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Les révoltes paysannes, qui se répandent au sein de l’UE, inquiètent Bruxelles

Par : pierre

Un spectre hante l’Europe : celui d’une insurrection paysanne. Pour l’instant, l’affirmation ainsi formulée est sans doute exagérée ; mais un petit vent de panique fait présentement frissonner les bureaux de la Commission européenne et les gouvernements de nombreux Etats membres.

Allemagne, France, mais aussi Pays-Bas, Belgique, Espagne, Pologne, Roumanie et même la pourtant très disciplinée Lituanie : les agriculteurs se sont mobilisés ou se mobilisent encore pour défendre leur activité, et pour récupérer les moyens d’une vie digne.

En Allemagne, le mouvement, qui a connu un moment spectaculaire le 15 janvier lors de la convergence massive à Berlin de tracteurs et de manifestants, semble loin de retomber. Les paysans français ont démarré plus tard, mais la colère, qui était d’abord apparue mi-janvier à travers l’occupation d’une autoroute du sud du pays, s’est répandue en quelques jours comme une traînée de poudre. Voies de circulation bloquées, ronds-points occupés : le désespoir accumulé depuis des années a soudain explosé.

Un élément a mis le feu aux poudres : la suppression progressive de la détaxe dont bénéficiait le carburant pour les engins agricoles (gazole non routier, GNR). C’est le même élément qui avait déclenché la mobilisation paysanne allemande. Et cette mesure de fiscalité verte rappelle l’étincelle qui avait lancé le mouvement des Gilets jaunes en France, fin 2018 et profondément déstabilisé le règne d’Emmanuel Macron.

Autre point commun avec les Gilets jaunes : le très large soutien qui s’est tout de suite manifesté parmi les Français, comme ce fut également le cas lors des manifestations contre la réforme des retraites en 2023. Les paysans mobilisés sur les barrages routiers ont récolté d’innombrables témoignages de solidarité. Pour les agriculteurs, qui ont souvent le sentiment d’être les mal-aimés accusés de salir la planète, ces soutiens sont une aide et un encouragement considérables.

Si l’on ajoute à cela que de premières convergences se sont dessinées avec les pêcheurs en colère, ou avec les petites entreprises de transport routier, on comprend pourquoi le nouveau premier ministre était prêt à lâcher du lest dans l’espoir d’éteindre un incendie potentiellement hors de contrôle.

Le 26 janvier, il s’est donc rendu sur le terrain – une exploitation agricole près de Toulouse – et a annoncé un train de mesures : allègement de certaines normes écologiques, assouplissement des contrôles, fonds d’urgence, et surtout annulation de la hausse programmée des taxes sur le GNR. De nouvelles concessions devaient être accordées le 30 janvier. Il reste à voir si cela suffira pour calmer la mobilisation.

Si l’on ajoute aux ressources qui baissent et aux charges qui s’envolent les contraintes environnementales imposées de Bruxelles, on comprend le désespoir qui se répand un peu partout.

Même si le contexte politique diffère d’un pays de l’UE à l’autre, les dramatiques difficultés auxquelles est confronté le monde rural présentent bien des analogies. Les agriculteurs – essentiellement les nombreux petits et moyens exploitants – sont de plus en plus coincés entre des ressources qui baissent (avec notamment la pression des industriels de l’agro-alimentaire et des grandes chaînes de distribution) et des charges qui s’envolent : les taxes, mais aussi le prix des intrants (engrais…) ainsi que le coût de l’énergie (conséquence des sanctions décidées par l’UE contre la Russie) et celui des emprunts bancaires (lié notamment aux décisions sur les taux de la Banque centrale européenne).

Si l’on ajoute à cela les contraintes environnementales imposées de Bruxelles (et la prolifération des démarches administratives qui en résultent), on comprend le désespoir qui se répand un peu partout. De nombreux exploitants, qui travaillent couramment soixante-dix à quatre-vingt heures par semaine pour ne gagner qu’un revenu mensuel inférieur au salaire minimum, voire pour boucler l’année avec plus de dépenses que de revenus, désespèrent tant pour eux-mêmes que pour l’avenir de leur activité. Un paysan du centre de la France affichait récemment sur son tracteur : « je suis éleveur, je vous nourris, je meurs ».

Face aux mouvements qui se font jour, les réactions des différents gouvernements nationaux se ressemblent. Premièrement : « agriculteurs, on vous aime ». Deuxièmement, « l’Europe n’est pas du tout responsable ». Troisièmement : « attention, vous faites le jeu de l’extrême droite ».

Le premier point n’est que l’aveu implicite du rapport de forces… Le troisième fait écho au fait que les partis dits « populistes » ont longtemps été les seuls à tenir un discours (pas forcément sincère) remettant en question l’ouverture des frontières et le dogme quasi-religieux de l’environnement.

L’Union européenne porte une responsabilité écrasante dans la situation actuelle, avec deux points-clés : le libre échange et l’obsession écologique

Mais c’est le second point qui est le mensonge le plus frappant. L’Union européenne porte en effet une responsabilité écrasante dans la situation actuelle. Avec – notamment – deux points-clés : le libre échange ; et l’obsession écologique.

Premier volet, le libre échange en matière de commerce mondial, fait partie de l’ADN de l’UE. Cette dernière a rompu avec ce qui constituait la Politique agricole commune des débuts : dans les années 1960-1970, les six membres fondateurs affirmaient vouloir assurer l’indépendance alimentaire et avaient constitué pour ce faire une zone de protection de l’agriculture grâce à des droits de douane vis-à-vis du reste du monde, et à des subventions compensatoires.

Mais dès les années 1990-2000, l’UE s’est ouverte au grand vent de la mondialisation. Au fil du temps, la Commission, qui a le monopole des négociations commerciales internationales, a conclu des accords de libre échange avec, entre autres, le Mexique, le Chili, le Canada, le Japon ; celui avec la Nouvelle-Zélande entrera en vigueur cette année.

Avec un esprit d’à-propos qui fait grincer des dents dans certaines capitales (à Paris notamment), Bruxelles vient d’annoncer que les négociations en vue d’un accord avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) pourraient très prochainement aboutir, alors qu’on les croyait ensablées… Voilà qui va faire plaisir aux éleveurs européens !

Les échanges au sein du marché unique de l’UE ne sont pas neutres non plus. En effet, les coûts différents d’un pays à l’autre (le prix du travail notamment) engendrent une concurrence déloyale. C’est ce qu’ont voulu signifier les producteurs de fruits et légumes français qui ont stoppé et vidé sur les barrages les camions de marchandises venant par exemple des serres industrielles espagnoles.

Un cas particulier concerne les exportations en provenance d’Ukraine, telles que les céréales, mais aussi la viande et les fruits. Dans un geste politique visant à soutenir Kiev, Bruxelles a, en 2022, levé les quotas et taxes sur les produits de ce pays, qui est pourtant loin de respecter les normes et règles de l’UE. Il y a quelques mois, les producteurs français de volaille alertaient ainsi sur le déferlement de poulets ukrainiens (+ 127% en un an), élevés dans des conditions interdites au sein des Vingt-sept. Au grand détriment des producteurs français, mais aussi des consommateurs.

Cependant, les plus durement touchés sont les paysans polonais, roumains, bulgares, hongrois et slovaques : les dispositions décidées par Bruxelles prévoyaient aussi des « couloirs de la solidarité » censés faciliter le transport des céréales ukrainiennes vers des clients mondiaux, mais transitant par les pays de l’Est de l’UE. Conséquence immédiate : un effondrement des cours sur le marché national de ceux-ci et la ruine des producteurs polonais ou roumains.

L’émotion fut telle que Bruxelles dut suspendre provisoirement ces facilités. Mais elles sont désormais rétablies, au grand dam de Varsovie et de Bucarest. Dès lors, les agriculteurs se sont mobilisés en masse. Le nouveau gouvernement polonais, mis en place après les élections de novembre 2023 et pourtant fêté comme très pro-UE, a annoncé que, sur ce terrain, il poursuivrait la politique de son prédécesseur « europhobe » : il et maintiendra des taxes nationales, violant ainsi le droit communautaire.

Le « Pacte Vert », adopté en 2021 par le Conseil de l’UE et l’europarlement, inclut une partie agricole dont la perspective inquiète au plus haut point le monde rural

L’obsession écologique dont les dirigeants européens se veulent les plus zélés militants constitue le second volet qui contribue à noyer l’agriculture européenne. Par exemple, c’est bien au nom de l’environnement que la Commission européenne a demandé aux Etats membres de relever la fiscalité sur les carburants agricoles au même niveau que celle sur le gazole routier (proposition de directive du 14/07/2021).

Plus généralement, au motif que l’UE doit être exemplaire pour appliquer l’Accord de Paris sur le climat, ledit « Pacte Vert », adopté en 2021 par le Conseil de l’UE et l’europarlement, englobe pas moins de soixante-dix textes, dont cinquante déjà adoptés, dans des domaines divers (interdiction des moteurs thermiques, marché du carbone…). Il inclut une partie agricole, baptisée « de la ferme à la fourchette », dont la perspective inquiète au plus haut point le monde rural.

Cela s’ajoute à la réforme de la Politique agricole commune, déjà appliquée, qui prévoit toujours plus de contraintes environnementales. Il faut aussi citer le texte récemment voté intitulé « restauration de la nature », de même que les restrictions sur les produits phytosanitaires, les obligations de rétablissement de zones humides, de jachères, de haies.

Alors que les paysans du 21ème siècle s’estiment fiers de ce qu’ils voudraient faire, nourrir la population, ils se rendent compte que les technocrates bruxellois, qui prétendent leur imposer la manière de s’y prendre, voudraient en fait les transformer en « jardiniers du paysage ». Pour le plus grand plaisir des firmes agro-alimentaires avides de régner sur le commerce mondial…

Début janvier, un agriculteur roumain en route pour bloquer Bucarest, proclamait pour sa part : « frères fermiers, unissez-vous ! ».

Décidément, un spectre hante l’Europe…

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Les révoltes paysannes, qui se répandent au sein de l’UE, inquiètent Bruxelles…

Par : pierre

Un spectre hante l’Europe : celui d’une insurrection paysanne. Pour l’instant, l’affirmation ainsi formulée est sans doute exagérée ; mais un petit vent de panique fait présentement frissonner les bureaux de la Commission européenne et les gouvernements de nombreux Etats membres.

Allemagne, France, mais aussi Pays-Bas, Belgique, Espagne, Pologne, Roumanie et même la pourtant très disciplinée Lituanie : les agriculteurs se sont mobilisés ou se mobilisent encore pour défendre leur activité, et pour récupérer les moyens d’une vie digne.

En Allemagne, le mouvement, qui a connu un moment spectaculaire le 15 janvier lors de la convergence massive à Berlin de tracteurs et de manifestants, semble loin de retomber. Les paysans français ont démarré plus tard, mais la colère, qui était d’abord apparue mi-janvier à travers l’occupation d’une autoroute du sud du pays, s’est répandue en quelques jours comme une traînée de poudre. Voies de circulation bloquées, ronds-points occupés : le désespoir accumulé depuis des années a soudain explosé.

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Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure…

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

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Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

L’auteur cite d’abord l’étude d’un économiste américain selon lequel « la mondialisation porte – avec le libre-échange, la libéralisation des capitaux et l’automatisation – (la) responsabilité essentielle, (…) depuis les années 1990, (de la) forte insécurité économique pour certaines populations ». « La désindustrialisation, les délocalisations, la déformation du partage entre capital et travail se sont opérées au détriment » de ces groupes sociaux, précise pour sa part la sociologue.

Celle-ci pointe des conséquences politiques : « cette situation aurait dû logiquement profiter à la gauche, mais les dirigeants politiques d’extrême droite ont réussi à la retourner à leur avantage ». Pour faire échec au parti de Marine Le Pen, il faut donc d’urgence « rompre avec une mondialisation conçue en fonction des besoins du capital afin d’obtenir un rééquilibrage en faveur du travail ».

Hélas, soupire Dominique Méda, le gouvernement français « n’a pas choisi cette voie, bien au contraire ». Mais heureusement, il y a l’Union européenne, car s’enthousiasme-t-elle : « ce sont la Commission et le Parlement européens qui semblent amorcer un tournant social ».

Les institutions de l’UE ont impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts

Elle cite trois exemples qui devraient achever de convaincre les lecteurs du quotidien des élites libérales françaises. Le premier concerne la directive relative à l’amélioration des conditions de travail des personnes dont le revenu dépend d’une plate-forme numérique. Pour mémoire, le texte en question énumère les critères qui devraient permettre à certains « faux indépendants » de réclamer un statut de salarié.

L’ubérisation porte en elle-même une logique de « dumping social auquel se livrent les nombreuses plates-formes qui échappent aux obligations du droit du travail et font perdre à la Sécurité sociale des centaines de millions d’euros de cotisations » note à juste titre Dominique Méda, qui se réjouit que la future directive européenne puisse ainsi repêcher certains esclaves des temps modernes.

Elle omet cependant un détail : ce sont précisément les institutions de l’ UE – Commission, Conseil, Parlement – qui ont de concert impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts. En France, la loi El Khomri, votée en 2016, avait provoqué une mobilisation syndicale de masse (hélas vaine) contre la « flexibilisation » du droit du travail. Ladite loi découlait directement des « recommandations » adressées à la France par Bruxelles.

Aujourd’hui encore, la même Commission fait dépendre le versement des subventions post-Covid destinées aux Etats membres du zèle avec lequel ces derniers mettent en œuvre les « réformes » néo-libérales. Ces dernières n’ont pas exactement pour but la protection des droits des travailleurs…

Bruxelles se fait le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Le deuxième exemple donné est analogue. Il porte sur la « directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité » (le choix des mots est un bel exemple de poésie technocratique). Ledit texte appelle les entreprises à « respecter les droits humains et l’impact environnemental sur l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement ». Bruxelles se fait ainsi le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Ravie de cette soudaine croisade bruxelloise, la sociologue dénonce « la manière dont la libre circulation des capitaux et des marchandises avait permis aux entreprises transnationales de s’émanciper des responsabilités sociales et environnementales qui pesaient auparavant sur elles à travers les droits nationaux ». Mais omet de rappeler que la libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne. Avec celle de la main d’œuvre et des services, la « quadruple liberté » de circulation figure même dans les traités fondateurs.

La libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne

Le troisième exemple est tiré du futur règlement européen encadrant l’intelligence artificielle. Le texte en question établit une typologie entre domaines « à risque inacceptable », « risque élevé » et « risque limité » ; et fixe des objectifs de transparence sur les algorithmes. Mais l’auteur vante surtout « plusieurs dispositions contribuant à améliorer les conditions de travail ». Lesquelles ? De qui ? Hélas, faute de place certainement, elle ne le précise pas…

Enfin, se réjouit-elle, « une dernière avancée mérite d’être mentionnée. Il ne s’agit certes que d’une résolution du Parlement européen – non contraignante –, mais elle dessine une voie novatrice ». Ladite résolution appelle l’UE notamment à investir dans une « transition écologique qui sera créatrice d’emplois de qualité ». Car, selon les eurodéputés, « 1,4 million d’emplois faiblement ou moyennement qualifiés ainsi que 450 000 emplois hautement qualifiés seront créés à la suite de l’augmentation des investissements dans la rénovation des bâtiments et de la réduction de la consommation d’énergie des combustibles fossiles pour le chauffage ».

Des chiffres – dont la méthode de calcul est inconnue – à comparer à d’autres, cités en 2020 par Luc Triangle, un dirigeant syndical belge alors à la tête de la fédération européenne IndustriAll. Cette dernière (qui n’a vraiment rien d’un syndicat anti-européen)  pointait alors les conséquences du « Green Deal » concocté par Bruxelles pour « sauver la planète » : « nous parlons ici d’environ 11 millions d’emplois affectés directement dans des industries extractives, à haute intensité énergétique et automobile ».

Alors, Bruxelles chevalier du progrès social face aux Etats récalcitrants ? L’affirmation prête à sourire. Et à supposer même qu’elle ne soit pas absurde, ceux qui y croient oublient qu’aucune conquête sociale ne peut être octroyée d’en haut ; elle ne peut être obtenue que par la lutte.

Ce qui n’empêche pas le serpent de mer de « l’Europe sociale » de refaire surface très régulièrement. En 1997, le parti socialiste européen tenait congrès à Malmö en arborant déjà ce slogan. Avec l’arrivée d’Anthony Blair au pouvoir à Londres, de Lionel Jospin à Paris, puis celle, imminente, de Gerhard Schröder à Berlin, la social-démocratie allait balayer les derniers obstacles à l’Europe sociale…

Déjà une décennie plus tôt, François Mitterrand, alors qu’il venait d’être élu président, déclamait solennellement : « l’Europe sera sociale ou ne sera pas ».

On connaît la suite.

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Un sommet des faux-semblants…

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

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Un sommet des faux-semblants

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux-semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Élargissement : les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

Cela n’a pas empêché les uns et les autres de pousser des cris de joie. A commencer par le président ukrainien (photo, en vidéo lors du Conseil) qui s’est écrié : « c’est une victoire pour l’Ukraine, une victoire pour toute l’Europe, une victoire qui motive, inspire et renforce ». Le président du Conseil européen, Charles Michel (photo, à droite), s’est réjoui d’un « signal politique très fort », tandis que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qualifiait la décision de « stratégique » (le plus haut compliment dans le jargon bruxellois).

La plupart des participants se sont exprimés à l’unisson. « Une décision historique » a salué de loin la Maison-Blanche, l’Oncle Sam considérant manifestement qu’il est un peu chez lui à Bruxelles.

Viktor Orban a accusé ses collègues de piétiner délibérément leurs propres règles

Comme attendu, la seule fausse note publique est venue du premier ministre hongrois. Viktor Orban a qualifié la décision d’« insensée ». Il a accusé ses collègues de piétiner délibérément leurs propres règles, à savoir l’ouverture de négociations sur la seule base du « mérite », autrement dit en examinant si les conditions requises sont remplies. Au lieu de cela, les participants n’ont pas caché vouloir, par cette décision, envoyer un « message à Moscou », à savoir : l’Ukraine appartient à la sphère occidentale.

Deux types de raisons peuvent expliquer ce cavalier seul de Budapest. D’une part, de nombreux observateurs estiment qu’il s’agit de négocier le versement des 22 milliards que Bruxelles doit à la Hongrie, mais qui ont été gelés par la Commission tant que le gouvernement de ce pays viole « l’état de droit » (notamment en matière d’indépendance de la justice). Du reste, Bruxelles avait débloqué partiellement (10 milliards) quelques jours avant le sommet, espérant ainsi assouplir la position hongroise – une concession dénoncée par de nombreux eurodéputés, qualifiant cette concession de « pot de vin » accordé à M. Orban.

D’autre part, ce dernier est bien conscient des conséquences économiques et sociales catastrophiques qu’une adhésion de pays particulièrement pauvres aurait pour l’UE en général, pour les pays d’Europe centrale en particulier.

Du reste, les cadeaux déjà offerts à l’Ukraine provoquent en ce moment même la révolte des chauffeurs routiers polonais, qui, victimes de cette concurrence nouvelle, bloquent de nombreux poins de passage aux frontières. Quant à la politique agricole commune, elle « s’effondrerait si nous (la) laissions telle qu’elle est et que nous élargissions l’UE à l’Ukraine, à la Moldavie et aux pays des Balkans occidentaux », a estimé le ministre allemand de l’agriculture.

Plusieurs capitales se réjouissent discrètement du veto hongrois

Ce qui explique que plusieurs capitales ne sont en réalité guère enthousiastes à l’idée que l’adhésion de l’Ukraine se réalise un jour. Elles préfèrent prétendre officiellement le contraire… mais se réjouissent discrètement du veto hongrois.

« Veto » ? De fait, le feu vert à l’ouverture des négociations d’adhésion nécessite l’unanimité des Vingt-sept. Mais à Bruxelles, on ne manque pas d’imagination. Au moment où la décision devait être prise, Viktor Orban a opportunément quitté la salle de réunion, dans un scénario évidemment préparé à l’avance. Résultat : aucun vote contre n’a été enregistré, et le Conseil a pu ainsi offrir son cadeau tant attendu à Volodymyr Zelensky.

De son côté, le dirigeant hongrois peut clamer qu’il n’a pas perdu la face, ni participé à une décision qu’il réprouve. Budapest a en outre rappelé qu’il y aurait « 75 occasions » de stopper le processus si celui-ci démarre, en plus de l’évaluation (à l’unanimité) des conditions préalables début 2024…

Budapest a refusé le « paquet budgétaire », au grand dam des autres pays

Viktor Orban, encore lui, a été plus carré dans le deuxième dossier « chaud » : l’augmentation du budget pluriannuel de l’UE en cours (2021-2027). Le choc économique provoqué par le Covid, puis surtout le soutien économique et militaire à Kiev ont vidé les caisses bruxelloises plus vite que prévu. Faut-il dès lors les renflouer, et dans quels domaines prioritaires ? Ou bien faut-il opérer des « redéploiements », c’est-à-dire des coupes dans certains domaines budgétaires ?

Le premier point de vue est soutenu par les pays du sud, dont l’Italie, mais aussi par la France. Et, classiquement, les pays dits « frugaux » – les Nordiques, les Pays-Bas, l’Autriche, menés par l’Allemagne – sont dans le camp d’en face. Cependant, la plupart d’entre eux font une exception pour l’Ukraine : celle-ci doit, selon eux, recevoir les 50 milliards d’aide (17 milliards de dons, 33 milliards de prêts préférentiels) qui lui ont été promis.

Dans ce contexte, vingt-six pays avaient fini par trouver un compromis : plutôt que les 100 milliards initialement proposés par la Commission, le supplément budgétaire s’élèverait à 73 milliards qui seraient alloués à la protection des frontières, à la politique migratoire, à la recherche technologique, à l’industrie d’armement, et… aux remboursements de l’emprunt commun de 750 milliards souscrit en 2020, dont le coût devient bien plus élevé que prévu.

Le compromis comprenait donc les 50 milliards de soutien « macroéconomique » à Kiev (qui viendraient s’ajouter aux 85 milliards déjà versés par l’UE et ses Etats membres depuis février 2022). Concrètement, il s’agit d’assurer par exemple une partie des salaires des fonctionnaires, et éviter ainsi que l’Etat ukrainien – notoirement corrompu – se retrouve en faillite.

C’est ce « paquet budgétaire » que Viktor Orban a refusé, au grand dam de ses collègues. Une  phrase laconique figure donc dans les conclusions : « le Conseil européen reviendra sur cette question au début de l’année prochaine ». Et, dans les coulisses, on prévoit un « plan B » pour financer l’Ukraine si la Hongrie maintient son refus. A condition bien sûr que d’autres capitales ne rejoignent pas Budapest d’ici là.

L’enfer subi par les Gazaouis ne trouve aucun écho dans les conclusions des Vingt-sept

Le sommet a également attribué le statut de pays candidat à la Géorgie. Et a traité d’autres points qui figuraient à son menu : politiques migratoires, « sécurité et défense », perspectives de réformes institutionnelles, relations avec la Turquie (les négociations d’adhésion avec Ankara ont été ouvertes en… 2005 et sont au point mort).

Mais les conclusions commencent par plus de trois pages pour « condamner résolument la guerre menée par la Russie et (affirmer la) solidarité inébranlable avec l’Ukraine et sa population ». Elles confirment un douzième paquet de sanctions contre Moscou et abordent la perspective de mettre la main sur les intérêts des avoirs russes gelés.

En revanche, elles se contentent d’indiquer : « le Conseil européen a tenu un débat stratégique approfondi sur le Proche-Orient ». L’enfer subi par les Gazaouis ne trouve aucun écho dans le texte.

Bilan du sommet : les deux points qui s’annonçaient explosifs restent entiers. La perfusion pour Kiev a été bloquée, mais demeure sur la table des Vingt-sept pour début 2024. Quant aux négociations d’adhésion, elles sont officiellement ouvertes, mais ne commenceront pas avant un nouvel examen.

En outre, le Conseil a omis un détail : l’adhésion proprement dite supposerait que l’Ukraine gagne la guerre – seule hypothèse que l’UE envisage. Mais cela n’est pas exactement ce qui se dessine sur le terrain.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension…

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

Premier point d’affrontement prévisible, l’élargissement de l’Union à l’Ukraine, mais aussi à la Moldavie et aux pays des Balkans, fait théoriquement l’objet d’un consensus sur le principe. En juin dernier, Kiev et Chisinau s’étaient vu reconnaître le statut de candidat officiel. Les dirigeants européens souhaitaient, par ce cadeau symbolique, affirmer une nouvelle fois leur soutien politique face à l’« agresseur russe ».

Mais derrière la façade, personne n’est dupe. Dès lors qu’il faut lancer concrètement l’étape suivante, en l’occurrence l’ouverture effective des « négociations » avec les pays candidats (en réalité l’alignement unilatéral de ceux-ci sur les règles communautaires – un processus qui dure de nombreuses années), les oppositions entre les Vingt-sept surgissent.

Il y a ceux qui sont des partisans inconditionnels des adhésions au plus tôt, quoiqu’il en coûte, même s’il faut tordre le droit de l’UE et même si les sept conditions préalables posées en juin à l’Ukraine (lutte contre la corruption, respect de l’« état de droit », « désoligarchisation »,…) ne sont pas remplies. Les Etats baltes se rangent dans cette catégorie, convaincus que c’est le seul moyen d’éviter que la Russie ne les envahisse puis ne déferle sur toute l’Europe…

Mais il y a aussi ceux qui mesurent l’écart de richesses abyssal qui sépare les candidats des membres actuels, et imaginent – à juste titre – les bouleversements budgétaires que subirait l’Union. En particulier, les pays qui reçoivent aujourd’hui de Bruxelles plus de fonds qu’ils n’en versent verraient cette situation s’inverser.

Les actuels pays de l’Est craignent d’être concurrencés par les nouveaux arrivants qui produisent à moindre coût

C’est notamment le cas pour les actuels pays de l’Est de l’UE. Ces derniers – Pologne, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie,… – craignent aussi d’être concurrencés dans divers domaines par les nouveaux arrivants qui produisent à moindre coût (une concurrence dont ils avaient bénéficié au détriment de l’Ouest lors de leur propre adhésion en 2004/2007). Compte tenu des cadeaux déjà faits à l’Ukraine (accès aux marchés) plusieurs secteurs sont déjà frappés, comme les transports et l’agriculture.

De leur côté, les partisans les plus zélés de l’intégration européenne redoutent (lucidement) qu’en passant de vingt-sept à près de trente-cinq membres, les processus de décisions soient de plus en plus bloqués. Pour éviter cela, le président français plaide pour une Europe « à plusieurs vitesses ». Les structures et modes de fonctionnement actuels devraient, à son sens, être réformés avant toute nouvelle adhésion.

Sans forcément le formuler de la même manière, Berlin partage cette inquiétude. Quant à l’Autriche, elle clame que l’Ukraine ne doit pas faire oublier l’adhésion des pays des Balkans qui attendent depuis des années…

Et puis enfin, il y a le premier ministre hongrois. Viktor Orban (photo, à droite) a écrit le 4 décembre au président du Conseil européen, Charles Michel (photo, à gauche), pour demander que ce sujet soit retiré de l’ordre du jour, de même que le projet de 50 milliards (sur trois ans) d’aide budgétaire à Kiev. Sinon, a menacé la bête noire de Bruxelles, « le manque évident de consensus conduirait inévitablement à un échec ». Son ministre des affaires étrangères a enfoncé le clou : « qui peut sérieusement affirmer que l’Ukraine est prête pour les négociations d’adhésion ? ».

Certes, le dirigeant hongrois – souvent dénoncé comme « pro-russe » par ses collègues – est un habitué des déclarations fracassantes mais finit par plier, non sans avoir obtenu des concessions mineures. Il pourrait cette fois encore vouloir menacer avant de négocier le déblocage des 22 milliards que Bruxelles a gelés en rétorsion aux « atteintes à l’état de droit » en Hongrie.

Sauf que cette fois, un déblocage partiel a déjà été obtenu. Et que le parti de M. Orban voit monter dans le pays un parti concurrent qui reflète l’état d’esprit d’une population de plus en plus hostile à la guerre et à l’Ukraine.

Surtout, les observateurs notent que la rébellion hongroise pourrait être en réalité bienvenue pour certaines capitales qui n’osent publiquement s’opposer à l’entrée de l’Ukraine, mais qui n’en pensent pas moins. C’est le cas de la France et de l’Allemagne, pour les raisons déjà citées, mais aussi des Pays-Bas et de la Slovaquie, où les électeurs ont plébiscité des partis hostiles au soutien à Kiev.

L’énorme contribution financière à la guerre en Ukraine et la crise du Covid ont vidé les caisses plus vite que prévu

Viktor Orban fait aussi partie des nombreux dirigeants opposés à la proposition que la Commission a formulée en juin : augmenter de 98 milliards le budget pluriannuel (2021-2027) de l’UE. C’est le second point explosif.

En effet, l’énorme contribution financière à la guerre en Ukraine et la crise du Covid ont vidé les caisses plus vite que prévu. Bruxelles a ensuite diminué ses ambitions : il est question d’une augmentation de « seulement » 73 milliards… dont 50 milliards pour renflouer l’économie ukrainienne.

Mais, à part ce domaine, les différents Etats membres sont en désaccord sur les postes budgétaires à abonder : climat, sécurité, frontières, recherche… D’autres proposent de faire prioritairement des économies.

C’est le cas des Etats traditionnellement baptisés « radins », comme les Nordiques, l’Autriche et les Pays-Bas. Dans ce dernier cas, c’est le chef du gouvernement sortant qui représentera son pays, mais il devra obtenir un mandat des nouveaux députés. Or Geert Wilders, le vainqueur de l’élection du 22 novembre, a affiché son refus de toute dépense européenne supplémentaire – un sentiment validé largement par les électeurs.

La position de Berlin pèsera plus encore. Et ce, dans un contexte ou le gouvernement « feu tricolore » vient d’être brutalement fragilisé par la décision du tribunal constitutionnel. Les juges de Karlsruhe ont interdit d’alimenter le budget annuel par des fonds spéciaux pluriannuels, a fortiori quand l’objet de ces derniers est modifié en cours de route. Conséquence immédiate : il faut trouver d’urgence 17 milliards pour le budget fédéral 2024… ce qui n’incite pas vraiment à laisser augmenter les versements à Bruxelles.

Conséquence indirecte : ceux qui espéraient, notamment à Paris, à Rome ou à Madrid, lancer un nouveau fonds commun après les 750 milliards empruntés en 2020 (et qu’il va bientôt falloir commencer à rembourser) doivent abandonner cet espoir. Et renoncer ainsi à vanter une UE qui deviendrait « plus fédérale ».

Quoiqu’il en soit, Olaf Scholz a bien l’intention de bloquer tout « laxisme budgétaire ». Il a cependant, comme la plupart de ses collègues, affiché sa volonté de sauvegarder les 50 milliards promis à Kiev.

Mais Viktor Orban s’y oppose. Selon lui, « il n’y aura pas de solution à la guerre entre la Russie et l’Ukraine sur le champ de bataille. Au lieu de financer la guerre, nous devrions enfin consacrer les ressources de l’Europe à faire la paix ». Le Hongrois a proposé que chaque pays soit libre de financer, ou non, l’économie ukrainienne…

Au nom de l’« unité européenne à préserver face à Poutine », le Conseil européen va-t-il, au dernier moment, trouver un compromis byzantin, typique de l’Union européenne ? Si tel est le cas, il reporterait à plus tard les contradictions sans les résoudre sur le fond.

A l’inverse, l’absence d’accord constituerait un fiasco monumental qui ébranlerait un peu plus les fondements de l’UE, au moment même où différentes élections expriment, selon la terminologie des grands médias, une montée du « populisme » sur les dossiers les plus chers à Bruxelles : Ukraine, budget, mais aussi immigration et climat.

Ce que traduit à sa manière le chef du groupe libéral de l’europarlement, le macroniste Stéphane Séjourné, quand il appelle ses troupes à « passer de proeuropéens convaincus à proeuropéens convaincants ».

Quel aveu !

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L’improbable horizon de l’élargissement

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

C’est par exemple le cas d’une étude de deux chercheurs publiée quelques jours avant le Conseil européen du 6 octobre à Grenade, un sommet censé donner un coup de fouet au processus. Les deux auteurs, Hans Kribbe et Luuk van Middelaar, travaillent pour un « think tank » Bruxellois, et sont naturellement à ce titre des partisans de l’intégration européenne. Leur analyse n’en est que plus intéressante.

Les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre »

Dans leur conclusion, les deux auteurs estiment ainsi que les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre ». Chacun des deux termes mérite ici d’être précisé.

« Nécessaire » ? Aux yeux des dirigeants européens, la guerre en Ukraine a accéléré la volonté d’« arrimer » plus étroitement (un verbe plus poli qu’« annexer ») les Etats qu’ils considèrent comme faisant partie de leur zone d’influence. Usant d’un lyrisme quasiment messianique, la présidente de la Commission a ainsi déclaré : « l’élargissement répond à l’appel de l’histoire, il est l’horizon naturel de notre UE ». Repousser sans cesse l’horizon des frontières, n’est-ce pas précisément ce qui définit un empire ? Pour l’ancienne ministre allemande de la défense, « nos voisins doivent choisir » entre « la démocratie » et « un régime autoritaire », autrement dit entre le bien et le mal, entre l’UE et la Russie.

Car plus prosaïquement, les ambitions de l’élargissement sont géopolitiques. Mme von der Leyen (photo) ne s’en cache guère : l’élargissement constitue un « investissement pour notre sécurité » et une façon de « stabiliser notre voisinage ». Ce que l’étude des chercheurs précise sans fard : « maintenir d’autres acteurs géopolitiques, tels que la Russie ou la Chine, à l’écart de cette région potentiellement instable est devenu une priorité absolue ».

Des « défis incroyablement difficiles dans les années à venir »…

Mais une fois la « nécessité » expliquée, l’étude se penche sur les contradictions explosives que le processus va inévitablement provoquer. Ils répartissent ces « défis incroyablement difficiles dans les années à venir » (ce sont leurs propres termes) en cinq domaines.

Tout d’abord « la prise de décisions et les institutions ». Surgit ainsi la question de la « gouvernabilité », déjà complexe à vingt-sept, qui deviendrait quasi-impossible à trente-cinq ou plus. Dès lors, il faudrait que l’UE se réforme, en particulier qu’elle abolisse la règle de l’unanimité dans les derniers domaines où elle subsiste encore, comme la fiscalité et la politique extérieure. Berlin milite fortement pour cela, mais de nombreux petits pays s’y opposent. Problème : pour réformer les traités (comme pour accepter un nouveau membre), il faut… l’unanimité.

Le deuxième domaine concerne le budget de l’UE. Soit celui-ci est très considérablement augmenté, par le relèvement des contributions des membres actuels – une piste totalement irréaliste ; soit le même gâteau est partagé en des parts plus nombreuses et donc plus petites. Comme les pays candidats ont en gros un PIB par habitant inférieur à la moitié de la moyenne de l’UE, les bénéficiaires nets actuels (ceux qui touchent de Bruxelles plus que la contribution qu’ils versent, bien souvent les pays de l’Est), deviendraient contributeurs nets. Cela vaut pour les subventions régionales (un tiers du budget communautaire) comme pour l’agriculture (un autre tiers).

« À elle seule, l’Ukraine possède plus de 40 millions d’hectares de terres agricoles, estiment les auteurs, soit plus que l’ensemble du territoire italien, et deviendrait l’un des principaux bénéficiaires des fonds de la PAC », évidemment au détriment des membres actuels, ce qui promet des bras de fer explosifs. Tout cela s’ajoute aux centaines de milliards que nécessitera la reconstruction, selon Kiev – sans même évoquer l’issue de la guerre.

Dans le troisième domaine, intitulé « marché unique, libre circulation et emploi », les experts relèvent que « sur certains marchés, comme celui de l’agriculture, l’afflux de marchandises, de cultures et de produits moins chers pourrait également frapper les économies locales, entraînant la fermeture d’entreprises et d’exploitations agricoles ». Dès aujourd’hui, rappellent les auteurs, « la décision d’ouvrir le marché unique aux céréales ukrainiennes a déjà provoqué de vives tensions avec la Pologne et d’autres pays d’Europe de l’Est ».

Ce n’est pas tout : les écarts de main d’œuvre « pourraient aussi, à court terme, faire baisser les niveaux de salaire dans l’Union, avoir un effet corrosif sur les conditions de travail et alimenter le mécontentement sociétal et politique ».

Les auteurs rappellent que la flambée de l’immigration intra-européenne vers le Royaume-Uni, alors membre de l’UE, avait contribué au résultat du référendum de 2016 favorable au Brexit. Ils auraient pu aussi citer les milliers de délocalisations industrielles vers les pays entrants, et les centaines de milliers d’emplois ainsi perdus à l’Ouest.

Dans le quatrième domaine, « Etat de droit et démocratie », le rapport pointe la difficulté d’exiger des candidats une réglementation exemplaire, alors que Bruxelles estime que plusieurs membres actuels (Pologne, Hongrie) bafouent les critères requis…

Enfin, le dernier domaine recouvre la « sécurité extérieure ». Après avoir noté que « le centre de gravité territorial de l’Union continuera à se déplacer vers l’est, de l’Atlantique vers la mer Noire », les auteurs pointent la probabilité selon laquelle « la dépendance à l’égard des États-Unis en matière de sécurité augmentera ».

En résumé, les dirigeants européens ne peuvent résister à leur envie de « ruée vers l’Est » du fait de leurs ambitions géopolitiques, tout particulièrement face à la Russie. Mais s’engager sur cette voie provoquera à coup sûr des tensions fatales au sein des Vingt-sept.

Un défi supplémentaire, et pas des moindres, les attend : « trouver des moyens de rallier leurs propres électeurs ». Les auteurs rappellent en effet que le double Non, français et néerlandais, au projet de traité constitutionnel européen de 2005 suivait l’élargissement de 2004.

Les auteurs évoquent « la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même »

D’où ce cri d’alarme : « l’Union commence à peine à s’attaquer aux défis, aux coûts, aux risques et aux inconvénients qu’une UE élargie pourrait entraîner, sans parler de la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même ».

Sauf à faire exploser l’UE, on peut donc penser qu’il y aura, le moment venu, des dirigeants réalistes qui gèleront le processus.

Hélas !

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L’improbable horizon de l’élargissement…

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

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L’«isolement» change de camp…

Par : pierre

A l’Ouest, on s’inquiète. Bien sûr, cela fait longtemps que les dirigeants occidentaux ont compris que leur rêve d’hégémonie sur le monde allait se heurter à des obstacles qu’ils n’imaginaient pas au début des années 1990, lors de l’effacement de l’Union soviétique.

Mais dans les deux dernières années, et plus encore ces derniers mois, le rythme de leurs échecs et déconvenues s’est accéléré. En 2022, le retrait en catastrophe des forces américaines d’Afghanistan en constituait un symbole marquant. Et en 2023, les militaires français étaient contraints de se replier – certes de manière ordonnée – du Mali, du Burkina Faso, puis du Niger.

Les revers militaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur le plan diplomatique, les déceptions, voire les fiascos se succèdent. Lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, Washington et ses alliés étaient sûrs d’être suivis dans leur condamnation de Moscou. Ils escomptaient une indignation unanime, et donc un alignement général sur leur posture guerrière.

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L’«isolement» change de camp

Par : pierre

A l’Ouest, on s’inquiète. Bien sûr, cela fait longtemps que les dirigeants occidentaux ont compris que leur rêve d’hégémonie sur le monde allait se heurter à des obstacles qu’ils n’imaginaient pas au début des années 1990, lors de l’effacement de l’Union soviétique.

Mais dans les deux dernières années, et plus encore ces derniers mois, le rythme de leurs échecs et déconvenues s’est accéléré. En 2022, le retrait en catastrophe des forces américaines d’Afghanistan en constituait un symbole marquant. Et en 2023, les militaires français étaient contraints de se replier – certes de manière ordonnée – du Mali, du Burkina Faso, puis du Niger.

Les revers militaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur le plan diplomatique, les déceptions, voire les fiascos se succèdent. Lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, Washington et ses alliés étaient sûrs d’être suivis dans leur condamnation de Moscou. Ils escomptaient une indignation unanime, et donc un alignement général sur leur posture guerrière.

Il n’en fut rien. Lors des votes à l’ONU, de nombreux Etats du « sud global » s’abstenaient de condamner Moscou – voire, pour certains, votaient contre cette condamnation. Pire : en août et septembre derniers, trois événements diplomatiques ont souligné la difficulté croissante à imposer un leadership mondial de l’Occident : le sommet des BRICS à Johannesburg, où le groupe des cinq fondateurs s’est élargi à six nouvelles puissances (les candidatures étaient bien plus nombreuses) ; le sommet du G20 à New Dehli, où les efforts pour stigmatiser la Russie ont été vains (la résolution finale étant encore plus mesurée sur le dossier ukrainien que l’année précédente) ; et l’assemblée générale de l’ONU, où se sont succédé les prises de distance par rapport au G7 et à ce qu’il symbolise.

C’est notamment ce que relève une des chroniqueuses de relations internationales du Monde, qui reflète assez fidèlement le spectre de l’idéologie des élites françaises et même européennes. Non sans effroi, Sylvie Kauffmann note ainsi que « les grands acteurs du sud ne se conforment plus au récit des grands acteurs du nord », et conclut son analyse du 28 septembre par ces mots inquiets : « l’heure des ajustements et du rééquilibrage est venue ; ça va très vite et c’est brutal ».

Puis, le 6 octobre, son confrère Alain Frachon affirme dans le même quotidien que désormais « le monde occidental n’est plus hégémonique », et détaille les évolutions qui justifient son analyse. Il souligne que ce phénomène est notable y compris de la part d’Etats connus pour leur proximité historique avec l’Oncle Sam ; un des exemples les plus spectaculaires étant l’Arabie Saoudite.

Non sans pertinence, il relève du reste que les dirigeants occidentaux ont été les premiers à décrédibiliser l’ONU en s’affranchissant de ses règles, à commencer par la guerre faite à l’Irak en 2003. Il aurait pu citer la punition infligée à la Serbie en 1999. Bref, « le président George W. Bush a ouvert un boulevard à Vladimir Poutine », donnant ainsi à nombre de capitales non occidentales une bonne raison de ne pas condamner Moscou.

Le sentiment du « deux poids – deux mesures » s’est répandu à grande vitesse

Car le sentiment, justifié, du « deux poids – deux mesures » s’est répandu à grande vitesse : d’un côté, un mobilisation sans précédent des alliés occidentaux pour des livraisons massives d’armes à l’Ukraine et les sanctions anti-russes ; de l’autre, une indifférence (à peine) polie des mêmes face aux désastres économiques et sociaux, voire aux conflits, qui ravagent ce qu’on nommait jadis le Tiers-monde.

La présidente de la Commission européenne a même omis de dire un mot sur les Gazaouis assiégés, étranglés et bombardés

Et encore, tout cela, c’était avant le déchaînement israélien d’une violence inouïe contre la population martyre de Gaza (mais aussi, à plus bas bruit, contre celle de Cisjordanie de la part des colons). Au nom du « droit d’Israël à se défendre » contre le mouvement de résistance palestinien et les actions militaires du Hamas, les dirigeants des grands pays de l’Ouest se sont précipités à Jérusalem ou Tel-Aviv pour exprimer leur « solidarité » avec l’Etat juif. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a même carrément omis de dire un mot sur les Gazaouis assiégés, étranglés et bombardés.

Pour sa part, le président américain, certes de plus en plus mal à l’aise, n’a rien à refuser à son allié israélien. Il a même mis son veto à une résolution, pourtant très timide, présentée par le Brésil au Conseil de sécurité.

Quand le deux poids – deux mesures atteint un tel degré de cynisme, qui s’étonnera encore du malaise, et souvent de la colère, de pays, de plus en plus nombreux, du « Sud global » ? Tous les efforts des diplomates occidentaux, depuis février 2022, pour mobiliser derrière eux contre la Russie tombent à l’eau, et se retournent même contre leurs auteurs. Conclusion du Monde (21/10/2023), de plus en plus angoissé devant cette évolution : « l’isolement menace… le monde occidental ». Les points de suspension mis par le rédacteur dénotent son désarroi : pendant des mois en effet, la presse dite « mainstream » s’est réjouie de la perspective de voir… Moscou isolé.

Le même jour, le quotidien commence son éditorial par ces mots : « la colère monte, elle vient du Sud et elle est dirigée contre le Nord (…). La violence de la riposte de l’armée israélienne sur Gaza (…) a déclenché un puissant mouvement de contestation, teinté d’esprit de revanche, contre les pays occidentaux, accusés d’hypocrisie dans le choix des victimes auxquelles ils apportent leur soutien. (…) La vitesse et l’intensité avec lesquelles s’est propagée cette contestation depuis dix jours sont révélatrices d’un basculement politique ».

Un « basculement » tellement visible que Josep Borell lui-même (à droite sur la photo, saluant Joseph Biden), le chef de la politique extérieure de l’UE, a publiquement reconnu son inquiétude : sortant de sa visite, le 20 octobre, à la Maison-Blanche, il a évoqué ce que les diplomates de Bruxelles en poste un peu partout dans le « Sud global » confirment : une colère anti-occidentale croissante.

L’histoire n’est jamais écrite d’avance, et des retournements peuvent toujours survenir. Mais, pour l’heure, l’« isolement » est en train de changer de camp.

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L’Europe vers le chaos ? (vidéo)

Par : pierre

La nouvelle émission coréalisée par Le Média pour Tous et Ruptures est désormais en ligne, avec au menu : L’Europe vers le chaos ?

En effet, les sujets de discorde se multiplient au sein des Vingt-sept. Malgré un compromis provisoire, ces derniers divergent ainsi sur la réforme du marché de l’électricité de l’UE, dans le contexte de prix et de factures des ménages qui explosent, notamment du fait des sanctions anti-russes.

L’immigration est également un dossier brûlant et polémique, qui revient en force cette année après le pic d’arrivées de 2015-2016. Les dirigeants des Etats membres s’écharpent aussi sur les perspectives et les processus d’adhésion d’une nouvelle vague de pays, dont l’Ukraine. Notamment du fait des coûts faramineux que cet horizon entraînerait.

Après le sommet informel du 5 octobre, où les chefs d’Etat et de gouvernement se sont inquiétés de la « fatigue de la guerre » parmi les peuples, et avant le Conseil des 26 et 27 octobre, Charles-Henri Gallois, leader de Génération Frexit, et Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, débattent et exposent leurs analyses complémentaires et souvent convergentes.

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Pendant le drame arménien, Bruxelles continue de choyer l’Azerbaïdjan pour son gaz…

Par : pierre

Le 20 septembre, l’Azerbaïdjan a parachevé sa reprise en main du Haut-Karabakh. Cette province appartient certes administrativement à ce pays, mais elle est historiquement peuplée d’Arméniens – elle est même parfois considérée comme le berceau de la culture arménienne.

Entre cette date et aujourd’hui, soit en moins de deux semaines, plus de 100 000 habitants, soit la grande majorité de la population, ont fui l’enclave dans des conditions dramatiques, par peur des exactions redoutées de l’armée azerbaïdjanaise.

Le conflit entre l’enclave séparatiste et Bakou (la capitale azérie) remonte à l’éclatement de l’URSS (même s’il a des racines historiques séculaires). Il en est même l’une des conséquences puisque, pas plus que la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’affrontement armé entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises n’aurait pu se dérouler entre Républiques alors soviétiques…

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Pendant le drame arménien, Bruxelles continue de choyer l’Azerbaïdjan pour son gaz

Par : pierre

Le 20 septembre, l’Azerbaïdjan a parachevé sa reprise en main du Haut-Karabakh. Cette province appartient certes administrativement à ce pays, mais elle est historiquement peuplée d’Arméniens – elle est même parfois considérée comme le berceau de la culture arménienne.

Entre cette date et aujourd’hui, soit en moins de deux semaines, plus de 100 000 habitants, soit la grande majorité de la population, ont fui l’enclave dans des conditions dramatiques, par peur des exactions redoutées de l’armée azerbaïdjanaise.

Le conflit entre l’enclave séparatiste et Bakou (la capitale azérie) remonte à l’éclatement de l’URSS (même s’il a des racines historiques séculaires). Il en est même l’une des conséquences puisque, pas plus que la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’affrontement armé entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises n’aurait pu se dérouler entre Républiques alors soviétiques.

Le dernier affrontement massif entre ces deux pays remonte à l’automne 2020, à l’initiative de l’Azerbaïdjan. Il avait débouché sur une victoire de Bakou, fort du soutien militaire, politique et diplomatique de la Turquie, et de livraisons de nombreuses armes israéliennes.

Les combats avaient provoqué la mort de près de 7 000 militaires et civils, et des dizaines de milliers de déplacés. Ils avaient débouché sur un cessez-le-feu, conclu sous l’égide de la Russie, dont 2 000 soldats sont ensuite arrivés sur place en tant que force de paix entre les belligérants. Sur le terrain, Bakou recouvrait des territoires préalablement sous contrôle arménien. Mais le Haut-Karabakh lui-même restait administré par les Arméniens sur place, dont le rêve est le rattachement à la mère-patrie.

Pour Bakou, qui voulait récupérer le contrôle total de la région, c’était encore trop. Sentant que la situation internationale lui était favorable – Moscou ayant d’autres priorités que de faire pression pour que les deux capitales négocient – le président azerbaïdjanais lançait, en décembre 2022, un véritable blocus de l’enclave. Une manœuvre facilitée par le fait que celle-ci n’est reliée à l’Arménie que par une seule route (le corridor de Latchine). Une fois cette route bloquée, les approvisionnements de première nécessité – alimentation, médicaments… – se sont progressivement taris, plaçant la population civile dans une pénurie de plus en plus catastrophique.

Dès lors, il ne suffisait plus que de donner le coup de grâce. Le 18 septembre dernier, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, ordonnait une ultime offensive militaire, sous couvert d’opération « anti-terroriste ». L’Arménie a alors dénoncé une « agression à grande échelle »particulièrement meurtrière.

Mais le rapport de force ne laissait aucun autre choix aux séparatistes que de capituler et de rendre les armes. Grand seigneur, Bakou a promis de garantir les droits civils et religieux aux Arméniens souhaitant rester sur place, tout en comptant que nombre d’entre eux fuiraient vers l’Arménie. C’est ce qui vient de se produire.

En France, où la communauté arménienne est fortement représentée, la plupart des forces politiques – notamment via leurs députés européens – ont eu des mots très durs vis-à-vis de du président Aliev, certains pointant les risques de « nettoyage ethnique ». Pour sa part, le chef de la diplomatie de l’UE a condamné l’offensive militaire lancée par l’Azerbaïdjan, et appelé à la reprise du dialogue. Josep Borrell est d’autant plus contrarié que Bruxelles avait parrainé des pourparlers entre Bakou et Erivan, se vantant même, en août dernier, d’être à deux doigts d’un accord.

Dépité, l’un des adjoints de M. Borrell a accusé Moscou d’être responsable de l’offensive azérie en dénonçant la passivité de la force d’interposition russe. Le calcul du Kremlin serait d’attiser la colère des courant arméniens les plus nationalistes afin de précipiter la chute de l’actuel président arménien, jugé trop pro-occidental. Une thèse reprise par Catherine Colonna, le ministre français des affaires étrangères.

Chacun a bien compris que Bruxelles ne prendrait aucune mesure de rétorsion contre Bakou

L’accusation qui pourrait bien être une diversion. Car, malgré les condamnations formelles, chacun a bien compris que Bruxelles ne prendrait aucune mesure de rétorsion contre Bakou. Et pour cause : le gaz de ce pays doit contribuer à remplacer celui que Bruxelles ne veut plus acheter à la Russie. Ainsi, en 2022, l’Union européenne a reçu 11,3 milliards de m3 de gaz azéri, contre 8 milliards l’année précédente. Et prévoit d’atteindre un rythme annuel de 20 milliards d’ici 2027.

Bref, pour l’UE, sanctionner la Russie – au détriment des consommateurs européens, victimes de prix en hausse – est la priorité. Quitte à se fournir auprès d’un pays dont les dirigeants viennent d’utiliser la force la plus brutale pour régler un problème qui aurait dû être traité de manière diplomatique comme le demandaient tant Moscou que les capitales occidentales…

Par ailleurs, l’Azerbaïdjan n’est pas vraiment un modèle du fameux « Etat de droit » dont Bruxelles se fait le chantre. Il est, de notoriété publique, rongé par la corruption, le népotisme et l’autoritarisme. Le sort des opposants politiques y est fort peu enviable.

Ce qui n’avait nullement empêché la présidente de la Commission européenne de se rendre à Bakou le 18 juillet 2022 pour y signer et fêter un nouveau protocole d’accord sur l’énergie (photo). Ursula von der Leyen n’hésitait pas alors à déclarer : « nous ouvrons un nouveau chapitre de notre coopération énergétique avec l’Azerbaïdjan, un partenaire clé de nos efforts pour abandonner les combustibles fossiles russes (…). Cependant, l’énergie n’est qu’un des domaines dans lesquels nous pouvons intensifier notre coopération avec l’Azerbaïdjan et je me réjouis de la perspective d’exploiter pleinement le potentiel de nos relations ».

Bakou, un « partenaire de confiance » ? Bel exemple du deux poids – deux mesures pratiqué par les Occidentaux en général, les dirigeants de l’UE en particulier.

Et plus tard, ceux-ci s’interrogeront gravement sur le fossé qui s’élargit entre eux et le « Sud global »…

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Parmi les soutiens de Kiev, le réalisme gagne du terrain…

Par : pierre

Stupeur, désarroi et indignation : les commentateurs réunis le 16 août sur le plateau de LCI ne cachaient pas leur fureur au lendemain des propos tenus la veille par le chef de cabinet du secrétaire général de l’OTAN.

Interviewé par le journal norvégien Verdens Gang, Stian Jenssen avait notamment évoqué une « solution pour l’Ukraine » qui consisterait à ce que celle-ci « cède du territoire (à la Russie) et obtienne en retour son adhésion à l’OTAN ». Et il précisait même : « cette discussion est déjà en cours » au sein de l’Alliance.

Évidemment, à ce stade, cette perspective est inacceptable tant pour Moscou que pour de nombreux gouvernements occidentaux. Mais qu’une piste autre qu’une victoire totale de Kiev ait été évoquée par un haut responsable a littéralement déstabilisé les « experts » régulièrement invités pour faire l’exégèse de la guerre et de ses enjeux.

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Parmi les soutiens de Kiev, le réalisme gagne du terrain

Par : pierre

Stupeur, désarroi et indignation : les commentateurs réunis le 16 août sur le plateau de LCI ne cachaient pas leur fureur au lendemain des propos tenus la veille par le chef de cabinet du secrétaire général de l’OTAN.

Interviewé par le journal norvégien Verdens Gang, Stian Jenssen avait notamment évoqué une « solution pour l’Ukraine » qui consisterait à ce que celle-ci « cède du territoire (à la Russie) et obtienne en retour son adhésion à l’OTAN ». Et il précisait même : « cette discussion est déjà en cours » au sein de l’Alliance.

Évidemment, à ce stade, cette perspective est inacceptable tant pour Moscou que pour de nombreux gouvernements occidentaux. Mais qu’une piste autre qu’une victoire totale de Kiev ait été évoquée par un haut responsable a littéralement déstabilisé les « experts » régulièrement invités pour faire l’exégèse de la guerre et de ses enjeux.

L’un a pointé une explication : M. Jenssen serait tout simplement un garçon stupide, voire un débile mental. L’autre a imaginé une raison encore plus audacieuse : l’homme serait un agent russe infiltré au plus haut niveau de l’Alliance. Les deux géopolitologues se rejoignaient en tout cas sur un point : le chef de cabinet devrait démissionner, ou être limogé sur le champ. Une semaine plus tard, force est pourtant de constater qu’il est toujours en fonctions.

Dès lors, une autre piste, légèrement moins invraisemblable que les élucubrations des « spécialistes », peut être formulée : au sommet de l’OTAN, on a peut-être voulu lancer un « ballon d’essai », non pour que son contenu devienne immédiatement réalité, mais pour envoyer un signal, tester les réactions, et, qui sait, préparer le terrain pour de futurs pourparlers, tant stratégiquement (vis-à-vis de la Russie) que politiquement (vis-à-vis des opinions occidentales). Ce n’est évidemment qu’une hypothèse, mais plusieurs éléments semblent la rendre crédible.

A commencer par le classique rétropédalage : M. Jenssen a précisé par la suite que ses propos avaient été « mal compris ». Mais aucun démenti de son chef, le secrétaire général Jens Stoltenberg (photo), n’a été publié. Du reste, par sa fonction même, le porte-parole est là pour se faire l’écho des positions de la direction de l’Alliance, certainement pas pour prendre des initiatives personnelles.

Dans ces conditions, certains dirigeants de l’Alliance atlantique souhaitent désormais trouver une porte de sortie qui permettrait de sauver la face

Surtout, on sait que de hauts militaires de l’OTAN, en particulier américains, se rendent à une évidence que certains stratèges « réalistes » énonçaient depuis longtemps : hors intervention directe et massive de soldats occidentaux, l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre. L’échec, reconnu à demi-mots par le président ukrainien lui-même, de la « grande contre-offensive » lancée début juin, les ont probablement conduits à cette analyse.

On imagine que, dans ces conditions, certains dirigeants de l’Alliance atlantique, notamment à Washington, souhaitent désormais trouver une porte de sortie qui permettrait de sauver la face. Même si cela doit passer par des hurlements de fureur à Kiev… mais aussi au sein des castes politiques et des rédactions de nombreux médias de pays européens.

Ainsi, Le Monde, la grande référence des classes dirigeantes françaises, n’a pas écrit un seul mot sur les propos prononcés par M. Jenssen. Mais – coïncidence ? – titrait son éditorial du 19 août : « Face à une guerre longue en Ukraine, il faut tenir, en soutien à Kiev ». Et plaidait pour « intensifier l’assistance militaire à l’Ukraine, lui livrer davantage de missiles à longue portée (sur lesquels Berlin continue d’hésiter), lutter plus efficacement contre le contournement des sanctions, rester ferme face à Moscou, et l’expliquer aux opinions publiques ». Un contre-feu qui semble témoigner de l’angoisse de certains milieux que la ligne dure actuelle soit infléchie.

Indice supplémentaire que le sujet ne pourra plus longtemps être escamoté : l’ancien président français Nicolas Sarkozy osait affirmer, le 16 août dans Le Figaro, que le conflit ne pourrait se régler que par « la diplomatie, la discussion ». A propos de la Crimée, « dont une majorité de la population s’est toujours sentie russe », l’ancien chef de l’Etat estimait que « tout retour en arrière est illusoire ». Tout en estimant que l’annexion de la Crimée constituait « une violation évidente du droit international », il préconisait dans la même interview un référendum « organisé sous le contrôle strict de la communauté internationale (…) pour entériner l’état de fait actuel », c’est-à-dire le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie. La même voie pourrait être suivie, selon lui, pour les « territoires disputés de l’est et du sud de l’Ukraine ».

Inutile de préciser qu’il a provoqué un tollé à droite comme à « gauche », tout particulièrement chez les Verts.

Mais qu’ils viennent de l’OTAN ou d’anciens responsables politiques occidentaux, de tels messages ne sont sans doute pas le fruit du hasard. Les partisans inconditionnels de Kiev n’ont peut-être pas fini de s’indigner

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La Commission européenne en défenseur de la liberté des médias ? Cherchez l’erreur ! (vidéo)

Par : pierre

La Commission européenne promeut son projet « pour la liberté des médias ». Le discours officiel affirme vouloir renforcer le pluralisme de la presse, l’indépendance des journalistes, la stabilité du financement des médias, et limiter la concentration de ceux-ci…

Dans la première partie du débat, Emmanuel Pierrat, avocat à la Cour, auteur prolifique, et spécialiste du combat contre la censure, décortique les véritables mécanismes et enjeux derrière les « bonnes intentions » affichées. Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, pointe quant à lui le silence des institutions européennes face à la machination dont est victime le journaliste Julian Assange ; ou bien l’interdiction par l’UE, en 2022, de la diffusion de RT.

Visionner la première partie en accès libre

Dans la seconde partie, Maître Pierrat éclaire les champs, les possibilités, les défis et les conflits qu’entraîne l’émergence de l’Intelligence artificielle – un domaine où l’UE veut également légiférer : droit d’auteur, données personnelles, avenir des métiers…

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Caroline Galacteros : « L’Ukraine ne peut pas gagner la guerre » (vidéo)

Par : pierre

Depuis seize mois, les dirigeants occidentaux n’ont cessé d’augmenter leur aide à Kiev, financière et militaire. Les livraisons d’armes, de munition et d’équipement semblent sans limite, et leur coût donne le tournis. Si Washington est, de loin, le premier fournisseur, l’UE ne veut pas être en reste.

Caroline Galactéros, géopolitologue et fondatrice de Géopragma, affirme depuis le début du conflit que le rapport de force ne laisse aucune chance au président ukrainien, et pointe le déni médias occidentaux – alors qu’aux Etats-Unis même, les experts sont bien plus lucides : plus la guerre dure, plus l’Ukraine devra faire des concessions à Moscou.

Pour sa part, Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, pointe les contradictions qui se font jour au sein même des Vingt-sept, notamment sur les perspectives d’intégrer l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi les pays des Balkans au sein de l’UE.

Visionner la première partie en accès libre

Dans la seconde partie (réservée aux abonnés), les deux débatteurs échangent leurs vues sur l’émergence du « sud global » (de la Chine à l’Inde et à l’Afrique du Sud, du Brésil au Mexique jusqu’à l’Iran et à l’Arabie saoudite), un ensemble certes non homogène, mais uni par le refus croissant de l’hégémonie occidentale. Une émergence accélérée par le présent conflit.

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La CPE, un objet politique non identifié

Par : pierre

Le deuxième sommet de la « Communauté politique européenne » (CPE) s’est déroulé le 1er juin près de Chisinau, la capitale de la Moldavie. Quarante six chefs d’Etat ou de gouvernement étaient présents. Les dirigeants des Etats membres de l’UE ont donc côtoyé ceux d’une vingtaine d’autres pays du Vieux continent. Une réunion de la « famille européenne », se sont réjoui les organisateurs. Comme lors de sa première édition, seules la Russie et la Biélorussie avaient d’emblée été exclues.

Un interdit qui n’étonnera pas si l’on se souvient de la genèse de la CPE. C’est le président français qui, le premier, avait souhaité le lancement de cet « objet politique non identifié » dans un discours datant de mai 2022. La guerre en Ukraine – dans sa phase actuelle – avait commencé trois mois plus tôt. Emmanuel Macron, comme ses collègues occidentaux, souhaitait trouver un cadre qui intègre politiquement l’Ukraine et la Moldavie, tout en restant réticent à l’époque sur l’adhésion proprement dite de ces pays à l’Union européenne.

L’idée avait donc d’abord déplu à un certain nombre de capitales, celles de pays d’Europe centrale et orientale par exemple, qui plaidaient, elles, pour une intégration en bonne et due forme de Kiev et de Chisinau au plus tôt, au nom de la solidarité atlantique, indissociable selon elles de l’UE.

Finalement, le maître de l’Elysée avait eu gain de cause en faisant miroiter que la réunion d’un tel aréopage continental serait un moyen idéal de signifier l’isolement de Moscou. De fait, la première édition, tenue à Prague en octobre 2022, avait été ouverte par le premier ministre tchèque qui avait alors célébré « l’occasion pour les démocraties européennes (y compris donc l’Azerbaïdjan ou la Turquie) de présenter un front uni contre la brutalité de Poutine ».

Pour sa part, le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, avait ostensiblement proclamé (même s’il n’avait officiellement aucun rôle) : « cette réunion est une façon de chercher un nouvel ordre sans la Russie ».

Sans surprise, neuf mois plus tard, le climat anti-russe ne s’est guère adouci. D’autant que cette fois, le président ukrainien a fait le déplacement. Une « surprise » qui n’a surpris personne puisque Volodymyr Zelensky ne manque plus une seule réunion internationale, dès lors qu’il peut y réclamer chars, missiles et avions.

Pour le président français, ces conférences permettent une « intimité stratégique »

La CPE n’a pas d’existence institutionnelle formelle. Dès lors, à quoi peut-elle bien servir, alors qu’existent déjà l’UE, l’OTAN, sans même évoquer le Conseil de l’Europe ?

Pour certains dirigeants, en particulier pour Emmanuel Macron, ces conférences permettent une « intimité stratégique » avec le Royaume-Uni qui a quitté l’UE, de même qu’avec des pays qui refusent d’adhérer au club, comme l’Islande, la Norvège ou la Suisse. Officiellement, on peut également y travailler à des coopérations dans des domaines tels que l’énergie, la protection des infrastructures, la jeunesse, la connectivité, la mobilité. Le président français a pour sa part proposé dans ce cadre la mise en place d’une force de réserve en matière de cyber-guerre…

Les organisateurs se sont par ailleurs réjoui qu’un tel forum puisse donner lieu à des échanges informels bi- ou multilatéraux. Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont par exemple pris part à des contacts entre les présidents arménien et azerbaïdjanais, dont les pays restent en état de guerre larvée ; ou entre le président serbe et son homologue du Kosovo, une ancienne province serbe autoproclamée indépendante en 2008 mais non reconnue par Belgrade avec qui le conflit s’est réchauffé récemment. Aucun de ces conciliabules n’a cependant débouché sur des avancées notables.

Emmanuel Macron est convaincu que toute nouvelle adhésion accroîtrait la probabilité de désintégration de l’UE, à moins de changer l’architecture et les règles de celle-ci

En réalité, la question la plus importante qui hante les esprits est celle de l’« élargissement » de l’UE. Cela concerne donc, d’une part, l’Ukraine et la Moldavie (deux anciennes Républiques soviétiques) dont les autorités frappent à la porte de Bruxelles avec insistance. Ces pays se sont vu accorder le statut de candidat il y a un an. La prochaine étape est le démarrage des négociations d’adhésion, pour lequel les Vingt-sept doivent donner leur feu vert d’ici la fin de l’année.

Par « négociations », il faut comprendre l’adaptation unilatérale de la législation des pays candidats au droit de l’UE. Le processus peut durer des années, sans garantie d’aboutir – les « négociations » avec la Turquie ont été engagées en 2015, et sont désormais gelées.

Les pourparlers sont en principe conduits Etat candidat par Etat candidat, mais de nombreux dirigeants européens plaident pour accélérer les procédures et insistent pour que certains pays des Balkans – Serbie, Monténégro, Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Kosovo… – qui attendent depuis des années dans des antichambres plus ou moins avancées, ne soient pas oubliés. Sans quoi, insistent notamment Varsovie, Prague, mais aussi Berlin, la Russie pousserait ses pions dans cette Europe du Sud-Est afin de déstabiliser le Vieux continent.

Paris ne conteste pas l’argument, mais s’inquiète d’une UE devenant de plus en plus impotente à mesure qu’elle grossit. Ainsi, l’unanimité, qui reste la règle – au grand dam de l’Allemagne – en matière de politique étrangère serait de plus en plus difficile à négocier à trente ou trente cinq membres.

Emmanuel Macron est donc convaincu – non sans raison – que toute nouvelle adhésion accroîtrait la probabilité de désintégration de l’UE, à moins de changer l’architecture et les règles de celle-ci. Pour qui suit l’histoire de l’UE resurgit ainsi le débat qui opposa Paris à Berlin dès les années 2000 : la France plaidait pour plus d’intégration avant l’élargissement, l’Allemagne pour l’élargissement avant l’« approfondissement » – c’est ce second point de vue qui a prévalu, érigeant ainsi l’Europe centrale en arrière-cour économique de Berlin.

Ces dernières semaines, le président français a cependant semblé évoluer. Le 31 mai à Bratislava, il a appelé de ses vœux l’accélération de l’adhésion de Kiev et de Chisinau : « nous entrons dans une phase très politique, l’UE doit ancrer les Balkans occidentaux, l’Ukraine et la Moldavie ». Mais c’était pour préciser aussitôt : « il faut accepter d’avoir une union élargie, géopolitique, et que quelques-uns de ses membres décident d’avoir une politique beaucoup plus communautaire ».

Refait ainsi surface le vieux serpent de mer de « l’Europe à plusieurs vitesses », un contentieux qui a longtemps opposé Paris et Berlin. La querelle pourrait bien resurgir au sein des Vingt-sept, sans que la création de la CPE résolve le conflit en quoi que ce soit. Le prochain sommet aura lieu en Espagne en octobre.

Quoiqu’il en soit, même à long terme, l’élargissement apparaît comme une perspective improbable.

Que le président turc, fraîchement réélu, ait boudé le sommet de Chisinau n’augure peut-être rien de bon pour les dirigeants européens

Aucune question n’ayant notablement avancé lors de ce sommet du 1er juin, on en retiendra surtout une absence de taille : celle du président turc réélu quelques jours plus tôt. Alors que la plupart des dirigeants occidentaux espéraient discrètement que ce pays clé de l’OTAN élirait un successeur plus docilement atlantiste, le nouveau mandat de Recep Tayyip Erdogan s’annonce gros d’incertitudes, tant ce dernier a joué les mauvais garçons au sein de l’Alliance.

Qu’il ait boudé le sommet de Chisinau n’augure peut-être rien de bon pour les dirigeants européens avides d’afficher leur « unité face à Poutine ».

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La CPE, objet politique non identifié…

Par : pierre

Le deuxième sommet de la « Communauté politique européenne » (CPE) s’est déroulé le 1er juin près de Chisinau, la capitale de la Moldavie. Quarante six chefs d’Etat ou de gouvernement étaient présents. Les dirigeants des Etats membres de l’UE ont donc côtoyé ceux d’une vingtaine d’autres pays du Vieux continent. Une réunion de la « famille européenne », se sont réjoui les organisateurs. Comme lors de sa première édition, seules la Russie et la Biélorussie avaient d’emblée été exclues.

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Faut-il armer l’Ukraine ? Enfin un débat contradictoire… (vidéo)

Par : pierre

Les Occidentaux livrent massivement des armes et des munitions à Kiev. Derrière les Etats-Unis, l’Union européenne a déjà fourni pour des dizaines de milliards d’euros d’équipements.

Certains pays de l’est font de la surenchère (et profitent de l’occasion pour se faire renouveler leurs propres matériels), mais personne ne veut être en reste – France y compris.

Au fait, est-ce vraiment notre guerre ? Et qui paye, pour quels objectifs, avec quelle conséquences, et quels risques ? A Bruxelles, on se félicite des progrès de l’Europe militaire. Mais jusqu’à quand va-t-on jouer avec le feu ?

Cette fois, l’émission co-produite par Le Média pour Tous et Ruptures prend la forme d’un débat contradictoire entre François Poulet-Mathis, journaliste favorable à l’intégration européenne, et Pierre Lévy, qui s’y oppose.

Visionner la première partie en accès libre

NB : Mi-mai, le prochain invité sera le journaliste Jean-Michel Quatrepoint, spécialiste de la politique industrielle. Il y sera notamment question des dégâts causés par les dogmes européens, notamment en matière de désindustrialisation de la France. Jean-Michel Quatrepoint a consacré sa carrière à enquêter sur ces dossiers – dont Alstom. Il sera également question de la Chine…

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« Est-ce que Macron est devenu fou ? »

Par : pierre

Lors de son vol le ramenant de Pékin à Paris, le 7 avril, le président français a lâché quelques phrases qui ont provoqué une onde de choc dans les milieux les plus atlantistes – en France, en Europe, et aux Etats-Unis.

Evoquant la question de Taïwan – une île que la Chine considère comme faisant partie de son territoire, mais dirigée depuis sept décennies par des forces très liées à Washington – Emmanuel Macron a en substance plaidé pour que, dans ce dossier, l’Union européenne ne soutienne pas aveuglément les Etats-Unis, aujourd’hui engagés dans une escalade de confrontation avec Pékin.

« La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise » a affirmé le locataire de l’Elysée, qui a poursuivi : « nous ne voulons pas entrer dans une logique de bloc à bloc » qui contraindrait l’UE à s’aligner purement et simplement derrière Washington.

Il n’en fallait évidemment pas plus pour déclencher la fureur des groupies inconditionnelles de l’Oncle Sam. En Allemagne en particulier. Norbert Röttgen, qui brigua naguère la présidence de la CDU, s’est indigné : « Macron a réussi à faire de sa visite en Chine une opération de communication pour Xi et un désastre diplomatique pour l’Europe ».

Rappelant les analyses datant de 2021 du chef de l’Etat français estimant que l’OTAN était en état de « mort cérébrale », le député social-démocrate Metin Hakverdi en a, pour sa part, perdu son sang-froid : « Macron recommence. C’est une grave erreur pour l’Occident de se laisser diviser dans ses relations avec Pékin ». Pire : le président français « s’exprime à Pékin sans aucune autorisation de l’UE ». Un peu plus, et le parlementaire demandait sa comparution devant la Cour pénale internationale…

Et la presse « mainstream » est au diapason, à l’image du Spiegel qui s’interroge gravement : « Est-ce que Macron est devenu fou ? ».

Mais c’est sans doute en République tchèque – dont les dirigeants se sont récemment illustrés par leur initiatives diplomatiques pro-Taipeh – que la fureur s’est exprimée le plus ouvertement. La sénatrice Miroslava Němcová (ODS, droite) a ainsi rédigé un tweet rageur : « Macron en Chine a fragilisé une alliance clé entre l’Europe et les États-Unis ». Quant au président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés, Marek Zenisek (TOP-09, libéral), il n’a pas hésité à asséner : « selon M. Macron, nous devrions résister aux pressions visant à réduire notre dépendance à l’égard des États-Unis et ne pas nous laisser entraîner dans une confrontation entre la Chine et les États-Unis. C’est absolument honteux et erroné ». Au moins, c’est clair.

Face à ce tumulte, comment analyser les propos d’Emmanuel Macron, que celui-ci a du reste réitérés quelques jours plus tard ?

Il convient d’abord de rappeler que le président français s’inscrit dans une certaine continuité. Il n’a cessé de plaider pour ce qu’il nomme une « autonomie stratégique » de l’UE face à ceux qui privilégient une « solidarité atlantique » sans faille.

Il précise cependant, dans le cas de la Chine, qu’il ne plaide nullement pour que Bruxelles se situe « à équidistance » de Washington et de Pékin. Car il considère les Etats-Unis comme des alliés et amis proches, et se reconnaît dans la caractérisation classique de la Chine par Bruxelles comme une « partenaire », mais aussi une « concurrente » ainsi qu’une « rivale ».

Cependant il ambitionne de faire de l’UE un bloc autonome, défendant des « intérêts européens ». Il s’est du reste félicité d’avoir marqué, depuis quelques années, des points idéologiques à cet égard parmi les Vingt-sept, au point de leur avoir fait adopter le concept de « souveraineté européenne ».

Le problème est que cette formulation est un oxymore : elle contient une contradiction dans les termes qui l’empêche de revêtir un contenu concret, en tout cas favorable aux peuples. La seule signification réelle renvoie plutôt à des intérêts économiques des grands groupes industriels, commerciaux et bancaires de base européenne face à leurs rivaux d’outre-atlantique.

Alors, face à Washington, priorité à la rivalité économique, ou bien à la soumission politique ? A Bruxelles, le deuxième terme semble pour l’heure prendre le dessus en particulier depuis le 24 février 2022. Car la guerre en Ukraine a donné des ailes aux dirigeants les plus ultras – polonais, baltes, tchèques, roumains – alors même que Paris, Berlin et quelques autres semblent avoir été pris de court par les évolutions géopolitiques, amenant Varsovie à triompher, en substance : vous voyez, nous avions raison de désigner la Russie comme un ennemi mortel.

Encore faut-il préciser que la ligne qui sépare partisans d’une « Europe européenne » et supporters d’une Europe américaine ne passe pas forcément entre Etats membres de l’UE, mais plutôt au sein même de certains de ces derniers. En République fédérale par exemple, les ultra-atlantistes tiennent pour l’heure le haut du pavé. Mais dans les trois décennies qui ont suivi la « réunification », l’heure était plutôt à la promotion des intérêts autonomes, y compris face aux Américains. Ce qui pourrait un jour revenir (mais pas à court terme).

Hélas, Emmanuel Macron n’est pas de Gaulle…

Pour des raisons historico-culturelles, la France, celle du peuple, possède une longue tradition de non-alignement (là où ses élites dirigeantes ont plutôt le réflexe de la soumission aux puissances étrangères). Ainsi, la Révolution française a vu se dresser contre elle l’Europe des aristocraties coalisées pour ramener le despote sur le trône – et en est sortie victorieuse en septembre 1792. Un siècle et demi plus tard, l’immense majorité de la grande bourgeoisie française prônait la collaboration avec l’Allemagne nazie selon le slogan « plutôt Hitler que le Front populaire » ; c’est finalement la Résistance qui contribua de manière décisive à vaincre l’Occupation. Puis, lors de ses deux passages au pouvoir, le Général de Gaulle prit bien soin de tenir en échec l’hégémonie sur la France dont Washington rêvait.

Hélas, Emmanuel Macron n’est pas de Gaulle. Là où le premier défendait l’indépendance de chaque pays, son lointain successeur rêve de dissoudre les souverainetés nationales dans un empire européen qui ne dit pas son nom. Pour l’heure, le vent ne souffle pas dans son sens au sein de l’oligarchie bruxelloise majoritairement alignée sur l’Oncle Sam, à l’image d’Ursula von der Leyen. Le président français pourrait au moins s’enorgueillir d’être blâmé par Norbert Röttgen. Un véritable honneur, mais il n’est pas sûr qu’il l’apprécie à sa juste valeur…

En attendant, tous ceux, en France, en Allemagne et ailleurs, qui rejettent les dominations et les dépendances ont au moins un motif de satisfaction : les querelles et contradictions au sein de l’UE se portent à merveille. Et ce n’est pas près de s’arrêter.

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« Macron est-il devenu fou ?… »

Par : pierre

Lors de son vol le ramenant de Pékin à Paris, le 7 avril, le président français a lâché quelques phrases qui ont provoqué une onde de choc dans les milieux les plus atlantistes – en France, en Europe, et aux Etats-Unis.

Evoquant la question de Taïwan – une île que la Chine considère comme faisant partie de son territoire, mais dirigée depuis sept décennies par des forces très liées à Washington – Emmanuel Macron a en substance plaidé pour que, dans ce dossier, l’Union européenne ne soutienne pas aveuglément les Etats-Unis, aujourd’hui engagés dans une escalade de confrontation avec Pékin.

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Retraites : de qui Macron est-il le porte-flingue ? (vidéo)

Par : pierre

La deuxième émission co-réalisée par Le Média pour Tous et Ruptures est désormais en ligne. Ce débat accueille David Cayla (à gauche), économiste hétérodoxe, auteur, et maître de conférence à l’université d’Angers


Dans une première partie, l’invité débat avec Pierre Lévy du rôle de l’Union européenne dans la volonté des gouvernements nationaux – en France en particulier – d’imposer des réformes des retraites. Dans la seconde partie (accessible seulement aux abonnés), l’échange porte sur la fin possible du néolibéralisme – sujet du dernier ouvrage de David Cayla – et des rapports entre les marchés financiers et Bruxelles.

Visionner la première partie en accès libre

NB : Fin avril, le prochain invité sera le journaliste François Poulet-Mathis. Il s’agira cette fois d’un débat contradictoire avec Pierre Lévy, portant en particulier sur les livraisons d’armes à l’Ukraine, et plus généralement sur la place et les contradictions de l’UE dans ce conflit.

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Les deux handicaps du mouvement populaire

Par : pierre

Le Conseil constitutionnel va-t-il valider, totalement ou partiellement, la réforme des retraites ? Va-t-il donner son feu vert à une « référendum d’initiative partagée » portant sur ce thème ? On connaîtra ses décisions vendredi 14 avril, le lendemain d’une nouvelle journée d’action qui pourrait rassembler encore beaucoup de monde, même si la tendance récente était plutôt à la décrue du nombre de manifestants.

En outre, les dirigeants syndicaux ne manquent pas de le souligner : les sondages affirment que le texte gouvernemental se heurte à l’hostilité d’une partie considérable de la population, évaluée à plus de 70%. Et ce, alors que la loi reculant de deux ans l’âge de la retraite a été formellement adoptée le 16 mars grâce à l’utilisation de l’article 49-3 de la constitution qui permet à l’exécutif d’imposer son projet sans vote de l’Assemblée nationale, pour peu que celle-ci n’adopte pas une motion de censure dans la foulée.

Ce passage en force a renforcé la colère populaire et la participation aux manifestations. De nombreux commentateurs – y compris ceux proches du pouvoir – s’interrogent sur la durée de la crise politique qui se profile : le premier ministre, Elisabeth Borne, dépourvue d’une majorité absolue à l’Assemblée, va-t-elle pouvoir rester en place ? Et comment peut se poursuivre le second mandat du président de la République lui-même, qui ne s’achève que dans quatre ans ?

Il est toujours hasardeux de prédire avec certitude l’avenir d’un mouvement social, et sa capacité à obtenir gain de cause. Il faut donc rester prudent. Mais deux facteurs de fond laissent à penser que le chef de l’Etat pourrait bien réussir à imposer sa réforme.

Le premier tient à la nature de la mobilisation. Bien sûr, les manifestations sont massives ; bien sûr, l’« opinion publique » reste très largement opposée au recul social majeur qui consiste à imposer de travailler deux années de plus ; bien sûr, certains secteurs sont particulièrement mobilisés – c’est le cas pour les transports, les raffineries ou bien le ramassage des ordures. Cela a provoqué des conséquences spectaculaires.

Mais tous ces éléments ne sont pas forcément déterminants dans le rapport de forces, comparés à ce qui serait décisif pour faire échec au projet contesté : une grève massive qui s’étendrait à des milliers d’entreprises, d’usines, de bureaux – ce qui est très loin d’être le cas. Les références en la matière restent 1936 (le Front populaire) ou mai-juin 1968.

Même en 1995, mouvement souvent cité en exemple, la grève longue et massive des cheminots et d’autres services publics avait certes suspendu la suppression de régimes spéciaux des retraites, mais n’avait nullement empêché une réforme radicale de la Sécurité sociale. C’est aussi de cette année là que date l’expression « grève par procuration ».

Applaudir, répondre à un sondeur, même manifester, cela n’a jamais pu remplacer une mobilisation de masse dans les entreprises.

Le même phénomène renaît aujourd’hui : des millions de citoyens sympathisent avec les grévistes de quelques secteurs particuliers, mais leur disent en substance : continuez, votre combat est le nôtre, on vous soutient. Ce n’est probablement pas ainsi que le rapport de force pourra basculer. Applaudir, répondre à un sondeur, même manifester, cela n’a jamais pu remplacer une mobilisation de masse dans les entreprises.

Le second facteur est l’aveuglement quant aux responsabilités réelles de la réforme, qui est à chercher du côté de Bruxelles – ce qui ne disculpe en rien le président français, co-auteur des orientations décidées au niveau européen. L’aveuglement ? Ou, pire, la cécité volontaire de ceux qui cherchent à tout prix à épargner l’Union européenne dans l’espoir (absurde) que celle-ci devienne « plus sociale ».

Certes, il n’y a pas de directive de l’UE qui impose un âge unifié de la retraite dans tous les pays membres. Mais il y a bien une pression multiforme pour tirer ce dernier, partout, vers le haut. L’Espagne en est un exemple, ou, malgré des « mesures de justice » compensatoires mises en avant par le gouvernement « de gauche » dans sa récente réforme, l’âge de départ s’établit à 66 ans, et passera à 67.

Le Conseil de l’UE avait recommandé à la France, le 12 juillet 2022, de réformer le système de pensions. Puis la Commission européenne avait laissé filtrer, avant la présentation de la réforme par Emmanuel Macron, une certaine impatience : « jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a encore été précisée ».

En outre, le président français ambitionne d’être un leader majeur de l’Union, mais a besoin pour ce faire d’être crédible vis-à-vis de ses homologues, notamment face à Berlin. Il veut donc apparaître comme un réformateur zélé.

Dans les conclusions du sommet européen de 2002, à Barcelone, figure la consigne de « chercher à augmenter d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ».

Et pour qui aurait encore des doutes sur le lieu du crime et les auteurs de ce dernier, il faut rappeler le Conseil européen de Barcelone qui date de… mars 2002. Dans les conclusions de ce sommet figure en toutes lettres la consigne de « chercher d’ici à 2010 à augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ».

A l’époque, le président Jacques Chirac (droite) et le premier ministre Lionel Jospin (socialiste) avaient avalisé cette rédaction. Au point que le pourtant très pro-UE François Bayrou (centriste aujourd’hui associé à la majorité d’Emmanuel Macron) avait vivement réagi : « Jacques Chirac et Lionel Jospin ont signé une décision capitale sur l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites en Europe. Qui en a débattu ? Qui en a dit un mot ? Quel citoyen, quel député, quel parlementaire a été invité à la préparation de cette décision capitale ? Personne ».

Au Parlement français, aucune force politique n’évoque la perspective de se libérer du carcan de l’UE

Aujourd’hui, l’engagement de Barcelone continue d’orienter les politiques actuelles, au nom de la gestion « rigoureuse » des finances publiques… et à la plus grande satisfaction des « marchés » financiers.

Mais au Parlement français, aucune force politique n’évoque la perspective de se libérer du carcan de l’UE : ni les députés macronistes bien sûr, ni ceux de la droite classique, ni ceux de la gauche traditionnelle – mais pas plus ceux souvent étiquetés à l’extrême gauche ou à l’extrême droite.

Tant que ce déni perdurera, le mouvement social, aussi puissant soit-il, souffrira d’un handicap limitant fortement ses chances de succès.

Pierre Lévy

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Chaud effroi (éditorial paru dans l’édition du 27/09/22)

Par : pierre

Y aura-t-il du courant à Noël ? Pour peu que les centrales nucléaires en maintenance reviennent vite en service et que la météo soit clémente (vive le réchauffement…), les interruptions de service sont peu probables, rassure le Réseau de transport d’électricité. A condition toutefois de se plier aux consignes de « sobriété » – autrement dit d’austérité – qu’édicte le gouvernement. Ainsi, un des pays les plus avancés de la planète en est réduit, au vingt-et-unième siècle, à évoquer le black-out, et à ordonner de baisser le chauffage… Il fallait bien un président « progressiste » pour accompagner cette régression d’échelle historique. Avec la sombre désinvolture qui fait son charme, Emmanuel Macron a ainsi prophétisé « la fin de l’abondance »…

Difficultés d’accès aux hydrocarbures, hausse vertigineuse des cours : une crise énergétique d’ampleur sans précédent s’accélère en Europe, dont les conséquences économiques et sociales pourraient bien faire figure de tsunami. Trois facteurs notamment sont à l’œuvre. Le premier d’entre eux est « systémique », diraient les linguistes bruxellois : l’avènement de la loi du marché. Celle-ci n’a pas toujours régi le commerce du gaz en particulier. Naguère, des contrats à long terme assuraient aux Etats producteurs des revenus stables, et aux acheteurs des prix bas. C’était avant que la fourniture de l’or bleu ne soit libéralisée, parallèlement à la déréglementation des ex-monopoles publics – une des réalisations phares de l’Union européenne.

Le deuxième facteur a trait au mot d’ordre désormais commun aux élites mondialisées : la réduction des émissions de CO2. Ainsi, le système d’échange européen des quotas carbone vise à renchérir délibérément l’utilisation, mais aussi la production, d’énergie carbonée. Au point que le gouvernement socialiste espagnol – qu’on ne peut soupçonner d’être « climatosceptique » – plaide pour que cette écotaxe, elle aussi régie par les mécanismes de marché et qui a bondi, soit gelée. Sans succès.

Enfin, le troisième facteur est celui qui a mis le feu aux poudres : les sanctions édictées par les dirigeants européens contre Moscou. L’UE a fait le choix politique de boycotter le charbon puis le pétrole russe, et menaçait de faire de même pour le gaz, avant que le Kremlin ne prenne les devants à titre de contre-sanction, en restreignant drastiquement les flux livrés par gazoduc. Résultat : le cours de l’or bleu – pour lequel les Vingt-sept cherchent désespérément des fournisseurs alternatifs – a été multiplié par douze en moins d’un an, entraînant une hausse faramineuse du prix de l’électricité.

Il faut dès lors tout l’aplomb d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour faire porter la responsabilité de la crise énergétique sur la Russie : celle-ci aurait volontiers, guerre ou pas, poursuivi ses livraisons si Bruxelles ne s’était pas juré de mettre son économie à genoux. Mais il semble que les peuples, confrontés à la chute brutale du pouvoir d’achat et aux restrictions qui se profilent, soient de moins en moins dupes : de Prague à Leipzig et d’Athènes à Naples en passant par Bruxelles, des manifestations se font jour, réclamant des pourparlers avec Moscou plutôt que le soutien inconditionnel à Kiev, voire l’ouverture du gazoduc Nord Stream II – une perspective dont Bruxelles ne veut pas entendre parler.

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois

Et même en France, ou pourtant ni la Nupes ni les syndicats n’osent mettre en cause le principe de punir Moscou, les élites s’inquiètent : « le doute et la lassitude menacent de s’installer », s’alarme avec effroi un récent éditorial du Monde (13/09/22). Celui-ci éprouve donc le besoin de marteler que les sanctions sont nécessaires « et fonctionnent ». La guerre en Ukraine serait-elle donc en passe de prendre fin ? Nullement. Mais la Russie « n’en est qu’au début d’un long calvaire », jubile discrètement le quotidien, dévoilant ainsi involontairement le véritable objet de celles-ci.

Surtout, « changer de cap sur les sanctions reviendrait à conforter Vladimir Poutine dans sa vision d’une Europe pleutre et incapable de tenir sa place dans l’histoire », argue Le Monde, ajoutant que « dévier de cette trajectoire (…) pourrait être fatal au projet européen ». Il faut donc tenir le cap, fût-ce au prix de « notre confort énergétique et notre prospérité économique ».

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois. Si cette froide vérité se répandait plus largement, l’hiver pourrait bien être chaud.

Pierre Lévy

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Des nouvelles du documentaire Brexit…

Par : pierre

Au début de cette année, votre mensuel, Ruptures, et le magazine Front populaire décidaient de produire ensemble un documentaire sur le Brexit. Il s’agissait de donner à voir et à comprendre, « à hauteur d’homme », les enjeux et conséquences de cet événement historique et remarquable.

Clôturée fin février, la cagnotte lancée en commun en vue de financer ce film a permis de rendre possible un tel projet. Après un long travail de repérage, notamment pour sélectionner les interlocuteurs dans différents endroits du Royaume-Uni et issus d’une diversité de professions, le tournage sur place a démarré en juillet.

Un imprévu a cependant contraint de suspendre celui-ci, en l’occurrence médical. Deux membres de l’équipe de réalisation ont été touchés par le virus du Covid, de manière sérieuse. Ils ont dû être rapatriés en urgence.

Le tournage va désormais reprendre. La date pour la présentation en avant-première a en conséquence été décalée. Initialement prévue pour le 20 septembre, la sortie devrait avoir lieu courant novembre. Les détails seront précisés ici-même.

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Bulgarie : bientôt les quatrièmes élections en un an et demi

Par : pierre

Les électeurs bulgares seront à nouveau appelés aux urnes le 2 octobre prochain. Ce sera la quatrième fois en dix-huit mois, puisque des élections générales ont déjà eu lieu en avril, juillet, puis novembre 2021. Les deux premiers scrutins n’avaient pu dégager aucune majorité parlementaire ; le dernier avait enfin permis que se constitue une coalition de quatre partis, mais l’attelage était fragile. Il a finalement déraillé lors de l’adoption, le 22 juin, d’une motion censure à la faveur de la défection d’un des quatre partenaires.

Le 14 novembre 2021, seulement 38,6% des inscrits s’étaient déplacés pour voter, afin de renouveler le parlement, mais également de désigner le président de la République. Il n’est pas certain que l’échéance d’octobre prochain mobilisera beaucoup plus fortement. Le pays, déjà considéré comme le plus pauvre de l’Union européenne, est confronté à une situation économique et sociale alarmante ; il est également l’objet de tensions géopolitiques exacerbées par la guerre en Ukraine.

La Bulgarie a été gouvernée de 2009 à 2021 quasiment sans interruption par le parti GERB (« citoyens pour le développement européen de la Bulgarie »), dit de centre-droit et affilié au Parti populaire européen (PPE, qui compte parmi ses membres la CDU/CSU). Son chef, Boïko Borissov, un ancien garde du corps, a toujours mis en œuvre de manière zélée les orientations préconisées par Bruxelles, tout en déployant ouvertement et sans complexe une stratégie clientéliste dans un pays où l’achat de voix est monnaie courante.

Avec 22,7% des suffrages en novembre 2021, le GERB chutait de 10 points par rapport au scrutin de 2017. M. Borissov achevait ainsi une dégringolade de popularité amorcée en 2019 lorsque plusieurs de ses amis politiques ont été impliqués dans de vastes scandales immobiliers ; cette dégringolade s’est accélérée lors des manifestations anti-corruption qui avaient mobilisé la classe moyenne dans la capitale à l’été 2020.

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement dont les deux dirigeants sont de jeunes hommes d’affaires formés aux États-Unis

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement, baptisé Continuons le changement (PP), dont les deux dirigeants ont en commun d’être de jeunes et sémillants hommes d’affaires formés aux Etats-Unis (Harvard). Kiril Petkov (né au Canada) et Assen Vassilev étaient ministres respectivement de l’Economie et des Finances du gouvernement intérimaire formé en mai 2021. Ils ont fait campagne avec pour premier cheval de bataille la lutte contre la corruption, mais aussi l’engagement de ne pas augmenter les impôts et d’attirer les capitaux étrangers.

Avec 25,7% des suffrages, alors que ce parti n’existait pas quelques mois plus tôt, la formation classée « centriste » est sortie vainqueur et a propulsé M. Petkov comme chef d’un gouvernement formé en décembre 2021. PP s’est en effet allié sans difficulté avec la coalition libérale-écolo Bulgarie démocratique (DB), également pro-business et pro-UE. Le Parti socialiste (BSP) a rejoint cette coalition.

Le quatrième partenaire était mouvement baptisé Un tel peuple existe (ITN), issu (comme PP et d’autres groupes) de la mobilisation anti-corruption de l’été 2020. Après un succès remarqué en avril 2021, ITN dégringolait finalement dans les urnes en novembre 2021. Une chute due à la personnalité fantasque et égocentrique de son fondateur, le chanteur à succès Stanislas Trifonov, flamboyant adversaire de la vaccination, et lui aussi partisan déclaré de l’ancrage du pays dans l’UE et l’OTAN. C’est lui qui a finalement fait chuter le cabinet en juin dernier.

L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans est un sujet qui traîne depuis des années

Officiellement, des désaccords budgétaires l’ont opposé au premier ministre (ce dernier le soupçonnant de réclamer des crédits de manière clientéliste), mais M. Trifonov a surtout joué sur la corde nationaliste : il a dénoncé l’accord en préparation – espéré avec impatience par Bruxelles – entre la Bulgarie et la Macédoine du Nord voisine. Skoplje (la capitale de ce dernier pays) attend désespérément depuis 2005 le lancement des négociations d’adhésion à l’UE. Celles-ci ont longtemps été bloquées par la Grèce avant que celle-ci ne lève son veto en 2018 ; mais le démarrage du processus d’adhésion a ensuite été empêché par Sofia, qui considère que la Macédoine est d’histoire et de culture bulgares, et qu’y vit une minorité bulgare non reconnue.

L’affaire peut paraître byzantine vue de l’ouest de l’Europe, mais elle a des implications très actuelles. L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans (processus où la Serbie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine se trouvent à des étapes diverses) est un sujet qui traîne depuis des années, mais qui a pris une nouvelle acuité lorsque les dirigeants européens ont considéré que, faute d’avancées significatives de cet « élargissement » de l’UE, la Russie (voire la Turquie et la Chine) risquait de regagner en influence dans la région.

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE – tout en mesurant les obstacles économiques et institutionnels. Du fait de ces obstacles, les adhésions formelles ne sont pas envisageables avant de nombreuses années (l’UE pourrait bien avoir disparu d’ici là…).

Le dossier est d’autant plus sensible que les Vingt-sept ont, en juin, octroyé officiellement à l’Ukraine (et à la Moldavie), le statut de pays candidat, en un temps record, ce qui a alimenté amertume et jalousies parmi les dirigeants des pays qui patientent depuis des années…

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles, même si le conflit entre Sofia et Skoplje a évolué le 25 juin par un vote parlementaire vers un possible déblocage.

Pire pour les dirigeants de l’UE, le prochain scrutin bulgare pourrait bien voir des partis considérés comme « pro-russes » se renforcer. Dans un pays de culture slave et orthodoxe, et longtemps membre du Pacte de Varsovie, la Russie, historiquement alliée, continue d’être vue avec sympathie par une part non négligeable de la population. Le président de la République, un ancien général sans appartenance politique, a été réélu brillamment en novembre. Il passe pour nourrir une certaine sympathie pour Moscou, et était soutenu par le Parti socialiste, lui-même soupçonné d’être anti-OTAN par les Occidentaux.

De fait, le gouvernement pourtant pro-occidental de M. Petkov n’a pas pu, du fait de l’opposition du BSP en son sein, trouver un compromis permettant l’envoi d’armes aux dirigeants ukrainiens. L’attachement à la Russie (mais aussi à l’ex-Union soviétique) d’une partie du peuple bulgare représente donc bien une inquiétude pour Bruxelles, que M. Petkov avouait à sa manière, dans une interview récente : « nous avons été pendant très longtemps l’objet de la propagande russe, il faut donc du temps pour faire évoluer les mentalités ». Il rappelait à cette occasion qu’il avait décidé de limoger son premier ministre de la défense, une personnalité indépendante jugée trop proche de Moscou.

Les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie

Mais, si cruciaux que soient les enjeux géopolitiques, les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie. La Bulgarie a adhéré à l’Union européenne en 2007, ce qui a enclenché l’ouverture progressive des frontières permettant une « libre circulation de la main d’œuvre » ; le pays a dès lors connu une émigration massive, notamment de la jeunesse, vers l’Ouest, le laissant démographiquement exsangue. On voit mal comment le prochain scrutin pourrait inverser cette tendance.

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Insoumission accomplie ? (éditorial paru dans l’édition du 28/06)

Par : pierre

Fin de partie. Après des mois de campagne, quelques grandes tendances se dégagent des quatre tours des élections. A commencer par une abstention record au sein de laquelle le refus de vote prend une place notable. D’autre part, les urnes, qui avaient offert en avril une reconduction sans gloire au maître de l’Elysée, ont infligé, en juin, un retentissant revers à ses amis politiques. A l’inverse, le Rassemblement national, fort d’un score en nette hausse à la présidentielle, a transformé l’essai deux mois plus tard et apparaît comme la seule force politique en progrès.

Enfin, la NUPES, créée par Jean-Luc Mélenchon qui a agrégé ses modestes alliés autour des Insoumis et feint de viser Matignon, a réussi à transformer une stagnation en voix (si l’on compare avec les scores cumulés en 2017 par les partis alliés) en percée en sièges – plus modeste cependant qu’espéré par les stratèges de LFI. Une partie décisive de l’électorat de cette dernière se recrute désormais parmi les couches aisées intellectuelles des centres-villes, celles-là mêmes qui avaient majoritairement assuré la percée d’Emmanuel Macron il y a cinq ans. Et dont l’insoumission reste résolument dans les limites de l’idéologie dominante, en l’occurrence euro-écolo.

Force est de constater une nouvelle fois l’absence de débat sur l’intégration européenne. La publication par Bruxelles, le 13 juin, des « recommandations par pays » aurait pourtant dû fournir une ultime occasion de mettre en lumière le rôle déterminant de l’UE dans l’austérité imposée. La Commission demande notamment à la France de « se tenir prête à adapter les dépenses courantes à l’évolution de la situation ; (…et de) réformer le système de retraite ».

Certes, les Insoumis avaient inscrit la possibilité de « désobéissance » à l’UE. Ce qui avait amené la Macronie à dénoncer la volonté supposée des dirigeants nupessiens de « sortir de l’Europe ». Dieu nous en garde, avaient en substance rétorqué ces derniers, qui n’ont eu de cesse de minimiser la portée de cette « désobéissance » envisagée. Du reste, ont-ils argué, tant la France que Bruxelles font déjà des entorses à leurs propres règles – un rappel qui dégonflait illico la portée subversive de cette illusoire insoumission. Pour Pierre Khalfa, un idéologue proche de LFI, l’UE a deux visages : celui des politiques néolibérales, un contenu qu’il faut combattre ; et celui des valeurs et des institutions communautaires, qui doivent s’imposer aux souverainetés nationales : « il est bon que l’existence des droits démocratiques soit garantie au niveau européen et ne puisse pas être remise en cause par une Cour constitutionnelle nationale » écrivait ainsi l’intellectuel dans une tribune parue dans Le Monde (03/06/22). Bref, dégagée de sa gangue néolibérale, la soumission des peuples à une autorité supranationale est bienvenue.

« Si nécessaire, on trouvera le moyen de transposer le droit européen par voie de décrets et non de lois » – Alain Lamassoure

C’est dans ce contexte qu’Alain Lamassoure a commenté la possible paralysie de l’Assemblée nationale. L’ancien ministre des affaires européennes formula négligemment cette suggestion : « si nécessaire, on trouvera le moyen de transposer le droit européen par voie de décrets ». Apparemment, ça n’a choqué personne, tant il semble naturel que l’ordre bruxellois prévale sur la représentation nationale.

Si, par hypothèse d’école, la coalition dirigée par Jean-Luc Mélenchon l’avait emporté, la configuration politique aurait évoqué celle qui prévalut en Grèce à l’issue des élections de janvier 2015 : Alexis Tsipras devint premier ministre après avoir mené une campagne anti-austérité, tout en affichant son refus de quitter le giron communautaire. Après quelques mois de bras de fer avec Bruxelles, le chef du gouvernement provoqua en juillet un référendum sur les politiques restrictives imposées par l’UE, le gagna… et finit par capituler, deux semaines plus tard, en acceptant le mémorandum qui scella des reculs sociaux d’une brutalité sans précédent. L’ultime argument de M. Tsipras était qu’il fallait à tout prix préserver l’appartenance à l’Union européenne.

Cet attachement est partagé par les composantes de la NUPES. La seule inconnue réside dans le délai qu’eût pris l’abdication en cas de victoire mélenchonesque le 19 juin. A tout prendre, la poursuite du règne macronien comporte au moins l’avantage de ne point porter d’illusions. D’autant que la prévisible détresse parlementaire du président qui a placé son règne sous la bannière européenne laisse finalement ouvert un espace pour débattre d’une option plus cruciale que jamais : accomplir réellement l’insoumission.

C’est-à-dire réaliser la rupture avec l’UE.

Pierre Lévy

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La réalisation du documentaire sur le Brexit est lancée !

Par : pierre

En bas de cette page : vidéo annonçant le lancement, avec Stéphane Simon (Front Populaire), Pierre Lévy (Ruptures) et Nicolas Cotto (réalisateur).

Bravo et merci à tous ceux qui ont contribué au financement du projet de documentaire sur le Brexit !

Vous avez été plus de 1100 à le faire, ce qui n’est pas rien. Et vous avez permis de collecter presque 42 000 euros, ce qui est remarquable. A fortiori dans un contexte international angoissant.

Nous avions estimé que 50 000 euros étaient nécessaires pour la réalisation de ce film. Ce budget prévisionnel n’est pas surévalué : il permet d’assurer une qualité professionnelle au projet.

Finalement, la somme récoltée dépasse les 80% de l’objectif. Dans ces conditions, il serait particulièrement dommage de renoncer. Moyennant quelques possibles ajustements budgétaires, les deux parrains du projet, Front Populaire et Ruptures, ont estimé que le lancement était possible.

C’est donc parti, désormais ! Les premiers repérages démarrent. Le tournage sera réalisé au printemps. Et le montage, cet été. Avec en ligne de mire une soirée exceptionnelle, le 20 septembre prochain, où le film sera présenté en avant-première aux contributeurs – en salle à Paris, ainsi qu’à distance.

Merci encore… et à très bientôt !

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Derniers jours pour contribuer à financer le documentaire sur le Brexit !

Par : pierre

Plus que quelques jours, et la campagne de financement participatif sera close : la production du documentaire sur le Brexit pourra démarrer.

Ceux qui souhaitent verser à la cagnotte peuvent le faire jusqu’au 28 févier : la barre des 50 000 euros est atteignable. C’est urgent !

L’équipe de réalisation est dans les starting blocks. D’ores et déjà, de premiers contacts ont été pris, des partenaires en Grande-Bretagne ont lancé la recherche des interlocuteurs – ouvriers, infirmières, camionneurs, pêcheurs, chômeurs…

Les entretiens avec ceux-ci formeront l’ossature du film, puisqu’il s’agit d’enquêter sur les conséquences, les perspectives et les espoirs découlant de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne – et ce, « à hauteur d’homme » (et de femme !).

Des échanges avec des personnalités qui ont joué un rôle dans cet événement majeur vont être également recherchés : responsables politiques, syndicalistes, universitaires.

L’ambition est plus que jamais de proposer au grand public une tout autre approche que le catastrophisme ânonné depuis le début par les grands médias français et européens, qui ont tous vécu le choix du peuple britannique, en juin 2016, comme une calamité, et avaient prédit que les dix plaies d’Egypte n’allaient pas manquer de s’abattre sur le pays.

Le film rappellera ainsi ces prévisions apocalyptiques qui ne se sont jamais réalisées. Il mettra également en perspective l’enjeu fondamental : comment un pays membre de l’Union européenne peut regagner sa liberté – « reprendre le contrôle », selon l’expression britannique.

Mais tout cela dépend encore des derniers dons collectés dans les tout prochains jours, jusqu’au 28 février. Nous lançons dès lors un appel : les soutiens doivent s’accélérer dans la dernière ligne droite. C’est possible… Nous comptons sur vous !

Nicolas Cotto, réalisateur,
Stéphane Simon, co-fondateur de Front Populaire
Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures

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Un documentaire événement sur le Brexit ? Contribuez vite à son financement !

Par : pierre

Ruptures et Front Populaire projettent de co-produire un documentaire-événement : « le Brexit vu du peuple ». Pour que celui-ci voie le jour, une cagnotte est mise en place (en bas de cette page, elle est à votre disposition), qui devra recueillir 50 000 euros d’ici mi-janvier. Nous avons besoin de vous : votre versement au plus tôt financera sa réalisation et alimentera la dynamique !

Un projet tout à la fois inédit et ambitieux est lancé : la production d’un documentaire sur le Brexit.

Ou plus précisément la co-production, puisque Ruptures s’associe pour ce faire à Front Populaire, la revue trimestrielle cofondée par notamment Michel Onfray et Stéphane Simon.

Deux raisons à cette initiative hors norme. La première tient à l’extraordinaire portée de l’événement lui-même, l’un des plus important depuis la seconde guerre mondiale : pour la première fois de son histoire, un pays décidait, via un référendum populaire, de quitter l’Union européenne. Une première, mais sans doute pas une dernière…

Ruptures a, depuis 2016 – et même avant – informé, analysé et décortiqué mois après mois le processus qui a abouti à l’heureux et légitime dénouement du 31 janvier 2020, malgré l’incroyable suite d’obstacles et d’embûches que n’ont cessé de dresser les élites anti-Brexit tant britanniques que continentales. Notre mensuel a continûment et précisément rendu compte de ce que d’aucuns ont comparé à une tragédie shakespearienne ; et il fut l’un des seuls médias qui n’a cessé d’expliquer pourquoi le Brexit aurait bien lieu.

La seconde raison est inextricablement liée à la première : les grands médias ont, de la campagne pré référendaire au dénouement final, systématiquement décrit la perspective de quitter l’Union comme un horrible chemin de tortures ne pouvant déboucher que sur l’apocalypse. Et l’idéologie dominante continue sur cette lancée, de Michel Barnier (l’ex-négociateur du Brexit pour Bruxelles) à la direction confédérale de la CGT, des partis s’auto-proclamant de la « gauche radicale » jusqu’aux Républicains, d’Emmanuel Macron à Nicolas Sarkozy en passant par François Hollande.

Les quelques documentaires traitant de ce thème l’ont tous abordé du seul point de vue des partisans de l’intégration européenne. Il est de salubrité publique qu’un film, enfin, raconte « le Brexit vu du peuple » (britannique), plus précisément du point de vue de la majorité qui s’est prononcée pour que le pays récupère sa souveraineté.

Des « Anglais ordinaires » pourront enfin expliquer leur choix, ce qu’ils en attendent, ce qu’ils en constatent déjà, les difficultés et les espoirs.

C’est dans cet état d’esprit que nos deux journaux associés ont sollicité un cinéaste expérimenté et reconnu, Nicolas Cotto, pour réaliser une telle œuvre, selon le format de 52 minutes. Ce film verrait le jour au printemps 2022.

« Verrait », car, pour que ce projet prenne vie, il faut lui assurer un financement permettant une réalisation professionnelle. Ce ne sont ni les chaînes de service public, ni les groupes télévisuels privés qui achèteront un tel documentaire…

Nous avons donc besoin de vous ! Pour ce faire, une « cagnotte » est mise en place. Elle devra atteindre la barre des 50 000 euros d’ici le 15 janvier afin que la réalisation puisse démarrer. Si cet objectif n’était pas atteint, les sommes versées seront intégralement remboursées.

Nous vous invitons donc à verser votre contribution. Celle-ci peut aller de 5 euros (les petits ruisseaux…) pour ceux qui connaissent des difficultés financières, à 1 000 euros (ou plus…) pour ceux qui en ont les moyens. Et entre ces montants, le spectre est large : 20, 30, 50 ou 100 euros…

C’est grâce à vous que pourra être réalisé et diffusé un documentaire grand public montrant enfin le Brexit sous un jour différent du catastrophisme dominant !

* Sur le plan pratique, la cagnotte est hébergée par le site de Front populaire : il vous suffit de cliquer pour apporter votre contribution.

* Pour ceux qui préfèreraient verser par chèque, il est possible d’adresser le règlement à l’ordre de l’AEBRN et de l’expédier par la poste à AEBRN-Ruptures – 8 rue du Faubourg-Poissonnière – 75010 PARIS. Merci de bien préciser dans un mot d’accompagnement que votre versement est destiné à la cagnotte.

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Manifestation contre les projets de fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon

Par : pierre

Le 24 juin, des centaines de personnels de santé se rassemblaient contre les projets de fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon, censés être remplacés, en 2028, par un campus hospitalo-universitaire à Saint-Ouen.

Les soignants dénoncent un plan qui accélérerait la tendance à la fermeture de lits enclenchée depuis de nombreuses années. Cette attaque contre l’hôpital public est en réalité une facette des politiques d’austérité appliquées pendant des décennies sous pression de l’Union européenne.

La dégradation des politiques de santé pilotées par Bruxelles a constitué un facteur aggravant dans le développement de la pandémie de Covid-19.

Ruptures fait donc écho à la mobilisation des personnels qui devrait se poursuivre dans la prochaine période.

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Réforme de la fiscalité internationale : une fausse bonne idée

Par : pierre

Les ministres des finances du G7, réunis le 5 juin, se sont mis d’accord sur les grandes lignes d’un projet qui modifierait la fiscalité mondiale. Ce consensus semble ouvrir la voie à une réforme qui devrait cependant passer par de nombreuses étapes : au sein de l’OCDE (issue à l’origine de la sphère occidentale, et qui rassemble 139 pays), de l’Union européenne, ainsi que du G20. Un sommet de cette dernière instance est prévu pour les 9 et 10 juillet : ce thème devrait y être débattu.

Schématiquement, la réforme envisagée repose sur deux piliers : l’établissement d’un impôt minimum de 15% sur les bénéfices des grandes sociétés multinationales ; et une répartition complexe de cet impôt : aujourd’hui le prélèvement est réalisé par le pays où les entreprises ont leur siège, demain, les pays où les entreprises ont leur marché pourraient avoir leur part du gâteau. Le but affiché est de limiter l’évasion fiscale qui passe aujourd’hui par des « paradis fiscaux », c’est-à-dire des Etats où les grands groupes peuvent établir leur siège pour bénéficier d’une taxation réduite, voire inexistante.

Présenté ainsi, il est difficile de rejeter d’un revers de main un plan qui semble viser plus de justice et réduire les abus. D’ailleurs, même les géants du numériques – tels que Google, Apple, Facebook ou Amazon – ont salué l’intention, alors même qu’ils seraient les premiers concernés.

Il n’est cependant pas interdit de regarder de plus près, et de se poser quelques questions.

Un aspect fondamental, par exemple, concerne la souveraineté des pays. Historiquement, les parlements nationaux ont été créés sur une prérogative qui fondait leur raison d’être : voter l’impôt. C’est au fond la base de toute politique nationale : quelles contributions les citoyens et les entreprises doivent apporter à la collectivité nationale ? Si des règles devaient s’imposer de l’extérieur – quoi qu’on pense de celles-ci par ailleurs – ce principe fondamental de la démocratie serait mis en cause.

Joseph Biden aurait-il soudain basculé dans ladite « gauche radicale » ?

Une deuxième question mérite réflexion. L’initiative décisive pour relancer cette réforme régulièrement évoquée est venue cette fois de Washington. Berlin et Paris n’ont pas manqué d’afficher leur soutien enthousiaste. Joseph Biden aurait-il soudain basculé dans ladite « gauche radicale », lui qui a passé un demi-siècle dans la politique américaine avec un profil « centriste », c’est-à-dire en réalité défenseur de la primauté absolue de la libre entreprise et de l’exportation de la puissance américaine sur la planète, les armes à la main (économiques, militaires et culturelles) ?

Angela Merkel a-t-elle soudain renoué avec son engagement de jeunesse dans le parti dirigeant de la RDA ? Emmanuel Macron, l’ancien banquier de chez Rothschild, vient-il d’avoir un coup de foudre pour les œuvres complètes de Marx et d’Engels ? Et au-delà, les classes politiques des pays européens sont-elles à l’orée d’une révolution culturelle, alors même qu’en leurs rangs, dirigeants publics et grands patrons privés alternent et échangent leurs responsabilités ? Symbole de ce petit monde oligarchique, la banque Goldmann Sachs a formé un nombre impressionnant de politiciens, et recruté ensuite une quantité non moins imposante d’élus de haut niveau au sortir de leur mandat.

Certes, on évoque ici ou là l’état des finances publiques, exsangues à la suite de la pandémie et des récessions qui en ont résulté. Il conviendrait dès lors de trouver des ressources pour les renflouer, ce que permettrait la réforme. Depuis longtemps cependant, les dirigeants occidentaux n’hésitaient nullement, pour ce faire, à aggraver l’austérité envers ceux qui vivent de leur travail, plutôt que de toquer à la porte des multinationales.

Le problème est que l’image de celles-ci n’a cessé de se dégrader un peu partout parmi les peuples. L’arrogance des grands groupes pharmaceutiques, dont les bénéfices n’ont désormais vraiment pas à se plaindre du virus ; celle des géants de l’Internet qui, non contents de faire des profits faramineux, règnent en maîtres sur les réseaux sociaux et ont droit de vie ou de mort sur des pans de la liberté d’expression ; sans parler de la toute puissance du secteur financier qui régente une large part de l’économie mondiale… tous ces empires et bien d’autres commencent à susciter un rejet croissant de la part des citoyens de nombreux pays.

Pire, pour les maîtres du système : ce ne sont pas seulement les sociétés transnationales qui sont conspuées, mais potentiellement le système lui-même dont la raison d’être est précisément s’assurer le règne de celles-ci. Pour les oligarchies mondialisées – celles-là même qui donnent le ton idéologique occidental, de la libre circulation des capitaux à la « protection de l’environnement » en passant par l’agressivité croissante, y compris militaire, à l’égard des pays non soumis à leurs normes – la priorité absolue est d’assurer la pérennité dudit système. Quitte à savoir faire la part du feu, à travers des mesures fiscales.

La fiscalité pourrait bien servir de couverture pour éviter que les vrais enjeux soient dévoilés et questionnés

Ainsi, la fiscalité pourrait bien servir de couverture pour éviter que les vrais enjeux soient dévoilés et questionnés. Car c’est bien l’existence même de trusts transnationaux qui constitue le problème, non simplement leurs « excès ». Pfizer, Facebook, Goldmann Sachs et tous leurs semblables n’ont jamais eu, et n’auront jamais l’ambition de servir l’intérêt général, mais, par construction même, de maximiser leurs profits. Faut-il dès lors les taxer un peu plus et les « réguler », ou bien récupérer leurs activités dans le domaine public ? Un peu comme si on se demandait s’il convenait de civiliser ou de taxer la mafia plutôt que de l’éliminer.

A l’ère de la mondialisation – dont les multis constituent la raison d’être – la question pourrait bien être, non pas d’aménager celle-ci pour la sauver, mais de renouer avec le principe même de nationalisation. Ce qui suppose, bien sûr, que chaque pays récupère sa souveraineté politique, sans laquelle le respect du choix des peuples reste vide de sens.

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Allemagne : victoire surprise des amis d’Angela Merkel aux élections régionales de Saxe-Anhalt

Par : pierre

Les électeurs du Land allemand de Saxe-Anhalt (centre est du pays) renouvelaient leur parlement régional le 6 juin. C’était l’ultime scrutin avant les élections générales de septembre prochain, après les deux tests de mars dernier, en Rhénanie-Palatinat et au Bade-Wurtemberg (cf. Ruptures du 29/03/21).

Les résultats dans ces deux Länder de l’Ouest avaient été marqués par une chute significative de la participation, et une baisse du parti d’Angela Merkel (l’Union chrétienne-démocrate, CDU), une tendance marquée depuis plusieurs années. En revanche, les électeurs de Saxe-Anhalt – un Land issu de l’ex-RDA, qui compte 2,2 millions d’habitants – ont voté quasiment aussi nombreux (60,3%) qu’au précédent scrutin de 2016 (61,1%). Surtout, ils ont créé la surprise en accordant à la CDU 37,1% des suffrages (46% chez les plus de 60 ans), soit + 7,4 points par rapport à il y cinq ans. Pour ce parti, une divine surprise que les sondeurs n’avaient pas vu venir.

Citoyens de deuxième classe

La formation qui perd le plus est Die Linke, souvent classée « gauche radicale », qui doit cette fois se contenter de 11%, soit – 5,3 points. En 2011 encore, cette formation, historiquement issue d’anciens du parti dirigeant de la RDA, puis rejointe par des syndicalistes de gauche, obtenait 23,7%. C’était l’époque où ce parti était considéré comme défendant les intérêts des habitants de l’Est, qui sont toujours plus de 60% à se sentir traités comme des citoyens de deuxième classe. Depuis cependant, Die Linke a opéré une profonde mutation, chevauchant des thèmes « sociétaux » (environnement, genre…) recopiés des Verts. Une évolution qui explique très probablement ses déconvenues dans les différentes élections.

Les Verts, justement, traditionnellement moins implantés dans les Länder de l’Est, doivent se contenter de 5,9%. Cette progression très modeste (+0,8%) est bien éloignée de la « vague verte » (qui semble également en recul dans les sondages nationaux récents, 22% contre 26% il y a quelques mois). Les dirigeants écolos n’ont pas caché leur déception. Quelques couacs ont pu contribuer à ce résultat, comme leur proposition ultra-atlantiste de fournir des armes létales à l’Ukraine – une suggestion qui avait de quoi choquer de nombreux anciens citoyens de la RDA ; de même, l’idée d’augmenter le prix des carburants de 16 centimes a heurté, surtout dans un Land où 75% des sondés considèrent qu’« il existe des problèmes bien plus importants que le changement climatique ». Les Länder de l’Est sont parmi les plus touchés par la fermeture programmée des mines de charbon (lignite).

Les sociaux-démocrates (SPD) poursuivent leur descente aux enfers constatée un peu partout : avec 8,4% des voix, ils baissent de 2,2 points. A l’évidence, le SPD, qui est associé avec la CDU et la CSU au sein de la « grande coalition » mais ne cesse de critiquer celle-ci, semble de plus en plus inaudible.

Les Libéraux du FDP, réussissent, avec 6,4% (+1,6 point) leur retour au sein de l’hémicycle régional. Mais c’était surtout le score de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne, souvent classée à l’extrême droite) qui était attendu. Avec 20,8% (dont 26% chez les ouvriers, et 28% chez les 30-44 ans), elle recule de 3,4 points par rapport à 2016, une déception pour ses dirigeants, qui avaient un temps espéré arriver en première position.

Elle reste cependant en deuxième place, en gardant, de l’avis de la plupart des commentateurs qui lui sont pourtant peu favorables, un fort potentiel électoral. Dans les autres Länder de l’Est qui avaient connu des régionales en 2019, elle avait notablement progressé, mais le point de comparaison était 2014, soit un an avant la vague migratoire massive sur laquelle l’AfD avait surfé. En Saxe-Anhalt en revanche, la comparaison est faite avec 2016, une année où ce thème était dans l’actualité brûlante, et où l’AfD était à son zénith. Son présent résultat dans ce Land est en progrès par rapport à celui obtenu ici même lors des élections générales de 2017 (19,7%).

La culture politique des citoyens de l’ex-RDA reste insoluble dans celle de la République fédérale, trois décennies après le rattachement de la première à la seconde

Outre la dénonciation de l’immigration, un thème aujourd’hui passé au second plan (mais qui pourrait réapparaître cet été), l’AfD avait attaqué les mesures sanitaires jugées trop drastiques (la « corona-dictature »). Sur le plan national, les partisans de la sortie de l’UE se sont par ailleurs imposés lors du dernier congrès. L’élément le plus déterminant semble cependant la capacité du parti à se poser en défenseur de l’identité politique et culturelle de l’Allemagne de l’Est, au fur et mesure que Die Linke abandonnait de fait ce statut.

Paradoxalement, c’est sans doute aussi cet attachement identitaire qui a le plus contribué au succès de la CDU de Saxe-Anhalt. Tout en refusant par avance toute alliance avec l’AfD, le ministre président sortant, Reiner Haseloff, n’avait pas caché, ces dernière années, ses critiques envers ses camarades au pouvoir à Berlin : un accueil trop généreux des réfugiés, une politique d’Angela Merkel trop stricte en matière sanitaire, et trop « centriste » sur le plan sociétal. Les analystes soulignent également sa forte popularité personnelle dans son Land. Avec désormais six partis représentés à Magdebourg (la capitale régionale), il peut reconduire sa coalition sortante avec les sociaux-démocrates et les Verts, ou bien faire rentrer le FDP dans le jeu.

Mais toute leçon du vote du 6 juin en vue des élections nationales de septembre est à tirer avec grande prudence. Armin Laschet, le candidat chancelier de la CDU qui vise à succéder à Angela Merkel, voit cependant sa campagne bénéficier d’un coup de pouce, alors qu’elle avait commencé de manière calamiteuse.

Quoiqu’il en soit, la culture politique des citoyens de l’ex-RDA reste insoluble dans celle de la République fédérale, trois décennies après le rattachement de la première à la seconde, au-delà même des inégalités économiques et sociales.

C’est du reste ce qu’avait exprimé en mai, à sa manière, le délégué gouvernemental chargé de l’Est. Marco Wandersitz – un homme de l’Ouest – n’avait pas hésité à affirmer que beaucoup de citoyens des nouveaux Länder ayant été « socialisés dans une dictature, un large part des électeurs sont hélas perdus pour la démocratie ». La chancelière avait immédiatement exprimé son désaccord avec son camarade de parti. Mais ce dernier n’avait fait que dévoiler l’état d’esprit des élites restées ouest-allemandes, à l’exception de Mme Merkel elle-même.

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Bruxelles préparerait des restrictions sur la viande, et une opération navale contre le Royaume-Uni

Par : pierre

Alors que la pandémie de Covid n’est toujours pas sous contrôle, la Commission européenne prépare deux décisions qu’elle s’apprêterait à mettre en œuvre en urgence. Constatant que les Etats membres agissent plus que jamais en ordre dispersé, Bruxelles estime qu’il lui revient d’agir à travers des règlements qui, à la différence des directives, sont d’application directe au sein des Vingt-sept, sans qu’il soit besoin de lois nationales de transposition.

Le premier règlement viserait à imposer de strictes restrictions sur la consommation de viande. D’une part, le commissaire européen à la santé, la Chypriote Stella Kyriakides, a fait part de nouveaux travaux scientifiques qui montreraient des circuits de diffusion du virus jusqu’à présent insoupçonnés. Non seulement les chauves-souris, via les pangolins, seraient des pourvoyeurs massifs de Covid, mais ce serait aussi le cas de nombreux animaux d’élevage. Le boeuf, en particulier, serait suspecté, de même que le porc et l’agneau. Des présomptions existent également sur les volailles, mais les virologues bruxellois sont plus circonspects.

Mme Kyriakides n’a souhaité ni confirmer, ni démentir ces préparatifs. Mais son collègue Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, chargé du Pacte vert contre le changement climatique, a en quelque sorte vendu la mèche, en rappelant que la chute de la consommation de produits carnés – voire, dans un second temps, son interdiction pure et simple – constituerait « un acte majeur » concrétisant la contribution de l’Union européenne à une économie mondiale, durable et citoyenne.

« Les Européens mangent trop de viande », a lâché le politicien social-démocrate néerlandais dans un sourire, faisant ainsi écho à la phrase restée célèbre de Raymond Barre (« les Français mangent trop de chocolat »), ancien premier ministre français qui tonnait, en 1976, contre ses compatriotes rétifs à la politique d’austérité que son gouvernement s’apprêtait à mener.

Selon certaines rumeurs – qu’il convient cependant de prendre avec précaution – l’exécutif européen aurait déjà signé des contrats avec des imprimeries et des firmes logistiques pour produire des tickets de rationnement. Ceux-ci porteraient exclusivement sur la viande, a précisé une source ayant souhaité rester anonyme. Le haut fonctionnaire bruxellois a fait valoir que cette manière de procéder – qui aurait également une alternative numérique sur les smartphones – serait garante d’une stricte égalité.

Intervention militaire maritime

La deuxième décision que Bruxelles serait en train de préparer vise le Royaume-Uni. Malgré les mises en garde répétées, celui-ci continue de s’approvisionner en vaccins auprès des usines britanniques de l’anglo-suédois AstraZeneca, avec un accès prioritaire qui laisse le vieux continent de côté. Il percevrait également, via l’Irlande, des doses fabriquées en Belgique et aux Pays-Bas.

Après avoir envisagé de rétablir une frontière entre les deux Irlande, et avoir dû rétropédaler en catastrophe, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, aurait un nouveau plan afin d’interdire la Grande-Bretagne de recevoir d’autres vaccins par des voies détournées. Elle solliciterait le mécanisme baptisé Initiative européenne d’intervention (IEI). Lancée à l’initiative d’Emmanuel Macron en 2018, cette structure regroupe treize Etats membres susceptibles de mettre en commun des moyens militaires dès lors que l’UE estime qu’un engagement opérationnel serait nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix un peu partout sur le globe.

Les services de Mme von der Leyen ont effectué une expertise juridique au terme de laquelle il apparaît qu’une action déployée dans le cadre de l’IEI et qui enverrait un ensemble de navires de combat en mer d’Irlande (entre la Grande-Bretagne et l’Irlande) serait licite au regard des traités. L’Etat-major de l’UE assure que les voies maritimes de communication pourraient être ainsi strictement contrôlées, afin de restreindre l’accès de Londres aux vaccins.

Il garantit également que la Royal Navy pourrait être tenue en échec, du fait de l’effondrement cataclysmique que le pays a subi depuis le Brexit. Cette catastrophe avait été prévue par la plupart des économistes mondialisés.

NB : ces informations sont publiées ce jeudi 1er avril. Cependant, elles font écho à certains événements réels traités dans l’édition de Ruptures datée du 29 mars.

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« Censure, arbitraire, opacité : les réseaux sociaux, nouveaux maîtres du monde ? » – émission en direct

Par : laurent

Suite à l’affaire du « label rouge » de Twitter, Ruptures propose d’élargir le champ en organisant un débat sur le thème « Censure, arbitraire, opacité : les réseaux sociaux, nouveaux maîtres du monde ? »

En direct sur Internet, l’émission a eu lieu le mardi 13 avril à 19h. Elle a été diffusée sur la chaîne YouTube de Ruptures.

Pour cette première, l’équipe de Ruptures échange avec trois journalistes :

Elsa Ferreira, journaliste pigiste spécialisée en culture et technologie, elle écrit notamment pour les sites Makery et CTRLZ ;

Raphaël Grably, chef du service « BFM Tech » de BFM-TV ;

Erwan Seznec, journaliste indépendant, passé par La Tribune et Que Choisir, il contribue aujourd’hui à Marianne et Causeur.

L’émission évoque bien sûr le cas Ruptures/Twitter – les trois invités font partie des rares journalistes à en avoir rendu compte (voir leurs articles ci-dessous) –, mais il s’agit surtout de parler plus largement du pouvoir des grands réseaux sociaux états-uniens et en particulier de leur rôle prééminent dans la circulation de l’information et le contrôle de l’expression publique. En somme, quels sont les enjeux politiques et démocratiques de la situation de quasi-monopole des plateformes californiennes ?

L’équipe de Ruptures

Les articles de nos invités par ordre chronologique :

– « Twitter présente un journal français comme “affilié à la Russie” » – Raphaël Grably (BFM-TV)

– « Quand Twitter invente la bêtise artificielle » – Erwan Seznec (Causeur)

– « Modération des plateformes : y a-t-il un humain sur les réseaux ? » – Elsa Ferreira (CTRLZ)

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Pierre Lévy, invité du Media pour tous, revient sur le Brexit et sur l’état de l’UE

Par : pierre

Le rédacteur en chef de Ruptures était, il y a quelques jours, interviewé par Le Média pour tous.

Au cours de cet entretien, il d’abord rappelé l’affaire qui oppose Twitter au mensuel ; il est ensuite longuement revenu sur le Brexit, une victoire historique pour la souveraineté des peuples ; il a enfin proposé son analyse sur la nature même de l’Union européenne, à la lumière de l’actualité.

La vidéo est désormais en ligne. Une version longue est également disponible pour les abonnés de la chaîne.

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« Ruptures » face à l’arbitraire de Twitter : bilan provisoire de l’affaire du « label rouge »

Par : laurent

La firme à l’oiseau bleu refuse toujours de retirer le « label rouge » qu’elle a attribué à Ruptures en septembre dernier. Twitter refuse même de justifier publiquement sa décision. Retour sur quatre mois d’une affaire entre poussée néo-maccarthyste et arbitraire kafkaïen. À l’image de l’évolution des grands réseaux sociaux états-uniens vers une censure politique plus serrée ?

Le 7 septembre 2020, Ruptures publie un article sur son site Internet : « Retour sur le Russiagate : 98 % des médias français ont été conspirationnistes ». Moins d’une heure après la mise en ligne, nous observons l’apparition d’un label sur notre compte Twitter : « Média affilié à un État, Russie ».

Nous contactons immédiatement le réseau social par voie électronique pour faire retirer cette qualification aussi absurde qu’erronée, puis nous envoyons une lettre recommandée à Twitter France le 11 septembre.

Un mois plus tard, nous constatons dans un communiqué que nous n’avons reçu aucune réponse de la firme à l’oiseau bleu et que la couverture médiatique de l’affaire est quasi inexistante.

Fin octobre, les médias francophones ayant traité cette histoire se comptent sur les doigts d’une main. La situation ne s’améliorera guère par la suite. Quelques blogs et chaînes YouTube ont néanmoins soutenu Ruptures.

Le 1er décembre, nous envoyons une deuxième lettre recommandée. Cette fois-ci Twitter (International) nous répondra – en anglais – deux semaines plus tard. Voici son verdict quant à notre demande de retrait du label : « nous vous informons que notre décision reste la même pour le moment ». Le réseau social ajoute : « Si vous avez des informations supplémentaires que vous souhaitez que nous prenions en considération, veuillez les fournir dans les meilleurs délais. »

Début janvier, nous faisons savoir à la firme californienne dans une nouvelle lettre qu’elle procède à une inversion flagrante de la charge de la preuve. C’est à l’accusateur de fournir les éléments censés fonder ses allégations. Or elle nous demande en somme de lui faire parvenir une attestation de non-affiliation à Moscou…

La réponse – très brève – de Twitter viendra rapidement. L’entreprise refuse de retirer le « label rouge » et de s’expliquer sur sa décision arbitraire.

Depuis, le réseau social a fait parler de lui en supprimant le compte du président des États-Unis en exercice après les événements du Capitole à Washington. De nombreux autres comptes ont été désactivés dans la foulée, ils appartiennent majoritairement à des soutiens réels ou supposés de Donald Trump. Twitter avait déjà procédé par le passé à de telles suppressions (ainsi que des restrictions d’accès et autres censures de contenus) en ciblant aussi des personnalités et organisations anti-impérialistes, mais la purge est cette fois massive. Facebook, YouTube et d’autres plateformes agissent dans le même sens.

Censure politique, limitation de la liberté d’expression, deux poids deux mesures… L’évolution délétère des grands réseaux sociaux états-uniens (en situation de quasi-monopole) devrait conduire à une prise de conscience. Il y a urgence.

En ce qui concerne Ruptures, nous ne nous résignons nullement à subir le néo-maccarthysme de Twitter. Nous sommes plus que jamais déterminés à obtenir le retrait du label. Comme annoncé précédemment, nous préparons une initiative au sujet de cette expérience kafkaïenne et du contexte plus général dans lequel elle s’inscrit.

L’équipe de Ruptures

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Twitter répond enfin à « Ruptures »

Par : laurent

Suite de l’affaire kafkaïenne du « label rouge »…

Plus de trois mois après nous avoir attribué un label erroné (« Média affilié à un État, Russie »), Twitter a finalement réagi* à nos demandes de retrait de celui-ci. Notre deuxième lettre recommandée, envoyée le 1er décembre, est cette fois arrivée à bon port.

Enfin, pas tout à fait, car nous avions écrit à Twitter France et c’est le service international des litiges qui nous a répondu par voie électronique – en anglais évidemment – le 14 décembre, nous signifiant que l’antenne française n’était pas la bonne interlocutrice pour notre requête. C’est à la Twitter International Company, domiciliée en Irlande, qu’il fallait s’adresser. Mais l’expérience kafkaïenne va plus loin.

Malgré cette erreur de destinataire, la firme californienne condescend à nous dire qu’elle a bien pris connaissance de notre courrier et qu’elle a examiné les éléments qui l’ont conduite à nous attribuer le label. Et voici son verdict : « nous vous informons que notre décision reste la même pour le moment ». Le réseau social ajoute : « Si vous avez des informations supplémentaires que vous souhaitez que nous prenions en considération, veuillez les fournir dans les meilleurs délais. »

Il s’agit d’une inversion flagrante de la charge de la preuve. Non seulement Twitter ne communique toujours aucun élément concret pour justifier son action (et pour cause !), mais l’oiseau bleu nous demande en fait de démontrer par nous-mêmes que nous ne sommes pas de mèche avec l’État russe. Il oublie de nous indiquer à quel endroit on peut se faire délivrer un certificat de non-affiliation à Moscou.

Que faire désormais face à cet arbitraire, cette opacité ? Nous allons bien sûr répondre à Twitter que c’est à l’accusateur de prouver ses dires. Mais il nous semble surtout urgent de mobiliser contre le néo-maccarthysme en ligne. La censure politique et la limitation de la liberté d’expression sont en train d’être largement sous-traitées par les autorités à des géants privés du numérique, tous états-uniens (Google/YouTube, Facebook, Twitter). La situation se dégrade rapidement.

Nous comptons organiser prochainement une initiative autour de ce thème.

L’équipe de Ruptures

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*La réponse de Twitter, reçue le 14 décembre :

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Censure en ligne : « Ruptures » écrit de nouveau à Twitter pour exiger le retrait du « label rouge »

Par : laurent

Ruptures vient d’envoyer une deuxième lettre recommandée à Twitter France – qui n’a pas répondu à la première – pour exiger le retrait du label mensonger que le réseau social nous a attribué le 7 septembre 2020, moins d’une heure après la publication de cet article.

Comme la couverture médiatique de l’affaire est très réduite, y compris du côté des médias dits « indépendants » ou « alternatifs », nous encourageons ceux qui s’inquiètent des avancées de la censure politique et du néo-maccarthysme en ligne à faire connaître les pratiques arbitraires de la firme californienne.

Voici un fac-similé de notre lettre :

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À lire : « Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique » de Marc Fontecave

Par : laurent

Une recension du livre de Marc Fontecave Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique (Flammarion, 2020) par Françoise Delcelier-Douchin, ingénieur au Centre national d’études spatiales (Cnes).

Il est rare d’entendre autant de scientifiques (virologues, épidémiologistes, biologistes à la recherche d’un vaccin, etc.) s’exprimer dans les médias, tous supports confondus, qu’en cette fin d’année 2020, plongés au cœur de la pandémie de coronavirus. Ces derniers mois, ils ont pris le relais des climatologues, glaciologues, spécialistes des énergies… Mais quel que soit le sujet, en écho à leurs interventions, le quatrième et le cinquième pouvoirs, respectivement les médias (écrits, audiovisuels) et les citoyens commentent, s’insurgent, dénoncent… Formidable vitalité d’une démocratie peuplée d’individus à l’esprit critique aiguisé par une culture abondante et multidisciplinaire ? Ou population dotée d’un esprit de critique systématique, soumettant toute allégation « à la critique rongeuse des souris » comme le dénonçait Karl Marx en son temps.

Marc Fontecave est chimiste de formation ; professeur au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences, il dirige une équipe de chercheurs sur la photosynthèse artificielle qui permettrait de « transformer le soleil en carburants » comme il l’écrit lui-même. Fervent défenseur des sciences et techniques et de leur apport indéniable à l’Humanité, il se donne deux grandes ambitions en publiant son ouvrage Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique. Au fil de trois grands chapitres, il incite le lecteur à le suivre sur le chemin, certes cahoteux, qui mènera à une réconciliation entre Progrès et Environnement ; mais encore, il s’attaque avec force pédagogie aux idées reçues, opposant à des croyances quasi mystiques des ordres de grandeur physiques incontestables.

Convaincu que les objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre (principaux responsables de l’augmentation de la température atmosphérique), acceptés par nombre de gouvernements sont parfaitement irréalistes, il fait la démonstration que les politiques énergétiques vont le plus souvent à contre-courant de cette diminution.

En effet, il démontre que seul le doublement de la part de l’électricité (de 25 % à 50 %) dans les énergies permettrait une décarbonation significative des secteurs les plus critiques (chauffage, transports et bâtiment), à condition que cette énergie électrique soit assurée par un mix énergétique performant et aussi propre et renouvelable que possible.

Or les chiffres et les faits sont là : la formidable promotion faite aux énergies solaire photovoltaïque et éolienne, certes renouvelables par essence et non génératrices de CO₂ dans leur utilisation est un leurre, et même, osons le dire, un mensonge, quand elles sont seules érigées au rang d’énergies de substitution du parc énergétique actuel.

Ces énergies ont une efficacité médiocre, elles sont constituées de matériaux rares (et donc non renouvelables), leur transformation est hautement génératrice de CO₂ puisque réalisée dans des usines alimentées au charbon ou au pétrole, elles sont intermittentes et non stables puisque la nuit, les nuages et le vent ne se commandent pas (encore ?) et sont donc irrémédiablement liées à une énergie de substitution ou à des moyens de stockage (batteries). Or, ces derniers sont peu vertueux aujourd’hui en termes d’émission de gaz à effet de serre ou sont encore au stade de prototype (hydrogène). Que dire enfin des conflits d’usage des sols qu’elles génèrent, tant la surface occupée doit être immense pour atteindre une production de masse ? Elles seront tout au plus un accompagnement de sources d’énergies plus efficaces.

Coulant de source sous la plume de Marc Fontecave, les mêmes critères appliqués aux autres énergies conduisent à une conclusion sans appel : la décarbonation de l’énergie et son effet significatif sur les émissions polluantes placent le nucléaire au premier plan. Mais sur ce sujet, gousses d’ail et crucifix sortent de l’ombre ! L’énergie diabolique est de retour…

Il ne faut pas moins d’un chapitre entier pour rappeler l’absence totale d’émission de CO₂ lors de l’utilisation (et le volume modéré produit lors de la construction de la centrale, dû au béton notamment), l’emprise au sol ridicule d’une centrale nucléaire en regard d’une centrale éolienne de même capacité (facteur 2 500 environ), la puissance colossale déployée, et une politique de sécurisation drastique.

Et l’auteur de se désoler que certaines options soient souvent disqualifiées « au mépris de simples règles de la physique », par des décideurs politiques davantage soucieux d’alliances électorales ou enclins à paraître plus verts que la chlorophylle aux yeux de leurs concitoyens. Mais les politiques ne sont pas seuls en cause, selon lui : des scientifiques sortent de leur domaine de compétence pour déployer des argumentaires que la pauvreté et l’approximation feraient bondir, appliquées à leur propre champ d’expertise ; des journalistes, malheureusement trop souvent formés aux seules sciences humaines et sociales relaient des énormités scientifiques et techniques ; des citoyens qui n’ont pas eu la chance d’accéder à un enseignement de la physique ou qui l’ont oublié… envient régulièrement l’herbe plus verte dans le champ du voisin mais lui laissent ses éoliennes (bruyantes), confondent la vapeur d’eau des tours de refroidissement des centrales avec des gaz à effet de serre (polluantes) et créent une association à chaque parc photovoltaïque déployé (laid). En résumé, à la différence de Saint Thomas, ils ne voient que ce qu’ils croient.

Le peuple de France, dans toutes ses composantes, fier à juste titre de sa culture, de son histoire, de sa souveraineté et de ses réussites passées (Concorde, TGV, Ariane, etc.) serait bien inspiré, de (re)lire De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville et de se donner comme objectif de faire l’éclatante démonstration que la démocratie française peut déjouer les travers que le philosophe prophétisait pour sa cousine américaine : vision court-termiste (alors que les considérations sur le climat imposent de penser en temps long), consumérisme effréné (cause d’émissions de gaz à effet de serre et de pollutions diverses), détermination du vote sur la base d’informations parcellaires, grossièrement agglomérées, parfois erronées, et sans faire l’effort d’une quelconque vérification.

Dans une ambiance apaisée où ne s’échangeraient plus que des considérations incontestables, la voie serait tracée pour renouer avec un progrès technique qui a permis l’augmentation de la longévité humaine, l’éradication de nombre de maladies, le recul des famines, le confort quotidien… Il est vrai, et Marc Fontecave le rappelle, ce progrès n’a pas été partagé par tous, pour paraphraser Aristote. Mais n’est-ce pas un formidable défi que de permettre au milliard de Terriens qui n’ont pas encore accès à l’énergie de partager ses bienfaits, de déployer toutes les intelligences pour que le vivre mieux s’accorde avec le vivre propre et que les effets inévitables aujourd’hui des politiques ayant tardé à se mettre en place puissent être palliés à moindre dégât ?

Pourraient alors s’accorder une politique courageuse de réindustrialisation, soutenue par une recherche fondamentale et appliquée aux énergies de demain, secteurs dans lesquels l’enthousiasme d’une jeunesse formée à la physique et aux techniques innovantes pourrait s’exprimer, soutenue par des citoyens qui se seront détournés des ayatollahs du catastrophisme, des chantres de la décroissance, ambition profondément égoïste et synonyme de davantage de misère, qui auront retrouvé l’optimisme et la confiance nécessaires aux nouveaux défis à relever.

Citoyens, professeurs, décideurs, journalistes… pour mettre à profit cette période de confinement et sortir de la paresse confortable qui enkyste les certitudes, lisez cet ouvrage d’éducation populaire complet et documenté. La pédagogie de Marc Fontecave, « distribue suffisamment de miettes parfumées de savoirs pour ouvrir l’appétit de la connaissance » pour reprendre les mots de Jean-Marie Albert. Halte au catastrophisme ! permet ainsi une réconciliation avec des domaines certes complexes mais traités ici avec simplicité pour demain décider, s’exprimer et peut-être voter en conscience.

Françoise Delcelier-Douchin

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Norbert Röttgen findet Macron zu schwach gegenüber Russland, und überbietet

Par : pierre

Ein möglicher Nachfolger Angela Merkels ist empört, dass EU-Staaten ihre eigene Politik bestimmen und verfolgen könnten.

Wird Norbert Röttgen der nächste Bundeskanzler? Der derzeitige Vorsitzende des Auswärtigen Ausschusses des Bundestages macht keinen Hehl aus seinen Ambitionen, auch wenn seine Chancen im Moment eher gering sind. Er ist auf jeden Fall einer der Kandidaten im Kampf um die Nachfolge von Angela Merkel als CDU-Chefin auf dem für Dezember geplanten Kongress. Und er versäumt es nicht, sich um sein Image im Ausland zu kümmern, wie sein jüngstes Interview mit der Tageszeitung Le Monde (08.10.202) gerade gezeigt hat.

Röttgen gilt als Ultra-Atlantiker und bestätigt das Bild, das er von sich geben will: das eines harten Kerls. So verteidigt er in Wirtschaftsfragen beharrlich den Stabilitätspakt, der die Staaten der Eurozone in ewige Sparsamkeit zwingt, um das Überleben der gemeinsamen Währung zu sichern. Zwar ist der Pakt (der insbesondere jedes Land verpflichtet, ein Haushaltsdefizit von weniger als 3% einzuhalten) derzeit aufgrund der Coronavirus-Epidemie ausgesetzt. Der französische Staatssekretär für europäische Angelegenheiten vertrat kürzlich die Auffassung, dass der Pakt niemals wieder in Kraft gesetzt werden sollte. Zu diesem Punkt befragt, ruft Röttgen den französischen Minister zur Ordnung: Die Situation und die Sondermaßnahmen « dürfen kein Vorwand sein, den Grundsatz einer stabilen Finanzpolitik aufzugeben, dem Deutschland – und das betrifft nicht nur die CDU – sehr verbunden bleiben wird« . Ein deutlicher Hinweis für diejenigen, die noch Zweifel gehabt haben könnten.

Nach dem (relativen) Rückzug von Uncle Sam wird die EU in ihrer Nachbarschaft für Ordnung sorgen müssen

Aber natürlicherweise rückt der Vorsitzende des Ausschusses für auswärtige Angelegenheiten die internationale Politik in den Mittelpunkt. Er stellt fest, dass « die ‚Ausrichtung’ der Vereinigten Staaten auf Asien, die von Clinton und Obama initiiert wurde, endlich Realität werden wird, unabhängig vom Ausgang der US-Wahlen« . Diese « Ausrichtung auf Asien », das bedeutet, dass Washington eher Asien als Europa ein vorrangiges Interesse beimisst. Weit davon entfernt, sich dadurch beleidigt zu fühlen, schliesst der christdemokratische Führer daraus: « Die Vereinigten Staaten werden von den Europäern erwarten, dass sie ihre Verantwortung gegenüber ihren Nachbarn wahrnehmen » (ohne zu präzisieren, welche göttliche Autorität « Europa » mit dieser « Verantwortung » betraut hat). Mit anderen Worten: Nach dem (relativen) Rückzug von Uncle Sam wird die EU in ihrer Nachbarschaft – im Süden und vor allem im Osten – für Ordnung sorgen müssen, auch mit Gewalt. Und damit dies geschieht, « muss sich Europa unbedingt als geopolitische Macht behaupten« , hämmert Norbert Röttgen.

Röttgen rühmt sich auch, zur Veränderung der Positionen seiner Partei und der Kanzlerin beigetragen zu haben. Im Fall von Navalny – dem russischen Anwalt und Blogger, den Wladimir Putin nach Ansicht der EU-chefs gerne ermordet hätte – begrüßt er die Tatsache, dass die deutsche Regierung als Vergeltungsmaßnahme die Aussetzung des Baus der Gaspipeline Nord Stream II nicht ausgeschlossen hat. Diese Option wird zwar zur Zeit nicht weiterverfolgt, aber Herr Röttgen war einer der ersten, der sie vorgeschlagen hat, was sofort die Zustimmung vieler Politiker fand. Die Kanzlerin hatte diese Option nicht grundsätzlich ausgeschlossen. Das ist neu und gut, jubelt der Kandidat.

China bringt er die gleiche Liebe entgegen. Der Befragte erinnert daran, dass er schon sehr früh, zunächst zwar vergeblich, darum gebeten hatte, die chinesische Firma Huawei vom Einsatz von 5G auszuschließen, bevor diese Forderung schließlich in einen in Vorbereitung eines heutigen Gesetzentwurfs aufgenommen wurde.

Auf die Frage nach der Art der Koalition, die das Land nach den für September nächsten Jahres geplanten Wahlen regieren könnte, reagiert er nicht mit Begeisterung für eine Erneuerung des derzeitigen Bündnisses mit den Sozialdemokraten, da er diese für schuldig hält, « die Rückkehr des Militarismus bei der geringsten Gelegenheit anzuprangern« . Auf der anderen Seite ist er erfreut, dass « die Grünen sich auf diese Fragen neuorientiert haben. In Bezug auf Russland oder China zum Beispiel liegen ihre Positionen oft recht nahe an unseren« .

Schließlich verschont derjenige, der davon träumt, Kanzler zu werden, den französischen Partner nicht. Demnach reagierte Frankreich in der Navalny-Affäre « im Vergleich zu Deutschland zu zaghaft. Diese französische Passivität ist bedauerlich, denn die Affäre ist ein Lackmustest für Europa, das, wenn es gegenüber Russland Gewicht haben will, eine kohärente Strategie haben muss« . Allgemeiner ausgedrückt: « Emmanuel Macron lag falsch, einen ‘strategischen Dialog’ mit Russland vorzuschlagen« .

« Wenn jedes Land seine eigene Politik betreibt, ist Europa in Gefahr », empört sich Norbert Röttgen

Zugegeben, « es ist normal, dass Frankreich und Deutschland nicht immer genau die gleichen Positionen verteidigen« , räumt Norbert Röttgen ein. Es ist jedoch zu bedauern, dass « die Unterschiede in letzter Zeit größer geworden sind« . Und zum Schluss, schulmeisterhaft und drohend: « Wenn jedes Land seine eigene Politik betreibt, ist Europa in Gefahr« .

Dass jedes Land darüber nachdenken sollte, seine eigene Politik zu bestimmen und verfolgen? Welch ein Alptraum, welch eine Absurdität, welch ein Skandal! Glücklicherweise hat Europa ein wachsames Auge…

 

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Un possible successeur d’Angela Merkel fait de la surenchère

Par : pierre

Un influent député chrétien-démocrate allemand trouve Emmanuel Macron trop gentil avec la Russie, et s’indigne que les Etats aient leur propre politique.

Norbert Röttgen sera-t-il le prochain chancelier allemand ? L’actuel président de la commission des affaires étrangères du Bundestag ne cache guère ses ambitions, même si ses chances sont, à ce stade, plutôt minces. Il est en tout cas l’un des candidats en campagne pour succéder à Angela Merkel à la tête de la CDU (le parti chrétien-démocrate) lors du congrès prévu en décembre prochain. Et il ne néglige pas de soigner son image à l’extérieur des frontières, comme vient d’en témoigner sa récente interview accordée au Monde (08/10/202).

L’homme passe pour un ultra-atlantiste, et confirme l’image qu’il entend donner de lui-même : celle d’un gros dur. Ainsi, en matière économique, il persiste à défendre le Pacte de stabilité qui lie les Etats de la zone euro dans une austérité éternelle afin d’assurer la survie de la monnaie unique. Certes, le Pacte (qui contraint notamment chaque pays à maintenir un déficit budgétaire inférieur à 3%) est pour l’heure suspendu pour cause d’épidémie. Le secrétaire d’Etat français aux affaires européennes estimait récemment que ledit pacte ne devrait jamais être remis en place. Interrogé sur ce point, M. Röttgen remet fermement le ministre français à sa place : la situation et les mesures exceptionnelles « ne doivent pas être un prétexte pour abandonner le principe d’une politique financière stable à laquelle l’Allemagne – et cela ne concerne pas que la CDU – restera très attachée ». Avis à ceux qui auraient eu un doute.

Après le désengagement (relatif) de l’Oncle Sam, l’UE devra faire respecter l’ordre dans son voisinage

Mais c’est naturellement sur la politique internationale que le président de la commission des affaires étrangères insiste. Il note que « le ‘pivot asiatique’ des Etats-Unis, amorcé par Clinton et Obama, deviendra enfin une réalité et ce, quel que soit le résultat du scrutin ». Le « pivot asiatique », c’est-à-dire l’intérêt prioritaire que Washington accorde à l’Asie plutôt qu’à l’Europe. Loin de s’en offusquer, le dirigeant chrétien-démocrate en tire une conclusion : « les Etats-Unis compteront que les Européens assument leurs responsabilités envers leurs voisins » (sans préciser quelle instance divine a confié à « l’Europe » ces « responsabilités »). En d’autres termes, après le désengagement (relatif) de l’Oncle Sam, l’UE devra faire respecter l’ordre, y compris par la force, dans son voisinage – au sud, et surtout à l’est. Et pour cela, « l’Europe doit absolument s’affirmer comme puissance géopolitique » martèle Norbert Röttgen.

Ce dernier se vante du reste d’avoir contribué à faire évoluer les positions de son parti et de la chancelière. Dans l’affaire Navalny – cet avocat et blogueur russe que Vladimir Poutine aurait voulu faire assassiner, selon les dirigeants européens – il se félicite que le gouvernement allemand n’ait pas d’emblée exclu, en représailles, de suspendre la construction du gazoduc Nord Stream II. Cette option n’est pour l’instant pas retenue, mais M. Röttgen avait été l’un des premiers à la proposer, suscitant immédiatement une approbation de nombreux responsables politiques. La chancelière n’avait pas écarté par principe cette hypothèse. C’est nouveau et c’est bien, jubile en substance le candidat.

Même amour pour la Chine. L’interviewé rappelle qu’il avait très tôt demandé, d’abord en vain, d’exclure la firme chinoise Huawei du déploiement de la 5G, avant que cette exigence ne soit finalement reprise dans un projet de loi en préparation.

Interrogé sur le type de coalition qui pourrait gouverner le pays après les élections prévues en septembre de l’année prochaine, il se montre peu enthousiaste quant à la reconduction de l’actuelle alliance avec les sociaux-démocrates, car il juge ceux-ci coupables de « dénoncer à la moindre occasion le retour du militarisme ». En revanche, se réjouit-il, « les Verts se sont recentrés sur ces sujets. Sur la Russie ou sur la Chine, par exemple, leurs positions sont souvent assez proches des nôtres ».

« Si chaque pays mène sa politique, l’Europe est en danger », s’indigne Norbert Röttgen

Enfin, celui qui se rêve en futur chancelier ne ménage pas le partenaire français. Ainsi, sur l’affaire Navalny, « la France a réagi trop timidement par rapport à l’Allemagne. Cette passivité française est regrettable car cette affaire est une épreuve de vérité pour l’Europe qui, si elle veut peser face à la Russie, doit avoir une stratégie cohérente ». Plus généralement, « Emmanuel Macron a eu tort de proposer un ‘dialogue stratégique’ avec la Russie ».

Certes, « que la France et l’Allemagne ne défendent pas exactement les mêmes positions est normal », concède Norbert Röttgen. Mais c’est pour regretter cependant que « les divergences se sont creusées, ces derniers temps ». Et de conclure, magistral et menaçant : « si chaque pays mène sa politique, l’Europe est en danger ».

Que chaque pays songe à mener sa propre politique ? Quel cauchemar, quelle absurdité, quel scandale ! Heureusement, l’Europe veille…

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« Ruptures » et le label maccarthyste de Twitter : après un mois, aucune réponse du réseau social, aucune couverture médiatique

Par : laurent

Cela fait maintenant un mois que Twitter a attribué à Ruptures le label mensonger « Média affilié à un État, Russie ». C’était le 7 septembre, juste après la publication sur notre site d’un article critique sur le traitement médiatique en France du « Russiagate ». Malgré des alertes en ligne et l’envoi d’une lettre recommandée (le 11 septembre), Twitter ne nous a toujours pas répondu pour expliquer cet étiquetage arbitraire.

Et plus grave encore que le silence du réseau social américain : en dépit de nos signalements, aucun média français n’a rendu compte de cette affaire alors qu’il s’agit d’un précédent pour le moins inquiétant. En effet, à notre connaissance, Ruptures est le premier et seul média hexagonal à avoir reçu un tel label (le même que RT France et Sputnik France). Celui-ci a des conséquences négatives à la fois en matière de visibilité sur Twitter mais surtout de réputation.

Assez ironiquement, le soutien est venu des États-Unis. En premier lieu d’Aaron Maté, un journaliste du remarquable site The Grayzone ; il a tweeté le 15 septembre pour informer ses nombreux abonnés de nos mésaventures avec l’oiseau bleu. Nous traduisons le premier de ses trois messages : « Le maccarthysme du Russiagate est mondial. En France, le média d’information “Ruptures” a publié un article critique sur la façon dont les médias français ont couvert le Russiagate. Twitter lui a rapidement attribué le label “Média affilié à un État, Russie” – alors que le site est totalement indépendant et soutenu par ses lecteurs. »

Russiagate McCarthyism is global. "Ruptures," a media outlet in France, published an article critical of how the French media covered Russiagate.

Twitter quickly labeled it "Russian state-affiliated media" — even though the site is completely independent and reader-supported. https://t.co/bYToWlhWAj

— Aaron Maté (@aaronjmate) September 15, 2020

La double indifférence à l’égard de nos protestations – celle de la firme californienne et celle des médias français – nous semble être un symptôme de l’acceptation croissante de la privatisation à la fois de la censure politique et de la limitation de la liberté d’expression (et de la presse en l’occurrence).

Autre manifestation de ce climat maccarthyste : le député européen Raphaël Glucksmann vient de prendre la tête d’un comité pour traquer l’influence terrifiante de la Russie (cf. notre article). Ainsi l’Europarlement pourra, comme l’oiseau bleu, décerner des « labels rouges ».

Des tendances délétères pour la démocratie et la presse sont à l’œuvre. À bon entendeur…

L’équipe de Ruptures

Post-scriptum : Raphaël Grably, chef du service « BFM Tech », semble être le seul journaliste français à avoir tenté d’en savoir plus sur l’épisode que nous traversons (voir son dernier tweet à ce sujet). Le réseau social ne lui a pas répondu. Ainsi, en dehors de notre site, l’unique article publié à ce jour en français sur le diktat de Twitter provient… de RT France.

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Ceci n’est pas une blague belge

Par : pierre

Sombre période, décidément.

Les dirigeants de l’Union européenne, qui prétendaient s’être mis d’accord sur le plan de relance lors du sommet de juillet, s’étripent à nouveau sur le respect des règles de l’Etat de droit

Le président russe multiplie les sordides attaques pour faire sombrer le rêve européen.

Et, de leur côté, les peuples du vieux continent s’obstinent à ne montrer aucun enthousiasme face à ce lumineux horizon.

Comme si tout cela ne suffisait pas, une terrifiante information vient d’être rendue publique : le parc à thème bruxellois baptisé Mini-Europe va fermer ses portes à la fin de l’année. Celui-ci rassemblait en un seul lieu la reproduction en miniature des monuments les plus connus des pays de l’Union européenne.

Parmi les raisons invoquées figure la baisse de la fréquentation de cette attraction célèbre depuis 31 ans dans la capitale de l’UE.

Cependant, il ne faut jamais perdre espoir. Le parc pourrait être finalement transféré dans une autre ville belge. Il pourrait ainsi atterrir à Waterloo.

On ne pouvait mieux trouver.

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Raphaël Glucksmann prend la tête d’un comité pour traquer l’influence terrifiante de la Russie

Par : pierre

Après un itinéraire politique pour le moins tourmenté, Raphaël Glucksmann a enfin trouvé un rôle à sa mesure. Il a en effet pris la tête d’un comité spécial de l’europarlement chargé de traquer et de pourfendre les « influences étrangères » qui menacent l’intégrité démocratique de l’Union européenne, et, partant, le fondement de nos sociétés libres.

On se souvient (ou pas, d’ailleurs) que le sémillant essayiste co-fonda, quelques mois avant les élections européennes de 2019, un groupuscule baptisé Place publique, avant de se voir offrir la tête d’une liste dans laquelle s’était fondu le Parti socialiste. Le résultat électoral fut brillant (moins de 6,2%), mais permit cependant à l’ancien conseiller du président géorgien déchu Mikheil Saakachvili d’être propulsé dans l’hémicycle de Strasbourg.

A propos de sa désignation, M. Glucksmann a modestement commenté : « l’ère de la naïveté européenne est terminée »

Le voilà donc désormais parti pour cornaquer une instance bien dans l’air du temps au sein des instances de l’UE. Et pour illustrer le tournant majeur dans l’histoire européenne que ses nouvelles fonctions inaugurent, M. Glucksmann a modestement commenté : « l’ère de la naïveté européenne est terminée ».

Son comité spécial, qui a commencé ses auditions le 23 septembre, a donc pour mission d’« évaluer le niveau des menaces, qu’il s’agisse des campagnes de désinformation, du financement des partis ou campagnes politiques, ou des attaques hybrides ». Pour ceux qui auraient des doutes sur l’ennemi non cité par son nom, il convient de rappeler que dans le lexique euro-atlantique habituel, le concept d’« attaque hybride » est un code convenu qui pointe exclusivement vers Moscou.

Cette précision géopolitique est sans doute utile pour ceux qui se conteraient de lire naïvement la « feuille de route » de ce comité d’un maccarthysme post-moderne. Celui-ci devra « examiner la transparence du financement des partis et des campagnes, vérifier les actions et les règles nationales (des Etats membres dans ce domaine) ainsi que les influences extérieures à travers des entreprises, des ONG ou des technologies ».

Qu’on se rassure. Les zélés eurodéputés emmenés par M. Glucksmann n’enquêteront pas sur les multiples canaux et ONG par lesquels l’UE elle-même organise, forme et finance la « société civile » de multiples pays (dont l’Ukraine et la Biélorussie, parmi tant d’autres) en vue de promouvoir des « révolutions colorées ». Ces financements, certes discrets, sont tout à fait officiels. Et pour la bonne cause. Ce n’est donc pas le sujet de nos fins limiers. Pas plus que ces derniers ne s’intéresseront – par exemple – à la French-American Foundation, ouvertement financée par les Etats-Unis, et qui vise à promouvoir dans l’Hexagone de « jeunes leaders », évidemment peu hostiles à l’esprit atlantique, et dont les heureux élus peuplent depuis un moment les plus hautes instances du pays.

Le Comité Glucksmann – si l’impétrant nous autorise ce charmant raccourci – s’occupera plutôt de « contrer les menaces hybrides, les cyber-attaques, la désinformation (…) de la part des pays malveillants ».

La fine équipe traquera également la cinquième colonne, ces ennemis de l’intérieur bien plus dangereux encore

Mais pas seulement : la fine équipe traquera également la cinquième colonne, ces ennemis de l’intérieur bien plus dangereux encore que les pourvoyeurs russes de novitchok numérique. Il s’agira en effet de repérer des campagnes « conduites par des organisations et des acteurs européens (…) susceptibles de nuire aux objectifs de l’Union européenne, ou d’influencer l’opinion publique afin de compliquer l’élaboration de positions communes » des dirigeants de l’UE.

Si les mots ont un sens, cela signifie que tous les adversaires du principe de l’intégration européenne tomberont sous le coup des investigations glucksmaniennes.

Et dans un an, le commando chargé de l’intégrité de l’UE rendra un rapport. Le nom de la rédactrice circule déjà : il pourrait s’agir de la Lettone Sandra Kalniete, qui fut successivement ministre des Affaires étrangères de son pays, puis commissaire européen, avant d’atterrir à Strasbourg. Dans un livre autobiographique, cette dernière écrivait par exemple : « mes parents n’ont pas voulu offrir d’autres esclaves au pouvoir soviétique, je n’ai eu ni frère ni sœur ». On le voit, Raphaël sera bien secondé.

Deux suggestions

Le travail du comité vient de débuter. A ce stade, qu’il soit permis de lui faire deux suggestions. D’une part, une enquête urgente s’impose quant aux sept élections législatives partielles qui viennent de se dérouler en France, les 20 et 27 septembre. Celles-ci ont été marquées par une abstention qui a oscillé entre 80 et 90%. Il s’agit à l’évidence d’une manoeuvre – hélas réussie – du Kremlin visant à saper l’expression démocratique dans l’Hexagone.

La seconde suggestion concerne le réseau Twitter, un des terrains privilégiés pour les complots ourdis par Moscou. La firme à l’oiseau bleu a, depuis le 7 septembre, gratifié le compte du journal Ruptures de la mention « affilié à un Etat, la Russie ».

Le comité s’honorerait – et œuvrerait à la salubrité publique – s’il pouvait enfin révéler les indices et preuves qui fondent une telle allégation.

On attend impatiemment.

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L’aubaine des uns, la rancœur des autres (éditorial paru dans l’édition du 18 septembre)

Par : pierre

La tempête économique est déjà là. Mais le plus gros du tsunami social est annoncé pour l’automne. Au deuxième trimestre, le PIB de la zone euro a reculé de plus de 12%, et même de 13,8% en France, où 715 000 emplois ont été détruits. N’en déplaise aux amoureux de la décroissance, on ne confine pas un pays – ce qui était probablement nécessaire – sans conséquences sur l’activité, la richesse produite, l’emploi.

Certes, le virus a déclenché un effet boule de neige. Mais de nombreuses entreprises, essentiellement les grandes, n’ont pas hésité à se jeter sur l’« effet d’aubaine » en lançant des plans de restructuration qu’elles avaient dans les tiroirs avant l’épidémie. Les grands groupes français et européens se sont distingués dans l’annonce de suppressions massives d’emploi : Nokia, Airbus, Sanofi, Carrefour, Auchan… Pour sa part, General Electric a annoncé 750 suppressions de postes – un dossier qu’Emmanuel Macron connaît bien puisqu’en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée, il avait supervisé en 2014 la vente d’Alstom Energie au géant américain qui promettait alors de… créer 1 000 emplois.

Par ailleurs, de nombreux patrons savourent aujourd’hui les charmes d’un dispositif mis en place sous le règne de l’actuel chef de l’Etat qui permet d’exiger des sacrifices aux salariés (travailler plus pour gagner moins) sous peine d’être licenciés.

Décidément, le Covid a bon dos…

Et décidément, le Covid a bon dos : ce n’est pas lui, mais le dogme de la « transition écologique » qui justifie la suppression de liaisons aériennes intérieures – une exigence gouvernementale qui ne peut être sans conséquences sur les personnels navigants, de maintenance, au sol, sans parler des emplois indirects dans les aéroports. De même pour l’industrie automobile qui devrait subir de plein fouet la promotion des moteurs électriques, bien moins pourvoyeurs d’emploi, en lieu et place des moteurs thermiques.

Effet d’aubaine encore : le « soutien aux entreprises » représente le tiers des 100 milliards prévus par le « plan de relance » national annoncé à grand son de trompe par le premier ministre. Or aucune contrepartie en termes d’emploi n’est prévue aux cadeaux sociaux et fiscaux, un « oubli » béant qui a provoqué des remous jusqu’au sein des députés de la majorité macroniste, c’est dire…

Sur les 100 milliards finançant le plan gouvernemental, 40 milliards seront fournis « par l’Europe », s’est vanté le maître de l’Elysée. C’est oublier deux détails. D’abord, ladite manne sera conditionnée à la présentation d’un plan national qui devra être soumis aux institutions européennes et intégrer les priorités : transition écologique, économie numérique et réformes structurelles – coucou, les revoilà. Pour la France, la réforme des retraites constitue un classique des « recommandations » européennes…

Mais surtout, les subventions et prêts alloués à hauteur de 750 milliards par Bruxelles aux Etats membres constitueront une dette commune auprès des marchés financiers. Celle-ci devra être remboursée par le budget communautaire au prorata de la richesse des Etats membres. Au final, si l’Italie, l’Espagne, et les pays de l’Est notamment devraient gagner au change, les « contributeurs nets » rembourseront bien plus qu’ils ne recevront : pour la France, 37 milliards à percevoir… mais 80 milliards à rembourser. Ce à quoi les partisans de l’intégration répondent qu’on trouvera de nouvelles taxes européennes pour financer les sommes empruntées. Sauf qu’à ce jour, seule est esquissée une « taxe plastic » qui ne rapporterait au mieux que quelques milliards sur les 750.

Quand ils découvriront qu’ils vont payer encore plus pour « sauver » les pays du sud, il n’est pas sûr que les Néerlandais ou les Scandinaves sautent de joie

Qu’importe, pour Emmanuel Macron et Bruxelles, c’est aussi une manière de renforcer l’intégration européenne : la mutualisation d’une dette souscrite sur trente ans manifeste la volonté de vivre définitivement ensemble, a par exemple affirmé Louis Michel, le président du Conseil européen, au terme du sommet qui s’était conclu le 21 juillet sur un tel compromis. Comme si, pour un couple, prendre un crédit immobilier de long terme garantissait contre les risques de divorce…

En réalité, l’accord arraché en juillet contient les graines de division, de rancœur et d’explosion. Car quand ils découvriront qu’ils vont payer encore plus pour « sauver » les pays du sud – en réalité pour préserver le marché unique et la monnaie unique – il n’est pas sûr que les Néerlandais, les Scandinaves et quelques autres, déjà peu euro-enthousiastes, sans parler des Allemands, sautent de joie.

Pas plus que les Français, du reste.

 

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Les naufrageurs de la raison (et de la gauche) : réponse à Foucart, Horel et Laurens

Par : laurent

Les journalistes du Monde Stéphane Foucart et Stéphane Horel se sont associés au sociologue Sylvain Laurens (EHESS) pour écrire Les Gardiens de la raison : Enquête sur la désinformation scientifique (La Découverte, septembre 2020). Les auteurs font preuve dans ce livre d’un manque sidérant de rigueur et d’éthique intellectuelles. Erreurs factuelles, interprétations malhonnêtes, omissions délibérées, extrapolations complotistes… Illustration avec la façon dont je suis présenté.

Avertissement : ce texte n’engage que moi, il ne saurait notamment être attribué à l’Afis, qui a publié sa propre mise au point.

Pour répondre aux propos de S. Foucart, S. Horel et S. Laurens (« FHL » désormais), j’utiliserai largement le contenu d’un courriel que j’ai fait parvenir à Bruno Andreotti au sujet de son article « Contre l’imposture et le pseudo-rationalisme » (Zilsel, février 2020) – dans lequel je suis également mentionné –, message auquel, je dois le dire, celui-ci a réagi de façon courtoise et ouverte.

Trois phrases, trois erreurs factuelles

C’est dans un chapitre consacré à Jean Bricmont (voir sa réponse) que les auteurs des Gardiens de la raison parlent brièvement de moi. Voici le passage en question (p. 236) : « En octobre 2017, à l’occasion des vingt ans de l’affaire Sokal, une chaîne YouTube intitulée “Lumières !” propose une interview en deux volets de Sokal et Bricmont. La chaîne a été créée par un dénommé Laurent Dauré. Passé par le mouvement souverainiste de Paul-Marie Coûteaux, le Rassemblement identitaire français, membre du bureau de l’UPR, le jeune militant est également membre du conseil d’administration de l’Afis. »

En seulement trois phrases – soixante-sept mots –, FHL parviennent à commettre trois erreurs factuelles. Elles sont de gravité variable.

La première est anodine : l’entretien avec Alan Sokal et Jean Bricmont est en quatre parties et non en deux. C’est un fait très facile à établir, surtout quand on se met à trois pour écrire un livre et que l’on sollicite de nombreux relecteurs.

La deuxième erreur est autrement plus grave, elle s’apparente même à une falsification diffamatoire. Les auteurs affirment que j’ai été membre du « Rassemblement identitaire français ». C’est faux de toutes les façons possibles. Pour faire partie de ce mouvement, il faudrait déjà… qu’il existât. Or, le Rassemblement identitaire français est une organisation imaginaire. Si j’ai bien été brièvement adhérent d’un « RIF », cet acronyme signifie « Rassemblement pour l’indépendance de la France » (un parti créé en 2003).

On se demande comment une telle « méprise » peut être commise, l’information étant là aussi trouvable en dix secondes sur Internet. Mais peut-être que pour notre trio très « gauche plurielle » (qui ferait bondir Jaurès), l’indépendance nationale est un concept d’extrême droite et sa défense, nécessairement une démarche identitaire. C’est d’ailleurs l’opinion qui domine au sein des élites libérales-atlantistes dont Le Monde est le point de ralliement médiatique. Les thuriféraires du marché et de l’intégration européenne veulent liquider dans un même mouvement l’indépendance nationale et la souveraineté populaire. C’est en fait la démocratie même qu’ils cherchent à neutraliser. Avec un certain succès, il faut le reconnaître.

Comme beaucoup d’autres au sein de la « nouvelle gauche » (celle qui n’est pas même social-démocrate), les auteurs des Gardiens de la raison tissent l’impuissance du peuple en prétendant se soucier de lui. Mais quoi que l’on pense de ces appréciations politiques qui peuvent légitimement faire l’objet de débats, il nous semble que les méthodes de FHL devraient heurter toute personne soucieuse d’une éthique intellectuelle élémentaire.

Enfin, troisième erreur factuelle : contrairement à ce qu’écrivent nos redoutables enquêteurs, je n’ai pas été simultanément membre du Conseil d’administration de l’Association française pour l’information scientifique et du Bureau national de l’Union populaire républicaine puisque j’ai quitté ce parti en novembre 2017 – ce qu’ils savent – et que je n’ai rejoint le CA de l’Afis qu’en juin 2018 – ce qui est facile à savoir.

On remarque que les erreurs majeures servent la démonstration (confuse) que s’efforcent de produire les auteurs. Le procès n’étant qu’à charge et le verdict défini à l’avance, tous les « faits » doivent s’y plier. Je précise que les deux journalistes d’investigation et le sociologue n’ont pas cherché à me contacter. Ils me présentent uniquement comme un « militant », ce que je suis indéniablement – comme eux d’ailleurs –, mais en occultant mon activité de journaliste, en particulier pour Ruptures.

Le b.a.-ba du rationalisme c’est le souci scrupuleux des faits. Quand on est journaliste ou universitaire, la négligence intellectuelle est censée être disqualifiante. Comme quoi, des « gardiens de la raison » sont peut-être utiles…

Omissions et bidouillages

Passons maintenant à ce qui relève de l’interprétation malhonnête et de la dissimulation d’éléments d’appréciation importants. Je vais ici recourir à des développements issus de ce long texte publié sur le site de la Librairie Tropiques (je précise que les visuels ne sont pas de mon fait). Il s’agit d’une critique de l’enquête sur l’Union populaire républicaine que Le Monde diplomatique a publiée dans son édition d’octobre 2019.

Concernant Paul-Marie Coûteaux (point 12 de l’article), il a en effet dérivé vers des positions ultra-conservatrices et réactionnaires, jusqu’à doubler sur sa droite le Front national – avec lequel il a cheminé un temps –, mais c’est aussi un ancien proche de Jean-Pierre Chevènement et un membre du CERES (il est passé par les cabinets de Boutros Boutros-Ghali, du « Che » et de Philippe Séguin). Plus surprenant encore pour ceux qui ne connaissent que la partie la plus récente de son parcours, il a été adhérent à Lutte ouvrière et c’est un des membres fondateurs de l’association alter-mondialiste Attac créée en 1998 (ce que l’organisation dissimule sur son site Internet). Paul-Marie Coûteaux fut également un contributeur du Monde diplomatique.

Pendant les années 2000, celui qu’on pouvait jusque-là définir comme un gaullo-chevènementiste, s’est mis à pratiquer une sorte d’« en même temps », mettant en avant ses engagements à gauche auprès de certains, et disant à d’autres que tout cela était du passé. Lorsque le RIF et son président ont définitivement rompu avec la rive de gauche et ont de surcroît décidé de plaider en faveur d’une « autre Europe » (abandonnant l’idée de sortie de l’Union européenne), j’ai quitté le parti.

Ainsi, écrire de façon laconique, comme le font FHL, que je suis « passé par le mouvement souverainiste de Paul-Marie Coûteaux, le Rassemblement identitaire français [re-sic] » en refusant de prendre en compte tous ces éléments de contexte, de chronologie et ces nuances significatives est délibérément trompeur. L’occultation est bel et bien volontaire car les auteurs avaient connaissance de ma critique de l’enquête du Monde diplomatique : ils la mentionnent dans la note 38 du chapitre 8, sans expliquer de quoi il s’agit et en lui attribuant un titre qui n’est pas de moi (et qui ne dit rien sur son contenu). En maniant et en présentant une source de la sorte, FHL piétinent là aussi les standards élémentaires du travail aussi bien journalistique qu’universitaire.

Les auteurs des Gardiens de la raison font parfois de l’humour sans le savoir. En effet, l’affirmation selon laquelle Jean Bricmont serait intervenu à l’université d’automne de l’UPR en 2013 « [d]evant un parterre de militants issus de la droite et proches de l’ancien bras droit de Charles Pasqua » est tellement ridicule et roublarde qu’elle m’a fait rire. Il apparaîtra évident à toute personne qui était présente lors de cet événement qui a eu lieu près de Tours – c’était mon cas – que l’assertion de FHL n’est appuyée sur aucune preuve ou enquête. C’est du pur doigt mouillé, comme beaucoup des allégations et insinuations du livre. La très grande majorité des adhérents et sympathisants de l’UPR qui étaient là – le public étant par ailleurs très jeune – ne sont ni de droite ni issus de la droite, et ils ne se sentent aucune filiation avec Charles Pasqua.

Malhonnêteté au carré

Le manque d’intégrité intellectuelle de FHL devient vertigineux quand on observe leurs stratagèmes argumentatifs. Le court passage qui traite de ma personne sert en fait à atteindre Jean Bricmont et Alan Sokal, coupables d’avoir accepté d’être interviewés par moi. Chercher à dénigrer des individus A et B en les associant à un individu C dépeint à coups d’allégations fausses et d’insinuations malveillantes, c’est en somme de la malhonnêteté au carré. Sur l’entretien en question, chacun peut se faire son propre avis en le visionnant ou en lisant cette transcription de quelques extraits de la 1re partie.

En mentionnant ma présence au Conseil d’administration de l’Afis, FHL cherchent aussi évidemment à nuire à cette association, qui est la principale cible de leur livre. On va le voir, la « démonstration » est incohérente. D’après leurs sous-entendus appuyés, le fait d’être membre à la fois de l’UPR et du CA de l’Afis (faisons comme si c’était vrai…) serait significatif et dirait quelque chose – de compromettant – sur la nature de cette dernière. Toujours la même méthode de culpabilité par association. Si on avait privé les auteurs de l’emploi de ce sophisme, Les Gardiens de la raison ferait 50 pages et non 350.

Comme ils l’ont lu en décidant de ne rien en retenir (point 28 du texte déjà signalé), je n’ai cessé de critiquer les positions de l’UPR et/ou de François Asselineau précisément sur les sujets dont s’occupe l’Afis. L’inefficacité totale de mes alertes et l’aggravation de certaines tendances anti-scientifiques ont grandement contribué à mon retrait du parti. L’ironie est que FHL sont proches des idées de François Asselineau sur de nombreux points : pétition de principe englobante contre les produits phytosanitaires et les OGM, enthousiasme béat pour l’alimentation « bio », sensationnalisme anxiogène sur les perturbateurs endocriniens, technophobie réflexe, appel à la décroissance…

Les trois enquêteurs et le président de l’UPR partagent la même grille de lecture presque exclusivement articulée autour des problématiques (certes réelles) de conflits d’intérêts et d’influence des lobbies. Ce pan-corruptionnisme déborde rapidement de la critique étayée pour contester la légitimité de l’expertise scientifique et des instances publiques d’évaluation (sauf quand elles disent ce que les soupçonneux veulent entendre), accusées d’être dominées par des intérêts peu avouables. Tous les contradicteurs sont alors forcément vendus aux industriels et à la finance – ou leurs idiots utiles –, ils se livrent à une « trollisation de l’espace public » au service des puissances d’argent, des pollueurs-exploiteurs. Avec cette perspective inquisitrice, c’est la méthode scientifique qui se retrouve in fine sur le banc des accusés car ses résultats ne conviennent que très partiellement aux partisans de l’écologie politique.

Nous touchons là au propre de la pensée FHL. Toute personne en désaccord avec leur vision de la science, du progrès, de l’écologie ou de la gauche a nécessairement un agenda sombre et caché (ou est instrumentalisée), une allégeance dissimulée à l’égard de forces économiques ou politiques conservatrices.

Le tropisme des accointances coupables empêche le débat rationnel et parasite la recherche collective de l’objectivité, de la vérité. Croyant critiquer le capitalisme, le productivisme, les idéologues pan-corruptionnistes sapent en fait la science et le progrès, avec les bienfaits que ceux-ci peuvent apporter. Comme l’a écrit Marie Curie dans le livre consacré à son mari, « la science est à la base de tous les progrès qui allègent la vie humaine et en diminuent la souffrance » (Pierre Curie, 1923).

Juger sur pièces

Si j’étais conspirationniste et/ou d’extrême droite, comme l’insinuent lourdement FHL, il me semble qu’il devrait être assez facile d’en trouver des traces – même discrètes – dans au moins quelques-uns des articles que j’ai écrits. Que les vérifications appropriées soient faites. Il se trouve que mon dernier travail porte sur une théorie du complot néoconservatrice qui a été relayée et promue par 98 % des médias français de premier plan (Le Monde en tête).

Les auteurs prennent bien soin de ne pas mentionner mon engagement – passé ou présent – dans plusieurs associations marquées à gauche, alors que Sylvain Laurens en a parfaitement connaissance pour au moins deux d’entre elles. Est-il honnête de dissimuler ainsi des affiliations, dont l’une dure depuis plus de 10 ans ? Je ne donne pas le nom des associations en question pour ne pas les mêler à des polémiques qui ne les concernent pas.

Dans leur livre, FHL ne semblent pas admettre que l’on puisse avoir des engagements politiques ou associatifs divers, distincts et autonomes (l’Afis se tient à l’écart de l’idéologie et de la politique pour défendre la méthode scientifique et la recherche de la connaissance objective, un positionnement qui me paraît tout à fait opportun). Pour eux, toute implication « contamine » les autres, leur mise en lumière dévoilant un plan d’ensemble. Machiavélique, cela va sans dire. Cette tournure d’esprit conspirationniste les amène à voir des coordinations, des proximités et des allégeances qui n’existent pas.

Les auteurs peinent aussi à concevoir que l’on puisse évoluer politiquement, chaque affiliation et engagement étant pour eux lourds de sens à jamais. Or, comme je l’ai écrit au journaliste du Monde diplomatique, « en réfléchissant à mon parcours, je m’aperçois que je suis entré en politique par la porte de la souveraineté populaire, du souci démocratique (et aussi de l’opposition aux guerres impérialistes), et que j’ai peu à peu donné à ma pensée un contenu plus nettement anti-libéral – puis anti-capitaliste – et des principes anarcho-communistes (via lectures et rencontres). Bref, je suis sorti de l’UPR plus à gauche que j’y étais entré. » FHL ont lu ceci et ont décidé que cela n’avait aucune valeur.

La « cancel culture » façon Sylvain Laurens

En 2016, Sylvain Laurens a été parmi les principaux artisans de l’annulation de deux contrats que j’avais signés avec une maison d’édition (plus à gauche que La Découverte), dont il était à l’époque membre du comité éditorial. Cette campagne de dénigrement en coulisse a également eu la peau d’un documentaire d’esprit on ne peut plus rationaliste dont le tournage était en cours et qui était soutenu par une société de production. En quelques mois, mes trois principaux projets personnels ont ainsi été réduits à néant.

À l’époque, Sylvain Laurens et les autres meneurs ont refusé toute discussion, je n’ai jamais pu les rencontrer pour débattre ; il ne fut même pas possible d’avoir un échange téléphonique ou électronique. Les Annulators ne parlementent pas, ils ne sont pas programmés pour la civilité ou la controverse loyale. En s’associant à des journalistes du Monde, média connu pour cornaquer le débat à l’intérieur d’un cadre idéologique étroit et refuser très fréquemment les droits de réponse, le sociologue a trouvé une autre tribu agoraphobe. Stéphane Foucart et Stéphane Horel ont d’ailleurs refusé récemment un débat avec les animateurs pourtant fort réglo de La Tronche en Biais (voir la mise au point de Thomas Durand à propos des Gardiens de la raison).

Il y a quatre ans comme aujourd’hui, Sylvain Laurens semble convaincu que je suis animé de sombres desseins, non seulement à l’égard de la gauche, mais aussi à l’égard du milieu rationaliste français. Pas de preuve, pas de débat possible, ses certitudes sont inébranlables. Et elles justifient selon lui des mesures de marginalisation professionnelle et sociale.

FHL représentent bien ce courant postmoderne qui veut acquérir l’hégémonie à gauche en convertissant celle-ci – à coups d’intimidation et d’excommunication – à l’écologie politique, au rejet de la souveraineté populaire et de l’indépendance nationale, à la politique de l’identité, à la limitation de la liberté d’expression et du débat. Ils cherchent à purger la gauche de ce qui reste de socialistes, de communistes et d’anarchistes attachés de façon conséquente à l’héritage des Lumières et à l’articulation du progrès social et scientifique.

BHL, FHL, même compas (faussé)

Si on en juge d’après les premières réponses qui ont été rendues publiques (voir aussi celle de Franck Ramus), Les Gardiens de la raison est farci d’erreurs petites et grandes. Le volume d’inexactitudes et de sophismes semble tel que nous sommes en route pour des records. Même Bernard-Henri Lévy, pourtant réputé pour sa nonchalance à l’égard des faits et son absence totale de fair-play dans la confrontation d’idées, aura du mal à rivaliser. En démontrant un tel manque d’éthique intellectuelle, FHL exposent leurs autres travaux à la suspicion…

Je n’ai pu m’empêcher de trouver cocasse que l’occupant de la chaire de « sociologie des élites européennes » de l’EHESS s’allie à deux salariés du journal par excellence des élites françaises – dont les principaux actionnaires sont deux industriels milliardaires et un banquier d’affaires millionnaire – pour tenter de jeter le discrédit sur quantité de militants rationalistes qui sont pour la plupart bénévoles et médiatiquement marginaux. Mais peut-être est-ce finalement bon signe que le combat désintéressé au service de la raison rende la bourgeoisie verte de rage.

Laurent Dauré

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