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Hier — 19 avril 2024Analyses, perspectives
À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Iran’s Retaliation: Early Implications

Par : AHH

Iran’s Retaliation: Implications of the Attack on Israel | Syriana Analysis W/ Mohammad Marandi

Join us as we explore the recent unprecedented Iranian attack on Israel, which consisted of a wave of drones and missiles launched in retaliation for an attack on the Iranian consulate in Syria. Dr. Mohammad Marandi, a Professor at the University of Tehran, provides insights on the implications of this attack.

“The era of strategic patience is over.” As with Bears forced to awaken over Genocide in Novorossiya, it is active deterrence from now on.

Une centaine d’instructeurs militaires russes est arrivée au Niger

instructeurs niger

instructeurs nigerDes spécialistes militaires russes sont arrivés au Niger, où ils formeront l’armée nigériane. C’est ce qu’a rapporté la Radiotélévision du

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Lavrov en visite à Pékin

lavrov chine

lavrov chineLe ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que Moscou et Pékin envisageaient de contrer le régime de

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La gouverneur de Gagaouzie (Moldavie) en visite à Moscou

gagaouzie visite

gagaouzie visiteLa chef de l’autonomie gagaouze de Moldavie, Evghenia Gutsul, est en visite de travail à Moscou, a rapporté le correspondant

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L’OTAN fête ses 75 ans

otan anniversaire

otan anniversaireLe siège de l’OTAN à Bruxelles a célébré jeudi le 75e anniversaire de l’alliance. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens

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Les tourments ininterrompus des Kurdes d'Irak

Il y a trente-six ans, les avions irakiens larguaient des bombes chimiques sur la ville de Halabja, dans le Kurdistan irakien. Ce massacre peut être comparé à celui que l'aviation nazie de la légion Condor avait commis en avril 1937 en ravageant la ville basque de Guernica. Dans un récit, la journaliste Béatrice Dillies revient sur cette tragédie.

En 1988, le conflit qui oppose la république islamique d'Iran et la république d'Irak entre dans sa huitième année. Les deux États sont exsangues. Pourtant, un an plus tôt, dans un ultime sursaut belliciste, Saddam Hussein, considéré comme un rempart contre l'islamisme par l'Occident et l'URSS qui lui fournissent des armes, a confié à son cousin Ali Hassan Al-Majid, dit Ali le chimique, le soin de « régler la question kurde ». Violant le droit international, en particulier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), Al-Majid va s'employer à noyer sous des pluies d'obus au gaz moutarde les populations des villages kurdes des provinces de Souleimaniyé, d'Erbil et de la vallée de Jafati.

Dans son ouvrage Un génocide oublié. La voix brisée du peuple kurde, la journaliste Béatrice Dillies revient sur cette tragédie à travers une enquête de terrain jalonnée de faits documentés rapportés par des témoins et des combattants peshmergas1, accompagnée d'un appareil critique et de cartes.

Le précédent arménien

Béatrice Dillies raconte comment Al-Majid va autoriser des « munitions spéciales » sur Halabja et Khurmal. Un bassin de population de 55 000 personnes qui, initialement, ne faisait pas partie de ces « zones interdites » où toute forme de vie devait être éradiquée dans le cadre d'une solution définitive de la question kurde actée en juin 1987 par le décret 4008. En quelques heures, l'opération menée ajoute 5 000 morts et 10 000 blessés au bilan de l'opération Anfal. Une action dévastatrice qui a fait au total 182 000 morts en un peu plus de six mois. La visée génocidaire d'un tel massacre ne fait aucun doute, les Irakiens s'inspirant de la façon dont les Jeunes-Turcs du Comité union et progrès (CUP) avaient tenté, en 1915, de faire disparaître la population arménienne de l'ex-empire ottoman.

Bien que le protocole de Genève de 1925 interdise l'usage de ce type d'armes, Ali Hassan al-Majid se vante le 26 mai 1987 devant les responsables du parti Baas : « Je ne les attaquerai pas (les Kurdes) avec des armes chimiques juste un jour, je continuerai de les attaquer pendant quinze jours ». Ni les États-Unis, ni l'Union soviétique, ni la France, ni l'Organisation des Nations unies (ONU) n'ont cru bon d'élever la moindre protestation au printemps 1987 lors des prémices de l'opération Anfal, ni lors de son déploiement à grande échelle l'année suivante. La Cour pénale internationale (CPI) n'a pu se prononcer dès lors qu'elle peut seulement juger les crimes commis après sa création en 2002.

Comme protagoniste principale de son récit, Béatrice Dillies a choisi Snur, Kurde de 25 ans, victime de l'attaque chimique alors qu'elle était bébé, et qui a toutes les peines à articuler correctement à cause de ses cordes vocales abîmées par les gaz. Grâce à un dispositif original, la journaliste nous introduit à l'intérieur du foyer familial de la jeune femme. Un lieu d'échanges sur les causes de son traumatisme, où les mots « fuir », « se cacher » mais aussi « lutter » reviennent comme des leitmotivs avant de nous embarquer dans sa mémoire et celle de ses proches.

Une remémoration faite d'événements douloureux, où la peur, la faim, l'incompréhension et le désespoir s'entremêlent. Des vies marquées à jamais quand, par ce jour d'août 1988 à 22 heures, les premiers MiG-23 de fabrication soviétique sont apparus dans le ciel et ont largué leur cargaison létale, répandant sur les villageois l'odeur de pomme caractéristique des bombes chimiques.

Afin d'inscrire ces crimes de guerre dans le temps, en mêlant habilement dialogues entre survivants et récits de péripéties, l'enquêtrice nous ramène en septembre 1969 à Surya, tout au nord du pays. À l'époque, les militaires irakiens ont assassiné 39 personnes, dont vingt-cinq chrétiens et quatorze musulmans. Les corps ont été prestement enterrés dans des fosses communes, faute de temps, pour donner à chacun une sépulture digne dans la crainte du retour de l'armée. Un épisode parmi d'autres qui prouve, s'il en est besoin, que la vindicte du parti Baas contre les Kurdes revendiquant l'autonomie de leur territoire n'a pas attendu la guerre Irak-Iran pour se manifester.

L'enjeu du pétrole

Autre mise en perspective de l'opération Anfal proposée par Béatrice Dillies, l'évocation des déportations de populations kurdes entre 1969 et 1982, destinées à arabiser leurs terres. En particulier en 1972, au moment où le pouvoir baasiste prend la mesure des richesses pétrolières que recèle le sous-sol du gouvernorat de Kirkouk. Dès lors, toute promesse de régler pacifiquement la question de la place des Kurdes et de leur singularité ethnique et culturelle dans la République est abolie. Eux qui représentaient 64 % de la population de cette région en 1957, ne seront plus que 37 % vingt ans après.

Dans le cadre de son panorama, l'autrice revient aussi sur un autre épisode dramatique qui s'est déroulé en 2014 : la tentative d'ethnocide des Yézidis2, vivant pour la plupart dans les monts Sinjar et considérés comme des apostats par les djihadistes de Daech. Le projet des terroristes n'a échoué que grâce à une intervention conjuguée de membres des YPJ (Unités de protection de la femme, une organisation militaire kurde syrienne composée exclusivement de femmes), du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de peshmergas yézidis. À l'issue de combats acharnés, les membres alliés sont parvenus à sauver des hommes de l'extermination et des femmes de l'esclavage sexuel. En tout, 6417 femmes et enfants avaient été kidnappés lors des premiers jours de l'attaque durant lesquels près de 1 300 Yézidis ont été tués.

Snur a beaucoup appris en écoutant Béatrice Dillies lui raconter l'histoire de son peuple. Dans un Kurdistan irakien autonome traversé de tensions, elle espère malgré tout que sa vie ressemblera à celle de n'importe quelle jeune femme indépendante. Peut-être qu'un jour, en solidarité avec ses soeurs de tous les Kurdistan, elle reprendra elle aussi le slogan kurde « Femme, Vie, Liberté ».

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Béatrice Dillies
Un génocide oublié. La voix brisée du peuple kurde
SPM, collection Kronos
12 juin 2023
300 pages
25€


1Les Peshmergas, littéralement « ceux qui affrontent la mort », sont les combattants des forces armées du Kurdistan irakien.

2Minorité ethnico-religieuse parlant majoritairement le dialecte kurde kurmandji.

Y a-t-il un trou dans la raquette de l’OTAN?

Par : STRATPOL

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est une alliance politique et militaire internationale composée de 32 États membres d’Europe

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The World sees the Outlaw US Empire

Par : AHH

Why the USA is an Outlaw

with thanks to Dr. Karl at karlof1’s Geopolitical Gymnasium.


It’s been brought to my attention that the reasons WHY the USA is an Outlaw relative to International and its own Domestic Law isn’t clear enough. First we’ll begin with the UN Charter:

Article 2

“The Organization and its Members, in pursuit of the Purposes stated in Article 1, shall act in accordance with the following Principles.”

  1. The Organization is based on the principle of the sovereign equality of all its Members.
  2. All Members, in order to ensure to all of them the rights and benefits resulting from membership, shall fulfill in good faith the obligations assumed by them in accordance with the present Charter.
  3. All Members shall settle their international disputes by peaceful means in such a manner that international peace and security, and justice, are not endangered.
  4. All Members shall refrain in their international relations from the threat or use of force against the territorial integrity or political independence of any state, or in any other manner inconsistent with the Purposes of the United Nations.
  5. All Members shall give the United Nations every assistance in any action it takes in accordance with the present Charter and shall refrain from giving assistance to any state against which the United Nations is taking preventive or enforcement action.
  6. The Organization shall ensure that states which are not Members of the United Nations act in accordance with these Principles so far as may be necessary for the maintenance of international peace and security.
  7. Nothing contained in the present Charter shall authorize the United Nations to intervene in matters which are essentially within the domestic jurisdiction of any state or shall require the Members to submit such matters to settlement under the present Charter; but this principle shall not prejudice the application of enforcement measures under Chapter Vll.

The most common violation is interference in the internal/domestic affairs of member nations. Most grievous is violation of Article 4. Upon the Charter’s entering into legal force on 24 October 1945, the USA was in the process of interfering in the domestic affairs of the USSR and numerous other member nations. It was also providing aid to known Nazi elements in Soviet Ukraine and aiding known Nazi War Criminals to escape justice for the crimes they committed. As such, the USA was also in violation of Articles 2, 3, 4, and 5. Those violations continued unabated and others were added as time moved forward.

In relation to the USA violating its own Domestic Law of the Land, the 1787 Constitution, what’s known as the Supremacy Clause—Article VI, Clause 2—makes it mandatory that any ratified treaty becomes incorporated into the Law of the Land:

“This Constitution, and the Laws of the United States which shall be made in Pursuance thereof; and all Treaties made, or which shall be made, under the Authority of the United States, shall be the supreme Law of the Land; and the Judges in every State shall be bound thereby, any thing in the Constitution or Laws of any State to the Contrary notwithstanding.”

The UN Charter is a treaty signed by President Truman and ratified by the Senate on 28 July 1945 by a vote of 89-2. Thus, the UN Charter is part of the US Constitution. Upon ratification, Truman said: “The action of the Senate substantially advances the cause of world peace.” The actual truth as he spoke those words was the USA was already involved in aiding the OUN—Ukrainian Nazis—and helping Nazi war Criminals avoid being caught by helping them escape to the USA, Canada, and many South American nations, which were violations of their domestic affairs by introducing the grossest of criminal elements into their societies which enabled Nazism to remain alive and terrorize today’s world.

The actions of the United States before, during and after the legal founding of the UN Charter have made it an international outlaw and violator of its own Law of the Land, which every President swears to defend and uphold and is its primary job as Chief Magistrate. That such illegality is allowed to continue unabated makes the Outlaw US Empire a serial lawbreaker of the worst sort when we look at the millions of people it has killed and displaced in its criminal behavior. Yet millions of US citizens, including members of Congress, the Executive, the Military, appear to be 100% ignorant of the fact that they abet an international serial criminal of the worst sort.

The evidence for US lawbreaking is present within the US government’s own archives and has been subjected to Congressional inquiry; yet, such inquiry avoided the conclusion that the US government is a serial lawbreaker needing serious remediation and constant monitoring of its behavior along with the elimination of the institutions responsible for the lawbreaking.

Poutine : “La Russie ne va pas se battre avec l’OTAN”

poutine otan

poutine otanLa Russie ne va pas se battre avec l’OTAN, c’est tout simplement absurde, la différence dans les dépenses militaires est

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Pourquoi l'Occident se trompe si souvent sur la Tunisie

Après la révolte de 2011 qui a chassé Zine El-Abidine Ben Ali du pouvoir, de nombreux observateurs et responsables occidentaux se sont bercés d'illusions en pensant que la Tunisie allait construire une démocratie pérenne. Après s'être trompés sur la situation en Libye, en Algérie ou au Maroc, ils ont dû encore une fois reconnaître leurs erreurs. Cela ne les a pourtant pas empêché de recommencer, comme aujourd'hui avec le président Kaïs Saïed.

« Nous avons juré de défendre la Constitution », clame Samira Chaouachi, vice-présidente de l'Assemblée tunisienne. « Nous avons juré de défendre la patrie », lui rétorque un jeune soldat. Cet échange devant les portes fermées du Parlement, au petit matin du 22 juillet 2021, résume le paradoxe d'un pays longtemps considéré comme le seul succès des « printemps arabes ». La décision du président Kaïs Saïed quelques heures plus tôt de destituer le gouvernement et de suspendre l'Assemblée des représentants du peuple a provoqué la colère de son président islamiste et de sa vice-présidente qui cherchaient à entrer dans le bâtiment, désormais gardé par des troupes armées.

Cette décision présidentielle a surpris de nombreux diplomates étrangers visiblement peu au fait de la situation. Les Tunisiens beaucoup moins. Des milliers de personnes se sont précipitées dans les rues de chaque ville et village afin d'exprimer leur soulagement face à cette classe politique qu'ils estimaient corrompue et incompétente.

Le 17 avril 2023, Rached Ghannouchi, leader suprême d'Ennahda depuis sa fondation dans les années 19801 a été arrêté. Douze ans après son retour triomphal à Tunis, le 20 janvier 2011, au lendemain de l'éviction du président Zine El-Abidine Ben Ali qui avait dirigé le pays pendant vingt-quatre ans. La boucle est bouclée. La contre-révolution a été plus longue à venir en Tunisie que dans tout autre pays arabe.

Le consensus de Washington enterré

Il est trop tôt pour écrire les nécrologies des soulèvements qui, en deux vagues (2011 puis 2019), ont englouti la plupart des pays arabes. En Tunisie, au lieu de produire une nouvelle génération de dirigeants politiques, la révolte de 2011 « a ramené les élites marginalisées de l'ère Ben Ali »2.

Malgré tout, un processus révolutionnaire à long terme est à l'œuvre dans la région. Les gouvernements occidentaux, en particulier en Europe, se font des illusions s'ils pensent pouvoir compter sur des hommes forts pour assurer la stabilité des pays de la rive sud de la Méditerranée. Des changements politiques et économiques radicaux sont nécessaires et, par définition, imprévisibles. Les inégalités sociales et le sous-emploi des ressources humaines continuent de générer une énorme frustration sociale que les jeunes ne supporteront pas. Les dirigeants de l'Union européenne sont obsédés par les vagues d'immigrants en provenance du sud et par la montée du populisme que celles-ci alimentent, tout en restant dans le déni des causes sous-jacentes.

Pourquoi l'Union européenne (UE) et les États-Unis n'ont-ils pas compris que la contre-révolution a commencé immédiatement après les « révolutions » tunisienne et égyptienne ayant chassé Ben Ali et Hosni Moubarak du pouvoir ? Pourquoi n'ont-ils pas compris qu'après avoir échoué à lancer des réformes audacieuses dans la gestion de l'appareil sécuritaire et de l'économie, les responsables politiques et syndicaux tunisiens ont conduit leur pays dans une impasse ? La réponse réside avant tout dans la nature même de l'État. En 2011, il était clair pour les observateurs chevronnés que la politique économique libérale favorisée par l'Occident – le fameux « consensus de Washington » que l'on peut résumer dans un rôle strictement minimum alloué à l'État au profit de l'investissement privé – ne parviendrait pas à produire les résultats économiques escomptés. Entre cette date et l'élection du président Kaïs Saïed en 2019, tous les voyants économiques étaient au rouge.

Aujourd'hui, le consensus de Washington est mort. Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l'UE reverront-ils leurs prescriptions politiques pour autant ? Pour avoir une chance de réussir, leurs ordonnances devront être fondées sur la reconstruction de l'État, l'utilisation de l'investissement public et la lutte contre la corruption engendrée par le capitalisme de connivence. C'est à cette condition seulement qu'une partie des centaines de milliards de dollars évadés à l'étranger reviendra. L'État s'est déjà montré incapable d'arrêter la fuite des capitaux, dont la plupart sont illégaux. On peut donc se demander pourquoi, tout en reconnaissant qu'ils se sont trompés, les gouvernements tunisiens successifs, le FMI, la Banque mondiale et l'Europe continueront de se battre pour stopper les sorties de fonds et appliquer la même recette qui a échoué.

Il n'y a pas eu de révolution

La plupart des politiciens et des groupes de réflexion occidentaux ont accueilli les révoltes arabes avec incrédulité. C'est surprenant car les multiples rapports du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 2003, 2005 et 2009 montraient l'explosion du taux de chômage, et une tendance à la baisse de la part du produit intérieur brut (PIB) consacré à l'investissement au cours du dernier quart de siècle. Une preuve de « l'échec des élites arabes à investir localement ou régionalement [qui] est le plus grand obstacle à la croissance économique soutenue »3. En 2011, la directrice générale du FMI Christine Lagarde déclarait : « Soyons francs : nous ne prêtons pas suffisamment attention à la façon dont les fruits de la croissance économique sont partagés »4.

La Banque mondiale a fini par admettre dans un rapport publié en 2014 qu'elle s'était trompée sur la Tunisie avant 2011. Une telle humilité est inhabituelle, sinon sans précédent. Elle élude toutefois la question des raisons pour lesquelles les dirigeants politiques et les experts occidentaux font aussi souvent fausse route, alors que certains observateurs sont capables d'établir une juste analyse.

Au fur et à mesure de l'extension des révoltes, les capitales occidentales, tout d'abord incrédules, ont fait place à l'enthousiasme. Cela n'a pas duré longtemps. Face au désir de changement, les dirigeants ont opposé une force brutale, et les soulèvements se sont bien vite transformés en bains de sang en Égypte, en Libye, au Bahreïn, au Yémen ou en Syrie. Les puissants groupes d'intérêts nationaux, en premier lieu les forces de sécurité, fortement soutenus de l'extérieur - notamment par les pays du Golfe -, n'étaient pas disposés à autoriser des réformes susceptibles de remettre en cause le statu quo. D'autres, comme le Qatar, étaient prêts à le renverser complètement, toutefois en faveur de leurs « clients » islamistes. Les « amis » étrangers n'ont pas eu le temps d'influencer sérieusement les évènements en Tunisie, dont l'importance stratégique pour les grands acteurs internationaux est inférieure à celle de l'Égypte ou de la Syrie. Le fait que la Tunisie ait été le premier pays arabe à se révolter peut également expliquer l'absence d'ingérence extérieure.

Quoi qu'il en soit, l'utilisation même de l'expression « révolution de jasmin »5 suggère un malentendu. Aucune révolution n'a eu lieu en Tunisie en 2011. Une révolte violente a contraint les appareils dirigeants à prendre leurs distances avec le chef de l'État qu'ils ont poussé vers la sortie pour sauver leurs privilèges. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas eu de redistribution des richesses ou du pouvoir entre les classes sociales et les régions.

Des malentendus occidentaux tout aussi flagrants se sont manifestés après que les États-Unis sont intervenus militairement en Libye, au nom d'une urgence humanitaire, sans tenir compte de ce qui se passerait lorsqu'un petit groupe d'islamistes très organisés et lourdement armés (qu'ils avaient aidés pendant les dernières années de Mouammar Kadhafi) s'opposerait à une majorité non islamiste mal organisée, dont une grande partie était jeune et sans emploi. Leur départ après l'attaque du 11 septembre 2012 contre la mission américaine à Benghazi a transformé l'est de la Libye en arrière-garde d'Al-Qaida et de l'organisation de l'État islamique (EI). Cela a accéléré l'exportation du terrorisme et des réfugiés vers l'Europe, tout en déstabilisant davantage une grande partie de l'Afrique du Nord et du Sahel. Et bien sûr de la Tunisie dont de nombreux djihadistes ont été formés dans des camps libyens près de la frontière.

Dans le pays, les amis politiques des principaux partis se sont vu proposer des emplois au sein d'une fonction publique gonflée à l'extrême - des postes qui n'existaient souvent que sur le papier, mais pour lesquels ils étaient payés. Résultat : la destruction de toute efficacité publique, l'augmentation considérable de la masse salariale et des emprunts. Cette hausse de la dette (et donc des intérêts à payer) a évincé les investissements publics dans la santé, l'éducation et les infrastructures. Les présidents et les gouvernements se sont succédé, chacun empruntant de l'argent au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque européenne d'investissement (BEI). Tous se sont contentés d'évoquer les conditions liées à ces prêts, mais n'ont jamais eu l'intention de les mettre en œuvre. Le FMI et l'Europe ont continué à prêcher l'évangile du libéralisme et ont fait semblant de croire que des réformes étaient mises en œuvre. Pourquoi a t-il été si facile de se tromper une deuxième fois alors que la prescription et la situation étaient identiques ?

Une pure idéologie

Pendant ce temps, les investissements privés – tant nationaux qu'étrangers – ont diminué. Des secteurs clés tels que les phosphates et les engrais ont vu leur production s'effondrer, de même que le tourisme, victime du terrorisme et de la pandémie de Covid-19. L'arrière-pays le plus pauvre, d'où partent toutes les révoltes en Tunisie, a continué d'être exploité par ceux de la côte, plus riches, afin d'assurer la majeure partie de l'eau, du blé et des phosphates nécessaires au pays.

Pour les Occidentaux,

la démocratie est une idée si belle qu'elle semble échapper à la réalité. Pour l'élite américaine, les pays en développement qui réussissent sont ceux qui organisent des élections, et les pays qui échouent sont ceux qui ne le font pas. Il ne s'agit pas de logique, ni de croyance fondée sur l'histoire ou même sur la science politique. Il s'agit de pure idéologie – et d'idéologie missionnaire, en plus. Regardez l'échec du printemps arabe ! Bien sûr, les populations de ces nations aspirent à la démocratie, mais cela ne signifie pas que celle-ci apportera automatiquement de bons résultats face à la grande pauvreté, aux clivages ethniques et sectaires, etc. Elle a fonctionné en Corée [du Sud] ou à Taïwan, par exemple, parce qu'elle est venue après l'industrialisation et la création de classes moyennes.6

Les élites européennes et américaines se sont trompées quand, après 2011, elles se sont convaincues que des élections libres et équitables annonçaient un avenir prometteur pour la Tunisie. Les jeunes en étaient moins convaincus et les gens ont de plus en plus délaissé les urnes, beaucoup ne se donnant même pas la peine de s'inscrire. Quant aux mouvements islamistes, ils n'ont jamais montré d'intérêt pour relever les défis d'une économie moderne. Ennahda n'a pas fait exception. Les élites tunisiennes, bien éduquées, n'ont pas pu s'entendre sur un plan de réforme économique. Elles ont laissé tomber leur pays.

La théorie de Lénine

Douze ans après la chute de Ben Ali, Kaïs Saïed a ramené la fine fleur d'hier, notamment dans les forces de sécurité. Ghannouchi, le puissant dirigeant d'Ennahda qui dirigeait le parti islamiste « comme l'organisation clandestine qu'il avait été dans les années 1990 »7 s'est retrouvé en prison, incapable de rallier l'armée. Cette dernière a jeté son dévolu sur Saïed qui « défend la patrie ».

Selon certains observateurs attentifs,

le soulèvement arabe a atteint son apogée, le 11 février 2011, quand le président égyptien Hosni Moubarak a été contraint de démissionner. Selon la théorie de Lénine, une révolution victorieuse nécessite un parti politique structuré et discipliné, un leadership robuste et un programme clair. La révolution égyptienne, comme son précurseur tunisien et contrairement à la révolution iranienne de 1979 n'avait ni organisation ni dirigeant identifiable, ni d'ordre du jour sans équivoque.8

Alors que les manifestations sont devenues violentes dans de nombreux pays, les forces se sont divisées. Les anciens partis politiques et les dirigeants économiques se sont disputés le pouvoir, « laissant à de nombreux manifestants le sentiment que l'histoire qu'ils faisaient il n'y a pas si longtemps les dépassait »9. Ceux qui ont mené la révolte en Tunisie n'avaient ni les moyens ni le temps de s'organiser. Les forces établies ont donc pu détourner leur agenda et bloquer le changement.

Cela n'a pas empêché certains universitaires, tel Safwan Masri, de parler d'« anomalie arabe »10, et des journaux de clamer que la Tunisie était le seul pays des révoltes arabes à avoir donné naissance à une véritable démocratie. Illusion caractéristique de nombreuses attitudes occidentales. Avant la chute de Ben Ali, la Banque mondiale et les observateurs ont loué les performances économiques du pays. Après, ils ont salué son succès en tant que démocratie. On comprend pourquoi les dirigeants européens n'ont pas eu de pensée stratégique sur la Tunisie…

La nature de l'État entrave les réformes

En fait, les analystes occidentaux projettent trop souvent leur propre vision du monde sur des pays dont l'histoire est différente. Ainsi, l'intense débat intellectuel et politique autour des idées de John Maynard Keynes (1883-1946) sur l'intervention de la puissance publique dans l'économie n'a pas d'équivalent dans la région. En partie parce que la diplomatie des canonnières et le colonialisme ont interrompu les débats qui se déroulaient dans le Sud, notamment en Tunisie. Au moment de l'indépendance, les nouveaux régimes ont compris que l'État devait être partie prenante de la création d'une économie nationale, qu'elle soit liée ou non au Nord. Or les dirigeants se sont rarement concentrés sur l'augmentation de la richesse du pays, mais davantage sur leur maintien au pouvoir, en contrôlant notamment les nouveaux arrivants au sein de la classe privilégiée, le Makhzen11.

À partir des années 1980, le FMI et la Banque mondiale ont appliqué un ensemble de principes idéologiques contenus dans le consensus de Washington. Cette doxa néolibérale avait déjà échoué en Tunisie au tournant du siècle, pourtant cela n'a pas arrêté la Banque mondiale qui l'a présentée comme modèle de « bonne gouvernance économique » à suivre en Afrique et au Proche-Orient. L'Europe a chanté la même partition et s'est retrouvée dans l'impasse.

Malgré l'émancipation des femmes et les attitudes tolérantes envers les étrangers, la Tunisie a vu ses richesses contrôlées par quelques familles dont l'emprise est renforcée dans un système corporatiste leur permettant de surveiller l'État. Loin d'apporter de nouvelles idées et de contribuer à la création d'un vaste parti de gauche après 2011, le puissant syndicat de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) s'est contenté de regarder le pouvoir gonfler le nombre de fonctionnaires (et par conséquent ses adhérents), ce qui a ruiné le pays. Au lieu de promouvoir un débat ouvert sur ce qu'il fallait entreprendre, les dirigeants tunisiens ont agi en fossoyeurs des réformes. Auparavant, Zine El-Abidine Ben Ali avait géré l'économie en prélevant de plus en plus de rentes pour sa famille, sans jamais la réformer.

Peut-on changer le scénario néolibéral ?

Alors que la région est riche en hydrocarbures, les institutions internationales pourraient suggérer que « les monarchies pétrolières cessent d'investir leur capital dans les économies occidentales, en particulier aux États-Unis, et le transfèrent plutôt aux gouvernements arabes, sur le modèle de l'aide que les États-Unis ont fournie à leurs alliés européens de 1948 à 1951, le Plan Marshall »12. Peu de chance que cela arrive car les banques occidentales perdraient d'énormes opportunités de gagner de l'argent et les monarchies du Golfe ont beaucoup d'influence à Paris, Londres et Washington. Pendant ce temps, le capital déserte la région pour trouver refuge dans des banques et des entreprises occidentales. L'Afrique du Nord à elle seule dispose de centaines de milliards de fonds « privés » dans des établissements financiers étrangers.

Aujourd'hui, les jeunes issus des milieux favorisés et formés se sauvent aussi au bénéfice immédiat du Golfe, du Canada, de la France et de ses voisins, et au détriment de la stabilité à long terme en Méditerranée. En Afrique du Nord, la « guerre froide » entre l'Algérie et le Maroc explique que les flux commerciaux et d'investissement soient au plus bas. Cette situation est d'autant plus absurde que le pétrole, le gaz, le soufre et l'ammoniac algériens pourraient, avec les phosphates marocains, générer de nombreux emplois et de grandes exportations. Les tensions entre les deux pays conviennent à l'Occident depuis des décennies, néanmoins la pression des nouveaux immigrants en Europe alimente les partis populistes et le risque de turbulences intérieures dans des pays comme l'Italie ou la France.

Autre ironie de ce scénario néolibéral, la Chine et la Turquie renforcent leurs liens commerciaux avec l'Afrique du Nord — la Chine est ainsi devenue son deuxième fournisseur étranger après l'Italie, et la Turquie le quatrième —, sans accroitre leurs investissements. En Algérie, au Maroc et en Tunisie, le capital privé occidental continue par contre de jouer un rôle clé.

Aujourd'hui, l'Union européenne et les États-Unis découvrent à leur grand désarroi que les dirigeants nord-africains, comme ailleurs dans le Sud, ne partagent pas leur lecture de la guerre en Ukraine. Ils notent que l'Occident considère ses problèmes comme les problèmes du monde, et ils ne sont pas d'accord. Le monde multipolaire dans lequel nous nous trouvons rend familier l'ancien tiers-mondisme algérien. Les élites se méfient de l'ancienne puissance coloniale et expriment publiquement leur critique du comportement français, passé et présent, comme jamais auparavant.

Plus tôt l'Europe s'éveillera au fait que les pays au-delà de ses côtes méridionales méritent une politique ambitieuse, un nouveau processus de Barcelone13 plus audacieux, mieux ce sera. Plus tôt elle comprendra que l'islamisme n'est pas l'inclination naturelle de la région, comme beaucoup l'ont cru après 2011, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, plus tôt elle abandonnera son orientalisme de pacotille, mieux ce sera. En finir avec l'État patrimonial ou néo-patrimonial où quelques familles contrôlent tout représente un défi historique pour la région autant que pour l'Europe.

Comme le montre sa réaction modérée au renversement du président égyptien Mohamed Morsi un an après les élections libres de juillet 2012, l'Occident ne semble guère accorder autant d'importance au vote qu'il le prétend. Son attitude face au mépris de Kaïs Saïed pour les règles fondamentales de la démocratie le confirme. Il faudrait une refonte complète de l'État — condition préalable pour une croissance plus rapide —, mais aussi une plus grande inclusion sociale afin d'atteindre une stabilité à long terme en Tunisie et dans la région. Tant qu'elle n'acceptera pas ce principe, la Commission européenne devra se faire à l'idée que ses interminables prises de position visant à « améliorer » les politiques de voisinage donnent l'impression de jouer avec les peuples.

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Ce texte est adapté de l'article de Francis Ghilès, « Why does the West so often get Tunisia wrong ? », Notes Internacionals 289, Barcelona Center for International Affairs (CIDOB), mai 2023.
Traduit de l'anglais par Martine Bulard.


1Rached Ghannouchi a joué un rôle central dans le mouvement islamique tunisien depuis la fondation d'Ennahda au début des années 1980. Après deux décennies d'exil à Londres, il est rentré en Tunisie en 2011, et joue depuis un rôle clé et souvent controversé dans la politique tunisienne.

2Tom Stevenson, « The Revolutionary Decade : Tunisia since the Coup », London Review of Books, 17 novembre 2022.

3Ray Bush, « Marginality or abjection ? The political economy of poverty production in Egypt », dans Ray Bush et Habib Ayeb, Marginality and Exclusion in Egypt, Zed, Londres, 2012.

4Christine Lagarde, « The Arab Spring, One Year On », Fonds monétaire international, Washington DC, 6 décembre 2011.

5NDLR. Cette désignation médiatique francophone est par ailleurs rejetée par les Tunisiens qui préfèrent parler de « révolution de la dignité ».

6Robert D. Kaplan, « Anarchy unbound : the new scramble for Africa », The New Statesman, Londres, 16 août 2023.

7Tom Stevenson, « The Revolutionary Decade : Tunisia since the Coup », The London Review of Books, 17 novembre 2022.

8Hussein Agha et Robert Malley, « The Arab Counterrevolution », The New York Review of Books, 29 septembre 2011.

9Hussein Agha et Robert Malley, op.cit.

10Safwan Masri, Tunisia : an Arab Anomaly, Columbia University Press, 2017.

11NDLR. Le terme désigne la classe au pouvoir au Maroc.

12Gilbert Achcar, People Want : A Radical Exploration of the Arab Uprising, Saqi Books, Londres, 2013, réédité avec une nouvelle introduction en 2023.

13Partenariat euro-méditerranéen pour le développement et la sécurité lancé en 1995 et au point mort actuellement.

La triple illégalité de l'occupation israélienne du territoire palestinien

La Cour internationale de justice a commencé ses auditions sur « les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d'Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Elle doit rendre un avis consultatif dans les prochains mois. La juriste française Monique Chemillier-Gendreau y a plaidé le 26 février 2024.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges,

1. C'est au nom de l'Organisation de la coopération islamique que j'ai l'honneur de me présenter devant vous ce matin. Je reviendrai ici sur trois éléments de la situation sur laquelle vous aurez à rendre votre avis.

Les négociations en cours comme obstacle supposé à la compétence de la Cour.

2. Quelques-uns des États participant à la présente procédure, ont demandé à votre juridiction de décliner sa compétence. Ils estiment que l'avis demandé perturberait des négociations prétendument en cours entre les protagonistes, alors que ces négociations seraient le seul chemin vers la paix1.

3. Mais il faut préalablement établir les faits. Les établir dans toute leur vérité est une condition indispensable à l'établissement de la justice. Y a-t-il des négociations en cours entre Israël et la Palestine ? La vérité sur cette question c'est qu'il n'y en a plus. Il s'agit d'un mythe qui a été entretenu artificiellement longtemps, mais qui, à la lumière des évènements, s'est effondré de l'aveu même des intéressés.

4. La Cour est-elle en mesure d'établir la vérité sur ce point ? Certains participants à cette procédure ont soutenu que vous devriez décliner votre compétence en raison d'une supposée difficulté à accéder aux faits. Mais le dossier qui vous a été fourni par les services des Nations unies eux-mêmes comporte tous les éléments sur lesquels vous pouvez fonder l'avis qui vous est demandé.

5. Il est ainsi avéré que les accords d'Oslo remontent à 1993 et 1995, que leurs objectifs devaient être atteints au plus tard en 1999, que cette échéance n'a pas été tenue, que par la suite des réunions ont eu lieu à Charm El-Cheikh en 1999, à Camp David en 2000, et sont restées infructueuses. À partir de là, ni le redéploiement d'Israël, ni le renforcement de l'autonomie de l'Autorité palestinienne ne se sont concrétisés.

6. L'horizon des accords d'Oslo était lié au respect des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité qui y sont explicitement mentionnées. Ce respect impliquait le retrait par Israël des Territoires palestiniens occupés en 1967. L'article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose que les États parties à un accord doivent s'abstenir d'actes qui priveraient ce traité de son objet et de son but. Or, Israël, en implantant à marche forcée des colonies juives sur le territoire palestinien, a privé les accords d'Oslo de leur objet et de leur but.

7. Et les responsables politiques d'Israël ont confirmé la mort des négociations en dénonçant les accords d'Oslo dès les années 2000, c'est-à-dire il y a plus de vingt ans. Ariel Sharon avait alors déclaré au journal Haaretz (18 octobre 2000) : « On ne continue pas Oslo. Il n'y aura plus d'Oslo. Oslo, c'est fini ». Plus récemment, le 12 décembre 2023, le premier ministre Benyamin Nétanyahou affirmait : « Je ne permettrai pas à Israël de répéter l'erreur des accords d'Oslo »2.

8. Votre Cour reconnaîtra que nous sommes ici devant un cas particulièrement remarquable de manquement à la bonne foi. Israël, membre des Nations unies, est lié par les résolutions de cette organisation ainsi que par les engagements particuliers qu'il a pris. Au mépris de tout ce corpus, cet État s'approprie le territoire de la Palestine, expulse son peuple et lui refuse par tous les moyens le droit à l'autodétermination. Vous avez eu l'occasion de rappeler dans votre arrêt de 2018 que dès lors que des États s'engagent dans une négociation, « … ils sont alors tenus … de les mener de bonne foi »3. Or, il apparaît que dès son engagement dans les négociations d'Oslo, Israël a manqué à la bonne foi.

9. Ainsi n'y a-t-il aucun horizon de négociation qu'il faudrait protéger, mais seulement une guerre en cours et le refus des autorités israéliennes d'ouvrir toute perspective politique fondée sur le droit international. Voilà pourquoi l'argument selon lequel votre compétence pour rendre l'avis demandé ferait obstacle à une paix négociée est un argument sans fondement.

Le droit international ne peut pas être un objet de négociations

10. Je voudrais maintenant, et ce sera mon second point, rester encore un moment sur la question des négociations pour faire à ce propos une remarque de fond. Les Palestiniens ne recouvreront pas leurs droits légitimes à travers une négociation bilatérale directe avec Israël. Il y a à cela deux écueils. Le premier tient à l'inégalité écrasante entre les deux parties. La Palestine est sous la domination militaire d'Israël, et ses représentants sont dans une position de faiblesse structurelle. Dès lors, toute négociation est biaisée et le traité qui en résultera sera nécessairement un traité inégal.

11. Le second écueil tient au fait que dans les négociations qui ont eu lieu jusqu'ici, Israël a tenté de faire admettre par les Palestiniens des entailles aux droits fondamentaux qu'ils détiennent du droit international. La violation principale, source elle-même des autres violations, consiste dans le refus persistant qu'oppose Israël au droit du peuple palestinien à disposer de lui-même. À aucun moment depuis la fin du mandat britannique en 1947, les dirigeants d'Israël n'ont sincèrement admis qu'un État palestinien pouvait coexister auprès d'eux sur la terre de Palestine. Et le premier ministre d'Israël a confirmé le 20 janvier dernier son opposition à une souveraineté palestinienne.

12. Lorsque Israël a feint de négocier le droit des palestiniens à devenir un État, c'était pour n'en concéder qu'une caricature : un pouvoir démilitarisé, enclavé, éclaté sur un territoire morcelé, avec un accès réduit à ses ressources naturelles. Et pourtant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a la valeur d'une norme de jus cogens4. Il n'est pas un droit constitutif qui ne pourrait naître que de sa reconnaissance par Israël. Il est un droit déclaratif inhérent à la situation de peuple colonisé des Palestiniens. Il existe dès le moment où ce peuple a décidé de le revendiquer. De ce fait, et dans toute sa plénitude, ce n'est pas un droit négociable.

13. Israël a occupé à partir de 1967 le territoire palestinien suite à une action militaire qui a été menée en violation de la règle centrale d'interdiction du recours à la force. Il occupe donc un territoire sur lequel il n'a aucun droit. Il doit s'en retirer. Cela non plus n'est pas négociable.

14. En colonisant ce territoire, Israël viole l'interdiction du transfert de la population de la puissance occupante dans le territoire occupé5. Et le projet israélien est officiellement de persister dans cette illégalité. De 700 000 qu'ils sont actuellement en Cisjordanie et à Jérusalem, les colons doivent dépasser le million aussi rapidement que possible, annonçait le ministre Bezalel Smotrich le 12 juillet 20236. Israël a officialisé cette violation en inscrivant dans sa loi fondamentale de 2018 le développement des colonies juives comme une valeur de base de la société israélienne. Pourtant, le droit international exige le démantèlement de toutes ces colonies. Nous sommes encore devant une obligation qui n'est pas négociable.

15. La sécurité des Palestiniens est gravement menacée. C'est par milliers qu'ils meurent sous les bombes israéliennes à Gaza depuis le 7 octobre. Et en Cisjordanie, selon les sources israéliennes, 367 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre dont 94 enfants. Et 2 960 Palestiniens ont été arrêtés. Les sources palestiniennes estiment que ces chiffres sont fortement sous-évalués7 .

16. Les colons implantés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est exercent librement leur violence contre les Palestiniens. Ils y sont encouragés et des armes leur sont distribuées par l'État d'Israël lui-même. La dépossession de leurs terres et la répression dont sont l'objet les Palestiniens se sont ainsi intensifiées depuis quelques mois. Et se développe une politique de discrimination constitutive d'apartheid. Toutes ces violations de droits fondamentaux doivent cesser. Une fois de plus cela n'est pas négociable.

Jérusalem et sa colonisation

17. Pour rendre l'avis attendu, votre Cour aura à se pencher sur la question de Jérusalem. Cette ville n'a pas été incluse dans le territoire destiné à Israël par la résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies proposant un plan de partage de la Palestine. Lors de son admission aux Nations unies en 1949, Israël a solennellement accepté les principes de la Charte des Nations unies et des résolutions votées par ses organes. Il y avait donc là reconnaissance du fait que Jérusalem ne lui était pas attribuée.

18. Cependant, s'emparant de la ville par la force en 1948 pour la partie ouest et en 1967 pour la partie est, Israël en a fait sa capitale réunifiée en 1980. Depuis, Jérusalem-Est est soumise à une israélisation forcée par une intense colonisation. Celle-ci est considérée comme irréversible par les responsables israéliens.

19. Toutefois, Jérusalem-Est n'a pas d'autre statut que celui d'être un territoire occupé militairement par une puissance étrangère, comme l'ensemble du territoire palestinien occupé depuis 1967. Israël doit s'en retirer au profit du peuple palestinien, comme l'ont exigé constamment les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale8. Et les lieux saints doivent être préservés et ouverts à la liberté de tous ceux qui souhaitent s'y rendre. Cela non plus n'est pas négociable.

20. Ignorant ces impératifs du droit commun à toutes les nations, Israël voudrait légaliser les actions illicites que je viens de mentionner en les inscrivant dans un accord. Or, ce qui apparaît de l'analyse juridique de la situation c'est que, sur la Palestine, Israël n'a aucun droit. Il n'a que des devoirs. Et de leur respect dépend la préservation de l'ordre public international fondé sur des normes communes et non dérogeables. La responsabilité de leur respect incombe aux Nations unies, en charge du maintien de la paix. Elles ont été investies du dossier de la décolonisation de la Palestine par l'échec du mandat confié au Royaume-Uni. Elles sont la seule autorité à même de résoudre sur des bases conformes au droit la situation créée par cet échec depuis des décennies. Et s'il faudra bien que la paix découle d'un accord entre les parties, celui-ci devra être conclu sous les auspices des Nations unies, garantes du respect du droit, et non sous le parrainage arbitraire d'États tiers manquant d'objectivité.

21. Ainsi, la manière dont les choses seront menées à partir des conclusions de votre avis devra permettre que l'accord par lequel les Palestiniens seront rétablis dans l'intégralité de leurs droits respecte les normes fondamentales jusqu'ici objet de tentatives de contournement. Si ce n'était pas le cas, le futur traité de paix tomberait sous le coup de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui dispose : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général »9.

La question du statut de l'occupation

22. J'en viens maintenant, et c'est mon dernier point, à la seconde question qui est posée à votre Cour par l'Assemblée générale des Nations unies. Vous êtes interrogés sur le statut juridique de l'occupation et sur les conséquences juridiques qui en découlent. Vous aurez ainsi à examiner l'occupation par Israël du territoire palestinien à la lumière de tous les champs du droit international.

23. Il s'agit d'abord du jus ad bellum, ce droit qui régit l'usage de la force par les États. Il comporte la norme majeure d'interdiction de recourir à la menace ou à l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État10.

24. Or, c'est bien par l'usage de la force qu'Israël a occupé la Palestine en 1967, comme l'ont rappelé sans relâche le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale. Cet emploi de la force est dirigé contre l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de la Palestine aujourd'hui reconnue dans sa qualité d'État par les Nations unies. L'occupation est donc illégale à sa source même.

25. Cette illégalité se manifeste aussi depuis 1967 par la manière dont a été conduite cette occupation. Elle enfreint en effet toutes les conditions posées par le droit de la Haye et de Genève à l'occupation militaire d'un territoire étranger. Ces conditions sont recensées par le manuel du Comité international de la Croix-Rouge.

26. - La puissance occupante ne peut pas modifier la structure et les caractéristiques intrinsèques du territoire occupé sur lequel elle n'acquiert aucune souveraineté. Israël n'a cessé de modifier à son profit ces caractéristiques.
- L'occupation est et doit rester une situation temporaire. Israël occupe la Palestine depuis 66 ans et ses dirigeants affichent ouvertement leur intention de poursuivre indéfiniment cette occupation.
- Israël doit administrer le territoire dans l'intérêt de la population locale et en tenant compte de ses besoins. Les besoins des Palestiniens sont cruellement méconnus.
- Israël ne doit pas exercer son autorité pour servir ses propres intérêts et ceux de sa propre population. Toutes les politiques et pratiques d'Israël sont orientées au service des colons israéliens et au mépris des droits et intérêts des Palestiniens.

27. Ainsi, les conditions dans lesquelles Israël a développé l'occupation du territoire palestinien — conditions dont toutes les preuves se trouvent dans les rapports des Nations unies — vous amèneront à conclure que cette occupation, par sa durée et les pratiques déployées par l'occupant, est le prétexte à un projet d'annexion. Celui-ci, officialisé pour ce qui est de Jérusalem, est mis en œuvre de facto pour la Cisjordanie. Quant à Gaza, la guerre totale qui y est menée et les projets annoncés par le gouvernement d'Israël confirment la volonté de cet État de garder la maîtrise de ce territoire.

28. Il résulte de ces constats, comme votre Cour ne manquera pas de le confirmer, que l'occupation par Israël du territoire palestinien est frappée d'une triple illégalité. Elle est illégale à sa source pour être en infraction à l'interdiction de l'emploi de la force. Elle est illégale par les moyens déployés, lesquels sont constitutifs de violations systématiques du droit humanitaire et des droits de l'homme. Elle est illégale par son objectif, celui-ci étant de procéder à l'annexion des Territoires palestiniens, privant ainsi le peuple de Palestine de son droit fondamental à disposer de lui-même.

Sauver les Israéliens contre eux-mêmes

29. La violence infondée et impunie qu'Israël exerce sur les Palestiniens entraîne en réponse une autre violence dans un cycle infernal, celui de la vengeance, toujours à l'avantage du plus fort. C'est l'enchaînement meurtrier qui se déroule tragiquement sous nos yeux. Pour le rompre, il faut un tiers impartial affirmant avec autorité ce que doit être l'application de la norme commune. Il revient à votre Cour, à l'occasion de l'avis que vous allez rendre, de ramener l'ensemble de ce conflit sous la lumière du droit.

30. Ce droit permet de dire quelles règles doivent être appliquées à une situation critique, mais aussi quelles mesures peuvent être prises lorsque ces règles sont violées avec persistance. Je rappellerai ici que les conclusions de l'Organisation de la coopération islamique demeurent inchangées par rapport à celles de nos observations écrites, et je me permets d'y renvoyer. Je rappellerai seulement que l'organisation que je représente demande à la Cour d'enjoindre à Israël de cesser toutes les violations qui ont été relevées ici, et d'exiger des Nations unies et de leurs États membres qu'ils utilisent toute la gamme des mesures permettant de faire cesser la situation, ce y compris des sanctions contre l'État responsable.

31. Je voudrais pour finir, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, vous citer les propos du contre-amiral israélien Ami Ayalon qui a dirigé pendant plusieurs années le service du renseignement intérieur israélien. Son chemin personnel l'a amené à s'interroger sur la notion d'ennemi et à mesurer l'impasse où se trouve Israël en ayant choisi la répression violente pour accompagner son refus de la solution politique. Et il conclut une interview donnée il y a quelques semaines à un quotidien français en disant : « La communauté internationale devrait jouer un rôle bénéfique. Nous avons besoin que quelqu'un de l'extérieur nous éclaire sur nos erreurs »11.

Sauver les Israéliens contre eux-mêmes, voilà à quoi la communauté internationale contribuera à travers l'avis consultatif que vous allez rendre.


1Voir Observations écrites des Fidji, pp. 3-5, de la Hongrie, paras. 2, 11-30, 39, 41, d'Israël, pp. 3-5. du Togo, paras. 7-9, de la Zambie, p. 2.

2Cité par Charles Enderlin dans « L'erreur stratégique d'Israël », Le Monde diplomatique, janvier 2024.

3« Obligation de négocier un accès à l'Océan Pacifique », arrêt du 1er octobre 2018 de la Cour internationale de justice, par. 86.

4NDLR. Du latin « droit contraignant », concerne des principes de droits réputés universels devant constituer les bases des normes impératives de droit international.

5Article 49, dernier alinéa de la quatrième Convention de Genève du 12 août 1949.

6Ben Reiff, « Smotrich wants one million West Bank settlers. That's not so far-fetched », +972 Magazine, 12 juillet 2023.

7Jean-Philippe Rémy, « Cisjordanie : l'autre guerre menée par Israël », Le Monde, 30 janvier 2024.

8Voir celles qui sont citées dans les observations écrites de l'Organisation de la coopération islamique, para. 357-404.

9Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, article 53.

10Article 2, par. 4 de la Charte des Nations unies.

11Jean-Philippe Rémy, « Ami Ayalon, ancien chef du Shin Bet : « Si nous refusons la paix, ce qui nous attend sera pire que le 7 octobre » », Le Monde, 24 janvier 2024.

L'économie égyptienne vers l'inconnu

En renonçant à deux prérogatives centrales de l'État dans le domaine économique, le président Abdel Fattah Al-Sissi rompt avec l'histoire de son pays et prend un risque énorme. Il est encore trop tôt pour dire si ces réformes seront vraiment mises en œuvre. En revanche, on peut déjà annoncer qui sont les perdants : la majorité des citoyens.

Mercredi 6 mars, l'Égypte a sauté le pas pour le plus grand profit immédiat des affairistes et de la bourse. Le régime militaire a en effet pris deux décisions historiques qui, si elles sont appliquées dans la durée, bouleverseront en profondeur le fonctionnement de l'économie nationale. La réforme du marché des changes est la plus visible. Jusqu'ici, la banque centrale égyptienne (BCE), entièrement soumise à l'État, tenait à sa main la valeur de la livre égyptienne (LE) face au dollar ou à l'euro. Mais elle sera désormais déterminée par la confrontation entre l'offre et la demande de devises étrangères. Dès lors que ces dernières manquent depuis plus de deux ans en raison de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, le prix du change monte en livres égyptiennes, et la pénurie s'installe. Depuis 2022, le cours de la monnaie nationale a été abaissé à quatre reprises par la BCE dans des proportions considérables, passant de 17 à plus de 30 LE pour 1 dollar. Au marché noir, le billet vert a atteint jusqu'à plus de 70 LE. Et à l'avenir, le rapport entre la monnaie nationale et les devises s'établira quotidiennement.

Renoncements de l'État

La deuxième réforme concerne les marchés financiers. Jusqu'ici, l'épargne nationale était rémunérée à des taux d'intérêt inférieurs à la hausse des prix. Toutefois, cette « répression financière », dénoncée par la minorité aisée qui seule épargne, devrait prendre fin. D'où la vague de spéculation qui s'est immédiatement manifestée. À un terme non défini, les taux d'intérêt devraient être supérieurs à l'inflation et révisés chaque jour par la confrontation des offres et des demandes de crédits. Le 6 mars, l'écart entre les deux courbes a été réduit grâce à une remontée spectaculaire des taux d'intérêt, passant de +6 % à entre 24 % et 30 %.

Évènement politique majeur, les autorités égyptiennes ont de fait abandonné un contrôle historique instauré par le président Gamal Abdel Nasser dans les années 1950 sur deux instruments économiques clés : le change et le loyer de l'argent. Cette révolution n'a pas été faite « à la maison » comme l'a prétendu jeudi 7 mars à Alexandrie le premier ministre Mostafa Madbouly, mais sous la pression soutenue du Fonds monétaire international (FMI). Sa directrice générale, Kristalina Georgieva, une économiste bulgare formée à l'époque soviétique, a multiplié les escales au Caire, refusant obstinément, en l'absence d'un accord sur le change, d'augmenter son aide : trois milliards de dollars (2,76 milliards d'euros) sur trois ans, une misère pour le pays arabe le plus peuplé, et de loin.

À la suite des réformes du 6 mars, l'aide du FMI est passée à plus de neuf milliards (8,27 milliards d'euros), la Banque mondiale et l'Union européenne s'engageant à en apporter quinze de plus. S'y ajouterait une opération immobilière obscure montée par des capitaux venant des Émirats arabes unis, qui apporterait plus de 35 milliards de dollars (32,15 milliards d'euros), dont cinq disponibles immédiatement. Au Caire, on compte aussi sur l'argent des émigrés massivement passé sur le marché noir de la devise (une trentaine de milliards de dollars en année pleine), et qui devrait revenir par les canaux légaux.

Les pauvres, premières victimes

Cette manne est-elle en mesure de stabiliser l'économie exposée à un choc sans précédent ? Un dollar à 50 LE et des taux d'intérêt de 30 % bouleversent la vie quotidienne de plus de 106 millions d'Égyptiens. Avec une inflation annuelle de plus de 35 %, les prix et l'activité sont les premières victimes. Pour les pauvres, estimés à au moins 60 % de la population, se nourrir devient une gageure. Pour les entreprises, grandes ou petites, le prix des intrants largement importés et payables en devises, rend ces denrées presque inaccessibles. Le satisfecit décerné par Moody's, l'une des deux principales agences américaines de notation, qui estime désormais positivement d'investir en Égypte, n'y change pas grand-chose dans l'immédiat.

Les anticipations des différents acteurs économiques auront un rôle clé. S'ils prévoient une reprise du cycle infernal des prix intérieurs et des cours des devises, le dollar à 50 LE ne sera bientôt plus qu'un souvenir d'autant qu'il a déjà atteint 72 LE au début de l'année. Si les aides promises, souvent associées à des projets industriels ou d'infrastructure, n'arrivent pas ou prennent du retard, la stabilisation pourrait être compromise ou retardée.

Autre écueil, la situation désespérée des finances publiques. La charge de la dette, c'est-à-dire le paiement des intérêts dus sur la dette de l'État, absorbe les deux-tiers des recettes budgétaires. Reste un petit tiers pour aider les plus déshérités à ne pas mourir de faim, rémunérer (mal) plusieurs millions de fonctionnaires, former une jeunesse nombreuse et subvenir aux besoins d'une armée dispendieuse. La restructuration de la dette, comme cela a été fait dans les années 1990 au lendemain de la première guerre du Golfe, n'est pas à l'ordre du jour. La diplomatie internationale est incapable de s'accorder sur une solution à cette crise qui touche quasiment tous les pays émergents non pétroliers.

À défaut, l'Égypte retrouvera-t-elle le chemin des marchés financiers internationaux comme entre 2013 et 2021 ? C'est peu probable. Il faudra donc recourir à la planche à billets et relancer la chasse au dollar, avant de revenir sur les réformes du 6 mars.

Impossible « démilitarisation »

Reste enfin le plus dur : ajuster le reste de l'économie au fonctionnement désormais libéral du change et de l'argent. Cela nécessiterait de « démilitariser » l'économie aux mains des généraux depuis plus de 10 ans. Subventions, prêts non remboursés, privilèges en tous sens, fiscalité inexistante, orientations des investissements ont entrainé l'économie dans une voie stérile. L'endettement massif du pays (entre 160 et 300 milliards de dollars selon les estimations) a surtout servi à couler du béton. À elle seule, la nouvelle capitale administrative1 qui n'est toujours pas active, a coûté plus de 60 milliards de dollars. Cinq autres villes nouvelles sont perdues dans le désert, et des douzaines sont en projet. Ces investissements colossaux ne rapportent rien, sinon aux affairistes en kaki qui ont mis la main dedans.

Les investissements productifs dans le reste de l'économie ont quant à eux été sacrifiés. Seuls les étrangers ont osé quelques opérations dans les hydrocarbures ou le tourisme. La bourgeoisie très allante du temps du président Hosni Moubarak s'est mise aux abonnés absents, déséquilibrant un peu plus une économie sous influence.

Le président Abdel Fattah Al-Sissi et son premier ministre ont promis le retour des dollars et la baisse des prix grâce à leurs mesures. Pourtant le scepticisme reste de rigueur, ces mesures pouvant se révéler bonnes ni pour l'économie, ni pour les Égyptiens.


1Également appelée Wedian ou Al-Masa, cette ville nouvelle destinée à devenir la capitale en remplacement du Caire, est en construction depuis 2016. Le chantier est situé à environ 45 kilomètres à l'est du Caire, en plein désert.

The UN System in the Dock

Par : AHH

How much longer will the world’s people allow the zionists and their imperialist backers to carry out their horrific crimes with impunity?

Lalkar writers at The Communists.

UN system in the dock: international law or rules-based order?

Two days after the International Court of Justice (ICJ) ruled in favour of South Africa’s prima facia case of genocide against it, Israel, and its primary sponsor the United States, along with the usual cohort of vassal states including Britain, all withdrew funding to the United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East (Unrwa), which provides food and aid to Gaza.

The very same people being deprived of food, water, medical supplies and all other life-supporting mechanisms whilst being bombed into oblivion by Israel using US and British weapons, have had what meagre support they had withdrawn.

Whilst the withdrawal of Unrwa funding could be considered a war crime in itself, the action is in flagrant defiance of the ICJ’s ruling, which found the charges of genocide brought by South Africa to be plausible.

The ICJ ordered Israel to abide by six provisional measures to prevent genocide and alleviate the humanitarian catastrophe, one of which was for Israel to secure immediate and effective steps to provide humanitarian assistance and essential services in Gaza. The defunding of Unrwa by the imperialists was a retaliatory message to the ICJ that, by deciding that Israel was non-compliant with the present orders thus warranting further orders, Israel will not recognise the ICJ’s authority.

Israel feels free to ignore ICJ ruling

What does this say about the authority and influence of the highest international court in our world? What does it say about Israel’s acknowledgement of the court’s legitimacy when, following its ruling, the Israeli prime minister Benjamin Netanyahu responds by declaring: “Israel’s commitment to international law is unwavering. Equally unwavering is our sacred commitment to defend our country.”

Mr Netanyahu went on to assert that South Africa’s allegation that Israel was committing genocide was “not only false, it’s outrageous, and decent people everywhere should reject it”.

Well, decent people the world over have made it clear what they think, and they reject Israel and the reject the western support of the zionists’ ongoing genocidal campaign. Whilst many may have no historical knowledge of the region and no understanding of the geopolitical implications or of US imperialist ambitions, they do know the difference between right and wrong.

They know genocide when they see it on their social media feeds, despite western media’s intense campaign of lying propaganda and protestations to the contrary.

Narratives unravelling fast

What we are witnessing is the rapid unravelling of two carefully constructed narratives that have run in parallel since 1945. One is the right of Israel to exist on any basis, and the other is the pretence that we are all governed according to some democratic principles enshrined in international law.

Since 1945, international law has been centred on the United Nations and its charter. One hundred and ninety-three countries have acceded to the UN charter as member states, declaring their wish to be part of the community of nations.

As part of the deal, they are obliged to follow the fundamental principles and provisions that extend from that charter, including its highest court, the ICJ.

Swedish diplomat Dag Hammarskjöld once stated that the goal of the UN was not to “take mankind to heaven, but to save humanity from hell”. But neither the UN’s courts nor its plethora of resolutions have done much for humanity in Palestine!

Israel and its sponsors, the USA and Britain, flagrantly disregard international law and the demands of millions of pro-Palestinian demonstrators worldwide, and they must be brought to account. It is time to delineate the words and actions of our leaders and to make them accountable for what they do.

Words matter. Words are how we communicate, interpret and understand one another and our world. They are also how we are manipulated into accepting wars and injustices that, if clearly articulated, we would fervently fight.Remember ‘weapons of mass destruction’? Our leaders and mass media constantly play with words to mould our thinking. Have you noticed how Israelis are ‘killed’ but Palestinians ‘die’?

The United Nations Relief and Works Agency for Palestinian refugees (Unrwa) was established in 1949. Since 1950 it has been providing nutritional, health and educational services to the 750,000 Palestinians displaced as a result of ethnic cleansing by the zionist colonisers, those displaced in later waves of war and occupation, and their descendants. Today, owing to a lack of international support, the agency struggles to provide services to over five million Palestinian refugees. Since the Palestinian refugees’ plight is officially recognised as ’temporary’, Unrwa is also supposed to be a temporary organisation, with its mandate reviewed and renewed every three years by the general assembly.

No limits to US-granted immunity for Israel

A change in phraseology coming out of the USA in recent years quietly replaced ‘international law’ with ‘the rules-based order’. Over time, the ‘rules-based order’ became the dominant phraseology in western media and political discourse, despite not having anything like the same meaning.

The ‘rules-based order’ flaunted by American and British politicians is less about international law and more about international law as interpreted by the United States. It allows the USA to flout the rules that govern other nations, and in particular to justify its exceptionalist approach toward Israel. This was clearly articulated in the joint declaration made during President Joe Biden’s visit to Israel in July 2022.

The statement reaffirmed “the unbreakable bonds between our two countries and the enduring commitment of the United States to Israel’s security”, along with the determination of the two states “to combat all efforts to boycott or delegitimise Israel, to deny its right to self-defence, or to single it out in any forum, including at the United Nations or the International Criminal Court”.

This commitment underpins the consistent refusal of the United States to hold Israel to account for its repeated violations of humanitarian law or to condemn its policy of apartheid in the occupied Palestinian territories.

The USA and its allies have always been partial in their application of the moral imperative, particularly when applied to international law. Israel remains the most immune and, regardless of sin, its brutal ethnic cleansing continues to have the full financial and military support of the USA and Britain.

Israel is America’s military base in the middle east. It has ensured US domination of the region and its oil since WW2, and that is why Israel is supported by the USA regardless of its actions or world opinion.

Imperialism v humanity: the struggle of our times

Whilst from the perspective of the western imperialists, such actions are presented as being consistent with their ‘rules-based order’, for the rest of the world they clearly violate the most basic rules of international law – and of humanity itself.

The ICJ ruling in support of South Africa’s submission that Israel is committing a genocide against the Palestinian people is a positive step, but if the court has no teeth, and if the genocide continues, what is the point of the court? What, in fact, is the point of the United Nations itself?

And if there is no legal mechanism for stopping what we all see and know is a genocide, and our own governments are complicit, who is going to see that justice is done?

Israel and the UN system are both in the dock. If nothing is done to hold Israel accountable, it will be because the USA has a veto over the only body with any executive power – the UN security council.

The USA has used that position to protect Israel and green light its genocidal and apartheid activities with impunity for 75 years, despite international outrage.

The question is: how much longer will the world’s people allow that situation to continue?

L'économie égyptienne vers l'inconnu

En renonçant à deux prérogatives centrales de l'État dans le domaine économique, le président Abdel Fattah Al-Sissi rompt avec l'histoire de son pays et prend un risque énorme. Il est encore trop tôt pour dire si ces réformes seront vraiment mises en œuvre. En revanche, on peut déjà annoncer qui sont les perdants : la majorité des citoyens.

Mercredi 6 mars, l'Égypte a sauté le pas pour le plus grand profit immédiat des affairistes et de la bourse. Le régime militaire a en effet pris deux décisions historiques qui, si elles sont appliquées dans la durée, bouleverseront en profondeur le fonctionnement de l'économie nationale. La réforme du marché des changes est la plus visible. Jusqu'ici, la banque centrale égyptienne (BCE), entièrement soumise à l'État, tenait à sa main la valeur de la livre égyptienne (LE) face au dollar ou à l'euro. Mais elle sera désormais déterminée par la confrontation entre l'offre et la demande de devises étrangères. Dès lors que ces dernières manquent depuis plus de deux ans en raison de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, le prix du change monte en livres égyptiennes, et la pénurie s'installe. Depuis 2022, le cours de la monnaie nationale a été abaissé à quatre reprises par la BCE dans des proportions considérables, passant de 17 à plus de 30 LE pour 1 dollar. Au marché noir, le billet vert a atteint jusqu'à plus de 70 LE. Et à l'avenir, le rapport entre la monnaie nationale et les devises s'établira quotidiennement.

Renoncements de l'État

La deuxième réforme concerne les marchés financiers. Jusqu'ici, l'épargne nationale était rémunérée à des taux d'intérêt inférieurs à la hausse des prix. Toutefois, cette « répression financière », dénoncée par la minorité aisée qui seule épargne, devrait prendre fin. D'où la vague de spéculation qui s'est immédiatement manifestée. À un terme non défini, les taux d'intérêt devraient être supérieurs à l'inflation et révisés chaque jour par la confrontation des offres et des demandes de crédits. Le 6 mars, l'écart entre les deux courbes a été réduit grâce à une remontée spectaculaire des taux d'intérêt, passant de +6 % à entre 24 % et 30 %.

Évènement politique majeur, les autorités égyptiennes ont de fait abandonné un contrôle historique instauré par le président Gamal Abdel Nasser dans les années 1950 sur deux instruments économiques clés : le change et le loyer de l'argent. Cette révolution n'a pas été faite « à la maison » comme l'a prétendu jeudi 7 mars à Alexandrie le premier ministre Mostafa Madbouly, mais sous la pression soutenue du Fonds monétaire international (FMI). Sa directrice générale, Kristalina Georgieva, une économiste bulgare formée à l'époque soviétique, a multiplié les escales au Caire, refusant obstinément, en l'absence d'un accord sur le change, d'augmenter son aide : trois milliards de dollars (2,76 milliards d'euros) sur trois ans, une misère pour le pays arabe le plus peuplé, et de loin.

À la suite des réformes du 6 mars, l'aide du FMI est passée à plus de neuf milliards (8,27 milliards d'euros), la Banque mondiale et l'Union européenne s'engageant à en apporter quinze de plus. S'y ajouterait une opération immobilière obscure montée par des capitaux venant des Émirats arabes unis, qui apporterait plus de 35 milliards de dollars (32,15 milliards d'euros), dont cinq disponibles immédiatement. Au Caire, on compte aussi sur l'argent des émigrés massivement passé sur le marché noir de la devise (une trentaine de milliards de dollars en année pleine), et qui devrait revenir par les canaux légaux.

Les pauvres, premières victimes

Cette manne est-elle en mesure de stabiliser l'économie exposée à un choc sans précédent ? Un dollar à 50 LE et des taux d'intérêt de 30 % bouleversent la vie quotidienne de plus de 106 millions d'Égyptiens. Avec une inflation annuelle de plus de 35 %, les prix et l'activité sont les premières victimes. Pour les pauvres, estimés à au moins 60 % de la population, se nourrir devient une gageure. Pour les entreprises, grandes ou petites, le prix des intrants largement importés et payables en devises, rend ces denrées presque inaccessibles. Le satisfecit décerné par Moody's, l'une des deux principales agences américaines de notation, qui estime désormais positivement d'investir en Égypte, n'y change pas grand-chose dans l'immédiat.

Les anticipations des différents acteurs économiques auront un rôle clé. S'ils prévoient une reprise du cycle infernal des prix intérieurs et des cours des devises, le dollar à 50 LE ne sera bientôt plus qu'un souvenir d'autant qu'il a déjà atteint 72 LE au début de l'année. Si les aides promises, souvent associées à des projets industriels ou d'infrastructure, n'arrivent pas ou prennent du retard, la stabilisation pourrait être compromise ou retardée.

Autre écueil, la situation désespérée des finances publiques. La charge de la dette, c'est-à-dire le paiement des intérêts dus sur la dette de l'État, absorbe les deux-tiers des recettes budgétaires. Reste un petit tiers pour aider les plus déshérités à ne pas mourir de faim, rémunérer (mal) plusieurs millions de fonctionnaires, former une jeunesse nombreuse et subvenir aux besoins d'une armée dispendieuse. La restructuration de la dette, comme cela a été fait dans les années 1990 au lendemain de la première guerre du Golfe, n'est pas à l'ordre du jour. La diplomatie internationale est incapable de s'accorder sur une solution à cette crise qui touche quasiment tous les pays émergents non pétroliers.

À défaut, l'Égypte retrouvera-t-elle le chemin des marchés financiers internationaux comme entre 2013 et 2021 ? C'est peu probable. Il faudra donc recourir à la planche à billets et relancer la chasse au dollar, avant de revenir sur les réformes du 6 mars.

Impossible « démilitarisation »

Reste enfin le plus dur : ajuster le reste de l'économie au fonctionnement désormais libéral du change et de l'argent. Cela nécessiterait de « démilitariser » l'économie aux mains des généraux depuis plus de 10 ans. Subventions, prêts non remboursés, privilèges en tous sens, fiscalité inexistante, orientations des investissements ont entrainé l'économie dans une voie stérile. L'endettement massif du pays (entre 160 et 300 milliards de dollars selon les estimations) a surtout servi à couler du béton. À elle seule, la nouvelle capitale administrative1 qui n'est toujours pas active, a coûté plus de 60 milliards de dollars. Cinq autres villes nouvelles sont perdues dans le désert, et des douzaines sont en projet. Ces investissements colossaux ne rapportent rien, sinon aux affairistes en kaki qui ont mis la main dedans.

Les investissements productifs dans le reste de l'économie ont quant à eux été sacrifiés. Seuls les étrangers ont osé quelques opérations dans les hydrocarbures ou le tourisme. La bourgeoisie très allante du temps du président Hosni Moubarak s'est mise aux abonnés absents, déséquilibrant un peu plus une économie sous influence.

Le président Abdel Fattah Al-Sissi et son premier ministre ont promis le retour des dollars et la baisse des prix grâce à leurs mesures. Pourtant le scepticisme reste de rigueur, ces mesures pouvant se révéler bonnes ni pour l'économie, ni pour les Égyptiens.


1Également appelée Wedian ou Al-Masa, cette ville nouvelle destinée à devenir la capitale en remplacement du Caire, est en construction depuis 2016. Le chantier est situé à environ 45 kilomètres à l'est du Caire, en plein désert.

En Palestine : la puissance du Droit... si les autorités l'appliquaient ! -- Daniel VANHOVE

Beaucoup de citoyens sont déçus voire dégoûtés de constater à quel point leur appartenance à ce qu'ils pensaient être des Etats exemplaires en termes de démocraties ne se vérifie pas dès lors que des intérêts supérieurs – et souvent cachés – sont à la manœuvre. Et cela jusqu'au sommet des institutions qu'ils croyaient être au-dessus de tout soupçon. Au point que même les plus hautes instances des Nations-Unies sont vues aujourd'hui avec la plus grande méfiance, quand elles ne sont pas dénoncées comme devant être (...)

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