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Le baccalauréat, un bout de papier qui ne nous apprend rien

Une tribune de #HackLaPolitique

 

Dès que le mois de juin arrive, le baccalauréat monopolise les titres de la presse. Les médias relatent les fuites de sujets que l’Éducation nationale est incapable d’éviter, vous voyez des reportages sur des jeunes terminales – et notamment le papy de 80 ans ou ledit surdoué de 12 ans, qui présentent leurs méthodes de révision.

Le baccalauréat est un symbole social, culturel, un bout de papier qui fait couler de l’encre, beaucoup d’encre, et peut-être pour pas grand-chose.

Car pour nous, le bac est un sujet important, oui. Mais surtout parce qu’il est l’alpha et l’omega d’un modèle éducatif – le nôtre- d’un autre âge. Nous allons voir pourquoi.

 

Un système inégalitaire

Le constat est assez simple. La vision que l’on se fait de notre modèle éducatif est celui d’un système républicain, mettant en avant l’égalité du savoir, brisant l’ensemble des déterminismes sociaux. Pourtant, c’est aujourd’hui sans conteste un système profondément inégalitaire.

C’est d’ailleurs la conclusion du rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire en 2016, mais aussi du fameux rapport PISA : les élèves défavorisés voient leur niveau baisser, tandis que les élites continuent de réussir.

La question alors à se poser est de savoir comment notre fameux modèle républicain, pourfendeur de l’égalité des chances, a-t-il pu finir si bas, favorisant avant tout les déterminismes les plus primaires ?

 

Un système éducatif centralisé et pyramidal

Pour le comprendre, il faut tout d’abord étudier le fonctionnement de l’Éducation nationale.

Sa particularité est d’être un système extrêmement centralisé et pyramidal ; que ce soit les programmes, les méthodes d’enseignement, ou encore les budgets, tout se décide plus ou moins dans les bureaux dorés du ministère de l’Éducation nationale et de sa puissante administration.

Une telle centralisation du pouvoir présente des défauts évidents : tout d’abord, c’est l’inadaptation du système à la diversité des enfants. Comment peut-on imaginer qu’une école totalement uniforme sur tout le territoire puisse s’adapter à la diversité des réalités locales ?

 

Une fabrique de l’uniformisation

Comment voulez-vous que de façon centralisée on puisse décider d’une seule bonne méthode d’enseignement pour chaque enfant ? Entre un élève en difficulté scolaire ou un surdoué, le système éducatif actuel n’offre que très peu d’alternatives d’enseignements.

Or aujourd’hui, les enseignants le disent eux-mêmes, c’est l’Éducation nationale qui décide de tout, y compris des méthodes de travail. Que ce soit les professeurs ou les élèves, tout le monde est enfermé dans un système extrêmement hiérarchisé. Tout part des rectorats, où tout est administré, contrôlé et surveillé.

Les professeurs reçoivent même des notes administratives infantilisantes leur expliquant comment gérer une classe. C’est ne pas leur faire honneur alors qu’ils ont avant tout un savoir à transmettre.

Et dans le même temps, certains manquent de formation, ou d’autres, qui auraient une vocation, ne se jettent pas à l’eau. Et entre nous, les enseignants qui nous ont le plus ennuyé à l’école, sont ceux qui se limitaient à reproduire ce type de petites notes.

 

Favoriser l’initiative

Si on veut garantir que l’éducation puisse s’adapter à chaque établissement, à chaque classe et à chaque élève, il faut permettre le développement de méthodes scolaires qui diffèrent de ce que tel ou tel ministre a décidé. Donc, cela nécessite que les professeurs et les établissements puissent sortir du cadre, tenter de nouvelles initiatives de pédagogie, ou des expérimentations locales.

Par exemple, dans un rapport sur le numérique à l’école de 2016, l’Institut Montaigne nous apprend qu’aux Pays-Bas, où le système éducatif favorise les écoles indépendantes, un entrepreneur hollandais, Maurice de Hond, a créé en 2013 via sa fondation 04NT de nouvelles écoles basées sur un apprentissage progressif centré sur l’enfant et facilité par les technologies numériques (chaque enfant a une tablette où figure son programme d’apprentissage et certaines activités associées).

 

Les écoles Steve Jobs

Dans ces écoles Steve Jobs, pas de classe mais des ateliers de travail par tranche d’âge et centrés sur les mathématiques, l’histoire, ou le développement de la créativité par exemple. Chaque enfant a la liberté de décider ce qu’il souhaite apprendre en premier.

Les enseignants sont littéralement appelés coachs, travaillent étroitement avec les parents, et organisent des points d’avancement toutes les six semaines.

Ces écoles ont si bien réussi qu’elles se propagent actuellement dans le tout le pays.

Ce projet est un exemple frappant du fait que des acteurs non publics peuvent prendre en charge de manière bien plus innovante et efficace les besoins de transformation de l’apprentissage des enfants, que ne pourraient le faire des administrations aux routines bureaucratiques parfois trop rouillées.

 

Le rôle des acteurs locaux

On le voit, la plupart des réformes scolaires en France s’effectuent surtout à la marge, en bougeant quelques curseurs un peu inutiles (rythmes scolaires, allègement/alourdissement de certaines matières) alors que les initiatives les plus innovantes, il faut le constater, viennent le plus souvent d’acteurs locaux.

Imaginez-vous le ministre de l’Éducation déclarer que les écoles françaises ne fonctionneront plus par classe mais par atelier ? Jamais cela ne se produira. Parce que le monopole condamne à l’immobilisme, qu’il fige les institutions dans une bureaucratie de privilèges, l’État est incapable de sortir de ce modèle napoléonien qui perdure depuis deux siècles.

Le baccalauréat représente très bien ce système où de façon extrêmement uniforme, tous les élèves apprennent exactement la même chose, année après année, avec les mêmes méthodes. Le système actuel qui tend à égaliser tout le monde à outrance produit de faitune uniformisation des esprits qui peut in fine briser la créativité et l’innovation chez les élèves.

 

Conformisme au sommet

Le fameux conformisme des élites dirigeantes (grandes écoles, ENA, etc.) que beaucoup condamnent dans notre pays a été favorisé par les pratiques actuelles de l’Éducation nationale. On ne se distingue pas en France par le talent individuel, mais par la faculté à se caler dans le moule prédéfini par le ministère.

Et c’est pour cela que les déterminismes sociaux sont de plus en plus marqués en France : seuls ceux possédant les moyens financiers de se glisser parfaitement dans le moule, ou de sortir de ce système, peuvent aujourd’hui s’assurer un statut social valorisé, ou développer leurs capacités en dehors de l’école.

Ces inégalités sociales sont souvent renforcées par l’orientation des élèves dans le secondaire, par exemple ; ce qu’on appelle la carte scolaire. Sous couvert d’égalité d’accès aux établissements (chaque élève dispose d’un établissement dans son secteur d’habitation), ce sont en réalité les habitants des quartiers les plus riches qui ont accès aux établissements les mieux réputés se situant dans ces quartiers, et cela automatiquement, par le simple privilège de la naissance, tandis que les plus pauvres sont affectés dans des établissements qui n’ont malheureusement pas bonne réputation, indépendamment du travail qu’ils ont fourni. Avec la carte scolaire, le mérite individuel passe au second plan.

 

L’avenir de la réforme

Le problème c’est que nous ne sommes pas prêts de sortir de ce système, car changer un modèle aussi centralisé prend énormément de temps : le nouveau ministre de l’Éducation nationale a annoncé qu’il allait falloir attendre deux ans pour sortir de la réforme des rythmes scolaires.

Il reste donc trois années pour engranger de nouvelles réformes, en espérant qu’une nouvelle majorité ne vienne pas imposer un nouveau calendrier, à l’occasion du mandat suivant, les rythmes scolaires n’étant qu’un détail dans la masse des changements à mettre en place.

L’éducation est un travail de long terme. Or aujourd’hui il ne peut pas y avoir de cap, la seule façon de changer le système étant d’attendre tous les cinq ans que chaque majorité vienne démolir ce qui a été mis en œuvre. L’éducation est un sujet trop important pour le laisser entre les mains des politiciens.

 

Le bac, symbole de la domination de l’État

Le baccalauréat est le symbole d’une Éducation nationale ne se préoccupant pas du développement du talent individuel.

L’État conserve la main sur l’Éducation au détriment d’acteurs locaux. Au nom de l’égalité de traitement, le fameux mérite républicain, loin d’être favorisé, permet le maintien des inégalités les plus injustes.

Il est évident qu’une décentralisation bien plus large de l’école est indispensable. Elle permettrait aux acteurs locaux, qu’il s’agisse des professeurs ou des parents, de travailler ensemble pour innover et modifier les méthodes de pédagogie qui ne fonctionnent plus aujourd’hui.

Les free schoolsen Angleterre ou dans certains pays nordiques sont assez encourageantes en la matière, non seulement en termes de coopération entre les familles et les écoles, mais aussi concernant les méthodes d’enseignement.

Il faut avoir une vision distante du baccalauréat, bien avant celui-ci. Il n’est qu’un bout de papier. L’éducation est l’affaire d’une vie, de chaque vie, de coopérations volontaires, de projets.

Nous avons tous la possibilité de reprendre la main sur notre éducation, ce n’est qu’une question de volonté. Écartons tous ces politiciens qui souhaitent décider à notre place et nous encombrent pour pouvoir forger maintenant, nous-mêmes, l’école/l’éducation de demain !

 

Un article publié initialement le 21 juin 2017.

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