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À partir d’avant-hierContrepoints

Un vent libéral souffle-t-il sur l’Amérique latine ?

Et si une révolution libérale était en maturation en Amérique latine ?

C’est une perspective à ne pas négliger, eu égard à l’actualité politique de trois pays qui, ayant chacun à leurs manières subi les affres du socialisme, pourraient s’apprêter à écrire une nouvelle page de leur histoire en portant au pouvoir des libéraux.

En Équateur, c’est chose faite avec l’élection de Daniel Noboa. Au Venezuela, la présidentielle de 2024 pourrait faire émerger Maria Corina Machado, une centriste libérale, tête de file de l’opposition à Nicolas Maduro. Enfin en Argentine, Javier Milei, qu’on ne présente plus, s’est qualifié au second tour de l’élection présidentielle qui aura lieu en novembre 2023.

 

En Équateur, un libéral élu président

Ce dimanche 15 octobre 2023, les Équatoriens ont élu leur nouveau président au terme d’une campagne qui s’est déroulée dans un climat d’insécurité et de violences politiques, et a été marquée par l’assassinat d’un des candidats (un ancien journaliste qui avait centré son discours sur la lutte contre la corruption).

Les résultats laissent cependant planer un espoir. Pour succéder au conservateur Guillermo Lasso (empêtré dans des affaires d’accusation de corruption), Daniel Noboa, un candidat de centre-droit ouvertement libéral, a remporté 52,1 % des voix contre Luisa Gonzàlez, du Mouvement révolutionnaire citoyen socialiste, le parti de l’ancien président Rafael Correa (2007-2017), pas franchement démocrate, puisqu’il avait réécrit la Constitution en sa faveur, et fait enfermer des journalistes et opposants politiques.

Daniel Noboa est le fils d’Alvaro Noboa, un homme d’affaires ayant fait fortune dans l’exportation de bananes, et candidat malheureux de cinq présidentielles. Marié et père de deux enfants, Daniel Noboa est, à l’âge de 35 ans, le plus jeune président de l’Équateur, malgré son manque d’expérience politique (seulement deux ans de députation).

Jouant la carte de la modernité, Daniel Noboa a surtout été élu sur un programme mettant en avant deux piliers : la sécurité et la défense de la libre-entreprise.

L’Équateur, qui est un des plus gros producteurs mondiaux de cocaïne, a subi de plein fouet les conséquences de la forte croissance du trafic mondial dans les dernières années. Depuis 2016 et la signature d’un accord de paix entre la Colombie (pays frontaliers de l’Équateur) et les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), l’Équateur est devenu un centre névralgique du trafic et un haut lieu des guerres de cartel. S’en est suivie une augmentation de la violence criminelle et une crise pénitentiaire sans précédent.

On comprend pourquoi, dans un tel contexte, le candidat Daniel Noboa a centré sa campagne sur la question sécuritaire, promettant de créer une agence du renseignement national ayant pour but d’organiser et de chapeauter tous les organismes de renseignement du pays. Il a aussi prôné un rapprochement avec les États-Unis afin d’obtenir une aide dans la lutte contre les gangs.

Derrière ce volet sécuritaire, Daniel Noboa a fait la promotion d’un programme économique libéral visant à soutenir les petites et moyennes entreprises, et d’une manière plus générale l’entrepreneuriat, en promettant privatisations, baisse de la fiscalité, facilitation de l’accès au crédit par des incitations fiscales.

Sur le plan institutionnel enfin, Noboa a fustigé la bureaucratie qu’il souhaite fermement combattre.

Bref, un discours libéral et démocrate qui, dans ce pays ravagé par les narcotrafics et des années de socialisme ayant contribué à creuser la dette, autorise les libéraux que nous sommes à un certain optimisme.

 

Au Venezuela, une libérale pour concurrencer le chavisme de Maduro ?

Si les Équatoriens peuvent se féliciter d’ouvrir une nouvelle page libérale pour leur pays et se permettre de rêver, les Vénézuéliens doivent attendre 2024 pour tourner le dos au chavisme et à Nicolas Maduro, qui briguera son troisième mandat.

Arrivé au pouvoir en 2013 après la mort d’Hugo Chàvez dont il est un fervent disciple, Nicolas Maduro a mis en place une politique économique socialiste (contrôle des prix, contrôle des changes, expropriations, sujétion du secteur privé à des militaires…) afin de réaliser une « révolution bolivarienne ». Les résultats désastreux d’une telle politique n’ont pas tardé : entre 2013 et 2018, le PIB a été divisé par deux, et l’inflation a atteint un taux de 130 000 %.

Sur le plan politique, Maduro a tenu le pays d’une main de fer et la répression de l’opposition a connu une accélération inquiétante les dernières années.

En 2018, 131 personnes avaient été arrêtées pour « entrave au plan de relance » de l’économie de Maduro. La même année, le pays comptait 12 000 détenus politiques, dont des enfants. Selon Freedom House, avec un score de libertés globales de 15/100, le Venezuela est l’un des pays les moins libres au monde. Le constat est tout aussi alarmant sur le sujet de la corruption. L’organisation Transparency international le classe 177e sur 180 pays, avec un indice de corruption de 14/100 (0 étant le maximum de corruption), faisant du Venezuela un des pays les plus corrompus au monde.

Plus récemment, Nicolas Maduro a frappé d’inéligibilité la plupart des leaders de l’opposition, dont Maria Corina Machado, une ingénieure de 56 ans, députée depuis 2012, à la tête de Vente Venezuela, le parti qu’elle a fondé. Cette centriste libérale, membre de l’opposition, fait partie des opposants les plus durs au chavisme, affirmant haut et fort qu’elle souhaite en finir avec le socialisme bolivarien. Son programme économique, jugé « ultralibéral » par Le Monde, propose notamment la privatisation de la compagnie pétrolière PDVSA, ainsi que d’autres entreprises publiques.

Malgré une fragile reprise économique encouragée par les réformes de 2019 (face aux résultats désastreux de sa politique économique, Maduro a été contraint de « libéraliser » en mettant en place des coupes budgétaires, en autorisant l’utilisation du dollar comme monnaie…), les conditions de vie des Vénézuéliens restent très difficiles et la contestation sociale est de plus en plus forte.

C’est dans ce contexte politique et social tendu qu’ont eu lieu les primaires de l’opposition vénézuélienne, dont l’organisation s’est faite sans le soutien des autorités locales. Maria Corina Machado a remporté une victoire écrasante en obtenant 93,31 % des suffrages exprimés (soit deux millions d’électeurs).

Si ces résultats laissent entrevoir une possible révolution libérale dans un pays marqué par des années de socialisme aux conséquences désastreuses pour sa population, le chemin est encore long. En effet, pour le moment, rien n’assure que Maria Corina Machado, toujours frappée d’inéligibilité par le pouvoir en place, puisse être candidate à l’élection de 2024.

Une lueur d’espoir toutefois : la communauté internationale fait pression sur Maduro. Après l’échec des négociations de La Barbade, qui se sont tenues sous les auspices de la Norvège, et dont l’objectif était de revenir sur l’inéligibilité des leaders de l’opposition, Washington continue de faire pression en menaçant de prolonger les sanctions si la situation politique ne s’améliore pas. Sans excès d’optimisme, il n’est pas improbable que Maduro soit obligé de reculer face aux sanctions des États-Unis, laissant ainsi une chance aux Vénézuéliens de se débarrasser une bonne fois pour toutes du chavisme.

 

En Argentine, un coup d’arrêt pour Javier Milei ?

Les Argentins aussi se débattent avec leurs vieux démons et ont l’opportunité, lors du second tour de l’élection présidentielle qui se déroulera le 19 novembre 2023, de tourner le dos au péronisme et à sa branche majoritaire, le kirchnérisme (du nom de Nestor et Cristina Kirchner, au pouvoir entre 2003 et 2015).

Mais pour cela, il faut compter sur la défaite de Sergio Massa, le candidat péroniste, et la victoire du candidat libéral Javier Milei. Nous avions consacré dans ces colonnes un long portrait de ce personnage sulfureux, dont les idées libérales séduisent autant que peuvent interroger son populisme démagogique et son conservatisme social. Nous ne reviendrons donc pas sur ce sujet, et nous nous contenterons de considérer que, face à un candidat péroniste, ce genre d’élucubrations est un luxe que le réalisme politique ne nous permet pas d’avoir. En effet, si rien ne nous assure qu’une fois au pouvoir, Javier Milei pourra effectivement sortir l’Argentine de son marasme politique et économique, nous avons l’assurance que, suivant Einstein, selon qui « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », l’élection de Sergio Massa serait une catastrophe pour le pays.

Il convient également de nuancer le discours médiatique dominant à propos de Javier Milei, souvent présenté en France sous ses seuls aspects caricaturaux pour coller au récit simpliste d’un candidat d’extrême droite aisément identifiable aux figures de Trump et de Bolsonaro. Car si l’outrance et le populisme font partie intégrante de la stratégie politique de Milei, la réalité est que l’important est ailleurs, et ses électeurs ne s’y trompent pas.

En effet, les militants de son parti Libertad Avanza (la liberté avance) attendent surtout un sursaut économique. Pas besoin de revenir sur la situation économique calamiteuse de l’Argentine (on renvoie à nouveau vers le portrait cité plus haut), il suffit de citer ce militant, Mauro Mendoza, dont les propos ont été rapportés par Le Monde : « Il nous faut absolument apporter de la stabilité à l’économie, arrêter d’émettre de l’argent ».

Au-delà de l’économie, c’est surtout une volonté d’en finir avec le kirchnérisme incarné par Sergio Massa qui a porté Javier Milei au second tour de l’élection présidentielle. En effet, le libéral s’est fait le porte-voix d’un ras-le-bol qui se fait de plus en plus sentir dans la société argentine.

Si les points de tensions liés à son conservatisme social et son populisme sont légitimes aux yeux des libéraux consistants s’interrogeant sur la cohérence intellectuelle d’un libéralisme (voir un libertarianisme ?) qui ne serait qu’économique au point d’en devenir caricatural[1], la réalité est qu’une fois au pouvoir, ces points de tensions ne seront pas appliqués (on pense par exemple à sa volonté de revenir sur le droit à l’avortement), tandis que son programme économique et sa volonté de lutter contre la corruption, qui sont au cœur de son logiciel politique, pourraient se révéler salutaires pour l’Argentine.

Mais toutes ces réflexions pourraient être inutiles s’il venait à perdre au second tour. Or, la montée en puissance de Javier Milei ces derniers mois, aussi forte qu’inattendue, a connu un coup d’arrêt ce dimanche 22 octobre 2023, lors du premier tour. Sergio Massa est arrivé en tête avec 36,7 % des voix, et Javier Milei en a réuni 30 %. Du côté des militants de Libertad Avanza, les résultats ont eu un goût amer, eux qui étaient persuadés qu’un raz-de-marée libéral déferlerait sur l’Argentine.

Alors, qu’attendre du second tour ?

Pour Javier Milei, la stratégie est toute trouvée. Il doit ouvrir ses bras aux électeurs de la candidate de droite malheureuse du premier tour, Patricia Bullrich, qui a obtenu un peu moins de 24 % des suffrages. Pour ce faire, Milei va peut-être devoir lisser quelque peu son image et son discours afin d’apparaître présidentiable auprès d’électeurs qui, bien que profondément dégoûtés du péronisme, pourraient avoir peur de son extravagance. Il reste que le réservoir de voix est réel, et que rien n’est joué.

Enfin, il faut garder à l’esprit que des élections législatives partielles se tiennent en même temps, et une percée des libéraux est très probable (ils devraient obtenir aux alentours de 40 sièges). Quel que soit le résultat du scrutin du 19 novembre 2023, le vainqueur n’aura probablement pas de majorité, et sera obligé de composer des alliances.

L’avenir de l’Argentine est encore à écrire, et les Argentins disposent de la plume.

 

Conclusion

Ces trois cas signifient-ils que quelque chose se passe en Amérique latine ? Faut-il y voir le début d’une révolution libérale ? Et si tel est le cas, peut-on en attendre une amélioration conséquente de la situation politique, économique et sociale dans ces pays ?

L’observateur libéral sait trop bien qu’un politique ne peut pas tout, et que les facteurs politiques n’expliquent pas seuls la situation de ces pays. Du reste, il est de toute manière trop tôt pour tirer des conclusions.

Contentons-nous donc d’un espoir modéré en constatant un potentiel réveil de ces populations, qui, peut-être, tourneront enfin le dos à un socialisme moribond dont l’histoire a trop souvent montré qu’il était vain d’en attendre quoi que ce soit d’autre qu’absences de libertés et marasme économique.


[1] Nous renvoyons ici nos lecteurs au chapitre 12 de l’ouvrage d’Alain Laurent « La philosophie libérale, histoire et actualité d’une tradition intellectuelle » sur les libertariens, dans lequel il explique bien qu’aucun libéral cohérent ne peut se satisfaire d’un libéralisme qui ne soit pas multidimensionnel : économique, politique & social.

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