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À partir d’avant-hierContrepoints

La crise immobilière est fabriquée par l’État

La crise immobilière qui sévit actuellement en France ne tombe pas du ciel, et l’État en est grandement responsable. Son interventionnisme tous azimuts a eu finalement raison de la baisse de la construction de logements neufs et de la réduction du parc de logements accessible aux plus démunis. Certes, l’augmentation des taux d’intérêt a sa part de responsabilité dans l’effondrement du marché immobilier, mais la main très lourde de l’État a également sa part, et sûrement pas la plus petite.

Après des hausses très importantes ces dernières années, les prix de l’immobilier baissent enfin depuis un an dans la plupart des grandes villes françaises, y compris à Paris.

A priori, c’est une bonne nouvelle pour ceux qui veulent acheter, surtout les primo-accédants, mais un peu moins pour ceux qui veulent vendre. Ces derniers essayent de résister tant qu’ils peuvent à la baisse et contribuent à bloquer le marché. C’est ainsi que le nombre de transactions s’effondre. Selon Meilleurs Agents, la barre du million de transactions devrait être enfoncée à la fin de l’année 2023. Du côté des locataires, la situation n’est pas plus rose. En effet, de plus en plus de ménages ne sont plus en mesure de trouver un logement correspondant à leurs besoins, que ce soit en termes de superficie ou de localisation, surtout dans les métropoles.

Comme souvent, les origines d’une crise sont multiples. Passons en revue ces différents facteurs qui ont enrayé le marché immobilier :

  • la hausse des taux d’intérêt,
  • la fiscalité immobilière,
  • les injonctions concernant la rénovation énergétique,
  • l’avalanche de normes pour la construction,
  • la gestion de l’urbanisme par les communes,
  • l’encadrement des loyers.

 

La hausse des taux d’intérêt

Afin de combattre l’inflation, les banques centrales ont sorti l’arme des taux d’intérêt, ce qui a naturellement impacté les taux des crédits immobiliers.

Ainsi, selon l’Observatoire du Crédit Logement, les taux des crédits immobiliers moyen ont triplé en un an du 1ᵉʳ trimestre 2022 à 2023, voire davantage. Alors qu’il était possible d’emprunter à un peu plus de 1 % en 2021, c’est maintenant 4 % qu’il faut compter. Cette augmentation considérable du coût du crédit pour les emprunteurs rend naturellement plus onéreuse l’acquisition d’un bien immobilier, surtout pour les jeunes ménages.

À cette augmentation du coût du crédit, il faut ajouter également le renforcement des garanties demandées par les banques auprès des emprunteurs. Tout cela a pour conséquence de diminuer la demande des primo-accédants et reporte sur le marché locatif la demande de logements. Mais encore faut-il que les investisseurs privés répondent présents. Or, pour eux, l’équation est un peu la même : la hausse des taux d’intérêt rabote la rentabilité de leurs investissements. À cela s’ajoute le poids de la fiscalité immobilière.

 

La fiscalité immobilière

L’immobilier est devenu une véritable vache à lait pour l’État et les collectivités locales. Les impôts qui pèsent sur les propriétaires bailleurs sont considérables. Il y a naturellement l’impôt sur les revenus fonciers, mais également les taxes foncières qui ont fortement augmenté, et pour les plus chanceux l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Tout cela fait qu’aujourd’hui de nombreux petits propriétaires qui avaient investi pour compléter leurs retraites, ont du mal à tirer un revenu net d’impôts satisfaisant de leur investissement. Beaucoup regrettent et ne sont pas prêts à remettre une pièce dans la pierre. Certes, le dispositif de défiscalisation Pinel a été prolongé, mais cela reste bien insuffisant pour compenser les contraintes liées à ce type d’investissement (absence de liquidité, blocage des fonds à très long terme, administration des biens, etc.). Avec cette fiscalité et les contraintes liées au statut de bailleur, les propriétaires voient de moins en moins l’intérêt de louer, et nombreux pensent à sortir du marché ou à louer dans le cadre d’un meublé touristique, style Airbnb. Ce faisant, l’offre locative a tendance à baisser.

 

La rénovation énergétique et les nouvelles normes de construction

La baisse de la construction de logements neufs s’explique aussi par le fait que les promoteurs sont pris en étau entre d’une part la hausse des coûts de construction, provoquée par les prix des matériaux et des normes environnementales toujours plus exigeantes ; transition énergétique oblige.

A cela s’ajoute la chasse aux « passoires thermiques » qui s’inscrit dans le cadre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Imposé par Bruxelles dès 2006, le DPE classe les logements selon leur consommation énergétique de la lettre A à G. L’objectif est d’atteindre un parc immobilier de catégorie A ou B d’ici 2050 pour respecter la réglementation européenne.

Dans l’immédiat et depuis le 1er janvier 2023, les logements dont la consommation énergétique est supérieure à 450 kWh par m² sont interdits à la location. Pour réduire l’offre de logements à la location on ne fait pas mieux. Et à partir du 1er janvier 2028, tous les bâtiments neufs devront être à émissions « quasi nulles » en vertu d’une nouvelle directive sur la performance énergétique des bâtiments. Les petits propriétaires doivent donc s’adapter à toujours plus d’obstacles pour louer leurs biens, et certains préfèrent jeter l’éponge.

 

La gestion de l’urbanisme par les communes

De l’avis de nombreux promoteurs immobiliers, la gestion de l’urbanisme par les communes constitue un frein au développement de leurs activités.

Ce constat est partagé par le Sénat qui relève :

« Le droit de l’urbanisme est le droit du paradoxe. Fondé en théorie sur le principe d’économie du territoire, il ne permet cependant pas de gérer de façon souple les conflits d’usages qui résultent en permanence de l’appropriation du sol. Entre le « gel  » des espaces naturels et assimilés, destiné à assurer une protection absolue, et le laisser aller le plus nonchalant -notamment à proximité des villes- il ne parvient pas définir, puis à maintenir un juste équilibre ».

 

L’encadrement des loyers et les difficultés liées à la location

Avec le développement des métropoles, est apparu le concept de zones tendues.

Il s’agit de communes où le nombre de logements proposés à la location est très inférieur au nombre de personnes qui veulent devenir locataires pour en faire leur résidence principale.

Dans ces communes, l’encadrement des loyers pose une limite au loyer que fixe le propriétaire lors de la mise en location d’un logement, loué avec un bail d’habitation (y compris bail mobilité). C’est ainsi que de nombreuses grandes villes voient leurs loyers encadrés. Si cet encadrement est naturellement favorable aux locataires qui ont trouvé un logement (pas les autres), il ne fait pas le bonheur des propriétaires bailleurs qui voient la rentabilité de leur investissement baisser à long terme. En effet, avec l’inflation et le coût des travaux, maintenir des loyers inférieurs au prix du marché est le meilleur moyen pour détruire à long terme un parc immobilier. Toutes les études sur les expériences de blocage des loyers dans tous les pays qui l’ont pratiqué sont unanimes sur le sujet[1].

Mais l’encadrement des loyers n’est pas la seule restriction du droit de propriété des bailleurs.

Il faut également rappeler les difficultés juridiques que rencontrent les propriétaires face à des locataires indélicats. Cette insécurité juridique les pousse souvent à sortir leur logement du parc locatif traditionnel et à le mettre sur des plateformes de location saisonnières comme Airbnb.

 

En conclusion

La crise immobilière que nous connaissons n’a rien de surprenant. Certes, la hausse des taux d’intérêts a contribué à son aggravation, mais beaucoup d’autres facteurs ont favorisé cette crise qui vient essentiellement, comme nous l’avons montré, de l’interventionnisme croissant de l’État sur ce secteur. De ce point de vue, l’État n’est pas la solution, mais le problème.

[1] Voir M. Albouy, Finance Immobilière et Gestion de Patrimoine, 2e éd. Economica, Paris, 2020.

Les fantasmes de Michel Onfray sur le libéralisme

Invité à débattre face au médiatique fondateur de Doctissimo et spécialiste en intelligence artificielle Laurent Alexandre ce dimanche 10 septembre sur CNews, dans la deuxième partie de l’émission Les Visiteurs du soir, animée par Frédéric Taddéi, le tout aussi médiatique philosophe normand Michel Onfray y est allé d’une de ses saillies habituelles sur le libéralisme :

"Je préfère le libéralisme au goulag!"
Merci à @dr_l_alexandre d'avoir dénoncé le délire anti-libéral ânonné par Onfray qui juge le libéralisme "pire que le communisme" (!) et rappelé les progrès faits par l'humanité en termes de niveaux de vie grâce au libéralisme. pic.twitter.com/s8bhqIOfLF

— Jean Louis (@JL7508) September 11, 2023

« Je trouve qu’il y a pire idéologie encore que le communisme, c’est le libéralisme. C’est sidérant comme cette idéologique peut faire des malheurs. On nous dit main invisible. Depuis le XVIIe siècle, c’est une idéologie déiste du XVIIIe siècle, la main invisible ! La main invisible ! Laissez-faire ! Laissez passer, et il y aura une espèce d’homéostasie de la société et de l’économie et tout se passera bien. Ça ne se passe pas bien ! La leçon – la leçon du réel et pas de l’idéologie – c’est que le libéralisme ne produit pas la richesse de tout le monde. Ça produit la richesse de quelques-uns et la pauvreté de beaucoup. Ça provoque la paupérisation. Marx a fait une analyse formidable sur ce sujet-là ».

Depuis vingt ans, Michel Onfray nous a habitué à ses contresens sur la pensée libérale. Cette dernière intervention est l’occasion de remettre, une nouvelle fois, l’église au centre du village.

 

L’obsession de la main invisible

Reprenons tout d’abord chaque point de son argumentation formulée sur CNews.

En premier lieu, Michel Onfray évoque la main invisible, qu’il voit comme l’émergence d’une pensée déiste, que l’antithéiste – athéiste militant – qu’il est vomit donc naturellement. Selon Onfray, ce concept serait un culte, imposant religieusement l’absence d’action sur la société pour qu’elle s’organise seule.

Si Onfray a raison sur ce dernier point, il s’agit d’un concept pourtant mineur dans l’œuvre de son auteur, Adam Smith. Il se trompe en en faisant implicitement l’origine de la pensée libérale qu’il dénonce, puisqu’il faut remonter cinq siècles avant Jésus Christ, au fin fond de la Chine, pour voir la première trace de libéralisme selon Murray Rothbard, et du concept de non-agir, qui donnera ensuite le laissez-faire, la main invisible et l’ordre spontané.

La notion de main invisible a été popularisée par l’œuvre majeure d’Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, parue en 1776, ouvrage fondateur de la théorie classique. Cette analyse scientifique de la prospérité de plusieurs grandes puissances de l’époque montre que la clef d’une économie florissante est la liberté pour les habitants de travailler et d’échanger.

 

La liberté permet la richesse

Onfray explique ensuite que le réel démontrerait que le libéralisme ne produit pas la richesse de tous, mais uniquement celle de quelques-uns au détriment du plus grand nombre qui verrait son niveau de vie diminuer.

S’agissant de la richesse de manière générale, qui se mesure par le PIB, le libre échange est un des principaux facteurs de sa croissance.

Le libre échange suppose la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ainsi que leur libre concurrence. Mettons de côté le fait qu’un système fondé sur des accords internationaux étatiques comme l’est l’OMC n’est par définition pas réellement libre, et donc ne saurait produire ses pleins effets.

Lorsqu’on met en parallèle l’indice de liberté économique et le PIB par habitant, on remarque une corrélation, et donc un lien solide, entre niveau de liberté et de prospérité économique.

On note ainsi que les pays avec un PIB par habitant élevé ont également un très fort indice de liberté économique. La présence, en haut des deux classements, de la Suisse, de l’Australie, du Canada ou encore du Royaume-Uni confirme ce lien. Les pays les plus élevés dans les deux classements sont ainsi Hong Kong et Singapour.

Cette corrélation est confirmée par le Cato Institute. Ce dernier note que, même en considérant le PIB comme limité, et en lui préférant celui du bien-être général, la liberté en est un des principaux facteurs, car elle favorise la collaboration, et donc la solidarité réelle.

Ce n’est donc pas pour rien si le libre-échange réduit également, contrairement à ce qu’allègue Michel Onfray, les inégalités de revenus.

 

La liberté permet l’égalité

Les inégalités sont quantifiées par le coefficient de Gini.

En mettant encore une fois ce coefficient en parallèle avec l’indice de liberté économique, on constate que plus un pays dispose d’un coefficient élevé, et donc de fortes inégalités, et plus la liberté économique y est faible. On retrouve dans ce cas les pays d’Afrique : Eswatini, Suriname, Zambie et Namibie.

À l’inverse, la Corée du Sud et le Japon ont à la fois de faibles inégalités et des indices de liberté économique élevés.

 

La nuance américaine

Malgré cela, il existe évidemment des exceptions.

Les États-Unis et ses principaux antagonistes géopolitiques, la Russie et la Chine, ont de forts PIB, mais des indices de liberté économiques faibles par rapport à d’autres pays comparables, situation sans doute liée à leur statut international compensant leur communisme et leur capitalisme de connivence par une forme de prédation économique. Des causes qui expliquent également le niveau d’inégalité des États-Unis.

Il en est de même pour les inégalités. Avec de fortes inégalités malgré un indice de liberté économique certes plus faible que certains pays similaires, mais restant élevés, les États-Unis constituent, semble-t-il, une exception notable.

Ce pays serait ainsi le pays développé le plus inégalitaire, malgré l’existence d’un débat sur la méthodologie des études sur le sujet, débat rapporté dans ces colonnes par l’historien et sociologue allemand Rainer Zitelmann en janvier dernier.

C’est l’occasion de nuancer ces résultats. D’autres facteurs économiques, sociaux et politiques, tels que la gouvernance, la réglementation et les politiques économiques, jouent également un rôle important dans la détermination de la prospérité économique d’un pays.

Cependant, les faits, et leur outil de mesure le plus fiable que nous connaissons aujourd’hui, à savoir les statistiques, montrent bien que le libre-échange est un facteur d’enrichissement économique et d’égalité, voire, pour ceux qui auraient encore des doutes, qui ne provoque au moins ni paupérisation ni accroissement des inégalités.

En résumé, le PIB étant l’unité de mesure de la richesse et le coefficient de Gini celui de l’égalité, le libre-échange est un des principaux facteurs de production de richesse, mais aussi de sa répartition égalitaire ou équitable dans une population.

 

Une critique à étoffer

Face à cela, Laurent Alexandre, en bon énarque, n’en a pas été moins gratiné, puisqu’il a purement et simplement suggéré le remboursement par la sécurité sociale des technologies d’augmentation du cerveau humain, et l’interdiction pour les individus aisés de bénéficier de cette technologie.

Il a néanmoins évoqué la montée du niveau général de vie des plus pauvres, la fin des famines, l’accès à Internet pour 5 milliards de personnes, et la diminution générale des inégalités d’accès à la culture.

Et si Michel Onfray, en bon libertaire admirateur de Proudhon et Camus, dit rejeter tout autant le communisme, sa critique du libéralisme nécessite encore du travail.

Sardou est-il de droite ? Retour sur la polémique

Le 13 juillet 1985, l’industrie du disque, un des business les plus rentables au monde, est passée totalement dans le camp du bien, le camp de l’anticapitalisme. Elle y est restée depuis, même si on s’est rendu compte entretemps qu’une partie plus que significative de l’argent récolté dans l’immense concert simultané du Live Aid avait été détournée par le gouvernement éthiopien pour acheter des armes à l’URSS au lieu de nourrir sa population.

Mais la légende est restée : le rock, la pop et toutes les productions de l’industrie musicale doivent, depuis les années 1980, être « de gauche », et dénoncer ouvertement les méfaits de la société de consommation et ses inégalités. Qu’importe si Bono, une des têtes d’affiche du double concert transmis en direct dans le monde entier, a tenté d’expliquer que le méchant capitalisme tant décrié n’était pas si méchant que cela, et qu’il était même la seule voie pour aider les populations en difficultés, le gauchisme, et toute sa palette folklorique de solutions miracles, reste solidement ancré comme étant le costume imposé pour tout auteur, compositeur ou interprète de musique à succès.

Dès le début, il existe une confrontation politique innée dans le rock & roll, musique noire interprétée par des Blancs issus des milieux populaires tout aussi défavorisés. Dans le creuset de l’Amérique et de l’Angleterre des années 1960 et 1970, dans la tension entre l’Est et l’Ouest, entre le capitalisme américain et le communisme russe, dans le contexte des mouvements civils aux États-Unis, cette fusion entre musique et politique a bourdonné pendant de nombreuses années, jusqu’à ce que le Live Aid vienne clore le débat.

On peut tous comprendre ce chahut, tous ces débats soulevés par cette nouvelle culture. On peut le comprendre quand on est Anglo-Saxon. Mais en France, on ne l’a clairement pas compris !

 

Retour en arrière

Et on se retrouve donc en 2023, exactement 50 ans en arrière, à rejouer une adaptation franchouillarde du mélodrame qui avait secoué le microcosme musical en 1973, quand Ronnie Van Zant, le chanteur et parolier d’une bande issue du ghetto blanc de Jacksonville en Floride chantait devant le drapeau confédéré Sweet Home Alabama, en demandant gentiment au poète canadien Neil Young d’aller se faire voir, et de s’occuper de ses affaires quand il parlait des habitants du bayou.

Aujourd’hui, c’est Juliette Armanet qui nous refait le même esclandre.

Qu’importe si la chanson de Michel Sardou supporte ouvertement les Républicains irlandais contre l’Empire britannique, ils sont catholiques, et donc dans le camp du mal. Qu’importe si les paroles de la chanson auraient très bien pu être écrites par Bono, et qu’elles ne diffèrent pas beaucoup de Sunday Bloody Sunday écrit un an plus tard, pour Juliette Armanet, les Lacs du Connemara est une chanson écoutée par des ploucs qui agitent des serviettes en picolant dans les mariages.

De la même manière que les « Southern boys » de Neil Youg habitent tous de belles demeures au milieu de plantations de coton en régnant sur un troupeau d’esclaves, les Français qui écoutent Michel Sardou sont tous pour Juliette Armanet des « scouts sectaires » qui dansent sur une musique qualifiée d’immonde, dans une chanson « où rien ne va ». Version française des rednecks d’Alabama.

 

Des années de confusion

À la décharge de la jeune chanteuse, ce n’est clairement pas de son fait si ce débat a été éludé en France. Elle vient après une bonne cinquantaine d’années de relativisme et de confusion générale organisée. Qu’est-ce que veulent bien vouloir dire droite et gauche aujourd’hui, alors que plus de la moitié de la population a voté, soit pour un candidat qui se dit à la fois de gauche et de droite, soit pour une candidate qui, elle, se dit être ni de droite ni de gauche.

Il faut dire que, étant donné la quantité de qualificatifs, d’amalgames, de réductions, de sous-entendus que l’on a pu accoler à ces deux mots : gauche et droite, c’est loin d’être étrange ! Les deux adjectifs sont tellement frappés d’anathème par le camp d’en face qu’il est bien plus sage de se placer en dehors de la mêlée. Il faut cependant admettre qu’il est plus fréquent de se faire traiter de fasciste ou de nazi que de communiste ou de trotskyste. Depuis quelques années, le fascisme est d’ailleurs attribué un peu partout, quels que soient le positionnement ou la revendication des idées ou des actes, comme si la planète s’était soudainement peuplée de nazillons.

 

La distinction historique

Cette classification a quand même un petit défaut…

Si on reprend la définition originelle (celle qui a constitué la formation de la première Assemblée constituante en 1789), sont à droite ceux qui sont favorables au veto accordé au Roy, et à gauche ceux qui y sont opposés. Selon cette définition, il serait donc constitutionnellement impossible d’être à droite en France, tout comme il serait totalement impossible d’être à gauche en Angleterre.

(Pour ceux qui auraient du mal à suivre, on parle toujours de politique et non de sens de circulation sur la voie publique).

Il serait donc fort étonnant que Michel Sardou puisse être de droite, comme le prétend Juliette Armanet, pour la simple et bonne raison qu’il faudrait bien plus qu’une chanson folklorique pour indiquer une quelconque velléité de renverser la république et à rétablir la monarchie. Il est également très douteux que la chanteuse ait voulu dire par sa sortie que rien n’allait dans le régime politique d’outre-Manche, d’autant plus que le sujet de la chanson incriminée consiste justement à dire que tout n’y va pas pour le mieux.

 

La définition commune

Revenons à des concepts plus simples.

Si vous êtes « de droite », c’est que vous ne pensez pas comme ceux qui se disent « de gauche », et vice-versa : si vous êtes « de gauche », c’est que vous ne pensez pas comme ceux qui se disent « de droite ».

Alors bien sûr, cela ne peut pas s’appliquer pour tout, c’est bien pour cela que nous avons grand besoin, nous, pauvres mortels, de spécialistes, d’experts, de politiciens qui se chargeront de trier le bon grain de l’ivraie à l’issue de combats rhétoriques endiablés où les jouteurs s’affronteront jusqu’à l’épuisement pour s’emparer des symboles qu’ils brandiront ensuite comme étendards.

Abraham Lincoln était membre du GOP, mais il a aboli l’esclavage. Napoléon Bonaparte, considéré aujourd’hui comme une icône de la droite française, a été porté à son poste parce qu’il représentait un rempart contre les monarchistes. Jules Ferry a soutenu la colonisation en Afrique. Hitler et Mussolini sont issus de partis qui se revendiquaient ouvertement socialistes. L’URSS était conçue légalement comme une fédération. Etc.

 

Verdict ?

Pour revenir à la question : Michel Sardou est-il de droite ? Ou alors, est-ce que c’est le public de Michel Sardou qui est de droite ? Ou est-ce simplement la chanson qui est de droite ?

Il doit y avoir à peu près autant de réponses à ces questions que de personnes qui ont déjà écouté la chanson, mais le résultat ne fait aucun doute : bien évidemment que Michel Sardou est plus à droite que Juliette Armanet. Il suffit de revenir aux concepts énoncés précédemment ! Juliette Armanet défend son camp, elle a l’initiative, et c’est donc tout naturellement qu’elle gagne la joute rhétorique, puisque, comme nous l’avons vu, le positionnement droite-gauche n’a de sens que le temps de l’affrontement des arguments.

Mais il ne s’agit pas ici de politique au sens matériel, juridique ou financier, mais de politique au sens des idées. Il s’agit d’une chanson : de mots, d’impressions et de sentiments, de goûts et de couleurs. On ne parle pas ici de taxes, de construction de bâtiments, d’effectifs de police ou de plan d’urbanisme : on parle de goûts musicaux, et de façon de s’amuser en groupe.

Décidément, la politique française se résume à peu de choses : quand ce n’est pas la mode vestimentaire sur les plages ou l’organisation de la table du repas de Noël, c’est sur la playlist des fêtes de famille que l’on s’étripe.

 

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