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Hier — 18 avril 2024Divers

Ces restes humains révèlent un bouleversement politique majeur dans une cité maya

La mystérieuse découverte de restes humains brûlés et de milliers d’ornements précieux, qui auraient appartenu à des dirigeants royaux d’une cité maya, pourrait constituer une preuve archéologique rare et directe d’un changement de régime politique vieux de plus d’un millénaire, selon une nouvelle étude publiée dans la revue Antiquity.

L’étrange dépôt, mis au jour sur le site archéologique d’Ucanal, au Guatemala, autrefois connu sous le nom de K’anwitznal, suggère que la cité fut le théâtre, au début du 9e siècle de notre ère, d’une cérémonie publique au cours de laquelle la tombe de précédents souverains fut profanée, leurs cadavres brûlés et leurs restes déposés dans le remblai de construction d’une pyramide en cours d’agrandissement.

Cet événement coïncide avec l’avènement d’un nouveau souverain de K’anwitznal, Papmalil, qui semble avoir joui d’un règne prospère à une période à laquelle de nombreux autres royaumes du monde maya connaissaient un déclin important.

Cet effondrement maya ne fut toutefois pas total, révèle Christina Halperin, archéologue à l’Université de Montréal et directrice du projet archéologique d’Ucanal, qui étudie les ruines depuis dix ans.

« Un certain nombre de dynasties politiques [mayas] s’effondrèrent, mais pas toutes. Tandis que des bouleversements avaient lieu dans certaines régions et que certains sites étaient abandonnés, d’autres perdurèrent, voire connurent une période de prospérité par la suite. Ce fut le cas d’Ucanal. »

 

UN ACTE DE DESTRUCTION

La nouvelle étude, rédigée par Halperin et ses collègues, décrit la découverte de restes humains brûlés et de fragments d’ornements précieux, notamment un masque de jade similaire à ceux qui étaient habituellement placés dans les tombes royales mayas, au milieu des ruines de ce qui était autrefois un temple pyramidal à K’anwitznal.

Le site n’est aujourd’hui qu’un terrain plat, mais le dépôt a été découvert sous des blocs de calcaire enterrés qui furent utilisés pour la construction d’un niveau supérieur dans la pyramide qui, à l’époque, devait mesurer plus de 45 mètres de haut.

Contrairement aux dépôts rituels mayas retrouvés habituellement dans les restes de construction de pyramides, celui-ci ne semble pas avoir été laissé là par respect pour les défunts.

« Il ne fut ni placé dans une urne, ni déposé avec soin, et il fut endommagé par des blocs de pierre qui furent jetés par-dessus », explique Halperin. « Selon notre interprétation, il s’agit là d’un acte de destruction… tout semble indiquer que ce n’était en aucun cas révérencieux. »

 

MARQUER LA FIN D’UN RÉGIME

Le dépôt contenait les restes de quatre corps qui, selon les chercheurs, pourraient avoir appartenu aux membres d’une famille royale, tous enterrés dans la même tombe au cours d’au moins un siècle. Ont également été retrouvés plus de 1 500 fragments de pendentifs en jade, de plaques, de mosaïques et de morceaux d’obsidienne, ainsi que plus de 10 000 perles brûlées faites de coquillages marins, un trésor extraordinaire typique des joyaux qui étaient enterrés avec la royauté maya, explique Halperin. À ce jour, les équipes de recherche n’ont pas encore retrouvé la tombe originale dans laquelle les corps étaient enterrés avant d’être exhumés et déplacés.

Les preuves suggèrent que cette découverte est le fruit d’un « rite d’entrée de feu », ou och-i k'ak' t-u-muk-il en langue maya classique, ce qui signifie « le feu est entré dans sa tombe ». Selon Halperin, ces rites étaient communs dans le monde des Mayas, et étaient probablement dérivés de leur utilisation rituelle des flammes et de la fumée. « C’est comparable à la combustion d’encens », illustre l’archéologue. « Brûler est une manière de se transformer et d’atteindre le royaume surnaturel. C’est une sorte de procédé de purification. »

Certains de ces rites d’entrée de feu visaient à vénérer les morts, voire à consolider l’avènement d’un nouveau règne en l’associant à celui d’anciens souverains inhumés. Dans ce cas, le rite de K’anwitznal semble cependant avoir constitué un acte de profanation visant à déshonorer les anciens souverains et à célébrer le passage à un nouveau régime politique.

L’état des fragments d’os humains indique que certaines parties du feu dépassaient les 800 °C, ce qui suggère que le feu utilisé pour la crémation était très imposant et très public. En outre, des découvertes archéologiques ont révélé que d’autres sites mayas semblent avoir été le lieu d’actes de crémation similaires à la même époque ; selon Halperin, un tel événement « n’aurait donc pas été exceptionnel » pour les Mayas.

Comme l’indique l’emplacement des restes, vulgairement déposés au milieu du remblai de construction d’un bâtiment, la cérémonie avait probablement pour objectif de souligner la fin d’un régime et de célébrer l’avènement d’un nouveau. Il s’agit ainsi d’un rare exemple de traces visibles d’un changement de régime politique dans des vestiges archéologiques, selon la chercheuse.

 

L’AVÈNEMENT D’UN NOUVEAU SOUVERAIN

Malgré ce changement de régime spectaculaire et le chaos qui régna dans le monde maya du 9e siècle, Papmalil semble avoir été un souverain plutôt bienveillant. À la suite de son règne, de nombreux bâtiments publics furent rénovés et de nouveaux projets de construction, notamment de nouvelles maisons, d’un système de canaux et d’un immense terrain de jeu de balle, furent entrepris à K’anwitznal.

Papmalil ne régna pas en tant que roi maya, mais en tant que ochk'in kaloomte', un titre de chef militaire ou de membre de la noblesse. Le souverain parvint à établir de nouvelles alliances au sein du contexte politique en pleine évolution que connaissaient alors les cités mayas des Basses-Terres du sud, une région qui s’étendait sur ce qui est aujourd’hui le Belize et le nord du Guatemala. Les différentes représentations de Papmalil le montrent en train d’échanger des cadeaux avec les dirigeants d’États voisins, non pas en position de dominance comme c’était souvent le cas à l'époque, mais assis ou debout à côté de ces derniers.

« C’est un grand changement, car les souverains mayas étaient principalement représentés en hauteur, et avec une carrure bien plus imposante que celle de leurs interlocuteurs », explique Halperin. De son côté, Papmalil semble avoir traité les autres souverains comme ses égaux : « Dans un certain nombre d’images, il apparaît à la même taille et la même échelle… et ce type de représentation commence au 9e siècle et se poursuit », note-t-elle.

Pour Stephen Houston, anthropologue à l’Université Brown et spécialiste des Mayas, qui n’était pas impliqué dans cette étude, il est clair que ce mystérieux dépôt est en effet lié à la royauté.

« Cet article montre de quelle manière nous devrions interpréter les vestiges inhabituels », commente-t-il, en référence au lien établi par les chercheurs entre le dépôt retrouvé et la pratique de « l’entrée de feu » décrite par les Mayas et avec l’ascension d’un personnage glorifié, Papmalil, dans les archives historiques.

Thomas Garrison, archéologue à l’Université du Texas à Austin et explorateur National Geographic, qui n'a pas non plus pris part à ladite étude, ajoute lui aussi que la découverte du dépôt à Ucanal est remarquable.

« Le fait de reconnaître un tel dépôt mélangé à l’environnement complexe qu’est le remblai d’un bâtiment, plutôt que dans une sépulture formelle, constitue déjà une prouesse technique. Je pense que la théorie qu’ils proposent, selon laquelle celui-ci serait lié à ce changement spécifique de régime, est également très cohérente. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Jules Marcou, trappeur géologue

Enfant du Jura, le géologue Jules Marcou, dont on célèbre le bicentenaire, a vite préféré troquer les livres contre les pirogues des Grands Lacs américains et les caravanes du Far West. N’en déplaisait à ses confrères théoriciens…

La thériaque : ce remède antique vient d’être recréé en laboratoire

Pendant près de 2 000 ans, les habitants du Proche-Orient et de l’Europe confièrent leur sort à un remède miracle pour se protéger des poisons, des pestes et d’une multitude d’autres maux. Ce remède universel magique était connu sous le nom de thériaque : une substance noire et collante confectionnée à partir de dizaines d’ingrédients, dont du poivre noir, du pain, de l’opium et de la chair de vipère.

Avec l’avènement de la médecine moderne, la thériaque tomba en désuétude, mais une équipe de chercheurs polonais est parvenue à recréer de la thériaque à partir d’une recette d’apothicaire datant du 17e siècle afin d’étudier les propriétés miraculeuses qu’on prêtait autrefois à ce remède.

 

UN REMÈDE ANCIEN

Au 17e siècle, en Pologne, la thériaque a connu un succès prodigieux. Mais sa popularité et sa portée ne se limitèrent pas à l’Europe de l’Est, et l’idée d’un « antidote universel » remonte à l’Antiquité. Si l’on se fie à des sources antiques telles que Galien et Pline, des variantes de la thériaque furent utilisées dès le 2e siècle avant notre ère au moins, et leur popularité gagna vite les cercles élitaires.

Au banquet des plus célèbres expérimentateurs de panacées, Mithridate IV, empereur anatolien et opposant de marque à l’Empire romain qui régna de 120 à 63 avant notre ère, est assis en bonne place. En effet, ce dernier était obsédé par les poisons et par leurs antidotes.

« À l’époque, on appelait l’arsenic la poudre de succession », révèle Adrienne Mayor, chercheuse universitaire du département d’étude classiques de l’Université Stanford n’ayant pas pris part à l’étude dont il est question dans cet article. Dans la biographie qu’elle consacre à Mithridate, elle retrace la quête onéreuse d’un moyen d’échapper à l’empoisonnement déclenchée par cette obsession, une quête qui mena à l’élaboration d’une recette de thériaque durable.

Hanté par l’éventualité d’un empoisonnement et conseillé par des experts médicaux venus des quatre coins du monde connu, Mithridate se voua tout entier à l’étude de la capacité du corps humain à s’immuniser contre certains poisons lorsqu’on l’expose à de faibles quantités de toxines sur de longues périodes de temps, un phénomène que la médecine moderne appelle aujourd’hui mithridatisation.

« Tout est affaire de dosage », explique Adrienne Mayor. En effet, la dose quotidienne de thériaque imprégnée de poison absorbée par Mithridate semble avoir eu l’effet escompté : il se suicida à l’âge de 70 ans après avoir empoisonné ses filles et après avoir échoué à s’empoisonner lui-même. Bien que la recette qu’il employa ait été perdue, il semble qu’elle ait été transmise à d’autres nobles dont les médecins concoctèrent à leur tour de la thériaque et s’en servirent à des fins d’expérimentation. Bien que leurs recettes aient pu varier, et qu’ils aient essayé d’y ajouter une pléthore d’ingrédients coûteux, la composition élémentaire de la thériaque comprenait généralement du miel, des épices (cannelle et cardamome), et un chapelet d’herbes, d’écorces, d’huiles, et même du bois. À un moment donné après la mort de Mithridate, on ôta le poison de la longue liste des ingrédients de la thériaque.

Cela n’empêcha pas la thériaque de devenir un incontournable pour des monarques paranoïaques comme Néron, dont le médecin remplaça le venin de serpent de Mithridate par de la chair de vipère, ou encore Élisabeth Ire. Comme l’observe Adrienne Mayor, l’opium, qui devint plus tard indispensable dans ces mixtures, « garantissait en fait l’adhésion du patient ».

 

UN ANTIDOTE DE TOUS LES JOURS

La thériaque dut en partie son charme à ses racines royales et, quoique coûteuse, devint un remède accessible à la quasi-totalité des roturiers. Comme l’explique Jakub Węglorz, maître de conférences en Histoire à l’Université de Wrocław, un plébéien polonais du 17e siècle pouvait, pour le prix d’un poulet, se procurer un peu de cette substance auprès d’un apothicaire agréé et suffisamment formé pour en dispenser.

Selon cet universitaire spécialiste de l’histoire de la médecine et du début de l’ère moderne qui souhaitait savoir s’il était possible de fabriquer le type de thériaque vendu en Pologne voilà des siècles, il ne suffit pas d’avoir lu des manuels médicaux concernant cette préparation. Grâce à une bourse du Centre national des sciences de Pologne, il s’est associé à un autre historien ainsi qu’à deux pharmaciens pour tenter de recréer une thériaque vieille de 400 ans. C’était la première fois que des chercheurs contemporains ayant un bagage pharmaceutique tentaient de fabriquer de la thériaque, mais aussi la première reconstitution exhaustive et la première analyse complète du remède.

Pour cela, il se sont appuyés sur une recette de 1630 de Paul Guldenius, apothicaire de la ville qui devint l’actuelle Toruń, en Pologne. Ce dernier faisait partie d’un cercle restreint d’apothicaires autorisés à produire et à vendre de la thériaque, et comme ses collègues, il préparait son mélange en public avec « beaucoup de faste et de cérémonie », selon les chercheurs.

La fabrication de thériaque en public était une façon de garantir une transparence totale quant à ce qui entrait dans la composition du produit. C’était également un moyen de faire sa publicité auprès d’un public curieux. « Ils exposaient tous ces ingrédients précieux et chers » lors de leurs préparations publiques, commente Adrienne Mayor.

Rédigée en latin, la recette de Paul Guldenius répertorie les noms et les quantités de soixante-et-un ingrédients. Jakub Węglorz et son équipe se sont efforcés de décoder les noms latins et courants des composés utilisés en recoupant sa recette avec des livres contemporains et avec d’autres textes comme des journaux et des lettres.

Fort heureusement, Paul Guldenius était un rédacteur de recette scrupuleux : il a inclus le poids exact des ingrédients à ajouter. Cardamome, quatre-épices, bois, vin moelleux et pain de blé entraient dans la composition de la potion. Mais sa thériaque n’était pas qu’un fourre-tout. S’y trouvaient deux ingrédients essentiels à son efficacité et à son prestige : l’opium et la chair de vipère. L’opium avait un effet analgésique, tandis que la chair de vipère conférait, pensait-on, une immunité contre les morsures de serpents et avait censément un effet « asséchant » sur le corps. Selon la théorie des humeurs corporelles, largement acceptée en ce temps, les saveurs épicées et intenses avaient la capacité d’« assécher » les humeurs qui prédisposaient une personne à la maladie ou à l’infirmité.

 

RECRÉER LA THÉRIAQUE

Quatre années ont été nécessaires pour recueillir les ingrédients nécessaires à la recréation du mélange de Paul Guldenius. D’abord, les chercheurs se sont tournés vers des fournisseurs de matériaux bruts de classe pharmaceutique. Mais certaines herbes et épices n’étaient pas disponibles ou n’étaient pas cultivées dans l’Union européenne. Les chercheurs ont donc dû se mettre en quête de la plante elle-même ou d’avoir recours à des sites web spécialisés dans le jardinage pour se procurer des ingrédients.

« Même pour une chose simple, comme du safran ou de la menthe, nous nous procurions la plante nous-mêmes ou nous l’achetions auprès d’un fournisseur certifié, pas dans une épicerie », explique Jakub Węglorz.

Ensuite est venu le problème de la chair de vipère : les membres de l’équipe ne souhaitaient pas tuer des serpents eux-mêmes, et la Pologne n’est pas franchement réputée pour son abondance en reptiles. Mais les vipères vivent dans les régions montagneuses, et Jakub Węglorz a traversé la Pologne en voiture, suivant les conseils de forestiers qui l’alertaient lorsqu’ils découvraient une vipère morte de causes naturelles ou écrasée par un véhicule. Finalement, l’équipe a réuni près de 200 grammes de chair de vipère, qu’ils ont fait sécher avant de l’incorporer à la thériaque.

Il a été encore plus difficile de se procurer de l’opium. Les politiques polonaises de lutte contre le trafic de drogue sont strictes, mais les citoyens peuvent obtenir l’autorisation de cultiver du pavot à opium (Papaver somniferum). L’équipe est à l’heure actuelle encore en train d’essayer de se procurer légalement 100 grammes d’opium, composant pour l’instant exclu de leur préparation.

Après avoir étudié les effets potentiels des ingrédients de la thériaque, dont beaucoup sont connus pour leurs propriétés thérapeutiques, les chercheurs se sont mis au travail dans un laboratoire de l’Université de Wrocław ; ils ont fait bouillir, mélangé, fait sécher et enfin ajouté les composants. Deux jours ont été nécessaires pour que les experts pharmaceutiques combinent les ingrédients et les cuisinent à feu doux. Le résultat, une mélasse collante, aurait à l’époque été réparti dans plusieurs petites pilules que les patients auraient avalées avec de l’eau ou avec du vin, mais les chercheurs font observer que la thériaque était parfois utilisée sur la peau ou sur les yeux. Ils ont réussi à produire quatre kilogrammes de thériaque qu’ils ont ensuite mis de côté pour la laisser s’affiner pendant une année complète.

« Nous ne l’avons pas goûtée, prévient Jakub Węglorz. Mais si nous le faisions, nous pourrions dire que le goût réchauffe. C’est relevé. C’est épicé. Ça a le goût du goudron. » L’incorporation d’herbes et d’épices telles que la cannelle, le centranthe, la lavande et le poivre noir semble conférer à la concoction une sensation de brûlure semblable à celle du whisky, chose qui selon les hypothèses d’autres universitaires, faisait peut-être en partie le charme du remède.

Bien que la thériaque contienne des ingrédients qui ont bel et bien des propriétés pouvant être bénéfiques pour la santé des humains, les chercheurs sont convaincus que l’effet placebo, aidé par les influenceurs royaux qui en prenaient, est en grande partie derrière le pouvoir que l’on prête à la thériaque de combattre le poison et de maintenir une personne en bonne santé. Mais cela ne signifie pas qu’il ne vaut pas la peine d’essayer d’en recréer ; Adrienne Mayor et Jakub Węglorz font observer que la thériaque est un témoin important de l’étendue de la recherche scientifique et de l’utilisation de remèdes populaires à l’Antiquité et après.

Désormais, l’équipe de Jakub Węglorz s’intéresse à des variations de la thériaque qui incorporaient des substances populaires dont l’utilisation a fluctué au fil du temps. Comme nous, les humains du passé étaient sensibles aux modes médicales ; mêmes si celles-ci impliquaient de prendre de l’opium, de la chair de vipère et une substance épicée et noire qui, dit-on, aurait guéri les rois comme les manants.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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Depuis quand paye-t-on des impôts ?

Chaque année en avril, l’arrivée du printemps est signalée par le chant des oiseaux, les boutons de fleur et… les déclarations d’impôts. Et celles-ci existent depuis des millénaires.

Au fil des siècles, les gouvernements du monde entier ont prélevé des impôts sur toutes sortes de choses, comme l’urine ou le fait de porter la barbe par exemple. Les fonctionnaires acceptaient leur paiement en bières, en lits ou même en balais. L’argent ainsi collecté servait ensuite à financer des projets et des services publics, comme les pyramides de Gizeh ou les légions romaines.

 

LES PREMIERS IMPÔTS

Les impôts existaient déjà avant l’apparition des pièces de monnaie. Ils pouvaient s’appliquer à presque tout et être payés avec quasiment n’importe quoi. Une adaptabilité qui a donné lieu à des moyens de paiement très étranges en Mésopotamie. Ainsi, le montant d’une taxe sur l’inhumation s’élevait à « 7 fûts de bières, 420 miches de pain, 2 boisseaux d’orge, une cape en laine, une chèvre et un lit, vraisemblablement pour le corps », rapporte Tonia Sharlach, historienne à l’université d’État de l’Oklahoma. « Vers 2000-1800 av. J.-C., un homme a payé son impôt avec 18 880 balais et 6 bûches », ajoute-t-elle.

La comptabilité créative de ces paiements en nature a aussi permis à certains de tromper le percepteur. « Il y a cet homme qui affirmait ne rien posséder d’autre que des meules extrêmement lourdes et qui a payé son impôt avec. »

 

DÉCLARATIONS FISCALES À L’ÉPOQUE DES PHARAONS

L’Égypte antique a été l’une des premières civilisations à créer un système fiscal organisé. Celui-ci a été établi vers 3000 av. J.-C., peu de temps après l’unification de la Basse-Égypte et de la Haute-Égypte par Narmer, premier pharaon d’Égypte.

Les premiers chefs égyptiens étaient très impliqués dans la collecte des impôts. Ils se rendaient aux quatre coins du pays avec leur cour pour évaluer la valeur des biens de leurs sujets (huile, bière, céramique, bétail et récolte) afin de prélever les impôts. Cet évènement annuel a par la suite été baptisé Shemsu Hor (Les Suivants d’Horus). Les impôts collectés sous l’Ancien Empire égyptien ont financé la construction d’importants projets civiques, tels la construction des pyramides de Gizeh.

Au cours de ses 3 000 ans d’existence, le système d’imposition de l’Égypte antique a évolué, se complexifiant avec le temps. Sous le Nouvel Empire (1539-1075 av. J.-C.), les fonctionnaires trouvèrent le moyen de taxer les citoyens sur ce qu’ils avaient gagné avant même qu’ils ne perçoivent cet argent, grâce à une invention appelée nilomètre, qui permettait de calculer le niveau du Nil lors de sa crue annuelle. Le montant des impôts diminuait si le niveau de l’eau était trop faible, puisque cela était annonciateur de sècheresse et de mauvaises récoltes. Au contraire, si le niveau du Nil était élevé, la récolte s’annonçait bonne et les impôts étaient augmentés.

 

AMNISTIE FISCALE EN INDE

Dans l’Inde de l’Empire maurya (vers 312-185 av. J.-C.), un concours d’idées était organisé chaque année avec, à la clé, une amnistie fiscale pour le vainqueur. « Le gouvernement demandait aux citoyens des idées pour résoudre ses problèmes », explique Tonia Sharlach. « Si votre solution était retenue et mise en œuvre, vous bénéficiez d’une exemption fiscale à vie », ajoute-t-elle. Le voyageur et écrivain grec Mégasthène décrit cette étonnante pratique dans son livre intitulé Indica.

Mais comme la plupart des efforts de réforme fiscale, le système était loin d’être parfait, souligne l’historienne. « Le hic, c’est que les citoyens n’avaient aucun intérêt à résoudre plus d’un problème ».

 

UN IMPÔT SUR L’URINE À ROME

Si l’empereur romain Vespasien, qui a régné de 69 à 79 apr. J.-C., n’est pas aussi connu qu’Auguste ou encore Marc Aurèle, il a eu le mérite d’apporter une certaine stabilité à l’empire pendant une période troublée, en partie grâce à un impôt novateur sur l’urine des citoyens.

L’ammoniaque était un produit de valeur dans la Rome antique. Elle permettait notamment d’enlever la saleté et la graisse des vêtements. Les tanneurs l’utilisaient pour fabriquer du cuir ; les paysans comme fertilisant. Certaines personnes l’employaient même pour blanchir leurs dents. Cette ammoniaque était issue de l’urine humaine, en grande partie récupérée dans les toilettes publiques de Rome. Comme tout produit de valeur, le gouvernement s’est dit qu’il fallait le taxer.

De riches Romains, y compris le propre fils de Vespasien, Titus, se sont opposés à cet impôt sur l’urine. Selon l’historien Suétone, Titus aurait déclaré à son père qu’il trouvait l’impôt révoltant, ce à quoi Vespasien aurait répondu « Pecunia non olet » (L’argent n’a pas d’odeur).

 

DES LISTES DÉTAILLÉES CHEZ LES AZTÈQUES

À son apogée aux 15e et 16e siècles, l’Empire aztèque était riche et puissant grâce aux impôts. L’historien Michael E. Smith, qui a étudié son système de perception des impôts, l’a trouvé remarquablement complexe. Il repose sur différents types d’objets prélevés à différents niveaux administratifs.

Toutes les taxes prélevées parvenaient à l'organe central du gouvernement aztèque, la Triple Alliance, qui inscrivait les sommes perçues dans des registres très bien tenus. Un grand nombre de ces registres existent encore aujourd'hui, le plus célèbre étant le coloré Matrícula de Tributos, rempli de pictogrammes indiquant le nombre exact de peaux de jaguar, de pierres précieuses, de balles de caoutchouc, de lingots d'or, de textiles, et la quantité exacte de maïs, de cacao, de miel et de sel que le gouvernement collectait chaque année.

 

 

LA TAXE RUSSE SUR LES BARBES

Bien que l'utilisation généralisée des pièces et de la monnaie ait permis un nivellement des systèmes fiscaux, les dirigeants n'hésitaient pas à recourir à une fiscalité musclée pour parvenir à leurs fins. En 1698, le tsar réformateur russe Pierre le Grand, cherchant à faire ressembler la Russie aux nations « modernes » d'Europe occidentale (où les hommes ne portaient pas la barbe, contrairement aux Russes) décida de créer un impôt sur la barbe.

Tout homme russe qui souhaitait se laisser pousser la barbe devait payer un impôt : les paysans payaient une somme modique, tandis que les nobles et les marchands pouvaient payer jusqu'à cent roubles. Pour prouver qu’ils avaient payé cet impôt, les hommes recevaient un jeton en guise de quittance, qu’ils devaient avoir sur eux partout où ils allaient. L'impôt sur la barbe de Pierre le Grand ne dura pas longtemps. Catherine la Grande finit par l’abroger en 1772.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

À partir d’avant-hierDivers

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Baarle : la frontière la plus étrange du monde se trouve entre les Pays-Bas et la Belgique

Située à une heure et demie de Bruxelles en voiture, la ville de Baerle possède assurément l’une des frontières les plus compliquées du monde. Ce village est partagé entre deux municipalités de deux pays différents, Baerle-Duc (ou Baarle Hertog en néerlandais) dans la province d’Anvers côté belge, et Baerle-Nassau dans la province du Brabant-Septentrional côté néerlandais. 

Au total, ce puzzle géant ne compte pas moins de vingt-deux enclaves belges inscrites sur le territoire néerlandais et sept enclaves néerlandaises sur le territoire belge. Pour l’anecdote, une partie du bâtiment de la mairie de Baarle-Duc est située aux Pays-Bas et c’est la seule mairie du monde à être traversée par une frontière. Lors des mariages, les époux et le maire doivent donc s’assurer de signer l’acte sur le territoire belge.

 

UNE BIZARRERIE HÉRITÉE DU MOYEN-ÂGE

Pour comprendre cette bizarrerie géographique, il faut remonter à 1198. À l’époque, Henry Ier est duc de Brabant. Pour récompenser Godefroid II de Schoten, seigneur de Bréda, qui l’a aidé à défendre ses terres face au comte de Hollande Thierry VII, il lui offre plusieurs terres autour de Baerle sous forme de fief. Mais des exceptions sont faites pour certains terrains, car « le duc veut garder pour lui les terres qu'il avait déjà exploitées », explique Willem van Gool, président de l’office du Tourisme de Baarle-Hertog-Nassau. En effet, certaines terres avaient déjà été prêtées par le duc, parce qu'il pouvait percevoir des droits d'accise sur les terrains récupérés et habités. À partir de là, un accord est signé et la ville est coupée en deux. La partie d’Henry Ier devient Baerle Hertog, Hertog signifiant « Duc » en flamand. L’autre partie prendra le nom de Baerle-Nassau en 1404, lorsque le conte de Nassau en prend le contrôle.

Au 16e siècle, Baerle fait partie des Pays-Bas espagnols. À la suite des révoltes protestantes, le pays est coupé en deux en 1648, les provinces unies au Nord, et les Pays-Bas espagnols au sud. Baerle-Nassau, qui appartient à Guillaume Ier d’Orange-Nassau, l’investigateur même de la révolte, rejoint les provinces unies, et Baerle-Duc se retrouve enclavé.

La frontière disparait en 1810, lorsque Napoléon intègre la région à la France. Et n’existe pas non plus lors de la création des Pays-Bas en 1815. Elle réapparaît en 1839, quand la Belgique devient indépendante. Mais les discussions sur la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas en 1843 ne sont pas concluantes, les deux parties n’arrivant pas à se mettre d’accord. Le traité de Maastricht de 1843 ne définit donc pas la frontière entre les deux pays entre les bornes 214 et 215. On se fonde alors sur un relevé cadastral de 1841, qui établissait la nationalité de chaque parcelle en fonction de diverses ventes et d’échanges de terrains conclus dans le passé entre les seigneurs de Bréda et les ducs de Brabant. Ce relevé correspond approximativement à la répartition des terres de 1198.

Dans les années 1950, Belges et Néerlandais sont contraints de reprendre les discussions. En effet, un accident de voiture a eu lieu dans le village, et il n’est pas possible de déterminer dans quel pays il a eu lieu. Le 20 juin 1959, la Cour internationale de Justice attribue 14,92 hectares litigieux à la Belgique.

Il aura fallu attendre jusqu’au 31 octobre 1995, pour qu’un accord fixant les délimitations exactes des deux parties soit finalement signé. 

 

LE PARADIS DE LA CONTREBANDE

Avec un tel partage, Baerle a longtemps été un lieu historique de la contrebande et du marché noir. Sucre, gin, beurre, sel ou encore tabac sont autant de marchandises qui ont été échangées sous le manteau. Et même le bétail était source de trafic, comme l’explique Willem van Gool « un fermier faisait paître ses vaches dans une prairie néerlandaise. À la nuit tombée, les vaches étaient conduites dans le pâturage belge voisin. Le lendemain, les vaches étaient ramassées par un camion à bestiaux. Les vaches étaient donc passées en contrebande d’une partie à l’autre de la frontière ». Le directeur de l’office du tourisme connaît d’ailleurs moult anecdotes à ce sujet. Parmi elles, celles du menuisier Janssen : « Dans une rue de Baerle, une entreprise de menuiserie portant le nom de Janssen était installée à l'adresse Kapelstraat 8, Baerle-Duc. À environ 200 mètres de là, du même côté de la rue, à l'adresse Kapelstraat 8 Baerle-Nassau, se trouvait un plombier portant le même nom de famille, Janssen. Lorsque le bois était moins cher aux Pays-Bas qu'en Belgique, le menuisier achetait le bois aux Pays-Bas et le plombier utilisait la même tactique. » Une entraide bien pratique pour les deux hommes.

Une statue, installée en 1996, rend d’ailleurs hommage au folklore qu'est devenue la contrebande dans le village.

 

LES PROBLÉMATIQUES FRONTALIÈRES 

Avec le nombre considérable d’enclaves, vient son lot de complications. Par exemple, il existe à Loveren une maison qui porte deux numéros, car sa porte d'entrée est traversée de part en part par la frontière. Pour éviter ce genre de situations délicates, la « règle de la porte d’entrée » a été instaurée. La résidence fiscale du propriétaire se trouve donc du côté où se trouve sa porte d’entrée. Cela a permis à certains habitants de choisir leur adresse et, de ce fait, leur pays de domicile.

Du côté des services publics, les enclaves ont aussi pu être source de tracas. « Auparavant, en raison des différences entre les lois des deux pays, il n'était pas possible pour la police néerlandaise d'agir sur le territoire belge. Aujourd'hui, la police de Baerle-Duc peut arrêter un délinquant, puis convoquer son collègue de Baerle-Nassau qui prend le relais, et vice-versa. De même, les policiers sont aujourd'hui autorisés à patrouiller dans une seule voiture de police, qu'elle soit néerlandaise ou belge », explique Willem van Gool. 

Lors du scandale de la maladie de la vache folle, il était interdit de transporter des animaux et du fourrage d'un pays à l'autre. « C'était un énorme problème pour les exploitations bovines de Baerle-Duc, car il était impossible d'apporter des aliments pour le bétail aux exploitations belges sans traverser le territoire néerlandais. Ce problème a finalement été résolu en concertation avec le gouvernement de La Haye. »

Plus récemment, lors de l’épidémie de Covid-19, Baerle a connu une situation pour le moins ubuesque. Les habitants belges étaient confinés, et pouvaient apercevoir leurs voisins se promener sans répercussions, car les Pays-Bas n’ont pas mis en place de confinement. « Il y avait de nombreuses différences, qu'il était difficile de faire respecter », relate Willem van Gool. C'est pourquoi un site web a rapidement été lancé, sur lequel les habitants et entreprises pouvaient « voir quelle mesure était en vigueur dans chaque pays (municipalité). » L’histoire d’une Belge nommée Sylvia Reijbroeck avait d’ailleurs fait l’objet d’un article dans le New-York Times, car elle avait dû fermer sa galerie d’art, alors qu’au bout de la rue, un magasin de vêtements pour enfants était resté ouvert. 

 

LE MEILLEUR DES DEUX PAYS

Aujourd’hui, les habitants ont l’habitude de jongler avec les différences de prix et de législations. L’essence et les cigarettes sont moins chères côté belge, quand la nourriture est meilleur marché du côté néerlandais. Et si les jeunes Hollandais connaissent Baerle-Duc, c’est par ce qu’ils peuvent y acheter légalement des feux d’artifices, interdits dans leur pays. De même pour la consommation d’alcool, dont l’âge minimum est fixé à dix-huit ans aux Pays-Bas et seize en Belgique. À ce sujet, Willem van Gool précise qu'« il est appliqué à Baerle-Duc et à Nassau la règle des seize ans, dans les établissements de restauration des deux côtés de la frontière. »

En ce qui concerne la scolarisation des enfants, « les parents sont libres de choisir l'école de leur choix pour leurs enfants, quelle que soit leur nationalité ou leur adresse », explique Gitte Tilburgs, directrice de la communication de Baerle-Hertog. Dans les faits, les parents choisissent souvent d’inscrire leurs petits à l’école en Belgique où il est possible de commencer plus tôt, ce qui évite une inscription à la crèche, plus onéreuse. Mais cette coexistence à l’école n’a pas toujours été pérenne « autrefois, les écoliers néerlandais cherchaient des écoliers belges après les heures de cours pour se battre entre eux et vice-versa. Les autorités locales avaient alors décidé de modifier les heures d'ouverture et de fermeture des écoles », raconte Willem van Gool. 

Loin des querelles du passé, la ville est aujourd'hui devenue un symbole de l’amitié entre la Belgique et les Pays-Bas, et Willem van Gool assure que « presque tout est organisé en commun ». À ce titre, un centre culturel bi-national y a été construit. Au niveau des pouvoirs publics, il existe le Gemeenschappelijk orgaan Baarle, un organe de décision collectif où élus des deux mairies traitent de questions communes telles que l’assainissement des eaux, l’entretien des routes ou encore la gestion de l’éclairage public.

Autre exemple de coopération, le Wielerzesdaagse, un événement analogue au Tour de France pour les écoliers âgés de six à quinze ans. Il compte chaque année environ 700 participants et 185 accompagnateurs selon Willem van Gool. « C'est énorme pour une petite communauté », se réjouit-il. 

Pour conclure, le directeur de l’office du tourisme assure aux curieux qui souhaiteraient se rendre dans le petit village, que « Baerle possède une nature magnifique » et que « l'expérience des frontières dans le centre en vaut vraiment la peine. »

Pérou : cette tombe vieille de 3000 ans remet en question nos connaissances

Des archéologues ont mis au jour une sépulture vieille de 3 000 ans dans le nord du Pérou. À l’intérieur reposait l’un des premiers prêtres de l’histoire des Andes antiques, un homme qui vécut bien avant l’époque des Incas.

La tombe a été découverte à Pacopampa, un site archéologique de 16 hectares rempli de structures monumentales et cérémonielles, qui était actif entre 1200 et 700 avant notre ère.

Le Project of Archaeological Investigation a permis la réalisation de nombreuses découvertes à Pacopampa depuis près de vingt ans, dont la dernière en date est celle de la dépouille d’un chef religieux inhumé sur le site vers l’an 1000 avant notre ère. Le contenu de la tombe a valu à ce dernier le nom de « prêtre de Pacopampa ».

L’homme était enterré avec trois sceaux, ou tampons. Le premier semble représenter un jaguar, symbole qui indique que le défunt était un chef capable d’exploiter le pouvoir spirituel de l’animal. Le deuxième représente quant à lui un visage humain, tandis que le troisième reproduit la forme d’une main. Selon les chercheurs, ces sceaux auraient été trempés dans de la peinture puis utilisés afin de marquer ces symboles sur la peau du prêtre.

Cette découverte est « extrêmement importante », affirme Yuji Seki, qui dirige des chercheurs du Musée national d’ethnologie du Japon et de l’Université nationale de San Marcos du Pérou dans le cadre de ce projet d’archéologie.

CONSÉQUENCES HISTORIQUES

Les restes du prêtre pourraient aider les archéologues de Pacopampa à définir la période durant laquelle la première classe sacerdotale puissante fit son apparition dans la région. Le site de Pacopampa était autrefois un haut lieu de pèlerinage, où des fidèles, qui venaient parfois de très loin, se réunissaient pour participer à des rites religieux, explique Seki. « Ces rituels collectifs seraient à l’origine de la création des conditions sociales qui permirent l’essor des premières civilisations andines. »

Des sépultures similaires, comme celles de « la Dame de Pacopampa » (trouvée en 2009) et des « prêtres du serpent-jaguar » (trouvée en 2015), seraient fortement liées au prêtre de Pacopampa, dont la tombe aurait été enterrée jusqu’à 300 ans plus tôt.

D’après le responsable des fouilles, ces chefs spirituels ultérieurs auraient utilisé leurs funérailles pour mettre en avant les relations qu’ils entretenaient avec les élites ancestrales : « Pour moi, [cette découverte] constitue une preuve de l’intégration du culte des ancêtres dans la succession du pouvoir. » Le culte des ancêtres revêtit par la suite une importance capitale pour les cultures andines ultérieures de la région, telles que les civilisations wari (vers 500-1000 de notre ère), tiwanaku (vers 600-1000 de notre ère) et, plus tard, inca (vers 1200-1533 de notre ère).

Alors que les fouilles se poursuivent sur le site de Pacopampa, il semble que de nouvelles découvertes se profilent à l’horizon. Une autre sépulture sacerdotale a été mise au jour en 2022, et bien que les analyses soient toujours en cours, certains estiment qu’elle pourrait être encore plus ancienne que celle du prêtre de Pacopampa.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Ce que l’on sait sur le meurtre de la jeune fille d’Yde

Les momies des tourbières ont la particularité d’être souvent très bien conservées, ce qui permet aux experts d’entrer plus facilement dans leurs histoires. C’est le cas de l’homme de Tollund, disparu il y a plus de 2 400 ans et dont on distingue encore les plis du visage. La Doncella en est aussi un exemple probant, jeune inca enterrée vivante à plus de 6 000 mètres d’altitude il y a plus de 500 ans lors d'un sacrifice rituel dans la cordillère des Andes, son état de conservation est particulièrement remarquable. 

Parmi ces momies spectaculaires, on trouve la jeune fille d’Yde. Découverte le 12 mai 1897 par deux ouvriers, Hendrik Barkhof et Willem Emmens, elle est exhumée près du village éponyme situé dans la province de Drenthe aux Pays-Bas. Ce qui frappe au premier regard, c’est son état quasi parfait de conservation et notamment ses cheveux blond vénitien sur lesquels le temps semble ne pas avoir eu de prise. Pourtant, avant d’être officiellement mise au jour, plusieurs parties de la momie ont été dépouillées par des villageois aux alentours. Ongles, cheveux ou encore des dents ont ainsi été dérobés. Pour eux, c’était presque comme des « souvenirs », explique Roy van Beek, archéologue spécialisé dans les zones rurales et intervenant dans l’épisode six de la série « Légendes macabres : les secrets du passé », série inédite diffusée tous les dimanches à partir de 21h sur National Geographic.

D’après les tests au carbone 14, la jeune fille d’Yde serait morte entre -20 et 120 de notre ère, à l’âge de seize ans. Elle aurait donc vécu plus ou moins à la fin de l’âge de fer et au début de la période romaine. Sa peau a été remarquablement bien conservée grâce à l’action de l’acide tannique, un puissant anticorrosif présent dans la tourbe. En 1994, une reconstitution des traits de son visage grâce à des techniques de chirurgie esthétique et de pathologie est réalisée par le professeur Richard Neave de l'Université de Manchester. Aujourd’hui, la fille d’Yde et la photo de sa reconstitution sont exposées au Musée régional de Drenthe à Assen, aux Pays-Bas.

 

LES CIRCONSTANCES DU MEURTRE

Si les chercheurs n’ont pas encore tranché sur les modalités exactes du meurtre, ils sont néanmoins unanimes sur le fait qu’elle n’est pas morte d'une manière accidentelle. « Elle a été délibérément tuée et a été laissée à un endroit précis », assène Roy van Beek. Elle portait un nœud coulant enroulé trois fois autour de son cou, et a reçu un coup de poignard à la clavicule. Mais à ce propos, l’archéologue explique qu’il n’est « pas certain » qu’elle ait été poignardée, et que cela pourrait être lié à « l'histoire de la découpe du corps » après un pillage par exemple.

Le motif rituel n’est pas à exclure, mais ce n’est pas la piste principale suivie par l’archéologue, qui estime qu’il est « très difficile de faire une distinction très claire entre les meurtres rituels et les autres types de meurtres. » L’interprétation à laquelle il croit le plus est que « certaines personnes ne s'intégraient pas vraiment dans la communauté de l'époque, ou ne répondaient pas aux normes sociales, avaient un comportement inapproprié, ou étaient simplement des criminels. Ce type de personnes pourrait être responsables du meurtre de la fille d’Yde ». Un assassinat donc. 

Ce qui confirme cette hypothèse, c’est que la fillette n’a a priori pas connu de sépulture. Son corps a été retrouvé à plusieurs kilomètres des habitations de l’époque, dans la tourbe. De fait, « une sépulture normale ne se trouverait jamais dans un marécage à ces périodes, elle serait toujours souterraine, et pourrait même être une incinération. » Les défunts « étaient laissés dans une urne, ou sans urne, et enterrés dans des cimetières très simples. En général, ils n’étaient pas très éloignés des lieux d’habitation. » Pour les chercheurs, il est certain qu’elle a été tuée, et que son assassin n’a pas souhaité lui faire de sépulture. 

Au sujet de l’identité du meurtrier, les interrogations demeurent. « S’agissait-il d'une habitante du village ou d’une personne venue d'ailleurs ? Nous n'en savons rien. » L’expert estime que pour répondre à cette question, il faudrait « des données isotopiques ou des données ADN ». Or aujourd’hui, faute de moyens, de telles analyses n’ont pas encore été effectuées sur la jeune fille. 

 

LE CONTEXTE

Roy van Beek s’est particulièrement intéressé à l’environnement historique, social, économique et culturel autour de l’histoire de la jeune fille d’Yde. « Aux Pays-Bas, nous n'avions pas de grandes villes ou de villages à l’époque. C'était vraiment ce qu'on pourrait appeler un hameau, avec deux ou trois fermes au maximum. » Le paysage avait déjà été en partie transformé par l’homme en Europe du Nord, notamment avec l’agriculture. « Au cours de la préhistoire, il y avait des forêts vierges qui couvraient densément tout le nord de l'Europe. À la fin de l'âge du fer et au début de l'empire romain, ce n'est plus le cas. Les gens ont donc déjà créé un véritable paysage culturel, où l'on trouve encore des vestiges de forêts, mais aussi des terres cultivées, des champs arables et de petits hameaux disséminés dans le paysage. »

En ce qui concerne le contexte historique et culturel, Roy van Beek explique que seule la partie méridionale des Pays-Bas était intégrée à l'Empire romain : « ils ont conquis jusqu'aux grands fleuves qui ne se trouvent pas au centre, jusqu'au Rhin principalement. » La dépouille de la jeune fille d’Yde a été retrouvée assez loin de cette frontière romaine. « Les Romains sont entrés aux Pays-Bas vers 19 avant JC. […] Il est donc possible qu'elle ait vécu à une époque où l'Empire romain s'étendait aux Pays-Bas ». 

Pour la religion, l’expert indique qu’il n’y avait « pas d’église » et ainsi « pas de religion chrétienne ». Pour autant, il y a des preuves que les habitants de l’époque exerçaient une forme de spiritualité. « Des offrandes rituelles ont parfois été faites, de sorte que vous pouvez voir des objets importants ou spéciaux qui sont délibérément laissés là. C'est quelque chose qui se produit déjà au cours de la préhistoire, dès le Néolithique […] mais aussi à l'âge du fer, lorsqu'elle vivait. » Souvent, les offrandes étaient laissées dans des lieux naturels « considérés comme des endroits spéciaux où l'on pouvait communiquer avec des forces surnaturelles. » L’archéologue pense qu’il existe des preuves archéologiques solides, qui viennent attester du caractère mystique de ces offrandes, car « parfois ces objets sont si grands, spéciaux et rares que l’on ne peut pas penser qu'ils ont simplement été perdus. Ils ont été placés là délibérément. »

Enfin, au niveau de l’organisation politique, l’archéologue précise qu’il est important de ne pas interpréter le contexte de l’époque avec nos normes actuelles. « Si vous regardez les données sur les sépultures et les cimetières que nous connaissons dans cette région, vous ne voyez pas vraiment une grande classe dirigeante de personnes qui seraient plus importantes que d'autres. » La société de la jeune fille d’Yde était « très rurale et égalitaire » selon lui. 

Mais le grand mystère qui entoure encore aujourd’hui l'hitoire de la jeune fille d’Yde, c'est justement de savoir si elle était une locale, ou si sa dépouille a été déplacée par son meurtrier. « A-t-elle vraiment grandi dans le village le plus proche ? Nous ne le savons pas, et ça reste un grand débat », conclut Roy van Beek. Des centaines d’années après son décès, la jeune fille n’a donc pas livré l’entièreté de ses secrets. 

Narbonne : de grandes découvertes changent notre perception du 2e plus grand port de l’Empire romain

Les fouilles archéologiques ne cessent jamais vraiment à Narbonne, et cette fois, c'est un quartier entier que les chercheurs ratissent depuis près de huit mois. Sur 3 000 mètres carrés s'étendent de nombreux édifices et entrepôts, marquant une forte activité commerciale et marchande dans le...

Néandertal organisait sa « maison » de la même façon qu’Homo sapiens

Une preuve de plus que Néandertal possédait les mêmes capacités cognitives qu’Homo sapiens. Une nouvelle étude montre que les deux espèces organisaient leur habitat de façon pérenne et bien définie, avec des zones dédiées au repos et d’autres aux activités du groupe.  

Comment le début et la fin du ramadan sont-ils fixés ?

Le ramadan, neuvième mois du calendrier islamique, est une période sacrée de jeûne, de prière et d'introspection pour les 1,9 milliard de musulmans qui le font. Mais si l'on demande à un musulman quand commence ou quand se termine le mois le plus sacré de l'islam, il y a fort à parier que plusieurs réponses pourront être formulées.

 

LE CALENDRIER ISLAMIQUE, UN CALENDRIER LUNAIRE

Contrairement au calendrier solaire grégorien, le calendrier islamique se compose de douze mois lunaires au sein d'une année de 354 ou 355 jours. L'année islamique est donc plus courte d'environ 11 jours que l'année du calendrier grégorien. Par conséquent, les mois islamiques se décalent au fil des saisons.

Chaque mois est marqué par la « naissance » ou l'observation d'un nouveau croissant de lune. De nombreux hadîths (paroles, actions et enseignements du prophète Mahomet) décrivent pourquoi la position et la visibilité de la lune sont cruciales pour déterminer les jours les plus importants du calendrier islamique. C'est pourquoi les musulmans s'en remettent souvent aux comités locaux d'observation de la Lune, tels que la New Crescent Society, basée au Royaume-Uni, ou aux autorités religieuses, pour annoncer, entre autres, le début du ramadan. 

 

COMMENT DÉTERMINE-T-ON LE PREMIER JOUR DU RAMADAN ?

Il faut 29,5 jours à la lune pour accomplir un cycle lunaire. Comme un mois ne peut pas avoir un demi-jour, certains mois islamiques auront 29 jours, tandis que d'autres en auront 30. Le 29e jour de chaque cycle, les astronomes et les observateurs du monde entier scrutent le ciel. Le fin croissant doit apparaître au crépuscule, près de l'horizon, dans les 20 à 30 minutes suivant le coucher du soleil. S'il apparaît, le jour suivant marque le début d'un nouveau mois. Si la lune n'est pas visible pour cause de mauvais temps ou pour toute autre raison, le jour suivant est considéré comme le 30e jour du mois et le nouveau mois commence le jour suivant.

Si les calculs astronomiques permettent de déterminer la position exacte de la lune, y compris le moment de la conjonction lunaire (lors de la nouvelle lune, lorsque la Terre, la lune et le soleil sont alignés), ils n'abordent pas directement la question de la visibilité du croissant de lune depuis la Terre. C'est là qu'intervient la méthode traditionnelle d'observation de la lune, qui consiste à observer notre satellite naturel à l'œil nu.

 

COMMENT LA SCIENCE A CHANGÉ LES PRATIQUES DU RAMADAN

Avec l'évolution de la science moderne et de l'astronomie, les astronomes ont reconnu que divers facteurs atmosphériques, notamment les turbulences de l'air, l'humidité, la poussière et la pollution, influaient sur la visibilité de la nouvelle lune. Au départ, ce défi a été abordé d'un point de vue géométrique : les Babyloniens pensaient que le croissant était visible si l'angle entre la lune et le soleil dépassait 12 degrés. Plus tard, les astronomes ont intégré la physique dans leur compréhension, reconnaissant que le contraste entre la luminosité de la lune et le fond du ciel jouait également un rôle dans sa visibilité.

Au cours de cette période, l'astronome malaisien Mohammad Ilyas a introduit le concept de ligne de changement de date lunaire, suggérant qu'une partie du monde pourrait observer le croissant et commencer un nouveau mois, tandis qu'ailleurs, on pourrait ne pas le faire, ce qui entraînerait un décalage d'un jour. Malgré les progrès des calculs et des théories, la prévisibilité de la visibilité lunaire reste difficile à établir, de sorte qu'il est pratiquement impossible de prévoir si la lune sera visible à partir d'un endroit donné.

« C'est une activité collective », explique Imad Ahmed, directeur de la New Crescent Society. « D'un point de vue islamique, vous êtes censé sortir et observer la lune là où vous vous trouvez. » Toutefois, de nombreux musulmans se fient au comité d'observation de la Lune de la Cour suprême d'Arabie saoudite pour annoncer les dates officielles de début et de fin du ramadan. 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Caligula était-il fou ou simplement incompris ?

Assassinats ? Oui. Inceste ? Peut-être. Exercice brutal du pouvoir politique ? Sans aucun doute. Dans le palmarès des empereurs tristement célèbres, peu se hissent au rang de Caligula, troisième empereur de l’Empire romain, dont le règne fut si terrible qu’il lui permit d’intégrer un petit cénacle : celui des dirigeants les plus haïs et dont le temps efface mal le souvenir.

« C’était un empereur affreux », affirme Anthony A. Barrett, professeur émérite de l’Université de Colombie-Britannique et auteur de Caligula : The Abuse of Power ainsi que d’autres recherches sur cet empereur à la réputation abominable. « Mais il n’était pas si mauvais si l’on entend par là qu’il aurait eu un comportement extravagant et ridicule. »

Voici d’où vient la triste renommée du jeune empereur romain et pourquoi nous aurions peut-être intérêt à envisager son règne bref et brutal sous un nouveau jour.

 

QUI ÉTAIT CALIGULA ?

Né Caius Julius Caesar Augustus Germanicus, Caligula était le fils de l’un des dirigeants les plus vénérés de Rome, le général Germanicus. Mais Caligula, ou « petit caliga », ainsi qu’on le surnommait enfant, n’hérita pas des qualités de meneur de son père. Après la mort prématurée de celui-ci, Caligula passa le plus clair de son enfance en exil et ne revint à Rome qu’en tant que protégé embarrassant de Tibère, l’empereur paranoïaque qui l’avait chassé, lui et sa famille. À la mort de ce dernier en l’an 37, Caligula devint empereur de Rome à l’âge de 24 ans.

Ce qui se produisit ensuite appartient à la légende : un règne caractérisé par la cruauté, l’excès, le caprice et les luttes politiques. Mais selon Anthony A. Barrett, de prime abord, le jeune empereur semblait destiné à marcher dans les pas de son père. « Personne ne savait rien de lui, raconte-t-il. On pensait probablement pouvoir le contrôler. » Jeune, séduisant et visiblement capable, Caligula entama son règne raisonnablement.

 

DES TROUBLES MENTAUX ?

Mais bientôt les choses changèrent. Six mois environ après le début de son règne, le comportement de l’empereur se dégrada. Si certains historiens attribuent ce changement de personnalité à une grave maladie, pour Anthony A. Barrett, c’est bien plus simple : la lune de miel était terminée, et la pression se faisait sentir. Selon lui, une fois que la réalité des fardeaux administratifs et politiques inhérents au fait d’être empereur se manifesta, l’empereur immature et impréparé eut grand mal à se montrer digne de son titre. Sans formation et dépourvu des compétences politiques nécessaires pour conserver la confiance de ses sujets et du Sénat, Caligula commença à vaciller.

Bientôt, il s’en prit à ses ennemis, exigea que soient menées des campagnes militaires coûteuses et peu judicieuses, et alla jusqu’à commanditer l’assassinat de sa propre épouse. Selon certaines rumeurs, l’empereur hédoniste avait des rapports sexuels avec ses sœurs, Julia Livilla et Agrippine la Jeune (la future mère de l’empereur Néron). Caligula se résolut à les exiler après avoir découvert ce qui avait tout l’air de manœuvres opérées en coulisses pour le faire tomber. Il suscita également la controverse en provoquant et en humiliant le Sénat et en commanditant des assassinats de toutes parts. 

Ce comportement capricieux, couplé à des accusations selon lesquelles il aurait fait s’affronter des gladiateurs inaptes au combat et des bêtes sauvages car tel était son bon plaisir, alimentent depuis longtemps certaines spéculations : l’empereur aurait souffert d’un trouble de l’humeur ou de troubles mentaux. Les diagnostics a posteriori varient de la psychose épileptique à l’encéphalite.

Mais pour Anthony A. Barrett, Caligula était sain d’esprit, un diagnostic qui éclaire d’une lumière encore plus sinistre sa brutalité désinvolte. 

« Jusqu’à la toute fin, Caligula a pris des décisions rationnelles », explique-t-il en le comparant davantage à un Joseph Staline plutôt qu’à un personnage hitlérien dérangé. « Il était capable de distinguer réalité et fantasme. » Mais la réalité du monarque était une réalité caractérisée notamment par un pouvoir total ; un privilège qu’il maniait en stratège et à sa guise.

Ce pouvoir-là serait monté à la tête de n’importe qui. « À son entrée dans Rome, du consentement unanime des sénateurs et du peuple, […] il fut sur-le-champ investi du pouvoir souverain », affirma Suétone, historien connu pour ses biographies des César. Dès le début, cependant, la puissance impériale de Caligula baigna dans le sang de milliers d’animaux sacrificiels. « La joie publique fut si grande, qu’en moins de trois mois, on égorgea, dit-on, plus de cent soixante mille victimes », peut-on lire dans sa Vie de Caligula.

 

FIABILITÉ DES SOURCES

Selon Anthony A. Barrett, malgré ces excès, il est important de s’interroger sur les récits des contemporains de Caligula. Leurs œuvres furent façonnées par ses ennemis politiques et déformées par des propos rapportés. Le chroniqueur le plus fiable de son temps, Tacite, écrivit à son sujet, mais son œuvre fut perdue. Les récits qui demeurent contiennent des témoignages « ridicules et absurdes » concernant l’empereur, selon Anthony A. Barrett, qui compare Suétone et son contemporain, Dion Cassius, à des journalistes de tabloïds en quête d’un scoop sur l’empereur en difficulté.

Il ne fait aucun doute que le comportement de Caligula fut cruel, mais vraisemblablement un peu moins sensationnel que ne veulent nous le faire croire Dion Cassius et Suétone. On dit par exemple que Caligula aurait exigé d’être traité comme un dieu. Selon Anthony A. Barrett, cela avait beau être une pratique normale dans les colonies romaines, qui était contraintes de reconnaître le « culte impérial » de Rome, aucune preuve, comme une monnaie particulière frappée à son effigie, ne révèle semblable exigence à Rome, ni même en Italie.

Une célèbre légende raconte également qu’il aurait cherché à faire de son cheval un consul, une menace qui ne fut jamais mise à exécution. Anthony A. Barrett attribue cet épisode à un empereur agacé se moquant de ses ennemis au Sénat ; des ennemis qu’il trouvait si incompétents et incapables qu’ils pouvaient être facilement remplacés par un animal.

 

UNE MAUVAISE RÉPUTATION ?

Mais même si Caligula ne fut pas à l'origine de tous les scandales qu’on lui attribua, sa réputation demeure. Qu’est-ce qui peut bien expliquer la notoriété aussi tenace d’un homme qui régna durant quatre années il y a deux mille ans ?

« Les humains adorent les méchants », répond Anthony A. Barrett. Et si Caligula doit la longévité de sa réputation à son charisme et à l’inimitié têtue que lui vouèrent ses contemporains, un autre facteur entre selon lui en ligne de compte : le passage du temps. Puisque tant de siècles ont passé depuis ses méfaits, « Caligula appartient à un monde si étranger au nôtre désormais que nous pouvons jouir de sa bassesse en gardant la conscience claire. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Bretagne : découverte d’un château du Moyen Âge sous l’hôtel Lagorce

Vieux de 600 ans, un château construit au XIVe siècle par l'un des ducs de Bretagne reposait sous le sol d'un bâtiment prestigieux de Vannes. Après des semaines de fouilles, les archéologues ont découvert que le « château de l'Hermine » était bel et bien un haut lieu de la vie bretonne au Moyen...

Ces squelettes vieux de 2 500 ans révèlent un massacre au cœur des Andes péruviennes

L'archéologie met souvent en exergue les pans d'histoire des plus brutaux que peuvent traverser des sociétés. Au cœur du Pérou, une équipe de chercheurs a découvert plusieurs dizaines de squelettes présentant un détail sordide : ils portent la marque de violents affrontements ayant causé...

Des siècles de légendes : Hanumān, dieu hindou au visage de singe

Hanumān a le visage d’un singe et le corps d’un homme, une couronne en or et une longue queue qui l'accompagne dans tous ses mouvements. Le dieu hindou est souvent représenté la poitrine ouverte pour révéler l’image de Rāma, incarnation du dharma et septième avatar de Vishnu, le dieu de la protection et du temps.

Après des milliers d’années, Hanumān est toujours vénéré dans la culture hindoue. Le nouveau film Monkey Man s’inspire de la légende d’Hanumān, le personnage incarné par Dev Patel représentant la loyauté et la dévotion du dieu alors qu'il cherche à venger la mort de sa mère. 

 

LES ORIGINES D’HANUMĀN

Également connu sous les noms de Maruti, Bajrangabali et Ajaney, Hanumān est bien plus qu’un dieu singe : c’est le dieu du courage, de la force et de l’autodiscipline. Hanumān joue un rôle central dans le Rāmāyana, l’une des plus grandes épopées mythologiques jamais écrites.

Le Rāmāyana, attribué au sage Vālmīki, est le plus ancien texte faisant référence au dieu singe ; les spécialistes estiment qu’il aurait été écrit aux alentours du 3e siècle avant notre ère. L’épopée suit le prince Rāma, exilé, qui traverse l’océan pour délivrer sa femme Sītā du roi maléfique Ravana.

Hanumān apparaît à de nombreuses reprises dans le texte, mais son exploit le plus connu est sans doute le fait d’avoir dirigé une armée de singes pour aider Rāma à sauver Sītā. Hanumān est également mentionné dans l’épopée du Mahabharata et dans les Puranas, un genre littéraire hindou traitant de légendes et d’autres traditions.

Le Hanumān Purana, qui raconte la naissance d’Hanumān, présente Vāyu, le dieu du vent, comme le père du dieu singe. La mère d’Hanumān, Añjanā, était une apsara (sorte de nymphe ou de fée) qui fut transformée en singe par un sage en colère. Ce dernier expliqua qu’Añjanā pourrait retrouver sa forme originelle si elle mettait au monde un fils puissant : elle y parvint avec Hanumān, dont la force se manifesta dès l’enfance.

Dans l’une des histoires les plus connues d’Hanumān, ce dernier bondit dans le ciel au lever du soleil, pensant que le soleil est une boule jaune ou un fruit mûr.

Il est écrit dans le Rāmāyana de Vālmīki que le roi des dieux, Indra, frappa le dieu singe de sa foudre pour le faire tomber du ciel. La foudre l’atteignit à la mâchoire et il retomba au sol, raide mort. Vāyu, furieux de ce qu’Indra avait fait à son fils, priva la Terre de son air, laissant ainsi souffrir tous les êtres vivants. Ce n’est que lorsque Shiva, le dieu du temps et de la destruction et l’une des principales divinités de l’hindouisme, ressuscita Hanumān, que Vāyu rendit l’air à la planète. Indra, réalisant son erreur, fit don à Hanumān d’un corps aussi fort que son vajra (foudre), et l’immunisa aussi contre les éclairs.

D’autres dieux accordèrent également des pouvoirs à Hanumān, dont une immunité supplémentaire contre les dommages causés par le feu, le vent et l’eau. Il fut également rendu immortel, ce qui lui permit de devenir un guerrier fort et habile qui joua un rôle crucial dans le Rāmāyana. La version de Valmiki du Rāmāyana raconte comment, au cours d’une bataille, Hanumān transporta tout un pic montagneux depuis l’Himalaya dans l'unique but d'apporter des herbes pour soigner les soldats sur le champ de bataille.

Malgré ses exploits et son immortalité, Hanumān est un dieu humble et désintéressé, entièrement dévoué à Rāma tout au long du Rāmāyana, du Mahabharata et des Puranas. 

 

L’IMPORTANCE DES ANIMAUX DANS LE PANTHÉON HINDOU

Dans les représentations populaires, Hanumān apparaît souvent sous la forme d’un singe au visage rouge, cette couleur représentant sa dévotion à Rāma. Les entelles d’Hanumān (Semnopithecus entellus), ces singes originaires du sous-continent indien sont considérés comme sacrés en raison de la coloration foncée de leur visage et de leurs mains, qui rappelle les brûlures subies par Hanumān au cours de ses aventures.

Les animaux occupent une place de choix dans le panthéon hindou. Ganesh, le dieu de la prospérité et de la sagesse à tête d’éléphant, ainsi que Narasimha et Hayagrīva, les avatars de Vishnu à tête de lion et de cheval, sont des exemples encore plus frappants de dieux animaux.

« Les frontières entre les dieux, les animaux et les humains sont malléables et fluides », explique Ankur Barua, maître de conférences en études hindoues à l’université de Cambridge. « Il peut y avoir du sacré non seulement dans la forme humaine, mais aussi dans les formes animales et végétales, et dans toutes les formes d’êtres vivants. »

 

HANUMĀN DANS LES COMMUNAUTÉS INDO-CARIBÉENNES

Pour les communautés indo-caribéennes, les histoires d’Hanumān et de Rāma font écho à l’Histoire.

Bien que Rāma ait été contraint de vivre en exil, Hanumān est resté un fidèle dévot. « Comme notre peuple a été déplacé de sa patrie et envoyé dans les Caraïbes, nous entretenons un lien différent à l’histoire et considérons Hanumān comme l’exemple même du dévot », explique Vinay Harrichan, fondateur de Cutlass Magazine, une plateforme dédiée à la communauté indo-caribéenne.

Les dualités d’Hanumān, entre paix et férocité, espièglerie et protection, reflètent également l’histoire indo-caribéenne. « Lorsque [l’hindouisme] est arrivé dans les Caraïbes, il est soudainement devenu une religion minoritaire avec le colonialisme et l'évangélisation par des missionnaires », explique Harrichan. « Ce qui a toujours été central dans l’hindouisme indo-caribéen, c’est qu'il s'agit d'une communauté pacifique, aimante et tolérante, mais aussi farouche en ce qui concerne la protection de ses croyances et des choses qu’elle considère comme sacrées. »

Chaque année, la plupart des foyers hindous indo-caribéens organisent une puja dédiée à Hanumān, lors de laquelle ils prient pour la prospérité et la santé. Dans le cadre de ce rituel, ils érigent un drapeau rouge sur leur propriété, montrant ainsi que Hanumān a béni la famille et sa terre.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Macabre découverte : une communauté précolombienne massacrée au cœur des Andes péruviennes

L'archéologie met souvent en exergue les pans d'histoire des plus brutaux que peuvent traverser des sociétés. Au cœur du Pérou, une équipe de chercheurs a découvert plusieurs dizaines de squelettes présentant un détail sordide : ils portent la marque de violents affrontements ayant causé...

Qui était vraiment Marie Madeleine ?

On l’a dite possédée par des démons, prostituée et femme de Jésus : l’histoire de Marie Madeleine, fidèle de Jésus de Nazareth, a été écrite et revisitée d’innombrables fois au cours des 2 000 dernières années.

Marie Madeleine a beau être l’un des personnages les plus connus de la Bible, elle n’en demeure pas moins mystérieuse. Que sait-on réellement d’elle ? Et de quelles preuves les chercheurs disposent-ils au sujet de sa vie et du monde qu’elle habita ?

 

DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX

Les traces textuelles concernant Marie Madeleine proviennent en majorité des Évangiles canoniques : ceux de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean. Ces derniers l’identifient comme faisant partie du cercle rapproché de Jésus et comme une femme s’étant rendue sur sa tombe afin d’oindre sa dépouille le matin de Pâques.

Cependant, leurs écrits ne concordent pas en ce qui concerne sa vie. Luc affirme par exemple qu’elle était possédée par des démons, tandis que d’autres affirment qu’elle fut témoin de la crucifixion de Jésus.

Des Évangiles apocryphes (des écrits du christianisme primitif qui ne font pas partie du Nouveau Testament) fournissent en outre des témoignages différents concernant la relation qu’entretenaient Marie Madeleine et Jésus. Ils font notamment allusion à l’existence d’un lien fort entre les deux. Pour certains, ces textes mettent en évidence le fait que les « disciples masculins la rejettent parce qu’elle est une femme », selon James R. Strange, professeur d’études du Nouveau Testament et titulaire de la chaire Charles-Jackson-Granade-et-Elizabeth-Donald-Granade à l’Université Samford, en Alabama.

Quelles autres informations les chercheurs peuvent-ils glaner dans ces textes ? Elizabeth Schrader Polczer, maîtresse de conférences en études du Nouveau Testament à l’Université Villanova, fait observer que « Marie Madeleine n’est jamais nommée par rapport à un autre homme, comme c’était le cas pour la majorité des femmes. Cela tend à montrer que Marie Madeleine était une femme indépendante. »

Cette absence de certitude dans les textes bibliques en ce qui concerne la vie de Marie Madeleine a nourri de nombreux mythes, idées fausses et spéculations. Au premier rang de ces inventions figure le fait qu’elle aurait été une prostituée. Cette idée trouve son origine en 591, date à laquelle le pape Grégoire Ier confondit par erreur Marie Madeleine et une femme qualifiée de « pécheresse » dans l’Évangile selon Luc. Rien ne prouve que cela soit vrai, mais cette croyance est tenace.

 

À LA RECHERCHE DE PREUVES ARCHÉOLOGIQUES EN TERRES BIBLIQUES

Toutefois, les chercheurs ne s’appuient pas uniquement sur des traces textuelles pour examiner le passé. L’archéologie a donné lieu à d’importantes découvertes concernant le monde décrit dans la Bible, malgré les défis que de telles recherches comportent.

« Une preuve archéologique concernant l’existence d’un personnage antique doit se présenter sous la forme d’une inscription, par exemple sur le sol en mosaïque d’une synagogue ou sur un sarcophage. Comme vous pouvez l’imaginer, nous découvrons généralement des noms de personnes riches ou puissantes, ou les deux, sur des objets antiques », commente James R. Strange.

A-t-on réalisé une telle découverte en ce qui concerne Marie Madeleine ?

Le point de départ logique pour une exploration du monde qu’habitait Marie Madeleine serait de fouiller ses lieux de naissance et de vie.

Par automatisme, beaucoup sont partis du principe que le nom « Madeleine » faisait référence à son lieu de naissance : Magdala. Pour cette raison, on l’appelle souvent aussi « Marie de Magdala ». Où, exactement, vécut-elle ? Les premiers théologiens ne le savaient pas vraiment.

Peut-être venait-elle d’un village situé près de la mer de Galilée. L’archéologue Marcela Zapata-Meza, directrice du Magdala Archeological Project de 2010 à 2024, fait remarquer « qu’il existe des histoires de pèlerins qui affirment s’être rendus dans la maison de Marie Madeleine sur les rives de la mer de Galilée ».

Au 6e siècle, les chrétiens primitifs commencèrent à appeler « Madgala » un lieu tout  à fait particulier : les ruines d’une ancienne ville située en bordure occidentale de la mer de Galilée.

Cependant, ainsi que l’affirment Elizabeth Schrader Polczer et l’historienne Joan E. Taylor, rien ne prouve qu’il s’agisse de la maison de Marie Madeleine.

« Au 1er siècle, on appelait cet endroit "Tarichaea" [son nom grec]. On ne l’appelait pas Magdala du temps de Jésus », souligne Elizabeth Schrader Polczer. « C’est une erreur de l’appeler "Marie de Magdala", car aucun des auteurs des Évangiles n’appelle jamais Marie Madeleine ainsi. En fait, les auteurs des Évangiles l’appellent invariablement "Marie la Magdaléenne" ou "la Magdaléenne". "Madeleine" pourrait aussi faire référence à un titre honorifique ("Marie la Tourière") plutôt qu’à sa ville d’origine », ajoute-t-elle.

Si l’on venait à découvrir des preuves archéologiques, on pourrait théoriquement dissiper le mystère entourant ces questions. Des fouilles réalisées à Magdala offrent un aperçu précieux du monde de Marie Madeleine. En 2009, des chercheurs y ont mis au jour une ancienne synagogue ainsi qu’une pierre sculptée représentant une menorah, autant de possibles témoins des pratiques religieuses des habitants de Magdala au 1er siècle. Ils ont également découvert la présence de fontaines dans des espaces publics et privés qui servirent peut-être à la purification rituelle au sein de la communauté juive, et qui furent sans doute un luxe. « Toutes ces installations reçoivent de l’eau souterraine et cela fait d’elles les plus pures d’Israël », indique Marcela Zapata-Meza.

Toutefois, « il n’existe aucune trace archéologique concernant Marie Madeleine », ajoute-t-elle. Et bien que d’autres chercheurs aient prétendu avoir retrouvé la trace des restes de Marie Madeleine en France ou dans une tombe du 1er siècle à Jérusalem, les affirmations de ces derniers ne jouissent que de peu de crédit au sein du monde universitaire.

 

DES LACUNES À COMBLER

Les spécialistes continuent néanmoins à mettre au jour des indices sur la vie et sur l’œuvre de Marie Madeleine à mesure que d’anciens textes refont surface.

Fin 2023, P.Oxy 5577, un papyrus égyptien fragmentaire susceptible de révéler des informations cruciales, a ainsi été déchiffré. « Il est tout à fait possible que Marie Madeleine ait été l’une des plus proches disciples de Jésus, prévient Elizabeth Schrader Polczer. Et ce fragment de papyrus qui vient d’être publié étaye cette possibilité, car Jésus enseigne à une femme nommée Marie comment devenir "une image de l’incorruptible et éternelle lumière". » Cependant, le papyrus n’identifie pas explicitement la femme comme étant Marie Madeleine.

Malgré tout, ajoute-t-elle, les détails élémentaires de sa vie demeurent hors d’atteinte. « Il y a beaucoup de choses qu’on ne connaîtra jamais sur Marie Madeleine. Nous ne pouvons pas déterminer son lieu de naissance avec certitude, ni l’identité des membres de sa famille, ni son âge au moment de la crucifixion, ni ce qui lui est arrivé après les événements du matin de Pâques. »

On est donc en droit de se demander pourquoi les chercheurs continuent à tenter de dissiper le mystère entourant Marie Madeleine. Potentiellement parce que son histoire nous offre des aperçus de l’histoire du christianisme, et parce que cette femme fut incomprise pendant si longtemps. Si le manque de preuves concernant sa vie a permis la prolifération de mythes pendant des centaines d’années, « le bon côté, c’est que Marie a servi de sainte patronne des travailleuses du sexe et des "femmes déchues" à travers les siècles », selon Elizabeth Schrader Polczer.

En effet, Marie Madeleine est associée aux personnes historiquement marginalisées, comme les lépreux ; au Moyen Âge et au début de l’époque moderne, les hôpitaux de lépreux portaient parfois son nom. Nombreux sont ceux qui continuent à voir en elle une représentante de ceux que la société néglige, rejette ou ignore.

« Le nom de Marie Madeleine résonne profondément chez les nombreuses personnes qui ont l’impression que leurs voix et leurs histoires ne sont pas entendues ou valorisées, affirme Elizabeth Schrader Polczer. En mettant Marie en lumière, nous ravivons des aspects cruciaux et négligés de la vision qu’avait Jésus pour l’humanité. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Exceptionnelle découverte d'une sculpture de sable datée d'il y a 130 000 ans

Voilà une découverte archéologique fascinante. Dans les dunes fossiles d’Afrique du Sud, des chercheurs ont découvert un morceau de roche présentant la forme et les dimensions exactes d’une raie. La symétrie parfaite de l’objet suggère qu’il s’agirait d’une sculpture faite dans le sable il y a...

Demon Slayer : sur les traces du yokai qui a inspiré le roi des démons

Depuis sa création en 2016, le manga japonais Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba s'est rapidement imposé comme l'une des franchises les plus populaires du genre. L'histoire suit un adolescent, Tanjiro Kamado, devenu pourfendeur de démons après le massacre de sa famille et la transformation de sa petite sœur, Nezuko, en démon.

Au fil de la série, Tanjiro et ses compagnons vont croiser le fer avec une multitude de monstrueuses créatures, dont la plupart ressemblent aux oni, les démons du folklore japonais. Au centre de ces adversaires se trouve Muzan Kibutsuji, l'énigmatique roi des démons qui reflète la puissance, l'influence, la ruse et les capacités métamorphiques du yokai Nurarihyon, un être surnaturel légendaire.

« Dans le royaume des esprits, les yokai se situent entre les kami (divinités Shinto) et les oni », nous explique John Pavel Kehlen, professeur de littérature asiatique au sein de la Soka University of America. « Ils ne vivent ni au paradis ni en enfer, mais sont retenus dans le monde des humains par un lien indéfectible, qu'il s'agisse de colère, d'obsession amoureuse, de désir ou de la simple volonté de tourmenter les mortels. »

Malgré ses obscures origines, le personnage du Nurarihyon a influencé une foule de mangas et d'animés depuis le début du 21e siècle. Il apparaît notamment dans GeGeGe no KitarōNura : Le Seigneur des Yōkaï et Hôzuki le stoïque ; le quasi-démon joue également un rôle central dans des romans graphiques comme Nurarihyon no Mago et The Haunted Bookstore: Gateway to a Parallel Universe

Que ce soit en inspirant ces personnages et leurs histoires ou en façonnant une esthétique visuelle et un contexte culturel, découvrez comment cette créature de légende continue de fasciner les esprits.

 

MYSTÉRIEUSES ORIGINES

Souvent représentée sous les traits d'un vieillard à la tête ronde et proéminente, l'image du Nurarihyon apparaît pour la première fois durant l'époque d'Edo du Japon dans deux séries de rouleaux intitulées Hyakkai Zukan et Gazu Hyakki Yagyō (en français, La Parade nocturne illustrée des cent démons), respectivement créés par Sawaki Sūshi et Toriyama Sekien.

Selon Michael Dylan Foster, professeur de langues et de civilisations d'Asie du Sud-Est au sein de l'université de Californie à Davis, le Nurarihyon apparaît généralement dans le folklore comme un yokai inoffensif qui s'introduit dans les maisons en l'absence de ses occupants pour prendre le thé ou profiter d'autres commodités. 

Au fil du temps, il a acquis la réputation d'être sournois et trompeur, usant de ses talents de métamorphe et de manipulateur pour se jouer des humains et des autres yokai. D'après Zack Davisson, auteur et spécialiste du folklore japonais, ce changement de personnalité proviendrait d'un conte de Koshoku Haidokusen à propos d'un homme marié qui tombe amoureux d'une prostituée. Dans ce récit, Nurarihyon est présenté comme une « créature sans visage qui incarne la fourberie. » 

Cette histoire a fait l'objet de théories suggérant une corrélation avec les créatures marines légendaires de la mer intérieure de Seto dans la préfecture d'Okayama, plus connues sous le nom d'umi bozu. Ces orbes, dont la taille avoisine celle d'une tête humaine, s'amusent à attirer les pêcheurs pour mieux leur échapper en plongeant dès qu'ils arrivent à leur portée pour refaire surface quelques mètres plus loin, l'air rieur. Ce comportement pourrait renvoyer à la nature énigmatique du Nurarihyon. 

Davisson ajoute que la représentation faite du Nurarihyon par Mizuki Shigeru dans l'animé GeGeGe no Kitarō a largement contribué à l'image du yokai reprise dans la culture populaire moderne. La série présente le Nurarihyon comme le chef suprême de toutes les créatures surnaturelles et le meneur de la parade nocturne des yokai.

Selon Foster, également auteur du livre The Book of Yokai: Mysterious Creatures of Japanese Folklore, le folkloriste Fujisawa Morihiko aurait accompagné une image du Nurarihyon dans son livre de la mention « yōkai no oyadama », que l'on pourrait traduire par meneur, chef ou patron des yokai. 

Si le Nurarihyon n'a pas perdu sa place dans le monde moderne, c'est peut-être en raison de la nature unique du yokai, suggère Foster. 

« C'est peut-être le mystère folklorique qui entoure le Nurarihyon, son allure intrigante et l'absence de caractéristiques fixes, qui lui ont permis de devenir une sorte de figure mutante pouvant être développée de différentes façons dans les médias de la culture populaire », conclut-il.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Quels animaux sont montés dans l’arche de Noé ?

Un Déluge. Un décret divin. Une ménagerie charismatique. L’épisode de l’arche de Noé, décrit dans la Genèse, est l’un des plus célèbres de la Bible. Mais quels animaux précisément accompagnèrent Noé sur le navire qu’il avait fabriqué de ses propres mains ?

C’est une question compliquée étant donné le silence de la Bible quant aux espèces concernées. Seuls deux animaux sont directement nommés dans la légende ; une colombe et un corbeau, que Noé envoie s’assurer que les eaux du Déluge ont suffisamment reflué pour que la Terre soit habitable.

Cela n’empêcha pas artistes et scientifiques d’émettre de nombreuses hypothèses hautes en couleur, et parfois absurdes, sur les animaux qui auraient réussi à monter dans l’arche. Leurs théories en disent en réalité davantage sur les époques auxquelles elles ont été émises et sur le progrès régulier des découvertes scientifiques que sur l’arche elle-même.

 

REPRÉSENTATIONS MÉDIÉVALES DE L’ARCHE DE NOÉ

La spéculation au sujet des animaux de l’arche de Noé est presque aussi ancienne que la Bible elle-même. La plus ancienne illustration d’un récit biblique qui nous soit parvenue, frappée sur une pièce datant du 3e siècle de notre ère, représente justement l’arche de Noé. Fabriquée là où se trouve de nos jours la Turquie, cette pièce en bronze montre l’arche et deux oiseaux qui feraient référence à la colombe envoyée par Noé.

« Nous sommes naturellement attirés par les histoires comprenant des animaux », observe Elizabeth Morrison, conservatrice des manuscrits au Musée J.-Paul-Getty de Los Angeles et conservatrice de plusieurs expositions sur les illustrations animales au Moyen Âge.

Les esprits médiévaux en particulier étaient fascinés par le monde naturel et attachaient une importance religieuse à chaque aspect de l’histoire de Noé, du symbolisme de l’arche évoquant fortement une église à la prétendue discrimination opérée par Noé entre animaux purs et impurs à bord de son navire. Il n’était pas rare qu’artistes et scientifiques médiévaux dressent des listes de ces animaux – et recueillent des histoires pittoresques qui se rattachaient à l’épisode de l’arche – dans des bestiaires ou dans des livres comportant des messages moraux et des images.

« L’histoire de l’arche de Noé a cet avantage supplémentaire d’être particulièrement spectaculaire, ajoute Élizabeth Morrison. C’est comme la fin du monde, sauf que l’on a l’occasion de sauver des animaux. »

Par conséquent, textes enluminés et tableaux médiévaux débordent de représentations imaginatives de la vie animale au milieu des créatures marines et terrestres qu’on s’imaginait avoir été sauvées grâce à l’arche.

 

VACHES, GIRAFES ET… LICORNES ?

Mais quels animaux en particulier les artistes du Moyen Âge représentaient-ils ? Des artistes européens, peu au fait de l’ampleur et de la diversité réelles de la vie sauvage sur Terre, inclurent des animaux de la vie quotidienne. Par exemple, l’Hexateuque vieil-anglais, manuscrit anglo-saxon du 11e siècle, montre des vaches, des chèvres et des cochons, soit des animaux domestiques européens banals, quitter l’arche par paires.

Cependant, des animaux plus exotiques représentés dans d’autres manuscrits trahissent le contact grandissant de l’Europe avec le reste du monde, d’abord par le biais du commerce et ensuite par celui de l’exploration internationale.

Au 15e siècle, à la cathédrale de Norwich, en Angleterre, des sculpteurs représentèrent Noé accompagné de bétail et d’oiseaux, mais aussi d’un singe ; un animal qui, bien que n’étant pas naturellement présent à ces latitudes septentrionales, était bien connu grâce aux ménageries et aux divertissements de cour en vogue en ces temps-là. Girafes, paons et lions figurent également dans l’iconographie liée à l’arche qui fut produite à cette époque.

Les sculpteurs de Norwich firent monter à bord de l’arche un autre animal, plus fantaisiste : une licorne.

« Au Moyen Âge, on n’avait pas Wikipedia, d’avions à réaction, ni même l’idée de voyager, rappelle Elizabeth Morrison. On n’avait pas vraiment accès à l’information. »

Selon elle, malgré cette perspective limitée, les humains du Moyen Âge aimaient à interpréter les légendes concernant des animaux précédemment inconnus à la lumière de leur propre imagination. Ainsi, des créatures telles que les licornes, les griffons et toutes sortes de dragons sont souvent représentées comme des animaux bien réels dans les bestiaires et dans les textes enluminés où figure l’arche.

 

UNE SCIENCE BALBUTIANTE FAÇONNE LES THÉORIES SUR L’ARCHE DE NOÉ

Au Moyen Âge, certains pensaient peut-être que l’existence de créatures comme les licornes et les dragons était plausible. Mais la légende de l’arche de Noé fut largement considérée comme symbolique, du moins jusqu’à l’après-Réforme, au 16e siècle, période à laquelle des érudits se mirent à y voir un événement littéral de l’Histoire.

La conciliation des détails de l’histoire de Noé avec les nouvelles conceptions scientifiques et avec l’extraordinaire diversité des animaux découverts lors de la période d’essor maritime et aventurier que venait de connaître l’Europe représenta un réel défi pour les intellectuels. Cela conduisit à ce que l’historienne des sciences Ruth Hill appelle « le débat originel, et le plus controversé, sur l’origine des espèces avant Charles Darwin ». On vit ainsi fleurir une multitude de théories concurrentes sur les animaux de l’arche de Noé.

Jean Borrell, mathématicien français également connu sous le nom de Johannes Buteo, affirma par exemple que seuls quatre-vingt-treize types de mammifères avaient embarqué ; le reste, avançait-il, était spontanément sorti de terre et ainsi n’avait pas eu besoin d’être sauvé. Le Jésuite espagnol Benito Pereira avança une théorie similaire selon laquelle de nombreux insectes tels que les mouches n’auraient pas eu besoin de couchettes sur le navire, car elles étaient spontanément générées par les cadavres desquels elles se nourrissaient. L’explorateur britannique Sir Walter Raleigh proposa quant à lui l’hypothèse selon laquelle certaines espèces « hybrides » telles que les mules n’étaient pas présentes sur l’arche, car elles n’existaient tout simplement pas à l’époque.

 

LA FOLIE DE L’HYBRIDITÉ ET LA NAISSANCE DE LA NOTION D’ESPÈCE

Au 17e siècle, il devenait de plus en plus difficile de concilier les nouvelles découvertes scientifiques avec les récits bibliques comme celui de Noé. C’est pourtant précisément la tâche que se donna le polymathe et jésuite allemand Athanase Kircher lorsqu’il composa Arca Noë. Cet ouvrage paru en 1675 traite de tous les aspects intéressant la sélection des animaux de l’arche, leurs conditions de vie et leur environnement matériel.

Les idées d’Athanase Kircher concernant la vie à bord de l’arche furent particulièrement marquantes, notamment parce qu’il poussa à l’extrême l’idée d’« hybridation », nourrie par Sir Walter Raleigh et par d’autres esprits scientifiques. Selon lui, de nombreuses espèces terrestres étaient en réalité des hybrides et avaient pu être laissées sans aucun risque pour leur survie hors de l’arche : parmi celles-ci figuraient notamment les girafes, qui auraient été issues d’un chameau et d’un léopard, et les tatous, produits, disait-il, de l’accouplement entre une tortue et un porc-épic. S'il est utile de le préciser, aucune de ces deux théories n’était vraie.

En raison des possibilités présentées par ces « hybrides », Athanase Kircher imagina que Noé n’aurait eu besoin que de 130 types de mammifères à quatre pattes, de trente espèces de serpents, et de 150 espèces d’oiseaux pour repeupler la Terre après le Déluge. « Kircher poussa son style de recherche aussi loin qu’il le put, c’est-à-dire jusqu’au point de rupture », remarquent les scientifiques Olaf Bredibach et Michael T. Ghiselijn dans la revue Proceedings of the California Academy of Sciences.

Mais dans les faits, les idées d’Athanase Kircher, de Johannes Buteo et d’autres contribuèrent bel et bien à la naissance de la notion d’espèces biologiques au 16e siècle. L’idée était inouïe avant ces expériences de pensée sur la ménagerie de Noé, qui incitèrent des scientifiques tels que Buteo et Kircher à classer et à ranger les animaux afin de savoir s’ils auraient été dignes de monter sur l’arche.

Le concept d’espèce arriva juste au bon moment, car ainsi que le fait remarquer Ruth Hill, l’idée que tous les animaux auraient pu être passagers de l’arche était rapidement en train de devenir « hautement invraisemblable ». Après des siècles de regards tantôt fantaisistes, tantôt analytiques sur les animaux bibliques, scientifiques et artistes finirent par aller de l’avant, laissant sans le savoir derrière eux des pierres angulaires cruciales dans notre compréhension du monde naturel.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Découverte unique au monde de gravures préhistoriques avec des empreintes de dinosaures !

Trouver des empreintes de dinosaures est déjà une formidable découverte, tout comme la reconnaissance de gravures rupestres. Alors, avoir les deux en même temps est tout simplement exceptionnel. C’est le cas de cet incroyable site « paléontologico-archéologique » au Brésil, qui présente une...

Derrière l'assassinat de la philosophe Hypatie d’Alexandrie, un sombre complot politique

Non contente d’avoir été la plus grande philosophe de son Alexandrie natale à la fin du 4e et au début du 5e siècle de notre ère, Hypatie fut également l’une des plus éminentes penseuses de l’Antiquité tardive. À elles seules, ces deux prouesses appelaient une perpétuation de son nom à travers les âges, mais l’Histoire en décida autrement.

Si l’on se souvient d’Hypatie, c’est principalement pour l’assassinat terrible perpétré par une foule de chrétiens fanatiques dont elle fut la victime en 415. Des sources contemporaines racontent en détail sa mise à mort. Les auteurs chrétiens Socrate le Scolastique et Jean de Nikiou, ainsi que des auteurs païens tels que le philosophe néoplatonicien grec Damascios, offrent des descriptions concordantes de sa mort. On la tira hors de son char et on la conduisit de force au Césaréum, un sanctuaire transformé en église. Là, elle fut dépouillée de ses vêtements, écorchée et brutalement assassinée. Après avoir démembré son corps, la foule brûla ses restes.

Selon d’autres récits, la foule s’en serait pris à elle alors qu’elle donnait un cours puis, après l’avoir conduite à l’église, l’aurait traînée dans les rues. On dit aussi que Cyrille, patriarche (archevêque) d’Alexandrie, aurait édifié un complot en vue de son assassinat, puis ordonné la mise à exécution de celui-ci. Quelle que soit la version la plus exacte, on croit depuis longtemps déjà qu’elle fut assassinée par une foule de chrétiens fanatiques en raison de ses croyances philosophiques ; elle avait commis l’affront de ne pas soutenir le christianisme dans un monde ou chrétiens et païens avaient maille à partir. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

 

ALEXANDRIE L’ANTIQUE

Au temps de la naissance d’Hypatie, vers l’an 360 de notre ère, l’important centre culturel et intellectuel qu’était son Alexandrie natale déclinait. Fondée par Alexandre le Grand en 331 avant notre ère, cette grande cité abritait un célèbre phare, qui était l’une des Sept Merveilles du monde antique, et le Mouseîon, où se trouvait la non moins célèbre bibliothèque de la ville, qui aurait servi à la formation des meilleurs écrivains, médecins, scientifiques et philosophes du monde antique.

Après avoir été conquise et partiellement brûlée par Jules César en l’an 48 avant notre ère, Alexandrie entama un lent déclin. En l’an 364 de notre ère, l’Empire romain se scinda et Alexandrie demeura dans sa partie orientale, dont la capitale était Constantinople (actuelle Istanbul). Autour de cette époque, des conflits éclatèrent entre les différentes obédiences chrétiennes de la ville. Ainsi que le remarqua un auteur antique, aucun peuple n’aimait plus se battre que celui d’Alexandrie. En l’an 380, l’empereur Théodose Ier fit du christianisme la religion officielle de l’Empire romain, Alexandrie y compris, et ordonna que l’on punisse les mécréants. Les tensions entre chrétiens et non-chrétiens s’exacerbèrent.

 

JEUNESSE D’HYPATIE

Dans ce contexte de luttes religieuses et politiques, Hypatie reçut une excellente éducation sous l’égide de son père Théon, mathématicien et astronome réputé qui enseignait au Mouseîon. Il lui fit découvrir une vaste gamme de sujets intéressant les mathématiques, l’astronomie, la philosophie et la littérature. Assez tôt, Hypatie fit preuve de capacités intellectuelles exceptionnelles et d’une passion pour l’apprentissage. Elle produisit des commentaires détaillés sur les grandes œuvres des mathématiques et de l’astronomie qui avaient été produites à Alexandrie des siècles auparavant, au temps des Ptolémée (305 av. J.-C. à 30 ap. J.-C.).

Cependant, ce n’est pas le talent d’Hypatie pour les mathématiques et l’astronomie, ni même ses inventions, qui influencèrent le plus sa trajectoire, mais son adhésion à une certaine école de pensée : le néoplatonisme. Cette philosophie, qui réinterprète les idées de Platon, célèbre philosophe de la Grèce antique, émergea au 3e siècle de notre ère. Mélange de spiritualité et de science, elle applique les mathématiques et l’astronomie à la philosophie afin de comprendre l’Univers et la place que l’être humain y tient. Ces disciplines scientifiques étaient alors considérées comme autant de chemin vers l’Un, l’être suprême duquel toute chose émanerait. Bien que la philosophie d’Hypatie fût considérée comme hérétique, les chrétiens identifiaient l’Un à leur Dieu et, de ce fait, païens comme chrétiens étaient susceptibles d’adhérer à ce cadre philosophique.

Enseignante à l’École néoplatonicienne de philosophie, Hypatie attira lors de ses leçons un large public composé de païens autant que de chrétiens. Il ne semble pas qu’elle ait été une païenne fervente, ni qu’elle ait pratiqué la théurgie, rite mêlant magie et oracles en lequel de nombreux néoplatoniciens voyaient un autre chemin vers l’Un. Tandis qu’autour d’elle chrétiens et païens prenaient part à des affrontements qui déchiraient la ville d’Alexandrie, elle maintint, semble-t-il, une position neutre.

Hypatie se tint probablement à distance des événements qui, en 391, culminèrent dans la destruction du temple antique du Sérapéum d’Alexandrie par des chrétiens. D’autres intellectuels païens prirent une part active dans la défense de ce grand temple dédié au dieu Sérapis et se vantèrent même d’avoir tué des chrétiens.

Ainsi l’on s’aperçoit que l’hypothèse traditionnelle suivant laquelle la mort violente d’Hypatie aurait été le fruit d’un conflit idéologique entre païens et chrétiens n’est pas exhaustive. Une autre approche a davantage de sens.

 

LES SUSPECTS

Une chose claire ressort en ce qui concerne l’assassinat d’Hypatie. L’acte fut ritualisé, une caractéristique que partagent la mort violente de deux patriarches alexandrins : le cruel évêque des ariens Georges de Cappadoce, qui fut tué en 361, et Protérius, qui fut tué en 457.

Bien que les circonstances entourant la mort de ces évêques diffèrent de celles de la mort d’Hypatie, les trois assassinats suivent des schémas similaires. Les cadavres des patriarches furent, à l’instar de celui d’Hypatie, exhibés par leurs assassins sur la Voie canopique, principale artère alexandrine. Les corps des victimes furent démembrés et des parties de leurs dépouilles furent transférés vers chacun des quartiers de la ville pour y être incinérés. Il est intéressant de remarquer qu’en 391, après l’attaque du Sérapéum, la statue du dieu gréco-égyptien Séparis fut elle aussi soumise à la même violence ritualisée.

Vue ainsi, la mort d’Hypatie pourrait être interprétée comme un assassinat plutôt que comme un acte spontané perpétré par une foule assoiffée de sang. Il est possible que la philosophe ait servi de pion dans une manœuvre politique entreprise alors. D’ailleurs, un affrontement tout à fait caractéristique semble correspondre à cela. En effet, Hypatie s’était trouvée impliquée dans une confrontation entre deux hommes, tous deux chrétiens : Cyrille, le patriarche d’Alexandrie, et Oreste, gouverneur romain d’Alexandrie.

 

LES MOBILES DU CRIME

À cette époque, Cyrille exerçait son pouvoir politique de manière implacable afin d’éradiquer l’influence païenne à Alexandrie. Il n’hésitait pas à recourir à la violence pour parvenir à ses fins. Il prit également part à l’expulsion des Juifs d’Alexandrie à la suite des attaques que ces derniers perpétrèrent contre des chrétiens.

Là intervient le préfet romain Oreste qui, dans le cadre des tentatives de l’administration impériale de préserver la stabilité d’Alexandrie, dut compter sur le soutien de l’aristocratie municipale, qui vénérait en majorité des dieux païens. Ce dernier dut également éviter de susciter une réaction d’opposition de la part des Juifs tout en engrangeant le soutien des chrétiens qui s’opposaient à Cyrille et à ses méthodes violentes. Oreste, à l’inverse de Cyrille, dut en appeler à un groupe divers de personnes.

Oreste se tourna naturellement vers son amie Hypatie. Celle-ci faisait figure d’intermédiaire idoine de par son statut de philosophe et parce qu’elle s’était gardée de défendre activement le polythéisme. Elle était bien vue de ceux qui, au sein de l’élite alexandrine, n’étaient ni des agitateurs œuvrant au profit d’un camp ou de l’autre, ni des partisans de la violence. Un autre aspect distinguait Hypatie : au fil des années, elle avait cultivé un réseau. Parmi ses fréquentations figuraient d’anciens étudiants officiant dans de puissants cercles chrétiens, à la fois à Constantinople (siège de l’Empire romain) et à Alexandrie. Cyrille vit ainsi en Hypatie une menace potentielle à sa mainmise sur les chrétiens de la ville.

 

LE COMPLOT

Pour neutraliser Hypatie, il semble que Cyrille ait organisé une campagne de diffamation l’accusant de pratiquer la magie noire et la décrivant comme une dangereuse sorcière se servant de sorts pour attirer le public à ses leçons. On prétendit qu’elle avait ensorcelé Oreste pour qu’il n’aille pas à la messe et accueille des non-chrétiens chez lui. Socrate le Scolastique remarque ceci : « Parce qu’elle s’entretenait fréquemment avec Oreste, la populace chrétienne la calomnia en soutenant que son influence empêchait ce dernier de se réconcilier avec Cyrille ». Tous ces clichés, qui furent répétés à travers les époques pour discréditer les femmes qui occupent des places autres que celles, traditionnelles, de femme et de mère, visaient à présenter Hypatie comme une dangereuse ennemie publique.

Cyrille ne pouvait commettre lui-même l’assassinat, et il n’avait d’ailleurs pas besoin de le faire. Il pouvait à la place compter sur ses parabalanis. À l’origine, ce groupe de chrétiens laïques menait des œuvres caritatives et prenait soin des personnes les plus nécessiteuses de la ville. Mais lorsque Cyrille arriva au pouvoir, les parabalanis étaient devenus une sorte de milice armée au service du patriarche. Bien qu’il n’existe pas de preuve que Cyrille ait ordonné l’assassinat d’Hypatie, tout indique qu’il avait beaucoup à gagner à la voir disparaître et que les parabalanis s’en chargèrent pour lui.

Son assassinat mit fin à la menace qu’elle représentait pour Cyrille de par son soutien à la politique de tolérance d’Oreste. Sa mort fut le point de rupture entre l’autorité religieuse incarnée par le patriarche Cyrille et l’autorité civile incarnée par le préfet Oreste. Ce fut ce premier qui triompha.

Toutefois, la mort d’Hypatie ne fut pas une défaite pour les païens. Chrétiens et païens continuèrent à coexister à Alexandrie durant plus d’un siècle. Le néoplatonisme prospéra jusqu’à la conquête arabe de l’Égypte au 7e siècle et compta parmi ses adhérents des chrétiens aussi bien que des païens. Au 6e siècle, le directeur de l’école était un païen, Ammonios, tandis que son adjoint et éditeur de ses œuvres était un chrétien, Jean Philopon. Après l’assassinat d’Hypatie, on n’entendit plus parler d’Oreste. Bien que les chefs chrétiens n’aient pas éradiqué la philosophie païenne de la ville, ils réprimèrent sévèrement les autorités séculières.

 

UNE LUMIÈRE INEXTINGUIBLE

L’histoire d’Hypatie perdura. Son caractère et son intellect furent même reconnus par des auteurs chrétiens hostiles. Au 18e siècle, Voltaire la prit en exemple pour condamner une Église excessivement zélée. L’homme d’Église anglais Charles Kingsley composa un roman qui porte son nom. Elle est aussi la protagoniste du péplum espagnol Agora, sorti en 2009, dont l’intrigue fictionnelle la voit sauver la bibliothèque d’Alexandrie des fanatiques chrétiens. Son endurance au sein de cette société patriarcale en fait une héroïne féministe de nos jours encore, et elle mérite bien plus de reconnaissance dans l’Histoire que la sensation que fit son horrible assassinat.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Une civilisation inconnue peuplait l’Amazonie il y a 2 500 ans

Depuis trente ans, Stéphen Rostain arpente la jungle humide de l’Équateur. À force d'investigation, il a fini par comprendre qu’un peuple important avait un jour habité ce coin d’Amazonie. Dans la vallée de l’Upano, au pied de la cordillère des Andes, il a trouvé ce qui s’apparente à une grande cité antique. Ça et là, des plateformes de terre, monticules de 2 à 3 mètres de haut, s’organisent autour d’un axe rectiligne central et creusé - « les Champs-Élysées locaux » selon les mots de l’archéologue. 

Perchées sur ces promontoires, des habitations étaient construites en bois. On les devine aujourd’hui grâce aux trous que les poteaux ont laissés dans le sol. Juste en bas de ces monticules, l’archéologue a découvert des champs où l’on cultivait du maïs, des haricots et du cacao voilà 2 500 ans, entre 500 avant J.-C. et 600 après J.-C. 

« C’est une cité-jardin, comme Angkor Wat, au Cambodge ou les sites mayas. Les habitants cultivaient sans doute en bas de chez eux, et s’aidaient des canaux qu’ils avaient creusés dans le sol pour drainer l’eau de cette région humide. Nous avons aussi retrouvé des grains de maïs à l’intérieur de jarres de cette époque. Ils buvaient un breuvage à base de maïs légèrement fermenté. Une sorte de bière épaisse et nutritive, peu alcoolisée (deux degrés d’alcool) que l’on trouve chez la plupart des populations autochtones encore aujourd’hui, ce qui étaye cette hypothèse » indique le chercheur. 

Autre constat, sur le terrain : certains des grands axes poursuivent leurs courses dans l’épaisse végétation. Mais impossible de les suivre. Pendant plusieurs décennies, l’archéologue s’est heurté à cette énigme. Où mènent ces routes ?

Tout a changé en 2021. À bord d’un petit avion équipé de la technologie Lidar – un laser capable d’afficher les moindres reliefs du sol – une équipe a parcouru près de 600 km² dans cette région. Quand il a finalement découvert les images réalisées durant ce survol, l’archéologue était stupéfait. « J’ai pris conscience du gigantisme de ce qui avait été construit ». Sur le terrain, il avait vu une seule grande cité. Là, depuis les airs, ce sont cinq « villes » et dix « villages » qui se dévoilaient, un peu sur le même modèle que la première cité découverte. Ces bourgs apparaissent connectés par des routes « parfaitement droites ». L’archéologue constate aussi que les grands axes continuent de filer au-delà des 600 km² scannés par le laser. 

Cette mystérieuse civilisation se serait étendue sur près de 1000 km² (la taille du Val d’Oise). Voilà qui balaie, s’il fallait encore le faire, la croyance d’une forêt amazonienne vierge de toute habitation, peuplée seulement par une poignée de chasseurs-cueilleurs. Ces découvertes ont été publiées en début d’année dans la revue Science. « Au sein de la quinzaine de bourgs, on recense en tout près de 6500 plateformes » poursuit Stéphen Rostain. Difficile de savoir pourtant combien d’habitants ont vraiment vécu là, pendant plus de mille ans, dans ces cités-jardins non loin de la rivière Upano. Plusieurs milliers de personnes au moins, estime Stéphen Rostain. Pour préciser ce chiffre, lui et son équipe s’attellent à calculer la productivité des champs.

Une chose est sûre, néanmoins. Il s'agissait d'une société complexe, sûrement hiérarchisée, qui s’est épanouie au pied de la cordillère des Andes, à l’ouest de l’Équateur actuel. En témoignent ces monticules d’une centaine de mètres de large, présents dans chacune des villes et chacun des villages, bien plus importants que les autres plateformes. « Ce sont des œuvres publiques, collectives, sans doute édifiées pour des réunions. Des constructions en bois existaient au sommet, mais elles ont disparu » relate Stéphen Rostain. 

Ces grandes réalisations, en plus des routes parfaitement rectilignes, supposent l’existence de géomètres. Voilà 2500 ans, ces mathématiciens enchaînaient les visées pour mener à bien les constructions. « Chacun son domaine de spécialisation. Certains étaient paysans, d’autres pêcheurs, d’autres encore prêtres ou chamans. Des marchands se rendaient à l’extérieur des cités pour échanger avec les autres, y compris avec d’autres peuples » explique l’archéologue.

Une civilisation d’ampleur, donc, organisée, complexe… Pourquoi est-elle restée si longtemps dans l’ombre ? Les recherches dans la forêt amazonienne sur les ancêtres des Amérindiens ont longtemps suscité peu d’intérêt, en comparaison de celles menées en Mésoamérique, sur les Mayas ou les Aztèques. Ces derniers ont laissé des bâtiments en pierre, au contraire des constructions en bois de cette civilisation inconnue, qui ont disparu. Stéphen Rostain ajoute une raison à cette relative indifférence. « Lors de la colonisation espagnole, débutée vers la fin du 16e siècle, les virus exogènes ont provoqué une véritable hécatombe. De nombreuses sociétés autochtones ont disparu avant même que l’homme blanc n’ait pu les voir. Quand les premiers Européens ont exploré la forêt amazonienne, elle était déjà quasiment vidée de ses habitants. On a tendance à oublier cette pandémie. Et on pense aisément que les Amérindiens d’aujourd’hui ressemblent à ceux d’autrefois, en ignorant complètement la diversité des modes de vie possibles dans la forêt avant la colonisation ».

Perchés sur leurs plateformes, ces mystérieux habitants ont peuplé ce coin de forêt amazonienne pendant plus de 1000 ans avant de disparaître. « Leur fin semble assez brusque. J’ai d’abord pensé à une mega-éruption volcanique, car ils étaient installés au pied d’un volcan très actif. Mais les dates ne correspondent pas. Est-ce un changement climatique, un phénomène El Niño persistant qui aurait bouleversé cette société très dépendante de son agriculture ? Une civilisation qui a tout simplement implosée ? » s’interroge Stéphen Rostain, toujours au travail. L’archéologue compte bien continuer d’écrire l’histoire méconnue de la forêt amazonienne avant la colonisation. 

Retrouvez notre reportage sur les Mayas dans le numéro 294 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

Les hommes fabriquaient déjà des cordes il y a 35 000 ans

Des chercheurs viennent de montrer qu’un outil en ivoire percé de quatre trous découvert dans le Jura souabe était utilisé par les chasseurs-cueilleurs aurignaciens pour tresser des cordes.

Comment les Anciens célébraient les équinoxes et les solstices

Alors que le printemps vient officiellement de commencer dans l'hémisphère Nord, Futura se penche sur des phénomènes parfois méconnus mais intrigants : les équinoxes et les solstices. Célébrés par diverses cultures à travers le monde, ces événements annuels ont aussi été marqués par la...

Au Machu Picchu, des travailleurs "immigrés" servaient l’empereur inca

Elles ont été retrouvées toutes les deux côte à côte. Une mère et sa fille, enterrées sous la terre du Machu Picchu, dans des tombes sans faste. La première a grandi dans la forêt amazonienne. Sans doute emmenée de force au Machu Picchu pour servir la royauté, elle a élevé sa fille sur ces hauts plateaux péruviens, à plus de 2400 m d’altitude, dans cet endroit qu’elle n’avait sûrement pas choisi.

C’est une histoire que raconte l’analyse de leur ADN. Une équipe de recherche internationale s’est penchée sur la génétique d’une trentaine d’hommes et de femmes enterrés au Machu Picchu. Résultat dix-sept d’entre eux venaient de coins reculés de l’empire inca, comme le dévoile une étude parue dans la revue Science Advances, notamment de la côte péruvienne et des régions amazoniennes du Pérou, de la Colombie ou même de l’Équateur. Treize d’entre deux avaient des origines mixtes, parfois brésiliennes ou paraguayennes.

Ces hommes et ces femmes ont donc pu parcourir plus de 2000 km pour se rendre au Machu Picchu. Grâce à l’étude des sources historiques et archéologiques, notamment les récits des colons espagnols, les scientifiques ont établi que c’était pour servir la royauté au Machu Picchu. L’empereur et sa cour venaient profiter de ce palace aux beaux jours, entre mai et octobre. Les serviteurs, eux, vivaient à temps plein dans cette cité perchée au sommet des montagnes andines, s’occupaient des lieux, organisaient les festins, les cérémonies et les parties de chasse... Jusqu’à finir leur vie sur place, comme en témoignent les tombes retrouvées. Les scientifiques estiment que 250 de ces serviteurs reposent juste à l’extérieur des murs de la cité royale, enterrés entre 1420 et 1532. La simplicité de leurs tombes, dépourvues de décorations (ou seulement quelques céramiques venues d’autres régions de l’empire) tranche avec les luxueuses sépultures de l’empereur et de sa cour : ces derniers étaient inhumés à Cuzco, la capitale. 

Les scientifiques ignoraient l’ampleur du chemin parcouru par ces serviteurs pour arriver jusqu’au Machu Picchu. Ils se doutaient que ces « immigrés » venaient de loin, au vu les objets retrouvés dans leurs tombes. Les récentes analyses ADN ont précisé leurs origines. 

« Nous ne nous attendions pas à une telle diversité » relève Lars  Fehren-Schmitz, anthropologue à l’Université de Santa Cruz, en Californie, et l’un des co-auteurs de l’étude. En tout, un tiers des trente-quatre personnes du Machu Picchu dont l’ADN a été analysé avaient une origine amazonienne. Élargir le champ d’étude au-delà des trente-quatre personnes n’était cependant pas possible, l’ADN des autres corps n’étant plus exploitable.

Si la royauté inca est allée chercher ces serviteurs si loin, c’est sans doute pour obtenir l’appui de travailleurs qualifiés, recherchés pour leurs compétences. « Certains étaient peut-être spécialisés dans la métallurgie ou le textile, d’autres devaient œuvrer comme conseillers politiques, sans doute pour renseigner l’empereur sur les us et coutumes des régions qu’il dominait » poursuit Lars  Fehren-Schmitz. Voilà pourquoi on trouve une telle diversité génétique dans les tombes des cimetières juste à l’extérieur du Machu Picchu. 

« S’il s’agissait de construire des routes ou de travailler dans les champs, la royauté n’aurait sans doute pas fait la fine bouche, et aurait "importé" en masse des travailleurs d’une seule région ou bien elle se serait appuyée sur la population locale. D’ailleurs, ce sont les villageois qui vivaient autour du Machu Picchu qui travaillaient aux champs et produisaient les denrées alimentaires » explique Lars Fehren-Schmitz. 

En comparaison de ces paysans locaux, les « immigrés qualifiés » étaient relativement bien traités puisqu’ils étaient proches de la royauté et profitaient parfois des biens de luxe. Beaucoup sont morts vieux (selon les standards de l’époque) et n’ont pas souffert de mauvaises conditions de travail – c’est en tout cas ce que laissent penser leurs squelettes.

Reste que selon les récits des colons espagnols, ces hommes et femmes - surnommés yanacona et accla – ont tout de même été déplacés brutalement de leurs lieux de naissance par le pouvoir inca. « Mais peut-être que les Espagnols ont raconté cela pour justifier leur propre brutalité lors de la colonisation, on ne sait pas » tempère Lars Fehren-Schmitz. 

Pourquoi donc se mettre au service de l’empereur inca ? Les scientifiques travaillent désormais à tracer les contours du destin de ces « immigrés » du Machu Picchu.

Retrouvez notre reportage sur les Mayas dans le numéro 294 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

L’émergence du langage serait bien plus ancienne qu’on ne le pensait

Quand nos ancêtres préhistoriques ont-ils commencé à utiliser un véritable langage ? S’il est aujourd’hui admis qu’Homo sapiens est à l’origine de notre mode de communication actuel et unique, marqué par la double articulation, une forme plus rudimentaire de langage aurait pu apparaître il y a...

Le nettoyage de printemps remonte à l'Antiquité

Alors que l’hémisphère nord entre dans le printemps, une envie contagieuse d’épousseter les toiles d’araignée et de mettre de l'ordre se fait sentir. Le nettoyage de printemps, qui consiste à nettoyer sa maison de fond en comble, est une tradition ancrée dans les sociétés du monde entier, qui remonte à l’Antiquité.

Cette tradition revêt également une signification symbolique. Considérée comme un nouveau départ, elle symbolise la transition entre la léthargie de l’hiver et la croissance dynamique du printemps. En désencombrant sa maison et en y mettant de l’ordre, on crée un espace de vie plus propre et on libère son espace mental.

« À chaque coup de balai et de chiffon, nous honorons une tradition qui transcende le temps, nous unissant aux générations passées dans une quête commune de renouvellement et de rajeunissement », raconte Danielle Patten, directrice des programmes créatifs et des collections au Museum of the Home de Londres.

 

LES AVANTAGES DU NETTOYAGE DE PRINTEMPS

Le comportement humain est fortement influencé par les cycles de la nature. Pendant les mois les plus froids, nous avons moins d’énergie à consacrer à des tâches comme un nettoyage approfondi. Nous ne sommes pas paresseux : le manque de lumière du jour stimule la mélatonine, une hormone qui favorise l’endormissement.

« À cause de cette importante production de mélatonine, nous avons plus de mal à nous mettre à la tâche. Au changement de saison, notre apathie diminue, nous retrouvons de l’énergie et nous trouvons la motivation pour nous lancer dans un grand nettoyage de notre espace de vie », explique Eloise Skinner, autrice et psychothérapeute. « Lorsque nous donnons un coup de frais à notre environnement, nous pouvons avoir l’impression d’entamer un nouveau départ, ou de ressentir un regain d’énergie et d’ambition. »

Des études ont également démontré que le ménage pouvait être thérapeutique, comme en témoigne la nouvelle génération de « cleanfluencers » (contraction des mots anglais clean et influencer, soit les influenceurs ménage) qui prend d’assaut les réseaux sociaux. Des millions de personnes les regardent fourrager des maisons crasseuses et donner des conseils de nettoyage.

« Lorsque nous faisons le ménage, nous devons souvent être présents à la tâche, ce qui peut nous amener à vivre le moment présent et à nous sentir plus conscients, plus engagés et plus observateurs. Sans oublier que le caractère répétitif de l’activité peut avoir des effets apaisants », explique Skinner.

 

DES ORIGINES RELIGIEUSES ET CULTURELLES 

On trouve l’une des premières références à un grand nettoyage dans la tradition juive de la Pâque, dite Pessa’h, qui a lieu chaque année en mars ou en avril. Les juifs enlèvent toute trace de hametz, ou pain levé, qui est interdit pendant la fête. Cette chasse au hametz symbolise la hâte avec laquelle les Israélites ont fui l’Égypte, incapables d’attendre que leur pain lève avant leur voyage vers la liberté.

De même, les catholiques nettoient les autels dans les églises le Jeudi saint avant le Vendredi saint, qui a lieu chaque année au printemps, en mars ou en avril. Pour les Iraniens, Norouz, célébré vers l’équinoxe de printemps en mars, nécessite de suivre une tradition appelée khane-takani, soit littéralement le fait de « secouer la maison ». Pour se préparer à cette fête vieille d’environ 3 000 ans, qui remonte au zoroastrisme, l’une des premières religions monothéistes du monde, ils lavent leurs vêtements, les couvertures et les textiles.

En Chine, avant le Nouvel An lunaire, il est courant de nettoyer la maison pour la purifier de la malchance et du malheur. Ce rituel de nettoyage traduit littéralement par « balayer la poussière », fait place à la chance et à la prospérité pour la nouvelle année, explique Patten. Ce nettoyage doit être effectué avant la fête, généralement en janvier ou février, car faire le ménage après les festivités serait synonyme de perte de chance. En Thaïlande, pendant la fête du Songkran, en avril, il est de coutume de procéder à un grand nettoyage dans les maisons, les écoles et les espaces publics pour les purifier avant le Nouvel An thaïlandais. Les Thaïlandais se jettent de l’eau dans les rues pour se débarrasser de la malchance de l’année précédente et aspergent également les statues de Bouddha pour s’assurer la bonne fortune pour l’année à venir.

Bien que le concept de nettoyage de printemps précède la technologie moderne, des progrès tels que l’électricité et les appareils ménagers ont influencé sa pratique. Par exemple, avant l’arrivée de l’électricité, on utilisait le feu provenant de la combustion du charbon, du pétrole et du bois pour s’éclairer et se chauffer, ce qui occasionnait une quantité importante de suie. Les fenêtres étaient solidement fermées pour éviter qu’un courant d’air mortel ne s’engouffre dans les habitations.

Au printemps, il était pragmatique d’ouvrir les fenêtres pour aérer les maisons, enlever la saleté et réparer les dégâts survenus pendant les mois d’hiver. Depuis, des inventions telles que l’aspirateur, la machine à laver et les produits d’entretien ont rendu le processus plus efficace et plus commode, permettant un nettoyage plus poussé et plus complet des espaces de vie.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise. 

Herschel, l’astronome qui réforma la science

Au début du XIXe siècle, le savant John Herschel contribua à libérer la science du règne aristocratique en Grande-Bretagne et à la moderniser dans le monde entier.

Norouz, la célébration du printemps et de la nouvelle année du calendrier persan

Dans l’hémisphère Nord, le 20 mars marque cette année le début du printemps. Pour trois cents millions de personnes à travers le monde, c’est également le début d’une nouvelle année. Norouz – qui signifie « nouveau jour » – est une fête traditionnelle qui marque l'arrivée du printemps et le premier jour de l'année en Iran, dont le calendrier solaire débute avec l’équinoxe vernal.

Les Iraniens du monde entier commémorent cette fête depuis plus de trois mille ans. Elle prend ses racines dans le zoroastrisme, une religion de la Perse antique qui considérait l’arrivée du printemps comme une victoire sur les ténèbres. La fête a à la fois survécu à la conquête islamique de la Perse au 7e siècle et au déclin du zoroastrisme. À travers les âges, la diaspora perse a réussi à perpétrer la tradition aux quatre coins de la planète. 

 

COMMENT LA FÊTE DE NOROUZ EST-ELLE CÉLÉBRÉE ?

Les préparatifs pour la fête de Norouz, célébrée traditionnellement le jour de l’équinoxe du printemps, commencent des semaines avant. On se met à danser et, pour éloigner le mauvais œil, on remplit les seaux d’eau, synonyme de bonne santé.

Le dernier mercredi avant Norouz, beaucoup célèbrent également Tchaharchanbé-Souri ou fête du feu, une nuit au cours de laquelle, on saute par-dessus les flammes ou frappe aux portes avec des cuillères sur les portes pour éloigner la malchance. On visite également les cimetières pour apporter des offrandes aux morts. Certains croient que les esprits des ancêtres rendent visite aux vivants pendant les derniers jours de l’année.

Fertilité et nouvelle vie sont au cœur de cette fête du printemps, ce qui explique pourquoi de nombreuses familles célèbrent son arrivée avec des graines et des œufs. Dans chaque maison, les familles dressent des tables couvertes de sept objets symboliques qu'ils appellent haft siin. Ces sept éléments (haft signifiant « sept ») dont les noms commencent par la lettre « s » ou siin de l’alphabet persan sont la tradition principale de Norouz. Ils comprennent le sabzeh (pousses de blé, d’orge, de lentilles et d’autres graines, symboles de renaissance), le senjed (fruit séché du jujubier, symbole d’amour), le sir (ail, symbole de protection), le sib (pomme, symbole de fertilité), le sumac (symbole d’amour), le serkeh (vinaigre, symbole de patience) et le samanu (crème obtenue par une cuisson prolongée de jeunes pousses de blé préalablement moulues, symbole d’abondance). On décore également la table avec d’autres objets comme le Coran, des œufs, des miroirs et des recueils de poèmes.

Si la tradition de Norouz remonte à des milliers d’années, celle de la table, elle, est récente. Elle n’a été adoptée qu’au cours du dernier siècle, écrit A. Shapur Shahbazi dans Encyclopedia Iranica.

 

QUI FÊTE NOROUZ ?

Norouz a également tenu tête à l’ère moderne. Après la révolution islamique de 1979, le nouveau gouvernement a essayé d’abolir la fête, de crainte qu’elle ne porte atteinte à la religion d’État. Ses tentatives ont cependant été vaines et le Norouz est désormais un jour férié officiel en Iran.

C’est également un jour férié en Afghanistan, en Albanie, en Azerbaïdjan, en Géorgie, au Kurdistan irakien, au Kazakhstan, au Kosovo, au Kirghizistan, dans la province de Bayan-Ölgii en Mongolie, au Tadjikistan, au Turkménistan et en Ouzbékistan. Norouz est également une fête populaire en Turquie, en Inde et dans d’autres pays marqués par l’Empire perse.

En 2009, l’UNESCO, bras culturel des Nations unies, a inscrit cette fête sur sa Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, notant qu'elle « promeut les valeurs de paix et de solidarité entre les générations et au sein des familles, ainsi que la réconciliation et le bon voisinage. » Le 21 mars est officiellement reconnu comme la Journée internationale de Norouz, bien que la fête soit célébrée entre le 19 et le 22 du mois, en fonction des calendriers et de l’équinoxe du printemps.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise le 19 mars 2020 et a été adapté.

Ce site funéraire vieux de 6 000 ans retrouvé en Allemagne servait aussi à des sacrifices rituels !

C'est une moisson de découvertes pour les archéologues du centre de l'Allemagne, qui ont découvert à Magdeburg un site datant du Néolithique. Sur une colline exploitée il y a 6 000 ans, les peuples de la Préhistoire ont bâti des sites funéraires d'ampleur, abritant notamment des traces de...

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Une fuite vers les contrées septentrionales aurait-elle sauvé l’Humanité de l’extinction il y a 900 000 ans ? C’est ce que suggère une nouvelle étude, qui voit une forte corrélation entre une dégradation des conditions environnementales en Afrique, une réduction critique de la population humaine...

Porcie, la seule femme dans le secret du complot contre Jules César

Alors que Jules César était sur le point d’adopter un mode de gouvernement autoritaire, deux hommes se posèrent en défenseurs absolus de la République romaine : Caton le Jeune, qui mena la résistance contre César au Sénat, et son neveu, Marcus Junius Brutus, qui organisa le complot pour assassiner César. Mais quelqu’un d’autre joua un rôle clé dans les événements tumultueux qui conduisirent à la fin du pontifex maximus : une femme qui finit par devenir un symbole de résistance face à la pression et de loyauté sans faille. Fille de Caton et épouse de Brutus, Porcie (73-43 av. J.-C. environ) fut « la seule femme dans le secret du complot », ainsi que le formula l’historien romain Dion Cassius.

Le courage de Porcie, son esprit logique et son sens du sacrifice furent célébrés par les historiens romains et, des siècles plus tard, en 1599, immortalisés par William Shakespeare dans une tragédie intitulée Jules César. De nombreuses circonstances façonnèrent cette femme extraordinaire, mais deux se distinguent particulièrement : le climat politique volatile de l’époque et les enseignements qu’elle reçut de son père.

 

ÉDUCATION STOÏCIENNE

On doit la grande majorité de nos connaissances sur Porcie à l’historien grec Plutarque, plus particulièrement à ses ouvrages sur Brutus et Caton, à Dion Cassius, notamment à son Histoire romaine, ainsi qu’à quelques mentions faites dans d’autres œuvres. Selon Judith P. Hallett, professeure émérite de lettres classiques de l’Université du Maryland et autrice de Fathers and Daughters in Roman Society : Women and the Elite Family, toutes les références antiques s’en « souviennent comme d’un membre de la famille de Caton le Jeune dévoué à la cause de son père ».

Le père de Porcie, Caton le Jeune (ainsi nommé pour qu’on puisse le distinguer de son arrière-grand-père Caton l’Ancien) était un aristocrate et républicain de la vieille garde conservatrice. Inconditionnel de la philosophie stoïcienne, Caton plaçait la vertu et la responsabilité civique au-dessus de tout autre chose, un idéalisme inflexible qui influença profondément sa fille.

Au début du 2e siècle de notre ère, Plutarque écrivit que Porcie avait développé « une assuétude à la philosophie » et il loua sa « sobriété et sa grandeur d’âme » conformes au rejet du luxe et au dévouement envers la justice qui caractérisent le stoïcisme. Cette description fait dire à beaucoup que Porcie fut la première femme stoïcienne.

 

MARIAGES ET DIVORCES

Alors qu’elle était encore très jeune, Porcie fut mariée à un allié politique de son père. Elle donna deux enfants à Marcus Calpurnius Bibulus avant qu’une pratique romaine particulière ne vienne compliquer leur relation. En plus d’arranger des mariages, l’élite romaine arrangeait également des divorces et n’hésitait pas à mettre fin à une union pour en sceller une autre, plus avantageuse.

Porcie avait vingt ans environ lorsqu’une reçut une telle demande. Un autre allié de son père, Quintus Hortensius Hortalus, demanda à l’épouser. Ce veuf vieillissant et sans descendance voulait faire de Porcie son épouse afin qu’elle lui donne un héritier. Dès qu’elle aurait donné naissance, promit-il, il la rendrait à Bibulus.

Ce dernier, qui goûtait peu l’idée, refusa. Caton n’était pas non plus disposé à rompre le contrat qui le liait à Bibulus. Pour éviter de s’aliéner Hortensius, Caton accepta de divorcer de sa propre femme, Marcia, et la lui offrit à la place. Hortensius accepta et son plan fut mis en œuvre. À la mort de ce dernier, Caton épousa de nouveau Marcia.

La famille renommée de Porcie prit une part plus qu’active dans la guerre civile romaine de 49 av. J.-C., année où César refusa de céder ses armées et ses territoires à la République. Rome allait se scinder en deux factions, l’une menée par César et l’autre par Pompée.

Les conservateurs Caton et Bibulus se rallièrent tous deux à Pompée, du côté qui perdrait la guerre. Bibulus, chef de la flotte de Pompée sur l’Adriatique, mourut de maladie vers l’an 48 av. J.-C. Quant à Caton, il se suicida à Utique (en actuelle Tunisie) quand les troupes de César remportèrent, non loin de là, la bataille de Thapsus, en 46 avant notre ère.

À Rome, Porcie observait impuissante César accumuler du pouvoir. Plutôt que de se résigner à la dictature, elle continua à croire en la vieille république. En 45 avant notre ère, elle épousa Marcus Junius Brutus, ancien allié de César qui devint célèbre pour s’être retourné contre lui. Durant la guerre, Brutus s’était rangé du côté de Pompée, mais après celle-ci, César l’avait pardonné et l’avait même fait gouverneur de la Gaule cisalpine (nord de l’actuelle Italie). Cependant, les sympathies de Brutus pour l’ancienne république n’avaient pas faibli. Épouser la fille de Caton (et divorcer de sa femme Claudia) fut pour lui un moyen de réaffirmer son engagement.

 

PROJETS ET COMPLOTS

Dans les mois qui suivirent, Brutus, accompagné d’autres sénateurs préoccupés par les ambitions de César, se lancèrent dans un complot visant à l’assassiner. Bien que la politique fût essentiellement un domaine masculin dans la culture romaine, Porcie jura d’aider son époux en raison des convictions de sa famille. Selon Plutarque, elle remarqua un changement chez ce dernier et l’interrogea. Devant son impassibilité, elle se blessa à la cuisse délibérément à l’aide d’un couteau. L’acte était une supplique pour qu’il lui accorde confiance et respect : « Brutus, je suis la fille de Caton, et j’ai été introduite dans ta maison non comme simple concubine pour partager ta couche et ta table uniquement, mais pour être partenaire dans tes heurs, et partenaire dans tes malheurs. »

Brutus lui révéla le projet d’assassinat de Jules César. Et, écrit Plutarque, Porcie l’incita à mener ce complot à son terme. « Quand il vit la blessure, Brutus, stupéfait, et levant les mains au ciel, pria pour réussir dans son entreprise et ainsi se montrer un mari digne de Porcie. »

Après la mort de César le 15 mars 44 de notre ère, Brutus fuit Rome pour éviter les représailles des partisans du dictateur, tandis que Porcie resta dans la capitale. Les fortunes de son époux, qui défendait la République contre Octave, héritier de César et allié de Marc Antoine, furent les siennes. Mais elle finit par recevoir une mauvaise nouvelle : Brutus avait été défait lors de la bataille de Philippes (42 av. J.-C.) et, à l’instar de son père Caton, s’était donné la mort.

On ne sait pas exactement ce qu’il se passa ensuite. Selon les récits les plus dramatiques, Porcie se serait suicidée, soit en avalant des charbons ardents, soit en inhalant du monoxyde de carbone.

Selon la version du poète Martial, Porcie, à la recherche d’une arme pour mettre fin à ses jours (des serviteurs les avaient cachées), se serait écriée : « "Vous ignorez encore qu’on ne peut s’opposer à la mort : je pensais que mon père, par le destin qu’il eut, vous avait enseigné ce principe." Sur ces mots, elle avala avec empressement les charbons ardents. » Plutarque raconte une histoire similaire.

 

SYMBOLE DE FORCE

Toutefois, un élément clé jette le doute sur le suicide de Porcie : en l’an 43 avant notre ère, Cicéron, homme d’État et orateur, déplora dans une lettre adressée à Brutus la mort de Porcie, ce qui signifie que celle-ci mourut avant son époux. Les mots de Cicéron sous-entendent une mort de causes naturelles.

Si la légende d’un suicide violent apparut plus tard, elle ne manqua pas de s’enraciner dans l’imaginaire populaire. Plutarque fait dire ceci à Brutus au sujet de son épouse : « Bien que dépourvue de la force des hommes, elle est aussi vaillante et active pour le bien de de son pays que les meilleurs d’entre nous. »

La lecture du portrait de Porcie par Plutarque inspira grandement William Shakespeare. En plus d’être présente sous le nom de Portia dans la pièce Jules César, son nom figure également dans Le Marchand de Venise (1596-98), pièce dans laquelle celui-ci est donné à une femme brillante résolue à s’affirmer dans un monde masculin en se faisant passer pour un avocat.

Symbole de courage et de loyauté, l’histoire de Porcie trouva un écho dans l’Histoire. Abigail Adams, femme de John Adams, deuxième président des États-Unis et premier vice-président du pays, signait ses lettres « Portia », en reconnaissance du « sacrifice patriotique » de l’épouse stoïcienne de Brutus.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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Résoudra-t-on un jour ces cinq mystères archéologiques ?

Qu’il s’agisse de pierres dressées, de monticules indéfinis ou de lignes tracées dans la terre, les anciennes civilisations ont laissé derrière elles des vestiges de leur existence auxquels elles attribuaient sans doute une signification profonde, signification qui nous est désormais inaccessible tant le temps a passé. Nous, habitants de cette terre et descendants de ces civilisations, n’avons hérité que de questions : qui, quoi, où et quand ? Les archéologues ont réussi à faire parler bon nombre de ces talismans géographiques d’importance, mais certains résistent et ne veulent pas révéler leurs secrets. Voici quelques exemples.

 

LES SCULPTURES ET L’ÉCRITURE DE L’ÎLE DE PÂQUES 

L’île de Pâques, Rapa Nui dans la langue de son peuple, est l’un des endroits les plus isolés sur Terre. Il y a plus de mille ans, ses habitants érigèrent des centaines de monolithes de plusieurs tonnes, des moaïs, qui fascinent les archéologues depuis leur découverte il y a 300 ans environ.

Principalement sculptées dans du tuf volcanique à l’aide d’outils, les statues furent transportées, on ne sait comment, puis positionnées sur des plateformes de pierre. Quelle pouvait bien être leur raison d’être ? Comment a-t-on déplacé ces monolithes ? Selon les Rapanuis, ces statues marchaient. Et à en croire certains auteurs fantasques, les moaïs n’auraient pu être positionnés ainsi que par des civilisations disparues ou par des extraterrestres. Des sources plus académiques suggèrent qu’ils auraient pu être transportés sur des sortes de rails.

Récemment, des archéologues ont montré que les Rapanuis disaient peut-être vrai quand ils affirmaient que les statues marchaient. Une vingtaine de personnes peuvent, à l’aide de cordes, imprimer un mouvement de bascule à un moaï et, en le faisant osciller sur sa base courbe, le faire « marcher » vers l’avant. Quand les explorateurs européens arrivèrent, la plupart des moaïs étaient renversés et leur signification était inaccessible à la mémoire. Il s’agissait peut-être de symboles de pouvoir entre groupes en guerre. Ou bien de statues érigées dans un but religieux et pacifique.

Des tablettes de bois et de pierre découvertes sur l’île épaississent le mystère. Elles contiennent un texte non déchiffré en rongorongo. Ces glyphes curieux se lisent de gauche à droite, puis de droite à gauche quand on retourne la tablette. Comme les statues, ceux-ci résistent pour le moment à toute tentative d’explication.

 

LES ALIGNEMENTS DE CARNAC 

Non loin du village de Carnac, près de 3 000 pierres dressées auquel le vent et la pluie ont donné une forme courbée forment de longues avenues. Cet ensemble composé de monolithes (menhirs) et de groupes de pierres multiples (dolmens) s’étire sur trois kilomètres environ. Bien que les pierres se tiennent là depuis des millénaires, les archéologues ne sont toujours pas parvenus à retracer leur origine, ni à déterminer la raison pour laquelle on les a érigées.

Des générations successives de Bretons ont vu dans ces mégalithes des structures sacrées. Les Romains de l’Antiquité sculptèrent les effigies de leurs dieux sur des surfaces de granite ; les chrétiens y ajoutèrent plus tard leurs propres symboles. D’après une légende, les menhirs seraient les vestiges rocheux d’une armée de païens qui auraient chassé saint Cornély vers la mer ; acculé, ce dernier aurait transformé ses poursuivants en pierre.

En réalité, ces pierres sont bien plus anciennes que le christianisme et datent probablement de la période néolithique pré-celtique de la Bretagne, qui a duré de 4500 à 2000 avant notre ère environ. Furent-ils érigés en l’honneur d’anciens dieux ? En l’honneur d’ancêtres ? Permettent-ils de suivre l’alignement du soleil ou des étoiles ? Ces armées grises continuent pour l’instant de taire leur secret.

 

LE TUMULUS DU GRAND SERPENT

Le tumulus du Grand serpent, qui mesure 396 mètres de long, six à huit mètres de large environ et un à deux mètres de haut, ondule à travers les collines du sud de l’Ohio et est le plus grand tertre figuratif du monde. Sa queue se termine en une élégante spirale, et sa tête semble être en train d’avaler un œuf géant.

L’identité de ses bâtisseurs ainsi que sa signification demeurent aujourd’hui encore inconnues. Décrit pour la première fois dans les années 1840, ce tumulus sinueux fut tout d’abord attribué aux Adenas, qui vécurent dans la région de 500 à 200 avant notre ère environ et dont les restes furent découverts dans des sépultures voisines.

Des datations au carbone 14 suggèrent que celui-ci est plus récent et qu’il aurait été construit il y a 900 ans environ, à l’époque de la civilisation de Fort Ancient. La culture de Fort Ancient fut influencée par la culture mississippienne, qui aimait à mettre en avant des serpents à sonnette dans son iconographie ; de nombreuses civilisations amérindiennes attribuaient aux serpents des pouvoirs spirituels.

Certains archéologues font remarquer que la tête du tumulus en forme de serpent est en phase avec le solstice d’été et a pu servir un but astronomique ou cérémoniel. Mais en l’absence de tout artefact et de toute trace écrite, le tumulus demeure une vaste énigme serpentine.

 

À QUOI SERVAIENT LES GÉOGLYPHES DE NAZCA ?

Il y a deux mille ans, dans le désert qui borde le littoral du sud du Pérou, furent gravées dans la terre plus d’un millier de silhouettes à la taille démesurée. Quadrangles, trapézoïdes, spirales, fines lignes et contours suggérant les formes de créatures géantes s’étirent sur des milliers de kilomètres carrés de plateaux arides massés entre les villes de Nazca et de Palpa. Dans les années 1920, des pilotes transandéens redécouvrirent ces énormes géoglyphes et inaugurèrent des décennies de recherches dont le but serait de répondre à la question suivante : à quoi pouvaient-ils bien servir ? 

Au fil des années, une multitude d’hypothèses furent émises, puis rejetées. Nous savons que ces géoglyphes furent principalement l’œuvre de la civilisation nazca qui prospéra de 200 avant notre ère à l’an 600 de notre ère environ. Des personnes ayant étudié ces silhouettes avancent tour à tour qu’elles représentent des lignes d’irrigation, un calendrier astronomique, des routes incas, des icônes visibles depuis des montgolfières archaïques ou encore, de manière tout à fait improbable mais non moins persistante, des spatioports destinés à des vaisseaux extraterrestres.

L’explication la plus en vue aujourd’hui est plus simple : ces glyphes formaient peut-être des chemins processionnels au sein d’un paysage sacré. En effet, de nombreuses silhouettes sont associées à la pluie ou à la fertilité, et des traces de pas sont encore visibles le long des contours.

 

DÉCOUVRIRA-T-ON UN JOUR EL DORADO ?

À l’origine, El Dorado était un homme et non une ville. Des explorateurs espagnols présents en Amérique du Sud eurent vent de cette légende dès le début du 16e siècle. Quelque part dans les Andes, leur dit-on, les Muiscas, un peuple autochtone, initiait ses nouveaux chefs en les saupoudrant d’or de la tête aux pieds et en jetant de l’or et des émeraudes dans un lac sacré.

Enivrés par la cupidité, des aventuriers espagnols, allemands, portugais et anglais s’enfoncèrent dans les impitoyables régions sauvages de la Colombie, de la Guyane et du Brésil, et dans tout lieu qui semblait prometteur, pour découvrir ce trésor mythique. Au fil du temps, El Dorado, qui était dans la légende un homme, est devenue une vallée pavée d’or, attendant juste d’être découverte.

Parmi ces aventuriers se trouvait Sir Walter Raleigh, dont le fils Watt mourut en 1617 en tentant de découvrir El Dorado, et qui fut lui-même exécuté à son retour en Europe pour avoir désobéi aux ordres du roi. De nombreuses personnes, des Amérindiens autant que des Européens, trouvèrent la mort dans ces quêtes brutales. Et aucun trésor tel ne fut jamais découvert.

Cependant, cette légende comporte peut-être une part de vérité. Le lac dont il est fait mention dans le récit muisca pourrait être la laguna de Guatavita, située dans les hauteurs des Andes, près de Bogotá, en Colombie. Certains objets et bijoux dorés ont été sortis de cette étendue d’eau et d’une autre située non loin de là, mais les tentatives de drainer le lac et de récupérer ses richesses supposées ont échoué. Quel qu’il soit, le trésor enfoui là-bas demeure intact.

Des portions de cet article figurent dans l’ouvrage 100 Greatest Mysteries Revealed de Pat Daniels. Copyright © 2023 National Geographic Partners, LLC.

Des piercings en pierre comme rite de passage à l’âge adulte il y a 11 000 ans

Une centaine de petits objets en pierre ont été retrouvés dans les tombes d’un site archéologique datant du Néolithique. Vu la position et la forme des objets, il pourrait s’agir de piercings que les adultes auraient arborés au niveau des oreilles et de la lèvre inférieure !

Ces humains préhistoriques ont utilisé certains outils avec 300 000 ans d'avance sur les autres !

Certains groupes préhistoriques d’Asie de l’Est possédaient déjà les techniques de tailles complexes de la période Acheuléene il y a 1,1 millions d’années, soit 300 000 ans plus tôt qu’on ne le pensait ! Ces étonnants résultats sont le fruit de l’analyse d’outils en pierre taillée retrouvés en...

La découverte de ces outils pourrait réécrire l’histoire de l’évolution humaine en Asie !

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Île des Faisans : le plus petit condominium au monde est tour à tour français et espagnol

La Bidassoa, fleuve du Pays basque, fait office de frontière naturelle entre la France et l’Espagne. Non loin de son embouchure et près de la baie de Chingoudy, enclavé entre la commune espagnole d'Irún et Hendaye côté français, se trouve un petit îlot inhabité de 200 mètres de long sur 40 mètres de large.

Cette île a plusieurs noms : île des Faisans, île de la Conférence ou isla de los Faisanes en espagnol, et Konpantzia en basque. Mais contrairement à ce que son appellation pourrait faire croire, sa particularité ne vient pas de sa faune. « Il n’y a pas de faisans sur l’île des Faisans, qui n’est qu’une façon de plateau vert. Une vache et trois canards représentent les faisans ; comparses loués sans doute pour faire ce rôle à la satisfaction des passants », regrettait d’ailleurs Victor Hugo dans son Voyage de Bayonne à Saint-Sébastien. Cette toponymie trompeuse pourrait venir d’une erreur de traduction, dans la mauvaise interprétation d'un mot français lié au « passage » ou au « péage ».

Ce qui rend l'île aux faisans singulière, c’est son statut de condominium le plus petit du monde. Elle est administrée à la fois par la France et par l’Espagne, avec un changement d’administration tous les six mois. Ainsi, elle est française du 1ᵉʳ août au 31 janvier, et devient espagnole du 1ᵉʳ février au 31 juillet. 

« L’île représente les bonnes relations entre nos deux pays et en dit beaucoup sur notre unité. Nous devons entretenir ce lien fort », affirme Javier Diez De Rivera, commandant de la station navale de Saint-Sébastien, en charge de l’île lorsqu’elle est Espagnole. 

 

UNE TERRE DE TRAITÉS ET DE MARIAGE ROYAUX

L’emplacement géographique du petit îlot, entre le Royaume de France et d’Espagne, en a fait le lieu parfait pour de multiples rencontres diplomatiques. En 1526, François Iᵉʳ qui avait été fait prisonnier par Charles Quint lors de la bataille de Pavie en 1525, y est échangé contre ses deux fils.

En 1615, on procède à un échange de princesses : l’infante d’Espagne Anne d’Autriche, fille de Philippe III d’Espagne promise à Louis XIII, et Elizabeth, fille du roi de France Henri IV, promise à Philippe IV d’Espagne.

Autre fait marquant, la signature du traité des Pyrénées. Celui-ci entérine définitivement la fin de la guerre franco-espagnole, conflit militaire entre les deux puissances qui a démarré en 1635 par l’intervention française dans la guerre de Trente Ans. Un premier traité de paix avait été signé en 1648, le traité de Westphalie. Mais la France et l’Espagne n’ont pas réussi à mettre fin à leurs hostilités mutuelles. Il fallut plus de vingt-quatre réunions, tenues sur l'île des Faisans, pour trouver un consensus entre les deux puissances. Le Cardinal Mazarin et Don Luis Menendez de Haro y Sotomayor en furent les principaux négociateurs. Finalement, le traité a été signé par Louis XIV et le roi Philippe IV d’Espagne, le 7 novembre 1659. En raison du grand nombre de négociations tenues sur l’Île, elle prend le nom d’« Île de la Conférence. »

En 1659, Louis XIV y rencontra Marie-Thérèse d’Autriche, sa future épouse. Ce projet de mariage avait pour but de sceller la paix entre l’Espagne et la France. Le 9 janvier 1722 eut lieu un nouvel échange de princesses : l’infante d’Espagne Marie-Anne-Victoire rencontra son fiancé Louis XV, roi de France ; les fiançailles furent rompues en 1723. En parallèle, Louise-Elisabeth d’Orléans, fille du Régent Phillipe d’Orléans, rencontra le prince des Asturies et futur roi d’Espagne, Louis Ier, mariage qui resta sans postérité.

 

UN STATUT HYBRIDE

En 1856, le Traité de Bayonne établit définitivement le statut de condominium, sous l’autorité indivise de la France et de l’Espagne. L’article 27 stipule ainsi que « l'île des Faisans, connue aussi sous le nom d'île de la Conférence, à laquelle se rattachent tant de souvenirs historiques communs aux deux Nations, appartiendra, par indivis, à la France et à l'Espagne ».

Ce traité, dont les verbatims sont aujourd’hui désuets, confère le titre de vice-roi pour chaque représentant de l’administration de l'île. Pour l’Espagne, il est porté par le commandant de la station navale de Saint-Sébastien, Javier Diez De Rivera et pour la France, par la directrice adjointe de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) des Pyrénées-Atlantiques, Pauline Potier. Le titre peut faire sourire, et est maintenu en France, malgré le fait que ce soit une République, pour respecter une certaine homogénéité avec l’Espagne qui est une monarchie constitutionnelle. « On n'utilise plus du tout ce titre en Espagne », précise Javier Diez De Rivera.

En ce qui concerne les « droit de police et de justice », la gestion du territoire est précisée par une convention signée le 27 mars 1901, et mise en application par un décret le 29 août 1902. L’article 1 y précise notamment que « Le droit de police dans l’île des Faisans sera exercé par la France et par l’Espagne tour à tour, pendant six mois, dans l’ordre que déterminera le sort. » Une fois par an, au moment de la passation de pouvoir de l’Espagne à la France le 1er août, une petite cérémonie est organisée sur l’île. Les représentants de chaque pays y sont présents. On y joue l’hymne français, espagnol « et même un troisième hymne, celui de l'île des Faisans, composé par l’Espagnol Juan Flaquer », ajoute le commandant. 

Dans les faits, seuls quelques employés de mairie se rendent sur l’île, principalement pour tondre le gazon et maintenir l’île en bon état. Ces employés se relaient évidemment tous les six mois en fonction du pays en charge. 

Aujourd’hui, l’île est interdite au public et il est uniquement possible de l’apercevoir depuis la berge des deux côtés de la frontière, ou depuis le Pont international qui relie la France et l’Espagne. « Cette interdiction est avant liée à des raisons de sécurité », explique Javier Diez De Rivera. « Les courants de la rivière rendent tout accès dangereux. De plus, il n’y a pas de quai pour y amarrer, et il n’y a pas de service de sécurité déployé aux alentours de façon permanente. »

Si vous souhaitez absolument la visiter, il vous faudra attendre les journées du patrimoine en France, pour espérer fouler cette terre au statut unique.

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