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Pour maintenir l’euro, le Pacte de stabilité, réformé, fait son retour…

Par : pierre

L’austérité budgétaire est officiellement de retour. La (presque) dernière étape visant à réactiver le « Pacte de stabilité » a été franchie à l’aube du 10 février, quand un accord formel a été trouvé entre représentants du Conseil de l’UE (les vingt-sept Etats membres) et de l’europarlement. Ce dernier devrait se prononcer en séance plénière en avril – une validation qui ne fait aucun doute. Juridiquement, le Pacte réformé entrera en vigueur au 1er janvier 2025. Mais la Commission européenne a annoncé qu’elle s’en inspirerait sans attendre.

Aucune capitale de la zone euro ne remet en cause le principe de la surveillance par Bruxelles des politiques budgétaires nationales. Mais, depuis longtemps, un clivage existe entre les pays qui plaident pour plus de « souplesse » dans cette gouvernance centralisée, et ceux qui jugent que la « rigueur budgétaire » doit primer sur toute autre considération. Dans ce second camp figurent traditionnellement les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche, et bien sûr l’Allemagne. Quant aux partisans de desserrer – un peu – le carcan, on les trouve entre autres du côté de Madrid, de Rome, mais aussi de Paris.

Les affrontements entre les deux camps ne datent pas d’hier, mais ils ont été relancés lorsque les conséquences économiques potentiellement cataclysmiques du Covid se sont profilées début 2020. L’urgence de dépenses publiques supplémentaires massives pour tenter de faire face à la crise s’est imposée même aux pays les plus « frugaux ». Au printemps 2020, l’UE convint alors de suspendre provisoirement les règles en vigueur.

Chaque pays fut donc autorisé à dépasser, sans craindre de sanctions, les deux bornes sacrées qui prévalaient depuis le lancement de l’euro : chaque dette publique nationale doit être contenue en dessous de 60% du PIB, et les déficits budgétaires et sociaux à moins de 3% du même indicateur. Face au péril d’une récession spectaculaire, la plupart des gouvernements auraient de toute façon appliqué des politiques de dépenses exceptionnelles ; Bruxelles a ainsi provisoirement légalisé des infractions massives qui s’annonçaient de toute façon.

Mais certains, en particulier à Berlin, n’ont pas tardé à rappeler que le provisoire ne devait pas durer. D’accord ont répondu les pays du sud – et quelques commissaires, dont l’Italien Paolo Gentiloni – mais ce doit être l’occasion de réformer le pacte.

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Pour maintenir l’euro, le Pacte de stabilité, réformé, fait son retour

Par : pierre

L’austérité budgétaire est officiellement de retour. La (presque) dernière étape visant à réactiver le « Pacte de stabilité » a été franchie à l’aube du 10 février, quand un accord formel a été trouvé entre représentants du Conseil de l’UE (les vingt-sept Etats membres) et de l’europarlement. Ce dernier devrait se prononcer en séance plénière en avril – une validation qui ne fait aucun doute. Juridiquement, le Pacte réformé entrera en vigueur au 1er janvier 2025. Mais la Commission européenne a annoncé qu’elle s’en inspirerait sans attendre.

Aucune capitale de la zone euro ne remet en cause le principe de la surveillance par Bruxelles des politiques budgétaires nationales. Mais, depuis longtemps, un clivage existe entre les pays qui plaident pour plus de « souplesse » dans cette gouvernance centralisée, et ceux qui jugent que la « rigueur budgétaire » doit primer sur toute autre considération. Dans ce second camp figurent traditionnellement les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche, et bien sûr l’Allemagne. Quant aux partisans de desserrer – un peu – le carcan, on les trouve entre autres du côté de Madrid, de Rome, mais aussi de Paris.

Les affrontements entre les deux camps ne datent pas d’hier, mais ils ont été relancés lorsque les conséquences économiques potentiellement cataclysmiques du Covid se sont profilées début 2020. L’urgence de dépenses publiques supplémentaires massives pour tenter de faire face à la crise s’est imposée même aux pays les plus « frugaux ». Au printemps 2020, l’UE convint alors de suspendre provisoirement les règles en vigueur.

Chaque pays fut donc autorisé à dépasser, sans craindre de sanctions, les deux bornes sacrées qui prévalaient depuis le lancement de l’euro : chaque dette publique nationale doit être contenue en dessous de 60% du PIB, et les déficits budgétaires et sociaux à moins de 3% du même indicateur. Face au péril d’une récession spectaculaire, la plupart des gouvernements auraient de toute façon appliqué des politiques de dépenses exceptionnelles ; Bruxelles a ainsi provisoirement légalisé des infractions massives qui s’annonçaient de toute façon.

En avril 2023, la Commission européenne a proposé une réforme du Pacte et de la très complexe gouvernance que ce dernier entraîne

Mais certains, en particulier à Berlin, n’ont pas tardé à rappeler que le provisoire ne devait pas durer. D’accord ont répondu les pays du sud – et quelques commissaires, dont l’Italien Paolo Gentiloni – mais ce doit être l’occasion de réformer le pacte.

D’autant que ce dernier était déjà violé avant le Covid. Aujourd’hui, une douzaine de pays ont des déficits supérieurs à 3%, et la moyenne des dettes publiques nationales était en 2023 de 83% du PIB, bien au-delà des 60%%.

D’autant, aussi, que les Vingt-sept ont, entre temps, fait de la transition écologique une priorité obsessionnelle, et que celle-ci suppose des investissements considérables. Enfin, une nouvelle marotte, également très dispendieuse, est apparue parmi les dirigeants européens : investir dans les capacités militaires et les armements, pour l’Ukraine… et pour les Etats membres eux-mêmes.

En avril 2023, la Commission européenne a donc proposé une réforme du Pacte et de la très complexe gouvernance que ce dernier entraîne. La proposition maintenait les bornes de 60% et 3%, mais confiait à chaque pays qui serait en dehors des clous le soin de mettre sur pied lui-même une « trajectoire » de quatre ans pour rétablir sa situation – sous la supervision bruxelloise.

A partir de ce principe général s’est déclenchée une épreuve de force entre Berlin et Paris. Un compromis a finalement été trouvé entre les deux capitales, ce qui a ouvert la voie à un texte adopté par le Conseil le 20 décembre. C’est cette mouture qui a été acceptée par les représentants de l’europarlement le 10 février dernier (moyennant quelques modifications minuscules).

Concrètement, les pays de la zone euro dont la dette dépasse les 60% du PIB devront réduire cette dette de 1% par an (quels que soient les conséquences sociales). Cependant, s’ils s’engagent sur des « réformes structurelles » (une exigence récurrente de Bruxelles, qui peut porter sur les systèmes de santé, de retraites, sue le marché ou le droit du travail…), ils pourront se voir accorder une période de grâce supplémentaire de trois ans. Bruxelles sera d’autant plus compréhensif si des investissements « verts », dans le secteur de l’économie numérique, ou bien encore militaires, sont prévus dans les plans nationaux.

Pour les pays dont le solde budgétaire dépasse les – 3%, le déficit « structurel » devra être réduit de 0,5% par an. C’était une exigence du gouvernement allemand, représenté en ce domaine par le ministre de l’économie, le Libéral Christian Lindner (à droite sur la photo, face à ses homologues français et espagnole). Le diable se cache dans les détails : le terme « structurel » renvoie à la non-comptabilisation des intérêts de la dette. Même le gouverneur de la Banque de France, pourtant très favorable à une réforme « rigoureuse » du Pacte a admis que celui-ci avait encore été complexifié par rapport au système précédent.

Quoiqu’il en soit, de l’avis de nombreux observateurs, Berlin a eu globalement gain de cause à travers la mise en place de ces « garde-fous ». Et a imposé qu’on se concentre plus sur la réduction des dépenses que sur celle des déficits (ce qui a l’« avantage » de ne pas nuire aux réductions d’impôts, chères aux libéraux). Paris a cependant obtenu une petite concession : l’exigence portant sur le rythme de réduction des déficits n’entrera en vigueur qu’en 2028. Donc après la prochaine élection présidentielle…

Le pacte de stabilité – au-delà de telle ou telle réforme – est un corset de fer mis en place pour éviter que l’euro n’explose

Lors du vote final dans l’hémicycle de Strasbourg, le PPE (droite européenne), les Libéraux mais aussi une très grande partie du groupe des socialistes et sociaux-démocrates voteront la réforme du pacte ainsi négociée. Une petite partie de ces derniers cependant, de même que les eurodéputés du groupe de gauche et de celui des Verts, s’y opposeront en dénonçant le règne de l’ultralibéralisme dans les instances européennes.

Mais ils se garderont certainement de pointer la raison d’être du Pacte de stabilité : lorsque le projet de monnaie unique avait été présenté, au début des années 1990, ses auteurs étaient bien conscients qu’une telle monnaie était intenable si elle était partagée par des économies aux caractéristiques différentes et aux tendances divergentes. Il fallait donc mettre en place un corset de fer pour faire tenir ensemble une entité économique hétéroclite.

Dit autrement, le pacte de stabilité – au-delà de telle ou telle réforme – est indispensable pour éviter que l’euro n’explose. Ce dernier, qui devait assurer protection et prospérité aux « citoyens européens », se confirme donc comme l’une des principales causes des coupes dans les dépenses, de Berlin à Paris et de Rome à Madrid. Au détriment des services publics dans tous les domaines.

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Poutine affaibli ? Vraiment ?…

Par : pierre

A peine la rébellion d’Evgueni Prigojine était-elle annoncée, le 24 juin, qu’une armée d’experts péremptoires, de spécialistes civils et militaires, et de brillants universitaires se trouvait déjà sur de nombreux plateaux des télévision française, y compris du service public.

Alors que la colonne des forces Wagner annonçait, quelques heures plus tard, renoncer à sa marche vers Moscou, les « débats » (entre interlocuteurs parfaitement d’accord sur tout) et « talk show » se sont succédé ; les commentateurs des médias imprimés se sont ensuite joints au chœur.

La plupart d’entre eux avait tout compris, tout analysé, tout prévu. Les plans et frayeurs terribles du président russe nous étaient dévoilés. Les placards secrets du bureau présidentiel au Kremlin devaient être pleins à craquer d’espions ou de journalistes occidentaux ces jours-là, tant les états d’âme intimes et les informations confidentielles furent nombreuses à nous être révélées…

Un thème s’est imposé tant dans les grands médias que de la part des dirigeants politiques, parfaitement résumé dans le titre barrant la première page du Monde, quotidien de référence, le 26 juin : « Poutine affaibli par la rébellion du groupe Wagner ».

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Poutine affaibli ? Vraiment ?

Par : pierre

A peine la rébellion d’Evgueni Prigojine était-elle annoncée, le 24 juin, qu’une armée d’experts péremptoires, de spécialistes civils et militaires, et de brillants universitaires se trouvait déjà sur de nombreux plateaux des télévision française, y compris du service public.

Alors que la colonne des forces Wagner annonçait, quelques heures plus tard, renoncer à sa marche vers Moscou, les « débats » (entre interlocuteurs parfaitement d’accord sur tout) et « talk show » se sont succédé ; les commentateurs des médias imprimés se sont ensuite joints au chœur.

La plupart d’entre eux avait tout compris, tout analysé, tout prévu. Les plans et frayeurs terribles du président russe nous étaient dévoilés. Les placards secrets du bureau présidentiel au Kremlin devaient être pleins à craquer d’espions ou de journalistes occidentaux ces jours-là, tant les états d’âme intimes et les informations confidentielles furent nombreuses à nous être révélées…

Un thème s’est imposé tant dans les grands médias que de la part des dirigeants politiques, parfaitement résumé dans le titre barrant la première page du Monde, quotidien de référence, le 26 juin : « Poutine affaibli par la rébellion du groupe Wagner ».

De son côté, le quotidien « de gauche » Libération donnait la parole à un historien de renom, selon qui « Pour Poutine, c’est le début de la fin ». L’Opinion, de tendance libérale, publiait une analyse péremptoire d’un ancien espion français affirmant notamment : « le mal est fait et le régime mafieux en sursis n’y survivra pas ; la tentative de putsch va marquer les esprits ; c’est la fin de l’apparente stabilité promise par le pouvoir ».

Il est vrai que le secrétaire d’Etat américain avait très vite donné le ton, en pointant les « fissures dans la façade » du régime russe qu’auraient révélées les événements du 24 juin. Le 26 juin, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, reprenait les mêmes termes : « le système politique russe montre des fragilités, et la puissance militaire se fissure ».

Réunis par ses soins ce jour-là, les ministres des affaires étrangères des Vingt-sept ont chanté le même refrain. Annalena Baerbock s’est réjouie des « fissures importantes dans la propagande russe ». Sa collègue finlandaise a surenchéri : « il est courant pour les états autoritaires que tout semble très stable jusqu’à ce qu’un jour, plus rien ne le soit. Et je m’attends à une telle évolution pour la Russie également ». La conclusion commune des dirigeants européens est sans logique apparente… mais sans surprise : il faut renforcer la fourniture d’armes et de munitions en faveur de Kiev. Une nouvelle dotation de 3,5 milliards d’euros a été décidée en ce sens (par augmentation du plafond financier).

L’expédition Wagner et la sidération qu’elle a provoquée n’ont eu aucune influence sur les opérations sur le front

Donc, le pouvoir russe serait ébranlé, déstabilisé, affaibli, voire proche de la chute. Vraiment ?

Si nul ne peut prévoir à coup sûr les événements des prochaines semaines et des prochains mois, quelques rappels factuels peuvent être utiles. A commencer par cette évidence : le chef du groupe Wagner a renoncé à poursuivre ses intentions factieuses quelques heures à peine après avoir martelé qu’il « irait jusqu’au bout ». Deuxièmement, tout bain de sang a été évité : il n’y a eu aucune victime au sein de la population.

Il n’est pas nécessaire d’être un expert chevronné pour penser que la grande majorité de celle-ci a ressenti un immense soulagement devant ce double constat ; et que de nombreux citoyens russes ont inscrit cela au crédit du président. A l’inverse, il était difficile de ne pas percevoir, dans les commentaires des experts sur les plateaux des chaînes occidentales, une certaine frustration et une discrète déception.

Celle-ci était même explicite dès lors que se confirmait un troisième élément : l’expédition Wagner et la sidération qu’elle a provoquée n’ont eu aucune influence sur les opérations sur le front. Il était clair que les stratèges de salon – et sans doute aussi les vrais états-majors occidentaux – s’étaient pris à espérer que les forces ukrainiennes profiteraient de l’occasion pour des percées militaires qui n’ont toujours pas eu lieu à ce jour.

Dès lors, et alors que l’opération de Prigojine n’a abouti ni sur le plan militaire, ni sur celui des ralliements ou soutiens politiques espérés, le président russe devrait-il vraiment se sentir en position de faiblesse ?

Oui, argumentent les « géopolitologues », car Vladimir Poutine a dénoncé le matin une « trahison », avant, quelques heures plus tard, de changer son discours et de promettre une sorte d’amnistie à son instigateur. Mais un tel revirement est-il nécessairement un aveu de faiblesse – ou bien de l’intelligence politique dès lors que les soldats de Wagner se voient offrir de poursuivre leur engagement militaire au sein de l’armée officielle ?

Bien sûr, chaque situation est spécifique, et toute comparaison est difficile. On peut cependant rappeler que dans la France de 1961, plongée dans la guerre d’Algérie, le Général de Gaulle, alors président de la République, avait dû affronter un putsch de généraux factieux qui avait fait vaciller l’Etat. Ceux-ci avaient été contraints à la débandade, faute de soutiens. La suite a montré que de Gaulle n’en avait pas été affaibli, bien au contraire.

Plus récemment, le président turc a dû affronter la rébellion, en juillet 2016, d’une partie de l’armée. Là aussi, le pouvoir a semblé menacé durant quelques heures. Mais la population n’a pas suivi, et Recep Tayyip Erdogan a rétabli sa situation. Il a ensuite tiré parti de ce coup de force avorté pour renforcer son emprise sur le pays. Difficile de prétendre qu’il avait alors été durablement déstabilisé.

En Russie, l’avenir proche dira ce qu’il en est. Il sera alors temps de rappeler les affirmations péremptoires des stratèges inspirés. Et de mesurer la part de propagande que celles-ci contenaient.

Mais aussi la part d’auto-persuasion. Prendre ses désirs pour des réalités a toujours été un défaut très répandu parmi les humains. Les voix occidentales viennent sans doute de l’illustrer de manière particulièrement caricaturale.

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Retour sur le Russiagate : 98 % des médias français ont été conspirationnistes

Par : laurent

Ce travail est chaleureusement dédié à Aaron Maté, Glenn Greenwald, Robert Parry (†), Julian Assange, Max Blumenthal, Stephen Cohen, Caitlin Johnstone, Matt Taibbi, Chris Hedges, Jimmy Dore et à tous les autres journalistes et commentateurs qui ont correctement informé sur le Russiagate malgré la marginalisation, les pressions et les calomnies (voir cette liste des valeureux sceptiques anglo-saxons).

Le Russiagate, dont la thèse centrale était l’existence d’une collusion entre Moscou et l’équipe de Donald Trump pour favoriser l’élection de celui-ci à la présidence des États-Unis, a subi une débâcle flagrante lors de la remise du rapport Mueller en mars 2019. Dénuée de toute preuve, cette théorie du complot fait pourtant régulièrement l’objet de tentatives de réanimation par différentes forces traumatisées par la défaite d’Hillary Clinton. Les médias ayant joué un rôle essentiel dans la production de ce mauvais feuilleton d’espionnage – aux conséquences néfastes bien réelles –, il n’est pas inutile de revenir sur le traitement de l’affaire en France. Sur les 56 médias de premier plan que nous avons examinés, dont certains font bruyamment profession d’« indépendance », comme Mediapart ou Le Canard enchaîné, un seul ne s’est pas vautré dans le conspirationnisme : Le Monde diplomatique.

Après sa déroute, le Russiagate a rapidement été remplacé, ou plutôt prolongé, par un autre récit sensationnel qui tournera lui aussi au fiasco, l’Ukrainegate. Les commentateurs et médias dominants (et parfois moins dominants…), nullement ébranlés par leur fourvoiement manifeste, continuent de servir de caisse de résonance docile aux multiples allégations d’« ingérence russe ». Une telle obstination irrationnelle signe la propagande, on peut même légitimement parler de russophobie. C’est parce que les médias refusent de reconnaître leurs erreurs et d’en tirer les enseignements appropriés qu’il est nécessaire de bien prendre la mesure du délire conspirationniste dans lequel ils se sont complu.

Il faut donc se souvenir que la thèse clintonienne d’une collusion entre l’équipe Trump et Moscou en vue de faire élire l’homme d’affaires à la présidence des États-Unis en novembre 2016 a été très favorablement relayée dans les médias occidentaux pendant deux ans et demi. C’est-à-dire qu’elle a occupé le devant de la scène durant la majeure partie du mandat de Donald Trump.

À la remorque de leurs homologues d’outre-Atlantique, les principaux acteurs français de la presse, de la télévision et de la radio, mais aussi la plupart des organes dits indépendants ou alternatifs, ont ainsi donné de l’importance et du crédit à la plus grande théorie du complot officielle depuis la fable criminelle sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein. Nous présentons ci-dessous les preuves de cette quasi-unanimité (98 % des médias dans l’échantillon large et représentatif que nous avons retenu).

Conspirationnisme mainstream

Bien qu’incapables de fournir la moindre preuve, les médias ont choisi de croire – et surtout de faire croire – à ce « Russiagate », un nom faisant référence au scandale du Watergate qui avait abouti à la démission du président Richard Nixon. S’ils se sont acharnés à donner vie à cette conspiration en essayant de faire passer les allégations les plus abracadabrantes pour de solides éléments à charge, c’est principalement sous l’effet grisant d’une double détestation : celle de la Russie (personnifiée par son maître maléfique, Vladimir Poutine) et celle de Trump. La victoire « impensable » de ce dernier face à Hillary Clinton, la championne des élites libérales-atlantistes, devait être contestée d’une façon ou d’une autre ; c’était moins pénible que de s’astreindre à réfléchir aux raisons véritables de la défaite.

Sans originalité, l’amertume du camp otanien a pris la forme d’une accusation du grand méchant ours russe, une incrimination reprise en France y compris par des médias se réclamant – certes plutôt timidement – de positions moins alignées sur l’impérialisme washingtonien (Mediapart, Le Canard enchaîné, Marianne, L’Humanité, Politis). Comme il y a des alter-européistes, il y a des alter-impérialistes ; ce sont d’ailleurs souvent les mêmes.

Il n’était nullement nécessaire d’être bien disposé à l’égard de la ligne politique de Moscou ou de celle (moins claire…) de Donald Trump pour être capable de s’apercevoir que les innombrables adeptes du Russiagate ont fait preuve d’un manque de prudence et de discernement stupéfiant. Il suffisait d’être sensible à la vraisemblance du scénario et attentif aux faits, ou plutôt… à leur absence.

Le paroxysme du n’importe quoi a été atteint avec la médiatisation abondante du « dossier Steele », qui postulait notamment l’existence d’une vidéo dans laquelle on verrait Donald Trump en train de contempler des prostituées soulageant leur vessie sur le lit de la chambre du Ritz-Carlton de Moscou que les époux Obama avaient occupée lors d’une visite présidentielle. Ce « kompromat » obtenu par le FSB permettrait à Voldemort Poutine de faire chanter l’homme d’affaires… Le dossier, un grotesque tissu de rumeurs et de fake news, avait été concocté par un ancien agent du renseignement britannique pour le compte d’un prestataire du Comité national démocrate (DNC – l’organisme qui dirige le Parti démocrate) et du comité de campagne officiel d’Hillary Clinton. Une source on ne peut plus fiable donc.

Aux États-Unis comme en France, les personnes qui exprimaient publiquement des doutes sur la crédibilité du récit dominant étaient volontiers dépeintes en thuriféraires du président américain ou de son homologue russe, voire des deux. Avec ceux qui ont un faible plus ou moins assumé pour l’Otan, l’intimidation et l’ostracisation remplacent souvent l’argumentation. Le débat est rendu délibérément impossible en assimilant toute critique de la ligne euro-atlantiste à un soutien aux « dictateurs » et autres « populistes illibéraux ». C’est l’application d’une méthode simpliste courante en propagande de guerre, généralement cuirassée d’un alibi humanitaire : « Si vous êtes contre un changement de régime par la force en Irak/Libye/Syrie/etc., c’est que vous êtes du côté du boucher Saddam/Kadhafi/Bachar/etc. »

L’irresponsabilité des Russiagâteux

Si tous les médias français n’ont pas défendu la thèse de la collusion avec le même zèle, les comptes rendus et commentaires partaient toujours du principe que celle-ci était crédible et que des éléments probants plaidaient en sa faveur (précisons que la préférence compréhensible de Moscou pour le candidat Trump – compte tenu de l’hostilité anti-russe affichée d’Hillary Clinton – ne constitue évidemment pas en soi une preuve d’entente). Les tournures conservant l’apparence du doute masquaient mal une adhésion préférentielle à la théorie du complot. La rationalité avait une fois encore déserté toutes les rédactions. Toutes sauf celle du Monde diplomatique (et dans une bien moindre mesure celle d’Atlantico), qui parlera de « Tchernobyl médiatique » lors de l’explosion en plein vol du Russiagate.

À chaque fois qu’il y avait un rebondissement dans « l’affaire » – et il y en eut beaucoup –, que les spéculations allaient bon train sur les « avancées » de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, le bourrage de crâne reprenait de plus belle. « Ingérence russe », « collusion avec la Russie », « liens troubles », « relations ambiguës »… Ce récit jamesbondesque à base de machiavélisme poutinien a libéré la parole conspirationniste dominante et permis de multiplier les procès à charge contre Moscou, accusé de vouloir saper à la chaîne les bienveillantes « démocraties libérales ».

En effet, si la Russie a manipulé l’élection présidentielle américaine, alors pourquoi pas le référendum sur le Brexit, la campagne présidentielle française, le référendum catalan, le mouvement des Gilets jaunes, les élections européennes, les élections générales britanniques, etc., etc. ? Dernièrement, on nous a dit que, « selon des sources du renseignement », Moscou payait des talibans pour qu’ils tuent des soldats américains et que des hackers russes essayaient de voler des données sur un vaccin pour la Covid-19. Il n’y a pas de fumée sans feu. C’est pourquoi il faut produire beaucoup de fumée. Et donc relayer servilement les opérations d’intoxication mitonnées par les services de renseignement occidentaux.

Les propagateurs de ces multiples scoops tonitruants devraient s’enquérir de la moralité de la fable d’Ésope appelée « Le Berger mauvais plaisant », plus connue sous le titre « Le Garçon qui criait au loup »…

Au lieu de se montrer soucieux de la vérité et des faits, de tempérer leur agressivité systématique à l’égard de la deuxième puissance nucléaire mondiale, les médias ont endossé le paradigme belliciste de la « menace russe ». Ce climat hostile a facilité, entre autres mesures antagoniques, l’intensification de l’odieuse politique de sanctions contre la Russie, le retrait états-unien de plusieurs traités internationaux de contrôle des armes, le renvoi de diplomates russes et l’opposition au projet de gazoduc Nord Stream 2 soutenu par Moscou. Quant à l’Otan, qualifiée d’« obsolète » par Donald Trump pendant sa campagne, elle est redevenue selon lui pertinente peu de temps après son élection, et même « un rempart pour la paix et la sécurité internationales » (voir notre article sur ce revirement). La « marionnette Trump » semble moyennement sous le contrôle du maître du Kremlin…

La campagne permanente de dénigrement anti-russe travaille l’opinion publique afin qu’elle consente à la hargne occidentale, en premier lieu à l’égard de Moscou, mais aussi des autres « ennemis » du bloc euro-atlantique (Chine, Iran, Syrie, Venezuela, etc.). Il s’agit ultimement de justifier un prétendu « droit d’ingérence ». Les médias sont en grande partie responsables de cette mentalité obsidionale qui tente de légitimer des comportements de brute et la pratique routinière du deux poids, deux mesures. Ce ne sont pas seulement les usages diplomatiques, l’esprit de concorde, voire le droit international qui sont piétinés, mais aussi plus fondamentalement les valeurs de vérité et de justice.

Les journalistes sont-ils conscients que la russophobie paranoïaque et le climat de guerre froide qu’ils nous imposent empoisonnent les relations internationales et font courir de graves risques à la paix dans le monde ? Non seulement les médias ne favorisent pas la désescalade, mais ils la combattent âprement.

Aaron Maté, l’expert proscrit

Deux ans et demi d’intense propagande conspirationniste donc, et puis… le verdict est tombé avec la remise du rapport Mueller : la « théorie du complot » selon laquelle « Donald Trump ou ses équipes auraient conspiré avec les Russes pour voler la présidentielle américaine » est une « illusion » (Wall Street Journal, 24 mars 2019). Une conclusion confirmée par la publication du rapport complet. À ceux qui douteraient encore du caractère tout à fait vide du dossier, nous recommandons la lecture des articles de celui qui est probablement le meilleur spécialiste au monde du Russiagate, le journaliste Aaron Maté, qui travaille désormais pour l’excellent site The Grayzone.

Ses textes, très étayés et rigoureux, sont malheureusement peu accessibles en français. Toutefois, Le Monde diplomatique en a traduit trois : « Ingérence russe, de l’obsession à la paranoïa », « Comment le “Russiagate” aveugle les démocrates » et « Un cadeau des démocrates à Donald Trump » (nous avons déjà indiqué plus haut un quatrième article d’Aaron Maté paru dans le mensuel, celui sur l’Ukrainegate). Et le site Les Crises a publié celui-ci : « Repose en Paix, Russiagate ».

Pour les lecteurs qui maîtrisent la langue de Steinbeck, il est indispensable de prendre connaissance de cette analyse approfondie du rapport Mueller. Aaron Maté y réfute également les allégations centrales du volet informatique de l’accusation d’ingérence russe dans l’élection américaine de 2016, à savoir d’une part le piratage des serveurs du DNC (voir aussi cet article plus récent) et de la messagerie électronique de John Podesta – le directeur de campagne d’Hillary Clinton –, et d’autre part les opérations menées par des « bots russes » sur les réseaux sociaux afin d’influencer les électeurs américains (pour en savoir plus sur le second point, lire cet autre texte).

Il est édifiant de constater que le journaliste le plus compétent sur le Russiagate a été complètement marginalisé, quand il n’était pas harcelé sur les réseaux sociaux ou attaqué avec virulence par des personnes occupant des positions professionnelles plus confortables, y compris d’anciens collègues. Aux États-Unis, Aaron Maté a vu ses espaces d’expression se réduire à cause de la lucidité dont il a fait preuve ; il a été (et reste) quasiment banni de l’univers mainstream. En France, parmi la cinquantaine de médias connus que nous avons observés, seul Le Monde diplomatique s’est intéressé à son travail ; son nom n’a pas même été mentionné par les autres (sauf une unique fois dans cet article malhonnête de Slate éreintant Glenn Greenwald, « tellement critique de la couverture médiatique sur l’ingérence russe que son discours ressemble à celui de Donald Trump »…).

Les chauffards du journalisme

Le Russiagate a fait chou blanc mais, sans surprise, les médias et commentateurs installés n’ont nullement fait amende honorable et reconnu qu’ils avaient massivement intoxiqué leurs publics, s’alignant ainsi sur les objectifs géostratégiques des faucons de Washington – qui dominent aussi le Parti démocrate – et des services de renseignement occidentaux. Ils auraient pourtant eu intérêt à admettre leur égarement pour enrayer la spirale du discrédit dans laquelle ils sont pris. Mais rien n’indique pour l’instant qu’ils se soient résolus à pratiquer un journalisme honnête et rigoureux.

En diffusant avec délectation une théorie du complot accablante pour Donald Trump, les médias dissimulaient à peine leur souhait de le voir destitué ; il en fut de même ensuite avec l’Ukrainegate et la procédure formelle en ce sens. Résultat : en l’accusant à tort de façon aussi outrée, en orchestrant une chasse aux sorcières de type maccarthyste, ils ont renforcé le président honni et l’ont en partie immunisé contre les critiques légitimes – qui ne manquent pas –, ce qui l’a positionné avantageusement pour un second mandat (depuis, sa gestion de la crise du coronavirus a beaucoup fragilisé cette configuration favorable).

Par contre, les perroquets otanophiles sont parvenus à leurs fins sur un autre plan : ils ont empêché tout apaisement entre les États-Unis (et leurs vassaux) et la Russie. Le parti de la guerre continue de mener la danse. On peut d’ailleurs se demander si le Russiagate n’avait pas pour but premier, dans l’esprit de ses instigateurs, de contrecarrer le non-interventionnisme, l’obsolescence de l’Otan et le rapprochement américano-russe sur lesquels Donald Trump avait fait campagne (la sincérité de ces positions est une autre question).

Ce sinistre feuilleton était une façon pour les adorateurs du Pentagone de réaffirmer leurs fondamentaux : exceptionnalisme états-unien, hégémonie mondiale et impérialisme humanitaire. La vaste campagne anti-russe favorise également une restriction de la liberté d’expression et un contrôle de plus en plus strict d’Internet. De tout cela, les médias sont activement complices.

98 %, vraiment ? – Oui.

Nous présentons ci-dessous des captures d’écran effectuées sur les versions en ligne des principaux médias d’information permettant de se faire une idée de leur traitement du Russiagate et plus globalement du dossier des « ingérences russes » dans l’élection de 2016 (Le Canard enchaîné n’ayant pas de formule numérique, nous utilisons pour ce titre des reproductions réalisées à partir des archives sur microfilms). Au nombre de dix au maximum, les publications sont ordonnées chronologiquement. Comme cela peut être aisément vérifié, les titres – et les chapôs quand ils sont présents – des articles reflètent leur contenu, à quelques nuances près. Il s’agit ici de restituer la tonalité générale du discours.

Les lecteurs attentifs remarqueront la mention récurrente de l’expression « avec l’AFP » dans la signature des articles listés (c’est-à-dire qu’ils ont été écrits en reprenant largement une dépêche produite par l’agence de presse), ce qui montre le rôle majeur qu’a joué celle-ci dans la propagation de la théorie du complot. L’agence britannique Reuters est également citée. L’emprise souvent néfaste des agences de presse sur la production journalistique mériterait d’être davantage mise en lumière (sur le sujet, voir cette étude).

La couverture du Russiagate permet de mesurer le degré d’uniformité de l’espace médiatique français – droite et « gauche » confondues – sur ce qui a trait aux rapports de force mondiaux et à la géopolitique. Pluralisme et finesse d’analyse font particulièrement défaut quand il est question de la Russie. Nous avons affaire à un cas d’école qui révèle la soumission foncière à l’impérialisme américain, y compris de la part de publications prétendument alternatives (qui semblent réclamer une « autre Otan » – inclusive, bienveillante et durable – comme elles réclament une « autre Europe »). 98 % des médias sont les attachés de presse ou des critiques superficiels du militarisme euro-atlantique.

La pensée conspirationniste, considérée par les élites comme un grand fléau civilisationnel quand elle est pratiquée par les dominés, devient tout à fait autorisée pour la défense des intérêts de l’Occident néocolonial. On notera au passage le silence pudique des chasseurs patentés de fake news, fact-checkeurs et autres spécialistes médiatiques du complotisme sur la déconfiture du Russiagate. Par exemple, à notre connaissance, le sociologue Gérald Bronner, qui déplore abondamment – et souvent à juste titre – le « succès des mythologies du complot [et l’]hystérisation des débats publics » (cf. cette tribune), n’a pas dit un mot sur le sujet. Comment expliquer cette occultation si ce n’est par un biais politique ?

Quant à Rudy Reichstadt, qui est considéré par les médias dominants comme l’expert de référence en matière de conspirationnisme, il a écrit dans un article publié le 18 janvier 2019 sur Conspiracy Watch que le Russiagate était étayé par des « indices accablants » et des « éléments autrement plus solides que ceux sur lesquels sont habituellement bâties les théories du complot diffusées par le Kremlin ». Deux ans plus tôt, dans cet autre texte, il était allé jusqu’à accorder du crédit au fameux dossier Steele, dont « les éléments troublants […] portés sur la place publique » lui semblaient de nature à appuyer « l’hypothèse que le Kremlin ait pu influencer les élections américaines ». Convenons-en, Rudy Reichstadt est bien, en un certain sens, « expert en complotisme »… On comprend que le complexe médiatico-politique ait adoubé un tel champion pour défendre la cause.

Le cas du Russiagate montre à quel point l’ensemble du secteur médiatique peut faillir sous le poids de ses biais idéologiques et vices structurels. Une telle irresponsabilité représente une menace pour la paix mondiale. C’est pourquoi il nous faut inlassablement demander des comptes aux propagandistes. À ceux qui seraient tentés de minorer leur influence, nous préconisons la lecture de ce bref compte rendu d’un sondage effectué après la médiatisation des conclusions du rapport Mueller : « Pour près de la moitié des Américains, il y a eu collusion Trump-Russie ».

Laurent Dauré

Cliquez sur le nom d’un média pour accéder à l’échantillon de publications le concernant.

I. La règle : médias conspirationnistes (55)

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II. L’exception : média non-conspirationniste (1)

A. Mensuel (1)

Le Monde diplomatique

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L’angoisse existentielle de l’Occident (éditorial paru dans Ruptures n°93)

Par : pierre

Emmanuel Macron s’inquiète de ce que les « classes moyennes », désormais, « doutent » de « l’aventure européenne »

 

Querelles, déclin, arrogance. Tel était l’air du temps qui flottait lors de la Conférence sur la sécurité de Munich – une grand-messe non étatique qui draine chaque année la fine fleur des élites diplomatiques et militaires occidentales, dont l’édition 2020 s’est déroulée du 14 au 16 février.

Certes, chefs d’Etat et de gouvernement, ministres, diplomates, généraux et experts ont communié dans une foi commune : les « valeurs de l’Occident » devraient guider le monde – liberté (notamment d’entreprendre), droits de l’homme, Etat de droit, démocratie… Mais entre Washington, Berlin et Paris notamment – trois des pôles du bloc atlantique – les bisbilles et rivalités n’ont cessé de s’accentuer ces dernières années.

L’intervention du président français – c’était sa première apparition dans cette enceinte informelle – était donc attendue. Sans surprise, il a apporté de l’eau au moulin du thème volontairement provocateur proposé cette année par les organisateurs : « westlessness » – un terme anglais qu’on pourrait approximativement traduire par « effacement de l’Occident ». Depuis plusieurs mois en effet, le maître de l’Elysée met en garde ses pairs : des puissances rivales émergent qui menacent notre hégémonie. Sont bien sûr visées la Chine, la Russie, de même que la Turquie (pourtant membre de l’OTAN). Autant de pays qui « ne partagent pas nos valeurs ». Il y a donc bien « affaiblissement de l’Occident », affirme Emmanuel Macron, en particulier si l’on compare à l’euphorie d’il y a quinze ans, quand, selon ses termes, « nous pensions qu’on allait dominer le monde durablement ».

Il y a quinze ans, « nous pensions qu’on allait dominer le monde durablement » a rappelé le président français

On imagine au passage ce qu’eussent été les réactions si un leader non occidental avait affiché explicitement sa propension, fût-elle sur le mode nostalgique, à « dominer le monde ». Mais l’arrogance du maître de l’Elysée n’a nullement été remarquée tant elle parut parfaitement naturelle aux sommités réunies à Munich, de même qu’aux journalistes venus couvrir l’événement.

Quoi qu’il en soit, le dirigeant français a pris acte de l’unilatéralisme exacerbé de Washington. Il plaide dès lors pour un renouveau du dialogue « sans concession » avec Moscou, qui hérisse le poil de nombreux Etats membres de l’UE. Surtout, il placarde sans modération son oxymore préféré : il faut bâtir une « souveraineté européenne », ce qui signifie à la fois la poursuite de l’Alliance atlantique, mais aussi la construction d’une autonomie (stratégique, diplomatique, militaire, technologique, monétaire) vis-à-vis de l’Oncle Sam.

Pour le président, cela passe donc par une UE à géométrie variable, dont le premier cercle a vocation à une intégration poussée. Sauf que cette vision déplaît aux pays qui ne seraient pas dans ce premier cercle ; elle ne séduit guère non plus à Berlin (sauf les dirigeants des Verts que le président a rencontrés en particulier, peut-être en rêvant de leur arrivée dans une prochaine coalition, puisque la vie politique intérieure allemande devient de plus en plus chaotique). L’offre élyséenne de bâtir une « culture stratégique commune », voire des exercices militaires communs incluant l’arme nucléaire (sans cependant partager cette dernière) est tombée à plat outre-Rhin, où la culture atlantiste est profondément ancrée parmi les élites, même si celles-ci ne goûtent pas outre mesure le trumpisme. Et ce, dans un contexte où les divergences franco-allemandes se multiplient.

Tout se passe comme si, au spectre du déclin occidental sur le plan géopolitique, venait s’ajouter celui du déclin de l’idéologie eurolibérale

Le plaidoyer macronien n’est pas une révélation. La nouveauté, en revanche, est dans la référence aux « classes moyennes » qui « doutent » désormais de « l’aventure européenne » – une inquiétude répétée… à quatre reprises. L’ancien banquier semble considérer – à juste titre – que l’oligarchie est par nature acquise à l’intégration européenne ; que les classes populaires sont à l’inverse irrémédiablement perdues ; et que l’enjeu revient donc à stopper la glissade desdites classes moyennes dans ce que le vocabulaire officiel nomme « nationalisme » ou « illibéralisme ».

Ainsi, tout se passe comme si, au spectre du déclin occidental sur le plan géopolitique, venait s’ajouter, sur le plan hexagonal (et continental), celui du déclin de l’idéologie eurolibérale. Or cette dernière sous-tend les « réformes » d’inspiration bruxelloise, à commencer par celle des retraites.

Certes, dans l’état d’esprit populaire, politique extérieure et politique intérieure semblent être sans rapport direct : la lutte contre la régression sociale ne va pas spontanément de pair avec la résistance à l’arrogance atlantique.

Pas encore, du moins.

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

 

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Das von Amélie de Montchalin befürchtete fabelhafte Schicksal

Par : pierre

Die Verhandlungen zwischen London und Brüssel beginnen: Das Vereinigte Königreich ist weit davon entfernt isoliert zu sein und kann sich nun wieder ungehindert der Welt öffnen.

Seit Samstag, dem 1. Februar, hat das Vereinigte Königreich die Europäische Union legal verlassen (ohne dass bisher ein Tsunami über die britischen Inseln hinweggefegt ist). Aber es gibt noch eine entscheidende Etappe: das Aushandeln eines Abkommens, das die künftigen Beziehungen zwischen London und Brüssel regelt. In erster Linie betrifft es den Handel, aber auch die Sicherheit, die Verteidigung,die Energie, den Verkehr sowie die heikle Frage der Fischerei.

Diese Verhandlungen werden während der laufenden « Übergangsperiode » stattfinden, die am 31. Dezember endet. Zum großen Missfallen der EU-27 hat der britische Premierminister eine Verlängerung der Übergangszeit ausgeschlossen.

Am Montag, dem 3. Februar, haben die beiden Parteien daher wie geplant ihre Ausgangspositionen aus der Ferne präsentiert. Auf der Brüsseler Seite ist dies das « Verhandlungsmandat », das die EU-27 Herrn Barnier erteilen wird und das sie am 25. Februar nächsten Jahres formell bestätigen wird.

In London herrscht eine Stimmung des mitreißenden Optimismus

In London hat Herr Johnson eine große parlamentarische Mehrheit zur Hand.

Auf beiden Seiten des Ärmelkanals, fällt die unterschiedliche Denkweise auf. Einerseits hat sich der englische Premierminister entschieden, in die Zukunft zu blicken und von einem « neuen Aufbruch » für sein Land zu sprechen. Es ist sicherlich ein Quantum public relations dabei, aber die Stimmung ist eindeutig von mitreißendem Optimismus geprägt.

Auf der Brüsseler Seite besteht der Ton aus einer Mischung aus Warnung und Rückzug

Auf Seiten Brüssels besteht hingegen der Ton aus Warnungen und Drohungen für die Briten und man ruft etwas beunruhigt zum Schulterschluss innerhalb der EU auf.

Zugegebenermaßen schlug Michel Barnier in London ein « sehr ehrgeiziges Abkommen » an der Handelsfront vor: keine Zölle, keine Kontingente (d.h. keine Beschränkung der Importe von jenseits des gesamten Ärmelkanals). Aber mit einer großen Bedingung: dass sich das Vereinigte Königreich vertraglich verpflichtet, sich an alle geltenden EU-Regeln anzupassen und sich dem Schiedsgericht des EU-Gerichtshofs zu unterwerfen. Paris wünscht sich sogar eine « dynamische » Anpassung, d.h. dass die Briten alle zukünftigen EU-Regeln im Voraus akzeptieren.

Nach Ansicht der EU-27 solle verhindert werden, dass die Briten ihre Produkte und Dienstleistungen auf dem Kontinent zu Dumpingpreisen verhökern, indem sie soziales (d.h. durch Kürzung der sozialen Rechte, um billiger verkaufen zu können), ökologisches (durch Lockerung der Beschränkungen, wiederum um die Kosten zu senken) oder fiskalisches (durch Senkung der Steuern, um Kapital anzuziehen – ein Sport, der bereits innerhalb der EU selbst existiert, z.B. aus dem benachbarten Irland) « Dumping » betreiben.

Aber das Glück war bei der Demonstration nicht auf ihrer Seite: Die EU hat ein Freihandelsabkommen mit… Singapur ratifiziert

Kurzum, nach der in Brüssel populären Redewendung sollte um jeden Preis vermieden werden, dass unsere Nachbarn jenseits des Ärmelkanals ihr Land in ein « Singapur an der Themse » verwandeln, um auf ein hyperreguliertes Modell zu verweisen, das mit einem Freihandelsabkommen unvereinbar sei. Es gibt jedoch keine Chance für einen Beweis: Vor einem Jahr hat die EU ein Freihandelsabkommen mit… Singapur ratifiziert.

Boris Johnson schloss auf seine Weise, offen gesagt, von vornherein aus, sich einem solchen Diktat zu unterwerfen. Wir werden die britischen Regeln anwenden, ohne sie abzuschwächen, hämmerte Johnson, aber es ist nicht notwendig, einen Vertrag zu unterzeichnen, um dies zu tun.

« Werden wir Zölle auf italienische Autos oder deutschen Wein erheben mit der Begründung, dass die EU sich nicht an unsere britischen Vorschriften anpasst? Natürlich nicht! « 

Und außerdem, warum sollten die Anforderungen einseitig sein, fügte Herr Johnson klugerweise hinzu, warum sollte es nicht den Europäern obliegen, die britischen Regeln zu befolgen: « Werden wir Zölle auf italienische Autos oder deutschen Wein erheben (die Beispiele sind scherzhaft gewählt…) unter dem Vorwand, dass die EU sich nicht an unsere britischen Regeln für Plastik-Kaffeerührer oder für den Mutterschaftsurlaub angleicht? Natürlich nicht! « .

Die künftigen Verhandlungsführer unterscheiden verschiedene mögliche Szenarien: ein Abkommen « norwegischer Art », « schweizerischer », « kanadischer » oder sogar « australischer Art ». Im ersten Fall würde sich Großbritannien, wie derzeit Norwegen, zur Übernahme aller EU-Regeln verpflichten – dieses Szenario wird daher von London ausgeschlossen. Die « schweizerische » Konfiguration beinhaltet sektorale Regeln und Vereinbarungen – was Brüssel nicht gefällt. Das von London bevorzugte Szenario nach kanadischer Art bezieht sich auf den zwischen der EU und Ottawa (CETA) unterzeichneten Freihandelsvertrag, der die Zölle auf 98% der Produkte abschafft – ohne jedoch eine Angleichung der Vorschriften zu verlangen.

Was das « australische » Szenario betrifft, so wurde es von Herrn Johnson bewusst als « australisch » bezeichnet: Dieses Land handelt in der Tat allein nach den WTO-Regeln – was die Situation wäre, wenn es zu keiner Einigung käme. Aber der Hinweis auf Australien als Commonwealth-Land klingt in britischen Ohren nicht negativ.

« Wir übernehmen wieder die Kontrolle über unsere Gesetze, das ist sicher nicht um uns an die Regeln der Europäischen Union anzupassen »

Auf jeden Fall warnte der Außenminister von Anfang an: « Wir übernehmen wieder die Kontrolle über unsere Gesetze, das ist sicher nicht um uns an die Regeln der Europäischen Union anzupassen« . Eine Ohrfeige für all jene, die insbesondere in Frankreich auf ein bereits in Brino umbenanntes Brexit setzten (« Brexit in name only », ein Brexit nur als Fassade).

In der Zwischenzeit unternahm Dominic Raab eine Tournee durch Australien, Japan, Malaysia… und Singapur. Denn Großbritannien hat endlich das Recht wiedererlangt, Handelsabkommen im eigenen Namen zu unterzeichnen, was zu Zeiten der EU-Mitgliedschaft verboten war.

Die Bitterkeit war in diesen Tagen in den Korridoren von Brüssel spürbar, wo alle die britische Wahl der « Isolation » bedauerten. Michel Barnier wagte sogar zu sagen: « Ich bedauere, dass das Vereinigte Königreich sich dafür entschieden hat, eher Einzelkämpfer als solidarisch zu sein« .

Mit dem Austritt aus der EU hat sich das Land von dem Filter befreit, der seine Beziehungen zur Welt behindert hat, und kann sich ihr wieder ungehindert öffnen

Die Realität ist, dass das Land durch den Austritt aus der EU den Filter, der seine Beziehungen zur Welt (etwas) behindert hat, losgeworden ist und sich ihr wieder ungehindert öffnen kann, indem es « Freundschaft zwischen allen Nationen » pflegt, wie es in der neuen 50-Pence-Münze zur Feier des Brexit verkündet wird.

In der kommenden Zeit könnten wir daher die – noch nie dagewesene – Erfahrung machen, dass ein Land seine Souveränität wiedererlangt, die durch die EU eingeschränkt wurde: seine Freiheit, seine Gesetze zu machen und über seine Steuern zu entscheiden, aber auch an allen Fronten zu kooperieren. Und dies, ohne noch mehr unter dem makronischen Unsinn über ein mächtiges Europa mit eigener « Souveränität » leiden zu müssen. Ist das Vereinigte Königreich isoliert? Was für eine Dummheit!

Laut Amélie de Montchalin « wird der Brexit die Phantasien derjenigen beflügeln, die hier und da ihr Land aus Europa herausführen wollen »

Dies könnte anderen Ländern Anregungen geben, wovor die französische Staatssekretärin für europäische Angelegenheiten eindeutig Angst hat. In einem Interview in Le Monde (04/02/20) verrät Amélie de Montchalin ihre Besorgnis: « Der Brexit wird die Phantasien derjenigen beflügeln, die hier und da ihr Land aus Europa herausführen wollen« .

Ja, Amélie: « hier oder dort », ja, manche träumen vielleicht von einem fabelhaften Schicksal (1)…

(1) Anspielung an den berühmten französischen Film „Le fabuleux destin d’Amélie Poulain“

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Le fabuleux destin que craint Amélie de Montchalin

Par : pierre

Négociations qui s’amorcent entre Londres et Bruxelles : loin d’être isolé, le Royaume-Uni va désormais pouvoir se ré-ouvrir au monde sans entrave.

Décidément, Boris Johnson n’a pas fini de provoquer des aigreurs chez les dirigeants européens en général, chez le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, en particulier.

Depuis samedi 1er février, le Royaume-Uni a juridiquement quitté l’Union européenne (sans qu’aucun Tsunami n’ait encore emporté les îles britanniques). Mais il reste une étape décisive : la négociation d’un accord fixant les rapports à venir entre Londres et Bruxelles : commerce au premier chef, mais aussi sécurité, défense, énergie, transports, ainsi que l’épineux dossier de la pêche.

Cette négociation se déroulera pendant l’actuelle « période de transition » qui prendra fin au 31 décembre. Au grand dam des Vingt-sept, le chef du gouvernement britannique a exclu de prolonger ladite période de transition.

Lundi 3 février, comme prévu, les deux parties ont donc présenté, à distance, leurs positions de départ. Côté Bruxelles, il s’agit du « mandat de négociation » que les Vingt-sept vont confier à M. Barnier, et qu’ils valideront formellement le 25 février prochain.

A Londres, l’humeur est à l’optimisme conquérant

A Londres, M. Johnson dispose, lui, d’une large majorité parlementaire à sa main.

Mais avant même le contenu des deux documents, ce qui frappe, c’est la différence d’état d’esprit. D’un côté, le Premier ministre anglais a fait le choix de se tourner vers l’avenir, parlant d’une « nouvelle aube » pour son pays. Il faut certes faire la part de la communication, mais l’humeur est manifestement à l’optimisme conquérant.

Les esprits grognons étaient, lundi, à chercher du côté des représentants du patronat. La CBI (le Medef britannique) et les Chambres de commerce n’avaient pas été invitées, contrairement à l’habitude. Car, selon les services du 10 Downing street, le patronat « perd son temps » à faire pression sur le gouvernement « pour qu’il abandonne toutes les promesses faites au peuple britannique ».

Côté Bruxelles, le ton est aux avertissements et au repli sur soi.

Côté Bruxelles en revanche, le ton est aux avertissements et menaces en direction des Britanniques, et aux appels, un peu inquiets, à resserrer les rangs au sein de l’UE. L’humeur est au repli sur soi.

Certes, Michel Barnier a proposé à Londres un « accord très ambitieux » sur le plan commercial : zéro droit de douane, zéro quota (c’est-à-dire pas de limitation des importations en provenance d’outre-Manche). Mais en y mettant une énorme condition : que le Royaume-Uni s’engage, par traité, à s’aligner sur toutes les règles actuelles de l’UE, et à se soumettre aux arbitrages de la Cour de justice de l’UE. Paris souhaiterait même un alignement « dynamique », c’est-à-dire que les Anglais acceptent d’avance toutes les règles futures de l’UE…

Selon les Vingt-sept, il s’agit d’éviter que les Britanniques fourguent leurs produits et services sur le continent en pratiquant le « dumping » social (c’est-à-dire en rognant les droits sociaux pour vendre moins cher), « environnemental » (en allégeant les contraintes, là aussi pour faire baisser les coûts), ou « fiscal » (en abaissant les impôts pour attirer des capitaux – un sport qui existe pourtant déjà au sein même de l’UE, de la part de l’Irlande voisine, par exemple).

Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié un accord de libre échange avec… Singapour.

Bref, selon l’expression en vogue à Bruxelles, il faudrait à tout prix éviter que nos voisins d’outre-Manche transforment leur pays en « Singapour sur Tamise », manière de désigner un modèle hyper-déréglementé incompatible avec un accord de libre échange. Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié, il y a un an, un accord de libre échange avec… Singapour.

A sa manière, franche, Boris Johnson a d’emblée exclu de se soumettre à un tel diktat. Nous appliquerons les règles britanniques sans les affaiblir, a martelé Boris Johnson, mais il n’y a aucun besoin de signer un traité pour cela.

« Allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques  ? Bien sûr que non ! »

Et d’ailleurs, pourquoi les exigences seraient-elles à sens unique, a habilement ajouté M. Johnson, pourquoi ce ne serait pas aux Européens de se calquer sur les règles britanniques : « allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand (les exemples sont plaisamment choisis…) au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques concernant les touillettes à café en plastique ou sur les congés maternité ? Bien sûr que non ! ».

Les futurs négociateurs distinguent différents scénarios possibles : un accord « à la norvégienne », « à la suisse », « à la canadienne », voire « à l’australienne »… Dans le premier cas, Le Royaume-Uni, comme c’est le cas actuellement pour la Norvège, s’engagerait à adopter toutes les règles de l’UE – c’est donc l’hypothèse exclue par Londres. La configuration « helvète » comprend des règles et accords secteur par secteur – ce qui ne plaît pas à Bruxelles. Le scénario de type canadien, qui a la préférence de Londres, renvoie au traité de libre échange signé entre l’UE et Ottawa (le CETA) qui abolit les droits de douane sur 98% des produits – mais sans exiger un alignement réglementaire.

Quant à l’hypothèse « australienne », elle a été évoquée à dessein sous ce qualificatif par M. Johnson : ce pays commerce en effet selon les seules règles de l’OMC – ce qui serait la situation si aucun accord n’est trouvé. Mais la référence à l’Australie, pays du Commonwealth, ne sonne pas négativement aux oreilles des Britanniques.

« Nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne »

En tout cas, le ministre des Affaires étrangères, a d’emblée prévenu : « nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne ». Un camouflet à tous ceux, en France en particulier, qui pariaient sur un Brexit déjà rebaptisé Brino (« Brexit in name only », un Brexit seulement de façade).

Et sur ces entrefaites, Dominic Raab entame une tournée en Australie, au Japon, en Malaisie… et à Singapour. Car le Royaume-Uni a enfin récupéré le droit de signer des accords commerciaux en son nom propre, ce qui était interdit quand il était membre de l’UE.

L’amertume était palpable ces jours-ci dans les couloirs de Bruxelles où les uns et les autres déploraient le choix britannique de l’« isolement ». Michel Barnier a même osé : « je regrette que le Royaume-Uni ait choisi d’être solitaire plutôt que solidaire ».

En quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave

La réalité est qu’en quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait (un peu) son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave, en cultivant « l’amitié entre toutes les nations », comme le proclame la nouvelle pièce de 50 pence émise pour fêter le Brexit.

Dans la période qui s’ouvre, on pourrait donc assister à l’expérience – sans précédent – d’un pays qui reconquiert sa souveraineté bridée par l’UE : sa liberté de faire ses lois et de décider de ses impôts, mais aussi de nouer des coopérations tous azimuts. Et ce, sans plus devoir subir les absurdités macroniennes vantant une Europe-puissance dotée de sa propre « souveraineté ». Le Royaume-Uni, isolé ? Quelle stupidité !

Selon Amélie de Montchalin, « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe »

Voilà qui pourrait bien donner des idées à d’autres pays, comme le craint manifestement le Secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. Interviewée dans Le Monde (04/02/20), Amélie de Montchalin laisse ainsi apparaître son inquiétude : « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe ».

Oui, Amélie : « ici ou là » en effet, certains pourraient rêver d’un fabuleux destin…

Toutes les infos, complètes et mises à jour, à découvrir dans l’édition de Ruptures à paraître fin  février. Il n’est pas trop tôt (ni trop tard) pour s’abonner.

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Auf beiden Seiten des Rheins äußern die Bauern ihren Ärger und ihre Not

Par : pierre

Schlag auf Schlag demonstrierten in Berlin und in Paris Zehntausende von Landwirten gegen die in Brüssel verhängten Verbote und Vorschriften, die ihre Zukunft auf dem Altar der Umwelt opfern, sowie gegen  die von der EU abgeschlossenen Freihandelsabkommen.

Am Dienstag, dem 26. und am Mittwoch, dem 27. November erhoben deutsche und französische Bauern nacheinander ihre Stimme auf der Strasse. Auf beiden Seiten des Rheins sind Erbitterung, Verzweiflung, und die daraus resultierenden Forderungen sehr ähnlich. Zumal in vielen Fällen die Ursachen für die Entscheidungen auf der Ebene der Europäischen Union liegen.

Ist der Bauer ruiniert, wird dein Essen importiert

In Berlin trafen sich 40 000 Bauern – so die Polizei – auf dem Potsdamer Platz. Diese kamen, um ihrem Ärger Ausdruck zu verleihen und dem Gefühl, dass ihnen ihre Zukunft gestohlen wird. Zu ihren Slogans gehörten: „Ist der Bauer ruiniert, wird dein Essen importiert“ sowie „Gemeinsam statt gegeneinander“. Die in Brüssel beschlossenen neuen Beschränkungen, Regeln und Verbote bedrohen einen Sektor, dessen Hauptaufgabe darin besteht, die Bevölkerung zu ernähren. Es sei denn, man akzeptiert, dass die Zukunft in einer ständig zunehmenden Globalisierung liegt: dem Import von Äpfeln aus Chile bis hin von Rindfleisch aus Argentinien.

Deutsche Landwirte hatten in jüngster Zeit bereits zweimal demonstriert: Die Ankündigung des « Insektenschutzplans » der Bundesregierung, der die Beschränkung oder Beseitigung von Chemikalien (Herbizide, Insektizide, Düngemittel…) vorsieht, hatte wie der Funken, der das Feuer entzündet, gewirkt: Ausserdem stellt der freie Warenverkehr die Landwirte des Landes jedoch in Konkurrenz zu Staaten, in denen es diese Art von Beschränkungen nicht gibt.

Der im September angekündigte Plan wurde umgesetzt, nachdem die EU-Kommission ein zweites Vertragsverletzungsverfahren gegen Deutschland eingeleitet hatte: Berlin wurde aufgefordert, den Nitratgehalt im Grundwasser zu senken.

Grundsätzlich steigt der Druck der umweltpolitischen Lobbys, den « Naturschutz » zum höchsten Wert zu machen so weit, dass Bauern das Ziel von Anschuldigungen und Racheakten aus bestimmten Meinungsbereichen werden– oft aus den wohlhabenden Schichten in Großstädten (aber nicht aus den Arbeitervierteln).

Eine vergleichbare Situation in Frankreich

Vergleichbar ist die Lage in Frankreich, wo sich die Landwirte immer mehr wie Sündenböcke behandelt fühlen. In Wirklichkeit sind es aber die Mainstream-Medien, die immer wieder die Gesellschaften auf beiden Seiten des Rheins beschreiben, als befänden diese sich, wie von einer grünen Welle getragen, in einer höheren Sphäre. Nichts dürfte  dieser „grünen“ Stimmung entgegen gesetzt  werden – sowohl  aus ideologischen wie auch aus wahltaktischen Gründen.

Diese zunehmende Diskriminierung der Agrarwelt ist besonders schlimm in einer Zeit, in der Hunderttausende von kleinen französischen bäuerlichen Familienbetrieben vom Bankrott bedroht sind, und wo, von unlösbaren Schwierigkeiten getrieben, sich im Durchschnitt ein Bauer pro Tag, das Leben nimmt. Filme, die kürzlich in Frankreich herausgekommen sind, veranschaulichen diese dramatische Situation (Au nom de la terre, Petit paysan). Der populäre Erfolg dieser Werke deutet darauf hin, dass die Anklage gegen die Bauern bei weitem nicht einstimmig ist.

In diesem Kontext demonstrierten die französischen Bauern am 27. November in mehreren Städten. In Paris blockierten zwischen 800 und 900 Traktoren den „périphérique“ (Ring-Autobahn), dann die Champs-Elysées, und streuten sogar Heu vor das sehr vornehme Restaurant Le Fouquet’s.

In Paris wie in Berlin prangerten die Demonstranten die Ungerechtigkeit an: einerseits werden immer mehr Zwänge durchgesetzt, anderseits werden landwirtschaftliche Erzeugnisse massiv importiert. Insbesondere die von der Europäischen Union unterzeichneten jüngsten Freihandelsabkommen, (mit Kanada,  dem Mercosur…), wurden von den Protestierenden angegriffen.

Grundsätzlich haben die Bauern auf beiden Seiten des Rheins ein zentrales Anliegen: Sie wollen von ihrer Arbeit leben können.

Darüber hinaus hat ein zu Beginn des Jahres verabschiedetes Gesetz („Egalim“) zur Neugewichtung der Einkommen zwischen Produzenten, Lebensmittelindustrie und grossen Handelsketten bisher noch keine konkreten Ergebnisse gezeigt. Grundsätzlich haben die Bauern auf beiden Seiten des Rheins ein zentrales Anliegen: Sie wollen von ihrer Arbeit leben können.

Und sie wollen nicht als Sündenbock benutzt werden. Vor allem von denen nicht, die Petitionen zur « Rettung der Bienen » (wie in Bayern vor kurzem) in die Welt setzen, ein Slogan, der ihnen mehr am Herzen zu liegen scheint als die « Rettung der Bauern ».

Die gleiche Opposition entstand vor einigen Monaten in Frankreich, als die Regierung im Namen der Umwelt eine Kraftstoffsteuer einführen wollte. Dies hat zu einer Spaltung geführt zwischen denen, die sich um das « Ende der Welt » sorgen , und denen, die sich mehr um das « Ende des Monats » sorgen.

Und das war die Bewegung der Gelbwesten-..

 

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Die unselige Konsequenzen des Falles der Berliner Mauer

Par : pierre

In einem von Le Monde veröffentlichten Artikel verfälscht und instrumentalisiert Heiko Maas die Geschichte im Dienste der « europäischen Einigung ».

Von Pierre Lévy, chefredakteur von Ruptures

Der dreißigste Jahrestag der Öffnung der Berliner Mauer hat in Frankreich vor allem eine Fülle von emotionalen Huldigungen, schwülstigen Verherrlichungen und zufriedenen Lobeshymnen ausgelöst.

In diesem fast einhelligen Konzert sticht der von der Tageszeitung Le Monde (04.11.2019) veröffentlichte Beitrag des deutschen Außenministers besonders heraus. Möglicherweise hätte es Heiko Maas in seinem eigenen Land nicht gewagt, einen solchen Text zu veröffentlichen.

Er beginnt schon mit einer denkbar gewagten Äußerung: « Wir Deutschen (…) feiern am 9. November den Zusammenschluss Europas, das heute glücklicherweise vereint ist« , denn « wir verdanken dieses Glück den Hunderttausenden von Ostdeutschen, die auf die Straße gingen » und ganz allgemein den Bürgern Mittel- und Osteuropas, « die freiheitsdurstig die Mauern niedergerissen und ihre Freiheit erzwungen haben« . Und, so der Minister weiter, « wir sind es (auch) unseren Freunden und Partnern in der NATO schuldig », ebenso wie François Mitterrand und Michail Gorbatschow.

Für den saarländischen Sozialdemokraten Maas hatten also die DDR-Bürger, die 1989 in Leipzig, Ostberlin, Dresden und anderswo auf die Straßen gingen, vor allem einen Traum: nämlich die « Vereinigung Europas » zu erreichen (und warum nicht auch gleich Ursula von der Leyen an die Spitze der Brüsseler EU-Kommission zu bringen, wenn wir schon mal dabei sind?).

Es ist nicht ganz sicher, ob man eine solche groteske These ernstgemeint in Berlin hätte veröffentlichen können. Indem sich Herr Maas EU-weit an die Öffentlichkeit (unter anderem auch an die französische) wandte, hoffte Herr Maas vielleicht, die historische Wahrheit – falls er sie kennt – ohne zu großes Risiko verzerren zu können. Denn eine große Mehrheit der DDR-Bürger, die 1989 monatelang demonstrierten, tat dies in der Hoffnung auf radikale Reformen im eigenen Land, aber nicht mit dem Ziel, den Sozialismus abzuschaffen, und noch weniger, um von der Bundesrepublik annektiert zu werden.

Erst im letzten Moment – um den Jahreswechsel 1989/90, nachdem die Mauer übrigens bereits gefallen war – wurde auf Initiative der westdeutschen CDU von Helmut Kohl der Slogan in der DDR « Wir sind das Volk » (nämlich sein Streben nach mehr Demokratie im Rahmen des Sozialismus) zu « Wir sind ein Volk » umfrisiert und verbreitet, was offenkundig ein geschickter propagandistischer Schachzug war und auf die frühestmögliche « Vereinigung » abzielte.

Dieser Versuch, die Geschichte umzuschreiben, hat ein Verdienst: er veranschaulicht die Stimmung, in der die westlichen Eliten heute leben

Aber für den deutschen Außenminister, egal wie die historischen Realitäten in Deutschland waren und sind, zählt heute nur ein Ziel: « Es gilt daraus für uns (« uns »? Wer, wir, die deutschen Führer?) eine Verpflichtung, nämlich die Vollendung der Vereinigung Europas« .

Dieser Versuch, die Geschichte umzuschreiben, hat ein Verdienst: er veranschaulicht die Stimmung, in der die westlichen, insbesondere die deutschen Eliten heute leben. Und dieser Geisteszustand erinnert an die berühmte Bemerkung des amerikanischen Milliardärs Warren Buffett aus dem Jahr 2005:

Der Satz darf verallgemeinert werden, indem « Klasse » durch « Lager » ersetzt wird. Dann veranschaulicht er perfekt dieses Triumphgefühl, das die westlichen Eliten empfunden haben: ein Triumphgefühl gegen Länder, die ein System eingeführt haben – zugegebenermaßen unvollkommen – in dem der DAX und die an die Aktionäre gezahlten Dividenden durch öffentliches Eigentum ersetzt worden waren; und in dem nicht jeder Tag von neuen sozialen Rückschlägen gekennzeichnet war.

Dieser triumphale Geisteszustand – der die zehn oder fünfzehn Jahre nach dem Fall der Mauer und dem Verschwinden der UdSSR kennzeichnete – hielt jedoch nicht bis in alle Ewigkeit an, wie es sich die Theoretiker vom « Ende der Geschichte » und von der glücklichen Globalisierung erträumt hatten.

Herr Maas und seine Freunde müssen daher heute deutlich zurückstecken: « Die (mühsame) Rettung des Euro, die endlosen Streitigkeiten um die Aufnahme und Verteilung von Flüchtlingen, all das hat neue Gräben in Europa geschaffen« . Schlimmer noch, jammert der Minister: « … mit dem Brexit erleben wir zum ersten Mal den Austritt eines EU-Landes. Und in vielen europäischen Ländern haben diejenigen, die wollen, dass wir glauben, dass weniger Europa besser ist, den Wind in den Segeln« .

Aber natürlich wird das, was bis jetzt noch nicht mit Europa funktioniert hat, funktionieren… mit noch mehr Europa: « Eines ist sicher, um in dieser Welt zu überleben, müssen die Europäer verschweißt bleiben« , hämmerte Heiko Maas. Übrigens wird das Wort « schweißen » verwendet. Er hätte auch einfach « vereint » oder « zusammen » schreiben können. Hat der Saarländer seinen Text direkt in der Sprache von Molière geschrieben? Der verwendete Begriff bezieht sich implizit auf Teile, die erst durch eine künstliche Zwangsoperation zusammengebracht werden müssen… Ein unbewusstes Eingeständnis?

Die Realität ist, dass der Fall der Berliner Mauer eigentlich zwei Hauptaspekte als Folgen hatte: den sozialen und den geopolitischen. Und zwar – da hat der Autor Recht – weit über die deutschen Grenzen hinaus.

Die 1990er Jahre lösten die größte historische Welle sozialer Rückschläge in Europa und der Welt aus. In Frankreich, Deutschland, Osteuropa und eigentlich auf allen Kontinenten gab es keine von der dominanten Oligarchie durchgeführte « Reform », die nicht durch eine katastrophale Umkehrung des Kräfteverhältnisses zugunsten der Macht des Kapitals und zum Nachteil der Völker ermöglicht wurde: Privatisierungen, Kürzungen des Sozialschutzes, phänomenale Zunahme von Ungleichheit und Armut, drastische Einschränkungen der Rechte von Lohnerwerbstätigen und Gewerkschaften – aber auch der Untergang der Demokratie (z.B. durch die Verkehrung von Referenden über die europäische Integration).

Das Verschwinden des sozialistischen Lagers eröffnete plötzlich einen außergewöhnlichen Königsweg für die Mächtigen

Denn das Verschwinden des sozialistischen Lagers eröffnete plötzlich einen außergewöhnlichen Königsweg für die Mächtigen. Viele westdeutsche Gewerkschafter (sogar die antikommunistischsten unter ihnen) teilten diese Beobachtung: Vor dem Fall Ostdeutschlands zwang dessen Existenz die Arbeitgeber der BRD, ein hohes Maß an sozialen Leistungen aufrechtzuerhalten, um zu verhindern, dass das in der DDR herrschende System als ein attraktives Gegenmodell erkennbar wurde. Der Anschluss dieses Landes hob diese für das Kapital unerquickliche Hypothek auf und öffnete die Schleusen für Sozialabbau, angefangen bei der Infragestellung von Tarifverträgen.

Das Verschwinden des sozialistischen Lagers spielte auf globaler Ebene die gleiche Rolle.

Was das geopolitische Kräfteverhältnis betrifft, ist es nicht notwendig, ein anderes Bild zu zeichnen. Von Jugoslawien bis zum Irak, von Libyen bis Syrien, Jemen, Venezuela oder Elfenbeinküste kannten die früher imperialistisch genannten Kräfte keine Grenzen mehr.

Aber die Zeiten sind heute für hegemoniale Ambitionen schwieriger geworden. Weder Russland noch China wollen sich ihnen unterwerfen.

Deshalb, so beschwört es Herr Maas, « brauchen wir eine echte Europäische Verteidigungsunion, die die NATO ergänzt und in der Lage ist, bei Bedarf autonom zu handeln« . « Verteidigung »? Handelt es sich zum Beispiel darum, wie der künftige Hohe Vertreter der EU für Außenpolitik, der derzeitige spanische Amtskollege von Herrn Maas, Josep Borrell (PSOE), gerade vorgeschlagen hat, die « Battle Groups » zu aktivieren?

Denn der Minister zögert nicht zu schreiben: « Gemeinsam müssen wir für die Aufrechterhaltung der internationalen Ordnung kämpfen und zum Kern einer Allianz für Multilateralismus werden« . Vielleicht wäre es besser, sich auf ein Bündnis für Multiliberalismus zu beziehen… Was die internationale « Aufrechterhaltung der internationalen Ordnung  » betrifft, heißt es wörtlich in dem französischen Text « maintien de l’ordre international » – also, internationale Polizeiarbeit… Heiko Maas weist zudem darauf hin, dass « der Frieden von dieser Ordnung abhängt, auch in Europa« . Eine Drohung?

Heiko Maas träumt von der « Kraft, unsere Werte und Interessen in einer zunehmend autoritären Welt durchzusetzen »

Und als ob noch nicht alles klar genug gesagt wäre, lobt der Autor abschließend die Kraft, « die die Europäerinnen und Europäer motiviert« , wenn sie wie 1989 handeln, insbesondere « die Kraft, Mauern und Grenzen zu überwinden, die Kraft, unsere Werte und Interessen in einer zunehmend autoritären Welt durchzusetzen« .

Die « europäischen Werte » überall auf der Welt durchzusetzen – darum geht es also. Wenn das so ist, dann kann man jetzt  vielleicht doch der Mauer nachtrauern.

Dieser Artikel erschien auch bei RT-Deutsch

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Les conséquences funestes de la chute du Mur de Berlin

Par : pierre

Le ministre allemand des Affaires étrangères, dans une tribune publiée par Le Monde, falsifie et instrumentalise l’Histoire au service de « l’unification européenne »

Le trentième anniversaire de la chute du mur de Berlin suscite, en France en particulier, une profusion d’hommages émus, de glorifications emphatiques, de louanges satisfaits.

Dans ce concert univoque, la contribution du ministre allemand des Affaires étrangères publiée par Le Monde (04/11/19) mérite une mention particulière. Il est probable en effet qu’Heiko Mass n’aurait pas osé faire paraître un tel texte dans son propre pays.

Celui-ci débute par une affirmation osée : le 9 novembre, « nous, Allemands (…) célébrons l’union de l’Europe, qui est heureusement rassemblée aujourd’hui » car « ce bonheur, nous le devons aux centaines de milliers d’Allemands de l’Est qui sont descendus dans la rue » et plus généralement aux citoyens d’Europe centrale et orientale « qui, assoiffés de liberté, ont renversé les murs et arraché leur liberté ». Et, poursuit le ministre, « nous le devons (aussi) à nos amis et partenaires de l’OTAN », ainsi qu’à François Mitterrand et Mikhaïl Gorbatchev.

Ainsi, pour le dirigeant social-démocrate, les citoyens descendus en 1989 dans les rues de Berlin-Est, de Dresde et d’ailleurs avaient un rêve en tête : réaliser l’« unification de l’Europe » (et pourquoi pas porter Ursula Von der Leyen à la tête de la Commission de Bruxelles, tant qu’on y est ?).

Pas sûr qu’une thèse aussi grotesque aurait pu être publiée à Berlin. Mais en s’adressant au public français, peut-être M. Maas espérait-il pouvoir impunément travestir la réalité. Car une très large majorité des citoyens de RDA qui ont manifesté pendant des mois en 1989 le faisaient dans l’espoir de réformer en profondeur ce pays, mais pas avec l’objectif d’abolir le socialisme, et encore moins d’être annexés par la République fédérale.

Et c’est seulement dans les tout derniers moments qu’à l’initiative (aujourd’hui avérée) de la CDU d’Helmut Kohl, le slogan « Nous sommes le peuple » (aspiration à plus de démocratie dans le cadre du socialisme) dériva vers « Nous sommes un peuple », qui visait ouvertement l’unification.

Cette ré-écriture de l’Histoire a au moins un mérite : celui d’illustrer l’état d’esprit des élites occidentales

Mais pour le ministre, peu importe la réalité historique. Seul compte l’objectif : « il en découle pour nous (nous, les dirigeants allemands ?) une obligation, celle de parachever l’unification de l’Europe ».

Cette ré-écriture de l’Histoire a au moins un mérite : celui d’illustrer l’état d’esprit qui anime les élites occidentales, allemandes en particulier. Et cet état d’esprit fait penser à la remarque célèbre du milliardaire américain Warren Buffet en 2005 : « il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui la gagne ». Il suffit ici de généraliser en remplaçant « classe » par « camp », et la sentence illustre à merveille ce sentiment de triomphe qu’ont éprouvé les dirigeants occidentaux face à des pays ayant mis en œuvre un système – certes très imparfaitement – où le CAC 40 et les dividendes versés aux actionnaires avaient été remplacés par la propriété publique. Et où les reculs sociaux incessants ne constituaient pas l’horizon indépassable des sociétés.

Cet état d’esprit triomphant – qui a marqué les dix ou quinze années d’après la chute du mur et la disparition de l’URSS – n’a cependant pas duré l’éternité rêvée par les théoriciens de la fin de l’Histoire et de la mondialisation heureuse.

Pour M. Maas et ses amis, il faut donc aujourd’hui déchanter : « le sauvetage (laborieux) de l’euro, les querelles interminables sur l’accueil et la répartition des réfugiés, tout cela a créé de nouveaux fossés en Europe ». Pire, se lamente le ministre, « avec le Brexit, nous assistons pour la première fois à la sortie d’un pays de l’UE. Et dans beaucoup de pays européens, ceux qui veulent nous faire croire que moins d’Europe, c’est mieux, ont le vent en poupe ».

Mais, évidemment, ce qui n’a pas marché avec l’Europe marchera… avec encore plus d’Europe : « une chose est sûre, pour subsister dans ce monde, les Européens doivent rester soudés » martèle Heiko Maas. On notera incidemment l’emploi du mot « soudés ». Il aurait pu écrire « unis » ou « ensemble ». On ne sait si le Sarrois a rédigé directement son texte dans la langue de Molière, mais le terme employé renvoie implicitement à des parties qu’on maintient collées par une opération artificielle forcée… Un aveu inconscient ?

Catastrophes sociales et géopolitiques

La réalité est que la chute du mur de Berlin a engendré effectivement deux grands types de conséquences : sur le plan social et sur le plan géopolitique. Et l’auteur a sur ce point raison : bien au-delà des frontières allemandes.

La décennie 1990 a d’une part enclenché la plus forte vague historique de reculs sociaux en Europe et dans le monde. En France, en Allemagne, en Europe de l’Est, et en réalité sur tous les continents, pas une « réforme » imposée par l’oligarchie dominante qui n’ait été rendue possible par l’inversion cataclysmique du rapport de force en faveur du pouvoir des capitaux, et au détriment des peuples : privatisations, coupes dans la protection sociale, montée phénoménale des inégalités et de la pauvreté, limitations drastiques des droits des salariés et des syndicats – mais aussi mise sous le boisseau de la démocratie (par exemple par l’inversion des référendums portant sur l’intégration européenne).

La disparition du camp socialiste a ouvert un extraordinaire boulevard aux puissants

Car la disparition du camp socialiste a ouvert un extraordinaire boulevard aux puissants. Nombreux sont les syndicalistes ouest-allemands (même les plus anticommunistes parmi eux) qui faisaient naguère cette confidence : avant la chute de l’Allemagne de l’Est, l’existence de cette dernière contraignait le patronat de RFA à maintenir un haut niveau d’acquis sociaux, afin d’éviter que le système en vigueur en RDA ne constitue une vitrine. L’annexion de ce pays a levé cette hypothèque et ouvert les vannes de la casse sociale, à commencer par la remise en cause des conventions collectives.

La disparition du camp socialiste a joué le même rôle au niveau mondial.

Quant au rapport de force géopolitique, point n’est besoin de faire un dessin. De la Yougoslavie à l’Irak, de la Libye à la Syrie en passant par le Yemen, le Venezuela ou la Côte d’Ivoire, les forces qu’on nommait naguère impérialistes ne se sont plus reconnu aucune limite.

Mais la période est désormais redevenue plus difficile pour les ambitions hégémoniques. Ni la Russie, ni la Chine n’ont envie de se soumettre à celles-ci.

Dès lors, affirme M. Maas, « nous avons besoin d’une véritable union européenne de la défense, en complément de l’OTAN, qui soit capable d’agir de manière autonome partout où cela est nécessaire ». « Défense » ? S’agit-il, par exemple, comme vient de le suggérer le futur Haut responsable de la politique extérieure de l’UE, l’actuel collègue espagnol (également socialiste) de M. Maas, Josep Borrell, d’activer les « groupements tactiques » ?

Car le ministre n’hésite pas à écrire : « ensemble, nous devons lutter pour le maintien de l’ordre international et devenir le noyau d’une Alliance pour le multilatéralisme ». Peut-être serait-il plus juste d’évoquer une Alliance pour le multilibéralisme… Quant au « maintien de l’ordre » international, la formule parle d’elle-même. Heiko Maas précise que « la paix dépend de cet ordre, également en Europe ». Une menace ?

Heiko Maas en appelle à « la force de faire respecter nos valeurs et nos intérêts dans un monde de plus en plus autoritaire »

Et si tout n’était pas encore assez clair, l’auteur conclut en vantant la force « qui anime les Européennes et les Européens » lorsqu’« ils passent à l’action » comme en 1989, notamment « la force de dépasser les murs et les frontières, la force de faire respecter nos valeurs et nos intérêts dans un monde de plus en plus autoritaire ».

Faire respecter les « valeurs européennes » partout dans le monde… Décidément, on se prend à regretter le mur.

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