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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Après 7 ans dans le rouge, sauvons notre économie, changeons de Ministre !

Par : Rédaction

Par Michel Goldstein – Un chef d’entreprise avec ce bilan aurait dû mettre la clé sous la porte depuis bien longtemps. N’importe quelle ville avec une telle gestion aurait été mise sous tutelle dès son premier écart de budget, à l’exception de Paris bien entendu. Tous les responsables auraient démissionné après un tel échec politique… Tous ? Depuis maintenant sept ans, un ministre fait de la résistance. Pourtant, la gestion de Bruno Le Maire suscite légitimement l’inquiétude et la défiance.  La dette explose, le déficit bat des records, le leurre des 10 milliards d’économie à l’horizon 2025 se révèle être le double.

Pour satisfaire les agences de notations financières, le ministre écrase les collectivités de tout son poids, pour qu’elles rendent jusqu’au dernier centime. Maintenant c’est au tour des rentiers d’être dans l’œil mauvais du gouvernement. Ce gouvernement donne l’impression de gratter les fonds de tiroir à la recherche des rares poches de revenus qui échappent encore à sa convoitise. Un État dispendieux, dilapidant l’argent public sans compter, endetté à hauteur de 3.000 milliards, dont 900 supplémentaires sous le seul mandat du ministre de l’Économie.  Bruno Le Maire s’attaque encore, comme depuis de nombreuses années, aux collectivités territoriales, qui n’ont de cesse de gérer leur budget au centime près, avec méthode et discipline, sans jamais invoquer le droit à l’erreur. Ces mêmes collectivités subissent des coupes budgétaires chaque année, sans jamais avoir le droit de s’indigner. En proposant de restreindre à nouveau les ressources des collectivités, le ministre affiche là une vision économique à court terme, ignorant les conséquences désastreuses sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Les maires et élus locaux, en première ligne, se voient contraints de faire face à des coupes budgétaires drastiques, compromettant ainsi des investissements essentiels pour pallier l’État défaillant, dans l’éducation, la santé, l’aménagement du territoire… Aucun secteur public n’est épargné. Où vont nos impôts !

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Monnaie numérique : l’aumône programmable pour les pauvres, par Ulrike Reisner

Par : Rédaction

L’un des plus grands dangers des monnaies numériques réside dans la possibilité technique de les programmer et de les lier ainsi exclusivement à certains achats. De toutes nouvelles possibilités s’offrent au monde de la finance et à ses complices politiques dociles dans les États-nations : d’une part, le comportement des consommateurs peut être contrôlé. D’autre part, de toutes nouvelles opportunités s’offrent pour promouvoir des effets économiques souhaités en appuyant sur un bouton.

Ce n’est qu’une petite information qu’il faut lire deux fois pour en percevoir son caractère explosif : le gouvernement thaïlandais a annoncé un plan de soutien à l’économie. Quelque 50 millions de Thaïlandais devraient recevoir chacun environ 250 euros sous forme de crédit numérique à dépenser dans leurs commerces locaux.

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L’Europe généreuse en subventions scientifiques à Israël en plein génocide à Gaza

L'Union européenne a donné son feu vert à un grand nombre de nouvelles subventions scientifiques pour Israël en pleine guerre génocidaire contre Gaza. En parcourant une base de données de […]

The post L’Europe généreuse en subventions scientifiques à Israël en plein génocide à Gaza appeared first on Investig'action.

Et si Bardella arrivait à Matignon ? Quelle politique pour rétablir les comptes publics ?

Les déficits publics posent désormais un problème – tout à fait prévisible, quoiqu’obstinément nié par le gouvernement et l’opinion – qu’il est difficile de contourner. Les Républicains ont annoncé qu’ils pourraient souscrire à une motion de censure contre Gabriel Attal lors des prochaines discussions budgétaires. Une hypothèse, pour Emmanuel Macron, serait de choisir Jordan Bardella comme Premier ministre pour lui laisser le soin de gérer cette situation délicate. Concrètement, quelle politique un Bardella pourrait-il mener ?

Le Rassemblement National parle rarement de propositions économiques chiffrées. C’est un procès qu’on peut lui faire : il est plus facile de caresser l’opinion dans le sens du poil que de proposer des mesures concrètes qui risquent de fâcher. Et, à l’approche d’une crise majeure des finances publiques, ces mesures seront particulièrement sensibles.

Pour l’heure, nous devons nous contenter de la tribune (très “légère”) de Marine Le Pen dans les Echos, début mars, où elle annonce son “programme” en matière de finances publiques. Nous récapitulons dans la capsule ci-dessus notre analyse de ce texte.

Dans tous les cas, le programme du RN chiffre 30 milliards d’économies (en fourchette haute, la réalité est probablement très inférieure). Il faut pourtant réaliser de 50 à 70 milliards € d’économie d’ici à 2027 pour tenir les engagements internationaux de la France…

Où Marine Le Pen trouvera-t-elle cette somme ? Pour l’instant, elle ne semble pas y avoir réfléchi, et on n’entend guère Jordan Bardella s’exprimer sur ce sujet.

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Conseil européen de printemps : qui va payer pour les armes ?…

Par : pierre

Le spectre d’un échec occidental en Ukraine a plané sur les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept réunis à Bruxelles les 21 et 22 mars. Au point que ce Conseil européen de printemps a été presque exclusivement consacré à la guerre et aux dossiers qui y sont liés.

« La Russie ne doit pas l’emporter » affirme la déclaration finale dès son premier paragraphe. Cette proclamation pourrait sembler banale de la part de l’UE. Pourtant, il y a quelques mois encore, les dirigeants européens ne jugeaient pas utile de la marteler, tant la victoire de Kiev, massivement soutenu par les Occidentaux, semblait aller de soi.

Désormais, l’ambiance a radicalement changé. L’armée russe avance, notamment sur le front du Donbass. Et les forces ukrainiennes paraissent chaque jour en plus mauvaise posture. Quelques jours avant le sommet, Emmanuel Macron résumait l’état d’esprit de la plupart de ses collègues : « si on laisse l’Ukraine seule, si on la laisse perdre cette guerre, la Russie menacera à coup sûr la Moldavie, la Roumanie, la Pologne ». Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, enchérissait peu après, dans le quotidien français Libération : « si nous n’apportons pas suffisamment d’aide à l’Ukraine pour arrêter la Russie, nous serons les suivants ».

Dans ces conditions, le sommet a pris des allures de conseil de guerre, sans cependant réussir à effacer les divergences et contradictions entre Etats membres. A propos notamment de cette question particulièrement sensible en période de restriction budgétaire : où trouver l’argent ?

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Conseil européen de printemps : qui va payer pour les armes ?

Par : pierre

Le spectre d’un échec occidental en Ukraine a plané sur les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept réunis à Bruxelles les 21 et 22 mars. Au point que ce Conseil européen de printemps a été presque exclusivement consacré à la guerre et aux dossiers qui y sont liés.

« La Russie ne doit pas l’emporter » affirme la déclaration finale dès son premier paragraphe. Cette proclamation pourrait sembler banale de la part de l’UE. Pourtant, il y a quelques mois encore, les dirigeants européens ne jugeaient pas utile de la marteler, tant la victoire de Kiev, massivement soutenu par les Occidentaux, semblait aller de soi.

Désormais, l’ambiance a radicalement changé. L’armée russe avance, notamment sur le front du Donbass. Et les forces ukrainiennes paraissent chaque jour en plus mauvaise posture. Quelques jours avant le sommet, Emmanuel Macron résumait l’état d’esprit de la plupart de ses collègues : « si on laisse l’Ukraine seule, si on la laisse perdre cette guerre, la Russie menacera à coup sûr la Moldavie, la Roumanie, la Pologne ». Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, enchérissait peu après, dans le quotidien français Libération : « si nous n’apportons pas suffisamment d’aide à l’Ukraine pour arrêter la Russie, nous serons les suivants ».

Dans ces conditions, le sommet a pris des allures de conseil de guerre, sans cependant réussir à effacer les divergences et contradictions entre Etats membres. A propos notamment de cette question particulièrement sensible en période de restriction budgétaire : où trouver l’argent ?

Pris ensemble, les gouvernements nationaux et l’UE elle-même ont déjà dépensé 31 milliards d’euros en soutien militaire (c’est-à-dire en plus des financements civils en faveur de Kiev). A Bruxelles, on prévoit une rallonge de 20 milliards d’ici décembre 2024. Le pot global européen baptisé « Facilité européenne pour la paix », finançant les soutiens militaires de l’UE partout dans le monde, vient d’être réformé et abondé de 5 milliards fléchés vers l’Ukraine.

Mais, au regard des masses d’armes, de munitions, d’équipements et de systèmes militaires que les stratèges européens jugent nécessaires à Kiev, et qu’ils souhaitent produire eux-mêmes ou acquérir à l’extérieur, cela ne suffit pas.

Les Vingt-sept vont réquisitionner les intérêts des avoirs russes

Une première piste, proposée par la Commission européenne fin février, a été validée : les Vingt-sept vont réquisitionner les intérêts des avoirs russes déposés dans des institutions européennes et qui ont été gelés en mars 2022. Ces dépôts, évalués à 200 milliards de dollars, ont généré 4,7 milliards d’euros de produits financiers, sur lesquels Bruxelles va mettre la main.

Une fois retirées les taxes belges, 90% de cette manne sera utilisée pour les besoins militaires de Kiev. Le reste financera la « reconstruction de l’Ukraine », ce qui était l’idée initiale. Cette clause permet aux Etats « neutres » (hors OTAN, comme l’Autriche ou l’Irlande) de ne pas violer leur constitution qui interdit la fourniture d’armes à des pays en guerre.

Il est à noter que certains gouvernements « ultras » préconisaient de s’approprier non seulement les intérêts, mais aussi les avoirs russes eux-mêmes. Cette suggestion n’a pas été suivie : pour la plupart des experts, elle aurait constitué un vol encore plus manifeste au regard du droit, avec de possibles fuites d’investisseurs internationaux, effrayés par des procédures aussi arbitraires dont ils pourraient un jour être victimes.

Deuxième piste : « la Banque européenne d’investissement est invitée à adapter sa politique de prêt à l’industrie de la défense » indiquent les conclusions du sommet. Ladite BEI, selon ses statuts, ne peut que financer des investissements dans les infrastructures civiles, par exemple en faveur du climat et de l’environnement. Les Vingt-sept, qui sont les actionnaires de cette institution, vont s’atteler à changer ces restrictions, et élargir la liste des produits à double usage (civil et militaire). Mais les dirigeants de la banque et certaines capitales ont mis en garde : techniquement, l’affaire est complexe. Mais la mobilisation de la BEI incitera le secteur privé (les fonds de pension, par exemple) à investir dans le secteur militaire, répliquent les partisans de cette voie.

La troisième piste divise fortement les Vingt-sept. Elle avait été suggérée par la cheffe du gouvernement estonien, puis immédiatement reprise par le président français. L’idée serait de lancer un nouvel emprunt commun auprès des marchés financiers, à l’image de ce qui avait été réalisé en 2020 afin de financer le « plan de relance post-Covid » pour un montant de 750 milliards d’euros. Cette fois, on évoque la somme de 100 milliards d’euros, à hauteur des ambitions de la « stratégie pour l’industrie de défense européenne » préparée par la Commission.

Bruxelles rêve également faire de l’UE une puissance militaire avec ses capacités de production communes

Car Bruxelles ne veut pas seulement soutenir Kiev, mais rêve également faire de l’UE une puissance militaire avec ses capacités de production communes. Sauf que, dans ce contexte, les oppositions au sein des Vingt-sept apparaissent sur plusieurs plans. A commencer par les éternelles divergences entre pays réputés « dépensiers » et donc tentés par le financement à crédit ; et ceux qualifiés de « pingres » pour leur attachement de principe à l’équilibre budgétaire.

Dans ce dernier camp, la Finlande et la Suède, d’autant plus belliqueuses qu’elles viennent d’adhérer à l’OTAN, pourraient assouplir leurs réticences traditionnelles. Ces gouvernements justifieraient cette entorse à leur « rigueur budgétaire » par l’état de guerre face à une Russie jugée au moins aussi dangereuse que le virus de 2020.

En revanche, ni Berlin, ni La Haye ne sont sur le point de valider un nouveau recours à de la dette commune. Cependant, les partisans de cette piste ne désespèrent pas ; ils font valoir que le processus n’en est qu’à ses débuts, et que l’idée fera son chemin. Surtout, les capitales les plus favorables à une Europe plus intégrée voient la guerre comme un occasion de faire avancer une Europe fédérale via la « solidarité budgétaire ».

Cette perspective et ces arguments ne font qu’aviver les contradictions au sein des Vingt-sept, à un moment où l’accélération de l’intégration européenne est moins populaire que jamais – ce qui risque de se voir lors des élections européennes de juin prochain.

A cela s’ajoute les réticences de certains gouvernements à confier plus de pouvoirs à la Commission en matière de décisions portant sur les industries nationales de défense. Berlin affirme que pour des transferts militaires vers Kiev, Bruxelles n’est nullement un intermédiaire nécessaire – même si le sujet divise la coalition tripartite au pouvoir.

Pour certains produits agricoles ukrainiens, les importations vers l’Europe « ont été multipliées par cinq ou dix », déstabilisant les marchés

Plusieurs autres sujets, également liés à l’Ukraine ont également fait apparaître les divisions au sein du Conseil. Ainsi, lors de la réunion, le président ukrainien, invité à s’exprimer en téléconférence (photo), n’a pas manqué de sermonner les participants à propos des restrictions nouvellement imposées aux produits agricoles de son pays.

Ces importations avaient été dispensées de droits de douane vers l’UE par une mesure de « solidarité » avec Kiev prise en juin 2022. S’en est suivie une déstabilisation des marchés, notamment en Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Roumanie : céréales, volailles, œufs, sucre et fruits et légumes y ont afflué en masse, submergeant les producteurs locaux. Même les pays de l’Ouest, comme la France, en ont subi les contrecoups. Ce fut un des grands thèmes des manifestations d’agriculteurs qui ont touché près d’une vingtaine des pays de l’Union. Pour certains produits agricoles ukrainiens, a rappelé le Emmanuel Macron, les importations vers l’Europe « ont été multipliées par cinq ou dix » depuis le début de la guerre.

Certains gouvernements – même les plus pro-Kiev, comme Varsovie – ont donc décidé de restrictions unilatérales d’importations, inquiétudes électorales obligent. Un jeu s’est ensuite développé entre les pays, la Commission et l’europarlement pour déterminer des seuils de rétablissement des droits de douane selon les produits, et pour fixer des années de référence. Le Conseil n’a pas tranché, les décisions sont encore à venir, et seront probablement changeantes. Volodymyr Zelensky s’est dès lors plaint d’« érosion de la solidarité », et ce, alors même qu’en matière de céréales notamment, la production est réalisée par d’immenses exploitations (souvent possédées par des grands groupes occidentaux), à très bas coûts.

La probabilité que les négociations aboutissent à des adhésions effectives est quasi-nulle

Par ailleurs, les Vingt-sept ont validé le principe de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE de la Bosnie-Herzégovine. Ce pays est très loin de remplir les critères requis pour intégrer le club européen, mais certaines capitales considèrent qu’il y a urgence à arrimer les pays des Balkans à l’UE pour les préserver de la supposée influence russe, et qu’il serait dangereux de découpler ce processus d’adhésion concernant la Bosnie de celui proposé à l’Ukraine et à la Moldavie.

Pour ces deux pays, les négociations ont officiellement été déclarées ouvertes en février ; la Commission a depuis lors établi un « cadre de négociations », une sorte de feuille de route, qui doit encore être approuvé à l’unanimité par les Vingt-sept. Certains pays, comme la France, freinent officieusement, craignant des retombées électorales en juin : la perspective de voir arriver des pays très pauvres, et notoirement corrompus, est très impopulaire. Les discussions proprement dites pourraient bien ne pas démarrer ce semestre, et sans doute pas non plus au second, sous présidence tournante hongroise.

Quant à la Bosnie, le Conseil vient donc de demander à la Commission d’élaborer un cadre de négociation – soit un cran derrière Kiev et Chisinau dans la procédure.

En réalité, ces décisions sont surtout symboliques. Non seulement lesdites négociations, au grand dam de Kiev notamment, devraient durer une décennie ; mais leur probabilité d’aboutir à des adhésions effectives est quasi-nulle. En effet, les plus lucides des dirigeants européens savent que cela signifierait l’éclatement de l’UE qui serait confrontée à une hétérogénéité sans précédent.

A bien plus court terme, le Conseil a, quoi qu’il en soit, appelé à faire passer l’UE en mode « économie de guerre ». Les peuples risquent d’en être les grands perdants.

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Attal conduit-il la France dans un scénario à la grecque ou à l’argentine ?

Hier, Attal a profité de l’absence de Macron et de quelques autres (en voyage au Brésil) pour parler dans le poste. Le Premier Ministre a expliqué les différentes mesurettes qu’il compte prendre, et que nous avions détaillées, pour résoudre la crise systémique des finances publiques. Aucune réforme d’ampleur n’est prévue. L’engrenage se met en place : le canoë France s’approche du gouffre, et les rameurs n’ont pas la force de remonter le courant. Allons-nous vers un scénario à la grecque ? ou à l’argentine ?

Gabriel Attal a fait le choix de parler dans le poste, hier, pour expliquer les mesures qu’il comptait prendre pour endiguer la crise des finances publiques. Nous avions déjà annoncé l’essentiel (et même un peu plus). De l’intervention d’Attal, on retiendra plusieurs points :

  • le Premier Ministre a dicté sa feuille de route pour un durcissement des conditions d’indemnisation du chômage. On parle désormais de limiter l’indemnisation à 14 ou 15 mois, contre 18 mois aujourd’hui, et de diminuer l’indemnisation elle-même
  • pour le reste, Gabriel Attal a laissé planer le doute sur les augmentations d’impôt
  • il a écarté des augmentations d’impôts pour les classes moyennes et pour les entreprises
  • mais cette affirmation est bien vague : quid de la fiscalité écologique ? de celle des dividendes, si importante pour les entrepreneurs ?
  • la taxations des super-profits devrait être améliorée (càd mise réellement en pratique)

Mais on voit bien ce qui manque dans cette logique. Gabriel Attal effleure les sujets, se contente d’un catalogue de mesures éparses. Il n’entreprend aucune réforme de l’action publique destinée à diminuer durablement les dépenses.

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Déficit à 5,5% : le bal des faux-culs sur les vraies causes du naufrage commence

Depuis cet automne, nous alertons sur les risques qui devaient peser sur les finances publiques en 2024… et nous ne nous trompions pas complètement, puisque le dérapage du déficit est devenu une sorte de sujet à la mode. Et, sans grande surprise, il fait l’objet d’une savante opération de désinformation pilotée depuis Bercy et relayée consciencieusement par tous les journalistes encartés qui bouclent leurs fins de mois grâce aux subventions de l’Etat (au nom de la déontologie évidemment). Remettons donc quelques éléments au point pour dissiper ce grand enfumage sur les causes réelles de l’effondrement français.

Donc l’INSEE a confirmé le chiffre qui circulait depuis près de 15 jours : le déficit public en 2023 n’est pas de 4,9% du PIB comme initialement prévu et annoncé, mais bien de 5,5%, ce qui est beaucoup moins bien. Toute la question est de savoir pour quelle raison ce dérapage incontrôlé survient. Et, sur ce point, le gouvernement a une explication toute trouvée : les impôts rendent moins, la croissance est en berne. Circulez, y a rien à voir, c’est la faute de la croissance ! Et notre gestion n’y est pour rien, bien entendu.

Ces éléments de propagande ont été fidèlement repris par la presse subventionnée. Voici ce qu’écrit le Monde, par exemple :

Reprise intégrale de la doctrine officielle : le déficit dérape à cause du ralentissement de la croissance et de la baisse des recettes fiscales. Bien entendu, rien sur l’excès de dépenses, comme si, dans l’esprit du journaliste moyen, un déficit provenait forcément de la baisse de l’impôt mais ne pouvait pas provenir d’excès de dépenses. Et c’est bien l’objectif de Bercy, d’expliquer que, en matière de finances publiques, il faut regarder du côté de la croissance, des impôts, mais pas des dépenses de l’Etat. Surtout des dépenses des ministères, qui doivent être inattaquables.

Pourtant, nous avons rappelé quelques points, notamment cette hausse de 35% des dépenses de l’Etat depuis l’arrivée de Macron au pouvoir. Et nous avions signalé l’été dernier le dérapage permanent de ces dépenses… Mais si le gouvernement subventionne largement la presse, c’est bien pour faire oublier cet aspect gênant des choses, et concentrer l’attention sur la faiblesse de l’impôt.

L’INSEE a quand eu le bon goût de proposer un autre tableau pour mieux expliquer le phénomène :

Ce tableau détaille la dérive des différents postes de dépenses et de recettes de l’Etat, et on comprend mieux, en effet, la difficulté présente.

Du côté des recettes, d’abord, si, effectivement, les impôts ont marqué le pas par rapport à 2022, le racket des salariés par les cotisations sociales a progressé de 4,5%.

Du côté des dépenses, le gros morceau est constitué par les dépenses de fonctionnement, qui ont augmenté de 6%. Les prestations sociales ont augmenté de 3%. Les dépenses d’investissement ont augmenté de 8,5%. Cet investissement est essentiellement dû aux collectivités locales.

Il est donc évident que, le problème qui s’est posé tient moins à l’essoufflement des impôts qu’à l’explosion des investissements et des dépenses de fonctionnement des administrations.

Mais cet effort de lecture simple des tableaux de l’INSEE est au-dessus du niveau moyen de nos brillants journalistes subventionnés, qui adorent expliquer que ne pas reprendre les élements de langage du gouvernement et penser par soi-même, c’est du complotisme.

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Comment Macron va vous racketter pour réparer ses dégâts et ses dettes

Les lecteurs du Courrier ne le découvrent pas : l’obésité et la cupidité de la bureaucratie qui tient le pouvoir sont devenues des menaces létales pour la démocratie. Pour éviter tout effort, la bureaucratie de l’Etat est bien décidée à faire payer le reste du pays pour conserver son mode de gouvernance autoritaire et un exercice solitaire du pouvoir par Emmanuel Macron et la caste qu’il représente. Après sept ans de malgoverno français, le pouvoir en est réduit à la faillite pour acheter la paix sociale. Et maintenant, l’heure de l’addition approche.

Macron est arrivé au pouvoir en 2017. Depuis son élection, les dépenses de l’Etat ont augmenté de 35% ! Cette explosion s’explique largement par le besoin d’acheter la paix sociale au moyen de nombreuses aides, et par le souci de soigner sa base électorale. Macron est le candidat des fonctionnaires, ne l’oublions jamais.

Sauf que la situation, comme nous l’indiquons régulièrement, devient intenable :

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Finances publiques : chronique d’une catastrophe annoncée

Nous reviendrons longuement dimanche sur la situation des finances publiques et sur l’arrivée prévisible du parti de l’impôt, qui devrait proposer de rançonner les Français pour rétablir les comptes. D’ici là, nous donnons quelques chiffres-clés sur le désastre qui s’annonce.

Selon les informations qui circulent désormais tous azimuts, la situation des finances publiques connaît une détérioration brutale qui donne des sueurs froides au gouvernement. Plusieurs chiffres-clés circulent qui indiquent l’étendue des dégâts :

  • intialement, le déficit 2023 devait être de 4,9%. Retraité par Bercy, il s’élèverait finalement à 5,6% du PIB. C’est un coup de tonnerre, qui souligne l’affaiblissement de Bercy, et l’incompétence, une fois de plus, de Bruno Le Maire.
  • la prévision d’un déficit de 4,4% en 2024 paraît d’ores et déjà une histoire ancienne
  • la Cour des Comptes estime qu’il faut réaliser 50 milliards d’économies d’ici 2027
  • les agences de notation devraient réexaminer la note de la France prochainement : le 26 avril pour Fitch et Moody’s, le 31 mai pour Standard and Poor’s
  • potentiellement, la France pourrait donc subir une forte attaque spéculative avant les élections européennes…

Ne manquez nos publications de dimanche sur le sujet.

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Contrôle des grandes banques : de plus en plus d’économistes se joignent à la lutte

Les grandes banques se sont emparées du système de régulation financière et sont à l’origine des inégalités. Nous devons casser leur emprise.

Source : Truthout, C.J. Polychroniou
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des manifestants arborent des pancartes lors d’une manifestation à New York, le 19 décembre 2018.
MICHAEL NIGRO / SOPA IMAGES/LIGHTROCKET VIA GETTY IMAGES

La fortune des cinq hommes les plus riches du monde a « grimpé de 114 % depuis 2020 », selon un rapport d’Oxfam de janvier 2024 sur les inégalités dans le monde, tandis que « près de cinq milliards de personnes se sont appauvries ».

Cette augmentation récente et massive des inégalités de richesse et de revenus s’inscrit dans le prolongement des tendances mondiales qui se sont affirmées au début des années 1980 ; l’augmentation des inégalités au cours des décennies a été particulièrement importante aux États-Unis par rapport aux autres pays développés. L’inégalité des richesses est généralement plus importante que l’inégalité des revenus, qui à son tour alimente une plus grande inégalité des revenus à l’avenir. En effet, l’inégalité des revenus aux États-Unis continue d’augmenter, selon le dernier rapport du Congressional Budget Office, qui utilise des données jusqu’en 2020.

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Defusing the Derivatives Time Bomb

Par : AHH

The “protected class” is granted “safe harbor” only because their bets are so risky that to let them fail could crash the economy. But why let them bet at all?

by Ellen Brown at the ScheerPost.

This is a sequel to a Jan. 15 article titled “Casino Capitalism and the Derivatives Market: Time for Another ‘Lehman Moment’?”, discussing the threat of a 2024 “black swan” event that could pop the derivatives bubble. That bubble is now over ten times the GDP of the world and is so interconnected and fragile that an unanticipated crisis could trigger the collapse not just of the bubble but of the economy. To avoid that result, in the event of the bankruptcy of a major financial institution, derivative claimants are put first in line to grab the assets — not just the deposits of customers but their stocks and bonds. This is made possible by the Uniform Commercial Code, under which all assets held by brokers, banks and “central clearing parties” have been “dematerialized” into fungible pools and are held in “street name.”

This article will consider several proposed alternatives for diffusing what Warren Buffett called a time bomb waiting to go off. That sort of bomb just detonated in the Chinese stock market, contributing to its fall; and the result could be much worse in the U.S., where the stock market plays a much larger role in the economy.

The Chinese Derivative Crisis

A Jan.30 article on Bloomberg News notes that “Chinese stocks’ brutal start to the year is being at least partly blamed on the impact of a relatively new financial derivative known as a snowball. The products are tied to indexes, and a key feature is that when the gauges fall below built-in levels, brokerages will sell their related futures positions.”

Further details are in a Jan. 23rd article titled “’Snowball’ Derivatives Feed China’s Stock Market Avalanche.” It states, “China’s plunging stock market is leading to losses on billions of dollars worth of derivatives linked to the country’s equity indexes, fuelling further selling as retail investors offload their positions…. Snowball products are similar to the index-linked products sold in the 2008 financial crisis, with investors betting that U.S. equities would not fall more than 25% or 30%,” which they did.

Chinese shares rose on Feb. 6, as officials took measures to prop up the ailing market, including imposing new “zero tolerance” curbs for malicious short selling.

The Greater U.S. Threat

The Chinese stock market is much younger and smaller than that in the U.S., with a much smaller role in the economy. Thus China’s economy remains relatively protected from disruptive ups and downs in the stock market. Not so in the U.S., where speculating in the derivatives casino brought down international insurer AIG and investment bank Lehman Brothers in 2008, triggering the global financial crisis of 2008-09. AIG had to be bailed out by the taxpayers to prevent collapse of the too-big-to-fail derivative banks, and Lehman Brothers went through a messy bankruptcy that took years to resolve.

In a December 2010 article on Seeking Alpha titled “Derivatives: The Big Banks’ Quadrillion-Dollar Financial Casino,” attorney Michael Snyder wrote, “derivatives were at the heart of the financial crisis of 2007 and 2008, and whenever the next financial crisis happens, derivatives will undoubtedly play a huge role once again…. Today, the world financial system has been turned into a giant casino where bets are made on just about anything you can possibly imagine, and the major Wall Street banks make a ton of money from it. The system … is totally dominated by the big international banks.”

The Speculators Dominate the Regulators

In a 2009 Cornell Law Faculty publication titled How Deregulating Derivatives Led to Disaster, and Why Re-Regulating Them Can Prevent Another, Prof. Lynn Stout proposed stabilizing the market by returning to 20th century derivative rules. She noted that derivatives are basically wagers or bets, and that before 2000, the U.S. and U.K. regulated derivatives primarily by a common‐law rule known as the “rule against difference contracts.” She explained:

“The rule against difference contracts did not stop you from wagering on anything you liked: sporting contests, wheat prices, interest rates. But if you wanted to go to a court to have your wager enforced, you had to demonstrate to a judge’s satisfaction that at least one of the parties to the wager had a real economic interest in the underlying and was using the derivative contract to hedge against a risk to that interest.… Using derivatives this way is truly hedging, and it serves a useful social purpose by reducing risk.

… Under the rule against difference contracts and its sister doctrine in insurance law (the requirement of “insurable interest”), derivative contracts that couldn’t be proved to hedge an economic interest in the underlying were deemed nothing more than legally unenforceable wagers.

… Hedge funds, for example, should really call themselves “speculation funds,” as it is quite clear they are using derivatives to try to reap profits at the other traders’ expense.”

The rule against difference contracts died in 2000, when the US embraced wholesale deregulation with the passage of the Commodity Futures Modernization Act (CFMA):

“The CFMA not only declared financial derivatives exempt from CFTC or SEC oversight, it also declared all financial derivatives legally enforceable. The CFMA thus eliminated, in one fell swoop, a legal constraint on derivatives speculation that dated back not just decades, but centuries. It was this change in the law—not some flash of genius on Wall Street—that created today’s $600 trillion financial derivatives market.”

The Casino Gets Special Privileges

Not only are speculative derivatives now legally enforceable, but under the Bankruptcy Act of 2005, derivative securities enjoy special protections. Most creditors are “stayed” from enforcing their rights while a firm is in bankruptcy, but many derivative contracts are exempt from these stays. Similarly, under the Dodd Frank Act of 2010, derivative claimants have “super-priority” in the bankruptcy of a financial institution. They are privileged to claim collateral immediately without judicial review, before bankruptcy proceedings even begin. Depositors become “unsecured creditors” who can recover their funds only after derivative, repo and other secured claims, assuming there is anything left to recover, which in the event of a major derivative crisis would be unlikely.

That’s true not only of the deposits in a bankrupt bank but of stocks, bonds and money market funds held by a broker/dealer that goes bankrupt. Under the Bankruptcy Act of 2005 and Sections 8 and 9 of the Uniform Commercial Code (UCC), “safe harbor” is provided to entities described in court documents as “the protected class.” The customers who purchased the assets have only a “security entitlement,” a weak contractual claim to a pro rata share of a residual pool of fungible assets all held in the name of Cede & Co., the proxy of the Depository Trust and Clearing Corp. (DTCC). As Wall Street financial analyst John Rubino put it in a Jan. 27 podcast:

“What we used to think of as a bank bail-in where they take your deposit in order to support a failing bank, that is now spread across the entire financial economy where whatever you have in an account anywhere can just disappear, because they’re going to transfer ownership of it to these big dominant entities out there in the financial system that need those assets in order to keep from blowing up.”

Derivative speculators are considered “secured” because they post a portion of what they could wind up owing as “margin,” but why that partial security is superior to the 100% security posted by the depositor or purchaser is not explained. The “protected class” is granted “safe harbor” only because their bets are so risky that to let them fail could crash the economy. But why let them bet at all?

The Solution of the Regulators

The fix of the G20 leaders following the global financial crisis, however, was to force banks to clear over-the-counter derivatives through central counterparties (CCPs), which stand between buyer and seller and protect either party if the other blows up. By March 2020, 60% of credit default swaps and 80% of interest rate swaps were centrally cleared. The problem, as noted in a December 2023 publication by the Bank for International Settlements, is that these measures taken to protect the system can actually amplify risk.

CCPs tend to ask for more collateral than banks did in the pre-crisis world; and when a CCP hikes its initial margin requirement to cover the risk of default, this applies to everyone in the market, meaning cash calls are synchronized. As explained in a May 2022 Reuters article:

“It’s logical that CCPs ask for more collateral during a panic: that’s when defaults are most likely. The problem is that margin calls seem to have made things worse. In March 2020, for example, a so-called “dash for cash” saw investors liquidate even prime money-market funds and U.S. Treasury securities.

… [R]ampant margin calls have intensified a financial panic twice in as many years, with central banks effectively bailing out markets in 2020. That’s better than in 2008, when taxpayers had to step in. But the problem of margin calls remains unsolved.

… Central counterparty (CCP) clearing houses should consider asking clients for more collateral during good times to reduce the risk of destabilising margin calls during a financial panic, a Bank of England official said on May 19.”

Yet all this, as Michael Snyder observes, is to allow the big international banks to run the largest derivatives casino that the world has ever seen. Why not just shut down the casino? Prof. Stout’s suggested solution is for Congress to return to the pre-2000 rule under which speculative derivative bets were not enforceable in court. That would include reversing the “superpriority” privileges in the Bankruptcy Act of 2005 and the Dodd-Frank Act. But it won’t be a quick fix, as Wall Street and our divided Congress can be expected to put up a protracted fight.

What If the DTCC Goes Bankrupt?

In a 2015 law review article titled “Failure of the Clearinghouse: Dodd-Frank’s Fatal Flaw?,” Prof. Stephen Lubben points to a more ominous risk from pushing all derivatives onto exchanges; and that concern is shared by former hedge fund manager David Rogers Webb in his 2024 book “The Great Taking.” The exchanges are supposed to be safer than private over-the-counter trades because the exchange steps in as market maker, accepting the risk for both sides of the trade. But in a general economic depression, the exchanges themselves could go bankrupt. No provision for that is made in the Dodd-Frank Act, which purports to decree “no more bailouts.” Still, reasons Prof. Lubben, the government would undoubtedly step in to save the market from collapse.

His proposed solution is for Congress to make legislative provision for nationalizing any bankrupt exchange, brokerage or Central Clearing Counterparty before it fails. This is something to which our gridlocked Congress might agree, since under current circumstances it would not involve any major changes, wealth confiscation or new tax burdens; and it could protect their own fortunes from confiscation if the DTCC were to go bankrupt.

Other Possible Federal Solutions

Another alternative that not only could work but could fix Congress’s budget problems at the same time is to impose a 0.1% tax on all financial transactions. See Scott Smith, A Tale of Two Economies: A New Financial Operating System, showing that U.S. financial transactions (the financialized economy) are over $7.6 quadrillion, more than 350 times the U.S. national income (the productive economy). See my earlier article summarizing all that here. On a financial transaction tax curbing speculation in derivatives, see also herehere and here.

There are other possible solutions to customer title concerns. There is no longer a need for the archaic practice of holding all securitized assets in the street name of Cede & Co. The digitization of stocks and bonds was a reasonable and efficient step in the 1970s, but today digital cryptography has gotten so sophisticated that “smart contracts” can be attached by blockchain-like distributed ledger technology (DLT) to digital assets, tracking participants, dates, terms and other contractual details. The states of Delaware and Wyoming have explored maintaining corporate lists of stockholders on a state-run blockchain; but predictably, the measures were opposed. The practice of holding assets in street name has proven very lucrative for the DTCC’s member brokers and banks, as it facilitates short selling and the “rehypothecation” of collateral.

In October 2023, the DTCC reported that it has been exploring adopting DLT; but the goal seems only to be speedier and safer trades. No mention was made of returning registered title to the purchasers of the traded assets, which could be done with distributed ledger technology.

South Dakota’s Innovative Solution

The most readily achievable solution is probably that in a South Dakota bill filed on Jan. 29.  The bill is detailed in a Feb. 2 article titled “You Could Lose Your Retirement Savings in the Next Financial Crash Unless Others Follow This State’s Lead”, which observes:

“… [I]f your broker … were to go bankrupt, the broker’s secured creditors (the people to whom the broker owes money) would be empowered to take the investments that you paid for in order to settle outstanding debts….

To avoid a catastrophe in the future, a nationwide movement is desperately needed to alter the existing Uniform Commercial Code. Of course, that won’t be easy to accomplish, especially because bank lobbyists and other powerful financial interests will almost certainly fight kicking and screaming to stop policymakers from taking away their advantage over consumers.

The good news is, this “great taking” can be stopped at the state level. Americans don’t need to count on a divided Congress to get the job done. Because the UCC is state law, state lawmakers can take concrete steps to restore the property rights of their constituents and protect them in the event of a financial crisis.

On Monday, South Dakota legislators introduced a bill that would do just that. The legislation would ensure that individual investors have priority over securities held by brokerage firms and other intermediaries.

It would also alter jurisdictional provisions so that cases are determined in the state of the individual investor, rather than the state of the broker, custodian or clearing corporation. This would ensure that individual investors are able to rely on the laws of their local state.”

Hopefully, other states will follow South Dakota’s lead. Tennessee, for one, is reported to have such a bill in the works.

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Ellen Brown is an attorney, founder of the Public Banking Institute, and author of thirteen books including the best-selling Web of Debt. Her latest book is Banking on the People: Democratizing Money in the Digital Age and her 400+ blog articles are at EllenBrown.com.

Real-Life Economic Solutions

Par : AHH

Political economists Radhika Desai and Michael Hudson discuss realistic alternatives to the neoliberal model of financialization, and tangible policies to build a productive, sustainable economy.

Radhika Desai and Michael Hudson at The Geopolitical Economy Hour

Video:

Podcast:

Transcript:

RADHIKA DESAI: Hello, and welcome to the 22nd Geopolitical Economy Hour, the show that examines the fast-changing political and geopolitical economy of our times. I’m Radhika Desai.

MICHAEL HUDSON: I’m Michael Hudson.

RADHIKA DESAI: And working behind the scenes to bring you this show every fortnight are our host, Ben Norton, our videographer, Paul Graham, and our transcriber, Zach Weisser. We all urge you to click the Like button, if you like what we are doing, share it on social media, and subscribe to our work by hitting the Subscribe button.

In our last show, which we entitled “The Debt Explosion: How Neoliberalism Fuels Debt Crises“, we promised that our next show would be about what the solution is, what is the solution to the myriad problems that we were describing. And that is indeed what we are going to discuss today.

The solution, we feel, in the United States and in all countries that have gone down the road of neoliberalism and financialization involves a root and branch reform of the financial system. And this would be the foundation for the urgent economic transformation. It will be the single largest component of the economic transformation that so many of us realize we also badly need.

We must reorient the financial system away from the sort of predatory lending and speculation that we described last time, the sort of predatory lending and speculation on which it has come to rest for the past five decades, and increasingly so over the last five decades.

It has to reorient away from that and towards lending for more sustainable production, pure and simple, and the sustainable production of the goods and services which everyone needs. This involves transforming the very basis of our money and credit system.

And given the link between the US financial system and the dollar’s world role, it would also involve ending that role and setting up an international monetary system for the world on the basis of cooperation among the different countries of the world.

Most Americans, I mean this may surprise many Americans, because they are all invited to feel rather proud of their dollar’s world role. However, precisely those who invite American citizens to feel proud of their role are hiding the fact that it is precisely this financial system or it is precisely this world role and the financial system that underpins it that has undermined the US’s productive economy and its capacity to create well-paying, skilled and meaningful jobs for most people in the United States.

Most people in the rest of the world have been asked to regard the dollar’s world role as natural and inevitable. But as Michael and I have shown repeatedly in so many shows, it is anything but natural and inevitable. It is indeed instead unstable, volatile, crisis-prone and profoundly exploitative.

The dollar’s world role has always rested, as we have argued in our shows and our writings, on an attempted and never successful imperialism, and it has to give way to international cooperation for universal development and planetary sustainability, and the international monetary and financial system that promotes production, sustainability, equality and a broad-based prosperity, a broad-based well-being, let’s say, if not prosperity.

The ultimate goal has to be economies in which money plays as small an independent role as possible, where most things are available as entitlements in kind, whether it’s food, clothing, housing, education, transport, culture, goods produced publicly and equitably and provided in adequate quantity and quality with a view to sustainability.

However, to get there from here, from our very highly financialized economies, transformations are necessary in a number of spheres.

So today we want to focus on some of the main elements of this transformation, and one way to summarize what these elements would be is we’ve tried to divide our conversation into the following topics: Who should create money? What should monetary policy aim for? How do we redesign the taxation system? What about land, rent and so on? Should we nationalize the land and eliminate rent? How should the financial system be regulated? What should replace debt? Obviously, income rather than credit. And finally, how should international money be reorganized? So that’s what we want to discuss today.

So Michael, why don’t you start us off by just offering some thoughts on what should money creation look like in the different type of economy we’re talking about now?

MICHAEL HUDSON: Well, the key word that you used was system. And a system has many dimensions of the solutions. And so all the points that you mentioned are various parts of the overall system that we’re trying to put together. There’s not one single reform that can cure the problem.

And the problem basically is that most money is issued by commercial banks, not by the government. And bank credit, as we’ve discussed in the last episode, is largely created for the wrong things. It’s created against housing to inflate housing prices. It’s granted for corporate takeovers.

One thing bank credit is not issued for is to build new factories and to employ labor and to increase economic growth. That’s the job of the government when the government treasury creates money to spend into the economy for functions that are supposed to serve society and serve economic growth.

But when a government lends money, it’s for very different reasons. It’s for the real economy. And when banks lend money, it’s for the financial overhead economy. And that’s why we would like to see all money created basically by the Treasury.

And of course, if the loans are lent out by commercial banks, if they are the agents of the government, they will get credit and the ability to issue credit from the Treasury, but really not from the Federal Reserve.

The Federal Reserve was created to get rid of the Treasury in 1913. The Treasury wasn’t even allowed on the Federal Reserve. Most people don’t realize that before there was a Federal Reserve here, all of the functions that are now done by the Fed were created by the Treasury.

And that’s the same in most countries. Every country that has a central bank is to essentially take power away from the government to spend money into the economy, to insist that the government should run a balance and not create money and force everybody to depend on bank credit for whatever they need.

And the bank credit, as we’ve described before, is not very helpful. And so money is created by running into debt for a commercial bank.

We want money created by the Treasury where it does not involve this kind of debt. There are many ways of doing it.

If the commercial banks acted like savings banks, 100 percent reserve, then they would essentially be reliant on the government to create their credit for the kind of thing that the treasury creates credit for, for growth.

And so if you look at the solution, what is the problem that you’re trying to solve? The problem is to minimize the debt overhead and to maximize economic growth.

RADHIKA DESAI: Absolutely. And just, you know, you’ve said so many interesting things, Michael, and I just, you’re prompting me to say a few things in this response.

So what are the implications of what we’re talking about here is that essentially the government would be, because it is the main issuer of money, it would be capable of lending to itself the money that it needs, whether to build roads or schools or hospitals or what have you. And for that matter, engage in all sorts of sustainability initiatives, whether it is protecting forests or transforming the fossil fuel economy into a different type of economy. All of these investments can be made. So that’s the first thing.

And so the key here in terms of the creation of money is to take away the power that has been given by governments to the private sector to create money as credit and essentially create instead money as cash on the part of the government, minimizing the role of credit and therefore also minimizing the kind of indebtedness that has been so problematic for economies.

This would then also lead to the merging of essentially fiscal policy and monetary policy, because in the sense that, you know, today the two are divided because in order to expand government spending, governments are told that they have to borrow from private creditors. This will no longer be the case.

And finally, thirdly, you know, central banks, you know, a lot of people, I mean, I’m against what the Federal Reserve has been doing for a very long time. But having said that, central banks are necessary because there has to be some institution that mediates the relationship between the national currency and the currency of other countries.

So typically, historically, central banks have had three roles: number one, to maintain the external value of your currency; number two, to set the interest rates; and number three, to regulate the financial sector.

So obviously, the first function is, of course, important. And the way in which it will be different in the scenario that we are talking about, the kind of anti-financialization scenario, is that the maintenance of the external value of the currency would not just be governed by the need to keep the value of the currency high in order to enable rich people to benefit from it. Sometimes devaluation may be necessary because that is what will be necessary to expand employment, etc.

As far as setting interest rate is concerned, the simple fact should be, as the old adage goes, credit should be cheap, but not easy. And I think that’s the way in which this should be run.

And finally, the whole regulation of the financial sector, I mean, this is exactly where the Federal Reserve in particular, and many other central banks that have permitted vast degrees of financialization to occur, have essentially abused their power. Because instead of regulating the financial sector in the interest of a productive economy, they have regulated it in such a way as to permit financialization and predatory lending.

And the whole nature of financial regulation will have to change radically, and go back to something like what it was in the aftermath of the Depression-era banking legislation that was implemented in the United States.

MICHAEL HUDSON: Well, you pointed to another product of the banks, and that’s junk economics, pretending that the bank credit fuels economic growth and that it does so in a way that promotes stability.

But what it really does is financial parasitism, a debt overhead. You mentioned cash, and that you want to replace the bank credit with cash. What you mean, basically, is like the paper money in your pocket.

The government would spend the equivalent of paper money by any kind of government-created credit through the Treasury or through Treasury banks, or even by commercial banks acting like savings banks with the savings coming from the government.

The distinguishing feature of the paper money you have in your pockets that’s different from bank credit is the paper money doesn’t have to be repaid. Nobody is going to somehow repay your currency and say, I’m going to cash it in. You cash in a $10 bill, you get two $5 bills. But bank credit does have to be paid and comes with interest.

The Treasury credit does not have to entail this huge increasing debt overhead that banks create. That’s basically it. It’s this debt overhead that actually, as we will discuss later, deflates the economy instead of inflates it.

Bank credit inflates prices for assets, for houses, for stocks and bonds. But it deflates the economy by making people spend more and more of their income on debt service to buy the higher-priced houses or to buy the higher-priced retirement income that the banks bid up.

RADHIKA DESAI: Michael, I think that you’re absolutely right that this is exactly what’s going on right now. However, in our past programs, one of the things we have emphasized is that, historically, this was not the case even in the United States in the immediate post-War period. It was a very different type of banking system which did lend for productive expansion.

And it’s only really sort of in the ‘60s and particularly from the ‘70s onwards that the kind of deregulation we have witnessed have converted the bank lending into lending essentially for mortgages and the kind of lending you’re talking about.

And of course, the other thing we’ve emphasized is that historically in countries like Germany or Japan or China today, the banking system is very different. And it is geared not towards lending for mortgages, et cetera, alone, but rather lending for productive activities. And so there is a different model. And that’s the model that we need to go for.

I just wanted to add one other point, which is that, of course, when you talk about increasingly taking away the right, [or] the franchise, that has been given to private financial institutions to create credit, create money in the form of credit.

One of the subjects that has become increasingly discussed these days is, of course, that today we can, in fact — the system of government creating money can be made far more efficient thanks to information technology, which is why so many central banks are looking at central bank digital currencies.

Now, the thing to remember about anything you read about central bank digital currencies is that a large part of the discourse is affected by the need to placate the financial sector, which would be wiped out — the private financial sector would be wiped out if you had central bank digital currencies. And I’ll explain why in a minute.

But so it’s either those who are trying to sort of create the world in favor of it, but they are afraid of the power of private finance. They articulate their discourse in a way as to placate private finance. And of course, private financial interests are dead set against the creation of central bank digital currencies.

But on the other hand, precisely because other countries, countries like China and so on, are going to look at it and may well be in the forefront of implementing it. Other central banks have to look at what’s being done and look at its potential. So this is what you have to understand.

Now, the reason why the private financial sector is dead set against creating central bank digital currencies is very simple. Historically, the existence of a private financial sector has been justified by saying that, well, the central bank cannot have, you know, a presence in every locality.

So the idea has been that in order to create a dispersed financial system, you should have private, you should allow private banks to set up shop wherever it is needed. And all you then have to do is regulate it. And we’ve seen what has happened to that regulation, particularly over the past five decades.

But now, essentially, information technology allows every person to have an account directly with the central bank. And therefore, the central bank can essentially regulate, central banks can essentially regulate the money system in a much more tactile way than was ever possible without the intermediation of private interests.

And this would also have a further effect, which is that, you know, today there is a so-called financial exclusion. A number of people who are excluded from having bank accounts, etc., they would be included. And there are a number of people who are excluded from participating in payment systems like credit cards and so on, because they are unable to get them.

But if the government creates a payment system, then everybody could use it without the sort of usurous credit card charges that are essentially charged by central banks.

So, in this way, central bank digital currencies can be part of the solution.

MICHAEL HUDSON: Okay, next topic.

RADHIKA DESAI: Okay, next topic. So, what should monetary policy aim for?

MICHAEL HUDSON: Well, we were going to, the monetary policy has to go hand in hand with tax policy. It always does, because what gives money its value is its ability to be accepted in payment of taxes.

One of the problems is that banks have led the fight for the last 100 years against progressive taxation. And the result has been that banks have united with the landlords and monopolies to create monopolies to finance an absentee ownership class.

And essentially, instead of following the classical economics that we discussed last time, Adam Smith, and John Stuart Mill, and Marx and the others, instead of making economic rent the basic tax base, land rent, monopoly rent, and financial rent, the banks have led the fight to untax real estate and to untax land because they know, they say, there’s all this economic rent, this free lunch, the advantage of price over and above the cost of production, purely empty prices, monopoly prices, when monopolies raise the price of your pharmaceuticals or when stores raise the price of groceries, the banks want all of this monopoly rent for themselves.

And so if the government were to pursue anti-monopoly regulations, or if it was to do the classical policy of taxing the land, then there would be two results: number one, the land tax would not be paid to the banks and not be capitalized into higher housing prices; and number two, the price of housing would be kept down, the price of monopoly goods would be kept down, the price of doing business would be kept down because this excess economic rent, which means empty pricing, which means free lunch, would not be paid to the banks as its major source of income.

And we’ve talked before, last time, about how 80% of bank loans are mortgage loans. So the whole idea of progressive taxation is not simply taxing incomes higher, it’s taxing a particular kind of income higher, bad income, unearned income, economic rent income, not wages, not corporate profits.

The original American income tax in 1913, along with the Federal Reserve, didn’t tax wages, and it didn’t tax normal small businesses. It taxed the wealthy bankers and the wealthy real estate owners and the monopolists. And the last century has been moving away from this because banks became the mother of trusts, as they used to be called. Banks became the main fighters against any kind of economic progress toward the kind of free markets that the classical economists talked about.

So we’re not going to go into value, price, and rent theory here, but if you’re looking at the principles of credit reform and bank reform, you want to ask, how does this affect the relationship between the prices that people have to pay and what it actually costs to build a house? The land is provided freely by nature. The locations are more valuable than others. But banks don’t create this money, but they get all the rent for it, just like before the 20th century, landlords used to get all the rent for it.

You want to fulfill the fight that the classical economics had to free the economies from the legacy of feudalism. Banks want to restore a kind of feudal economy where the richest people live off rent, rentiers. They live off interest, off landlord rent, and monopoly rent. And you want to get rid of that, and that’s what makes socialist economies so much more cost-efficient than finance capitalist economies. There are hardly any industrial economies anymore, except for the socialist economies. And if you want to say, what is a socialist economy? It’s an industrial economy free of the rentier class.

RADHIKA DESAI: Well, exactly, and this reminds me of a point that I made earlier, and this is very, very important. Just as you pointed out, these days, bank credit is designed to inflate the value of already existing assets. And in fact, in doing so, it tends to strangulate the production of new goods and services, which people need. So I call this a form of necromancy, the love of the dead, because the already existing goods whose values are being inflated, whether they are houses or fine wines or pictures or what have you, this is dead labor. And in order to inflate the value of dead labor, you are strangulating the exercise of living labor without which no economy can prosper. So that’s one point.

And before we move away from the issue of monetary policy, I just wanted to also share my screen once again and just remind people of how absolutely awful monetary policy has been for such a long time. So this is just a graph of U.S. interest rates and historically from 1955 onwards. And you see that there have been various periods of very high interest rates. This is us right here with the big increase in interest rates.

And all these increases in interest rates have been designed to strangulate the economy, to induce recessions, so that the value of existing money and of existing assets will be preserved rather than being undermined in any way. And this is precisely what we have to avoid.

And this type of policy is followed because it is believed, as Milton Friedman claimed, that inflation is everywhere and every time is always and everywhere a monetary phenomenon. That is to say, it results from creating too much money. So you have to stop creating money. You have to decrease money supply, increase interest rates and essentially strangulate the economy.

In reality, inflation is a supply problem. And if prices of certain things are going up because there is not enough supply, the best thing a government can do is to organize the supply, either incentivize the private sector to produce it or go into the production of those goods and services on its own. And this is the way to deal with inflation, not by strangulating the economy, as has been done in the past.

And as we are continuing to do so, one of the things you will have noticed is that even today, Jeremy Powell has said that he would like to decrease interest rates, but he’s not sure exactly when. Why? Because the U.S. economy is doing too well. I mean, consider the absolute, how can you say, obscenity of this. But that is what monetary policy is doing right now. And again, in the kind of economy we are talking about, the economy which will solve these problems, we will not have that kind of monetary policy. We will instead recognize that inflation is not always and everywhere a monetary phenomenon, that it is a phenomenon bound up with production and it will be attacked as such.

Michael, do you want to add anything else to the monetary policy matter before we go on to the next question?

MICHAEL HUDSON: Yes. The reality is just the opposite. The deflation is everywhere a monetary problem. The function of Milton Friedman and the Chicago School is to make sure that people are confused and do not understand how the economy works. You want to produce students that end up like Paul Krugman, not people who understand what Radhika and I are taking.

You can say just as well that increased money creates deflation. How does this work? If most bank credit is created to increase the price of housing, to lend against houses and raise the price of housing, that is going to increase the amount of money that people have to pay for housing.

From 1945 to 1980, 25% of American income was what you would pay for a mortgage or for rent. Today it’s up to 43%, guaranteed by the government and even higher for many people. If you have to raise the amount of your income from 25% to 43% to pay the banks for mortgage credit, you’re going to have to cut back your spending on goods and services accordingly.

In the 1930s, this was called debt deflation. Everybody knew what it was. Irving Fisher wrote a great article on debt deflation. My book, Killing the Host, describes debt deflation. The banks try to say, no, no, money inflates the economy and our credit helps employ labor and raise wages, but when we create too much, meaning when wages go up, then we have to step it back down. The worst thing that can happen to an economy for a banker is for wages to go up. The banker wants wages to go down, so the banker wants all the money to be paid as interest in the economy.

Somehow they can turn everything upside down. What you get in the press and the politician speeches is an inside-out economics, not realizing that bank credit deflates the economy, causes unemployment, and that’s how the Federal Reserve manages the banks to make sure that wages don’t grow, that housing prices grow, that rents grow, that money paid to the banks grows, but not money paid to labor or to industry. Because if you had industrialization, if America was still a manufacturing economy, there would be higher employment for labor, and that’s not what the class war is all about in a financialized economy.

RADHIKA DESAI: Exactly. Just one side point, Michael. You and I were discussing this a few days ago. You had written a book called Junk Economics, and you were doing a search on whether you were the first to use the term junk economics, and you found, no, somebody else had used the term before, and guess who that person ended up being? It was me.

The reason I’m bringing this up is because I wrote this book, Geopolitical Economy, in which a large part of my narrative actually rests on reading the economic reports of the president. As the U.S. economic policy became more and more essentially neoliberal, financialized, etc., which could not be justified on any sane basis, the economic discourse emanating from the highest places of the administration could be seen to be visibly deteriorating. It made less and less economic sense. I used the term junk economics when I was giving a presentation based on chapter 9 of that book, which covered the George Bush Jr. period, and I said that by this time the level of irrationality of economic policy had risen to such a great extent that essentially what was essentially a bubble economy was justified as being just perfectly fine on the basis of what I call five tall tales, that the highest, best-paid economists of the country were telling Americans and the rest of the world why they should keep investing. This is essentially when you create a junk economy, then you need junk economics to justify it, and that’s what we’ve had so far.

Having said that, Michael, you already have touched on our third question, which is how do we redesign taxation? I think you have some really important things to say about this, so go ahead.

MICHAEL HUDSON: As I said, should I repeat myself? You want to tax economic rent, not value. Value is created by labor. You don’t want to tax labor, because if you tax labor, the employer has to pay a higher price, and if the price of labor is what determines what goods industrial products are sold for, the more you tax labor and the more you tax industry, then the less competitive you are in the world, and you lose out to countries like Asia or countries that are not post-industrialized, but continue to industrialize. That’s basically it.

Interest is an element of cost. Debt service is an element of cost. If you have to pay higher interest, then, of course, this is the cost of production, and the American economy, by being taken over by the banks, has made itself so high-cost an economy that that is what has de-industrialized the economy. The only way that you can re-industrialize the economy is to prevent all of this unearned income, this free lunch income, the land rent, the interest charges, the monopoly rent. You want to prevent that from being subsidized by the politicians that are put in place by bank contributions so that all of this rent can be paid to the banks.

If there is unearned income, obviously some houses and some locations are going to be better. You want this to be the tax base. If it’s the tax base, it’s not going to be capitalized into higher prices.

RADHIKA DESAI: You mean a land tax?

MICHAEL HUDSON: Yes, a land tax primarily.

Also, you don’t want to charge for student loans. You don’t want students to say, OK, I want to get a job, I’ll go to college, I’ll pay $40,000 a year, and I’ll come out owing so much money that I can’t afford to buy a house and I can’t afford to buy many of the goods and services I produce. They’re not even producing many goods and services because those are basically industrial services and they’ve all been moved offshore.

It’s not that foreign countries have stolen this industry. It’s that America said we don’t want industry that employs labor because you’d have too high employment and you’d have high labor prices and we’re running the economy and we want the money, not labor. We bankers and monopolists and billionaires want all the money for ourselves, not labor. That’s why we’re moving it offshore to keep wages down because we want a low-wage economy. That’s what we call an efficient economy, an economy where people can’t afford higher education, an economy where people can’t afford housing because they’re paying us. They take out student loans that we get the money from. That’s the kind of economy that economists say is efficient. Another word for it is race to the bottom, and that’s the kind of economy we have.

RADHIKA DESAI: Absolutely. And just one final point on redesigning taxation. What Michael is saying essentially is that instead of taxing earned income, particularly labor income, what should be taxed is land, and that should be the main basis on which— and the rationale for this is very simple.

Basically, land becomes more valuable not because of anything you’ve done. Imagine I own a piece of land. I have absolutely no idea. Maybe it’s in a sleepy, faraway place in the country, and it’s really worth very little. And then somebody discovers that there is some new mineral that can be found on my land. Well, with me having done nothing to earn it, suddenly I become the beneficiary of a vast inflation in the price of my land. And ideally, since this discovery itself is a result of broader social processes, society as a whole should benefit from the increase in the value of the land, and that’s why the land tax makes sense.

I mean, you can have other scenarios as well. You can have a scenario in which imagine that I bought a piece of land for next to nothing, and then 10 years down the road, the government decides to put a bus route near it or put a railway line near it. Suddenly the value of my land would go up for my having contributed nothing because of broader social processes. So on the whole, the value of land tends to fluctuate as a result of this. And so neither should people not unduly benefit from such increases in valuations, and nor should they suffer from decreases in valuation. And that’s why a land tax makes sense, because the increases and decreases in the value of land is a result of broader social processes for which the government should take the benefit and also the hit. So I think this is one thing.

And the only other thing I would say about taxation is that, of course, in the first instance, we want progressive taxation. That is to say that the absurd and obscenely high incomes and wealth of the people we have become so rich on the basis of the last 50 years of economic policy should, of course, be taxed.

But in the long run, the aim should be to depress the differentials in wages as well. There’s absolutely no reason why somebody should make hundreds of times more money than somebody else. It simply doesn’t make sense. They’re not a hundred times better. They’re not hundreds of times more intelligent. They’re not working hundreds of times harder, etc., etc.

Michael, please.

MICHAEL HUDSON: Modern monetary theorists, as you know, say that it’s not necessary to tax, that the government can simply create money without taxing. But even if the government could create money, there’s a good reason for taxing. Some taxes are necessary because taxes prevent unearned wealth from being created.

For instance, here in New York, they spent a few billion dollars on extending the subway on the Upper East Side a few miles in a very high-rent, high-housing district where a lot of wealthy people live. When the subway was finally built along 2nd Avenue, housing prices and rents went up all along the line. So all of a sudden, the landlords got a free lunch. Radhika was just talking about landlords getting money for nothing. This is an example. They got a free lunch. The city could have said, OK, by building this subway line, we’ve created a much higher valuation for rents because people now don’t have to walk so far to the subway and they’re willing to pay for that. But instead, the transit authority raised the fares and stopped paying money to maintain the switches throughout the system. The system throughout all the rest of the city decayed. Fares went up, and the city did not recover this money from the absentee landlords who made a killing off the $2 billion that America paid.

You don’t want people to make money that way. You don’t want money to be taken by people who will then bribe the politicians or not bribing, but contribute to their political campaigns and mounting attack ads on their opponents and distort the economy. So the failure to tax economic rent, the failure to tax land rent and bank financial gains is you let a class develop whose economic interests are in fighting against the economy as a whole and turning the economy into getting wealth by unearned income, getting wealth by financial maneuvering and by rent-seeking, as economists say, not by actually producing labor and raising living standards, not by industry and improvements in productivity, but essentially not reinvesting in long-term development, research, and the kind of investment that the countries that are actually growing.

And if you look at what the Asian countries are doing, they’re avoiding this. The Asian countries are doing exactly what Adam Smith, John Stuart Mill, Marx, and the other classical economists defined as a free market. America’s going back towards the kind of 17th, 16th, 13th century. We’re going back to feudalism, not moving out of it.

RADHIKA DESAI: Yeah, I’d only say, by the way, that I personally tend to avoid using the term feudalism for our economic system, because it tends to let capitalism off the hook. I mean, this is what capital, senile capitalism looks like. And so we should, you know, but it’s a terminological problem.

Now, our fourth point was nationalization of land and elimination of rent. And I think we’ve kind of covered that as much as possible. I just wanted to make one small point, which is that, you know, which matters for ordinary people, because a large part of our lives are dominated by things like long commutes. Long commutes happen precisely because of the unfair process of some people benefiting from the increase in the value of land, which again, they have nothing to do with, and essentially pricing people out of living near where they work. And a rational land policy, which would be possible if you had nationalized land, would actually enable people to live near where they work and not suffer from this kind of long commutes and all the distortions of life that that brings, and of course, distortions of productivity that that brings. So it would also be a solution that you’d have a rational location policy, rational location of workplaces, housing, and of course, a rational transportation policy, as a consequence as well.

MICHAEL HUDSON: This is exactly what’s happened in London. Now they can’t afford to live there anymore.

RADHIKA DESAI: Exactly. Okay, so our fifth point was financial regulation to prevent speculation and predatory lending. So do you want to start off with anything there?

MICHAEL HUDSON: Well, basically, speculation is a function of how much credit will the Federal Reserve let banks lend against. Donald Trump could buy huge swaths of real estate for putting down no money at all. And most of the private capital companies are able to say, here’s a profitable company like Sears Roebuck, or Toys R Us, lend me the money to buy it, and I will pay you interest on it, and I’ll buy it, and I will immediately essentially break it up into parts, sell it off, fire the labor force, squeeze labor more, and then leave a bankrupt shell, but you, the banker, and I can get rich off this. That’s basically speculation.

Speculation is making money financially by dismantling an industrial economy. Speculation is taking over a company, borrowing money, using the money to pay out as dividends, using the money for stock buybacks. Speculation is when you buy a company and say, well, look at a company like Boeing. Why is this company spending so much money on engineering aircraft? Let’s not develop a new aircraft. Let’s just take the money that we’re getting already and pay it out as dividends, make stock buybacks, pay it to ourselves, and of course the company is going to go bankrupt and end up crashing in time, but that’s not our problem because we’ll become billionaires by the end of that. We’ll make the banks rich. We’ll get rich. Who needs investments? Let’s just run it all down to the ground.

The whole economy is looking like Boeing right now, and what they’ve done to Boeing, what they’ve done to General Electric has become the model of how to de-industrialize and wreck an economy. They call it speculation, but it’s really debt leveraging. It’s really loading a company down with debt and using its income to pay debt service, not to invest in new capital formation.

RADHIKA DESAI: You know, you say such an important thing about Boeing. Honestly, I remember reading in the Financial Times recently, just as these scandals are coming out about Boeing, that for the last several decades, actually engineers have been refusing to work for Boeing because it’s no longer an engineering firm. It’s a firm that values extraction of value out of whatever carcass is left of that firm and does not emphasize engineering good airplanes as it once used to do. So, this is really quite an interesting point you make.

Several other quick short points. Number one, you know, just a very basic thing, you know, you were talking about how this speculative activity, it happens in a kind of club-like environment. And that reminds me that one of the things I always like to say is that people think that credit relationship is a market relationship. It’s not a market relationship. A credit relationship is effectively a social and political relationship in which you give credit to those who you know. And every model that has been created to try to replace that has essentially either not been practiced by the financial institutions or it has led to huge problems. So, I think that’s the first thing I want to say.

The second thing I want to say is that the best way of preventing speculation was already found and it was found in the United States and it was called the Glass-Steagall Act. And the Glass-Steagall Act said something very simple. We are going to back those parts of the financial system that do not engage in speculation with federal deposit insurance. And if you want to engage in speculation, fine, you can do that. We’ll let you do that, but you do it on your own dime. You do it at your own risk. If you lose money, the Federal Reserve is not going to come and the Federal Deposit Insurance Corporation is not going to come and rescue you. And I think that was fair.

And they didn’t stop speculation, but it sure contains speculation to a very, very small number of people and a very small amount of money, et cetera, et cetera.

But beginning with the repeal of Glass-Steagall, and before it was repealed, it was also softened up quite a bit, beginning with the repeal of Glass-Steagall, the Federal Reserve has created a situation in which the big banks, which sit on your and my money, the billions and billions and trillions of dollars, which are made up of your and my small deposits can be thrown into the market for speculation. And as a result of that, what most people don’t realize is that in 2008, all the small boutique banks that used to be the speculative banks, not protected by the Federal Deposit Insurance, were wiped out by the big commercial banks, which were now backed by the Federal Reserve, even though they were engaged in speculation.

I mean, so we know how to do it. We can do it. And I think that it would be not that difficult to do it.

A final point I want to make, you know, we’ve always emphasized that the problem with the financial system is predatory lending and speculation. And I think that, you know, we have had two very distinct periods in the history of neoliberalism and financialization. In the 1980s and 1990s, interest rates were relatively high. And there, basically, you just made money if you had a lot of money, because essentially, you were being paid lots of money just to sit on it with high interest rates. So in that sense, that was one type of, and of course, those who borrowed money paid through the nose for borrowing that money. So it was an era where predatory lending was much more, I mean, still happens, but it was sort of in the lead.

In the, after 2000, what you got were long periods of very, very easy credit, easy monetary policy. And that is what essentially fueled speculation, because it was easy to borrow money. And you, you know, if the margin was, you know, 0.0001%, on that margin, if you just put in a few thousand dollars, you’re not going to make more than a couple of bucks. But if you could throw in millions and millions and billions of dollars into the trade, then you could make a lot of money. And that’s the two different types of economies we had. And all of this is easy to regulate. It’s just a question of finding the political will to do so.

MICHAEL HUDSON: Well, you use the word market, and that people don’t realize that every economy is some kind of a market. Ancient Babylonia had a market. Briggs and Rome had a market. China has a market. Even Stalinist Russia had a market. The question is, what kind of a market are you going to have? And what’s the relation between prices and the cost of production? And who gets the income? Labor, capital, landlord?

And today, almost all the economists say a market is something where the bank, where the government doesn’t do anything. It’s a free market, meaning the billionaires control the economy. The government will not regulate them. The government will not try to steer credit to be productive. The government will not help the people. It will help the 1% exploit the people. A free market is an economy won by the 1% in an oligarchy where democracy has either no role to play, or if you let the people vote, they don’t understand how the market works and how to create an economic alternative.

So what we’re really talking about in this broadcast is, what kind of a market do you want to have? And where does finance fit into this market? Where does tax policy fit into this market? And how do you then create an alternative?

Well, any economist, Paul Krugman or the New York Times or the entire Council of Economic Advisers will say, with Margaret Thatcher, there is no alternative. But of course there’s an alternative. And that’s what our program is all about. Every few weeks, we’re trying to outline an alternative that it doesn’t have to be this way. Economists say it has to be this way if you want a free market, a free market for the 1% to take whatever they want, to control the banks, to control real estate, to create monopolies, and to extend this all throughout the world so that there’s no country in the world that has a different kind of a market to show that there is an alternative. That’s really the geopolitics of our analysis of how an economy works. And every economy is a market. The question is, do you want an oligarchic market, a democratic market, a productive market, an industrial market, or a financialized market?

RADHIKA DESAI: Exactly, Michael. So well put.

Okay, so our sixth point is expansion of income in place of debt. And my point here is a very simple one. At the moment, we have, over the last five decades and more, we have created a financial system which prioritizes, which strangulates ordinary people’s income and instead invites them to expand credit, to become debtors instead. The kind of economy we are talking about would not do that. It would in fact leave the government free, either to encourage private enterprise or itself engage in the types of investments that will be necessary to increase the incomes of ordinary people. You have what you have by right. The government creates the kind of conditions in which you are able to make a contribution and make a good income, the kind of income you need for a decent standard of living. And the root and branch reform of the existing financial system is the conditio sine qua non of this kind of system. We have to eliminate it if we want to have a kind of economy in which we are capable, every society is capable of producing what it needs, employing its labor to good effect, and so on. So to me, that’s the most important thing to say about this point. Yeah, you agree.

So a final point is the point about international money, moving from the dollar disorder to an international monetary system based on the kind of proposals that Keynes had made. So essentially, maybe just to start us off on the discussion of this, these are the main elements Keynes had proposed to create. Let me just begin with the center and then we’ll move to each one of these things.

But essentially, Keynes proposed to create a new currency. It was not going to be the currency of any country. All countries would continue using their national currencies. But this bancor would be used among central banks to settle imbalances. So if one country imported more from another country over a given year, at the end of that year, if you are clearing the balances, then that country owed a certain amount of bancor to the other country, et cetera, and so on. So bancor was the key thing I want to emphasize here is that bancor was not to be used in ordinary daily transactions. For that, every country would continue using its own currency. Bancor was only international currency to be used by central banks.

MICHAEL HUDSON: Yes. Obviously, something like that should be used today. There are two alternatives. One is the International Monetary Fund special drawing rights. They created an artificial currency, and they did it because the United States said, we’re running a budget deficit because we have 800 military bases all over the world, and we can’t afford them. Give us enough money. But of course, you can’t give us money. In order to give us money to have our military bases to control the world, to make sure there’s no alternative to our kind of free market, you have to give other countries the ability to special drawing rights, too, so that the IMF can lend money to Argentina and the global south so that they can pay for the banks for the balance of payments deficit from following the kind of warped economic growth that the World Bank sponsors, privatization and dependency on American exports.

What we want is indeed an international currency to be used, but it’s not going to be to enable debtor countries to pay the American and European banks. It’s not going to be a currency to finance American military spending. It’s going to be a currency that people will not have to keep their money in dollars anymore.

Imagine you’re Saudi Arabia, and you’d say, we’re getting a lot of pressure from our Palestinian population to support Gaza. But if we support Gaza and don’t support the United States, they’re going to grab all of the money that we keep in the United States. They’re going to do to us what they did to Russia. The United States can grab any country’s foreign reserves if they support a policy that the United States doesn’t support militarily. We need an alternative that is not controlled by the American military and by the American neoconservatives.

Countries do need credit, just like the economy needs credit that we’re urging should be created by the Treasury. What Keynes suggested is the equivalent of an international treasury, but that would lend money for the things that treasuries are supposed to create money for, to promote economic growth, not military spending, not trade dependency, and not a debt-ridden international economy, which is now breaking apart as a result of the last 75 years of IMF and World Bank lending.

RADHIKA DESAI: Great points, Michael. Let me just emphasize one quick thing, though, about SDRs, special drawing rights of the IMF. The problem with SDRs is that while in some respects it looks like a bancor, in a key respect, it is not like bancor, maybe in two key respects. Number one, because it is issued by the IMF, it is still under US control because the US still retains a veto in the IMF. So that’s the first thing.

And the second reason is that, of course, thanks for historical reasons, the IMF and the World Bank are deeply implicated precisely in the US-based financial system, whereas a proper bancor would be extricated from the extremely unproductive, predatory, exploitative, speculative US-type financial system.

You also mentioned, Michael, not creating trade dependency. And another feature of the principles that were embedded in Keynes’s idea of a bancor was the principle of creditor adjustment. Today, we have a situation in which if you are a trade deficit country, you are the one who is forced to adjust. If you owe money, if you’re a debtor country, you are the one that is forced to adjust. But Keynes said that one person’s deficit is another person’s surplus. One country’s deficit is another country’s surplus. And therefore, the two are co-responsible for that situation, and the two must cooperate in order to get out of that situation.

So, for example, take Germany and Greece as a classic example of a persistent surplus country and a persistent deficit country. Germany and Greece have to come up with an agreement to end these persistent imbalances, deficits on the one hand and surpluses on the other, either by Germany investing in Greece, in the Greek economy, in a way as to make it capable of producing more things, which Germans can then buy from them, or by reducing its deficit. Have one way or the other. So, creditor adjustment for both trade flows and capital flows was a very, very important principle.

MICHAEL HUDSON: Well, we’ve just solved the world’s problem.

RADHIKA DESAI: Well, we still have a couple of other points here. So, anyway, let me just discuss the rest of this and then give it over to you, Michael, for whatever else you want to say. So, a third principle was, of course, that there should be capital controls. That is to say, governments and central banks should be able to monitor and control the inflows and outflows of large amounts of money with a view to ensuring that what was happening would not harm the economy.

So, for example, the kind of inflows of hot money that gave rise to the East Asian financial crisis in 1997-98 would not happen, would not be permitted, etc. So, capital controls were a very, very important principle and that would have to be accepted. And all capital flows that are flowing in and out of the country would be based on what is good for that economy.

The price of Bancor, the value of Bancor was to be set on the basis of the 30 most traded commodities. Today, we may expand the list, maybe 50, 60 commodities, but whatever. The idea being that the prices of commodities, that is to say, primary commodities like wheat or copper or gold or what have you, these were the prices that were the most volatile. And if the value of the currency was based on that, oil, of course, was based on that, then this would provide a kind of stable and acceptable value to the commodities.

And finally, the whole system was to be run — Michael mentioned the equivalent of a treasury. That equivalent was to be the International Clearing Union, which would be a multilateral agency agreed by all countries on the basis of, you know, and whose principles would be to prevent persistent surpluses and deficits and where there were surpluses and deficits, essentially to tax them, both surpluses and deficits, in order to provide financing for development. So, these were some of the principles that Keynes brought to Bretton Woods.

This, if they had been implemented, they would have actually led to the creation of a permanently expansionary world economy because it would have allowed every country to govern its economic fate. But of course, precisely because of that, the United States essentially nixed his plans. And every time there’s a big economic crisis in the world, people recall the sensibleness of Keynes’ ideas.

MICHAEL HUDSON: Well, these ideas that we’ve discussed were all discussed 75 years ago. And there were big political arguments about them. I’ve summarized them in Super Imperialism, a chapter on this. And the result of the way that the world economy was malstructured by rejecting Keynes’ idea was the United States did not want to have economic balance. It wanted all the money for itself. The United States said, we’re the world banker. What does a banker do? The banker impoverishes the rest of the economy to get rich. That’s why you’re a banker. And that’s what we’re going to do. We’re going to create an economy, especially to the World Bank, through diplomacy, through military spending, and especially by regime change, so that raw materials prices go down. We’re not only fighting labor, we’re fighting the third world raw materials exporters. We’re fighting the copper producers. We’re fighting the agricultural producers of warm climate tropical crops that we import. We’re fighting everybody who supplies us with what helps our economy so that we can get rich, not them. We can get rich in America and our satellites in Europe by keeping the global South poor, and by keeping Asia poor. There’s not going to be any kind of bancor. There’s not going to be any creditor responsibility for not monopolizing the world gains, because the economic system we want is all about monopolizing the world gains, and that’s what the dollar standard has become.

All of this was foreseen 75 years ago, and because of America’s power after World War II, it was able to establish this regressive, exploitative, unfair economic system that finally today, for the first time, the world is looking back at these principles and saying there is an alternative, while the United States educational system tries to convince economic students that there is no alternative, and the military and the neocons want to say, hey, if you got an alternative, we have some people who can take care of you and have a regime change.

RADHIKA DESAI: Quite so, and you mentioned imbalances, Michael, and one of my favorite points, you reminded me of one of my favorite points about Keynes’s bancor system and the current dollar system. The dollar system relies on imbalances. The greater the imbalance is, the more there will be a demand for dollars, etc., etc. Whereas the genius of Keynes’s — and of course, imbalances create volatility, create crises, and all these things we’ve discussed, all these things in previous shows — the genius of Keynes’s idea was actually that if you reduced imbalances, then the actual amount of bancor that would be needed to make the system work would actually be as little as possible, you know, because ideally, think about it, if you buy $100 worth of goods from me and I buy $100 worth of goods from you, there is nothing, we don’t need money to settle imbalances. The only reason you need bancor is when there are imbalances, and the idea was to reduce imbalances, and the purpose of this was that, again, with credit adjustment, Keynes basically said that, look, if you’re in a stronger position, you should be able to help your partner who is in a weaker position to become productively stronger. That was the whole point, and I would say that it still makes a lot of sense, as you just said, Michael.

So here we are, we’ve dealt with actually all our seven questions, and I hope that we’ve given you something to think about, about the kind of economic system we could have, we could easily have. The most important difficulty is not intellectual, it is political, and as the political legitimacy and power of those who are running the system, particularly in the United States, is visibly declining, cracking, etc., now is the time to strike, now is the time to raise demands for an alternative system, much as, by the way, Jill Stein is doing in her campaign, and I should add that Michael and I are both part of her advisory team, and so please look out for it. We hope to have her on one of our shows very soon, as soon as she is able to find some time, so that we will discuss the kind of economy that the U.S. needs, and I would say if the U.S. turned around, boy, so many other problems would be solved.

So, on that note, unless Michael, you want to add anything, we will end for now, and see you again in a couple of weeks. Meanwhile, please like, please share, please give us our comments, please subscribe, and look forward to seeing you next time. Thank you. Bye-bye.

Moody’s abaisse la note d’Israël et ramène la perspective de « stable » à « négative »

L'agence de notation a également abaissé la perspective de la dette israélienne à "négative" en raison du "risque d'escalade" avec le groupe terroriste libanais Hezbollah, beaucoup plus puissant, qui opère le long de sa frontière nord.

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Le silence des damnés

par Chris Hedges. Les principales institutions humanitaires et civiques des États-Unis, y compris les principales institutions médicales, refusent de dénoncer le génocide israélien à Gaza.

Lettre à un ami paysan

Par : STRATPOL

Tableau de Jean-François Millet, peint entre 1857 et 1859, chef-d'œuvre exposé au musée d'Orsay de Paris, représentant des paysans faisant la prière de l'Angélus dans leur champ au petit matin

Tableau de Jean-François Millet, peint entre 1857 et 1859, chef-d'œuvre exposé au musée d'Orsay de Paris, représentant des paysans faisant la prière de l'Angélus dans leur champ au petit matinCher ami, me permettrez-vous de vous dire ce que je pense des manifestations paysannes actuellement encours ? Si oui, voici

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[PODCAST] Milei peut-il sauver l’Argentine ? – avec Nathalie Janson

Épisode #45

Nathalie Janson est professeur associé d’économie au sein du département Finance à NEOMA Business School. Ses recherches portent sur les questions de politiques monétaires, de régulation bancaire et les cryptomonnaies. Dans la tradition libérale autrichienne en économie, elle s’intéresse particulièrement aux alternatives monétaires et bancaires dans une perspective historique, ainsi qu’à l’époque actuelle. Elle est présente dans les médias depuis la crise grecque en 2015, et depuis 2019 particulièrement sur les questions de cryptomonnaies. 

Dans cet entretien nous parlons exclusivement des questions économiques qui concernent l’Argentine, dans le passé comme dans le présent avec la toute récente élection de Javier Milei à la présidence de la République. Enregistré le 16 décembre 2023 à Versailles. 

Pour écouter l’épisode, utilisez le lecteur ci-dessous. Si rien ne s’affiche, rechargez la page ou cliquez directement sur ce lien.

Programme :

L’économie argentine, une histoire mouvementée – 1:51

Le péronisme argentin – 3:30

Les défauts de remboursement sur la dette extérieure – 7:19

Des fonds vautours pour dépecer l’Argentine ? – 11:29

Le sauvetage par le FMI : trop généreux ou trop violent ? – 14:11

Le contrôle des capitaux puis le currency board – 18:38

Comment l’Argentine s’est-elle embourbée dans l’inflation ? – 22:52

Javier Milei : un économiste devenu homme politique – 23:59

Le programme économique de Javier Milei – 29:49

Abolir la banque centrale pour de bon ? – 34:46

Pourquoi vouloir se dollariser ? – 38:13 

Et pourquoi pas le bitcoin pour l’Argentine ? – 50:42

Pour aller plus loin : 

Pourquoi le nouveau président de l’Argentine Javier Milei n’est pas d’extrême droite – (La Tribune, 13 décembre 2023)

Les leçons du krach de 2008 – (Podcast avec Nathalie Janson)

Javier Milei peut-il vraiment fermer la banque centrale argentine ? – (Contrepoints, 8 décembre 2023)

Javier Milei face à une tâche herculéenne en Argentine – (Contrepoints, 29 novembre 2023)

Décryptage du programme économique de Javier Milei – (Interview de Pierre Schweitzer pour le Rdv des Stackers)

Cryptomonnaies, comptes en ligne, domiciliation à l’étranger… Les combines des terroristes pour accéder aux banques françaises

Les auteurs : Jacques Amar est Maître de conférences HDR en droit privé, CR2D à l’Université Dauphine-PSL et docteur en sociologie à l’Université Paris Dauphine – PSL. Arnaud Raynouard est Professeur des universités en droit, CR2D à l’Université Dauphine-PSL.

 

Par un arrêté en date du 13 novembre 2023, le ministère de l’Économie et des Finances a bloqué, pour une durée de six mois :

« les fonds et ressources économiques qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par Mohammed Deif (commandant la milice armée du Hamas), ainsi que les fonds et ressources économiques qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par M. Mohammed Deif ou agissant sciemment pour son compte ou sur instructions de celui-ci. »

Un arrêté en date du 30 novembre 2023 a adopté des dispositions similaires à l’encontre de Yahya Sinouar, le chef politique du Hamas à Gaza. La lecture de ces arrêtés ne manque pas de surprendre : comment les dirigeants du mouvement à la tête de la bande de Gaza ont-ils pu ouvrir des comptes en France en dépit du fait que le Hamas est inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne (UE) ?

En effet, un règlement du Conseil européen prévoit le gel de tous les fonds et autres avoirs financiers appartenant aux personnes, groupes et entités inscrits sur la liste du règlement d’exécution n° 2022/147. Aucun fonds, aucun avoir financier, ni aucune ressource économique ne peuvent être mis directement ou indirectement à la disposition de ces personnes, groupes et entités.

 

La voie des néo-banques

Formellement, le Hamas ainsi que d’autres organisations palestiniennes sont expressément nommés dans les textes communautaires. Il n’en est pourtant pas de même de leurs dirigeants. Les arrêtés précités ne viendraient donc que spécifier l’arsenal des dispositions européennes en désignant nommément deux des dirigeants du Hamas. Qui peut le plus peut le moins…

Quant à la réglementation bancaire française, les textes tendraient à rendre pratiquement impossible l’ouverture d’un compte bancaire par un membre d’une organisation terroriste. Pratiquement, un non-résident de l’UE qui souhaite ouvrir un compte en France doit se présenter physiquement dans une agence et présenter un justificatif d’identité et un justificatif de domicile.

La démarche est évidemment loin d’être évidente pour une personne qui vit en clandestinité. Ou alors elle doit passer par une banque en ligne (et accessible localement). En l’état actuel, ni Gaza ni l’Autorité palestinienne ne semblent bénéficier de l’accès à de tels services bancaires en ligne, à la différence de la Jordanie et du Qatar. Il est alors parfaitement possible d’effectuer des transferts en utilisant ces néo-banques. L’autorité bancaire britannique de régulation a d’ailleurs expressément dénoncé, dès avril 2022, les possibilités de blanchiment qu’offraient ces nouvelles enseignes.

 

« Know your client »

L’Autorité palestinienne ne disposant pas d’une monnaie nationale, il est parfaitement possible d’y transférer des euros ou des dollars. Et comme c’est l’un des rares endroits au monde où des transferts conséquents d’argent ont lieu en cash, les règles anti-blanchiment qui structurent le système bancaire international trouvent difficilement à s’appliquer.

À s’en tenir toujours à la réglementation bancaire française, un autre obstacle surgit :

« Lorsqu’une personne […] n’est pas en mesure d’identifier son client ou d’obtenir des informations sur l’objet et la nature de la relation d’affaires, elle n’exécute aucune opération, quelles qu’en soient les modalités, et n’établit ni ne poursuit aucune relation d’affaires. Lorsqu’elle n’a pas été en mesure d’identifier son client ou d’obtenir des informations sur l’objet et la nature de la relation d’affaires et que celle-ci a néanmoins été établie […], elle y met un terme. »

C’est le principe, exigeant désormais, du KYC_, « k_now your client » (« connais ton client »). Autrement dit, à supposer que le compte ait été ouvert, il est difficile pour la banque d’effectuer des transferts à l’étranger à partir du moment où la nature de l’opération a un lien avec le financement d’une activité terroriste. Dans le cas contraire, elle s’exposerait à des poursuites pour complicité de blanchiment. Même si le titulaire du compte n’est pas expressément visé par une interdiction, il ne peut donc pas forcément l’utiliser. Les arrêtés adoptés tiennent compte de cette situation et cherchent donc à empêcher, indistinctement, la « mise à disposition directe ou indirecte » des fonds.

 

Cagnottes en ligne et cryptomonnaies

Dans son ouvrage L’abécédaire du financement du terrorisme, la sénatrice Nathalie Goulet a recensé les différentes techniques utilisées pour collecter de l’argent afin de financer des opérations ou une organisation terroriste, tout en échappant aux foudres des instances de régulation du secteur bancaire.

L’éventail est large, et le conflit en cours confirme que toutes les techniques recensées sont mobilisées par les organisations terroristes. Il en va ainsi des cryptomonnaies en raison de la difficulté pour les autorités de contrôler leur conversion dans une monnaie ayant cours légal. Ou alors de l’ouverture d’une cagnotte en ligne par une association : l’objectif affiché est louable – le financement d’un hôpital à Gaza, par exemple ; il n’est cependant pas possible de vérifier l’affectation de l’intégralité des fonds.

Autre situation de plus en plus fréquente, le recours à des organisations non gouvernementales (ONG). Dès 2013, le Conseil de l’Europe signalait que les ONG pouvaient servir à blanchir de l’argent et financer le terrorisme. Depuis, de nombreuses structures ont adopté ce format institutionnel pour collecter de l’argent à des fins terroristes. Vouloir empêcher que des fonds soient mis à la disposition d’une organisation terroriste ou d’une personne précise implique donc un renforcement des contrôles aussi bien de certaines opérations aussi banales que les cagnottes que des structures de collecte de fonds.

 

Ambiguïté

Finalement, mais il n’est pas certain que ce soit l’effet recherché par le ministère de l’Économie et des Finances, la publication des arrêtés affiche au grand jour les failles du système bancaire français ; où l’on découvre, à cette occasion, que le régime de contrôle financier mis en œuvre n’empêche nullement un terroriste ou une personne proche des milieux terroristes d’ouvrir un compte bancaire sur le territoire français.

Nous ne savons pas si les arrêtés de Bercy auront un réel impact sur les finances des personnes concernées. Le ministère de l’Économie et des Finances n’a d’ailleurs ni confirmé ni infirmé que les personnes visées disposaient ou non d’avoirs en France, et cette ambiguïté fait courir un risque aux banques françaises.

Sur le fondement du Patriot Act, les Américains peuvent parfaitement s’arroger le droit de diligenter des poursuites à leur encontre en raison de leurs contributions au financement du terrorisme. Bref, en ce domaine, il est particulièrement difficile et critiquable de se contenter d’effets d’annonces.

Vous pouvez retrouver cet article en ligne ici.

Streaming : une taxe au profit d’une clique

Le gouvernement annonce la mise en place de la taxe sur les plateformes de streaming, en préparation depuis des mois. La loi montre le rapport de connivence entre les dirigeants et des bénéficiaires de redistributions à l’intérieur du pays.

La taxe sur les plateformes de musique finance ensuite des projets d’artistes, spectacles, et autres types d’acteurs. Les plateformes, en particulier le directeur de Spotify, donnent des arguments contre la loi…

Explique un communiqué de Spotify, cité par Les Échos :

« C’est un véritable coup dur porté à l’innovation, et aux perspectives de croissance de la musique enregistrée en France. Nous évaluons les suites à donner à la mise en place de cette mesure inéquitable, injuste et disproportionnée ».

En dépit des critiques de la part des plateformes, la taxe arrive dès l’année prochaine. Les partisans font de la communication dans les médias.

Une tribune de Télérama, de la part d’un défenseur de la loi, explique « Pourquoi la taxe streaming est une bonne nouvelle ».

L’auteur écrit :

« Le système de redistribution peut être questionné, c’est toujours sain. Mais il aurait été injuste et risqué que certains financent le CNM selon leur bon vouloir tandis que d’autres en ont l’obligation. Ne serait-ce que pour cette raison, la taxe streaming est une bonne nouvelle. »

Un autre, le président de l’association des producteurs indépendants – en somme, les bénéficiaires de la taxe – fait l’éloge de la loi dans une interview pour FranceTVInfo

Il explique :

« Il s’agit d’une taxe d’un niveau très faible mais qui concerne l’ensemble des acteurs du numérique qui diffusent de la musique en ligne. Ça va des plateformes qu’on appelle pure players (dont c’est vraiment le cœur de métier) jusqu’aux plateformes dont c’est plutôt une activité parmi d’autres. Je pense aux Gafa notamment, mais également à tout ce qui est réseaux sociaux, etc. De la même manière que ces acteurs sont déjà taxés pour financer la création audiovisuelle dans sa diversité au CNC, on va les taxer aussi pour alimenter les programmes de soutien à la musique. »

Comme avec la plupart des taxes, les bénéficiaires justifient la mesure par une allusion au bien du pays. Il requiert, selon eux, plus de genres de musique, d’artistes, et de financements pour des musiciens en marge. Sinon, seule une poignée de styles de musique ou de créateurs toucheront des revenus, disent-ils.

Il répond aux plaintes de surtaxation des plateformes :

« Il est clair que du côté des pure players, comme Spotify ou Deezer, il y a une vraie vertu dans le système de rémunération de la création. Là, il s’agit de réaffecter un petit peu cet argent à des genres musicaux qui reçoivent aujourd’hui une rémunération très faible en streaming, car qui dit rémunération très faible dit faible capacité à se financer derrière, avec un vrai risque à terme que ça nuise à la diversité de la création locale. Quelque part, ce qu’on essaye de viser, c’est la vitalité renouvelée de la filière française, du tissu de production français. Sinon, à défaut, tout le monde ira vers des genres musicaux qui sont peu nombreux mais extrêmement rémunérateurs dans le streaming. »

La redistribution revient à une taxe sur le consommateur de biens et de services, pour une utilisation aux fins des dirigeants.

 

Contrôle des financements

De toute façon, les chiffres des plateformes mettent à mal l’argument des partisans de la taxe. Un grand nombre d’artistes touchent des revenus… pas une poignée de stars de la musique pop.

Selon les chiffres partagés par Spotify, cités par Le Point, « 57 000 artistes ont généré plus de 10 000 dollars [contre 23 400 artistes en 2017]. Et 1060 artistes ont généré au moins un million de dollars [contre 460 en 2017]. »

Le site YouTube dit avoir payé 6 milliards de dollars aux chaînes de musique en 2022, en hausse par rapport à 4 milliards en 2021, et 3 milliards de dollars en 2019. Les distributions proviennent de publicités lors des vues, ou d’une part au revenu des abonnements payants à la plateforme.

Dans un marché, la création de musique et le soutien des artistes rémunèrent la réussite auprès du public. Les dirigeants veulent une emprise sur le financement de la musique. Ils prennent ainsi aux consommateurs via la taxation des plateformes. Puis ils distribuent l’argent selon les vœux d’une poignée de personnes aux commandes.

Les bénéficiaires des distributions justifient le transfert au prétexte d’un besoin chez les artistes. La taxe sur les plateformes revient à une prise de contrôle, comme d’autres interventions dans les vies des individus.

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L’hôpital en France : un secteur en mal de concurrence

Un article de Romain Delisle

Au début du mois d’octobre, Arnaud Robinet, maire de Reims et président de la Fédération hospitalière de France qui représente les hôpitaux publics, a déclaré un besoin non satisfait par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 de 2 milliards d’euros, et de 1,9 milliard d’euros pour l’année en cours, alors que le total des dépenses allouées aux établissements publics et privés se monte déjà à 98,4 milliards en 2022.

Depuis quinze ans, l’hôpital public est habitué à demeurer sous perfusion de l’État. En 2007 et en 2012, deux plans d’investissement avaient fait tripler sa dette à 29,3 milliards d’euros, qui s’élève toujours à 31,3 milliards d’euros.

C’est cette situation délétère qui a motivé la Cour des comptes à s’intéresser à la question, ainsi qu’à celle de la concurrence privé / public dans le secteur médical, permettant de constater l’incapacité chronique de l’hôpital public à investir dans sa propre modernisation, engendrant un état de vétusté de ses équipements de plus en plus problématique. Cet état des lieux tranche avec celui du secteur privé, bien que la concurrence entre les deux ne puisse, à l’heure actuelle, s’appliquer de manière pure et parfaite.

 

La situation financière des hôpitaux publics leur interdit d’investir pour se moderniser et les place à la remorque de l’État

Depuis 2006, le budget des hôpitaux publics a toujours été plus ou moins déficitaire : à la veille de la crise sanitaire, en 2019, leur déficit annuel se montait à 558 millions d’euros. Un tiers des hôpitaux réussissait à réaliser un bénéfice net, un tiers ne dégageait pas de marges sans tomber dans le déficit, et un tiers possédait des comptes dans le rouge.

Assez logiquement, en 2021, ce même tiers disposait d’une capacité d’autofinancement nette [1] négative (-816 millions) lui interdisant d’investir sans emprunter. Moyennant quoi, peu avant la crise sanitaire, en septembre 2019, l’État avait dû, une nouvelle fois, venir à leur secours via un plan de restauration de leurs capacités financières de 13 milliards d’euros, dont la moitié avait été consacrée au désendettement, et l’autre à des investissements de modernisation.

Opéré de manière désorganisée et parfois farfelue (l’ARS de Corse a alloué tous ses crédits au seul hôpital de Castelluccio), la distribution des subsides publics ne s’est pas réalisée moyennant une amélioration de la performance des établissements de santé, le taux de vétusté de leurs bâtiments (52,9 % en 2021 contre 45,5 % en 2015), et de leurs équipements (80 % en 2021 contre 76 % en 2015) continuant sa lente et inarrêtable ascension.

Lors du Ségur de la santé, l’État avait également mobilisé 15,5 milliards pour soutenir le secteur. Aux dires des magistrats financiers de la rue Cambon, les aides versées pendant la crise sanitaire ont été distribuées sans contrôle par les ARS (Agences régionales de santé) des surcoûts effectifs supportés par les établissements de soins. Par exemple, les sommes engagées liées à la réalisation des tests de dépistage du covid, soit 1,3 milliards au total, ne reposaient que sur des fichiers déclaratifs, et les CHU de Strasbourg estiment avoir reçu 13,9 millions en trop…

À l’inverse des établissements de santé du secteur privé, les hôpitaux publics n’ont toujours pas retrouvé leur niveau de fréquentation d’avant la crise sanitaire (-1,7 % par rapport à 2019) et leurs charges ont augmenté de 16,5 % entre 2018 et 2021, soit 11,9 milliards (dont 8 milliards pour le personnel). Selon l’OCDE, la part de personnel non-soignant y demeure de 33,5 %, un chiffre toujours largement supérieur à celui, de 22,2 %, observé outre-Rhin.

Les hôpitaux privés ne bénéficient pas des mêmes largesses de la part de l’État et pourtant, leur situation financière s’est mieux remise de la crise sanitaire. Selon la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), leur taux de bénéfice net s’établit à 3,7 % en 2021, en progression de 0,6 point par rapport à l’année précédente, et au plus haut depuis 2006. Les étalissements de santé privé sont donc en situation de consacrer 5,2 % de leurs recettes à leurs investissements.

 

La concurrence entre hôpitaux est imparfaite et entravée par la réglementation

Parmi l’une des sources majeures de financements des établissements de santé, se trouve la tarification à l’acte (T2A) : l’assurance maladie verse une somme fixe [2] pour chaque acte pratiqué, même les hôpitaux privés ne peuvent pas demander une participation financière du patient pour les activités purement médicales. En revanche, les hôpitaux publics perçoivent une dotation de l’Assurance maladie distribuée par les ARS, quand le secteur privé tire ses autres revenus de prestations non-médicales [3] facturées aux patients.

Le secteur public continue de se tailler la part du lion (74,4 %) en ce qui concerne les journées d’hospitalisation complète en court séjour, du fait de la redirection des patients du SAMU et de la prise en charge du transport des patients par le SMUR (Structure mobile d’urgence et de réanimation), publics tous deux.

Comme le note la plus haute juridiction financière hexagonale, du fait de la répartition des autorisations de réanimation (84 % pour les adultes et 94 % pour les enfants), l’hôpital public détient presque le monopole des urgences, ce qui pénalise ses concurrents privés. De fait, ceux-ci se positionnent sur des activités moins urgentes, reprogrammables et plus rémunératrices (53,4 % des séjours en chirurgie par exemple) suscitant, paradoxalement, l’ire des représentants du secteur public.

Deuxième point intéressant : une distorsion de concurrence s’observe sur la question fiscale. L’IGF et l’IGAS (Inspection générale des finances et des affaires sociales) avaient, par exemple, calculé une différence de 5 points s’agissant du taux de versement des cotisations sociales. Les établissements publics sont également exonérés de taxe foncière pour les bâtiments affectés aux soins, ce qui n’est pas le cas de leurs homologues privés pour lesquels la fiscalité locale, si l’on s’en tient au privé non lucratif, pèserait sept fois plus intensément.

 

Une situation naturellement inique qui ne favorise pas l’amélioration de la qualité des soins

En somme, l’hôpital public apparaît victime d’un acharnement thérapeutique de l’État qui freine sa mise en concurrence. Il faut recommander d’une part de laisser davantage d’autonomie aux établissements de santé publique, en leur permettant eux-aussi de facturer des prestations payantes aux patients ; et d’autre part de les responsabiliser en indexant leur dotation sur l’effort entrepris pour réduire les dépenses purement administratives, ce qui aurait le mérite de commencer à libéraliser un modèle économique qui en aurait bien besoin.

 


[1] Correspond à l’addition des bénéfices nets et des charges diverses d’une organisation, comprenant le montant des capitaux des emprunts à rembourser.

[2] Selon deux échelles différentes dans le public et dans le privé, mais selon le même mode de fonctionnement.

[3] Dites prestations pour exigence particulière, typiquement la mise à disposition de la télévision ou d’internet dans la chambre d’un patient ou les activités de chirurgie esthétique.

Sur le web.

Record historique du CAC 40 : pas de raison de vendre pour autant

Par Alexis Vintray.

Alors que depuis 2000 le CAC 40 évoluait sous son record historique, il bat record sur record et est aujourd’hui 14 décembre pour la première fois au-dessus des 7600 points. Même si l’économie mondiale résiste bien malgré l’inflation, on peut s’interroger sur le fait que la bourse soit ainsi au plus haut dans un contexte qui reste anxiogène.

Alors faut-il prendre ses bénéfices ? Pas si simple…

 

Le CAC 40, un indice sans dividendes

Le premier point à garder à l’esprit est que le rendement d’une action provient de l’évolution de son cours, mais aussi des dividendes versés. Il est donc essentiel, en regardant un indice boursier, de savoir s’il inclut les dividendes ou non. Le CAC 40 tel qu’on le connait généralement ne les inclut pas, seul le CAC 40 GR le fait.

Le CAC 40 « usuel » minore donc largement la création de valeur réalisée par les sociétés qui y sont cotées. En regardant le CAC 40 GR, la hausse est impressionnante :

 

Rendez-vous compte : en mars 2021 d’après les calculs du Revenu : le CAC 40 GR gagnait 25 % sur trois ans, 63 % sur cinq ans, et 124 % sur dix ans contre respectivement +17 %, +53 % et +106 % pour le Dax.

Le S&P 500 américain dividendes réinvestis reste largement devant sur toutes ces périodes. Sur 10 ans, la hausse est de… 265 %. En performances annualisées, le CAC 40 GR a rapporté 8,4 % par an sur dix ans. C’est presque deux fois plus que le CAC 40 classique (+4,3 %). En 2023, la tendance n’a pas changé et les chiffres sont dans la même veine.

De quoi laisser songeur devant les 0,5 % du livret A qu’on connaissait encore il y a peu, et qui sont le bon benchmark sur la période. Même face au 3 % actuels, l’indice boursier écrase la concurrence. Avec un niveau de risque différent évidemment.

 

Le record historique du CAC 40, c’est fréquent en fait !

Si cette hausse pourrait laisser songeur sur la valorisation des marchés boursiers, il ne faut pas oublier que les marchés financiers sont bien souvent sur leurs points hauts. Le record de 2000 a en fait été battu déjà en 2007. Puis celui de 2007 a été battu en 2015. Et depuis battu chaque année.

Février 2020 était déjà un plus haut historique pour le CAC 40 dividendes réinvestis, à près de 16 500 points. Ce record a été battu dès mars 2021, malgré la crise du covid, à la faveur des espoirs apportés par la vaccination. Depuis, l’accélération de la croissance mondiale l’a porté encore bien plus haut, à plus de 22 000 points désormais, un record comme pour le CAC 40 hors dividendes, évidemment. Lors de notre dernier article sur le plus haut historique du CAC, en 2021, nous n’étions qu’à moins de 20 000, et c’était déjà un plus haut.

Cette tendance des marchés boursiers à toujours battre leur record et à évoluer la majeure partie du temps sur des niveaux record est particulièrement visible sur le graphique ci-dessous, repris de engaging-data.com.

Les bourses comme le CAC 40 au plus haut historique, c'est fréquent !

En vert les jours où le S&P 500 (principal indice américain) était à moins de 1 % du dernier plus haut historique. En bleu à moins de 5 %, en jaune à moins de 10 % , en orange à moins de 20 % et en rouge à plus de 20 %. Vous l’aurez remarqué, le vert prédomine, et le rouge ne dure pas. Surtout, les marchés retombent très rarement à leurs plus bas d’avant la phase de croissance.

 

Attention aux biais psychologiques quand on investit

Il est humain de vouloir acheter au meilleur prix. Craindre d’investir quand on est proche d’un point haut est un biais psychologique compréhensible. Mais, on l’a vu, c’est un biais très coûteux si l’on se fie au passé.

L’explication en est simple : prédire le marché est impossible, même pour des professionnels qui y consacrent leurs journées, avec des moyens bien supérieurs à ceux de l’épargnant lambda.

Ainsi, l’étude SPIVA, qui fait référence, a montré une fois de plus en 2020 que 90 % des gérants de fonds n’ont pas réussi à faire mieux que l’indice boursier qu’ils suivent ! En cause très fréquemment, l’envie des gérants de « timer le marché ». Cela signifie parier sur l’évolution future de la bourse, généralement à la baisse. Vu que le marché est tendanciellement haussier, ne pas investir devient vite très coûteux si le marché ne baisse pas. Au final, comme le dit l’adage boursier : « Time in the market is better than timing the market ». Même en achetant au plus haut.

Le lecteur curieux pourra par exemple regarder cette vidéo intéressante de Zone Bourse :

La meilleure façon d’investir en bourse

Dans ces conditions, on comprend pourquoi il est inutile voire néfaste d’essayer d’investir « au meilleur moment ». Comme le dit un autre adage boursier, le meilleur moment pour investir c’était lors du dernier krach. Le deuxième meilleur moment, c’est maintenant.

Mais investir au plus haut peut inquiéter, et l’investisseur prudent pourra vouloir limiter son risque. L’approche consensuelle dans ces conditions est de faire un investissement progressif si vous avez une grosse somme à placer, par exemple étalé sur six mois. Si c’est le fruit de votre épargne, avec un versement mensuel régulier, encore mieux !

À lire aussi :

 

Et si vous n’avez pas déjà de PEA

Les banques en ligne sont toujours bien plus avantageuses que les banques classiques et proposent toutes le PEA. En plus, on vous donnera de l’argent pour le faire en plus des économies de frais bancaires, comme Boursorama qui aura l’offre boursière la plus complète. En termes de frais de courtage si vous investissez en bourse, Fortuneo sera probablement le meilleur choix pour vous.

Sur le web

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Israël. Une économie résiliente malgré la guerre

La guerre et la mobilisation de centaines de milliers de personnes sous les drapeaux pèsent sur l'économie israélienne. Pourtant, à court et à moyen terme, elle semble capable de résister.

La guerre déclenchée à la suite de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a cueilli à froid une économie israélienne en forme : une croissance à plus de 3 % l'an, une inflation contenue malgré tout à 3,7 %, un taux de chômage à 3,2 %, et une balance des paiements courants excédentaire de 4,2 % du produit intérieur brut (PIB) qui est la plus élevée du Proche-Orient avec celle de l'Arabie saoudite. Deux mois après, la constatation à chaud d'Amir Yaron, gouverneur de la banque centrale, la Banque d'Israël (BOI), parlant « d'un choc majeur » se vérifie tous les jours. Boutiques cadenassées, chantiers arrêtés, bars désertés, un restaurant sur trois fermés à Tel-Aviv, les dizaines de milliers d'Israéliens déplacés (du nord comme du sud), disparition des touristes européens et américains, fin de la desserte de l'aéroport international David Ben Gourion par les compagnies aériennes étrangères, exode de 300 000 Israéliens détenteurs d'un passeport étranger… L'ambiance est lourde et la déprime quasi générale.

Entre les 360 000 réservistes appelés sous les drapeaux et les 164 000 travailleurs palestiniens interdits de séjour, plus d'un demi-million d'actifs manquent à l'appel sur une population active de moins de 4 millions et dépriment l'activité. Selon la BOI, son recul aurait été de 6 % en cinq semaines à cause de la baisse des effectifs. On manque, par exemple, de chauffeurs de camion, ce qui désorganise le réseau des transports intérieurs ; l'agriculture souffre du départ de milliers de travailleurs asiatiques. Beaucoup d'habitants ont perdu leur emploi sans être mobilisés par l'armée, le nombre de chômeurs a augmenté de 264 000 selon le Bureau central des statistiques. Au total, 750 000 Israéliens auraient été retirés du marché du travail en quelques semaines. Dans un hebdomadaire financier important, le Barron's du 22 novembre 2023, Daniel Egel, directeur à la RAND Corporation, prévoit une perte d'activité de 400 milliards de dollars (372,15 milliards d'euros) dans les dix ans à venir. « C'est une menace à terme pour l'économie du pays », écrit-il.

De solides lignes de défense

C'est peut-être une vue trop pessimiste, au moins à court terme. L'économie israélienne dispose de solides lignes de défense. Son endettement est limité (60 % du PIB). Ses réserves de devises dépassent 191 milliards de dollars (177,7 milliards d'euros) et l'excédent de la balance des paiements courants (plus de 20 milliards de dollars, soit 18,61 milliards d'euros) ne disparaîtra pas en quelques semaines. Le shekel, la monnaie nationale, tient face au dollar et à l'euro, l'accès aux marchés financiers internationaux fonctionne, la signature de l'État est respectée et la situation financière du pays inspire confiance. Un emprunt de 6 milliards de dollars (5,58 milliards d'euros) aurait été conclu discrètement à Wall Street après le 7 octobre, un placement privé en euros, yens et dollars souscrit en partie par Goldman Sachs Group Inc. En cas de problème sur les marchés, la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, pourrait alimenter directement en liquidités les grandes banques israéliennes comme elle l'a fait en 2008, avec les grands établissements de quelque quinze pays, quand les marchés ont cessé de fonctionner du fait de la crise. La BOI n'a pas trop relevé ses taux d'intérêt et la bourse de Tel-Aviv a baissé seulement de 4 % depuis le 31 décembre 2022. Depuis le 7 octobre, ce recul est de l'ordre de moins de 1 % par semaine.

En réalité, Israël peut autofinancer la guerre avec ses propres ressources et l'aide américaine. « Nous sommes à même de financer l'État d'Israël y compris dans les scénarios les plus extrêmes », estime Yali Rothenberg, technocrate en chef du ministère des finances. Leader Capital Markets, le principal conseiller fiscal du pays, estime à 48 milliards de dollars (44,66 milliards d'euros) les besoins de financement israéliens en 2023-2024, dont les États-Unis supporteraient le tiers sous forme de livraisons de matériel militaire.

Aucune pression financière ne peut donc obliger le gouvernement à changer de politique, à la différence, par exemple, du conflit entre la Russie et le Japon au début du XXe siècle qui prit fin parce que les banques françaises et anglo-saxonnes refusaient de consentir davantage de crédits aux deux belligérants à bout de souffle.

Le secteur de haute technologie, locomotive de l'économie, est lui ultra performant. Avec 14 % des emplois, il assure plus de la moitié des exportations, notamment de services. Plus de 500 multinationales sont implantés dans le pays qui abrite une bonne centaine de start-up high-tech. À terme, une partie de l'activité pourrait s'expatrier vers des cieux plus cléments, mais pour l'instant ce n'est pas le cas en dehors d'un exode plus ou moins maitrisé des cerveaux entamé avant la guerre.

Bien sûr, les investisseurs s'inquiètent. L'incertitude, ennemie des affaires, est à son maximum. Dans le secteur des hydrocarbures, le gisement de Tamar a interrompu ses activités durant un mois avant de les reprendre le 9 novembre. Mais le pays le plus touché a été l'Égypte qui revend le gaz israélien aux consommateurs européens.

Le point faible des finances publiques

Le point faible du dispositif tient peut-être aux finances publiques. Avant la guerre, le déficit budgétaire était estimé pour 2023 par The Economist Intelligence Unit à 4,6 % du PIB, un taux proche de celui de plusieurs pays membres de l'Union européenne (UE). Il pourrait passer à environ 10 %. Le coût de la guerre est estimé par le ministre des finances Bezalel Smotrich à 270 millions de dollars (251,2 millions d'euros) par semaine, entre l'entretien de près de 400 000 soldats, le coût des bombes largement utilisées par les avions de l'Israeli Air Force et souvent importées des États-Unis ou du Royaume-Uni, et de nombreux manques à gagner nés du recul de l'activité et de la consommation des ménages. Une guerre longue ou sa généralisation à tout ou partie du Proche-Orient alourdirait la facture et provoquerait des tensions inflationnistes plus vives, à moins que le gouvernement n'adopte des mesures d'austérité (hausse des impôts, baisse des aides et subventions publiques…) guère populaires, même en temps de paix.

C'est le contraire qui a été décidé dans le budget rectificatif 2023 de 13,5 milliards de dollars (12,56 milliards d'euros) adopté après le 7 octobre et financé entièrement par emprunt. Un poste de dépenses inquiète particulièrement : le nombre des Israéliens évacués des frontières sud et nord du pays où les villes et les villages ont été abandonnés sur ordre du gouvernement. Ils sont actuellement environ 300 000 hébergés dans les grands hôtels du pays désertés par les touristes, notamment sur la mer Morte et à Eilat, le grand port sur la mer Rouge. Combien de temps y resteront-ils ? Pour l'instant, le front financier tient le choc, la demande d'obligations d'État et de bons du Trésor était la dernière semaine de novembre six fois plus élevée que les demandes du Trésor.

Reste un souci plus politique : le package alloué en mai dernier aux cinq parties de la coalition gouvernementale, les special allotments pour construire des écoles religieuses ou des villages de colons en Cisjordanie. Ces 3,6 milliards de dollars (3,35 milliards d'euros) font l'objet d'une âpre bataille politique entre partis ultra-orthodoxes et d'extrême droite, tel le Mafdal — sionisme religieux du ministre des finances pris entre deux feux. Personne ne veut y renoncer. Les technocrates du ministère qui ont mal accepté son maintien réclament sa suppression pour 2024. Bezalel Smotrich est accusé de fuir ses responsabilités et de mettre en péril l'avenir des finances publiques israéliennes, lesquelles, en attendant, tiennent le choc.

Olaf – Maître de l’obstination têtue, par Ulrike Reisner

Par : Rédaction

Dans plusieurs rapports, la Cour des comptes allemande délivre au gouvernement un certificat effarant sur sa gestion des finances. Et ce, bien avant que l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale ne rende publics les dysfonctionnements. Le trou financier est plus important que ce qui a été admis jusqu’à présent. La gestion grossièrement anticonstitutionnelle des ressources budgétaires est suffisamment connue des membres du gouvernement depuis de nombreux mois – y compris du ministre des Finances Christian Lindner, qui tente désormais de sauver sa peau en tant que champion des économies. Mais au lieu de tirer les conséquences et de démissionner, le gouvernement fédéral s’obstine à persévérer. Tout à fait dans le style du chancelier fédéral, qui maîtrise cela de main de maître.  Le gouvernement continue de jeter l’argent par les fenêtres – pour ses propres projets, pas pour le bien de l’Allemagne.

Commençons par l’évidence : dans des circonstances normales, le gouvernement devrait démissionner en bloc. S’il ne le fait pas, comme c’est le cas du gouvernement d’Olaf Scholz, il est possible de voter une motion de censure constructive. Si les députés du Bundestag avaient de la décence, ils révoqueraient le chancelier. Mais ce n’est pas non plus le cas. L’Allemagne politique se perd dans des discussions sans fin, mais n’a pas le courage de tirer les conséquences claires de ce désastre. La seule conséquence envisageable est de changer de cap politique, et de le faire rapidement.

Astuces dans le budget

Actuellement, c’est la perplexité qui domine au sein des instances politiques, qui se double souvent d’une obstination têtue. Ainsi, le Conseil fédéral a renoncé jeudi à prendre position sur le budget supplémentaire et donc sur la suspension du frein à l’endettement pour l’année en cours. Il a simplement laissé passer la loi en première lecture. L’enjeu est de taille pour les Länder : 45 milliards d’euros de fonds déjà versés pour le frein aux prix du gaz et de l’électricité ainsi que pour les aides en cas d’inondations doivent être garantis juridiquement a posteriori.

Mais il y a des vents contraires, et ils viennent – après la Cour constitutionnelle fédérale – depuis un certain temps de la Cour fédérale des comptes. Dans un avis sur le projet de budget, elle reproche au gouvernement fédéral de ne pas avoir pris en compte tous les fonds spéciaux dans le calcul des emprunts autorisés.

“À cela s’ajoute le fait qu’une légitimation rétroactive de décisions déjà prises, tant en ce qui concerne le budget supplémentaire prévu que l’arrêté d’urgence prévu, pourrait, selon la Cour des comptes fédérale, entrer en conflit avec le droit budgétaire parlementaire de manière inquiétante du point de vue du droit constitutionnel”.

La Cour des comptes fédérale a déjà tiré la sonnette d’alarme cet été à propos des fonds spéciaux : si l’on prend en compte tous les fonds spéciaux, le montant net des emprunts passera en effet de 46 à 193 milliards d’euros en 2023. Parmi les fonds spéciaux les plus récents et les plus coûteux, on compte par exemple 100 milliards d’euros pour l’armée allemande ou le fonds de stabilisation économique avec 200 milliards d’euros. Le volume financier des seuls fonds spéciaux actuels s’élève à environ 869 milliards d’euros, souligne la Cour des comptes.

La grande majorité est financée par des crédits. Fin 2022, le potentiel d’endettement des fonds spéciaux s’élevait au total à environ 522 milliards d’euros. Cela représente environ cinq fois le montant des emprunts affichés dans la période de planification financière 2023-2027.

La prise de position du ministère des Finances, que l’on peut également lire dans le rapport, est remarquable : le ministère des Finances ne pourrait expressément pas suivre les présentations, les évaluations et l’impression générale qui en résulte.

Défilé d’économistes

La Cour des comptes allemande n’a pas seulement rendu un rapport sur les fonds spéciaux, mais aussi sur le fonds de stabilisation économique pour la crise énergétique. La critique à l’encontre du gouvernement est ici aussi sévère : le fonds dispose d’une autorisation de crédit d’urgence pouvant atteindre 200 milliards d’euros, qui n’est valable que pour l’année 2022. En réalité, la plupart des fonds ne seront nécessaires que pour les années 2023 et 2024. Par un „montage financier sans précédent“, le ministère des Finances aurait tenté d’épuiser formellement l’autorisation de crédit en 2022, sans emprunter un montant correspondant sur le marché cette année-là. Il a ainsi simulé un emprunt et contourné la règle de l’endettement.

Le Bundestag aurait dû savoir tout cela depuis l’été. Tout cela, Christian Lindner l’aurait su depuis longtemps. Mais depuis, de nombreuses paroles n’ont pas été suivies d’actes.

Au lieu de cela, on laisse maintenant des économistes prendre le micro pour confirmer que la voie déjà empruntée est sans alternative.

Ainsi, l’économiste Claudia Kemfert de l’Institut allemand de recherche économique met en garde contre des économies dans la protection du climat. Pour justifier ses propos, elle a fait référence à des pays comme la Chine et les Etats-Unis, qui investissent beaucoup dans ce domaine. L’Allemagne risque d’être distancée.

Ou Carsten Herrmann-Pillath, économiste à l’université d’Erfurt, qui se laisse entraîner dans un plaidoyer pour les fonds spéciaux :

Dans ce contexte (la crise climatique, ndlr), la dette publique est la clé de l’équilibre entre les générations. Transférer, au nom du frein à l’endettement, des charges à ceux qui font déjà partie de ceux qui vivront la catastrophe climatique 50 ans plus tard, est injuste. Qui s’étonnera que la désobéissance civile soit le seul recours, voire un devoir ?”

L’économiste Michael Hüther, directeur de l’Institut de l’économie allemande, abonde dans le même sens et demande même 400 milliards d’euros supplémentaires de fonds spéciaux.

Une dette qui explose – mais pour quoi faire ?

On pourrait envisager la question de l’endettement de manière plus détendue si l’Allemagne investissait au moins dans ses infrastructures. Mais ce n’est pas le cas.

Selon une étude du Deutscher Wirtschaftsdienst:

“aucun pays de l’UE n’investit aussi peu dans ses infrastructures publiques que l’Allemagne. En moyenne européenne, environ 3,7 % du PIB ont été consacrés chaque année depuis 2000 aux routes, à la construction d’écoles et à d’autres investissements publics. Avec une moyenne de 2,1 %, l’Allemagne se situait nettement en dessous. Les analyses de régression ne permettent pas d’expliquer cet écart par des facteurs économiques, fiscaux, démographiques ou institutionnels, ni par le frein à l’endettement. La faiblesse des investissements allemands semble être devenue une maladie chronique”

Où que l’on regarde, l’Allemagne manque d’argent à tous les coins de rue, notamment dans le domaine des transports. Le besoin d’investissement pour l’entretien et l’extension des réseaux ferroviaires et routiers dans les villes, les districts et les communes jusqu’en 2030 s’élève au total à environ 372 milliards d’euros. Un pont routier sur deux n’est pas en bon état, tout comme les réseaux de transport public.

Ou dans le secteur de la santé: le sous-financement des investissements hospitaliers entraîne un retard d’investissement considérable. Pour les cinq prochaines années, le besoin d’investissement des hôpitaux allemands s’élève à environ 7 milliards d’euros – par an.

Le retard d’investissement dans les écoles allemandes est estimé à environ 50 milliards d’euros. La dotation financière des villes et des communes est très variable et l’écart entre les communes pauvres, riches et très riches s’est encore creusé ces dernières années.

La piste de l’argent

Pendant ce temps, le ministre de l’Economie Robert Habeck s’exerce lui aussi à l’obstination têtue. Après tout, il s’agit de maintenir ses propres réseaux en activité. Cette semaine encore, son ministère a annoncé l’attribution d’une subvention de 700 millions d’euros à l’usine du groupe suédois Northvolt. À partir de 2026, des cellules de batteries pour voitures électriques seront fabriquées dans le Schleswig-Holstein.

Pensons également aux subventions sans précédent accordées à “l’acier produit sans impact sur le climat” et au développement de l’économie de l’hydrogène. Un milliard d’euros pour le programme de transformation SALCOS – Salzgitter Low CO2 Steelmakingde Salzgitter AG, deux milliards d’euros pour l’usine de réduction directe de Thyssenkrupp avec les installations correspondantes pour la production d'”acier vert”.

Robert Habeck n’est pas le seul à jeter l’argent par les fenêtres. Lors de l’ouverture de la conférence mondiale sur le climat à Dubaï, la ministre allemande du Développement Svenja Schulze a mis à disposition 100 millions de dollars américains (l’équivalent d’environ 92 millions d’euros) pour compenser les dommages climatiques dans les États particulièrement vulnérables.

Annalena Baerbock, qui n’est pas non plus connue pour son sens de l’économie, doit actuellement faire face à de vives critiques de la part de la Cour des comptes: son ministère serait non seulement responsable d’achats immobiliers totalement surévalués à Bruxelles, mais aussi de mauvais achats en Afrique et en Asie. Les commissaires aux comptes reprochent au ministère des Affaires étrangères de mal gérer ses biens immobiliers à l’étranger et de procéder sans planification.

Que fait le chancelier fédéral ? Selon la Loi fondamentale, il aurait en fait la compétence à fixer des directives, c’est-à-dire il est responsable de la politique de l’ensemble du gouvernement fédéral. Olaf Scholz, nous le savons, est le maître de l’obstination têtue. Il ne bouge qu’exceptionnellement.

Dans un rapport sur le projet de budget 2024, la Cour des comptes reproche à la Chancellerie fédérale d’accélérer la construction et la transformation d’un bâtiment d’un montant de 770 millions d’euros, mais d’avoir omis jusqu’à présent d’utiliser judicieusement les surfaces de bureaux existantes.

Ainsi, pendant qu’Olaf Scholz fixe la directive de l’obstination têtue, le site économique allemand s’érode et les fondations de l’industrie allemande s’effritent. Ceux qui le peuvent délocalisent leur production à l’étranger. Outre les déficits cités dans l’infrastructure, ce sont surtout les obstacles bureaucratiques et les coûts élevés de l’énergie qui pèsent sur la compétitivité. Olaf Scholz devrait se rappeler qu’un euro sur trois généré en Allemagne est directement imputable à l’industrie et aux services qui en dépendent. Peut-être se mettrait-il alors en marche?

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[Série sur les mythes de la diversification IV/IV] L’endettement favorise la diversification, la diversification favorise l’endettement

Dernier article de la série sur les mythes liés à la diversification. Partie I ; Partie II ; Partie III.

La diversification agit comme une bombe à neutrons et s’apparente de plus en plus à un pont de la rivière Kwaï : elle détruit la réalité en maintenant les apparences, et plus elle est « bien faite » et plus le mal s’aggrave. Un mal profondément anti-libéral.

Tout ce qui précède a en effet des conséquences en cascade, ne serait-ce que par le canal de la finance. Or, nos économies sont très financiarisées, elles ne l’ont jamais été autant, pour le meilleur (le levier de la dette peut permettre d’accélérer le temps) et pour le pire (confiez un levier important à une personne peu compétente, vous obtiendrez de drôles de résultats).

On ne peut plus discuter 15 minutes avec son dentiste sans entendre parler de placements, de taux d’intérêt, de rendements locatifs. Dans ce contexte, une allocation du capital perverse n’est pas sans conséquences sociétales majeures. A fortiori quand notre épargne financière devient assez riquiqui en comparaison des engagements titanesques que nous avons déjà pris et que nous continuons allègrement à prendre (engagements climatiques par exemple, pas mieux provisionnés que les engagements de l’État-providence), sur fond de baisse tendancielle de ce qui permet en théorie de les couvrir (la croissance).

Quand on produit de telles quantités de dettes sans vrais collatéraux économiques, il vaut mieux ne pas se tromper du tout au tout quant à l’allocation de l’épargne.

 

La diversification est un vecteur de diversion des investissements

D’abord, la diversification radicale donne sa chance à des produits et à des comportements qui devraient être éliminés.

Des canards boiteux, des firmes zombies, de faux actifs. En un sens, c’est un voile anti-darwinien, un vecteur de diversions qui nous empêche de cheminer vers les vrais prix, qui entretient l’écart entre le prix et la valeur. Le biais de diversification entraîne d’abord une complaisance malsaine pour les affaires de l’État et ses dettes surnuméraires ; mais ce point est tellement documenté et consensuel que je fais vite ici.

Il contribue ensuite à bloquer la mobilité, la méritocratie ou ce qu’il en reste, dans un contexte où, au niveau de la firme, l’entrepreneur est de plus en plus exfiltré au bénéfice de comités diversitaires. On dissuade même l’épargnant de mettre son argent dans une entreprise pilotée de façon tranchée par un fondateur avec alignement radical des intérêts : au nom du risque du key man (alors que pour ma part je suis plutôt rassuré quand une entreprise est pilotée par un homme clé plutôt que par un comité de managers). De plus en plus nous vivons dans un monde où il faut échouer dans les règles plutôt que réussir en dehors : un monde anti-utilitariste, à 180 degrés de Brad Gilbert ou de Jack Bauer. Où les décideurs de la gestion des actifs ressemblent à ces chamans des peuples primitifs en plein culte du Cargo, ou à ces enfants qui crient « maison magique » en sautant sur le canapé, bien mieux protégés en effet que les épargnants qui n’ont quant à eux récolté avec la diversification qu’un faux sentiment de sécurité et un brouillage complet dans l’imputation des responsabilités.

Il y a toute une culture du non-choix qui domine désormais dans tous les domaines et qui pousse à la diversification, mais il existe aussi des signaux de plus en plus nombreux selon lesquels la diversisification renforce cette culture du non-choix. D’où une dynamique de spirale, de crise mimétique, l’impression qu’on ne va pas s’en sortir de sitôt, et un nouveau recul de la tradition libérale si on se souvient que cette dernière reposait sur une propriété pas trop diluée, la concurrence pour faire du marché une machine à apprendre, et le questionnement de l’autorité.

À l’arrivée, une société du faux-semblant, où plus personne ne prend ses responsabilités, et où plus personne ne fait son travail initial. En effet, dans un monde devenu irréel, les gens ne font plus leur travail, ce qui ne signifie pas qu’ils ne font rien, mais disons qu’ils s’éloignent de leur périmètre initial. Ils diversifient en un sens. Les salariés font des fresques climatiques. Le Conseil constitutionnel (qui ne comporte désormais aucun constitutionnaliste) ne regarde plus la Constitution, et comme le Conseil d’État, invente des principes, les banquiers centraux (qui même aux USA ne sont plus économistes) ne font plus de la politique monétaire mais un tas d’autres choses (supervision bancaire, encadrement du crédit, surveillance des finances publiques, pressions pour une modération salariale, séminaires sur les aspects structurels, la natalité et la fonte des glaciers).

Pourquoi dans ces conditions les conseillers en gestion de patrimoine travailleraient-ils encore pour leurs clients au lieu de se protéger prioritairement du devoir de conseil ? Ce qu’ils nomment pompeusement « Diversification » n’est le plus souvent qu’une technique de diffraction du blâme.

La dévalorisation de la connaissance est particulièrement inquiétante, qu’elle soit cause ou conséquence de la diversification. Sur les dettes, elle a conduit à ignorer les collatéraux, à un désintérêt pour la substance (mentalité « après nous le déluge » et « pourvu que ça dure »).

Sur les actions, cela confine au ridicule puisque la création de valeur dans le monde est le fait essentiellement depuis 15 ans d’une dizaine de boîtes du même secteur et du même pays : « the winner takes all », partout sauf dans les portefeuilles de nos bons élèves diversifiés. Sur les taux de change, le refus de comprendre est à son zénith (en lien avec une culture monétaire en chute libre en Occident) : c’est presque un gros mot dans les réunions, alors que le FX a rarement été aussi crucial, comme indicateur avancé, et comme possible moteur de performance dans un contexte de riquiquisation de la croissance.

 

Dans le secteur immobilier le bilan de la diversification est effroyable

Qu’ont accompli en 25 ans les dispositifs Périssol, Besson, Borloo, Robien, Scellier, Duflot ou Pinel, sinon contribuer à une allocation disproportionnée vers la pierre ?

Un secteur qui crée très peu de valeur, des emplois peu qualifiés et une assiette fiscale fixiste, mais qui fonctionne grâce au levier de la dette, dont les prix montent grâce aux restrictions sur l’offre et où on observe des marges cossues pour toute une chaîne d’intermédiaires cartellisés : la rente idéale pour les élites politiques et financières (jusqu’à ce qu’ils changent subitement d’avis à 180 degrés en laissant le grand public dans la panade).

On a ainsi créé une épargne financière rare, paresseuse et hypocrite, bien taillée pour financer l’économie d’hier, les entreprises à comités, l’immobilier vide de bureaux, le genre Caisse des dépôts et consignations. Cette épargne particulière est un magot aussi inerte que convoité. Les dispositifs se multiplient donc pour la mettre au service de toutes les causes vertueuses (la vertu étant définie chez nous par des énarques) : transition énergétique, réindustrialisation, logement social, sauvegarde des bébés phoques.

Le « fléchage » de cet argent est une affaire qui mobilise les esprits les meilleurs et les plus désintéressés, toujours au nom de la protection par la diversification, est-il besoin de le préciser. Notre fonds vert vous protégera des incidents climatiques. Notre fonds Made in France vous protégera d’une crise de démondialisation. Pour chaque peur il y a une solution, un canal de distribution, et souvent une carotte fiscalo-sociale dédiée.

Mais reprenons un peu de hauteur pour identifier l’origine du mal.

 

La culture de la diversification : paresse et aversion au risque

L’enfermement dans la monoculture diversificationniste repose sur des logiques puissantes.

Quand on remonte les chaînes causales on voit que ce n’est pas un simple complot, une mode passagère ou un accident.

En amont, si l’on admet qu’il y a une demande de bureaucratie avant qu’il y ait une offre, et une « envie de pénal » avant les dérives persécutrices, il y a probablement, avant les excès de la diversification, la disparition du courage en Occident. Qui conduit au relativisme.

Et après le relativisme et le suivisme arrive l’aquoibonisme. À quoi bon sélectionner pendant des centaines d’heures les meilleurs investissements possibles si le marché ou ses serviteurs le font pour moi, vite et à moindre frais ? À quoi bon me distinguer et risquer de prendre des coups si je peux proposer à mon client une solution standardisée, pré-packagée, qui ne me fera courir aucun risque personnel ? À quoi bon développer des compétences sur une classe d’actifs si je peux en vendre plusieurs, aveuglément, et le tout avec la bénédiction des plus hautes autorités ?

Ensuite arrivent en effet les régulateurs et les banquiers centraux, qui poussent eux aussi dans cette direction conformiste, sans forcément le vouloir. Tout se ligue pour prohiber la concentration, les choix, l’audace. Mais j’insiste sur le fait que le client a sa part de responsabilité.

Il est de plus en plus prudent. Il faut dire aussi qu’il est de plus en plus vieux. Ceci explique-t-il cela ? Ou faut-il invoquer Pareto, qui notait que les gens ont tendance à mettre un vernis logique à leurs actions ? De nos jours, la diversification sert de vernis principal, et quand il craque on en remet une couche, jusqu’au point où on ne sait plus vraiment ce qu’il recouvre. Ce processus d’effacement des traces, qui rend vaine toute évaluation sérieuse, est bien pratique. Vous n’avez pas bénéficié de l’enrichissement fabuleux lié aux GAFAM, mais rassurez-vous, votre portefeuille a été bien diversifié tout du long, dans le respect des normes d’équilibre et de modération.

Un système bien intentionné, mais qui se fiche des résultats et vire à l’absurdistan scientiste, qui vous expose en prétendant vous protéger, et où une petite élite s’engraisse sans prendre aucun risque véritable, cela ne vous rappelle rien ? Eh oui, c’est le socialisme, bravo. Le capitalisme financier moderne partage de nombreux points avec le socialisme brejnévien, à commencer par le rejet de la conviction, le recours à une novlangue pour dissimuler les failles du système. Et bientôt la tendance à traiter les opposants comme des cas psychiatriques ?

Ce soviétisme n’est pas incompatible avec des réactions nobiliaires. On l’a vu avec le Bitcoin, Tesla, ou Gamestop. Rien ne doit dépasser, sinon c’est une bulle, une saleté. Du moins, le temps de récupérer l’idée : il y aura bientôt un ETF de Blackrock sur les cryptomonnaies, on les fera donc entrer demain sur les étagères. De même, Tesla n’est devenue « honorable » que lors de son entrée dans l’indice SP500 (quand sa capitalisation ne permettait vraiment plus de l’en écarter…), et encore, à condition de mépriser les avis des agences de notation (qui continuent de traiter les très rares dettes de cette firme comme ultra-risquées, là où les dettes surabondantes d’acteurs en perte de vitesse sont bien mieux notées. Toute coïncidence avec la structure de rémunération des dites agences serait parfaitement fortuite).

 

L’endettement favorise la diversification, la diversification favorise l’endettement

Si l’endettement pousse à la diversification, la diversification favorise l’endettement. De nouvelles formes de dettes apparaissent donc chaque année pour diversifier les poches obligataires, des dettes certifiées vertes, sociales, islamiques, fédérales européennes, etc. Le plus souvent en dépit du bon sens (les dettes pseudo-européennes ne sont pas adossées à un contribuable européen, les green bonds transpirent le greenwashing, etc.). Des métastases qui se prennent pour des solutions.

Il n’y a qu’un seul domaine où tous les acteurs ne pousseront que rarement à la diversification, précisément le domaine où une plus grande diversification se justifierait très bien : l’internationalisation des portefeuilles.

Car votre banquier, votre gestionnaire de fonds et votre conseiller en gestion de patrimoine sont des acteurs locaux soumis au biais d’habitat, un biais domestique : le grand large est pour eux une chose compliquée, hostile, il ne leur sera jamais reproché de pousser du Sanofi ou du Air Liquide, alors qu’un nom américain et a fortiori chinois, même de grande qualité ne bénéficierait pas, en cas d’échec, de la même indulgence.

La seule zone de diversification qu’il vous faut donc travailler un peu est celle des titres et des produits non libellés en euro. Là, il y a un manque criant, et presque systématiquement défavorable à votre rapport rendement/risque de moyen terme : vous êtes trop hexagonaux et/ou trop europhiles dans vos investissements, alors que toute l’expérience des dernières décennies tend à montrer que conserver des portefeuilles à plus de 70 % investis en zone euro revient à attribuer à nos décideurs une indulgence qu’ils ne méritent plus et à cette économie une confiance exagérée.

Quelles que soient vos opinions fondamentales sur le dollar américain, le franc suisse ou le yuan, dites-vous que l’euro est bien plus mortel, dans tous les sens du terme. Sans compter que vous y êtes déjà très exposés au quotidien. Cela ne signifie pas qu’il faut acheter tout ce qui passe en monnaie étrangère et à tout moment, mais c’est un axe d’amélioration évident, et en même temps un axe de sécurisation pour le cas où les choses monétaires tourneraient mal chez nous (ce qui constitue la tendance de fond depuis 2007, et ce qui pourrait s’accélérer). Pensez à l’épargnant russe en 1914, ou au japonais en 1990. Et l’on pourrait même étendre cette méfiance aux USA, dans une moindre mesure : que 50 % des titres financiers de cette planète soient localisés à New York et dans sa proche banlieue est de plus en plus anachronique.

Le jeune Occidental de moins en moins bien formé veut devenir influenceur sur YouTube pour dispenser des conseils beauté, le jeune Chinois de mieux en mieux formé veut finir astronaute. Il y a sans doute pour l’investisseur moyen/long terme un intérêt à investiguer dans cette direction, au fur et à mesure que les marchés chinois gagnent en maturité ; ce qui élargira au passage sa gamme de choix.

 

En conclusion, une bonne culture financière  permet d’éviter les pièges de la diversification

Un jour, un journaliste traînait du côté des courts de tennis où s’entraînaient les champions. Il repéra qu’Ivan Lendl passait son temps à faire des séries de coups droit. Il vint le voir après la séance d’entrainement et lui demanda : « Mr Lendl, pourquoi peaufiner sans cesse ce coup droit dans lequel vous excellez ? Ne serait-il pas plus judicieux de faire des séries de revers ? Vous avez déjà le meilleur coup droit au monde ». Et le n°1 de répondre sèchement : « Mais à votre avis, pourquoi ai-je le meilleur coup droit ? ».

Voilà quelque chose qui n’est compris que par les artistes, les grands entrepreneurs, les champions : on ne peut pas exceller en tout (c’est un mythe de khâgneux). Il faut travailler ses points forts et non colmater ses points faibles, et c’est en renforçant son avantage comparatif qu’on va créer la percée, le déséquilibre chez l’autre, peut-être la grâce en soi, qui sait ? Certainement pas en dispersant ses efforts harmonieusement, « en même temps », le long d’une ligne Maginot.

Je gage que le journaliste n’avait pas bien compris la réponse d’Ivan Lendl, surtout s’il était français.

Je gage aussi qu’une minorité des épargnants redeviendront des investisseurs, et non plus des optimisateurs sous contraintes : tant que le courage ne reviendra pas, il n’y a pas grand-chose à espérer. Tout juste peut-on exposer un peu plus à la lumière les fausses promesses d’une gestion des actifs présentée comme un long fleuve tranquille à condition de faire comme le troupeau.

La plupart des fortunes en ce bas monde ont été bâties en ne détenant qu’un seul business. Si ce dernier est solide et que vous le comprenez bien, vous devriez l’aimer et lui rester fidèle, au lieu de courir des dizaines de lièvres : fuyez ceux qui vous disent qu’il ne faut pas tomber amoureux de ses investissements, ce ne sont pas des investisseurs mais des Don Juan à la petite semaine. La mentalité petite-bourgeoise est plus souvent punie que récompensée sur les marchés. Aimer quelques rares titres dûment sélectionnés vous procurera des avantages cruciaux : plus de connaissances, moins d’allers et retours donc moins de frais, moins de ventes dans la panique, et moins d’achats dans la bulle. C’est aussi beaucoup plus intéressant. Pour citer Chamfort, les raisonnables ont duré mais les passionnés ont vécu.

Plus pragmatiquement, si le processus d’investissement doit s’attacher autant à éviter les loosers qu’à sélectionner les winners, j’évite pour ma part (modulo de rares exceptions) les secteurs qui prévoient toujours des hausses de prix parce qu’ils aiment l’idée que leurs revenus vont monter quoi qu’ils fassent : les pétrolières, avec le prix du baril ; les bancaires, avec les taux ; les grosses pharmaceutiques, avec les remboursements des caisses sociales ; les foncières, avec les restrictions sur la construction.

Je préfère les secteurs qui réalisent de la croissance et des gains de productivité, qui recrutent des gens pointus, qui sont largement mondialisés (comprendre : implantés en Chine), pas complètement capturés par les managers et sans trop de dettes nettes : quelques entreprises de la Tech, Tesla en tête.

La vraie protection ? une bonne culture économique et financière, de la patience, une marge de sécurité autour de chaque décision, ne pas avoir honte de garder du cash (pourquoi les analystes se moquent-ils du cash ? Parce que ce sont des analystes !), travailler ses points forts comme Ivan Lendl. La réponse de premier rang en cas d’incompétence n’est pas la diversification mais la non-participation, l’abstentionnisme financier.

La vraie honnêteté ? l’alignement des intérêts, et une opération vérité sur la rémunération des intermédiaires, autrement dit la concurrence et un écosystème de la pensée critique. C’est peu dire que l’épargne fléchée et administrée s’éloigne des principes libéraux les plus avérés.

La vraie épargne ? en faveur des forces productives : mobilière, assumée, longue, internationalisée, moins matraquée par le fisc et par les intermédiaires ; et elle se marierait bien avec une vraie participation, pas seulement de l’intéressement à la marge pour des cadres supérieurs.

En piste pour un krach bancaire ? par Florent Machabert

Par : Rédaction

L’info de la semaineBNP Paribas dans la tourmente !Nous y consacrerons l’édito du numéro de décembre de Finance & Tic mais insistons sur cette information : alors que la banque systémique française a connu un incident technique majeur paralysant la consultation des comptes en ligne et les paiements en CB, se tenait également la même semaine le second procès dans lequel des clients l’accusent de tromperie pour des crédits immobiliers toxiques.

La filiale de crédit à la consommation de BNP Paribas, BNP Paribas Personal Finance (Cetelem), a été une nouvelle fois condamnée dans l’affaire Helvet Immo pour des crédits immobiliers douteux en francs suisses. La cour d’appel de Paris a confirmé la culpabilité de la banque, lui imposant une amende de 187 500 € pour « pratiques commerciales trompeuses » et des dommages et intérêts à verser importants. L’affaire porte notamment sur la dissimulation des risques dans la commercialisation de près de 800 M€ de crédits entre 2008 et 2009. Les emprunteurs attendent le montant indemnisant le préjudice moral subi, probablement 50 000 € par emprunteur. BNP Paribas conteste la décision et a deux mois pour saisir la Cour de Cassation…

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[Série sur les mythes de la diversification III/IV] Les ravages de la diversification

Partie I & Partie II.

« Il est difficile d’imaginer une façon plus stupide ou plus dangereuse de prendre des décisions qu’en les mettant entre les mains de personnes qui ne paient aucun prix pour avoir tort » – Thomas Sowell

La neutralité était l’apanage des profs des universités, quand leurs théories hérésiarques servaient jadis à injecter une discipline utile ; ce n’est pas le cas de leurs successeurs, des corporates et des commerciaux qui ont un biais très fort sur ce sujet. Un biais que vous devriez connaître.

Ce n’est pas que votre conseiller financier soit foncièrement malhonnête. Mais vous devez vous mettre quelques minutes à sa place.

Comprendre un peu son degré d’information et surtout la structure de ses incitations. Ce n’est pas un investisseur, ce n’est pas son argent, et il est exposé à un risque de réputation. S’il s’engage en délivrant un avis tranché ou non-conformiste, c’est tout son commerce qui se retrouve en risque. On lui reprochera moins des performances durablement médiocres qu’une erreur saillante à un moment donné sur un dossier identifiable. Cela limite son assertivité, pour ne pas parler de son envie de creuser sur tel ou tel segment. Il dira alors qu’il est « agnostique » sur les classes d’actifs et sur les entreprises, ce qui de nos jours signifie concrètement qu’il est athée. Rien n’incite au courage dans ce milieu (il est vrai que l’on peut en dire autant d’autres secteurs économiques !), et l’asymptote d’un tel système est un mix entre le Too big to fail et le « tout se vaut. » Option inch’Allah, spécialité « c’est pas ma faute à moi ».

 

Les ravages du conformisme financier

S’il n’est pas indépendant, le conseiller financier n’est qu’un maillon d’une chaîne industrielle très conformiste qui pousse à vendre un peu de tout un peu tout le temps pour engranger un maximum de fees le plus longtemps possible.

S’il est indépendant, il reste dépendant du qu’en dira-t-on, et trop petit pour risquer une erreur qui ferait tache, et le plus souvent trop isolé pour avoir le temps de creuser la recherche loin dans une direction particulière. Dans tous les cas il a intérêt à promouvoir la diversification, à pousser une multiplicité de produits, et à recommencer le plus souvent possible car il est davantage rémunéré à la transaction qu’à la performance. Son mantra : offrir des « solutions », recommander au client d’être pleinement investi ou d’acheter « de façon disciplinée » (comprenez : régulièrement). Mais s’agit-il pour lui de soigner vos actifs ou de lisser son passif ?

Pourquoi vous pousse-t-on vers de la dette privée, du Private Equity, des SCPI et diverses « solutions » de pierre-papier, vers des produits structurés ? Du fait des marges. De leurs marges. Dans votre grande distraction capitaliste, vous restiez sur quelques actions ou des obligations simples, vous n’aviez pas tout un tas de choses. On vous les propose, après un relooking, un rebrandage : les junk bonds (obligations pourries) sont devenus du High Yield (obligations à haut rendement), les penny stocks sont devenus des small caps, etc.

Dans les fonds, la discrétion du gérant est partout, votre intérêt n’est peut-être pas la priorité. Vous croyez vous être lié à une règle (la diversification), vous voilà lié à l’agent de la règle. Très exactement ce que les pères théoriciens voulaient éviter !

Ce paradoxe ne devrait pas nous étonner. On l’a bien vu à l’échelle macroéconomique avec l’indépendance des banques centrales, qui était censée réduire la marge discrétionnaire des détenteurs de l’arme monétaire et qui, dans les faits, a encouragé l’irresponsabilité, la personnification et l’opacité dans les affaires monétaires. Pour s’immuniser du chant des sirènes, on a sanctuarisé un acteur qui poursuit son propre agenda, qui interprète son objectif à sa guise, qui peut désormais exercer toutes sortes de chantages, et contre lequel il n’y a ni appel ni cassation.

De la même manière, vous faites de l’indiciel, parce que c’est labellisé donc « sûr », et puis chemin faisant et logique commerciale aidant, vous voilà avec des « ETF intelligents » et autres produits hybrides. Vous vouliez vous lier les mains pour résister aux tentations discrétionnaires, vous vous retrouvez avec plein de choses non-maitrisées (et de plus en plus souvent illiquides) dans votre portefeuille… Par contre, vos mains sont bien liées. Si l’approche est « disciplinée », elle l’est curieusement dans le sens des intérêts de l’industrie de la gestion d’actifs. À se demander si ce n’est pas cette dernière qui distribue les labels de rectitude, en se servant de la théorie des années 1950-1960 comme d’un paravent, d’une caution et d’un couteau suisse.

 

À qui la faute ?

Est-ce la faute des experts ? Oui et non.

Comme le dit le dicton, il est difficile de faire comprendre une chose à un homme quand son salaire dépend de sa capacité à ne pas la comprendre. L’expert pharmaceutique est payé pour placer les produits maison ; l’expert en cyclisme à France 2 a longtemps été payé pour ne pas trop parler du dopage ; l’expert égyptologue ne peut pas dénoncer l’incurie des autorités locales, et en particulier la malhonnêteté de Zahi Hawass, sinon il perdrait l’accès aux sites de fouilles ; l’expert financier n’est pas vraiment poussé à exposer toutes les limites d’une diversification maximale (il « tuerait le business »).

On ne peut se fier aux experts que si l’on maîtrise à peu près les règles du jeu qu’ils pratiquent.

Il existe ici comme ailleurs deux catégories de personnes : celles qui ne savent pas ce qu’elles disent, et celles qui ne disent pas ce qu’elles savent.

Les premières promeuvent la diversification car c’est dans les manuels, c’est la doxa, et elles n’ont pas la force ou la légitimité d’aller contre l’opinion du grand public, et contre les travaux anciens des universitaires.

Les secondes promeuvent la diversification dans le cadre d’un rapport rendement/risque plus cynique, quitte à ne pas la pratiquer dans leurs finances privées : celles-là se voient souvent comme des gérants de supermarchés, qui ont intérêt à disposer d’un grand nombre d’étagères et de marques pour satisfaire toutes les demandes des clients. Il ne faut pas compter sur eux pour promouvoir une logique plus exigeante ou plus éducative, à la Jacques Chancel (« ne pas donner aux gens ce qu’ils aiment, mais ce qu’ils pourraient aimer »).

Tous ces gens veulent des revenus diversifiés et récurrents, d’où leur dégout vis-à-vis du cash et du choix, leur amour pour les produits illiquides, les montages sophistiqués, l’immobilier tant que ça monte, et les slogans prémâchés (« trend is your friend », « le carry est mon ami », etc.).

Ils dirigent une boutique, pas un centre de recherche. Même s’ils parviennent parfois à faire croire le contraire (Ray Dalio, Kathy Wood…), n’oubliez pas qu’ils doivent davantage leur fortune aux frais de gestion et à leur business communicationnel qu’à leurs performances nettes sur l’ensemble du cycle. Ce sont les vendeurs qui règnent sur la finance, pas les analystes, pas les économistes : si vous pouvez lever un demi-milliard et obtenir des fees de 1,5 % par an en bloquant les clients pour une décennie, vous pouvez finir dans une île du Pacifique (votre île), même si les performances du fonds sont minables sur toute la période. L’analyste lui ne dépassera pas 300 000 par an, ce qui à New York le fait arriver tous les matins en métro ; et si en plus il est honnête, il risque de finir tout en bas de l’échelle.

 

Quand les mythes régulent l’investissement

Les idées ne sont qu’un decorum, la recherche est partout le parent pauvre. Les économistes de marché sont utilisés comme des danseuses. Les « convictions fortes » qui traînent sur les marchés ne sont que des slogans faussement provocateurs, du story telling jamais très loin des souhaits d’équipes commerciales (pensez à la « Grande Rotation », par exemple). Les prophètes de malheur (Roubini, Edwards…) font partie du spectacle, contre 50 000 la conférence ils fournissent les petits frissons que nous aimons détester : une dissidence bon marché.

De tout cela vous devriez retenir que votre épargne intéresse tout un système qui pousse à la gloutonnerie et pas du tout à la sélectivité.

J’exagère ? Une étude universitaire récente consacrée à l’épargne privée en Europe a montré que l’année dernière, les rétrocessions, ces frais versés aux distributeurs, ont atteint 350 milliards d’euros. Face à de tels enjeux, vous vous doutez que la question de savoir si l’on vend un fonds performant ou un fonds non-performant n’est peut-être pas prioritaire.

On parle gentiment d’« asymétrie d’information », de « relation principal-agent », pour ne surtout pas appeler un chat un chat : pile, je suis payé par les frais et les performances ; face, je suis payé par les frais. Alors, tant que je ne constate pas des décollectes massives sur mon fonds, tout va bien. D’où la force des discours lénifiants, un peu partout : les gestionnaires ne veulent pas trop d’entrées de capitaux (qui perturbent leur gestion), mais surtout ils ne veulent pas de sorties. Ils font alors croire que le temps travaille pour vous sur les marchés, que la nonchalance est une stratégie. Ne regardez pas vos comptes toutes les semaines, disent-ils, pour votre confort mental bien entendu !!

Leur rêve ? La poursuite du hiatus géant entre leurs rémunérations dignes de stars et leurs comportements benchmarkés/indiciels qu’un bon diplômé de BTS (et demain une intelligence artificielle bas de gamme) pourrait répliquer sans peine.

Leur méthode ? Faire croire que tout est très compliqué, et qu’en même temps tout a vocation à être acheté (éventuellement en même temps, on dira alors que l’on fait une « stratégie de Barbell » : ce n’est qu’un jeu de bonneteau mais ça fait chic).Leur allié ? Un gouvernement et une banque centrale peuplés d’anciens et de futurs banquiers, mais surtout la passivité des braves gens.

Un exemple concret : la « démocratisation » du Private Equity. Un piège à cons.

L’idée officielle est noble, faire participer les roturiers du retail aux gains fabuleux sans volatilité aucune que l’on observe depuis des années sur le segment des boites non-cotées. Le paradis du rendement sans risque n’existant pas, il faut accepter d’être bloqué pour longtemps dans un fonds qui est de facto une boîte noire, et se dire que les performances à l’avenir ne seront pas aussi mirifiques que dans le passé.

C’est donc exactement ce que les autorités vont dissimuler, cependant que les assureurs s’engagent à faire la liquidité des fonds de Private Equity au sein des unités de compte logées dans les contrats. En apparence, un bon deal pour tout le monde : les marges bien grasses du non-coté rémunèrent tout l’écosystème, les assureurs collectent, de petites boîtes trouvent de nouveaux financements (ce n’était guère l’urgence, mais pourquoi pas), l’épargnant accède à de nouvelles actions, Macron aide ses amis, la Banque Publique d’Investissement multiplie les conflits d’intérêt, tout va bien.

Mais il y a un hic : tous les fonds de Private Equity ne se valent pas. Voilà ce que l’on ne dit pas aux clients.

Les aristocrates ont le droit aux fonds de la catégorie A : les meilleurs dossiers gérés par les meilleurs gérants (ceux qui ont mis de leur argent personnel dans les deals), distribués confidentiellement aux gros institutionnels et à quelques Family offices.

La catégorie B est déjà plus douteuse, des dossiers moins qualitatifs, avec plus de dettes, vers un public de faux riches (la banque privée).

Le grand public n’aura accès (sauf exceptions) qu’aux fonds de catégorie C : tout ce que les professionnels de la profession (et dans le Private Equity ils se connaissent tous !) ne veulent pas inscrire à proximité de leurs fonds propres.

Tout ce qui a été acheté en haut de cycle, ce qui peut basculer en cas de crise et devenir très illiquide. Le retail est le dindon de la farce, comme toujours. Il rêvait de Wasserstein Perella & co et se retrouve avec des bouts de trucs. Il est « encore plus diversifié », certes, mais exposé à une classe d’actifs pas si évidente (elle n’est pas faite et ne sera probablement jamais faite pour lui) et pas si décorrélante, au moyen des fonds les plus miteux du secteur et aux frais scandaleux, le tout en contribuant à dégrader potentiellement les perspectives de la collectivité des assurés dans son ensemble. Et en cas de désastre les politiques et les petits marquis de la BPI seront aux abonnés absents et encore moins punis que les dirigeants d’H20. Après tout, n’auront-ils pas œuvré pour une saine diversification de l’épargne populaire ?

Très souvent, les sociétés de gestion diversifient pour simplement diffracter le blâme, minimiser la responsabilité du gérant, et économiser de la recherche au passage. En un mot, pour noyer le poisson. On ne peut en vouloir à personne en particulier, c’est un système. Mais ne soyons pas dupes : quand un gérant qui a 150 lignes en portefeuille vous dit qu’il a une orientation « recherche » et des convictions fortes, soit il bluffe, soit, ce qui est pire, il évolue dans un univers parallèle.

Ce n’est pas de nos jours la concentration extrême des performances qui pose problème comme le disent tous les commentateurs ; c’est le manque extrême de concentration des portefeuilles, cette fâcheuse habitude de faire comme Jacques Martin dans « L’école des fans », mettre 10/10 à tout le monde pour ne fâcher personne et pour ne surtout pas se fâcher avec soi-même.

 

Investissez dans les secteurs que vous connaissez

Chers épargnants, vous ne pouvez pas jouer à ces petits jeux coûteux avec votre argent, à moins d’avoir des conflits à l’intérieur de votre propre cerveau.

Ne diversifiez pas pour apaiser des dissonances cognitives, ou pour parer des reproches que vous pourriez vous faire ex post ! Investissez en priorité dans des domaines où vous avez de la connaissance, qui vous plaisent, pour acquérir encore plus de connaissance, pour bénéficier d’un vrai avantage compétitif.

À la limite, si vous êtes un fan de sport automobile et que vous vous passionnez pour le marché des vieilles voitures des années 1960, ou si vous êtes un spécialiste des meubles du XVIIIe siècle, amusez-vous avec des achats et des ventes dans ces domaines, les mises sont moins considérables que dans l’immobilier, votre passion limitera les tentations courtermistes, et vos connaissances limiteront vos pertes éventuelles. C’est quand on ne détient plus de belles affaires industrielles ou commerciales dans son portefeuille mais des « lignes » que les choses se dégradent, non seulement pour les rendements, mais aussi du côté des risques…

Bien entendu, il existe des exceptions à tout ce qui précède, devant certains profils de clients. Imaginons que vous ayez beaucoup d’argent et aucune compétence ou appétence financière (une configuration qui se fait tout de même un peu rare).

Pour peu que vous ayez en plus des considérations de transmission en tête (vous oubliez que les enfants sont ingrats, que ce n’est pas vraiment un cadeau de leur léguer un patrimoine financier, qu’il vaut mieux leur transmettre du capital humain), la fiscalité du patrimoine est pour vous plus importante qu’un ou deux points de rendement en plus. Il devient nécessaire d’adopter un comportement très défensif qui se marie assez bien avec un certain degré de diversification, dans l’assurance-vie par exemple. Toutes les grandes fortunes industrielles en Europe ont des comptes chez des assureurs au Luxembourg, où la priorité ne réside pas tant dans la sélection de valeurs que dans leur conservation au sein de fonds diversifiés.

Ceci dit, même dans cette configuration, il y a tout de même quelque chose de pourri dans le duché de la gestion d’actifs quand on s’occupe de façon diversifiée de patrimoines qui ont presque tous été conçus sur des bases non-diversifiées : il s’agit le plus souvent d’anciens entrepreneurs qui ont mis toute leur énergie et toutes leurs ressources pendant des années sur UNE idée, UNE entreprise, et à la retraite que leur dit-on ? qu’il faut placer ce résultat magnifique sur… 500 entreprises, « pour plus de sécurité », le tout au nom d’une « science financière » pleine de trous, dirigée par des gens qui n’ont ni vos préférences ni votre horizon, conçue il y a six décennies par des gens qui n’ont jamais créé un capital de toute leur vie, distribué par des artistes des rétrocommissions, et mis en œuvre par des salariés en télétravail.

Un recours aux ETFs ou à des fonds diversifiés ne se justifie à mon avis que lorsque la connaissance est très coûteuse, sur des causes gagnantes à long terme, et il y en a peu : Biotechs, Chine, pays frontières, semi-conducteurs…  En première approximation, un manque de connaissances devrait plutôt revenir à un « faites autre chose dans la vie ». Non pas diversifier, mais au contraire ne pas entrer du tout sur les marchés financiers : où les touristes ont vocation à se faire promener et les moutons à se faire tondre.

Le programme de Manon Aubry : un aller simple vers la faillite économique

Dans une interview récente, Manon Aubry, tête de liste La France insoumise (LFI) pour les élections européennes de 2024 a déclaré :

« Austérité, le tout-marché et le libre-échange amènent le chaos. [il faut] rompre avec le libre-échange, l’austérité et le tout-marché pour imposer le protectionnisme, la solidarité et les biens communs ».

Elle, et plusieurs Européens, croient que le marché libre est à l’origine des problèmes mondiaux. La solution réside dans plus de concentration de gouvernance fiscale et financière à Bruxelles ainsi que de financements publics.

Il est néanmoins important de se souvenir que le libre-échange est à l’origine de la prospérité en Europe, et que le protectionnisme et l’endettement public mettraient en danger ces progrès.

 

Le libre-échange est le moteur des succès de l’Union européenne

La croissance des échanges sur le continent et la baisse des restrictions des mouvement de personnes et des biens ont engendré une prospérité imprévue dans le continent.

Les solutions que Mme Aubry propose pour la réindustrialisation de l’Europe sont contre-intuitives.

D’abord, les propositions protectionnistes oublient qu’une grande partie de l’économie européenne dépend des échanges hors Europe et ignorent l’impact que la rupture de ces échanges pourrait avoir sur l’économie de l’Europe et le pouvoir d’achat de ses citoyens.

Ensuite, elle suggère qu’il faut financer des projets proposés avec « un impôt sur la fortune européen, qui dégagerait plus de 200 milliards d’euros par an, et une taxe européenne sur les superprofits dans tous les secteurs. » Elle propose de convaincre des entreprises de développer l’industrie européenne avec des régulations entravantes, de nouvelles taxes et une banque centrale encore plus laxiste. Autant de mesures qui, combinées, mettraient en danger la stabilité monétaire de l’union.

Peut-être cela peut être efficace étant donné que l’Union européenne reste un marché considérable pour la plupart des entreprises en étant la deuxième puissance mondiale avec 16,15 % du PIB mondial.

Néanmoins, elle oublie quelque chose d’important : le monde change rapidement, le pouvoir d’achat des ménages autour du monde augmente constamment, et la compétition pour attirer des investissements devient de plus en plus forte. Si l’Europe laisse sa compétitivité tomber et se tourne en elle-même, le reste du monde va continuer à avancer et rendre les marchés les plus attirants. Ses propositions peuvent appuyer sa vision pour le court terme, mais à long terme, elles deviennent chères et intenables.

 

Les solutions de madame Aubry : plus d’inflation, de dettes, de règlementations

Mme Aubry croit qu’il faut se débarrasser des conditions d’austérité des États membres et laisser la Banque centrale européenne « pouvoir prêter directement aux États membres ».

La responsabilité fiscale n’est pas un fléau mais une nécessité. Laisser la Banque centrale européenne prendre des libertés avec la politique monétaire serait irresponsable pour notre futur et les générations à venir. Nous constatons aujourd’hui à quel point les crises d’inflation – bien sûr exacerbées par la pandémie et la guerre en Ukraine- révèlent des myriades de problèmes d’accumulation de dépenses et de dettes publiques. La solution à ces problèmes n’est pas davantage de dette. Il faut bien penser aux futurs contribuables qui vont devoir rembourser ces dettes et le prix d’inflation qu’elles peuvent entraîner.

Mme Aubry a bien souligné la débâcle qu’est le lobbying à Bruxelles. Il faut bien sûr davantage de transparence sur les pratiques de lobbying, mais il faut aussi penser à ne pas créer un système incitatif. Ses propositions de taxation et protectionnisme vont créer un système de surrèglementation et un marché où les gagnants seront ceux pouvant convaincre les régulateurs à Bruxelles de leur donner des exemptions et des subventions.

Le libre-échange est non seulement un des piliers fondateurs de l’Union européenne mais aussi une des raisons principales de son succès. Le marché offre toujours des solutions à des problèmes actuels, et le rejeter en faveur de politiques protectionnistes risque de défaire des années de progrès réalisés par l’Union européenne.

 

Ogechukwu Egwuatu est une fellow de Young Voices Europe, écrivaine et activiste basée en France.

Inflation : un drame social et culturel

La réflexion critique sur le thème de l’inflation est aussi ancienne que l’économie elle-même, et elle va bien sûr au-delà de l’économie en tant que science. Le problème de l’inflation commence dès lors que l’on confond la rareté des moyens réels avec une rareté de l’argent, autrement dit lorsqu’on tente de masquer la rareté des moyens réels en créant de la monnaie.

 

Un expédient individuel qui pénalise le collectif

Le point de vue économique individuel (microéconomique) d’un groupe de personnes devient la référence pour un problème économique général (macroéconomique).

Les problèmes économiques individuels peuvent être résolus par la création monétaire, mais pas le problème économique général de la rareté des moyens et des ressources réels. Ces dernières ne peuvent pas être augmentées par la création monétaire, mais seulement redistribuées. La création monétaire se fait donc au détriment des autres. Elle entraîne une redistribution depuis la majorité des gens vers quelques profiteurs. Une grande partie des conséquences sociales et culturelles de l’inflation trouve son origine dans cet effet de redistribution.

Ce qui rend la création monétaire particulièrement insidieuse, c’est la facilité avec laquelle les citoyens se laissent duper. Dans un premier temps, l’économie semble florissante. Les dépenses et les revenus monétaires augmentent. Le papier-monnaie a une valeur d’échange qui commence seulement à s’éroder. À ce stade, la redistribution est déjà à l’œuvre, mais elle n’est pas encore remarquée par tous : les gagnants sont ceux qui acquièrent au bon moment des biens et actifs réels qui conservent leur valeur, même une fois le mirage dissipé.

Tout le monde ne peut jamais s’enrichir grâce au processus d’inflation. Pire, même pour ceux qui finissent par repartir bredouilles, l’illusion d’une plus grande prospérité est maintenue, au moins pendant un certain temps, grâce à une consommation accrue – jusqu’à ce que la dévaluation du papier-monnaie fasse voler en éclats l’illusion – le moment où l’effet réel de la redistribution se manifeste aux yeux de tous.

 

Un transfert de richesses qui ne dit pas son nom

Un canal important par lequel la redistribution opère est l’inflation disproportionnée des prix des actifs qui résulte de l’inflation générale des prix.

Elle est due à un changement de comportement en matière d’épargne. Dans une économie inflationniste, le coût d’opportunité de la détention de monnaie augmente et, par conséquent, les incitations à réorienter l’épargne vers des biens et actifs protégés contre l’inflation émergent. L’inflation disproportionnée des prix des actions et de l’immobilier est une manifestation de ce phénomène.

L’inflation disproportionnée du prix des actifs a tendance à avantager les classes déjà fortunées et à creuser le fossé entre les riches et les pauvres. Les actifs augmentent proportionnellement aux revenus, en particulier aux revenus du travail, et rendent ainsi l’ascension sociale plus difficile. Il devient par exemple beaucoup plus difficile d’acquérir un bien immobilier avec un revenu égal au salaire médian.

Nous pouvons ainsi identifier, entre autres, quatre tendances importantes de redistribution à l’heure actuelle :

  1. Du secteur privé vers l’État et le secteur public.
  2. Des personnes non fortunées vers les personnes fortunées.
  3. Des revenus du travail vers les revenus du capital et les gains en capital.
  4. Des jeunes vers les personnes âgées (car les jeunes générations ne possèdent souvent pas (encore) de patrimoine et dépendent davantage des revenus du travail).

 

Ces tendances à la redistribution entraînent une augmentation des inégalités économiques et constituent ainsi l’une des principales conséquences sociales de l’inflation. Cette redistribution a des effets multiples sur la culture et le mode de vie de différents groupes de la société.

 

Une injustice sociale pour les plus jeunes et les plus pauvres

De manière générale, l’augmentation des inégalités favorise le ressentiment vis-à-vis du système et de la politique.

Cela peut être la cause d’une baisse de la participation électorale et d’une dérive vers les marges politiques, à gauche et à droite. Cette tendance est particulièrement marquée chez les jeunes générations. L’angoisse existentielle et le sentiment d’être laissé pour compte se répandent et provoquent un stress accru. Dans le pire des cas, elles conduisent à l’abandon de soi et à la résignation.

On observe depuis des décennies, en particulier chez les jeunes, des indicateurs croissants de souffrance psychique. La consommation de drogues et les taux de suicide augmentent. Ces phénomènes ont de nombreuses causes potentielles. L’une d’entre elles est la redistribution au détriment des jeunes générations. Mais celle-ci peut également entraîner d’autres changements culturels. Si l’ascension sociale est rendue plus difficile par la constitution d’une épargne à partir des revenus du travail, cela peut conduire à une plus grande orientation vers le présent. Au lieu d’épargner et d’anticiper l’avenir, on s’adonne aux plaisirs de la consommation du présent. La culture YOLO (you only live once) peut être comprise comme une dérive de cette tendance.

Une corruption collective s’installe chez les générations plus âgées et la classe politique, qui a tendance à profiter davantage du processus de redistribution.  On ne reconnaît pas les problèmes systémiques, même si on en est parfaitement conscient, car ce n’est pas à son propre avantage que l’on peut changer quelque chose.

Cette forme d’hypocrisie, que l’on retrouve souvent dans le discours public, renforce à son tour, lorsqu’elle est perçue, le ressentiment des personnes défavorisées dans ce processus de redistribution.

 

Une méritocratie évincée par une kleptocratie

Une forme de mégalomanie s’installe en outre dans la classe politique. On sous-estime les coûts réels des grands projets politiques financés par l’inflation, comme la protection du climat ou les conflits militaires. L’inflation entraîne un affaiblissement des limites de la marge de manœuvre politique. Cela peut également augmenter le ressentiment envers la politique chez tous ceux qui reconnaissent ce découplage et le considèrent comme problématique, même quand il est entendu que ce processus d’inflation profite à un autre endroit.

Ainsi, l’inflation ne provoque pas seulement un sentiment d’injustice accru, elle favorise aussi une culture de la méfiance et du ressentiment. On se méfie des élites et de la politique. Mais on se méfie aussi des entrepreneurs qui réussissent, car leur succès économique ne repose pas nécessairement sur une création de valeur productive, mais peut être le résultat d’une redistribution inflationniste.

C’est souvent un mélange des deux. On ne leur fait donc pas confiance pour réussir. Et c’est ainsi que s’érode le fondement social sur lequel est construit un système d’économie de marché. L’économie de marché promet d’être une méritocratie, c’est-à-dire une réussite économique pour ceux qui offrent aux autres quelque chose pour lequel ils sont prêts à payer. La richesse que l’on génère est une richesse au profit des autres. La redistribution inflationniste met ce système à l’envers. La richesse issue de l’inflation signifie la richesse au détriment des autres.

[Série sur les mythes de la diversification II/IV] La diversification ne protège pas les épargnants

Lire la première partie.

 

« Peu importe que vous soyez intelligent si vous ne vous prenez pas le temps de réfléchir » – Thomas Sowell

Revenons brièvement sur les idées reçues sur lesquelles s’appuie le dogme de la diversification.

On ne se souvient même plus que la promesse de départ consistait à atteindre la médiane des performances, ni plus ni moins.

« La théorie moderne de portefeuille vous apprend comment vous y prendre pour avoir la moyenne. Mais je pense que la plupart des gens savent comment il faut faire pour avoir la moyenne dès la classe de 6e » (Warren Buffet).

Oui, la diversification protège, mais… seulement les incompétents : des gens dont on devrait se demander ce qu’ils font sur les marchés financiers, après tout. Trop d’épargnants ont davantage peur de perdre de l’argent que de ne pas en gagner ; s’ils sont à ce point averses au risque, ils ne devraient pas placer un seul euro sur les marchés, point barre.

 

La stratégie de la diversification offre des protections très limitées aux investisseurs

Et encore, cette « protection » a eu lieu dans une phase de financiarisation, disons à partir de 1982 (en net et en termes réels, bien peu de gens ont gagné de l’argent sur les marchés financiers entre 1929 et 1982…), phase où la sélectivité n’était pas essentielle parce que toutes les classes d’actifs montaient, montaient. Mais à partir d’aujourd’hui, c’est beaucoup plus discutable : le monde qui se prépare en Occident n’est probablement pas celui où une marée montante fera monter tous les bateaux.

Le client ainsi protégé à triple tour est bien souvent incité à faire un peu de tout ; il se retrouve à jouer au service-volée sur terre battue, ou à lifter sur gazon : par exemple, des comportements de rentier sur les actions, guidé par des YouTubeurs pas du tout racoleurs qui font la promotion de revenus fixes par les dividendes ; ce qui n’est pas fidèle à l’esprit de cette classe d’actifs, et maintien au dessus de la ligne de flottaison un certain nombre de boites satrapiques.

Il ne suffit de toute façon pas de signer en faveur de la protection pour l’obtenir. C’est un peu comme s’inscrire à un club de gym pour perdre du poids : personne n’a jamais obtenu un résultat de cette façon ; c’est l’effort concret qui compte, pas le bulletin d’inscription. La diversification peut protéger de la volatilité excessive, mais ce n’est pas un vaccin infaillible et elle n’est jamais gratuite ; attention à ce qu’elle ne vous protège davantage de la hausse que de la baisse.

Nous pourrions ensuite évoquer les nombreuses failles de la théorie, par exemple le fait que le cash n’est pas vraiment modélisé (de sorte qu’il est en fait assez possible de battre le marché avec de la patience et une petite culture du cycle), ou par exemple le fait que le modèle de valorisation des actifs repose sur une accumulation de bizarreries (existence consensuelle d’un « actif sans risque », et des taux d’actualisation traficotés qui divorcent de plus en plus des taux d’intérêt…) ; mais creusons plutôt ici dans une direction moins souvent analysée : les pertes cognitives.

 

« Le risque varie en fonction inverse de la connaissance »

Car à mesure que l’on se diversifie, on perd en connaissance. Personne ne le dit, alors que c’est un fait indubitable, inexorable, bien documenté. « Le risque varie en fonction inverse de la connaissance » notait déjà Irving Fisher.

Mais peut-être qu’une métaphore serait ici plus parlante. Billy Rose exposait ainsi le problème :

« You’ve got a harem of seventy girls; you don’t get to know any of them very well »

Ma traduction : si vous disposez d’un harem avec 70 filles, vous n’allez pas bien connaître une seule d’entre elles. Un portefeuille très diversifié est un portefeuille qui n’est plus maitrisé, et qui se retrouve en risque, du fait même de son obsession pour la maitrise du risque.

Un professionnel très entraîné peut suivre dix boîtes, et encore. Quand il prétend pouvoir en surveiller 200, il se trompe, ou il vous trompe. Quand on a des centaines d’entreprises (pardon, on dit de façon révélatrice des « lignes »…) dans le portefeuille, et plusieurs portefeuilles, les bilans et les comptes trimestriels ne sont plus vraiment regardés, les perspectives deviennent floues, la qualité du management est ignorée, le risque est géré : c’est-à-dire d’une façon administrativo-journalistique.

 

Une perte de temps et d’efficacité

C’est pourquoi un surcroit de diversification offre une protection le plus souvent illusoire.

D’une part, quand les choses tournent vraiment mal sur les marchés, on se rend compte mais un peu tard que les titres sont bien plus corrélés qu’on ne le croyait : votre « stratégie » de protection ne fonctionne que par mer calme, lorsque tout monte.

D’autre part, le fait de s’asseoir sur une base très large de valeurs n’incite pas à une attitude guerrière, tout l’instinct qu’il faudrait aiguiser se retrouve comme anesthésié.

Enfin, il y a les pertes cognitives, tous ces détails qui tuent que l’on perd de vue à force de se diversifier ou d’élever le niveau du débat (une façon sûre de le perdre de vue : combien de fois ai-je vu des analystes perdre la moitié de leur temps à discuter de la FED ou de la BCE quand ils auraient mieux fait de laisser cela à des économistes et de retourner sur le terrain disséquer des bilans et des perspectives d’entreprises concrètes !).

Au fond, c’est un viol de la division du travail, une approche plus marxiste que smithienne. Le moindre des paradoxes n’est pas qu’on couple ce travers avec un dogmatisme pro-marché caricatural, digne des nouveaux convertis.

Un exemple. L’idée que le marché a toujours raison est une confusion temporelle en plus d’être une simplification abusive. Après avoir correctement observé qu’il est le plus souvent efficient, les académiques et les modélisateurs en sont venus à conclure incorrectement qu’il est toujours efficient.

Or, la différence entre ces deux propositions est, comme le notait Warren Buffet, « night and day ».

Citons-le complètement :

« We are enormously indebted to those academics: what could be more advantageous in an intellectual contest—whether it be bridge, chess, or stock selection than to have opponents who have been taught that thinking is a waste of energy ? ».

On peut donc profiter de ce refus de savoir.

Encore faut-il aiguiser son sens critique. La valeur est créée depuis toujours par des outsiders, pas par des apparatchiks : en diversifiant, vous attribuez pour votre argent autant d’importance aux bureaucrates qu’aux entrepreneurs, aux margoulins des SCPI qu’aux industriels innovants. La diversification maximaliste dit implicitement que tous les secteurs sont grosso modo égaux du point de vue de l’actionnaire.

Ce n’est juste pas vrai. Plusieurs secteurs sont des tonneaux des Danaïdes pour l’investisseur de moyen/long terme, pour diverses raisons dont la capture par les managers. On connait l’usage du « Hollywood accounting », on sait que les compagnies aériennes multiplient les trous d’air depuis 1973, on observe une bureaucratisation inouïe des banques européennes, et personne ne gagne sur les matières premières à long terme. Faire croire à l’égalité ou au retour à moyenne, c’est tromper le public, et à terme, c’est le dégoûter d’une épargne financière qui est pourtant un bien privé et un bien public. Nous y reviendrons.

 

Le refus du savoir est rarement un bon signe

En paraphrasant un très beau texte de Marcel Gauchet où il notait que le niveau montait, mais que le livre baissait, je dirai que le niveau des encours monte mais que la connaissance et la conviction baissent. À défaut, je peux augmenter mon QI instantanément sur les marchés en choisissant des problèmes que je peux résoudre. Mais refuser à la fois de connaître et de choisir est un boulevard pour le désastre.

Markowitz, Fama, Sharpe raisonnaient sur des portefeuilles de professionnels qui n’ont pas besoin de bien connaitre les filles de leur harem. Vous ne boxez pas, chers épargnants individuels, dans cette catégorie. Les investisseurs institutionnels ne jouent pas avec leur propre argent. Vous, si. Ils sont rémunérés à la fin du mois pour avoir géré (c’est-à-dire pour éviter des risques), vous n’êtes récompensés que si vous avez pris quelques risques. En tant que particulier, vous devriez vous méfier lorsqu’on vous propose de dupliquer une salle de marché, même si techniquement vous pouvez désormais le faire et pour pas trop cher avec des ETF.

Les règles (très souvent idiotes) de diversification ou de biais domestique ne s’appliquent pas à vous : les gérants vous battront au jeu du rendement/risque, mais vous pouvez aisément les battre sur le seul rendement… à condition de ne pas jouer leur jeu. Au lieu de cela, il existe partout un discours sur la polarisation du succès mais… les portefeuilles financiers restent affreusement diversifiés.

Et à la fin, tout sur l’immobilier ! Paradoxe d’une religion diversificationniste objectivement alliée à une poche qui représente les deux tiers de l’épargne européenne ; un « big ticket » qui, lui, n’est pas diversifié du tout, impunément, comme si son prix ne pouvait jamais baisser. Or, la pierre ne protège pas, elle est peu créatrice de valeur, car elle est très illiquide, elle est basée sur le levier de la dette, et 25 années de hausse quasi-ininterrompue des prix implique désormais une grande vulnérabilité (rareté des primo-accédants, inutilité croissante des bureaux, maturité des emprunts déjà très étirée, ratios de solvabilité à la limite).

L’or et les matières premières n’ont jamais protégé, sauf en cas de guerre, et encore. Ils n’offrent aucun rendement, leurs déterminants changent et sans visibilité aucune (on saura dans trois ans si telle ou telle banque centrale a acheté de l’or aujourd’hui), leur financiarisation via les ETF est suspecte et les expose aux mouvements des autres classes d’actifs (qui sont beaucoup plus volumineuses). En un mot ce sont des reliques, des objets de spéculation à la rigueur, mais en aucun cas des protections. L’obligataire, qui a bien rempli sa mission protectrice pendant près de 40 ans, arrive quant à lui à la fin de son parcours : trop d’émissions et un pilotage capricieux des taux par le banquier central rendent l’obligation bien moins fiable aux yeux de l’investisseur moyen/long terme. La vraie protection se niche de plus en plus dans la qualité de la sélection des actions, dans la fluidité du portefeuille, dans la gestion d’une poche de cash, dans des astuces de convexité ou d’internationalisation, bien plus que dans le nombre de classes d’actifs, dans le nombre de titres détenus.

Analogie. Quand un gouvernement affiche 15 priorités, quand il prétend vouloir défendre l’État Providence tout en développant une « start up Nation » et tout en luttant contre le réchauffement global, on comprend qu’en fait il se disperse.

Il arrose et il communique, mais au final il va échouer, par manque de conviction, par manque de cohérence : idem avec votre portefeuille. Qui trop embrasse mal étreint. Acheter tout le marché signifie que vous allez vous faire balloter au gré des (gros) flots, avec pour seule boussole cette idée selon laquelle les marchés sont assez porteurs à long terme. Ce qui est vrai mais uniquement depuis 1982, et sans garantie aucune que cette période porteuse soit éternelle : les performances passées ne présagent pas des performances futures, c’est d’ailleurs marqué en Arial 6 sur les documents que votre courtier vous a fait signer.

[Série sur les mythes de la diversification I/IV] En finir avec le dogme de la diversification

« Toutes choses étant égales, c’est la conviction qui gagne. Alliée à une volonté de vaincre, elle sert de détonateur, suscite des idées, disperse les doutes et aide à penser clairement » (Robert Fischer).

Parfois des sectes deviennent des religions et finissent en théocraties tyranniques. Je vais vous raconter les dessous d’une histoire qui de nos jours plait beaucoup à Jean-Michel Consensus mais qui repose sur des malentendus et parfois sur des arnaques, qui à large échelle détruit de plus en plus de valeur et qui pourrait bien finir par nous ensevelir tous : la diversification maximale de l’épargne.

La diversification privilégiée

Elle est de nos jours considérée comme l’alpha et l’oméga de la gestion, le dernier free lunch avant la fin du monde, une sorte de religion civile avec ses séminaires, ses indulgences.

Il n’en a pas toujours été ainsi, il s’agissait à la base d’une petite secte de théoriciens.

Nous allons montrer ici que ce culte protège mieux son clergé que les clients, car la diversification tue la recherche de nouvelles pistes, conduit au relativisme et à un faux sentiment de sécurité, et surtout elle est biaisée, les intérêts ne sont pas « alignés » comme on dit pudiquement. Il y a d’abord le vite dit (la diversification protège), puis le mal dit (la pseudo-neutralité des propagandistes zélés de la diversification) et enfin les non-dits, les dégâts que l’on ne voit pas (une économie zombifiée, une société Potemkine, un viol des mécanismes libéraux les plus solides).

Mais avant d’étudier les mythes de la diversification, commençons par un peu d’histoire :

Au commencement était le monde non-diversifié. Jusqu’aux années 1970, les marchés financiers (il est vrai assez peu développés à l’époque) étaient dominés par une mentalité de stock-picking à la petite semaine : les gens misaient sur des boites comme on mise sur des chevaux au bar PMU, ils ne cherchaient pas à mettre de la science dans leurs portefeuilles (l’idée leur aurait paru incongrue !), ils s’en remettaient à un mélange d’analyses locales ou sectorielles, de « tuyaux » et de bon sens, d’intuition et d’expérience, sans trop de soucier du cross-asset ou des ratios de concentration ; de sorte que Warren Buffet n’était pas un acteur trop isolé quand sa principale position représentent jusqu’à un bon tiers de ses actifs totaux. La formule d’Andrew Carnegie était considérée comme la sagesse même : « Concentrez vos énergies, vos pensées et votre capital. Le sage met tous ses œufs dans le même panier et veille sur le panier » ; de nos jours, ce serait plutôt chez les gestionnaires d’actifs la définition la plus admise de la folie.

 

Les conséquences de la crise de 1974

Et puis, en 1974, tout chuta. Les firmes, même les mieux établies, perdirent subitement la moitié de leur capitalisation. Confrontés à ce carnage inexplicable, les gens de Wall Street firent ce qu’ils refusaient jusque-là de faire (et ce qu’ils refuseront de faire après 2008…) : aller trouver de nouvelles idées, ailleurs.

Ils se tournèrent en l’occurrence vers des gens qu’ils méprisaient intégralement, les académiques. Ces professeurs, qui pour la plupart n’ont jamais ouvert un compte titres de toute leur vie, avaient développé depuis la fin des années 1950, dans leurs tours d’ivoire aux environs de Chicago, une jolie littérature bourrée de lettres grecques et appelée « théorie moderne du portefeuille », dans laquelle ils démontraient que, vue l’hypothèse d’efficience du marché (qui implique que le prix des actifs reflète toute l’information disponible), la gestion se résume à un problème banal d’optimisation quadratique le long de frontières efficientes.

Pour résumer ce qui nous intéresse ici, et laissez-moi extrapoler un peu : on ne peut pas battre durablement et significativement le marché (le plus grand collecteur d’informations possible) à moins de prendre des risques considérables, de sorte qu’il est assez vain de chercher l’aiguille dans la botte de foin ; mieux vaut acheter la botte de foin, via des solutions diversifiées.

Les articles académiques n’étaient pas lus par des adultes sérieux et solvables : Markowitz était bien seul dans les années 1950, comme Fama ou Sharpe dans les années 1960. Et puis soudain, après 1974, ils devinrent des stars, les nouveaux papes de Wall Street. En moins de 20 ans le monde de la gestion d’actifs devint une industrie, basée sur leurs principes, leurs règles. Les progrès de l’informatique aidant, les raisonnements anciens furent balayés et remplacés par leurs modèles, traduits via des algorithmes : disciplinés dans le sens de la minimisation du risque (risque compris comme une mesure de la volatilité du marché), rassemblés autour du même outil (la VaR, Value at Risk) et réassurés par une cascade de marchés dérivés ; en bref, organisés par des allocataires d’actifs, et non plus par des boursicoteurs plus ou moins inspirés. 

En un mot, on sanctifia cette théorie moderne, on importa des ingénieurs pour la faire tourner, et des vendeurs pour la propager, on leur confia les clés du royaume, puis, protégés par leur jargon, ils firent tout ce qu’ils voulaient faire, à savoir sophistiquer leurs modèles jusqu’à l’absurde et s’auto-attribuer des bonus faramineux (au grand dam de la théorie pure, qui tablait sur un environnement concurrentiel susceptible d’émasculer les marges des intermédiaires, mais passons).

 

De crise en crise, les mythes sur la diversification se sont pérennisés

Cette évolution a continué même après le scandale LTCM en 1998, quand il devint évident que la bonne gestion n’était pas qu’un exercice de maths, et même après la grande crise de 2008, quand on s’aperçut qu’à force de découper le risque en petits bouts façon puzzle on se retrouvait partout avec plein de produits non-maitrisés. La théorie moderne est souvent critiquée, vous avez probablement entendu parler du « cygne noir » de Nassim Nicholas Taleb (cette idée selon laquelle la théorie standard est trop liée à des distributions gaussiennes) ou de telle ou telle autre critique, contre la VaR, contre la titrisation, contre l’hybridation des classes d’actifs, etc. ; mais de facto elle n’est pas vraiment entravée, nous allons le voir, et la religion de la diversification devient petit à petit une théocratie. 

Comme toutes les révolutions, elle dévore ses propres enfants. Elle s’appuie désormais sur les ETF (les trackers) pour compléter son travail de sape, sa lutte sans merci contre la conviction. Il y aura bientôt un plus grand nombre d’ETF que d’actions. Et si cela continue, Blackrock, Blackstone et Vanguard seront les trois principaux actionnaires de toutes les grandes boîtes cotées. C’est le triomphe des petits hommes gris sur les grands investisseurs : pendant que le grand public est dupé par des histoires anachroniques de traders atypiques, de chiens fous et de loups solitaires, les bureaucrates dans l’ombre envahissent tout.        

À chaque fois qu’un accident économique ou financier survient, c’est toujours la même rengaine : tel acteur n’était pas assez diversifié, tel autre aurait dû davantage « hedger » ses positions, etc. De sorte qu’un surcroît de diversification est préconisé après chaque échec, même si l’échec en question est dû le plus souvent… à un excès de diversification ayant conduit à des pertes cognitives et/ou à un endormissement.

 

Bienvenue en absurdie

La diversification, de nos jours, fonctionne comme dans cette vieille blague sur la psychanalyse :

« Si vous vous sentez bien et que vous n’utilisez pas la diversification, vous êtes considérés en situation de déni ; si vous vous sentez mal et que vous n’utilisez pas la diversification, vous êtes un idiot ; si vous êtes en thérapie de diversification et que vous vous sentez bien, alors c’est grâce à cette thérapie ; si vous êtes en thérapie de diversification et que ne vous sentez pas bien, alors c’est que vous avez encore plus besoin de la thérapie ».

Le chantage aux financements européens accable la Palestine

Une nouvelle fois, le levier financier est au cœur de la réponse européenne face à la guerre à Gaza, au côté des déclarations sur « le droit d'Israël à se défendre ». Si la pérennité de l'« aide » versée aux Palestiniens ne semble pour l'heure plus en cause, l'annonce d'un contrôle renforcé et du report de certaines dépenses soulève des inquiétudes à Ramallah, auxquelles se mêle de la colère. Le 21 novembre, la Commission européenne s'est réunie à Strasbourg pour décider de la reprise ou non des aides européennes, après leur suspension le 9 octobre.

Le contrôle des financements auxquels ont accès les Palestiniens constitue un enjeu majeur depuis l'époque du mandat britannique sur la Palestine. Les organisations sionistes jouissaient alors de l'importante manne financière pourvue par les diasporas juives d'Europe et des États-Unis, tandis que les forces coloniales françaises et britanniques réprimaient les levées de fonds qui s'organisaient en soutien à l'insurrection palestinienne dans les régions arabes voisines sous leur contrôle. En parallèle, l'administration mandataire entreprenait d'aider — sans grande efficacité — les paysans palestiniens repoussés par la colonisation comme un moyen de tarir les foyers de révolte qui se multipliaient.

Après la Nakba en 1948, l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) devient le principal pourvoyeur de l'aide humanitaire dispensée aux réfugiés palestiniens, installés dans des camps dans l'attente de leur « rapatriement ». Premiers bailleurs de cette aide jusque dans les années 1970, les États-Unis — progressivement devancés par l'Europe — veulent endiguer la progression communiste d'abord, puis nationaliste et islamiste1. D'un autre côté, les organisations palestiniennes formées en exil dans les années 1960 trouvent un soutien financier auprès d'États et de mécènes privés arabes et musulmans. Après 1967 et l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël, une partie de ces fonds y est acheminée en appui au soumoud, mot d'ordre adopté par les Palestiniens qui désigne le fait de « tenir bon » face à l'entreprise israélienne de colonisation des terres et d'expropriation de ses habitants.

À la fin des années 1970, l'agence USAID lance à son tour un programme dédié à l'amélioration du bien-être et de la qualité de vie dans les territoires occupés. Il s'agit cette fois de briser l'influence de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et d'encourager une opinion publique plus favorable à l'accord pour une autonomie palestinienne restreinte, signé à Camp David entre Israël et l'Égypte. L'arrière-plan politique de cette aide est alors dénoncé par la société palestinienne2. L'évolution du contexte géopolitique mondial au cours des années 1980 et la perte de ses principaux soutiens politiques et financiers arabes conduisent cependant l'OLP à infléchir ses positions vers l'acceptation d'une autonomie politique transitoire dans les frontières de 1967, la reconnaissance de l'État d'Israël et le renoncement à la lutte armée.

Les inconséquences du soutien de l'Europe

Les financements européens directement versés aux Palestiniens interviennent dans ce contexte-là. Au début des années 1990, la communauté internationale s'engage à soutenir financièrement le processus de paix entériné par la signature des accords d'Oslo entre Israël et l'OLP. Il s'agit explicitement de rendre tangibles les « dividendes de la paix » pour la population palestinienne, tout juste sortie de la première intifada, en promouvant le développement économique des territoires. L'Union européenne (UE) s'impose de loin comme le principal bailleur. Une participation qui s'inscrit au cœur de la politique étrangère européenne et répond à ses objectifs de promotion de la sécurité, de la démocratie et de la bonne gouvernance fixés dans les cadres du « Partenariat euro-méditerranéen », du « Partenariat pour la paix » ou encore de la « Politique européenne de voisinage ».

Entre 1993 et 2020, les territoires occupés auraient bénéficié de 46,4 milliards de dollars (42,38 milliards d'euros) d'aide au développement, dont la moitié environ est versée par l'Europe3. Outre une participation aux dépenses de l'Autorité palestinienne (AP) : salaires des fonctionnaires, frais de santé, aides socioéconomiques, ces financements couvrent divers programmes allant de la construction d'infrastructures et de bâtiments publics à l'assistance humanitaire en passant par la réforme des institutions, l'empowerment des femmes et de la jeunesse, et le soutien au secteur privé. D'abord guidée par la perspective d'une résolution imminente du conflit, cette aide devient pourtant très vite un écran de fumée qui peine à masquer l'échec de la « solution à deux États », et un bien maigre palliatif face à l'effondrement économique palestinien.

De fait, ledit processus de paix ne met pas fin à l'occupation, et la colonisation s'accélère. Les maigres prérogatives accordées à l'AP sont constamment remises en cause sur le terrain par l'administration israélienne qui garde le contrôle des régimes commercial, monétaire et financier, ainsi que des frontières et de la majeure partie des territoires. Depuis la seconde intifada des années 2000, de nombreux observateurs dénoncent la passivité et soulignent l'inconséquence des bailleurs, au premier rang desquels l'UE, dont l'aide aurait finalement contribué à financer l'expansionnisme israélien au détriment du droit international et de toute solution politique4. L'Europe n'a pas même su empêcher la destruction régulière par l'armée occupante d'institutions et d'infrastructures établies et entretenues à ses frais, faisant aussi supporter à ses contribuables le coût de ce gaspillage sans fin. La raison d'être des financements européens restera malgré tout inchangée et ceux-ci continueront de redoubler à chaque nouvel embrasement du conflit.

Un instrument de contrôle et de sanction

L'UE et ses membres n'hésitent pourtant pas à conditionner l'aide versée aux Palestiniens, à de nombreuses occasions et de multiples façons. L'exemple le plus emblématique — et controversé — est certainement celui des sanctions israéliennes et internationales prononcées après la victoire aux urnes du Hamas en 2006. L'Europe suspend aussitôt son aide budgétaire ainsi que tout projet mené en coopération avec le gouvernement, et concentre ses efforts sur la réponse aux besoins strictement humanitaires de la population. Un nouveau mécanisme d'assistance est établi dans lequel le secteur privé et les ONG locales et internationales sont invités à se substituer à l'AP5. Ce boycott diplomatique et financier conduit à une crise politique sans précédent et au durcissement des dissensions interpalestiniennes. Plusieurs tentatives d'union nationale sont mises en échec.

En juin 2007, le Hamas s'empare par la force du contrôle exclusif de la bande de Gaza, tandis qu'il est évincé du gouvernement en Cisjordanie par le président Mahmoud Abbas. L'administration israélienne déclare aussitôt la bande de Gaza « territoire hostile », et renforce les restrictions sur les mouvements de personnes et de marchandises à sa frontière. Un siège imposé par terre, mer et air qui perdure depuis lors. L'aide d'urgence est quant à elle maintenue, mais les agences humanitaires sur place sont priées de stopper toute relation avec les autorités locales. Dans les faits, elles maintiennent toutefois une forme de coordination pour mener à bien leurs activités, via des arrangements qui sont constamment renégociés. Nombre de ces agences ne manquent pas de dénoncer un exercice aussi inefficace qu'insuffisant.

Un nouveau mécanisme financier (Pegase) est parallèlement activé début 2008 par l'UE, visant à appuyer le « plan de réforme et de développement » du gouvernement de Salam Fayyad en Cisjordanie. Cet ancien employé du FMI a parfaitement intégré les attentes des bailleurs en se donnant pour priorité de redresser la fiscalité, développer le système bancaire et financier, et promouvoir le secteur privé. Le renforcement de la sécurité intérieure est aussi un élément clé, afin de créer un environnement propice pour les investisseurs. Rien n'est prévu en revanche pour diminuer la dépendance économique palestinienne à l'égard d'Israël. Le mécanisme Pegase permet au même moment un contrôle plus sévère des dépenses opérées par la partie palestinienne, en accord avec les exigences israéliennes comme européennes de transparence, de bonne gouvernance et de « lutte contre le terrorisme ».

Une dépendance croissante

Des secteurs croissants de la société palestinienne se sont ainsi trouvés au fil des ans liés à cette économie de l'aide. Les territoires occupés, en particulier la Cisjordanie, abritent une communauté dense d'organismes étrangers, d'agences des Nations unies, d'ONG locales, d'institutions financières et de consultants privés qui s'activent dans les champs du développement, de la bonne gouvernance ou de l'assistance humanitaire. De même, le dépérissement de l'appareil productif palestinien et l'afflux de fonds étrangers conduisent l'AP à s'imposer en tant qu'acteur socioéconomique incontournable. Les salaires et diverses pensions qu'elle verse sont la principale source de revenus de très nombreuses familles. En 2021, le nombre de fonctionnaires s'élève à 208 000, ce qui équivaut à 21 % de la population active employée6.

L'aide constitue ainsi une rente suffisamment importante pour impacter les programmes, les activités et les agendas des nombreux bénéficiaires, et ainsi subvertir leurs objectifs7. Une situation qui explique pour beaucoup la frénésie de l'AP à mener toujours plus loin les réformes destinées à « assainir » ses institutions et à établir une économie de marché « équilibrée », alors même que le territoire qu'elle contrôle se réduit comme peau de chagrin. Alors que les appels à se désengager de l'économie coloniale israélienne et de ses modes de production se font aujourd'hui de plus en plus nombreux, la dépendance envers les financements étrangers se trouve au centre des préoccupations8. En maintenant ses objectifs de pacification et de libéralisation, l'aide n'apparaît pas seulement comme inefficace ; elle participerait somme toute à désarmer et à accroître la captivité de l'économie et de la société palestiniennes sous occupation.

Vers un contrôle renforcé

Quelques États européens ont annoncé depuis le 9 octobre une suspension de leurs programmes, le temps de s'assurer qu'aucun ne participe à « financer le terrorisme », quand d'autres prévoient d'augmenter leurs budgets pour faire face à « l'urgence humanitaire » dans la bande de Gaza. Ce n'est donc probablement pas le volume, mais bien l'orientation de l'aide ainsi que ses canaux d'attribution qui risquent d'être affectés, dans le sens d'un aiguillage et d'un contrôle encore renforcés.

Cette communion précipitée des « objectifs de développement et de paix » avec les préoccupations contre-insurrectionnelles israéliennes illustre bien le piège dans lequel est prise la coopération européenne dans les territoires occupés. Quelle que soit l'importance des fonds déboursés, l'Europe est condamnée à se trouver en porte-à-faux des préoccupations proprement palestiniennes si elle ne prend pas des mesures sérieuses pour mettre un frein à l'expansionnisme israélien.

Il se trouvera certes toujours des acteurs locaux prêts à endosser le rôle attendu par les bailleurs, et même à en tirer profit. Mais l'échec de cette politique parle de lui-même, et le gaspillage en vies humaines est beaucoup trop lourd pour ne pas corriger le tir. Les aspirations palestiniennes s'expriment désormais plus fortement que jamais. La fracture est, elle aussi, bien palpable alors que certains parlent déjà de boycotter les partenariats et financements européens. Pour être véritablement une main tendue, l'aide ne devra plus jamais être l'auxiliaire des crimes réalisés contre tout un peuple.


1Jalal Al-Husseini, « UNRWA and the Refugees : A Difficult but Lasting Marriage », Journal of Palestine Studies, 2010, vol. 40, no. 1, p. 6-26.

2Khalil Nakhleh, The Myth of Palestinian Development : Political Aid and Sustainable Deceit, Palestinian Academic Society for the Study of International Affairs (Passia), Jérusalem, 2004.

4Anne Le More, « Killing with Kindness : Funding the Demise of a Palestinian State », International Affairs, 2005, Vol. 81, No. 5, pp. 981-999.

5Couler l'État palestinien, sanctionner son peuple : l'impact de l'asphyxie économique du Territoire Palestinien occupé sur les droits de l'Homme, Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Rapport no. 459, 2006 (mission internationale d'enquête).

6Rapport sur l'assistance de la Cnuced au peuple palestinien : évolution de l'économie du territoire palestinien occupé, Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), Genève, 8 août 2022.

7Sbeih Sbeih, Les projets collectifs de développement en Palestine : Diffusion de la vulgate néolibérale et normalisation de la domination, Civil Society Knowledge Centre, Lebanon Support, 2018.

8Jeremy Wildeman et Alaa Tartir,« Unwilling to Change, Determined to Fail : Donor Aid in Occupied Palestine in the aftermath of the Arab Uprisings », Mediterranean Politics, 19:3, 2014 ; p. 431-449.

Qui paye l’inflation importée ?

Un article de , économiste – Directeur adjoint au Département Analyse et Prévision OFCE, Sciences Po

 

Le retour de l’inflation en France depuis deux ans, dont l’origine vient principalement d’un choc de prix d’importations lié à la hausse vertigineuse de la facture énergétique, pose la question centrale de la répartition de ce choc au sein des agents économiques. Qui en a principalement subi les effets ?

Sous l’effet, d’abord de la forte reprise post covid, puis de la guerre en Ukraine, le prix des composants industriels et des matières premières, notamment énergétiques et agricoles, a fortement augmenté. Le prix des importations s’est ainsi accru de 20 % en l’espace d’un an, conduisant à un choc de grande ampleur sur l’économie française.

Une part de cette inflation importée s’est diffusée dans l’économie domestique, à travers la hausse du prix des intrants, des revenus du travail et du capital. Entre septembre 2021 et 2023, l’indice des prix à la consommation a augmenté de près de 11 %. Sur la même période, les seuls prix de l’énergie ont augmenté de 32 % et ceux de l’alimentaire de 21 %. Ces deux composantes, qui représentent environ un quart de la consommation totale des ménages, ont contribué à près de 60 % à l’inflation au cours des deux dernières années.

En parallèle, le besoin de financement de l’économie nationale vis-à-vis de l’extérieur est passé de un point à deux points de PIB entre le second semestre 2021 et la mi-2023… mais celui-ci a atteint jusque 4,6 points de PIB au 3e trimestre 2022. Si le reflux des prix de l’énergie et des matières premières à partir de la fin 2022 a conduit à réduire le besoin de financement extérieur, celui-ci a donc connu une hausse de plus de trois points de PIB en un an, soit l’équivalent du premier choc pétrolier de 1973.

Deux après le début de l’épisode inflationniste, il est possible de tirer un premier bilan sur la diffusion d’un tel choc dans l’économie, et d’avoir une idée de qui paye cette inflation importée.

 

Une inflation différenciée selon les ménages

En raison du recours plus important des déplacements en voiture et d’une facture énergétique liée au logement plus élevée, la hausse des prix de l’énergie a frappé en premier lieu les habitants des communes rurales et périurbaines, et dans une moindre mesure ceux des grandes agglomérations. Alors que les ménages vivant en dehors des unités urbaines ont vu le coût de la vie augmenter de 9 % entre la mi-2021 et la fin 2022, ceux résidant en agglomération parisienne ont subi un choc inflationniste plus modéré, de l’ordre de 6 %.

Au cours des douze derniers mois, l’inflation a cependant changé de nature, la contribution de l’énergie à la hausse de l’indice des prix à la consommation s’est réduite au profit de l’alimentaire. Depuis un an, les ménages les plus impactés par l’inflation sont ainsi les plus modestes, car la part de l’alimentaire dans la consommation est d’autant plus élevée que le niveau de vie est faible. L’inflation actuelle du premier quintile de niveau de vie (les 20 % des messages les plus modestes) est près de 1 % supérieure à celui du dernier quintile (les 20 % les plus aisés).

L’analyse du choc inflationniste ne peut cependant pas s’arrêter là. Il est nécessaire également de comprendre la réaction des revenus à cette hausse brutale des prix. Salaires, prestations sociales et revenus du capital se sont-ils élevés d’autant ?

 

Un tassement des salaires vers le bas

Du côté des revenus du travail, le salaire mensuel de base a augmenté de près de 8 % entre la mi-2021 et la mi-2023. Certes, une telle hausse n’a jamais été vue depuis plus de trente ans mais elle reste insuffisante pour compenser l’inflation. Autrement dit, le salaire réel a diminué de près de 3 % en deux ans.

Avec une hausse de 12 % depuis octobre 2021, le smic a connu, lui, une progression plus rapide que la moyenne en raison de son mécanisme d’indexation sur l’inflation. Si ce mécanisme permet de protéger les travailleurs les plus modestes de l’inflation, rien ne garantit que cette hausse dynamique du smic bénéficie également aux salaires juste au-dessus. De fait, la proportion de salariés touchant ce salaire minimum est passée de 12 % en 2021 à près de 15 % en 2022. Cela confirme l’idée d’un tassement de la grille des salaires vers le bas, de même que la forte hausse des exonérations de cotisations sociales patronales, bien supérieure à la croissance de la masse salariale.

Les prestations sociales, elles, augmentent pour faire face à la hausse des prix. Cela se fait néanmoins avec retard en raison d’une réévaluation annuelle, en janvier ou en avril, calculée sur l’inflation passée. Ainsi, depuis fin 2021, les pensions de retraite n’ont augmenté que de 6 % mais celles-ci seront revalorisées de 5,2 % en janvier 2024. Les autres prestations ont augmenté significativement seulement à partir d’août 2022 avec une augmentation globale de 7,3 % au cours des deux dernières années. Une nouvelle revalorisation de 4,8 % est attendue au 1er avril 2024.

Les revenus du patrimoine financier ont, de leur côté, fortement grimpé, de 35 % entre la mi-2021 et la mi-2023. Cela s’est fait sous l’impulsion de la remontée des taux d’intérêt et de la forte hausse des dividendes versés. Si le pouvoir d’achat par unité de consommation a crû de 0,5 % entre la mi-2021 et la mi-2023, résistant au choc inflationniste, c’est d’ailleurs en partie dû au fort dynamisme des revenus du capital et à la baisse de fiscalité. L’analyse macroéconomique du pouvoir d’achat, bien qu’indispensable, n’est cependant pas suffisante pour comprendre celle par niveau de vie, avec des ménages dont les revenus ont évolué très différemment sur la période récente.

 

Les entreprises tirent leur épingle du jeu

Au cours des huit derniers trimestres, les entreprises ont vu leur revenu réel (déflaté des prix de valeur ajoutée) s’accroître de 4,3 %, et le taux de marge des sociétés non financières a augmenté de 1,2 point de valeur ajoutée pour atteindre 33 % de la valeur ajoutée, son plus haut niveau depuis 2008 si l’on exclut les années exceptionnelles (2019 l’année du double CICE ou la période covid marquée par des aides exceptionnelles).

Enfin les administrations publiques, en mettant en place des dispositifs pour limiter la hausse des prix de l’énergie (boucliers tarifaires…) ont vu leur déficit se dégrader malgré la fin des mesures d’urgence liées à la crise covid. Il est ainsi passé de 4,5 % du PIB fin 2021 à 5,9 % fin 2022, avant de se réduire à 4,6 % à la mi-2023 avec la fin du bouclier tarifaire du gaz et de la remise carburant.

Pour résumer, face à l’inflation importée, les entreprises ont jusqu’à présent bien tiré leur épingle du jeu, même si les situations sont très hétérogènes selon les secteurs et les entreprises. Les ménages ont vu leur pouvoir d’achat résister, mais cela masque des dynamiques très différentes entre les revenus du travail et du capital. Enfin, en absorbant une partie du choc inflationniste, les administrations publiques ont vu leur situation financière se dégrader.

Lire sur le site de The Conversation

Trappe à bas salaires : l’employeur doit payer jusqu’à 450 euros de plus pour augmenter un salarié au smic de 100 euros

Un article de Bertrand Nouel

Qu’est-ce que la « trappe à bas salaires » ? C’est le fait d’encourager l’embauche de salariés peu productifs (peu compétents, peu expérimentés…) en abaissant, jusqu’à les supprimer, les cotisations et charges patronales qui seraient normalement prélevées sur le salaire brut. On a « en même temps » complété la rémunération des mêmes salariés avec la « prime d’activité », qui est à la charge de la CAF. Ces exonérations et ce complément n’existent que pour les bas salaires : au niveau du smic et en dégressivité jusqu’à 1,6 smic pour les exonérations, jusqu’à 1,5 smic dans le meilleur des cas pour la prime d’activité[1].

Le problème, c’est que ces avantages considérables sont accordés sous condition de ressources, créant de la sorte un effet de seuil. L’employeur qui désire rémunérer son salarié au-delà du smic subira une très forte hausse du coût du travail. Et le salarié, perdant ses divers avantages, se retrouve avec une baisse de salaire net. Ni l’un ni l’autre n’ont donc intérêt à ce que le salaire brut augmente. Perdant-perdant : c’est la trappe à bas salaires.

Dans cet article nous allons nous pencher un peu plus en détail sur le phénomène et ses fâcheuses conséquences. Dans un article ultérieur nous examinerons les solutions envisageables.

 

Combien cela coûte-t-il d’augmenter de 100 euros le salaire net mensuel ?

Supposons qu’un employeur veuille augmenter de 100 euros net un salarié célibataire sans enfant payé au smic (montant actuel : 1747 euros brut pour un plein temps de 35 heures hebdomadaires).

Les calculs officiels montrent que le coût du travail se trouve alors majoré d’au moins 286 euros, voire 450 ! [2] Comment cela est-il possible ?

Les chiffres, obtenus sur le simulateur de l’URSSAF, sont les suivants :

Mensuel en € Salaire brut SMIC Salaire net après impôts augmente de 100 € Salaire net après impôts augmente de 100 € + 55 €
Salaire brut     1747       1899       1986
Coût employeur     1820       2106       2270
Salaire net après impôts    1361       1461       1516
Net perçu avec prime activité (55 €)    1416       1461       1516

Lecture du tableau :

La première colonne concerne un salarié payé au smic. L’employeur n’aura à acquitter que 73 euros de charges patronales, et le salarié percevra 1361 euros net après cotisations et impôts (inexistants).

La seconde colonne suppose que l’employeur veuille augmenter son salarié de façon qu’il perçoive en net, après cotisations et impôts (ici 20 euros), 100 euros de plus que lorsqu’il était au smic (donc 1461 euros). Les charges patronales de l’employeur passeront brusquement à 286 euros, soit 213 euros de plus.

La troisième colonne tient compte du fait que le salarié ne perçoit plus aucune prime d’activité (c’est pourquoi, malgré l’augmentation du salaire net, son revenu disponible n’a augmenté que de 45 euros). Si son employeur veut compenser cette perte afin que le salaire net augmente de 100 + 55, soit 155 euros, il devra augmenter le salaire brut de plus que 55 euros, car l’augmentation génère un surplus de cotisations et d’impôt (rappelons que la prime d’activité n’est, elle, pas imposable). Au total, le salarié recevra bien 1461+100 + 55, soit 1516 euros, mais alors, l’employeur verra le coût du travail augmenter de 450 euros.

Finalement, dans la troisième hypothèse, le salarié n’aura gagné que 155 euros, et l’employeur devra acquitter en charges 2,9 fois plus que le gain perçu par son employé.

 

Pourquoi une telle situation ?

Tout se tient. À l’origine, la France a adopté un modèle social très généreux et coûteux, financé par des prélèvements sur le travail selon le système bismarckien (contrairement par exemple au Royaume-Uni ou surtout au Danemark où le financement se fait par l’impôt). Ce financement est principalement à la charge de l’employeur. De plus le taux horaire du smic est l’un des plus élevés d’Europe (actuellement 11,52 euros, contre 11,14 en Irlande, 11,85 en Belgique, 11,75 aux Pays-Bas, 12,00 en Allemagne ; seul le Luxembourg se détache avec 13,80 euros).

Enfin, les 35 heures ont eu pour effet d’une part de diminuer le montant du smic mensuel pour le salarié, d’autre part de contraindre l’État à compenser pour les employeurs l’augmentation de ce smic par des exonérations de charges.

Lorsque dans la dernière décade du siècle dernier, le chômage a fortement augmenté, il est devenu prioritaire pour l’État de le combattre, et il a estimé que les exonérations de cotisations n’étaient efficaces pour l’emploi que dans le cas des bas salaires. Dans ces conditions, l’État a dû aussi, progressivement, augmenter les exonérations de cotisations patronales. Il est maintenant presque au taquet puisque ces cotisations ne représentent plus que 2,8 % du salaire brut au niveau du smic (4 % pour l’URSSAF).

Bien entendu, cela s’est accompagné d’une perte substantielle de ressources pour la Sécurité sociale, qui l’a compensée en augmentant les cotisations pour les salariés payés au-delà de 1,6 smic.

C’est ainsi que pour un salaire brut de 2795 euros (1,6 smic), l’employeur doit débourser 1000 euros de cotisations, soit 35,8 % du salaire brut, à comparer aux 73 euros (4 %) pour un salaire brut au smic.

 

Conséquences

Sur la compétitivité de la France

L’écart entre le coût du travail au niveau des bas salaires (jusqu’à 1,6 smic) et celui des hauts salaires devient vertigineux. D’autant plus que la France calcule les cotisations sur la totalité du salaire ou avec un plafonnement très élevé (8 x 3666 euros pour les cotisations retraite Agirc-Arrco), contrairement au Royaume-Uni ou à l’Allemagne par exemple. C’est une réalité technique, que ceux qui fustigent les écarts de salaire en France ont tendance à oublier. Les employeurs sont malgré tout contraints de l’accepter, en raison du fort pouvoir de négociation de l’élite salariale française et de la concurrence internationale.

Graphique  1. Comparaison France/Allemagne des coûts employeur et salaires net après impôts en fonction du salaire brut

Source : site EuroRekruter et calculs de l’auteur

 

Salaire brut annuel (€) FRANCE ALLEMAGNE
Coût employeur Salaire net après impôts Coût employeur Salaire net après impôts
    20 964 (SMIC France)     21 840     16 332      24 947     15 430
    25 000     30 911     19 143      26 693     17 832
    50 000     70 835     34 805      59 387     31 755
    75 000   107 464     49 444      87 677     44 526
  100 000   143 193     64 082     113 385      57 144

 Lecture

Pour un salaire brut correspondant au smic français, le coût employeur annuel est de 3107 euros supérieur en Allemagne par rapport à la France.

Pour un salaire brut de 100 000 euros, c’est l’inverse : le coût est inférieur (de 29 808 euros) en Allemagne. Dès la barre de 25 000 euros franchie en brut, l’employeur français paie plus que l’employeur allemand.

Pour un salaire brut de 100 000 euros, les cotisations employeur sont en France de 43 % du salaire brut, et de 14 % en Allemagne.

Pour un salaire de 113 000 euros, l’employeur allemand paie seulement 12 % (en raison du plafonnement), alors que selon l’Insee, l’employeur français paie 43,1 %.

 

Sur la situation française

Au final, la pyramide des salaires se révèle aberrante.

  • On observe un tassement des salariés aux niveaux proches du smic. Des statistiques plus récentes ne sont pas disponibles, mais en 2021, on sait que 18,6 % des salariés percevaient un salaire mensuel net inférieur à 1500 euros, et 30,8 %, entre 1500 et 2000 euros – soit près de la moitié des salariés français en dessous de 2000 euros.[3]
  • Au niveau des salaires moyens, seuls 19 % des salariés disposent d’un salaire compris entre 2000 et 2500 euros. Il est difficile pour eux de négocier des augmentations, en raison de l’effet de seuil que constitue la brutale hausse des charges patronales au-delà de 1,6 smic.
  • Ne pas oublier que le smic est indexé sur le coût de la vie, mais non les salaires supérieurs. Bien qu’il soit difficile de trouver un consensus sur le montant actuel du salaire médian (50 % gagnent moins, 50 % gagnent plus), il semble qu’on soit aux environs de 2100 euros, ce qui induit un rapport de 65,8 % entre smic et salaire médian. Mieux, si l’on ajoute la prime d’activité, le rapport passe à 80 %, ce qui n’incite guère les salariés à se former ni à tenter d’améliorer leur rémunération. On en voit d’ailleurs refuser des augmentations, voire la conversion de leur CDD en CDI.
  • Au niveau des hauts salaires, le coût du travail pour l’employeur devient prohibitif, engendrant notamment une « fuite des cerveaux ».

 

Inutile de préciser que le problème du financement des régimes sociaux devient de plus en plus aigu. Avec près de la moitié des salariés qui perçoivent en 2021 une rémunération ne dépassant pas 2000 euros, le poids des exonérations sur les bas salaires est en croissance continue.

Notes

1.On considère ici avec l’URSSAF que la CSG et la CRDS sont des cotisations et non des impôts, contrairement à la règle fiscale française, mais conformément à la nomenclature de la CEE.

2.Les salariés rémunérés autour du smic peuvent avoir droit à divers avantages sociaux en fonction de leurs ressources et de leur situation de famille. Nous n’en avons pris aucun en compte dans notre exemple de célibataire sans enfant, exception faite de la prime d’activité, non imposable et versée par l’État, qui n’impacte pas le coût pour l’employeur.


1] Le calcul est compliqué car il tient compte de la situation de famille, et la prime n’est due que si le salarié ne dispose que de revenus professionnels. Le montant de la prime est d’au minimum 595 euros.

[2] Exemple choisi par François Lenglet.

Sur le web.

Ces députés LIOT qui veulent faire payer les entrepreneurs

En matière de création et d’augmentation des impôts, la France est une sorte de paradis. L’Assemblée Nationale, notamment, abrite une pléiade d’esprits tortueux toujours prêts à augmenter la dépense publique en ponctionnant la richesse nationale. Ce petit jeu n’est pas réservé aux élus de gauche ou d’extrême gauche. Le groupe LIOT, qui rassemble des personnalités aussi diverses que Charles de Courson ou Pierre Morel-À-L’Huissier a déposé plusieurs amendements proches de La France Insoumise, dont un qui propose d’augmenter de façon permanente de deux points le prélèvement forfaitaire unique (PFU) que les entrepreneurs paient sur les dividendes.

Faire payer les entrepreneurs pour renflouer les caisses de l’Etat ! Quelle idée lumineuse, quel bon sens ! La France se désindustrialise, elle s’appauvrit, mais ce sont les créateurs de richesses et d’entreprises qui doivent trinquer et subir une pression fiscale grandissante pour soulager le reste de la population.

On pensait que cette idée absurde et même suicidaire était passée de mode, et réservée à la seule France Insoumise. Mais on en trouve l’expression ailleurs, comme nous le montrons ci-dessus, notamment au sein du groupe LIOT qui avait tenté de faire tomber Macron au moment de la réforme des retraites. Je produis ici la liste des députés LIOT qui ont proposé une augmentation de 2 points du PFU par l’intermédiaire d’un amendement en loi de finances :

Concrètement, au lieu de baisser les colossales dépenses publiques, au lieu de s’attaquer au monstre bureaucratique qui nous étrangle, on ponctionne un peu plus les entrepreneurs qui sont déjà soumis à une fiscalité de 75% sur leurs revenus.

Heureusement, ce projet d’amendement ne devrait pas passer cet été. Mais on comprend que, tôt ou tard, ce petit monde n’aura aucun scrupule à récupérer dans la poche du voisin l’argent qui lui manque pour continuer la fête.

La révolution FinTech : comment la technologie bouleverse le monde bancaire

Les innovations technologiques représentent un moteur pour le marché financier. Ce n’est pas seulement le métier de la banque qui se trouve de nos jours bousculé sur le plan technologique. C’est aussi tout le système qui est construit et organisé autour de la monnaie légale conventionnelle et qui est ancré sur un monopole monétaire tout-puissant.

Depuis leur apparition, les monnaies électroniques telles que le bitcoin ne cessent de provoquer étonnement et intérêt. En forte progression, ces monnaies issues de la technologie de la blockchain concurrencent puissamment les monnaies traditionnelles. Le phénomène d’acceptation des nouvelles monnaies électroniques anime le débat concernant la diversité et la concurrence monétaire.

Les consommateurs de services financiers sont constamment à la recherche d’innovation et de solution plus rapides et efficaces. Dans certains pays, la finance technologique offre des solutions pour favoriser l’inclusion financière. Ces services financiers innovants sont offerts par des start-ups appelées FinTech[1]. Elles bouleversent ainsi le statu quo établi depuis des siècles de monopole bancaire.

L’innovation sur le marché de la finance technologique est double[2]. Elle peut être incrémentale et permettre l’amélioration des services existants, ou radicale en créant de nouveaux modèles économiques financiers.

N’est-ce pas une explication de la différence entre les banques en ligne et les néobanques ? Le marché de la finance technologique doit susciter un questionnement profond tant sur l’évolution de la monnaie que des institutions. Ce marché dynamique modernise l’offre de services financiers mais il rouvre surtout la voie de la liberté monétaire. Le marché de la finance technologique crée de nouvelles opportunités. Il stimule la volonté de transformation digitale, diversifie l’offre de services financiers, et instaure une liberté de choix monétaire.

 

Une volonté de transformation digitale

Des frais réduits, une carte bancaire gratuite, des offres de bienvenue, grâce à leurs offres attractives, les néobanques séduisent de plus en plus de clients.

Leur niveau d’innovation diffère selon la règlementation des pays.

En France, une néobanque telle que N26, Revolut ou encore Nickel, est un établissement de paiement ayant obtenu un agrément de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Elle propose une offre bancaire entièrement dématérialisée avec un accès 100 % mobile. Quant à Memo Bank, il s’agit d’un établissement de crédit régulé par l’ACPR et la Banque centrale européenne. Dans ce cas, on parle d’une banque en ligne. Memo Bank aide les chefs d’entreprise à gérer leur trésorerie et à financer leurs projets.

La finance technologique transforme progressivement le secteur bancaire traditionnel. Elle fait réagir les banques traditionnelles qui tentent d’innover au travers de trois prismes : rapidité, fluidité et efficacité. Elles n’hésitent pas à acquérir et lancer des banques en ligne. Goldman Sachs a, quant à elle, lancé Marcus, une banque de dépôt 100 % en ligne, qui rencontre un grand succès aux États-Unis et à présent en Angleterre.

Les banques françaises ont, elles aussi, réagi vigoureusement avec de nombreuses acquisitions :

  • le Crédit Mutuel Arkéa a racheté la cagnotte en ligne Leetchi et détient 80 % du capital de Pumpkin ;
  • BPCE a pris le contrôle de Pot Commun et Fidor ;
  • BNP Paribas a fait l’acquisition de Compte Nickel ;
  • la Banque Postale a pris sous son aile KissKissBankBank & Co ;
  • Natixis a racheté Dalenys, la Société Générale Boursorama et Treezor.

 

La transformation digitale des banques traditionnelles dépasse le simple phénomène de dématérialisation. Elle est bien plus profonde. Elle est de nature institutionnelle. Le cadre  réglementaire souple constitue le fondement du modèle économique des néobanques.

Cependant, une réglementation plus rigide permet toujours à la banque traditionnelle d’obtenir la confiance de certains clients. Aujourd’hui, la révolution technologique dans le domaine financier met en doute ce type de modèle économique. Ce n’est pas pour rien que les banques traditionnelles travaillent d’arrache-pied pour suivre le rythme infernal des FinTech qui les poussent sans cesse à renouveler leur modèle économique. Cette dynamique conduit inéluctablement au débat sur la place de la liberté dans le système financier.

 

Une diversité de l’offre de services financiers

Les innovations technologiques reposent sur de nouveaux modèles économiques. Paiement mobile, financement participatif, gestion de l’épargne, assurance et crédit, sont autant de solutions nouvelles proposées par des entrepreneurs. Elles ouvrent de nouveaux horizons en matière financière. Ces dernières années, le marché de la finance technologique asiatique s’est montré particulièrement dynamique[3]. L’existence d’une concurrence explique l’expansion des offres innovantes de services financiers et rend progressivement les prestations FinTech accessibles à plus de consommateurs.

Les nouvelles technologies offrent de nouvelles opportunités. Elles donnent une entière liberté, allant de la simple vérification du solde au transfert d’argent. Cette liberté permet à l’usager de choisir la néobanque qui lui correspond le mieux. Une ouverture de compte simplifiée, des coûts réduits, une gestion autonome et simplifiée, la disponibilité des conseillers et la grande flexibilité représentent autant de caractéristiques pouvant attirer des consommateurs. La diversité de l’offre de services financiers dépend du degré de liberté.

L’environnement institutionnel du marché joue un rôle déterminant dans l’offre de services financiers. De nos jours et grâce aux néobanques les paiements dématérialisés ont fortement progressé, mais à une vitesse différente selon les pays.

Par exemple, l’essor en Inde des paiements dématérialisés à l’aide d’un téléphone mobile s’explique par le travail collaboratif étroit entre la Reserve Bank of India (RBI), l’opérateur national des paiements (National Payments Corporation of India), les banques commerciales et les FinTech. Ces dernières ont directement contribué à augmenter le taux de bancarisation. Les paiements transfrontaliers en monnaie étrangère deviennent alors possibles. Le succès local d’Unified Payment Interface (UPI) et des cartes RuPay, en matière de paiement en Inde servent de catalyseur à la création d’une monnaie numérique de banque centrale[4].

Le projet Bakong, piloté par la banque nationale du Cambodge, utilise la blockchain. Il ne s’agit pas pour l’instant d’une nouvelle monnaie électronique. La plateforme vise avant tout à faciliter les paiements mobiles et les transferts d’argent en dollar et en riel. Le Cambodge mise sur la blockchain pour réduire sa dépendance au dollar. Le recours aux FinTech proposant des cryptomonnaies représente une solution viable pour ce pays.

Aujourd’hui, certaines néobanques proposent des solutions de prêts avec des taux d’intérêt relativement bas comparés au marché traditionnel. À Hong Kong, OKX est devenu une référence pour le lending crypto. Entre crainte et opportunité, des établissements européens proposent à leurs clients d’investir des services financiers en cryptomonnaies. On peut citer Revolut, Vivid Money ou encore Lydia, une FinTech française. Il ne faut pas dissocier le développement des FinTech de l’évolution spontanée de la monnaie.

 

Une liberté de choix monétaire  

Le développement de la monnaie électronique sur le marché de la finance technologique offre une liberté de choix monétaire aux consommateurs[5].

Il existe de nos jours plus de 10 000 monnaies électroniques qui sont assorties de systèmes de paiements qui coupent le cordon ombilical avec les monnaies légales. Les FinTech dispensent de passer par les circuits bancaires traditionnels tout autant que du recours aux banques centrales, et vont jusqu’à s’adresser à l’économie mondialisée.

La monnaie électronique est l’expression d’interactions sociales qui s’articulent dans un monde à finalité ouverte. Le jeu des interactions individuelles permet d’expliquer l’émergence spontanée de la monnaie électronique. Le fait notable est que son avènement, ainsi que son adoption et son fonctionnement dépassent le défi de la dématérialisation financière.

Ce qui est fondamental ici, c’est la concurrence comme procédure de découverte. La concurrence est un processus cognitif  « d’essais et d’erreurs » d’un entrepreneur. Ce dernier « apprend » son marché de façon épistémique[6]. Aujourd’hui, cette concurrence s’exerce sur le terrain monétaire, et permet de découvrir quelles sont les monnaies qui servent le mieux les acteurs de la vie économique.

Le développement de la technologie des transactions réglées en cryptomonnaies se poursuit inexorablement[7].

L’explication économique évidente est que les avantages qu’en retirent les utilisateurs excèdent les coûts. Cela correspond au principe qu’exprimait clairement Carl Menger[8] :

« Il n’existe aucune autre manière d’éclairer un individu à propos de ses intérêts économiques que de le laisser percevoir le succès économique de ceux qui emploient les moyens convenables pour atteindre les leurs ».

Aujourd’hui, les décideurs politiques sont dans l’incapacité technique d’obstruer les chemins de la découverte entrepreneuriale. Il a été démontré, en théorie et en pratique, que les systèmes monétaires libres sont aptes à innover et à offrir des monnaies saines. Il a été aussi démontré que les systèmes monétaires avec banques centrales financent la dette publique et génèrent de l’inflation. Avec le temps et sous l’effet de la concurrence, les monnaies électroniques en circulation constitueront vraisemblablement des monnaies saines. Sonnera alors le glas de la politique monétaire et de la souveraineté monétaire.

 

Conclusion

Nous assistons à de véritables révolutions dans l’utilisation de solutions financières digitales avec des conséquences notables sur notre société. Les outils financiers numériques se répandent rapidement, d’autant plus dans les pays émergents où les systèmes de financement sont les moins développés.

Aujourd’hui, l’inflation et le ralentissement de l’économie font prendre conscience de la nécessité de changement dans les habitudes financières. Dans cette situation, le marché de la finance technologique dispose d’un potentiel de croissance élevé. La question importante est de savoir si les décideurs politiques parviendront un jour à dévier – voire à bloquer – l’évolution  qui se manifeste dans le domaine monétaire. Pour cela, il faudrait parvenir à stopper les entrepreneurs en monnaies électroniques. Ne serait-il pas plus facile de promouvoir la liberté d’entreprendre afin de créer de nouvelles opportunités de marché ?

[1] Comme Financial Technology.

[2] En 2022, la France dénombrait plus de 900 entreprises innovantes de services financiers. De plus, le montant des levées de fonds des FinTech françaises était de 2,4 milliards d’euros (source : France FinTech).

[3] Le développement des start-ups technologiques à Singapour, Hong Kong, Dubaï et d’autres pays asiatiques est considérable.

[4] 200 millions, c’est le nombre de transactions quotidiennes sur le système de paiement instantané indien UPI enregistrées en mai 2022. 900 milliards d’euros, le montant des transactions réalisées sur UPI en 2021, soit 31 % du PIB de l’Inde.

[5] https://coinmetrics.io/

[6] Hayek F (1945), « The Use of Knowledge in Society », American Economic Review, Vol 35, n°4, September, pp. 519-530.

Hayek F (1948), « The Meaning of Competition », In: Friedrich A. Hayek, dir., Individualism and Economic Order, University of Chicago Press, Chicago.

[7] D’après coinmetrics, il y a 19,5 millions d’unités bitcoin en circulation, soit une capitalisation boursière de près de 725 milliards de dollars. De plus, il y a aujourd’hui près de un million adresses Bitcoin actives. Il s’agit d’un indicateur permettant de suivre l’évolution de l’adoption du Bitcoin dans le monde.

[8] Menger, C. (1892) « On the Origin of Money », The Economic Journal, Vol. II, N° 6, pp. 239-255.

Guerres, famines, effondrements financiers… Chaque crise inventée est une histoire de couverture d’un crime ou d’une prise de pouvoir mondialiste de plus grande envergure

Aujourd’hui, les pouvoirs en place (TPTB) ont besoin d’un effondrement financier pour masquer les crimes financiers qu’ils commettent depuis des décennies en imprimant de la monnaie, en pillant les comptes bancaires (et les pensions) des Américains et en manipulant les marchés financiers pour s’enrichir pendant que les masses laborieuses restent asservies dans un cycle de pauvreté. Sans toutes ces opérations de contrefaçon de la monnaie, la plupart des Américains s’en sortiraient plutôt bien et pourraient récolter les fruits de leur propre travail, sans le fardeau de l’inflation autour de leur cou. Mais si un effondrement financier peut être imputé à la Russie (ou à la Chine, ou à l’Iran), alors les criminels qui ont mené ce vol de masse peuvent pointer du doigt un bouc émissaire et s’en tirer à bon compte.

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Proche, Moyen ou Extrême, l’Orient est au centre de toutes les attentions, par Florent Machabert

Par : Rédaction

L’info de la semaine : Moscou et Téhéran abolissent leurs barrières tarifaires ! Comme nous vous le détaillons dans le numéro de novembre de Finance & Tic, l’Iran et la Russie prévoient de supprimer leurs droits de douane respectifs pour stimuler les échanges entre Moscou et Téhéran, avec la possibilité d’étendre cet accord à d’autres pays, probablement les futurs adhérents aux BRICS+. Si ces négociations visent à encourager l’utilisation des monnaies nationales, les vrais objectifs sont l’essor du libre-échange et l’ouverture des frontières douanières de l’Iran avec la Russie, l’Arménie et la Biélorussie, pour pousser un cran plus loin l’indépendance de ces pays vis-à-vis du dollar américain.

L’Union économique eurasienne, regroupant l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Russie, vient ainsi de mettre un point final à ses négociations avec l’Iran pour élaborer un accord sur une zone de libre-échange (ZLE) qui pourrait être conclu d’ici la fin de l’année. Comme l’a toujours expliqué l’économiste Bela Balassa, la ZLE est sans conteste la première étape du long processus d’intégration économique. Malgré un rapprochement entre la Russie et l’Iran, leur commerce bilatéral a connu une croissance modérée. Ce nouvel accord entend d’ailleurs remplacer l’accord intérimaire déjà en place, qui se contentait de réduire les droits de douane sur de nombreuses catégories de produits. Les BRICS+ ont donc décidé d’aller toujours plus haut, toujours plus vite, toujours plus fort pour faire reculer la domination étatsunienne qui est, avant tout, financière.

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La Douma adopte un “budget serré”

budget serre

budget serreLe projet de budget fédéral pour 2024 et période de planification 2025-2026 a été adopté par la Douma d’État en

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Le retour des bond vigilantes, ou les taux longs vont-ils continuer à augmenter ?

À la hausse des taux d’intérêt directeurs par les banques centrales pour lutter contre l’inflation, a succédé la hausse des taux à long terme (à 10 ans) sur les marchés. Les taux à 10 ans atteignent maintenant (20 octobre 2023) 5 % aux États-Unis et 3,8 % seulement dans la zone euro.

Nous pensons qu’avec la fin de la politique du quantitative easing menée par les grandes banques centrales les marchés (les bond vigilantes) vont reprendre la main, et que la hausse des taux longs n’est pas terminée, d’autant plus qu’ils sont égaux aux taux à trois mois. On est passé d’un monde à taux zéro à un monde où les taux d’intérêt vont être élevés et positifs en termes réels.

Avant de parler des bond vigilantes,  il faut rappeler le fonctionnement du marché des bons du Trésor.

 

Comment fonctionne le marché des obligations d’État ?

Les bons du Trésor sont des actifs financiers qui sont vendus par les États pour financer leur déficit budgétaire.

Plus un État a un déficit budgétaire élevé, plus il émet des bons qu’il vend à des intermédiaires financiers (banques, compagnies d’assurance, fonds) qui, à leur tour, peuvent les revendre sur les marchés secondaires. Leurs prix sur les marchés diffèrent du prix d’émission ou valeur faciale, ils varient en fonction de l’offre et de la demande. Si un bon est émis à 1000 euros par un État, il peut se revendre plus cher que sa valeur nominale si la demande est supérieure à l’offre, ou moins cher dans le cas contraire.

Si le prix d’un bon varie en fonction de l’offre et de la demande, son taux d’intérêt ou plutôt son rendement (yield to maturity) varie aussi, mais en sens inverse.

Prenons un exemple.

Le trésor a émis un bon à 10 ans à une valeur faciale de 1000 euros, qui rapporte un taux d’intérêt annuel de 3,4 %.
L’État emprunteur s’engage donc à payer à son détenteur 34 euros chaque année, et à rembourser le principal et les intérêts la dixième année (1034 euros).
L’agent qui l’a acheté le revend sur le marché, au prix du marché (qui n’est pas nécessairement égal à 1000). Il le revend à, par exemple 940 euros.
Quel sera le taux d’intérêt pour l’acheteur ? Il ne sera pas égal à 3,4 %, il sera égal à l’intérêt annuel versé par l’État qui est égal à 34 euros (l’État versera pendant 10 ans le même intérêt, quelles que soient les variations du prix du bon sur les marchés).
Il recevra donc 34 euros par an divisé par le prix d’achat du bon, 940 euros.
Le taux d’intérêt pour cet investisseur sera donc : 34/940 = 3,62 % au lieu de 3,4 % (le yield to maturity de cet investissement sur 10 ans sera 4,1 % au lieu de 3,4 %).
La valeur du bon a baissé, son rendement (yield) a augmenté.

C’est une loi de la finance : quand le prix d’un bon diminue, son rendement augmente, et vice versa.

 

Les années 2000 ont été des années bénies pour les agences du Trésor des pays riches

Elles ont émis des bons à jet continu pour financer des déficits budgétaires. Ces bons ont été achetés indirectement par les banques centrales (Fed, BCE, BoJ, BoE) par leur politique du quantitative easing.

Certes, les banques centrales n’ont pas le droit d’acheter directement leurs bons aux Trésors, mais elles peuvent les acheter sur les marchés secondaires au prix du marché. Cette politique d’achat systématique et à grande échelle de bons du trésor, pratiquée par les grandes banques centrales, a entraîné des distorsions sur les prix du marché (distorsions non vues par les initiateurs de cette politique (B. Bernanke, M. Draghi).

En achetant massivement et pratiquement sans limite les bons sur les marchés depuis novembre 2008 pour la Fed, et mars 2015 pour la Banque centrale européenne, les banques centrales ont maintenu les prix des bons sur le marché à des prix artificiellement élevés. Les taux des bons ont donc baissé dans tous les pays riches.

Pendant la période du quantitative easing (de novembre 2008 à mars 2022 aux États-Unis), les taux longs (à 10 ans) des bons du Trésor américain atteignaient en moyenne 2,3 % et 0,8 % pour la zone euro (de mars 2015 à juin 2022). De tels taux, aussi bas surtout pour la zone euro, n’auraient jamais pu exister sans l’intervention des banques centrales qui ont acheté massivement des bons du trésor sur les marchés.

La baisse artificielle des taux sur les marchés a lancé le signal que la dette ne coûtait rien. Les États pouvaient donc recourir à de l’endettement sans avoir à accroître les impôts, puisque leurs taux étaient inférieurs au taux de croissance (O. Blanchard), ce qui est, et était évidemment faux (cf. Quelques remarques sur la viabilité de la dette).

Quand les banques centrales achètent la majorité des bons émis par les États sur les marchés, ils font les prix, et donc les taux. Ce ne sont pas les marchés qui décidaient des taux, mais les banques centrales. Quand ces dernières commencent à comprendre (avec retard) que l’inflation est largement due à l’achat de bons du trésor sous la politique du quantitative easing, et qu’elles commencent à l’arrêter en mars 2022 pour la Fed, et en juin 2022 pour la Banque centrale européenne, alors les marchés reprennent la main et les bond vigilantes sont de retour.

 

Qu’est-ce que les bond vigilantes ?

Ce sont les méchants spéculateurs. Les financiers qui achètent (ou qui vendent) les bons du Trésor d’un État. Le terme bond vigilantes a été inventé en 1983 par Ed Yardeni, un banquier d’affaires. Sa thèse est que si les autorités budgétaires (les ministres des Finances) ne sont pas capables de contrôler les finances publiques, les marchés s’en chargeront.

Si les États étaient capables de comprendre les signaux du marché, la politique des déficits permanents devrait être terminée. Les taux remontent à cause de la politique monétaire des banques centrales (hausse des taux directeurs et arrêt de la politique du quantitative easing) et des déficits abyssaux qui doivent être financés par des émissions de bons. Les États se refinancent à des taux de plus en plus élevés (ils sont positifs en termes réels aux États-Unis, mais, pour le moment, négatifs en Europe). Le 20 octobre 2023, les taux à 10 ans atteignaient 5 % aux États-Unis, le taux le plus élevé depuis 2007 ; et 2,9 % en Europe, le taux le plus élevé depuis 2011.

Tableau 1 : les taux réels à 10 ans sont encore négatifs en Europe, mais pas pour longtemps

 

Dans la mesure où les banques centrales n’interviennent plus sur le marché des bons du trésor (avec la Banque centrale européenne, des exceptions sont toujours possibles), les bond vigilantes devraient jouer leur rôle régulateur, c’est-à-dire vendre (ou refuser d’acheter) quand les gouvernements font des politiques budgétaires irresponsables, et que la dette devient de plus en plus insoutenable.

La vente des bons par les ministères des Finances entraîne la baisse de leur valeur, et donc la hausse des taux (que nous constatons et qui n’est pas terminée) et devrait obliger les États surendettés à commencer à avoir un surplus primaire.

Les États-Unis et la France continuent à faire du déficit comme si rien n’avait changé, ils vont commencer à se rendre compte du coût de l’endettement quand les dépenses d’intérêt dépasseront les dépenses du budget de la santé, de l’éducation ou de… la vieillesse.

 

Est-ce que les bond vigilantes jouent un rôle important sur les taux ?

Ils peuvent, et ont joué un rôle important en Suède et aux États-Unis (cf. Bloomberg, « Why Bond Vigilantes Are Stirring as US Deficit Swells » 13 octobre 2023).

En Suède, un investisseur qui contrôlait, dans les années 1990, 6 milliards de bons de l’État suédois, a annoncé en 1994, qu’étant donné le niveau des déficits budgétaires en Suède (13 % du PIB), il refusait d’acheter de la dette suédoise tant que l’État suédois ne remettait pas en ordre sa politique budgétaire. Les taux ont monté à 11 %, l’État a réduit les déficits en baissant les dépenses publiques d’une manière déterminée et constante, faisant de la Suède un des pays les plus dynamiques (la France ferait bien de s’inspirer du modèle suédois qui est remarquable, cf. figure 1).

 

Figure 1 : la Suède a su passer d’un ratio des dépenses publiques de 68 % du PIB en 1993 à 47 % en 2022, la France augmente le poids des dépenses publiques et dépasse la Suède en 2001. Le ratio des dépenses publiques françaises est 10 points supérieurs au ratio suédois (on n’a pas réussi à démontrer que le modèle social suédois était inférieur au modèle français)
Source : International Monetary Fund, World Economic Outlook Database, October 2023

 

Aux États-Unis, les bond vigilantes ont obligé le président Clinton à réduire son programme ambitieux de dépenses et de réduction d’impôt. Clinton était furieux que sa politique économique soit contrainte par les marchés.

Dans son livre The Agenda, B. Woodward écrit que Clinton aurait dit : « You mean to tell me that the success of the economic program and my re-election hinges on the Federal Reserve and a bunch of f—-ing bond traders ? »

 

Les bond vigilantes et le term premium

Comment estimer le rôle des bond vigilantes ? Il n’y a pas de manière précise de quantifier leur influence. On peut la mesurer en se référant au term premium.

Le term premium est la différence que demande un agent pour investir à long terme au lieu d’investir dans une série d’obligations à court terme. Il tient compte du fait que les taux peuvent varier durant la période d’un bon. Plus le term premium est élevé, plus les investisseurs sont sur la défensive, ils spéculent à baisse des bons, donc ils vendent, et les taux montent.

Or, pour l’instant (octobre), les taux à long terme augmentent, le taux à 10 ans (américain) a atteint 5%. C’est la première fois depuis 2007 qu’on atteint un tel niveau. Néanmoins, aux États Unis, le taux à 10 ans est inférieur aux taux à 3 mois (5,6 %), et inférieur au taux à deux ans (inversion de la courbe des rendements).

Dans la zone euro, le taux à 10 ans est identique au taux à 3 mois… Si les bond vigilantes sont à l’œuvre, les taux longs devraient encore augmenter, et être plus élevés que les taux courts. (cf. tableau 2 & figure 2)

Tableau 2 : l’écart entre les taux des bons à 10 ans et à 3 mois est faible dans la ZE
Source : Fred

 

Figure 2 : aux USA, sur la longue durée, les taux à 10 ans sont supérieurs au taux à 3 mois (sauf à partir de la fin de 2022).

 

Bernanke dans son blog « Why are interest rates so low, term premiums » (avril 2015) distingue trois composantes dans la formation des taux à long terme d’un bon :

  1. Les anticipations d’inflation
  2. Les anticipations sur l’évolution des taux courts (donc de la banque centrale) en termes réels
  3. La durée du prêt (term premium)

 

À l’heure actuelle, contrairement à l’époque où a écrit Bernanke (2015) :

  1. Les anticipations d’inflation ne sont pas faibles, notre anticipation tourne autour de 3 %.
  2. Nous n’anticipons pas de baisse des taux des banques centrales dans le court terme (higher for longer) donc autour de 4,5 %, ou 1,5 % en termes réels.
  3. Le term premium demandé pour porter des bons à plus de cinq ans tournerait autour de 1,5 % et varierait à la hausse en fonction des anticipations des bond vigilantes sur la santé économique et financière des pays de la ZE.

 

Les taux longs (à 10 ans) devraient donc tourner autour de 6 % – 6,5 % et plus.

Or, ils s’élèvent aujourd’hui à 3,7 % pour la zone euro, et 4,7 % pour les États-Unis (cf. tableau 2). Si notre estimation est correcte, il y a encore de la marge pour que les taux longs augmentent. Dans une période de demande forte pour les bons du Trésor les investisseurs devraient demander des taux longs plus élevés (yield premium) que les taux courts.

Le term premium devrait augmenter pour trois raisons :

  1. L’offre de bons par le Trésor américain augmente pour financer ses déficits budgétaires (idem pour la France).
  2. La Fed et la Banque centrale européenne n’achètent plus de bons du Trésor (arrêt du quantitative easing).
  3. Les banques centrales sont déterminées à garder les taux directeurs à un niveau élevé, car le taux d’inflation est encore supérieur à la cible (2 %).

 

Donc, si notre analyse est correcte, il faut s’attendre à des taux longs plus élevés.

 

On change de paradigme

Un taux d’intérêt à 10 ans supérieur à 5,5 % a des conséquences financières importantes. On change de paradigme, on passe d’un monde à taux faibles, voire nuls, et liquidité abondante à des taux élevés et positifs.

En termes réels, on n’est plus dans le monde des keynésiens du « endettez-vous, endettez-vous » (O. Blanchard).

Comme nous l’avons vu dans l’introduction, la hausse des taux a pour effet de réduire la valeur des bons (non seulement des obligations, mais aussi la valeur des prêts bancaires). Ce que nous a appris la crise de Silicon Valley Bank, c’est que les bons du Trésor qu’on croyait être un actif sûr étaient en fait un actif dont la valeur fluctuait en fonction des taux. Or, les banques ont été encouragées à détenir des obligations du trésor dans leurs actifs, car ils sont supposés sûrs et très liquides, nécessitant un capital faible.

Quand une institution financière a un portefeuille important en obligations, et que les taux augmentent rapidement, la valeur de son portefeuille diminue. Cela n’a pas d’importance si l’institution financière peut garder ses obligations jusqu’à l’échéance, mais si, pour des raisons de liquidité, elle est obligée de les vendre en panique (cas des fonds de pension au Royaume-Uni, Silicon Valley Bank aux États-Unis, Crédit Suisse), alors elle vend à perte, et peut entrer en faillite.

Les taux des bons du Trésor américain se répercutent sur tous les taux, prêts bancaires, prêts immobiliers. Cela risque d’entraîner une récession aux États-Unis et en Europe.

La hausse des taux va avoir des conséquences considérables sur le service de la dette pour tous les pays riches et pauvres. Pour les pays endettés en devises s’ajoute le coût de la dépréciation de leur monnaie par rapport au dollar.

La politique des taux ne dépend plus uniquement des banques centrales, les marchés vont reprendre la main et vont déterminer le niveau des taux longs. La contradiction entre des politiques monétaires rigoureuses pour lutter contre l’inflation et des politiques budgétaires laxistes va se traduire par des taux déterminés par les marchés.

À notre avis, les bond vigilantes vont peser à la hausse sur les taux.

Le contre-budget des Républicains : un pétard mouillé ?

Plutôt que de réagir mécaniquement à la mise en œuvre de l’article 49.3 par le gouvernement en déposant une motion de censure qui n’aurait aucune chance d’aboutir dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, Les Républicains a présenté un contre-budget conforme à ce qu’il pense être bon pour redresser les finances publiques de notre pays où pas un budget n’a été voté en équilibre depuis 1975 (sur ce sujet, voir l’entretien réalisé par Contrepoints de la députée LR Valérie Louwagie).

Sur ce point, le diagnostic est connu de tous : un niveau de prélèvements obligatoires trop élevé, des dépenses publiques non maîtrisées et un endettement colossal qui a franchi la barre des 3000 milliards d’euros.

Des propositions timorées

Face à une situation si préoccupante qui met notre pays en danger (selon le président de la Cour des comptes « nous ne sommes plus devant les risques, ils sont là ») ce que propose LR paraît pour le moins timoré.

Son document de travail propose certes de bonnes mesures, comme la diminution des droits de succession et de donation pour encourager la solidarité intergénérationnelle, ou l’augmentation des plafonds du quotient familial pour venir en aide aux familles, ainsi que quelques pistes d’économies budgétaires.

Mais d’autres sont franchement contestables. Tel est le cas de la baisse de la fiscalité pesant sur les carburants fossiles. Elle représenterait une perte de recettes de l’ordre de 5 milliards d’euros alors que la décarbonation de notre économie est devenue un impératif aux yeux de la majorité de nos contemporains.

D’autres paraissent d’emblée insuffisantes, comme la petite accélération du processus de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt qui mine leur compétitivité et devrait d’urgence être supprimé, ou encore la diminution paramétrique des cotisations sociales sur les bas salaires.

En définitive, il n’y a dans ce document que peu de mesures d’économies structurelles, alors que leur absence dans le projet de loi de finances présenté par le gouvernement est le principal reproche formulé par Les Républicains à son encontre.

On le comprend mieux si on considère que dès le début du texte, quasiment en exergue, figure une phrase donnant la tonalité de tout ce qui va suivre :

« Une cure d’austérité brutale et prolongée avec une possible réduction des pensions de retraite et des traitements des fonctionnaires, mettrait en danger notre pacte social. ».

Répondre aux nouveaux défis du monde

Là est le nœud de la question, car ce pacte dont les bases ont été posées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le Conseil National de la Résistance, est manifestement incapable de répondre aux nouveaux défis du monde dans lequel nous vivons.

De la volonté de le sauver découle un contre-budget qui ne propose qu’un aménagement à la marge de l’existant à travers une série de dispositions que seul pouvait inspirer un profond respect du totem technocratique.

On y trouve notamment une mesure one shot consistant à faire remonter vers le centre la trésorerie des opérateurs publics. En revanche, pas la moindre velléité d’envisager un quelconque dispositif de désindexation des retraites alors que les actifs au chômage seraient pénalisés, une mesure difficilement applicable sans déclencher de violentes réactions dans un pays où les chômeurs sont toujours vus comme des victimes. Quant à la réduction de l’aide médicale d’État (AME), elle rapporterait peu, alors qu’elle serait dangereuse pour la santé publique.

Autres faiblesses du projet : y figurent en bonne place des pistes éculées comme celle de la lutte contre la fraude sociale, un marronnier dont les fruits ont toujours été décevants, ou celle de la rationalisation de l’action publique, un autre serpent de mer difficile à chevaucher. Attention, la RGPP qui, comme chacun le sait, a donné de brillants résultats est de retour !

Sur le même mode, il s’agit également de stabiliser les effectifs de l’État et de ses opérateurs (alors qu’il faudrait les réduire drastiquement) et de supprimer une grosse niche fiscale dont bénéficient les transports maritimes (alors qu’on sait que dans chaque niche un gros chien est prêt à aboyer).

Le document prend même le caractère d’un grimoire alchimique lorsqu’il évoque (page 25) de mystérieux, « gisements d’économies supplémentaires très importants chez les opérateurs de l’État, en particulier en termes de dépenses de fonctionnement », des gisements vus comme prometteurs mais qui « devront être identifiés au cours des prochaines revues des dépenses »…

Retarder l’inéluctable écroulement

En définitive, en tentant de rapetasser tant bien que mal un système en bout de course, ce contre- budget ne fait que retarder son écroulement qui parait désormais inévitable.

En l’état actuel de l’opinion que caractérise une profonde ignorance de l’économie, et alors que nos responsables politiques continuent à osciller entre un libéralisme édulcoré et un étatisme omniprésent, le système semble en effet ne plus être réformable.

Seul un choc encore bien plus fort que celui subi par la Suède en 1993 pourrait rendre envisageable la thérapie de choc qui permettrait au pays de se redresser en mettant fin au système de l’emploi à vie des fonctionnaires, à l’étatisation de l’éducation, et aux multiples dispositifs consistant à ponctionner les entreprises d’une main pour soutenir de l’autre celles qui ont la faveur du Prince.

Valérie Louwagie (LR) : « Nous proposons de réduire les impôts de 10,8 milliards d’euros »

Véronique Louwagie est députée Les Républicains de la deuxième circonscription de l’Orne, Vice-présidente de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, et responsable des questions budgétaires dans le « shadow cabinet » de LR. 

Les Républicains a publié le mardi 17 octobre 2023 un contre-budget afin « de présenter une vision alternative de ce que devraient être les orientations budgétaires de notre pays ». Véronique Louwagie, qui a participé son élaboration, a accepté de répondre aux questions de Contrepoints.

 

Contrepoints : Bonjour Véronique Louwagie, votre parti Les Républicains vient de publier un contre-budget. Pouvez-vous éclairer nos lecteurs sur l’esprit général ainsi que les grands axes de ce contre-budget ?

Véronique Louwagie : Un budget, ce n’est pas seulement un exercice comptable. C’est la traduction de politiques publiques. Nous avons voulu présenter une vision alternative de ce que devraient être les orientations budgétaires de notre pays. Ce contre-budget présente un certain nombre de priorités macro-économiques de la France pour assurer la prospérité de tous, participer à une bonne gestion et à une maitrise des finances publiques qui sont des impératifs d’ordre économique et social.

 

Contrepoints : Le gouvernement a promis de réduire le déficit public. Pensez-vous qu’il sera capable de tenir cette promesse ?

Véronique Louwagie : Écoutez, selon nous, le gouvernement ne s’attaque pas sérieusement au défi de la maitrise de nos dépenses publiques, car nous sommes sur le podium en termes de prélèvements obligatoires, juste derrière le Danemark, et en matière de dépenses publiques c’est la même chose. Quant au niveau du déficit public, nous serons parmi les derniers pays à revenir en dessous de la barre des 3 % de déficit en 2027, alors que d’autres y parviennent déjà.

C’est la raison de notre contre-budget. Nous proposons de réduire le fardeau fiscal, donc de réduire les impôts, les prélèvements, les cotisations qui sont à la charge des ménages et des entreprises. Nous proposons également de réduire les dépenses publiques, et donc le déficit. Et c’est vrai, qu’aujourd’hui, au niveau du gouvernement, il n’y a aucun début de commencement de rigueur budgétaire. Ce qui est inquiétant, c’est cette incapacité chronique du gouvernement à fixer des priorités claires en matière d’économie pour les finances publiques. Pourquoi ? Parce qu’il est vrai que diminuer les dépenses publiques, c’est compliqué ! Preuve en est, en juin dernier, la Première ministre a adressé des lettres de cadrage à l’ensemble des ministres en demandant une réduction des crédits budgétaires hors masse salariales de 5 % pour préparer le PLF 2024, et tout ça a explosé en vol, car à l’arrivée il n’y a rien de tout cela.

Également, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait engagé le 5 janvier 2023 une revue des dépenses publiques pour s’attaquer au problème de leur efficacité, et finalement, tout cela tarde à devenir une réalité… Donc, oui, nous avons des doutes sur la capacité du gouvernement à tenir ses promesses !

Mais, à ce stade, je mets en garde le gouvernement, et je l’ai refait, d’ailleurs, hier après-midi en séance : si il ne s’attaque pas à cette question de la diminution des dépenses publiques, il ne pourra pas échapper à une augmentation des impôts, qui va encore pénaliser les Français. Donc, il est grand temps qu’il s’attaque à cette question de la dépense publique.

 

Contrepoints : Votre contre-budget propose donc une baisse de 11 milliards d’euros en 2024, soit 1% de baisse par rapport au montant de 2022. Si cette baisse est louable, n’est-ce pas une goutte d’eau dans un océan d’imposition ? Ne faudrait-il pas être plus ambitieux et proposer un changement total de paradigme pour sortir de l’État providence ?

Véronique Louwagie : Vous avez raison. Il y a une limite dans l’exercice d’un contre-budget. Outre l’exercice comptable, un budget traduit le résultat de politiques publiques avec des effets à court, moyen et long terme. Nous, nous ne sommes pas aux manettes, donc nous ne faisons qu’une photographie partielle de ce qui pourrait être.

Nous proposons de réduire les impôts de 10,8 milliards d’euros, de redistribuer 2,4 milliards d’euros, et pour cela, comme nous voulons réduire le déficit, nous envisageons une réduction des dépenses publiques de 25 milliards d’euros. Cette réduction est, vous le voyez, bien au-delà de la réduction des prélèvements obligatoires et participe ainsi à diminuer le déficit public.

Ce que nous voulons en priorité, je le redis, c’est diminuer les prélèvements obligatoires pour alléger les ménages et les entreprises, redistribuer pour que les familles et les classes moyennes en profitent, et enfin diminuer les dépenses publiques pour mieux travailler sur leur efficacité, le tout participant à diminuer le déficit.

Sur les montants, 10,8 milliards d’euros c’est déjà beaucoup ! Je rappelle qu’il y a quelques mois le gouvernement a évoqué la possibilité de diminuer les impôts de deux milliards, quand Gabriel Attal était ministre chargé des Comptes publics, et que depuis le gouvernement recule… 10,8 milliards, c’est quand même autre chose.

 

Contrepoints : Vous proposez de réduire les prélèvements obligatoires pour « redonner de l’oxygène aux Français et augmenter leur pouvoir d’achat » en ramenant progressivement « le taux de prélèvements obligatoires vers la moyenne de la zone euro ». Où vont se concentrer ces baisses d’impôts ?

Véronique Louwagie : Nous avons 17 mesures d’économies, qui sont assez différentes les unes des autres. La plus importante fait 6 milliards d’euros, et la plus petite en valeur pèse 200 millions d’euros.

La plus conséquente porte sur une réforme structurelle de l’indemnisation du chômage. Il faut rappeler que les dépenses sociales représentent quasiment la moitié de nos dépenses publiques. En matière d’indemnisation du chômage, nous pensons qu’il faut aller plus loin pour se rapprocher de ce qui se fait dans les pays autour de nous. En laissant au paritarisme sa prérogative de discussion, en agissant sur la réduction de la durée maximale d’indemnisation ou l’augmentation de la durée minimale d’emploi pour avoir le droit au chômage, ce sont effectivement des économies qui pourraient aller jusqu’à 6 milliards d’euros.

Nous souhaitons également nous attaquer à certaines niches fiscales comme le crédit d’impôt recherche, qui était de 800 millions il y a une dizaine d’années, et a atteint aujourd’hui plus de 7 milliards d’euros avec une efficacité pointée du doigt par un certain nombre de rapports, comme celui de la Cour des comptes.

Nous avons aussi la volonté de faire des économies en agissant sur la politique migratoire, avec une baisse de l’Aide Médicale d’État pour 700 millions d’euros, baisser le coût des soins aux personnes qui en situation irrégulière, ou celles qui ont le statut de droit d’asile ou bénéficiant d’un titre de séjour pour 150 millions d’euros. Une réduction de l’aide au développement pour les États non coopératifs, c’est un sujet qui est évidemment au cœur de l’actualité avec les évènements au Moyen-Orient, qui permettrait d’économiser 2,5 milliards d’euros.

Enfin, nous voulons « simplifier plus, dépenser moins », mieux rationaliser l’administration, notamment en baissant le coût des opérateurs de l’État pour 2,5 milliards d’euros. Le coût de ces opérateurs a évolué de 50 milliards d’euros en 2019 à 76 milliards d’euros en 2023. 26 milliards d’euros de plus en 4 ans avec 8000 agents de plus.

 

Contrepoints : Dans le passé, votre parti s’est souvent prononcé sur la baisse du nombre de fonctionnaires, qui est, on le sait, pléthorique en France (presque 20 % des emplois). Cette question n’apparaît quasiment pas dans votre contre-budget, pourquoi ?

Véronique Louwagie : Dans le contre-budget, nous avons une mesure simple qui est de stabiliser le nombre d’emplois de l’État. Dans le projet de loi de finances pour 2024 du gouvernement, il est prévu une augmentation des effectifs de 8273 agents, laquelle hausse s’ajoute à celle de l’année passée qui était de près de 11 000 agents.

Donc dans l’immédiat, notre mesure serait une stabilisation qui économiserait 500 millions d’euros  chaque année.

 

Contrepoints : Dans le même esprit, comment Les Républicains se positionne-t-il par rapport à la retraite par capitalisation ? Le système de retraite par répartition, qui engendre de grandes inégalités générationnelles, ne devrait-il pas être remis en cause ? Ne pensez-vous pas que ce serait un moyen à la fois juste et efficace de réduire les dépenses publiques et le déficit public ?

Véronique Louwagie : Vous avez raison, c’est un sujet qui a été abordé au moment de la réforme des retraites, même si le gouvernement n’a pas adopté ce prisme. J’ai moi-même cosigné, à l’époque, une proposition de loi de mon collègue Philippe Juvin en juin 2023 qui allait dans ce sens.

Effectivement, notre système de répartition et de solidarité entre les générations, qui a été bâti après-guerre, est basé sur un équilibre démographique. Or, les derniers chiffres de natalité publiés par l’INSEE il y a quelques jours montrent à nouveau que la situation n’est plus la même qu’à l’époque. Quand en 1960 il y avait 4 actifs pour un retraité, en 2022 c’est 1,4 cotisant pour un retraité dans le privé, et 0,9 cotisant pour un retraité dans le public. Cette situation nous mène inévitablement dans une impasse.

La réforme retenue par le gouvernement, et qui a été adoptée sans être votée, a pris comme seul vecteur l’allongement de la durée de vie. Or, nous sommes quelques-uns à penser au sein des Républicains qu’il faudrait faire compléter les retraites au niveau des cotisants par des mécanismes d’épargne. Une fois que l’on a dit ça, il y a deux dispositifs : soit nous allons vers des dispositifs individuels, soit nous allons vers des dispositifs collectifs.

La proposition de Philippe Juvin allait dans le sens d’une capitalisation collective, à laquelle j’étais tout à fait favorable.

 

Contrepoints : Enfin, au-delà de la question comptable, ne pensez-vous pas que la France pèche avant tout par sa mauvaise utilisation de l’argent public ? Un moyen de réduire les dépenses publiques ne serait-il pas de travailler à améliorer l’efficacité de l’action de l’État ? Cela pourrait passer, par exemple, par une véritable décentralisation responsabilisant les différents acteurs en charge de l’action publique ?

Véronique Louwagie : Il y a deux objectifs : mieux servir nos citoyens et avoir une utilisation optimale de l’argent public.

D’abord, aucune nouvelle dépense ne devrait pouvoir être engagée sans aborder la question de son financement. Quand j’entends le président de la République faire un certain nombre d’annonces ces derniers mois sur la revalorisation des enseignants, le lycée professionnel, le plan vélo etc. sans jamais poser la question du financement, je trouve cela relativement inquiétant.

Ensuite, il faut à chaque fois mesurer l’efficacité des dépenses publiques. Je regrette que le gouvernement ne se soit pas engagé dans cette revue intégrale, méthodique et précise de l’efficacité des dépenses publiques. À budget comparable, voire parfois même supérieur, la France est un mauvais élève. On fait moins bien à l’école, à l’hôpital…

Enfin, il faut engager une réforme de l’État avec une vraie décentralisation, et un grand plan de sobriété administrative, c’est indispensable ! Les données 2021 de l’OCDE indique que la France a un coût de production des services publics de 27,9 % du PIB, quand la moyenne des pays européens est à 25 %. Or, cet écart de 2,8 points, ce sont 70 milliards d’euros, soit la moitié de notre déficit !

Donc vous avez raison, il faut engager à la fois un grand plan de sobriété administrative, et également une vraie décentralisation pour simplifier.

Un entretien mené par Baptiste Gauthey, rédacteur en chef de Contrepoints.

Biden débloque des millions de dollars d’argent public pour l’industrie du vaccin

Vendredi, le ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS) américain a annoncé l’attribution d’une enveloppe supplémentaire de 500 millions de dollars pour soutenir le développement de nouveaux traitements Covid-19 et de futurs vaccins. Notons que l’administration Biden a déjà octroyé 1,4 milliard de dollars de subventions dans le cadre de la réalisation de ce programme issu du projet NextGen du gouvernement fédéral.

Selon les dernières mises à jour des données du CDC, le nombre de nouveaux cas d’infection au Covid-19 aux États-Unis est en recul. Malgré cela, l’administration Biden a annoncé l’octroi de 500 millions de dollars de subventions par le biais du ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS) pour soutenir le développement de nouveaux vaccins et traitements contre la COVID-19. Une initiative qui s’inscrit dans le cadre du projet NextGen du gouvernement fédéral, visant à renforcer la préparation contre les futurs variants du virus. On peut penser que les organisations sanitaires vont une fois de plus accorder des autorisations de commercialisation à des vaccins inefficaces et expérimentaux, malgré les preuves répétées de leur dangerosité.

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Les monnaies, l’art de berner : la métamorphose du dollar à travers les âges

Les monnaies suivent les civilisations depuis 3000 ans, elles sont des créations humaines, et pourtant elles restent des ovnis. Leur rôle est de permettre l’échange de biens à travers un support capable de « cristalliser » de la valeur dans le temps, une sorte de confiance palpable.

S’il est compliqué de définir une monnaie, c’est parce que nous avons utilisé des centaines de monnaies différentes qui n’ont rien de commun, à part être une monnaie. Et aucune d’entre elles n’entre dans les critères d’Aristote : unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire d’échange.

Avec l’inflation, nos monnaies d’État sont de mauvaises réserves de valeur : un dollar a perdu 95 % de sa valeur en 50 ans. L’or est un piètre moyen d’échange : d’une part, on peut facilement se faire avoir en achetant un lingot ; d’autre part, son poids le rend coûteux à transporter.

Aujourd’hui plus que jamais, nos monnaies laissent perplexe, et c’est tout le sujet de cet article que de découvrir leur fonctionnement.

Je dis bien nos monnaies, pas pour parler des euros, francs ou dollars. Toutes les monnaies d’État se ressemblent de nos jours. Nos monnaies, car derrière un nom unique comme « le dollar » se cachent plusieurs types de monnaies totalement différentes.

 

L’histoire du dollar américain est fascinante, et illustre parfaitement l’évolution des monnaies au fil du temps. Au départ, le dollar était directement lié à une pièce en or, ce qui signifie qu’il pouvait être échangé contre une quantité spécifique d’or. Cette période, connue sous le nom d’étalon-or, garantissait la stabilité de la valeur du dollar, car la quantité d’or disponible limitait la quantité de dollars en circulation.

Cependant, au fil du temps, les besoins économiques et les contraintes financières ont conduit à une transformation significative du dollar. Le billet de dollar est devenu une représentation de la valeur de l’or, plutôt que de l’or lui-même. En d’autres termes, le dollar était toujours adossé à l’or, mais les gens n’échangeaient plus directement des pièces d’or contre des billets de un dollar. Cela a permis une plus grande flexibilité dans l’économie, et a simplifié les échanges commerciaux.

 

Puis, au cours du XXe siècle, le dollar a connu une révolution monétaire majeure.

En 1971, le président américain Richard Nixon a mis fin à la convertibilité du dollar en or, abandonnant ainsi l’étalon-or.

Cela signifiait que les dollars n’étaient plus liés à une réserve d’or tangible. Ils sont devenus essentiellement du papier sans garantie. Cette transition, connue sous le nom de Nixon Shock, a donné naissance au système monétaire actuel, où la plupart des monnaies du monde sont des monnaies fiduciaires, c’est-à-dire qu’elles n’ont de valeur que parce que les gens ont confiance en elles, et les acceptent comme moyen de paiement.

En parallèle, le dollar a également évolué dans le monde numérique.

Les fonds que vous avez sur votre compte bancaire sont une forme encore différente de dollar, souvent appelée « monnaie scripturale » ou « monnaie électronique ». Cette monnaie n’existe que sous forme de données comptables dans les systèmes bancaires. Elle peut être créée électroniquement lors de l’octroi d’un crédit, ce qui signifie qu’elle peut être multipliée presque à l’infini par les banques.

Cette monnaie électronique est celle que nous utilisons dans nos transactions quotidiennes, que ce soit par virement, par carte bancaire ou même par des moyens plus modernes tels que les paiements via téléphone mobile. Elle a le pouvoir de stimuler l’économie en facilitant les transactions rapides et en permettant le financement de projets, mais elle comporte également des risques, notamment celui de l’inflation excessive si la création monétaire n’est pas bien gérée.

Enfin, la dernière forme de dollar est les obligations.

Lorsque vous détenez une obligation, vous possédez essentiellement une dette contractuelle d’un gouvernement. Si l’État vous doit 100 dollars en obligations, cela signifie qu’il a émis une promesse de vous payer cette somme à une date future convenue, généralement avec des intérêts.

Dans un monde idéal, cette promesse serait perçue comme une quasi-monnaie, car elle garantit un paiement futur par l’État qui émet la monnaie. Vous pourriez, en théorie, échanger cette obligation avec d’autres investisseurs sur un marché obligataire, leur assurant ainsi un paiement futur sécurisé, ce qui en ferait un instrument financier relativement stable et liquide.

Cependant, ce sentiment de sécurité n’est pas toujours justifié, comme cela a été mis en évidence par le krach boursier de l’été dernier. La crise boursière de l’été dernier a été déclenchée par une hausse rapide des taux directeurs, qui sont les taux d’intérêt fixés par les banques centrales. Cette hausse soudaine a eu des répercussions majeures sur le secteur financier.

En augmentant les taux directeurs, les banques centrales ont rendu les nouvelles obligations plus alléchantes, car mieux rémunérées que les anciennes obligations. Et c’est ainsi que le prix des obligations sur le marché secondaire s’est déprécié de 20 %. Ce véritable krach boursier a fragilisé toutes les banques, certaines ont même fini en faillite comme la Silicon Valley Bank.

Nos monnaies sont donc plus que jamais douteuses : nous avons le choix entre un bout de papier sans garantie, un dépôt qui vient directement d’un crédit et en subit son risque, ou des obligations, que la banque centrale peut faire vaciller à n’importe quel moment.

Pour en savoir plus, voir la conférence donnée à Lausanne par l’auteur de cet article.

Comment la politique monétaire de la BCE exacerbe les inégalités en France

La politique monétaire expansive de la Banque centrale européenne s’accompagne depuis plus de deux décennies d’une inflation disproportionnée des prix des actifs.

Cette forme grave d’inflation n’est toutefois pas prise en compte dans l’indice des prix à la consommation harmonisé, et n’impose donc pas de limites à la politique monétaire. Tant que les prix à la consommation n’augmentent pas trop rapidement, la masse monétaire peut être élargie, en dépit de la hausse vertigineuse des prix des actifs, en premier lieu des biens immobiliers.

Cela a des conséquences sociales importantes, que l’on peut déjà observer en France.

 

Le capitalisme, responsable des inégalités de patrimoine ?

De nombreux détracteurs du capitalisme font référence aux prétendues distorsions sociales que le système engendrerait. Selon eux, le capitalisme conduit à une répartition injuste des revenus et des richesses. De nombreuses personnes ne peuvent pas profiter des avantages du système. Elles sont laissées pour compte et s’appauvrissent au sein d’une économie par ailleurs prospère.

Ce diagnostic est vrai si l’on considère que le mot « capitalisme » ne désigne rien d’autre que notre système économique actuel.

L’erreur réside dans le fait que les critiques pensent que notre système s’apparente à une économie de marché à l’état pur. Ce n’est pas le cas. Nous vivons au mieux dans un capitalisme d’État dominé par la politique, dans lequel les mécanismes de marché sont autorisés s’ils ne font pas trop obstacle aux intérêts politiques particuliers. Notre système économique est marqué par l’interventionnisme étatique. Et dans aucun autre domaine, les interventions ne pèsent plus lourd que dans le système financier et monétaire.

Les évolutions indésirables de notre époque ne peuvent donc pas être automatiquement attribuées à l’économie de marché. Les causes des problèmes sont souvent ancrées dans la politique. En ce qui concerne les questions de répartition des richesses et de mobilité sociale, il ne fait aucun doute que l’inflation des prix des actifs, qui résulte en majeure partie de la politique monétaire, joue un rôle décisif.

 

La politique monétaire fait le jeu des riches

Une politique monétaire axée sur l’inflation, même s’il ne s’agit que d’une inflation moyenne de 2 %, créera d’elle-même les incitations qui conduiront à une inflation disproportionnée du prix des actifs.

Dans un environnement inflationniste, toute personne souhaitant protéger ses économies se tournera davantage vers des formes d’investissement qui protègent de l’inflation. C’est pourquoi la demande d’actions et de biens immobiliers augmentera de manière excessive. Leurs prix augmenteront donc de manière disproportionnée. Les prix à la consommation et les revenus des ménages sont à la traîne de l’inflation des prix des actifs.

L’inflation disproportionnée des prix des actifs a un effet direct sur le fossé entre les riches et les pauvres. Les ménages qui possèdent des actions et des biens immobiliers sont avantagés par l’inflation. Les ménages qui ne sont pas dans cette situation privilégiée sont laissés de côté. Il leur est de plus en plus difficile de rejoindre le reste de la société. La mobilité sociale vers le haut en pâtit.

En France, cette évolution peut être documentée par le rapport entre le patrimoine et le revenu annuel total.

Depuis l’introduction de l’euro en 1999, les prix de l’immobilier en France ont commencé à augmenter de manière disproportionnée – de plus de 100 % en seulement huit ans. Dans le même temps, le patrimoine a augmenté par rapport aux revenus.

Au milieu des années 1990, ce rapport était encore de 3,5, ce qui signifie que le patrimoine total, mesuré en valeur monétaire, était 3,5 fois plus important que le revenu annuel de la population française.

Jusqu’à la crise financière, ce chiffre est passé à six, non pas parce que davantage de richesses ont été créées en termes réels par rapport aux revenus, mais parce que les prix des biens patrimoniaux existants, à commencer par l’immobilier, ont tellement augmenté.

Ensuite, tant les prix de l’immobilier que le rapport patrimoine/revenu ont stagné pendant un certain temps. Ces dernières années, ils ont de nouveau augmenté.

Entre 2016 et 2022, les prix de l’immobilier ont encore augmenté de plus de 30 %. Le rapport patrimoine/revenu est passé à près de sept.

 

évolution du ratio patrimoine revenu en France

 

À quoi bon travailler et épargner ?

Qu’est-ce que cela signifie ?

Plus le rapport entre le patrimoine et les revenus courants est élevé, plus l’ascension sociale est difficile, toutes choses égales par ailleurs.

Imaginez une jeune famille issue d’un milieu modeste. Elle n’hérite pas d’un patrimoine important et perçoit un revenu moyen. Avec un taux d’épargne de 10 %, il faudrait 35 ans pour atteindre le niveau de richesse moyen de la société – en supposant que le rapport entre la richesse et les revenus soit de 3,5. Ce n’est pas facile, mais possible à réaliser en une vie de travail. Nous supposons dans ce calcul que 10 % des revenus sont mis de côté chaque année et ne subissent pas de perte de valeur due à l’inflation.

Mais si le rapport patrimoine/revenu est de 6 ou même de 7, comme c’est le cas aujourd’hui en France, il faudra 60 à 70 ans pour atteindre le niveau de patrimoine moyen. Ce n’est pas réalisable au cours d’une vie de travail normale. Il faut soit obtenir un revenu supérieur à la moyenne, soit épargner de manière excessive, et donc renoncer davantage à la consommation pour pouvoir rejoindre la moyenne sociale.

Dans ce contexte, on comprend pourquoi l’angoisse existentielle et le sentiment de décrochage sont de plus en plus répandus, notamment chez les jeunes. Le mécontentement envers le système augmente également.

Mais le système n’est pas une économie de marché à proprement parler. La mobilité sociale en France a effectivement souffert. De nombreuses personnes sont de plus en plus délaissées sur le plan économique. Ce n’est pas dû à des forces du marché, mais à l’interventionnisme monétaire qui, par le biais de l’inflation, favorise une redistribution perverse du bas vers le haut.

Cet article vous a plu ? Retrouvez son auteur dans un entretien long format accordé à Contrepoints Podcast, au micro de Pierre Schweitzer. Il y est question des banques centrales et des nombreuses controverses qui les entourent depuis leur création. Pensez également à vous abonner au podcast sur votre plateforme préférée ou encore sur Youtube pour ne pas manquer les prochains entretiens.

« Surprofits » bancaires : la taxation n’est pas la solution

Les profits exceptionnels réalisés par les banques, en particulier américaines, posent de réelles questions. La voie commode de la taxation leur apporte de fausses réponses.

 

Une économie sous influence

Le vocabulaire employé est un signe parlant de l’inquiétude que suscite outre-Atlantique la concentration du pouvoir financier aux mains d’un nombre très restreint de très gros établissements.

Les huit premiers d’entre eux sont couramment qualifiés par les médias de « seigneurs de Wall Street » mais aussi de « géants de la finance », de « mastodontes » et dans tous les cas de « banques systémiques »[1] capables en cas de faillite d’une seule d’entre elles de déclencher un cataclysme économique comme celui de 2008.

JP Morgan, qui occupe la première place du classement, et dont les profits se sont élevés à 87 milliards de dollars en 2022, ne détient-elle pas la somme colossale de 3200 milliards de dollars d’actifs, soit un chiffre nettement supérieur au PIB de la France ?

Wells Fargo, qui occupe le troisième rang, s’est distinguée en mettant en œuvre des méthodes de cow-boy imaginées par ses dirigeants : en août 2017, ils ont dû reconnaitre avoir vendu des assurances auto à des centaines de milliers de clients sans qu’ils l’aient demandé puisqu’ils en avaient déjà une par ailleurs. Cette banque s’est aussi illustrée entre 2011 et 2016 en ouvrant à ses usagers et sans leur autorisation plus de deux millions de comptes fictifs, mais dont les frais facturés étaient bien réels.

Les financiers ne sont donc guère en odeur de sainteté aux États-Unis où, comme au début du XXe siècle, l’opinion publique se méfie ouvertement du « big money ».

L’ampleur des profits réalisés actuellement par la bande des 8 dans un contexte d’inflation non maitrisée, et de difficultés croissantes pour la majorité de la population a réactivé cette hostilité.

Elle interroge suffisamment pour que la commission bancaire du Sénat des États-Unis se saisisse du sujet.

Le 6 décembre elle auditionnera la fine fleur des « seigneurs de Wall Street » sommés de rendre des comptes au moment où la situation financière des américains se dégrade.

 

L’offensive du Sénat américain

Selon le président de ce comité, les méga-banques « détiennent trop de pouvoir dans l’économie » :

« Elles continuent à engranger des profits record et à récompenser les entreprises qui augmentent les prix sur le dos des américains ».

En ligne de mire se profile, comme dans l’Union européenne, la mise en place d’une taxation exceptionnelle sur les surprofits bancaires. Mus par une sorte de réflexe pavlovien, la réaction des responsables politiques des deux côtés de l’Atlantique est de fait toujours la même face à ce type de situation : TAXER.

Mais c’est confondre les effets avec les causes.

Pour apporter une réponse pertinente, il faut remonter aux racines du problème et commencer par identifier la source de ces revenus stratosphériques. En l’occurrence, plutôt que d’agiter le chiffon rouge des « surprofits », mieux vaudrait parler de profits d’aubaine alimentés par une double opportunité :

  1. Au printemps, la faillite de la banque californienne Silicon Valley Bank a suscité le reflux des déposants vers les plus gros établissements jugés plus sûrs.
  2. Depuis janvier 2022, la forte et rapide hausse des taux directeurs (passés en peu de temps de 0,25 à 5,5 %) a bénéficié aux banques qui ont fait grimper jusqu’à 7 % le taux des emprunts immobiliers, alors qu’elles ne rémunèrent leurs dépôts qu’à 0,45 % en moyenne.

 

Si elles ont été en mesure de tirer pleinement parti de cette conjonction d’évènements, c’est du fait de la position dominante qu’elles occupent dans le gigantesque réseau des activités de production et d’échange, une position qui les met en situation d’exercer une forme très efficace de prédation.

Cela s’inscrit dans le cadre d’un capitalisme de connivence entretenant des liens consanguins et malsains avec le politique qui, par le laxisme de sa régulation, a laissé prospérer cet état de fait. Ce qui est ici en cause est une concentration excessive du pouvoir financier aux mains de quelques-uns, c’est un manque de concurrence et une emprise trop forte de la finance sur l’économie.

Ce qui est aussi en jeu, c’est une série de défaillances de l’État incapable d’assurer ses missions de base que sont la protection des consommateurs et la lutte contre les abus de position dominante.

En taxant, on s’attaque maladroitement aux conséquences et non aux causes du processus qui a donné naissance au paysage financier actuel.

 

Réactiver la concurrence

Pour le reconfigurer, la réponse n’est pas plus d’impôts mais davantage de concurrence.

Apple s’est déjà engouffré dans la brèche en mettant en place un compte d’épargne rémunéré à 4,15%, soit près de dix fois plus que ceux des mastodontes. En six mois son initiative a séduit 10 millions de clients.

Pour aller plus résolument dans ce sens, réactiver la législation anti-trust est une meilleure piste que la taxation. Depuis le vote du Sherman act (1890) puis du Clayton act (1913), l’arsenal existe, mais dans le cas des banques il a été mis en sommeil sous la pression insistante des lobbies de la finance.

Il faut revenir à l’esprit de déréglementation qui a prévalu sous l’administration Reagan et permis de démanteler les oligopoles qui prévalaient dans les secteurs du transport aérien ou des télécommunications. On a ici le cas emblématique d’ATT, dont le quasi-monopole a explosé en 1984 sous les assauts conjugués de l’antitrust, des régulateurs de la Commission fédérale des communications et de la justice. Son démantèlement, un des événements les plus spectaculaires de l’histoire industrielle du XXe siècle, a donné le coup d’envoi de la libéralisation mondiale des services de télécommunications.

AT&T, alias Ma’Bell (« la mère du téléphone ») a dû éclater en huit entités distinctes avec sept opérateurs locaux, les « Baby Bells », totalement indépendants, et un opérateur longue distance, AT&T. La disparition de la contrainte qu’exerçait ATT sur l’ensemble des réseaux a certainement favorisé l’essor d’internet et la révolution numérique.

 

Lutter contre l’obésité bancaire

Dans le même ordre d’idée, il s’agit aujourd’hui de mettre fin à ce qui incite les banques à toujours grossir en rendant plus difficiles les fusions et la prise de contrôle de nouveaux établissements.

C’est le sens de la proposition de loi bipartisane Brown/Scott visant à empêcher les méga-banques de multiplier les acquisitions, et à sanctionner davantage les dirigeants de banques mises en faillite.

En revanche, il faut agir pour sauvegarder la vitalité du tissu très dense de banques locales, qui est un atout majeur de l’économie des États-Unis. S’y est implanté au fil du temps un écosystème performant composé de milliers d’établissements de petite et moyenne dimension accompagnant efficacement les évolutions technologiques.

En 2018, les contraintes de la loi Dodd-Frank taillée pour les plus grosses banques ont été desserrées pour celles qui ont moins de 250 milliards de dollars d’actifs à leur bilan, ce qui va dans le bon sens. Il faut aussi continuer à alléger les obligations réglementaires qui freinent la création de nouvelles banques locales de manière à faciliter l’accès des petits entrepreneurs aux capitaux.

 

Séparation vs diversification

On peut enfin s’interroger sur la voie qui a été suivie depuis la crise financière de 2008.

Pour éviter qu’une telle catastrophe se reproduise, deux pistes d’analyse se sont affrontées.

Le modèle de la séparation a été un temps envisagé en s’inspirant de ce qui avait été mis en place lors de la grande dépression des années 1930. Voté en 1933 le Glass Steagall Act séparait strictement les banques d’affaires et les banques de dépôt.

Peu à peu édulcorées, ses dispositions ont été abrogées en 1999 sous l’administration Clinton. Lorsque l’idée d’une séparation a refait surface, nombre de banquiers ont fait valoir que les interdépendances entre les activités de crédit et les activités de marché étaient désormais si étroites qu’il était devenu techniquement impossible de réaliser la séparation. En tout état de cause, elle aurait selon eux des effets négatifs que l’on a du mal à mesurer, mais qui seraient très importants. Au nom de cet argument de l’imbrication et de la complexité, et sous la pression du très puissant lobby bancaire, on s’est dès lors engagé dans une autre voie.

Le modèle de la très grosse banque a prévalu, en considérant que la protection des activités bancaires contre la volatilité des opérations de la finance de marché peut être obtenue par la constitution d’énormes banques dans lesquelles l’influence des activités de marché serait d’autant plus limitée que les banques devraient respecter des ratios prudentiels renforcés. On peut toutefois douter qu’en cas de sérieux décrochages sur les marchés financiers, les banques, même très grosses, pourront s’en sortir en faisant seulement payer leurs actionnaires.

Ainsi que le suggère un économiste comme Pierre-Noël Giraud, on peut estimer qu’il serait salutaire de revenir à une réflexion approfondie sur la première option :  il ne s’agirait pas de recopier le Glass Steagall Act, mais de dégager des solutions modernes et de mettre en œuvre des modalités adaptées de séparation. Cela permettrait d’atténuer l’emprise des méga banques sur l’ensemble de l’économie occidentale et de limiter les profits que leur position dominante les met en capacité d’accumuler.

 

Laisser jouer la destruction créatrice

En tout état de cause, on peut aussi se demander si la finance décentralisée qui prend aujourd’hui son essor, en même temps que s’affinent, s’enrichissent et se diffusent les technologies de la blockchain, ne viendra pas à bout des mastodontes en les rendant obsolètes.

Dans les années 1970, IBM dominait l’informatique mondiale et semblait invincible. Personne n’imaginait que le nain Microsoft allait détrôner « Big Blue » et rebattre entièrement les cartes.

Sous l’influence globalement bienfaisante de la destruction créatrice, le tissu économique et financier est en perpétuel renouvellement, à condition que les pouvoirs publics le laissent respirer.

 

[1] Huit banques systémiques sont basées aux EU : JP Morgan, Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, Bank of New York Mellon, Morgan Stanley, State Street et Wells Fargo.

La croissance économique réelle dépend de l’épargne

Par Frank Shostak.

L’indice du climat de consommation aux États-Unis, compilé par l’Université du Michigan, est tombé à 69,5 en août, contre 71,6 en juillet. Un affaiblissement de l’indice du climat de consommation est considéré comme le signe d’un ralentissement potentiel des dépenses de consommation et de l’économie en général.

La plupart des commentateurs économiques s’accordent à dire que la consommation individuelle plutôt que l’épargne est la clé de la prospérité économique. Selon eux, l’épargne entrave la croissance économique car elle coïncide avec un affaiblissement de la demande de biens. Dans cette théorie, l’activité économique est décrite comme un flux circulaire d’argent dans lequel les dépenses d’un individu font partie des revenus d’un autre.

Toutefois, si les individus perdent confiance en l’avenir, ils sont susceptibles de réduire leurs dépenses et de thésauriser plus d’argent, diminuant ainsi les revenus d’un autre individu qui, à son tour, dépensera moins. Un cercle vicieux se met en place : la baisse de confiance entraîne une diminution des dépenses et une augmentation de la thésaurisation, ce qui affaiblit encore l’économie et érode la confiance qu’elle inspire.

Selon cette théorie, pour arrêter la spirale descendante, la banque centrale doit augmenter l’offre de monnaie. En mettant plus d’argent dans les mains des gens, la confiance et les dépenses augmenteront, et le flux circulaire de l’argent reprendra.

Tout cela semble très convaincant et, en effet, les enquêtes auprès des entreprises montrent que le manque de demande individuelle est le principal facteur à l’origine des mauvais résultats pendant les récessions. Mais la demande peut-elle à elle seule générer de la croissance économique ? Qu’en est-il de l’offre de biens ? Les biens sont-ils toujours là, attendant simplement la demande ? Est-il même possible que la demande elle-même soit rare ?

La rareté des moyens contrecarre la demande

Dans le monde réel, il est nécessaire de produire des biens utiles qui peuvent être échangés contre d’autres biens utiles. Les boulangers qui produisent du pain ne produisent pas tout pour leur propre consommation, mais échangent la plus grande partie de leur production contre les biens d’autres producteurs. En produisant du pain, les boulangers exercent une demande pour d’autres biens. Selon David Ricardo :

Aucun homme ne produit qu’en vue de consommer ou de vendre, et il ne vend jamais qu’avec l’intention d’acheter quelque autre marchandise, qui peut lui être immédiatement utile, ou qui peut contribuer à une production future. En produisant, il devient donc nécessairement soit le consommateur de ses propres marchandises, soit l’acheteur et le consommateur des marchandises d’une autre personne.

Les outils et les machines (c’est-à-dire les biens d’équipement) augmentent la productivité des travailleurs : ils doivent être fabriqués et augmentent la croissance de la production de biens de consommation.

Les biens de consommation doivent être alloués à ceux qui produisent des biens d’équipement pour assurer leur vie et leur bien-être pendant la production. Cette répartition des biens de consommation est rendue possible par l’épargne, c’est-à-dire la décision de certains individus de transférer une partie de leurs biens de consommation, en échange d’une plus grande quantité à l’avenir, à ceux qui produisent des biens d’équipement. L’épargne, qui permet de produire des biens d’équipement et donc d’améliorer le niveau de vie des individus, est au cœur de la croissance économique.

L’argent et l’épargne : quelle est la relation ?

La monnaie ne modifie pas l’essence de l’épargne, mais elle facilite l’échange des produits entre les producteurs. Elle ne produit pas de biens mais facilite leur échange. Selon Rothbard, « l’argent, en soi, ne peut pas être consommé et ne peut pas être utilisé directement comme un bien de production dans le processus de production. L’argent en soi est donc improductif ; c’est un stock mort qui ne produit rien ».

Dans une économie monétaire, le paiement des biens se fait toujours avec d’autres biens, la monnaie ne faisant que faciliter le paiement. Ainsi, un boulanger échange du pain économisé contre de l’argent, puis échange l’argent contre d’autres biens, payant ainsi avec le pain économisé. Lorsqu’un boulanger échange avec un cordonnier du pain économisé contre de l’argent, le cordonnier reçoit de quoi continuer à fabriquer des chaussures.

L’épargne rend l’activité économique possible grâce à l’argent. Nous n’épargnons pas l’argent lui-même, mais nous l’employons pour canaliser les biens de consommation non consommés que nous avons épargnés vers des individus engagés dans la production. Un individu qui thésaurise de l’argent n’épargne pas de l’argent en soi, mais exerce plutôt une demande pour cet argent, ce qui n’est jamais la mauvaise nouvelle que la pensée populaire croit qu’elle est. L’épargne n’affaiblit pas la croissance économique, mais la renforce.

L’argent qui sort de nulle part et la croissance économique

Lorsque l’argent est généré à partir de rien, il déclenche un échange de rien contre de l’argent, suivi d’un échange d’argent contre quelque chose, c’est-à-dire un échange de rien contre quelque chose. Cela conduit à une consommation non soutenue par la production, un détournement des biens de consommation économisés – les produits des activités génératrices de richesse – vers ceux qui détiennent de l’argent créé à partir de rien. La diminution du flux de biens de consommation épargnés vers les producteurs de richesses affaiblit la production de biens et, par conséquent, la demande de biens, ce qui déclenche une récession économique.

Ce n’est pas le comportement capricieux des consommateurs qui affaiblit la demande de biens, mais une augmentation de la masse monétaire à partir de rien. Tant que le stock de biens de consommation augmente, la banque centrale et les responsables gouvernementaux peuvent donner l’impression que des politiques monétaires et fiscales souples stimulent l’économie. Cette illusion s’effondre toutefois dès que le stock stagne ou diminue. Sans expansion de la production de biens de consommation, toutes choses égales par ailleurs, la croissance économique n’est pas possible.

Conclusion

La plupart des gens aspirent à une vie agréable et confortable. Cet objectif se heurte aux moyens qu’il faut produire pour l’atteindre. L’épargne permet l’expansion de ces moyens. L’augmentation de l’épargne, qui soutient l’augmentation de la production de biens, génère également une augmentation de la demande de biens. L’illusion que la demande peut être renforcée d’une manière ou d’une autre par la pression monétaire est tôt ou tard anéantie par l’impossibilité d’obtenir quelque chose pour rien.

Sur le web

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