faux sites web grâce à l’intelligence artificielle générative. Créer un deepfake il y a quelques années pouvait prendre des semaines et nécessitait de solides compétences. Aujourd’hui, les outils d’IA permettent d’industrialiser ce type de productions, cela ne prend pas plus que quelques minutes, et il n’y a pas besoin de compétences particulières pour y arriver.

Vous souhaitez réagir à cet entretien ? Apporter une précision, un témoignage ? Écrivez-nous sur redaction@contrepoints.org

Pourquoi le débat sur le droit du sol devrait être étendu à l’ensemble du territoire

La fin du droit du sol à Mayotte, annoncée par le ministre de l’Intérieur est une réponse qui va dans la bonne direction. N’est-ce pas l’occasion de s’interroger sur le droit à la nationalité française ?

 

La fin du droit du sol à Mayotte

En arrivant sur l’île de Mayotte, dimanche 11 février 2024, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, a annoncé :

« Il ne sera plus possible de devenir Français si on n’est pas soi-même enfant de parent Français, nous couperons l’attractivité qu’il y a dans l’archipel mahorais […] Nous allons prendre une décision radicale, qui est l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle que choisira le président de la République ».

Ce n’est pas une surprise. Jeudi 1er février, en marge d’un évènement consacré aux Outre-mer, Gérald Darmanin avait affirmé « que le droit du sol et du sang » n’était « pas le même à Mayotte que sur le reste du territoire national », et qu’un changement constitutionnel pourrait « donner à Mayotte un sujet, de façon sécurisée, d’extraterritorialité » :

« C’est une mesure extrêmement forte, nette, radicale, qui évidemment sera circonscrite à l’archipel de Mayotte ».

Il a ajouté qu’il n’y « aura plus la possibilité d’être Français lorsqu’on vient à Mayotte de façon régulière ou irrégulière [et que] (les visas territorialisés) n’ont plus lieu d’être ».

Ces dispositifs empêchent les détenteurs d’un titre de séjour à Mayotte de venir dans l’Hexagone. Cette suppression est une des revendications des collectifs citoyens constitués pour protester contre l’insécurité et l’immigration incontrôlée.

Un projet de loi Mayotte sera étudié à l’Assemblée nationale « dans les semaines qui viennent ».

Depuis la loi asile et immigration de 2018, le droit du sol est déjà durci à Mayotte pour faire face à la très forte immigration clandestine en provenance des Comores voisines. Il est exigé pour les enfants nés à Mayotte qu’au jour de sa naissance, l’un de ses parents ait été présent de manière régulière sur le territoire national, et depuis plus de trois mois. Ailleurs en France, aucun délai de résidence n’est exigé.

 

Mais comment devient-on Français ?

La nationalité française peut être obtenue :

  • Par attribution, c’est-à-dire de façon automatique, dès la naissance ou au moment de la majorité.
  • Par acquisition, c’est-à-dire après le dépôt d’une demande évaluée par l’autorité publique.

 

Plusieurs conditions sont nécessaires à l’obtention de la nationalité (durée de résidence sur le sol français, preuves d’assimilation à la société française, etc.).

La nationalité française est attribuée à tout enfant né en France ou à l’étranger, dont au moins un des parents est Français. C’est ce que l’on appelle le « droit du sang ».

Le droit du sol permet à un enfant né en France de parents étrangers d’acquérir la nationalité française à sa majorité. Pour cela, plusieurs conditions doivent être respectées : résider en France à la date de ses 18 ans et avoir sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans. Avant sa majorité, il peut acquérir la nationalité sur demande de ses parents (entre 13 et 16 ans), ou sur demande personnelle (entre 16 et 18 ans), assortie des conditions de durée de résidence en France. Dans ce cas, c’est une acquisition de la nationalité par déclaration.

Si un parent étranger, mais né en France, a un enfant sur le sol français, celui-ci bénéficie du droit du sol et donc de la nationalité française à sa naissance. C’est le double droit du sol.

La naturalisation est un mode d’acquisition de la nationalité française qui se fait par décision de l’autorité publique (décret) et est accordée sous certaines conditions. Tout étranger majeur, résidant habituellement sur le sol français depuis au moins cinq ans, peut demander à être naturalisé. La décision est prise de façon discrétionnaire par l’administration qui peut refuser la naturalisation, même si les conditions sont réunies.

Depuis 2006, un étranger uni à un conjoint français depuis quatre ans et justifiant d’une communauté de vie affective et matérielle réelle peut réclamer la nationalité française par mariage.

 

Une annonce de bon sens qui ouvre le débat sur le droit du sol

Cette annonce soulève plusieurs questions : que faire pour lutter contre les fausses déclarations de paternité ? Pourquoi le gouvernement n’a pas également annoncé une restriction du droit du sol en Guyane, confrontée à un phénomène analogue, avec notamment une immigration importante en provenance du Suriname ? Pourquoi limiter le débat à ce département ? Pourquoi, quand les enfants nés en France de parents étrangers accèdent à la nationalité française à 13 ou 16 ans, ne vérifie-t-on pas qu’ils remplissent les conditions d’assimilation ?

Le droit français de la nationalité mériterait d’être revisité, notamment en généralisant la condition d’assimilation (et à renforcer pour les modes d’acquisition, à savoir la naturalisation et le mariage). Juridiquement possible, il ne paraît pas souhaitable de supprimer le droit du sol au risque de remettre en cause le contrat social entre la Nation et le ressortissant étranger.

La question de l’immigration et des droits est différente, beaucoup d’immigrés résident en France via un titre de séjour, et ils ne demandent pas la nationalité française. Les problèmes liés à l’immigration clandestine et le travail dissimulé nécessitent d’autres réponses. Il ne faut pas tout mélanger !

[Ukraine] Reportage exclusif sur l’affaire Ihor Hrynkevich, emblématique de la lutte anti-corruption de la présidence Zelensky

Alors que les campagnes de désinformation russes au sujet de l’Ukraine se multiplient, le gouvernement Zelensky intensifie sa lutte contre la corruption.

C’est l’un des points de propagande principaux du Kremlin pour démoraliser l’Occident d’envoyer de l’aide en Ukraine : le pays serait corrompu jusqu’à la moelle, et cette aide ne servirait qu’à engraisser certains dirigeants hauts-placés.

Ne faisons pas d’angélisme : la corruption (legs de l’URSS à tous les pays de la région) est présente en Ukraine, comme dans tout l’ex-bloc soviétique.

Cependant, le gouvernement de Volodymyr Zelensky a récemment prouvé qu’il faisait tout pour assainir son entourage. 

Dernier coup d’éclat en date : l’arrestation de l’homme d’affaires de Lviv Ihor Hrynkevych. Ce dernier a été pris dans un scandale de corruption incluant rien de moins que le ministère de la Défense, sur lequel les agents du SBU enquêtent discrètement, voire trop au goût de certains journalistes.

 

Du matériel défectueux

Le businessman est accusé d’avoir obtenu des contrats (au nombre de vingt-trois) avec le ministère de la Défense dont il n’a honoré qu’une partie, tout en étant payé pour la totalité. Pire encore, il aurait fourni pour ces commandes (des vêtements chauds destinés aux troupes cet hiver) des produits de mauvaise qualité, avant d’émarger encore plus, et de partager le gâteau avec ses commanditaires. Le préjudice pour l’armée se situe à plus d’un milliard et demi de hryvnias, soit près de 37 millions d’euros, auquel s’ajoute des retards dans la production et l’acheminement du matériel vers le front.

Apprenant qu’il était sous le coup d’une enquête, Ihor Hrynkevych aurait proposé un pot-de-vin de 500 000 dollars (près de vingt millions de hryvnias) pour étouffer l’affaire.

Une enquête, débutée après la saisie par les douanes ukrainiennes de vêtements destinés aux soldats et Trade Lines Retail LLC, Construction Company Citygrad LLC, et Construction Alliance Montazhproekt LLC, a déterminé qu’aucune de ces entreprises n’avaient les capacités de production, d’entrepôt pour répondre aux contrats du ministère. Sur les 23,6 n’ont pas été remplis, et 7 autres ne l’ont été qu’en partie. Huit autres ont été réglés sur des délais d’entre trois et cinq mois. Rien n’était aux normes.

D’après divers médias ukrainiens, Ihor Hrynkevych se serait ensuite procuré le numéro de téléphone personnel d’un chef-adjoint du SBU et l’aurait contacté sur Signal, expliquant avoir eu son numéro par « des amis communs », demandant une entrevue.

Rendez-vous est pris dans une station service de Kyiv, où Ihor Hrynkevych lui aurait demandé de l’aide pour récupérer les biens saisis par les douanes.

Pas fou, l’enquêteur aurait alors fait un rapport sur leur entrevue. Cependant, n’étant pas du genre à abandonner, le jour de Noël, l’homme d’affaires lui enverra « Le Christ est né, quand nous verrons-nous à nouveau ? », avant d’appeler. Ces tentatives resteront lettre morte. Finalement, un nouveau rendez-vous sera pris, toujours à cette station service, où Ihor Hrynkevych proposera cette fois-ci les 500 000 dollars de pot-de-vin, qu’il lui donnera le 29 décembre, provoquant son arrestation immédiate.

Jugé en pré-comparution, il sera envoyé en détention par le tribunal du district de Pechersk, à Kyiv, en attendant son procès.

Son fils, Roman Hrynkevych (titulaire d’une médaille présidentielle), était alors recherché, avant d’être arrêté à Odessa. Il a été placé en détention jusqu’au 17 mars dernier, suspecté avec cinq autres personnes d’avoir participé au complot de son père. Il nie avoir tenté de traverser la frontière avec la Moldavie, mais s’être trouvé à Odessa « pour affaires », selon des vidéos de son interrogatoire publiées sur des canaux Telegram. Le chef de l’un des départements du commandement des forces de soutien des forces armées ukrainiennes et le directeur d’un fournisseur ont été arrêtés en flagrant délit et placés en détention provisoire.

L’ancien vice-ministre de la Défense est notamment accusé d’avoir fait pression pour la conclusion de contrats pour la fourniture de biens matériels à prix gonflés, des commandes d’équipement de protections individuelles de qualité insuffisante avec un paiement anticipé de 100 %.

Pour l’heure, les actuels responsables des signatures d’appels d’offres effectués avec la famille Hrynkevych ne sont pas encore connus.

Services de sécurité de l’Ukraine SBU

Une famille d’oligarques

Intéressante famille que les Hrynkevych. La femme d’Ihor, Svitlana Hrynkevych, est la co-fondatrice de l’organisation caritative Hope.UA. Ancienne professeure à l’université polytechnique de Lviv, elle participe aussi aux affaires du clan. Elle et sa fille sont les co-fondatrices de Trade Lines Retail LLC, une des entreprises accusées de n’avoir pas rempli les contrats passés avec le ministère de la Défense. Elle est aussi propriétaire terrien : rien qu’en 2023, elle a fait l’acquisition de deux appartements dans le quartier de Pechersk, à Kyiv, pour une valeur totale de 35 millions de hryvnias, soit près de un million d’euros, ainsi que du motel Kateryna, situé près du stade Arena-Lviv, et d’un hectare et demi de terrain dans l’Oblast de Lviv.

Son fils Roman est l’autre fondateur de Hope.UA, et récipiendaire du prix du Cœur d’Or, remis par le président Zelensky. Il a aussi été mouillé dans plusieurs affaires louches, son entreprise, Construction Alliance Montazhproekt LLC, ayant elle aussi été accusée de s’être procurée des contrats de défense de façon malhonnête. 

Elle a en effet commencé à recevoir des contrats de construction dans l’Oblast de Jytomyr, où il se présentera aux élections locales en 2020. 

Cette entreprise est aussi accusée d’avoir détourné des fonds publics dans la construction d’un « centre pour la sécurité citoyenne », pour un contrat de 35 millions de hryvnias, soit une fois et demi les coûts estimés, selon les journalistes de Nashi Groshi. 

Lui aussi propriétaire terrien, Roman Hrynkevych s’est offert en 2023 une maison dans le cossu village de Kozyn, dans l’Oblast de Kyiv, pour la coquette somme de 50 millions de hryvnias (plus d’un million deux cent mille euros), ainsi que, le même jour, de quatre terrains dans ledit village.

D’après l’enquête du SBU, la famille Hrynkevych posséderait en tout dix-sept appartements et maisons, sept propriétés non-résidentielles, et dix-huit terrains.

« J’ai demandé de présenter les développements nécessaires pour que toutes les difficultés entre les représentants du gouvernement, les entreprises et les forces de l’ordre soient éliminées », a pour sa part déclaré le président, Volodymyr Zelensky.

De son côté, le directeur du SBU affirme que « l’enquête n’est pas terminée ». 

Ihor Hrynkevych risque entre 4 et 8 années d’emprisonnement au titre de l’article 369, partie 3, du Code pénal ukrainien. Les biens de sa famille ont été saisis, et tous les contrats d’entreprises qui lui sont affiliés ont été résiliés par le gouvernement, excepté un, pour l’acheminement de nourriture aux militaires des Oblasts de Kherson et Mykolaiv. 

 

La lutte continue

Mais cette affaire, aussi emblématique soit-elle, n’est pas la seule ! Rien que cette semaine, le SBU a opéré une fouille auprès des responsables du ministère de la Défense et des dirigeants de l’arsenal de Lviv, soupçonnés d’avoir détourné près de un milliard et demi de hryvnias destinés à l’achat d’obus. Parmi les personnes impliquées Olekansdr Liev, on retrouve notamment l’ancien chef du département de politique militaro-technique de développement d’armes et d’équipements militaires du ministère de la Défense, mais aussi l’actuel chef de ce département, Toomas Nakhur, ainsi que Yuriy Zbitnev, chef de l’arsenal de Lviv.

Toujours cette semaine, la NAKC (la brigade anti-corruption), a découvert que le chef du département anti-drogue de Kyiv disposait d’actifs non-prouvés d’une valeur de près de 3,9 millions de hryvnias (près de 100 000 euros).

Cependant, chez les journalistes ukrainiens, la même question revient toujours : par qui seront-ils remplacés ?

Si Kyiv envoie des signaux forts, il ne reste plus qu’à espérer que cette lutte soit suivie d’effets.

Source : Державне бюро розслідувань (Services de renseignements ukrainiens)

En 2024, supprimons les droits de succession !

Les droits de succession sont assez généralement considérés comme justifiés, et on en donne en particulier une justification prétendue morale. En effet, on considère qu’il n’est pas juste que certaines personnes puissent hériter d’un capital plus élevé que d’autres sans avoir fait les efforts nécessaires pour cela et sans le mériter.

On évoque souvent de ce point de vue l’idée selon laquelle il faut assurer « l’égalité des chances » entre tous les citoyens. Mais il faut estimer ce point de vue comme étant totalement injustifié, et c’est précisément pour des raisons éthiques que je critique l’existence des droits de succession.

En effet, lorsqu’on parle d’éthique il est essentiel de faire une distinction fondamentale entre « éthique universelle » et « éthique personnelle ». L’éthique universelle implique de définir des droits qui soient cohérents entre eux pour tous les individus du monde.

 

Une question d’éthique

Ces droits sont les droits des individus sur leur propre personne et sur leurs propriétés légitimes. Par ailleurs, chaque individu peut avoir des préférences personnelles, par exemple en ce qui concerne des décisions d’ordre généreux ou égoïste à l’égard de telle ou telle autre personne ou catégorie de personnes. Mais ces préférences personnelles sont nécessairement diversifiées et ne peuvent pas donner lieu à la constitution d’une société cohérente.

Et tel est le cas de l’égalité des chances, et de manière plus générale de tous les arguments en faveur de politiques de redistribution, celles-ci impliquant nécessairement de ne pas respecter les droits de propriété légitimes relevant de l’éthique universelle.

C’est par respect pour l’éthique universelle qu’il convient de s’opposer aux droits de succession.

En effet, ce qui est en cause, ce ne sont pas les droits personnels des héritiers, définis de manière arbitraire (on décide de manière discrétionnaire de prélever une part plus ou moins importante du capital reçu par les héritiers), mais ce sont les droits des légataires.

Si un individu est le propriétaire légitime d’un capital qu’il a accumulé pendant sa vie, il est profondément immoral de considérer qu’on ne doit pas respecter ses droits du fait de son décès.

En effet, il a fait l’effort d’épargner des ressources – c’est-à-dire de renoncer aux satisfactions apportées par la consommation – afin d’accumuler ce capital, par exemple précisément pour pouvoir le léguer à ses enfants ou à une organisation charitable ou culturelle.

 

Les droits de succession : une atteinte au droit de propriété

Au nom de quoi peut-on mépriser ces efforts et porter atteinte aux droits de propriété de celui qui décède ? L’une des remarquables spécificités des êtres humains vient précisément du fait qu’ils sont capables de se projeter au-delà de leur vie.

Comparons les activités de deux individus disposant des mêmes ressources tout au long de leur vie : l’un d’entre eux épargne, pas l’autre. Pourquoi serait-il juste de punir celui qui a fait l’effort d’épargner une partie de ses ressources, et pas l’autre ?

Si l’existence de droits de succession doit être critiquée pour des raisons éthiques, il est vrai par ailleurs qu’elle doit être aussi critiquée pour des raisons utilitaires. Par conséquent, si on respecte l’éthique universelle il en résulte des situations satisfaisantes.

Ainsi l’incitation à accumuler du capital profite à tout le monde puisque cela permet, par exemple, d’améliorer la productivité des salariés d’une entreprise et donc le montant de leurs salaires. On pourrait considérer cela comme une justification suffisante pour ne pas imposer de droits de succession.

 

Le capital est surtaxé en France

De ce point de vue, il convient de souligner qu’en particulier dans le cas de la France, le capital est surtaxé, car il existe différents impôts prélevés sur sa valeur, sur ses revenus ou sur sa transmission, et l’on peut même démontrer que l’impôt sur le revenu constitue une atteinte à l’accumulation du capital. Or, il est important d’évoquer le fait que la croissance économique implique l’accumulation de capitaux.

En taxant le capital – par exemple par les droits de succession – on diminue l’incitation des individus à accumuler du capital, et c’est toute l’économie d’un pays qui en est ainsi affectée en subissant une croissance moindre que celle qui serait sinon possible.

C’est donc pour des raisons pratiques aussi bien que morales qu’il convient de supprimer les droits de succession.

Pourquoi la gauche caviar universitaire américiane tolère les appels au génocide d’Israël

Par P.-E. Ford

Jusqu’à présent, la cancel culture au pouvoir à Harvard, Stanford, Yale et consoeurs, ne suscitait guère d’émotion dans les rangs du Parti démocrate, ni dans la presse qui lui est si dévouée. Tout a changé le 5 décembre, grâce aux auditions publiques de la Commission sur l’éducation et la population active de la Chambre des représentants, présidée par la républicaine Virginia Foxx, de Caroline du nord. Ce jour là, la présidente de Harvard, Claudine Gay, son homologue de University of Pennsylvania, Liz Magill, ainsi que la présidente du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Pamela Nadell, ont chacune honteusement soutenu que « manifester sur le campus pour exiger le génocide des juifs » n’était pas en soi une forme de harcèlement inacceptable et passible de sanctions. « Tout dépend du contexte et du passage à l’acte, ou non, des auteurs de ces mots » ont précisé ces fières et éminentes incarnations de l’idéologie woke.

 

Sur les campus américains, la peur et l’humiliation subie par des milliers d’étudiants juifs ne pèsent pas lourd

Dans ces nobles institutions, si l’on qualifie quelqu’un de « gros » même dans un contexte affectueux,  on se fait rapidement sanctionner pour harcèlement et stigmatisation odieuse. Si l’on appelle « monsieur » une jeune personne qui était de sexe masculin mais qui est en train d’achever sa transition vers le genre féminin, on est également passible de sérieuses réprimandes. Pour ne pas marginaliser ou offenser les transgenres et les non-genrés, les toilettes pour hommes et les toilettes pour femmes ont été abolies dans plus de 420 universités américaines. Elles sont remplacées par des lieux dits « de genre inclusif ». En revanche il est acceptable, tant que l’on ne tue personne, de manifester pour éliminer tous les juifs d’Israël et faire disparaître leur État.

La priorité de l’enseignement porte sur le combat de la colonisation, crime dont Israël est déclaré coupable aujourd’hui. Pour la gauche woke qui détient le pouvoir dans les universités, c’est ce même crime qui a été commis par les Européens lorsqu’ils ont débarqué en Amérique. Et le crime colonial continue, puisque des Blancs dominent toujours économiquement les États-Unis, par le racisme et la violence policière.

Parce qu’ils sont « progressistes », de gauche, drapés dans des drapeaux palestiniens, les étudiants fanatisés ont le droit d’arracher les affiches des otages juifs du Hamas, de nier la torture infligée par ces terroristes, notamment à des enfants et des vieillards. Leurs manifestations fleuves accusent aussi Israël d’être responsable des massacres du 7 octobre, car c’est « l’oppression par les Juifs qui pousse les Palestiniens à des actes légitimes de résistance ».  Tout cela sous le regard tolérant de l’extrême gauche caviar qui gère ces institutions selon une échelle de valeurs prétendument « inclusive ».

Encore plus ahurissant, les trois présidentes se sont vu offrir par la représentante républicaine de New York, diplômée de Harvard, Elise Stefanik, en direct et à plusieurs reprises, la possibilité de dire « non, ces appels au génocide ne sont pas – par définition –  acceptables ». Et à chaque fois, elles ont refusé de le faire. Ce n’est que le lendemain, constatant le tollé suscité par leurs scandaleuses affirmations, qu’elles ont cherché à corriger le tir. Il aura fallu que la Maison-Blanche, le gouverneur de la Pennsylvanie et de riches donateurs privés à ces universités, notamment des banquiers et investisseurs de Wall Street, s’alarment, pour qu’elles fassent leur mea culpa.

On sent bien hélas que leur revirement est davantage lié à leur effort désespéré pour ne pas être démises de leurs fonctions par le conseil d’administration, qu’à leur découverte soudaine de la monstruosité de leurs affirmations. Claudine Gay, avec la froideur et l’arrogance tranquille qu’on lui connaît, s’était déjà illustrée au lendemain du 7 octobre, en laissant un vaste mouvement pro-Hamas submerger le campus de Harvard. « Le silence de la direction de Harvard, jusqu’à présent, associé au communiqué largement publié de groupes d’étudiants accusant Israël d’être l’unique responsable, a permis à Harvard de paraître, au mieux, neutre face aux actes de terreur contre l’État juif d’Israël »  déplorait ainsi Larry Summers, lui-même ancien président de l’université et ancien conseiller de Barack Obama.

 

Ce terrorisme intellectuel est encouragé par les professeurs et par la direction de ces universités, au nom du « progressisme »

Rien de tout cela ne peut être compris si l’on ne replace pas les événements dans le contexte de domination de l’extrême gauche caviar qui affecte les universités américaines. Voilà des années que les penseurs, auteurs, éditorialistes libéraux, conservateurs, républicains, pro-capitalistes, adversaires du wokisme, y sont de fait interdits d’expression.

Des comités progressistes d’étudiants leur bloquent les portes des salles de conférence, hurlent des slogans pour noyer leurs propos et perturbent systématiquement leurs interventions. Ce terrorisme intellectuel est encouragé par les professeurs et par la direction de ces universités, au nom du « progressisme ». L’inclusion censée y être pratiquée ne s’applique en fait qu’à la gauche. Et de préférence à la gauche de la gauche. La censure effective de toute opinion en opposition à la pensée unique écolo-progresso-transgenre et prétendument antiraciste, est devenue la norme. Seuls quelques obscurs réactionnaires, comme les élus républicains (pas tous trumpistes) et le Wall Street Journal, dénoncent la situation depuis des années. Leurs cris d’alarme ne sont cependant pas relayés par les journalistes de la presse dite mainstream, pour la plupart idéologiquement formés – et formatés – dans ces universités. Assis sur des dizaines de milliards de dollars de dotations privées, confortés dans leurs certitudes par la facilité avec laquelle ils obtiennent, de parents bien intentionnés, en moyenne 80 000 dollars par an de droits de scolarité, les mandarins de l’Ivy League se sont crus intouchables.

Depuis le 5 décembre, tout change. Les masques tombent. Les langues se libèrent. Bill Ackman, Ross Stevens, Marc Rowan, Jon Huntsman Jr. et d’autres financiers de premier plan, anciens élèves de ces fleurons universitaires, exigent la démission des trois présidentes qui se sont ridiculisées au Congrès par leur fanatisme anticolonial, sous couvert de « préserver la libre expression sur notre campus ». Leurs donations, et celles de tant d’autres anciens diplômés écœurés, sont désormais suspendues, voire retirées. « La profonde faillite morale », des présidentes de Harvard, MIT et U. Penn, comme le résume Bill Ackman, est enfin dénoncée.

Sur le web.

Données personnelles : comment nous avons peu à peu accepté d’en perdre le contrôle

L’auteur : Yoann Nabat est enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Bordeaux

Dans quelle mesure les différentes générations sont-elles plus ou moins sensibles à la notion de surveillance ? Un regard sur les personnes nées au tournant des années 1980 et 1990 montre que ces dernières abandonnent probablement plus facilement une part de contrôle sur les données personnelles, et n’ont sans doute pas eu totalement conscience de leur grande valeur.

Peut-être qu’à l’approche des Jeux olympiques de Paris, avez-vous vaguement protesté lors de la mise en place d’un fichier vidéo algorithmique ? Et puis avez-vous haussé les épaules : un fichier de plus. Peut-être par résignation ou par habitude ? Comme d’autres, vous avez peut-être aussi renseigné sans trop vous poser de questions votre profil MySpace ou donné votre « ASV » (âge, sexe, ville) sur les chats Caramail au tournant des années 1990-2000, et encore aujourd’hui vous cliquez quotidiennement sur « valider les CGU » (conditions générales d’utilisation) sans les lire ou sur « accepter les cookies » sans savoir précisément ce que c’est.

En effet, peut-être faites-vous partie de ce nombre important d’individus nés entre 1979 et 1994 et avez-vous saisi au vol le développement de l’informatique et des nouvelles technologies. Et ce, sans forcément vous attarder sur ce que cela impliquait sur le plan de la surveillance des données que vous avez accepté de partager avec le reste du monde…

 

World Wide Web

Pour se convaincre de l’existence de cette habitude rapidement acquise, il suffit d’avoir en tête les grandes dates de l’histoire récente de l’informatique et d’Internet : Apple met en 1983 sur le marché le premier ordinateur utilisant une souris et une interface graphique, c’est le Lisa.

Puis le World Wide Web est inventé par Tim Berners-Lee en 1989, 36 millions d’ordinateurs sont connectés à Internet en 1996, Google est fondé en 1998 et Facebook est lancé en 2004. L’accélération exponentielle, d’abord des machines elles-mêmes, puis des réseaux, et enfin du partage de données et de la mobilité a suivi de très près les millennials.

La génération précédente, plus âgée, a parfois moins l’habitude de ces outils ou s’est battue contre certaines dérives initiales, notamment sécuritaires. La suivante, qui a été plongée immédiatement dans un monde déjà régi par l’omniprésence d’Internet et des réseaux, en connaît plus spontanément les risques (même si elle n’est pas nécessairement plus prudente).

Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ?

Notre nouvelle série « Le monde qui vient » explore les aspirations et les interrogations de ceux que l’on appelle parfois les millennials. Cette génération, devenue adulte au tournant du XXIe siècle, compose avec un monde surconnecté, plus mobile, plus fluide mais aussi plus instable.

 

Un certain optimisme face à l’informatique

Probablement du fait de ce contexte, la génération née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990 est aussi celle qui est la plus optimiste face au développement des technologies.

Cet état de fait apparaît d’autant plus clairement que la « génération Z », plus jeune, est marquée généralement par une plus grande apathie, voire un certain pessimisme, notamment quant au devenir des données personnelles.

En effet, aujourd’hui, les plus jeunes, déjà très habitués à l’usage permanent des réseaux sociaux et aux surveillances de toute part, se trouvent très conscients de ses enjeux mais font montre d’une forme de résignation. Celle-ci se traduit notamment par le « privacy paradox » mis en lumière par certains sociologues et qui se traduit par une tendance paradoxale à se réclamer d’une défense de la vie privée tout en exposant très largement celle-ci volontairement par l’utilisation des réseaux sociaux.

A contrario, cette confiance en la technologie se manifeste spécialement par une forme de techno-optimisme, y compris lorsqu’il s’agit de l’usage de données personnelles. Cet état d’esprit se traduit dans de nombreux domaines : lorsqu’il s’agit de l’usage des données de santé, par exemple, ou plus généralement quant à l’utilisation des technologies pour régler des problèmes sociaux ou humains comme le réchauffement climatique.

 

La priorisation de valeurs différentes

Cet optimisme est aussi visible lorsqu’il s’agit d’évoquer les fichiers policiers ou administratifs.

S’il n’existe pas de données précises sur l’acceptation des bases de données sécuritaires par chaque tranche d’âge, il n’en demeure pas moins que la génération des 30-45 ans n’est plus celle de l’affaire Safari dont l’éclatement, après la révélation d’un projet de méga-fichier par le ministère de l’Intérieur, a permis la naissance de la CNIL.

Au contraire, cette génération a été marquée par des événements clés tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou la crise économique de 2009.

 

La CNIL fête ses 40 ans

D’après les études d’opinion récentes, ces événements, et plus généralement le climat dans lequel cette génération a grandi et vit aujourd’hui, la conduisent à être plus sensible aux questions de sécurité que d’autres. Elle entretient ainsi un rapport différent à la sécurité, moins encline à subir des contrôles d’identité répétés (qui sont bien plus fréquents chez les plus jeunes), mais plus inquiète pour l’avenir et plus sensible aux arguments sécuritaires.

Cet état d’esprit favorise en conséquence une encore plus grande acceptation des fichiers et des dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité, par exemple à l’occasion de l’organisation des futurs Jeux olympiques et paralympiques en France, ou rendus utiles pour permettre la gestion d’une pandémie comme celle du Covid-19.

 

De l’acceptation à l’accoutumance

Les deux phénomènes – optimisme face au développement des technologies et sensibilité à la question sécuritaire – sont d’autant plus inextricables qu’il existe un lien important entre usages individuels et commerciaux des technologies d’une part, et usages technosécuritaires d’autre part. En effet, les expériences en apparence inoffensives de l’utilisation récréative ou domestique des technologies de surveillance (caméras de surveillance, objets connectés, etc.) favorisent l’acceptabilité voire l’accoutumance à ces outils qui renforcent le sentiment de confort tant personnel que sécuritaire.

La génération actuelle des trentenaires et quadra, très habituée au développement des technologies dans tous les cadres (individuels, familiaux, professionnels, collectifs, etc.) et encore très empreinte du techno-optimisme de l’explosion des possibilités offertes par ces outils depuis les années 1990 est ainsi plus encline encore que d’autres à accepter leur présence dans un contexte de surveillance de masse.

Cet état d’esprit favorise en conséquence une encore plus grande acceptation des fichiers et aux dispositifs de sécurité qui sont perçus comme des outils nécessaires à l’adaptation aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité.

La pénétration très importante de ces dispositifs dans notre quotidien est telle que le recours aux technologies même les plus débattues comme l’intelligence artificielle peut sembler à certains comme le cours normal du progrès technique. Comme pour toutes les autres générations, l’habituation est d’autant plus importante que l’effet cliquet conduit à ne jamais – ou presque – remettre en cause des dispositifs adoptés.

 

L’existence de facteurs explicatifs

Partant, la génération des 30-45 ans, sans doute bien davantage que celle qui la précède (encore marquée par certains excès ou trop peu familiarisée à ces questions) que celle qui la suit (davantage pessimiste) développe une forte acceptabilité des dispositifs de surveillance de tous horizons. En cela, elle abandonne aussi probablement une part de contrôle sur les données personnelles dont beaucoup n’ont sans doute pas totalement conscience de la grande valeur.

Au contraire, les réglementations (à l’image du Règlement général sur la protection des données adopté en 2016 et appliqué en 2018) tentant de limiter ces phénomènes sont parfois perçues comme une source d’agacement au quotidien voire comme un frein à l’innovation.

Sur le plan sécuritaire, l’acceptabilité de ces fichages, perçus comme nécessaires pour assurer la sécurité et la gestion efficace de la société, pose la question de la confiance accordée aux institutions. Or, là encore, il semble que la génération étudiée soit moins à même de présenter une défiance importante envers la sphère politique comme le fait la plus jeune génération.

Demeurent très probablement encore d’autres facteurs explicatifs qu’il reste à explorer au regard d’une génération dont l’état d’esprit relativement aux données personnelles est d’autant plus essentiel que cette génération est en partie celle qui construit le droit applicable aujourd’hui et demain en ces matières.

Vous pouvez retrouver cet article ici.

Déclaration de biens immobiliers et embrouilles fiscales : amateurisme ou filouterie ?

Année après année, mesure après mesure, étape par étape, technologie après technologie, le fisc augmente son pouvoir, sa surface de jeu, et son « efficacité » de collecte pour l’État, toujours en manque d’argent.

 

Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

Souvenons-nous du prélèvement automatique des impôts sur le revenu, une mission dont l’ambitieux Gérald Darmannin s’est brillamment acquitté, confortant ainsi l’État dans son assurance d’être payé, dans le coût de sa collecte (maintenant déléguée aux employeurs qu’il ne rémunère pas pour cela), dans la gestion de son cash-flow (maintenant plus rapide de plusieurs mois par rapport à avant). Qui plus est, il a eu le mérite, pour les tenants du pouvoir, de faire passer cela pour un bénéfice pour le contribuable : c’est un souci de moins. Enfin, pour les prêteurs à l’État, qui lui font notamment confiance grâce à la capacité supposée de ponctionner l’argent du peuple, par un coup de force si besoin le jour venu (attention, assurance vie sans doute dans le viseur), il a magistralement montré qu’en effet, l’État savait plumer un peu plus l’oie contribuable sans qu’elle crie.

Et pourtant, malgré l’argument selon lequel cela se fait déjà ailleurs, on peut avoir une opinion radicalement différente de celle des pouvoirs en place et de ceux qui lui prêtent de l’argent à gaspiller ; on peut voir dans cette affaire une privation supplémentaire de liberté, et une mise en danger du citoyen, contraire à l’esprit de la démocratie (le gouvernement du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple).

En effet, avec un prélèvement automatique, on enlève au citoyen l’occasion de calculer avec attention ce qu’il doit, on dote le pouvoir d’un accès permanent et incontrôlable au cash flow individuel (ouvrant ainsi une brèche universelle, une pompe permanente et continue d’accès aux salaires, pour y prélever une somme arbitraire par loi ou décret si besoin un jour), on anesthésie le citoyen dans son énergie de vigilance et contestation.

Par expérience des pratiques de facturation et prélèvement des diverses administrations, je suis plutôt de l’avis des méfiants. Vous verrez plus en détail pourquoi dans ma dernière mésaventure.

 

Un espion dans mon jardin

Autre exemple de prouesse du fisc : l’emploi de l’intelligence artificielle pour trouver des biens à taxer qui lui auraient échappé.

Un cas a fait couler pas mal d’encre ces derniers mois : la détection de piscines par traitement d’images, à partir des photos satellite. Une piscine de plus de 10 m2 est en effet taxable, au titre de la taxe foncière (celle qui subsiste et explose). Et le montant de la taxe se calcule comme la valeur nominale (250 euros/m2 en 2023), multipliée par la surface, multipliée par un taux communal – 4 % en moyenne entre 1 % et 5 %), et un taux départemental -1,5 % en moyenne (quand la soupe est bonne, tout le monde y vient ; la région devrait sans doute suivre un jour – il n’y a pas de raison). Soit, pour 20 m2, 275 euros par an.

Or, avec le traitement par intelligence artificielle, les services fiscaux reportaient mi 2022 la détection de 20 000 piscines non déclarées dans neuf départements, pour un montant de plus de 10 millions d’euros de taxes, et annonçaient que le dispositif allait être généralisé.

Il l’a été en effet, avec des effets retard remarqués pour la Corse et l’Outre-mer, territoires dont on a pu se demander s’ils bénéficiaient d’une faveur pour une raison inavouable, ou juste, comme l’a prétendu le gouvernement, d’un délai à obtenir les photos nécessaires… Par contre, pas un mot sur les éventuels constats de piscines déclarées dans le passé et ayant disparu, converties par leurs propriétaires à d’autres usages. Un phénomène rare peut-être, mais pas inexistant, puisque je connais un citoyen qui a couvert en dur sa piscine pour en faire une terrasse. Il n’a jamais été informé par le fisc qu’il ne devait plus rien, et qu’il serait même remboursé pour les années passées (trois ans rétroactifs, me semble-t-il).

Le fisc aurait-il cette vertu spontanée, ou attendrait-il que le contribuable s’en aperçoive enfin de lui-même ? Quand on est ministre des Finances ou dirigeant des services fiscaux, la réponse à cette question révèle une considération particulière du rapport entre le pouvoir et le peuple, et de qui doit être au service honnête de l’autre. On attend de savoir, peut-être un jour.

En attendant, un incident récent laisse à soupçonner que peut-être, hélas…

 

La chasse aux biens immobiliers

Tous les contribuables ont en effet vu récemment que leur patrimoine immobilier faisait soudain l’objet d’une attention redoublée et très détaillée.

À l’origine de ce nouveau coup de zoom, sans doute le désarroi d’un État affolé par la montée du coût de la dette et son incapacité à maîtriser les vraies dépenses (pas cellles, ironiquement classées ainsi par les calculateurs de Bercy, des remises d’impôts/ niches fiscales, mais les vrais coûts des actions des gouvernants, toutes ces politiques jamais ou mal évaluées, où se sont engouffrés des milliards sans résultat) et l’effet de l’intenable promesse démagogique d’Emmanuel Macron de la suppression de la taxe d’habitation, promesse dont l’effet boomerang continue d’engendrer des pompages dérivatifs dans d’autres poches du budget, des usines à gaz de calculs compensatoires, et une explosion de la taxe foncière, dernière ressource autonome significative des communes.

De fait, comme pour les piscines, un des premiers usages de ce recensement de la population immobilière est la chasse aux biens qui pourraient « bénéficier » d’une taxe d’habitation perdue lors de la prise de pouvoir par En Marche.

Et, à ce titre, un citoyen que je connais a eu la surprise de recevoir cette année, pour la première fois depuis des années, un avis de taxe d’habitation de près de 1000 euros pour un bâtiment situé à la même adresse que sa résidence principale, une ancienne maison de gardien reconvertie en gîte rural, pour lequel il est loueur professionnel, et paye à ce titre des impôts sur les sociétés comme la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises). Or :

  • On ne saurait être à la fois imposé comme une entreprise (CFE) et comme un particulier (taxe d’habitation) pour le même bien.
  • Le fisc est toujours le premier bénéficiaire de toutes les avancées techniques possibles pour améliorer le service public. En particulier, il paraît certain que toutes ses bases de données sont connectées entre elles, et qu’un bien donné avec une adresse connue doit pouvoir sans problème être détecté comme déjà soumis à la CFE.

 

Aussi cette taxe d’habitation d’un bien, connu comme soumis à la CFE, pose clairement question.

Ce citoyen taxé, plus éveillé et moins docile sans doute que beaucoup d’entre nous, a soulevé la question auprès des services fiscaux qui ont reconnu une erreur, et l’ont invité à faire une demande d’annulation. On se demande bien comment, avec tous les moyens dont il dispose, le fisc a pu commettre cette erreur. Oubli involontaire de contrôle dans les bases de données disponibles (une erreur de débutant en science des données) ou oubli volontaire/conscient pour aller à la pêche ?

 

Les erreurs des citoyens/entrepreneurs dans leurs déclarations au fisc, URSSAF ou autres sont en général surtaxées de 10 %, sauf (depuis peu) en cas d’erreur de bonne foi (dont l’appréciation revient au collecteur).

Alors on pourrait aussi attendre que l’agent du fisc qui reconnaît l’erreur fasse lui-même les démarches de demande d’annulation/rectification, et que le fisc soit pénalisé d’une amende de 10 % du montant demandé, sauf si le citoyen considère qu’il s’agit d’une erreur de bonne foi (ce qui en l’occurrence paraît soit incertain, soit inacceptable compte tenu des accès aux données dont le fisc dispose).

 

Alors, nos services fiscaux, amateurs ou filous ? Monsieur le ministre, exprimez-vous et convainquez-nous. En attendant, citoyens, contribuables, à vous de juger.

Espagne : Pedro Sanchez liquide l’État de droit

« L’amnistie serait inconstitutionnelle, et ce faisant illégale », Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol, 21 juillet 2023 (deux jours avant les élections législatives).

« Contrairement à l’amnistie, qui est clairement inconstitutionnelle, la grâce n’efface pas l’existence du crime commis », Juan Carlos Campo, ministre de la Justice, juin 2021.

« L’amnistie n’est pas reconnue par notre ordre juridique. Toutes les revendications formalisées doivent être compatibles avec la Constitution et la loi », Fernando Grande Marlaska, ministre de l’Intérieur, novembre 2019.

 

Le 16 novembre 2023, le Congrès des députés a investi Pedro Sanchez pour un mandat de quatre années supplémentaires, malgré la défaite socialiste aux élections du 23 juillet. Afin d’attirer les 7 voix des nationalistes catalans de Junts per Catalunya qui lui manquaient pour atteindre la majorité absolue, le socialiste a dû consentir à amnistier les participants aux tentatives de sédition en Catalogne.

 

Un accord qui liquide l’État de droit

Le 9 novembre, l’émissaire socialiste chargé des négociations à Bruxelles avec Carles Puigdemont annonçait que les socialistes et Junts per Catalunya étaient parvenus à un accord scellant l’investiture de Pedro Sanchez.

Cet accord s’est révélé pire que pressenti. Tout d’abord, les condamnés pour des crimes et délits commis au nom de l’indépendantisme catalan entre 2012 et 2023 seront amnistiés. Cela affecterait ainsi près de 400 personnes coupables de crimes et délits variés : sédition, détournement de fonds publics, usurpation de fonctions, etc. Auparavant reconnue comme illégale et inconstitutionnelle par les socialistes, l’amnistie balaie d’un revers de main l’État de droit, brise l’égalité des citoyens face à la justice, met fin au caractère impératif de la loi et désavoue l’action de la justice espagnole.

Les socialistes ont également consenti aux régionalistes catalans l’effacement de 20 % de la dette de la Communauté autonome de Catalogne : 15 000 millions d’euros seront payés par le reste des Communautés autonomes pour financer la désastreuse gestion fiscale des nationalistes.

L’accord prévoit également la supervision du dialogue avec la formation de Carles Puigdemont par un « vérificateur international », qui surveillera la bonne tenue des engagements socialistes. Ainsi, les négociations politiques centrales pour le futur de l’Espagne se dérouleront en dehors du Parlement espagnol, siège de la souveraineté nationale, au profit de réunions informelles en Suisse. Il y a une semaine, on a appris que ce « vérificateur international » serait Francisco Galindo Vélez. Ce responsable politique de la gauche salvadorienne est actuellement en fuite après avoir été condamné à 14 ans de prison par la justice de son pays pour avoir mené des négociations politiques avec les maras, gangs armés coupables de plus de 5000 assassinats en Amérique centrale.

C’est la Fondation Henry Dunant, grassement financée par l’Open Society de Georges Soros, qui a désigné ce médiateur. Cette association était déjà intervenue dans le cadre des négociations entre le Gouvernement socialiste et l’ETA durant les années 2000, qui avaient abouti à la réhabilitation politique de l’organisation terroriste marxiste.

 

L’indépendance de la justice dans le viseur

Désavouée par l’amnistie, la justice espagnole est également attaquée frontalement par l’accord.

En effet, le texte prévoit la création de commissions parlementaires qui permettront d’enquêter sur un prétendu lawfare des juges espagnols. Répandue par la gauche latino-américaine afin de décrédibiliser les juges ayant mis en examen ou jugé des responsables politiques corrompus (Cristina Kirchner, Rafael Correa, Lula da Silva ou encore Dilma Roussef), l’invocation du lawfare permet d’accuser les juges d’exercer leurs fonctions selon des intérêts politiques. En permettant aux nationalistes d’enquêter sur un lawfare en Espagne, les socialistes acceptent la criminalisation de juges indépendants et confirment leur mépris à l’égard de la séparation des pouvoirs.

De telles commissions d’enquête existent déjà au sein du Parlement autonomique catalan, permettant aux élus régionaux d’intimider les magistrats espagnols. Dans le cadre de l’une d’entre elles, la présidence du Parlement catalan a enjoint à deux reprises Pablo Lucas, magistrat du Tribunal suprême espagnol en charge de l’instruction de l’affaire d’espionnage Pegasus, à s’y présenter pour révéler des informations secrètes. Après avoir logiquement refusé l’invitation, le magistrat a été menacé de poursuites pénales pour désobéissance par la vice-présidente du Parlement catalan.

Ces méthodes communisantes de criminalisation de la justice ont été également adoptées par les socialistes.

Le 5 décembre, lors d’une conférence de presse, la porte-parole du gouvernement a ouvertement critiqué l’annulation par le Tribunal suprême de la nomination à la présidence du Conseil d’État d’une apparatchik socialiste, Madgalena Valerio, car celle-ci ne possédait pas l’expérience juridique requise pour occuper ce poste.

Un autre symbole du mépris des socialistes pour l’indépendance de la justice transparait dans le portefeuille ministériel du bras droit de Pedro Sanchez au gouvernement, Félix Bolaños, qui verrait Montesquieu se retourner dans sa tombe : ministre de la Présidence (exécutif), de la Justice (judiciaire) et des Relations avec le Parlement (législatif).

 

La guerre civile comme objectif ? 

En plus d’être manifestement illégal, l’accord parachève la stratégie guerre-civiliste adoptée par la gauche espagnole depuis l’arrivée à la présidence du gouvernement du socialiste José-Luis Rodriguez Zapatero (2004-2011).

En 2003, une coalition de gauche, rassemblant le Parti socialiste catalan (PSC), Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, gauche ethno-régionaliste) et un parti écologiste, s’est formée afin de rompre l’hégémonie de la droite nationaliste catalane sur le gouvernement régional catalan. Cet accord, appelé le Pacte du Tinell, prévoyait le transfert des compétences sur la justice et œuvrait pour l’élimination politique du Parti populaire puisque les trois formations s’engageaient formellement à ne plus former de coalition avec le Parti populaire , en Catalogne comme à l’échelle nationale.

Dans la continuité de cet accord, un long travail de diabolisation de la droite espagnole a été engagé par le Parti socialiste espagnol. En vingt ans, deux lois mémorielles ont été approuvées afin de censurer les travaux d’historiens contraires au récit gauchiste entourant la guerre civile espagnole. Bien évidemment, les débats autour de ces deux projets de loi furent l’occasion de réduire le Parti populaire, qui s’y était légitimement opposé, à une formation héritière du franquisme.

José-Luis Rodriguez Zapatero ouvrit également des négociations entre l’ETA et le gouvernement, alors même que l’efficacité de la répression policière et judiciaire des précédents gouvernements du Parti populaire augurait une reddition de l’organisation terroriste. Le rejet de cette méthode par le Parti populaire fut encore l’occasion de dépeindre la droite comme une formation belliqueuse, préférant le conflit entre Espagnols à la prétendue recherche du consensus et du dialogue incarné par le PSOE.

Enfin, un coup majeur fut porté à partir de 2010, date à laquelle le Tribunal constitutionnel espagnol déclara inconstitutionnel le statut d’autonomie catalan. Promis par les socialistes aux nationalistes catalans dans le cadre du Pacte du Tinell, le texte fut censuré à la suite d’un recours du Parti populaire . Bien que manifestement inconstitutionnel, il fut l’occasion de présenter le Parti populaire en initiateur du conflit en Catalogne.

Le contenu de l’accord et l’exposé des motifs de la loi d’amnistie reprennent dans leur intégralité ce récit fictif, savamment construit par les socialistes, et répété à l’unisson par les nationalistes afin d’isoler politiquement la droite espagnole. Durant son débat d’investiture, Pedro Sanchez s’est engagé à « lever un mur » afin d’isoler le Parti populaire et Vox, deux formations représentant pourtant plus de 11 millions de voix, soit près de la moitié des électeurs.

En scellant une alliance manifestement illégale avec les séparatistes, les socialistes placent une fois de plus leurs intérêts personnels par-dessus la Constitution, affichant au grand jour la rentabilité politique du ressentiment guerre-civiliste. Les électeurs socialistes devront trancher : ratifieront-ils l’échiquier fratricide aménagé par le PSOE ? La loi d’amnistie sera-t-elle la couleuvre de trop à avaler ? Les résultats des élections européennes de juin prochain seront scrutés avec attention.

 

La complicité de la Commission européenne

La loi d’amnistie a été mise à l’honneur lors d’un débat en séance plénière du Parlement européen sur l’état de droit en Espagne, convoqué fin novembre par le Parti Populaire européen (PPE). L’intervention de Didier Reynders, commissaire de Justice, était très attendue par les constitutionnalistes espagnols.

En effet, l’article 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que l’Union européenne est fondée sur les valeurs de l’État de droit. Dans une interview donnée au journal Le Monde le 30 septembre 2020, Didier Reynders avait insisté sur l’importance du respect de l’État de droit dans l’Union européenne :

« Il faut bien comprendre que, si on abaisse l’État de droit en Europe, on met en danger la construction européenne, dont le ciment est la confiance entre les États membres, les citoyens ou encore les acteurs économiques ».

Depuis quelques années, la Pologne et la Hongrie sont régulièrement rappelées à l’ordre pour leurs réformes de la justice. En effet, la Commission européenne a lancé à leur encontre, sur le fondement de l’article 7 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une procédure visant à sanctionner les États-membres coupables d’entorses aux valeurs de l’Union européenne (article 2 du Traité). À titre de sanction pour leurs réformes contraires à l’état de droit, la Commission a ainsi suspendu la délivrance des fonds européens NextGenerationEu aux deux États du groupe de Visegrad.

Mais lors du débat en plénière, Didier Reynders s’est montré moins féroce qu’à l’égard de la Hongrie et de la Pologne : la Commission étudiera la question, notamment dans le cadre des rapports annuels établis par la Commission sur l’état de droit dans l’Union européenne. Aucune menace de sanction n’a été évoquée par le Commissaire européen, bien plus timide qu’à son habitude. Dans un précédent article, j’avais déjà évoqué cette suspicieuse différence de traitement par les institutions européennes des cas polonais, hongrois et espagnol.

Ce que je suspectais semble désormais établi : violer l’État de droit est un privilège réservé à la gauche !

LFI : La Faction Insurrectionnelle

75 députés LFI peuplent -un terme chéri du parti…- les bancs de notre Assemblée nationale. Souvent, il semble qu’ils soient bien plus nombreux tant la discrétion et l’élégance paraissent leur faire défaut. En effet, depuis les élections législatives de 2022, nous sommes en proie aux vociférations de ces représentants du « peuple » qu’ils prétendent représenter à l’exclusion de tous les autres.

Il serait impossible de recenser l’ensemble des déclarations agressives, démagogiques, haineuses ou vulgaires, c’est selon, dont certains de leurs membres se sont fait une spécialité. Ne parlons pas de leurs connaissances historiques ou de leur culture générale, telle cette députée qui comparait, le 8 janvier 2023, le capitalisme, évidemment immonde, au stakhanovisme par un retournement historique affligeant. Ne parlons pas non plus de leur prétendu programme, par exemple celui concocté par la coordinatrice pour la campagne européenne qui déclarait le 21 novembre qu’il fallait « rompre avec le libre-échange, l’austérité (sic) et le tout-marché pour imposer le protectionnisme, la solidarité et les biens communs », un programme qui ferait reculer la France et l’Europe de plusieurs décennies au moins. Un programme financé bien entendu par un « impôt sur la fortune européenne », les riches devant rendre gorge.

 

Qui représente LFI ?

Il fût un temps où, lors d’élections, il s’agissait d’élire les meilleurs. Une idée qui fera sourire, mais qui avait le mérite de rappeler que les élections ne sont pas démocratiques, elles sont de nature aristocratique. La démocratie peut certes être représentative, c’est même un pléonasme aujourd’hui, mais c’est le tirage au sort qui est associé historiquement à la démocratie. Manière de souligner les deux grandes catégories de la représentation : la représentation-miroir et la représentation-filtre.

L’idée des populistes, de droite comme de gauche, c’est qu’une Assemblée doit représenter le peuple, c’est-à-dire que les représentants doivent, autant que possible, présenter des caractéristiques proches de leurs électeurs : sexes (avant le wokisme…), âges, catégories socio-professionnelles, etc.

Les représentants ne doivent plus être ceux qui ont des « capacités », comme on disait au XIXee siècle, ils ne doivent plus avoir fait des études et/ou ils ne doivent plus exercer des professions qui préparent à la fonction politique, et plus particulièrement à la rédaction de la loi et au contrôle du gouvernement, tels les juristes. Non, n’importe qui, quelle que soit sa formation ou son absence de formation, quel que soit son métier, quel que soit son âge aussi (le « jeunisme » étant à la mode avec des députés à peine majeurs ou des sénateurs de 25 ans, ce qui est étymologiquement une hérésie), n’importe qui donc peut être représentant du peuple, égalitarisme oblige. LFI en atteste.

 

LFI, le Rassemblement national en pire ? 

Il semble que les parlementaires LFI se soumettent à une sorte de concours Lépine du représentant le plus incongru. Les insoumis soumis ?… Par exemple, les déclarations stupéfiantes sur l’énergie nucléaire ou les allégations rances et communautaristes au sujet des évènements en Israël, entre autres, laissent songeur.

Digne (?) successeur du Parti communiste (prétendument) français, LFI se présente comme un parti populiste au cryptomarxisme éculé allié à une ignorance encyclopédique. Cette culture de la bêtise et de l’envie se veut hyper-démocratique dans le sens où LFI se présente comme le canal unique de la volonté populaire, les autres partis n’étant que les représentants des « classes » et des minorités bonnes à écraser.

Dans la perspective des élections européennes, les sondages montrent que plus de la moitié des intentions de vote vont à des partis extrémistes de droite et de gauche sans programme de gouvernement, et dont l’objectif est de flatter les plus bas instincts des électeurs. Les dernières déclarations de députés LFI invitent même certains à se demander si ce parti n’est pas le Rassemblement national en pire. C’est que deux années de présence à l’Assemblée nationale de LFI ont permis au Rassemblement national de passer pour un parti fréquentable, voire modéré. Beau résultat !

 

LFI : La Faction Insurrectionnelle 

Il n’est bien entendu pas dans notre intention de dire que tous les parlementaires LFI ou la plupart d’entre eux ont une intelligence défaillante. Leur meneur, même s’il ne fait pas partie de l’Assemblée nationale, est d’ailleurs bien loin d’appartenir à cette catégorie, ce qui le rend d’autant plus dangereux… Plusieurs députés LFI surfent aussi fort habilement sur la vague démagogique.

On peut considérer que la fin justifie les moyens, que toutes les affirmations jusqu’aux plus absurdes, peuvent être émises. On peut aussi considérer que, dans la sphère limitée qui devrait être la sienne, la politique doit être une école d’ennoblissement, de culture, d’intelligence et de bon sens. Là encore, notre conception pourra être qualifiée de naïve, voire d’utopique, mais il nous semble qu’il serait bon de s’y… soumettre.

La tolérance au service de la liberté d’expression

Les libéraux s’accordent généralement sur la nécessité d’un minimum de restrictions à la liberté d’expression, pour condamner en particulier l’injure, la diffamation, la menace, etc. Mais en pratique, les défis sont immenses.

 

L’inviolabilité de la conscience

Il y a un quiproquo, un tour de passe-passe continuel chez les partisans de la législation contre la liberté d’expression : est-ce l’expression de la pensée, ou la pensée elle-même, qu’ils veulent atteindre ? Car la liberté de penser est directement fondée sur la nature humaine. La conscience est inviolable : ce que je pense n’est connu que de moi seul, et les hérétiques qu’on persécute conservent jusqu’au fond des geôles ou sur les bûchers le pouvoir de croire ce qu’on leur interdit de croire.

Ma conscience m’appartient : c’est le fondement de la propriété de soi, et de la propriété tout court. Je suis maître de mes réflexions, de mes résolutions, je peux adopter un plan de conduite, le suivre, l’abandonner. On peut atteindre l’expression, car c’est une matérialisation de la pensée, mais la pensée humaine est inviolable, insaisissable. On ne peut lui imposer un joug, du moins dans l’état des connaissances et des outils dont l’humanité dispose aujourd’hui.

 

Des abus hors d’atteinte ?

L’injure est vraisemblablement un abus fait de la liberté d’expression. Mais la combattre par les forces de la police et du droit est plus qu’intimidant.

Combien de publications faites chaque jour sur X-Twitter contiennent-elles des insultes ? Faudra-t-il les instruire, les punir toutes ? De plus, l’insulte n’est pas aussi aisée à déterminer qu’on peut se l’imaginer. Une femme qui a eu plusieurs amants, et qui enfin s’est mariée, peut-elle être légitimement appelée du nom d’une profession dite infamante ? Un homme qui s’est déjà livré ne serait-ce qu’une fois à des pratiques homosexuelles peut-il demander justice de celui qui l’appelle en argot ce qu’il est ? Faudra-t-il définir les obscénités ? Les historiens Rigord et Guillaume Le Breton se font les échos d’une condamnation à l’amende, pour certains, et à être noyé pour d’autres, à l’encontre de ceux qui prononçaient les mots ventrebleu, têtebleu, corbleu, sangbleu ; mais l’ordonnance date de 1181, sous Philippe Auguste : est-ce sous de telles lois, héritées de tels temps, que nous voulons vivre ?

C’est un affront pénible que d’entendre ou de lire quelqu’un nier des crimes contre l’humanité. Mais d’abord, personne ne peut être légitimement obligé de déclarer positivement qu’un fait qu’il n’a pas observé, dont il n’a pas été le témoin visuel, s’est passé. Les historiens sont-ils toujours fiables ? La destruction de tout un groupe humain peut avoir des causes lointaines inattendues, qu’on suppute, qu’on conjecture. Il y a des hommes au monde qui se suicident, qui organisent ou fabriquent de toutes pièces un faux attentat qui les emporte prétendument dans la tombe : pourquoi un groupe humain n’aurait jamais un comportement aussi bizarre ? L’esprit de secte, le délire, la vocation de sacrifice, ne pourraient-ils pas au besoin l’expliquer ? Et alors, c’est une question de vraisemblance, de vérité historique, et le débat doit être libre.

D’ailleurs, on empêcherait difficilement un peuple de nier un génocide qui se rapporte à lui-même, ou à ses ancêtres. La trace macabre qu’a laissée le passage des Anglo-Américains sur le Nouveau Monde, des Britanniques en Afrique du Sud, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, ou encore des Français en Algérie, est niée par ceux qu’elle met mal à l’aise, ou qui n’ont pas le courage d’étudier les faits. Faudra-t-il organiser l’exposition de leur repentance ?

Faire l’apologie de crimes, défendre des criminels, est assez audacieux, quand les lois passent pour justes, et la justice pour impartiale. Mais les libéraux ont de tout temps fait l’apologie du contrebandier, et ils ne s’en excusent pas ; Voltaire a défendu Jean Callas, reconnu coupable. Qui poussera l’opinion à corriger les injustices, qui redressera les lois mauvaises, si l’on ne peut absoudre les coupables de faux crimes, et s’il faut baisser les yeux devant une injustice criminelle qui nous émeut ?

L’appel à la violence est lui-même curieusement compris et appliqué. Quand un chef d’État prononce un discours haineux et pour faire passer ses paroles en actes envoie des armées châtier un peuple ennemi, il y a appel à la violence, et plus encore ; mais il n’est pas inquiété. Les bombes atomiques lancées contre le Japon en 1945 ont eu, dans la presse et ailleurs, leurs apologistes, et ils ont vécu tranquilles.

Tous ces abus, que la morale privée réprouve, sont difficilement atteignables par les lois. Ils le sont plus difficilement encore, lorsque c’est un humoriste qui s’en rend l’organe. Car la plaisanterie est une circonstance qui annule presque entièrement la violence des idées : elle leur donne un caractère ridicule, grotesque, par un contexte qui doit rechercher l’effet plutôt que la profondeur. On est fou, et pas sage, de mettre en application les injonctions d’un humoriste de profession, qui les prononce dans le cadre de son travail, et de se prévaloir ensuite de sa responsabilité première.

 

Les mots blessent-ils ?

La blessure que font les mots à ceux qui les entendent ou les lisent, doit-elle être la mesure de leur criminalisation ?

C’est ce qu’on ne croit pas d’habitude. Lorsqu’à une femme que j’ai aimée, et que j’ai entretenue dans une forme de fascination de moi, je dis que je ne l’aime plus, je fais une blessure que le temps seul, peut-être, réparera ; je ne suis pas inquiété. Si elle se venge par la violence, elle paie seule le prix de son forfait. De même, l’hérétique, le renégat, blesse les yeux et les oreilles du croyant ; l’inculte et l’imbécile font outrage à l’homme de science ; mais aucun d’eux n’est fondé en droit à entamer un procès.

 

Que la tolérance doit être sans cesse plus grande dans les lois

À mesure qu’il devient plus civilisé, un peuple doit pouvoir se passer de plus en plus de l’État : c’est une règle générale.

Il y a un double mouvement dans l’histoire : d’abord, l’État s’accroît et protège un nombre de plus en plus complet de personnes. Les femmes, les enfants, les esclaves, les serfs, qu’on laissait à l’arbitraire de leurs soi-disant propriétaires, sont compris dans les protections de l’État de droit. Des crimes qu’on laissait impunis sont poursuivis, et leurs coupables châtiés. Mais aussi, plus tard, l’État doit se restreindre à ne protéger que la liberté et les propriétés légitimes. L’initiative privée ayant acquis plus de force, l’État peut reculer et abandonner des missions qu’il s’était arrogées.

Les peuples de l’Antiquité, du Moyen Âge, peuvent avoir encore besoin de direction, y compris dans l’expression de leur pensée. Mais un peuple sage et poli, bien éduqué, pratique la tolérance et n’a presque pas besoin de lois.

Ce phénomène aujourd’hui est ralenti, rendu inopérant, par diverses causes. Sous la coupe d’un monopole public débilisant, l’éducation française de la jeunesse régresse. Au surplus, l’immigration introduit des populations dont la culture n’est pas imprégnée de tolérance, et qu’il faut éclairer : c’est une tâche de plus.

Sans doute, les lois ne doivent pas désarmer, et certaines limitations se comprennent. Mais aussi ce n’est pas sur ce terrain qu’il faut placer le plus nos espérances ; mais dans la politesse, la bienveillance, l’humanisme, qui s’accroîtra en France aussi, si nous y consacrons toutes nos forces.

« Plan 15 000 » : un projet ambitieux mais inefficace pour les prisons françaises

Un article de l’IREF.

« Nous construirons 15 000 nouvelles places de prison ». La promesse de campagne d’Emmanuel Macron, en 2017, a débouché à l’automne 2018 sur un vaste plan de création de places en établissements pénitentiaires, le « Plan 15 000 » pour 2027. Un second plan est également lancé, prévoyant la construction de vingt centres éducatifs fermés (CEF) de deuxième génération pour les mineurs. Alors que la mi-parcours est passée, le rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice », Antoine Lefèvre, dresse un bilan amer du projet.

La situation carcérale française est une épine dans le pied de chaque nouveau président : le nombre des détenus explose, la radicalisation en prison prospère, les injonctions et les condamnations internationales somment la France de prendre des mesures pour respecter les droits de l’homme. Au cours des dernières décennies, plusieurs plans avaient déjà été déployés mais aucun ne s’était révélé capable d’anticiper les besoins croissants de places en établissements pénitentiaires. Celui d’Emmanuel Macron se distinguait par son importance et pouvait laisser croire qu’une réforme du système pénitencier était imminente.

Un plan de construction insuffisant

Mais voilà, bien souvent les rapports du Sénat sonnent le glas des politiques hasardeuses, et c’est le cas en l’espèce. Le rapporteur est formel : « (…) En dépit de ses ambitions initiales, le Plan 15 000 ne permettra pas seul de remédier durablement à la dégradation des conditions de détention et de travail pour les personnels de l’administration pénitentiaire. Même si le plan venait à être achevé en 2027, ce qui apparait peu probable, les capacités du parc pénitencier seraient déjà saturées ». Et pour cause : la prévision de 75 000 détenus en 2027 s’est réalisée dès 2023 ! Pendant la période du Covid, un assez grand nombre de détenus ont été libérés mais une fois la crise sanitaire passée, les enfermements ont repris à un rythme encore plus soutenu, avec une hausse de près de 20% depuis 2020. En janvier 2022, le taux de densité carcérale était de 115%, plaçant la France au troisième rang européen derrière Chypre et la Roumanie. Avec une telle densité, il est quasi impossible de respecter le principe d’encellulement individuel ; l’objectif de 80% est ainsi repoussé de législation en législation, quelle que soit la couleur politique du garde des Sceaux. Les conséquences de la surpopulation carcérale sont pourtant connues : violences, manque d’hygiène, trafics facilités, radicalisation soutenue, réinsertion compromise… La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, dénonce dans son dernier rapport annuel « un abandon de l’Etat » : « On a laissé la prison se substituer aux asiles d’antan, enfermant dans ses murs plus de 30% de prisonniers atteints de troubles graves. Voilà comment, à leur corps défendant, surveillants et détenus ont, en quelque sorte, été contraints de se muer en infirmiers psychiatriques ». Les établissements pour peine respectant globalement ce principe, ce sont les maisons d’arrêt qui suscitent l’inquiétude, le taux d’encellulement individuel y évoluant autour de 20%[1].

Un budget intenable et des délais qui explosent

Face à ces défis, l’argent est le nerf de la guerre. Et d’argent, on ne manque pas, à tel point que le budget initial a pu être rehaussé de deux milliards d’euros sans que quiconque s’en émeuve. Les premières annonces ministérielles annonçaient 3,6 milliards, avant de grimper rapidement à 4,3 milliards ; et en juin 2022, la direction du budget a relevé encore la facture à 5,4 milliards d’euros. Un an après, le rapporteur estime que le coût du Plan 15 000 sera d’au moins 5,55 milliards d’euros, soit 30% de plus que le coût d’abord prévu. S’agissant des centres éducatifs fermés, on est passé de 30 millions d’euros à plus de 76 millions dans le dernier budget… avant que le rapporteur ne l’estime à au moins 110 millions d’euros ; et nous ne sommes qu’à mi-chemin. Plus le calendrier de livraison s’allonge, plus les coûts explosent. Moins de la moitié des places prévues a pu être livrée, avec (pour l’instant) un retard de deux ans sur le calendrier initial. La maison d’arrêt de Basse-Terre (Guadeloupe) sera par exemple livrée avec plus de sept ans de retard.

Le sénateur Antoine Lefèvre formule une douzaine de recommandations suivant trois principes : « Anticiper, s’adapter et évaluer ». Est-il possible que cette approche élémentaire n’ait pas été celle des politiques publiques ? La réponse est évidemment oui, et la précision des recommandations frise le ridicule, telle que celle d’équipes-test sur chacun des chantiers engagés. En effet, « il est difficilement admissible qu’un établissement pénitencier tout juste livré nécessite de lourds travaux d’aménagement pour remédier à des failles de sécurité ou de fonctionnement, telles que l’installation de fenêtre pouvant être ouvertes en moins de deux minutes à l’aide d’un coupe-ongle acheté au supermarché ». Coût du changement des châssis des fenêtres du centre pénitentiaire Mulhouse-Lutterbach : 600 000 euros. Et de citer d’autres « erreurs de conception » : par exemple, des boutons « sécurité incendie » ouvrant toutes les portes et accessibles à tous dans un centre éducatif fermé …

Le chantier des établissements pénitentiaires est donc colossal. Alors qu’un détenu coûte 100 euros par jour au contribuable, l’IREF appuie la proposition du député Eric Pauget (LR) de faire payer aux détenus une partie significative de leurs frais d’incarcération. Ajoutons qu’il n’y a rien de surprenant à ce que le suivi des chantiers soit négligé lorsque le futur gérant de la prison est une administration. La privatisation des prisons permettrait sans doute de réduire fortement les coûts de construction et de réduire les délais. Plusieurs pays s’y sont déjà essayés : le Royaume-Uni, l’Australie et les Etats-Unis. La gestion privée demeure « incontestablement plus simple que la gestion publique », ainsi que le relève la Cour des comptes.

Sur le web.

L’Europe populiste nous salue bien

On s’habitue sans se résigner, ni peut-être comprendre.

Jadis qualifiées de séisme suscitant la sidération, les victoires de partis qualifiés de populiste, ou d’extrême droite (nationaliste-conservateur serait plus exact) par analystes et commentateurs deviennent habituels en Europe. Une tendance inquiétante, vu la faible appétence de la plupart d’entre eux pour les libertés, ou leur complaisance envers le Kremlin. Mais qui devrait surtout pousser dirigeants et relais d’opinion, au lieu d’évoquer rituellement le « retour aux heures les plus sombres », à se poser LA question fondamentale ; « qu’est-ce qu’on a foiré grave pour que ça tourne ainsi ? ».

La dernière déflagration en date est évidemment venue des Pays-Bas où le parti PVV a triomphé lors des législatives du 22 novembre dernier, avec 24 % des voix, neuf points de plus que le second de centre gauche. Un choc pour une société néerlandaise longtemps prise pour exemple de la « coolitude cosmopolite ». Mais la coolitude, visiblement, on en revient.

Le PVV s’ajoute à une liste qui commence à être impressionnante dans l’Union européenne. Les partis dits populistes figurent désormais, selon les sondages, ou les dernières élections nationales, à la première ou la deuxième place, avec 20 à 25 % des voix, dans plus de la moitié des pays de l’Union européenne, regroupant les trois quarts de la population de l’ensemble. Alors qu’il y a quinze ans ils se trouvaient dans les tréfonds électoraux, sauf en France et en Autriche.

 

L’extrême droite aux deux premières places dans la moitié des pays de l’Union

Ils sont premiers, donc, aux Pays-Bas, mais aussi en France, avec le Rassemblement national, en Italie, où Giorgia Meloni est même chef du gouvernement depuis quatorze mois, en Pologne (PiS, au pouvoir jusqu’aux dernières législatives), en Belgique (N-VA), Slovaquie (Smer), Croatie (HDZ), Autriche (FPO), Hongrie (Fidesz au pouvoir). Et au deuxième rang en Finlande (où ils participent à la coalition au pouvoir), Suède (soutien sans participation), Estonie, Slovénie, Tchéquie, et surtout en Allemagne, où l’AfD, avec 22 % des voix selon les sondages et les dernières élections partielles dans des Länder, n’est plus qu’à 4 points du parti historique, la CDU-CSU. Impensable il y a quatre ans.

Ces quinze pays concentrent exactement 78 % de la population de l’Union européenne.

Les douze pays échappant au phénomène sont Malte, Chypre, Grèce, Irlande, Bulgarie, Lituanie, Lettonie, Danemark, Roumanie et Espagne. Et encore, Madrid n’a-t-il dû de ne pas figurer dans la première liste qu’à l’effondrement durant la dernière campagne des législatives du parti Vox, qui a terminé troisième, alors que les sondages lui laissaient entrevoir une deuxième place aisée.

De quoi cet essor, qui ne semble pas encore avoir atteint son apogée et laisse présager d’élections européennes… dévastatrices au printemps, est-il le signe ?

 

Le populisme, concept intellectuellement paresseux

Le concept de populisme, tout d’abord, n’est pas dénué (tout comme son cousin le complotisme, mais c’est une autre histoire) d’une certaine paresse intellectuelle, et semble surtout servir à discréditer les trublions et tout nouvel entrant sur le marché politique qui menaceraient « les gens en place et les corps en crédit », comme disait Beaumarchais.

Attention à ne pas dénoncer la « populace » avec trop de condescendance, car il ne faut pas oublier que populo désigne le peuple par lequel et pour lequel on gouverne en démocratie (même s’il faut admettre, comme disait Churchill qu’« aucun sentiment démocratique ne peut sortir complètement indemne de cinq minutes de conversation avec un électeur ordinaire »). Certes, populo, qui vient du latin, est moins chic que le grec démos, racine de démocratie, mais ne pas oublier que, à l’inverse, on retrouve démos dans « démagogie », gouverner en jouant sur les peurs et des solutions simplistes qui ne marchent pas.

Or, si les partis dont il est question ici sont clairement démagogues, ils n’ont pas l’exclusivité de la chose, les partis dits mainstream ne rechignant pas à promettre que demain on rase gratis, que le système de retraite par répartition est insubmersible, ou que ce n’est pas bien grave d’aligner 50 exercices budgétaires dans le rouge…

« Parti voulant renverser la table, ou critiquant de manière virulente la classe politique traditionnelle » semblerait donc plus pertinent, quoiqu’un peu long. À moins qu’il ne faille tout simplement les désigner comme « nationaliste », ou « souverainiste ».

 

Contre l’immigration, Bruxelles et la classe politique en place

Au-delà de différences logiques, vu leur diversité géographique et historique (certains sont impeccablement atlantistes, comme la formation de Giorgia Meloni, d’autres admirent Vladimir Poutine, comme les chefs du PVV, du RN, ou de Fidesz), ces partis semblent avoir trois points communs : un rejet viscéral de la classe politique actuelle, de l’immigration, et de l’Union européenne.

Un rejet, dangereuse déclinaison de l’éternel « tous pourris », et injuste envers une bonne partie des élus. Mais cela aiderait si la classe politique en place tendait moins le bâton pour se faire battre par certains discours condescendants, ou déconnectés de ce que vivent « les gens ».

Juste deux exemples parmi mille : le « sentiment d’insécurité contraire aux chiffres » mis en avant par le ministre français de la Justice pour estimer qu’en fait la sécurité est satisfaisante, et la dénonciation d’une « récupération » après le meurtre du jeune Thomas à Crépol, comme s’il devait être interdit aux politiques de s’exprimer sur un fait de société, en l’occurrence l’existence de bandes prêtes à tuer parce qu’elles se sont vu refuser l’entrée à un bal.

Ces partis fustigent aussi l’Union européenne, mais ne vont pas, ou plus, jusqu’à en prôner la sortie. Seul le PVV veut un référendum en vue d’un équivalent néerlandais du Brexit, et il n’est pas certain que ce projet survive aux tractations pour former une coalition.

Il faut toutefois admettre que le projet européen tel qu’il se tricote depuis Maastricht voudrait se faire détester qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Pondant interdits et obligations tatillonnes avec une régularité de poule en batterie, comme si Bruxelles était désormais en roue libre sous le contrôle désinvolte des gouvernements.

Saluons la dernière trouvaille, la tentative d’interdire les boîtes à camembert en bois. Les technocrates et férus de fédéralisme pourraient se douter que cela risque de mal finir, et qu’un jour les électeurs jettent le bébé (la respectable construction européenne de 1957-1992) avec l’eau du bain des règlementations tatillonnes donnant envie de crier « mais foutez-nous la paix ! », alourdie depuis quelques temps par une écologie punitive (qui a suscité l’essor en quelques mois, aux Pays-Bas encore, du parti anti écolo BBB devenu première formation du pays aux sénatoriales, avant de s’écrouler aux législatives de mi novembre, faute de programme national) à l’impact désastreux sur prospérité et emplois.

Mais on dirait que c’est plus fort qu’eux : interdisons, règlementons, imposons, encore et toujours.

 

Trop tard, trop peu

Enfin, et surtout, l’essor des partis nationalistes, ou d’extrême droite, illustre un rejet désormais majoritaire, parfois massif dans l’opinion (et pas seulement à droite), de l’immigration extra-civilisationnelle, c’est-à-dire appelons un chat un chat, en provenance de pays musulmans. Une immigration sur-représentée, malheureusement, dans la délinquance et la violence politique, comme l’illustrent les meurtres, ou attentats commis au cris d’Allah Akbar en France, ou en Allemagne.

Les partis de gouvernement ont compris le message, qui durcissent depuis quelques années leur politique, en mode un pas en avant deux en arrière, à l’image du parti du Premier ministre Mark Rutte, aux Pays-Bas. Trop tard, trop peu aux yeux des Néerlandais, ce qui explique qu’il ait perdu le pouvoir. Noter, toutefois, qu’on peut être dur sur l’immigration sans être « facho » pour autant, comme l’illustre la politique suivie par la coalition de centre gauche au Danemark. Pays où, sans doute pas un hasard, l’extrême droite n’existe quasiment pas. Et un parti de gauche anti-immigration vient d’être lancé en Allemagne.

Enfin, les partis anti-système profitent de l’exaspération générale sur le niveau des impôts (sans proposer eux-mêmes grand-chose de convaincant sur ce point) pour des services publics déficients et l’appauvrissement de la classe moyenne, ou du moins la stagnation en Europe du revenu net disponible hors dépenses contraintes. Selon le cabinet GFk, le revenu brut moyen par habitant dans l’Union européenne était équivalent l’an dernier à 43 245 euros, soit 31 % de plus, inflation déduite, qu’au début du siècle. Une progression d’à peine 1,15 % par an. Aucune autre grande zone économique au monde n’a enregistré un résultat aussi piteux.

 

Le brun n’est malgré tout pas à l’ordre du jour

Tout cela augure-t-il d’une « vague brune », comme le redoutent les éditorialistes ? Encore faudrait-il pour cela qu’ils soient authentiquement « bruns », c’est-à-dire fascistes. Si les mots ont encore un sens, cela impliquerait qu’ils cochent peu ou prou les six principales cases de la définition du fascisme reconnue par les historiens :

  1. Endoctrinement de masse
  2. Chef charismatique
  3. Fusion État/Parti
  4. Refus du multipartisme
  5. Économie au service de l’État/nation
  6. Projet d’expansion territoriale, avec en option l’antisémitisme (le parti de Mussolini ne l’était toutefois pas jusque vers 1935).

 

À peu près aucun des partis concernés ne correspond à cette définition.

S’il n’y a pas lieu de craindre un retour du fascisme, concept hyper dévoyé par des gens à la culture historique quasi nulle, en revanche, cette vague a des aspects inquiétants.

Tout d’abord, s’il est légitime de critiquer les politiques d’immigration, ou de croire très aventureux une société multi-civilisationnelle, ces partis « populistes » s’appuient généralement sur un vieux fond xénophobe. Le racisme affleure derrière les discours devenus policés. En outre, ils sont pour la plupart, hormis en Italie, très indulgents envers le Kremlin, qui n’a clairement pas que la prospérité et la stabilité de l’Europe comme priorité.

Enfin, leurs programmes ne tiennent pas debout sur le plan économique, sauf là encore en Italie (dont le gouvernement Meloni ne s’est pas révélé être fasciste, au grand dam de Libé). En raison de l’insatisfaction légitime des citoyens devant le délabrement des services publics, ou la concurrence des industries étrangères, ils proposent simplement… davantage d’argent pour les services publics, sans s’interroger sur management, concurrence, etc, c’est-à-dire davantage d’impôts et de dette, comme si on n’était pas déjà au taquet là-dessus. Et succombent aux sirènes du protectionnisme sans visiblement réaliser que les pays protectionnistes, généralement, s’appauvrissent.

Bref, il n’existe pas encore de populiste libertarien européen à la sauce Javier Milei, élu président en Argentine, qui viendrait au moins dépoussiérer le débat, voire donner un coup de pied dans la fourmilière…

Comment réconcilier les irréconciliables ?

Un récent article sur l’islam m’a valu quelques critiques, et cette question ironique, si j’avais d’autres articles aussi curieux à proposer. Hélas oui, la mine n’en est pas épuisée.

Un jour les Israéliens seront à nouveau en paix avec leurs voisins palestiniens. Ils auront, on l’espère, exercé dans les bornes les plus strictes leur droit à la légitime défense, et employé avec mesure le dangereux appareil de la guerre. Mais la paix est un idéal négatif, qui n’évoque qu’un monde sans violence. Ne peut-on pas au surplus se respecter, s’entendre, se réconcilier ?

La géographie et l’histoire se mêlent pour dresser devant nous des situations difficiles. Lorsque les républicains chinois sont chassés du pouvoir, ils se réfugient sur une petite île à 160 kilomètres des côtes qu’ils doivent quitter, et ils y fondent un gouvernement de sécession. L’île de la Grande-Bretagne est séparée d’à peine 20 kilomètres des côtes d’Irlande, de sorte que par temps clair on en aperçoit les falaises. Français et Allemands ne sont séparés que par un fleuve de 200 mètres de largeur, bien faible rempart contre les velléités d’une armée. Il y a par le monde beaucoup de ces siamois politiques, qui sont forcés de vivre une cohabitation que souvent ils ne désirent pas.

Sur un même territoire (les États-Unis), les descendants de colons européens ont dû aussi apprendre à vivre au milieu des descendants d’esclaves qu’ils avaient transportés, opprimés puis émancipés, de même qu’avec les indigènes dont ils avaient accaparé les terres.

Solutionner les haines nationales, raciales, religieuses, peut se faire en s’appuyant sur le témoignage de l’histoire. Plusieurs auteurs de la tradition libérale française ont œuvré, en leur temps, à la réconciliation entre catholiques irlandais et anglicans, entre Noirs et Blancs aux États-Unis, notamment, et peuvent nous fournir des idées.

 

Les différents moyens de réconciliation

À les en croire, la première condition à obtenir est la suppression des barrières légales qui empêchent les peuples de s’unir d’eux-mêmes.

En Irlande, il fut un temps interdit à tout Anglais d’adopter le costume et jusqu’à la moustache irlandaise, de même que d’épouser une Irlandaise catholique. Un catholique ne pouvait occuper un emploi public, ni acquérir une propriété. Des barrières douanières s’assuraient que l’industrie textile irlandaise ne prospérait pas (Gustave de Beaumont, De l’Irlande, 1863, t. I, p. 43, 99, 111.). Il fallait donc, en priorité, obtenir l’abolition de ces lois.

La pratique stricte de la justice est, elle, essentiellement pacificatrice.

Aux États-Unis, écrit Charles Comte, ce n’est pas l’oubli de l’histoire, l’abolition des couleurs et des races, qu’il faut ambitionner, mais l’installation d’une justice impartiale et de l’égalité réelle devant la loi.

« Il faut faire, autant que cela se peut, que tous les hommes jouissent d’une protection égale ; il faut que les mêmes qualités ou les mêmes services obtiennent les mêmes récompenses, et que les mêmes vices ou les mêmes crimes soient suivis de peines semblables. » (Traité de législation, 1827, t. IV, p. 496).

L’orgueil de race, cependant, est lent à mourir. Pour le vaincre, il n’est peut-être guère d’autre recours que la liberté des mariages.

À son retour d’Amérique, Gustave de Beaumont soutient que « les mariages communs sont à coup sûr le meilleur, sinon l’unique moyen de fusion entre la race blanche et la race noire » (Marie ou de l’esclavage aux États-Unis, 1835, t. II, p. 317). Mais il faut pour cela vaincre à la fois l’opinion, qui réprouve ces unions, et la loi, qui parfois les interdit ou les déclare nulles.

La mobilisation de l’opinion publique contre les haines nationales, raciales, religieuses, est fortement appuyée par Frédéric Bastiat dans sa défense de la liberté des échanges. Ce sont pour lui des sentiments « pervers » et « absurdes », qu’il est plus encore utile d’éradiquer que le protectionnisme lui-même (Œuvres complètes, t. VI, p. 382 ; t. I, p. 167). Les deux maux se tiennent cependant : le libre-échange est pacificateur et unificateur de son essence, car il fait de l’étranger un ami (Idem, t. II, p. 271).

 

Ne pas céder au découragement

Les haines nationales, religieuses, raciales, paraissent toujours insurmontables aux générations qui les constatent et les combattent. Mais aussi elles meurent, ou faiblissent. L’Anglais et l’Irlandais ne forment pas une union fraternelle, mais le temps n’est plus où le premier enfermait des prisonniers dans des cavernes et y mettait le feu pour les enfumer, où l’autre exprimait sa vengeance en organisant le rapt et le viol des femmes ou des filles des propriétaires anglais qu’il voulait punir. De même la cohabitation des Noirs et des Blancs aux États-Unis a progressé.

Le libéralisme est porteur d’un idéal dont l’application est difficile, les victoires lentes et jamais acquises. Ce n’est pas un motif pour se décourager, mais pour œuvrer à un progrès qu’à peine peut-être nous entreverrons. La liberté, disait Édouard Laboulaye, est une œuvre qui ressemble à ces cathédrales qu’élevait le Moyen Âge : ceux qui les commençaient n’ignoraient pas qu’ils n’en verraient pas la fin. Ou, pour reprendre une autre image, empruntée à Edmond About, nous faisons la cuisine de l’avenir. Nous vidons les poulets et nous tournons la broche, pour que nos arrière-neveux n’aient plus qu’à se mettre à table et à dîner en joie.

À ce titre, combattre les haines nationales, raciales et religieuses, et accompagner les réconciliations, est une œuvre de la plus grande utilité.

[Enquête II/II] Les victimes de Wagner au Mali souhaitent le retour de Barkhane

Cet article constitue la seconde partie de mon enquête sur le double ethnocide des Touareg et des Peuls au Mali, dont le premier volet a été publié le 20 novembre. Pour mieux comprendre l’effondrement sécuritaire et humanitaire que traversent les populations peules et touarègues du nord du Mali, j’ai interrogé les victimes de Wagner sur l’évolution de leurs conditions d’existence depuis le départ des Français.

Depuis deux ans, le régime putschiste installé à Bamako ne cesse d’accuser la France, tantôt de « néocolonialisme », tantôt d’« abandon », mettant en avant le slogan de la « souveraineté retrouvée du Mali ». Dans les faits, la junte de Bamako a transféré son autorité aux mains du groupe paramilitaire russe Wagner, et s’aligne publiquement sur les positions du Kremlin.

Au nord du Mali, les témoins Peuls et Touareg ont constaté une « amplification de l’insécurité » depuis le départ de Barkhane. Tous, à leur manière, m’ont confirmé que « les jihadistes ont repris du terrain » et que leurs attaques se sont « multipliées ». D’autre part, ils ont fait la connaissance des « monstres » de Wagner.

 

Les Forces Armées du Mali (FAMa) sous commandement russe ?

Sur le terrain en tout cas c’est limpide. Les témoins des crimes de Wagner ont pu observer à de nombreuses reprises la subordination des soldats maliens aux paramilitaires russes. Si les forces armées maliennes participent aux crimes de guerre des Wagner, il semble que les soldats maliens soient aussi victimes d’exactions de la part des paramilitaires russes.

Lorsque j’ai demandé aux victimes de Wagner de se souvenir comment ces derniers se comportaient avec les FAMa au moment des massacres et des pillages, j’ai entendu des réponses plus ou moins détaillées mais qui allaient toutes dans le même sens que celle donnée par ce berger peul : « les FAMa sont aux ordres des Wagner ».

Certains témoins ont décelé de la « frustration » parmi les militaires maliens tenus à l’écart lors des réunions de commandement ou forcés à obéir sous peine d’être torturés ou exécutés. Le 9 octobre 2023, à Anéfis, plusieurs civils ont vu 6 soldats maliens se faire égorger ou fusiller par des éléments de Wagner à la suite d’un désaccord sur le partage des biens pillés et sur le sort à réserver aux populations locales.

Le régime de Bamako n’a pas retrouvé sa souveraineté en rompant ses accords de coopération militaire avec la France. Il l’a transférée à une milice paramilitaire qui dirige, dans les faits, son armée régulière.

 

« Ne comparez pas Barkhane et Wagner. Ils sont comme l’eau et le lait » 

Les témoins Peuls et Touareg avec lesquels j’ai pu échanger ont vécu à proximité de bases militaires françaises qui ont été investies par le groupe Wagner et les Forces Armées Maliennes (les FAMa) à la fin de l’opération Barkhane. Ils décrivent l’arrivée de Wagner comme un changement de monde. Le professionnalisme de l’armée française a cédé la place à la barbarie des paramilitaires russes :

« La force Barkhane était respectueuse des gens, ils sont bien éduqués, polis. Barkhane aidait les gens. Wagner n’est comparable qu’avec l’armée malienne ou les terroristes. C’est des gens sans foi ni loi. »

« Barkhane ne s’attaque pas aux civils sans armes. Wagner attaque les civils et les animaux. Barkhane respect les droits de l’homme contrairement à Wagner à qui le gouvernement du Mali a donné carte blanche pour exterminer les touaregs et les arabes. »

« Wagner tue à sang froid, alors que barkhane au pire ils arrête et emmène les gens dans leur hélicoptère »

« Wagner et barkhane c’est ni le même comportement ni le même mode opératoire ni la même mission. Barkhane cherchais des terroristes. Tout ceux qui ont des liens avec les terroristes peuvent être arrêtés avec l’espoir de si aucune preuve irréfutable n’as été trouvé ils serrons remis en liberté mais Wagner c’est tout as fait le contraire. Tout ceux qu’elle croise en brousse sont des terroristes ou des rebelles qu’il faut abattre à tout prix. Tels sont les ordres qui leurs ont été donné par les militaires aux pouvoirs. »

« Barkhane donnait des médicaments et finançait des projets. Mais par contre Wagner brûlent, volent et torturent. »

 

Une armée régulière respectueuse des droits de l’Homme : avant son départ, l’armée française avait bâti des liens de confiance avec les populations locales

Au nord du Mali, le démantèlement de Barkhane a entraîné une hausse du chômage et de l’insécurité. Ceux qui ont côtoyé les soldats français témoignent de rapports respectueux et d’actions de solidarité qui contrastent considérablement avec les exécutions, les arrestations arbitraires et les pillages menés par le groupe Wagner :

« Barkhane respectait le DIH [Droit International Humanitaire] en t’arrêtant ils cherchaient d’abord les pièces d’identification, ils passaient tes doigts dans leurs machines ce qui permettait de t’identifier facilement, dès que cela est fait il te posait des questions de routines sur ton voyage, ta personne rien de compliqué. Mais c’est carrément tout le contraire avec Wagner qui est au service du gouvernement, il est en quelques sortes la Main de Guerre de ce gouvernement de Transition qui tue avec lâcheté les paisibles citoyens pour qui leurs seules crimes est l’appartenance au nord du Mali »

« Barkhane chez nous dans région Menaka et contribuait à la stabilite sociale. Elle faisait des patrouilles hors la ville et la ville était bien sécurisée. Ils organisaient des tournois entre eux et les quartiers et les quartiers entre eux même. Au faite l’idée de les chassés était une décision irréfléchie ils ont laissé un grand vide sur tout les plans »

« Les forces barkhane étaient présentes et avaient quelque interactions avec les populations en intervenant dans plusieurs domaine dont le principal était la sécurité mais aussi en faisant des programmes d’aide sociale. »

« Barkhane était dans notre zone. J’étais dans la zone de Bir Khan de 2014 à 2019, et je n’ai vu aucun mal de Barkhane envers les habitants. Au contraire, j’y vois un soulagement et une sécurité pour la zone. Par exemple, il a sécurisé la voie publique, et je ne l’ai jamais vu arrêter un innocent. Je les ai également vus effectuer des patrouilles d’infanterie à Birr presque la nuit. Il était 3 heures du matin, mais aucun d’eux ne m’a parlé. »

« Chez nous a douentza, barkhane finançait les projets, ils sont humains »

« Les forces barkhane nous soutenait, ils nous apportait les nourritures et médicaments »

 

La grande majorité des victimes de Wagner interrogées souhaitent le redéploiement de Barkhane au Mali

Les réponses des victimes de Wagner tranchent singulièrement avec la propagande anti-française de la Russie, et avec les mots durs de la junte bamakoise sur la coopération militaire entretenue ces dix dernières années avec la France.

À la question fermée « êtes-vous favorable à une intervention de l’armée française et des armées européennes pour neutraliser Wagner » je n’ai pas reçu une réponse négative. La grande majorité des témoins que j’ai interrogés m’ont répondu « oui » (« oui, que Dieu fasse », « Oui et dans le plus vite », « Oui, oui, oui, oui, oui », « oui, à 1000 % et je les soutiendrai de toutes mes forces », « totalement, oui »…) sans distinction d’ethnie ni de classe sociale. Qu’ils soient Peuls ou Touaregs, notables en exil, chômeurs, bergers, mères au foyer, les victimes de Wagner et de la junte bamakoise sont favorables au redéploiement de la mission anti-terroriste de Barkhane et ont vécu son retrait comme une « erreur » et un « abandon ». Sur l’ensemble des témoins que j’ai consultés sur cette question, je n’ai pas entendu une réponse négative. Un jeune commerçant et une mère au foyer Touareg ont apporté des nuances à l’élan d’enthousiasme que ma question suscitait chez leurs coreligionnaires. Le premier m’a confié douter que la France n’intervienne. Selon lui « Le problème est que Wagner représente la Russie et aucun pays du monde n’osera s’attaquer au Wagner car s’attaquer au Wagner c’est s’attaquer à la Russie « . La seconde m’a confié qu’elle était plus favorable à une solution diplomatique qu’à la « voie des armes et de la force ».

Il ne s’agit bien sûr que d’un symbole, leurs témoignages (rapportés, qui plus est) ne pouvant servir de mandat. Cependant leurs réponses permettent de nuancer la propagande anti-française déployée par les juntes sahéliennes, par les médias africains anciennement financés par la galaxie Prigogine et par les discours de Moscou présentant la France comme une puissance coloniale en Afrique.

Depuis 2016, la Russie a réinvesti le continent africain en se présentant comme une alternative à l’« impérialisme français » en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso… En instaurant un régime de terreur au nord du Mali, les paramilitaires de Wagner ont contribué à faire renaître un sentiment pro-français. La présence militaire française au Sahel n’a pas été sans bavures, mais contrairement à Wagner, les soldats français respectaient, soutenaient et protégeaient les populations locales. Et elles s’en souviennent.

La Justice sous Macron : l’impuissance ridicule, la grandiloquence grotesque

Par : h16

Les tensions du Proche-Orient semblent déborder largement et atteignent sans mal certaines localités de notre petit pays : le gouvernement constate, un peu effaré, l’explosion soudaine du nombre d’actes antisémites sur le sol français depuis le 7 octobre dernier.

La Behète Immonheudeu au ventre fécond de bruits de bottes n’est pas morte : les factions d’extrémistes de droite, de suprémacistes blancs et autres nationalistes forcenés se sont tous donné le mot pour multiplier les actes et les propros réprimés par la loi, ce qui n’a pas manqué de faire monter au créneau Darmanin, l’actuel miniministre de l’Intérieur. Oups. On me souffle à l’oreillette que ces actes ne sont pas majoritairement dus à des suprémacistes blancs d’extrême droite.

Peu importe : le gouvernement ne se laissera pas déborder, quelle que soit la tendance politique de l’extrême droite (qui pourrait bien être très à gauche cette fois-ci, cela ne change rien) et quelle que soit la couleur des suprémacistes en question qui seront de toute façon blancs à la fin du compte. Il faut comprendre que la République, laïque, une, indivisible et toujours à l’écoute via un numéro vert, ne s’en laissera pas compter, Gérald vous l’assure.

Du reste, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas croire que les paroles de Darmanin ne seront pas suivies d’effets percutants et du retour, en fanfare, de l’ordre républicain le plus strict. Il n’est qu’à voir la façon dont les forces de police et de gendarmerie sont actuellement mobilisées partout en France pour comprendre qu’on ne mégottera pas : les responsables de ces actes et de ces discours seront poursuivis et traînés devant une justice qu’on sait au taquet.

D’ailleurs, c’est bien simple, les exemples abondent à présent de la fermeté retrouvée de la justice en France. Fini, le temps des atermoiements, des demi-mesures et d’un laxisme un peu trop vaste. Accompagné par un gouvernement à l’écoute du peuple, le pouvoir judiciaire a compris qu’il ne pouvait plus se laisser aller, et la reprise en main est déjà palpable.

Ainsi, un jeune présenté comme néonazi par notre exceptionnelle presse nationale vient de se prendre neuf ans de prison pour ses propos antisémites et sa velléité de préparation d’attentats.

Fini de rire en République d’Enmarchistan : les choses sérieuses commencent !

D’ailleurs, à bien y réfléchir, plutôt qu’avoir des opinons qui puent, des discours rances ou délirer sur des plans d’attentats, il vaut clairement mieux traîner au sol un policier sur une vingtaine de mètres en conduisant sans permis à bord d’un véhicule et en refusant d’obtempérer : en la jouant finement, on s’en sort avec quelques travaux d’intérêt général, ce qui est nettement plus rigolo que neuf ans de prison.

Présenté ainsi, certains pourraient croire que la justice française n’est pas encore tout à fait au point en matière de peines, alors que semble se lever une ère nouvelle qui réclame davantage de sévérité.

C’est une erreur de penser ainsi : la justice française peut et sait faire rapide et efficace. Comme dans bien d’autres domaines, tout est affaire de motivation.

Prenez l’exemple récent d’une triste affaire de vol avec violences en rue à Paris, dans le XVIIe arrondissement – rassurez-vous, c’est presque aussi rare dans la capitale que d’y croiser un surmulot en goguette – dans laquelle la victime a failli se faire dérober sa montre de luxe et son téléphone : alors que pour d’autres cas similaires, les malandrins courent toujours, on apprend que cette fois-ci, les quatre suspects ont été rapidement interpellés et mis en garde à vue. Le fait que la victime soit le fils d’une magistrate du tribunal judiciaire de Paris ne joue sans doute pas beaucoup dans le zèle des équipiers de la compagnie de sécurisation et d’intervention de police de la capitale…

Maintenant qu’il est raisonnablement acquis que la justice est donc aussi aveugle que ferme et implacable, on comprend mieux pourquoi cette même justice française a lancé un mandat d’arrêt international contre le président syrien Bachar Al-Assad, après l’avoir accusé de complicité de crimes contre l’humanité pour les attaques chimiques perpétrées à l’été 2013 en Syrie.

Voilà qui ne manque pas de panache, n’est-ce pas. Reste à savoir quelle quantité de travaux d’intérêt général le pauvre Bachar devra exécuter, à moins bien sûr que la justice française considère que « un Bachar mérite plus qu’un chauffard » et qu’on envisage alors de lui coller quelques années de prison, sans sursis.

La juxtaposition de ces différents éléments laisse cependant un sentiment étrange : d’un côté, on observe les actes empreints de gravité d’épitoges froufroutantes qui confinent à la grandiloquence grotesque pour de l’autre constater des décisions d’un ridicule achevé ou en décalage si violent avec le besoin réel de justice et d’un minimum de cohérence d’ensemble qu’on ne peut qu’être envahi d’une impression persistante de foutage de gueule.

D’un côté, pilotée par un gouvernement dont le garde des Sceaux est actuellement en procès (ce qui est une première ahurissante dans l’histoire de ce pays), la justice française prétend traîner en justice le dirigeant d’un pays étranger ; de l’autre, cette même justice multiplie les exemples d’un système qui n’est favorable qu’à une petite caste, ultra-démissionnaire lorsqu’il s’agit de faire preuve d’une élémentaire fermeté et complètement disproportionnée dès qu’on parle idéologie.

D’un côté, la justice semble totalement débordée pour assurer des procès en temps raisonnable aux justiciables français, ou même de garantir que les OQTF seront appliquées en nombre autrement que purement symbolique ; de l’autre, elle trouve amplement le temps de se lancer dans des mandats d’arrêt internationaux qui ont absolument tout de la posture et qui, de surcroît sur le plan diplomatique, ne seront qu’une nouvelle erreur à ajouter aux myriades déjà empilées avec gourmandise par nos différents gouvernants depuis Sarkozy.

D’un côté, on voit les petits avortons à la Darmanin se multiplier comme du chiendent sur tous les plateaux télé pour expliquer à ceux qui veulent l’entendre (heureusement de moins en moins nombreux) qu’il va mettre en place ceci ou cela, que ça ne va pas se passer comme ça, que la justice saura se montrer ferme et patin couffin ; de l’autre on constate que la violence, les crimes et délits, l’insécurité et les incivilités (pourtant du ressort direct de l’avorton en question) explosent partout sur le territoire.

Et pas de doute, d’un côté, on note clairement la grandiloquence grotesque de nos dirigeants. De l’autre, on ne voit que l’impuissance ridicule d’un État en pleine déliquescence.

Sur le web.

Adoption de la vidéosurveillance algorithmique : un danger sur les libertés

Le 23 mars 2023, l’Assemblée nationale approuvait l’article 7 du projet de loi olympique, qui se fixait entre autres buts d’analyser les images captées par des caméras ou des drones, pour détecter automatiquement les faits et gestes potentiellement à risques.

Pour être plus précis, l’article adopté prévoyait « l’utilisation, à titre expérimental, de caméras dont les images seront analysées en temps réel par l’IA. Ces caméras pourront détecter, en direct, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler des actes de violence, des vols, mais aussi de surveiller des comportements susceptibles d’être qualifiés de terroristes. »

Un article extrêmement controversé.

 

De la vidéosurveillance algorithmique

Il existe de nombreuses solutions technologiques permettant d’analyser et d’exploiter les données vidéo pour des applications de sécurité, de surveillance et d’optimisation opérationnelle. La vidéosurveillance algorithmique (VSA) est ainsi conçue pour extraire des informations significatives à partir de grandes quantités de données vidéo.

Ces solutions offrent des fonctionnalités telles que : la recherche vidéo avancée, la détection d’événements, l’analyse des comportements, et d’autres outils permettant aux utilisateurs de tirer des insights exploitables à partir de leurs systèmes de vidéosurveillance…

Comme l’indique sur son site la Société BriefCam, évoquant l’une de ses solutions VSA :

« Vidéo synopsis » : « La fusion unique des solutions VIDEO SYNOPSIS® et Deep Learning permet un examen et une recherche rapides des vidéos, la reconnaissance des visages, l’alerte en temps réel et des aperçus vidéo quantitatifs. »

Dans le cadre des JO 2024, de nombreux groupes étaient alors dans l’attente de la promulgation de cette loi pour se positionner, des groupes connus comme Thales et Idemia, et d’autres moins connus, comme XXII, Neuroo, Datakalab, Two-I ou Evitech. Il ne faut pas oublier que dans la fuite en avant du capitalisme de la surveillance (de masse), outre la sécurité promise de façon récurrente, pour ne pas dire fantasmée, des lobbys font pression et il y a des enjeux financiers. En 2022 « l’État projetait ainsi d’investir près de 50 millions d’euros pour les caméras de vidéoprotection, ce qui correspond à 15 000 nouvelles caméras ». En mai 2023, l’appel d’offres était lancé  par le ministère de l’Intérieur.

 

La VSA, une technologie très controversée et des lois expérimentales ?

L’usage de la Vidéo Surveillance Algorithmique censée détecter automatiquement, via une intelligence artificielle, un comportement « dangereux ou suspect », a suscité la réaction de nombreux défenseurs des libertés publiques et d’experts en tout genre. Les arguments sont multiples :

  • La VSA n’est pas infaillible et peut commettre des erreurs liées à des biais algorithmiques.
  • Les agences gouvernementales qui déploient des systèmes de VSA peuvent tout à fait ne pas divulguer pleinement la manière dont les technologies sont utilisées.
  • Aux problèmes du manque de transparence (qu’est-ce qu’un comportement suspect ?), viennent s’ajouter des « difficultés » liées à la vie privée, la discrimination, la surveillance de masse et à d’autres implications éthiques…
  • Par-delà le cadre officiel supposé cadrer son usage (cf. La publication fin août 2023 au Journal officiel du décret fixant les conditions de mise en œuvre) cette expérimentation sera possible jusqu’en 2025.

 

La vidéosurveillance change de nature, franchit un nouveau cap attentatoire aux libertés publiques. Elle nie une fois de plus toutes les études démontrant qu’elle est une sécurité fantasmée qui a été vendue aux citoyens. Il ne faut pas perdre de vue que le capitalisme de la surveillance est avant tout un véritable business fondé sur la peur.

Combien de fois faudra-t-il répéter (réécrire) que c’est un misérable leurre ?

Même une étude commanditée par la gendarmerie nationale conclut « à un apport très marginal de la vidéosurveillance dans la résolution des enquêtes judiciaires, mais aussi dans la dissuasion ».

De telles études ne sont pas médiatisées : « There’s no business like fear business ».

Et c’est ainsi qu’une surveillance de masse de plus en plus inacceptable poursuit sereinement son chemin… offrant aux pouvoirs s’autoproclamant démocratiques des outils terrifiants s’ils sont un jour dévoyés.

Pour autant, le mercredi 12 avril 2023, le Sénat adoptait définitivement la « LOI n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses diverses autres dispositions » !

Et le 24 mai 2023, par-delà les alertes de nombreux acteurs, comme la Quadrature du Net, et la saisie du Conseil constitutionnel par plus d’une soixantaine de députés, la vidéosurveillance intelligente aux JO était déclarée conforme à la Constitution. Cette validation figure désormais dans l’article 10 de la Loi relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024, autorisant à titre expérimental l’utilisation de la vidéosurveillance intelligente, notamment au moyen de drones. (cf. LOI n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions)… : Chapitre III … (Articles 9 à 19) NDLA.

L’histoire de cette loi et de cet article très polémique n’est peut-être pas encore finie… En effet cette décision pourrait ne pas être en conformité avec le futur « Artificial Intelligence Act », en cours de discussion au Parlement européen.

 

Déploiement de systèmes de reconnaissance faciale depuis 2015 ? Vers un scandale d’État ?

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a annoncé le 15 novembre 2023 engager « une procédure de contrôle vis-à-vis du ministère de l’Intérieur suite à la publication d’une enquête journalistique informant d’une possible utilisation par la police nationale d’un logiciel de vidéosurveillance édité par Briefcam et de fonctionnalités de ses solutions strictement interdites sur le territoire français : la reconnaissance faciale ».

Le 20 novembre 2023, réagissant à la publication d’informations du site d’investigation Disclose qui  affirme s’être appuyée sur des documents internes de la police, a révélé – sans conditionnel – l’usage par ces derniers d’un système de vidéosurveillance dit « intelligent » répondant au nom de « vidéo synopsis » depuis… 2015.

Du côté de la place Beauvau, s’il n’y a pas eu de démenti formel, quelques jours plus tard, pour donner suite aux révélations de Disclose, le 20 novembre 2023 le ministre de l’Intérieur déclarait sur France 5 avoir lancé une enquête administrative. Ce dernier a par ailleurs déclaré à Ouest-France « qu’un rapport avait été réclamé aux directeurs de l’administration pour qu’on lui confirme l’absence de reconnaissance faciale couplée à la vidéoprotection.

Notons que si Gérald Darmanin a toujours prôné l’usage de systèmes VSA comme outil de surveillance… il a toujours affirmé être opposé à la reconnaissance faciale !

Il avait ainsi déclaré en 2022 devant le Sénat :

« Je ne suis pas pour la reconnaissance faciale, un outil qui relève d’un choix de société et qui comporte une part de risque » et d’ajouter : « car je crois que nous n’avons pas les moyens de garantir que cet outil ne sera pas utilisé contre les citoyens sous un autre régime ».

Après avoir voulu intégrer la VSA dans la loi Sécurité Globale, puis dans la LOPMI, sans y parvenir, les JO 2024 ont été un nouveau prétexte… Et le pouvoir en place est arrivé à ses fins. Sans revenir sur les éléments que j’ai pu évoquer, sur l’efficacité discutable d’une surveillance de masse qui ne cesse de s’accroître en changeant de nature avec l’arrivée du VSA, et qui, pour reprendre les propos du ministre, comprend également une part de risque pour les citoyens, il ne faudrait pas oublier que :

« La VSA et la reconnaissance faciale reposent sur les mêmes algorithmes d’analyse d’images et de surveillance biométrique. La seule différence est que la première isole et reconnaît des corps, des mouvements ou des objets, lorsque la seconde détecte un visage ».

Quant à la part de risque qu’évoque le ministre, si l’affaire soulevée par Disclose est avérée, usage de fonctionnalité prohibée par des serviteurs de l’État dont les valeurs sont de « faire preuve de loyauté envers les institutions républicaines et être garant de l’ordre et de la paix publics »… ?

 

Et si c’était vrai…

La situation du ministre de l’Intérieur est dans cette affaire pour le moins extrêmement délicate.

En tant que « premier flic de France » comme il aime à se définir, en reprenant – pour l’anecdote – Clemenceau – le Premier ministre de l’Intérieur à s’être qualifié ainsi – il serait pour le moins dérangeant, pour ne pas dire grave, que les affirmations de Disclose soient confirmées, et que ces faits se soient déroulés dans son dos. Cela acterait un dysfonctionnement majeur et inacceptable place Beauveau, puisque ne garantissant plus un fonctionnement démocratique dont il est le garant. Ce scénario serait grave, et il serait encore plus terrible que l’enquête démontre que le ministre, contrairement à ses allégations, en ait été informé.

À ce jour une enquête administrative, lancée par ce dernier est en cours.

Pour rappel, ce type d’enquête « vise à établir la matérialité de faits et de circonstances des signalements reçus et ainsi dresser un rapport d’enquête restituant les éléments matériels collectés auprès de l’ensemble des protagonistes. Sur la base de ces éléments, la collectivité décide des suites à donner au signalement ».

Dans le même temps, le groupe LFI a indiqué le 21 novembre être en train de saisir la justice au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale et a réclamé une commission d’enquête parlementaire sur le « scandale de la reconnaissance faciale » ! Enfin, La CNIL, autorité indépendante gardienne de la vie privée des Français, a annoncé le 22 novembre le lancement d’une procédure de contrôle visant le ministère de l’Intérieur.

Au milieu de cette effervescence et de cet émoi légitime, que cela soit le ministère de l’intérieur, une partie de l’opposition, la CNIL… chacun est dans son rôle !

La sagesse est donc de patienter. Toutefois, il me semble que la seule porte de sortie du ministère dans la tourmente soit que les faits reportés soient faux ou au moins pire, extrêmement marginaux. Il serait fâcheux pour notre démocratie et pour reprendre les propos du ministre que « cet outil (sa fonctionnalité de reconnaissance faciale) ait été utilisé contre les citoyens ».

Ce serait encore plus dramatique si la reconnaissance faciale avait été utilisée en connaissance et avec l’aval des plus hautes instances. Alors se poserait une effroyable question – pour reprendre à nouveau les propos du ministre de l’Intérieur –  « aurions-nous changé de régime ? ».

L’assimilation, ce concept antilibéral

Dans un article précédent, j’ai montré que l’immigration libre était un point du programme des libéraux français classiques, et que pour marcher dans leurs pas, il nous fallait penser les contours de cette politique, plutôt que la rejeter.

J’examinerai aujourd’hui le principe de l’assimilation, pour voir s’il peut être reconnu par le libéralisme.

 

Le droit d’être minoritaire

C’est un principe fondamental du libéralisme que le respect des opinions et des actions inoffensives des minorités, et de tout ce qui peut être défini comme la sphère propre de l’individu (Benjamin Constant, Œuvres complètes, t. IV, p. 643 ; t. XIII, p. 118). En d’autres termes, chaque individu a le droit d’avoir ses goûts, ses opinions ; on n’exige guère de lui que sa soumission aux lois, c’est-à-dire qu’il ne blesse pas la liberté égale de son voisin, et ne détruise pas ses propriétés.

D’ordinaire, l’individu qui est né sur le sol et qui acquiert la nationalité par la naissance n’est pas inquiété par les prétentions coercitives de quelconques majorités. L’opinion commune ne le contraint pas : il adopte les tenues vestimentaires qu’il a choisi ; il a ses opinions ; en bref, il mène sa vie selon son propre règlement.

Mais on voudrait que les immigrés, en tant que nouveaux venus, se conforment aux opinions majoritaires, ou couramment admises. D’abord, il faudrait pouvoir les définir, et d’ordinaire, on s’en garde bien. Mais sans doute la chose est assez claire : il faut pour eux s’habiller « comme tout le monde », penser « comme tout le monde », et en somme vivre la vie de tout le monde.

Ce projet a le grave défaut de s’opposer à la nature de l’homme. La nature a voulu l’inégalité : les individus naissent inégaux, leurs expériences de vie sont différentes, et les instruments par lesquels ils produisent leurs émotions et leurs idées, sont différents (Ch. Dunoyer, Nouveau traité, etc., 1830, t. I, p. 92-93). On n’est pas maître d’aimer la musique de la majorité, ou les plats dont se régale la majorité, par un simple acte de la volonté (G. de Molinari, Conversations sur le commerce des grains, 1855, p. 159 et suiv.). Tocqueville était convaincu de l’importance de la religion, mais il n’était pas libre de croire ce qu’il ne croyait pas.

Faire adopter des modes vestimentaires, des opinions et des modes de vie, se fait ou par la conviction, ou par la contrainte. Dans le cas de l’assimilation, on rejette d’avance la conviction, car ce serait admettre le droit d’être innocemment minoritaire, et c’est ce dont précisément on ne veut pas. Il faudra donc édicter et faire respecter certaines opinions, des manières de se vêtir, de vivre. Il y aura des sanctions pour ceux qui y contreviendront.

De ce point de vue, l’assimilation, si elle veut dire adopter certains modes de vie, n’est pas conforme aux principes du libéralisme, et elle prépare aux confins de la grande société une petite société qui est à l’opposée de son idéal.

 

Le paradoxe de l’enfant

L’immigrant, dira-t-on, est un nouveau venu : par conséquent, il n’a pas les mêmes droits, il ne mérite pas la même liberté. Il vient dans une société déjà formée, dont il doit respecter les susceptibilités. Il ne peut pas marcher à sa guise son propre chemin.

Cependant, tout nouvel enfant qui naît en France se présente aussi essentiellement comme un nouvel arrivant. Or qui dira qu’il a le devoir absolu de s’assimiler ? Au contraire, vous le verrez bientôt avoir ses opinions, ses goûts, ses penchants. De la société dont il a hérité, il fera, avec d’autres, ce qu’il voudra et ce qu’il pourra. Il renversera peut-être les opinions reçues, lancera de nouvelles modes dont les plus anciens s’offusqueront. Tout cela est dans l’ordre. Car chaque nouvelle génération remplace celle de ses parents et grands-parents, dans un grand-remplacement continuel qui est de l’essence des sociétés humaines.

Cette évolution naturelle est d’ailleurs la condition du progrès. Il ne faut pas en avoir peur. La prétention de fixer le cadre social des générations futures est au contraire profondément antilibérale, et rappelle les charges que Turgot lançait jadis contre les fondations pieuses prétendument immortelles (Article « Fondation » de l’Encyclopédie).

De ce point de vue encore, la prétention à l’assimilation ne paraît pas conforme aux principes du libéralisme.

 

L’assimilation vraie et fausse

À en croire les auteurs libéraux classiques, l’assimilation est de toute manière, dans notre pays, une véritable utopie. Sur un même sol, les Français se feront plutôt arabes que les Arabes ne se feront français ; laissés à leur propre impulsion, certains retourneront à la vie sauvage, plutôt que de pousser les populations indigènes à suivre leurs pratiques civilisées. (Édouard Laboulaye, Histoire politique des États-Unis, 1867, t. III, p. 53 ; Paul Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les peuples modernes, 1874, p. 154)

La vraie assimilation se fait par la conviction, le libre débat, l’influence d’une culture supérieure qui produit des merveilles éclatantes et qu’on admire. Elle se fait aussi par la nature imitative de l’homme, par son goût pour la tranquillité, par son conservatisme. Enfin, elle procède des unions de l’amour.

L’assimilation légale, je ne vois pas qu’un libéral des temps passés l’eût vanté ni même surtout pratiqué. Au contraire, je les vois tous à l’envie se conduire dans tous les pays fidèles à leurs propres usages, avec un sans-gêne qui n’étonne pas encore à l’époque. Réfugié aux États-Unis, le physiocrate Dupont de Nemours, par exemple, n’a jamais pris la peine d’apprendre l’anglais, et il continuait à dater ses lettres selon le nouvel almanach de France (voir ses Lettres à Jefferson, et Dupont-De Staël Letters, 1968, p. 60). Il était venu sans passeport, avec des opinions monarchistes très célèbres, puisqu’il les avait répandues dans des livres et brochures pendant plus de quarante ans. Il a fondé en toute liberté une entreprise de poudre, c’est-à-dire d’explosifs, qui aujourd’hui emploie 34 000 personnes et produit un résultat net de quelques 6,5 milliards de dollars. Il a vécu là-bas paisiblement les dernières années de sa vie.

Pour définir une position libérale moderne sur la question de la liberté d’immigration, l’assimilation est donc une première chimère à écarter.

Qu’est-ce qu’une Constitution libérale ?

La France se prépare à modifier sa Constitution, afin d’y inscrire que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Sans doute devons-nous savoir ce que nous faisons, nous qui avons conçu assez de Constitutions au cours de notre histoire pour en fournir au monde entier. Et pourtant, il semblerait bien que nous errions.

Ce n’est pas tant la question de l’avortement qui est en jeu : c’est l’idée même de Constitution, qui paraît singulièrement mal comprise et détournée de son but.

En son temps, Frédéric Bastiat s’était attaqué, dans l’un de ses plus fameux pamphlet, à « la loi pervertie… la loi non seulement détournée de son but, mais appliquée à poursuivre un but directement contraire » (La Loi, 1850, p. 3). Peut-être aujourd’hui faudrait-il écrire contre « la loi des lois pervertie… la loi des lois non seulement détournée de son but, mais appliquée à poursuivre un but directement contraire ».

Et l’indignation devrait être au centuple. Mais certainement en devrions-nous être peu surpris.

Car en France, nous avons toujours eu une conception très antilibérale de la loi. Le plus fidèle disciple de Bastiat disait en son temps que c’est parce que nous héritons des Romains, qui en tant que propriétaires d’esclaves, ne pouvaient à la fois reconnaître la liberté, et la violer, comme ils le faisaient (Œuvres d’Ernest Martineau, t. II, p. 61).

Voyez par exemple la propriété.

Le Code civil énonce :

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

C’est-à-dire que la propriété n’existe pas ; c’est une concession, et par conséquent une fiction : l’État la restreint à sa guise, non seulement par des lois, mais par de simples règlements (Idem, t. I, p. 53 ; t. II, p. 365).

Il en va de même de nos grands principes constitutionnels.

« Tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

La Constitution américaine parle un tout autre langage : « Le Congrès ne fera aucune loi… qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse ». Ce qui se révèle dans cette différence est une conception toute différente du rôle même d’une Constitution.

 

Une Constitution sert à restreindre le pouvoir de l’État

Si nous revenons aux auteurs, nous comprenons qu’une constitution est un acte politique essentiellement libéral.

Ce n’est pas pour célébrer les vertus d’un État divin qu’on la compose et qu’on l’enregistre, mais tout au contraire par défiance, et pour protéger les droits individuels (Œuvres complètes de Benjamin Constant, t. I, p. 502). Par conséquent, son langage et sa teneur doivent se ressentir de ce but : il faut y inscrire nettement les bornes du pouvoir, ses vraies attributions, et les droits politiques et individuels qu’on reconnaît et garantit ; mais il ne faut pas y ajouter des dispositions de détail, qui sortent de ce cadre (Idem, t. XIII, p. 514).

Ce fut la grande (et contribution de Benjamin Constant, comparé à la pensée libérale du XVIIIe siècle, que de reconnaître la nécessité des limites constitutionnelles. Les penseurs qui l’avaient précédé, physiocrates en tête, avaient été trop souvent complaisants pour le pouvoir, et avec la grande force qui s’agitait pour faire le mal, ils songeaient à se servir pour le bien. Une grande partie de son œuvre, et sans doute la meilleure, a servi pour guider ses contemporains sur d’autres voies.

 

Les bornes du pouvoir et la sphère de l’individu

Au XVIIIe siècle, les libéraux français étaient pour la plupart opposés au développement de ce qu’on appellerait la démocratie, c’est-à-dire à la participation politique du peuple.

Établi sur un tout autre théâtre, Benjamin Constant n’eut pas de mal à reconnaître que :

« La direction des affaires de tous appartient à tous ».

Mais c’était pour ajouter :

« Ce qui n’intéresse qu’une fraction doit être décidé par cette fraction. Ce qui n’a de rapport qu’avec l’individu, ne doit être soumis qu’à l’individu. On ne saurait trop répéter que la volonté générale n’est pas plus respectable que la volonté particulière lorsqu’elle sort de sa sphère. » (O. C., t. IV, p. 643)

C’était indiqué assez clairement, non seulement l’utilité de la décentralisation, mais des limites constitutionnelles. Car si le pouvoir n’a pas d’autorité, pas de légitimité pour se mêler de certaines affaires — la religion, l’éducation, l’industrie, par exemple — cela signifie que des actes qu’il accomplirait dans ce but, ne seraient pas légaux. « Il y a des actes que rien ne peut revêtir du caractère de loi », écrivait Constant (Idem, t. XV, p. 379). Et là est la fonction essentielle des Constitutions.

 

Ce qu’il faut encore, outre une Constitution libérale

Sans doute, les déclarations de droits sont de peu de valeur si le pouvoir n’est pas attaché à leur respect, et le peuple prêt à tenir le pouvoir comptable de ses engagements.

« Que les ministres cherchent à nous faire illusion pour leur propre compte, c’est leur métier, disait Constant. Le nôtre est de nous tenir sur nos gardes. » (O. C., t. XIII, p. 227)

Au-delà des limites constitutionnelles, il faut donc la surveillance publique, l’énergie d’une presse libre, et l’opinion entièrement acquise à la bonté des libertés individuelles. Autrement dit, il y aurait pour les libéraux un deuxième travail à accomplir quotidiennement, le premier fût-il achevé. Allons, courage !

[Enquête] Ethnocide des Touareg et des Peuls en cours au Mali : les victimes de Wagner témoignent

Le Mali du colonel Assimi Goïta est devenu une colonie de Moscou. Depuis bientôt deux ans, le groupe Wagner, bras armé de l’impérialisme russe en Afrique, y sème la terreur et ne cesse de monter en puissance. Ses actions destructrices ont des conséquences désastreuses pour la stabilité des pays du golfe de Guinée, du Maghreb et du sud de l’Europe.

Cet article représente le premier volet d’une enquête au long cours destinée à être publiée en 2024 sous une forme beaucoup plus exhaustive. L’actualité récente de la prise de Kidal par les terroristes de Wagner le 14 novembre dernier m’a conduit à bouleverser mon calendrier pour sensibiliser le grand public au sujet d’un double ethnocide qui a lieu en ce moment même au sud des frontières européennes, dans le grand voisinage de l’Europe.

 

Pourquoi enquêter sur les victimes de Wagner au Mali

Depuis le retrait de la force Barkhane, le régime putschiste installé à Bamako s’appuie sur le groupe paramilitaire russe Wagner pour se maintenir au pouvoir et régler des comptes historiques avec deux groupes ethniques : les Peuls et les Touareg.

Moura, Hombori, Logui, Tachilit, Ber, Ersane, Kidal, Tonka… ces noms de lieux sont devenus synonymes de carnages pour des milliers de civils issus de ces deux ethnies. Tout se passe exactement comme si le régime d’Assimi Goïta avait planifié et mis en œuvre le massacre systématique de tout individu targui et peul. Hommes, femmes et enfants sont ciblés sans distinction, pourvu qu’ils soient des Touaregs ou des Peuls.

Ces six derniers mois, j’ai pris contact avec des centaines de victimes de Wagner pour recueillir leurs témoignages. Ces témoins sont majoritairement des hommes originaires de Tessalit, Tombouctou, Gossi, Gao, Kidal et Ménaka, communes du nord du Mali qui étaient sécurisées par l’armée française jusqu’en 2021/2022. La plupart d’entre eux ont fui leurs villes et leurs villages pour se réfugier dans des pays limitrophes en Afrique de l’Ouest (Mauritanie, Niger), en Afrique du Nord (Tunisie, Algérie) et même en Europe du Sud (France). Ceux qui sont restés vivent dans l’épouvante au quotidien. Tous sont polytraumatisés. Leurs récits nous renseignent sur les méthodes sanguinaires de l’impérialisme russe en Afrique. Les citations rapportées sont directes, il n’y a aucune reformulation. J’ai aussi laissé les fautes d’orthographes, lorsqu’elles proviennent de témoignages écrits. Les prises de parole que j’ai retranscrites ou restituées ici émanent toutes d’individus qui ont pris des risques en dialoguant avec moi et en acceptant que leurs récits soient publiés. Il ne s’agit que d’une petite partie des témoignages que j’ai recueillis. Je n’ai volontairement donné aucune indication précise sur les identités et les lieux de vie des témoins, pour ne pas les exposer ni exposer leurs familles à des représailles certaines.

 

Exécutions sommaires, tortures, pillages, viols : récits des premiers actes commis par les Wagner à leur arrivée dans des communes peuplées de Peuls ou de Touareg

Les Wagner dominent par la terreur. Les témoignages de leurs arrivées dans une commune Peule ou Targui comportent de nombreuses récurrences sur leurs modes opératoires. De nuit ou de jour, ils commencent par épouvanter la population locale en tuant des innocents sous couvert de lutte contre le terrorisme. Ensuite, ils détruisent les ressources locales et procèdent à des pillages et à des viols :

« Le jour de leur arrivée ils ont commencé par exécuté 9 personnes dont 3 vieux et 2 enfants. Les autres jours ils entrent dans les maisons pillent les commerces , chaque [jour] ils abattent parmi nos animaux pour leur cuisine. »

« Ils sont venus avec les militaires maliens. Sans chercher à comprendre, ils ont tués des innocents. Ça a été tellement rapide ! Les hommes ont été envoyés loin du village, ensuite les femmes ont été choisies comme des mangues au marché, uniquement pour nous violer. J’ai été violée par 5 hommes pendant 2 h de temps . Mon époux était parmi les personnes tuées. »

« Ils sont venus chez nous après une attaque contre l’armée malienne. Suite aux interrogations, ils ont amenés 14 personnes, des peuls, Touaregs et arabes et jusqu’à présent personne d’entre eux n’est jamais revenu. Bientôt un an Sans aucune nouvelle d’eux. Ils ont des familles, des épouses et des enfants. C’est vraiment déplorable. »

« Ils sont rentrés dans mon village pendant le jour du foire hebdomadaire avec des hélicoptères et chasseurs de DJENNÉ sur les motos , ils ont cernés le village, commencé a tiré sur tout le monde au marché. Ceux qui ont fuit pour se réfugier dans la brousse ont croisés les chasseurs et Wagner et militaires, ils ont été tués immédiatement. Ceux qui se sont réfugiés au village ont été capturés vivants, brûlés vivants sans motif. Chez nous, l’état avait abandonné le lieu pendant 9 ans , tout le monde était sous Influences des djihadistes. Au lieu de nous protéger, ils ont tués des gens comme des animaux. Après avoir tués les gens, ils ont tout pillé et abandonnés les corps dans la brousse et dans les rues. C’était désastreux ! Ceux [Ce] qu’ils disent à la télé n’est que la moitié du nombre de personnes tuées. »

« Quand les wagner sont tombés dans une embuscade sur la route principale de niono , après qu’il y’a eu des morts parmi eux , un convoi s’est dirigé à Ségou pour amener les blessés à l’hôpital et dépose les cadavres a la morgue et le second convoi s’est dirigé dans notre village. Ils ont fait une descende musclée chez un marabout peul qui enseigne les élèves coraniques, après avoir rentré , ils n’ont parler à personne. Ils ont fait le tour de la maison , fouiller les chambres et finit par enlevé 4 élèves coraniques ,tous des peuls , j’ai grandi avec eux au village. Deux ont été amenés à Ségou jamais retourner, et les corps sans vies de deux autres abonnés à la sortie de la ville. C’était la PANIQUE au village. »

« Lorsqu’ils sont venus chez nous , ils disaient que notre communauté informait les djihadistes mais c’était faux. Tous les jeunes et vieux ont été ramenés a 3 km de la ville , pour poser des questions que nous n’avons pas eu de réponse . Ils demandaient pourquoi nous informait les djihadistes ? Nous avons répandu que nous ne connaissons pas de djihadistes. Ils ont tiré avec une arme sur les pieds de 3 personnes dont un a succombé après quelques jours, un à perdus son pied et le troisième n’est toujours pas guéri. Ils m’ont frappé avec un bâton, j’ai des cicatrices sur ma tête actuellement. Après leurs auditions, ils n’ont pas laissé un seul animal, ils ont tous pris ».

« Mon ami tamachec à été tué chez lui et sa femme à été violée par les hommes de Wagner. Il n’a rien fait, son seul tord est d’être né avec la peau blanche. Ils l’ont soupçonné d’être en contact avec les djihadistes. C’était faux. »

« Après avoir été attaqués par les djihadistes qui a causés des pertes de vies dans leur rang , ils sont venus pour se venger des peuls sans motif . Brûlés nos champs, nos maisons et emportés nos animaux. »

« Wagner est arrivé dans mon village, ils cherchaient quelqu’un qui avait été indiqué mais absent depuis 6mois. Après avoir finit de questionnés les Villageois, ils voulaient amenés les femmes dans une maison et les violés. Quand nous nous sommes opposés, ils ont abandonnés l’idée en s’attaquant aux jeunes pourqu’ils disent s’ils ont vues l’intéressés. Moi étant le fils du chef de village, ils m’ont amené en brousse, me torturé et me laisser pour mort et continue leur route. Trois jours plutard, nous avions appris qu’ils arrivent, nous avons fuit en laissant tout derrière nous. Ils sont rentrés au village avec les militaires maliens et brûlés le village. »

« Lorsqu’ils sont venus chez nous, ils nous ont d’abord demander de nous écarté des animaux. c’etait en brousse ! Lorsqu’ils ont commencés à poser des questions, l’un d’entre nous par peur à voulut s’enfuir, et sans hésiter, ils l’ont tirer à bout portant au dos. Il est mort sur place. Ensuite ils ont demandé à mon frère aîné Mohamed  [le prénom a été changé] de se déshabiller, lui voulait savoir pourquoi, ils ont mis une balle en tête. Je tremblait jusqu’à ce que j’ai pissé sur moi. Ils ont embarqué tous les animaux, et me mettre une balle au pied droit. Comme ce n’était pas loin de la ville, je me suis débrouillé Pour rentré en ville, mais j’avais perdu tellement de sang que je me suis évanoui et me réveiller à l’hôpital. Nos parents ont enterrés les corps. »

« Ma Femme à fait une fausse couche et elle a perdue notre bébé de 4 mois. Plusieurs personnes ont été blessés parce qu’elles voulaient au moins récupéré leurs bien dans les maisons qui étaient entrain d’être brûlés par les Wagner »

 

Vivre sous le joug de Wagner : « la peur est devenue notre quotidien »

Avant l’arrivée de Wagner, les témoins que j’ai interrogés avaient une profession ou étudiaient. Ils étaient bergers, commerçants, comptables, réparateurs de motos, vendeurs en boutique, transporteurs, gardiens, étudiants. Aujourd’hui ils ont perdu leurs emplois et leurs ressources. Les étudiants ne vont plus à l’université. Leurs familles sont détruites : ils ont vu des proches se faire assassiner, violer, torturer. Certains éduquent les « bébés Wagner », ces enfants qui sont nés après les viols.

Voici comment ils décrivent leur quotidien :

« Je n’ai plus de vie, je n’arrive pas à faire enlever les mauvais souvenirs en tête. J’ai vu mes parents et amis brûlés vivants par les hommes blancs, militaires maliens et chasseur. »

« Toujours dans la peur de se faire massacrer. Les Wagner tuent des gens partout où ils passent. »

« Les mercenaires ont changé notre train de vie, Tu ne peux plus penser à voyager à l’intérieur de la Région sans que tu ne crains pour ta vie, ils sont devenu les cauchemar des populations depuis leurs arrivés à Ber dans la région de tombouctou »

« Ma vi cest la dépression, des sentiments de nostalgie, la souffrance psychique »

« L’élément majeur c’est l’asile de tous mon village en Mauritanie. »

« Nous avons souffert de l’expulsion de nos familles vers des camps de réfugiés par peur de l’oppression financière et de l’oppression de Wagner. Nous avons perdu nos emplois, nos villes et nos vies auxquelles nous étions habitués, tout comme nos enfants ont perdu leur éducation. »

« A cause de wagner, notre communauté à été obligée de fuir. Nous sommes victimes de racisme sans nom par ce que nous sommes des Touaregs»

« L’image de la Scène est toujours devant mes yeux. Mon meilleur ami et collaborateur à été tué et sa femme violée. C’est terrible ! »

« Nous n’avons plus de travail, animaux et maisons à cause de Wagner. Ils ont bafoués notre dignité en Violant nos sœurs et épouses sous nos yeux »

« Ils m’ont pris des amis et à cause d’eux les peuls de notre village qui ont cohabiter avec nous pendant plusieurs générations ont fuit. Ce n’était pas des djihadistes. »

« Ils nous ont tout pris. Celui qui brûle ton village t’a humilié et détruit ta vie. »

« Ils m’ont rendus rancunier et fou»

« Wagner à détruit notre avenir. Jamais nous ne pardonnons »

 

Les victimes de Wagner accusent la Russie et la junte de Bamako

J’ai demandé à tous les témoins que j’ai consultés si pour eux, la Russie était responsable des actions de Wagner. Bien que les sociétés militaires privées soient interdites en Russie, le groupe Wagner a bien été créé pour servir les intérêts de Moscou de façon officieuse. Cette ambiguïté n’existe plus depuis que le président Poutine a signé un décret contraignant les groupes paramilitaires à jurer « fidélité » et « loyauté » à l’État russe, deux jours après la mort du chef du groupe Wagner Evgueni Prigojine. Il restait à savoir si elle subsistait sur le terrain. Elle n’existe pas. Les victimes de Wagner accusent la Russie et la junte de Bamako d’être responsables de la terreur qu’elles endurent. Certains témoins ont été informés du rattachement officiel du groupe Wagner à l’État russe publicisé en août 2023. D’autres n’ont tout simplement jamais fait la différence entre les deux :

« La Russie est le premier responsable mais surtout le gouvernement malien. »

« Oui le premier responsable c’est la Russie qui veut transférer sa guerre géopolitique contre l’Occident sur notre territoire, une guerre qui ne nous profite en aucun cas. Le kremlin influence beaucoup sur la gestion du pouvoir au mali »

« Bien sûr récemment avec l’actuel réorganisation de l’organisation après la mort de Prigojine. »

« malheureusement, Wagner est la main de la Russie en Afrique et en est responsable. »

« La politique étrangère de Moscou est lamentable et par ailleurs la Russie y sera toujours pour quelques choses »

« Oui parce que ce sont des russes »

 

« Pas d’avenir autre que la mort » : quel futur pour les Peuls et les Touareg au Mali ?

Pas une victime de Wagner ne pense que justice lui sera rendue. Les témoins ne font état d’aucun espoir et n’envisagent aucune issue à la situation actuelle, si ce n’est l’exil (lorsque c’est possible) :

« L’avenir est vraiment ambigu, très effrayant et sombre. Nous ne pouvons rien attendre de l’horreur de ce que nous voyons et de ce que nous voyons d’injustice et de tyrannie et du silence du monde sur ce qui se passe. »

« Un avenir incertain et plein d’embûches avec la volonté de la junte à faire la guerre utiliser ses drones contre le Peuple Touaregs et peulhs »

« Aujourd’hui l’avenir pour nous est incertain, il est presque sans issue. Je n’ai pas de travail. »

« Nous avons besoin d’assistance sur le plan sécuritaire car le Mali le Niger et le Burkina ce sont donner la main pour tuer tout ceux qui ne sont pas avec eux au sahel »

« L’avenir est incertain, nos maisons sont brûlés et nous n’avons plus de boeuf. »

« Je ne crois plus à l’avenir. J’ai besoin que mes enfants étudient et avoir une vie meilleure »

Droits de l’Homme : le double discours de Juan Branco

Les questions des droits de l’Homme et de la morale en matière de politique internationale ont été particulièrement instrumentalisées ces dernières années. Les commentateurs et acteurs de la vie politico-médiatique ne sont pas rares à s’être contredits sur ces questions, invoquant alternativement la morale universelle et la rhétorique réaliste des intérêts, fonction des belligérants d’un conflit.

Cas particulièrement exemplaire de cette disposition d’esprit fallacieuse, l’avocat Juan Branco s’est ainsi illustré par de constants et fréquents discours humanitaires concernant diverses situations de politique internationale, tout en s’affranchissant des principes qu’il professait pour d’autres cas.

 

Ukraine : l’angle mort de l’hypocrisie tiers-mondiste

Ainsi, en août 2022, dans un entretien accordé à VA+, il affirmait dans son style toujours grandiloquent que le soutien français à l’Ukraine allait contre nos intérêts nationaux, demandant aux spectateurs de s’interroger sur les raisons qui poussaient notre pays à aider Kiev à défendre sa souveraineté nationale face à l’invasion russe.

Sur son propre site, on peut aussi retrouver un texte de mars 2022 où il affirme la même chose :

« … La question qui se pose aujourd’hui, ce sont les intérêts de la France, la défense des intérêts de la population française et le rôle que l’État français doit jouer afin de protéger ses concitoyens, et que la zone dont nous parlons n’est pas une zone d’intérêt stratégique primordiale pour la France, contrairement à ce qui a été beaucoup affirmé et ne justifie pas du tout le dispositif qui a été mis en place face aux participants au conflit, avec une posture moralisante. »

Si l’objet de cet article n’est pas de démontrer que la France a intérêt à défendre les frontières légales d’un pays limitrophe de l’Union européenne ainsi que de divers États-membres de la zone OTAN, le problème du propos de Juan Branco est qu’il entre en contradiction totale avec la plupart de ses points de vue.

Aujourd’hui célèbre pour ses gesticulations sénégalaises, en tenue traditionnelle locale s’il-vous-plait, l’avocat germanopratin ne manque pas de fustiger l’État français quand il défend ses intérêts en Afrique, au Levant ou partout ailleurs.

Désormais avocat de l’opposant Ousmane Sonko, panafricaniste qui défendait d’ailleurs la junte malienne sous emprise russe en août 2022, au moment même où Juan Branco ne trouvait rien à redire aux bombardements visant des civils à Marioupol ou Bakhmut, il ne manque jamais une occasion de fustiger le Sénégal et la CEDEAO.

 

Les gesticulations sénégalaises de l’avocat Juan Branco

Serait-il dans notre intérêt que le pays le plus stable de la région, qui affiche selon le rapport 2022 de l’Economic Intelligence Institute un des meilleurs indices de démocratie des institutions parmi les pays francophones d’Afrique, tombe entre les mains d’un révolutionnaire ami des régimes sahéliens qui ont chassé l’armée française pour y installer la milice Wagner dont les exactions nombreuses sont parfaitement documentées, le tout pour satisfaire l’appétit d’une puissance prédatrice ?

Ou alors, faudrait-il considérer que la question des droits humains ne concerne que les pays occidentaux ?

De la même manière, on constate qu’Israël subit une attention toute particulière. Israël peut commettre des crimes de guerre et doit, comme tous les États du monde, se soumettre au droit international. Il est néanmoins permis de s’interroger sur le fait que ses actions suscitent bien plus de protestations que celles, par exemple, d’un Bachar Al Assad qui a employé des armes chimiques et même assiégé le camp palestinien de Yarmouk avec une brutalité sans pareille.

 

L’Ordre international est l’intérêt de la France

De tels crimes n’ont alors dérangé personne, et surtout par nos belles âmes plus promptes à salir la France, dont les intérêts semblent selon eux se limiter à s’aligner sur la Russie et ses alliés.

Disons-le donc tout net : ils ne s’intéressent pas plus aux intérêts de la France bien pensés qu’aux droits de l’Homme, mais ont un agenda qui colle étrangement aux obsessions anti-occidentales du « sud global » dont l’objectif final tient dans l’instauration d’une prétendue « multipolarité » qui mettra à bas un Ordre International patiemment construit, au service exclusif des Empires revanchistes et des irrédentismes.

Notre ordre est certes imparfait, mais il vaut mieux que l’anarchie et la multi-conflictualité. Les Juan Branco et autres agités sont donc des agents du désordre et des propagateurs de la guerre du tous contre tous, bien plus que des humanistes. Ce n’est pas être idéaliste que de vouloir défendre l’Ordre international contre ceux qui entendent le saccager. Ce n’est pas non plus contraire au devoir d’humanité qui est le nôtre.

Loi immigration : quelle position réaliste pour un libéral ?

Trentième texte sur le sujet depuis 40 ans, le projet de loi immigration actuellement en discussion au Parlement s’inscrit dans une législation de plus en plus restrictive qui n’est pourtant pas parvenue à dépassionner la question dans le débat public.

Durcit le 14 novembre par le Sénat, le texte interroge sur la position libérale et les enjeux multiples que l’immigration frappe de plein fouet, contribuant à en faire un sujet clivant par excellence, alors même que la question de l’immigration climatique pointe le bout de son nez.

 

Un durcissement progressif

Depuis 30 ans, la législation sur l’immigration n’a pas été épargnée par l’habituelle inflation législative française. Celle-ci s’est durcie par à-coups.

L’obtention de la nationalité par les mineurs nés en France de parents étrangers, imposant une manifestation de l’intéressé en 1993, est devenue automatique sous Jospin, avant d’être subordonnée à un critère d’intégration en 2003.

À partir de 2007, le concept d’immigration choisie chère au président de la République de l’époque a amené à trouver un compromis entre intégration et besoins économiques. Un compromis qui semble rester d’actualité.

 

Équilibre et restrictions

Pour mémoire, le texte initialement présenté par l’exécutif couvre l’ensemble des domaines que la problématique migratoire : travail, intégration, éloignement, asile, contentieux des étrangers.

Renforçant les exigences en matière de connaissance de la langue française pour l’obtention de certaines cartes de séjour, et imposant des engagements envers les principes républicains, le texte vise également à doter les autorités de moyens supplémentaires afin d’éloigner les étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public, y compris les résidents de longue date condamnés pour des crimes graves.

Le texte simplifie également le contentieux des étrangers et prévoit la création des « espaces France Asile » pour centraliser les démarches des demandeurs d’asile.

 

La fin de l’AME

Ce mardi 14 novembre, le Sénat a considérablement durci le texte en introduisant la suppression de l’aide médicale d’État (AME) et des quotas d’immigration économiques. Le Sénat a également souhaité conditionner le droit du sol, aujourd’hui automatique. Les sénateurs souhaitent introduire une fenêtre de demande entre 16 et 18 ans permettant aux enfants nés en France de parents étrangers de demander la nationalité française.

Mais la grande nouveauté du texte votée par la chambre haute est sans doute la fin du fameux article 3, mesure phare du texte introduisant un titre de séjour automatique pour les travailleurs sans-papiers exerçant des métiers en tension, que le Sénat a purement et simplement remplacé par des régularisations exceptionnelles sous conditions.

 

Les libéraux divisés

La question migratoire est sans doute une des plus controversées dans le débat français, au point que les formations de droite appellent aujourd’hui à un référendum sur la question, à la manière de la grande pétition nationale lancée par Les Républicains fin octobre.

Cette controverse n’échappe pas non plus aux défenseurs de la liberté. Le débat est essentiellement porté par les partisans de l’abolition pure et simple des frontières internationales et les libéraux conservateurs. Les premiers estiment qu’il ne saurait y avoir de restrictions à la libre circulation des individus, considérées comme du protectionnisme humain.

Ils s’opposent aux libéraux conservateurs, pour qui la libre circulation est bornée par l’intérêt national, qu’il soit économique ou sécuritaire, lié à la main-d’œuvre ou à l’insécurité.

Entre ces deux visions, les libertariens ont trouvé une position intermédiaire. Elle se fonde sur la propriété privée, estimant que seules les frontières privées devraient être restreintes au bon vouloir des propriétaires.

 

Le compromis réaliste

Une autre position intermédiaire se trouve dans celle promue par l’essayiste Ferghane Azihari.

Partisan de la thèse propriétariste évoquée plus haut, Azihari attaque depuis longtemps la charité mal placée des États occidentaux, estimant que l’immigration souffre du paternalisme des ex-empires coloniaux.

Dans le cadre du débat actuel, l’analyste en politiques publiques appelle à une approche plus sélective fondée sur l’adhésion aux valeurs occidentales et la revendication dans la supériorité de la civilisation d’adoption, tout en critiquant les régimes autoritaires contraignant leurs ressortissants à l’exil.

 

L’impact varié de l’immigration

L’immigration touche par exemple le nombre de demandeurs d’emploi ou les capitaux envoyés par des immigrés dans leur pays d’origine.

Sur le plan social, elle touche la demande d’aides, de prise en charge santé et de logements.

Sur le plan sécuritaire, l’immigration pose la question du trafic d’êtres humains et du taux de délinquance.

Enfin, sur le plan culturel, elle interroge la capacité d’assimilation des sociétés humaines et occidentales en particulier. Cette question est particulièrement présente en France, ancienne puissance coloniale et nation composite fondée sur le consentement, et non sur une ethnie.

Dans cette recherche d’équilibre culturel, Ferghane Azihari estime que la peur de l’immigration révèle un manque de confiance des nations occidentales dans leur modèle. Il appelle ainsi à reprendre en main la défense du modèle français dans l’accueil des migrants.

 

Un marqueur du clivage

La question migratoire reste aujourd’hui un marqueur du clivage gauche-droite. La gauche l’envisage comme la conséquence d’une oppression des populations immigrées, et souhaite ratifier la présence des immigrés par la régularisation. De son côté, la droite l’envisage comme une menace pour l’équilibre social et culturel de la société française, et souhaite la restreindre.

Cette dichotomie se retrouve dans la position des différentes formations politiques sur le projet de loi qui nous intéresse ici.

L’agonisante NUPES considère ainsi le texte comme un acharnement envers les migrants avec l’approbation de la droite et de l’extrême droite, et appelle à garantir le droit d’asile des lanceurs d’alerte.

Au centre, sans surprise, on refuse de toucher au texte de l’exécutif tout en ne fermant par la porte aux propositions de la droite, et en particulier le contrôle à 360 degrés des demandes de titres de séjour et l’ouverture des prestations sociales à partir de cinq ans de résidence sur le territoire.

La droite, justement, ne l’entend pas de cette oreille. Bien avant le durcissement sénatorial, LR a proposé un contre-projet introduisant des demandes d’asile dans les ambassades et consulats français dans les pays d’origine et l’accélération des procédures d’instruction administrative.

Ce contre-projet se veut être un compromis entre les positions du gouvernement et celles du RN, qui demande une remise à plat des règles du droit d’asile depuis l’attaque d’Annecy le 8 juin dernier.

 

Un avenir incertain

Dans ce contexte, l’avenir de la législation française reste incertain. La mouture votée par le Sénat et qui sera discutée à l’Assemblée nationale depuis décembre devrait entraîner le rejet des propositions les plus dures introduites mardi par les sénateurs LR.

L’immigration est un sujet dont la complexité tranche avec les positions simplistes qu’on entend généralement. Cette complexité devrait se renforcer avec l’émergence d’une immigration climatique dans les prochaines décennies. Une nouvelle preuve qu’on ne luttera pas contre l’immigration par une simple affaire de frontières.

L’éviction de Madelin du gouvernement Juppé : la droite française face à son illibéralisme

Que dit Alain Juppé dans ses Mémoires à propos du renvoi d’Alain Madelin du gouvernement en 1995 ?

Les lecteurs qui ont vécu la présidentielle de 1995 s’en souviendront. Le 26 août de la même année, le ministre libéral du gouvernement Juppé est limogé. Pourquoi ?

Dans Une histoire française paru en septembre 2023 (Paris, Tallandier, 2023), l’ancien maire de Bordeaux écrit :

« Si je me suis séparé d’Alain Madelin au mois d’août 1995 en acceptant sa démission du gouvernement, ce n’est pas à la suite d’un désaccord de fond sur la conduite de notre politique économique (sic) » (p. 200).

Il ajoute qu’il avait réuni un ensemble de ministres à la fin de l’été en vue de préparer la mise en œuvre de la réforme de la sécu, chacun recevant la consigne de ne pas faire part à l’extérieur du contenu des échanges.

« Le lendemain, écrit-il, j’entendis, sur les ondes d’une radio nationale, Madelin expliquer en détail ce que nous allions faire » (ibid.).

 

Chirac/Juppé vs. Madelin : désaccord intellectuel parfait

Or, si Madelin a présenté sa démission du gouvernement Juppé, c’est aussi et surtout en raison de la nature des propos qu’il a tenus ce jour-là à l’antenne d’Europe 1.

L’ancien ministre de l’Économie avait en effet critiqué les acquis sociaux, la moindre durée de cotisation des employés du secteur public comparativement à celle de leurs homologues du privé, ainsi que les Rmistes qui « gagnent plus que, sur le même palier, la famille où l’on se lève tôt le matin pour gagner le Smic ». Un discours de vérité, conforme au diagnostic socio-économique qu’on est en droit d’attendre d’un politique de droite, mais qui, curieusement, ne semble pas avoir du tout plu au tandem exécutif d’alors…

Comment expliquer une telle réaction ?

On se rappelle que Jacques Chirac avait fait campagne en 1995 sur le thème de la « fracture sociale ». Il existait – et il existe encore – dans notre pays une véritable fracture au sein de la population. Mais pour Chirac et Juppé (qui reprenaient ainsi une vision typiquement socialiste de la réalité), elle opposait les riches aux « exclus », les capitalistes aux travailleurs (cf. Pascal Salin, Français, n’ayez pas peur du libéralisme, Paris, Odile Jacob, 2007, p. 69).

Or, ce que révélaient les propos de Madelin, c’est qu’il avait compris que la vraie fracture sociale passe entre les Français qui travaillent, créent, innovent, prennent des risques, s’enrichissent honnêtement, et ceux qui appartiennent à la caste des privilégiés de la fonction publique, qui bénéficient d’avantages de toutes sortes, et jouissent de l’emploi à vie (ibid.).

 

Une droite française historiquement allergique au libéralisme

Pourquoi donc Alain Juppé n’écrit-il pas clairement dans ses Mémoires qu’Alain Madelin était tout simplement beaucoup trop libéral pour lui et pour Chirac ?

Jacques Chirac, et l’ensemble des Premiers ministres qu’il nomma au cours de ses deux mandats, ont en effet bien plus incarné l’étatisme de droite à la française qu’une tradition authentiquement libérale sur le plan économique.

Dans son ouvrage Français, n’ayez pas peur du libéralisme (Paris, Odile Jacob, 2007), Pascal Salin écrit à propos de la présidence Chirac (qui fut en réalité une présidence social-étatiste sous des dehors de politique de droite) :

« Chirac a des convictions, mais elles consistent systématiquement à exprimer des opinions de gauche […] Toujours prêtà critiquer le capitalisme, la spéculation, la recherche du profit, prêt à distribuer des subventions, à accroître les interventions étatiques, Jacques Chirac ne rate pas une occasion de défendre les idées de la gauche la plus traditionnelle, car elle est le consensus idéologique de la classe politique française. » (p. 73).

Au-delà de Chirac, c’est en réalité quasiment toute la classe politique française de droite qui, historiquement, voit le libéralisme économique d’un mauvais œil.

Ce qui ne l’a pas pour autant empêchée par moments de faire croire qu’elle s’y était convertie, sans doute afin de pouvoir rallier les suffrages de la classe des producteurs et des travailleurs ne supportant plus de voir leurs ressources ponctionnées pour financer la classe des profiteurs et des parasites sociaux.

Si Chirac a remporté la présidentielle de 1995, c’est en grande partie grâce à Madelin, le programme économique de celui-là ayant été inspiré du mouvement Idées-action de celui-ci (Pascal Salin, Le Vrai libéralisme, droite et gauche unies dans l’erreur, Paris, Odile Jacob, 2019, p. 45).

Beaucoup de Français ont alors pensé que les réformes qu’ils attendaient depuis longtemps avaient désormais une chance d’être appliquées.

Mais à l’évidence, Chirac et Alain Juppé ont préféré voir Madelin quitter le gouvernement, plutôt que de courir le risque de mécontenter une partie des Français, ceux appartenant au secteur protégé. Du fait de la crainte d’un tel scénario, la conduite des vraies réformes structurelles dont la France avait pourtant déjà grand besoin – ainsi, par exemple, une réforme fiscale de grande ampleur passant par la suppression de la progressivité de l’impôt – était rendue par là même impossible. Ainsi les Français n’ont-ils finalement eu droit qu’aux traditionnelles réformettes en lieu et place de réelles réformes qui seules leur permettraient de recouvrer leur liberté et leur responsabilité.

 

Une droite française peu crédible ?

Sarkozy a certes été élu président en 2007. Mais la vérité est que Chirac a eu une importante responsabilité dans la déception durable de son électorat vis-à-vis de la droite : se disant libérale quand cela l’arrange pour se faire élire, nous l’avons dit, elle est aussi capable de brusquement cesser de l’être lorsqu’il faut prendre des décisions courageuses susceptibles de remettre en cause les « avantages acquis » extorqués par le public au privé.

« À quoi bon voter pour un candidat de droite si c’est pour qu’il applique ensuite, une fois élu, une politique de gauche ? », ont sans doute pensé depuis lors plus d’un électeur s’étant senti floué par la suite des événements.

Comme l’écrivait déjà très justement Pascal Salin peu après la démission de Madelin, « tous ces hommes et ces femmes qui, jour après jour, s’épuisent à produire et à créer en dépit d’obstacles réglementaires et fiscaux croissants espéraient sincèrement (NDLR : en votant pour Chirac) la reconnaissance à laquelle ils ont droit. Ils sont aujourd’hui victimes d’une terrible trahison » (ibid.).

Il est regrettable qu’Alain Juppé ne reconnaisse pas dans ses Mémoires cette erreur qui a probablement contribué à décrédibiliser la droite aux yeux de son électorat, dans son aptitude à mener des réformes systémiques, profondes et durables, et à appliquer un programme économique de manière fidèle et cohérente.

Contre toute attente, le candidat François Fillon à la présidence de 2017 avait toutefois réussi à remporter largement la primaire face à Alain Juppé, donné initialement vainqueur avec une confortable avance ; peut-être parce que, en reflétant ce qui semblait être devenu chez lui de véritables convictions libérales acquises au fil des dernières années – et non d’énièmes manœuvres de pure tactique électoraliste -, son programme économique mûrement réfléchi avait permis de retrouver la confiance des électeurs qui souhaitaient voir en France l’application d’une vraie politique libérale.

Mais, comme on le sait, ses déboires judiciaires devaient avoir raison de lui. Si un candidat libéral de droite venait à émerger et être élu à la présidentielle de 2027, souhaitons donc pour lui et surtout pour une majorité de nos concitoyens qu’il ne commette pas une erreur analogue à celle de Chirac et Juppé en 1995.

Le communisme électrique planifié par le gouvernement

Un article de l’IREF.

Ceux qui craignaient que les compteurs Linky soient un instrument d’intrusion de l’État dans nos foyers avaient raison. Alors que l’État subventionne à tout-va l’électricité et incite à grands frais les Français à rouler en véhicule électrique, il s’inquiète d’une possible pénurie d’électricité. D’ores et déjà, il veut expérimenter des solutions pour réduire à distance et autoritairement, sans leur accord, la puissance électrique des usagers domestiques.

Le journal La Tribune a publié un projet de décret préparé par le ministère de la Transition énergétique, et à valider par la Première ministre, qui prévoit une « expérimentation d’une mesure de limitation de puissance des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité ». L’objectif, indique ce projet, est de déterminer s’il est possible techniquement de mettre en œuvre une nouvelle mesure hors marché en cas de déséquilibre anticipé entre l’offre et la demande d’électricité, par exemple pendant l’hiver, si la disponibilité des moyens de production d’électricité est moindre. Une telle mesure, est-il écrit, pourrait permettre de réduire ou d’éviter le recours au délestage qui reste la solution ultime pour assurer l’équilibrage du réseau électrique. Elle pourrait contribuer ainsi à la sécurité d’approvisionnement pour les foyers français.

Le décret s’appuie sur l’article 37-1 de la Constitution, selon lequel « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

Mais il est juridiquement mal fondé. Il fait référence à l’article L121-1 du Code de l’énergie : 

« Le service public de l’électricité a pour objet de garantir, dans le respect de l’intérêt général, l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du territoire national […] Matérialisant le droit de tous à l’électricité, produit de première nécessité, le service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique ».

Pourtant, le décret voudrait réduire arbitrairement l’accès à l’électricité des uns ou des autres. L’inverse de ce que garantit l’article L 121-1 cité.

Il invoque encore, comme motivation, l’article L341-4 du même code :

« Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée ».

Mais le projet de décret ne veut pas inciter, il veut réduire l’alimentation électrique sans demander leur autorisation aux usagers.

On pourrait comprendre que le gouvernement veuille renforcer les mesures incitant à consommer moins lors des périodes de tension et plus dans les autres. Ce que recommande précisément cet article L 341-4 : « La structure et le niveau des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité sont fixés afin d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée ».

Et ces mesures de tarification incitatives existent déjà.

Mais non, le décret voudrait autoriser les gestionnaires du réseau électrique à gérer à distance les compteurs Linky pour « mettre en œuvre, à titre expérimental et dans les conditions définies par le présent décret, une mesure de limitation temporaire de la puissance soutirée par des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité, de puissance inférieure ou égale à 36 kVA ».

Bon enfant, cette expérimentation laissera aux usagers une puissance de 3 kVA (correspondant à un radiateur, un ordinateur portable en charge, un réfrigérateur), et ne durera pas plus de 4 heures par jour entre 6 h 30 et 13 h 30 et entre 17 h 30 et 20 h 30. Les clients concernés en seront avisés, mais ils ne pourront pas s’y opposer, et ne seront pas indemnisés !

Certes, le ministère se veut rassurant en disant que ce serait une option ultime. Il ajoute qu’il a peu de craintes de manquer d’énergie cet hiver. Il n’empêche qu’il aimerait que cette expérimentation soit possible d’ici la fin mars 2024. Il voudrait juste faire un test.

En réalité, ce projet de décret révèle, s’il en était besoin, l’état d’esprit quasiment totalitaire de nos dirigeants et de leur technocratie, qui tordent les textes pour soumettre les individus à leur bon vouloir. Bien sûr, il ne s’agirait que d’une expérimentation, mais c’est sans doute le moyen d’habituer les Français à une telle coercition avant de la généraliser. Il serait sans doute temps que l’État s’occupe moins de produire et distribuer l’énergie, et davantage de faire régner la justice qui veut que les contrats soient respectés.

Si ce décret était mis en œuvre, il serait plus que souhaitable que des usagers s’unissent pour attaquer l’État devant les tribunaux.

Sur le web.

L’Occident : menacé de l’extérieur et rongé de l’intérieur

La civilisation occidentale est désormais considérée comme l’adversaire par de nombreux pays, mais aussi par des formations politiques de gauche ou de droite implantées dans les pays occidentaux.

Le dernier exemple est récent : l’alliance objective entre le fondamentalisme islamique et la gauche anti-occidentale européenne et américaine, apparue au grand jour avec la nouvelle guerre israélo-palestinienne. Certains évoquent une guerre des civilisations, mais peu importe la terminologie.

La civilisation occidentale et ses valeurs sont rejetées plus clairement aujourd’hui que naguère. Ses adversaires ne se cachent plus sous le masque du communisme libérateur, ils s’affichent comme ennemis acharnés de la liberté.

 

Relations internationales : les prétendants à la succession de l’Occident se bousculent

Rien de surprenant à cet égard dans le cadre des relations internationales, qui sont essentiellement des joutes de puissances. Pour employer la terminologie actuelle, floue mais évocatrice, le Sud global s’oppose à l’Occident global. La domination occidentale sur le monde ayant été remplacée depuis un demi-siècle par une compétition dans tous les domaines, il est tout à fait logique que l’ancien dominant soit la cible des nouveaux prétendants à la domination.

L’Occident conserve une puissance économique et militaire considérable, mais sous l’égide en particulier de la Chine, de la Russie, de la Turquie, de l’Iran, de l’Arabie Saoudite, des alliances sont envisagées pour prendre position face à l’avenir. Le multilatéralisme patine, l’impuissance de l’ONU et de l’OMC étant l’élément emblématique de cet échec dans les domaines politique et économique. L’ONU devient tout simplement une SDN bis. Il en résulte que le monde du XXIe siècle est un monde instable dans lequel chaque puissance tente sa chance.

L’Occident représente le noyau dur de la démocratie libérale. Les nouveaux prétendants au leadership mondial sont des autocraties, voire des théocraties comme l’Iran. L’enjeu est donc considérable, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de savoir si le principe majeur de la civilisation occidentale, l’autonomie de l’individu, persistera dans l’avenir à long terme. Il n’existe dans aucun des États précités, où la liberté individuelle est un mal à combattre. Retournerons-nous vers un monde de l’hétéronomie ? Les Lumières vont-elles s’éteindre ?

 

Les ennemis de l’intérieur

La question mérite d’autant plus d’être posée que la civilisation occidentale doute désormais d’elle-même.

Au monde d’hier, celui de la rareté et de la servitude, l’ingéniosité occidentale a substitué un monde de l’abondance matérielle et de la liberté individuelle. Toute l’humanité ne profite pas encore des bienfaits de cette évolution, mais tous les hommes y aspirent. C’est à ce moment de notre histoire que des doutes apparaissent en Occident. Avons-nous surexploité et dégradé la nature ? Notre liberté n’est-elle que le paravent commode masquant notre soif de puissance ?

Ces questions méritent d’être posées. Mais dans nos démocraties, la liberté d’expression permet de les instrumentaliser en vue d’une exploitation purement politicienne. L’objectif est d’accéder au pouvoir en discréditant l’adversaire par tous les moyens. Le catastrophisme écologiste, le racialisme woke, le féminisme radical, le nationalisme passéiste, l’antisionisme et l’antisémitisme haineux reposent de toute évidence sur des affects négatifs manipulés sans vergogne par quelques leaders. Trop heureux de disposer de réseaux sociaux permettant de diffuser le mensonge à la vitesse de la lumière, ces derniers ne pensent qu’à la conquête du pouvoir.

La gauche de la gauche et la droite de la droite se rejoignent à cet égard dans leur hostilité à la démocratie. Démagogie et autoritarisme les caractérisent, ce qui n’a rien de nouveau historiquement. La France insoumise, Alternative für Deutschland, le Parti du Travail de Belgique, le Lega italienne, Podemos en Espagne, parmi bien d’autres, représentent ce « populisme » dangereux, haineux et antisémite. Il faut y ajouter les tendances extrémistes des partis américains : le trumpisme chez les conservateurs, le wokisme chez les démocrates. L’ennemi de l’intérieur est donc bien implanté dans tout le monde occidental. Le ver est dans le fruit.

 

Le destin des Hommes est dans la transmission

Depuis le XVIIIe siècle et l’avènement de la liberté, les modérés ont accepté le dialogue et les compromis nécessaires à la gouvernance des sociétés complexes. Les extrémistes ont toujours tablé sur le radicalisme et les promesses révolutionnaires pour tromper les naïfs et accaparer le pouvoir. Mais on ne bâtit qu’à partir de ce que les générations antérieures nous transmettent. Il n’y a ni table rase ni société nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Ce ne sont là que des affabulations de leaders politiques assoiffés de pouvoir. Les sociétés humaines se transforment en profondeur dans la continuité.

Il est donc important de bien comprendre ce qu’est l’Occident : la civilisation qui a inventé au XVIIIe siècle l’autonomie de l’individu, et par suite la liberté politique, la liberté d’entreprendre et la démocratie.

Si nous laissons cet héritage inestimable dépérir, nous retomberons dans la servitude ancestrale. Le lot de chaque homme sera alors l’hétéronomie, la dépendance complète à l’égard du pouvoir politique et d’une religion ou d’une idéologie officielle. Voulons-nous devenir des Iraniens soumis aux ayatollahs, des Russes résignés devant la dictature mafieuse de Poutine, des Chinois asservis au Parti communiste ?

Les Occidentaux répondent négativement à cette question dans leur écrasante majorité.

Mais tous n’ont pas conscience qu’en votant pour le radicalisme politique de droite ou de gauche, ils précarisent la démocratie. Certes, il n’existe pas de société démocratique sans radicalisme politique. Les révolutionnaires ou les nostalgiques d’un passé révolu ont toujours existé. S’ils représentent seulement une marge d’extrême gauche ou d’extrême droite, les partis politiques de ce type jouent d’ailleurs un rôle positif en encadrant les insatisfaits pathologiques et en les empêchant parfois de dériver vers le terrorisme. Mais aujourd’hui, en Occident, ces partis sont à la porte du pouvoir et l’ont parfois conquis. La présidence de Donald Trump fut à cet égard un coup de semonce terrifiant.

Si notre belle civilisation occidentale doit se poser des questions fondamentales concernant l’écologie et la démocratie, elle doit le faire avec la raison et le dialogue. Notre savoir-faire productif, notre État de droit, nos libertés représentent le legs de nos ancêtres, auxquels nous devons un immense respect. Ils n’avaient que leurs mains et leur courage, et ils ont pourtant bâti notre monde. Ils n’avaient que nous-mêmes comme ultime espoir, car ils regardaient l’avenir avec les yeux des enfants heureux. Ne les trahissons pas.

Taxer la viande pour lutter contre le réchauffement : une si mauvaise idée…

Par : Jason Reed

Un article de l’IREF.

Les écologistes voudraient que nous arrêtions de manger de la viande. En raison de l’inquiétude croissante suscitée par le changement climatique et de la volonté d’arriver à un bilan « zéro carbone » en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, nombreux à gauche sont les partisans de ce diktat.

Récemment, Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, a été « attaqué » par Sandrine Rousseau, élue du parti écologiste, qui lui reprochait de manger du steak. « Non Fabien, tu ne gagneras pas avec un steak », a déclaré Mme Rousseau, qualifiant la viande rouge de « symbole de virilité ».

La pression sur les consommateurs de viande s’intensifie. Des politiques visant à restreindre l’achat et la vente de viande pourraient bientôt voir le jour. Déjà, en 2021, Barbara Pompili avait exprimé le souhait que les cantines scolaires et la restauration publique suppriment la viande des menus, et ne proposent que des repas végétariens au moins un jour par semaine.

 

L’irrésistible attrait de la taxe

Malheureusement, ce n’est qu’une question de temps avant que l’idée ne fasse son chemin, et que s’impose la taxation sur les produits carnés, au même titre que d’autres produits de consommation comme les cigarettes et l’alcool. Les échéances fixées pour parvenir à des émissions nettes nulles se rapprochent de plus en plus. C’est dans l’air du temps. Beaucoup de pays, même le gros producteur qu’est la Nouvelle-Zélande, semblent déjà prêts à introduire une taxe sur la viande. La France pourrait s’y rallier.

Il est vrai que l’élevage d’animaux, en particulier de vaches, est à l’origine de niveaux élevés d’émissions de gaz à effet de serre, notamment de méthane. Cependant, cela n’implique pas que l’État doive imposer une taxe sur les produits carnés. Il y a déjà bien assez de taxes, et elles ont bien assez augmenté ces dernières décennies, le gouvernement ne manquant pas d’imagination pour prélever de l’argent dans les poches de ses citoyens. Il serait bon que les responsables politiques finissent par faire preuve d’un peu de retenue. D’autant plus que tout porte à croire que cette nouvelle taxe sur la viande ne permettra pas d’atteindre son objectif.

 

Les taxes punitives ne fonctionnent pas

Il existe de nombreuses preuves que les « taxes sur le péché » destinées à modifier le comportement des consommateurs ne fonctionnent pas.

Par exemple, en 2018 au Royaume-Uni a été introduit une taxe sur le sucre pour les boissons gazeuses, afin de lutter contre l’obésité. Les consommateurs n’ont pas accepté l’augmentation de prix : ils ont tout simplement modifié leur comportement d’achat afin d’y échapper. Certains se sont rabattus sur des boissons moins chères, comme les produits de première marque des supermarchés. D’autres ont préféré des jus de fruits, plus riches en calories et en sucre. Un troisième groupe a tout simplement payé plus cher, mais n’a pas sacrifié ses préférences.

Il arrive fréquemment que les taxes punitives ratent leur objectif principal, mais provoquent des effets secondaires qui n’avaient pas été prévus. Il n’y a aucune raison de penser qu’une taxe sur la viande serait différente.

 

Le soja comme remède… pire que le mal

Elle pourrait même se retourner contre nous et, au lieu de sauver la planète, lui faire encore plus de tort que ce qu’elle est censée contrecarrer.

Si l’État impose l’abstinence, nombre de consommateurs pourraient remplacer la viande par des produits protéinés d’origine végétale. Or, la plupart des substituts de ce type disponibles à l’heure actuelle, comme le tofu et le tempeh, sont tous fabriqués à partir de soja, qui est sans doute bien plus nocif pour la planète que la viande. La culture du soja implique de défricher de très grandes superficies de terre, ce qui entraîne une accélération de la déforestation. Elle provoque aussi l’érosion des sols, ce qui rend ensuite plus difficile l’implantation d’autres cultures. En outre, les émissions de gaz à effet de serre liées à la production de soja sont très élevées. Tous ces problèmes pour l’environnement n’existent pas dans l’élevage.

Taxer la viande pour lutter contre le changement climatique est donc une mauvaise idée.

Selon toute vraisemblance, cela ne changera pas grand-chose dans le comportement des consommateurs. Seul résultat certain : s’alimenter deviendra plus onéreux, à un moment où l’inflation est élevée, et ce sont les plus pauvres qui en pâtiront. Plus important peut-être même, une taxe sur la viande violerait encore un peu plus les droits fondamentaux des citoyens. Imagine-t-on pouvoir un jour, dans nos pays occidentaux censés protéger les libertés, être « puni » parce qu’on a mangé un steak frites ?

Sur le web.

Plaidoyer pour une décentralisation du quotidien : le cas de la Promenade des Anglais

La Promenade des Anglais à Nice est l’une des avenues les plus célèbres au monde, une des promenades les plus fréquentées par les touristes, mais également l’avenue la plus empruntée par les poids lourds de toute la Métropole (jusqu’à 1800 par jour d’après la mairie). En février dernier, un convoi exceptionnel immobilisé sur la Promenade avait totalement bloqué la circulation pendant plus de douze heures. Imagine-t-on l’avenue Montaigne à Paris sous l’assaut incessant de ces mastodontes de la route ? Les impératifs touristiques auraient rapidement amené les autorités publiques à trouver des voies de délestage et à soulager les riverains des nuisances.

Mais les Parisiens ont la chance d’avoir le gouvernement à portée d’engueulade, pas les Niçois. Car ce n’est pas le manque de volontarisme de la ville de Nice qui est en cause, elle a décidé de n’autoriser que les poids lourds Crit’air 1 et 2, mais l’opposition, ou l’indifférence, du ministère des Transports à déclasser la Promenade de la catégorie « route à grande circulation », qui d’après le Code des transports, « quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d’assurer la continuité des itinéraires principaux ». Nous comprenons bien ici l’opposition des intérêts entre d’une part les riverains niçois mobilisés sur le sujet qui aimeraient préserver leur quotidien de ces nuisances, et l’État qui doit garantir un niveau d’infrastructures satisfaisant pour les besoins de l’activité économique nationale. Pourtant, il est totalement aberrant que ce qui relève d’une particularité hyper locale relève directement du ministre des Transports, occupé par des sujets d’enjeux nationaux par ailleurs.

Le débat local, source de compromis

Voici l’enjeu majeur de la décentralisation : rapprocher le citoyen des décisions qui touchent son quotidien, et elles sont nombreuses, ou plutôt rapprocher le décideur du citoyen, le mettre à portée d’engueulade, pour que le plus grand nombre de citoyens en France bénéficie d’une gestion collective qui corresponde à ses aspirations.

En l’occurrence, les Niçois sont fondés à ne pas être les victimes des externalités négatives du commerce transfrontalier. De plus, en s’éloignant des grands débats idéologiques qui divisent et radicalisent la société, le débat local est une source de compromis. La décentralisation, ce n’est pas l’indépendance, mais c’est tout au moins une forme de liberté des collectivités. Or, cette liberté des collectivités n’existe pas en France en dépit des prétendues lois décentralisatrices.

En premier lieu parce qu’aucune matière n’appartient entièrement aux collectivités territoriales à qui l’État s’est contenté de donner des compétences résiduelles qu’il ne voulait plus voir apparaître à son budget (comme le RSA). Mais surtout parce que les collectivités ne disposent d’aucune ressource fiscale en propre, ce qui réduit d’autant plus leur capacité à prendre des mesures adaptées à leur territoire et la lisibilité des enjeux budgétaires locaux pour le citoyen.

La solution ne réside pas seulement dans une répartition plus claire des compétences.

Les communes, dont les maires ont la confiance des citoyens, devraient être en mesure d’agir en toutes matières, sauf domaine régalien, dès lors qu’elles estiment qu’elles sont plus à même de le faire. Il s’agirait alors d’élargir la clause de compétence générale qui exclut les compétences exclusives des autres échelons (dont l’État) mais qui seraient alors recevable à saisir la justice administrative si elles jugent que la décision locale porte atteinte à l’ordre public ou à un intérêt supérieur.

Ainsi, pour protéger leurs décisions, les communes seraient encouragées à prendre en compte les enjeux qui dépassent leur commune et à trouver des compromis.

Pour revenir à la Promenade des Anglais, la Ville de Nice pourrait alors librement réguler le passage de poids lourds de passage sur la promenade, y compris les convois exceptionnels. Si l’État estimait que la mesure est disproportionnée au regard du but poursuivi, et qu’un intérêt national se voit remis en cause, il pourrait saisir la justice administrative.

Cette proposition est radicale, mais c’est ce dont les Français sont en mal, et qu’ils confondent trop souvent avec le populisme. Pour recréer de l’appétence pour le consensus, revitalisons la démocratie locale !

Propriétaire ou squatteur, mais toujours vache à lait

Selon que vous serez propriétaire ou locataire, les jugements vous donneront tort ou raison, pourrait-on dire en paraphrasant Jean de La Fontaine[1].

Un propriétaire victime d’un squatteur l’a bien compris et a su astucieusement retourner la situation à son profit en devenant lui-même squatteur de… son propre bien.

De nombreux médias ont relayé ce nouveau fait divers. Face à un locataire mauvais payeur, le propriétaire n’a pas hésité à utiliser les propres méthodes des squatteurs : profitant de l’absence de son locataire, il a occupé son propre bien durant 48 heures, puis a changé la serrure. Dès lors, en tant qu’occupant sans titre, le droit lui devient plus favorable qu’en tant que propriétaire-bailleur lésé.

Certes, la loi a récemment changé[2] après plusieurs affaires de squat qui mettaient en évidence l’inégalité de droits entre propriétaire et occupant sans titre. Les sanctions à l’encontre des squatteurs ont depuis triplé : trois ans de prison et 45 000 euros d’amendes. Mais il s’agit plus d’une illusion que d’un vrai changement.

Pour deux raisons.

La première est que les sanctions ne s’appliquent qu’à l’issue d’une procédure, et que cette procédure est tellement longue que le propriétaire bailleur se retrouve en difficulté. Peu lui chaut que son squatteur paye une amende et qu’il loge « gratuitement » en prison si tant est d’ailleurs que le jugement soit exécuté.

La seconde est révélatrice de l’esprit de l’appareil étatique. Ainsi, le Conseil constitutionnel a invalidé l’article qui prévoyait que le propriétaire d’un logement squatté soit exonéré de son obligation d’entretien. Un classique de la politique du « en même temps » : on fait semblant de durcir les sanctions mais « en même temps », le fond reste inchangé… Le propriétaire paie la casse.

 

L’esprit de la loi selon le ministère de la Justice

Récemment, une campagne (payée par l’argent des contribuables) a fait tiquer l’Union nationale des propriétaires immobiliers : ces derniers sont présentés comme des oppresseurs aux côtés des patrons et des divorcés, comme l’illustre cette affiche.

 

Remarquez au passage que les victimes du patron ou de l’« ex » sont féminines, mais que celle du propriétaire est un homme, et que le méchant propriétaire-expulseur est une femme.

Digression : j’ai particulièrement apprécié l’humour de ce pastiche.

Précision : une expulsion est une décision de justice qui s’obtient après des années de procédures (et d’impayés). Puis, entre un jugement d’expulsion et son exécution, des années peuvent encore s’écouler. Enfin, un simple fonctionnaire de préfecture peut faire mettre aux oubliettes un jugement, sans justification.

Le ministère de la Justice met donc à disposition un fil de conseil téléphonique pour celui qui enfreint la justice, est condamné, mais désire se maintenir dans les lieux.

C’est ce qu’on appelle désormais l’État de droit : les codes ne cessent de s’allonger, les délais aussi et les « deux poids deux mesures » se multiplient. Le droit du locataire et de l’occupant sans titre est supérieur au droit de propriété.

 

Des juges nourris à la lutte des classes et irresponsables

Dans Une justice politique Régis de Castelnau dresse un portrait au vitriol de la magistrature et de son idéologie qui consiste à adopter une attitude de dépénalisation de la délinquance de ceux qui appartiennent aux bonnes catégories qualifiées de « victimes » : immigré vs « Gaulois », locataire vs propriétaire, employé vs patron…

Finalement, peu importent les lois ; des étudiants recrutés à bac +5, biberonnés par l’École de la magistrature de Bordeaux à l’aune de la lutte des classes, ressortent après trois ans avec un « permis de juger ». Ignorants des rouages du monde économique – et même de ceux de la sphère publique selon Régis de Castelnau – ces moralistes autoproclamés sont également irresponsables, et leurs dérives ne rencontrent aucune limite comme le démontre l’affaire du mur des cons.

 

Le propriétaire : une vache à lait qu’on élève jusqu’à l’abattoir

Malgré cette inégalité de droits et ce déni de justice, l’État entend multiplier les propriétaires, flattant en cela les aspirations de la majorité des ménages pour qui posséder son toit reste une priorité.

Ainsi, le prêt à taux zéro (PTZ) fait partie des mesures fétiches d’aide d’accès à la propriété qui devrait être étendu en 2024 aux classes moyennes[3]. Mais, « en même temps », le champ du PTZ sera limité à l’achat d’appartements neufs en zones tendues ou, dans les autres zones, à l’acquisition de logements anciens sous condition de rénovation.

Il est vrai qu’un propriétaire foncier devient un contribuable taillable et corvéable à merci qui a le mérite d’être plus visible et moins mobile qu’un autre. Il connaîtra les joies d’acquitter des taxes foncières toujours croissantes, des droits de mutation, et même l’impôt sur la mort. Si notre propriétaire à succès rejoint le camp ignominieux des propriétaires-bailleurs pour arrondir sa retraite, une nouvelle pluie de taxes et contraintes réglementaires s’abattra sur sa tête. Peut-être, un jour, obtiendra-t-il son bâton de maréchal : acquitter l’impôt sur la fortune immobilière qui sanctionne des plus-values illusoires. Celles-ci ne sont en effet que les stigmates de la création monétaire. L’impôt sur la fortune est l’impôt emblématique de la lutte des classes. Inefficace, il coûte plus qu’il ne rapporte à l’appareil étatique, mais il est si doux de nuire à ceux que l’on envie…

[1] Les animaux malades de la peste :« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cours vous rendront blanc ou noir »

[2] Loi dite anti-squat, validée par le Conseil constitutionnel en juillet 2023

[3] définies par Bruno Le Maire comme celles ayant un revenu compris entre 2500 euros et 4500 euros mensuel

IVG et Constitution : analyse juridique et critique des arguments conservateurs

Avec le retour de la volonté présidentielle d’inscrire l’IVG dans le texte fondamental qu’est la Constitution du 4 octobre 1958, certaines critiques sont revenues sur le devant de la scène, notamment venant des conservateurs, qu’ils soient juristes ou non.

Sur Contrepoints, on a ainsi pu lire Laurent Sailly, à deux reprises, critiquer cette constitutionnalisation en la qualifiant de « dangereuse et inutile » ou plus récemment, Guillaume Drago dans le « Blog du Club des juristes », critiquer ce projet, reprenant pour ce dernier une publication du Centre européen pour le droit et la justice, un think-tank ultraconservateur évangéliste.

J’ai pu aussi critiquer ce projet de constitutionnalisation de l’IVG dans une publication du 2 décembre 2022, mais les arguments invoqués étaient centrés, d’une part, sur la sémantique et d’autre part, sur l’interprétation constitutionnelle.

Je soulignais à l’époque :

« Si la Constitution ne contient pas de disposition proclamant expressis verbis le droit à l’avortement, il n’en demeure pas moins que le Conseil constitutionnel, maître de la signification des énoncés constitutionnels, a consacré, par une interprétation constructive, la liberté de la femme qu’il fait découler de l’article 2 de la Déclaration de 1789 relatif au principe de liberté (décision 2001-446 DC du 27 juin 2001, cons.5). La liberté de la femme est un principe de valeur constitutionnelle qui signifie de manière implicite que la femme peut décider librement des choix relatifs à sa vie, y compris celui d’avorter. La loi doit donc garantir pleinement cette liberté (décision 2017-747 DC du 16 mars 2017). C’est devenu une exigence constitutionnelle pour le législateur ».

Ce que je conteste, ce n’est pas que l’on soit opposé à ce projet de constitutionnalisation, ni même que l’on critique l’aspect symbolique de ce projet (même s’il serait trompeur de considérer la Constitution comme une pure norme juridique dénuée de symboles puisqu’elle constitue l’expression absolue d’un pacte politique), mais qu’on utilise des arguments juridiques qui n’en sont pas. Dis autrement, il est surprenant que des grands juristes comme Guillaume Drago, dont les connaissances sont impressionnantes et qui constitue sur le plan professionnel et intellectuel une inspiration pour l’auteur de ces lignes, commette autant d’erreurs de logiques juridiques pour motiver son argumentation.

Par exemple, dans son article (et on retrouve la même chose dans la publication de l’ECLJ), il écrit :

« … inscription dans la Constitution viendrait heurter divers principes […], on peut encore citer l’article 16 du Code civil qui dispose que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

Pour toute personne attachée à la rigueur juridique, il y a déjà un problème dans les rapports normatifs.

Si une norme législative peut être contraire à une norme constitutionnelle, la norme constitutionnelle ne peut pas être contraire à une norme législative. Que ce soit dans des rapports de validité des normes ou de conformité des normes, l’assertion de Guillaume Drago n’a pas de sens. Une norme constitutionnelle l’emportera toujours sur une norme législative ; il ne peut donc y avoir de contrariété dans ce sens-là.

De même, toujours sur cet article 16 du Code civil, Guillaume Drago (et l’ECLJ) oublie un point : sa conception subjective du « commencement de la vie » est en contrariété avec le droit positif. En effet, si l’auteur visé a une conception vitaliste du commencement à la vie (dès sa conception), le droit positif n’a pas du tout cette vision. Avant d’aller plus loin, il faut rappeler que l’IVG issue de la loi du 17 janvier 1975 est déjà une dérogation à l’article 16 (ce qui est logique entre deux normes de même niveau) et que la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2001 élève cette dérogation au rang de principe de valeur constitutionnelle.

Le projet de révision ne changera rien de ce point de vue-là.

Ensuite, sur l’article 16 en lui-même, il faut rappeler que selon la CEDH « la notion d’enfant ne saurait être assimilée à celle d’embryon » (28 août 2012, C. et P. c/ Italie) et que la loi du 17 janvier 1975 ne contrevient pas au droit à la vie de l’article 2 de la Convention EDH (Conseil d’État, 21 décembre 1990). En droit français, le commencement de la vie se fait dès la naissance et non dès sa conception. Dès lors, le projet de révision ne heurterait pas le principe de l’article 16 du Code civil.

Ensuite, l’article de Guillaume Drago, comme celui de l’ECLJ, énonce :

« Cette inscription dans la Constitution vient se heurter à d’autres principes constitutionnels. On a cité le principe de dignité de la personne humaine mais aussi la liberté de conscience des personnels de santé qui peuvent, avec la loi Veil de 1975, refuser, en conscience, de procéder à des IVG, et qui est aussi une liberté constitutionnelle. On pense également à la liberté personnelle des personnels de santé, à la protection de la santé, énoncée par les alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946, intégré au bloc de constitutionnalité, à la protection constitutionnelle de l’intérêt supérieur de l’enfant énoncée encore par le Conseil constitutionnel en 2019 ».

On pourrait aisément répondre à cet argument en rappelant que tout droit fondamental est conditionnel, et qu’il y a dans chaque ordre juridique des conflits axiologico-normatifs qui doivent être résolus par les juges. Il faut rappeler au préalable que ces conflits n’apparaissent que in concreto, dans des cas particuliers, et non in abstracto. Autrement dit, les conflits axiologico-normatifs ne peuvent se retrouver sur le terrain sémantique, mais seulement sur le terrain concret, selon un cas précis.

C’est à ce titre que ces conflits ne peuvent être résolus par les méta-principes de résolution des conflits de normes (comme Lex posterior derogat priori) et qu’ils font l’objet d’un traitement spécifique, conduisant nécessairement au maintien de la validité des deux normes en conflits.

Ainsi, en fonction du choix opéré par le juge, soit d’une exclusivité du fondement normatif (hiérarchie axiologique fixe ou mobile) ou d’une pluralité de fondement normatif (principe de pondération et de proportionnalité), tel ou tel principe pourra primer sur un autre. Mais la primauté ne peut être confondue avec la suprématie. La primauté est situationnelle quand la suprématie est inconditionnelle.

Ainsi, dans une situation Y1, le principe de liberté de l’avortement pourra primer sur celui de la liberté de conscience au regard des circonstances X1 ; mais dans une situation Y2, l’inverse pourra aussi être possible au regard des circonstances X2.

Un autre point a de quoi interroger.

Si l’on considère que le Conseil constitutionnel a déjà reconnu la liberté d’avorter comme un principe de valeur constitutionnelle découlant de l’article 2 de la DDHC, la liberté d’avorter a déjà une valeur constitutionnelle, elle est donc dans la Constitution, non au sens formel, mais au sens matériel. Je ne suis donc pas en contradiction avec Guillaume Drago.

Mais si j’estime que sa constitutionnalisation explicite ne changerait rien par rapport au droit positif, pourquoi Guillaume Drago (et d’autres) soutient que sa constitutionnalisation explicite changerait tout notre droit positif ? Il n’y a pas de différence de nature entre une constitutionnalisation implicite et une constitutionnalisation explicite (les deux ont valeur constitutionnelle), mais une différence de degré (l’une est dans le texte, l’autre est dans la jurisprudence constitutionnelle). Mais les effets sont les mêmes.

Autrement dit, la conciliation entre les principes dégagés par Guillaume Drago se fait déjà aujourd’hui au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

D’ailleurs, dans la décision de 2001, le Conseil constitutionnel opère déjà un contrôle sur la conciliation entre « la sauvegarde de la dignité humaine et la liberté de la femme à avorter » (2201-446 DC) et a estimé, dans une autre affaire, que les mesures législatives en question avaient pour but de « garantir la liberté de la femme » qui découle de l’article 2 (2017-747 DC), et qu’elles ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression (cons.12).

Il ne faudrait pas non plus exagérer le contentieux qui se rattache à la pratique de l’avortement. Il est extrêmement réduit, et la conciliation entre les principes ne se fait pas tous les quatre matins par les juges.

On peut critiquer ce projet, on peut aussi critiquer son aspect symbolique, mais il faut savoir faire preuve d’une certaine logique juridique, et ne pas être aveuglé par des présupposés idéologiques sous peine de perdre toute pertinence dans la critique.

Israël-Palestine : l’évolution sinistrogyre de l’antisémitisme français

Depuis les attaques du Hamas à l’encontre d’Israël le 7 octobre dernier, le nombre d’actes antisémites a explosé dans l’Hexagone. Lundi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a évoqué le nombre de 857 actes depuis bientôt un mois, soit presque davantage que sur la totalité de l’année 2022.

C’est dans ce contexte particulièrement tendu que le lundi 23 octobre dernier, à l’occasion de son passage à l’émission « Les 4 Vérités » de France 2, le porte-parole du gouvernement Olivier Veran a comparé l’antisémitisme de LFI et celui du RN, accusant les deux formations d’hémiplégie dans leur dénonciation respective de la haine des Juifs sans mener leur propre aggiornamento.

C’est l’occasion de s’interroger sur la nature de ces deux formes d’antisémitisme et sur leur articulation avec l’antisémitisme islamiste.

 

Les origines de la notion d’antisémitisme

Étymologiquement, l’antisémitisme est la haine des Sémites, descendants de Sem, un des trois fils de Noé, situés dans la péninsule arabique et une partie de la Corne africaine où se trouvent aujourd’hui les Falashas, Juifs d’Éthiopie.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que le journaliste allemand anarchiste Wilhelm Marr crée le terme d’antisémitisme afin de donner un aspect scientifique à la judéophobie, terme utilisé jusqu’alors. Cet antisémitisme était déjà fondé sur des considérations sociales.

L’antisémitisme a su évoluer pour correspondre aux caractéristiques du stéréotype du moment.

« Le » Juif est ainsi à la fois perçu comme un déicide, un cosmopolite, un capitaliste cupide et, depuis 1948, un colonisateur. Chacun de ces quatre aspects correspond à une forme d’antisémitisme.

 

L’antisémitisme chrétien : un Juif déicide

L’idée du Juif déicide remonte au IIe siècle, lorsque certains théologiens catholiques ont émis l’idée que le peuple juif serait responsable de la mort du Christ.

Si elle survit dans certaines franges intégristes, la théorie du peuple déicide est aujourd’hui anecdotique.

 

L’antisémitisme de droite : un Juif cosmopolite

L’antisémitisme de droite, de son côté, se fonde sur l’aspect cosmopolite du Juif fantasmé. Ce dernier met en péril la pureté de la nation, aussi bien sur le plan culturel qu’ethnique. C’est cette vision qui fonde les doctrines antisémites de l’extrême droite française et allemande, respectivement fondées sur l’idée des Juifs comme nation ou comme race.

Cet aspect se mélange à l’antisémitisme de gauche dans la rhétorique négationniste selon laquelle la Shoah aurait été « inventée » pour « faire de l’argent » sur la culpabilité des nations occidentales[i].

 

L’antisémitisme de gauche : un Juif capitaliste puis colonisateur

À gauche, l’antisémitisme se fonde donc principalement sur des aspects économiques. Comme l’a rappelé Hannah Arendt en 1973, la gauche était antisémite jusqu’à Dreyfus[ii], moment où l’hostilité envers les Juifs de la droite catholique l’a poussé à devenir philosémite par esprit de contradiction.

Cet antisémitisme est une hostilité contre les Juifs, décrits comme banquiers ou plus généralement capitalistes. On retrouve cette idée chez Proudhon, pour qui le Juif « est l’ennemi du genre humain », qu’il faudrait expulser, voire « exterminer ».

Avec l’émergence du conflit israélo-palestinien, l’antisémitisme de gauche s’est mêlé à des considérations altermondialistes, opposées à la domination du modèle occidental, dont l’État d’Israël serait une colonie.

L’idée du Juif capitaliste s’est transformée en celle du Juif colonisateur, toujours dans la même logique, teintée de marxisme, d’opposition entre oppresseur et oppressé. Qu’il soit capitaliste ou colonisateur, le Juif est un oppresseur, hier de l’ouvrier français, aujourd’hui du peuple palestinien.

Cette mutation a été documentée dès 2006 par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), qui constatait alors que les auteurs d’actes antisémites en Europe étaient de moins en moins d’extrême droite et de plus en plus issus culturellement du monde musulman.

 

Le difficile positionnement de l’islamisme

Demandez à quelqu’un de droite de positionner l’islamisme, il dira qu’il est de gauche. Posez la même question à quelqu’un de gauche, il vous dira que l’islamisme n’existe pas, et qu’il s’agit d’un simple mouvement de résistance.

Derrière la boutade, si l’imaginaire collectif tend à l’associer à la famille de pensée qui l’a le plus favorisé électoralement, la face extrémiste et politique de la deuxième religion de France recouvre davantage d’aspects d’extrême droite que d’extrême gauche : théocratique, homophobe, réactionnaire et autoritaire.

En face, la lutte contre l’oppression et l’impérialisme occidental lui attirera la sympathie des mouvements marxistes et altermondialistes. Une sympathie qui sera au cœur de l’émergence de la pensée islamogauchiste théorisée par Pierre-André Taguieff lors de la seconde intifada.

 

L’antisémitisme islamiste : une forme hybride

Seulement, ce positionnement ne préjuge absolument pas de la nature de l’antisémitisme islamiste, qui dispose aussi bien de traits racistes issus de certaines interprétations du Coran ou d’influences occidentales, que de traits purement marxistes et anticoloniaux.

Les seconds sont généralement les portes d’entrée « acceptables » vers les premiers, avec un accent sur l’aspect humanitaire lié aux victimes civiles palestiniennes.

 

Une caricature qui ne repose sur rien

L’antisémitisme a su évoluer avec son époque et les caractéristiques qu’il cherchait à donner à la communauté juive. Ces caractéristiques ne reposent toutefois sur aucune réalité.

La théorie du peuple déicide a été démentie par le concile de Trente en 1566. Si la communauté juive est une diaspora depuis le Ier siècle, ses membres ne sont pas plus aisés, malgré des études plus longues que le reste de la population.

Quant au mythe du Juif colonisateur, selon que l’on prenne une définition religieuse ou ethnique, entre six et sept et Juifs sur dix vivent ailleurs qu’en Israël.

 

L’antisémitisme est aujourd’hui de gauche

Longtemps associé à l’extrême droite, l’antisémitisme se trouve aujourd’hui principalement à l’extrême gauche.

En effet, depuis 2010, la dédiabolisation du FN / RN a amené Marine Le Pen à s’éloigner des thèses antisémites, notamment en reconnaissant la Shoah comme un acte abominable, et en excluant systématiquement les éléments les plus radicaux, jusqu’à son propre père et fondateur du parti.

De son côté, LFI semble avoir fait la démarche inverse, sans doute pour ne pas s’attirer l’animosité d’une part importante de son électorat.

En 2018, lors de la marche blanche en l’honneur de Mireille Knoll, Jean-Luc Mélenchon et des élus LFI ont ainsi été sifflés, les contraignant à fuir la manifestation, après que le président du CRIF leur a demandé de ne pas s’y rendre.

Outre les polémiques régulières de certains membres du parti, l’année suivante, une étude a révélé que les préjugés antisémites étaient autant partagés au RN qu’à LFI. L’étude montrait également une corrélation importante entre antisionisme et préjugés antisémites, confirmant la nature de l’antisémitisme actuel.

[i] Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire : « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme, Paris, La Découverte, coll. « La Découverte Poche/Essais » (n° 201), mai 2005, 238 p.

[ii]  Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme, Seuil, 1984.

IVG dans la Constitution : Emmanuel Macron va déposer un projet de loi au Conseil d’État

Fondé sur le travail des parlementaires et des associations, le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d'État cette semaine et présenté en Conseil des ministres d’ici la fin de l'année.

En 2024, la liberté des femmes de recourir à l'IVG sera irréversible. https://t.co/4uSoIJu310

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 29, 2023

 

Après le « en même temps », le  « quoiqu’il en coûte », l’heure est au « à tout prix ». Le président de la République veut sa réforme constitutionnelle « à tout prix », aussi inutile soit-elle !

La Tribune a dévoilé que le président de la République déposera cette semaine au Conseil d’État un projet de loi visant à inscrire dans la Constitution l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

 

Pourquoi le président de la République a-t-il décidé d’intervenir ?

Le texte devrait être présenté en Conseil des ministres « d’ici à la fin de l’année », a confirmé le chef de l’État dans un message sur X (anciennement Twitter). Il devrait être examiné au Parlement au cours des premières semaines de 2024, selon les précisions de l’Élysée données lors d’un brief téléphonique, en fin de matinée. L’intervention présidentielle présente trois avantages immédiats.

D’abord, un projet de loi, contrairement à la proposition de loi sur le sujet actuellement en navette parlementaire, permet d’éviter la délicate étape d’un référendum. Et donc « de donner aux opposants au texte, qui seraient en réalité des opposants à l’IVG, une tribune totalement disproportionnée par rapport à ce qu’ils représentent en réalité ».

Ensuite, cette annonce coupe l’herbe sous le pied des Insoumis, qui comptaient la réinscrire dans leur niche parlementaire le 30 novembre. Mathilde Panot a bien dû avaler son chapeau et saluer le projet présidentiel. Quant à Manuel Bompard, invité de France Inter, il a reconnu « une grande victoire pour La France insoumise ».

Enfin, cette réforme est une bonne occasion pour Emmanuel Macron de se relancer sur le plan national, avec un succès qu’il imagine facile, alors qu’il est éloigné du pays par la guerre Israël-Hamas puis par un Conseil européen en fin de semaine.

 

Le retour du « en même temps » présidentiel

D’après les informations de La Tribune, à l’article 34 de la Constitution, il sera ajouté :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

Cette rédaction retenue par le chef de l’État séduira-t-elle au moins trois parlementaires sur cinq lors du Congrès — la réunion du Sénat et de l’Assemblée nationale, indispensable étape pour modifier la Constitution ?

C’est en tout cas le retour du « en même temps » présidentiel. Pour s’assurer la plus grande majorité possible des parlementaires, le président Macron n’a pas voulu choisir entre le « droit »à l’IVG – retenu par l’Assemblée nationale –, et la « liberté »– préféré par le Sénat.

La nouvelle rédaction de l’article 34 consacrerait « la liberté » d’une femme à avoir recours à l’avortement, « qui lui est garantie », donc lui ouvre « un droit ».

Voilà où nous en sommes. Il n’en reste pas moins que cette réforme constitutionnelle est inutile et dangereuse comme nous l’avions déjà évoqué dans ces colonnes…

Capitalisme et féminisme libéral : architectes de l’émancipation des femmes

Le féminisme libéral est une revendication de justice. Il peut se définir comme l’extension aux femmes des protections de l’État de droit. À ce titre, c’est l’aboutissement d’un long processus historique.

 

Le régime de l’esclavage ou de la propriété des femmes

Aux premiers âges de l’histoire de l’humanité, la loi ou la coutume n’offre à peu près aucune protection aux femmes. Elles subissent impunément les menaces, les violences, le rapt, le viol, etc. Ce sont des bêtes de somme, des esclaves possédées par des hommes, plutôt que des individus. On les prend, les donne ou les vend, sans requérir aucunement leur consentement.

Charles Comte, dans les quatre volumes de son Traité de législation (1827-1828) livre préféré de Frédéric Bastiat —, rapporte les descriptions tracées par les voyageurs depuis les plages incultes sur lesquelles ils avaient débarqué.

Ainsi, sur l’île de Van-Diémen (la Tasmanie), les mariages se concluent de manière très expéditive. « Un jeune homme voit une femme qui lui plaît ; il l’invite à l’accompagner chez lui ; si elle refuse, il insiste, il la menace même d’en venir aux coups, et, comme il est toujours le plus fort, il l’enlève et l’emporte dans sa cabane. » (Mémoires du capitaine Péron, t. I, 1824, p. 253)

Aussitôt mariée, la femme Hottentote (Afrique du Sud) s’occupe seule de fournir la provision de son ménage et d’assurer les tâches ménagères. Le mari va à la pêche ou à la chasse pour son plaisir, plutôt que pour soulager sa femme ou ses enfants. Les occupations masculines sont de boire, de manger, de fumer et de dormir. (Kolbe, Description du Cap de Bonne-Espérance, t. I, 1743, p. 235)

Au nord du continent américain, lorsque les hommes ont tué une bête fauve, ce sont les femmes qui la rapportent jusqu’à la tente, qui l’ouvrent, qui la dépècent, etc. Quand le repas est apprêté, les femmes servent les hommes comme des domestiques : ceux-ci prennent alors ce qui leur convient, et souvent après eux ils ne laissent rien aux femmes. (Voyage de Samuel Hearne, du fort du Prince de Galles dans la baie de Hudson, à l’océan nord, t. I, 1798, p. 140)

Sur les côtes de Guinée, les femmes tâchent par des caresses de se faire aimer des hommes, sachant trop bien la sorte de dépendance dans laquelle elles se trouvent. (William Bossman, Voyage de Guinée, 1705, p. 211.) À Tahiti, les femmes portent le deuil de leur mari, mais eux ne portent pas le leur. (Bougainville, Voyage autour du monde, 1771, p. 228)

Partout enfin où on les trouve en milieu primitif, les femmes ont généralement l’air plus sombre que les hommes, et elles font voir des cicatrices qui témoignent assez des mauvais traitements qu’elles subissent. (Charles Comte, Traité de législation, 1827, t. II, p. 415 et 425)

 

Le régime de la tutelle

Dans l’Orient, ce premier régime s’est longtemps maintenu. Edmond About raconte que la femme y a une voix criarde et gémissante qui surprend au premier abord, et que ses paroles ne sont que des lamentations. (La Grèce contemporaine, 1854, p. 200). En Crimée puis à Constantinople, Gustave de Molinari décrit aussi les femmes séquestrées dans leurs maisons, voilées à n’en distinguer que les yeux, et qui sont purement et simplement des propriétés. (Lettres sur la Russie, 1861, p. 259 et suiv., p. 376)

Mais dans la France du XIXe siècle, les libéraux observent une situation déjà bien différente : c’est le régime de la tutelle.

Historiquement, on sait que ce n’est pas pour des raisons humanitaires que l’esclavage a été aboli aux États-Unis, ou qu’en Europe, il s’est transformé en servage, avant de disparaître. Cette évolution fut le fruit avant tout de la pression du progrès économique produit par le capitalisme.

C’est aussi le capitalisme qui a permis la première émancipation des femmes, en donnant une valeur sans cesse plus grande aux services de l’intelligence plutôt qu’à la seule force physique. Plus une société a de capitaux, en effet, et moins on a recours à la puissance humaine brute ; moins donc on dépend de l’homme fort. D’abord, on abattait un arbre à mains nues ; ensuite, on usa d’outils rudimentaires ; enfin vinrent les scies mécaniques : et chaque progrès capitaliste augmentait l’utilité intrinsèque du travail des femmes.

Lorsqu’aux premiers temps de l’histoire de l’humanité tout le travail s’accomplit par l’emploi de la force humaine, les femmes et les êtres plus faibles physiquement ne peuvent espérer une rémunération satisfaisante, à moins d’un talent hors pair. Les femmes sont alors économiquement dépendantes. Si l’une d’elle conçoit l’idée de quitter sa cabane pour éviter les mauvais traitements de son mari, raconte l’abbé de Saint-Pierre, et veut « tâter de la solitude », elle n’y reste pas longtemps, devant l’effroi d’une vie de dénuement, dans la crainte de mourir de faim et de froid, et de voir sa vie s’éteindre en effet en peu de temps. (Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, t. II, 1713, p. 12)

Jean-Jacques Rousseau, qui a célébré l’âge d’or de la vie sauvage, a poussé plus loin l’inconvenance en jetant l’opprobre sur « le premier homme ayant enclos un terrain », etc. Pourtant, les travaux plus paisibles de l’agriculture, en fournissant un emploi suffisamment productif aux femmes, ont participé à leur meilleure conservation. (Gustave de Molinari, La viriculture, 1897, p. 36) Et tout progrès capitalistique leur a permis d’augmenter leur contribution productive.

 

Le régime de la liberté

L’adéquation entre le régime légal que les intérêts matériels d’une société rendent utiles, et la législation réelle, demande du temps et des efforts. Pour hâter cette transformation, de nombreux libéraux ont défendu la cause de l’extension complète de l’État de droit aux femmes.

Édouard Laboulaye voulait pour les femmes des droits égaux, y compris le droit électoral. (Histoire politique des États-Unis, t. III, 1866, p. 323 et suiv.)

Paul Leroy-Beaulieu pensait que « l’on pourrait juger de l’état d’une société entière d’après la situation qui y est faite à la femme ». (Populations ouvrières, 1868, p. 178) Il voulait que la femme soit protégée par la loi contre les excès de son mari, qu’elle obtienne la libre disposition de son salaire. (Discussion à l’Académie sur le code civil et les ouvriers, 1886)

Yves Guyot surtout, a mené une campagne inlassable, engagée très tôt pour la liberté égale des femmes, y compris le suffrage. « Le christianisme, disait-il, a conquis son influence en promettant à la femme de la relever. Il n’a pas tenu complètement sa promesse. Nous devons la réaliser dans nos pays et aider, chez les autres peuples, les femmes à obtenir une situation meilleure. » (Lettres sur la politique coloniale, 1885, p. 398)

Furent-ils plus nombreux, et avaient-ils en général des idées plus radicales encore ? C’est ce qu’il est permis de supposer. Avril de Sainte Croix observe en 1922 que « Monsieur Yves Guyot est probablement le doyen des féministes. Il a été un féministe quand cette qualité soulevait les railleries des gens qui se prétendaient sérieux… Il n’a cessé de réclamer l’égalité civile, l’égalité économique et l’égalité politique des femmes. » (Conférence du 30 janvier 1922 ; Fonds Guyot, Archives de Paris, D21J 65.) Or ces moqueries ont certainement pu en décourager quelques-uns.

Voyez la colonisation. Quand l’enthousiasme était presque unanime, certains cachaient leur désapprobation. Sortant du bois en 1848, Léonce de Lavergne dit par exemple : « J’avais déjà cette opinion sous la monarchie, quand les millions pour l’Afrique se donnaient sans compter, mais j’hésitais à la produire en présence de l’engouement général, j’attendais… » (Revue de deux-mondes, 1er mai 1848.)

On voit d’ailleurs dans les archives d’Edmond About qu’au seuil de son grand livre sur la liberté, il écrivait qu’elle est due tant aux hommes qu’aux femmes. Mais son éditeur a rayé cette phrase cruciale, et elle n’apparaît pas dans l’imprimé. (Bibliothèque de l’Institut, Ms. 3984)

Il faudrait prendre en compte aussi tout cela, dans la balance qu’on ferait avec les opinions antiféministes de Benjamin Constant, avec les doutes ou les atermoiements de Jules Simon, de Gustave de Molinari.

 

Pourquoi toutes les femmes devraient être libérales

La demande du féminisme libéral est assez simple. Puisque l’État est une sorte de société en commandite établie pour produire la sécurité de tous, il faut que les femmes aient une voix à l’égal des hommes et que leur protection soit assurée comme celle des hommes.

Les anti-libéraux construisent un État omnipotent (en théorie), qui prétend tout régenter, mais n’accomplit rien qui vaille. C’est un gros monsieur qui est tout à tour professeur, médecin, entrepreneur de spectacle, que sais-je encore. Comment n’en oublierait-il pas de bien assurer la sécurité, de bien rendre la justice ?

À l’inverse, la demande d’un État minimal est celle d’un État qui a peu de fonctions, mais qui les remplit. Or les femmes ont, plus encore que les hommes, besoin de cet « État gendarme », qui fasse bien son métier.

Le capitalisme, en outre, marche pour elles.

Le féminisme libéral a moins de puissance verbale que celui qui demande des privilèges de sexe ou des réparations. Il ne dira pas que ce qui est inégal est égal. Mais il protégera chacun, et placera tous et toutes sous la grande loi d’égalité et de justice de la concurrence pour la rémunération des services. Il ne lui manque que d’avoir conscience de sa force persuasive.

 

L’interdiction systématique des manifestations propalestiennes serait une défaite pour la démocratie libérale

Dans ces colonnes, nous avons défendu le principe sécuritaire comme premier garant des libertés fondamentales. Mais dans la lutte menée par la démocratie israélienne contre le Hamas, organisation terroriste, comment défendre les principes libéraux d’expression et de manifestation ?

Jeudi 12 octobre, dans un télégramme adressé à l’ensemble des préfets, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a rappelé l’impératif d’assurer « une protection systématique et visible de l’ensemble des lieux fréquentés par les Français de confession juive » sous la forme de « points fixes au moment du culte s’agissant des synagogues ou en entrée et sortie s’agissant des écoles ».

Le document précise encore :

« Les auteurs étrangers d’éventuelles infractions, doivent systématiquement voir leurs titres de séjour retirés et leur expulsion mise en œuvre sans délai […] les manifestations propalestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public, doivent être interdites ; l’organisation de ces manifestations interdites doit donner lieu à des interpellations ».

 

Est-il possible d’interdire toutes les manifestations propalestiniennes ?

C’est la question à laquelle a répondu négativement le Conseil d’État, ce mercredi 18 octobre 2023, après avoir été saisi en urgence par le Comité Action Palestine, en réaction à l’interdiction demandée par le ministre de l’Intérieur.

Vincent Brengarth, l’un des avocats du Comité Action Palestine, estime, dans Mediapart, que « toute interdiction générale et de principe est par nature illégale ». Selon lui, la rédaction du télégramme du ministre équivalait à une obligation pour les préfets de s’y conformer. De plus, il dénonce « l’amalgame » que ferait le ministère de l’Intérieur entre la « défense des droits du peuple palestinien » et un soutien au terrorisme.

Par la voix de Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques, le ministère de l’Intérieur estime au contraire que le télégramme n’avait « aucune valeur normative ».

Par ailleurs,les manifestations propalestiniennes « ne sont pas des manifestations de soutien aux victimes de la situation en Palestine, mais des manifestations de soutien aux actions du Hamas et à la résistance par tous les moyens. Ce ne sont pas des rassemblements pacifiques pour la paix en Israël et en Palestine ».

 

L’état du droit et le principe libéral

L’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789, nous apprend :

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi. »

Il s’agit de la liberté d’opinion.

En théorie, la liberté d’opinion n’a pas besoin d’être protégée, car chacun peut penser ce qu’il veut dès lors qu’il n’exprime pas ses pensées.

Dans les faits, l’opinion devient une liberté à condition qu’il soit possible de la faire connaître sans être inquiété :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (article 11 de la DDHC).

Aussi, il n’est pas possible de séparer liberté d’opinion et liberté d’expression ; liberté d’expression et liberté de manifestation :

  • De la liberté d’expression découlent celles de la presse, de la communication audiovisuelle et numérique (qui excluent les propos diffamatoires, racistes, incitant à la haine raciale ou au meurtre) ;
  • La liberté de manifestation, définie par le Conseil constitutionnel comme un « droit d’expression collective des idées et des opinions », permet à des personnes soutenant une cause ou une opinion de les exprimer collectivement dans la rue (dans le respect des règles de maintien de l’ordre public).

 

Ainsi, dans les démocraties libérales, le principe en droit est la liberté, l’interdiction devant rester l’exception.

 

Toute restriction des libertés est une victoire du terrorisme islamiste

Ne soyons pas naïfs : les manifestations propalestiniennes débouchent régulièrement sur des actes antisémites. Pourtant, soutenir les Palestiniens est un droit. Ces rassemblements doivent être interdits au cas par cas.

Dans une tribune intelligente, courageuse et excluant toute passion partisane pour Le Figaro, Raphaël Amselem, du Think Tank Génération Libre, appelle à refuser « l’interdiction systématique des manifestations pro-Palestine, quel que soit notre point de vue sur le sujet. »

Nous partageons avec l’auteur le point de vue selon lequel :

« Dans un État libéral, la société civile est créancière à l’égard du pouvoir, elle détient à son encontre de droits opposables dont la liberté de manifestation. On ne saurait donc tolérer les interdictions à l’emporte-pièce, sauf à considérer que le gouvernement peut conditionner la liberté, ce qui revient en réalité à dire qu’il n’existe pas de liberté tout court. »

Restreindre la liberté d’expression et le droit de manifester au niveau national ouvrent la porte à des dérives autoritaires du pouvoir et alimentent le terreau complotiste. Il appartient aux autorités déconcentrées (préfets), au cas par cas, d’interdire telle ou telle manifestation, en fonction du risque local de trouble à l’ordre public !

La force d’une démocratie, c’est la tolérance. C’est une qualité, n’en faisons pas une faiblesse.

Faut-il quitter la cour européenne des droits de l’Homme ?

Pour ne plus dépendre de la Cour européenne des droits de l’Homme, il faut dénoncer la Convention du même nom et en sortir.

Même si un protocole n°15 a été ajouté à la Convention, qui insiste sur la subsidiarité de la jurisprudence européenne, et prend mieux en compte la souveraineté des États, la Cour européenne des droits de l’Homme bride la souveraineté des peuples et des nations.

 

Un gouvernement des juges antidémocratique

La CEDH est l’illustration du gouvernement de juges européens qui se substituent au législateur français ou européen et qui, sans légitimité et sans débat public, imposent leur idéologie (cf l’étude du Centre européen pour le droit et la justice).

On s’attendrait à ce que ces juges émanent des plus hautes juridictions de leur pays. Il n’en est rien, une bonne partie des juges nommés ne sont pas des magistrats professionnels, mais des professeurs ou des fonctionnaires spécialisés dans les « droits humains », ou encore des activistes des ONG.

La Cour européenne des droits de l’Homme a un pouvoir exorbitant qui s’applique, sans aucun recours possible, à 800 millions de citoyens européens. Nommés dans des conditions opaques, inconnus du public, ces juges de Strasbourg sont devenus un pouvoir législatif qui prive les Parlements nationaux de leurs prérogatives. Les conséquences d’un arrêt de la CEDH condamnant un pays signataire s’appliquent directement en droit français, sans que le Parlement, le gouvernement ou les juridictions françaises ne disposent de la possibilité de le contester.

 

La CEDH, comment ça marche ?

Signée à Rome le 4 novembre 1950 par les États membres du Conseil de l’Europe, et ratifiée par la France en 1974, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (plus connue sous le nom de Convention européenne des droits de l’Homme) s’inscrit dans le prolongement de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948.

Depuis son entrée en vigueur le 3 septembre 1953, seize protocoles additionnels ont été adoptés.

L’originalité de la Convention européenne des droits de l’Homme tient au fait qu’elle garantit, non seulement des droits substantiels, comme la liberté d’expression ou le respect de la vie privée (article 8 de la Convention), mais encore des droits procéduraux, comme le droit au procès équitable prévu par l’article 6.

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), créée par la Convention européenne des droits de l’Homme, a été mise en place en 1959.

Elle siège à Strasbourg et se compose de 46 juges (un par État membre) élus pour un mandat de neuf ans non renouvelable par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – assemblée qui n’a pas de légitimité démocratique, car cooptée par les Parlements nationaux selon des règles qui leur sont propres. Toutefois, les juges siègent à titre individuel, et ne représentent pas les États.

 

Est-il possible de quitter la CEDH ?

La Convention européenne des droits de l’Homme prévoit deux cas :

  1. Soit une sortie définitive et un retour ensuite, sous conditions
  2. Soit une « suspension » de certains articles de la Convention pour des questions liées à un état d’urgence

 

Nous ne nous intéresserons, dans cet article, qu’à la première option.

L’article 58 de la Convention prévoit une clause de dénonciation.

C’est un schéma classique dans les traités internationaux : les États s’engagent, ils peuvent se désengager. La Convention européenne des droits de l’Homme indique qu’il faut pour cela attendre cinq ans après la ratification (ce qui est le cas pour la France), puis notifier un préavis de six mois. Bien que le Conseil de l’Europe ait pris l’habitude de conditionner l’adhésion de ses membres à la ratification de la Convention européenne des droits de l’Homme, il paraît peu probable que celui-ci exclut la France de cette organisation. Une dénonciation par la France de la Convention aurait un impact considérable et serait probablement suivie par d’autres pays. Mais l’adhésion de l’Union européenne à la Convention lierait à nouveau la France à celle-ci !

Autre possibilité, la France pourrait décider de ne pas appliquer les décisions de la CEDH. Mais alors, le gouvernement risque une condamnation par un juge français saisi par un particulier pour non-application de la décision de la CEDH.

D’un point de vue juridique, le plus sûr moyen consisterait à réviser par référendum l’article 55 de la Constitution qui garantit la primauté des traités sur les lois nationales.

 

Pourquoi quitter la CEDH ?

L’absence démocratique dans le sens libéral du terme des nominations devrait suffire à justifier ce départ.

Mais à mon sens, les dérives technocratiques et idéologiques sont également des causes toutes aussi importantes. Les attaques terroristes et/ou le non-respect des Obligations de quitter le territoire français, ainsi que l’impossibilité de conduire une politique de contrôle de l’immigration illégale doivent nous amener, à minima, à débattre de notre maintien au sein de la CEDH.

En effet, le dévoiement des articles 3 et 8 de la Convention empêche les États de mener une politique de lutte contre l’immigration illégale qui leur est propre. Les problèmes rencontrés par l’Italie ou l’Espagne dans cette lutte ne sont pas ceux des pays baltes.

Selon l’article 3 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Rien à redire à cela. Mais il est constamment invoqué pour s’opposer aux expulsions de clandestins, les rendant quasiment impossibles. Au fil du temps, les juges ont interprété cet article de façon de plus en plus extensive, en considérant le risque potentiel d’être soumis à de mauvais traitements, et pas seulement le fait d’y être soumis. La France devient directement responsable des violations qui pourraient avoir lieu dans un autre État si le migrant était renvoyé. Par exemple, la France ne peut plus extrader vers les États-Unis, une démocratie, un terroriste qui y risquerait la peine de mort.

Même logique pour l’article 8 qui énonce que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Il est devenu, par la magie de la jurisprudence, un droit au regroupement familial dans le pays d’accueil.

 

Une dérive idéologique qui s’étend à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)

Dans une brillante intervention, le député européen François-Xavier Bellamy s’inquiète d’un arrêt de la CJUE sur le contrôle des frontières qui, en pleine crise migratoire à Lampedusa, interdit à la France de refouler les personnes qui tentent d’entrer illégalement sur son sol. Et de constater que le seul droit qui nous reste, c’est de les prier de ne pas entrer. Le droit européen s’est retourné contre le droit.

Pour conclure, je choisirai les mots de Céline Pina qui, sur X déclarait :

« Mettre des limites au droit européen et sortir de certains traités est devenu indispensable. Cela ne signifie pas quitter l’Union européenne, mais simplement s’extraire des politiques néfastes tant à notre pays qu’à l’Europe toute entière. »

Suite à l’ignoble attentat d’Arras, Emmanuel Macron a demandé aux préfets de lister les fichés S expulsables. Louable intention qui se heurtera à la jurisprudence de la CJUE et de la CEDH. Le président de la République est-il prêt à aller jusqu’au bout ?

Nuit de l’écologie : LR en quête d’une écologie de droite

C’est dans un parc des expositions de la porte de Versailles en pleine modernisation, à quelques mois des JO de Paris, et avec une vue imprenable sur une tour Eiffel qui n’était toutefois plus illuminée aux couleurs du drapeau israélien, que s’est tenue ce mardi 10 octobre la Nuit de l’écologie.

Durant plus de quatre heures, un parterre de 250 militants et sympathisants Les Républicains a été invité à définir l’écologisme de droite.

Au programme : changement climatique, neutralité carbone, adaptation et fiscalité verte. Le tout lié par une opposition déclarée à la logique de la décroissance.

 

Les Verts réfractaires au débat

Ces quatre heures d’orchestre ont eu pour chefs deux hommes : Geoffroy Didier et Antoine Vermorel-Marques, député de la Loire, chef de file de la tendance écologiste du parti, et parmi les plus fervents partisans d’un accord de gouvernement avec la Macronie.

Si le duo a bien tenté d’inviter des membres d’EELV, ses principales têtes d’affiche ont décliné. La soirée était toutefois animée par une douzaine de pontes du parti gaulliste sous le regard d’Emmanuelle Mignon, nouvelle vice-présidente du parti en charge du projet et des idées.

Parmi les invités extérieurs se trouvaient notamment Robert Vautard, membre du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) et coprésident du GIEC, mais également le plus médiatique des apôtres de la décroissance, l’ingénieur civil, créateur du bilan carbone et président du Schift Project Jean-Marc Jancovici, connu notamment pour avoir récemment proposé de limiter le nombre de trajets aériens à 4 par personne et par vie.

 

Définir une doctrine

En conclusion d’une conférence donnée à l’Université de Haute-Alsace ce jeudi 12 octobre, l’ancien Premier ministre, et désormais membre du Conseil constitutionnel Alain Juppé a appelé la jeunesse, et en particulier les étudiants de son auditoire, à se saisir de deux sujets majeurs : le numérique et le changement climatique.

Deux thématiques désormais centrales dans le débat public, et ce n’est pas pour rien si la Nuit de l’écologie, organisée par son ancien parti politique, s’inscrit dans un travail de refondation doctrinale initiée depuis maintenant plus d’un an.

Chez les jeunes en particulier, des sondages nous montrent que la préoccupation environnementale chez nos électeurs est désormais au-dessus de celle de la sécurité », estime d’ailleurs Geoffroy Didier chez nos confrères du journal Le Monde.

 

Une droite déjà en pointe sur le sujet

Le thème serait d’autant plus important à aborder que LR serait suspecté de se laisser aller à une tentation climatosceptique depuis la présence du docteur d’État en science politique et docteur en philosophie Yves Roucaute lors d’une journée de formation auprès des jeunes cadres du parti le 9 septembre dernier. L’auteur de L’Obscurantisme vert : la véritable histoire de la condition humaine, paru l’année dernière aux éditions du Cerf, estime en effet que la contribution anthropique au changement climatique serait « dérisoire ».

Pourtant, le passif de la droite gaulliste en matière d’environnement n’est plus à démontrer, qu’il s’agisse de son combat pour le nucléaire depuis bientôt sept décennies ou le Grenelle de l’environnement créé par Nicolas Sarkozy en 2007.

Néanmoins, les nouveaux enjeux de sociétés appellent à la définition d’une doctrine environnementale claire, à laquelle la droite ne saurait échapper.

 

Cartographie de l’écologisme

Cet environnementalisme de droite se distingue de trois autres formes : l’écologisme de gauche, l’écologisme d’extrême droite, et l’écologisme libéral.

Si l’idée que le clivage gauche-droite est obsolète court dans les discussions de café du commerce depuis plusieurs décennies, il existe un invariant distinctif : la droite conserve l’acquis occidental auquel la gauche s’oppose avec plus ou moins de vigueur selon le degré. Cet acquis peut être lié au christianisme, au libéralisme ou au républicanisme, auxquels la gauche oppose l’anticléricalisme, le socialisme, et la discrimination positive.

Il n’est donc pas étonnant que l’écologisme de gauche se base sur une contre-religion, avec sa divinité, ses blasphèmes, ses sacrifices médiatiques, son apocalypse, ses commandements précis appliqués à la vie quotidienne, son rigorisme, son prométhéïsme et son millénarisme. Selon ses tenants, cette contre-religion justifie l’application d’une pensée planiste, voire tout simplement socialiste.

Cet écologisme s’oppose, mais se rapproche de l’écologisme d’extrême droite. Ce dernier, théorisé par des philosophes allemands entre le XIXe siècle et l’avènement du IIIe Reich, se fonde essentiellement le mouvement « Blut und Boden » (le sang et la terre) théorisé par Oswald Spengler.

Si la législation environnementale nazie a servi d’exemple aux législations actuelles sur le sujet, l’écologisme d’extrême droite se fonde avant tout sur l’exaltation du monde rural et de la pureté fantasmée de la nature qui rejoint celle de la race.

De façon évidente, cet écologisme s’oppose également à l’écologisme libéral, fondé sur la logique d’assurance et de propriété privée comme moyen d’une gestion « de bon père de famille » des ressources naturelles à la manière d’un capital à faire fructifier.

 

Un écologisme croissantiste

De son côté, LR propose un écologisme de droite « responsable et supportable » et reprenant l’idée d’une co-prospérité homme-nature. Cet écologisme se veut naturellement pragmatique, pro-nucléaire et pro-libertés individuelles. Surtout, il s’oppose vigoureusement à la décroissance des deux premières formes d’écologisme évoquées plus haut.

Ce n’est pas pour rien si Éric Ciotti estime que cet écologisme est financé « par la croissance ».

Ce n’est donc pas un hasard si l’invité phare de la soirée n’était autre que Jean-Marc Jancovici, dont le discours économique se fonde sur l’idée que la croissance serait liée à la consommation d’énergies fossiles.

Or, la science se fonde sur le débat.

Pour cause, cette thèse est fortement discutée. Cette corrélation l’est notamment par Lucas Bretschger, professeur au Centre de recherche économique de l’université de Zurich.

Même son de cloche du côté de Gaël Giraud dans une entrevue pour le journal du CNRS parue en 2015. S’il estime effectivement qu’il existe une corrélation entre croissance et consommation d’énergies en général, l’économiste concède que la croissance actuelle se fonde sur « d’autres types d’énergie que des énergies fossiles ».

Cette idée est confirmée par Peter Newman, professeur de développement durable à l’Université Curtin, en Australie, qui constate le découplage du PIB et de l’émission de gaz à effets de serre et anticipe une explosion de la part des énergies renouvelables dans les 25 prochaines années, tout en soutenant la croissance du PIB mondial.

 

Contre les décroissants

Nous, libéraux, sommes régulièrement accusés d’être des fanatiques d’une croissance économique que les penseurs autrichiens critiquent pourtant eux-mêmes bien davantage que quiconque.

Cependant, l’écologisme rime de moins en moins avec décroissance.

L’extrême gauche devra donc trouver un autre moyen de légitimer sa volonté de nous ramener à l’Âge de pierre.

Dans ce sens, et comme le notait dans nos colonnes l’ingénieur et expert à l’Institut Sapiens Philippe Charlez au début du mois, la droite doit s’opposer vigoureusement à cette logique.

Les Républicains semblent donc avoir répondu favorablement à cet appel.

Pourquoi les libertariens doivent s’élever au-dessus de la dichotomie gauche-droite

Par Mathew Lloyd. 

Un article de la FEE.

Au Royaume-Uni, le Premier ministre est conservateur – aile droite – et les résultats de l’ingérence de ce gouvernement dans l’économie, ainsi que la politisation de la vie quotidienne, ont eu un impact négatif sur les vies individuelles, le discours public et l’économie.

Aux États-Unis, le président est démocrate (aile gauche) et les voisins du nord, le Canada, ont un gouvernement libéral (aile gauche), même s’il n’est pas vraiment libéral au sens premier du terme. Ces deux pays connaissent des difficultés économiques, et une vie quotidienne fortement politisée, tout comme le Royaume-Uni.

La liste des pays dont les dirigeants et les gouvernements se situent aux antipodes les uns des autres est encore longue, mais tous ces gouvernements de gauche et de droite ont en commun les mêmes résultats médiocres, et la même aggravation des situations créées par leurs croyances.

Comment deux visions du monde prétendument très différentes peuvent-elles aboutir à des résultats similaires ?

 

Si elles étaient vraiment différentes, les résultats le seraient aussi.

En réalité, les deux camps s’appuient sur divers degrés d’autoritarisme pour asseoir leur popularité, et déploient des politiques autoritaires à l’encontre de la vie économique et sociale des citoyens, ce qui explique pourquoi les résultats sont si semblables.

Les deux camps paralysent les économies par le biais de la fiscalité, de la réglementation et de la répression de l’activité économique. Les deux camps interdisent certains discours, certains comportements, certaines opinions, et certaines interactions.

Les deux camps croient en l’utilisation de la force contre différents groupes de personnes, ils croient dans la punition de différents groupes sur la base de caractéristiques immuables au nom de « l’égalité » et de « l’équité ».

Les deux camps n’ont pas de principes, et changent de position en fonction du vent politique qui souffle.

Pour dire les choses crûment, les deux camps ne sont que des saveurs différentes d’un même ragoût nauséabond.

La seule différence réelle entre les idéologies de gauche et de droite réside dans leurs objectifs et leurs politiques.

Leur absence de principes et leur rejet de la liberté humaine sont les mêmes. Leur conviction que les humains ne sont que des « blocs de bois que l’on peut déplacer », comme le dirait Thomas Sowell, est la même. Aucun des deux camps ne croit en la liberté humaine et aucun des deux ne connaît quoi que ce soit à l’économie.

Plus important encore, aucun des deux camps ne veut comprendre ces choses. Ce sont deux entités assoiffées de pouvoir et les partisans qu’elles attirent sont tellement convaincus que si leur camp était aux commandes, les résultats seraient différents, que l’idée même d’une alternative à l’autoritarisme n’entre même pas en ligne de compte dans la conversation.

 

C’est le cas des libertariens et des libéraux classiques.

En 1956, Leonard Read a écrit un article sur l’utilisation des définitions gauche-droite pour The Freeman, qui est toujours d’actualité.

Dans cet article, il déclare :

« La liberté n’a pas de relation horizontale avec l’autoritarisme. La relation du libertarianisme avec l’autoritarisme est verticale ; elle s’élève de la boue des hommes qui asservissent l’homme ».

Cette citation est tellement percutante qu’elle nous rappelle que l’autoritarisme, la croyance que l’État peut et doit diriger l’action humaine, est fallacieux et sera toujours antilibéral. Si nous voulons nous élever au-dessus des différentes formes d’autoritarisme, ceux qui croient en la philosophie de la liberté doivent s’écarter du clivage gauche-droite et se faire les champions de la liberté.

Ou, comme le dit Read au sujet des libertariens :

« Leur position, si l’on veut utiliser des analogies directionnelles, est ascendante – dans le sens où la vapeur d’un tas de fumier s’élève vers une atmosphère saine. Si l’idée d’extrémisme doit être appliquée à un libertaire, qu’elle le soit en fonction de l’extrême efficacité avec laquelle il s’est débarrassé de ses croyances autoritaires ».

Sur le web.

Une traduction de Contrepoints.

Cours criminelles départementales : une inconstitutionnalité manifeste ? (III)

Première partie de cette série ici.

Deuxième partie de cette série ici

Dans leur lettre de saisine, les requérants font mention de l’existence d’un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » (ci-après PFRLR) selon lequel le jury populaire est compétent pour statuer sur les crimes de droit commun.

L’existence d’un tel principe fondamental conduirait nécessairement à l’inconstitutionnalité des cours criminelles départementales (ou CCD). En effet, celles-ci étant dépourvues de jury populaire, elles ne pourraient donc, en vertu de ce principe, juger les crimes de droit commun. On voit donc ici la puissance de l’invocation d’un tel argument par les requérants.

Mais, cet argument, bien que puissant pour eux, constitue, pour le Conseil constitutionnel, une faiblesse, notamment au regard de la motivation (I). Par contre, l’argument tiré de la violation d’un principe à valeur constitutionnelle constitue une base solide et puissante pour le Conseil constitutionnel (II).

 

I) Les PFRLR : catégorie de normes de référence en désuétude potentiellement réveillée ?

Le principe fondamental reconnu par les lois de la République fait partie de ce que l’on nomme, de manière un peu abusive, le « bloc de constitutionnalité », autrement dit, l’ensemble des normes de référence utilisées par le Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle.

Deux questions introductives se posent évidemment :

  1. De quoi est composé le « bloc de constitutionnalité » ?
  2. Qu’est-ce qu’une « norme juridique » ?

 

Le « bloc de constitutionnalité » est une « notion étiquette » (Jean-Michel Blanquer in Mélanges J. Robert, 1998, p.227) qui « compense l’indétermination du sens par la banalité de l’évidence ».

L’idée d’un bloc renvoie à une homogénéité. Or, les normes de références ne sont en aucun cas homogènes.

En effet, le bloc semble à renvoyer à des normes constitutionnelles et contient aussi des normes qui ne le sont (ex : LOLF ; règlements des assemblées ; traités par l’article 54). La formation du bloc s’est donc faite à géométrie variable, au regard de la diversité des compétences du contrôle confié au Conseil. En clair, le type d’acte soumis au Conseil commande la délimitation du bloc. Qui plus est, certaines normes de référence ne s’y trouvent pas, alors qu’elles sont fréquemment utilisées par le Conseil constitutionnel, notamment des standards, lui permettant alors de s’émanciper des contraintes du textualisme (ex : principe de valeur constitutionnelle sans texte de référence ; policy arguments, etc).

Une norme juridique, prise dans le contexte de l’interprétation, est la signification objective d’un énoncé juridique. Cette signification est attribuée par un interprète, en l’occurrence ici, un juge. Ce dernier est donc le créateur des normes juridiques.

Il faut clairement distinguer l’énoncé de la norme, les deux ne peuvent se confondre.

En premier lieu, il n’y a pas d’identité ni de correspondance entre la norme et l’énoncé. Si la norme n’est que le produit de l’interprète, on peut convenir qu’un énoncé est susceptible de contenir plusieurs normes qui seront posées, au travers d’une décision, par un interprète. In fine, l’interprète choisira entre plusieurs normes, entre plusieurs significations possibles. Dès lors, dans des sources juridiques différentes, un même énoncé peut donner des normes différentes.

De même, que, si l’énoncé et la norme sont distincts, un énoncé peut très bien en recouvrir un autre. De la même manière, une norme peut émerger de plusieurs dispositions à la fois. Enfin, des normes peuvent exister sans aucune disposition préalable.

On voit donc que l’énoncé et la norme sont décorrélés. Ce n’est donc pas une norme qui est interprétée, mais un énoncé. Mais si elle est le fait d’un pouvoir souverain d’interprétation, la norme déterminée par le juge se trouve être contrainte par deux pôles : la fidélité et la liberté par rapport à l’énoncé.

On comprendra enfin que l’auteur des normes constitutionnelles est l’interprète authentique de cette dernière (donc, le Conseil constitutionnel) et que, par voie de conséquence, il ne peut y avoir de hiérarchie entre norme constitutionnelle et norme législative, pour la simple et bonne raison que l’auteur de ces normes est le même : le juge constitutionnel.

Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont donc des normes de référence qu’utilisent ou du moins, qu’a pu utiliser, le Conseil constitutionnel. Ils expriment autant la liberté de l’interprète par rapport au texte constitutionnel que sa fidélité. La notion de « principe fondamental reconnu par les lois de la République » est mentionnée au sein du Préambule de 19461.

Cette notion est largement indéterminée car nulle définition textuelle de ce que sont ces principes. Si l’on se réfère à l’histoire constitutionnelle, les constituants centristes et catholiques envisageaient la liberté de l’enseignement. Mais la tâche de leur signification revient naturellement au juge constitutionnel, interprète authentique de la Constitution.

Dès lors, le Conseil constitutionnel a dû découvrir ces principes.

Le premier principe qu’il découvrit fut la liberté d’association, dans sa célèbre décision du 16 juillet 1971. L’indétermination textuelle de cette notion fut une aubaine pour le Conseil constitutionnel afin de légitimer son nouveau statut, que la loi constitutionnelle de 1974 confortait par ailleurs. Ce faisant, le Conseil se lança dans une grande opération de découverte de ces principes fondamentaux reconnu par les lois de la République, notamment entre 1974 et 1977, période faste durant laquelle il découvrit quatre principes fondamentaux.

Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République n’ont pas de support constitutionnel textuel, rendant donc plus aisée leur découverte. Mais cette liberté causa de plus en plus de difficulté au Conseil, qui se voit accuser d’abuser de cette capacité de découverte, pour bloquer l’action du législateur.

Dès lors, à partir de 1977, le Conseil va poser des conditions (autolimitation de l’interprète) qui le guideront dans la découverte de nouveau PFRLR :

  1. Le PFRLR doit être issu de loi adoptée sous un régime républicain (décision n°88-244 DC)
  2. Il s’agit de lois adoptées antérieurement à la Constitution du 27 octobre 1946 (décision n°88-244 DC)
  3. La législation considérée doit être constante
  4. Le principe fondamental doit revêtir une certaine généralité, ainsi qu’une certaine importance, touchant les libertés fondamentales, la souveraineté nationale et les principes d’organisation des pouvoirs publics.

 

Aujourd’hui, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont au nombre de onze.

Ces conditions posées par le Conseil servent évidemment à légitimer ce processus de « découverte ». Ainsi, si le Conseil veut en découvrir d’autres, par fidélité à sa jurisprudence, il devra les respecter. Mais, depuis 2013, le Conseil n’en a plus découvert, délaissant cette norme de référence. Or, il est toujours possible d’en découvrir de nouveaux.

Par exemple, la liberté de réunion publique (loi du 30 juin 1881), l’obligation scolaire (loi du 28 mars 1882) voire le droit à un repos hebdomadaire (loi du 26 novembre 1911).

On conviendra donc que le Conseil reste maître de la découverte du contenu des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et cette maîtrise s’illustre par les conditions restrictives utilisées.

Les requérants invoquent donc un principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif au jury populaire pour juger les crimes de droit commun.

Ce principe fondamental n’existe pas (ou pas encore), ce qui obligerait donc le Conseil à le découvrir, en suivant les conditions d’autolimitation qu’il a lui-même posé. La fidélité à ses conditions est pour lui, une contrainte argumentative, donc un gage de légitimité. Il pourrait tout à fait s’en écarter puisqu’il les a posés, mais il s’exposerait alors à lourdes critiques.

Pour appuyer ce principe fondamental, les requérants s’appuient sur les débats des 2 et 3 septembre 1986, entre George Vedel et Robert Badinter. Selon ce dernier, un tel principe existe bel et bien, au regard de la longue tradition du jury populaire au fil des Républiques. Ce débat peut constituer une ressource interprétative pour le Conseil, mais il peut en tirer tant des éléments pro que contra, pour la découverte d’un tel principe. N’oublions pas que, si le Conseil a « découvert » onze principes fondamentaux, il a aussi rejeté dix-huit candidats.

Le Conseil peut toujours découvrir de nouveaux principes fondamentaux, c’est d’ailleurs ce à quoi le poussent les requérants, tant dans le contentieux a priori que dans le contentieux a posteriori de constitutionnalité. Mais il semble que le Conseil constitutionnel n’ait plus la volonté de procéder à ces découvertes car cette catégorie lui semble un peu asséchée par ce trop-plein de découvertes.

Cette prise de position jurisprudentielle marquée par un refus de reconnaissance de nouveaux principes fondamentaux doit être mise en relation avec l’utilisation croissante des principes à valeur constitutionnelle, en raison notamment de leur plus grande malléabilité.

Geoffroy Didier : non, le consumérisme électoral ne sauvera pas la droite !

En perte de repères depuis maintenant plus de dix années, la droite française se voit tiraillée électoralement entre quatre forces politiques tentant toutes de prendre la couverture par des propositions de plus en plus étatistes à mesure que l’inflation et le changement climatique prennent de la place dans la vie des Français.

Dernier parti à incarner une ligne libérale-conservatrice parmi les partis de gouvernement, Les Républicains sont aujourd’hui au cœur d’une lutte interne autour de l’avenir de la droite.

La dernière entrevue accordée par Geoffroy Didier au journal Le Point met en lumière le principal défi auquel est confronté le parti.

Les Républicains ont le choix entre deux visions du renouveau :

  1. Le consumérisme électoral visant à ramener désespérément dans le giron du parti les classes sociales qui l’ont délaissé
  2. La vision plus intellectuelle, libérale-conservatrice, pour qui l’idéologie globale et le long terme sont plus importants que les cadeaux faits à tel ou tel pan de l’électorat.

 

Entre réforme et poncifs

Interrogé par Nathalie Schuck dans les colonnes du journal Le Point le samedi 30 septembre, l’eurodéputé et secrétaire général délégué des Républicains Geoffroy Didier incarne ici l’erreur de paradigme dans lequel est enfermée une partie du mouvement.

Dans un premier temps, il rappelle à juste titre la nécessité pour la droite de se focaliser sur l’après-Macron et les impératifs de débureaucratiser l’administration, et de réduire au maximum le poids de l’État dans la vie de Français.

Mais rapidement, un certain naturel semble revenir au galop, reprochant à la droite de s’être « souvent attaquée aux fonctionnaires et à l’État ». Il ira jusqu’à dire ne pas être « un adepte du moins d’État », avant de citer les poncifs habituels sur les infirmières, les policiers et les professeurs, professions que personne en France n’a jamais attaquées sérieusement.

En somme, Geoffroy Didier se limite à brosser dans le sens du poil les classes moyennes parties au Rassemblement national.

 

Quelle tête de liste ?

Un temps poussé par Éric Ciotti pour devenir tête de liste du parti aux prochaines élections européennes, Geoffroy Didier a poliment décliné l’invitation.

Le hasard fait bien les choses, puisque que le jour même de la parution de cette interview, se déroulait, au Cercle d’hiver, dans le 11e arrondissement de Paris, une soirée organisée par Livre noir, média tenu par des proches d’Éric Zemmour, durant laquelle ce dernier était invité à débattre avec plusieurs personnalités sur le thème de l’immigration.

Une soirée morne, tant les différents contradicteurs semblaient avoir été choisis pour mettre en valeur le champion de la droite radicale, à l’exception notable de Ferghane Azihari. Dans le lot se trouvait Vincent Jeanbrun. Le maire LR de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) est surtout connu pour avoir été victime d’une attaque à son domicile lors des émeutes ayant suivi la mort de Nahel en juillet dernier.

Après Geoffroy Didier, Jeanbrun serait le nouveau favori d’Éric Ciotti pour mener la campagne européenne. Sa prestation au Cercle d’hiver, qui frisait le ridicule, devrait toutefois assécher ces éphémères ambitions.

 

Une bataille entre deux lignes

Il faut dire que Les Républicains se trouvent dans une situation particulière.

Alors qu’Aurélien Pradié fait de la figuration dans les quelques fédérations qui lui ouvrent encore leurs portes, le parti est tiraillé entre la ligne Ciotti-Wauquiez et la ligne Retailleau-Lisnard, incarnant toutes deux des visions de ce que la droite doit faire pour retrouver le chemin du pouvoir. Hasard du calendrier : ce même week-end des 30 septembre et 1er octobre, la première de ces deux lignes a fait un pas de plus vers l’Élysée.

« Je suis prêt ! » a ainsi déclaré Laurent Wauquiez lors du campus des Jeunes Républicains à Valence qui se tenait ce même week-end.

De son côté, le camp retailliste pousse de plus en plus la candidature du maire de Cannes et président de l’AMF David Lisnard.

C’est précisément dans le cadre de cette opposition interne que les partisans de Bruno Retailleau tentent aujourd’hui de maintenir la candidature de François-Xavier Bellamy, déjà tête de liste en 2019. Si certains le voient comme un astre mort, Les Républicains constituent aujourd’hui le grand parti politique français en capacité d’incarner une ligne libérale-conservatrice.

 

L’impératif doctrinal avant l’impératif personnel

Car tel est bel et bien l’enjeu actuel auquel sont confrontés les libéraux-conservateurs actuels.

Outre LR, la droite est aujourd’hui tiraillée entre trois forces : Renaissance, le Rassemblement national et Reconquête, soit entre social-démocratie, social-nationalisme et identitarisme.

L’offre libérale-conservatrice a pour moment une seule incarnation capable de se présenter à des élections nationales : Les Républicains.

Dans ce sens, plutôt que de se focaliser sur la personne, le parti aurait tout intérêt à se recentrer sur son corpus idéologique. Si cela a bien été compris par David Lisnard, cet impératif ne doit pas se transformer en concours Lépine des propositions les plus démagogues pour capter tel ou tel pan de l’électorat, chose que semble prendre en compte Éric Ciotti lui-même après avoir nommé, le 2 octobre dernier, Emmanuelle Mignon vice-présidente en charge des idées et du projet, ainsi que Kevin Brookes, libéral convaincu, en tant qu’adjoint à la direction des études. Conservatrice au sens anglais du terme, l’ex-directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy aurait même déclaré en 2004 être « pour une privatisation totale de l’Éducation nationale ».

 

La faillite du consumérisme électoral

Au final, l’entrevue de Geoffroy Didier incarne la principale difficulté posée par une frange des Républicains.

En se focalisant sur un consumérisme électoral fortement court-termiste qui est déjà une des causes de notre malaise démocratique avec le poids exorbitant du président de la République dans nos institutions, Geoffroy Didier semble penser que la droite sera sauvée, non en étant claire sur ce qu’elle est, mais en tentant de ramener certains pans de l’électorat à la manière des classes moyennes et des retraités, partis respectivement au Rassemblement national et à Renaissance.

Entre le raisonnement de classe et le raisonnement de masse, la droite doit choisir l’option la moins crasse si elle souhaite espérer sortir de l’impasse.

L’antisémitisme d’extrême gauche de plus en plus redouté par les étudiants juifs

Le journal Le Parisien a récemment fait paraître une étude de l’IFOP réalisée en association avec l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), dont il ressort que les actes antisémites (remarques, injures, agressions) stagnent, voire progressent à l’université : 91 % des étudiants juifs interrogés disent en avoir été victimes ! Et ce alors que l’antisémitisme et la haine d’Israël sont considérés comme répandus à l’université par seulement 28 % des étudiants (juifs et non-juifs) interrogés – contre 56 % pour le racisme et l’homophobie, et 63 % pour le sexisme.

On apprend par ailleurs – et c’est notamment ce chiffre qui nous intéresse ici – que 83 % des étudiants juifs interrogés redoutent « les actes et violences d’extrême gauche », et 63 % ceux d’extrême droite. Cette étude révèle donc très clairement ceci : les étudiants juifs semblent aujourd’hui craindre davantage l’extrême gauche que l’extrême droite.

Ces résultats mettent donc à mal l’idée rebattue que l’ultragauche incarnerait toujours et nécessairement le « combat antifasciste », et que l’extrême droite détiendrait le monopole de l’antisémitisme.

Comme l’indique Frédéric Dabi, (IFOP), « avant, c’est de Jean-Marie Le Pen que venaient les inquiétudes. Aujourd’hui, c’est de Jean-Luc Mélenchon ».

 

Vers une nouvelle « gauche Corbyn » ?

On se rappelle la récente la polémique, survenue en août 2023, autour de l’invitation du rappeur Médine aux universités d’été de LFI et des écologistes, et qui a renforcé l’idée qu’il existe une complaisance de l’ultragauche à l’égard de l’antisémitisme.

Caroline Yadan, députée Renaissance, avait alors qualifié Médine de « rappeur islamiste et antisémite adepte de la quenelle, des Frères musulmans et des doubles discours, ami de Tariq Ramadan et de Dieudonné, admirateur d’Alain Soral et auteur d’un calembour déshumanisant sa victime juive ».

Mathieu Lefèvre, député lui aussi Renaissance, avait soutenu pour sa part qu’« il n’y a plus rien de républicain dans La France insoumise », ajoutant qu’« il y a un antisémitisme de gauche et d’extrême gauche qu’il faut combattre dans notre pays ».

C’est dans ce cadre-là que Mathieu Lefèvre et Caroline Yadan ont organisé un colloque intitulé « Les habits neufs de l’antisémitisme », qui a eu lieu le 11 septembre 2023 à l’Assemblée nationale.

Un colloque dont la tenue est révélatrice d’une inquiétude, ainsi que le rappelle un récent article du Point : celle de voir une « gauche Corbyn » détrôner la gauche laïque et républicaine, jadis incarnée par Jaurès.

Pourquoi cette référence à Jeremy Corbyn, ancien chef du Parti travailliste au Royaume-Uni entre 2015 et 2020 ?

Car ce dernier fut accusé en 2020 de complaisance envers l’antisémitisme exprimé au sein du Labour ; or loin d’être boycotté, il fut reçu en juin 2022 par Danièle Obono et Danielle Simonnet (LFI), alors candidates aux élections législatives. « Beaucoup d’émotion et de fierté de recevoir, ce soir, Jeremy Corbyn, député de Londres », avait même tweeté Danielle Simonnet le 3 juin 2022.

 

Des préjugés aussi navrants qu’archaïques, remontant à Marx même

Selon l’enquête de l’IFOP récemment publiée, 24 % des étudiants interrogés considèrent que les Juifs sont plus riches que la moyenne ; et 18 % jugent qu’ils ont un pouvoir excessif dans le domaine de la finance et des médias.

Ces données font écho à une étude de 2022 réalisée par la Fondapol et l’American Jewish Committee (AJC), qui établissait qu’un tiers de l’électorat de Mélenchon adhère à l’idée selon laquelle « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance », alors que ce chiffre est d’un peu plus d’un quart pour la population en général.

Propos dont la stupidité le dispute à l’archaïsme, et dont l’origine remonte sans doute à Marx lui-même et son livre Sur la question juive (1843), aux écœurants relents antisémites. Un texte qu’Hitler avait d’ailleurs attentivement lu, et dont on donnera les quelques citations qui suivent :

« Il y a un Juif derrière chaque tyran, tout comme il y a un Jésuite derrière chaque Pape. En réalité, les espoirs des oppresseurs seraient vains et la guerre pratiquement impossible s’il ne se trouvait quelque Jésuite pour endormir les consciences et quelque Juif pour faire les poches. » (cité dans l’article de Pierre Schweitzer pour Contrepoints)

« Quel est le fond profane du judaïsme ? Le besoin pratique, la cupidité (Eigennutz). Quel est le culte profane du Juif ? Le trafic. Quel est son dieu ? L’Argent. » (cité dans La Grande Parade, de Jean-François Revel, Paris, Plon, 2000, p. 122.)

D’où pour Marx la nécessité de faire advenir le communisme, qui est selon lui « l’organisation de la société qui ferait disparaître les conditions du trafic et aurait rendu le Juif impossible. » (cité dans ibid.)

Peut-être subsiste-t-il encore des traces, dans les mentalités sclérosées de l’actuelle ultragauche, de l’« association délirante entre judéité, individualisme et capitalisme » comme dit Revel à propos du texte précité de Marx (ibid.) ?

Chine : l’anthropologue ouïghoure Rahile Dawut emprisonnée secrètement

Le 21 septembre dernier, la Fondation Dui Hua a révélé que l’anthropologue ouïghoure Dr. Rahile Dawut (راھىلە داۋۇت, 热依拉 · 达吾提) a été condamnée en 2018 à une peine de réclusion à perpétuité par les autorités chinoises, pour des accusations de mise en danger de la sécurité de l’État. Depuis la disparition de Rahile Dawut en 2017, la Fondation Dui Hua a demandé 28 fois au gouvernement chinois des informations sur son cas, mais n’a reçu confirmation de son sort que très récemment.

La fille de Dawut, Akida Pulat, a déclaré au China Project qu’elle était « révoltée » que sa mère, une anthropologue dont le travail de toute une vie visait à préserver la culture ouïghoure soit traitée si sévèrement.

« Je veux dire au gouvernement chinois : Vous montrez au monde que vous n’avez aucune pitié en donnant à ma mère innocente une peine de réclusion à perpétuité, » a déclaré Akida Pulat depuis son domicile à Seattle. « Je vous demande de faire preuve de clémence ! »

 

Un procès secret caché pendant 5 ans

Ces informations ont été cachées à la famille de Rahile Dawut pendant cinq longues années. Le procès secret et la sentence secrète en disent long sur les crimes du gouvernement chinois.

Le secret même montre qu’il ne s’agit pas d’une procédure judiciaire ordinaire : il s’agit d’un crime contre les droits humains fondamentaux. Son seul crime était d’être une anthropologue étudiant la culture et l’héritage ouïghours.

Les hommages de collègues, d’anciens étudiants et d’amis ont envahi les réseaux sociaux après que la Fondation Dui Hua a rapporté qu’un tribunal chinois avait rejeté l’appel de Dawut concernant une condamnation de 2018 pour des accusations de « séparatisme » (分裂国家罪 fēnliè guójiā zuì), ou sécession. Comme le rappelle le China Project, l’article 103 du droit pénal chinois impose une peine de « pas moins de 10 ans » et jusqu’à la réclusion à perpétuité pour les personnes reconnues coupables.

Rahile Dawut est originaire du Xinjiang, une région du nord-ouest de la Chine trois fois plus grande que la France, qui subit une stricte répression d’État contre les Ouïghours et les autres peuples turciques principalement musulmans depuis 2016.

Dawut a été arrêtée en décembre 2017 par la police chinoise à l’aéroport Capital de Pékin, après avoir quitté le Xinjiang en route vers une conférence académique dans la ville. Sa disparition déclencha une recherche de 6 années par la Fondation Dui Hua parmi ses contacts en Chine.

Ce n’est qu’en juillet 2021 que ses anciens collègues ont confirmé sa détention. Mais sa famille et ses soutiens, y compris les nombreuses universités américaines où elle avait été chercheuse invitée, étaient toujours maintenus dans l’ignorance quant à l’issue de son procès et son bien-être.

 

Un engagement académique pour la préservation de la culture ouïghoure

Rahile Dawut, une érudite de renommée internationale spécialisée dans le folklore et les traditions ouïghoures, avait consacré sa vie à la préservation et à la diffusion de la culture ouïghoure. Son emprisonnement injuste est non seulement une tragédie pour elle et sa famille, mais aussi une grave perte pour la liberté académique, la préservation culturelle, et les droits humains.

Les contributions de Rahile Dawut à la connaissance ouïghoure et son excellence académique étaient largement reconnues. Elle était professeure associée à l’Institut des Sciences Humaines de l’Université du Xinjiang. En 2007, elle a fondé le Centre de Recherche sur le Folklore des Minorités à l’Université du Xinjiang, dans la capitale du Xinjiang, Ürümqi, où elle a continué à enseigner jusqu’en 2017.

Rahile Dawut était chercheuse invitée à Harvard, Cambridge, l’Université de Pennsylvanie et l’Université de Washington. Ses recherches et initiatives ont même reçu le parrainage et le soutien du gouvernement chinois. En 2018 elle était décrite dans le New York Times comme « l’une des universitaires les plus vénérées de la minorité ethnique ouïghoure dans l’extrême ouest de la Chine. »

Rahile Dawut a écrit de nombreux livres et articles de recherche au fil des ans, mais la publication qui l’a le plus rendue chère aux Ouïghours était son mince volume détaillant les histoires et les emplacements de centaines de mazars, les tombes de saints et de héros bien-aimés des Ouïghours, des sanctuaires parsemant le paysage désertique du Xinjiang.

 

Une destruction systématique de la culture et de l’identité ouïghoure

La confirmation de la sentence draconienne de Rahile est arrivée juste deux jours avant le neuvième anniversaire de la peine de réclusion à perpétuité infligée à un autre universitaire ouïghour éminent, le Dr. Ilham Tohti, professeur associé d’économie à la Central University of Nationalities à Pékin. Ce dernier a été emprisonné pour avoir plaidé en faveur des droits économiques, culturels, religieux et politiques fondamentaux pour les Ouïghours. Ces peines sévères pour les intellectuels ouïghours font partie d’un phénomène plus large de persécution et d’effacement culturel qui constitue un élément important de la campagne génocidaire du Parti communiste chinois dans la région du Xinjiang.

Parmi les personnes détenues figurent des leaders religieux et des centaines d’universitaires, auteurs et poètes. Beaucoup ont été envoyés dans des installations d’internement de masse pour subir une « rééducation. » Des milliers ont été condamnés à des décennies de prison, souvent de manière extrajudiciaire.

Selon le Uyghur Human Rights Project à Washington, D.C., environ 435 chercheurs et universitaires du Xinjiang ont été muselés, arrêtés, emprisonnés, ou ont tout simplement disparu, contribuant à la plus grande répression de la liberté académique en Chine depuis la révolution culturelle. La destruction de l’élite intellectuelle et culturelle ouïghoure relève d’une stratégie pour nuire à l’identité ouïghoure même.

La rhétorique étatique d’un Xinjiang ouvert et « harmonieux » est une propagande honteuse visant à blanchir les politiques d’effacement culturel et d’oppression systématique. Des universitaires innocents comme Rahile Dawut sont écrasés au service de la politique du PCC visant à effacer l’héritage et l’identité distincts des Ouïghours.

À titre d’illustration, en décembre 2017 (ce qui coïncide avec son arrestation à Pékin), le Parti communiste chinois s’attelait à détruire l’Ordam Mazar qui était au cœur de la recherche de Rahile Dawut. Comme expliqué dans un rapport du chercheur Nathan Ruser pour l’ASPI :

« Ordam Mazar (sanctuaire de la ville royale) était un petit village d’environ 50 structures dans le grand désert de Bughra. Situé à mi-chemin entre Kashgar et Yarkant, il était entouré de kilomètres de désert et était célébré comme le lieu d’où l’Islam s’est répandu dans la région.

Il marquait le site où, en 998 après J. -C., Ali Arslan Khan, le petit-fils du premier roi ouïghour musulman est mort lors d’une bataille pour conquérir le royaume bouddhiste de Hotan. Le martyre d’Ali Arslan était marqué par un festival chaque année, attirant des pèlerins ouïghours de tout le sud du Xinjiang au début du dixième mois islamique de Muharram. »

Nathan Ruser relate que des dizaines de milliers de personnes visitaient le site avant que le festival ne soit interdit en 1997. Depuis lors, la zone a été bouclée par le PCC. D’après l’analyse d’images satellites par l’ASPI, entre le 24 novembre et le 24 décembre 2017, l’intégralité du site d’Ordam Mazar a été rasée.

D’après Nathan Ruser, cet effort de destruction d’un site sacré « suggère que la démolition représente non seulement la restriction des libertés religieuses au Xinjiang, mais aussi la coupure délibérée des liens que les Ouïghours entretiennent avec leur patrimoine culturel, leur histoire, leur paysage et leur identité. »

En fin de compte, l’emprisonnement à vie de Rahile Dawut représente donc, non seulement une tragédie personnelle, mais aussi un n-ième élément de l’attaque plus large contre la culture et l’identité ouïghoures. Nous devons faire preuve de solidarité envers Rahile Dawut, sa famille et le peuple ouïghour, et exiger justice, liberté et respect des droits humains fondamentaux face à l’oppression et à la destruction culturelle du Parti communiste chinois.

Cours criminelles départementales : une inconstitutionnalité manifeste ? (II)

Première partie de cette série ici.

 

Le requérant de la seconde Question proritaire de constitutionnalité soutient comme argument que les cours criminelles départementales violent un « principe de valeur constitutionnelle » selon lequel les jurys sont compétents pour les crimes de droit commun.

Contrairement aux Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes à valeur constitutionnelle sont très utilisés par le Conseil constitutionnel qui n’hésite pas en découvrir de nouveau, et à modifier leur support textuel. Ce faisant, mentionner ce type d’argument paraît plus crédible que celui des Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Et pour cause, le Conseil constitutionnel n’a pas posé de conditions pour découvrir ces nouveaux principes de valeur constitutionnelle.

 

Les principes à valeur constitutionnelle : norme de référence puissante et malléable pour le Conseil constitutionnel

Il convient de revenir sur ces principes de valeur constitutionnelle pour en comprendre leur nature. Pour ce faire, il faut repartir de la distinction entre énoncé et norme, en incluant la notion de source et de règle pour mieux comprendre.

La source juridique est l’élément premier du droit.

Dès lors qu’il s’agit de penser le phénomène juridique, les juristes se réfèrent, non à des normes, mais font d’abord référence à des sources.

La source juridique renvoie à la détermination du droit antérieure à sa mobilisation dans un texte. Elle permet de « poser le droit », un peu comme un peintre qui pose une peinture sur un tableau. Une fois que le peintre l’a fait, la peinture ne lui appartient plus, son travail est fini. C’est aux tiers d’apprécier ce tableau, mais le peintre ne peut revenir dessus.

C’est ici que s’opère la distinction primordiale dans la construction binaire du droit, entre l’énonciation et l’application du droit.

L’auteur qui énonce quelque chose ne peut être celui qui l’interprète. S’il le fait, ce n’est plus en tant qu’auteur, mais en qualité d’interprète. C’est en cela que le droit a un caractère allographique, comme peut l’être la musique ou le théâtre. Il est nécessaire d’avoir deux personnes : l’auteur de l’acte et l’interprète.

Sans approfondir plus en détail ce point que l’on verra après, il s’agit d’esquisser brièvement un schéma d’interprétation afin de mieux éclairer le raisonnement :

Énonciation primaire (auteur) → rattache à une source l’énoncé → est appliqué et interprété par les destinataires de l’énoncé (sujets, juridictions, administrations)

Au fond, l’énoncé est ce qui se trouve contenu dans une source, donc rattaché à elle.

La source est donc le véhicule de la validité d’un énoncé.

L’énoncé est donc une entité langagière insérée dans une situation d’énonciation, par nature singulière.

Dès lors, si l’on renvoie le droit à des énoncés, on le rattache à une opération de langage reliant deux opérateurs juridiques : un énonciateur et un destinataire. Et ce qui unit les deux opérateurs juridiques est une relation de signification. Cette relation de signification passe par l’usage de la source juridique.

L’énoncé est donc émis par un opérateur juridique premier (énonciateur primaire) puis l’opération de production du droit sera reprise par un opérateur juridique secondaire (énonciateur secondaire) lesquels font effectuer un continuum normatif, en ce sens que l’on aura une continuité entre ce qui est énoncé et ce qui est interprété.

Cela revient à dire que l’énoncé primaire ne suffit pas. En effet, ce dernier devra être complété par des énoncés secondaires (d’application et d’interprétation) par des opérateurs juridiques autres.

On voit que le processus de production de signification est binaire et divisé : d’un côté, ceux qui produisent les énoncés et d’un autre côté, ceux qui interprètent ces énoncés en produisant d’autres énoncés, normatifs cette fois.

Un énoncé ne produit pas des normes, mais contient potentiellement des normes en puissance. Même un énoncé descriptif peut, après interprétation, dégager une norme (énoncé : il pleut ; norme : il faut sortir un parapluie). Un énoncé performatif contiendra une pré-norme, qui déterminera plus facilement la signification qu’en donne l’interprète. Mais rien n’empêche l’interprète de s’en dégager, voire de dégager une norme contraire à l’énoncé. Le texte a donc un sens prédéterminé qui préexiste virtuellement à l’interprétation.

Mais l’intentionnalité du texte ne s’impose pas obligatoirement à l’interprète, qui plus est quand ce dernier est authentique. L’interprète va donc « coudre » une signification en s’appuyant sur un sens littéral, la règle.

Enfin, si la norme est le produit de l’interprète, exiger que les énoncés soient normatifs n’a guère de sens. L’interprète, notamment le juge constitutionnel, est un alchimiste : il transforme un énoncé non-normatif en une norme. Exiger donc d’une loi qu’elle soit une norme n’a guère de sens car, même d’une loi purement descriptive, contenant des « neutrons législatifs », le Conseil constitutionnel peut en tirer des normes (il pourrait par contre invoquer des arguments tenant à la sécurité juridique ou de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité ou d’intelligibilité du droit).

On comprend plus aisément que les principes de valeur constitutionnelle sont le produit de la signification des énoncés constitutionnels. C’est parce qu’ils sont le pur produit de l’interprétation qu’ils ne sont mentionnés comme tel dans le « bloc de constitutionnalité ». Les mentionner ainsi ferait consacrer la thèse (ou la réalité) que la Constitution se confond avec son interprète. Ce qui, dans un pays de tradition textualiste, est difficilement concevable.

Par ailleurs, c’est en raison de cette tradition que le Conseil « rattache » les principes de valeur constitutionnelle à des énoncés textuels ou, plus régulièrement, les fait « découler » des énoncés. On voit l’importante des verbes connecteurs pour appuyer la légitimité du Conseil constitutionnel.

Prenons quelques exemples de ces principes de valeur constitutionnelle pour bien montrer la différence entre énoncé et norme.

Le Conseil constitutionnel déduit de l’article 4 de la Déclaration de 1789 une exigence constitutionnelle dont il résulte que, « tout fait quelconque de l’Homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par duquel il est arrivé, à le réparer ».

Tous les juristes assidus auront reconnu l’énoncé de l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382). Or, l’article 4 de la Déclaration ne contient pas cet énoncé. Ce dernier dispose entre autres que, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

On voit donc que l’énoncé de référence (l’article 4) est si vaste que le Conseil constitutionnel peut lui faire dire tout et son contraire.

Autres exemples.

De l’article 2 de la DDHC, il a fait découler les principes de valeur constitutionnelle de liberté du mariage, la liberté personnelle, la liberté d’aller et venir et la liberté de la femme à avorter.

De l’article 16 de la DDHC, il a fait découler les principes de valeur constitutionnelle du droit de la défense, d’un droit à un recours effectif ou encore, de l’impartialité et de l’indépendance des juridictions.

L’avantage des principes de valeur constitutionnelle est leur malléabilité. S’ils peuvent être rattachés textuellement à un énoncé, ils peuvent aussi se rattacher à d’autres énoncés, voire être le produit de plusieurs énoncés en même temps.

Par exemple :

  • la liberté du mariage (art 2 et 4 DDHC) ;
  • principe de publicité des débats en matière pénale (art 6,8,9 et 16 DDHC) ;
  • protection de l’intérêt supérieur de l’enfant (article 10 et 11 Préambule 1946).

 

On voit là tout le potentiel des principes de valeur constitutionnelle, la possibilité de se rattacher à n’importe quel énoncé constitutionnel. C’est un argument de poids pour le Conseil, qui n’est pas obligé de satisfaire à des conditions préalables, et peut donc décider librement de ce qu’il met dans les principes de valeur constitutionnelle.

Cette voie sera peut-être celle suivie par le Conseil pour répondre aux arguments. Les motifs d’inconstitutionnalité des cours criminelles départementales sont nombreux et celui-ci, comme argument « théorique », est le plus solide. On pourrait prendre le risque de supposer les fondements textuels d’un tel principe de valeur constitutionnelle, établi sans doute sur les bases des articles 6, 8 et 16 de la DDHC.

Cours criminelles départementales : une inconstitutionnalité manifeste ? (I)

Deux questions prioritaires de constitutionnalité (ci-après QPC) ont été renvoyées, par la Cour de cassation, devant le Conseil constitutionnel qui aura trois mois pour statuer à leur sujet.

Pour rappel, la question prioritaire de constitutionnalité, instaurée par la révision du 23 juillet 2008 et organisée par la loi organique du 10 décembre 2009, permet à toute partie à un litige de questionner la constitutionnalité d’une disposition législative applicable à son litige au regard des droits et libertés que la Constitution garantit (article 61-1 Constitution), autrement dit, ceux identifiés comme tel par le Conseil constitutionnel.

Ces deux QPC (n°2023-1069 et n°2023-1070 QPC) portent sur les cours criminelles départementales, nouvelle cours instaurées par la loi du 22 décembre 2021.

 

Les cours criminelles départementales sont compétentes pour les personnes majeures accusées de crimes punis de 15 à 20 ans de réclusion (viol, vol avec arme etc) (article 380-16 du Code de procédure pénale – CPP). Cette cour est également compétente pour le jugement des délits connexes. La cour d’assises reste compétente pour les crimes punis de plus de 20 ans de réclusion criminelle.

La spécificité des cours criminelles départementales est l’absence de jury populaire (article 380-19 al.1 CPP). En effet, elle est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort (article 380-17 CPP).

Ce sont ces dispositions que les requérants ont contestées dans la lettre de leur saisine.

Ces deux QPC ont été soulevées dans deux instances différentes :

La première (n°2023-1069) fut soulevée suite au pourvoi de renvoi devant la cour criminelle départementale de Paris le 19 juillet 2023.

La seconde, (n°2023-1070) fut soulevée devant la cour criminelle du Rhône, le 26 juin 2023. Pour éviter un doublon, la Cour de cassation a renvoyé ces deux affaires en même temps devant le Conseil constitutionnel.

 

Il faut brièvement rappeler le système de double filtrage de la QPC.

Le juge du fond est ici un juge a quo ou de renvoi, il exerce le premier filtre. C’est devant lui (ou sauf exception, cas des articles 23-4 et 23-5 LO) qu’est soulevée une QPC).

Il devra dès lors examiner au fond la QPC en regardant trois conditions (article 23-2 LO) : 1)

  1. La disposition législative doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites
  2. La disposition législative ne doit pas déjà être déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances
  3. La question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux

 

Le juge du fond doit statuer sans délai, et la décision est transmise dans les huit jours devant sa cour suprême.

Il est à noter que toutes les juridictions ne peuvent examiner des QPC. Il faut qu’elles relèvent d’une cour suprême (Cour de cassation ou Conseil d’État), qu’elles exercent une réelle fonction juridictionnelle (quand le CSM use de son pouvoir de sanction, il est une juridiction et relève du Conseil d’État, par exemple) et enfin, il faut l’absence du peuple dans la prise de décision (ce qui justifiait le fait que, devant une cour d’assises, aucune QPC ne pouvait être soulevée et a contrario, elle peut être soulevée devant une CCD).

La transmission d’une QPC apparaît comme le résultat du précontrôle « négatif » de constitutionnalité auquel se livre le juge a quo lorsqu’il examine le caractère sérieux de la question de constitutionnalité. S’il la transmet, c’est en effet parce qu’il juge douteuse la constitutionnalité de la disposition législative applicable, et qu’il considère que ce point mérite d’être confirmé par la Cour suprême dont il dépend et tranché, le cas échéant, par le Conseil constitutionnel.

Suite à la décision de renvoi, c’est aux cours suprêmes des ordres juridictionnels d’examiner la QPC, en effectuant un second filtre.

Elles doivent, à leur tour, examiner trois conditions : réexaminer les deux premières conditions de l’article 23-2 LO précité (1 et 2).

La troisième condition est une condition alternative (article 23-4 LO) : il faut soit un moyen sérieux, soit une question nouvelle.

Le caractère sérieux du moyen s’apprécie au regard d’un doute sérieux sur la constitutionnalité de la disposition législative. L’attention va être portée sur les droits et libertés constitutionnels invoqués ainsi que la jurisprudence applicable à l’espèce.

Le caractère « nouveau » ne pose pas autant de problème d’appréciation. Il s’agit ici de voir si le Conseil s’est déjà prononcé ou non sur les dispositions constitutionnelles invoquées, ou au regard d’un changement de circonstance de droit (v. CE, 8 octobre 2010, M. Kamel Daoudi, AJDA, 2010, p. 2433).

Les cours suprêmes, qui ont trois mois pour statuer, rendent une décision de transmission ou de non-transmission qui est nécessairement notifiée au Conseil constitutionnel. Si elle est transmise, la requête de QPC est examinée devant le Conseil constitutionnel et il a trois mois pour rendre sa décision.

La QPC constitue une véritable transformation de la procédure constitutionnelle, notamment en ce qu’elle a conduit le Conseil constitutionnel à se conformer, via son règlement intérieur, aux exigences du procès équitable, tirés de l’article 6§1 de la Convention EDH tel interprété par la Cour EDH (v. affaire Ruiz Mateos c./ Espagne, 1993).

La QPC a aussi modifié en profondeur l’architecture constitutionnelle.

Les juges « ordinaires » sont devenus véritablement des juges constitutionnels de droit commun. Ils sont de véritables acteurs qui n’hésitent pas à défendre leurs intérêts institutionnels, ou à évaluer le niveau de sensibilité de la question afin de la faire trancher par le Conseil constitutionnel.

Les juridictions ordinaires se sont approprié la Constitution. Alors que le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité de leurs interprétations jurisprudentielles constantes, elles conservent un certain pouvoir discrétionnaire dans l’interprétation de la Constitution, et peuvent donc en proposer une interprétation autonome.

On assiste ici à une stratification de l’ordre juridictionnel constitutionnel, avec une répartition des rôles entre, le juge a quo (examen initial), les cours suprêmes (fonction de régulation des recours) et le Conseil constitutionnel (fonction pleine et entière du contrôle de constitutionnalité).

 

Cela étant rappelé, il convient de regarder de plus près les deux QPC.

La première QPC pose cinq questions différentes relatives aux dispositions législatives précitées. On peut les regrouper en trois catégories au regard de leur objet et des droits et libertés invoqués :

  1. La violation d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel, il appartient à un jury populaire de juger les crimes de droit commun (1re question)
  2. La violation du principe de l’oralité des débats au regard de la possibilité qu’ont les magistrats de disposer du dossier de procédure pendant le délibéré (2equestion)
  3. La violation du principe d’égalité devant la loi tirée de l’article 6 de la DDHC (3e, 4e et 5e question).

 

La seconde QPC pose quant à elle, quatre questions, reprenant les mêmes arguments, que l’on peut aussi regrouper en trois catégories :

  1. La violation d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel il appartient à un jury populaire de juger les crimes de droit commun (1re question)
  2. La violation d’un principe à valeur constitutionnelle selon lequel il appartient à un jury populaire de juger les crimes de droit commun (2e question)
  3. La violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi, tiré de l’article 6 de la DDHC (3e et 4e question)

 

Pour éviter d’encombrer l’article, et pour en faciliter la lecture, je dissocierai dans deux articles, deux parties.

La première sera consacrée à l’existence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif au jury populaire. La seconde sera relative aux principes d’égalité et d’oralité.

La première touchera à des domaines théoriques alors que la seconde sera plus pratique.

Comment nous laissons le RN préparer la fin de nos libertés

Le Rassemblement national s’apprête à proposer une Déclaration des droits des nations et des peuples. Cette nouvelle, annoncée ce 16 septembre par l’éternelle candidate du parti d’extrême droite français, n’a pourtant suscité aucune réaction de la part des partis dits républicains : de la droite à la gauche en passant par la majorité, c’est le silence radio.

La critique de ce projet politique antilibéral, d’une simplicité populiste confondante (revenir sur la notion de droits naturels, restreindre les libertés individuelles et économiques pour in fine instaurer un État autoritaire, protectionniste et xénophobe à la main d’une nouvelle élite populiste) semble pourtant à la portée de n’importe quel politique nanti d’un exemplaire de L’État de droit pour les nuls ou Des aventures de Tchoupi au pays de la démocratie.

 

Concurrencer la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen

L’intention est en effet limpide : il s’agit de concurrencer (avant de la remplacer) la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) et d’en finir avec le cadre constitutionnel et le projet politique qui sont les nôtres depuis la Révolution de 1789 ; un cadre fondé sur l’État de droit (et non le droit de l’État) qui garantit, dans et par la loi, des libertés et des droits égaux à chaque citoyen face à toute forme d’absolutisme, d’autoritarisme, et bien sûr d’injustice.

En effet, cette nouvelle déclaration qui prétend faire primer les intérêts des peuples et des nations (définis on l’imagine par l’État français et son gouvernement RN) sur ceux des « organismes supranationaux » ne vient pas uniquement menacer les libertés économiques (de commerce, de circulation, d’entreprendre) : en réaffirmant le pouvoir des États, le Rassemblement national poursuit en réalité son œuvre illibérale habituelle de relégation des droits et libertés individuelles.

Cette attaque frontale du Rassemblement national à l’endroit des libertés, et plus largement de l’État de droit n’est pas nouvelle.

Rappelons rapidement deux aspects traditionnels du projet de ce grand remplacement idéologique :

Inscription dans la Constitution du principe de priorité nationale 

Avec cette mesure, la loi et la justice ne seraient plus les mêmes pour tous en France, et les droits et libertés seraient modulables selon que vous êtes Français ou étranger (étranger n’étant pas défini…). En d’autres termes, de la discrimination et de la ségrégation (à l’emploi, en matière de peine de prison, de droits sociaux notamment). Il s’agit ici de violer le premier principe de l’État de droit, celui d’égalité des citoyens devant la loi, résumé par l’article 1 de notre DDHC : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

Fin de la supériorité automatique du droit international et européen sur la loi française 

Il s’agit de faire sortir la France (Frexit) des traités européens et internationaux, notamment ceux qui exigent de nous le respect des droits de l’Homme et des libertés économiques. Le non-respect de ces traités, outre qu’ils décrédibiliseront la France sur le plan international, entraînera la condamnation et l’exclusion du pays de ceux-ci, avec les pertes de ressources économiques et d’assistance mutuelle en cas d’agression militaire qu’ils impliquent, nous obligeant à envisager d’autres alliances avec des pays de traditions, disons… moins libérales.

 

Rupture avec l’État de droit

Ces deux exemples montrent à eux seuls la rupture que prévoit le Rassemblement national avec les principes de l’État de droit, que ce soit sur le plan intérieur comme sur le plan international. Un destin à la hongroise en somme, ce pays qui tend à criminaliser l’homosexualité et l’avortement, a réduit la liberté de la presse et encadré le pouvoir judiciaire.

Ce qu’annonce Marine Le Pen avec sa Déclaration des droits des nations et des peuples n’apporte donc rien de nouveau sur le fond, à savoir un projet étatiste, nationaliste et liberticide.

L’innovation aujourd’hui porte plutôt sur la forme avec la proposition d’un texte concurrent de la Déclaration des Droits de l’Homme et qui fleure bon le futur texte sacré de l’idéologie réactionnaire (au sens d’un retour sur les acquis de la Révolution française) et autoritaire qui est celle du Rassemblement national depuis sa création. Une idéologie qui vise à effacer l’idée révolutionnaire et libérale des droits naturels et de la liberté individuelle comme fondements de nos démocraties libérales.

Le génie (si l’on peut l’appeler ainsi) du Rassemblement national est de nous vendre sa contre-déclaration (et sa contre-révolution) en mobilisant la rhétorique des tyrans si bien décrite par Orwell dans son roman 1984. Une méthode visant à semer la confusion dans le camp de la liberté en en retournant les valeurs telles des peaux de lapins : « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ».

Ce samedi, Marine Le Pen nous a livré du 1984 dans le texte lorsqu’elle appelle à la mise en place d’une « Déclaration des droits des nations et des peuples » (pour la) création de nouvelles protections pour les libertés humaines et la pluralité des cultures nationales », alors qu’il s’agit précisément de restreindre les droits et libertés, tout en imposant le projet d’une société du protectionnisme et du repli, aux relents xénophobes éloigné de tout souci de « pluralité ».

L’autre aspect du « génie populiste » est de s’appuyer sur nos faiblesses, en l’occurrence celle de la loi.

Ici, il nous faut faire un bref détour par l’histoire du libéralisme politique et en son cœur, le dialogue entre le domaine des droits et le domaine de la loi.

Historiquement, le premier libéralisme a misé sur la loi : dans cette perspective, comme le note Montesquieu, un droit individuel ne peut naître qu’à l’abri des bonnes lois car « Là où il n’est pas de loi, il n’est pas de liberté », pour reprendre les mots de Locke ; à la condition, pourrait-on ajouter de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, garantie des excès et abus de pouvoir de la part de l’État et des hommes qui gouvernent.

De fait, dans notre imaginaire collectif, la loi est la gardienne de nos libertés. Dès lors, pensons-nous, habitués que nous sommes à la démocratie libérale, ce qui passe par la loi ne peut être dangereux pour nos libertés ou nos droits. Cette association n’est pourtant ni une évidence ni une garantie. Récemment, les multiples lois d’urgence et de sécurité ont malmené comme jamais nos libertés (comme en témoigne la jurisprudence du Conseil d’État) et la loi elle-même ne semble pas toujours à même de garantir les droits comme le montre la nouvelle manie de la droite et de l’extrême droite qui proposent des modifications de la Constitution et du domaine de la loi comme on se verse une tasse de café le matin.

 

L’appétit des populistes dans les pas du Rassemblement national

Aujourd’hui, la faiblesse de la loi républicaine aiguise l’appétit des populistes.

Utilisant l’association traditionnellement positive et protectrice entre la loi et les droits et libertés, les populistes savent tordre la première et s’en saisir pour légitimer leurs attaques systématiques à l’endroit des libertés et au bénéfice d’un État autoritaire, qui seul distribuera des libertés (re)devenues des privilèges. À l’Etat de droit et aux droits des citoyens, succèdent ainsi les seuls droits et prérogatives de l’État, légitimés par des motifs nationalistes (au nom de la nation) ou populiste (au nom du peuple).

Face à ce constat alarmant, il est encore temps pour ceux qui se disent libéraux ou partisans de la liberté, d’entendre les cris sourds du pays qu’on enchaîne pour paraphraser le célèbre Chant des partisans. Il est encore temps de se demander pourquoi nos partis politiques supposément républicains nous livrent ainsi pieds et poings liés à cet ennemi de l’intérieur.

Car c’est bien l’image que donnent aujourd’hui les partis politiques aux citoyens, eux qui ont pris leurs responsabilités en votant pour Emmanuel Macron en 2022, et attendaient sans doute que leurs partis d’origine les imitent en faisant montre d’un peu plus de courage politique et d’un peu moins de paresse idéologique dans la lutte contre l’extrême droite.

En lieu et place, nous assistons à un travail d’équipe et un concours de la balle dans le pied et du déroulement de tapis rouge.

À droite, les Républicains ont opté pour la stratégie du reniement de notre héritage révolutionnaire. Pas un élu LR, même du côté des quelques libéraux qui y survivent encore, qui nous épargne son couplet sur la CEDH qu’il faut contourner tandis que la ligne Wauquier-Ciotti, au nom de l’ordre et de l’État, réaffirme régulièrement son reniement de l’esprit de 1789 et son alignement sur les positions du Rassemblement national en matière d’immigration.

À gauche, LFI, EELV et une fraction du Parti socialiste ont fait le choix du dévoiement. Pervertissant le combat historique pour les droits, le wokisme dans ses excès assigne les individus à leurs différences, hiérarchise les luttes et les droits, et restreint toujours plus les libertés individuelles, tandis que certains leaders de la gauche affichent une bienveillance douteuse à l’endroit de régimes illibéraux. Au nom de l’anticapitalisme et de l’antilibéralisme, ceux-là ne font guère mieux que leurs opposants de droite : préférant comme eux les identités aux individus et exigeant du droit qu’il se conforme à leur morale supposée supérieure.

Au centre enfin, c’est l’effacement qui prévaut, celui de la culture de l’État de droit. Paternalisme d’État et excès de pouvoir sont désormais la règle, la culture du passage en force au Parlement et la normalisation des restrictions de libertés (vie privée, manifestation, association) aussi. Et toujours cette idée folle et mortifère selon laquelle nous ferions reculer le Rassemblement national en reprenant ses idées. Comme si l’enjeu n’était que de faire perdre une candidate, alors qu’il s’agit de faire échouer son projet, pas d’y collaborer.

On reproche souvent aux Français leur apathie démocratique, mais n’est-elle pas le miroir de celle de nos leaders politiques ?

Ceux-là mêmes qui ne prennent plus la peine de convaincre les Français que la liberté et les droits sont plus que jamais le moteur de l’émancipation individuelle, de la prospérité économique et du progrès social. Incapables de la moindre pédagogie de l’État de droit, dépourvus d’imagination lorsqu’il s’agit de livrer un récit républicain, voilà que surgit devant leurs yeux le défi ultime : le mot qu’il conviendrait de mobiliser pour décrire l’alternative au projet populiste du Rassemblement national est lui-même désormais banni de leur vocabulaire.

Ce mot, maudit, perdu, dont plus personne ne semble plus vouloir en partage, c’est celui de liberté. Alors, tandis que passe le vol noir des corbeaux, nous restons muets, incapables de répondre, de raconter une histoire, de redonner de l’espoir.

Les résistants nous manquent plus que jamais, les poètes aussi pour imaginer qu’enfin, « par le pouvoir d’un mot, nous pourrons recommencer notre vie, parce que nous sommes nés pour la connaître, pour la nommer, Liberté ».

Contre l’étatisme, la solution ne peut qu’être libérale !

« Liberté économique, liberté politique » est le thème choisi pour le douzième Weekend de la Liberté. Ce thème s’imposait au vu de la dégradation progressive des libertés dans notre pays.

Il est impératif d’interrompre cette spirale infernale.

 

La base de l’harmonie sociale ce sont les droits naturels

« Personnalité, Liberté, Propriété, — voilà l’homme. » La loi (1848).

Oublier que les droits naturels sont consubstantiels de l’Homme chosifie les individus. C’est ce qui se passe. Le politicien les considère comme des rouages interchangeables de la mécanique sociale, dont seul il possède une vision d’ensemble, éclairée, pertinente et… le mode d’emploi. À défaut de rouage interchangeable, il les considère comme du bétail dont il est le gardien. En foi de quoi il empêche les gens d’accomplir leur projet de vie en y substituant le sien, c’est-à-dire en leur imposant ce qu’il a décidé être bien pour eux. Cela ne peut se faire que par la contrainte.

Le mauvais départ dont nous subissons encore les conséquences a eu lieu en 1945 quand les étatistes, gaullistes et communistes, s’emparèrent du pouvoir en France et mirent le pays sur la voie du collectivisme totalitaire en tournant le dos aux droits naturels individuels universels. La prospérité des Trente glorieuses fit que cela passa inaperçu.

La situation s’est dégradée lors du choc pétrolier de 1973. Les politiciens ne saisirent pas l’opportunité d’une remise à plat du système. Tous ceux qui se sont succédé en France depuis 1974 ont continué à sacrifier les droits naturels individuels universels. Ce faisant, ils ont poursuivi avec ténacité la destruction du pays.

Georges Pompidou, décédé en 1974, aura été le dernier politicien à ne pas vouloir « emmerder les Français ».

C’était en 1966. Pompidou était Premier ministre. Un soir, un de ses collaborateurs lui présente, comme d’habitude, une pile de décrets à signer. Pompidou s’écrie : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français : Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays. On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira beaucoup mieux. »

Cette anecdote est citée par Thierry Desjardin dans son livre Arrêtez d’emmerder les Français. Comme quoi, il n’y a pas que Bastiat et les libéraux qui le réclament.

Tout le contraire de Macron : « les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder ». Cette fois il s’agissait des non-vaccinés, mais de nombreuses catégories sociales ont été victimes de « lemmerdeur. »

1974 est la dernière année où le budget français a été équilibré.

 

Les politiciens sont adeptes de la spoliation légale

Il est peu probable que ceux qui ont plongé la France dans la situation dramatique qui est la sienne puissent l’en sortir.

Il ne faut pas se faire d’illusion sur les partis qui n’ont jamais gouverné. Leur politique n’est différente de celle des partis qui ont gouverné, ou qui gouvernent, que par la position du curseur de la spoliation légale. La vérité est qu’aucun parti ne la remet en cause. Tous sont étatistes, « socialistes », dirait Bastiat.

Il est illusoire d’attendre des effets différents de mesures identiques ou de la même veine, que celles qui ont été prises depuis plusieurs dizaines d’années, et qui ont conduit le pays dans le triste état que nous lui connaissons aujourd’hui.

Le seul effet véritable de ces politiques de spoliation légale est que la France se tiers-mondise et la misère s’y étend fort logiquement. Dans les années 1960 la différence était faite entre les pays industrialisés, riches, et les pays du tiers monde, pauvres.

Aujourd’hui, la France n’est plus un pays industrialisé.

La pénurie et la disette sont partout. Pénurie dans le système de santé, pénurie de logements, des enfants dorment désormais dans la rue, pénurie de travail, pénurie de ressources énergétiques, pénurie d’industries, pénuries de ressources agricoles, pénuries de ressources financières pour les ménages (perte de pouvoir d’achat) et le pays.

La liste n’est hélas pas exhaustive.

Dans Harmonies économiques, chapitre IV, Échange, (1850) Bastiat écrit :

L’homme a d’autant plus de chances de prospérer qu’il est dans un milieu plus prospère.

Ce qui veut dire que moins le milieu est prospère, plus la misère augmente. C’est ce à quoi nous assistons.

À partir de là il est clair qu’il ne peut exister de décroissance sans accroissement de la misère.

Bastiat ajoute : « Le bien de chacun favorise le bien de tous, comme le bien de tous favorise le bien de chacun », ce qui s’oppose à « Ce qu’un gagne, un autre le perd », sentence chère aux spoliateurs légaux. Pour eux, l’économie serait donc un jeu à somme nulle. La taille du gâteau n’augmenterait pas, il faudrait donc en réduire arbitrairement les parts par la coercition étatique. Au final, les parts de plus en plus petites seront insuffisantes. C’est ce qui se passe aujourd’hui où les classes moyennes se paupérisent, et où les classes pauvres crèvent la faim. Sans vergogne et dans leur logique, certains étatistes proposent décroissance et dépopulation, pour que les parts des survivants soient un peu moins petites.

Pour Bastiat tout ceci ne tient pas la route :

« La vraie puissance de l’échange. Ce n’est pas […] qu’il implique deux gains, parce que chacune des parties contractantes estime plus ce qu’elle reçoit que ce qu’elle donne. Ce n’est pas non plus que chacune d’elle cède du superflu pour acquérir du nécessaire. C’est tout simplement que, lorsqu’un homme dit à un autre: « Ne fais que ceci, je ne ferai que cela, et nous partagerons, » il y a meilleur emploi du travail, des facultés, des agents naturels, des capitaux, et, par conséquent, il y a plus à partager. »

L’Homme est créateur. La taille du gâteau augmente sans cesse, les parts sont de plus en plus grandes, pour le bien de tous. Il suffit de constater quelles sont nos conditions de vies, et de les comparer à celles de nos parents, grand-parents, ou ascendants plus lointains.

La spoliation légale consomme une quantité phénoménale d’énergies et de ressources (matérielles et humaines). C’est du mal investissement, du gaspillage.

« D’un autre côté, une somme vraiment incalculable de forces intellectuelles se perd à la poursuite d’organisations sociales factices. Prendre aux uns pour donner aux autres, violer la liberté et la propriété, c’est un but fort simple ; mais les procédés peuvent varier à l’infini. De là ces multitudes de systèmes qui jettent l’effroi dans toutes les classes de travailleurs, puisque, par la nature même de leur but, ils menacent tous les intérêts. » Harmonies économiques, chapitre IV, Échange (1850).

La spoliation légale engendre un cercle vicieux.

 

Totalitaires par essence 

Les politiciens adeptes de la spoliation légale ne proposent aux Français que les mêmes solutions : réglementer et taxer, acheter des voix, et favoriser le capitalisme de connivence.

Si leur politique ne marche pas ce n’est pas qu’elle est mauvaise, c’est qu’elle ne va pas assez loin dans l’étatisme.

Par conséquent, l’État se mêle de plus en plus de tout, au détriment de la vie privée des gens.

Ce système est donc totalitaire par essence.

Lisons Bastiat :

« Le pouvoir, vaste corps organisé et vivant, tend naturellement à s’agrandir. Il se trouve à l’étroit dans sa mission de surveillance. Or, il n’y a pas pour lui d’agrandissement possible en dehors d’empiétements successifs sur le domaine des facultés individuelles. Extension du pouvoir, cela signifie usurpation de quelque mode d’activité privée, transgression de la limite que je posais tout à l’heure entre ce qui est et ce qui n’est pas son attribution essentielle. » Profession de foi électorale – 1846.

 

Mettre fin à la spoliation légale

En vérité la seule initiative de grande ampleur qui vaille, c’est d’appliquer un programme politique largement inspiré de la philosophie de Frédéric Bastiat.

C’est la seule initiative à vouloir changer de paradigme en France, la seule à vouloir mettre fin à la spoliation légale :

« Je ne l’emploierai qu’aux choses dans lesquelles l’intervention de la Force soit permise ; or, il n’en est qu’une seule, c’est la Justice. Je forcerai chacun à rester dans la limite de ses droits. Que chacun de vous travaille en liberté le jour et dorme en paix la nuit. Je prends à ma charge la sécurité des personnes et des propriétés : c’est ma mission, je la remplirai, — mais je n’en accepte pas d’autre.

Faut-il reconnaître à chacun sa propriété et sa liberté, son droit de travailler et d’échanger sous sa responsabilité, soit qu’elle châtie, soit qu’elle récompense, et ne faire intervenir la Loi, qui est la Force, que pour la protection de ces droits ? — Ou bien, peut-on espérer arriver à une plus grande somme de bonheur social en violant la propriété et la liberté, en réglementant le travail, troublant l’échange et déplaçant les responsabilités ?

En d’autres termes :

« La loi doit-elle faire prévaloir la Justice rigoureuse, ou être l’instrument de la Spoliation organisée avec plus ou moins d’intelligence ? » Harmonies économiques, chapitre IV, Échange (1850)

 

Pourquoi ça bloque

« Entre les hommes qui se disputent les portefeuilles, quelque acharnée que soit la lutte, il y a toujours un pacte tacite, en vertu duquel le vaste appareil gouvernemental doit être laissé intact. « Renversez-moi si vous le pouvez, dit le ministre, je vous renverserai à votre tour ; seulement, ayons soin que l’enjeu reste sur le bureau, sous forme d’un budget de quinze cents millions.

[…]

Messieurs, disputez-vous le pouvoir, je ne cherche qu’à le contenir ; disputez-vous la manipulation du budget, je n’aspire qu’à le diminuer ; ah ! soyez sûr que ces furieux athlètes, si acharnés en apparence, sauront fort bien s’entendre pour étouffer la voix du mandataire fidèle. Ils le traiteront d’utopiste, de théoricien, de réformateur dangereux, d’homme à idée fixe, sans valeur pratique ; ils l’accableront de leur mépris ; ils tourneront contre lui la presse vénale. Mais si les contribuables l’abandonnent, tôt ou tard ils apprendront qu’ils se sont abandonnés eux-mêmes. » Profession de foi électorale – 1846.

C’est pour cela que les partis au pouvoir, ou qui aspirent à y parvenir, sont tous unis contre un adversaire commun : le libéralisme. Le libéralisme est le seul qui ne veuille pas prendre le pourvoir aux gens pour l’exercer à leur place, mais le leur rendre.

C’est aussi pour cela que les politiciens actuels se contentent de déplacer plus ou moins le marqueur de la spoliation légale sans la remettre en cause, parce qu’elle les sert.

C’est enfin pourquoi la liberté économique, la liberté politique, la liberté d’expression ne sont pas prêtes de revenir en France. Aucun politicien ne le veut. Tous s’accommodent du système, espérant en tirer profit un jour.

Pour comprendre la liberté, ne plus en avoir peur, et travailler au retour en France de la liberté économique, de la liberté politique, de la liberté d’expression, venez assister au douzième Weekend de la Liberté.

« Sauvons la liberté, la liberté sauve le reste. » – Victor Hugo.

 

Venez assister au douzième Weekend de la Liberté.

Comment la propriété privée peut résoudre la pollution des océans

Le problème de la pollution des océans n’est pas nouveau.

L’année dernière, une enquête menée par le Fonds mondial pour la nature a révélé que plus des trois quarts des Américains sont « de plus en plus frustrés par le fait que les déchets plastiques produits aux États-Unis finissent dans les océans ». Aujourd’hui, la masse des débris plastiques dans les océans continue d’augmenter d’année en année, et seules 269 000 tonnes environ des 4 milliards de tonnes qui flottent à la surface peuvent être nettoyées (moins de 0,006 %).

Outre l’indignation, l’enquête a révélé un désir d’intervention accrue du gouvernement pour résoudre le problème, mais il existe un moyen bien plus efficace de réduire et de prévenir la pollution des océans qui est à peine reconnu par le public : les droits de propriété privée.

Les droits de propriété, ou la capacité exclusive d’une personne à posséder, utiliser, échanger et/ou donner un bien, sont devenus l’un des piliers juridiques fondamentaux du monde moderne, mais ils sont mystérieusement absents du domaine des océans. Personne n’est véritablement propriétaire, ni même autorisé à acheter un bien dans l’océan. Par conséquent, personne n’est incité à préserver ou à cultiver les eaux elles-mêmes.

Ce qui s’en est suivi ne peut être décrit que comme un cas d’école de la tragédie des biens communs.

En bref, les océans sont devenus un gigantesque dépotoir. Non seulement l’absence de droits de propriété a conduit à la dégradation systématique des océans, mais cette situation a également empêché les gens de cultiver le vaste potentiel inexploité des océans. Étant donné que personne n’est autorisé à protéger ou à cultiver l’océan par le biais de la propriété, l’industrie océanique a été extrêmement limitée, se contentant d’extraire des ressources plutôt que de les multiplier par le biais d’activités telles que l’aquaculture. Même si quelqu’un choisissait de se lancer dans l’aquaculture, il courrait le risque d’être immédiatement privé de sa récolte, car il n’y aurait aucun moyen d’empêcher les pêcheurs rivaux de s’emparer du poisson. Face à ce dilemme, il est probable que nous n’ayons exploité qu’une fraction de l’immense valeur des ressources halieutiques et minérales de la mer.

Comment les droits de propriété pourraient-ils fonctionner dans l’océan ?

Pour donner un exemple, des fermes d’élevage de saumons ont commencé à apparaître, souvent près du rivage, ou dans des baies et des bras de mer, en utilisant une approche de « culture en cage », clôturant effectivement les poissons tout en les empêchant de se manger les uns les autres, ce qui multiplie leurs populations respectives. Ces fermes sont également en concurrence pour l’espace avec d’autres personnes qui apprécient la propriété pour différentes raisons. Bien que cette situation diffère de celle des côtes plus spacieuses, l’augmentation des innovations technologiques, telles que les cages à bouées, a rendu possible la possession et l’élevage de poissons dans les eaux océaniques plus tumultueuses. Certaines cages ont si bien fonctionné que leurs concepteurs n’ont toujours pas une bonne estimation de la hauteur maximale des vagues qu’elles peuvent supporter.

Comment la propriété océanique peut-elle être défendue contre les criminels ?

La beauté des droits de propriété réside dans le fait que le propriétaire est libre d’utiliser les ressources comme il l’entend pour défendre et entretenir sa propriété sur la base de son évaluation, avec pour résultat une allocation efficace des ressources, et la préservation de la propriété océanique elle-même.

Si un aquaculteur souhaite payer un bateau pour patrouiller sur sa propriété afin d’en éloigner les maraudeurs, il est libre de le faire. En outre, si quelqu’un est surpris en train de polluer sa partie de l’océan (en y jetant des déchets, par exemple), un titre de propriété privée permettrait de prouver plus facilement une violation des droits, et de demander une indemnisation sans disperser les forces de l’ordre, surtout si la propriété océanique en question se trouve à l’intérieur du territoire d’un pays existant.

 

L’attention croissante portée aux droits de propriété montre à quel point ils sont importants pour résoudre la crise actuelle. Il ne fait aucun doute que cela nécessitera d’immenses efforts et une grande coopération entre les individus et les organisations. Mais avec un peu d’imagination, nous pouvons mettre fin à l’ère de la destruction des océans, et favoriser un océan florissant comme l’humanité n’en a jamais vu.

Sur le web

Logements, proposition de loi pour une expropriation camouflée

Alors que la pénurie de logements que j’ai annoncée dans mes précédents articles se concrétise et que cette rentrée devient un cauchemar pour les candidats locataires, « il n’y a plus d’offre du tout. À ce niveau-là, je n’ai jamais vécu ça » constate un agent immobilier, une proposition de loi déposée le 26 janvier 2021 refait surface, déposée par 271 députés La République En Marche et apparentés.

Les critères proposés ont de quoi interroger les propriétaires fonciers quant aux conséquences que je prédis catastrophiques.

La proposition de loi poursuit trois objectifs  :

  1. Mieux définir la notion de logement décent et prévenir sa dégradation par l’obligation de « contrôles techniques » et une immatriculation des logements avec enregistrement du suivi des diagnostics et opérations correctives
  2. Compléter les outils de la puissance publique pour « accompagner » les bailleurs, mais aussi les propriétaires occupants dans l’amélioration et la rénovation de leurs logements
  3. Créer un dispositif dédié à la coordination et au renforcement des acteurs publics quand la situation d’insalubrité dépasse même l’échelle du bâtiment pour concerner le quartier

 

Un nouveau diagnostic de décence

Ce nouveau diagnostic intégrera et remplacera les diagnostics de location et de vente, mentionnera la présence ou l’absence d’amiante, de plomb, de termites, de mérule, et vérifiera l’état des installations de gaz et d’électricité. Il aura une validité de 10 ans.

Il devra être présenté à tout locataire ou tout acheteur entrant dans les lieux. Il ne se substitue pas au DPE (Diagnostic de Performance Énergétique), au diagnostic de risques naturels et technologiques, de contrôle des installations d’assainissement, des zones de bruit, etc.

On peut déjà épiloguer sur sa pertinence.

Quelle garantie peut-il apporter, si pendant son délai de validité, le logement a été loué, dégradé et proposé à nouveau à la location ?

N’est-il pas superflu et inutile face au permis de louer que certaines communes ont déjà mis en pratique ?

Qu’apporte-t-il au bailleur comme garantie contre les dégradations de locataires indélicats ?

Le registre numérique de suivi du logement prévu pour suivre l’entretien et les améliorations du logement permettra-t-il de suivre aussi l’historique des dégradations, leurs causes et leurs auteurs ? Ce serait intéressant pour identifier les locataires indélicats et les responsabiliser.

 

L’établissement public foncier

Il pourra se voir confier l’exécution des travaux de réhabilitation lors d’un arrêté de péril ou d’insalubrité (ou de mise en conformité de décence…) en se substituant au propriétaire défaillant.

Il sera compétent pour recouvrer ses dépenses auprès du propriétaire dont le bien a été frappé par l’arrêté. Ainsi, le propriétaire n’a plus aucune maîtrise ni choix sur la qualité de l’exécutant et de la concurrence. Quel contrôle sur les opérations lui laisse la formule ?

Cet établissement public foncier pourra établir, avec des syndicats de copropriétaires, des conventions pour acheter le terrain en laissant le bâti. Cette formule permettrait de financer les travaux de réhabilitation ou d’entretien. Le terrain peut être rétrocédé aux propriétaires initiaux à la fin de la durée définie dans la convention pour un prix initial réactualisé.

Il peut aussi établir des conventions pour l’achat des parties communes contre redevance d’utilisation par la copropriété, celle-ci s’engageant à réaliser les travaux de rénovation. Il est à redouter que le montant de ces ventes ne couvre pas le coût des travaux, la redevance et le loyer du sol s’ajouteront aux charges des propriétaires.

Cet abandon temporaire de propriété s’assimile à un emprunt obligé, dont la récupération sera augmentée de la taxe de la double cession.

Lors de la réalisation des travaux de mise en conformité, il peut être décidé par les préfets, après avis des autorités en matière d’environnement et d’urbanisme, de définir des périmètres publics ou de voisinage privé où seront érigées des constructions démontables ou transportables pour loger les personnes déplacées par ces travaux.

Ces logements temporaires devront répondre aux normes de décence. Cette disposition est prévue pour une durée de cinq années, renouvelable une fois. Une solution simple pour imposer des voisins dans son jardin…

 

Les baux à réhabilitation

L’article 9 de la proposition de loi prévoit de permettre aux préfets d’imposer un bail à réhabilitation aux propriétaires tenus d’exécuter des mesures de mise en conformité de leurs logements.

Ce bail, d’une durée minimum de 12 ans et maximum de 99 ans, ne peut être conclu qu’avec un organisme qui deviendra le preneur. Celui-ci sera chargé des travaux de rénovation, et devra maintenir le logement en bon état. Cet organisme doit conclure une convention avec le préfet qui prévoit d’attribuer le logement à des ménages modestes.

Attention aux conséquences de la mixité sociale : introduire un élément incontrôlable dans une copropriété paisible n’est pas sans conséquences, souvent explosives.

Le prix de la location peut être constitué par un apport en nature pour les travaux engagés par le preneur, et /ou d’une redevance payée d’une façon séquencée tout au long de la période, et définis dans les clauses du bail. À la signature, le preneur entre en possession du bien et prend en charge les travaux et perçoit les loyers et supporte la taxe foncière.

Le propriétaire ne peut récupérer son bien en cours de bail et ses héritiers sont tenus d’honorer le contrat. À la fin du bail, le bien et ses améliorations sont remis au propriétaire.

 

Un encadrement des opérations liées au logement

Après avis des organismes compétents en matière d’habitat, les préfets peuvent définir des périmètres pour lesquels seront compétents des comités de pilotage de la transformation de l’habitat, du cadre de vie et de l’environnement.

On remarque au passage que, parmi les nombreux représentants prévus dans ces comités, ne figure aucun représentant des bailleurs ou des propriétaires.

La création de ces périmètres donne lieu à l’instauration d’un droit de préemption renforcé et des déclarations ou des demandes d’autorisation de location.

Au sein de ce périmètre, le président du comité de pilotage est compétent pour décider de l’expropriation dans le respect des règles du Code de l’expropriation.

Le comité de pilotage peut prendre des arrêtés imposant la conclusion d’un bail à réhabilitation à la personne tenue d’exécuter les travaux de mise en conformité.

 

Un remède de cheval qui va achever le malade

Alors que l’application du DPE, qui fait déjà sentir ses effets, va sortir d’ici à 2028 17 % de l’ensemble des logements de l’offre de location, et que la mise en conformité se révèle techniquement délicate et financièrement souvent impossible, les pouvoirs publics veulent aller à marche forcée vers leur objectif d’habitat écologique.

Mettre un logement aux normes énergétiques ne consiste pas seulement à isoler l’intérieur des températures extérieures. L’isolation intérieure oblige à refaire toutes les installations électriques et de chauffage central pour les remettre au niveau de la surface intérieure de l’isolant. Le coût de ces travaux est prohibitif, et quelquefois égal à la valeur vénale du logement.

Devant la sagesse des propriétaires qui préfèrent ne plus louer plutôt que de se ruiner en travaux inamortissables, cette proposition de loi vise à imposer ces travaux, en faisant financer les surcoûts par l’impôt.

Le plus inquiétant est que le propriétaire occupant pourra se retrouver dans certains cas locataire de son propre logement, et du fait de la durée du bail à réhabilitation, ne pourra jamais en redevenir propriétaire, avec une créance difficilement récupérable par ses héritiers.

Cette proposition de loi est une nouvelle manifestation d’une volonté maintenant affirmée : on peut tout envisager en finançant avec « l’argent des autres».

Et maintenant que l’argent des autres se fait rare, on s’accapare des biens qui ont toujours été considérés comme sûrs et stables. Cette proposition de loi risque fort d’être adoptée, soutenue par la « majorité » présidentielle, et sans aucun doute adoubée par les élus de gauche ravis de s’attaquer à la propriété privée.

Souhaitons que la prédiction de Klaus Schwab se révèle exacte :

« Vous ne posséderez plus rien et vous serez heureux ».

 

Vers une régulation plutôt qu’une pénalisation de la prostitution en France ?

La CEDH vient de déclarer recevable une requête contre la loi du 13 avril 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ».

Les juges de Strasbourg se prononceront sur le fond de l’affaire dans les mois à venir, mais cette recevabilité met d’ores et déjà en difficulté le dispositif français de pénalisation des clients.

L’article 611-1 du Code pénal (créé par la loi du 13 avril 2016 sur la pénalisation des clients de la prostitution) établit que :

« Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe » (1500 euros d’amende).

La récidive est punie de 3750 euros, complétée parfois par un stage de sensibilisation. L’esprit de cette loi pénale tient à une idée aussi simple que dangereuse : « Supprimons les clients et nous supprimerons du même coup la prostitution ! ».

En novembre 2018, des associations défendant les travailleurs et travailleuses du sexe ont saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la loi de 2016. Plusieurs arguments étaient invoqués, en particulier celui de l’intrusion exagérée dans la vie privée de majeurs consentants.

Le 1er février 2019 le Conseil constitutionnel a considéré que la pénalisation des clients est conforme à la Constitution en ces termes :

« Au regard du droit à la protection de la santé, résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences sanitaires pour les personnes prostituées des dispositions contestées, dès lors que cette appréciation n’est pas, en l’état des connaissances, manifestement inadéquate ».

Suite à cette décision du Conseil constitutionnel, 261 travailleurs et travailleuses du sexe et 19 associations ont décidé de saisir la CEDH invoquant que la loi française qui incrimine « l’achat de services sexuels », met dans un état de grave péril l’intégrité physique et psychique, et la santé des personnes qui, comme eux, pratiquent l’activité de prostitution.

En optant pour une criminalisation de l’achat de services sexuels, la France aurait poussé les personnes prostituées à la clandestinité et à l’isolement, les rendant plus vulnérables face à leurs clients, lesquels se trouveraient plus à même d’être impunément violents à leur égard, ou de leur imposer des pratiques à risques, les exposerait davantage au vol, aux agressions, à la stigmatisation et aux risques de contamination, et restreindrait leur accès aux services de prévention, de soins et d’aide à l’insertion.

Les requérants soutiennent que la répression pénale du recours, même entre adultes consentants et même dans des espaces purement privés, à des prestations sexuelles contre rémunération viole les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), et 8 (droit au respect de la vie privée en ce qu’il comprend le droit à l’autonomie personnelle et à la liberté sexuelle) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

Sans préjuger de ce que la CEDH va statuer sur le fond de l’affaire, l’annonce de la recevabilité de la requête signifie que les griefs sont fondés.

Et pour cause, en décembre 2019, après une évaluation de l’application de la loi, un rapport interministériel avait déjà mis en lumière à la fois une aggravation de la précarité des personnes qui se prostituent dans la rue, et un transfert du sexe tarifé vers le web.

En ce sens, loin d’avoir mis fin à la prostitution, comme le prétendaient les promoteurs de la loi, celle-ci a favorisé le développement des nouvelles formes de racolage articulées autour du web dans des sites d’escorting souvent hébergés à l’étranger.

Aussi, Médecins du Monde a pu constater :

« La santé des travailleuses du sexe s’est détériorée, non seulement parce qu’elles sont moins en mesure d’imposer le port du préservatif, parce que l’accès à la prévention et aux outils de réduction des risques est rendu plus compliqué par l’isolement, mais également parce qu’elles travaillent plus et plus longtemps pour gagner moins, ce qui les place dans une grande précarité économique et fragilité ».

L’étude effectuée par Théo Gaudy et Hélène Le Bail (CNRS, CERI-Sciences Po Paris) arrive aux mêmes conclusions.

La CEDH s’était déjà prononcée d’une manière générale en 2005 sur la liberté sexuelle dans un célèbre arrêt KA et AD contre Belgique en considérant que :

« La faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageable ou dangereuse pour sa personne. En d’autres termes, la notion d’autonomie personnelle peut s’entendre au sens du droit d’opérer des choix concernant son propre corps ».

Il reste à savoir si ce principe s’applique aussi à la pénalisation des clients.

Depuis une perspective libérale, la reconnaissance légale du travail sexuel constitue la consécration du principe de la liberté de disposer de son corps, permet de mieux combattre la prostitution forcée, et surtout celle des mineurs, d’éliminer les situations d’abus et d’assurer des conditions dignes de travail aux prostituées en matière de sécurité et de santé.

Fruit de la croisade morale menée par les mouvements abolitionnistes de droite comme de gauche, la loi de 2016 a réussi à imposer aux autres, c’est-à-dire aux personnes prostituées et à leurs clients, une conception paternaliste selon laquelle la personne qui se prostitue est une victime à protéger des clients, mais aussi d’elle-même puisqu’on ne peut consentir à la prostitution sous peine de compromettre sa propre dignité humaine : le féminisme s’est découvert ainsi abolitionniste, et le conservatisme s’est passionné pour l’égalité des sexes, comme l’a bien montré le sociologue Lilian Mathieu.

Comme tout travail, la prostitution peut être libre ou subie.

Le seul moyen efficace de mettre fin à la contrainte d’un supposé « système prostitutionnel » est de rendre les prostitués, hommes et femmes, libres de leur force de travail. L’État devant être garant et protecteur de l’exercice de cette liberté, laquelle devrait avoir un corollaire : celui de la soumission de l’activité prostitutionnelle aux règles de droit auxquelles est assujetti tout acteur économique, comme nous l’avons proposé dans un rapport de Génération Libre.

 

Dans une approche pragmatique, libérée de tout a priori idéologique, l’appréhension du phénomène prostitutionnel par l’État appelle une régulation, et non une pénalisation au nom d’une victimisation supposée des travailleurs et travailleuses du sexe. La CEDH pourrait se prononcer en ce sens et demander à la France l’abrogation de la loi de 2016, au motif qu’elle porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes prostituées.

Le néant idéologique de gauche

Contrairement à la droite, la gauche a besoin d’une idéologie.

La droite adapte la société pragmatiquement, mais se dispense d’un vaste projet à long terme. Avec réalisme, elle configure politiquement l’évolution du réel.

La gauche, par essence, promet une vie meilleure, une société plus juste, plus égalitaire. Elle imagine même aujourd’hui, c’est une première historique, la maîtrise par la coercition étatique de l’évolution du climat terrestre.

Mais la gauche du XXIe siècle décline, car elle est privée d’idéologie.

 

À droite, le nationalisme populaire se renforce

Dans les démocraties, la droite se partage entre pragmatiques et nationalistes.

Le pragmatisme est représenté par la droite traditionnelle de gouvernement (en France, LR, Renaissance, etc.), qui poursuit son chemin en se restructurant. Sa vocation étant de gérer au mieux la société qui existe, il importe peu, historiquement, que LR chute électoralement au profit de Renaissance, ou inversement.

La droite nationaliste est parvenue à élargir son électorat aux milieux populaires, alors qu’elle recrutait principalement dans la bourgeoisie traditionnaliste il y a une trentaine d’années. Pour cela, il a fallu promettre des avantages sociaux et une protection contre les menaces extérieures (un certain protectionnisme économique, une maîtrise des flux migratoires).

Le peuple a toujours voulu être protégé par un État fort. Une telle évolution n’est donc pas très originale. Elle avait déjà eu lieu, mutatis mutandis, dans les années 1920-1930 en Europe.

 

Le rêve des socialistes est devenu réalité

La situation est beaucoup plus périlleuse à gauche.

Les communistes n’ont plus qu’un électorat marginal. Quant à la vieille social-démocratie, elle a réalisé son programme historique avec des prélèvements obligatoires de 47 % du PIB en France, et des dépenses publiques de 58 % du PIB.

Jean Jaurès n’aurait jamais pu imaginer une telle évolution à la veille de sa mort en 1914. Le rêve socialiste s’est réalisé !

Que faire désormais ? Que promettre ?

Personne n’a rien trouvé d’aussi enthousiasmant pour le peuple que la promesse d’égalité économique par le jeu politique, qui était celle des socialistes d’antan. Électoralement, il s’agit aujourd’hui de circonvenir des minorités (immigrés, LGBT+, écologistes radicaux, féministes radicales, etc.) pour recueillir suffisamment de voix aux élections. LFI s’y emploie et parvient ainsi à disposer d’un groupe assez important à l’Assemblée nationale (75 membres). Mais la politique politicienne et ses tactiques ne permettent pas à la gauche de consolider l’avenir. Il faudrait une idéologie.

 

Un échec idéologique irrémédiable

Une idéologie politique suppose une vision de l’histoire et la promesse d’un avenir meilleur.

Le marxisme en était l’archétype. Il permettait de faire rêver sur la base d’une analyse très générale, présentée comme rationnelle, voire même scientifique par les plus fanatiques. Le futur idéologique doit être enviable, l’optimisme est indispensable. À tout le moins faut-il, pour reprendre Gramsci, avoir le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté.

L’horizon édénique de la société sans classes, qui constituait l’élément central de la doxa marxiste, ferait désormais rire aux éclats le plus naïf des militants de gauche. Pire encore, la dictature du prolétariat, jugée incontournable pour atteindre l’Eden communiste, s’est transformée en totalitarisme féroce en Chine et en Corée du Nord, ou en dictature mafieuse en Russie. L’impérialisme, qui était selon Lénine « le stade suprême du capitalisme » n’est absolument pas le fait des démocraties libérales mais celui des autocraties russes (guerre de conquête en Ukraine) ou chinoise (absorption de la démocratie de Hong Kong, visées sur Taïwan), c’est-à-dire de pays ayant adhéré au marxisme.

Comment se remettre d’un tel échec idéologique ?

Mais l’aspect le plus médiatique de ce néant idéologique est aujourd’hui l’abandon de la laïcité par une partie de la gauche : LFI et certains écologistes. En se plaçant aux côtés des islamistes radicaux remettant en cause de façon insidieuse la neutralité idéologique de l’institution scolaire, une certaine gauche a trahi les valeurs les plus fondamentales de notre République. Il n’est pas possible de défendre les lycéennes portant l’abaya dans les établissements scolaires, et de se prétendre républicain. Ce vêtement traditionnel est porté avec ostentation pour contourner l’interdiction du voile et se réclamer d’une appartenance religieuse. Il est d’ailleurs tout aussi impossible de justifier le port du voile islamique, imposé par des hommes, et de critiquer la domination masculine en Occident, seule civilisation où elle a massivement reculé.

Ce sont là des évidences pour tout esprit disposant d’une once de rationalité. Mais cette gauche-là n’est constituée que de petits politiciens médiocres à la conquête d’un électorat musulman. Elle ne pense pas, elle compte les voix.

 

La peur de l’avenir comme instrument politique

La gauche tout entière, faisant feu de tout bois, s’est aussi repliée sur la grande peur de l’avenir, empruntée à l’écologisme politique. Le catastrophisme de gauche propose l’apocalypse comme horizon-repoussoir pour instrumentaliser politiquement la peur. Mais cette peur panique de l’avenir ne peut en aucun cas constituer une base idéologique.

La croyance dans le progrès par la créativité se situe désormais à droite. Le capitalisme est créatif par essence puisqu’il se pérennise par les évolutions techniques (destruction créatrice). La gauche sociale-démocrate du XXe siècle avait fait un bout de chemin avec le capitalisme, parce qu’elle était également productiviste. Elle voyait dans la croissance économique un moyen indispensable de l’égalisation des conditions sociales.

La gauche actuelle, très réticente, voire carrément hostile à la croissance, n’a rien d’autre à proposer pour améliorer le sort de la population.

Le progrès scientifique et technique, qui devait constituer un levier essentiel de la libération, est aujourd’hui suspecté de détruire l’environnement et de modifier le climat. Le progrès des sciences de la nature (physique, chimie, biologie, etc.) a permis d’agir concrètement sur le destin des Hommes.

Le monde dans lequel nous vivons, bien préférable à celui de nos ancêtres, a été configuré par elles : alimentation, logement, industrie, transports, informatique, médias, etc.

En suspectant les sciences de la nature de détruire la planète, et en se réfugiant dans une réflexion sociologique pauvre (le wokisme, l’intersectionnalité), la gauche se coupe du noyau dur de l’intelligence humaine. Elle ne peut même pas prétendre être révolutionnaire, puisqu’il faut alors proposer un autre monde, une véritable idéologie. Elle est seulement subversive, ce qui représente le plus bel aveu de faiblesse.

 

La tentation totalitaire

Pas plus que la droite, la gauche ne représente le camp du bien, comme aiment souvent à le croire ses partisans les plus déterminés.

Mais le risque totalitaire lui est inhérent pour une raison simple : elle croit connaître un avenir politiquement préférable au passé et au présent. Elle croit au progrès par la politique, mais elle a perdu aujourd’hui l’espoir du progrès par la science, élément pourtant essentiel. Il suffit alors de manquer de modération pour sombrer dans un fanatisme quasi-religieux.

C’est ainsi que le passage du socialisme démocratique au communisme dictatorial s’est réalisé au XXe siècle. Aujourd’hui, le glissement de constatations sociologiques plus ou moins intéressantes sur les phénomènes de domination à la quasi-religion woke est bien entamé. Il ne s’agit pas d’une véritable idéologie (weltanschauung, conception globale du monde), tout simplement parce que les idéologies sont mortes.

Mais même dans le vide idéologique, la tentation totalitaire reste présente à gauche.

 

Droits de propriété légitimes : pourquoi il faut les respecter

On critique souvent les libéraux – et en particulier les économistes libéraux – sous prétexte qu’ils sont matérialistes car ils s’intéressent aux biens matériels, donc aux droits de propriété et peut-être en particulier au capital (et donc au capitalisme…). Mais c’est très à tort que l’on fait ce type de critique.

Ainsi l’économiste Julian Simon a expliqué dans son livre, L’homme, notre dernière chance, que les ressources naturelles n’existent pas ; ce qui compte c’est que des individus soient capables d’imaginer des utilisations des ressources physiques pour satisfaire des besoins humains.

L’activité humaine – et ce qu’on peut appeler une activité productive – est nécessairement une activité intellectuelle, mais celle-ci peut évidemment utiliser des biens matériels, ou des activités corporelles.

L’être humain est un être rationnel, c’est-à-dire qu’il est doté d’une raison et la pensée précède l’action. Comme je l’ai écrit dans mon livre, Libéralisme1 :

Les vraies richesses ne sont pas matérielles et physiques, elles sont subjectives et les objets matériels ne sont qu’un support éventuel de l’activité intellectuelle et de l’action humaine.

De ce point de vue il est d’ailleurs intéressant de constater qu’historiquement il a été décidé spontanément qu’un terrain appartenait légitimement à son premier occupant, c’est-à-dire à celui qui a inventé une utilisation de ce terrain. Bien entendu ce droit de propriété reste légitime s’il est librement transmis par son propriétaire à une autre personne, du fait d’un don ou d’un échange. Et il convient d’ajouter qu’un terrain n’appartient pas par nature à une quelconque collectivité. Avant d’être approprié légitimement, il n’appartenait à personne et non pas à une collectivité.

Bien entendu, la légitimité des droits de propriété ne concerne pas seulement les terrains, mais tous les biens et services. Ils résultent tous d’un processus de création initial par les êtres humains et ils peuvent tous être éventuellement transférés par un processus de don ou d’échange.

On peut prendre l’exemple spécifique de quelqu’un qui hérite d’une entreprise et en devient le propriétaire légitime. Or on a tendance à considérer une entreprise comme un ensemble de biens matériels, mais ce qui compte en réalité pour elle comme pour tout bien, c’est l’action humaine.

L’héritier de l’entreprise prend des décisions la concernant et il peut lui faire perdre de la valeur, ou au contraire en accroître la valeur. Si la valeur de l’entreprise a augmenté l’héritier en est légitimement propriétaire en tant que créateur de valeur. Le droit de propriété légitime de cette entreprise résulte de l’activité initiale de création de l’entreprise et des actes de création ultérieurs.

Par ailleurs, un propriétaire est responsable, en ce sens qu’il est titulaire des conséquences de ses décisions, c’est-à-dire qu’il subit les pertes éventuelles et obtient les gains éventuels provenant de ses décisions. En tant que propriétaire il est précisément incité à créer de la valeur.

Le caractère légitime d’un droit de propriété provient donc d’un processus de création humain et quand on parle d’un droit de propriété, ce qui est important doit consister à indiquer si ce droit de propriété est légitime.

En effet il existe d’autres droits de propriété que les droits légitimes : ainsi un voleur s’attribue un droit de propriété, mais celui-ci n’est évidemment pas légitime. Et l’on doit admettre qu’il en est de même pour les biens censés appartenir à l’État ou à une collectivité publique : les droits de propriété ont été obtenus par l’usage de la contrainte – par exemple la contrainte fiscale – et non par un processus de création.

Il faut respecter les droits de propriété légitimes pour des raisons de principe. En effet il est incontestable d’un point de vue éthique qu’il convient de respecter les individus, donc leurs activités physiques et intellectuelles (à condition qu’elles soient respectueuses des droits de propriété légitimes des autres personnes). Mais on ne serait pas respectueux de ces activités si l’on ne reconnaissait pas les droits de propriété légitimes qui en résultent.

On devrait considérer comme suffisante cette justification de principe du respect des droits de propriété légitimes. Mais on peut aussi ajouter une justification utilitariste. En effet, dans une société où l’on respecte les droits de propriété légitimes les individus sont incités à développer leurs activités productives car ils savent qu’ils en sont responsables et qu’ils en seront donc les bénéficiaires éventuels.

La création de ressources utiles aux êtres humains en est donc stimulée et tout le monde en profite puisque cela favorise les échanges – qui augmentent la satisfaction subjective de tous les échangistes – et la complémentarité entre certains biens (par exemple l’augmentation de la productivité de certains individus grâce à l’accumulation de capital effectuée par autrui).

De ce point de vue il n’est pas étonnant que les sociétés libres – c’est-à-dire celles qui respectent les droits de propriété légitimes – soient les sociétés où le développement est le plus important. À tous points de vue il serait extrêmement souhaitable que le respect des droits de propriété légitimes soit considéré par tous les individus du monde comme une exigence fondamentale.

 

Un article publié initialement en juin 2020.

  1. Libéralisme, éditions Odile Jacob, 2000. Ce livre insiste sur la relation qui existe entre liberté, propriété et responsabilité.

Quand le droit au logement sape le droit de propriété

Les faits divers rapportent de plus en plus fréquemment des cas de squatteurs qui s’approprient des logements de manière arbitraire et totalement illégale.

Non seulement ces squatteurs bénéficient de conseils accessibles et gratuits mais des âmes bien intentionnées vont jusqu’à se positionner en agences de recrutement en affichant sur des logements fermés :  « promo, propriété secondaire, entrez et squattez ».

Certains sites sont particulièrement explicites et détaillés sur la réglementation et les manières de la contourner.

De même l’association droit au logement revendique 

L’occupation et le maintien dans un logement ou local vacant n’est pas un délit dès lors que ce logement ou ce local ne constituent pas le domicile d’autrui, sa résidence principale, ou sa résidence secondaire.

Ainsi, selon la doctrine de cette association tout logement non occupé deviendrait disponible pour être occupé sans droit ni titre et sans contrepartie.

 

Et le droit de propriété…

Selon l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 :

La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

La propriété n’est pas un droit inné qui est attribué simplement par le fait d’exister ou de subir des contraintes inhérentes aux aléas de la vie. Elle ne s’acquiert que par le travail et la persévérance dans l’effort soit du propriétaire, soit de ses légataires qui ont eux aussi œuvré dans l’effort et l’économie pour constituer un patrimoine. La propriété entraîne des exigences, des responsabilités et des contraintes. Le propriétaire doit payer les taxes foncières, assurer la pérennité de son bien et entretenir en état de décence et de normes les biens donnés en location.

En contrepartie et pour donner au propriétaire les moyens d’assumer les charges inhérentes à la possession, la loi lui permet de bénéficier du fructus de son bien : Art 584 du Code civil :

Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes.

La propriété se transmet par vente ou par héritage. Dans ces deux cas, la mutation génère des droits fiscaux conséquents qui sont redistribués socialement sous forme d’aides diverses et variées, dont les aides personnalisées au logement, entre autres exemples.

La propriété a donc une vocation sociale indéniable puisqu’elle génère des revenus fiscaux redistribués et met des logements à disposition de citoyens modestes qui n’ont pas suffisamment de moyens financiers pour les acheter. La location est donc la contrepartie de ce service dont le revenu permet aux propriétaires d’assurer leurs responsabilités imposées par la loi envers les locataires.

 

… est remis en cause par le droit au logement

Ces deux droits ne sont pas d’égale valeur : alors que le droit de propriété est un droit constitutionnel (art 17 précité), la loi DALO du 5 mars 2007 a voulu accorder au droit au logement opposable un droit à « valeur constitutionnelle ».

Cette loi le définit ainsi :

Le droit à un logement décent et indépendant, visant à la mise en œuvre du droit au logement, est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir.

Ainsi cette loi donne à tout citoyen le droit d’obtenir un logement, ce qui est socialement un progrès, mais ne précise pas les contreparties que ce citoyen doit respecter en échange. Or, en démocratie tout droit est générateur de devoirs et le non-respect de ce principe fondamental entraîne immanquablement troubles et régressions.

Nombre d’associations s’appuient sur ce DALO pour justifier l’accaparement et l’occupation de propriétés d’autrui, sans aucun respect pour le droit constitutionnel de propriété. Nombreux sont les cas où le propriétaire se retrouve à la rue, sa résidence ayant été investie pendant une absence, même très courte.

Face à la recrudescence de spoliations de la propriété, la loi Elan du 23 novembre 2018 a renforcé les mesures d’expulsion de logement illégalement occupés. Cependant, le délai de flagrance étant très vite dépassé, la procédure judiciaire d’expulsion est toujours très longue et semée d’embûches. Au-delà des différents délais que peuvent obtenir les squatteurs ou les locataires indélicats pour retarder l’expulsion qui libérera les lieux, depuis l’instruction du 26 octobre 2012, les préfets sont tenus de reloger systématiquement les personnes sous le coup d’une expulsion locative, et ce avant l’exécution de cette dernière.

Ainsi, des squatteurs ou des locataires indélicats en défaut de paiement de loyer, sous le coup d’une expulsion judiciaire auront la certitude d’être relogés avant d’être expulsés. Pourquoi continuer à payer des loyers ?

 

Quelles contreparties pour les propriétaires ?

Dans le cas où la force publique n’a pas effectué l’expulsion dans les deux mois qui suivent la signification du jugement d’expulsion et la demande d’assistance de la force publique, le propriétaire peut engager un recours contre l’État pour obtenir une indemnité égale aux loyers et charges dus par l’occupant sans droit ni titre et ce jusqu’à celui-ci quitte les lieux. Ce recours peut prendre un temps de procédure relativement long, impactant l’équilibre financier du propriétaire.

Dans le cas du relogement avant expulsion, s’il ne dispose pas de logement HLM, le préfet peut réquisitionner un logement, ce qui aboutit à la perte temporaire du bénéfice de la propriété. La seule compensation est le versement par le bénéficiaire du relogement d’une indemnité d’occupation dont le montant est fixé par accord amiable avec le propriétaire ou à défaut par voie judiciaire. En cas de non-paiement de cette indemnité par le bénéficiaire, le représentant de l’État dans le département règle celle-ci au nom de l’État à charge pour lui d’exercer une action récursoire contre le bénéficiaire.

 

Conclusion

Si le droit au logement aide sans aucun doute à lutter contre le dénuement et le stress de la perte du minimum d’humanité auquel chaque citoyen peut prétendre, il convient d’analyser le signal psychologique délétère qu’il peut générer chez des personnes mal intentionnées.

Quiconque ne paie pas de loyer ou occupe illégalement un logement sait maintenant qu’il devra être relogé avant expulsion. Si dans le relogement il ne paie pas l’indemnité d’occupation, il ne pourra pas être poursuivi s’il est insolvable ou insaisissable et il ne risquera d’être expulsé qu’après un nouveau relogement !

Le logement gratuit à vie ! Pourquoi travailler pour devenir propriétaire si on peut être locataire sans payer de loyer ?

Il faut ajouter que dans la majorité des cas d’expulsion, les locaux sont récupérés au bout de plusieurs années de procédures dans un état de délabrement tel que de nombreux propriétaires abandonnent la location, ce qui explique la croissance exponentielle de la vacance des logements.

Le propriétaire qui récupère son logement doit supporter intégralement la remise en état, les poursuites éventuelles ne permettant jamais l’indemnisation par les responsables, sans préjudice des frais de justice qu’il doit assumer, les responsables des dégâts bénéficiant généralement, eux, de l’aide juridictionnelle.

Un droit au logement qui aboutit à une dégradation sans contrepartie des logements est une spoliation de la propriété dont on mesurera progressivement les conséquences délétères pour l’ensemble des Français.

Article publié initialement le 5 janvier 2023.

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