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Macron a-t-il voulu faire une mise au poing ?…

Par : pierre

En à peine quelques heures, la photo avait fait le tour des réseaux sociaux, mobilisant des millions d’internautes. On y voyait le président de la République française s’acharner rageusement contre un sac de boxe. Mâchoire crispée, regard menaçant, biceps saillants jusqu’à l’extrême.

Ce 20 mars, la plupart des internautes supposent qu’il s’agit d’un faux, d’une blague d’un geek moqueur maniant habilement l’intelligence artificielle, voire d’une facétie des services russes espérant déstabiliser la France avec un peu d’avance sur le 1er avril.

Quand il est apparu que le cliché avait été pris par la photographe officielle de l’Elysée, ce fut l’hilarité pour les uns (souvent ses opposants), la consternation pour les autres – ses partisans, y compris certains de ses proches amis politiques, qui n’avaient pas cru à l’authenticité de l’image.

Trois semaines plus tard, une question reste sans réponse : pourquoi Emmanuel Macron a-t-il pris le risque de ridiculiser sa fonction ? L’interrogation peut être formulée différemment : à qui était destiné cet étrange message ?

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Macron a-t-il voulu faire une mise au poing ?

Par : pierre

En à peine quelques heures, la photo avait fait le tour des réseaux sociaux. On y voyait le président de la République française s’acharner rageusement contre un sac de boxe. Mâchoire crispée, regard menaçant, biceps saillants jusqu’à l’extrême.

Ce 20 mars, la plupart des internautes supposent qu’il s’agit d’un faux, d’une blague d’un geek moqueur maniant habilement l’intelligence artificielle, voire d’une facétie des services russes espérant déstabiliser la France avec un peu d’avance sur le 1er avril.

Quand il est apparu que le cliché avait été pris par la photographe officielle de l’Elysée, ce fut l’hilarité pour les uns (souvent ses opposants), la consternation pour les autres – ses partisans, y compris certains de ses proches amis politiques, qui n’avaient pas cru à l’authenticité de l’image.

Trois semaines plus tard, une question reste sans réponse : pourquoi Emmanuel Macron a-t-il pris le risque de ridiculiser sa fonction ? L’interrogation peut être formulée différemment : à qui était destiné cet étrange message ?

Le contexte géopolitique étant notamment marqué par la guerre en Ukraine, et par les déclarations du chef de l’Etat « n’excluant pas » l’envoi de troupes au sol, celui-ci a-t-il voulu illustrer ainsi sa détermination à empêcher une victoire russe, comme il ne cesse de le répéter ? On doute que son homologue du Kremlin ait été particulièrement effrayé…

A-t-il plutôt cherché à redorer son blason auprès des dirigeants de l’OTAN, particulièrement du côté des plus ultras, comme les Polonais et les Baltes ? Ces derniers, des mois durant, n’avaient cessé de critiquer l’attitude initiale du président français, jugé trop « conciliant » vis-à-vis de Moscou lorsqu’il appelait à « ne pas humilier la Russie » et qu’il se rêvait en conciliateur. Depuis, il a renversé son discours et intégré le camp des « faucons ». Au point de se sentir obligé de le confirmer en image ?

Ou bien le sac de boxe figurait-il symboliquement le chancelier allemand, avec qui les différends et points de friction se sont multipliés dans la dernière période ? Pour signifier l’intention présidentielle de ne rien lâcher face à Berlin ?

A moins que les gants de boxe n’aient été destinés à son homologue brésilien, qui le recevait en grande pompe quelques jours plus tard ? Pourtant, cette visite d’Etat à Brasilia a tourné à la romance amoureuse, a confié le président français sur le réseau X. Mais sans pour autant calmer l’affrontement entre les deux capitales sur l’accord de libre échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay).

L’image voulait-elle symboliser la détermination à imposer le « redressement des finances publiques » exigé par Bruxelles ?

La posture de boxeur était-elle plutôt tournée vers des enjeux de politique intérieure ? Une réforme de l’assurance-chômage vient d’être annoncée, qui vise, pour faire des « économies », à rogner les droits des personnes privées d’emploi (notamment par la réduction de la durée d’indemnisation). La menace des gants de boxe pourrait bien être destinée aux syndicats, qui ont unanimement annoncé leur opposition à ce projet.

L’image pourrait symboliser plus généralement, consciemment ou non, la détermination à imposer le « redressement des finances publiques » exigé par Bruxelles ? Le « programme de stabilité » de Paris doit justement être transmis à la Commission européenne mi-avril. Pour rester « crédible » au sein de l’UE, Paris doit s’engager à réduire drastiquement les déficits publics.

La volonté de boxer les chômeurs pourrait y contribuer ; elle vient juste après les coupes budgétaires rendues publiques par le ministre des finances dernièrement. D’abord à hauteur de 10 milliards, en attendant pire, de l’aveu même de Bruno Le Maire. Et ce, au moment où le président a indiqué vouloir consacrer 3 milliards de plus cette année en armements transférés à Kiev…

Aucune force politique représentée au Parlement français ne met en cause le soutien à l’Ukraine. Et donc ne dénonce l’austérité imposée au moment où des ressources financières sont ainsi dilapidées. Certes, l’idéologie dite « mainstream » a imposé un récit présentant unilatéralement la Russie comme le « méchant » ; mais des millions de citoyens ne sont pas prêts à se sacrifier pour financer la poursuite de la guerre.

C’est sans doute l’une des raisons qui explique la brutale désaffection électorale que subit actuellement le parti présidentiel. Si l’on se fie aux sondages, celui-ci est distancé de dix points par le Rassemblement national selon les intentions de vote aux élections européennes pour juin prochain (le RN caracole en tête à 30%). Même si, en l’occurrence, cette élection n’intéresse pas grand monde, hors la bulle politique.

Dès lors, le camp présidentiel est nerveux. Il y a quelques jours, le directeur de la rédaction du quotidien régional La Provence a été menacé de licenciement pour un titre jugé irrévérencieux vis-à-vis du président de la République. Il n’a échappé à la sanction – aux gants de boxe – que grâce aux journalistes qui se sont mis en grève…

En septembre 2017, à peine quelques mois après sa première élection, Emmanuel Macron prononçait un discours qui se voulait historique et digne des dieux de l’Olympe du haut d’une colline dominant l’Acropole. Il y proclamait solennellement son ambition de renforcer l’intégration européenne.

Près de sept ans plus tard, Jupiter s’est transformé en une grotesque imitation de Sylvester Stallone. Le fondateur de la Vème République, le général de Gaulle, doit se retourner dans sa tombe au vu des cabrioles pathétiques de son lointain successeur.

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Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent…

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…). Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

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Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…).

Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

Au fur et à mesure que la guerre se prolonge, la fracture entre les deux capitales devient plus visible pour un large public, et c’est cela qui est nouveau. Jusqu’à présent, les bisbilles étaient souvent dissimulées par de douces paroles diplomatiques. C’est de moins en moins le cas, au point que Norbert Röttgen, un parlementaire chrétien-démocrate qui présida longtemps la commission des Affaires étrangères du Bundestag, tweetait, le 27 février : « je ne me rappelle pas que la relation (franco-allemande) ait été aussi mauvaise depuis que je fais de la politique ». Ce qui fait tout de même une trentaine d’années…

L’acrimonie est montée de plusieurs tons depuis le 26 février, jour où Emmanuel Macron réunissait à l’Elysée une vingtaine de ses homologues occidentaux pour accélérer le soutien à Kiev. Concluant devant la presse la rencontre, le président lançait : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». La phrase a fait l’effet d’un choc : pour la première fois, l’engagement de troupes au sol au profit de l’Ukraine était ouvertement évoqué.

Paris s’attira les foudres de la plupart des capitales occidentales, Washington comprise, éberluées de cette manière publique de tenter de leur forcer la main, alors même que la proposition n’avait recueilli aucun consensus lors de la réunion. A Berlin, on fait même savoir à mi-voix qu’un consensus s’était dessiné… contre la proposition de l’hôte de l’Elysée. Le chancelier allemand a immédiatement opposé très sèchement un refus catégorique à la proposition macronienne.

Olaf Scholz s’était en outre senti visé quand Emmanuel Macron s’était moqué, lors de la même conférence de presse : « beaucoup de gens qui disent “jamais, jamais” aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient “jamais, jamais des tanks, jamais, jamais des avions, jamais des missiles de longue portée”. (…) Je vous rappelle qu’il y a deux ans, beaucoup, autour de cette table, disaient que nous allions proposer des sacs de couchage et des casques ». Suivez mon regard…

Et comme si l’ambiance n’était pas déjà assez tendue, le président français récidivait le 5 mars à Prague en encourageant ses alliés à « être à la hauteur de l’histoire et du courage qu’elle implique ». L’Europe est dans une situation « où il convient de ne pas être lâches », poursuivait l’orateur. Face à cette attaque à peine voilée, Boris Pistorius, le ministre de la défense allemand, réagissait sur le même ton : « nous n’avons pas besoin (…) de discussions sur le fait d’avoir plus ou moins de courage ».

Le tropisme pro-américain, qui remonte à la fondation de la RFA en 1949, continue d’influencer la politique de Berlin

L’affrontement n’est pas que superficiel. Il recouvre une opposition très ancienne, mais qui a été réactivée lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, le 24 février 2022. Le chancelier, quelques jours plus tard, prononçait alors un discours qui pointait un « changement d’époque ». Mais la conséquence qu’en tiraient Paris et Berlin était très différente.

A l’est du Rhin, la priorité était d’assurer la solidité de l’Alliance atlantique et donc l’alignement encore plus étroit sur l’Oncle Sam. Côté français, le président voyait au contraire l’occasion de pousser en avant sa marotte de « renforcer la souveraineté européenne », politique mais aussi militaire.

Un objectif pas vraiment en vogue en Allemagne, où le chancelier annonçait par exemple, fin 2022, un vaste système anti-missile sous l’égide de l’OTAN, avec la participation de dix-sept pays… mais sans la France. L’architecture en est essentiellement américaine (et inclut des éléments de fabrication israélienne).

En outre, si l’annonce par le chancelier d’un plan de 100 milliards d’euros pour moderniser et renforcer la Bundeswehr avait d’abord été accueillie avec intérêt à Paris, il a rapidement fallu déchanter. En particulier quand Berlin a précisé que cela inclurait notamment l’achat de 35 chasseurs F-35, le dernier joyau militaire aéronautique américain. Non seulement le pouvoir allemand privilégiait un fournisseur US, mais, vu de l’Elysée, il donnait un coup de couteau dans le dos au projet franco-allemand de long terme baptisé Système de combat aéronautique du futur (SCAF), sur lequel les industriels français sont chefs de file.

Outre les profits respectifs des marchands de canons des deux côtés du Rhin, certains analystes pointent une autre dimension du conflit. Depuis le lancement de l’intégration européenne, et plus particulièrement depuis l’unification allemande, l’Allemagne s’était vu reconnaître implicitement son rôle dirigeant en matière économique. En contrepartie, la France officielle, forte de l’arme nucléaire et du siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, se considérait comme la tête de l’UE, sur les plans militaire et diplomatiques, dans le monde.

Si désormais l’armée allemande se renforce et se modernise à marche forcée, cet « équilibre » pourrait bien être remis en cause au détriment de Paris. Un élément qui pourrait expliquer la fuite en avant d’Emmanuel Macron.

A l’inverse, le tropisme pro-américain, qui remonte à la fondation de la RFA en 1949 sous l’égide des Alliés de l’OTAN, continue d’influencer la politique de Berlin, peu tenté de contredire l’Oncle Sam. Or celui-ci, depuis ses échecs et humiliations extérieurs, préfère combattre par procuration que d’envoyer ouvertement des troupes au sol, même sous le drapeau de l’Alliance atlantique.

La constitution française donne au président un pouvoir digne de Louis XIV, en particulier en politique étrangère et en action militaire

Enfin, deux facteurs supplémentaires différencient la France de l’Allemagne. Cette dernière a connu un fort mouvement pacifiste qui a laissé des traces, notamment du fait de l’expérience terrible de la guerre contre l’URSS. Vue de France, la Russie est bien plus loin, géographiquement et culturellement, ce qui peut conduire le forcené de l’Elysée à rêver d’aventures guerrières.

L’autre facteur  relève de la politique intérieure et des institutions respectives des deux pays. Certes, tant Olaf Scholz qu’Emmanuel Macron sont en difficulté : ils s’appuient l’un et l’autre sur des majorités instables.

Mais la constitution française donne au président un pouvoir digne de Louis XIV, en particulier en politique étrangère et en action militaire. Le monarque républicain a certes octroyé un débat au Parlement – qui s’est déroulé le 12 mars à l’Assemblée nationale puis au Sénat –  mais ce dernier était facultatif et le vote n’avait aucun contraignant.

A l’inverse, le chancelier allemand doit obligatoirement rendre des comptes au Bundestag. Surtout, issu du Parti social-démocrate, il est conscient qu’il ne peut totalement tourner le dos à son électorat, dont une partie reste pacifiste. Sauf à se condamner à une déroute électorale certaine en 2025.

Même avec toutes ses limites actuelles, la démocratie reste donc un rempart, certes fragile, contre les aventures guerrières, même si elle n’empêche pas d’alimenter le conflit par des livraisons d’armes toujours plus massives.

Les deux capitales sont du reste engagées dans une polémique sur le thème « c’est moi qui donne le plus » à l’Ukraine. Et elles s’opposent sur la réforme de la mal nommée « Facilité européenne pour la paix », l’instrument de l’Union européenne par lequel transitent une partie des financements militaires.

Preuve supplémentaire que l’intégration européenne, loin de favoriser un développement harmonieux en son sein, provoque au contraire concurrence et surenchère. Dans le contexte actuel, celles-ci peuvent mener l’Europe sur un chemin qui n’a rien de rassurant.

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Manu militari…

Par : pierre

Les déclarations d’Emmanuel Macron concernant la suite de la guerre en Ukraine ne sont pas passées inaperçues. A l’issue de la conférence qui a réuni à Paris, le 26 février, une vingtaine de ses homologues occidentaux, le président français n’a « pas exclu » l’envoi de troupes au sol pour soutenir l’armée ukrainienne en situation difficile.

Evoquant les travaux de ce sommet informel consacré aux moyens d’accroître l’aide militaire à Kiev, le maître de l’Elysée a notamment déclaré devant les journalistes : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol ; mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». Une phrase qui pourrait bien confirmer, indirectement, que des troupes spéciales occidentales seraient déjà en soutien sur place, mais de manière « non officielle et non assumée », ce qui constitue en réalité un secret de polichinelle.

« Mais rien ne doit être exclu, (car) nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre » a-t-il surtout ajouté. Et concernant la possible participation de troupes françaises à de potentielles opérations, le chef de l’Etat a précisé : « je n’ai absolument pas dit que la France n’y était pas favorable ». Ce qui constitue une formulation alambiquée pour en réalité ouvrir la porte.

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Manu militari

Par : pierre

Les déclarations d’Emmanuel Macron concernant la suite de la guerre en Ukraine ne sont pas passées inaperçues. A l’issue de la conférence qui a réuni à Paris, le 26 février, une vingtaine de ses homologues occidentaux, le président français n’a « pas exclu » l’envoi de troupes au sol pour soutenir l’armée ukrainienne en situation difficile.

Evoquant les travaux de ce sommet informel consacré aux moyens d’accroître l’aide militaire à Kiev, le maître de l’Elysée a notamment déclaré devant les journalistes : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol ; mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». Une phrase qui pourrait bien confirmer, indirectement, que des troupes spéciales occidentales seraient déjà en soutien sur place, mais de manière « non officielle et non assumée », ce qui constitue en réalité un secret de polichinelle.

« Mais rien ne doit être exclu, (car) nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre » a-t-il surtout ajouté. Et concernant la possible participation de troupes françaises à de potentielles opérations, le chef de l’Etat a précisé : « je n’ai absolument pas dit que la France n’y était pas favorable ». Ce qui constitue une formulation alambiquée pour en réalité ouvrir la porte.

Pour l’heure, il ne s’agit encore que de mots. Mais dans le contexte, ils pèsent très lourd et constituent en eux-mêmes un tournant. Un « tabou a été levé » ont noté de nombreux analystes. Car jusqu’à présent, les dirigeants occidentaux avaient toujours pris soin de cultiver la posture de la « non-cobelligérance » de l’OTAN face à la Russie, même si cela relevait plutôt du mythe compte tenu des dizaines de milliards d’euros d’armes et de munitions livrées à Kiev.

Cependant, Emmanuel Macron a concédé qu’il n’y avait pas de consensus sur sa suggestion. C’est le moins qu’on puisse dire… Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a immédiatement réagi en excluant d’engager des détachements au sol. Le premier ministre néerlandais sortant, Mark Rutte, dont on cite le nom comme prochain secrétaire général de l’OTAN, a fait de même.

Les désaveux se sont ensuite succédé, de la part de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce, de la Suède, de la Finlande, du Royaume-Uni… et même de la Pologne. Quant au chef du gouvernement slovaque, Robert Fico, que ses adversaires accusent d’être aussi « pro-russe » que son collègue hongrois, il a indiqué qu’il s’était rendu à Paris pour rejeter ce qu’il a qualifié de « pire décision possible ».

Il n’y a guère eu que la petite Lituanie qui se soit montrée intéressée. Quant à l’Estonie, autre pays balte, l’ancien commandant des forces armées, devenu eurodéputé, a évoqué « la possibilité que Macron ait dit cela parce qu’il sait que Scholz y est opposé ».

On notera surtout que l’actuel secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’est bien gardé d’approuver la suggestion macronienne. Quant au président américain, il a ouvertement balayé celle-ci. Le président n’a pas trouvé plus de soutien sur la scène politique intérieure, où toutes les oppositions ont dénoncé cet aventurisme.

Enfin, de nombreux analystes ont souligné un paradoxe. En 2022 Emmanuel Macron avait affirmé l’intérêt de maintenir un dialogue avec son homologue russe, s’attirant ainsi les quolibets et critiques des ultra-atlantistes. Ces derniers l’accusaient aussi de traîner les pieds pour les livraisons d’armes à Kiev.

C’est donc à une sorte d’autocritique que le locataire de l’Elysée s’est livré en notant : « beaucoup de ceux qui disent “jamais, jamais” aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient “jamais des tanks, jamais des avions, jamais des missiles à longue portée” il y a deux ans ». Désormais, il veut montrer qu’il a changé, et décrit ainsi son état d’esprit : « tout est possible si c’est utile pour atteindre notre objectif ». Avec un but central : « nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre ».

On imagine les réactions occidentales si un dirigeant russe avait déclaré : « tout est possible si c’est utile pour atteindre notre objectif ». Le chœur médiatique aurait immédiatement dénoncé un chantage nucléaire à peine voilé. Même si tel n’était pas l’intention du président français, nul n’ignore que la France est dotée de l’arme atomique, ce qui devrait imposer de réfléchir à deux fois avant de lancer des menaces d’engagement direct des forces.

La réponse macronienne constitue une fuite en avant

Alors comment expliquer une telle radicalisation d’Emmanuel Macron ?

Il faut évacuer les raisons de politique intérieure que certains ont évoquées. Certes, le président est en difficulté et redoute que ses amis soient très largement distancés par la liste du Rassemblement national (RN) lors des élections européennes du 9 juin prochain. Il est cependant peu probable que l’Elysée espère grappiller beaucoup de voix en poussant à la guerre, face aux candidats de Marine Le Pen accusés d’être favorables à Moscou. Au contraire…

Une première explication probable est cette prise de conscience : les espoirs des Occidentaux d’infliger une humiliante défaite à la Russie sont désormais totalement vains. Alors qu’il y a quelques mois encore, ce dénouement était présenté comme certain par les médias dominants, ces derniers ont dû opérer un demi-tour spectaculaire : malgré le soutien massif apporté à Kiev, et les sanctions contre Moscou, les plus lourdes jamais infligées à un pays, les euro-atlantistes ne peuvent désormais que constater leur triple échec. L’armée russe est repartie à l’offensive ; l’économie russe n’est nullement « à genoux » comme le prédisait le ministre français de l’Economie ; et le « Sud global » ne s’est nullement rangé sous la bannière diplomatique occidentale et dénonce plutôt le « deux poids – deux mesures » de l’Alliance dominée par l’Oncle Sam.

Dans ces conditions, la raison commanderait de donner désormais la priorité à la diplomatie. La réponse macronienne constitue, à l’inverse, une fuite en avant.

Une seconde explication, complémentaire, est probablement à chercher du côté des rapports de force internes à l’UE. Sur nombre de sujets, les divergences entre Paris et Berlin ne sont pas un mystère, voire s’amplifient (énergie nucléaire, application du pacte de stabilité, emprunt commun, commerce avec la Chine et plus généralement libre échange mondial, intégration et priorité au complexe militaro-industriel européen…).

Il n’est pas impossible que le chef de l’Etat français cherche à établir une position de force globale parmi les Vingt-sept face à son homologue allemand, notamment grâce à certains pays de l’Est ; et se lance donc dans une certaine surenchère. Dans ce cas, l’UE – et le principe même d’intégration européenne – se confirmerait comme un facteur nocif supplémentaire par les rivalités qu’elle engendre.

Quoiqu’il en soit, un élément apparaît certain : quelle que soit la posture des uns ou des autres, les grands dirigeants de l’Alliance atlantique savent que la crédibilité de l’OTAN est en jeu. Que certains « n’excluent rien » pour la défendre n’est pas très rassurant…

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Les rêves des euros-élites se délitent…

Par : pierre

Une actualité chasse l’autre… La classe politique française est entrée en ébullition avec la nomination du plus jeune premier ministre de l’histoire de France et la formation du nouveau gouvernement.

Quelques jours plus tôt, le décès de Jacques Delors, survenu le 27 décembre, avait provoqué en son sein un déluge d’éloges, une cascade de louanges, des torrents de larmes.

L’ancien ministre des finances (1981-1984) sous François Mitterrand, devenu président de la Commission européenne (1985-1995), est désormais élevé au statut d’un des « pères de l’Europe ». L’ex-pape de Bruxelles est en quelque sorte béatifié.

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Les rêves des euro-élites se délitent

Par : pierre

Une actualité chasse l’autre… La classe politique française est entrée en ébullition avec la nomination du plus jeune premier ministre de l’histoire de France et la formation du nouveau gouvernement.

Quelques jours plus tôt, le décès de Jacques Delors, survenu le 27 décembre, avait provoqué en son sein un déluge d’éloges, une cascade de louanges, des torrents de larmes.

L’ancien ministre des finances (1981-1984) sous François Mitterrand, devenu président de la Commission européenne (1985-1995), est désormais élevé au statut d’un des « pères de l’Europe ». L’ex-pape de Bruxelles est en quelque sorte béatifié.

Même ceux qui prétendent l’avoir combattu en matière d’intégration européenne n’ont pas manqué de tirer leur chapeau. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, censé incarner la « gauche radicale », a salué « le militant et l’homme d’action qui agissait en pensant au bien commun ». Pour sa part, la vice-présidente du Rassemblement national, Edwige Diaz, s’est jointe à cet hommage consensuel de la caste.

Mais il revenait bien sûr au président français de faire le discours solennel, un exercice auquel il s’est livré le 5 janvier. Emmanuel Macron s’était fait élire en 2017 en brandissant l’étendard de l’Europe. Mais en écoutant ses propos de 2024, un contraste frappe d’emblée si l’on se souvient des discours prononcés à Athènes, puis à la Sorbonne, peu après sa première prise de fonction. Il énumérait à l’époque de nombreuses ambitions concrètes visant à accélérer et renforcer l’intégration européenne. Beaucoup de ses partisans avaient alors regretté l’absence de réponse de l’Allemagne officielle. Il est vrai que le pays était en campagne électorale.

Sept ans plus tard, l’hommage à Jacques Delors a accumulé les formules creuses. Ce dernier, a ainsi vanté le chef de l’Etat, a su « réconcilier l’Europe avec son avenir », et celle-ci « nous appartient autant que nous lui appartenons, et il nous appartient de la poursuivre »…

Bien sûr, Emmanuel Macron reste un ardent militant de « la cause européenne ». Mais la dure réalité est passée par là.

Bien sûr, Emmanuel Macron reste un ardent militant de « la cause européenne ». Mais la dure réalité est passée par là, loin des rêves des euro-élites.

La réalité, c’est-à-dire d’une part les progrès des forces qui passent pour « eurosceptiques » (même si c’est à tort), un dangereux signal d’alarme vu de l’Elysée ; et d’autre part les contradictions croissantes entre Etats membres dans à peu près tous les domaines.

Pas seulement avec les dissidents traditionnels comme la Hongrie, voire la Pologne (ce pays est certes désormais dirigé par le très pro-Bruxelles Donald Tusk, mais ce dernier n’est pas en situation de laisser liquider la souveraineté polonaise).

Mais aussi et surtout entre membres fondateurs (comme l’a récemment illustré le scrutin aux Pays-Bas), et singulièrement entre Paris et Berlin. Sans ce « tandem » franco-allemand actif et cohérent, l’UE ne peut avancer, a-t-on coutume de répéter dans les coulisses de la Commission. Or c’est peu dire que les sujets de querelles ne manquent pas entre les deux rives du Rhin.

Les oppositions ne sont certes pas nouvelles, mais elles ne se résorbent pas, voire s’aggravent. La liste est longue, à commencer par le bras de fer sur l’avenir du Pacte de stabilité, véritable carcan permettant la survie de la monnaie unique et dont le principe est d’imposer des restrictions drastiques sur les dépenses publiques. Le compromis trouvé en décembre est finalement très proche des revendications allemandes : une obligation automatique de réduction du déficit. Le ministre français a seulement obtenu une souplesse sur la date de démarrage du nouveau dispositif finalement avalisé par les Vingt-sept.

Autre domaine ou l’opposition entre les deux pays est patente : la politique énergétique. Emmanuel Macron, après avoir fermé une centrale nucléaire a été contraint de se convertir à l’atome, une horreur pour le gouvernement fédéral ; ce dernier n’hésite pas, en revanche, à prolonger le charbon. Sur le terrain communautaire, cela a donné lieu à des foires d’empoigne sur la réforme du marché de l’électricité, et sur la classification (plus ou moins verte) des différentes technologies énergétiques. Et l’armistice n’est que provisoire.

Sur le commerce international, les divergences entre les deux premières puissances de l’UE sont tout aussi claires. Là où Paris alerte contre le « protectionnisme chinois », Berlin a pour première priorité de ne pas fâcher Pékin qui reste un immense marché pour les exportations. Il en va de même pour l’accord de libre échange entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Le traité est signé, mais Paris bloque pour l’instant la ratification (au nom de raisons écologiques, mais l’accord serait surtout un désastre pour les agriculteurs) alors que Berlin pousse à la roue.

On pourrait également citer le futur bouclier anti-missiles censé protéger l’UE : chacune des deux capitales rassemble ses alliés pour défendre deux systèmes incompatibles. Les querelles sur l’avion de combat du futur sont également un classique depuis des années entre les deux pays, chacun poussant ses champions nationaux.

« Je ne crois pas que nous ayons jamais observé aussi peu de coopération entre Paris et Berlin »

David McAllister (eurodéputé)

Même sur la forme de l’aide militaire à Kiev (pas sur le principe, bien sûr), des tensions se manifestent discrètement. La liste n’est pas exhaustive des frictions actuelles ou à venir. Mais le pire, pour les dirigeants européens, c’est que malgré les sourires officiels, l’esprit de dialogue se tarit – loin des époques Schmidt-Giscard, Kohl-Mitterrand, voire Schröder Chirac, se désolent les nostalgiques… Au point qu’en octobre dernier, l’eurodéputé (CDU) David McAllister lâchait, dépité : « je ne crois pas que nous ayons jamais observé aussi peu de coopération entre Paris et Berlin ».

En réalité, c’est moins un problème de « manque d’alchimie » entre les dirigeants qu’une double difficulté politique de fond : les réelles divergences d’intérêt entre pays ; et la part des électorats séduits par « la grande aventure européenne » qui se réduit comme peau de chagrin.

A cet égard, les actuels dirigeants allemands et français se trouvent dans des situations comparables. A l’enlisement du discours euro-enthousiaste du président français correspond l’oubli du programme de départ de la coalition allemande tricolore : celui-ci avait symboliquement placé l’Europe en tête du document, et plaidait pour une unification fédérale de l’UE.

Aujourd’hui, tant Olaf Scholz qu’Emmanuel Macron (photo) ont d’autres soucis : le premier craint régulièrement de voir sa coalition éclater, et le second ne dispose même pas de majorité parlementaire, ce qui le contraint à une guérilla épuisante pour chaque projet de loi à adopter (et désormais à changer de premier ministre).

Surtout, ils incarnent chacun des régimes qui battent des records d’impopularité. Et ce n’est manifestement pas en vantant les mérites de l’Europe, et encore moins en promettant de « faire progresser » celle-ci, qu’ils peuvent espérer remonter la pente…

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Le dollar pourrait souffrir des sanctions contre Moscou…

Par : pierre

« Nous allons mettre l’économie de la Russie à genoux » avait fanfaronné le ministre français de l’économie, quelques jours après l’entrée des troupes russes en Ukraine. Bruno Le Maire se réjouissait à l’avance de l’efficacité redoutable des sanctions que l’Union européenne s’apprêtait à prendre contre Moscou.

Dix-huit mois plus tard, peut-on faire un premier bilan ? Certes, les onze paquets successifs de « mesures restrictives » pilotées par Bruxelles n’ont pas été sans conséquences sur les prix, la croissance et la monnaie russes. Au moins dans un premier temps. Mais de nombreuses études montrent – que ce soit pour le déplorer ou pour s’en réjouir – qu’on est loin, très loin des espoirs de M. Le Maire et de ses collègues. Et plus le temps passe, plus apparaissent des signes que lesdites sanctions sont contre-productives au regard des objectifs occidentaux.

Le cas des exportations russes de pétrole est à cet égard très significatif.

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Le dollar pourrait souffrir des sanctions contre Moscou

Par : pierre

« Nous allons mettre l’économie de la Russie à genoux » avait fanfaronné le ministre français de l’économie, quelques jours après l’entrée des troupes russes en Ukraine. Bruno Le Maire se réjouissait à l’avance de l’efficacité redoutable des sanctions que l’Union européenne s’apprêtait à prendre contre Moscou.

Dix-huit mois plus tard, peut-on faire un premier bilan ? Certes, les onze paquets successifs de « mesures restrictives » pilotées par Bruxelles n’ont pas été sans conséquences sur les prix, la croissance et la monnaie russes. Au moins dans un premier temps. Mais de nombreuses études montrent – que ce soit pour le déplorer ou pour s’en réjouir – qu’on est loin, très loin des espoirs de M. Le Maire et de ses collègues. Et plus le temps passe, plus apparaissent des signes que lesdites sanctions sont contre-productives au regard des objectifs occidentaux.

Le cas des exportations russes de pétrole est à cet égard très significatif. Parallèlement aux mesures décrétées par l’UE, le G7 (incluant donc les Etats-Unis) avait ordonné, en décembre 2022 un plafonnement des prix auquel la Russie pouvait vendre son or noir, en l’occurrence 60 dollars le baril. Les grandes compagnies occidentales de transport maritime et d’assurance qui auraient contribué aux exportations russes au-dessus de ce prix peuvent être traînées devant les tribunaux.

On notera au passage que le G7 a évité d’édicter une interdiction pure et simple. Et pour cause : la disparition du pétrole vendu par la Russie, deuxième producteur planétaire, aurait déclenché l’apocalypse sur l’économie mondiale.

Surtout, contrairement au ministre français, les experts du monde pétrolier se doutaient bien que Moscou parviendrait à contourner l’interdiction. Il semble cependant qu’ils aient été surpris de la vitesse à laquelle la Russie y est parvenue.

New Dehli ne se prive pas de raffiner le brut russe, puis de ré-exporter ouvertement le carburant vers les pays européens

Outre la multiplication de livraisons discrètes, celle-ci a augmenté considérablement ses ventes officielles de brut à la Chine, et surtout à l’Inde. Ces pays n’appliquent pas le boycott que se sont auto-infligés les pays de l’UE, tout en respectant théoriquement le prix plafond. Mais les milieux pétroliers sont sûrs que, parallèlement, les compagnies russes surfacturent des services annexes, en accord avec leurs clients, de manière à ce que la Russie encaisse finalement les revenus correspondant aux cours actuels (qui s’établit début octobre à 90 dollars le baril pour le brut de type ‘Oural’).

Ainsi, avant la guerre, pour 100 barils importés par l’Inde, deux seulement provenaient de Russie. Cette part est désormais… de 40 barils. Comble de l’ironie : New Dehli ne se prive pas de raffiner le brut, puis de ré-exporter ouvertement le carburant vers les pays européens. Ce « blanchiment » de l’or noir se fait évidemment au détriment du prix payé à la pompe.

Beaucoup de connaisseurs du monde du pétrole estiment même que la Russie n’a jamais gagné autant d’argent par ce commerce. Pour sa part, le Financial Times signalait mi-septembre que cette situation avait multiplié le nombre de tankers passant par la route polaire à destination de l’Asie (plutôt que par l’itinéraire plus long via le canal de Suez), et que cela augmentait le risque de marée noire dans des régions sensibles.

D’ores et déjà, la Russie effectue une part croissante de ses échanges commerciaux en yuans, au détriment du billet vert

Mais il y a un aspect encore plus paradoxal dont Washington pourrait à moyen terme se mordre les doigts. C’est une étude publiée fin septembre par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) qui a attiré l’attention sur les conséquences négatives pour le dollar de cette évolution du marché pétrolier.

D’ores et déjà, la Russie effectue une part croissante de ses échanges commerciaux en yuans, au détriment du billet vert. Selon la banque centrale de ce pays, en juillet de cette année, la monnaie chinoise était utilisée pour 25 % des exportations russes, et même pour 34 % des importations.

Cette évolution pourrait s’accélérer. Pour le chef économiste de la BERD, cela « peut réduire l’attractivité du dollar comme monnaie de référence dans le commerce mondial ».

Qu’à cela ne tienne. Les Occidentaux rêvent de trouver la parade en se lançant dans la surenchère. On évoque des « sanctions secondaires » qui viseraient les entreprises, notamment européennes, qui seraient client final du pétrole russe.

Mais qui peut croire que cette fuite en avant hâterait la fin de la guerre ? En revanche, elle plomberait encore un peu plus les économies européennes, déjà handicapées par les conséquences des sanctions précédentes.

Ce qui ne chagrinerait pas forcément l’Oncle Sam…

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Macron, l’Europe, et les dures réalités…

Par : pierre

Le 28 août, Emmanuel Macron a prononcé son discours annuel devant les ambassadeurs de France réunis à Paris. C’est l’occasion traditionnelle pour le chef de l’Etat de définir ou de préciser les grandes orientations du pays en matière de politique étrangère.

Cette intervention a été peu commentée, hormis le passage concernant l’Afrique, actualité oblige. Il est pourtant intéressant d’analyser les glissements de langage et de posture à propos de l’Union européenne. Bien sûr, l’hôte de l’Elysée, qui avait initialement pris ses fonctions au son de l’« hymne européen », poursuit les grands discours enthousiastes en faveur de toujours plus d’intégration européenne.

Il multiplie les expressions telles que « agir en Européens », « travailler en Européens », et ne manque pas de répéter « notre Europe ». Il en appelle toujours à la « souveraineté européenne » (un oxymore qu’il avait inventé en 2017) ; mais il ajoute désormais « et française ». Surtout, au-delà des louanges de principe, force est de constater que la plupart des domaines qu’il cite recouvrent des problèmes, concentrent ses critiques, ou constituent des contradictions entre les Vingt-sept Etats membres, voire des blocages.

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Macron, l’Europe, et les dures réalités

Par : pierre

Le 28 août, Emmanuel Macron a prononcé son discours annuel devant les ambassadeurs de France réunis à Paris. C’est l’occasion traditionnelle pour le chef de l’Etat de définir ou de préciser les grandes orientations du pays en matière de politique étrangère.

Cette intervention a été peu commentée, hormis le passage concernant l’Afrique, actualité oblige. Il est pourtant intéressant d’analyser les glissements de langage et de posture à propos de l’Union européenne. Bien sûr, l’hôte de l’Elysée, qui avait initialement pris ses fonctions au son de l’« hymne européen », poursuit les grands discours enthousiastes en faveur de toujours plus d’intégration européenne.

Il multiplie les expressions telles que « agir en Européens », « travailler en Européens », et ne manque pas de répéter « notre Europe ». Il en appelle toujours à la « souveraineté européenne » (un oxymore qu’il avait inventé en 2017) ; mais il ajoute désormais « et française ». Surtout, au-delà des louanges de principe, force est de constater que la plupart des domaines qu’il cite recouvrent des problèmes, concentrent ses critiques, ou constituent des contradictions entre les Vingt-sept Etats membres, voire des blocages.

Berlin en prend implicitement pour son grade

A commencer par le domaine militaire, où il réaffirme que « une plus grande défense européenne au sein de l’OTAN n’est pas l’ennemi ou le problème de l’OTAN, au contraire ». Une critique à peine voilée de toutes les capitales, à l’Est notamment, qui ne jurent que par l’Alliance atlantique et l’étroite soumission aux Américains.

Berlin, soupçonné de traîner les pieds en matière de coopération avec Paris en matière de futurs chars et avions, en prend implicitement pour son grade : « nous sommes intraitables sur le caractère stratégique de ces partenariats décidés ici même en juillet 2017 avec la chancelière Merkel » tonne le président.

S’agissant de l’avenir institutionnel de l’Union européenne, il renoue avec la vieille dialectique entre « approfondissement » et « élargissement », un serpent de mer qui jalonne l’histoire de l’UE depuis des décennies. D’un côté, il faut « en Européens, penser à la fois plus d’intégration de nos politiques en matière de défense, en matière de climat, en matière technologique, en matière d’économie ; le cœur de l’Europe a besoin d’être plus intégré ». Mais de l’autre, « nous sommes engagés sur une voie d’élargissement, en particulier à l’égard des Balkans occidentaux » (et de l’Ukraine).

Dès lors, « le risque serait de répliquer ce que nous avons déjà fait, c’est-à-dire de penser l’élargissement sans l’intégration. Je peux témoigner qu’une Europe à 27, c’est assez compliqué à faire évoluer sur les sujets essentiels. Une Europe à 32 ou 35 ne sera pas plus simple, pour le moins ». Conclusion, il faut une « Europe à plusieurs vitesses », autrement dit à géométrie variable. Cette perspective supposerait en réalité un bouleversement institutionnel que de nombreux pays membres rejettent absolument.

Les frictions ne sont pas moins grandes en matière de politique énergétique

Les frictions ne sont pas moins grandes en matière de politique énergétique, où, assène le président, « nous n’avons pas fini le travail » – c’est un euphémisme. Là encore Berlin est visé, qui défend des positions inverses de Paris tant en matière nucléaire que sur la réforme du marché de l’électricité.

Emmanuel Macron martèle aussi la nécessité « d’avoir des politiques industrielles assumées », une attaque contre les capitales les plus favorables aux seules lois du marché et de la concurrence internationale.

Même sévérité en ce qui concerne la politique commerciale de l’UE : « Ce n’est pas possible de demander à nos industriels et nos agriculteurs de respecter des normes et de négocier des accords commerciaux avec des puissances qui ne les respectent pas pour importer ce qu’on a interdit de produire chez nous ». De même, « quand les États-Unis et la Chine décident que les technologies vertes supposent de ne pas respecter les règles de l’OMC », il ne faudrait pas hésiter à faire la même chose, exhorte Emmanuel Macron. Enfin, « l’Europe a tendance à sur-réglementer et à sous-investir » se lamente-t-il, visant notamment la Commission. Et d’avouer que « les réglementations européennes que nous avons accumulées ces dernières années sont parfois un élément de fragilité par rapport aux autres grandes puissances ».

Le moins qu’on puisse dire est que de tels propos ne sont guère consensuels dans les couloirs de Bruxelles ou parmi les Etats membres. Il en va de même dans un tout autre dossier : les flux migratoires : « Qu’est-ce qu’on veut en termes d’immigration ? D’abord, nous voulons contrôler nos frontières, celles de Schengen, et au sein de Schengen, nos frontières intérieures quand il y a des risques qui le justifient ».

De tels propos, contraires au dogme de la libre circulation, auraient été condamnés par Emmanuel Macron lui-même il y a quelques années. Il faut, précise-t-il, « une politique européenne de visas et aussi une politique française ». Car, explicite le président, que certains Etats membres font preuve de laxisme en matière d’entrée dans la zone Schengen. Le dossier reste plus que jamais explosif pour ces prochains mois.

Le président français aurait-il changé de camp ?

Rapports avec l’OTAN, politique énergétique, politique industrielle, politique commerciale, politique migratoire… décidément, la liste des griefs, des attaques et des propositions conflictuelles est longue. Le président français aurait-il changé de camp ?

Certainement pas. Mais l’exercice du pouvoir l’a confronté aux réalités. D’une part, les histoires des Etats membres sont différentes, et les intérêts parfois contradictoires. Ensuite, le monde change : la Chine rivalise avec les Etats-Unis, ceux-ci ne font aucun cadeau à leurs alliés, et des nouvelles puissances émergent – en témoigne l’élargissement des BRICS.

Enfin et surtout, « l’idée européenne » n’est pas née d’un soutien populaire, et jouit de moins en moins de ce dernier. Ce n’est pas un hasard si les partis politiques qui ont une réputation (pas forcément justifiée) d’être eurosceptique ont le vent en poupe dans de nombreux pays.

« On ferait quoi si un coup d’État comme ça se passait en Bulgarie ou en Roumanie ? »

Une dernière remarque du dirigeant français mérite d’être notée. A propos du coup d’Etat récent au Niger, il n’a pas digéré les commentaires notamment «  des autres capitales » de l’UE. Certains pays ont en effet pris des distances avec le soutien de Paris à une éventuelle intervention militaire de la Cedeao (désormais peu probable). Réaction d’Emmanuel Macron : « on ferait quoi si un coup d’État comme ça se passait en Bulgarie ou en Roumanie ? ». Il faudrait évidemment ramener l’« ordre » sous-entend clairement le président.

Ce qui a au moins le mérite d’éclairer une dimension méconnue de l’UE, qui a décidément l’ingérence dans son ADN. Sur ce plan au moins, Emmanuel Macron reste un inconditionnel de l’Europe…

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La zone euro en récession du fait notamment des sanctions anti-russes…

Par : pierre

Cette fois, le verdict est sans appel. La zone euro est officiellement entrée en récession. Les chiffres ont été rendus publics le 9 juin par l’institut public Eurostat : le produit intérieur brut des vingt pays de la monnaie unique a reculé de 0,1% au premier trimestre 2023. Une baisse analogue avait été constatée fin 2022. Ces reculs lors de deux trimestres consécutifs définissent ce que les économistes conviennent de désigner comme une récession.

Certes, les phénomènes économiques sont toujours déterminés par un ensemble de causes, mais un point n’est guère contestable, même si les dirigeants politiques de l’UE restent évidemment discrets à cet égard : les sanctions pilotées par Bruxelles contre la Russie (dix paquets successifs à ce jour décidés depuis mars 2022), et les contre-sanctions qu’elles ont provoquées de la part de Moscou, ont joué un rôle déterminant dans le plongeon économique de la zone. Et ce, alors que cette dernière pouvait espérer rebondir fortement après le choc violent du Covid et les goulets dans les chaînes de production que la pandémie a causés.

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La zone euro en récession du fait notamment des sanctions anti-russes

Par : pierre

Cette fois, le verdict est sans appel. La zone euro est officiellement entrée en récession. Les chiffres ont été rendus publics le 9 juin par l’institut public Eurostat : le produit intérieur brut des vingt pays de la monnaie unique a reculé de 0,1% au premier trimestre 2023. Une baisse analogue avait été constatée fin 2022. Ces reculs lors de deux trimestres consécutifs définissent ce que les économistes conviennent de désigner comme une récession.

Certes, les phénomènes économiques sont toujours déterminés par un ensemble de causes, mais un point n’est guère contestable, même si les dirigeants politiques de l’UE restent évidemment discrets à cet égard : les sanctions pilotées par Bruxelles contre la Russie (dix paquets successifs à ce jour décidés depuis mars 2022), et les contre-sanctions qu’elles ont provoquées de la part de Moscou, ont joué un rôle déterminant dans le plongeon économique de la zone. Et ce, alors que cette dernière pouvait espérer rebondir fortement après le choc violent du Covid et les goulets dans les chaînes de production que la pandémie a causés.

La hausse brutale du prix de l’énergie en a décidé autrement. Il faut le souligner : ce sont bien les restrictions drastiques imposées pour des raisons politiques à l’approvisionnement en pétrole, en charbon et en gaz qui plombent aujourd’hui la croissance de l’UE, et non la guerre elle-même.

Tous les analystes s’accordent en effet pour attribuer un rôle majeur, dans la récession, à la hausse brutale du cours des hydrocarbures. Certes, ces derniers sont aujourd’hui en repli (pour combien de temps ?), mais l’ascension des prix de l’énergie en diffuse toujours ses effets dans les économies et plombe les pays de la monnaie unique.

Les conséquences sont particulièrement visibles en matière d’inflation des prix alimentaires : les prix ont bondi de 13,4% en mai. En effet, le secteur agro-alimentaire est très touché par l’envolée des prix du carburant pour les tracteurs, des engrais, du chauffage des serres, du transport… Tous secteurs confondus, l’inflation décélère un peu en zone euro, mais reste très élevée : 6,1% (en rythme annuel) en mai, 7% en avril, le pic s’étant situé à 10,1% en novembre dernier.

Non seulement les ménages ont dû faire face à la hausse des prix du carburant et aux factures faramineuses du chauffage cet hiver, mais ils doivent donc se restreindre pour les courses alimentaires. Sans surprise, la consommation, moteur essentiel de la croissance, est donc en berne. En France par exemple, le niveau de l’achat de biens courants est inférieur de 4,3% d’une année sur l’autre.

A cela s’ajoute la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne : cette dernière a fait passer son taux d’intérêt principal de – 0,50% à + 3,25% en moins d’un an. Une remontée sans précédent, et qui vient d’ailleurs de grimper encore d’un cran le 15 juin.

Pour se justifier, les banquiers centraux de Francfort mettent précisément en avant leur volonté de lutter contre l’inflation, elle-même enclenchée par les prix de l’énergie. Mais cette hausse délibérée des taux d’intérêts pèse lourdement sur l’activité. Car l’envolée du coût des emprunts concerne les projets d’achats de logement des ménages, mais aussi les investissements des PME.

Face à l’inflation, la récession « fait partie de la solution » avouait même pour sa part Joachim Nagel, patron de la Bundesbank, en octobre dernier, ce qui n’a pas plu à certains dirigeants européens… Dans ces conditions, la tendance récessive pourrait bien se prolonger.

L’Allemagne est particulièrement touchée, du fait de sa dépendance au gaz russe

Un élément très notable dans ce sombre tableau est que l’Allemagne est particulièrement touchée. Celle-ci, qui représente à elle seule plus de 30% de l’économie de la zone, a vu son économie reculer de 0,5% au dernier trimestre 2022, et de 0,3% au premier trimestre 2023.

Aucun mystère à cela : le pays est plus industrialisé que la moyenne de ses voisins, et, surtout, était l’un des plus dépendants du gaz russe. Preuve supplémentaire que la volonté de « punir Moscou », martelée particulièrement à Berlin, a certes nui à la Russie, mais s’est retournée contre ses auteurs.

L’énergie chère est donc un problème qui plombe particulièrement la République fédérale (alors que les pays du sud comme l’Espagne ou le Portugal, moins dépendants de la Russie, s’en sortent plutôt moins mal ; pour sa part, l’économie française a stagné au cours des deux derniers trimestres, soit 0% puis + 0,2%).

Les industries allemandes à haute consommation d’énergie ont reculé de 11% sur un an. Et de plus en plus de grands groupes (y compris l’emblématique Volkswagen pour sa future production de batteries), ainsi que de moyennes entreprises, multiplient les projets de délocalisation. Selon une récente enquête menée par l’Organisation des entreprises industrielles d’outre-Rhin (BDI), 16% des entreprises de taille moyenne ont engagé un processus de délocalisation, et 30% envisagent de le faire.

Direction l’Amérique du Nord, où le prix de l’énergie est bien plus doux. Au point d’inciter le vice-chancelier Habeck à imaginer en urgence des mécanismes visant à subventionner les prix de l’électricité allemande – des projets qui pourraient bien être mal vus par Bruxelles s’ils devaient voir le jour…

Les alliés européens des USA sont en première ligne pour subir les conséquences de leurs propres sanctions. Washington gagne sur tous les tableaux

Quoiqu’il en soit, le paradoxe géopolitique est remarquable. D’un côté, le camp occidental proclame plus que jamais son unité. Mais là où les Etats-Unis ne dépendaient quasiment pas de la Russie pour leur énergie, les alliés européens sont en première ligne pour subir les conséquences de leurs propres sanctions. Washington gagne sur tous les tableaux.

Ainsi, la consommation est en baisse de 0,9% comparativement à la période pré-Covid (fin 2019) en zone euro, alors qu’elle est en hausse de 8,5% aux Etats-Unis.

Historiquement, les dirigeants politico-économiques allemands (de l’ouest, avant 1989) ont tenté de concilier un alignement fidèle sur l’Oncle Sam, et une politique promouvant leurs intérêts mondiaux, notamment via la « réunification » du pays et l’« élargissement » de l’UE. Manifestement, l’aile la plus atlantiste tient aujourd’hui le haut du pavé. Au détriment des forces les plus orientées vers l’Est (à l’image de l’ex-chancelier Schröder) ; et des intérêts de la population.

Reste à savoir combien de temps cela pourra durer…

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La CPE, un objet politique non identifié

Par : pierre

Le deuxième sommet de la « Communauté politique européenne » (CPE) s’est déroulé le 1er juin près de Chisinau, la capitale de la Moldavie. Quarante six chefs d’Etat ou de gouvernement étaient présents. Les dirigeants des Etats membres de l’UE ont donc côtoyé ceux d’une vingtaine d’autres pays du Vieux continent. Une réunion de la « famille européenne », se sont réjoui les organisateurs. Comme lors de sa première édition, seules la Russie et la Biélorussie avaient d’emblée été exclues.

Un interdit qui n’étonnera pas si l’on se souvient de la genèse de la CPE. C’est le président français qui, le premier, avait souhaité le lancement de cet « objet politique non identifié » dans un discours datant de mai 2022. La guerre en Ukraine – dans sa phase actuelle – avait commencé trois mois plus tôt. Emmanuel Macron, comme ses collègues occidentaux, souhaitait trouver un cadre qui intègre politiquement l’Ukraine et la Moldavie, tout en restant réticent à l’époque sur l’adhésion proprement dite de ces pays à l’Union européenne.

L’idée avait donc d’abord déplu à un certain nombre de capitales, celles de pays d’Europe centrale et orientale par exemple, qui plaidaient, elles, pour une intégration en bonne et due forme de Kiev et de Chisinau au plus tôt, au nom de la solidarité atlantique, indissociable selon elles de l’UE.

Finalement, le maître de l’Elysée avait eu gain de cause en faisant miroiter que la réunion d’un tel aréopage continental serait un moyen idéal de signifier l’isolement de Moscou. De fait, la première édition, tenue à Prague en octobre 2022, avait été ouverte par le premier ministre tchèque qui avait alors célébré « l’occasion pour les démocraties européennes (y compris donc l’Azerbaïdjan ou la Turquie) de présenter un front uni contre la brutalité de Poutine ».

Pour sa part, le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, avait ostensiblement proclamé (même s’il n’avait officiellement aucun rôle) : « cette réunion est une façon de chercher un nouvel ordre sans la Russie ».

Sans surprise, neuf mois plus tard, le climat anti-russe ne s’est guère adouci. D’autant que cette fois, le président ukrainien a fait le déplacement. Une « surprise » qui n’a surpris personne puisque Volodymyr Zelensky ne manque plus une seule réunion internationale, dès lors qu’il peut y réclamer chars, missiles et avions.

Pour le président français, ces conférences permettent une « intimité stratégique »

La CPE n’a pas d’existence institutionnelle formelle. Dès lors, à quoi peut-elle bien servir, alors qu’existent déjà l’UE, l’OTAN, sans même évoquer le Conseil de l’Europe ?

Pour certains dirigeants, en particulier pour Emmanuel Macron, ces conférences permettent une « intimité stratégique » avec le Royaume-Uni qui a quitté l’UE, de même qu’avec des pays qui refusent d’adhérer au club, comme l’Islande, la Norvège ou la Suisse. Officiellement, on peut également y travailler à des coopérations dans des domaines tels que l’énergie, la protection des infrastructures, la jeunesse, la connectivité, la mobilité. Le président français a pour sa part proposé dans ce cadre la mise en place d’une force de réserve en matière de cyber-guerre…

Les organisateurs se sont par ailleurs réjoui qu’un tel forum puisse donner lieu à des échanges informels bi- ou multilatéraux. Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont par exemple pris part à des contacts entre les présidents arménien et azerbaïdjanais, dont les pays restent en état de guerre larvée ; ou entre le président serbe et son homologue du Kosovo, une ancienne province serbe autoproclamée indépendante en 2008 mais non reconnue par Belgrade avec qui le conflit s’est réchauffé récemment. Aucun de ces conciliabules n’a cependant débouché sur des avancées notables.

Emmanuel Macron est convaincu que toute nouvelle adhésion accroîtrait la probabilité de désintégration de l’UE, à moins de changer l’architecture et les règles de celle-ci

En réalité, la question la plus importante qui hante les esprits est celle de l’« élargissement » de l’UE. Cela concerne donc, d’une part, l’Ukraine et la Moldavie (deux anciennes Républiques soviétiques) dont les autorités frappent à la porte de Bruxelles avec insistance. Ces pays se sont vu accorder le statut de candidat il y a un an. La prochaine étape est le démarrage des négociations d’adhésion, pour lequel les Vingt-sept doivent donner leur feu vert d’ici la fin de l’année.

Par « négociations », il faut comprendre l’adaptation unilatérale de la législation des pays candidats au droit de l’UE. Le processus peut durer des années, sans garantie d’aboutir – les « négociations » avec la Turquie ont été engagées en 2015, et sont désormais gelées.

Les pourparlers sont en principe conduits Etat candidat par Etat candidat, mais de nombreux dirigeants européens plaident pour accélérer les procédures et insistent pour que certains pays des Balkans – Serbie, Monténégro, Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Kosovo… – qui attendent depuis des années dans des antichambres plus ou moins avancées, ne soient pas oubliés. Sans quoi, insistent notamment Varsovie, Prague, mais aussi Berlin, la Russie pousserait ses pions dans cette Europe du Sud-Est afin de déstabiliser le Vieux continent.

Paris ne conteste pas l’argument, mais s’inquiète d’une UE devenant de plus en plus impotente à mesure qu’elle grossit. Ainsi, l’unanimité, qui reste la règle – au grand dam de l’Allemagne – en matière de politique étrangère serait de plus en plus difficile à négocier à trente ou trente cinq membres.

Emmanuel Macron est donc convaincu – non sans raison – que toute nouvelle adhésion accroîtrait la probabilité de désintégration de l’UE, à moins de changer l’architecture et les règles de celle-ci. Pour qui suit l’histoire de l’UE resurgit ainsi le débat qui opposa Paris à Berlin dès les années 2000 : la France plaidait pour plus d’intégration avant l’élargissement, l’Allemagne pour l’élargissement avant l’« approfondissement » – c’est ce second point de vue qui a prévalu, érigeant ainsi l’Europe centrale en arrière-cour économique de Berlin.

Ces dernières semaines, le président français a cependant semblé évoluer. Le 31 mai à Bratislava, il a appelé de ses vœux l’accélération de l’adhésion de Kiev et de Chisinau : « nous entrons dans une phase très politique, l’UE doit ancrer les Balkans occidentaux, l’Ukraine et la Moldavie ». Mais c’était pour préciser aussitôt : « il faut accepter d’avoir une union élargie, géopolitique, et que quelques-uns de ses membres décident d’avoir une politique beaucoup plus communautaire ».

Refait ainsi surface le vieux serpent de mer de « l’Europe à plusieurs vitesses », un contentieux qui a longtemps opposé Paris et Berlin. La querelle pourrait bien resurgir au sein des Vingt-sept, sans que la création de la CPE résolve le conflit en quoi que ce soit. Le prochain sommet aura lieu en Espagne en octobre.

Quoiqu’il en soit, même à long terme, l’élargissement apparaît comme une perspective improbable.

Que le président turc, fraîchement réélu, ait boudé le sommet de Chisinau n’augure peut-être rien de bon pour les dirigeants européens

Aucune question n’ayant notablement avancé lors de ce sommet du 1er juin, on en retiendra surtout une absence de taille : celle du président turc réélu quelques jours plus tôt. Alors que la plupart des dirigeants occidentaux espéraient discrètement que ce pays clé de l’OTAN élirait un successeur plus docilement atlantiste, le nouveau mandat de Recep Tayyip Erdogan s’annonce gros d’incertitudes, tant ce dernier a joué les mauvais garçons au sein de l’Alliance.

Qu’il ait boudé le sommet de Chisinau n’augure peut-être rien de bon pour les dirigeants européens avides d’afficher leur « unité face à Poutine ».

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La CPE, objet politique non identifié…

Par : pierre

Le deuxième sommet de la « Communauté politique européenne » (CPE) s’est déroulé le 1er juin près de Chisinau, la capitale de la Moldavie. Quarante six chefs d’Etat ou de gouvernement étaient présents. Les dirigeants des Etats membres de l’UE ont donc côtoyé ceux d’une vingtaine d’autres pays du Vieux continent. Une réunion de la « famille européenne », se sont réjoui les organisateurs. Comme lors de sa première édition, seules la Russie et la Biélorussie avaient d’emblée été exclues.

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L’éternel retour de Charlemagne…

Par : pierre

Les autorités de l’UE ont de longue date institué le 9 mai comme « le jour de l’Europe ». Rien à voir, bien sûr avec la chute du Troisième Reich. Il s’agit de rendre hommage à la « déclaration Schuman » rendue publique le 9 mai 1950, et souvent considérée comme le point de départ de l’intégration européenne.

C’est peu dire que cette « fête de l’Europe » s’est, une nouvelle fois, déroulée dans la plus totale indifférence des peuples. Même au sein des pays censés être les plus favorables à l’UE, il ne se trouve guère de foules prêtes à manifester leur liesse pour cette soi-disant « grande aventure », en réalité cette tentative historique de conforter le camp ouest-européen dans le contexte de la guerre froide. Pour ne rien dire de l’Autriche, de la Bulgarie, de la Suède ou de la Slovaquie où le sentiment « anti-UE » gagne du terrain, au grand dam des eurocrates.

Ces derniers ne sont pourtant pas avares en autocélébrations. Le 13 mai en effet s’est déroulée en grande pompe la remise du « Prix Charlemagne », la plus haute distinction de l’Union européenne, qui récompense chaque année des personnalités qui se sont distinguées par leur engagement en faveur de l’« unité européenne », autrement dit qui ont milité pour l’effacement des souverainetés nationales (et de la démocratie dont elles sont inséparables).

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L’éternel retour de Charlemagne

Par : pierre

Les autorités de l’UE ont de longue date institué le 9 mai comme « le jour de l’Europe ». Rien à voir, bien sûr avec la chute du Troisième Reich. Il s’agit de rendre hommage à la « déclaration Schuman » rendue publique le 9 mai 1950, et souvent considérée comme le point de départ de l’intégration européenne.

C’est peu dire que cette « fête de l’Europe » s’est, une nouvelle fois, déroulée dans la plus totale indifférence des peuples. Même au sein des pays censés être les plus favorables à l’UE, il ne se trouve guère de foules prêtes à manifester leur liesse pour cette soi-disant « grande aventure », en réalité cette tentative historique de conforter le camp ouest-européen dans le contexte de la guerre froide. Pour ne rien dire de l’Autriche, de la Bulgarie, de la Suède ou de la Slovaquie où le sentiment « anti-UE » gagne du terrain, au grand dam des eurocrates.

Ces derniers ne sont pourtant pas avares en autocélébrations. Le 13 mai en effet s’est déroulée en grande pompe la remise du « Prix Charlemagne », la plus haute distinction de l’Union européenne, qui récompense chaque année des personnalités qui se sont distinguées par leur engagement en faveur de l’« unité européenne », autrement dit qui ont milité pour l’effacement des souverainetés nationales (et de la démocratie dont elles sont inséparables).

Parmi les héros chéris par Bruxelles, on trouve ainsi des Français comme Jean Monnet (1953), Simone Veil (1981), François Mitterrand (1988), Valéry Giscard d’Estaing (2003) ou Emmanuel Macron (2018) ; des Allemands tels que Konrad Adenauer (1954), Walter Hallstein (1961), Helmut Kohl (1988), Angela Merkel (2008), Wolfgang Schäuble (2012) ou Martin Schulz (2015) ; et même des Britanniques comme Winston Churchill (1955) ou Anthony Blair (1999). On y trouve également de grands promoteurs américains de l’intégration européenne tels que George Marshall (l’homme du plan éponyme, 1959), Henry Kissinger (1987), ou William Clinton (2000). En 2002, c’est même la monnaie, l’euro, qui a été décorée…

La dénomination même du prix, une référence à l’empereur qui régna jadis des deux côtés du Rhin, en dit long sur l’état d’esprit qui animait les « Pères de l’Europe » : une ambition impériale. Celle-ci fut d’ailleurs explicitement revendiquée par quelques hauts dirigeants européens comme José Manuel Barroso, l’ancien président de la Commission, et, plus récemment par Bruno Le Maire, l’actuel ministre français des finances. Selon eux et quelques autres, l’UE ne doit pas avoir peur de se sentir un empire, mais un empire « pacifique » s’empressaient d’ajouter ces zélateurs de l’idée européenne.

« Pacifique » ? Cela, c’était avant février 2022. Depuis cette date, Bruxelles assume de multiplier les plans pour prélever, acheter et accélérer la fabrication de munitions et d’armements en faveur de Kiev. Et a promis au président ukrainien son intégration à l’empire.

En attendant l’hypothétique réalisation de cette promesse, Volodymyr Zelensky a été désigné comme le lauréat 2023 du Prix Charlemagne, et sera ainsi honoré le 13 mai à Aix-la-Chapelle, siège historique du trône impérial où se déroule depuis 1950 cette cérémonie fréquentée par la jet-set bruxelloise.

On notera qu’en 1950, l’on n’avait pas hésité à recycler la référence à Charlemagne, cinq ans seulement après la disparition de la « 33. Waffen-Grenadier-Division der SS Charlemagne (französische Nr. 1) », en français plus simplement la « division Charlemagne », c’est-à-dire la troupe créée en 1943 qui rassemblait majoritairement des Français engagés volontaires pour combattre sous l’uniforme allemand. Des Banderas français, en quelque sorte. Le président ukrainien, qui s’appuie chez lui notamment sur des forces héritières des alliés des nazis, ne devrait pas être trop traumatisé par cette si malencontreuse homonymie…

Le temps n’est plus où les successeurs de Charlemagne étaient les maîtres du globe

Hélas pour les Occidentaux, pendant qu’ils tentent de consolider l’empire carolingien du 9ème siècle, le monde évolue. Le temps n’est plus où les successeurs de Charlemagne étaient les maîtres et le centre du globe. Même sous la férule de l’Oncle Sam, le camp occidental voit sa domination défiée de toutes parts.

Par exemple, le Forum composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du sud – les « BRICS » – prend de la vigueur et gagne en force d’attraction. Les pays ainsi associés sont très hétéroclites tant par leur histoire que par la nature de leur système économique et social, ou la couleur politique de leurs dirigeants. Mais ils ont un point en commun, essentiel : leur refus d’un monde dominé par l’hégémonie occidentale.

Leur prochain sommet, prévu pour août prochain à Durban (Afrique du Sud), aura notamment à examiner les demandes d’une vingtaine de pays qui souhaiteraient être associés ; ils devraient également progresser sur la voie d’échanges économiques non soumis au dollar (et à l’euro).

Et tant pis pour les nostalgiques de Charlemagne…

Pierre Lévy

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Faut-il armer l’Ukraine ? Enfin un débat contradictoire… (vidéo)

Par : pierre

Les Occidentaux livrent massivement des armes et des munitions à Kiev. Derrière les Etats-Unis, l’Union européenne a déjà fourni pour des dizaines de milliards d’euros d’équipements.

Certains pays de l’est font de la surenchère (et profitent de l’occasion pour se faire renouveler leurs propres matériels), mais personne ne veut être en reste – France y compris.

Au fait, est-ce vraiment notre guerre ? Et qui paye, pour quels objectifs, avec quelle conséquences, et quels risques ? A Bruxelles, on se félicite des progrès de l’Europe militaire. Mais jusqu’à quand va-t-on jouer avec le feu ?

Cette fois, l’émission co-produite par Le Média pour Tous et Ruptures prend la forme d’un débat contradictoire entre François Poulet-Mathis, journaliste favorable à l’intégration européenne, et Pierre Lévy, qui s’y oppose.

Visionner la première partie en accès libre

NB : Mi-mai, le prochain invité sera le journaliste Jean-Michel Quatrepoint, spécialiste de la politique industrielle. Il y sera notamment question des dégâts causés par les dogmes européens, notamment en matière de désindustrialisation de la France. Jean-Michel Quatrepoint a consacré sa carrière à enquêter sur ces dossiers – dont Alstom. Il sera également question de la Chine…

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« Est-ce que Macron est devenu fou ? »

Par : pierre

Lors de son vol le ramenant de Pékin à Paris, le 7 avril, le président français a lâché quelques phrases qui ont provoqué une onde de choc dans les milieux les plus atlantistes – en France, en Europe, et aux Etats-Unis.

Evoquant la question de Taïwan – une île que la Chine considère comme faisant partie de son territoire, mais dirigée depuis sept décennies par des forces très liées à Washington – Emmanuel Macron a en substance plaidé pour que, dans ce dossier, l’Union européenne ne soutienne pas aveuglément les Etats-Unis, aujourd’hui engagés dans une escalade de confrontation avec Pékin.

« La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise » a affirmé le locataire de l’Elysée, qui a poursuivi : « nous ne voulons pas entrer dans une logique de bloc à bloc » qui contraindrait l’UE à s’aligner purement et simplement derrière Washington.

Il n’en fallait évidemment pas plus pour déclencher la fureur des groupies inconditionnelles de l’Oncle Sam. En Allemagne en particulier. Norbert Röttgen, qui brigua naguère la présidence de la CDU, s’est indigné : « Macron a réussi à faire de sa visite en Chine une opération de communication pour Xi et un désastre diplomatique pour l’Europe ».

Rappelant les analyses datant de 2021 du chef de l’Etat français estimant que l’OTAN était en état de « mort cérébrale », le député social-démocrate Metin Hakverdi en a, pour sa part, perdu son sang-froid : « Macron recommence. C’est une grave erreur pour l’Occident de se laisser diviser dans ses relations avec Pékin ». Pire : le président français « s’exprime à Pékin sans aucune autorisation de l’UE ». Un peu plus, et le parlementaire demandait sa comparution devant la Cour pénale internationale…

Et la presse « mainstream » est au diapason, à l’image du Spiegel qui s’interroge gravement : « Est-ce que Macron est devenu fou ? ».

Mais c’est sans doute en République tchèque – dont les dirigeants se sont récemment illustrés par leur initiatives diplomatiques pro-Taipeh – que la fureur s’est exprimée le plus ouvertement. La sénatrice Miroslava Němcová (ODS, droite) a ainsi rédigé un tweet rageur : « Macron en Chine a fragilisé une alliance clé entre l’Europe et les États-Unis ». Quant au président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés, Marek Zenisek (TOP-09, libéral), il n’a pas hésité à asséner : « selon M. Macron, nous devrions résister aux pressions visant à réduire notre dépendance à l’égard des États-Unis et ne pas nous laisser entraîner dans une confrontation entre la Chine et les États-Unis. C’est absolument honteux et erroné ». Au moins, c’est clair.

Face à ce tumulte, comment analyser les propos d’Emmanuel Macron, que celui-ci a du reste réitérés quelques jours plus tard ?

Il convient d’abord de rappeler que le président français s’inscrit dans une certaine continuité. Il n’a cessé de plaider pour ce qu’il nomme une « autonomie stratégique » de l’UE face à ceux qui privilégient une « solidarité atlantique » sans faille.

Il précise cependant, dans le cas de la Chine, qu’il ne plaide nullement pour que Bruxelles se situe « à équidistance » de Washington et de Pékin. Car il considère les Etats-Unis comme des alliés et amis proches, et se reconnaît dans la caractérisation classique de la Chine par Bruxelles comme une « partenaire », mais aussi une « concurrente » ainsi qu’une « rivale ».

Cependant il ambitionne de faire de l’UE un bloc autonome, défendant des « intérêts européens ». Il s’est du reste félicité d’avoir marqué, depuis quelques années, des points idéologiques à cet égard parmi les Vingt-sept, au point de leur avoir fait adopter le concept de « souveraineté européenne ».

Le problème est que cette formulation est un oxymore : elle contient une contradiction dans les termes qui l’empêche de revêtir un contenu concret, en tout cas favorable aux peuples. La seule signification réelle renvoie plutôt à des intérêts économiques des grands groupes industriels, commerciaux et bancaires de base européenne face à leurs rivaux d’outre-atlantique.

Alors, face à Washington, priorité à la rivalité économique, ou bien à la soumission politique ? A Bruxelles, le deuxième terme semble pour l’heure prendre le dessus en particulier depuis le 24 février 2022. Car la guerre en Ukraine a donné des ailes aux dirigeants les plus ultras – polonais, baltes, tchèques, roumains – alors même que Paris, Berlin et quelques autres semblent avoir été pris de court par les évolutions géopolitiques, amenant Varsovie à triompher, en substance : vous voyez, nous avions raison de désigner la Russie comme un ennemi mortel.

Encore faut-il préciser que la ligne qui sépare partisans d’une « Europe européenne » et supporters d’une Europe américaine ne passe pas forcément entre Etats membres de l’UE, mais plutôt au sein même de certains de ces derniers. En République fédérale par exemple, les ultra-atlantistes tiennent pour l’heure le haut du pavé. Mais dans les trois décennies qui ont suivi la « réunification », l’heure était plutôt à la promotion des intérêts autonomes, y compris face aux Américains. Ce qui pourrait un jour revenir (mais pas à court terme).

Hélas, Emmanuel Macron n’est pas de Gaulle…

Pour des raisons historico-culturelles, la France, celle du peuple, possède une longue tradition de non-alignement (là où ses élites dirigeantes ont plutôt le réflexe de la soumission aux puissances étrangères). Ainsi, la Révolution française a vu se dresser contre elle l’Europe des aristocraties coalisées pour ramener le despote sur le trône – et en est sortie victorieuse en septembre 1792. Un siècle et demi plus tard, l’immense majorité de la grande bourgeoisie française prônait la collaboration avec l’Allemagne nazie selon le slogan « plutôt Hitler que le Front populaire » ; c’est finalement la Résistance qui contribua de manière décisive à vaincre l’Occupation. Puis, lors de ses deux passages au pouvoir, le Général de Gaulle prit bien soin de tenir en échec l’hégémonie sur la France dont Washington rêvait.

Hélas, Emmanuel Macron n’est pas de Gaulle. Là où le premier défendait l’indépendance de chaque pays, son lointain successeur rêve de dissoudre les souverainetés nationales dans un empire européen qui ne dit pas son nom. Pour l’heure, le vent ne souffle pas dans son sens au sein de l’oligarchie bruxelloise majoritairement alignée sur l’Oncle Sam, à l’image d’Ursula von der Leyen. Le président français pourrait au moins s’enorgueillir d’être blâmé par Norbert Röttgen. Un véritable honneur, mais il n’est pas sûr qu’il l’apprécie à sa juste valeur…

En attendant, tous ceux, en France, en Allemagne et ailleurs, qui rejettent les dominations et les dépendances ont au moins un motif de satisfaction : les querelles et contradictions au sein de l’UE se portent à merveille. Et ce n’est pas près de s’arrêter.

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« Macron est-il devenu fou ?… »

Par : pierre

Lors de son vol le ramenant de Pékin à Paris, le 7 avril, le président français a lâché quelques phrases qui ont provoqué une onde de choc dans les milieux les plus atlantistes – en France, en Europe, et aux Etats-Unis.

Evoquant la question de Taïwan – une île que la Chine considère comme faisant partie de son territoire, mais dirigée depuis sept décennies par des forces très liées à Washington – Emmanuel Macron a en substance plaidé pour que, dans ce dossier, l’Union européenne ne soutienne pas aveuglément les Etats-Unis, aujourd’hui engagés dans une escalade de confrontation avec Pékin.

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Les deux handicaps du mouvement populaire

Par : pierre

Le Conseil constitutionnel va-t-il valider, totalement ou partiellement, la réforme des retraites ? Va-t-il donner son feu vert à une « référendum d’initiative partagée » portant sur ce thème ? On connaîtra ses décisions vendredi 14 avril, le lendemain d’une nouvelle journée d’action qui pourrait rassembler encore beaucoup de monde, même si la tendance récente était plutôt à la décrue du nombre de manifestants.

En outre, les dirigeants syndicaux ne manquent pas de le souligner : les sondages affirment que le texte gouvernemental se heurte à l’hostilité d’une partie considérable de la population, évaluée à plus de 70%. Et ce, alors que la loi reculant de deux ans l’âge de la retraite a été formellement adoptée le 16 mars grâce à l’utilisation de l’article 49-3 de la constitution qui permet à l’exécutif d’imposer son projet sans vote de l’Assemblée nationale, pour peu que celle-ci n’adopte pas une motion de censure dans la foulée.

Ce passage en force a renforcé la colère populaire et la participation aux manifestations. De nombreux commentateurs – y compris ceux proches du pouvoir – s’interrogent sur la durée de la crise politique qui se profile : le premier ministre, Elisabeth Borne, dépourvue d’une majorité absolue à l’Assemblée, va-t-elle pouvoir rester en place ? Et comment peut se poursuivre le second mandat du président de la République lui-même, qui ne s’achève que dans quatre ans ?

Il est toujours hasardeux de prédire avec certitude l’avenir d’un mouvement social, et sa capacité à obtenir gain de cause. Il faut donc rester prudent. Mais deux facteurs de fond laissent à penser que le chef de l’Etat pourrait bien réussir à imposer sa réforme.

Le premier tient à la nature de la mobilisation. Bien sûr, les manifestations sont massives ; bien sûr, l’« opinion publique » reste très largement opposée au recul social majeur qui consiste à imposer de travailler deux années de plus ; bien sûr, certains secteurs sont particulièrement mobilisés – c’est le cas pour les transports, les raffineries ou bien le ramassage des ordures. Cela a provoqué des conséquences spectaculaires.

Mais tous ces éléments ne sont pas forcément déterminants dans le rapport de forces, comparés à ce qui serait décisif pour faire échec au projet contesté : une grève massive qui s’étendrait à des milliers d’entreprises, d’usines, de bureaux – ce qui est très loin d’être le cas. Les références en la matière restent 1936 (le Front populaire) ou mai-juin 1968.

Même en 1995, mouvement souvent cité en exemple, la grève longue et massive des cheminots et d’autres services publics avait certes suspendu la suppression de régimes spéciaux des retraites, mais n’avait nullement empêché une réforme radicale de la Sécurité sociale. C’est aussi de cette année là que date l’expression « grève par procuration ».

Applaudir, répondre à un sondeur, même manifester, cela n’a jamais pu remplacer une mobilisation de masse dans les entreprises.

Le même phénomène renaît aujourd’hui : des millions de citoyens sympathisent avec les grévistes de quelques secteurs particuliers, mais leur disent en substance : continuez, votre combat est le nôtre, on vous soutient. Ce n’est probablement pas ainsi que le rapport de force pourra basculer. Applaudir, répondre à un sondeur, même manifester, cela n’a jamais pu remplacer une mobilisation de masse dans les entreprises.

Le second facteur est l’aveuglement quant aux responsabilités réelles de la réforme, qui est à chercher du côté de Bruxelles – ce qui ne disculpe en rien le président français, co-auteur des orientations décidées au niveau européen. L’aveuglement ? Ou, pire, la cécité volontaire de ceux qui cherchent à tout prix à épargner l’Union européenne dans l’espoir (absurde) que celle-ci devienne « plus sociale ».

Certes, il n’y a pas de directive de l’UE qui impose un âge unifié de la retraite dans tous les pays membres. Mais il y a bien une pression multiforme pour tirer ce dernier, partout, vers le haut. L’Espagne en est un exemple, ou, malgré des « mesures de justice » compensatoires mises en avant par le gouvernement « de gauche » dans sa récente réforme, l’âge de départ s’établit à 66 ans, et passera à 67.

Le Conseil de l’UE avait recommandé à la France, le 12 juillet 2022, de réformer le système de pensions. Puis la Commission européenne avait laissé filtrer, avant la présentation de la réforme par Emmanuel Macron, une certaine impatience : « jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a encore été précisée ».

En outre, le président français ambitionne d’être un leader majeur de l’Union, mais a besoin pour ce faire d’être crédible vis-à-vis de ses homologues, notamment face à Berlin. Il veut donc apparaître comme un réformateur zélé.

Dans les conclusions du sommet européen de 2002, à Barcelone, figure la consigne de « chercher à augmenter d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ».

Et pour qui aurait encore des doutes sur le lieu du crime et les auteurs de ce dernier, il faut rappeler le Conseil européen de Barcelone qui date de… mars 2002. Dans les conclusions de ce sommet figure en toutes lettres la consigne de « chercher d’ici à 2010 à augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ».

A l’époque, le président Jacques Chirac (droite) et le premier ministre Lionel Jospin (socialiste) avaient avalisé cette rédaction. Au point que le pourtant très pro-UE François Bayrou (centriste aujourd’hui associé à la majorité d’Emmanuel Macron) avait vivement réagi : « Jacques Chirac et Lionel Jospin ont signé une décision capitale sur l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites en Europe. Qui en a débattu ? Qui en a dit un mot ? Quel citoyen, quel député, quel parlementaire a été invité à la préparation de cette décision capitale ? Personne ».

Au Parlement français, aucune force politique n’évoque la perspective de se libérer du carcan de l’UE

Aujourd’hui, l’engagement de Barcelone continue d’orienter les politiques actuelles, au nom de la gestion « rigoureuse » des finances publiques… et à la plus grande satisfaction des « marchés » financiers.

Mais au Parlement français, aucune force politique n’évoque la perspective de se libérer du carcan de l’UE : ni les députés macronistes bien sûr, ni ceux de la droite classique, ni ceux de la gauche traditionnelle – mais pas plus ceux souvent étiquetés à l’extrême gauche ou à l’extrême droite.

Tant que ce déni perdurera, le mouvement social, aussi puissant soit-il, souffrira d’un handicap limitant fortement ses chances de succès.

Pierre Lévy

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Le second tour de l’élection présidentielle tchèque s’annonce serré

Par : pierre

Les 8,3 millions d’électeurs tchèques étaient convoqués les 13 et 14 janvier pour le premier tour de l’élection présidentielle. 68,2% d’entre eux se sont rendus aux urnes, soit une participation en hausse de 6,3 points par rapport au scrutin de janvier 2018 qui avait reconduit Milos Zeman – personnalité atypique et ancien dissident du Parti social-démocrate – à la tête de l’Etat. Arrivant au terme de son second mandat, celui-ci ne pouvait renouveler son bail au château de Prague (photo).

Si la politique intérieure a polarisé les débats, la personnalité des deux candidats arrivés en tête donne au duel du second tour, qui aura lieu les 27 et 28 janvier, une dimension qui dépasse les frontières du pays. Et ce, même si les prérogatives présidentielles sont modestes au regard de celles du chef de gouvernement.

Avec 35,4% des suffrages, Petr Pavel, novice sur la scène politique, est arrivé de justesse en première position. Candidat « indépendant », cet ancien parachutiste de 61 ans fut chef d’état-major des forces armées tchèques de 2012 à 2015 ; il présida ensuite le comité militaire de l’OTAN, de 2015 à 2018. Il est donc un fervent atlantiste et un partisan inconditionnel de l’intégration européenne. Il a promis, durant sa campagne de « restaurer la dignité de la fonction présidentielle ».

Il sera donc opposé à l’ancien premier ministre Andrej Babis qui a rassemblé 35% des voix. Cet ancien homme d’affaires, décrit comme la cinquième fortune du pays, s’était lancé en politique en 2011 sur le thème de la lutte contre la corruption, ce qui constitua, lors des législatives de 2013, le cœur de la campagne du parti qu’il avait alors fondé, l’ANO. Libéral, il braconna en particulier au sein de l’électorat de droite.

A la suite des élections législatives de 2017, il accéda finalement à la tête du gouvernement, après une campagne cette fois plutôt tournée vers les électeurs de gauche. L’ANO forma alors une coalition avec la Parti social-démocrate comme partenaire minoritaire.

Quatre ans plus tard, en octobre 2021, l’ANO, bien qu’arrivé en tête lors du nouveau scrutin législatif, fut relégué dans l’opposition du fait d’une alliance entre les deux coalitions de droite – une classique, et l’autre associant des « maires indépendants » et le Parti pirate. Depuis fin 2021, c’est l’europhile Petr Fiala du parti ODS (une formation conservatrice anciennement légèrement eurosceptique) qui dirige une majorité plutôt hétéroclite, surtout unie par son engagement particulièrement anti-russe sur le plan international. Dans la dernière période, Prague a ainsi rejoint la Pologne et les pays baltes au sein du camp des ultras dans le soutien, notamment militaire, à l’Ukraine.

M. Babis est pour sa part loin d’être un pro-russe. Cependant, opportuniste dans ses options politiques, il avait plaidé en son temps pour de meilleures relations, notamment commerciales, avec Moscou. Il avait par ailleurs parfois dénoncé la « folie environnementale » de la Commission européenne, ce qui ne l’avait pas empêché de voter le « Paquet vert » proposé par celle-ci.

Quoiqu’il en soit, il n’est guère en odeur de sainteté à Bruxelles où il est vu comme un « populiste », d’autant qu’il a fait l’objet de procédures de la justice tchèque : il aurait manœuvré pour qu’une filiale de son groupe Agrofert (agrobusiness, alimentation, chimie, énergie, médias…) bénéficie de subventions européennes. Quelques jours avant le scrutin, il a cependant été acquitté. Par ailleurs, il n’a jamais caché sa proximité avec le premier ministre hongrois, Viktor Orban, célèbre bête noire de Bruxelles.

En outre, la candidature de M. Babis au scrutin présidentiel, décidée après une tournée dans le pays cet été, est soutenue par l’actuel président Zeman. Or ce dernier a longtemps été considéré comme un sympathisant de Pékin et un allié de Moscou. Cependant, sur ce dernier point, Milos Zeman avait tourné casaque en février dernier et dénoncé « l’opération militaire spéciale » en Ukraine déclenchée par le Kremlin.

Il n’empêche : le soutien du président sortant à M. Babis reste clivant. Ce dernier a du reste fait ses meilleurs scores dans les régions les plus modestes du pays, alors que Petr Pavel a mis plutôt de son côté les électeurs urbains, notamment de la capitale.

Des manifestations massives s’étaient déroulées en septembre dernier pour protester contre la hausse des prix provoquée par les sanctions de l’UE contre la Russie et exiger la levée de celles-ci

La campagne a été marquée par des enjeux économiques et sociaux. Le gouvernement actuel est comptable d’une inflation qui s’élève à 15,8%. Le prix de l’énergie et le montant des loyers ont été au cœur des préoccupations de nombreux électeurs. Et ce, dans un pays où une part importante des citoyens ne se reconnaît pas dans l’orientation anti-russe impulsée depuis un an : des manifestations massives s’étaient déroulées en septembre dernier pour protester contre la hausse des prix provoquée par les sanctions de l’UE contre la Russie, exiger la levée de celles-ci et demander la neutralité du pays dans la guerre en Ukraine. Il est probable que M. Babis – par opposition à M. Pavel – ait bénéficié du vote d’une part de ces citoyens en colère.

Etrangeté du scrutin, la coalition de droite classique (ODS, chrétiens-démocrates et ultra-libéraux de TOP 09) soutenait… trois candidats. Parmi ceux-ci l’ancien militaire, mais aussi une économiste de 44 ans, Danuse Nerudova. Celle-ci bénéficiait par ailleurs de l’appui du parti social-démocrate qui avait retiré son candidat initial en sa faveur. Mme Nerudova, donnée par les sondages d’avant-scrutin dans un mouchoir de poche avec les deux autres concurrents, n’obtient finalement que 13,9% des suffrages. Elle a appelé ses partisans à se rallier à M. Pavel. Pour leur part, les cinq autres postulants obtiennent moins de 7%.

Le second tour devrait donc ressembler à une vaste alliance « anti-Babis », ce qui laisse arithmétiquement peu de chances à l’ancien premier ministre. Les analystes pragois restent cependant prudents : en 2018, Milos Zeman était donné battu dans une configuration comparable, et l’avait finalement emporté sur le fil.

De plus, pronostiquent de nombreux médias tchèques, la dernière ligne droite de la campagne devrait être « sale », les deux hommes s’accusant mutuellement d’avoir été au service du pouvoir communiste tchécoslovaque dans les années 1980. Pas sûr cependant que ces références historiques passionnent les électeurs.

Quoiqu’il en soit, il n’est pas difficile d’imaginer de quel côté penche le cœur de Bruxelles, qui compte prendre sa revanche sur la victoire de M. Zeman en 2018.

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Strasbourg, ou l’euroseur arrosé (éditorial paru dans l’édition de décembre)

Par : pierre

Panique et consternation. La petite bulle bruxelloise est en émoi depuis qu’a été révélé ce que les grands médias nomment désormais le « Qatargate » : la mise en cause de collaborateurs parlementaires et d’eurodéputés – italiens, grecs, belges, issus essentiellement du groupe social-démocrate – soupçonnés d’avoir touché rémunérations et avantages de la part du Qatar en échange de la promotion des intérêts de l’émirat. Six personnes ont été interpellées par la police belge, quatre écrouées, dont une vice-présidente de l’europarlement.

Les condamnations ont fusé. La présidente de cette institution a, sans rire, dénoncé une « attaque contre la démocratie européenne ». Son homologue de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est alarmée que soit mise en jeu la « confiance des Européens dans nos institutions ». Soyons sérieux. Pour que l’europarlement soit déconsidéré, encore aurait-il fallu qu’il fût considéré – en réalité l’immense majorité des citoyens des vingt-sept pays s’en moquent comme de l’an 40. La seule chose qu’on puisse reprocher à l’Assemblée de Strasbourg est sa totale illégitimité, puisqu’il n’existe pas de peuple européen. Tout le reste n’a dès lors guère d’importance.

La crise de nerfs du ban et de l’arrière-ban européiste a cependant quelques mérites. A commencer par le retour de bâton comique contre une institution, à l’ego boursouflé qui ne cesse de donner des leçons de morale au monde entier en matière de transparence et d’Etat de droit. Au monde entier et même aux Etats membres : c’est précisément ce « parlement » autoproclamé qui avait lancé les hostilités contre la Hongrie, accusant son gouvernement de corruption. Le premier ministre Viktor Orban n’a pas boudé son plaisir devant cette euro-mouture de l’arroseur arrosé.

En outre, l’ex-secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), Luca Visentini (aujourd’hui président de la Confédération syndicale internationale), fait partie des mis en cause. Ce qui jette une lumière crue sur l’interpénétration incestueuse entre cette centrale syndicale et les institutions bruxelloises.

Par ailleurs, on n’ose imaginer le tollé géopolitique si le corrupteur n’avait pas été Doha, mais Moscou. Que n’aurait-on pas dit sur les relais d’influence que le Kremlin paye pour « déstabiliser notre Europe », et la nécessité absolue d’édicter un trois cent cinquante neuvième paquet de sanctions. L’émir qatari, lui, n’a aucune crainte d’être puni, ne serait-ce que parce que son gaz remplace (en partie) celui que fournissait naguère la Russie. Sa diplomatie s’est d’ailleurs chargée de le rappeler promptement à ceux qui seraient tentés de tenir des propos désobligeants à son égard.

En matière d’influences étrangères, l’ombre de Washington et le poids de l’atlantisme bénéficient d’une immunité de principe, voire d’un tapis rouge permanent

Certes, Raphaël Glucksmann, le sémillant président de la « commission spéciale sur l’ingérence étrangère » (sic !) a qualifié l’affaire de « gravissime ». Jusqu’à présent cependant, il s’était plus excité en pourchassant les prises d’influence russes ou chinoises ; l’on serait surpris que cela change fondamentalement.

Enfin, dès lors qu’il est question de traquer lesdites influences étrangères, force est de constater que l’ombre de Washington et le poids de l’atlantisme bénéficient d’une immunité de principe, voire d’un tapis rouge permanent. En matière de guerre en Ukraine, par exemple, l’on n’imagine pas un instant l’europarlement s’éloigner de la ligne de l’Oncle Sam, solidarité occidentale oblige. Au demeurant, le Trésor américain n’a nul besoin de dépenser le moindre kopek pour cela : les relais de Washington travaillent gratuitement pour la cause – celle de la promotion du « monde libre ».

Il reste qu’en monopolisant la scène médiatique, les affaires de corruption confortent un silence abyssal sur l’essentiel : la responsabilité des institutions européennes dans le malheur des peuples, à commencer par les régressions économiques et sociales. A l’heure où Emmanuel Macron semble décidé à passer en force sur la réforme des retraites, qui soulignera le rôle de Bruxelles comme aiguillon et contrôleur ? Pourtant, dans son analyse de la situation de chaque Etat membre récemment publiée, la Commission rappelle que le Conseil de l’UE avait recommandé à la France, le 12 juillet 2022, de réformer le système de pensions en vue d’« unifier les règles des différents régimes ». Et elle laisse filtrer une certaine impatience : « jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a encore été précisée ».

Dans le brouhaha des turpitudes qataries, ce discret coup de pression semble passer inaperçu. Jusqu’à quand ?

Pierre Lévy

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Attention : l’édition d’octobre est parue…

Par : pierre

L’édition de Ruptures n°119 est sortie des presses le 27 octobre

Au sommaire :

– l’éditorial qui revient sur la soudaine fortune du terme « sobriété », synonyme post-moderne d’austérité, au moment où le chef de la diplomatie de l’UE décrit cette dernière comme un jardin merveilleux, menacé d’invasion par le reste du monde

– un éclairage sur la flambée des prix de l’énergie, qui pourrait provoquer une désindustrialisation en Europe, et qui résulte des sanctions anti-russes et contre-sanctions, des taxes climatiques, mais aussi de la libéralisation qui prend désormais Bruxelles à son propre piège

– une analyse des contradictions d’intérêts entre les Vingt-sept, dont les divisions sont apparues au grand jour lors du Conseil des 20 et 21 octobre, notamment à propos du plafonnement du prix du gaz, ainsi que d’un nouveau fonds de solidarité – même Paris et Berlin s’écharpent

– un point sur la réunion inaugurale, le 6 octobre, de la « Communauté politique européenne » qui rassemble membres et non-membres de l’UE, le sommet de Prague s’étant transformé en forum anti-Poutine

– une analyse détaillée des élections du 25 septembre en Italie, à l’issue desquelles la « post-fasciste » Giorgia Meloni a pris la tête d’un gouvernement qui a immédiatement donné des gages à Bruxelles et à l’OTAN – pas vraiment ce qu’espéraient les électeurs

– une analyse du scrutin bulgare du 2 octobre, le quatrième en dix-huit mois ; mais cette fois, la question vitale de l’énergie a dominé la campagne, ce qui a permis aux forces pro-russes de progresser dans un pays de plus en plus polarisé

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

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Chaud effroi (éditorial paru dans l’édition du 27/09/22)

Par : pierre

Y aura-t-il du courant à Noël ? Pour peu que les centrales nucléaires en maintenance reviennent vite en service et que la météo soit clémente (vive le réchauffement…), les interruptions de service sont peu probables, rassure le Réseau de transport d’électricité. A condition toutefois de se plier aux consignes de « sobriété » – autrement dit d’austérité – qu’édicte le gouvernement. Ainsi, un des pays les plus avancés de la planète en est réduit, au vingt-et-unième siècle, à évoquer le black-out, et à ordonner de baisser le chauffage… Il fallait bien un président « progressiste » pour accompagner cette régression d’échelle historique. Avec la sombre désinvolture qui fait son charme, Emmanuel Macron a ainsi prophétisé « la fin de l’abondance »…

Difficultés d’accès aux hydrocarbures, hausse vertigineuse des cours : une crise énergétique d’ampleur sans précédent s’accélère en Europe, dont les conséquences économiques et sociales pourraient bien faire figure de tsunami. Trois facteurs notamment sont à l’œuvre. Le premier d’entre eux est « systémique », diraient les linguistes bruxellois : l’avènement de la loi du marché. Celle-ci n’a pas toujours régi le commerce du gaz en particulier. Naguère, des contrats à long terme assuraient aux Etats producteurs des revenus stables, et aux acheteurs des prix bas. C’était avant que la fourniture de l’or bleu ne soit libéralisée, parallèlement à la déréglementation des ex-monopoles publics – une des réalisations phares de l’Union européenne.

Le deuxième facteur a trait au mot d’ordre désormais commun aux élites mondialisées : la réduction des émissions de CO2. Ainsi, le système d’échange européen des quotas carbone vise à renchérir délibérément l’utilisation, mais aussi la production, d’énergie carbonée. Au point que le gouvernement socialiste espagnol – qu’on ne peut soupçonner d’être « climatosceptique » – plaide pour que cette écotaxe, elle aussi régie par les mécanismes de marché et qui a bondi, soit gelée. Sans succès.

Enfin, le troisième facteur est celui qui a mis le feu aux poudres : les sanctions édictées par les dirigeants européens contre Moscou. L’UE a fait le choix politique de boycotter le charbon puis le pétrole russe, et menaçait de faire de même pour le gaz, avant que le Kremlin ne prenne les devants à titre de contre-sanction, en restreignant drastiquement les flux livrés par gazoduc. Résultat : le cours de l’or bleu – pour lequel les Vingt-sept cherchent désespérément des fournisseurs alternatifs – a été multiplié par douze en moins d’un an, entraînant une hausse faramineuse du prix de l’électricité.

Il faut dès lors tout l’aplomb d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour faire porter la responsabilité de la crise énergétique sur la Russie : celle-ci aurait volontiers, guerre ou pas, poursuivi ses livraisons si Bruxelles ne s’était pas juré de mettre son économie à genoux. Mais il semble que les peuples, confrontés à la chute brutale du pouvoir d’achat et aux restrictions qui se profilent, soient de moins en moins dupes : de Prague à Leipzig et d’Athènes à Naples en passant par Bruxelles, des manifestations se font jour, réclamant des pourparlers avec Moscou plutôt que le soutien inconditionnel à Kiev, voire l’ouverture du gazoduc Nord Stream II – une perspective dont Bruxelles ne veut pas entendre parler.

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois

Et même en France, ou pourtant ni la Nupes ni les syndicats n’osent mettre en cause le principe de punir Moscou, les élites s’inquiètent : « le doute et la lassitude menacent de s’installer », s’alarme avec effroi un récent éditorial du Monde (13/09/22). Celui-ci éprouve donc le besoin de marteler que les sanctions sont nécessaires « et fonctionnent ». La guerre en Ukraine serait-elle donc en passe de prendre fin ? Nullement. Mais la Russie « n’en est qu’au début d’un long calvaire », jubile discrètement le quotidien, dévoilant ainsi involontairement le véritable objet de celles-ci.

Surtout, « changer de cap sur les sanctions reviendrait à conforter Vladimir Poutine dans sa vision d’une Europe pleutre et incapable de tenir sa place dans l’histoire », argue Le Monde, ajoutant que « dévier de cette trajectoire (…) pourrait être fatal au projet européen ». Il faut donc tenir le cap, fût-ce au prix de « notre confort énergétique et notre prospérité économique ».

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois. Si cette froide vérité se répandait plus largement, l’hiver pourrait bien être chaud.

Pierre Lévy

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L’édition de septembre est parue

Par : pierre

Au sommaire de l’édition parue le 21 septembre :

– l’éditorial qui pointe la triple responsabilité de l’UE dans la flambée des prix de l’énergie – déréglementation, taxation du carbone, sanctions anti-russes – alors que les élites européennes s’inquiètent de la « lassitude » des peuples dont certains commencent à rejeter la « sobriété » imposée

– un tour d’Europe des dégâts de la crise de l’énergie, et de la contestation populaire des sanctions qui alimentent massivement cette crise

– un point sur le resserrement des liens entre Bruxelles et Kiev : tandis que l’UE projette de chapeauter la formation des militaires ukrainiens, les « réformes » battent leur plein dans le pays en guerre, parmi lesquelles la quasi-abolition du code du travail

– une analyse des « remèdes » que Bruxelles prévoit face à l’envolée des prix du gaz et de l’électricité au sein de l’UE, notamment la réduction de la consommation, tandis que d’innombrables PME sont menacées de faillite, et que les exportations de gaz US explosent

– un point sur la situation politique au Royaume-Uni avec l’arrivée d’Elizabeth Truss à la place de Boris Johnson après que celui-ci eut été éjecté par ses adversaires internes, notamment les ultra-libéraux qui combattaient la perspective d’investissements publics

– une analyse des élections du 11 septembre en Suède où le bloc de droite va tenter de former un gouvernement qui succède au cabinet social-démocrate, en espérant l’appui du grand gagnant du scrutin, les sulfureux Démocrates de Suède

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

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Insoumission accomplie ? (éditorial paru dans l’édition du 28/06)

Par : pierre

Fin de partie. Après des mois de campagne, quelques grandes tendances se dégagent des quatre tours des élections. A commencer par une abstention record au sein de laquelle le refus de vote prend une place notable. D’autre part, les urnes, qui avaient offert en avril une reconduction sans gloire au maître de l’Elysée, ont infligé, en juin, un retentissant revers à ses amis politiques. A l’inverse, le Rassemblement national, fort d’un score en nette hausse à la présidentielle, a transformé l’essai deux mois plus tard et apparaît comme la seule force politique en progrès.

Enfin, la NUPES, créée par Jean-Luc Mélenchon qui a agrégé ses modestes alliés autour des Insoumis et feint de viser Matignon, a réussi à transformer une stagnation en voix (si l’on compare avec les scores cumulés en 2017 par les partis alliés) en percée en sièges – plus modeste cependant qu’espéré par les stratèges de LFI. Une partie décisive de l’électorat de cette dernière se recrute désormais parmi les couches aisées intellectuelles des centres-villes, celles-là mêmes qui avaient majoritairement assuré la percée d’Emmanuel Macron il y a cinq ans. Et dont l’insoumission reste résolument dans les limites de l’idéologie dominante, en l’occurrence euro-écolo.

Force est de constater une nouvelle fois l’absence de débat sur l’intégration européenne. La publication par Bruxelles, le 13 juin, des « recommandations par pays » aurait pourtant dû fournir une ultime occasion de mettre en lumière le rôle déterminant de l’UE dans l’austérité imposée. La Commission demande notamment à la France de « se tenir prête à adapter les dépenses courantes à l’évolution de la situation ; (…et de) réformer le système de retraite ».

Certes, les Insoumis avaient inscrit la possibilité de « désobéissance » à l’UE. Ce qui avait amené la Macronie à dénoncer la volonté supposée des dirigeants nupessiens de « sortir de l’Europe ». Dieu nous en garde, avaient en substance rétorqué ces derniers, qui n’ont eu de cesse de minimiser la portée de cette « désobéissance » envisagée. Du reste, ont-ils argué, tant la France que Bruxelles font déjà des entorses à leurs propres règles – un rappel qui dégonflait illico la portée subversive de cette illusoire insoumission. Pour Pierre Khalfa, un idéologue proche de LFI, l’UE a deux visages : celui des politiques néolibérales, un contenu qu’il faut combattre ; et celui des valeurs et des institutions communautaires, qui doivent s’imposer aux souverainetés nationales : « il est bon que l’existence des droits démocratiques soit garantie au niveau européen et ne puisse pas être remise en cause par une Cour constitutionnelle nationale » écrivait ainsi l’intellectuel dans une tribune parue dans Le Monde (03/06/22). Bref, dégagée de sa gangue néolibérale, la soumission des peuples à une autorité supranationale est bienvenue.

« Si nécessaire, on trouvera le moyen de transposer le droit européen par voie de décrets et non de lois » – Alain Lamassoure

C’est dans ce contexte qu’Alain Lamassoure a commenté la possible paralysie de l’Assemblée nationale. L’ancien ministre des affaires européennes formula négligemment cette suggestion : « si nécessaire, on trouvera le moyen de transposer le droit européen par voie de décrets ». Apparemment, ça n’a choqué personne, tant il semble naturel que l’ordre bruxellois prévale sur la représentation nationale.

Si, par hypothèse d’école, la coalition dirigée par Jean-Luc Mélenchon l’avait emporté, la configuration politique aurait évoqué celle qui prévalut en Grèce à l’issue des élections de janvier 2015 : Alexis Tsipras devint premier ministre après avoir mené une campagne anti-austérité, tout en affichant son refus de quitter le giron communautaire. Après quelques mois de bras de fer avec Bruxelles, le chef du gouvernement provoqua en juillet un référendum sur les politiques restrictives imposées par l’UE, le gagna… et finit par capituler, deux semaines plus tard, en acceptant le mémorandum qui scella des reculs sociaux d’une brutalité sans précédent. L’ultime argument de M. Tsipras était qu’il fallait à tout prix préserver l’appartenance à l’Union européenne.

Cet attachement est partagé par les composantes de la NUPES. La seule inconnue réside dans le délai qu’eût pris l’abdication en cas de victoire mélenchonesque le 19 juin. A tout prendre, la poursuite du règne macronien comporte au moins l’avantage de ne point porter d’illusions. D’autant que la prévisible détresse parlementaire du président qui a placé son règne sous la bannière européenne laisse finalement ouvert un espace pour débattre d’une option plus cruciale que jamais : accomplir réellement l’insoumission.

C’est-à-dire réaliser la rupture avec l’UE.

Pierre Lévy

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L’improbable retour de la Convention Giscard (éditorial paru dans l’édition du 23/05/22)

Par : pierre

Le « serment de Strasbourg ». C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a baptisé, en toute simplicité, le discours qu’il prononça le 9 mai devant l’hémicycle des eurodéputés. Le (jusqu’au 30 juin) président du Conseil de l’UE ambitionnait ainsi de clore la « Conférence pour l’avenir de l’Europe » lancée il y a un an tout juste. Vous l’ignoriez ? Depuis des mois, 800 « citoyens européens » travaillent d’arrache-pied et ont finalement abouti à 49 « propositions citoyennes » déclinées en 325 mesures… Les participants de base ont été bien sûr tirés au sort ; ce dernier faisant décidément bien les choses, toutes les suggestions exigent fiévreusement plus d’Europe. Et ce, dans les domaines les plus variés, de la défense à l’éducation, en passant par une réforme des institutions dans un sens plus fédéral.

Comme le ridicule ne tue pas ceux qui font mine de s’extasier devant cette europhilie spontanée, le président français a plaidé pour une Europe « plus indépendante » et « plus efficace ». Le premier terme doit se traduire, selon lui, dans les domaines militaire, écologique, alimentaire, et informationnel. Quant à l’efficacité, elle doit être renforcée « par une réforme aussi de nos textes, c’est évident », et donc la convocation d’une convention de révision des traités – lointain successeur de la convention Giscard qui accoucha du projet de constitution européenne, avec le succès que l’on sait. Le président français s’est attiré les hourrah des dirigeants européens les plus fédéralistes, d’Ursula von der Leyen qui préside la Commission européenne, au président du Conseil italien, Mario Draghi, favorable à un « idéalisme fédéraliste ».

Mais à peine avait-il prononcé son discours que treize Etats membres (scandinaves, et de l’Est) publiaient une lettre commune rejetant toute perspective de modification des traités. Qu’à cela ne tienne, certaines idées macroniennes ne nécessitent pas ce détour. Il en va ainsi par exemple de la mise en place de listes transnationales pour les prochaines élections européennes. Mais il y a surtout un point qui mobilise à Bruxelles, et tout autant à Berlin : la fin des décisions prises à l’unanimité. Cette règle, qui permet à un ou quelques pays de bloquer un projet qu’ils jugent contraire à leur intérêt, ne s’applique déjà plus, en réalité, qu’en matière sociale et fiscale, et en politique étrangère.

C’est bien dans ce dernier domaine que ce verrou doit sauter, martèlent en particulier les dirigeants allemands, avec une insistance redoublée depuis la guerre en Ukraine. Et pour cause : pour l’heure, la Hongrie traîne notoirement les pieds dès lors qu’il est question de se priver du pétrole ou de gaz russe, d’autant que Budapest est soupçonné de nourrir des sentiments insuffisamment hostiles à Moscou. Mais, hors réforme des traités, passer à la règle de la majorité nécessite… l’unanimité des Vingt-sept. Improbable.

Une dernière proposition a marqué le plaidoyer du maître de l’Elysée : la création d’une « Communauté politique européenne » qui associerait aux Etats membres de l’UE actuelle les pays souhaitant la rejoindre, en particulier l’Ukraine. Car, estime le président français, leur adhésion proprement dite prendra des années voire des décennies. Agacé, le président ukrainien a déploré une intégration au rabais. Enfin, Emmanuel Macron a suggéré qu’au sein même des Vingt-sept, des pays « plus avancés » constituent des « avant-gardes », comme c’est déjà le cas pour l’euro ou Schengen.

Les prétendues nouveautés exhumées par Emmanuel Macron renvoient étrangement aux décennies 1990 et 2000

Convention pour une UE plus fédérale, Europe à plusieurs vitesses, confrontation entre partisans de l’élargissement et supporters de l’approfondissement : les prétendues nouveautés exhumées par Emmanuel Macron renvoient étrangement aux décennies 1990 et 2000. Mais aujourd’hui avec des lignes de fracture et des querelles bien plus exacerbées. Les réformes rêvées sont donc une nouvelle fois mort-nées.

D’autant que, malgré la volonté de décrire la Russie sous les traits les plus repoussants, l’UE a encore moins de charme aux yeux des peuples aujourd’hui qu’hier. Et ce sera très probablement pire demain, dès lors que les dirigeants européens s’engagent dans une voie outrageusement belliciste conduisant inexorablement à des hausses sans précédent des prix de l’énergie et à la « sobriété », faux-nez d’une austérité décuplée.

Cette dernière pourrait être imposée plus aisément si elle est habillée de vert, estime-t-on sans doute à Bruxelles. Mais ce faisant, la Commission prend surtout le risque de récolter un peu partout du jaune. Celui des gilets.

Pierre Lévy

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Parution de l’édition de mai

Par : pierre

L’édition de mai de Ruptures est parue

Au sommaire :

– l’éditorial consacré aux projets pour l’UE d’Emmanuel Macron tels qu’il les a présentés lors de son discours du 9 mai à Strasbourg – un retour vingt ans en arrière…

– une interview d’Andreas Wehr, politologue allemand, qui analyse les évolutions et les contradictions du gouvernement fédéral et du chancelier dans le contexte de la guerre

– une analyse des sanctions, en cours et prévues par Bruxelles contre Moscou, notamment la fin des importations d’hydrocarbures russes – avec à la clé, une perspective de nouvelle flambée des prix de l’énergie

– un tour d’horizon de la situation politique au Royaume-Uni, avec le recul des Conservateurs aux élections locales du 5 mai, et la victoire des nationalistes du Sinn Fein en Irlande du Nord

– une analyse des deux élections régionales qui se sont déroulées outre-Rhin avec les deux partis les plus anti-russes, les Verts et les chrétiens-démocrates, qui progressent, mais une abstention en hausse qui reflète le désarroi des électeurs pacifistes

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

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L’angoisse de la Sainte-Alliance (éditorial paru dans l’édition d’avril)

Par : admin

Imprudence ? Le 12 avril, dans son discours de Strasbourg, le président-candidat estimait que le second tour serait « un référendum sur l’Europe ». Et en conclusion du débat télévisé, il précisait même : ce sera un référendum « pour ou contre l’Union européenne ». Certes, il a pu finalement renouveler son bail à l’Elysée. Pour autant, si l’on suit la logique macronienne au pied de la lettre, 41,5% des votants ont adressé un bras d’honneur à l’UE.

On objectera que tous les électeurs de Marine Le Pen ne sont pas des partisans assumés du Frexit. La candidate elle-même avait dépensé beaucoup d’énergie pour assurer que tel n’était nullement son objectif. Pourtant, à y réfléchir un instant, il y a un point sur lequel le sortant n’avait sans doute pas tout à fait tort : si la championne du RN avait été élue et si elle avait effectivement eu le cran d’appliquer son programme, l’appartenance de la France à l’Union se serait très vite retrouvée sur la sellette. Par exemple, la mise en place de la supériorité du droit national sur le droit européen est en elle-même explosive. En effet, l’UE n’a de sens, pour ses concepteurs, que si elle est en position d’imposer à tel ou tel pays le maintien d’une orientation inscrite dans « le cercle de la raison » jadis cher à Alain Minc.

Que ce conflit, qui aurait sonné le glas de l’intégration, n’ait pas été dans l’intention de la candidate importe finalement peu. Ce qui compte, c’est que, quel que soit le visage « modéré » qu’elle s’est efforcée d’afficher, ses électeurs ont glissé leur bulletin dans l’urne au moment même où Emmanuel Macron (et l’ensemble des forces politiques et des médias qui ont fait bloc en sa faveur) leur serinaient : si vous votez Le Pen, c’en sera fini de l’Europe.

Il faut à cet égard noter que le scrutin a mis en lumière le clivage, déjà éclatant lors du référendum sur la constitution européenne de 2005 (mais en germe depuis 1992 avec Maëstricht), et qui n’a cessé de se confirmer depuis lors : entre ceux qui se rangent idéologiquement derrière les « élites mondialisées », autrement dit autour des classes possédantes ; et les classes populaires. Une nouvelle fois, la cartographie électorale illustre de manière spectaculaire ce « vote de classe ».

Significative était par ailleurs l’inquiétude des principaux dirigeants européens à la veille du 24 avril. Telle une nouvelle Sainte-Alliance, beaucoup ont exprimé, plus ou moins discrètement, leur angoisse que « l’avenir de l’Europe » se jouât là. Le président de la commission des affaires étrangères du Bundestag s’écriait pour sa part : « maintenant, rassemblez tout le monde derrière Macron ! C’est lui ou la chute de l’Europe unie ».

Palme au président du Conseil espagnol qui martelait le 9 avril que « les ennemis de l’UE ne sont pas seulement à Moscou mais aussi à Paris ». Pedro Sanchez a du reste co-signé avec le chancelier allemand et le premier ministre portugais une tribune accueillie avec empressement par Le Monde (22/04/22) qui appelait ouvertement à voter pour leur collègue français. Une initiative qui intervient, ironie de l’histoire, alors que Bruxelles n’a de cesse d’accuser Moscou de vouloir s’ingérer dans les élections des Etats membres ! On n’ose imaginer les réactions apoplectiques si Vladimir Poutine avait publié, l’avant-veille du second tour, un appel ce terminant sur ces mots : « j’espère que les citoyens de la République française choisiront Marine Le Pen »…

Le premier ministre espagnol a martelé que « les ennemis de l’UE ne sont pas seulement à Moscou mais aussi à Paris» et a appelé à voter Macron

A Rome, Enrico Letta n’était pas en reste : « le succès de Marine Le Pen serait une plus grande victoire pour Poutine que celle en Ukraine ». Le chef du Pardi démocrate (« centre gauche », associé au gouvernement), qui fut premier ministre, était même allé plus loin en estimant par ailleurs que la guerre actuelle constituait « un momentum (un incitatif) européen très fort, une opportunité à ne pas rater » pour accélérer l’intégration et inventer de nouvelles formes d’élargissement, en particulier à l’Ukraine. Une thèse largement partagée à Bruxelles et dans certaines capitales.

On a bien lu : ceux là mêmes qui versent des torrents de larmes épouvantées sur le sort du peuple ukrainien considèrent, tout bien pesé, que la guerre est une occasion à ne pas manquer – et le disent. Il est probable que le maître de l’Elysée partage ce cynisme. Et va sans doute vite oublier que, selon sa propre analyse, près d’un électeur sur deux a osé défier l’Union européenne et ses marchands de peur.

Dans ces conditions, les sueurs froides des européistes ne font sans doute que commencer.

Pierre Lévy

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Édition de mars de Ruptures, spéciale guerre en Ukraine : elle est parue

Par : pierre

L’édition de Ruptures de mars est entièrement consacrée à la guerre en Ukraine. Elle a été expédiée le 29 mars aux abonnés

Au sommaire :

– l’éditorial qui souligne que la dangereuse décision russe d’entrer en Ukraine ne justifie en rien l’hystérie russophobe ; et qui relève que la France pourrait jouer un rôle de médiateur si elle n’était pas prisonnière de l’UE et de l’OTAN

– un entretien, à propos de l’interdiction par les Vingt-sept des chaînes RT et Spoutnik, avec Emmanuel Pierrat, avocat à la Cour et spécialiste du droit des médias : ce dernier montre que la décision n’a pas de base juridique et relève qu’un tel arbitraire est particulièrement inquiétant pour la liberté de la presse

– une analyse du contexte et des conséquences de la guerre en Ukraine, avec notamment le resserrement des liens transatlantiques, mais aussi les contradictions entre les Vingt-sept qui n’ont pas tardé à refaire surface en matière d’intégration politique, militaire et énergétique

– un entretien avec l’économiste Jacques Sapir à propos des sanctions édictées par l’UE contre la Russie qui sont sans précédent, mais qui avaient été largement anticipées par Moscou, et qui pourraient bien avoir un effet boomerang sur les pays européens

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

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L’inutilité de l’Europe démontrée par Macron (éditorial paru dans l’édition du 23 février)

Par : pierre

Éditorial paru dans l’édition du 23/02/2022, soit avant l’entrée des troupes russes en Ukraine

Misère de l’euro-macronisme. On se souvient qu’Emmanuel Macron avait pris ses fonctions au son de l’hymne de l’UE. Cinq ans plus tard, il chante toujours les louanges de l’intégration européenne : pour peu qu’elle soit unie, l’Europe peut assumer un rôle majeur dans le monde – tel est le credo lyrique du maître de l’Elysée, en parfaite harmonie avec le catéchisme bruxellois. Il vient pourtant lui-même de faire la démonstration du contraire dans deux dossiers brûlants et cruciaux.

Le premier concerne sa décision de mettre fin à la présence de soldats français au Mali. L’annonce a certes été mise en scène, le 17 février, en associant partenaires européens et africains. Mais qui doute un instant que c’est à Paris qu’a été prise la décision de « réarticuler » l’opération Barkhane ? Et de sonner le glas, par voie de conséquence, de la mission Takuba qui associait pourtant des forces spéciales d’une dizaine d’Etats européens (Italie, Estonie, Tchéquie, Suède…).

Ce choix contraint laisse évidemment ouverte la question de la lutte contre l’islamisme radical qui n’a cessé de métastaser au Sahel puis en Afrique de l’Ouest. Il constitue en tout cas l’aboutissement d’une dégradation rapide des rapports entre Paris et Bamako, dès lors que l’« aide » armée s’est accompagnée de la persistance (voire du renforcement) de l’arrogance et de l’ingérence. Ce que les pays africains supportent de moins en moins.

La diplomatie française n’a ainsi pas eu de mots assez durs vis-à-vis de la junte malienne arrivée au pouvoir dans la foulée des coups d’Etat d’août 2020 puis de mai 2021. Elle a mis en cause la légitimité des officiers désormais à la tête du pays – qui bénéficient pourtant d’un large soutien populaire – et exigé d’urgence des élections, avec l’appui de Bruxelles qui a fait ce qu’il sait bien faire : imposer de lourdes sanctions, allant jusqu’au blocus du pays. Comment s’étonner dès lors qu’une large partie du peuple malien ait fêté le départ des soldats français ? Ce même rejet des réprimandes infligées par l’ex-puissance coloniale se retrouve au Burkina Faso et en Guinée, où des militaires ont chassé des régimes corrompus ou impuissants.

Et ce n’est certes pas le sommet UE-Union Africaine des 17 et 18 février (dont Ruptures rendra compte dans une prochaine édition) qui aura regagné les bonnes grâces des peuples africains. 150 milliards d’euros d’investissements ont été promis, en déclamant que le lien Europe-Afrique constitue « le grand projet géopolitique des décennies à venir ». Evidemment sous condition de « transparence », de « bonne gouvernance », et d’écologie. Ce qui n’augure pas d’une coopération d’égal à égal.

A Bruxelles, on ne cache pas qu’il s’agit en réalité de faire pièce aux grands projets chinois d’infrastructures (dits « routes de la soie »), et à une présence militaire russe souhaitée par plusieurs capitales africaines. En coulisse se joue aussi une rivalité entre Paris et Berlin dès lors qu’il s’agit d’accéder aux immenses ressources et marchés africains (la chancelière Merkel avait fait plusieurs tournées fructueuses sur le Continent noir, y compris dans le « pré carré » français).

Quand c’est important, l’UE ne peut faire que de la figuration, le cas échéant en aboyant.

Que les Etats reprennent la main lorsque le défi est essentiel, le président français l’a également démontré dans le second cas, la crise ukrainienne. Il s’était ainsi rendu à Moscou en proclamant vouloir être un « faiseur de paix » par le rapprochement des points de vue. Dans ce dossier, l’Union européenne, dont les Etats membres dissimulent difficilement leurs divergences, ne sait qu’ânonner ad nauseam les éléments de langage belliqueux élaborés à Washington. Et personne ne croit sérieusement qu’Emmanuel Macron ait fait le déplacement en tant que « président de l’UE » (ce qu’il n’est nullement, la France coordonne seulement, ce semestre, les travaux des Conseils des ministres des Vingt-sept). Vladimir Poutine l’a reçu, comme il l’a fait pour le chancelier allemand, mais a évidemment snobé le vrai président (permanent) du Conseil européen, Charles Michel. Quand c’est important, l’UE ne peut faire que de la figuration, le cas échéant en aboyant.

Las, le maître de l’Elysée a jugé bon de se concerter mille fois, avant et après son déplacement, avec ses pairs européens ainsi qu’avec l’Oncle Sam, comme s’il redoutait finalement de parler au nom d’une France majeure et indépendante. S’il l’avait fait, peut-être aurait-il réussi avec son hôte une percée diplomatique en faveur de la paix, et évité le camouflet final de Moscou.

N’est pas de Gaulle qui veut.

Pierre Lévy

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Le grand doute (éditorial paru dans l’édition du 24/01/22)

Par : pierre

« Europe, Europe, Europe ! »… Qui ne se souvient du Général de Gaulle moquant la posture de qui « saute sur sa chaise comme un cabri » en invoquant sa foi européenne ? Imaginait-il que l’un de ses lointains successeurs illustrerait jusqu’à la caricature ce mantra des classes dominantes ? Emmanuel Macron veut en fait profiter de la présidence tournante du Conseil de l’UE, qui échoit pour six mois à la France, pour assurer sa réélection. Non que les partisans de l’intégration européenne soient majoritaires dans le pays, très loin de là, mais ils constituent le socle de son électorat de 2017 sur lequel il entend s’appuyer.

En décembre de l’année dernière, il annonçait un triptyque quelque peu ésotérique – « relance, puissance, appartenance » – et énumérait pêle-mêle les domaines « prioritaires » où il entendait briller : salaire minimum, réglementation du monde numérique, réforme de l’espace Schengen, taxation carbone aux frontières, et promotion d’une Europe diplomatique et militaire « souveraine ». A Bruxelles, on a évidemment souri en coin : la présidence semestrielle n’a en fait guère d’autre prérogative que d’impulser des textes ou initiatives déjà engagés.

Mais ce marketing macronien ne relève pas seulement de l’esbroufe ; il est sous-tendu par une idéologie délétère comme l’illustre le discours que le maître de l’Elysée a tenu, le 19 janvier, devant les eurodéputés. Le chef de l’Etat a renoué avec l’arrogance lyrique dont il usa en 2017 en vantant l’Europe comme « une civilisation à part », une « civilité, une manière d’être au monde, de nos cafés à nos musées, qui est incomparable ». Dès lors que le chauvinisme n’est pas national mais européen, il paraît une vertu à la mode… Et le président n’omet pas de répéter ce non-sens historique selon lequel la construction communautaire a « mis fin aux guerres civiles de notre continent ». Cerise sur le drapeau (étoilé) il flatte l’Assemblée de Strasbourg comme « l’incarnation de notre peuple (européen) rassemblé ». Or même les plus fédéralistes se désespèrent de l’absence d’un « peuple européen ».

Il pointe cependant trois « promesses » de l’Europe qui seraient présentement « bousculées ». La première est le « progrès », dont il cite les aspects qui lui tiennent le plus à cœur : le « défi climatique », la « révolution numérique » et « nos sécurités » – ainsi va le « progressisme » à la Macron. La deuxième est « la paix », dans le contexte d’un « dérèglement du monde ». Face à cela, la vocation de l’Europe est de s’ériger en « puissance d’équilibre », car notre modèle a « une vocation universelle » (que n’entendrait-on pas si les présidents russe ou chinois tenaient de tels propos ?). D’où le plaidoyer pour une « nouvelle alliance avec le continent africain » (on imagine dans quel rapport de forces), et pour arrimer les pays des Balkans occidentaux (essentiellement l’ex-Yougoslavie). Et dire qu’à Bruxelles, on ne cesse d’accuser Moscou de penser le monde en termes de zones d’influence…

L’« Etat de droit » est un concept de la philosophie politique allemande qui place les règles en surplomb du peuple

Enfin et surtout, la troisième « promesse » à chérir et à défendre est « la démocratie » que l’orateur assimile à l’Etat de droit, « notre trésor ». Celui-ci est menacé par un retour aux régimes autoritaires que prôneraient des puissances à nos portes (suivez mon regard) et même des Etats membres de l’UE. Il faut rappeler que l’Etat de droit est un concept de la philosophie politique allemande (« Rechtsstaat »), qui place les règles en surplomb du peuple, là où la tradition française promeut à l’inverse la souveraineté populaire comme légitimité en dernier ressort. Emmanuel Macron le confirme implicitement lorsqu’il affirme que « les droits universels de l’homme doivent être protégés des fièvres de l’histoire ». Comprendre : du peuple. De même, le modèle vanté d’« Etat providence » (le terme n’est pas neutre) est d’essence anglo-saxonne (« Welfare state »), là où la France (comme d’autres pays) s’est au contraire structurée à travers des luttes sociales.

En réalité, il ne peut y avoir de peuple européen parce qu’il n’y a pas de culture politique commune – ce qui n’a rien de dramatique. Sauf pour Emmanuel Macron, nostalgique de sa jeunesse qui fut celle, déclame-t-il devant les eurodéputés émus, de « l’évidence européenne ». Il a ensuite « vécu, comme beaucoup d’entre vous ici, le grand doute européen ». Et de citer au premier chef de cette descente aux enfers le référendum de 2005. Bel aveu. Comme les innombrables partisans (de tous bords) d’une « autre Europe », il en appelle donc à « refonder » celle-ci.

C’est trop tard, Manu.

Pierre Lévy

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Allemagne : Pierre Lévy, invité par RT, analyse les résultats électoraux

Par : pierre

Le rédacteur en chef du mensuel Ruptures, Pierre Lévy, était l’invité du journal de RT ce lundi 27 septembre.

Il est revenu sur les faits marquants du scrutin de la veille, et sur les perspectives. Plus de détails sur cet événement politique outre-Rhin dans l’édition de Ruptures à paraître mercredi 29 septembre.

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Manifestation contre les projets de fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon

Par : pierre

Le 24 juin, des centaines de personnels de santé se rassemblaient contre les projets de fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon, censés être remplacés, en 2028, par un campus hospitalo-universitaire à Saint-Ouen.

Les soignants dénoncent un plan qui accélérerait la tendance à la fermeture de lits enclenchée depuis de nombreuses années. Cette attaque contre l’hôpital public est en réalité une facette des politiques d’austérité appliquées pendant des décennies sous pression de l’Union européenne.

La dégradation des politiques de santé pilotées par Bruxelles a constitué un facteur aggravant dans le développement de la pandémie de Covid-19.

Ruptures fait donc écho à la mobilisation des personnels qui devrait se poursuivre dans la prochaine période.

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Ruptures : parution de l’édition de mai

Par : pierre

L’édition de mai de Ruptures est parue.

Au sommaire :

– l’éditorial qui pointe le désarroi des élites européennes visible à travers deux projets trompeurs et pathétiques : l’« Europe sociale », et la « Conférence sur l’avenir de l’Europe »

– un panorama de la catastrophe qu’est en train de vivre la filière industrielle de la fonderie, prise en tenaille entre délocalisations et exigences de la « transition écologique » européenne, dans un secteur automobile de plus en plus sinistré

– une analyse détaillée des récentes élections locales et régionales britanniques : en Angleterre, Boris Johnson confirme son triomphe de décembre 2019, les électeurs populaires validant une nouvelle fois le Brexit

– un point sur les conflits actuels non résolus entre Londres et Bruxelles

– un compte rendu du Conseil européen du 24 mai, où les Vingt-sept se sont déchaînés contre le président biélorusse, et ont fait monter encore la tension vis-à-vis de la Russie

– une analyse des élections régionales à Madrid, qui ont été marquées la victoire de la droite la plus ultralibérale au détriment du PS, déstabilisant quelque peu le gouvernement national du socialiste Pedro Sanchez

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

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Vaccins, Royaume-Uni : un nouveau débat du Point de Ruptures

Par : pierre

Le Point de Ruptures reprend le fil de ses débats contradictoires. Pour cette nouvelle émission, François Poulet-Mathis (ancien rédacteur en chef et éditorialiste Europe à France 3) et Pierre Lévy (rédacteur en chef de Ruptures) confrontent leurs points de vue sur deux sujets d’actualité :

La stratégie vaccinale de l’Union européenne : un succès du bloc, ou une catastrophe pour les peuples ?

L’évolution politique du Royaume-Uni : après le nouveau triomphe en Angleterre de Boris Johnson lors d’élections partielles, le Brexit est-il « perdant-perdant », ou bien au contraire un succès pour la liberté ?

L’édition de Ruptures à paraître fin mai livre informations et analyses sur ces thèmes – parmi bien d’autres. D’ores et déjà, les deux débatteurs les abordent…

Important : L’équipe de Ruptures a décidé de consacrer des moyens importants à la production régulière de l’émission. Or le journal n’a d’autres ressources que le produit des abonnements. Pour aider à financer cet investissement, le moyen le plus efficace est de s’abonner sans attendre !

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Économie, géostratégie : vers des évolutions en profondeur ? (éditorial paru dans l’édition d’avril)

Par : pierre

Douvrin, Pas-de-Calais. La plus que cinquantenaire Française de Mécanique va voir sa production délocalisée en Hongrie : ainsi en a décidé la direction de Stellantis, nouveau géant automobile issu de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler. Un exemple parmi d’autres de la toujours sacro-sainte libre circulation des capitaux, piler fondamental de l’Union européenne. Dans un autre registre, Bruxelles accroît ses pressions sur les Etats membres dans le contexte de la distribution des centaines de milliards du fonds de relance communautaire : les financements seront conditionnés au respect des exigences de « réformes » (retraites, chômage, marché du travail, contraintes environnementales…).

Pour autant, tout continue-t-il comme dans le « monde d’avant » ? Rien n’est moins sûr. La pandémie semble avoir cristallisé et accéléré des évolutions lourdes dans les choix des élites occidentales. A commencer par les plans de relance gigantesques aux Etats-Unis, pays pourtant réputé temple du « moins d’Etat ». Après les 2 100 milliards de dollars déversés à la fin de l’ère Trump, la nouvelle administration vient d’annoncer un nouveau programme économico-social à hauteur de 1 900 milliards, et prépare une injection de 2 000 voire 4 000 milliards, sur huit ans, dans les infrastructures. Le plan de l’UE (800 milliards d’euros annoncés) constitue également un tournant, même si son ampleur est jugée insuffisante par Emmanuel Macron qui dit craindre que l’Europe ne se fasse distancer par l’Oncle Sam. Et dans le domaine des aides publiques longtemps honnies, Bruxelles commence à s’interroger sur la priorité absolue donnée à la concurrence au sein du marché intérieur, dès lors que ce dogme risque maintenant d’handicaper l’affrontement économique avec Pékin. Quant au Royaume-Uni, autre bastion supposé de l’ultralibéralisme mais désormais libéré du carcan européen, il entend « mettre le paquet » sur les investissements productifs, scientifiques et technologiques.

Dans les trois décennies qui suivirent la seconde guerre mondiale, les pays occidentaux avaient misé sur l’intervention publique. Changement de cap à partir des années 1980-1990 : c’est l’idéologie symbolisée par le tandem Reagan-Thatcher qui prend le dessus. La loi absolue du marché, la concurrence la plus brutale, l’effacement de l’Etat deviennent des impératifs quasi-religieux. Trente ans plus tard, assiste-t-on à l’émergence d’un nouveau changement de paradigme ? Cette possible évolution majeure répond probablement à plusieurs facteurs, notamment économiques et technologiques.

Mais l’élément géopolitique n’est pas à négliger. Entre 1945 et 1990, l’« Ouest » était confronté à la concurrence « systémique » et stratégique de l’URSS et des pays associés. Dès lors que les dirigeants occidentaux ont estimé avoir gagné la guerre froide, le capitalisme a cru pouvoir s’imposer sur la planète entière pour l’éternité – ce que le chercheur Francis Fukuyama baptisa en 1992 « la fin de l’Histoire ».

Vingt ans plus tard… la Chine se considère en position de surclasser les Etats-Unis économiquement et technologiquement. La Russie n’est plus cet Etat failli et humilié mené par le vassal Boris Eltsine, mais une puissance qui s’est imposée au point d’être incontournable dans les points chauds du globe.

Si le président russe employait le même ton que les Occidentaux, le monde se rapprocherait probablement d’une déflagration

Peut-être est-ce à cette lumière qu’il faut comprendre les tensions internationales récentes, tout particulièrement depuis l’arrivée de Joseph Biden à la Maison Blanche. Un jour les dirigeants occidentaux s’indignent de la mort annoncée d’Alexeï Navalny, une émotion qui serait plus crédible s’ils s’intéressaient aussi au sort des prisonniers qui croupissent chez les très chers alliés tchadiens ou égyptiens, pour citer deux exemples tirés de l’actualité ; un autre jour, on « découvre » que des agents russes ont fait exploser un dépôt d’armes en Tchéquie… il y a sept ans ; un autre encore, le président américain accuse les services russes d’immixtion dans les élections de 2016 et 2020, et traite son homologue de « tueur » ; et bien sûr, l’OTAN et l’UE enjoignent à Moscou de renoncer à son invasion réputée imminente de l’Ukraine.

Si le président russe employait le même ton face à ses « partenaires » occidentaux, le monde se rapprocherait probablement d’une déflagration. Quoi qu’il en soit, entre interventionnisme économique, qui s’inscrit dans les rapports de force mondiaux entre alliés tout comme face aux adversaires, et défis stratégiques, une tectonique des plaques semble s’ébaucher.

La fin de l’Histoire ? Peut-être pas tout à fait.

Pierre Lévy

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« Censure, arbitraire, opacité : les réseaux sociaux, nouveaux maîtres du monde ? » – émission en direct

Par : laurent

Suite à l’affaire du « label rouge » de Twitter, Ruptures propose d’élargir le champ en organisant un débat sur le thème « Censure, arbitraire, opacité : les réseaux sociaux, nouveaux maîtres du monde ? »

En direct sur Internet, l’émission a eu lieu le mardi 13 avril à 19h. Elle a été diffusée sur la chaîne YouTube de Ruptures.

Pour cette première, l’équipe de Ruptures échange avec trois journalistes :

Elsa Ferreira, journaliste pigiste spécialisée en culture et technologie, elle écrit notamment pour les sites Makery et CTRLZ ;

Raphaël Grably, chef du service « BFM Tech » de BFM-TV ;

Erwan Seznec, journaliste indépendant, passé par La Tribune et Que Choisir, il contribue aujourd’hui à Marianne et Causeur.

L’émission évoque bien sûr le cas Ruptures/Twitter – les trois invités font partie des rares journalistes à en avoir rendu compte (voir leurs articles ci-dessous) –, mais il s’agit surtout de parler plus largement du pouvoir des grands réseaux sociaux états-uniens et en particulier de leur rôle prééminent dans la circulation de l’information et le contrôle de l’expression publique. En somme, quels sont les enjeux politiques et démocratiques de la situation de quasi-monopole des plateformes californiennes ?

L’équipe de Ruptures

Les articles de nos invités par ordre chronologique :

– « Twitter présente un journal français comme “affilié à la Russie” » – Raphaël Grably (BFM-TV)

– « Quand Twitter invente la bêtise artificielle » – Erwan Seznec (Causeur)

– « Modération des plateformes : y a-t-il un humain sur les réseaux ? » – Elsa Ferreira (CTRLZ)

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L’édition de mars est parue

Par : pierre

L’édition de mars de Ruptures est arrivée chez les abonnés.

Au sommaire :

– l’éditorial qui pointe l’irresponsabilité d’avoir suspendu pendant quatre jours, mi-mars, le vaccin AstraZeneca, et qui analyse les trois facteurs qui y ont concouru, dont la rancœur vis-à-vis du Brexit

– une information détaillée (qui n’est quasiment pas parue ailleurs) concernant le Tribunal constitutionnel allemand qui a suspendu la ratification par la RFA du plan de relance européen – or ce dernier nécessite l’approbation unanime des Vingt-sept

– une analyse des divergences et des frictions qui opposent les Vingt-sept en matière de stratégies vaccinale et sanitaire, alors que la Commission, appuyée par Paris et Rome, prévoit de mener une « guerre des vaccins » contre le Royaume-Uni

– un examen des résultats des élections générales aux Pays-Bas du 17 mars, à l’issue desquelles la coalition dirigée par le libéral Mark Rutte devrait être reconduite, mais qui ont vu les formations hostiles à l’intégration européenne, prises ensemble, légèrement progresser

– une analyse des deux scrutins régionaux du 14 mars en Allemagne, où les chrétiens-démocrates ont lourdement chuté, à six mois des élections générales et du départ d’Angela Merkel

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

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Un long chemin vers la liberté (éditorial paru dans l’édition du 25 janvier)

Par : pierre

Un cauchemar interminable. Telle est l’image que les adversaires inconsolables du Brexit voudraient coller au long processus qui a abouti à la sortie du Royaume-Uni. Un adieu assorti in extremis, le 24 décembre, d’un traité qui fixe le cadre des relations futures entre Londres et Bruxelles. L’accord a été obtenu aux forceps, mais sa signature était plus que probable – ce qui avait été prédit dans ces colonnes (Ruptures du 18/12/20) – alors même que les deux parties juraient tactiquement qu’elles étaient prêtes à un « no deal », et que les médias pariaient plutôt sur une telle rupture.

Depuis le 1er février 2020, le Royaume-Uni était juridiquement sorti de l’UE ; au 1er janvier de cette année, il a recouvré sa souveraineté économique, ultime accomplissement du choix populaire de juin 2016. Eu égard à l’énormité de l’enjeu – pour la première de l’histoire, un pays décide de quitter le club – peut-on vraiment s’étonner du délai et des embûches qui ont marqué ce chemin ? Premier facteur : les dirigeants européens entendaient « montrer ce qu’il en coûte d’en sortir ». Dès les résultats du référendum connus, « la grande peur, c’était que le Brexit fasse des émules » avouait récemment un politologue spécialiste des milieux bruxellois.

L’autre facteur réside dans l’ampleur des dossiers concernés : le commerce entre les deux rives de la Manche représente plus de 700 milliards d’euros annuels. Le rétablissement de droits de douane aurait eu des effets non négligeables pour les deux parties. La puissante industrie automobile allemande, pour ne prendre que cet exemple, redoutait comme la peste cette perspective.

Economiquement plus modeste mais politiquement aussi importante était la récupération – fût-ce à terme – de la souveraineté anglaise sur le domaine maritime et les droits de pêche afférents. Par ailleurs, Londres a également obtenu la mise hors jeu de la Cour européenne de l’UE que le négociateur européen voulait maintenir comme futur arbitre. Mais c’est sans doute dans le domaine des règles de concurrence que le succès du premier ministre britannique est le plus marquant. Depuis l’origine, et jusqu’au dernier mois de négociations, les Vingt-sept voulaient imposer, en échange du commerce sans taxes ni quotas, que le Royaume-Uni s’aligne sur les règles de Bruxelles (sociales, environnementales, fiscales et d’aides d’Etat), et même s’engage à adopter sans mot dire toutes les dispositions communautaires futures… Motif affiché : « pas question que la Grande-Bretagne puisse exercer un dumping déloyal à nos portes ». Comme si le moins-disant fiscal (Irlande, Luxembourg, Pays-Bas) ou social (pays de l’Est) n’était pas déjà massif au sein des Vingt-sept…

L’accord prévoit une clause de non régression. Mais Londres aura bien la possibilité de « diverger », ce qui était la raison d’être de la sortie de l’UE. Boris Johnson a ironiquement rassuré les dirigeants européens : « nous n’envisageons pas d’envoyer immédiatement les enfants travailler à l’usine ». Une remarque qui rappelle opportunément l’absurdité de la fable européenne selon laquelle l’UE serait un havre de justice sociale et de cohésion fiscale face à un Royaume-Uni adepte de la déréglementation à outrance. Certes, lorsque M. Johnson était maire de Londres, il s’affichait en ultra-libéral, au moment même où son camarade de parti David Cameron, alors à Downing Street, poursuivait la politique lancée par Margaret Thatcher en 1979 et suivie par les Travaillistes Anthony Blair et Gordon Brown.

Boris Johnson a promis la fin de l’austérité et un réinvestissement massif dans les services publics, une politique impossible dans le cadre de l’UE

Mais l’époque a fondamentalement changé (et c’est antérieur au Covid) : l’actuel premier ministre a tourné le dos à la City et dirigé sa campagne vers le monde ouvrier et les classes populaires, celles-là mêmes qui ont assuré massivement le succès du Brexit. A ces électeurs, en particulier dans le centre et le nord de l’Angleterre, il a promis la fin de l’austérité, un réinvestissement massif dans les services publics, et un grand retour de l’Etat. Une politique impossible dans le cadre de l’UE.

Ultime crève-cœur pour les dirigeants européens : si les parlementaires britanniques pro-UE n’avaient pas mené une implacable guérilla au point de paralyser durant des mois Westminster en espérant mettre en échec le choix populaire de 2016, Boris Johnson n’aurait pas remplacé Theresa May qui était, elle, bien plus disposée à des compromis favorables aux Vingt-sept. Le traité signé le 24 décembre reflète au contraire, à 99%, les vues des Brexiters les plus « durs », un résultat que même ceux-ci n’imaginaient pas en 2016. Réjouissant paradoxe.

Pierre Lévy

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Die EU-Politiker und die Veränderungen in den USA

Par : pierre

Am 20. Januar wird Joseph Biden Donald Trump im Oval Office ablösen. Der Übergang findet in einem besonders angespannten Klima statt: Der scheidende Präsident erkennt die Realität seiner Niederlage nicht an; ihm wird vorgeworfen, seine Anhänger zu einem Marsch auf das Kapitol am 6. Januar aufgerufen zu haben; sein Twitter-Account wurde auf Beschluss des « Big Tech »-Riesen gelöscht; und er ist Gegenstand eines neuen Amtsenthebungsverfahrens, das nicht erfolgreich sein wird, aber alle Merkmale einer politischen Rache trägt.

Es ist wahr, dass seine Gegner – insbesondere das demokratisch-mediale-politische Establishment – seit seiner Wahl 2016 einen permanenten Guerillakrieg führen, um ihn zu diskreditieren und aus dem Amt zu entfernen. Daran zu erinnern, heißt keineswegs, mit der Politik zu sympathisieren, die er betrieben hat und deren schreckliche Folgen viele Völker erleiden mussten, von Syrien bis Iran, über Palästina oder Venezuela. Der Hausherr im Weißen Haus hat jedoch keinen neuen Krieg begonnen, was ihn von seinen Vorgängern unterscheidet. Und er hat die westlichen Führer zutiefst destabilisiert. Willige Vasallen, die daran gewöhnt sind, Washington als ultimativen Kompass für ihre existenziellen « Werte » anzuerkennen.

Zweifellos lassen sich so ihre hysterischen Reaktionen auf die Ereignisse der letzten Tage erklären. Zwar sind die Vereinigten Staaten von einer extrem gespaltenen Innenpolitik geprägt. Man darf sich aber über die zumindest ungewöhnlichen und undiplomatischen Haltungen und Äußerungen vieler europäischer Staats- und Regierungschefs, der EU selbst sowie der Mainstream-Presse, wundern. Angesichts der « Krawalle » in der Bundeshauptstadt rekrutieren sich die neuen Empörten diesmal nicht aus den Arbeiterschichten, sondern aus den Reihen des Europäischen Rates.

Der französische Präsident ist am weitesten gegangen, indem er mitten in der Nacht ein Video aufnahm, das wenige Stunden nach dem Eindringen hunderter Demonstranten in das Kongressgebäude, 6 000 Kilometer von Paris entfernt, online gestellt wurde. So bekräftigte Emmanuel Macron, dass « Frankreich mit Alexis de Tocqueville die Vereinigten Staaten von Amerika als Emblem der Demokratie anerkannt hat », und hämmerte abschließend: « Wir werden der Gewalt einiger weniger, die dies in Frage stellen wollen, nicht nachgeben ».

Der Einbruch in das amerikanische Parlament ist zwar nicht unbedeutend und hat sogar den Tod von fünf Menschen verursacht. Aber wer kann ernsthaft behaupten, wie der Hausherr des Elysée-Palastes, seine Freunde und seine Sprecher es ständig getan haben, dass « die amerikanische Demokratie ins Wanken geraten ist »? Als ob die Macht vakant gewesen wäre, als ob ein Putsch ausgeheckt worden wäre, um sie zu ergreifen, wo doch die Menge danach ruhig wegging.

Auffällig ist vor allem, dass sich das französische Staatsoberhaupt von den Washingtoner Demonstranten direkt anvisiert fühlte. Offensichtlich, und auch wenn der politische Inhalt ein ganz anderer ist, spukt ihm das Gespenst der Gelbwesten immer noch nach, wie er damals, um sich selbst zu erschrecken, gestand, dass das französische Volk es nie bereut hat, dem König den Kopf abgeschlagen zu haben.

« Wir sind immer noch schockiert über das, was in den USA passiert ist (…) die Demokratie ist zerbrechlich, anfällig für Angriffe von innen und von außen »

Vera Jourova

Diese Gleichsetzung zwischen dem Aufruhr in der amerikanischen Hauptstadt und den « Risiken », die die Demokratien auf dem Alten Kontinent eingehen würden, ist auch in einem Text von Vera Jourova, der für « Werte und Transparenz » (sic!) zuständigen Vizepräsidentin der Europäischen Kommission, zu lesen. Die tschechische Politikerin beginnt ihren Text (der in mehreren Sprachen auf der Euractiv-Website veröffentlicht wurde): « Wir sind immer noch schockiert über das, was in den USA passiert ist (…) die Demokratie ist zerbrechlich, anfällig für Angriffe von innen und von außen ». Von den « Angriffen von außen  » hat jeder verstanden, dass sie von Russland ausgehen, dem üblichen Verdächtigen aller im Westen auftretenden Störungen. Aber es muss festgestellt werden, dass für die Europäische Kommission, wenn die Demokratie auf der einen Seite des Atlantiks « intern » angegriffen wird, sie notwendigerweise auch auf der anderen Seite angegriffen wird.

Die EU-Politikerin verweist dann (übrigens zu Recht) auf die schädliche Rolle der großen sozialen Netzwerke und ihre Willkürherrschaft, um dann aber festzustellen, dass « wir aufhören müssen, Angriffe auf europäische Werte zu akzeptieren » – ein Satz, der Lehren aus den Ereignissen… in Washington ziehen soll. Die Erklärung für dieses Paradoxon liegt wahrscheinlich am Ende des Textes, wo die Autorin warnt: « Wir dürfen die Menschen nicht zurücklassen ». Dies ist ein ausdrückliches Eingeständnis, das die wachsende Kluft zwischen den westlichen Eliten und den Völkern anerkennt. Eine Kluft aus Klassenarroganz, die Hillary Clinton 2016 karikierte und die sie den Sieg kostete.

« Dies ist ein Thema für alle liberalen Demokratien. Es geht um das wachsende Misstrauen gegenüber unseren Institutionen »

Alain Frachon, Le Monde

Eine Kluft, die auch innerhalb der Europäischen Union immer größer wird. So sehr, dass zum Beispiel in Frankreich eine Kolumnistin von Le Monde ihre Analyse betitelte (30.12.2020): « Und nun kommt der Schatten des Frexits“. Alain Frachon, einer der außenpolitischen Kolumnisten derselben Tageszeitung, bemerkte seinerseits (15.01.2021) nach den Ereignissen in der amerikanischen Hauptstadt, dass das « Geheimnis von Trump (…) in den Dutzenden von Millionen Amerikanern liegt – kompetent, intelligent, ein breites Spektrum an sozialem und beruflichem Hintergrund abdeckend –, die überzeugt sind, dass die Wahl gestohlen wurde ». Er schloss: « Dies ist ein Thema für alle liberalen Demokratien. Es geht um das wachsende Misstrauen gegenüber unseren Institutionen.

Man mag über die Verwendung des Wortes « scheinen » schmunzeln, aber in Wirklichkeit ist es genau das: Die große gemeinsame Angst der oligarchischen Kaste ist dieses wachsende Misstrauen der Bevölkerung – nicht gegenüber der Demokratie, sondern gegenüber den Institutionen und Personen, die zu Unrecht behaupten, sie zu verkörpern.

Viele Pro-Brüssel-Kommentatoren versuchen sich zu beruhigen: die US-Krise sei ein weiterer Grund, ein eigenständiges « europäisches Modell » aufzubauen, das auf einer weiteren EU-Integration basiert und in der Lage ist, in der Welt « eine Rolle zu spielen ». Der Diskurs ist – leider für sie – nichts Neues. Man kommt immer wieder auf dieses Theorem zurück: Was bei der Schaffung von Europa nicht funktioniert hat, wird bei der Schaffung von mehr Europa funktionieren.

Viel Glück !

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Les dirigeants européens scandalisés et indignés par les manifestants pro-Trump

Par : pierre

Le 20 janvier, Joseph Biden va remplacer Donald Trump dans le bureau ovale. Une transition qui s’opère dans un climat particulièrement tendu : le président sortant ne reconnaît pas la réalité de sa défaite ; il est accusé d’avoir appelé ses partisans à marcher, le 6 janvier, sur le Capitole ; son compte Twitter a été supprimé par décision du géant de la « Big Tech » ; enfin, il fait l’objet d’une nouvelle procédure de destitution qui, ne pouvant aboutir, a tout d’une vengeance politique.

Il est vrai que ses adversaires – en particulier l’establishment politico-médiatique démocrate – ont mené dès son élection en 2016 une guérilla permanente pour le décrédibiliser et le destituer. Rappeler cela ne revient nullement à sympathiser avec la politique qu’il a menée, et dont de nombreux peuples ont eu à subir les terribles conséquences, de la Syrie à l’Iran, en passant par la Palestine ou le Venezuela. L’hôte de la Maison Blanche n’a, en revanche, engagé aucune nouvelle guerre, ce qui le distingue de ses prédécesseurs. Et il a profondément déstabilisé les dirigeants occidentaux, vassaux volontaires habitués à prendre Washington pour boussole ultime de leurs « valeurs » existentielles.

Sans doute est-ce ainsi que peuvent s’expliquer les réactions parfois hystériques de ceux-ci aux événements de ces derniers jours. Car si l’on comprend bien que les Etats-Unis sont marqués par une politique intérieure clivée à l’extrême, on peut s’étonner des attitudes et déclarations pour le moins inhabituelles et peu diplomatiques de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement européens, de l’UE elle-même, ainsi que de la grande presse qui partage leur idéologie. Face aux « émeutes » de la capitale fédérale, les nouveaux indignés ne se recrutent pas, cette fois, parmi les gueux, mais au sein du Conseil européen.

Le président français s’est à cet égard particulièrement illustré en enregistrant en pleine nuit une vidéo mise en ligne quelques heures après l’intrusion de centaines de manifestants au sein du bâtiment du Congrès, à 6 000 kilomètres de Paris. Emmanuel Macron a ainsi affirmé que « la France, avec Alexis de Tocqueville, a reconnu les Etats Unis d’Amérique comme un emblème de la démocratie », pour finalement marteler : « nous ne cèderons rien à la violence de quelques-uns qui veulent remettre en cause cela ».

Certes, l’envahissement du parlement américain n’est pas anodin, et a même provoqué la mort de cinq personnes. Mais qui peut sérieusement affirmer, comme n’ont cessé de le clamer l’hôte de l’Elysée, ses amis et ses porte-voix, que la « démocratie américaine a vacillé » ? Comme si le pouvoir avait été vacant, comme si un putsch avait été concocté pour s’en emparer, alors même que la foule repartait ensuite tranquillement.

Surtout, ce qui frappe, c’est que le chef de l’Etat français s’est senti directement visé par les manifestants de Washington. Manifestement, et même si le contenu politique est bien différent, le spectre des Gilets jaunes le hante toujours, lui qui confiait alors, pour s’en effrayer, que le peuple français n’a jamais regretté d’avoir coupé la tête au roi.

« Nous sommes encore sous le choc des évènements qui ont eu lieu aux Etats-Unis (…) la démocratie est fragile, elle est sujette à des attaques internes et externes »

Vera Jourova, vice-présidente
de la Commission européenne

Cette assimilation entre les troubles de la capitale américaine et les « risques » que courraient les démocraties sur le Vieux continent est également patente dans un texte rédigé par Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne chargée des « valeurs et de la transparence » (sic !). La responsable politique tchèque commence ainsi sa tribune (publiée en plusieurs langues sur le site Euractiv) : « nous sommes encore sous le choc des évènements qui ont eu lieu aux Etats-Unis (…) la démocratie est fragile, elle est sujette à des attaques internes et externes ». Passons sur les « attaques externes » dont chacun comprend qu’elles émanent de la Russie, habituelle suspecte de tous les désordres occidentaux. Mais force est de constater que pour la Commission européenne, quand la démocratie est attaquée « en interne » d’un côté de l’Atlantique, elle l’est forcément de l’autre.

La dirigeante bruxelloise pointe ensuite (à juste titre, du reste) le rôle néfaste des grands réseaux sociaux et leur pouvoir arbitraire, mais c’est pour conclure que « nous devons cesser d’accepter les attaques contre les valeurs européennes » – une phrase censée tirer les leçons des événements… de Washington. L’explication de ce paradoxe réside sans doute à la fin du texte où l’auteur alerte : « nous ne pouvons pas laisser la population sur le banc de touche ». C’est un aveu explicite qui reconnaît le fossé grandissant entre les élites occidentales et les peuples. Un fossé fait d’arrogance de classe et de mépris du peuple qu’avait caricaturalement incarnés Hillary Clinton en 2016, et qui lui avaient coûté la victoire.

« La question concerne toutes les démocraties libérales. Elle est celle de la défiance croissante dont nos institutions semblent être l’objet »

Alain Frachon, Le Monde (15/01/2021)

Un fossé qui croît également au sein de l’Union européenne. Au point qu’en France par exemple, une chroniqueuse du Monde titrait son analyse (30/12/2020) : « Et maintenant, l’ombre du Frexit »… Alain Frachon, l’un des éditorialistes de politique étrangère du même quotidien, notait pour sa part (15/01/2021), après les événements de la capitale américaine, que le « mystère Trump est (…) dans les dizaines de millions d’Américains – compétents, intelligents, couvrant un vaste spectre d’origine sociale et professionnelle – qui sont convaincus que l’élection a été volée ». Et de conclure : « la question concerne toutes les démocraties libérales. Elle est celle de la défiance croissante dont nos institutions semblent être l’objet ».

On peut sourire sur l’emploi du terme « semblent », mais au fond, c’est exactement cela : la grande peur commune de la caste oligarchique, c’est cette défiance populaire croissante – non certes envers la démocratie, mais envers les institutions et les hommes qui prétendent indûment l’incarner.

De nombreux commentateurs pro-Bruxelles tentent de se rassurer en voyant dans les affres américaines une raison supplémentaire de construire un « modèle européen » distinct, reposant sur une intégration plus poussée de l’UE capable de « peser » dans le monde. Le discours n’est – hélas pour eux – pas nouveau. Il revient toujours à ce théorème : ce qui n’a pas marché en faisant l’Europe marchera en faisant plus d’Europe encore.

Bon courage !

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« Ruptures » face à l’arbitraire de Twitter : bilan provisoire de l’affaire du « label rouge »

Par : laurent

La firme à l’oiseau bleu refuse toujours de retirer le « label rouge » qu’elle a attribué à Ruptures en septembre dernier. Twitter refuse même de justifier publiquement sa décision. Retour sur quatre mois d’une affaire entre poussée néo-maccarthyste et arbitraire kafkaïen. À l’image de l’évolution des grands réseaux sociaux états-uniens vers une censure politique plus serrée ?

Le 7 septembre 2020, Ruptures publie un article sur son site Internet : « Retour sur le Russiagate : 98 % des médias français ont été conspirationnistes ». Moins d’une heure après la mise en ligne, nous observons l’apparition d’un label sur notre compte Twitter : « Média affilié à un État, Russie ».

Nous contactons immédiatement le réseau social par voie électronique pour faire retirer cette qualification aussi absurde qu’erronée, puis nous envoyons une lettre recommandée à Twitter France le 11 septembre.

Un mois plus tard, nous constatons dans un communiqué que nous n’avons reçu aucune réponse de la firme à l’oiseau bleu et que la couverture médiatique de l’affaire est quasi inexistante.

Fin octobre, les médias francophones ayant traité cette histoire se comptent sur les doigts d’une main. La situation ne s’améliorera guère par la suite. Quelques blogs et chaînes YouTube ont néanmoins soutenu Ruptures.

Le 1er décembre, nous envoyons une deuxième lettre recommandée. Cette fois-ci Twitter (International) nous répondra – en anglais – deux semaines plus tard. Voici son verdict quant à notre demande de retrait du label : « nous vous informons que notre décision reste la même pour le moment ». Le réseau social ajoute : « Si vous avez des informations supplémentaires que vous souhaitez que nous prenions en considération, veuillez les fournir dans les meilleurs délais. »

Début janvier, nous faisons savoir à la firme californienne dans une nouvelle lettre qu’elle procède à une inversion flagrante de la charge de la preuve. C’est à l’accusateur de fournir les éléments censés fonder ses allégations. Or elle nous demande en somme de lui faire parvenir une attestation de non-affiliation à Moscou…

La réponse – très brève – de Twitter viendra rapidement. L’entreprise refuse de retirer le « label rouge » et de s’expliquer sur sa décision arbitraire.

Depuis, le réseau social a fait parler de lui en supprimant le compte du président des États-Unis en exercice après les événements du Capitole à Washington. De nombreux autres comptes ont été désactivés dans la foulée, ils appartiennent majoritairement à des soutiens réels ou supposés de Donald Trump. Twitter avait déjà procédé par le passé à de telles suppressions (ainsi que des restrictions d’accès et autres censures de contenus) en ciblant aussi des personnalités et organisations anti-impérialistes, mais la purge est cette fois massive. Facebook, YouTube et d’autres plateformes agissent dans le même sens.

Censure politique, limitation de la liberté d’expression, deux poids deux mesures… L’évolution délétère des grands réseaux sociaux états-uniens (en situation de quasi-monopole) devrait conduire à une prise de conscience. Il y a urgence.

En ce qui concerne Ruptures, nous ne nous résignons nullement à subir le néo-maccarthysme de Twitter. Nous sommes plus que jamais déterminés à obtenir le retrait du label. Comme annoncé précédemment, nous préparons une initiative au sujet de cette expérience kafkaïenne et du contexte plus général dans lequel elle s’inscrit.

L’équipe de Ruptures

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Twitter répond enfin à « Ruptures »

Par : laurent

Suite de l’affaire kafkaïenne du « label rouge »…

Plus de trois mois après nous avoir attribué un label erroné (« Média affilié à un État, Russie »), Twitter a finalement réagi* à nos demandes de retrait de celui-ci. Notre deuxième lettre recommandée, envoyée le 1er décembre, est cette fois arrivée à bon port.

Enfin, pas tout à fait, car nous avions écrit à Twitter France et c’est le service international des litiges qui nous a répondu par voie électronique – en anglais évidemment – le 14 décembre, nous signifiant que l’antenne française n’était pas la bonne interlocutrice pour notre requête. C’est à la Twitter International Company, domiciliée en Irlande, qu’il fallait s’adresser. Mais l’expérience kafkaïenne va plus loin.

Malgré cette erreur de destinataire, la firme californienne condescend à nous dire qu’elle a bien pris connaissance de notre courrier et qu’elle a examiné les éléments qui l’ont conduite à nous attribuer le label. Et voici son verdict : « nous vous informons que notre décision reste la même pour le moment ». Le réseau social ajoute : « Si vous avez des informations supplémentaires que vous souhaitez que nous prenions en considération, veuillez les fournir dans les meilleurs délais. »

Il s’agit d’une inversion flagrante de la charge de la preuve. Non seulement Twitter ne communique toujours aucun élément concret pour justifier son action (et pour cause !), mais l’oiseau bleu nous demande en fait de démontrer par nous-mêmes que nous ne sommes pas de mèche avec l’État russe. Il oublie de nous indiquer à quel endroit on peut se faire délivrer un certificat de non-affiliation à Moscou.

Que faire désormais face à cet arbitraire, cette opacité ? Nous allons bien sûr répondre à Twitter que c’est à l’accusateur de prouver ses dires. Mais il nous semble surtout urgent de mobiliser contre le néo-maccarthysme en ligne. La censure politique et la limitation de la liberté d’expression sont en train d’être largement sous-traitées par les autorités à des géants privés du numérique, tous états-uniens (Google/YouTube, Facebook, Twitter). La situation se dégrade rapidement.

Nous comptons organiser prochainement une initiative autour de ce thème.

L’équipe de Ruptures

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*La réponse de Twitter, reçue le 14 décembre :

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Avec Biden, l’Europe vassalité ? (éditorial paru dans l’édition du 23/11/2020)

Par : pierre

Et maintenant ? C’est peu dire que les dirigeants européens et la presse qui leur est fidèle ont festoyé dès lors que s’est confirmée la victoire du prétendant démocrate à la Maison Blanche. Le chef de la diplomatie de l’UE a salué « un jour formidable pour les USA et pour l’Europe », son collègue de l’OTAN surenchérissait, tandis que le président de l’europarlement soulignait « les valeurs communes » des USA et de l’UE. De son côté, Pablo Iglesias, vice-premier ministre espagnol et chef de la « gauche radicale » (!) s’est réjoui : « Trump a perdu l’élection, c’est une très bonne nouvelle pour la planète, l’extrême droite globale perd son parrain politique le plus important ».

Mais, passée l’euphorie du moment, les uns et les autres sont conscients que, si le ton à Washington s’annonce plus aimable et plus cordial, l’amour de l’Europe ne sera pas la priorité du futur président. Les négociations commerciales demeureront d’autant plus un sujet d’affrontement que c’est l’engagement d’Hillary Clinton pour le libre échange qui avait causé la défaite de cette dernière en 2016 – la leçon a été retenue. Quant à l’exigence que les alliés européens consacrent 2% aux dépenses militaires dans le cadre atlantique, elle ne risque pas d’être abandonnée : elle avait été affichée par Barack Obama dès 2014, Joseph Biden étant alors vice-président.

Une large part des futurs rapports transatlantiques se décidera en Allemagne, cible prioritaire de Donald Trump pendant quatre ans. La classe politique de ce pays a la fidélité atlantique dans ses gênes. La chancelière a ainsi estimé – et les mots ont un sens – que « l’amitié transatlantique est irremplaçable ». Son ancien ministre de la défense, Ursula Von der Leyen, devenu la patronne de la Commission européenne, a pour sa part martelé que « les Etats-Unis et l’UE sont des alliés et des amis, nos citoyens partagent les liens les plus profonds »…

Deux tendances se dessinent cependant à Berlin. L’une à laquelle appartient l’actuel ministre de la défense, une fidèle d’Angela Merkel, plaide pour rattraper quatre ans de servilité contrariée, et réclame ainsi d’« en finir avec les illusions de l’autonomie stratégique européenne », ce qui a profondément agacé Paris. L’autre tendance considère que le meilleur service à rendre à Washington est au contraire de développer ladite autonomie européenne : les alliés européens, donc l’UE, devraient ainsi prendre la responsabilité de policer leur voisinage – les Balkans, l’Europe orientale, la Méditerranée… – ce qui permettrait à l’Oncle Sam de se concentrer sur sa priorité stratégique, l’Asie. Norbert Röttgen, le puissant président de la commission des affaires étrangères du Bundestag, lui aussi atlantiste connu, se réjouissait ainsi que Washington se tourne « enfin » prioritairement vers l’Asie, et confie le soin aux Européens d’« assumer leurs responsabilités » envers leurs propres voisins.

Le ministre de l’économie, Peter Altmaier, un très proche de la chancelière, est allé plus loin en estimant que « l’Europe a ses propres intérêts à défendre contre les Etats-Unis ». Sans doute pensait-il notamment au projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit relier la Russie à l’Allemagne. L’ouvrage est construit à plus de 90%, mais Washington bloque son achèvement à coup de pressions et de menaces. Les différences d’approche ne sont pas cantonnées à l’intérieur de l’Union chrétienne-démocrate. Le social-démocrate Heiko Maas, ministre des affaires étrangères, a plaidé dans le même sens : la complémentarité transatlantique impose un « travail d’équipe » (et non une soumission).

L’épouvantail Trump parti, la tentation de renouer avec une sage vassalité européenne ne manquera pas de revenir dans certaines capitales, hélas pour l’Elysée

L’homologue français de M. Altmaier, Bruno Le Maire, est allé dans le même sens en martelant : « il est temps que les Européens assument leurs responsabilités ». Une déclaration qui s’inscrit dans la ligne élyséenne : Emmanuel Macron n’a cessé de plaider pour bâtir ce qu’il nomme une « souveraineté européenne ». De ce point de vue, et paradoxalement, le président français a quelques raisons de craindre les conséquences du départ de Donald Trump : l’épouvantail parti, la tentation de renouer avec une sage vassalité ne manquera pas de revenir dans certaines capitales – et tant pis pour le lyrisme macronien d’une Union européenne autonome et majeure.

Ces deux orientations sont aussi néfastes l’une que l’autre. Plus le monde est instable, plus les peuples ont intérêt à rejeter tant la soumission à un suzerain que l’intégration dans un bloc.

Et à reconquérir le seul atout d’avenir qui vaille : l’indépendance nationale.

Pierre Lévy

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Censure en ligne : « Ruptures » écrit de nouveau à Twitter pour exiger le retrait du « label rouge »

Par : laurent

Ruptures vient d’envoyer une deuxième lettre recommandée à Twitter France – qui n’a pas répondu à la première – pour exiger le retrait du label mensonger que le réseau social nous a attribué le 7 septembre 2020, moins d’une heure après la publication de cet article.

Comme la couverture médiatique de l’affaire est très réduite, y compris du côté des médias dits « indépendants » ou « alternatifs », nous encourageons ceux qui s’inquiètent des avancées de la censure politique et du néo-maccarthysme en ligne à faire connaître les pratiques arbitraires de la firme californienne.

Voici un fac-similé de notre lettre :

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À lire : « Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique » de Marc Fontecave

Par : laurent

Une recension du livre de Marc Fontecave Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique (Flammarion, 2020) par Françoise Delcelier-Douchin, ingénieur au Centre national d’études spatiales (Cnes).

Il est rare d’entendre autant de scientifiques (virologues, épidémiologistes, biologistes à la recherche d’un vaccin, etc.) s’exprimer dans les médias, tous supports confondus, qu’en cette fin d’année 2020, plongés au cœur de la pandémie de coronavirus. Ces derniers mois, ils ont pris le relais des climatologues, glaciologues, spécialistes des énergies… Mais quel que soit le sujet, en écho à leurs interventions, le quatrième et le cinquième pouvoirs, respectivement les médias (écrits, audiovisuels) et les citoyens commentent, s’insurgent, dénoncent… Formidable vitalité d’une démocratie peuplée d’individus à l’esprit critique aiguisé par une culture abondante et multidisciplinaire ? Ou population dotée d’un esprit de critique systématique, soumettant toute allégation « à la critique rongeuse des souris » comme le dénonçait Karl Marx en son temps.

Marc Fontecave est chimiste de formation ; professeur au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences, il dirige une équipe de chercheurs sur la photosynthèse artificielle qui permettrait de « transformer le soleil en carburants » comme il l’écrit lui-même. Fervent défenseur des sciences et techniques et de leur apport indéniable à l’Humanité, il se donne deux grandes ambitions en publiant son ouvrage Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique. Au fil de trois grands chapitres, il incite le lecteur à le suivre sur le chemin, certes cahoteux, qui mènera à une réconciliation entre Progrès et Environnement ; mais encore, il s’attaque avec force pédagogie aux idées reçues, opposant à des croyances quasi mystiques des ordres de grandeur physiques incontestables.

Convaincu que les objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre (principaux responsables de l’augmentation de la température atmosphérique), acceptés par nombre de gouvernements sont parfaitement irréalistes, il fait la démonstration que les politiques énergétiques vont le plus souvent à contre-courant de cette diminution.

En effet, il démontre que seul le doublement de la part de l’électricité (de 25 % à 50 %) dans les énergies permettrait une décarbonation significative des secteurs les plus critiques (chauffage, transports et bâtiment), à condition que cette énergie électrique soit assurée par un mix énergétique performant et aussi propre et renouvelable que possible.

Or les chiffres et les faits sont là : la formidable promotion faite aux énergies solaire photovoltaïque et éolienne, certes renouvelables par essence et non génératrices de CO₂ dans leur utilisation est un leurre, et même, osons le dire, un mensonge, quand elles sont seules érigées au rang d’énergies de substitution du parc énergétique actuel.

Ces énergies ont une efficacité médiocre, elles sont constituées de matériaux rares (et donc non renouvelables), leur transformation est hautement génératrice de CO₂ puisque réalisée dans des usines alimentées au charbon ou au pétrole, elles sont intermittentes et non stables puisque la nuit, les nuages et le vent ne se commandent pas (encore ?) et sont donc irrémédiablement liées à une énergie de substitution ou à des moyens de stockage (batteries). Or, ces derniers sont peu vertueux aujourd’hui en termes d’émission de gaz à effet de serre ou sont encore au stade de prototype (hydrogène). Que dire enfin des conflits d’usage des sols qu’elles génèrent, tant la surface occupée doit être immense pour atteindre une production de masse ? Elles seront tout au plus un accompagnement de sources d’énergies plus efficaces.

Coulant de source sous la plume de Marc Fontecave, les mêmes critères appliqués aux autres énergies conduisent à une conclusion sans appel : la décarbonation de l’énergie et son effet significatif sur les émissions polluantes placent le nucléaire au premier plan. Mais sur ce sujet, gousses d’ail et crucifix sortent de l’ombre ! L’énergie diabolique est de retour…

Il ne faut pas moins d’un chapitre entier pour rappeler l’absence totale d’émission de CO₂ lors de l’utilisation (et le volume modéré produit lors de la construction de la centrale, dû au béton notamment), l’emprise au sol ridicule d’une centrale nucléaire en regard d’une centrale éolienne de même capacité (facteur 2 500 environ), la puissance colossale déployée, et une politique de sécurisation drastique.

Et l’auteur de se désoler que certaines options soient souvent disqualifiées « au mépris de simples règles de la physique », par des décideurs politiques davantage soucieux d’alliances électorales ou enclins à paraître plus verts que la chlorophylle aux yeux de leurs concitoyens. Mais les politiques ne sont pas seuls en cause, selon lui : des scientifiques sortent de leur domaine de compétence pour déployer des argumentaires que la pauvreté et l’approximation feraient bondir, appliquées à leur propre champ d’expertise ; des journalistes, malheureusement trop souvent formés aux seules sciences humaines et sociales relaient des énormités scientifiques et techniques ; des citoyens qui n’ont pas eu la chance d’accéder à un enseignement de la physique ou qui l’ont oublié… envient régulièrement l’herbe plus verte dans le champ du voisin mais lui laissent ses éoliennes (bruyantes), confondent la vapeur d’eau des tours de refroidissement des centrales avec des gaz à effet de serre (polluantes) et créent une association à chaque parc photovoltaïque déployé (laid). En résumé, à la différence de Saint Thomas, ils ne voient que ce qu’ils croient.

Le peuple de France, dans toutes ses composantes, fier à juste titre de sa culture, de son histoire, de sa souveraineté et de ses réussites passées (Concorde, TGV, Ariane, etc.) serait bien inspiré, de (re)lire De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville et de se donner comme objectif de faire l’éclatante démonstration que la démocratie française peut déjouer les travers que le philosophe prophétisait pour sa cousine américaine : vision court-termiste (alors que les considérations sur le climat imposent de penser en temps long), consumérisme effréné (cause d’émissions de gaz à effet de serre et de pollutions diverses), détermination du vote sur la base d’informations parcellaires, grossièrement agglomérées, parfois erronées, et sans faire l’effort d’une quelconque vérification.

Dans une ambiance apaisée où ne s’échangeraient plus que des considérations incontestables, la voie serait tracée pour renouer avec un progrès technique qui a permis l’augmentation de la longévité humaine, l’éradication de nombre de maladies, le recul des famines, le confort quotidien… Il est vrai, et Marc Fontecave le rappelle, ce progrès n’a pas été partagé par tous, pour paraphraser Aristote. Mais n’est-ce pas un formidable défi que de permettre au milliard de Terriens qui n’ont pas encore accès à l’énergie de partager ses bienfaits, de déployer toutes les intelligences pour que le vivre mieux s’accorde avec le vivre propre et que les effets inévitables aujourd’hui des politiques ayant tardé à se mettre en place puissent être palliés à moindre dégât ?

Pourraient alors s’accorder une politique courageuse de réindustrialisation, soutenue par une recherche fondamentale et appliquée aux énergies de demain, secteurs dans lesquels l’enthousiasme d’une jeunesse formée à la physique et aux techniques innovantes pourrait s’exprimer, soutenue par des citoyens qui se seront détournés des ayatollahs du catastrophisme, des chantres de la décroissance, ambition profondément égoïste et synonyme de davantage de misère, qui auront retrouvé l’optimisme et la confiance nécessaires aux nouveaux défis à relever.

Citoyens, professeurs, décideurs, journalistes… pour mettre à profit cette période de confinement et sortir de la paresse confortable qui enkyste les certitudes, lisez cet ouvrage d’éducation populaire complet et documenté. La pédagogie de Marc Fontecave, « distribue suffisamment de miettes parfumées de savoirs pour ouvrir l’appétit de la connaissance » pour reprendre les mots de Jean-Marie Albert. Halte au catastrophisme ! permet ainsi une réconciliation avec des domaines certes complexes mais traités ici avec simplicité pour demain décider, s’exprimer et peut-être voter en conscience.

Françoise Delcelier-Douchin

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L’édition d’octobre de Ruptures est parue

Par : pierre

L’édition d’octobre de Ruptures a été routée le 27 octobre.

Au sommaire :

– l’éditorial qui pointe l’ambition de l’« Europe-puissance » rêvée par Bruxelles, un objectif voué à l’échec mais également dangereux pour la paix et les intérêts nationaux des Etats membres

– un point sur le projet de la multinationale Bridgestone de fermer son usine de Béthune, à la fois pour profiter d’une délocalisation en Pologne largement financée par l’UE, et comme conséquence de la « transition écologique » catastrophique pour l’industrie automobile

– un compte-rendu des Conseils européens des 1er et 15 octobre, au cours desquels les dirigeants des Vingt-sept ont « sanctionné » la Biélorussie, une décision que Chypre avait tenté de bloquer dans l’espoir (vain) d’obtenir des sanctions également contre Ankara, dont le président multiplie les provocations en Méditerranée

– un point sur les négociations quant à l’avenir des relations entre l’UE et le Royaume-Uni : Bruxelles a dû mettre (un peu) en sourdine son arrogance, ce qui relance l’hypothèse d’un accord imminent

– une analyse des hostilités militaires meurtrières qui ont été relancées fin septembre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan soutenu par la Turquie, dans un contexte où Moscou est le mieux placé pour promouvoir un cessez-le-feu dans ce « conflit gelé » remontant à la dissolution de l’URSS

– une analyse de la formation d’un gouvernement en Belgique, seize mois après les élections de mai 2019, avec un cabinet qui repose sur une coalition hétéroclite de sept partis ayant pour seul objectif commun d’éviter un nouveau scrutin

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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