Lateo.net - Flux RSS en pagaille (pour en ajouter : @ moi)

🔒
❌ À propos de FreshRSS
Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraîchir la page.
À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Dans les sous-sols de l'antiterrorisme, l'enfer de militants écologistes

Par : Léa Guedj

Interpellations brutales, gardes à vue interminables… 17 personnes ont été arrêtées le 8 avril dans le cadre d'une action contre Lafarge en 2023, avec les moyens « disproportionnés » de l'antiterrorisme. Elles racontent.
Il est 6 heures du matin, en région parisienne, lundi 8 avril, lorsque Guillaume est réveillé par le bruit des « coups de bélier », puis par « l'énorme fracas » de la porte « défoncée » de l'un de ses voisins. Quelques minutes plus tard, il entend une deuxième tentative d'intrusion chez un autre (...)

Lire la suite - Info / ,

Serge, tombé dans le coma à Sainte-Soline : « La police a reçu carte blanche »

Manifestant contre les mégabassines, Serge Duteuil-Graziani a été très gravement blessé par les gendarmes. Une violente répression physique qui résulte d'une consigne politique, analyse-t-il pour Off Investigation et Reporterre.
Lors de la manifestation de Sainte-Soline, le 25 mars 2023, l'opposant aux mégabassines Serge Duteuil-Graziani est grièvement blessé à la tête par une grenade qui aurait été tirée en tir tendu. Après deux mois passés entre la vie et la mort, il est maintenant en voie de guérison. (...)

Lire la suite - Entretien / , ,

« Sainte-Soline, autopsie d'un carnage » : le film en accès libre

Une répression d'une ampleur démesurée, des centaines de blessés et traumatisés... Le documentaire « Sainte-Soline, autopsie d'un carnage », coproduit par Off Investigation et Reporterre, est désormais en accès libre.
Le 25 mars 2023, une grande manifestation avait lieu à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), pour protester contre une mégabassine en projet. Contestées depuis des années, ces immenses retenues d'eau sont destinées à irriguer de grandes exploitations céréalières. Mais le gouvernement n'entendait pas (...)

Lire la suite - Enquête / , , ,

Criminalisation des écologistes : FNE dépose deux plaintes auprès des Nations unies

France Nature Environnement (FNE) a annoncé avoir déposé, vendredi 22 mars, deux plaintes auprès de l'Organisation des nations unies (ONU). « Depuis Sainte-Soline, le gouvernement n'a eu de cesse de criminaliser les défenseurs de la nature et d'étouffer la démocratie environnementale, dans une logique de contrôle et de répression de la société civile », dénonce dans un communiqué la plus grosse association environnementale de France.
Elle soumet deux cas au rapporteur spécial des Nations unies sur les (...)

Lire la suite - En bref / , ,

Wauquiez veut surveiller les trains et lycées régionaux avec l'intelligence artificielle

Laurent Wauquiez a fait voter le déploiement de la vidéosurveillance algorithmique dans tous les lycées et trains d'Auvergne-Rhône-Alpes, profitant de l'expérimentation accordée aux Jeux olympiques de Paris.
Lyon, correspondance
Laurent Wauquiez savoure. « Nous avions pris position sur la vidéosurveillance pendant la campagne des régionales. Depuis, les esprits ont bougé », sourit le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en référence à l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) (...)

Lire la suite - Info / ,

Une loi liberticide et totalitaire réprimant les propos privés a été votée

« Proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste, antisémite ou discriminatoire ». Voilà l’intitulé d’une loi, votée en première lecture par l’Assemblée nationale et dont tous les médias et tous les politiciens devraient parler. Il s’agit d’une nouvelle loi scélérate, destinée à museler toujours plus la liberté d’expression, dont les implications sont cauchemardesques. Nous reproduisons ici le fil Twitter de Xavier Van Lierde, journaliste à Radio Courtoisie, qui décrypte l’incroyable mécanisme liberticide derrière cette loi.

L’article Une loi liberticide et totalitaire réprimant les propos privés a été votée est apparu en premier sur Strategika.

En Cisjordanie, un écovillage accueille les réfugiés de Gaza

Alors que des milliers de Gazaouis sont bloqués loin de leurs familles pendant le mois saint musulman, des coopératives agricoles leur assurent un emploi et leur permettent de rompre le jeûne avec des produits locaux.
Farkha (Cisjordanie), reportage
Le soleil couchant éclabousse d'orange et de rose les collines striées d'oliveraies du village de Farkha, en Cisjordanie occupée. Du haut du balcon, Abu Ahmad contemple l'horizon verdoyant ponctué de colonies israéliennes. « C'est si différent de Gaza (...)

Lire la suite - Reportage / ,

A69 : Des journalistes dénoncent « une grave entrave à la liberté de la presse »

Destruction de matériel, insultes, privation d'eau… Les militants écologistes perchés dans les arbres afin d'empêcher les travaux de l'autoroute A69 (qui doit relier Toulouse à Castres) racontent être victimes de tentatives d'intimidation des forces de police. À ce « harcèlement » policier s'ajoute une « grave entrave à la liberté de la presse », dénoncent, dans un texte publié le 8 mars, des journalistes et médias signataires de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique – à l'élaboration (...)

Lire la suite - En bref / , , ,

La Loi Gayssot a fait taire tous les historiens, l’article 4 fera taire tous les scientifiques !

La récente adoption de l'article 4 a suscité de vives réactions, certains dénonçant une atteinte à la liberté d'expression et une nouvelle étape vers un État totalitaire. Comparé à la loi Gayssot, qui réprime la contestation des crimes contre l'humanité, cet article vise à réprimer la provocation à l'abandon de soins. Il s'inscrit dans une tendance inquiétante de restriction des libertés individuelles.

L’article La Loi Gayssot a fait taire tous les historiens, l’article 4 fera taire tous les scientifiques ! est apparu en premier sur Strategika.

Bolloré veut faire taire le rédacteur en chef d'Off Investigation

Le journaliste Jean-Baptiste Rivoire, fondateur du site Off Investigation, a annoncé jeudi 28 février que le tribunal prudhommal l'avait condamné à rembourser 151 000 euros à Canal+, propriété depuis 2015 du milliardaire Vincent Bolloré. Le journaliste a annoncé qu'il faisait appel de cette décision.
Jean-Baptiste Rivoire est entré à Canal+ en 2000, où il est devenu rédacteur en chef adjoint de l'émission d'enquêtes « Spécial Investigation ». La chaîne de télévision a été achetée par le groupe Bolloré en (...)

Lire la suite - En bref / ,

VIGINUM : vaste opération de censure sur Telegram en France

Un grand nombre de canaux Telegram, sites internet ou comptes de réseaux sociaux ont été censurés en France ce matin. Pour l’essentiel des médiats que le pouvoir estampille « pro-russes » et accuse de « manipulation de l’information », c’est-à-dire en réalité qui critiquent le narratif otanesque et refusent de s’aligner sur la macronie qui vassalise toujours plus la France au service des intérêts Yankee. Le ministricule des Affaires étrangères a justifié cette censure – au nom de la liberté d’expression (sans rire) – et en pointant la « découverte d’un vaste réseau de propagande » par VIGINUM. Voilà donc ce que la revue MILITANT révélait et que JEUNE NATION relayait fin 2022 sur VIGINUM, ce nouveau service de traque des opinions dissidentes en France.

L’article VIGINUM : vaste opération de censure sur Telegram en France est apparu en premier sur Strategika.

Au Royaume-Uni, une criminalisation « préoccupante » des militants écolos

Aujourd'hui au Royaume-Uni, un activiste pour le climat peut être condamné à six mois de prison simplement pour avoir manifesté pacifiquement dans la rue. Le mouvement écologiste fait en effet l'objet de nouvelles lois liberticides dans le pays.
Les défenseurs de l'environnement peuvent être poursuivis et condamnés en vertu de la nouvelle loi sur la police, la criminalité, les peines et les tribunaux, votée en 2022. Elle redéfinit le délit de « nuisance publique », passible jusqu'à dix ans (...)

Lire la suite - En bref /

Québec: un tribunal confirme la légitimité des mesures liberticides durant le COVID

Une juge de la Cour du Québec a confirmé la légitimité du couvre-feu imposé pendant la pandémie de COVID-19, malgré des violations des droits protégés par la Charte canadienne. Selon la cour, l’imposition du couvre-feu était une décision raisonnable. Sous couvert de COVID, le Canada a été une sorte de laboratoire où l’on y essaie toutes les mesures liberticides du Great Reset, et on les poussait jusqu’au bout.

La juge Marie-France Beaulieu a reconnu que le couvre-feu, bien qu’il ait violé des droits comme la liberté d’expression et de réunion, était justifié compte tenu du contexte de santé publique. Les circonstances exceptionnelles de la pandémie nécessitaient des mesures drastiques pour réduire les risques de propagation du virus. Avec le COVID, la stratégie de communication de nos gouvernants consistait essentiellement à nous rendre responsables de la circulation du virus, et à s’attribuer les mérites de sa mise sous contrôle. Mais la communication gouvernementale impose de nous faire croire que la vie normale ne peut revenir que si chacun se comportait bien.

Ce contenu est réservé aux abonnés

Pour profiter pleinement de l'ensemble de nos contenus, nous vous proposons de découvrir nos offres d'abonnement.

Connectez-vous si vous avez acheté un abonnement et/ou ce contenu.

S'abonner

Accédez à tous nos contenus.
Plus de 5 000 articles.

Acheter l'article

Déverrouillez cet article et obtenez un accès permanent pour le lire.

Prendre le maquis avec Éric Werner (2/4) – Vivons-nous en dictature ?

La chute du mur de Berlin n’a pas seulement en effet été une date importante en politique extérieure, mais également intérieure. Comme le relevait à l’époque Alexandre Zinoviev, c’est le moment où les dirigeants occidentaux ont commencé à s’affranchir d’un certain nombre de contraintes qu’ils s’imposaient à eux-mêmes par souci d’image.

L’article Prendre le maquis avec Éric Werner (2/4) – Vivons-nous en dictature ? est apparu en premier sur Strategika.

Loi Séparatisme : un média brestois perd ses subventions

Le média associatif vidéo brestois Canal Ti Zef a perdu une subvention de 2500 euros pour « non-respect du contrat d'engagement républicain ». C'est une première en Bretagne selon les journalistes de Splann. La signature de ce contrat est imposée aux associations qui sollicitent des subventions depuis l'entrée en vigueur de la loi Séparatisme en 2022. Si le préfet estime qu'il n'est pas respecté, il peut s'opposer au versement de l'argent. « Cette décision est d'autant plus effrayante qu'elle est non (...)

Lire la suite - En bref /

À Davos, Javier Milei a défendu « La supériorité écrasante du capitalisme »

Mercredi 17 janvier dernier, le président argentin Javier Milei a prononcé un discours enflammé et disruptif au Forum économique mondial de Davos. Son éloge de la croissance et des entrepreneurs, tout comme sa mise en garde contre les dangers du socialisme ont déjà fait couler beaucoup d’encre. En réalité, l’économiste n’a fait que reprendre, à quelques expressions près, le contenu d’une conférence TED donnée en 2019 à San Nicolás, au cours de laquelle il expliquait comment, tout au long de l’histoire, le capitalisme s’était avéré supérieur aux autres systèmes.

Les thèses mises en avant à Davos s’inscrivent dans le corpus classique de la défense des libertés économiques. Qu’elles soient mises en avant, de manière décomplexée, par un chef d’État est, en revanche, beaucoup plus inhabituel.

Dans cet article, l’essayiste Rainer Zitelmann revient sur les principales thèses économiques défendues par Javier Milei, tant comme économiste que comme chef d’État.

 

Thèse 1 : le capitalisme est la seule recette contre la pauvreté

Le discours de Milei commence par un examen historique, précisant que la révolution industrielle a donné à une grande partie de la population mondiale la possibilité d’échapper à la pauvreté.

« … Lorsque vous regardez le PIB par habitant depuis l’an 1800 et jusqu’à aujourd’hui, vous verrez qu’après la révolution industrielle, le PIB mondial par habitant a été multiplié par plus de 15. Ce qui s’est traduit par un boom de la croissance qui a permis à 90 % de la population mondiale de sortir de la pauvreté. N’oublions pas qu’en 1800, environ 95 % de la population mondiale vivait dans l’extrême pauvreté et que ce chiffre est tombé à 5 % en 2020, avant la pandémie. La conclusion s’impose. Loin d’être la cause de nos problèmes, le capitalisme libre-échangiste en tant que système économique est le seul instrument dont nous disposons pour mettre fin à la faim, à la pauvreté et à l’extrême pauvreté sur notre planète.

Avant les commencements de la révolution industrielle, il y a environ deux siècles, 90 % de la population mondiale était effectivement embourbée dans l’extrême pauvreté. Aujourd’hui, selon les chiffres de la Banque mondiale, cette proportion n’est plus que de 8,5 %.

 

Thèse 2 :  la « justice sociale » est injuste

Le président-économiste soutient que la redistribution n’est pas le moyen de résoudre les inégalités sociales et qu’elle ne fait en réalité que les accroître. Les anticapitalistes pensent que l’économie est un jeu à somme nulle – ils croient qu’un gâteau économique prédéfini doit être distribué, alors qu’en fait, le but est d’augmenter la taille du gâteau.

Milei : « Le problème, c’est que la justice sociale n’est pas juste – et qu’elle ne contribue pas non plus – au bien-être général… Ceux qui font la promotion de la justice sociale, les défenseurs, partent de l’idée que l’ensemble de l’économie est un gâteau qui peut être partagé différemment, mais que ce gâteau n’est pas acquis. C’est la richesse qui est générée dans ce qu’Israël Kirzner, par exemple, appelle un processus de découverte du marché. Si les biens ou services offerts par une entreprise ne sont pas désirés, l’entreprise échouera, à moins qu’elle ne s’adapte à ce que le marché exige. Si elle fabrique un produit de bonne qualité à un prix attractif, elle s’en sortira bien et produiront davantage. Le marché est donc un processus de découverte dans lequel les capitalistes trouveront le bon chemin au fur et à mesure qu’ils avanceront. »

 

Thèse 3 : l’Occident est menacé par le socialisme moderne

La thèse la plus importante est celle-ci : l’Occident est menacé par le socialisme.

Milei répond à l’objection selon laquelle, aujourd’hui, comme pour le socialisme classique, la question n’est pas la nationalisation des moyens de production. Selon lui, le marché libre est de plus en plus étouffé par l’intervention gouvernementale, la réglementation excessive, la fiscalité et les politiques des banques centrales.

Les moyens de production ou les biens immobiliers relèvent théoriquement de la propriété privée, mais dans le réalité les propriétaires perdent de plus en plus le contrôle de leurs biens au profit de l’État.

Milei : « L’Occident a malheureusement déjà commencé à s’engager dans cette voie. Je sais que pour beaucoup, il peut sembler ridicule de suggérer que l’Occident s’est tourné vers le socialisme, mais ce n’est ridicule que si vous vous limitez à la définition économique traditionnelle du socialisme, qui dit qu’il s’agit d’un système économique où l’État possède les moyens de production. À mon avis, cette définition devrait être mise à jour à la lumière des circonstances actuelles. Aujourd’hui, les États n’ont pas besoin de contrôler directement les moyens de production pour contrôler tous les aspects de la vie des individus. Avec des outils tels que la planche à billets, la dette, les subventions, le contrôle des taux d’intérêt, le contrôle des prix et la réglementation pour corriger les soi-disant défaillances du marché, ils peuvent contrôler la vie et le destin de millions d’individus.

 

Thèse 4 : les entrepreneurs doivent commencer à se défendre

Le discours de Milei ne se borne pas à constater, il appelle aussi à l’engagement. Il cible en particulier les entrepreneurs, qui « se plient trop souvent à l’air du temps et aux puissants politiques », les enjoignant à ne plus se laisser intimider par les politiciens, à être « fiers » et à commencer « à se battre ».

« C’est pourquoi, en terminant, j’aimerais laisser un message à tous les hommes d’affaires ici présents et à ceux qui ne sont pas ici en personne, mais qui nous suivent du monde entier. Ne vous laissez intimider ni par la caste politique ni par les parasites qui vivent aux crochets de l’État. Ne capitulez pas devant une classe politique qui ne veut que rester au pouvoir et conserver ses privilèges. Vous êtes des bienfaiteurs sociaux, vous êtes des héros, vous êtes les créateurs de la période de prospérité la plus extraordinaire que nous ayons jamais connue. Que personne ne vous dise que votre ambition est immorale. Si vous gagnez de l’argent, c’est parce que vous offrez un meilleur produit à un meilleur prix, contribuant ainsi au bien-être général. »

Comment ce discours se traduira-t-il dans la réalité ? Milei réussira-t-il à mettre en œuvre la supériorité écrasante du capitalisme en Argentine ? Réponse dans les semaines et les mois qui viennent.

« Macron prépare la militarisation de la société »

Le « réarmement civique » prôné par le chef de l'État est un « appel au sacrifice du peuple », alerte le chercheur Thierry Ribault. Il prépare la jeunesse à une « inéluctable » mobilisation nationale.
Un faisceau d'indices, d'événements et d'éléments de langage montrent que nous changeons d'époque. Le dernier discours d'Emmanuel Macron sur « la régénération » et « le réarmement civique » en est une illustration. On prépare les esprits à un endurcissement de la société et à un monde en guerre, alerte Thierry Ribault, (...)

Lire la suite - Entretien / ,

Soldes : « En Europe on vend des produits issus du travail forcé des Ouïghours »

Zara, Levi's, H&M... De nombreuses marques continuent de vendre des vêtements issus du travail forcé des Ouïghours. L'Europe est même au cœur de ce business, explique la sociologue Dilnur Reyhan.
Dilnur Reyhan est sociologue et enseignante à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Elle est aussi présidente de l'Institut Ouïghour d'Europe.
Reporterre — Alors que les soldes débutent le 10 janvier, il est probable que des articles vendus à cette occasion soient issus du (...)

Lire la suite - Entretien / ,

« Macron prépare la militarisation de la société »

Le « réarmement civique » prôné par le chef de l'État est un « appel au sacrifice du peuple », alerte le chercheur Thierry Ribault. Il prépare la jeunesse à une « inéluctable » mobilisation nationale.
C'est un faisceau d'indices, d'événements et d'éléments de langage qui montrent que nous changeons radicalement d'époque. Le dernier discours d'Emmanuel Macron sur « la régénération » et « le réarmement civique » en est une illustration. On prépare les esprits à un endurcissement de la société et à un monde en guerre, (...)

Lire la suite - Entretien / ,

Soldes : « En Europe on vend des produits issus du travail forcé des Ouïghours »

Zara, Levi's, H&M... De nombreuses marques continuent de vendre des vêtements issus du travail forcé des Ouïghours. L'Europe est même au cœur de ce business, explique la sociologue Dilnur Reyhan.
Dilnur Reyhan est sociologue et enseignante à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Elle est aussi présidente de l'Institut Ouïghour d'Europe.
Reporterre — Alors que les soldes débutent le 10 janvier, il est probable que des articles vendus à cette occasion soient issus du (...)

Lire la suite - Entretien / ,

Jugée trop radicale, Alternatiba Lyon perd ses subventions

La préfecture du Rhône a supprimé la subvention d'Alternatiba à Lyon, à qui elle reproche ses actions de désobéissance civile. Une pratique désormais commune pour réprimer les associations écologistes.
Au pain sec et à l'eau. La préfecture du Rhône a supprimé une demande de subvention d'Alternatiba, a révélé Mediapart fin décembre dernier. Cette enveloppe de 3 500 euros devait servir à rénover la cuisine du bar associatif lyonnais du mouvement écologiste.
Sa coupe a été annoncée en mai 2023, lors de la réunion (...)

Lire la suite - Info / , ,

Censure politique : le gouvernement britannique a surveillé les discours critiques pour les censurer

Des dossiers ont été constitués par 15 départements après avoir surveillé l’activité des réseaux sociaux afin de contrôler les personnes invitées à s’exprimer lors d’événements officiels.

Source : The Guardian, Anna Fazackerley
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le ministère de l’Education est l’un des 15 ministères à avoir surveillé l’activité sur les réseaux sociaux de ceux qui sont perçus comme des opposants. Photo : Hollie Adams/Getty Images

Quinze départements gouvernementaux ont surveillé l’activité des réseaux sociaux de critiques potentielles, et compilé des « dossiers secrets » afin de les empêcher de s’exprimer lors d’événements publics, a révélé l’Observer.

Selon les directives publiées dans chaque ministère, y compris les ministères de la santé, de la culture, des médias et des sports, et de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales, il est conseillé aux fonctionnaires de vérifier les comptes Twitter, Facebook, Instagram et LinkedIn des experts. Il leur est également demandé d’effectuer des recherches sur Google concernant ces personnes, en utilisant des termes spécifiques tels que « critique du gouvernement ou du premier ministre. »

Lire la suite

La France face à la menace terroriste : vers un État policier ?

Par : h16

Les autorités redoutent un attentat d’ici la fin de l’année. Elles l’ont d’ailleurs très médiatiquement fait savoir, tant du côté européen que du côté français, afin que toute la population soit correctement saisie d’inquiétude et de méfiance pour la période des fêtes.

Et donc, que ce soit le résultat d’une action préparée de longue date restée discrète voire secrète au point d’échapper aux renseignements policiers, ou qu’il s’agisse d’un événement quasiment improvisé, selon toute vraisemblance, les prochaines semaines ou, plus probablement, les prochains mois verront un nouvel événement terroriste en France.

Notons que tout aura été fait pour, et qu’on pourra raisonnablement écarter tout hasard dans la préparation des consciences, tant est difficile à cacher la volonté pour une bonne partie des politiciens d’importer avec gourmandise le conflit israélo-palestinien en France. Ici, on comprend bien évidemment la mécanique politique à l’œuvre : toute nouvelle tension, toute nouvelle bouffée d’horreur en France servira essentiellement à augmenter les prérogatives de l’État, et de ceux qui le gouvernent, et tout événement violent sera prétexte à accroître les possibilités offertes à ces derniers de pressurer la population, la museler et la contraindre dans le sens qui leur plaira.

Il n’y a guère besoin d’extrapoler. Même quelque chose de relativement bénin (voire festif selon certains) comme les Jeux Olympiques d’été permet d’illustrer le point : ces célébrations dispendieuses, largement coupées des préoccupations directes de l’écrasante majorité de la population, servent déjà à passer nombre de lois et de décrets afin de transformer la capitale en véritable enfer carcéral pour ses habitants, et à mettre en place des mesures (notamment numériques) dont on sait qu’elles perdureront bien au-delà de leur raison initiale.

Dans ce contexte, il est facile de comprendre que n’importe quel attentat un peu plus large qu’un simple échange de coups de couteaux (qui ne ferait qu’attiser ce que la classe jacassante appelle maintenant hypocritement l’ultradroite) pourra servir d’une part à terroriser la population (ou tout faire dans ce but) ; et d’autre part à renforcer le contrôle policier… sur ceux qui pourraient trouver la situation un peu saumâtre et vouloir se défendre (encore l’ultradroite, comme par hasard).

Il semble donc évident qu’un événement majeur, avec à la clé plusieurs (dizaines de ?) morts aura lieu dans les prochains mois, disons pour donner une idée, d’ici Noël 2024. Quelque chose comme ce qui s’est passé en Israël où des villages entiers furent attaqués par de petites troupes de terroristes.

Cela n’a absolument rien de farfelu puisque l’ébauche a déjà germé dans les cerveaux manifestement sous-dimensionnés de quelques individus qui ont, fort heureusement, réussi à se faire gauler : « On passe à quatre ou cinq, armés, tu tues tout le village en une seule nuit, c’est facile, je te dis que tu peux faire ça, c’est facile ! »…

On devra se demander pourquoi les autorités ont jugé bon de faire connaître médiatiquement ces projets d’attentats de ces soi-disant « réfugiés », mais il est clair que ce faisant, outre disséminer encore un peu plus l’idée, cela permet d’établir un précédent, à toutes fins utiles. Dès lors, on peut imaginer que d’autres, un peu plus finauds que ces pieds nickelés du djihadisme, s’organisent déjà avec une meilleure discrétion. Peut-être ceux-là acquièrent-ils lentement des armes personnelles, chacun dans son coin, la filière ukrainienne servant sans nul doute à les fournir et, un petit matin, ou un soir, ils choisiront de passer à l’action de manière individuelle selon un plan préparé à l’avance, et discuté hors des réseaux numériques les plus écoutés.

On imagine sans mal qu’ils débouleront dans l’un de ces villages tranquilles où la gendarmerie est sous-équipée et en sous-effectif chronique d’autant plus que la commune, sans barres HLM, sans racailles et sans gentils clandestins, est très calme et ne nécessite donc que peu de services de proximité que l’État n’a de toute façon aucune volonté de maintenir localement. Les dégâts (en nombre de morts, en blessés) y seront logiquement élevés.

Ce n’est qu’un scénario possible, mais compte tenu du nombre de candidats potentiels à ce genre d’actions, de l’état général des services de renseignements en France, de la compétence moyenne de nos autorités, avouons que ce n’est pas le scénario le plus fou fou non plus.

On peut aussi garantir que l’action des forces de l’ordre sera spectaculairement foireuse pendant un bon moment avant de pouvoir les stopper. Peut-être même une partie des perpétrateurs pourra – comme par hasard – s’enfuir dans la nature.

Pour donner un ordre d’idée, une poignée d’attaquants, cinq ou six (soit seulement trois de plus qu’au Bataclan) peut faire des dizaines de morts et de blessés dans une poignée de villages. À quelques dizaines, le massacre serait rapidement monstrueux face à des populations qui ont été volontairement et largement habituées à dépendre totalement de l’État pour leur sécurité, et dont les dents et les griffes ont été patiemment limées ; de lois scélérates, en (dé)moraline en baril distribuée chaque soir sur les ondes, et prunages vexatoires pour la moindre hausse de sourcil un peu trop rapide, ces populations ont abandonné toute envie de combattre, et leur capacité d’auto-défense

Ici, parier sur l’incompétence totale des autorités françaises à réagir rapidement et efficacement dans ce genre de terrible contexte n’est même pas un pari osé, c’est malheureusement le moins risqué. Du reste, les attentats du 13 novembre 2015 ont amplement démontré la désorganisation des forces d’intervention et des autorités. Qui imagine que l’équipe actuelle serait soudainement plus affûtée que celle d’alors ?

En revanche, on peut garantir la bonne compétence de la même brochette pour la récupération d’un tel événement, afin de poser les derniers jalons, les plus sévères, les plus lourds et les plus définitifs d’un véritable État policier, c’est-à-dire une dictature parfaitement étanche. Cela ne fait aucun doute.

En réalité, c’est précisément pour cela que la menace d’attentats a été clairement annoncée urbi & orbi par nos autorités, l’apeurement des populations étant un des effets directs recherchés. C’est pratique, une population apeurée : bien préparée à une horreur quasiment vendue comme inévitable, elle sera à point lorsque l’horreur surviendra.

Quelques centaines de morts d’un côté, un pouvoir quasi-illimité de l’autre : pour des élites parasitaires et parfaitement dénuées de tout scrupule, le calcul est vite fait et la question de la marche à suivre, « elle est vite répondue » pour des dirigeants qui sentent leur fin inéluctable sans la mise en place d’une poigne de fer contre le peuple.

En fait, il n’y a guère lieu d’épiloguer. Gérard Collomb, dans un rare moment de lucidité que permet l’abandon de la politique, expliquait au sujet de certaines populations que nous vivions actuellement côte à côte, et risquions vite « de se retrouver face à face ».

Nous y sommes.

Sur le web.

La surveillance devient le prix à payer pour vivre en France

Article disponible en podcast ici.

Jadis, seuls les criminels se retrouvaient sur écoute. La traque du citoyen par les bureaucrates était une exception. Les surveillances de masse étaient réservées aux régimes totalitaires, impensables dans nos démocraties.

Or depuis le 11 septembre, nos gouvernements nous considèrent tous comme des potentiels criminels qu’il faut espionner constamment. Et toute comparaison aux régimes totalitaires fera glousser nos fonctionnaires devant une telle allusion.

J’ai déjà longuement commenté cette dérive à travers les dernières actualités comme la volonté d’interdire les VPN, de mettre un mouchard dans nos navigateurs, d’interdire le chiffrement, de l’égaliser la reconnaissance faciale, d’interdire les cryptomonnaies.

Tous ces abandons de nos droits ont été faits en 2023, vous pouvez constater l’imagination sans limites de nos bureaucrates dans nos privations de liberté.

 

Une nouvelle dérive de surveillance à la française

Aujourd’hui j’aimerais porter l’attention sur une nouvelle dérive de surveillance à la française. L’État français profite de nos nombreux impôts, taxes, redevances, cotisations, charges pour justifier une surveillance afin d’éviter les fraudes.

D’un côté, on va créer un impôt inquisiteur, pour de l’autre mettre en place une surveillance pour cet impôt. Double punition pour le citoyen.

L’impôt sur le revenu permet de légitimer une surveillance de notre train de vie sur les réseaux sociaux par le fisc.

La taxe sur les piscines permet de légitimer une surveillance par satellite des maisons françaises par le fisc.

L’URSAFF peut demander vos conversations de votre téléphone professionnel, si elle juge son usage trop personnel, votre téléphone devient un avantage en nature dissimulé, et vous êtes bon pour un redressement.

L’impôt sur la fortune permet à l’État de connaître tous nos comptes bancaires y compris à l’étranger, ainsi que tous nos biens immobiliers et mobiliers.

Vous devez maintenant déclarer les occupants de vos logements, directement aux impôts, pour vérifier l’impôt sur le revenu de l’immobilier.

Et si par miracle, toute cette surveillance ne suffit pas, je rappelle que le fisc analyse toute transaction supérieure à 1000 euros à travers tracfin, sachant que l’État a par ailleurs rendu illégale toute transaction en espèces supérieure à 1000 euros. L’État interdit donc toute transaction non traçable par lui au-dessus de cette somme.

 

Deux poids, deux mesures

Fort heureusement, il existe encore des moyens d’éviter la surveillance.

Si vous continuez de louer une HLM alors que vous ne remplissez plus les critères, vous pouvez dormir tranquille. L’État ne semble pas inquiet, d’ailleurs il souhaite 25 % de HLM partout, plutôt que de réguler l’existant.

Si vous réclamez votre chômage depuis vos vacances à l’étranger, là aussi, soyez rassuré, il ne se passera rien.

L’État est capable de repérer les piscines par intelligence artificielle depuis l’espace, mais ne parvient pas à bloquer le site pôle-emploi aux adresses IP en dehors de France.

Si vous fraudez la sécurité sociale, ne vous troublez pas. Aux dernières nouvelles, il y a 2,6 millions de cartes vitales actives de plus qu’il y a d’inscrits à la sécurité sociale.

Le mieux est encore d’être dans l’État. Mon patrimoine intrigue le fisc, mais après avoir été banquier d’affaires durant quatre années, le maigrichon patrimoine de Macron n’a déclenché aucune investigation.

Savoir quel locataire habite chez moi semble hautement important. Mais Cahuzac, qui proposait ses services de consultant à BigPharma à travers son EURL Cahuzac Conseil, tout en travaillant au ministère de la Santé, ne semble pas choquer. Cette double activité, en plein conflit d’intérêts, ne lui a pas été reprochée, seul un compte en banque suisse alimenté par ses « missions » auprès de BigPharma lui a valu condamnation. Il n’a passé qu’un an en prison, il est à l’heure actuelle médecin en Corse.

En résumé, être innocent ou coupable ne dépend plus de vos agissements. Vous serez constamment innocent si vous participez au pillage de l’État.

Mais si vous vous tenez à l’écart de l’État, alors vous voilà un citoyen présumé coupable à perpétuité. Afin de vous disculper du terroriste, pédophile, trafiquant, fraudeur qui sommeille en vous, une surveillance de tous vos faits et gestes devient nécessaire.

Ne sacrifions pas l’Occident pour combattre l’islamisme : réponse à Marion Maréchal

Samedi soir, un terroriste islamiste a semé la mort au pied de la Tour Eiffel. Armand Rajabpour-Miyandoab avait déjà été condamné en 2018 pour association de malfaiteurs terroristes, condamnation qui lui a valu d’être fiché S.

Ce n’est pas le premier terroriste à être passé à l’acte en France alors qu’il était déjà suivi pour ses accointances avec l’islamisme et l’entreprise terroriste. Cette répétition doit évidemment nous interroger sur l’efficacité de notre système de surveillance des individus dangereux, et en particulier des islamistes. S’engouffrant dans la brèche, Marion Maréchal a appelé dans les colonnes du journal Le Figaro à ce que tous les islamistes fichés S soient arrêtés et incarcérés immédiatement. 

 

On ne peut défendre l’Occident en détruisant son génie

S’il est vrai que la grande majorité des terroristes étaient fichés S, tous les fichés S ne sont pas des terroristes.

Marion Maréchal le sait, et ce n’est pas une erreur de logique qu’elle commet. Mais elle propose ni plus ni moins d’abandonner le droit à la sûreté, c’est-à-dire la protection contre les arrestations arbitraires, consacrée aux articles 2 et 7 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, inspiré de l’Habeas Corpus anglais qui fut la première pierre de la tradition juridique libérale qui caractérise l’Occident. Cette pensée juridique originale née en Occident a illuminé le monde et continue de rayonner auprès de tous les peuples opprimés, y compris par l’islamisme. 

Nous ne défendrons pas l’Occident contre ses ennemis en détruisant son génie. Abandonner la démocratie libérale qu’abhorrent les islamistes et autres illibéraux à la culture viriliste et adulescente qui voient la culture humaniste, non comme une sagesse mais une faiblesse, c’est leur donner la victoire.

En ne protégeant que les clochers, Reconquête! s’enferme dans une vision folklorique de la civilisation occidentale. À l’inverse, dans son chemin vers la « dédiabolisation », le Rassemblement national semble avoir intégré à son discours la défense des minorités sexuelles et des femmes comme partie intégrante de la tradition occidentale. On ne peut d’ailleurs que déplorer que la gauche abandonne de plus en plus cette défense inconditionnelle du droit à la différence à l’extrême droite, comme elle a abandonné l’hymne et le drapeau, cédant devant la culture intolérante ce qu’elle voit comme les nouveaux damnés de la Terre. 

Par ailleurs, nous ne rappellerons jamais assez que toutes les lois d’exception ont fini par être détournées de leur objectif initial.

 

Les risques de dérives d’une telle mesure

Combien de fois les lois antiterroristes ont-elles été instrumentalisées pour intimider des individus qui n’avaient rien en commun avec le terrorisme islamisme, comme les militants de la ZAD de Notre-Dame des-Landes ? Réprimer les manifestations ? Peut-être devrait-on rappeler à Marion Maréchal que parmi les manifestants de l’ultra-droite descendus dans les rues pour protester contre la mort du jeune Thomas à Crépol, on comptait probablement des fichés S ? Combien de sympathisants de Reconquête! pourraient être inquiétés à la veille d’une élection au simple motif qu’ils ont pu approcher de près ou de loin une idéologie radicale ?

Rappelons que le simple fait de côtoyer sans le savoir un fiché S peut faire de vous un fiché S. Dès lors, la mécanique d’enfermement généralisé pourrait très facilement s’emballer, ou être instrumentalisée par le politique qui n’aurait alors plus aucune limite dans son pouvoir. Consentir à l’arbitraire, même dans l’objectif noble de lutter contre le terrorisme, est la voie la plus sûre vers la tyrannie.

Ce serait d’autant plus une trahison envers notre civilisation que ce serait une solution simpliste adoptée au détriment d’une autre facette du génie occidental : sa capacité de séduction.

 

La plus belle arme de l’Occident : sa capacité de séduction

Notre démocratie libérale, longtemps considérée comme un horizon indépassable de la modernité, ne séduit plus. Non seulement l’Occident n’est plus le phare du monde, mais il est remis en cause en son sein, que ce soit par les descendants d’immigrés qui adoptent l’islamisme que leurs parents ont fui, ou les tenants d’un Occident fantasmé qui voient dans Poutine le « salut de la blanchitude ».

Notre démocratie libérale, qui permet à chaque individu de s’émanciper et de se déterminer, peine à produire une métaphysique commune qui soit accessible au plus grand nombre, qui se tourne alors vers les prêts-à-penser que constituent les idéologies radicales, que ce soit au sein de l’islam politique, de l’extrême droite ou de l’extrême gauche.

Pour se défendre, la démocratie libérale doit se réarmer intellectuellement. Le refus de la radicalité et du populisme, s’il n’est pas justifié pour soi, ne sera jamais à même de peser face aux idées faciles. Mais elle doit aussi être cohérente et défendre cet idéal occidental à chaque fois qu’il est attaqué, comme en Ukraine, et non pas comme en Arménie qui, malgré quelques prises de paroles sentencieuses, a été abandonnée au profit de nos intérêts gaziers.

Enfin, il faut rappeler que si la première mission de l’État doit être d’assurer la sécurité des citoyens et qu’il est indispensable que nous perfectionnions sans cesse notre appareil sécuritaire, seul un régime tyrannique pourrait approcher le risque zéro. Personne ne doute que la Corée du Nord connaît un taux d’homicides (non gouvernementaux) plus faible que le nôtre. En définitive, nous devons assumer que dans une société libre, le risque zéro n’existe pas, et que nous aurions bien davantage à perdre en sacrifiant notre État de droit.

L’enfer est pavé de bonnes intentions (21) – L’antiracisme

En ces temps particulièrement agités, qui ne s’associerait pas volontiers à la lutte contre l’antiracisme ? Certains êtres primaires sans doute hélas, car il est de fait que des actes et des paroles racistes ont lieu depuis toujours et tendent à se développer ces dernières années et ces dernières semaines, notamment avec la montée des tensions communautaires ou internationales. Mais faut-il pour autant, comme le suggèrent certains, en venir à contrôler une liberté d’expression, déjà mal en point ?

 

Quand on cherche à éliminer l’adversaire…

L’assaut vient, cette fois, du sénateur communiste Ian Brossat. Probablement désireux de faire parler de lui et de justifier ses mandats, rien de tel que de défendre en apparence une idée chère au plus grand nombre : agir contre le racisme et l’antisémitisme. Idée d’autant mieux venue que c’est dans l’air du temps après la grande marche contre l’antisémitisme du week-end dernier qui a réuni des milliers de personnes et nombre de personnalités de tous bords politiques… ou presque. Mais surtout, il s’agit là – il faut bien se le dire – d’un moyen bien commode de caricaturer un adversaire et de réclamer sa tête.

Car en effet, si l’on se réfère à cette courte séquence diffusée sur le réseau X, le sénateur ne se cache pas dans sa volonté d’apparenter Éric Zemmour – et nul autre – à la haine, au racisme et à l’antisémitisme. Nous avions la personnification de La Mort, nous avons maintenant celle de La Haine et du Racisme.

 

Une ficelle un peu grosse

La ficelle est un peu grosse (et je ne suis pas là pour défendre particulièrement Éric Zemmour). D’autant plus grosse que, comme le relèvent aussitôt les commentateurs de ce message, il y a beaucoup à dire de ceux qui prétendent afficher ainsi leur vertu. Mais personne n’est complètement dupe.

A-t-on oublié, demande l’un (affiche historique à l’appui), que le parti auquel adhère notre sénateur vertueux a un passé pas toujours très glorieux en matière d’antisémistisme ? Ou qu’il a été responsable, selon certaines estimations de chercheurs, de rien moins que 100 millions de morts, interroge un autre ? Et quid de l’antisémitisme de Karl Marx, inspirateur du même communisme ?

Bien sûr, nous ne sommes pas là pour dresser une liste exhaustive de toutes les réactions à ce message (et nous aurions pu en citer beaucoup de tout à fait légitimes). Mais quand même… Qu’un représentant d’un parti qui est très loin d’avoir toujours été clair sur ces questions mette en avant sa vertu et son exemplarité pour s’attaquer ainsi à une cible exclusive et à travers elle s’attaquer surtout à la liberté d’expression, pose problème.

 

Une liberté d’expression à géométrie variable

C’est d’autant plus navrant que l’on sait tous que les représentants de la justice en France, surtout lorsqu’ils militent auprès d’un syndicat réputé très engagé, n’apparaissent pas toujours comme tout à fait neutres dans leurs décisions. On sait aussi que les accusations de racisme, d’antisémitisme, ou même d’autres propos ou actes odieux, vont parfois bon train, dans la mesure où elles permettent de mettre facilement en difficulté un adversaire et de l’éliminer au moins temporairement ou le décrédibiliser plus durablement.

Donc où commencent et où s’arrêtent la liberté d’expression, la chasse à la parole équivoque ou qui pourra être interprétée de telle ou telle manière, suspectée de telle ou telle arrière-pensée, pourchassée devant les médias puis le cas échéant devant la justice ?

La question vaut la peine d’être posée, car au-delà des apparences se cache trop souvent de la mauvaise foi, de mauvaises intentions, des arrière-pensées politiques. Il est certainement plus sage de s’en tenir aux textes existants et de les appliquer : les actes et propos racistes ou antisémites sont susceptibles d’être jugés et condamnés, très bien. N’y mêlons pas de prétendues bonnes intentions destinées à semer la zizanie dans la prise de parole, notamment politique, et aboutir en pratique à des campagnes de chasse aux sorcières peu glorieuses et souvent très violentes.

Surtout quand on se trouve sur un terrain fragile et miné, où règnent clairement une certaine dose de mauvaise foi, d’aveuglement, de naïveté, voire de mensonges. Quand il ne s’agit tout simplement pas… de peur.

 

Postures et impostures

Une fois encore, nous sommes là dans les habituelles postures politiques. Défendre la vertu, mais détourner le regard en cherchant à pointer du doigt l’arbre qui cacherait la forêt…

N’est-ce pas au sein de cette gauche présumée si vertueuse depuis au moins Robespierre, et adepte des révolutions, que l’on pratique le mieux la privation de la liberté de parole ?

Au lieu de prendre le risque de créer des tensions supplémentaires en brandissant sans arrêt l’arme du racisme et de l’antisémitisme, dont tant de mouvements ou associations aux intentions équivoques nous ont habitués, nous pourrions par exemple de nouveau conseiller une lecture plus saine et faisant bien davantage appel à la Raison : « Faut-il tolérer l’intolérance ? », sous la direction de Nicolas Jutzet. Voilà qui vaudra bien mieux que de simples raccourcis aux intentions à peine voilées.

 

À lire aussi :

[Enquête II/II] Les victimes de Wagner au Mali souhaitent le retour de Barkhane

Cet article constitue la seconde partie de mon enquête sur le double ethnocide des Touareg et des Peuls au Mali, dont le premier volet a été publié le 20 novembre. Pour mieux comprendre l’effondrement sécuritaire et humanitaire que traversent les populations peules et touarègues du nord du Mali, j’ai interrogé les victimes de Wagner sur l’évolution de leurs conditions d’existence depuis le départ des Français.

Depuis deux ans, le régime putschiste installé à Bamako ne cesse d’accuser la France, tantôt de « néocolonialisme », tantôt d’« abandon », mettant en avant le slogan de la « souveraineté retrouvée du Mali ». Dans les faits, la junte de Bamako a transféré son autorité aux mains du groupe paramilitaire russe Wagner, et s’aligne publiquement sur les positions du Kremlin.

Au nord du Mali, les témoins Peuls et Touareg ont constaté une « amplification de l’insécurité » depuis le départ de Barkhane. Tous, à leur manière, m’ont confirmé que « les jihadistes ont repris du terrain » et que leurs attaques se sont « multipliées ». D’autre part, ils ont fait la connaissance des « monstres » de Wagner.

 

Les Forces Armées du Mali (FAMa) sous commandement russe ?

Sur le terrain en tout cas c’est limpide. Les témoins des crimes de Wagner ont pu observer à de nombreuses reprises la subordination des soldats maliens aux paramilitaires russes. Si les forces armées maliennes participent aux crimes de guerre des Wagner, il semble que les soldats maliens soient aussi victimes d’exactions de la part des paramilitaires russes.

Lorsque j’ai demandé aux victimes de Wagner de se souvenir comment ces derniers se comportaient avec les FAMa au moment des massacres et des pillages, j’ai entendu des réponses plus ou moins détaillées mais qui allaient toutes dans le même sens que celle donnée par ce berger peul : « les FAMa sont aux ordres des Wagner ».

Certains témoins ont décelé de la « frustration » parmi les militaires maliens tenus à l’écart lors des réunions de commandement ou forcés à obéir sous peine d’être torturés ou exécutés. Le 9 octobre 2023, à Anéfis, plusieurs civils ont vu 6 soldats maliens se faire égorger ou fusiller par des éléments de Wagner à la suite d’un désaccord sur le partage des biens pillés et sur le sort à réserver aux populations locales.

Le régime de Bamako n’a pas retrouvé sa souveraineté en rompant ses accords de coopération militaire avec la France. Il l’a transférée à une milice paramilitaire qui dirige, dans les faits, son armée régulière.

 

« Ne comparez pas Barkhane et Wagner. Ils sont comme l’eau et le lait » 

Les témoins Peuls et Touareg avec lesquels j’ai pu échanger ont vécu à proximité de bases militaires françaises qui ont été investies par le groupe Wagner et les Forces Armées Maliennes (les FAMa) à la fin de l’opération Barkhane. Ils décrivent l’arrivée de Wagner comme un changement de monde. Le professionnalisme de l’armée française a cédé la place à la barbarie des paramilitaires russes :

« La force Barkhane était respectueuse des gens, ils sont bien éduqués, polis. Barkhane aidait les gens. Wagner n’est comparable qu’avec l’armée malienne ou les terroristes. C’est des gens sans foi ni loi. »

« Barkhane ne s’attaque pas aux civils sans armes. Wagner attaque les civils et les animaux. Barkhane respect les droits de l’homme contrairement à Wagner à qui le gouvernement du Mali a donné carte blanche pour exterminer les touaregs et les arabes. »

« Wagner tue à sang froid, alors que barkhane au pire ils arrête et emmène les gens dans leur hélicoptère »

« Wagner et barkhane c’est ni le même comportement ni le même mode opératoire ni la même mission. Barkhane cherchais des terroristes. Tout ceux qui ont des liens avec les terroristes peuvent être arrêtés avec l’espoir de si aucune preuve irréfutable n’as été trouvé ils serrons remis en liberté mais Wagner c’est tout as fait le contraire. Tout ceux qu’elle croise en brousse sont des terroristes ou des rebelles qu’il faut abattre à tout prix. Tels sont les ordres qui leurs ont été donné par les militaires aux pouvoirs. »

« Barkhane donnait des médicaments et finançait des projets. Mais par contre Wagner brûlent, volent et torturent. »

 

Une armée régulière respectueuse des droits de l’Homme : avant son départ, l’armée française avait bâti des liens de confiance avec les populations locales

Au nord du Mali, le démantèlement de Barkhane a entraîné une hausse du chômage et de l’insécurité. Ceux qui ont côtoyé les soldats français témoignent de rapports respectueux et d’actions de solidarité qui contrastent considérablement avec les exécutions, les arrestations arbitraires et les pillages menés par le groupe Wagner :

« Barkhane respectait le DIH [Droit International Humanitaire] en t’arrêtant ils cherchaient d’abord les pièces d’identification, ils passaient tes doigts dans leurs machines ce qui permettait de t’identifier facilement, dès que cela est fait il te posait des questions de routines sur ton voyage, ta personne rien de compliqué. Mais c’est carrément tout le contraire avec Wagner qui est au service du gouvernement, il est en quelques sortes la Main de Guerre de ce gouvernement de Transition qui tue avec lâcheté les paisibles citoyens pour qui leurs seules crimes est l’appartenance au nord du Mali »

« Barkhane chez nous dans région Menaka et contribuait à la stabilite sociale. Elle faisait des patrouilles hors la ville et la ville était bien sécurisée. Ils organisaient des tournois entre eux et les quartiers et les quartiers entre eux même. Au faite l’idée de les chassés était une décision irréfléchie ils ont laissé un grand vide sur tout les plans »

« Les forces barkhane étaient présentes et avaient quelque interactions avec les populations en intervenant dans plusieurs domaine dont le principal était la sécurité mais aussi en faisant des programmes d’aide sociale. »

« Barkhane était dans notre zone. J’étais dans la zone de Bir Khan de 2014 à 2019, et je n’ai vu aucun mal de Barkhane envers les habitants. Au contraire, j’y vois un soulagement et une sécurité pour la zone. Par exemple, il a sécurisé la voie publique, et je ne l’ai jamais vu arrêter un innocent. Je les ai également vus effectuer des patrouilles d’infanterie à Birr presque la nuit. Il était 3 heures du matin, mais aucun d’eux ne m’a parlé. »

« Chez nous a douentza, barkhane finançait les projets, ils sont humains »

« Les forces barkhane nous soutenait, ils nous apportait les nourritures et médicaments »

 

La grande majorité des victimes de Wagner interrogées souhaitent le redéploiement de Barkhane au Mali

Les réponses des victimes de Wagner tranchent singulièrement avec la propagande anti-française de la Russie, et avec les mots durs de la junte bamakoise sur la coopération militaire entretenue ces dix dernières années avec la France.

À la question fermée « êtes-vous favorable à une intervention de l’armée française et des armées européennes pour neutraliser Wagner » je n’ai pas reçu une réponse négative. La grande majorité des témoins que j’ai interrogés m’ont répondu « oui » (« oui, que Dieu fasse », « Oui et dans le plus vite », « Oui, oui, oui, oui, oui », « oui, à 1000 % et je les soutiendrai de toutes mes forces », « totalement, oui »…) sans distinction d’ethnie ni de classe sociale. Qu’ils soient Peuls ou Touaregs, notables en exil, chômeurs, bergers, mères au foyer, les victimes de Wagner et de la junte bamakoise sont favorables au redéploiement de la mission anti-terroriste de Barkhane et ont vécu son retrait comme une « erreur » et un « abandon ». Sur l’ensemble des témoins que j’ai consultés sur cette question, je n’ai pas entendu une réponse négative. Un jeune commerçant et une mère au foyer Touareg ont apporté des nuances à l’élan d’enthousiasme que ma question suscitait chez leurs coreligionnaires. Le premier m’a confié douter que la France n’intervienne. Selon lui « Le problème est que Wagner représente la Russie et aucun pays du monde n’osera s’attaquer au Wagner car s’attaquer au Wagner c’est s’attaquer à la Russie « . La seconde m’a confié qu’elle était plus favorable à une solution diplomatique qu’à la « voie des armes et de la force ».

Il ne s’agit bien sûr que d’un symbole, leurs témoignages (rapportés, qui plus est) ne pouvant servir de mandat. Cependant leurs réponses permettent de nuancer la propagande anti-française déployée par les juntes sahéliennes, par les médias africains anciennement financés par la galaxie Prigogine et par les discours de Moscou présentant la France comme une puissance coloniale en Afrique.

Depuis 2016, la Russie a réinvesti le continent africain en se présentant comme une alternative à l’« impérialisme français » en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso… En instaurant un régime de terreur au nord du Mali, les paramilitaires de Wagner ont contribué à faire renaître un sentiment pro-français. La présence militaire française au Sahel n’a pas été sans bavures, mais contrairement à Wagner, les soldats français respectaient, soutenaient et protégeaient les populations locales. Et elles s’en souviennent.

Les 59 propositions de la presse indépendante pour la liberté d'informer

Les États généraux de la presse indépendante se tiennent jeudi 30 novembre à l'Espace Reuilly, à Paris, devant une salle de 700 personnes — les réservations lancées voici deux semaines ont été closes devant l'affluence. On pourra suivre la soirée en streaming vidéo ici.
De quoi s'agit-il ? En octobre, le gouvernement a annoncé le lancement d'états généraux de l'information. Une initiative très problématique, au regard du peu de respect de la présidence d'Emmanuel Macron pour la liberté de la presse. D'autre part, (...)

Lire la suite - En bref / ,

Victoire pour Reporterre et la liberté de la presse devant la justice

En 2020, Alexandre-Reza Kokabi, journaliste de Reporterre était arrêté sur les pistes de l'aéroport d'Orly, alors qu'il couvrait une action de désobéissance civile. Trois ans plus tard, le tribunal administratif de Melun lui a donné raison et condamné l'État.
Le 26 juin 2020, le journaliste de Reporterre Alexandre-Reza Kokabi était arrêté sur les pistes de l'aéroport d'Orly après avoir couvert une action de désobéissance civile organisée par le mouvement Extinction Rebellion. Bien qu'il eût décliné à plusieurs (...)

Lire la suite - Édito /

En Cisjordanie, les colons israéliens pillent les cultivateurs d'olives

Colons et soldats israéliens décuplent leurs raids contre les agriculteurs palestiniens depuis l'attaque du Hamas. Ils s'en prennent aux olives, dont la récolte est cruciale pour l'économie et l'identité palestiniennes.
Beyrouth (Liban), correspondance
« Nous sommes attaqués par des colons et des soldats, je vous écris quand je rentre chez moi. » Reporterre a reçu ce message de Ghassan al-Najjar samedi 18 novembre, peu avant l'entretien téléphonique que nous avions prévu. Quelques minutes plus tard, (...)

Lire la suite - Reportage / , ,

ALERTE : l’UE prépare une loi autorisant la saisie de vos données personnelles auprès de toutes les entreprises

Innocemment, vous utilisez votre carte Carrefour, votre carte Monoprix, vous répondez à des sondages sur des sites Internet ? Voilà une belle collection d’informations sur votre compte qui intéresse la police ! et quelques autres acteurs comme la Banque Centrale Européenne. Pour mieux vous espionner, et sous le couvert fallacieux de “l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données”, le Conseil européen vient de valider un projet de règlement (que l’Union appelle désormais “loi”) qui prévoit le transfert obligatoire des données personnelles détenues par des entreprises vers les gouvernements ou vers la Banque Centrale. Bien entendu, cette disposition ne peut servir que dans des circonstances exceptionnelles, comme une pandémie, par exemple. Ou encore pour “accomplir une mission d’intérêt public”. On connaît la musique.

Donc, en cas d’urgence publique, ou bien pour accomplir une mission d’intérêt public, la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne, les organes de l’UE, mais aussi les organismes du secteur public pourront réquisitionner les données personnelles des habitants de l’UE. Toutes les entreprises devront obéir à cette réquisition, qui peut être décidée dans des circonstances exceptionnelles (une pandémie, une attaque terroriste, etc.). Bref, chaque fois que l’Etat se considérera en danger, il pourra exiger de toutes les entreprises, y compris les micro-entreprises, de disposer des données personnelles qu’il souhaite.

Voilà une belle violation totalitaire de nos libertés. On en reste sans voix. Ils ne se cachent même plus.

Il va devenir urgent de réagir.

Bonjour 👋
Ravi de vous rencontrer.

Inscrivez-vous pour recevoir chaque jour les articles publiés la veille dans votre boîte de réception.

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Nous vous remercions pour votre inscription. Vous recevrez notre prochaine newsletter dans moins de 24 heures.

Adoption de la vidéosurveillance algorithmique : un danger sur les libertés

Le 23 mars 2023, l’Assemblée nationale approuvait l’article 7 du projet de loi olympique, qui se fixait entre autres buts d’analyser les images captées par des caméras ou des drones, pour détecter automatiquement les faits et gestes potentiellement à risques.

Pour être plus précis, l’article adopté prévoyait « l’utilisation, à titre expérimental, de caméras dont les images seront analysées en temps réel par l’IA. Ces caméras pourront détecter, en direct, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler des actes de violence, des vols, mais aussi de surveiller des comportements susceptibles d’être qualifiés de terroristes. »

Un article extrêmement controversé.

 

De la vidéosurveillance algorithmique

Il existe de nombreuses solutions technologiques permettant d’analyser et d’exploiter les données vidéo pour des applications de sécurité, de surveillance et d’optimisation opérationnelle. La vidéosurveillance algorithmique (VSA) est ainsi conçue pour extraire des informations significatives à partir de grandes quantités de données vidéo.

Ces solutions offrent des fonctionnalités telles que : la recherche vidéo avancée, la détection d’événements, l’analyse des comportements, et d’autres outils permettant aux utilisateurs de tirer des insights exploitables à partir de leurs systèmes de vidéosurveillance…

Comme l’indique sur son site la Société BriefCam, évoquant l’une de ses solutions VSA :

« Vidéo synopsis » : « La fusion unique des solutions VIDEO SYNOPSIS® et Deep Learning permet un examen et une recherche rapides des vidéos, la reconnaissance des visages, l’alerte en temps réel et des aperçus vidéo quantitatifs. »

Dans le cadre des JO 2024, de nombreux groupes étaient alors dans l’attente de la promulgation de cette loi pour se positionner, des groupes connus comme Thales et Idemia, et d’autres moins connus, comme XXII, Neuroo, Datakalab, Two-I ou Evitech. Il ne faut pas oublier que dans la fuite en avant du capitalisme de la surveillance (de masse), outre la sécurité promise de façon récurrente, pour ne pas dire fantasmée, des lobbys font pression et il y a des enjeux financiers. En 2022 « l’État projetait ainsi d’investir près de 50 millions d’euros pour les caméras de vidéoprotection, ce qui correspond à 15 000 nouvelles caméras ». En mai 2023, l’appel d’offres était lancé  par le ministère de l’Intérieur.

 

La VSA, une technologie très controversée et des lois expérimentales ?

L’usage de la Vidéo Surveillance Algorithmique censée détecter automatiquement, via une intelligence artificielle, un comportement « dangereux ou suspect », a suscité la réaction de nombreux défenseurs des libertés publiques et d’experts en tout genre. Les arguments sont multiples :

  • La VSA n’est pas infaillible et peut commettre des erreurs liées à des biais algorithmiques.
  • Les agences gouvernementales qui déploient des systèmes de VSA peuvent tout à fait ne pas divulguer pleinement la manière dont les technologies sont utilisées.
  • Aux problèmes du manque de transparence (qu’est-ce qu’un comportement suspect ?), viennent s’ajouter des « difficultés » liées à la vie privée, la discrimination, la surveillance de masse et à d’autres implications éthiques…
  • Par-delà le cadre officiel supposé cadrer son usage (cf. La publication fin août 2023 au Journal officiel du décret fixant les conditions de mise en œuvre) cette expérimentation sera possible jusqu’en 2025.

 

La vidéosurveillance change de nature, franchit un nouveau cap attentatoire aux libertés publiques. Elle nie une fois de plus toutes les études démontrant qu’elle est une sécurité fantasmée qui a été vendue aux citoyens. Il ne faut pas perdre de vue que le capitalisme de la surveillance est avant tout un véritable business fondé sur la peur.

Combien de fois faudra-t-il répéter (réécrire) que c’est un misérable leurre ?

Même une étude commanditée par la gendarmerie nationale conclut « à un apport très marginal de la vidéosurveillance dans la résolution des enquêtes judiciaires, mais aussi dans la dissuasion ».

De telles études ne sont pas médiatisées : « There’s no business like fear business ».

Et c’est ainsi qu’une surveillance de masse de plus en plus inacceptable poursuit sereinement son chemin… offrant aux pouvoirs s’autoproclamant démocratiques des outils terrifiants s’ils sont un jour dévoyés.

Pour autant, le mercredi 12 avril 2023, le Sénat adoptait définitivement la « LOI n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses diverses autres dispositions » !

Et le 24 mai 2023, par-delà les alertes de nombreux acteurs, comme la Quadrature du Net, et la saisie du Conseil constitutionnel par plus d’une soixantaine de députés, la vidéosurveillance intelligente aux JO était déclarée conforme à la Constitution. Cette validation figure désormais dans l’article 10 de la Loi relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024, autorisant à titre expérimental l’utilisation de la vidéosurveillance intelligente, notamment au moyen de drones. (cf. LOI n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions)… : Chapitre III … (Articles 9 à 19) NDLA.

L’histoire de cette loi et de cet article très polémique n’est peut-être pas encore finie… En effet cette décision pourrait ne pas être en conformité avec le futur « Artificial Intelligence Act », en cours de discussion au Parlement européen.

 

Déploiement de systèmes de reconnaissance faciale depuis 2015 ? Vers un scandale d’État ?

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a annoncé le 15 novembre 2023 engager « une procédure de contrôle vis-à-vis du ministère de l’Intérieur suite à la publication d’une enquête journalistique informant d’une possible utilisation par la police nationale d’un logiciel de vidéosurveillance édité par Briefcam et de fonctionnalités de ses solutions strictement interdites sur le territoire français : la reconnaissance faciale ».

Le 20 novembre 2023, réagissant à la publication d’informations du site d’investigation Disclose qui  affirme s’être appuyée sur des documents internes de la police, a révélé – sans conditionnel – l’usage par ces derniers d’un système de vidéosurveillance dit « intelligent » répondant au nom de « vidéo synopsis » depuis… 2015.

Du côté de la place Beauvau, s’il n’y a pas eu de démenti formel, quelques jours plus tard, pour donner suite aux révélations de Disclose, le 20 novembre 2023 le ministre de l’Intérieur déclarait sur France 5 avoir lancé une enquête administrative. Ce dernier a par ailleurs déclaré à Ouest-France « qu’un rapport avait été réclamé aux directeurs de l’administration pour qu’on lui confirme l’absence de reconnaissance faciale couplée à la vidéoprotection.

Notons que si Gérald Darmanin a toujours prôné l’usage de systèmes VSA comme outil de surveillance… il a toujours affirmé être opposé à la reconnaissance faciale !

Il avait ainsi déclaré en 2022 devant le Sénat :

« Je ne suis pas pour la reconnaissance faciale, un outil qui relève d’un choix de société et qui comporte une part de risque » et d’ajouter : « car je crois que nous n’avons pas les moyens de garantir que cet outil ne sera pas utilisé contre les citoyens sous un autre régime ».

Après avoir voulu intégrer la VSA dans la loi Sécurité Globale, puis dans la LOPMI, sans y parvenir, les JO 2024 ont été un nouveau prétexte… Et le pouvoir en place est arrivé à ses fins. Sans revenir sur les éléments que j’ai pu évoquer, sur l’efficacité discutable d’une surveillance de masse qui ne cesse de s’accroître en changeant de nature avec l’arrivée du VSA, et qui, pour reprendre les propos du ministre, comprend également une part de risque pour les citoyens, il ne faudrait pas oublier que :

« La VSA et la reconnaissance faciale reposent sur les mêmes algorithmes d’analyse d’images et de surveillance biométrique. La seule différence est que la première isole et reconnaît des corps, des mouvements ou des objets, lorsque la seconde détecte un visage ».

Quant à la part de risque qu’évoque le ministre, si l’affaire soulevée par Disclose est avérée, usage de fonctionnalité prohibée par des serviteurs de l’État dont les valeurs sont de « faire preuve de loyauté envers les institutions républicaines et être garant de l’ordre et de la paix publics »… ?

 

Et si c’était vrai…

La situation du ministre de l’Intérieur est dans cette affaire pour le moins extrêmement délicate.

En tant que « premier flic de France » comme il aime à se définir, en reprenant – pour l’anecdote – Clemenceau – le Premier ministre de l’Intérieur à s’être qualifié ainsi – il serait pour le moins dérangeant, pour ne pas dire grave, que les affirmations de Disclose soient confirmées, et que ces faits se soient déroulés dans son dos. Cela acterait un dysfonctionnement majeur et inacceptable place Beauveau, puisque ne garantissant plus un fonctionnement démocratique dont il est le garant. Ce scénario serait grave, et il serait encore plus terrible que l’enquête démontre que le ministre, contrairement à ses allégations, en ait été informé.

À ce jour une enquête administrative, lancée par ce dernier est en cours.

Pour rappel, ce type d’enquête « vise à établir la matérialité de faits et de circonstances des signalements reçus et ainsi dresser un rapport d’enquête restituant les éléments matériels collectés auprès de l’ensemble des protagonistes. Sur la base de ces éléments, la collectivité décide des suites à donner au signalement ».

Dans le même temps, le groupe LFI a indiqué le 21 novembre être en train de saisir la justice au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale et a réclamé une commission d’enquête parlementaire sur le « scandale de la reconnaissance faciale » ! Enfin, La CNIL, autorité indépendante gardienne de la vie privée des Français, a annoncé le 22 novembre le lancement d’une procédure de contrôle visant le ministère de l’Intérieur.

Au milieu de cette effervescence et de cet émoi légitime, que cela soit le ministère de l’intérieur, une partie de l’opposition, la CNIL… chacun est dans son rôle !

La sagesse est donc de patienter. Toutefois, il me semble que la seule porte de sortie du ministère dans la tourmente soit que les faits reportés soient faux ou au moins pire, extrêmement marginaux. Il serait fâcheux pour notre démocratie et pour reprendre les propos du ministre que « cet outil (sa fonctionnalité de reconnaissance faciale) ait été utilisé contre les citoyens ».

Ce serait encore plus dramatique si la reconnaissance faciale avait été utilisée en connaissance et avec l’aval des plus hautes instances. Alors se poserait une effroyable question – pour reprendre à nouveau les propos du ministre de l’Intérieur –  « aurions-nous changé de régime ? ».

Le portefeuille d’identité numérique arrive, et avec lui, la prison européenne à ciel ouvert

une lecture attentive des textes de loi le laisse comprendre, ce «portefeuille numérique» contiendra effectivement tout ce que le gouvernement veut savoir sur vous, vos informations personnelles, vos données biométriques et médicales et, bien sûr, l’intégralité de votre patrimoine financier sous forme d’euros numériques, c’est-à-dire cette monnaie numérique de Banque Centrale (CBDC) dont les gouvernants ont la volonté qu’elle remplace complètement l’argent liquide à moyen terme.

L’article Le portefeuille d’identité numérique arrive, et avec lui, la prison européenne à ciel ouvert est apparu en premier sur Strategika.

Dans les Alpes-Maritimes, un marquis privatise 90 % de la nature

Dans les Alpes-Maritimes, un espace naturel de 700 ha est désormais interdit au public. Le marquis propriétaire des terres a embauché des gardes pour faire respecter cette réglementation, issue d'une loi adoptée en février 2023.
Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), reportage
Le panneau est accroché au sommet d'un chêne. Il est si neuf qu'il brille, si rouge qu'il attire l'œil. Ici, Elise Hess-Rapp stoppe son chemin. Il est défendu d'aller plus loin. La forêt privée de Villeneuve-Loubet, dans les (...)

Lire la suite - Reportage / ,

COP28 à Dubaï : des activistes craignent pour leur sécurité

Les défenseurs du climat se mettent-ils en danger en participant à la COP28, qui débute le 30 novembre à Dubaï ? Asad Rehman, de la Coalition pour la justice climatique, a déclaré que ses collègues et lui étaient « très préoccupés par le fait que des personnes puissent être détenues et arrêtées » aux Émirats arabes unis, rapporte Ouest-France. L'activiste a également fait part de ses « inquiétudes plus globales sur l'ampleur de la surveillance », et notamment le fait que les autorités puissent accéder à des (...)

Lire la suite - En bref /

« Les Soviétiques voulaient décapiter l’État lituanien » : conversation avec l’ambassadeur de Lituanie en France

Un article de Guillaume Gau, auteur du blog Chroniques occidentales et partenaire de Contrepoints.

Avec 65 000 km2 (deux fois la superficie de la Belgique) et 2,8 millions d’habitants, la Lituanie est à la fois le plus grand, le plus peuplé et le plus méridional des trois États baltes. Sa capitale est Vilnius et le pays partage des frontières avec la Lettonie au nord, la Biélorussie à l’est, la Pologne au sud et la Russie (enclave de Kaliningrad) à l’ouest. La population est majoritairement catholique, et les deux plus importantes communautés étrangères sont les Ukrainiens et les Biélorusses. L’économie du pays est tournée vers l’innovation : une des entreprises lituaniennes les plus connues est Vinted, l’application de revente de vêtements de seconde main qui compte 23 millions d’utilisateurs en France.

Le nom du pays apparaît pour la première fois en 1009. Le Grand-duché de Lituanie prend son essor à partir du XIIIe siècle. Il atteindra son apogée au XVe siècle où il fut l’État le plus grand d’Europe, s’étendant de la mer Baltique à la mer Noire : son territoire englobait la Lituanie actuelle et une grande partie de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la Pologne.

Cet élément a son importance, nous y reviendrons.

Le pays a une tradition d’ouverture : au XIVe siècle, le grand-duc de Lituanie invite les artisans et commerçants d’Europe à s’installer à Vilnius et offre protection aux Juifs. La communauté juive lituanienne représentera 10 % de la population du pays et comptera parmi ses membres le célèbre peintre Marc Chagall et le philosophe Emmanuel Levinas. Au XVIe siècle, la Lituanie s’unit à la Pologne pour former la République des Deux Nations. À la fin du XVIIIe siècle, l’Empire russe annexe la Lituanie. Mise à part une période d’indépendance durant l’entre-deux-guerres, le pays ne retrouvera sa souveraineté qu’à la chute de l’URSS en 1990.

La Lituanie est membre de l’Union européenne depuis 2004, et l’euro est sa monnaie depuis 2015.

 

Ce qui distingue la Lituanie, c’est son volontarisme dans la défense des valeurs occidentales

Par exemple, le pays balte n’hésite pas à froisser la Chine en autorisant Taïwan à ouvrir un bureau de représentation à Vilnius en 2021.

Et malgré le boycott économique chinois, la Lituanie ne compte pas revenir sur sa décision. La Lituanie est également le deuxième pays au monde (derrière la riche Norvège) qui soutient le plus l’Ukraine proportionnellement à son PIB.

En complément, je vous recommande ce récent épisode de l’émission « Le Dessous des cartes » sur Arte : Pays Baltes, aux portes de la guerre.

Vue sur Vilnius, la capitale lituanienne

Guillaume Gau : Malgré sa taille modeste, la Lituanie est très active diplomatiquement et n’hésite pas à affronter des grandes autocraties. Y a-t-il des explications historiques à cet état d’esprit ?

Nerijus Aleksiejunas : Tout d’abord la Lituanie a une longue tradition étatique et diplomatique. Au XVe siècle, le Grand-duché de Lituanie était le plus grand État d’Europe : sa superficie représentait le double de la France actuelle. Nous avons un peu gardé cette mentalité de grand pays.

L’histoire récente explique aussi cette attitude. La fin de la Seconde Guerre mondiale n’a pas vraiment été synonyme de paix pour les Lituaniens : de 1940 à 1990, nous avons subi cinq décennies d’occupation soviétique. Jusqu’à la fin des années 1950, des résistants lituaniens luttaient contre l’envahisseur russe : on les appelaient les Frères de la forêt. Ils étaient traqués par le KGB et se réfugiaient dans les denses forêts baltes. Ce n’est qu’en 1990 que nous avons retrouvé notre indépendance. Nous savons que la liberté et la démocratie ne vont pas de soi : il faut se battre pour les préserver.

La Voie Balte : le 23 août 1989, deux millions d’Estoniens, de Lettons et de Lituaniens forment une chaîne humaine reliant les trois capitales des pays baltes pour demander leur indépendance de l’URSS (© Kusurija).

G.G : Vous êtes né en 1978, durant la période d’occupation soviétique. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire de grandir dans un pays sous une dictature communiste ?

N.A. : Ma famille a été meurtrie par l’oppression soviétique. À partir de 1940, les Soviétiques ont déporté des milliers de Lituaniens au goulag en Sibérie. Mon grand-père faisait partie de ceux-là : il n’est jamais revenu. Il a été déporté deux mois avant la naissance de son fils : mon père n’a jamais connu son père. Mon grand-père fut déporté car il était fonctionnaire : les Soviétiques voulaient décapiter l’État lituanien.

En plus de la répression politique, les Soviétiques essayaient d’effacer l’identité lituanienne en réécrivant l’histoire (le Grand-duché de Lituanie disparaissait de nos cours) et en faisant tout pour éradiquer le christianisme. Par exemple, Noël était un jour comme un autre, il n’était pas férié. Afficher sa pratique religieuse pouvait vous attirer des ennuis, il fallait être très discret. Mais notre histoire est ancienne et nos racines profondes : cinquante ans d’occupation soviétique n’ont pas suffi pour supprimer notre identité.

Au quotidien, c’était pénurie et corruption généralisée. Par exemple, nous avions droit à 1 kg de bananes par an et par personne. Je me souviens faire la queue durant des heures avec ma mère pour récupérer les précieuses bananes. Sous couvert d’idéologie égalitariste, les injustices étaient flagrantes : l’élite soviétique bénéficiait de privilèges et connaître quelqu’un de haut placé donnait des passe-droits.

« Notre histoire est ancienne et nos racines profondes : 50 ans d’occupation soviétique n’ont pas suffi pour supprimer notre identité ». Nerijus Aleksiejunas

Cette remarque de l’ambassadeur m’a fait penser à cette citation d’Alexandre Soljenitsyne, dissident soviétique et auteur de L’Archipel du goulag : « Afin de détruire un peuple, il faut d’abord détruire ses racines ».

 

G.G. : Vous êtes en poste depuis quatre ans en France, quel regard portez-vous sur notre pays ?

N.A. : J’aime la diversité géographique de votre pays. Mer, montagne, campagne : vous avez tout. J’aime aussi les différences entre vos régions. Et contrairement au cliché, je trouve que le pays n’est pas si centralisé que ça : vos métropoles régionales sont très dynamiques. Je me déplace beaucoup dans le pays, et je trouve que les Français sont très accueillants. Les Lituaniens apprécient aussi la culture et l’art de vivre français. Certains de vos grands auteurs ont un lien avec la Lituanie, comme Romain Gary qui est né à Vilnius.

Côté économie, vous avez un écosystème technologique très dynamique. Notre pays est aussi très tourné vers l’innovation et la France représente un marché important pour les start-up lituaniennes telles Vinted ou NordVPN. Enfin, la relation franco-lituanienne se porte bien. La Lituanie vient par exemple d’acheter 18 canons Caesar français pour renforcer son armée de Terre.

Ambassade de Lituanie à Paris © Ludo Segers

G.G. : Pourquoi la Lituanie soutient-elle si fortement l’Ukraine ?

N.A. : Il faut arrêter Poutine, sinon il continuera d’avancer. Il faut lui montrer qu’on ne cédera pas. Pour les Lituaniens, aider l’Ukraine c’est défendre l’Europe, la liberté et la démocratie. D’ailleurs, ce soutien ne vient pas que du gouvernement : c’est toute la société lituanienne qui se mobilise pour accueillir des familles ukrainiennes réfugiées ou envoyer des médicaments. Par exemple, une cagnotte citoyenne vient de récolter 14 millions d’euros pour acheter des radars militaires pour l’Ukraine.

Historiquement, nous avons également une relation très forte avec nos frères ukrainiens. Nos deux peuples sont très liés : l’Ukraine représentait une partie importante du territoire du Grand duché de Lituanie et les échanges culturels et économiques entre nos deux pays sont très forts depuis des siècles.

Vilnius (photo de © Krivinisn)

G.G : Pour finir, auriez-vous un livre lituanien à nous conseiller ?

N.A. : Je vous recommande la lecture de L’Impératrice de Pierre de Kristina Sabaliauskaite. L’écrivaine lituanienne raconte la vie de Marta Helena Skowronska, une lituanienne devenue Catherine 1re de Russie à la mort en 1725 de son mari le tsar Pierre le Grand (celui qui a fondé Saint-Petersbourg). C’est un roman historique qui permet de mieux connaître les différences entre l’Occident et le monde russe. Il y a aussi Haïkus de Sibérie, une BD de Jurga Vilé et Lina Itagaki sur la déportation des Lituaniens dans les goulags soviétiques. Cet ouvrage m’a touché car il parle du sort qu’a connu mon grand-père.

J’en profite également pour vous signaler que 2024 sera l’année de la Lituanie en France : des centaines d’évènements seront organisés à travers le pays pour faire découvrir notre culture et notre histoire aux Français.

 

G.G. : Merci pour cet entretien Monsieur l’ambassadeur !

N.A. : Ce fut un plaisir. Venez visiter notre pays, nous savons recevoir !

[Enquête] Ethnocide des Touareg et des Peuls en cours au Mali : les victimes de Wagner témoignent

Le Mali du colonel Assimi Goïta est devenu une colonie de Moscou. Depuis bientôt deux ans, le groupe Wagner, bras armé de l’impérialisme russe en Afrique, y sème la terreur et ne cesse de monter en puissance. Ses actions destructrices ont des conséquences désastreuses pour la stabilité des pays du golfe de Guinée, du Maghreb et du sud de l’Europe.

Cet article représente le premier volet d’une enquête au long cours destinée à être publiée en 2024 sous une forme beaucoup plus exhaustive. L’actualité récente de la prise de Kidal par les terroristes de Wagner le 14 novembre dernier m’a conduit à bouleverser mon calendrier pour sensibiliser le grand public au sujet d’un double ethnocide qui a lieu en ce moment même au sud des frontières européennes, dans le grand voisinage de l’Europe.

 

Pourquoi enquêter sur les victimes de Wagner au Mali

Depuis le retrait de la force Barkhane, le régime putschiste installé à Bamako s’appuie sur le groupe paramilitaire russe Wagner pour se maintenir au pouvoir et régler des comptes historiques avec deux groupes ethniques : les Peuls et les Touareg.

Moura, Hombori, Logui, Tachilit, Ber, Ersane, Kidal, Tonka… ces noms de lieux sont devenus synonymes de carnages pour des milliers de civils issus de ces deux ethnies. Tout se passe exactement comme si le régime d’Assimi Goïta avait planifié et mis en œuvre le massacre systématique de tout individu targui et peul. Hommes, femmes et enfants sont ciblés sans distinction, pourvu qu’ils soient des Touaregs ou des Peuls.

Ces six derniers mois, j’ai pris contact avec des centaines de victimes de Wagner pour recueillir leurs témoignages. Ces témoins sont majoritairement des hommes originaires de Tessalit, Tombouctou, Gossi, Gao, Kidal et Ménaka, communes du nord du Mali qui étaient sécurisées par l’armée française jusqu’en 2021/2022. La plupart d’entre eux ont fui leurs villes et leurs villages pour se réfugier dans des pays limitrophes en Afrique de l’Ouest (Mauritanie, Niger), en Afrique du Nord (Tunisie, Algérie) et même en Europe du Sud (France). Ceux qui sont restés vivent dans l’épouvante au quotidien. Tous sont polytraumatisés. Leurs récits nous renseignent sur les méthodes sanguinaires de l’impérialisme russe en Afrique. Les citations rapportées sont directes, il n’y a aucune reformulation. J’ai aussi laissé les fautes d’orthographes, lorsqu’elles proviennent de témoignages écrits. Les prises de parole que j’ai retranscrites ou restituées ici émanent toutes d’individus qui ont pris des risques en dialoguant avec moi et en acceptant que leurs récits soient publiés. Il ne s’agit que d’une petite partie des témoignages que j’ai recueillis. Je n’ai volontairement donné aucune indication précise sur les identités et les lieux de vie des témoins, pour ne pas les exposer ni exposer leurs familles à des représailles certaines.

 

Exécutions sommaires, tortures, pillages, viols : récits des premiers actes commis par les Wagner à leur arrivée dans des communes peuplées de Peuls ou de Touareg

Les Wagner dominent par la terreur. Les témoignages de leurs arrivées dans une commune Peule ou Targui comportent de nombreuses récurrences sur leurs modes opératoires. De nuit ou de jour, ils commencent par épouvanter la population locale en tuant des innocents sous couvert de lutte contre le terrorisme. Ensuite, ils détruisent les ressources locales et procèdent à des pillages et à des viols :

« Le jour de leur arrivée ils ont commencé par exécuté 9 personnes dont 3 vieux et 2 enfants. Les autres jours ils entrent dans les maisons pillent les commerces , chaque [jour] ils abattent parmi nos animaux pour leur cuisine. »

« Ils sont venus avec les militaires maliens. Sans chercher à comprendre, ils ont tués des innocents. Ça a été tellement rapide ! Les hommes ont été envoyés loin du village, ensuite les femmes ont été choisies comme des mangues au marché, uniquement pour nous violer. J’ai été violée par 5 hommes pendant 2 h de temps . Mon époux était parmi les personnes tuées. »

« Ils sont venus chez nous après une attaque contre l’armée malienne. Suite aux interrogations, ils ont amenés 14 personnes, des peuls, Touaregs et arabes et jusqu’à présent personne d’entre eux n’est jamais revenu. Bientôt un an Sans aucune nouvelle d’eux. Ils ont des familles, des épouses et des enfants. C’est vraiment déplorable. »

« Ils sont rentrés dans mon village pendant le jour du foire hebdomadaire avec des hélicoptères et chasseurs de DJENNÉ sur les motos , ils ont cernés le village, commencé a tiré sur tout le monde au marché. Ceux qui ont fuit pour se réfugier dans la brousse ont croisés les chasseurs et Wagner et militaires, ils ont été tués immédiatement. Ceux qui se sont réfugiés au village ont été capturés vivants, brûlés vivants sans motif. Chez nous, l’état avait abandonné le lieu pendant 9 ans , tout le monde était sous Influences des djihadistes. Au lieu de nous protéger, ils ont tués des gens comme des animaux. Après avoir tués les gens, ils ont tout pillé et abandonnés les corps dans la brousse et dans les rues. C’était désastreux ! Ceux [Ce] qu’ils disent à la télé n’est que la moitié du nombre de personnes tuées. »

« Quand les wagner sont tombés dans une embuscade sur la route principale de niono , après qu’il y’a eu des morts parmi eux , un convoi s’est dirigé à Ségou pour amener les blessés à l’hôpital et dépose les cadavres a la morgue et le second convoi s’est dirigé dans notre village. Ils ont fait une descende musclée chez un marabout peul qui enseigne les élèves coraniques, après avoir rentré , ils n’ont parler à personne. Ils ont fait le tour de la maison , fouiller les chambres et finit par enlevé 4 élèves coraniques ,tous des peuls , j’ai grandi avec eux au village. Deux ont été amenés à Ségou jamais retourner, et les corps sans vies de deux autres abonnés à la sortie de la ville. C’était la PANIQUE au village. »

« Lorsqu’ils sont venus chez nous , ils disaient que notre communauté informait les djihadistes mais c’était faux. Tous les jeunes et vieux ont été ramenés a 3 km de la ville , pour poser des questions que nous n’avons pas eu de réponse . Ils demandaient pourquoi nous informait les djihadistes ? Nous avons répandu que nous ne connaissons pas de djihadistes. Ils ont tiré avec une arme sur les pieds de 3 personnes dont un a succombé après quelques jours, un à perdus son pied et le troisième n’est toujours pas guéri. Ils m’ont frappé avec un bâton, j’ai des cicatrices sur ma tête actuellement. Après leurs auditions, ils n’ont pas laissé un seul animal, ils ont tous pris ».

« Mon ami tamachec à été tué chez lui et sa femme à été violée par les hommes de Wagner. Il n’a rien fait, son seul tord est d’être né avec la peau blanche. Ils l’ont soupçonné d’être en contact avec les djihadistes. C’était faux. »

« Après avoir été attaqués par les djihadistes qui a causés des pertes de vies dans leur rang , ils sont venus pour se venger des peuls sans motif . Brûlés nos champs, nos maisons et emportés nos animaux. »

« Wagner est arrivé dans mon village, ils cherchaient quelqu’un qui avait été indiqué mais absent depuis 6mois. Après avoir finit de questionnés les Villageois, ils voulaient amenés les femmes dans une maison et les violés. Quand nous nous sommes opposés, ils ont abandonnés l’idée en s’attaquant aux jeunes pourqu’ils disent s’ils ont vues l’intéressés. Moi étant le fils du chef de village, ils m’ont amené en brousse, me torturé et me laisser pour mort et continue leur route. Trois jours plutard, nous avions appris qu’ils arrivent, nous avons fuit en laissant tout derrière nous. Ils sont rentrés au village avec les militaires maliens et brûlés le village. »

« Lorsqu’ils sont venus chez nous, ils nous ont d’abord demander de nous écarté des animaux. c’etait en brousse ! Lorsqu’ils ont commencés à poser des questions, l’un d’entre nous par peur à voulut s’enfuir, et sans hésiter, ils l’ont tirer à bout portant au dos. Il est mort sur place. Ensuite ils ont demandé à mon frère aîné Mohamed  [le prénom a été changé] de se déshabiller, lui voulait savoir pourquoi, ils ont mis une balle en tête. Je tremblait jusqu’à ce que j’ai pissé sur moi. Ils ont embarqué tous les animaux, et me mettre une balle au pied droit. Comme ce n’était pas loin de la ville, je me suis débrouillé Pour rentré en ville, mais j’avais perdu tellement de sang que je me suis évanoui et me réveiller à l’hôpital. Nos parents ont enterrés les corps. »

« Ma Femme à fait une fausse couche et elle a perdue notre bébé de 4 mois. Plusieurs personnes ont été blessés parce qu’elles voulaient au moins récupéré leurs bien dans les maisons qui étaient entrain d’être brûlés par les Wagner »

 

Vivre sous le joug de Wagner : « la peur est devenue notre quotidien »

Avant l’arrivée de Wagner, les témoins que j’ai interrogés avaient une profession ou étudiaient. Ils étaient bergers, commerçants, comptables, réparateurs de motos, vendeurs en boutique, transporteurs, gardiens, étudiants. Aujourd’hui ils ont perdu leurs emplois et leurs ressources. Les étudiants ne vont plus à l’université. Leurs familles sont détruites : ils ont vu des proches se faire assassiner, violer, torturer. Certains éduquent les « bébés Wagner », ces enfants qui sont nés après les viols.

Voici comment ils décrivent leur quotidien :

« Je n’ai plus de vie, je n’arrive pas à faire enlever les mauvais souvenirs en tête. J’ai vu mes parents et amis brûlés vivants par les hommes blancs, militaires maliens et chasseur. »

« Toujours dans la peur de se faire massacrer. Les Wagner tuent des gens partout où ils passent. »

« Les mercenaires ont changé notre train de vie, Tu ne peux plus penser à voyager à l’intérieur de la Région sans que tu ne crains pour ta vie, ils sont devenu les cauchemar des populations depuis leurs arrivés à Ber dans la région de tombouctou »

« Ma vi cest la dépression, des sentiments de nostalgie, la souffrance psychique »

« L’élément majeur c’est l’asile de tous mon village en Mauritanie. »

« Nous avons souffert de l’expulsion de nos familles vers des camps de réfugiés par peur de l’oppression financière et de l’oppression de Wagner. Nous avons perdu nos emplois, nos villes et nos vies auxquelles nous étions habitués, tout comme nos enfants ont perdu leur éducation. »

« A cause de wagner, notre communauté à été obligée de fuir. Nous sommes victimes de racisme sans nom par ce que nous sommes des Touaregs»

« L’image de la Scène est toujours devant mes yeux. Mon meilleur ami et collaborateur à été tué et sa femme violée. C’est terrible ! »

« Nous n’avons plus de travail, animaux et maisons à cause de Wagner. Ils ont bafoués notre dignité en Violant nos sœurs et épouses sous nos yeux »

« Ils m’ont pris des amis et à cause d’eux les peuls de notre village qui ont cohabiter avec nous pendant plusieurs générations ont fuit. Ce n’était pas des djihadistes. »

« Ils nous ont tout pris. Celui qui brûle ton village t’a humilié et détruit ta vie. »

« Ils m’ont rendus rancunier et fou»

« Wagner à détruit notre avenir. Jamais nous ne pardonnons »

 

Les victimes de Wagner accusent la Russie et la junte de Bamako

J’ai demandé à tous les témoins que j’ai consultés si pour eux, la Russie était responsable des actions de Wagner. Bien que les sociétés militaires privées soient interdites en Russie, le groupe Wagner a bien été créé pour servir les intérêts de Moscou de façon officieuse. Cette ambiguïté n’existe plus depuis que le président Poutine a signé un décret contraignant les groupes paramilitaires à jurer « fidélité » et « loyauté » à l’État russe, deux jours après la mort du chef du groupe Wagner Evgueni Prigojine. Il restait à savoir si elle subsistait sur le terrain. Elle n’existe pas. Les victimes de Wagner accusent la Russie et la junte de Bamako d’être responsables de la terreur qu’elles endurent. Certains témoins ont été informés du rattachement officiel du groupe Wagner à l’État russe publicisé en août 2023. D’autres n’ont tout simplement jamais fait la différence entre les deux :

« La Russie est le premier responsable mais surtout le gouvernement malien. »

« Oui le premier responsable c’est la Russie qui veut transférer sa guerre géopolitique contre l’Occident sur notre territoire, une guerre qui ne nous profite en aucun cas. Le kremlin influence beaucoup sur la gestion du pouvoir au mali »

« Bien sûr récemment avec l’actuel réorganisation de l’organisation après la mort de Prigojine. »

« malheureusement, Wagner est la main de la Russie en Afrique et en est responsable. »

« La politique étrangère de Moscou est lamentable et par ailleurs la Russie y sera toujours pour quelques choses »

« Oui parce que ce sont des russes »

 

« Pas d’avenir autre que la mort » : quel futur pour les Peuls et les Touareg au Mali ?

Pas une victime de Wagner ne pense que justice lui sera rendue. Les témoins ne font état d’aucun espoir et n’envisagent aucune issue à la situation actuelle, si ce n’est l’exil (lorsque c’est possible) :

« L’avenir est vraiment ambigu, très effrayant et sombre. Nous ne pouvons rien attendre de l’horreur de ce que nous voyons et de ce que nous voyons d’injustice et de tyrannie et du silence du monde sur ce qui se passe. »

« Un avenir incertain et plein d’embûches avec la volonté de la junte à faire la guerre utiliser ses drones contre le Peuple Touaregs et peulhs »

« Aujourd’hui l’avenir pour nous est incertain, il est presque sans issue. Je n’ai pas de travail. »

« Nous avons besoin d’assistance sur le plan sécuritaire car le Mali le Niger et le Burkina ce sont donner la main pour tuer tout ceux qui ne sont pas avec eux au sahel »

« L’avenir est incertain, nos maisons sont brûlés et nous n’avons plus de boeuf. »

« Je ne crois plus à l’avenir. J’ai besoin que mes enfants étudient et avoir une vie meilleure »

Deux journalistes de Reporterre convoqués par la gendarmerie : encore une atteinte au droit d'informer !

Le 8 novembre dernier, la gendarmerie de Saint-Étienne-les-Orgues (Alpes-de-Haute-Provence) a convoqué et auditionné deux journalistes travaillant pour Reporterre.
Pierre Isnard-Dupuy, membre du collectif de journalistes indépendantes marseillais Presse-Papiers, et un confrère photojournaliste ont été interrogés suite à un reportage pour Reporterre, dans la forêt communale de Cruis, publié le 19 octobre dernier : « Stop au photovoltaïque dans nos forêts » : des militants s'enchaînent à des engins de (...)

Lire la suite - En bref /

La police nationale utilise illégalement un logiciel israélien de reconnaissance faciale -- Mathias DESTAL, Clément LE FOLL, Geoffrey LIVOLSI

En 2015, les forces de l'ordre ont acquis, en secret, un logiciel d'analyse d'images de vidéosurveillance de la société israélienne Briefcam. Depuis huit ans, le ministère de l'intérieur dissimule le recours à cet outil qui permet l'emploi de la reconnaissance faciale.
C'est devenu une habitude. Ce mardi 14 novembre, comme ce fut le cas lors de l'édition précédente, Gérald Darmanin inaugure le salon Milipol, au parc des Expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Consacré à la sécurité intérieure des (...)

Nos lecteurs proposent /

Lutte contre l’antisémitisme : la liberté de manifester ne peut devenir une injonction à manifester

Qui a dit quoi ? Quand ? Comment ? Qui ne va pas à telle manifestation est automatiquement pro-Hamas. Qui ne poste pas ceci ou cela devient suspect d’affinité avec ce qu’il ne dénonce pas. Tel est le climat actuel sur les réseaux sociaux, dans la presse ou sur des plateaux de télévision. Un climat de suspicion s’installe qu’il faut impérativement dénoncer et combattre avant qu’il ne prenne durablement ses quartiers.

 

La lutte contre l’antisémitisme ne peut devenir une injonction, ou pire, une sommation. Dans une démocratie libérale, le fait d’aller manifester peut être encouragé, non requis, et ne peut passer par l’intimidation. Qu’une frange de l’espace politique fasse des choix douteux et contestables ne peut donner lieu à une mise à la question de l’ensemble du corps politique : que pense-t-il en temps et en heure ? De ceci, de cela, et du reste ? On ne peut criminaliser le non-dit ; le silence ne peut devenir suspect. Si dire son indignation importe, la chasse aux déclarations publiques, aux condamnations ou aux validations, ne peut se généraliser sous peine d’empoisonner durablement le débat public, déjà féroce et houleux. Le genre épidictique (l’éloge ou le blâme) pratiqué sur le mode du contrôle social peut virer au cauchemar s’il devient une pratique coercitive sur le mode du « vous louez ou blâmez convenablement ».

Il faut rester ferme sur les principes libéraux : liberté d’expression, pluralité des opinions, liberté de manifester.

Aucune des trois n’est clairement remise en cause, mais chacune est ces jours-ci entachée de suspicion : vous vous exprimez — que dites-vous ? ; vos opinions sont-elles décentes ? ; vous allez manifester — à côté de qui ? dites-vous bien ceci et cela en même temps ?

Ce faisceau de questions plus ou moins tacites, et de plus en plus ouvertement posées traduisent un climat de censure dont on ne peut accepter qu’il devienne l’étalon de l’échange interpersonnel. La liberté d’expression implique le désaccord, chercher qui a des opinions licites ou suspectes n’est que l’autre nom de l’Inquisition. Chercher la faille, le propos incomplet, la citation imprécise et l’on a tous les ingrédients d’une néo-police de la pensée qui contrevient en tout à l’esprit d’une démocratie saine et vivante.

Il faut tenir bon et rester fermement arrimés aux principes énoncés par Benjamin Constant dans plusieurs de ses textes. C’est une exigence intellectuelle et morale qui est seule garante que les libertés publiques sont respectées et mieux encore, que chacun puisse en jouir, sans crainte d’être « verbalisé ». La surveillance généralisée au nom de combats légitimes (lutte contre l’antisémitisme, importance de nommer les choses et les faits avec justesse) est néanmoins une pente dangereuse dont on ne saurait revenir indemne : son coût est l’auto-censure, la crainte de s’exprimer, « et c’est une patrie bientôt perdue qu’une patrie sauvée ainsi chaque jour[1] », pour citer celui qui défendit si farouchement la liberté, toutes les libertés.

Prenons garde que la défense de justes causes ne se transforme en un enfer à ciel ouvert. On ne défend pas des principes avec des méthodes qui leur sont opposées. C’est le fondement de l’État de droit qui garantie les libertés et qui ne peut déboucher sur la création d’une police citoyenne visant à les défendre. La contradiction est manifeste et elle doit être énoncée comme telle. La course à la vertu, c’est le contraire de la vertu ; la chasse aux opinions délictueuses, c’est l’assurance d’une course contre la montre perdue d’avance.

Rappelons, d’une part, avec Constant qu’« il dépend de chacun de nous d’attenter à la liberté individuelle. Ce n’est point un privilège particulier aux ministres[2] » ; d’autre part, que « la puissance légitime du ministre lui facilite les moyens de commettre des actes illégitimes ; mais cet emploi de sa puissance n’est qu’un délit de plus[3]. ».

Autrement dit, chacun a son rôle à jouer dans la qualité des interactions publiques. La parole d’un ministre, pour grave qu’elle soit à son niveau de responsabilité, n’exonère pas les citoyens lambda de leur responsabilité propre : le terrorisme intellectuel n’a pas d’écurie particulière. Il peut être l’apanage des partis, comme des individus ou de médias peu scrupuleux.

C’est à la fin le même poison qui est distillé : celui de la coercition, de l’intimidation, du zèle mis à dénoncer un tel ou une telle sur la base de déclarations partielles, incomplètes ou qu’on juge insuffisante pour qu’il/elle soit tenu pour un « bon Français » ou un « bon citoyen ».

L’expression d’opinions « mauvaises » est une soupape pour la démocratie : leur tenir tête et les contredire, les défaire, est une chose ; vouloir les museler et les interdire en est une autre. L’une est saine, démocratiquement, la seconde profondément malsaine. On peut combattre une chaîne de télévision, un parti, un hebdomadaire, sans vouloir les interdire. Cette chaîne, ce parti, ce journal exige des contrepoints et que d’autres voix soient entendues : c’est donc aux médias de faire en sorte que la pluralité des points de vue soit assurée, et que la « modération » soit tout autant audible que les diatribes les plus notoires.

Rappelons-nous enfin avec Constant :

« L’intolérance civile est aussi dangereuse, plus absurde et surtout plus injuste que l’intolérance religieuse. Elle est aussi dangereuse, puisqu’elle a les mêmes résultats sous un autre prétexte ; elle est plus absurde, puisqu’elle n’est pas motivée sur la conviction ; elle est plus injuste, puisque le mal qu’elle cause n’est pas pour elle un devoir, mais un calcul.[4] »

Ce calcul, c’est celui de vouloir avoir Raison contre tous, de dire ce qui est bien ou mal, de prétendre détenir la vérité en décrétant quelles opinions sont valables ou non. Qu’on ne vive pas dans un État totalitaire est toujours l’affaire de tous.

[1] De l’Usurpation, « Chap XVI de l’effet des mesures illégales et despotiques, dans les gouvernements réguliers eux-mêmes », éd. Pléiade, p.1053.

[2] Principes de politique, « De la responsabilité des ministres », p.1127.

[3] Ibid.

[4]  Principes de politique, p.1182

Le portefeuille d’identité numérique arrive, et avec lui, la prison européenne à ciel ouvert

Par : h16

Ah… l’Union européenne… C’est une chose subtile qui a bien du mal à gérer des afflux d’immigrants clandestins mais qui prétend, sans sourciller, règlementer les boîtes de camembert et qui, pour faire bonne mesure, entend construire la prochaine prison numérique à ciel ouvert sur tout le territoire européen.

Une prison numérique à ciel ouvert ? Diable, n’est-ce pas un peu exagéré ?

Il suffit en réalité de constater le niveau de frétillance élevé du commissaire Breton pour comprendre que non : ce dernier a tout récemment annoncé, un sourire extatique vissé aux lèvres, que le Parlement et le Conseil européens étaient parvenus à un accord sur l’identité numérique européenne, la fameuse #eID. Avec elle, bientôt, toute personne vivant dans l’Union européenne disposera bientôt d’un portefeuille numérique.

La joie de ceux qui nous dirigent doit toujours alerter, et lorsqu’elle concerne des factotums non élus, elle doit même déclencher une saine répulsion.

Bien sûr, si l’on s’en tient aux petits textes acidulés de présentation du projet par les institutions européennes, tout est pour le mieux : la mise en place de ce portefeuille numérique ouvre les portes à de grandes et belles réalisations, facilitant la vie de tous dans des dizaines d’aspects différents. Exactement comme le pass vaccinal qui devait grandement faciliter la vie de ceux qui s’étaient fait injecter un produit mystère, ce nouveau wallet autorisera son porteur à réaliser tout une série d’opérations qui, sans lui, seraient un peu plus compliquées ou bureaucratiques.

Ah oui, vraiment, ce « portefeuille numérique », ça va être commode, et ce sera davantage sécurisé. Que c’est pratique !

Mais voilà : comme une lecture attentive des textes de loi le laisse comprendre, ce « portefeuille numérique » contiendra effectivement TOUT ce que le gouvernement veut savoir sur vous, vos informations personnelles, vos données biométriques et médicales et, bien sûr, l’intégralité de votre patrimoine financier sous forme d’euros numériques, c’est-à-dire cette monnaie numérique de Banque centrale (CBDC) dont les gouvernants veulent qu’elle remplace complètement l’argent liquide à moyen terme.

Or, ceci donnera aux administrations, et surtout à ceux qui les dirigent, élus ou non, le pouvoir énorme de suivre vos moindres faits et gestes, de savoir exactement ce que vous faites avec l’argent qu’ils vous autoriseront (ou non) à avoir, voire flécher vos dépenses (ceci, vous y avez doit, cela, non), jusqu’à l’interdiction pure et simple dans les cas les plus graves (qui ne manqueront pas, c’est garanti sur facture).

Avec ce wallet, chaque gouvernement européen sera en mesure d’espionner à la fois ses propres citoyens et les résidents de l’Union européenne sur leur sol en leur fournissant même les moyens techniques d’intercepter le trafic web crypté (oui, oui, il y a bien des dispositions en ce sens). Ceci ne signifie rien de moins que la fin de notre vie privée, et, en pratique, le début d’une prison à ciel ouvert pour les Européens.

En effet, il ne faut pas être trop malin ni particulièrement doué pour comprendre les dérives possibles de ce genre de procédés.

Après tout, un autre pays a devancé les frétillantes idées européennes, c’est la Chine : par l’utilisation quasi-universelle de différents procédés – à commencer par l’application WeChat – la dictature communiste a très concrètement mis en place un contrôle social numérique, complet et efficace pour garantir la bonne soumission du peuple aux desiderata des dirigeants.

Pour une Union européenne qui, ces dernières années, a donné tous les signes de virage vers l’autocratie collectiviste (le passage pandémique ayant largement accéléré ses velléités), la mise en place de ce « portefeuille numérique » est l’étape indispensable pour aboutir exactement au même résultat que la Chine communiste.

Dans un premier temps, il s’agira de récompenser le bon citoyen, bien conforme voire conformiste, en lui donnant accès à des procédures facilitées, à des aides ou des bonus alléchants. Petit à petit, les citoyens réfractaires ou simplement largués par les technologies afférentes se retrouveront dans la zone grise des demi-mesures, des arrangements bureaucratiques en attendant qu’ils s’adaptent ou qu’ils périssent.

Enfin, l’étape ultime sera atteinte lorsqu’à la place de bonus, ce seront des sanctions et des punitions qui apparaîtront lorsqu’on refusera d’utiliser les passerelles technologiques alors officiellement imposées partout, et pour tous.

Présentées comme commodes et permettant de vous protéger (c’est important, la sécurité, voyez m’ame Michu), ces technologies seront largement incitées, puis rapidement imposées, et enfin sanctionnées en cas de non-utilisation ou de contournement.

Bien sûr, quelques citoyens, des experts en sécurité informatique et même des parlementaires européens, conscients de l’énorme piège qui se met en place, ont déjà tenté d’alerter l’opinion publique. Les médias de grand chemin, fidèles à leur habitude d’aplatissement supersonique, de veulerie survitaminée et d’inutilité en or massif, se sont empressés de ne pas en parler, ou ont essentiellement classé les dérives potentielles dans la catégorie des théories du complot, même elles ont pourtant été observées avec le pass vaccinal…

À en juger par les mines un peu trop réjouies des dirigeants européens à l’annonce d’un prochain vote favorable du Parlement européen, on comprend que les loups se pourlèchent déjà les babines du dîner de moutons qu’ils vont s’enfiler dans les prochaines années.

Cependant, pour les ovins, l’affaire est certes mal enquillée, mais il n’est pas encore trop tard pour bien faire comprendre son désaccord.

On pourra ainsi contacter son député européen (en retrouvant son e-mail ici) pour lui expliquer que ce genre d’abominations liberticides lui fera perdre son siège. Cela peut être étendu aux représentants locaux au niveau national. Après tout, ça changera les députés, les maires ou les sénateurs des demandes incessantes pour des subventions, des places en crèche ou des logements sociaux…

L’expérience du pass vaccinal, tant national qu’européen, fut douloureuse et doit servir : quoi qu’il arrive, ne vous conformez pas. N’utilisez pas ce passeport numérique, véritable usine de pavés pour l’enfer à l’échelle continentale. Arrêtez le conformisme, ne suivez pas le troupeau car sa funeste destination ne fait plus aucun doute.

Pour ceux qui le peuvent, contournez-en l’usage : prétendez n’avoir aucun smartphone, refusez d’utiliser internet pour vos interactions avec les administrations, et à plus forte raison les entreprises privées (quitte à boycotter celles qui s’afficheront un peu trop volontaires dans le déploiement et l’usage de cette future prison numérique).

De la même façon, rabattez-vous dès que possible sur l’argent liquide pour retarder l’avènement du système d’argent numérique et, si vous le pouvez, familiarisez-vous avec les cryptomonnaies et leur usage. Des collectifs existent pour vous y aider, contactez-les, entraînez-vous.

L’identité numérique européenne arrive, et le pire n’est pas à craindre : il est certain. Préparez-vous en conséquence.

Sur le web.

La culture en péril (12) – Redécouvrir la lecture à l’ère du numérique

Michel Desmurget est l’auteur notamment de La Fabrique du crétin digital, ouvrage sorti en 2019. Docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm, il s’appuie sur ses travaux, ainsi que sur de très nombreuses études approfondies qui ont été menées à travers le monde, pour mesurer l’impact de la lecture sur l’intelligence dès le plus jeune âge, et d’autres qualités humaines essentielles qu’elle permet de développer.

Le constat est sans appel : le poids écrasant du digital, dans ce qu’il a de moins reluisant, au détriment du plaisir de la lecture, qui tend beaucoup à disparaître, a des conséquences multiples sur nos enfants, et au-delà, sur l’ensemble des générations actuelles, en particulier les plus jeunes.

 

Ce qu’apporte la lecture

C’est un thème qui nous est cher et que nous avons eu l’occasion d’aborder à de nombreuses reprises, et pas seulement à travers cette série. La lecture apporte de multiples bénéfices, parfois majeurs (je pense en particulier à cette qualité fondamentale dont on parle beaucoup depuis quelques temps, mais qui est pour moi un sujet de préoccupation crucial depuis longtemps : l’empathie). Or, nous dit Michel Desmurget, le milieu familial – plus encore que l’école – joue un rôle essentiel dans la transmission du goût de la lecture plaisir (car c’est bien d’elle qu’il s’agit avant tout) chez l’enfant, et dont l’enjeu est très loin d’être négligeable.

 

Des centaines d’études montrent le bénéfice massif de cette pratique sur le langage, la culture générale, la créativité, l’attention, les capacités de rédaction, les facultés d’expression orale, la compréhension d’autrui et de soi-même, ou encore l’empathie, avec, in fine, un impact considérable sur la réussite scolaire et professionnelle. Aucun autre loisir n’offre un éventail de bienfaits aussi large. À travers la lecture, l’enfant nourrit les trois piliers fondamentaux de son humanité : aptitudes intellectuelles, compétences émotionnelles et habiletés sociales. La lecture est tout bonnement irremplaçable.

 

D’humanité il est en effet bien question. Car en ces temps particulièrement agités, où la violence aveugle règne parfois, il me semble que cette empathie sur laquelle j’insiste est le maillon altéré qui mène aux défaillances humaines et aux sauvageries que nous ne constatons que trop souvent. Qui rejoint cette ignorance qui semblait à juste titre préoccuper un certain Dominique Bernard qui en a été la victime indirecte. Sujet qui me préoccupe également depuis longtemps et que l’on aurait en effet tort de sous-estimer. Qui rejoint en ce sens cette autre préoccupation aux conséquences non moins négligeables et préoccupantes qu’est la bêtise, un sujet d’étude là encore primordial, et hélas presque inépuisable.

 

Un bien sombre constat

La première partie de l’ouvrage s’appuie sur de nombreuses études approfondies, dont l’auteur dresse un panorama assez détaillé, illustrant l’impact particulièrement préoccupant du recul de la lecture sur les performances scolaires.

Il montre que les mécanismes d’imprégnation liés aux habitudes familiales de lecture partagée, devant laisser place ensuite à une autonomie croissante, ont un impact majeur sur la maîtrise du langage et de l’orthographe, ainsi que sur la compréhension de l’écrit. Ce qui exerce en prime un effet primordial sur les performances scolaires, et donc sur la détermination du devenir de la plupart des individus.

De nombreuses statistiques émaillent l’ensemble, montrant notamment la prépondérance du recours aux écrans digitaux, omniprésents dans notre quotidien et nos vies. Rejoignant au passage un autre constat voisin établi par Olivier Babeau – d’ailleurs cité par l’auteur – au sujet de la tyrannie du divertissement. Or, remarque Michel Desmurget, il est à déplorer que ce soit parmi les étudiants d’aujourd’hui qui lisent très peu que l’on va recruter les professeurs de demain, censés donner le goût de la lecture à leurs élèves. Une sorte de cercle vicieux qui a, hélas, déjà commencé

 

Cela fait maintenant presque 15 ans que les systèmes éducatifs occidentaux ont vécu leur moment Spoutnik. Depuis, rien n’a changé. Entre déni et opérations de communication, l’action politique a ici expiré avant même d’être née. Les performances de nos gamins sont alarmantes, mais rien ne bouge. À défaut de veiller sur la construction de leur intelligence, on leur offre, pour maintenir l’illusion, des diplômes dépréciés. Pire, on cristallise le désastre dans une sorte de nasse inéluctable qui voit tout une génération de lecteurs défaillants devenir enseignants.

 

Parmi les statistiques les plus alarmantes, on trouve un chapitre assez complet relatif aux performances de plus en plus inquiétantes en matière de lecture et de compréhension simple d’un texte, tant en France qu’à l’étranger, notamment aux États-Unis. Situation préoccupante dont seuls semblent véritablement émerger la Chine et d’autres pays asiatiques (en particulier Singapour), très conscients quant à eux de la priorité à accorder à l’éducation, qui est à la base de tout. Et dont les défaillances, dont nous nous en tenons chez nous depuis trop longtemps au constat, nous mènent droit au désastre. Tandis que les pays asiatiques en question privilégient justement la lecture, l’exigence, la rigueur et l’autodiscipline, n’hésitant pas à l’inverse à restreindre l’usage des écrans numériques, à l’instar de ce que font d’ailleurs, nous le savons, les grands génies de cette industrie.

Ce n’est pas tout. Non seulement nos décideurs tardent à agir, mais à l’inverse de ce qu’il conviendrait d’entreprendre, nous nous sommes dirigés depuis de nombreuses années – sous l’effet d’une sorte de pessimisme ambiant – dans le sens de la simplification des programmes et des manuels scolaires, tout comme du langage et de l’expression. Michel Desmurget nous remémore au passage quelques exemples de livres pour la jeunesse (et pas uniquement) non seulement présentés dans des versions abrégées (qui se substituent parfois complètement à l’originale), mais – pire encore – parfois en partie réécrits, le passé simple étant par exemple remplacé par le présent de l’indicatif, les phrases raccourcies (quelquefois substantiellement), la richesse lexicale nettement amoindrie. Il remarque qu’il en va d’ailleurs de plus en plus de même dans les paroles des chansons ou dans les discours politiques, signe d’un appauvrissement généralisé du langage, avec toutes les conséquences que cela induit. Notamment, à l’issue de ce processus, en termes de compréhension « basique » des choses. Voilà où nous mènent, considère l’auteur, « les chantres de l’égalitarisme doctrinaire ».

 

La maîtrise de la lecture, une simple question de pratique

La deuxième partie du livre s’intéresse en particulier aux aspects physiologiques liés au fonctionnement du cerveau.

De fait, quoi qu’on veuille, des milliers d’heures d’instruction et de pratique sont nécessaires pour savoir vraiment lire (et comprendre), de sorte que cela devienne simple et quasi-naturel, selon les spécialistes. Autrement dit, l’apprentissage à l’école ne saurait suffire. C’est la lecture régulière, chez soi, qui permet de développer véritablement ses capacités, au premier rang desquelles la compréhension de ce qu’on lit, n’en déplaise là encore à ceux qui voudraient révolutionner la langue et l’orthographe dans l’espoir un peu vain de lutter contre les inégalités. Une lecture attentive de cette partie du livre leur serait utile, tant elle est susceptible de leur démontrer en quoi leur militantisme est irréaliste et inopérant, pour ne pas dire totalement contre-productif.

Au-delà de sa complexité, la langue française est bien faite, mieux que l’on peut éventuellement le penser spontanément. Les multiples exemples présentés par l’auteur mettent par exemple parfaitement en évidence le rôle joué par des lettres ou accents pouvant paraître inutiles à première vue (même si l’on pourra toujours évidemment sans doute trouver des exceptions), facilitant grandement, en définitive, la compréhension. Même si cela ne se fait en effet pas sans effort et sans une pratique régulière de la lecture. À l’instar de ce qui s’applique tout autant aux domaines du sport ou de la musique (enlèverait-on une corde au violon pour en simplifier la maîtrise, interroge l’auteur ?). Rien de « réactionnaire » dans ces observations, insiste-t-il, tout juste des éléments purement factuels et établis par la science.

Savoir lire ne se limite en revanche aucunement au simple déchiffrage. Or, il apparaît (et tout professeur peut le constater en pratique auprès de ses classes) qu’il y a souvent difficulté à comprendre qu’on ne comprend pas. Là encore, Michel Desmurget nous en donne des exemples très concrets. Le manque de repères, de lectures, de culture, ne permettent pas de comprendre bien des choses, même simples. Les malentendus sont fréquents en la matière.

À tout ceci vient se greffer l’illusion que le large accès à la connaissance via les moteurs de recherche permettrait de remplacer la connaissance. Il s’agit bien d’un leurre, que le docteur en neurosciences parvient à nous démontrer facilement à l’aide là encore de quelques exemples très parlants. Sans oublier la crédulité qui l’accompagne, et que seule une pratique régulière de la lecture et les mécanismes intellectuels qu’elle met en jeu permettent de débusquer. Il faut lire l’ouvrage pour s’en convaincre, ces quelques lignes ne pouvant entrer dans le détail de l’explication et des exemples illustratifs qui la nourrissent.

 

Un phénomène cumulatif

L’apprentissage est en effet un phénomène cumulatif, reposant sur une série de socles. Autrement dit, une série de repères issus de l’expérience de la lecture, et sans lesquels on ne parviendra pas à déchiffrer un problème nouveau.

C’est ce que Michel Desmurget montre dans la troisième partie du livre, en valorisant notamment le rôle de la lecture partagée. Tout en insistant bien sur le fait que cet apprentissage, puis cette pratique au quotidien de la lecture, ne valent que si elle se conçoit de manière ludique, comme un bon moment d’échange et de complicité, une forme de loisir en famille. Plus l’enfant éprouvera de plaisir, plus il progressera.

L’essentiel se trouve dans une phrase du professeur de psychologie Andrew Biemiller :

« On ne peut apprendre des mots qu’on ne rencontre pas ».

D’où l’importance capitale de parler beaucoup à ses enfants dès le plus jeune âge. Ce qui participe grandement à la construction de son cerveau, et donc de ses facultés. Ce que ne permettent pas de remplacer les écrans. D’autant plus que le moment-phare où la plasticité du cerveau est optimale est l’âge de 18-24 mois. C’est là que la variété des conversations intra-familiales va jouer le plus grand rôle. Sachant que les stimulations reçues la première année sont d’ores et déjà cruciales pour le déploiement des capacités langagières, même si le bébé ne parle pas encore.

La lecture partagée va alors jouer un grand rôle dans la richesse du vocabulaire, la qualité de l’attention, et les aptitudes socio-émotionnelles. Mais aussi sur la capacité à respecter les règles sociales communes, la politesse, le contrôle de l’impulsivité, l’apaisement et l’harmonie familiale. Sans oublier cette qualité fondamentale qu’est l’empathie.

C’est pourquoi, montre Michel Desmurget, l’école ne pourra pas grand-chose face au décalage considérable et qui va ne faire que s’accroître entre enfants venant de milieux où ils ont été stimulés et les autres. Le nombre de mots de vocabulaire acquis par les uns et les autres varie déjà du simple au double au moment de l’entrée à l’école à 3 ans. Et ne va faire que s’amplifier (« Le gouffre de 4200 mots qui, à 9 ans, sépare les enfants les plus favorisés de leurs homologues les moins privilégiés représente douze ans d’enseignement intensif »).

D’autant plus que « plus on sait, plus on apprend » (y compris en faisant appel à des analogies). Le système éducatif français n’est d’ailleurs pas, rappelle l’auteur, celui qui est connu pour contrebalancer le mieux les inégalités sociales, malgré toutes les prétentions de ceux qui entendent y contribuer via les orientations qu’ils promeuvent.

 

Un monde sans livres

C’est le titre de la quatrième partie, dans laquelle Michel Desmurget commence par consacrer tout un chapitre à ce que l’humanité doit aux livres, permettant de bien réaliser à quel point leurs apports ont été et continuent d’être majeurs, avant de montrer le potentiel unique du livre. C’est bien justement en raison de ce potentiel qu’ont lieu les autodafés. Provoquer l’amnésie historique et l’appauvrissement du langage, afin de mieux contrôler les individus et les sociétés est l’un des moyens courants utilisés par les régimes totalitaires, qui cherchent à rendre le peuple plus malléable, par le recours à des mots, des concepts et des raisonnements simples.

La cinquième et dernière partie, enfin, revient en détail sur les multiples bénéfices de la lecture en ce qui concerne la construction de la pensée, la maîtrise du langage et les aspects fondamentaux de notre fonctionnement socio-émotionnel. L’auteur montre, entre autres, que les adeptes de la réécriture des livres et de l’expiation sans limites de tout ce qui est susceptible de froisser les uns ou les autres est non seulement une absurdité qui risque d’aboutir à brûler une grande partie des livres, mais il s’agit en outre de quelque chose de contre-productif, dans la mesure où c’est à travers tous les ouvrages, y compris ceux qui peuvent déranger, que l’enfant peut fourbir les armes qui lui permettront plus tard d’identifier et affronter l’odieux.

Une étude menée auprès d’une large population d’étudiants a d’ailleurs montré, ajoute-t-il, « que la lecture d’un plus grand nombre d’ouvrages de fiction était associée à une diminution des stéréotypes de genre et à une représentation plus égalitaire des rôles sexués ». En convergence avec une autre recherche relative aux attitudes discriminatoires envers les minorités. Car ce sont bien les valeurs de tolérance, écrit-il, qui se développent, ainsi que l’ont montré de nombreux auteurs, par la diversité des contrastes et des écrits.

Deux méta-analyses ont aussi montré, sur la période 1980-2010, une nette augmentation du narcissisme et de l’auto-suffisance des populations étudiantes, accompagnée d’un déclin conjoint de l’empathie. Même si le recul de la lecture n’est pas seul en cause dans ces évolutions.

Donc, rien de plus utile, pour contrecarrer toutes ces tendances que d’encourager la lecture dès le plus jeune âge comme mode émancipateur et formateur, à même d’aider les individus à se construire et nous aider à vivre dans une société davantage propice à l’harmonie et aux libertés. Les parents ont ici un rôle accompagnateur à jouer. Un jeu qui en vaut la chandelle quand on connaît les bénéfices incomparables que l’on retire de la lecture plaisir à raison d’une toute petite demi-heure par jour simplement ! À comparer au nombre d’heures journalier consacré à leur concurrent directement responsable du très vif recul de la lecture : les écrans récréatifs…

 

Michel Desmurget, Faites-les lire ! Pour en finir avec le crétin digital, Seuil, septembre 2023, 416 pages.

_________

À lire aussi :

« Cessons d'affaiblir la loi de protection des lanceurs d'alerte »

La protection des lanceurs d'alerte est attaquée par des textes de loi. Pour les auteurs de cette tribune, alerter est un acte citoyen qui doit être préservé.
Gilles Bruey est libraire indépendant et cofondateur des Rencontres annuelles des lanceurs d'alerte, Francis Chateauraynaud est sociologue et inventeur du concept de lanceur d'alerte, Daniel Ibanez est cofondateur des Rencontres annuelles des lanceurs d'alerte et Nelly Pégeault est journaliste, ex-rédactrice en chef de la revue Nature & (...)

Lire la suite - Tribune /

Vous balader en forêt vous expose désormais à une amende

Pénétrer sans autorisation dans une forêt privée est puni d'une amende depuis 9 mois. Une « privatisation des espaces naturels », dénonce-t-on à gauche. Et un outil pour réprimer les écologistes luttant contre la destruction des bois.
L'accès à la nature est-il en voie de criminalisation ? Depuis la loi du 2 février dernier, le fait de pénétrer sans autorisation dans une « propriété privée rurale et forestière » peut être sanctionné d'une contravention de la quatrième classe punie d'une amende pouvant aller (...)

Lire la suite - Info / , ,

États-Unis : 57 opposants à la « ville des flics » devant le tribunal

Ils étaient une soixantaine appelés au tribunal d'Atlanta, le 6 novembre. Leur tort : avoir lutté contre la construction de Cop City, un immense centre d'entraînement pour policiers destructeur de forêt.
Atlanta (États-Unis), correspondance
Une centaine de manifestants étaient réunis devant le tribunal d'Atlanta, dans le sud-est des États-Unis. Entre différents slogans et chants contre la police, les prises de parole s'enchaînaient : « Cop City ne sera jamais construite » ; « On veut que les poursuites (...)

Lire la suite - Info / , , ,

La loi Asile et immigration, une « régression raciste »

Des dizaines de personnes se sont rassemblées le 6 novembre devant le Sénat, à Paris, pour dénoncer le projet de loi Asile et immigration. Elles dénoncent une « politique inhumaine » du gouvernement.
Paris, reportage
La scène est paradigmatique d'une certaine vision du monde : devant le Sénat, à Paris, des policiers intiment l'ordre à plusieurs dizaines de personnes migrantes, parquées derrière une rangée de barrières, de ne pas sortir d'un petit périmètre. Nous sommes le 6 novembre et, à l'occasion du (...)

Lire la suite - Info / , ,

Le soutien de façade des Russes à la guerre en Ukraine

Un article de Vera Grantseva,

« Les Russes veulent-ils la guerre ? » Depuis le 24 février 2022, le monde entier se pose souvent cette question, tentant de comprendre – au vu de sondages effectués dans un contexte de contrôle et de suspicion qui rend très complexe l’analyse de leurs résultats – si la société russe soutient réellement Vladimir Poutine dans son invasion de l’Ukraine.

Vera Grantseva, politologue russe installée en France depuis 2021, a donné ce titre, emprunté à un célèbre poème d’Evguéni Evtouchenko, à l’ouvrage qu’elle vient de publier aux Éditions du Cerf. Il peut sembler, à première vue, que, aujourd’hui, les Russes n’ont rien contre la guerre qui ravage l’Ukraine. Pourtant, l’analyse fine que propose Vera Grantseva, sur la base de l’examen de nombreuses enquêtes quantitatives et qualitatives et de divers autres éléments (émigration, résistance passive, repli sur des communautés Internet sécurisées) remet en cause cette idée reçue. Nous vous proposons ici un extrait du chapitre « Un soutien de façade au conflit ».

 

Il est important de comprendre combien l’attitude de la société vis-à-vis des opérations militaires en Ukraine a changé tout au long de la première année du conflit. Au cours de la période allant de mars 2022 à février 2023, plusieurs phases correspondant aux chocs externes et aux problèmes internes accumulés peuvent être identifiées.

On en retiendra quatre :

  1. Le choc, du 24 février 2022 à fin mars 2022
  2. La polarisation, d’avril à septembre 2022
  3. La mobilisation, de septembre à novembre 2022
  4. La normalisation, de décembre 2022 à l’été 2023

 

Le choc

Commençons par le choc qu’a constitué, pour l’ensemble des Russes, la déclaration de guerre du 24 février 2022. La plupart des gens ne pouvaient pas croire que Vladimir Poutine, malgré la montée des tensions au cours des mois précédents, oserait envoyer des troupes dans un pays voisin. Dans les premiers jours, beaucoup ont refusé de croire à la réalité des combats, que des chars avaient traversé la frontière et attaquaient des villes et des villages en Ukraine, qu’il s’agissait d’une véritable guerre. D’ailleurs, Poutine a présenté tout ce qui se passait comme une « opération militaire spéciale », qui devrait être achevée à la vitesse de l’éclair et presque sans effusion de sang. C’est le discours qu’ont tenu les médias russes, dont la plupart sont contrôlés par le gouvernement, sur la base de rapports militaires.

Le choc initial a paralysé la plupart des Russes, mais il a aussi incité certains à s’exprimer ouvertement. Ce sont ces personnes qui ont commencé à descendre dans les rues des grandes villes pour exprimer leur désaccord. Certes, ils étaient une minorité, quelques milliers seulement. Mais compte tenu de la répression à laquelle ils s’exposaient, leur démarche prend une importance tout autre. Ces quelques milliers de citoyens qui se sont rassemblés les premiers jours ont montré que malgré tous les efforts des autorités et de la propagande, il y avait dans le pays des gens capables, non seulement de critiquer les autorités, mais d’aller jusqu’à risquer leur vie pour le dire lorsque le pouvoir franchit une ligne rouge.

La polarisation

Assez rapidement, le choc a laissé place à une polarisation renforcée. Fin mars, la législation criminalisant l’opposition à la guerre sous toutes ses formes était venue à bout des voix discordantes dans l’espace public. Les dissidents se sont montrés plus prudents, et les discussions politiques se sont déplacées dans les cuisines, comme c’était le cas à l’époque soviétique. Il est rapidement devenu clair que toute position médiane, que toute nuance, que tout compromis était intenable s’agissant d’un sujet comme la guerre en Ukraine.

Nombreuses furent les familles à se déchirer, la fracture générationnelle entre les jeunes et leurs parents ou leurs grands-parents étant la situation la plus fréquente. Pour les uns, la Russie commettait un crime de guerre, pour les autres, la SVO [sigle russe signifiant « Opération militaire russe »] était la condition de son salut. L’option consistant à quitter le pays s’invitant parfois dans les conversations. Une étude de Chronicles a montré que 26 % des personnes interrogées ont cessé de communiquer avec des amis proches et des parents pour des raisons telles que des opinions divergentes sur la politique et la guerre, et la perte de contact avec ceux qui ont quitté le pays ou sont partis pour le front.

Dès lors, deux ordres de réalité se faisaient face, recoupant eux-mêmes un accès différencié à l’information. De nombreux partisans de la guerre ont sciemment choisi des sources d’information unilatérales, principalement gouvernementales, qui leur ont montré une image éloignée de la réalité, mais leur permettaient de maintenir leur propre confort psychologique. Il leur était relativement facile de rester patriotes, de ne pas critiquer les autorités et de ne pas résister à la guerre : après tout, dans leur monde, il n’y avait pas de bombardements de zones résidentielles, il n’y avait pas de tortures ou de violences perpétrées sur les habitants des territoires occupés, aucune ville ni aucun village n’a été rasé et, après tout, aucun crime de guerre n’a été découvert à Bucha et Irpin après le retrait de l’armée russe des faubourgs de Kiev : « Nos soldats n’ont pas pu faire cela, cela ne peut pas être vrai. » Cette barrière psychologique n’a pas été imposée à ces gens ; il faut reconnaître la part du choix personnel leur permettant de vivre comme avant sans avoir à se confronter à la réalité des combats.

À l’inverse, une partie de la population a refusé de fermer les yeux et de se renseigner sur les horreurs du conflit. Ces personnes se trouvent le plus souvent isolées.

[…]

À l’été 2022, l’intensité de la polarisation dans la société russe a commencé à diminuer : l’enthousiasme des partisans du conflit s’estompait tandis que la non – résistance de la majorité de la population se faisait plus pessimiste. Les premiers ont été déçus que la Russie ne remporte pas une victoire rapide sur une nation dont ils niaient la capacité à résister et jusqu’à l’existence même. Quant aux autres, la perspective d’une paix retrouvée et avec elle du retour à la vie normale semble de plus en plus lointaine. De plus, les conséquences économiques de l’aventure militaire se font sentir : l’inflation des biens de consommation courante bat tous les records (atteignant 40 à 50 % pour certains produits), la qualité de vie décline rapidement avec le départ des entreprises occidentales du pays.

[…]

La mobilisation

Le 21 septembre, malgré sa promesse de ne pas utiliser de réservistes civils, le président Poutine a décrété la mobilisation partielle, provoquant un séisme dans le pays. À ce moment-là, les Russes ont enfin compris qu’il serait impossible de se soustraire à la guerre, et que tout le monde finirait par y prendre part. C’était le coup d’envoi de la deuxième plus grande vague d’émigration après celle ayant suivi le 24 février 2022. Cette fois, ce sont les jeunes hommes qui sont partis. Beaucoup d’entre eux ont pris une décision à la hâte, ont fait leurs valises et, dès le lendemain, ont gagné la Géorgie, l’Arménie, le Kazakhstan.

La plupart n’avaient pas de plan, pas de scénario préparé, de connexions, de moyens. Cette vague de départs, contrairement à la première, n’a pas touché que la classe moyenne : les représentants des classes les plus pauvres, même des régions reculées, ont également fui la mobilisation forcée. Ainsi, fin septembre, environ 7000 personnes ont quitté la Russie pour la Mongolie, principalement depuis les régions voisines de Bouriatie et Touva.

À ce moment-là, le reste de la population russe a commencé à recevoir massivement des citations à comparaître : des jeunes hommes ont été mobilisés directement dans le métro, à l’entrée du travail, et même surveillés jusqu’à l’entrée des immeubles résidentiels le soir. Beaucoup d’hommes sont passés à la clandestinité : ils ont arrêté d’utiliser les transports en commun, ont déménagé temporairement pour vivre à une autre adresse et n’ont pas répondu aux appels. Fin septembre 2022, le niveau d’anxiété avait presque doublé par rapport à début mars, passant de 43 % à 70 %.

De nombreux experts s’attendaient à ce que la mobilisation marque un tournant en matière de politique intérieure, poussant la société russe à résister activement à la guerre. Il n’en a rien été.

Malgré le choc initial provoqué par le décret de mobilisation, ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas partir se sont adaptés aux nouvelles réalités, choisissant entre deux stratégies : se cacher ou laisser le hasard agir. Grâce à des lois répressives et à une propagande écrasante, certains Russes, ne ressentant aucun enthousiasme pour la guerre déclenchée par Poutine dans un pays voisin, ont progressivement accepté la mobilisation comme une chose normale. Le gouvernement russe a su jouer sur la peur autant que sur la honte pesant sur celui qui refuse d’être un « défenseur de la patrie » et de se battre « comme nos grands-pères ont combattu » – les parallèles avec la Grande Guerre patriotique de 1941-1945 ont largement été mobilisés. Et nombreux furent les jeunes Russes à se rendre finalement, avec fatalisme, au bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire pour partir au front.

 

La normalisation

En septembre-octobre 2022, tandis que Kiev multipliait les discours triomphalistes, le soutien à la guerre s’est durci sur fond de recul de l’armée russe dans la région de Kherson et d’augmentation du nombre de victimes militaires. À l’origine de ce nouvel état d’esprit ? La peur.

52 % des personnes interrogées à l’automne pensaient que l’Ukraine envahirait la Russie si les troupes du Kremlin se retiraient aux « frontières de février ». Ainsi se révélaient non seulement la peur de la défaite, mais aussi la peur croissante des représailles pour les crimes de guerre commis. De là un double mouvement : d’une part, la diffusion croissante d’une peur réelle que l’armée russe soit défaite, et de l’autre, une acceptation grandissante au sein de la majorité de la population de la nécessité de la mobilisation, perçue comme une « nouvelle normalité » et reconfigurée sous l’angle de la responsabilité civique et de la solidarité sociale. L’anxiété produite par la perspective de l’enrôlement massif des jeunes hommes s’est finalement estompée fin octobre : l’ampleur de la mobilisation s’est avérée moins importante que prévu.

Ainsi, depuis décembre 2022, la société russe est entrée dans une phase de « normalisation » de la guerre ou, comme le suggèrent les chercheurs du projet Chronicles, d’« immersion dans la guerre ». Pour eux, la dimension la plus frappante des changements de l’hiver et du printemps 2023 a été l’adaptation des attentes du public à la réalité d’une guerre longue. En dépit du risque d’être appelé, la plupart des Russes pouvaient continuer à vivre leur vie normalement malgré la mobilisation partielle. Des études sociologiques ont montré que la proportion de Russes anticipant une guerre prolongée est passée de 34 % en mars 2022 à 50 % en février 2023. Les experts de Chronicles décrivent ainsi une société « immergée » dans la guerre, devenue pour beaucoup le cadre d’une nouvelle existence.

L’historien britannique Nicholas Stargardt distingue quatre phases par lesquelles est passée la société allemande pendant la Seconde Guerre mondiale au cours des quatre années de conflit sur le front de l’Est : « Nous avons gagné ; nous allons gagner ! ; nous devons gagner ! ; nous ne pouvons pas perdre. »

On peut supposer qu’à partir du printemps 2023, la société russe a atteint le troisième stade : « Nous devons gagner ! » Entre autres différences significatives, quoiqu’immergée dans la guerre, la population russe n’en présente pas moins un potentiel de démobilisation non négligeable – et nombreux sont ceux qui aspirent à une paix rapide. En dépit des efforts de la propagande, le soutien idéologique à la guerre demeure faible et, pour un soldat, les objectifs fixés peinent à justifier l’idée de sacrifier sa vie.

Sur le web.

Faut-il ou non interdire les manifestations pro-palestiniennes sur le territoire français ?

Avant de développer les principes libéraux, il convient de rappeler la situation française.

Au lendemain des attentats terroristes du Hamas de nombreuses manifestations pro-palestiniennes ont été interdites en France comme dans de nombreux pays européens. D’autres manifestations ont pu avoir lieu dans plusieurs villes de France. Le gouvernement français ne se distingue donc pas fondamentalement des autres pays, même si le ministre de l’Intérieur a, dans un premier temps, clairement dépassé ses prérogatives légales.

Gérald Darmanin souhaitait en effet interdire toutes les manifestations pro-palestiniennes et avait envoyé des instructions en ce sens aux préfets. Sa décision a été retoquée/validée par le Conseil d’État qui recommande des décisions au cas par cas.

Pourquoi à la fois retoquée et validée ?

Parce que, par une contorsion juridique assez impressionnante, le Conseil d’État a débouté l’association Comité Action Palestine de sa demande tout en ré-interprétant le télégramme envoyé aux préfets – qui était totalement illégal – pour lui faire dire ce qu’il ne disait pas, à savoir que cette interdiction était contextuelle et limitée.

En effet, comme le rappelle le cabinet Landot & associés dans le blog juridique du monde public : les principes, en matière de pouvoirs de police restent ceux posés par le commissaire du gouvernement Corneille (sur CE, 10 août 1917, n° 59855) :

La liberté est la règle et la restriction de police l’exception.

Il reste que l’interdiction est pour l’instant majoritaire. Elle est systématique lorsque les organisateurs ont montré des signes de sympathie ou de soutien au Hamas. Elle est accordée au cas par cas lorsque les organisateurs présentent des garanties suffisantes de respect de l’ordre public, sachant que le cortège peut toujours être infiltré par des éléments antisémites ou violents. Une manifestation à valeur de test a d’ailleurs été autorisée à Paris jeudi 2 novembre. Organisée par des élus LFI, des collectifs politiques et syndicaux, la manifestation a réuni 2000 personnes sur la place de République en mode statique. Elle n’a donné lieu à aucun débordement et s’est dispersée dans le calme. 

Alors, faut-il interdire pour limiter les troubles, la casse, et les débordements racistes, qui sont des atteintes à la propriété et à la sûreté chères aux libéraux, ou bien faut-il privilégier la liberté d’expression qui est aussi un grand principe libéral ?

Le paradoxe de la tolérance de Karl Popper, nous donne des éléments de réponse :

« Une tolérance illimitée a pour conséquence fatale la disparition de la tolérance. Si l’on est d’une tolérance absolue, même envers les intolérants, et qu’on ne défende pas la société tolérante contre leurs assauts, les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance.

Je ne veux pas dire par là qu’il faille toujours empêcher l’expression de théories intolérantes.

Tant qu’il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et ne répondent aux arguments que par la violence. Il faudrait alors considérer que, ce faisant, ils se placent hors la loi et que l’incitation à l’intolérance est criminelle au même titre que l’incitation au meurtre, par exemple. »

La recommandation centrale ici, est de laisser s’exprimer les idées intolérantes – c’est l’autorisation qui est prédominante – mais de s’arroger le droit de les interdire, par la force s’il le faut, si la situation le commande. 

On ne peut donc pas en dernier recours laisser des manifestants crier leur haine des Juifs, ce qui est une incitation à la haine raciale et au meurtre, mais on doit le tolérer, en accepter le risque, pour pouvoir y répondre, et pour tenter de contrer par des arguments logiques ces débordements d’intolérance. Car lorsque l’intolérance ne peut pas s‘exprimer on ne peut pas y répondre.

Un cas d’école nous a été donné par l’interdiction des théories révisionnistes sur la Shoah et sur les chambres à gaz.

Par exemple, la thèse de M. Faurisson s’appuie sur des éléments techniques et chimiques pour « prouver » l’impossibilité de l’existence des chambres à gaz. Son argumentation a été littéralement démontée par ses pairs et par de vrais scientifiques. Malheureusement, tant que la thèse est invisible, sa réfutation l’est aussi, ce qui lui confère un statut de vérité cachée auprès d’un certain public.
Il en va de même avec les mensonges et les manipulations du Hamas et de ses sympathisants. Ils doivent pouvoir s’exprimer pour être dénoncés et réfutés, mais dans la limite où ils peuvent être contenus par une opinion publique attachée à la démocratie et à la tolérance.

Une fois n’est pas coutume, la ligne du gouvernement (après retoquage du Conseil d’État) ne paraît pas être très éloignée d’une ligne libérale classique : apprécier au cas par cas les risques de débordements violents, autoriser les manifestations légalistes de soutien au peuple palestinien, sachant très bien qu’il y aura des éléments extrémistes infiltrés, permettre à la société civile de répondre à ces débordements dans la limite où elle peut les absorber.

Bien sûr, on peut discuter du placement du curseur. Faut-il augmenter la proportion de manifestations autorisées ou interdire pour concentrer les forces de police sur la prévention d’attentats islamistes ?

Y a-t-il eu trop d’interdiction durant les trois semaines suivant l’attaque du Hamas ? Il semble en tout cas que ledit curseur se déplace actuellement vers la liberté de manifester. Nous verrons ce qui en ressortira.

« Quand la peur gouverne tout » de Carine Azzopardi

Carine Azzopardi est une journaliste qui a subi la perte de son compagnon et père de ses deux filles lors de la monstrueuse attaque terroriste du Bataclan. Au-delà de cette tragédie personnelle, à travers cet essai, elle entend dénoncer la peur, le manque de courage, mais aussi les dangereuses compromissions, qui amènent une partie des politiques, médias, associations et autres acteurs de la société à se voiler la face ou à céder face aux assauts idéologiques et manipulations allant à l’encontre de la démocratie.

 

Censure et liberté d’expression

La journaliste commence par montrer de quelle manière s’est faite l’apparition du wokisme, d’abord outre-Atlantique, puis ici, et le temps qu’il a fallu pour que l’on mette un mot dessus, que l’on prenne conscience peu à peu de son ampleur et de ses effets. Mais surtout, outre le nombre croissant d’anecdotes révélatrices à son sujet, elle montre qu’il n’a pas fallu longtemps pour que ceux qui emploient le terme ou l’évoquent soient stigmatisés, catégorisés comme réactionnaires, obsessionnels, ennemis des féministes, antiracistes, anticapitalistes, voire – terme devenu très à la mode et très commode pour faire taire un adversaire –« d’extrême droite ».

Non seulement des formes insidieuses de censure règnent de plus en plus sur énormément de sujets, mais des formes de collusion se sont également développées entre wokisme et islamisme. C’est l’objet de l’essai de Carine Azzopardi.

Quand l’antiracisme devient une aubaine, que des concepts inouïs tels que la « blanchité » sont créés – présentant les Blancs comme des oppresseurs, racistes à leur insu, qu’il faudrait rééduquer pour qu’ils s’éveillent (théories actuellement en vogue aux États-Unis) –, et que la victimisation devient un opportunisme, alors le malaise et la division deviennent de réelles menaces pour notre cohésion. Engendrant également la peur et la paralysie de nos décideurs, engoncés dans le déni.

 

Un fort déni de l’islamisme existe chez certaines élites françaises qui préfèrent fermer les yeux face au réel et analyser chaque événement se rapportant à ce phénomène comme étant le fait de populations discriminées, de délinquants, voire de déséquilibrés. Les actes ne sont reliés ni au discours ni à l’idéologie islamiste. Une analyse relativement commune, c’est qu’il s’agit d’un effet de la misère sociale, de « dominés » qui se rebellent face aux « dominants ». Le journaliste Edwy Plenel, fondateur du site Mediapart, analyse par exemple les attentats de janvier 2015 comme étant le fait de monstres que la société française a engendrés.

 

Certains milieux universitaires et une partie de la presse américaine ont même été jusqu’à analyser les attaques du 13 novembre 2015 à Paris comme une simple conséquence de la « suprématie blanche », et l’attaque au Bataclan comme celle du racisme de l’Occident blanc. Preuve que certains mélangent tout, et inversent les causalités. C’est le résultat du processus de déconstruction à l’œuvre, dans le prolongement de la discrimination positive amorcée dès les années 1960. Ce qui est comparable, estime l’auteur, à l’endoctrinement qui régnait en Chine sous Mao.

La « théorie critique de la race » née sur les campus américains et apparue dans les programmes scolaires américains en est le dernier avatar. Les discriminations raciales y sont considérées comme le facteur explicatif des inégalités sociales. Et à ce titre, elles doivent être éradiquées par des formes d’autocritique et de pratiques nouvelles relevant d’un véritable fanatisme. Comme pour la disparition des cours de musique dans certaines écoles, accusées de promouvoir la suprématie blanche.

 

Les collusions entre wokisme et islamisme

Carine Azzopardi analyse ensuite les rapports étroits qu’entretiennent les mouvements woke, décoloniaux, antiracistes (dont on peut largement douter du bienfondé de la dénomination) et progressistes identitaires (encourageant en réalité les communautarismes), avec l’islamisme.

Une sorte de jeu de dupes dans lequel les islamistes ont appris à maîtriser les codes woke, y voyant une opportunité de faire avancer leur cause, sur un temps long (et c’est bien le problème). Avec en particulier à la manœuvre les Frères musulmans, maîtres dans l’art du double discours (« l’un pour les mécréants, l’autre pour les croyants »), très implantés notamment dans les universités de sciences humaines et sociales, où ils manœuvrent à diffuser leur idéologie antidémocratique en utilisant la rhétorique de la discrimination, de l’antiracisme ou de l’intersectionnalité, avec l’appui de tous les traditionnels « idiots utiles » fidèles au rendez-vous. N’hésitant pas à se parer des vertus du progressisme (jusqu’à défendre de manière très opportune, ce qui peut apparaître comme un surprenant paradoxe, les thèses LGBT).

Maîtrisant parfaitement les codes, les outils numériques, les formats vidéo en vogue sur les réseaux sociaux dans nos sociétés, pour marteler insidieusement leurs véritables messages auprès en particulier des plus jeunes, et promouvoir en outre le séparatisme des musulmans sur notre territoire, ils fascinent et exercent une forte attraction sur les mouvements révolutionnaires d’extrême-gauche et partis politiques à l’image du NPA, leur insufflant l’idée d’ennemis communs. Avec la complicité des mouvements décoloniaux. J’étais d’ailleurs stupéfait de lire ceci :

 

Deux jours après la mort de Samuel Paty, une affiche est montrée place de la République par trois personnes, dont Assa Traoré, qui la poste sur les réseaux sociaux. La pancarte mentionne le nom de l’enseignant assassiné sur lequel des gouttelettes rouges ont été éparpillées et l’expression suivante écrite : « Mort en saignant. » Un jeu de mots d’un goût extrêmement douteux, qui entre ces mains pourrait faire penser à un clin d’œil complice. Les mêmes, qui ont des pudeurs de gazelle lorsque des journaux satiriques comme Charlie Hebdo représentent le prophète Mahomet, n’hésiteront pas à brandir cette pancarte lors d’une manifestation en hommage à un professeur décapité deux jours plus tôt, et à le faire savoir.

 

Par ailleurs, la journaliste parle de « chantage à l’islamophobie » au sujet de ce prétexte très pratique et très utilisé qui consiste à dénoncer, censurer, faire taire, stigmatiser des opposants pour mieux faire régner ses intérêts, à travers une stratégie de victimisation bien orchestrée. Elle y consacre un chapitre à part entière, très documenté, avant de revenir aussi sur l’attitude, non seulement du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne en faveur du voile, mais également d’Amnesty international, qui a défendu le port du voile intégral en Suisse, le présentant comme un symbole de liberté, tout en reconnaissant son caractère oppressif en Iran.

Des positions pour le moins paradoxales, défendues également par des mouvements néoféministes qui, selon la journaliste, n’ont plus grand-chose à voir avec le féminisme. Entre culpabilisation et relativisme, les intersectionnelles et leurs alliées néoféministes semblent aveugles aux faits lugubres que relate le livre quant au sort quotidien de nombreuses femmes, et aux véritables motivations de leur port du voile parfois dès le plus jeune âge, au nom d’une prétendue tolérance en réalité pleine de condescendance, sous couvert de « diversité » et de « résistance au capitalisme », écrit Carine Azzopardi, qui estime qu’il s’agit d’une diabolisation du corps des femmes en général.

 

La liquidation des Lumières

C’est le titre que l’auteur donne à l’un des chapitres, dans lequel elle montre comment l’adoption de plus en plus répandue du discours intersectionnel et son obsession de la recherche systématique d’inégalités et de discriminations en tous genres a pour effet, en réalité, de jouer contre les valeurs de l’universalisme, d’ailleurs accusé par certains d’être celui des hommes « cis blancs ». Un jeu dangereux auquel se prêtent des professionnels du monde artistique ou universitaire, voire des ministres. Qui aboutit, comme nous le savons, à de multiples censures de pièces de théâtre, conférences, œuvres littéraires ou cinématographiques, à l’initiative de militants antiracistes woke. Et en définitive à une célébration des communautarismes.

 

Or, le « droit la différence » ne s’oppose pas à l’universalisme. C’est jeter le bébé avec l’eau du bain que de le croire, une sorte de caprice d’enfant gâté qui sacrifierait la liberté et l’émancipation au nom du droit des minorités, et de l’appartenance communautaire.

 

… Quand ce ne sont pas les mathématiques elles-mêmes (mais aussi d’autres sciences, y compris la médecine) qui sont remises en cause comme étant développées par les « dominants blancs », selon certains mouvements antiracistes woke là encore !

 

Concrètement, certaines écoles américaines prennent désormais en compte l’origine raciale des élèves, pour ne pas « stigmatiser » des populations « racialisées », qui auraient, par nature, des difficultés avec une matière intrinsèquement blanche, donc raciste. Vous ne rêvez pas. Les premières « classes racisées » ont été mises en place dans la banlieue de Chicago, par exemple, où l’on regroupe les élèves en mathématiques selon la couleur de leur peau.

 

L’idéologie et les croyances en viennent ainsi à remplacer la raison et à dévoyer la science ou l’histoire, mais aussi à œuvrer chaque jour de plus en plus (aux États-Unis pour l’instant) pour purger le langage lui-même. Processus dont on sait où il mène

Le problème, nous dit l’auteur, c’est qu’à vouloir s’attaquer à l’universalisme en tant que soubassement de nos démocraties, c’est à une autre forme d’universalisme que nous laissons place : celui que tentent de promouvoir les islamistes et leur communauté mondiale des croyants. C’est en cela que les armes rhétoriques des antiracistes leur sont particulièrement utiles, s’appuyant sur le droit et les institutions internationales pour mieux s’attaquer insidieusement aux principes démocratiques et imposer peu à peu, de manière très stratégique, l’islam politique.

Pour ne rien arranger – et c’est l’objet d’un autre chapitre également très documenté – Carine Azzopardi montre le vide académique qui existe sur le sujet de l’islamisme. De moins en moins de chercheurs, de plus en plus militants, prennent la place des rares spécialistes qui traitent vraiment du sujet de manière factuelle et réaliste, progressivement isolés ou mis au ban, le langage étant là aussi purgé de tout ce qui fâche. L’ignorance prend ainsi le pas, une fois encore, sur la connaissance, à laquelle est préféré le wokisme, son vocabulaire spécifique et ses concepts foisonnants, la question devenant l’apanage des plus extrêmes.

 

Les dérives des théories du genre

Avec le wokisme, nous assistons au triomphe de la pensée binaire.

Non seulement on peut avoir peur aujourd’hui d’être rapidement traité d’islamophobe, mais on peut tout autant craindre désormais d’être traité de transphobe. Les théories du genre vont de plus en plus loin dans l’offensive, militant pour la « déconstruction », avec la volonté de « s’émanciper du système hétéronormé dominant ».

Une vive opposition existe désormais entre féministes universalistes et différentialistes ou intersectionnelles. Ces dernières assimilent la définition de l’identité sexuelle à un genre comme une norme fasciste. Elles prônent au contraire la « plasticité indéfinie de l’individu » (d’où le sigle LGBTQQIPS2SAA+). Les choses vont très loin en la matière, dans la mesure où utiliser le langage traditionnel à cet égard peut être jugé discriminant et vous valoir des ennuis. Pas tellement encore de ce côté de l’Atlantique, mais avec une vigueur parfois étonnante de l’autre ; avec des visées planétaires.

Là où le bât blesse, c’est que certains tenants de ces théories ont conclu une forme d’alliance rhétorique avec les islamistes, dont les ressorts sont grandement contradictoires avec leurs fondements théoriques respectifs, et résultent d’une grande part d’aveuglement.

Pour finir l’ouvrage, Carin Azzopardi écrit un chapitre dans lequel elle montre comment un antisémitisme décomplexé est réapparu et s’est développé de manière croissante au cours des années 2000, certains allant – même parmi des stars grand public – jusqu’à assimiler Juifs et blanchité et considérer l’Holocauste comme « un crime de Blancs sur des Blancs ». Dans une surenchère haineuse – aux accents clientélistes – de termes révélateurs d’une pensée là aussi très binaire, antimoderniste, voire révisionniste, ou même complotiste, qui ajoute aux confusions, divisions, absence de nuances, clichés, et délires « progressistes » peu à même d’aller dans le sens de l’apaisement, de la coexistence pacifique et de la véritable démocratie, plus que jamais en danger. Là encore accentuée par les dérives préoccupantes… du wokisme.

 

 

À lire aussi :

Instruction en famille : l’ONU condamne la France

Pour l’ONU, en matière de respect au droit à une alternative scolaire, la France est un mauvais élève.

L’article Instruction en famille : l’ONU condamne la France est apparu en premier sur Strategika.

❌