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Hier — 24 avril 2024Analyses, perspectives

Map. The Institutional Architecture of Europe (2024)

This map shows the overlapping between the EU, NATO, and the European Political Community launched in 2022 in a format close to the Council of Europe. A few countries have specific statutes (UK and Norway NATO and non EU members, neutral EU countries not members of NATO, Kosovo non legally recognized by all States, Switzerland). The Schengen area for the free movement of persons is a bit more limited and the map also displays the Union for the Mediterranean which gathers EU members and (...)

- Union européenne / , , , , ,
À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

France 2024 : un système légal s’effondre, il en appelle un autre qui sera libéral ou fasciste

Commençons par un constat brutal mais nécessaire : l’édifice légal et constitutionnel de notre pays est contesté de part et d’autre pour des raisons différentes. Le Conseil constitutionnel en est le plus récent exemple mais, de plus en plus fréquemment, c’est la Cinquième République qui est mise en cause en tant que telle. Un système légal s’effondre, il en appelle un autre, qui sera ou vraiment libéral ou fasciste. L’entre-deux dans lequel nous nous trouvons depuis 1958, ce semi-libéralisme, mettons, est caduc : les signes en sont multiples. On peut choisir de les voir ou de considérer que la crise est passagère car due au macronisme, un exercice particulièrement vertical et solitaire du pouvoir. À moins que le macronisme ne soit la phase terminale de notre régime, ce qu’il est urgent d’acter avant qu’un régime illibéral ne profite de la situation de fragilité institutionnelle qui est la nôtre pour s’installer.

 

Le risque est réel : nos institutions n’ont pas la solidité de celles des États-Unis pour contrebalancer un pouvoir de type trumpiste. L’équilibre des pouvoirs n’est pas au rendez-vous de la Cinquième, ce que l’on sait déjà depuis fort longtemps. Ses critiques ont été nombreux, au premier rang desquels Raymond Aron qui n’a « jamais été gaulliste » selon le mot du Général lui-même. Le Parlement est faible, le président est trop puissant : sous un régime composé d’extrêmes, la Constitution actuelle offre trop peu de limitations envers le pouvoir exécutif.

Sous le second quinquennat Macron, le contre-pouvoir réel du pays se révèle être en réalité le Conseil constitutionnel, bien davantage que le Parlement. C’est inédit, mais il faut en prendre acte. La remise en question du Conseil des « Sages », inédite elle aussi, est un constat qui s’impose également.

Que faut-il en conclure ? Que le système légal actuel est en fin de vie, ce qui nous place dans une situation dangereuse en même temps qu’elle représente l’opportunité unique de pouvoir renouveler et revitaliser notre système politique. Les deux vont de pair : le risque de faire encore moins bien que la Cinquième, régime hybride — semi-libéral ou semi-autoritaire, on l’a dit— ou en revanche, beaucoup mieux. Ou bien nous basculons pour de bon dans un régime de type fasciste, ou bien nous devenons un régime pleinement libéral, c’est-à-dire parlementaire, dans lequel la fonction présidentielle retrouve sa juste place — voire disparaît (c’est un autre sujet, quoique corrélé). Vu le climat de tensions du pays dont la crise des agriculteurs n’est qu’une énième illustration, le risque est grand qu’une dérive autoritaire s’installe en France.

Comment y échapper ?

Il y a deux conditions impératives pour qu’un renouvellement institutionnel et politique se passe dans de bonnes conditions : c’est que la notion de légitimité et celle de légalité veuillent à nouveau dire quelque chose. Qu’on songe seulement aux procès en légitimité de l’élection d’Emmanuel Macron qui n’ont cessé de fleurir depuis le début de sa seconde mandature : on peut considérer que ces procès faits au président sont eux-mêmes illégitimes, il n’en demeure pas moins que le sentiment d’une « illégitimité présidentielle » s’est propagé et qu’il faut lui donner droit de cité — ce qui ne veut pas dire qu’on le cautionne ou qu’on l’approuve. La récurrence de ce procès doit nous interpeller : on ne peut en rester à sa seule condamnation, il demande à être pris au sérieux.

Qu’on songe par ailleurs à la manière dont les lois sont désormais appliquées à géométrie variable selon que des agriculteurs s’attaquent à des bâtiments publics ou que des manifestants contre la réforme des retraites, ou des Gilets jaunes, commettent des infractions : l’intervention du ministre de l’Intérieur au 20 heures de TF1 jeudi 25 janvier dernier a suscité un tollé de réactions bien compréhensibles face au propos par lui prononcés : « Est-ce qu’on doit les [les agriculteurs] laisser faire ? Oui, on doit les laisser faire » quand bien même ceux-ci portent gravement atteinte à l’ordre public. « Deux poids deux mesures » semblent s’appliquer, comme l’a alors justement rétorqué Gilles Bouleau au ministre. Il y a là un symptôme d’un dysfonctionnement sans précédent dans l’application de nos lois qui laisse entrevoir, béante, une rupture d’égalité entre les citoyens. Cette rupture est elle-même annonciatrice d’un mal plus grave : l’effondrement du système légal dans son ensemble. Dès lors que certaines catégories de citoyens sont privilégiées par rapport à d’autres, le pacte démocratique est mis à mal, et la concorde civile, menacée. La légitimité et la légalité fracturées, c’est l’appareil étatique lui-même qui se retrouve à vaciller dangereusement.

 

La Légalité et la Légitimité marchent ensemble, quoiqu’elles ne se situent pas sur le même plan : l’une relève du juridique, de l’appareil législatif, quand l’autre relève du moral et du politique.

Complémentaire l’une de l’autre, leur combinaison, selon des modalités qui varient en fonction du type de régime, produit les conditions de l’exercice d’un pouvoir plus ou moins stable, c’est-à-dire respecté. L’une et l’autre viennent-elles à être contestées, l’État de droit n’est plus garanti, mettant en péril l’ordre politique jusque-là en vigueur. Son effondrement constitue la première étape d’une Révolution. Ce qu’il importe de comprendre, c’est que légitimité et légalité vont de pair, et que la légalité découle seulement de la première. Les lois ont force de loi pour autant que leur légitimité, — ce mélange intime de raison, de sensibilité, de tact et de lucidité qui fait qu’on croit dans ce qu’on vote— de laquelle elles découlent, est respecté. La légitimité de lois légalement établies, c’est-à-dire votées et promulguées, n’est jamais acquise pour toujours quand bien même l’appareil légal est dûment établi : on peut cesser de penser que ces lois sont légitimes tout en sachant qu’elles sont légales, à l’instar de certaines positions sur la réforme des retraites. Une avalanche de formalisme et de procédures techniques est venue noyer le fait que l’assentiment populaire n’était pas là : la légalité a supplanté la légitimité — c’est littéralement inverser l’ordre des choses quoiqu’il y ait eu une élection, prise à tort pour un blanc-seing perpétuel.

C’est la transgression ultime du macronisme : malgré son élection légale et la légalité de son élection, Emmanuel Macron s’est assis sur le principe de légitimité, il en a fait fi. Or, il faut plus que des lois pour faire que les lois fassent loi, et c’est cette assise politico-morale qui fait aujourd’hui défaut à la France en 2024. Quand tout passe en force, rien ne passe légitimement, rien ne peut bien se passer. Il y a un effet d’usure qui mine souterrainement et de l’intérieur la force de nos institutions qui sont comme un arc trop tendu dont l’élastique a été usé jusqu’au point de rupture.

Le génie politique français est atone : il faut le réinventer. Comment cela ?

L’unique remède est de repenser la légitimité du pouvoir, donc aussi le pouvoir de la légitimité. Cela ne relève pas du juridique et du législatif, mais d’abord d’inclinations politiques aussi bien que d’une convergence morale entre les citoyens : c’est de l’alchimie entre les deux que viendra la solution, mélange de confiance et d’assentiment à l’endroit d’une nouvelle proposition politique solide qui prend le mal à la racine — très ancienne. D’aucuns pourraient préférer à cet égard l’antienne autoritaire à l’option libérale, d’autant que le macronisme a gravement entamé le crédit du libéralisme politique, en étant son faussaire bien plutôt que son accomplissement. C’est aux (vrais) libéraux français de faire en sorte que l’option libérale prévale entre toutes en expliquant que le macronisme a été une contrefaçon du libéralisme et non sa réalisation. C’est sans doute là la tâche la plus difficile.

Cette option est néanmoins de très loin la plus souhaitable du point de vue de la garantie des libertés publiques et individuelles tout comme de l’efficacité dans la prise de décisions. La légitimité de l’homme fort, de Napoléon à Emmanuel Macron, est en péril : c’est l’illusion d’une efficacité dans l’action. Débarrassons-nous de ce mythe encombrant, plutôt de que le renforcer encore, ce qui est, hélas, toujours possible. Soyons conscient que le statu quo de la situation actuelle ne tiendra pas dans la durée : semblablement à une falaise, on ne retient pas une légalité qui s’effondre, et c’est bien ce qui semble se produire et devant quoi il ne faut pas avoir peur. Ou bien on optera (hélas) pour un césarisme renforcé ou bien pour sa mise entre parenthèse, qu’on espèrera pérenne. La légitimité du pouvoir, c’est-à-dire le génie de la Cinquième République gaulliste, étant en train de s’écrouler : il faut se préparer à en faire advenir une nouvelle.

L’incohérence des institutions mondiales, prélude au chaos ? par Florent Machabert

L’info de la semaine: La FED marque une pause : définitive ? Nous vous l’annoncions dans Finance & Tic, la Fed a décidé de maintenir son principal taux d’intérêt directeur dans une fourchette allant de 5,25% à 5,50%. C’est la troisième fois en quatre réunions que la Fed décide de ne pas modifier les taux, montrant ainsi son désir de soutenir l’activité économique sans provoquer de récession, même si le principal taux directeur reste à son plus haut niveau depuis plus de 20 ans et que la courbe des taux est toujours inversée (le 2-ans se paye 5% contre 4,7% pour le 10-ans), ce qui est le reflet d’une confiance plus grande dans le futur que dans le court terme ! Avec 3,7% d’inflation en glissement annuel, l’inquiétude de la Réserve fédérale reste relativement grande, avec un taux qui demeure supérieur de 85% à l’objectif (2%) qu’elle s’est fixé. Jérôme Powell, patron de la Fed, a averti que le retour à la stabilité des prix serait un processus long. Un discours qui tranche avec celui de notre Gérard Majax de Bercy.  

Bien qu’il n’ait pas exclu une nouvelle hausse des taux lors de la prochaine réunion, Powell a souligné que les effets des derniers relèvements nécessitaient du temps pour se faire sentir : la remontée persistante des taux obligataires à long terme (qui provoque un krach obligataire pour les détenteurs de titres) affectera nécessairement la capacité du gouvernement fédéral à se financer sur les marchés, laquelle est un curseur dont la politique monétaire de la Fed – pourtant indépendante (rires) – ne saurait totalement s’affranchir.

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Cyberattaques dans les hôpitaux, universités, administrations… Comment mieux résister ?

Par Mohammed Chergui-Darif et Bruno Tiberghien.

 

Collectivités territoriales, administrations publiques, hôpitaux, écoles et universités, aucune de ces organisations publiques n’est à l’abri des cyberattaques, que la Défense française définit comme :

« (toute) action volontaire, offensive et malveillante, menée au travers du cyberespace et destinée à provoquer un dommage (en disponibilité, intégrité ou confidentialité) aux informations ou aux systèmes qui les traitent, pouvant ainsi nuire aux activités dont ils sont le support. »

Selon l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité, 24,21 % des cybermenaces recensées depuis juillet 2021 à travers le monde visaient spécifiquement des administrations publiques.

Cependant, ce risque reste largement sous-estimé en France, comme le soulignait en 2020 une étude du Clusif, l’association de référence de la sécurité du numérique, menée auprès de collectivités territoriales – malgré le fait que près de 30 % d’entre elles ont subi des attaques par rançongiciel en 2019.

 

Des organismes plus vulnérables

En effet, contrairement aux entreprises privées qui peuvent investir fortement en cybersécurité, les administrations publiques ont généralement des moyens plus restreints. En conséquence, leur capacité à recruter des experts dans ce domaine, attirés par les salaires plus élevés du secteur privé, reste limitée. Ces contraintes renforcent leur vulnérabilité face aux cyberattaques, qui ont connu une augmentation considérable depuis la crise du Covid-19.

Depuis une dizaine d’années, les hôpitaux français étaient déjà des cibles privilégiées.

Encore très récemment, le 7 juin 2023, Aix-Marseille Université a connu une cyberattaque qui a eu pour effet le blocage total et temporaire de l’ensemble de ses services numériques pour les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels administratifs. La direction du numérique de l’établissement ayant très rapidement isolé son réseau, cette mise hors d’accès a permis de préserver l’intégrité du système informatique, d’éviter des dégâts potentiellement importants et d’assurer un retour rapide à la normale.

Si un niveau élevé de sécurité permet de contrecarrer et résorber la plupart des tentatives d’intrusion, ces phénomènes posent néanmoins de sérieux défis en matière de résilience technologique et organisationnelle. En effet, comment assurer la continuité des services publics tout en protégeant les systèmes d’information et les données personnelles des utilisateurs (personnels et usagers) ?

 

Des mesures techniques et organisationnelles

La notion de résilience renvoie de manière générique à une capacité à résister, absorber et/ou rebondir face à un choc traumatisant, que cela soit à un niveau individuel, organisationnel, territorial voire sociétal. Sur le plan organisationnel, la résilience implique des capacités dynamiques visant à anticiper, résister, s’adapter ou encore se transformer, se réinventer.

Appliquée au domaine des technologies du numérique, la résilience implique à la fois des mesures de sauvegarde, de protection des données, mais aussi de maintien de l’activité. Selon une étude conjointe du cabinet de consulting KPMG et l’entreprise informatique Oracle, il convient de définir ces mesures de manière préventive afin qu’elles puissent être déployées efficacement et rapidement le cas échéant.

Plusieurs méthodes peuvent être mobilisées. Sur le plan technique, le principe du moindre privilège, selon lequel même les communications internes sont considérées non sécurisées, peut notamment être appliqué. De même, des systèmes de gestion de l’information et des événements de sécurité (SIEM) analysent les informations en temps réel pour détecter d’éventuelles anomalies. Enfin, rappelons qu’une bonne compréhension de la configuration du réseau est cruciale pour anticiper et prévenir les attaques.

Sur le plan organisationnel, obtenir une certification d’une autorité compétente peut aider à prouver que le système a atteint un certain niveau de sécurité. Une cartographie claire du système d’information, même s’il est complexe, reste également essentielle pour identifier les failles potentielles. La communication de crise auprès des usagers doit aussi être prête en cas de crise. Enfin, la formation du personnel doit permettre aux équipes de reconnaître les tentatives d’hameçonnage.

Le cas de l’entreprise GitHub, même s’il ne met pas en scène une administration publique, constitue une illustration de l’efficacité de ces principes. En 2018, ce site de développement collaboratif de logiciel a été victime de ce qui a été qualifié de plus importante cyberattaque de l’histoire, ce qui ne l’a pas empêché de maintenir son service grâce à une organisation bien pensée (réplication de données, existence de serveurs alternatifs) et une préparation préalable à ce genre d’attaque. Cet épisode montre que les solutions résident dans une approche qui combine des mesures techniques et organisationnelles.

Mohammed Chergui-Darif, Doctorant contractuel en science de gestion à l’Institut de Management Public et Gouvernance Territoriale (IMGPT) / CERGAM, Aix-Marseille Université (AMU) et Bruno Tiberghien, Maître de conférences HDR en sciences de gestion à l’Institut de Management Public et de Gouvernance Territoriale (IMPGT) d’Aix-en-Provence, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

La crise démocratique peut-elle être résolue par la réforme des institutions ?

Par Luc Rouban.

La séquence politique ouverte par la réforme des retraites a remis au premier rang la question de la crise démocratique en France. Le gouvernement a utilisé systématiquement toutes les dispositions constitutionnelles pour encadrer la procédure parlementaire, à un moment où il ne disposait que d’une majorité relative, afin de concentrer la décision au sommet du pouvoir exécutif en justifiant ces procédés comme découlant naturellement du programme qu’Emmanuel Macron avait présenté en 2022 et pour lequel il avait été élu.

Le débat s’est donc tout de suite orienté vers une nécessaire réforme de la Constitution afin de donner plus de place au Parlement et réduire les pouvoirs de la présidence jugés excessifs, notamment par la Nupes, mais aussi par certains constitutionnalistes.

 

Revenir au régime parlementaire

Le retour au régime parlementaire a été évoqué depuis longtemps par La France Insoumise dans le cadre de son projet de VIᵉ République qui propose également, tout comme le Rassemblement national, de passer au scrutin proportionnel et de pratiquer des référendums d’initiative citoyenne.

Mais des propositions ont été également faites par le gouvernement dans le cadre du Grand débat national de 2019 afin de modifier le mode de scrutin pour introduire une dose de proportionnelle, réduire la durée des mandats électifs dans le temps ou élargir le champ du référendum. Ces projets sont restés lettre morte mais l’idée générale, développée depuis longtemps dans la littérature internationale de science politique, est d’améliorer le fonctionnement démocratique par la réforme des institutions, notamment en développant la participation des citoyens.

Ces réformes auraient pour but de sauver la démocratie représentative face aux dérives autoritaires, aux manipulations de l’opinion et au simplisme démagogique que la démocratie directe peut produire. Le problème est de savoir si la démocratie représentative elle-même est encore « sauvable », surtout lorsque l’Assemblée nationale donne une piteuse image du débat démocratique en passant aux insultes et aux provocations.

On peut donc poser deux questions de recherche : est-ce que la critique de la démocratie représentative est moins intense dans des régimes parlementaires ? Est-ce que la confiance dans les institutions politiques est plus forte dans ces régimes ?

On s’appuiera ici sur les données de la vague 14 du Baromètre de la confiance politique du Cevipof réalisée en février 2023 qui permettent de comparer la France à l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, trois pays à régimes parlementaires aux modes de scrutins variés. L’ensemble des éléments d’analyse et des variables est présenté dans une note de recherche récemment publiée.

 

La critique de la représentation ne dépend pas du régime institutionnel

La première observation tient à ce que le rejet des élus et donc du principe même de la représentation est très général mais ne varie pas en fonction du régime institutionnel ou du mode de scrutin adopté par chaque pays.

On a construit un indice de critique de la démocratie représentative à partir des réponses positives (tout à fait d’accord ou plutôt d’accord) aux propositions suivantes :

  • c’est le peuple, et pas les responsables politiques, qui devrait prendre les décisions politiques les plus importantes ;
  • je préfèrerais être représenté par un citoyen ordinaire plutôt que par un politicien professionnel ;
  • les responsables politiques sont déconnectés de la réalité et ne servent que leurs propres intérêts.

 

Ces trois variables sont fortement corrélées entre elles et constituent une échelle statistique fiable que l’on a dichotomisée entre un niveau bas de critique (aucune ou une réponse positive) et un niveau élevé (deux ou trois réponses positives).

Si l’on examine la distribution du niveau élevé, on voit que l’écart entre les catégories populaires et les catégories supérieures est le plus important en France (12 points) avant celui que l’on observe au Royaume-Uni (7 points). Bien plus, la corrélation s’inverse en Allemagne et Italie où ce sont les catégories supérieures qui se révèlent être plus critiques à l’égard de la représentation que les catégories populaires ou moyennes.

De tels résultats montrent que l’analyse en termes de « populisme » se révèle spécieuse car les catégories supérieures critiquent partout en majorité la représentation politique.

Le régime parlementaire ne crée pas davantage de confiance dans les institutions politiques

La seconde question est tout aussi centrale dans le débat actuel.

L’effondrement du niveau de confiance dans les institutions politique pose la question de savoir si cette confiance est plus haute dans des pays où l’on pratique une démocratie parlementaire pacifiée. La réforme des retraites n’a pas fait que nuire au pouvoir exécutif, elle a également touché le Parlement.

La proportion d’enquêtés ayant confiance dans l’institution présidentielle est passée de 38 % en janvier 2022 à 30 % en février 2023 mais la proportion de ceux qui ont confiance dans l’Assemblée nationale est passée dans le même temps de 38 % à 28 %. Et la proportion de ceux qui ont confiance dans leur député n’est que de 36 %, soit le niveau le plus bas atteint depuis la création du Baromètre en 2009.

Mais les régimes parlementaires que nous avons étudiés ne font guère mieux.

En Italie et au Royaume-Uni, le niveau de confiance dans la chambre basse est de 27 % alors que les modes de scrutin y sont radicalement différents. Ce n’est qu’en Allemagne que cette proportion s’élève à 47 %. Si l’on crée un indice de confiance dans les institutions politiques qui intègre la confiance dans le gouvernement, dans la chambre haute et la chambre basse, et qu’on le dichotomise en deux niveaux, on voit que les résultats sont similaires en France, en Italie et au Royaume-Uni.

Mais c’est toujours en France que le contraste est le plus fort entre les catégories populaires et les catégories supérieures dans la confiance qu’elles portent aux institutions politiques. Une fois de plus, ce ne sont pas les institutions qui font la différence mais les catégories sociales.

L’analyse montre au total qu’il n’y a pas de corrélation entre le système institutionnel et la crise démocratique.

Des régimes parlementaires ayant des structures fortement décentralisées et fonctionnant avec des modes de scrutin très différents n’obtiennent pas des résultats bien meilleurs que ceux obtenus en France. La crise démocratique prend moins sa source dans le fonctionnement même de la Ve République que dans les dynamiques sociales qui génèrent la confiance ou la défiance dans les institutions. C’est pourquoi la réforme institutionnelle ne servira à rien tant que des questions comme la mobilité sociale ou l’accès aux élites n’auront pas été résolues.The Conversation

Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Russie : Dictature, autocratie ou démocratie ?

Alors que la situation mondiale évolue à grande vitesse et que les difficultés et l’isolement de l’Occident deviennent de plus en plus évidente, dans notre pays la propagande se poursuit toujours plus éloignée du réel. Nouvelle vidéo qui donne cette… Continue Reading

Israël-Palestine. Emmanuel Macron en marche vers Jérusalem

Par : Jean Stern

Pro-israélien fasciné par la « start-up nation », le président de la République sortant pourrait faire évoluer le soutien historique de la France à la solution à deux États dans le sillon des Accords d'Abraham. Plusieurs pays concernés sont des alliés de la France et de bons clients de ses marchands d'armes. La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël est au cœur du débat chez ses partisans.

La petite phrase est passée inaperçue. Ce 24 février 2022, au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) au Carrousel du Louvre à Paris, le millier de convives a la tête ailleurs. Ambassadeurs, ministres — pratiquement tout le gouvernement — et quatre candidats à la présidence, la maire de Paris Anne Hidalgo, la présidente du Conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse, les députés Yannick Jadot et Jean Lassalle ne parlent que de l'Ukraine. L'invité d'honneur, le président Emmanuel Macron, a fait faux bond pour se rendre à un sommet convoqué en urgence à Bruxelles consacré à la guerre que la Russie vient de déclarer. Son épouse Brigitte et le premier ministre Jean Castex le représentent.

Ce dernier lit un discours préparé par le président. « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif, je n'ai jamais cessé de le dire », martèle-t-il pour Macron. Et « comme vous, je m'inquiète de la résolution des Nations unies sur Jérusalem qui continue d'écarter, à dessein et contre toute évidence, la terminologie juive de “mont du Temple” ». Cette résolution, adoptée par les Nations unies en décembre 2021 et votée par la France, a été qualifiée de « négationniste » par le président du CRIF Francis Kalifat, dans son discours introductif. Un son de cloche à New York, un autre à Paris : le double langage de Macron illustre ce « en même temps » qui masque les errements de sa politique étrangère.

Si le président fait état de son attachement personnel à Jérusalem, la mémoire collective n'a gardé que le souvenir de son passage à l'église Sainte-Anne dans la Vieille Ville. En janvier 2020, il s'était emporté contre des policiers israéliens devant cette propriété de la France, dans une tentative de marquer les esprits avec un remake de la sainte colère de Jacques Chirac en 1996 contre d'autres policiers, dans la même Vieille Ville. Macron n'était alors pas en voyage présidentiel officiel, mais en déplacement « mémoriel », à l'occasion d'un forum international organisé pour le 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau.

Avec ses propos sur Jérusalem, le président se fait applaudir au dîner du CRIF. Dans la foulée du « deal du siècle » et du transfert de l'ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, le CRIF demande à la France de suivre le mouvement vers la « capitale éternelle » en y installant son ambassade. « Je ne l'avais jamais entendu dire une chose pareille, affirme un fin connaisseur de la région. Pas plus que je ne le savais habitué à fréquenter Jérusalem. Il a peut-être fait un pèlerinage adolescent ? », ironise le même homme.

« Des termes historiques chargés de honte »

Dans la foulée, le président dénonce le rapport d'Amnesty International (sans citer l'organisation) sur l'apartheid d'Israël à l'égard des Palestiniens, publié début février : « Il y a un abus de termes historiques chargés de honte. Comment peut-on parler d'apartheid ? C'est une contre-vérité ». En coulisse, la députée La République en Marche (LREM) Aurore Bergé, présidente du groupe d'amitié France-Israël, en rajoute contre « la campagne scandaleuse d'Amnesty International qui parle d'apartheid alors qu'Israël est évidemment une démocratie. Les associations qui professent la haine doivent évidemment être dissoutes ». Semblant menacer Amnesty, Bergé faisait allusion à la dissolution de deux (petites) associations, le collectif Palestine vaincra et le Comité action Palestine. Réclamées par Francis Kalifat et par le ministre de l'intérieur Gérard Darmanin, présent lui aussi au dîner, ces dissolutions seront annoncées dans la foulée par Jean Castex — c'est-à-dire Macron. Elles ont effectivement été dissoutes au conseil des ministres du 9 mars 2022.

Dans l'attente de l'ami Lapid

À la mi-août 2023, si le cabinet de coalition dont il est le ministre des affaires étrangères tient toujours la route, ce qui n'est pas du tout sûr, Yaïr Lapid sera le premier ministre israélien. Le leader du parti Yesh Atid (Il y a un futur) est le grand ami israélien du président français, le seul sans doute. Auteur de polars, ancien journaliste, ce « beau gosse » du centrisme a été un artisan obstiné de la chute de Benyamin Nétanyahou. Le 5 avril 2019, à quelques jours d'un énième round électoral en Israël, le président de la République l'a gratifié d'une chaleureuse accolade sous les flashs à l'Élysée. Deux ans plus tôt, Lapid avait appelé à voter Macron contre la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, « le bon sens contre un dangereux populisme ». Les deux amis se sont retrouvés en novembre 2021 à Paris, sans que les révélations sur l'usage du logiciel espion Pegasus viennent troubler leur rencontre. « Pegasus pourrit deux portables du président, et pourtant rien ? », s'indigne un diplomate. « Personne n'a écouté le téléphone du président », répond sans rire Lapid.

La photo d'avril 2019 était surtout un message pour Nétanyahou. Plusieurs connaisseurs de la région ayant pour la plupart servi sous François Mitterrand ou Jacques Chirac lui conseillent de s'en méfier depuis le début de son mandat. « Israël est une démocratie, mais la manière dont Nétanyahou gouvernait posait problème, m'explique l'un d'eux, ancien de nos services de renseignement. Il y a la Knesset, la Cour suprême, le système est accroché à la démocratie. Mais tout de même il y a des trous là-dedans, le système d'occupation est très tordu ». Ainsi briefé, « Macron n'a pas voulu la jouer copain-copain » avec un Nétanyahou souvent jugé à Paris « retors », « pas fiable ».

Un « risque d'apartheid en Israël »

« Certes, le président est plutôt proche de Tel-Aviv et des réseaux politiques, économiques et culturels qui soutiennent Israël à Paris, commente un député de la majorité sortante. Cela dit, sur les projets d'annexion de la vallée du Jourdain, Macron a fait le boulot, Jean-Yves Le Drian a été à cent pour cent clair, net et précis ». « La France a été silencieuse, mais pas muette », reconnaît Bertrand Heilbronn, de l'Association France-Palestine Solidarité. Le Drian s'est exprimé sans ménagement pour le gouvernement israélien devant le Sénat, et a même évoqué en 2021 un « risque d'apartheid en Israël » si la solution à deux États n'avançait plus. Mais, pas plus sous François Hollande que sous Emmanuel Macron, la France n'a reconnu l'État de Palestine, malgré un vote très favorable pour la reconnaissance de la part de l'Assemblée nationale en décembre 2014, avec 339 députés favorables et 151 contre. « La position du Parlement français n'a pas inspiré nos deux présidents successifs », déplore Gwendal Rouillard, le député LREM de Lorient proche de Jean-Yves Le Drian, qui était au Parti socialiste en 2014 et avait voté la résolution. Si la France entretient des relations diplomatiques avec la Palestine, La Suède reste le seul pays européen à la reconnaître.

Cependant, si le ministre des affaires étrangères n'a pas su faire avancer cette reconnaissance, il n'a jamais mis les pieds en Israël, pas plus sous François Hollande que sous Emmanuel Macron. Il connaît pourtant bien la région, et est à la manœuvre pour les ventes d'armes françaises qui affichent une croissance exponentielle depuis une décennie avec de très gros clients : Émirats arabes unis (EAU), Arabie saoudite, Qatar et Égypte. Les premiers ministres Édouard Philippe et Jean Castex — dans un contexte sanitaire difficile pour ce dernier — ne sont pas non plus allés en Israël durant le quinquennat. Gilles Boyer, député européen, plus proche conseiller et ami d'Édouard Philippe a même signé en 2020 l'appel des parlementaires européens contre l'annexion, tout comme Gwendal Rouillard. Trois candidats de gauche, éliminés au premier tour, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Fabien Roussel ont également signé ce texte. Ainsi que plusieurs députés européens du groupe Renew, auquel LREM est affilié, dont Bernard Guetta et Stéphane Séjourné, qui conseille Macron et est à la ville le compagnon de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Attal était au dîner du CRIF, pas Séjourné.

Rebondir sur les accords d'Abraham

« N'attendez pas de trouver un programme, il n'y en a pas, puisque le candidat président sortant, par définition, défend plus un bilan qu'une alternative », m'explique en off une députée de la majorité. Macron semble, poursuit la députée, à la recherche « d'une porte de sortie », après ce qu'elle qualifie d'un mandat de « surplace » sur la Palestine et Israël. À cela, elle ajoute un échec personnel cuisant au Liban.

Dans les faits, malgré les protestations officielles et les pétitions d'élus, il ne s'est rien passé. Macron n'a pas bougé pendant son premier mandat. Pour Rony Brauman, « la Palestine, ce n'est pas sa tasse de thé ». Cet homme seul, est « marqué par une dérive monarchique », poursuit-il. Il « n'a pas de vision en politique étrangère », ajoute l'ancien député communiste Jean-Claude Lefort. Alors, rebondir dans le cadre des Accords d'Abraham pourrait être une forme d'aubaine pour reprendre l'initiative. « On assimile les Accords d'Abraham à une volonté américaine, mais ce sont les Israéliens qui ont travaillé à leur réalisation. Israël cherche à s'émanciper des États-Unis. Cette distanciation s'accompagne d'une intensification des relations entre Israël et la Chine », poursuit Jean-Claude Lefort. Or, les meilleurs soutiens des Israéliens dans cette affaire ont été les Émiratis. Les EAU sont des clients, mais aussi des alliés de la France, qui y dispose de trois bases militaires. Il paraît difficile d'imaginer que les généraux et hommes d'affaires assidus à Abou Dhabi n'aient pas discuté, en amont, des accords d'Abraham avec leurs amis émiratis. Et fait remonter des infos à Paris, à Le Drian et bien sûr à Macron.

La France dispose également d'une base militaire en Jordanie, où sont déployés des avions Rafale et des systèmes antimissiles, et entretient une coopération militaire et sécuritaire étroite avec l'Égypte, récemment mise à jour par le site Disclose. Au-delà de ces accords, ajoute l'historienne Frédérique Schillo « sur deux points essentiels, la France et Israël sont dans le même camp : sur la Libye avec les EAU, et sur le gaz en Méditerranée avec le forum bâti par Israël, l'Égypte et la Jordanie ».

Certes, « la France n'a pas suivi Trump sur Jérusalem, la Cisjordanie et le Golan, et a réaffirmé sa position classique sur la colonisation et la solution à deux États, explique un spécialiste de la région. Mais on a les mêmes amis avec Israël, les EAU, le Maroc, mais aussi l'Égypte et la Jordanie. On vend du lourd et des alliances militaires. Cela explique le caractère très mesuré de la position d'Emmanuel Macron qui a préféré mettre la poussière sous le tapis ». « Il faut tenir compte du rapport de force sur le terrain, des évolutions du monde arabe, et du plan Trump aussi, non pas pour l'accepter dans sa totalité, mais parce que c'est un élément nouveau et un point de départ », explique un député LREM sortant. « Il faudra une position claire et nette qui passe par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël  », dit un autre élu.

Cette forme d'adoubement de Jérusalem comme capitale est-elle un indice sur ce que pourrait être, en cas de second mandat, une évolution de la France ? La petite phrase de Macron au dîner du CRIF semble donc tout sauf anodine. Un ambassadeur influent actuellement en poste dans la région, et proche du président de la République sortant, est pour sa part favorable au transfert de l'ambassade de France à Jérusalem. Mais le diplomate conseille à Macron de reconnaître «  en même temps » à la fois un État de Palestine dont les contours restent encore flous, et Al-Qods (Jérusalem, dans sa partie Est) comme capitale de cet État.

« Ce serait assez symbolique, explique ce conseiller de l'ombre, il suffirait d'installer à Jérusalem-Est une résidence présidentielle, deux ou trois antennes ministérielles, tout le reste resterait à Ramallah ». Après tout, ajoute-t-il, la capitale palestinienne a été un temps Jéricho. Mais cela semble tout de même assez chimérique, et ne tient guère compte des évolutions sociales et culturelles de la jeunesse palestinienne, exaspérée par l'Autorité palestinienne, ni du silence actuel des dirigeants arabes sur le sujet. Pas un mot par exemple sur la situation à Jérusalem de la part du roi du Maroc, dont il faut rappeler qu'il est le président du Comité Al-Qods chargé de veiller sur les lieux saints musulmans de la ville.

Le grand silence des dirigeants arabes

Face à la nouvelle donne ouverte par les accords d'Abraham, « la France n'a fait pour l'instant que prendre note », poursuit une députée sortante de la majorité. Alors qu'un froid durable s'installe entre les États-Unis et Israël, Macron songerait à une alliance stratégique avec la France, Israël et plusieurs pays arabes, l'Arabie saoudite, les EAU, l'Égypte, la Jordanie, le Maroc. Mais à quoi bon en parler maintenant, puisque c'est un sac d'embrouilles ? « Ce n'est pas un sujet très populaire. Donc on ne veut pas trop se mouiller, ce n'est ni très courageux ni très glorieux », commente un député. Dans ce cadre, pas un mot pour la Palestine, la grande oubliée du quinquennat finissant. Pour les Palestiniens, il n'y aura plus grand-chose à attendre de la France si Macron est réélu le 24 avril prochain. Sa déclaration sur Jérusalem a d'ailleurs été reçue comme un coup de couteau dans le dos par l'Autorité palestinienne. Le consul de France à Jérusalem a été convoqué à Ramallah, pour réaffirmer que la position de son pays n'avait pas changé… Là encore, qui croire ?

En tout cas, la voie est libre, puisque Macron n'est pas seul à oublier les Palestiniens. Il n'y a guère, parmi les dirigeants des pays arabes, que l'émir du Qatar, Thamim al-Thani, pour rappeler le sort, lors de l'ouverture du Forum de Doha en mars 2022, « des millions de Palestiniens qui souffrent de l'occupation israélienne et de la négligence internationale depuis sept décennies ». Les ministres des affaires étrangères d'Égypte, du Bahrein, du Maroc et des Émirats, réunis à peu près au même moment dans le Néguev pour un sommet qualifié d'historique avec leur homologue israélien Lapid et le secrétaire d'État américain Blinken, n'ont pas jugés bon de se rappeler au bon souvenir des Palestiniens...

Un diplomate israélien fait d'ailleurs remarquer qu' « aucun des ministres arabes participant au Sommet du Néguev n'a rendu visite à Mahmoud Abbas », le président palestinien, plus isolé que jamais à Ramallah. Pas plus qu'ils n'ont songé à se rendre à Gaza. Le sommet se tenait à Sde Boker, kibboutz qui fut longtemps la résidence de David Ben Gourion et compte aujourd'hui deux des hôtels les plus chics et chers d'Israël, à une heure de route de Gaza...

Une fracture nommée résolution Maillard

La majorité parlementaire a suivi le souhait d'Emmanuel Macron en adoptant à l'automne 2019 la résolution écrite par le député LREM Sylvain Maillard sur l'antisémitisme et l'antisionisme, à la grande satisfaction du gouvernement israélien. Mais ce fut sans gloire, avec seulement 154 voix pour sur un total de 577 députés. Au groupe LREM, 84 ont voté pour, 26 contre, sur 303 élus. Ce vote, Emmanuel Macron l'avait promis à Benyamin Nétanyahou, en utilisant toutes les formules qui conviennent lors d'une cérémonie au Vel d'Hiv en 2017. Il a également satisfait les néoconservateurs français, très sensibles aux sirènes qui soutiennent que l'antisionisme n'est qu'une forme d'antisémitisme. Cela dit, contrairement au président du CRIF et à son discours de 2019, Macron n'est pas revenu dans son discours de février sur cet amalgame.

La résolution Maillard a révélé un malaise chez les parlementaires. « Elle a été contreproductive. Beaucoup de députés se sont demandé pourquoi on a cherché à les instrumentaliser sur un sujet qui les divisait. Ils se sont dit que quelque chose n'allait pas », explique une députée sortante. « La résolution Maillard a été une vraie faute. Elle acte une confusion entre l'antisémitisme, pénalement condamnable, et la critique de la politique israélienne. Elle a été comprise comme un signal allant toujours dans le même sens », déplore pour sa part Gwendal Rouillard, député LREM sortant du Morbihan. Son collègue du Mouvement démocrate (Modem) Bruno Joncour va dans le même sens : « La résolution Maillard a été un moment de fracture. On a été loin d'une majorité claire à son sujet, révélatrice de la complexité du dossier. Au Modem, cela n'a pas été très glorieux : 5 pour, 5 contre ». Et 13 absentions...

Si les élus de La France insoumise (LFI) et de la Gauche démocratique et républicaine (le PCF et ses alliés) ont très majoritairement voté contre, dont Jean-Luc Mélenchon (mais pas le candidat communiste Fabien Roussel qui n'a pas pris part au vote), l'adoption de la résolution Maillard a provoqué des fractures à LREM, au Parti socialiste, au Modem. « Sur le sujet Israël-Palestine, beaucoup de parlementaires se taisent, le plus souvent par opportunisme ou par lâcheté. Ils ont peur d'être pris dans une tourmente. L'islamophobie est un titre de noblesse alors que l'accusation d'antisémitisme vaut la déchéance. Le vote sur la résolution Maillard a surtout révélé qu'il y avait beaucoup de planches pourries sur le sujet », déplore un observateur avisé de la région. Ce n'est pas près de changer, pas plus que la position du président sortant. Le président de la République persistant, il y a quelques jours encore en présence du président israélien Haïm Herzog, à affirmer que « l'antisémitisme et l'antisionisme sont les ennemis de notre République ».

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Cet article, initialement publié le 17 mars 2022, a été complété et mis à jour le 17 avril 2022

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Institutions régionales au Maghreb

Le dernier numéro du Magazine de géopolitique, Conflits, est consacré au Maghreb (n° 20, janvier-mars, disponible en kiosque (ou sur le site ici) pour 9,9 €).. J'ai l'honneur d'y signer un article qui fait le point des différentes institutions maghrébines ou incorporant des États maghrébins. A lire ci-dessous.

Comme beaucoup de régions, le Maghreb est traversé d’institutions internationales : comme souvent désormais, elles sont bien souvent peu pertinentes.

La première est évidement l’Union du Maghreb Arabe (UMA), créée en 1989 et réunissant les cinq Etats du Maghreb. Toutefois, elle n’a suscité aucune avancée concrète et elle reste bloquée à cause du conflit du Sahara Occidental et donc de la dispute entre l’Algérie et le Maroc. Il s’agit finalement de l’organisation sous-régionale africaine qui est la plus bloquée, alors que les cinq pays ont déjà une civilisation en commun et qu’une intégration économique régionale permettrait un développement important de la zone. Il faut citer l’ONU, présente dans la zone au travers de la MINURSO au Sahara occidental mais aussi de son rôle en Libye.

Institutions arabo-musulmanes

Les pays du Maghreb partagent énormément de fondements culturels et civilisationnels. Pourtant, aucune des institutions du monde arabo-musulman ne leur a donné réellement satisfaction pour développer leurs échanges.

Les cinq pays maghrébins sont membres de la Ligue arabe, qui a été créée en 1945. La Libye rejoint l’organisation en 1953, la Tunisie et le Maroc dès 1958 à la fin du protectorat, l’Algérie en 1962 dès son indépendance, la Mauritanie enfin en 1973. Il ne faut pas méconnaître cependant le sentiment de supériorité des pays du Machrek envers ceux du Maghreb, même si le siège de la Ligue a été installé à Tunis de 1979 à 1990. Si le panarabisme a eu un rôle politique important au cours de la Guerre froide, il est aujourd’hui en panne, les pays arabes peinant à trouver des convergences politiques.

Aussi quelques pays signent en 2001 l’accord d’Agadir (Égypte, Jordanie, Maroc et Tunisie, rejoints par Liban et Palestine en 2016) qui crée une zone de libre-échange arabe. Il entre en vigueur en 2007 et est soutenu par l’UE. Cependant, des difficultés demeurent et il peine à croître. Il s’agit d’une version réduite du Conseil de l’unité économique arabe, créée en 1957 dans le cadre de la Ligue arabe et qui n’a pas donné de résultats. L’organisation de la coopération islamique (OCI) a été créée en 1969 à l’instigation de l’Arabie Saoudite. Les 5 pays maghrébins en sont membres fondateurs. Toutefois, cette organisation religieuse mais aussi politique et culturelle n’est pas un grand cadre de coopération intra-maghrébine

Institutions méditerranéo-européennes

Les pays du Maghreb se sont d’abord tournés vers le nord de la Méditerranée et notamment les pays européens. Les anciennes puissances coloniales de la zone (Espagne, France, Italie) conservent en effet de profonds intérêts. Mais au-delà des nombreux accords bilatéraux, les initiatives institutionnelles donnent peu satisfaction.

Le partenariat Euromed, ou processus de Barcelone, a été créé en 1995 et inclut un certain nombre de pays méditerranéens, dont Algérie, Maroc et Tunisie, ainsi que la Mauritanie depuis 2007 (la Libye a un statut d’observateur). Il constitue le volet méditerranéen de la politique européenne de voisinage (PEV). L’UE distribue ainsi quelques aides financières aux pays bénéficiant d’un statut avancé (Maroc et Tunisie). Le processus de Barcelone a été « renforcé » à partir de 2008 avec la création de l’Union pour la Méditerranée, réunissant tous les pays de l’UE et les pays riverains (la Libye est observateur). Un certain nombre de programmes sont labellisés (transport, énergie, économie bleue, etc…) mais il est à la fois très institutionnel et peu centré sur les problématiques particulières du Maghreb.

Pour justement se concentrer sur la Méditerranée occidentale, les cinq pays de l’UMA ainsi que les cinq riverains du nord (Espagne, France, Italie, Malte, Portugal) créent en 1990 le dialogue 5+5. Les conversations régulières portent sur des sujets sectoriels (intérieur, transports, défense, migrations, finance, enseignement…). Là encore, il s’agit de rencontres formelles avec peu d’effets concrets.

Le dialogue méditerranéen est le partenariat de l’Alliance atlantique dédié « au sud » : y participent l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie (ainsi que d’autres pays du pourtour : Égypte, Israël, Jordanie). Créé en 1995 (l’Algérie ne l’a rejoint qu’en 2000), il n’a pas instauré une dynamique collective et les quelques actions sont principalement bilatérales (OTAN + 1).

Institutions africaines

C’est pourquoi on observe une sorte de mouvement vers l’Afrique. Les cinq sont membres de l’Union Africaine, maintenant que le Maroc à rejoint l’organisation en 2017, après l’avoir quittée en 1984. Le plus intéressant demeure pourtant la question des organisations sous-régionales. Ainsi de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) créée en 1975 (PIB de 817 G$, population de 360 Mh). Avec son retour dans l’UA, le Maroc a demandé dès 2017 l’adhésion à la CEDEAO. Celle-ci a donné son accord de principe mais les modalités de détail traînent. La Mauritanie qui en était membre a quitté l’organisation en 2000 mais a signé un accord d’association en 2017. On observe que la constitution d’un grand bloc commercial à l’ouest de l’Afrique constituerait un puissant facteur de développement, une fois la question de la monnaie résolue.

Le Marché commun de l'Afrique orientale et australe aussi connu sous son acronyme anglais COMESA, a été fondé en 1994 et inclut depuis 2005 la Libye et 2018 la Tunisie (des négociations sont en cours avec l’Algérie). Il s’agit d’un marché commun (677 G$ et 475 Mh). Pour mémoire, citons la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) a été créée en 1998. Elle comprend 29 États dont les pays maghrébins sauf l’Algérie. Elle a pour ambition d’établir une union économique globale mais aussi de développer les réseaux de transport. On voit ainsi se constituer des blocs sud-sud. Alors que l’histoire et la géographie militent pour une intégration latérale entre les cinq pays du Maghreb, le blocage de l’UMA et une certaine négligence européenne incitent les États maghrébins à développer des stratégies autonomes, principalement en direction du sud, avec un satellite occidental (Maroc et Mauritanie vers la CEDEAO) et un autre oriental (Libye et Tunisie vers la COMESA). Les stratégies sont d’abord économiques mais aussi sécuritaires (notamment le sujet de la coopération sur la question des migrations : on rappelle ici que la Mauritanie appartient au G5 Sahel). L’Algérie reste un peu isolée dans ce mouvement général.

Olivier Kempf dirige la lettre stratégique La Vigie (www.lettrevigie.com). Il a publié « Au cœur de l’islam politique » (UPPR, 2017).

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