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Stratégie française pour l’énergie et le climat : une fuite en avant vers la décroissance

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une croissance durable avec un accès à un approvisionnement énergétique abondant, à un prix accessible, et résilient aux aléas de toutes natures (sécurité d’approvisionnement).

Cette politique ne doit donc pas être guidée par une « urgence climatique » qui conduirait à se fixer des objectifs excessifs et irréalistes en terme de rythme de réduction de la consommation d’énergie, de décarbonation (le tout véhicules électriques avec interdiction des véhicules thermiques dès 2035, la suppression des chaudières à gaz…), et de développement à marche forcée des ENR, au risque de surcoûts non supportables par notre économie et le corps social, et de passage d’une dépendance aux importations de combustibles fossiles à une dépendance à l’achat de matériaux et d’équipements (batteries, panneaux solaires, éoliennes, électrolyseurs…) provenant d’Asie, et de Chine en particulier. Cela sans bénéfice climatique significatif pour la planète, car les produits fabriqués en Asie le sont avec une énergie largement dominée par le charbon …

Cette note démontre que la stratégie proposée (SFEC) n’échappe pas à ce risque, en se situant dans la perspective du « fit for 55 » européen, approuvé sous présidence française de l’UE, et qui s’apparente à une dangereuse fuite en avant, risquant de déstabiliser des pans entiers de l’industrie européenne.

La décarbonation des énergies, à l’échelle de la France, qui permet de remplacer des énergies fossiles importées par des énergies décarbonées produites en France, a un effet vertueux sur l’emploi, le PIB et la balance commerciale du pays (aux équipements importés près, comme les panneaux photovoltaïques) : c’est le cas du parc nucléaire et du parc hydraulique construits au siècle dernier, ainsi que pour les ENR électriques et les ENR thermiques développées depuis une quinzaine d’années.

C’est pour cela que fermer une centrale nucléaire comme Fessenheim a constitué une faute lourde, au détriment de la diminution des émissions de CO2, et de la santé de l’économie française (11 TWh de perte annuelle de production, soit 660 millions d’euros à 60 euros/MWh).

À l’exception de l’éradication du charbon, la décarbonation de la production d’électricité n’est pas un sujet en France, les parcs de production nucléaire et renouvelable (hydraulique, éolien, solaire et biomasse) représentant plus de 93 % de la production.

En termes de méthode, la préparation de cette stratégie s’est certes appuyée sur un travail de concertation avec des groupes de travail transpartisans et de participation citoyenne, mais il est regrettable que le rapport de la Commission d’enquête parlementaire du printemps 2023 sur la perte de souveraineté énergétique de la France n’ait pas été pris en compte, ce qui constitue un déficit de démocratie parlementaire incompréhensible.

 

Un objectif de réduction de la consommation d’énergie incompatible avec une réindustrialisation de la France

La stratégie proposée retient pour objectif une réduction de la consommation d’énergie finale à 1209 TWh en 2030 et à 900 TWh en 2050, alors que cette consommation était en 2021 de 1611 TWh (en lente diminution depuis le niveau de 2012 de 1661 TWh) :

Les efforts d’amélioration de l’efficacité énergétique conduits depuis près de 30 ans dans tous les secteurs de l’économie (bâtiments, transports, industrie), en intégrant la diminution de 3,1 % de la consommation en 2022 (augmentation des prix, plan de sobriété), ont permis de découpler croissance économique et consommation d’énergie, avec une diminution moyenne annuelle de 1,5 % par an de l’intensité énergétique, la consommation finale d’énergie par unité de PIB diminuant à 66 pour une base 100 en 1994 :

 

La légère diminution de la consommation d’énergie de 0,3 % par an observée de 2012 à 2019 (en deçà de l’objectif des PPE précédentes) est cohérente avec le taux annuel de croissance moyen du PIB de 1,2% en euros constants, et le taux d’amélioration de l’efficacité énergétique de 1,5 % par an.

L’objectif fixé pour 2030 (1209 TWh), en forte diminution par rapport à celui de la PPE précédente (1378 TWh), correspond à une diminution annuelle de la consommation d’énergie de 3,7 % par an : c’est une inflexion brutale correspondant à une croissance zéro du PIB, assortie d’une amélioration hypothétique de l’efficacité énergétique de 3,7 % par an, soit un rythme 2,5 fois supérieur au rythme historique.

Une croissance du PIB de 1,5 % par an, nécessaire dans le cadre d’une réindustrialisation de la France (remonter la part de la production industrielle dans le PIB de 10 % à 20 % en 2050), supposerait, pour atteindre l’objectif, une amélioration de l’efficacité énergétique de 5,3 % par an, qui apparaît totalement hors de portée, même en imposant des mesures de sobriété de façon autoritaire et « punitive » (interdictions d’usage et restrictions fortes des libertés individuelles, …).

L’objectif de 900 TWh fixé pour 2050, horizon théorique du « Net Zéro Carbone », correspond à une diminution moyenne de la consommation finale d’énergie de 2,1 % par an : si cet objectif est envisageable, c’est au prix d’une croissance nulle, incompatible avec une politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une augmentation nette de la consommation énergétique du secteur. Une croissance du PIB de 1,5 % par an supposerait une amélioration de l’efficacité énergétique de 3,6 % par an, qui n’apparaît pas soutenable.

En effet, les efforts de sobriété auxquels ont consenti les Français en 2022, peuvent sans doute être consolidés dans la durée, mais ne sont pas cumulatifs. Ils constituent en quelque sorte un « fusil à un coup » : une fois que l’on a abaissé la température de chauffage à 18 ou 19 °C, on ne va pas la diminuer à 17 °C, puis de 1° C supplémentaire par an les années suivantes.

En conclusion, les « objectifs » de réduction de la consommation d’énergie de la SFEC conduisent au mieux à une croissance zéro, et plus probablement à une décroissance de l’économie, comme le démontre la modélisation du graphique suivant :  

Pour une croissance du PIB de 1,5 % par an, la quantité d’énergie nécessaire, avec un pilotage des actions d’amélioration de l’efficacité énergétique et le maintien des efforts de sobriété et de lutte contre le gaspillage, peut être estimée dans une fourchette de 1200 à 1350 TWh, sous réserve d’une amélioration de l’efficacité énergétique de 2,1 à 2,5 % par an, soit + 50 % par rapport au rythme historique, ce qui représente un effort considérable.

Fonder la stratégie énergétique de la France sur un tel oukase malthusien de réduction drastique de la consommation d’énergie est inconséquent, car de plus, cela fausse la vision de la production d’électricité bas carbone qui sera nécessaire pour décarboner l’économie : à horizon 2050, en retenant un taux d’électrification de l’ordre de 60 à 65 % dans la consommation finale d’énergie (production H2 incluse), la consommation d’électricité est de l’ordre de 560 TWh avec une hypothèse de consommation totale d’énergie de 900 TWh, et de l’ordre de 800 TWh avec la fourchette indiquée ci-dessus.

La trajectoire de la consommation d’énergie en France ne peut être fondée sur un objectif idéologique et irréaliste fixé a priori, mais être la résultante de la croissance du PIB, et d’une action déterminée dans la durée sur le levier de la diminution de l’intensité énergétique, pilotée avec des objectifs ambitieux mais réalistes par secteur.

En effet, l’évolution de l’intensité énergétique est différenciée par secteur :

On constate par exemple que les progrès en efficacité énergétique sont plus rapides dans les secteurs de l’industrie, du logement et, dans une moindre mesure, des véhicules légers, alors que les progrès dans les bâtiments tertiaires et les poids lourds sont plus lents.

Enfin, il convient de signaler une erreur de méthode contenue dans l’extrait suivant :

Si cette assertion est exacte pour le passage d’un véhicule thermique à un véhicule électrique (consommation de 20 kWh d’électricité stockés dans la batterie pour parcourir 100 km avec un véhicule léger, contre 60 kWh de carburant) – pour autant que l’électricité ne soit pas produite par une centrale à carburant, quand la recharge a lieu pendant les heures de pointe -, elle est manifestement fausse pour le passage d’un chauffage à combustion à une pompe à chaleur :

À isolation de l’enveloppe du bâtiment et usage identiques, on consomme la même quantité d’énergie finale : avec une pompe à chaleur on substitue en gros 3 kWh de combustion, par 1 kWh d’électricité (consommation de la pompe) et 2 kWh de chaleur renouvelable (ENR Thermique) extraite de l’environnement (air ou eau).

Les deux leviers de l’efficacité énergétique dans les bâtiments sont les suivants :

Un comportement des occupants économe en énergie

Notamment dans les bâtiments tertiaires où la consommation en dehors des heures d’utilisation (chauffage, éclairage) est excessive : la réduction drastique de ce gaspillage, qui demande peu d’investissements, devrait permettre en quelques années d’économiser plus de 50 TWh, sur une consommation annuelle totale de 260 TWh.

Isolation thermique et équipements économes en énergie (éclairage LED, électroménager,..)

Pour les bâtiments neufs, la Réglementation Environnementale RE 2020 (350 000 logements par an) garantit un niveau satisfaisant. Pour les bâtiments existants, la stratégie proposée priorise à juste titre la rénovation d’ampleur des « passoires énergétiques » (logements catégories F et G), mais ne doit pas conduire pour autant à vouloir les amener tous dans les catégories A, B ou C, ce qui conduirait à des dépenses prohibitives (coût de la tonne de CO2 évitée de 400 à 500 euros). À ce titre, la réforme de l’aide principale (MaPrimeRenov) pour 2024 apparaît bien adaptée : gain de deux catégories au minimum, un objectif réaliste pouvant consister à obtenir un bâti a minima de catégorie D. Cependant, il ne faudrait pas décourager les gestes successifs dans un parcours pluri-annuel visant cet objectif, pour ne pas exclure du marché les artisans.

Pour autant, l’objectif fixé pour 2030 par le décret éco énergie tertiaire de 2019 (réduction de la consommation totale de 40 %) et l’objectif annuel de rénovation globale de 200 000 logements dès 2024 (pour 100 000 actuellement), et jusqu’à 900 000 en 2030 apparaissent peu réalistes, alors que le nombre de logements de catégories F ou G est évalué à environ 5 millions : dans ces conditions, les échéances fixées à 2025 (G) et 2028 (F) d’interdiction de location de ces logements apparaissent difficilement soutenables.

 

Efficacité énergétique dans les transports : vers l’abandon du plan Fret Français Ferroviaire du Futur élaboré en 2020 ?

S’agissant du secteur des transports, la stratégie proposée ne retient comme vecteur d’efficacité énergétique que le véhicule électrique à batterie, qui est loin d’être une solution universelle, et est adaptée essentiellement pour les déplacements quotidiens des véhicules légers (moins de 150 km par jour, 75 % des km parcourus), mais pas pour les usages intensifs et les parcours longues distances, ni pour les transports lourds.

Le principal levier d’efficacité énergétique dans les transports est le remplacement du transport par camions par une combinaison intermodale camions / ferroviaire / fluvial : le transport d’une tonne de marchandise par le train consomme six fois moins d’énergie et émet neuf fois moins de CO2 que par la route.

Sur 490 TWh de carburants brûlés dans les transports routiers (dont 450 TWh issus du pétrole), 200 TWh sont consommés dans le transport de marchandises. La situation s’est largement dégradée depuis l’an 2000, la part modale du ferroviaire étant revenue de 18 % à 9 %, alors que la moyenne européenne est à 18 %, avec un objectif de 30 % pour 2030, déjà atteint par la Suisse et l’Autriche.

Le plan 4F ambitionne de doubler la part modale du ferroviaire d’ici 2030, ce qui permettrait d’économiser 22 TWh de carburants, et 60 TWh à l’horizon 2050, en portant la part modale à 33 %, soit un potentiel de 13 % d’économie sur le total de la consommation de pétrole dans les transports.

La SNCF a un rôle à jouer, mais parmi d’autres acteurs en concurrence, d’autant que la Commission européenne lui impose de réduire la voilure dans le fret.

Bien que faisant régulièrement l’objet d’annonces de soutien gouvernemental (en dernier lieu en mai 2023 avec 4 milliards d’euros d’investissement, ce plan prioritaire pour l’efficacité énergétique dans les transports ne figure pas dans la Stratégie énergie climat proposée, ce qui est incompréhensible.

En ce qui concerne le transport de voyageurs, hors décarbonation par les véhicules électriques, l’amélioration de l’efficience des véhicules thermiques (rajeunissement du parc), ainsi que le report modal vers les transports en commun (trains, tramways et RER métropolitains), le vélo et le covoiturage devraient permettre une économie de l’ordre de 30 TWh de carburants à l’horizon 2050.

 

Accélération des ENR et renforcement associé des réseaux : des objectifs irréalistes et coûteux

Le développement des ENR électriques intermittentes est utile et nécessaire pour parvenir à augmenter de plus de 60 % la production d’électricité à l’horizon de la décarbonation de l’économie française, dans la mesure où il est considéré comme un complément de production d’électricité décarbonée d’une base pilotable largement prépondérante (nucléaire et hydraulique), et non comme le moyen principal, comme cela est programmé dans l’Energiewende allemande, et, jusqu’à présent, par la Commission européenne.

La SFEC ne s’inscrit pas dans une telle perspective, en s’appuyant essentiellement sur un développement accéléré des ENR électriques, et en second lieu sur une relance limitée du nucléaire, qui en l’état ne permettra pas à l’horizon 2050 le maintien de la capacité de production nucléaire (voir chapitre suivant).

Enfin, une part de production intermittente prépondérante, avec une puissance installée largement supérieure à celle des centrales utilisant des machines tournantes pour produire de l’électricité (nucléaire, hydraulique, gaz ou biomasse), entraîne un risque élevé d’instabilité des réseaux, car il n’y a plus assez d’inertie dans le système électrique pour donner le temps suffisant pour réajuster la production en cas d’aléa. Ce risque de blackout total ou partiel est de plus aggravé dans le cadre du réseau européen interconnecté, avec notamment un pays comme l’Allemagne qui compte s’appuyer pour l’essentiel sur l’éolien et le solaire pour sa production d’électricité.

 

L’éolien maritime

Même en tenant compte de l’augmentation de la puissance unitaire des éoliennes, il est irréaliste de vouloir atteindre 45 GW en 2050, alors que la PPE en vigueur indique, sur la base d’une étude de l’ADEME, que le potentiel de l’éolien posé est de 16 GW, en raison de l’étroitesse du plateau continental le long du littoral Atlantique et de la Manche (il n’y a pas de potentiel en Méditerranée).

De même, l’objectif de 18 GW en 2035, alors qu’au maximum 3,6 GW seront mis en service en 2030, semble largement surévalué (un appel d’offres de 10 GW est prévu en 2025).

 

L’éolien flottant

La France y est en pointe, mais la technologie est encore au stade expérimental. Elle n’a pas à ce stade prouvé son intérêt économique (le prix est le double de celui de l’éolien posé), d’autant que le coût du raccordement électrique est aussi plus élevé (au-delà de 25 euros/MWh).

Il paraît prudent de faire une évaluation sur la base d’un retour d’expérience des trois fermes pilote de 30 MW en cours de réalisation en Méditerranée, avant de lancer définitivement les trois projets de 250 MW en cours d’instruction (en Bretagne Sud et en Méditerranée).

Écrire dans le document que 18 GW d’éolien offshore est l’équivalent de la production de 13 réacteurs nucléaires relève de la désinformation pure et simple du citoyen, pour trois raisons :

  1. 18 GW d’éolien flottant peuvent produire 60 TWh par an d’électricité (selon le document 70 TWh avec un taux de charge de 44 %), alors que 18 GW de nucléaire (correspondant à 11 réacteurs EPR2 en puissance installée) ont une capacité de production annuelle de 120 TWh
  2. La production éolienne ne peut se substituer à la production nucléaire, car elle est intermittente et n’offre aucune puissance garantie lors des pointes de consommation par grand froid hivernal.
  3. En termes de coût, les six premiers parcs (3 GW) ont un coût du MWh supérieur à 160 euros/MWh (raccordement compris qui s’impute sur le TURPE), et l’éolien flottant sera au même niveau : le coût moyen de l’éolien maritime est donc deux fois plus élevé que le coût du MWh du nouveau nucléaire. Le coût supplémentaire de la production de 14 GW d’éolien maritime pendant 20 ans (47 TWh par an) peut être estimé à 75 milliards d’euros, ce qui permettrait de construire 11 EPR2, qui vont produire 120 TWh par an pendant 60 ans.

De plus, il ne faut pas sous-estimer l’agressivité du milieu marin (salinité, tempêtes), avec un risque élevé sur la maintenance, et surtout sur la capacité au terme de 20 ans de pérenniser les installations, comme cela est envisagé pour l’éolien terrestre, avec le repowering.

En conclusion, l’éolien maritime n’est pas un moyen durable et écologique de production d’électricité en France, et sa part devrait rester marginale à l’horizon 2050 (10 à 15 GW), sauf à couvrir l’horizon de nos côtes de mâts d’éoliennes hauts de plusieurs centaines de mètres, pour un bilan économique calamiteux…

 

L’éolien terrestre

Conserver le rythme actuel de développement pour aboutir à 40 GW en 2035 revient à revenir sur la perspective tracée par Emmanuel Macron lors de son discours de candidat à Belfort, où il s’engageait à diminuer le rythme pour la bonne insertion des champs sur les territoires, en repoussant ce point d’arrivée à 2050.

Il faut en particulier tenir compte du fait que 1 GW par an (soit une centaine de parcs) arrive désormais en fin de contrat d’achat (15 ans), et que chaque parc concerné doit faire l’objet, soit d’un démantèlement s’il est placé trop près des habitations ou d’un site remarquable, soit d’un repowering : la décision devrait être prise par les élus locaux qui, dans la loi « d’accélération des renouvelables » du printemps dernier, ont l’initiative pour déterminer, en concertation avec la population, les zones d’implantation possibles des productions ENR.

En ce qui concerne le repowering, vouloir démanteler et remplacer les infrastructures existantes (mâts, massifs de béton, raccordement au réseau de distribution d’électricité) par de nouvelles éoliennes plus hautes et plus puissantes n’est pas très écologique, ni même économique : une politique de développement durable consisterait plutôt à conserver l’infrastructure et remplacer les équipements arrivés en fin de vie (générateur, pales), avec un investissement marginal qui autoriserait un coût du MWh très compétitif, ne demandant aucune subvention.

Cette politique permettrait aux opérateurs rénovant des parcs éoliens de proposer des contrats d’achat d’électricité éolienne à long terme pour, par exemple, produire de l’hydrogène bas carbone, en synergie avec l’électricité du réseau quand il n’y a pas ou peu de vent (majoritairement nucléaire en dehors des heures de pointe). Une production locale adossée à un parc éolien est également possible : un électrolyseur de 6 MW alimenté en priorité par un parc éolien de 12 MW, et en complément par le réseau (en dehors des heures de pointe) permet de produire 850 tonnes d’hydrogène par an, 50 % en autoconsommant 93 % de l’électricité éolienne, et 50 % avec l’électricité du réseau.

 

Solaire photovoltaïque

Les objectifs de 54 à 60 GW dès 2030, et de 75 à 100 GW dès 2035 apparaissent peu réalistes, alors que 16 GW sont installés, et que le rythme de 3 GW par an (grands parcs au sol et toitures) n’a encore jamais été atteint : 35 GW en 2030 et 50 GW en 2035 apparaîtraient déjà comme des objectifs très ambitieux.

Pour atteindre ces objectifs, la loi d’accélération des énergies renouvelables fixe en priorité l’utilisation de terrains déjà artificialisés et de toitures, mais ouvre la porte au défrichement de zones boisées (jusqu’à 25 Ha) et au développement de l’utilisation de terres agricoles (agrivoltaïsme), qui risquent de détourner les agriculteurs de leur vocation première, la production agricole servant en priorité l’alimentation humaine et animale.

Enfin, une telle accélération repose quasiment intégralement sur l’importation de panneaux solaires, principalement de Chine, qui ont de plus un bilan CO2 dégradé (45 g CO2 eq/kWh produit) en raison de leur process de fabrication utilisant largement de l’électricité produite à base de charbon : le critère qualitatif des appels d’offres lancés par la CRE (Évaluation Carbone Simplifié) ne permet pas de dissuader l’utilisation de panneaux à bas coût très chargés en carbone, le seuil de référence de la note zéro ayant même été relevé (de 700 kg CO2 à 1150 kg CO2 par KWhc de puissance) depuis 2018 !

Et le « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » que l’Union européenne met difficilement en place, et qui ne sera effectif sur un plan financier qu’à partir de 2026, ne concerne pas la production des panneaux solaires, ni d’ailleurs celle des batteries…

 

Développement des réseaux

La stratégie de développement à marche forcée des ENR conduit ENEDIS à porter ses investissements au-delà de 5 milliards d’euros par an, et RTE à prévoir 100 milliards d’euros d’ici 2042, soit là aussi 5 milliards par an, contre moins de 2 milliards jusqu’à présent : ces sommes sont considérables (plus de 35 milliards d’euros pour le raccordement de l’éolien maritime par exemple), et auront un impact sur le TURPE, que l’on peut évaluer à un besoin d’EBITDA supplémentaire de 4 à 5 milliards par an, soit environ 12 euros/MWh sur la facture des clients.

Le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité) est déjà passé de 55 euros/MWh en 2022 à 61,5 euros/MWh en septembre 2023 pour les particuliers et les TPE, en raison de l’augmentation des investissements sur les réseaux de distribution et de transport d’électricité, mais aussi de l’augmentation du coût d’achat des pertes, celui-ci étant affecté par une diminution du volume de l’ARENH disponible, qui oblige ENEDIS et RTE à acheter environ 16 % d’un volume de 36 TWh sur le marché, contre seulement 4 % auparavant.

 

ENR thermiques

En dehors de la chaleur fatale récupérée et de la chaleur extraite de l’environnement (pompes à chaleur et géothermie), la source principale d’énergie renouvelable thermique est issue de la biomasse et de la valorisation de déchets, sous différentes formes : biocarburants liquides, biogaz et bois-énergie.

La SFEC insiste à juste titre sur le fait que les ressources de biomasse disponibles pour la production énergétique sont limitées et en concurrence avec les usages alimentaires (production agricole) et en matériaux biosourcés : il est donc nécessaire de mener une réflexion pour prioriser les formes d’énergie à développer et les usages, en améliorant leur efficacité (foyers fermés pour le chauffage bois par exemple).

Le développement de la production de biométhane par méthanisation est utile pour la décarbonation partielle du gaz distribué en réseau et la décarbonation des transports routiers lourds et maritimes (bio-GNV). Cependant, atteindre 50 TWh dès 2030 (11 TWh actuellement) est un objectif très ambitieux, alors que le potentiel de méthanisation mobilisable est de l’ordre de 100 TWh, à condition de développer les cultures intermédiaires (CIVE) et d’intégrer 15 % de cultures dédiées (maïs ensilage).

Comme le souligne le document, le coût du biométhane (80 à 110 euros/MWh) reste deux à trois fois supérieur au prix du gaz naturel importé (30 à 60 euros/MWh). Un volume de 50 TWh avec un niveau de subvention de 50 euros/MWh représente une charge annuelle de 2,5 milliards d’euros, à mettre en regard des émissions de CO2 évitées, et des bénéfices pour la balance commerciale, la valeur ajoutée domestique (emplois) et la diminution de l’utilisation d’engrais de synthèse grâce au digestat résidu de la méthanisation.

En ce qui concerne les biocarburants liquides, la SFEC prévoit à juste titre de passer à terme d’une utilisation en mélange dans les carburants routiers à une utilisation pour décarboner le transport aérien, ainsi que les secteurs de l’agriculture, du bâtiment-TP et de la pêche : à titre d’exemple, le volume de gazole non routier utilisé par les agriculteurs et les pêcheurs est de 35 TWh, qui pourraient être utilement remplacés par du biogazole B100 pour leur permettre de décarboner leur activité en conservant leur outil de travail (la production nationale de biocarburants attendue en 2030 est de 50 TWh, très majoritairement du biogazole).

 

Nucléaire : une relance insuffisante à l’horizon 2050

Pour disposer de 850 TWh de productible en 2050 (pertes comprises), volume nécessaire de production pour décarboner l’économie, et d’une capacité pilotable suffisante pour gérer les pointes de consommation hivernale lors des grands froids (qui pourront atteindre jusqu’à 110 GW avec l’électrification du chauffage des bâtiments, en tenant compte d’un effacement des électrolyseurs, de la production d’eau chaude et de la recharge des véhicules électriques), il y a besoin de 75 à 80 GW de puissance nucléaire installée, et les SMR n’en constitueront qu’une part très minoritaire (4 GW dans le scénario N03, le plus nucléarisé de RTE dans son étude « futurs énergétiques 2050 » publiée fin 2021).

Sur la base d’une prolongation de la durée de vie à 60 ans de l’ensemble des réacteurs encore en fonctionnement du parc historique (après fermeture anticipée de Fessenheim en 2020), et de la mise en service de l’EPR de Flamanville, un « effet falaise » se produira dès 2040, et la capacité nucléaire résiduelle sera au maximum de 16 GW en 2050, et de 1,6 GW en 2060 (EPR Flamanville) :

S’il est possible d’envisager une prolongation au-delà de 60 ans de la durée de vie pour certains réacteurs dans des conditions de sûreté acceptables (cela dépend de l’état de la cuve du réacteur, seul élément non remplaçable), il se peut aussi que certains réacteurs ne reçoivent pas l’autorisation d’exploitation jusqu’à 60 ans, et soient arrêtés lors de la visite décennale des 50 ans, voire des 40 ans : il est donc prudent de baser la stratégie sur cette hypothèse centrale d’une durée de vie de 60 ans, une adaptation restant bien entendu possible dans le temps en fonction du résultat des visites décennales.

La conclusion s’impose, si l’on veut maintenir l’échéance de 2050 pour le « Net Zéro Carbone » en France en 2050, et garantir une sécurité d’approvisionnement en électricité : au-delà des tranches de six et huit EPR2 décidées ou envisagées, c’est un rythme d’engagement et de construction de deux EPR2 par an qui s’avère nécessaire dans la durée jusqu’en 2050, afin de disposer en 2060 de 40 à 45 EPR en plus de l’EPR de Flamanville, quand l’ensemble du parc actuel aura dépassé l’âge de 60 ans.

À partir de 2035, en fonction des perspectives de prolongation avérées de la durée de vie des réacteurs existants, et de l’état du développement d’une filière de réacteurs nucléaires à neutrons rapides, la stratégie pourra être adaptée.

Si un tel rythme d’engagement et de réalisation ne se révèle pas soutenable, et que la construction de 14 EPR2 d’ici 2050 est confirmée comme étant un maximum, alors la capacité de production nucléaire sera revenue de 63 GW à moins de 45 GW (productible de 280 TWh), avec un mix électrique ne comportant plus que 36 % de nucléaire, et d’une capacité de production totale insuffisante (environ 780 TWh) pour assurer la décarbonation de l’économie et sa réindustrialisation, malgré des objectifs démesurément élevés en éolien offshore et solaire photovoltaïque.

La capacité pilotable ne dépassera pas 72 GW, en pérennisant les 9 GW de cycles combinés à gaz et turbines à combustion existantes (TAC), ainsi que les centrales bioénergies existantes et les centrales à charbon de Cordemais et Saint-Avold converties à la biomasse, comme le montre le tableau ci-dessous :

Une telle situation ne serait pas gérable, et nécessiterait a minima la construction de 20 à 25 GW de capacité en cycles combinés à gaz pour ne pas rendre la France plus dépendante qu’actuellement de ses voisins pour la sécurité d’alimentation en électricité lors des pointes hivernales.

 

Innovations de rupture nucléaire

Le plan France 2030 intègre le soutien au développement de petits réacteurs modulaires (SMR), soit avec une technologie classique à eau pressurisée (projet NUWARD d’EDF, puissance 2 x 170 MW), soit avec de nouvelles technologies, par exemple le projet de réacteur de 40 MW à neutrons rapides et sels fondus développé par la société NAAREA, qui permet la fermeture du cycle du combustible en brûlant des combustibles nucléaires usagés, et ne nécessite pas de source froide autre que l’air ambiant pour s’implanter (cycle CO2 supercritique).

Parmi les huit lauréats de l’appel à projet France 2030, il y a un projet de fusion nucléaire porté par la startup Renaissance fusion.

Signalons que de nombreux projets de développement de réacteurs à fusion portés par des startup existent aux USA, dont un projet porté par la société Helion avec une technologie originale : accélération et compression d’un plasma dans un tunnel linéaire, et production d’électricité directement par induction, sans recourir à un cycle vapeur. Helion construit un prototype Polaris d’une puissance de 50 MWe (MW électrique), avec une perspective de production d’électricité dès fin 2024 ou 2025, a signé un contrat de vente d’électricité avec Microsoft pour 2028, et développe un projet de réacteur de 500 MWe avec Nucor, un sidérurgiste. La concrétisation de la fusion nucléaire pourrait être bien plus rapide qu’anticipé actuellement avec le projet ITER…

Il est par contre extrêmement regrettable que la SFEC ne prévoie pas de reprendre un projet de réacteur à neutrons rapides de taille industrielle pour une production centralisée, qui pourrait prendre la relève des EPR à partir de 2040, et entérine de fait l’abandon définitif du projet Astrid et de toute l’expérience accumulée avec les réacteurs Phénix (qui a produit 26 TWh entre 1973 et 2009 avec une puissance de 250 MW), et Superphénix à Creys-Malville arrêté en 1997.

Cette lacune met en danger notre approvisionnement et notre gestion à long terme du cycle du combustible, sauf à recourir à terme à des technologies étrangères (la Chine vient de démarrer un réacteur de quatrième génération), alors que la France avait une (bonne) longueur d’avance dans cette technologie.

Souveraineté énergétique française : autopsie d’un suicide

Entre désamour de son parc nucléaire, illusions renouvelables, pressions allemandes et injonctions de l’Europe, la France, dont le puissant parc de production d’électricité était décarboné avant l’heure, a lentement sapé la pérennité du principal atout qu’il représentait. Après des fermetures inconsidérées de moyens pilotables, l’apparition du phénomène de corrosion sous contrainte qui a affecté les réacteurs d’EDF dès 2021 a cruellement révélé l’absence de renouvellement du parc depuis que l’ASN en avait exprimé la nécessité, en 2007. En entraînant une flambée inédite du marché du MWh, une dépendance historique des importations, la détresse des ménages et le marasme de l’industrie, l’année 2022 a imposé un électrochoc.

Un retour en arrière est nécessaire pour appréhender les tenants et les aboutissants du projet de loi sur la souveraineté énergétique présenté à la presse le 8 janvier 2024.

 

Souveraineté énergétique et contraintes européennes

La souveraineté d’un État dépend intimement de son accès à l’énergie. À ce titre, les traités de fonctionnement de l’Union européenne garantissent « le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique », ainsi que le rappelle l’article 194 du traité de Lisbonne.

Pour autant, le Parlement européen et le Conseil ont introduit dans son article 192 des « mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique », en vue de réaliser les objectifs environnementaux énoncés dans l’article 191, qui visent à protéger la santé des personnes et améliorer la qualité de l’environnement.

C’est dans ce cadre que la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise, dans ce même article 194, « à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables »

 

Le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité consiste à réserver à l’échelon supérieur – en l’occurrence, l’Union européenne – ce que l’échelon inférieur – les États membres de l’Union – ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. C’est au nom de ce principe que l’Union européenne a fixé aux États membres des objectifs contraignants de parts d’énergies renouvelables dans leur consommation, c’est-à-dire des objectifs en termes de moyens, supposés permettre collectivement aux États membres une plus grande efficacité dans la décarbonation de l’économie européenne et la réduction de ses émissions de polluants.

L’exemple allemand montre les difficultés et les limites de ce principe, appliqué aux émissions de CO2, surtout lorsqu’il concerne la France dont l’électricité est déjà largement décarbonée depuis un quart de siècle.

 

2012-2022 : autopsie d’un suicide

La France est historiquement le plus gros exportateur d’électricité. Depuis 1990 elle a été numéro 1 MONDIAL chaque année jusqu’en 2008, et reste parmi les trois premiers depuis. Le confort de cette situation, renforcé par des aspirations d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique, a nourri des velléités visant à remplacer des moyens pilotables par les énergies intermittentes que sont l’éolien et le solaire, contrairement à la prudence élémentaire de notre voisin allemand.

Les chiffres de puissance installée diffèrent, selon les sources, en fonction des critères retenus. Parfois même selon la même source en fonction des années, notamment RTE qui agrège différemment les unités de production supérieures à 1MW avant et après 2018 sur son site.

C’est pourquoi la rigueur exige de retenir la même source pour comparer l’évolution des capacités installées en France et en Allemagne selon les mêmes critères, en l’occurrence ceux de l’Entsoe, chargé de gérer le réseau européen. Ces chiffres Entsoe 2012 font état de 128680 MW installés en France (Net generating capacity as of 31 december 2012) dont 7449 MW éoliens et 3515 MW solaires et 145 019 MW installés en Allemagne, dont 28 254 MW éoliens et 22 306 MW solaires. Les chiffres du même Entsoe pour 2022 mentionnent 141 029 MW installés en France, dont 19 535 MW éoliens et 13 153 MW solaires, ainsi que  223 118 MW installés en Allemagne dont 63 076 MW éoliens et  57 744 MW solaires.

C’est ainsi qu’entre 2012 et 2022, l’Allemagne augmentait de 7839 MW son parc pilotable, parallèlement à une augmentation de 70 260MW d’énergies intermittentes, quand la France se permettait de supprimer 9376 MW pilotables parallèlement à une augmentation de 21 725 MW d’intermittence, tout en échafaudant officiellement des scénarios « 100 % renouvelables » qui réclamaient une accélération de l’éolien et du photovoltaïque pour faire miroiter une sortie du nucléaire.

 

La prudence allemande

Dans leur rapport de 2020 sur la période 2018-2022, les quatre gestionnaires de réseaux allemands constatent en effet que 1 % du temps, l’éolien ne produit que 1 % de sa puissance installée et constatent l’éventualité d’« une indisponibilité de 99 % pour la réinjection de l’éolien », en considérant diverses études qui montrent que l’apparition d’une période froide et sans vent (Dunkelflaute) n’est pas improbable et doit être prise en compte.

C’est notamment la raison pour laquelle l’agence des réseaux allemands (Bundesnetzagentur) vient d’interdire en décembre dernier toute fermeture de centrale à charbon jusqu’à avril 2031.

Il serait trompeur d’occulter la présence de ces centrales, comme le font certains bilans, au prétexte qu’elles ne vendraient pas sur le marché alors qu’elles sont rémunérées pour rester en réserve du réseau, prêtes à produire à la moindre sollicitation.

 

L’optimisme français

Malgré ce contexte, la loi du 17 aout 2015 avait prévu « De réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 », et interdisait, par l’article L315-5-5 du Code de l’énergie, « toute autorisation ayant pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts », soit sa puissance de l’époque.

La date ubuesque de 2025 avait été repoussée à 2035 dans la PPE de 2018, qui actait néanmoins la fermeture de six réacteurs, dont ceux de Fessenheim, d’ici 2028, et 14 réacteurs d’ici 2035.

 

Les illusions perdues

L’année 2022 a précipité la crise, inéluctablement en germe dans ces lois, en raison du phénomène de « corrosion sous contrainte », découvert en août 2021, qui a affecté le parc nucléaire. Ce phénomène est rare dans le circuit primaire, et ne peut se détecter qu’une fois les fissures apparues. Ce qui a demandé de nombreuses découpes de tronçons de tuyauteries pour réaliser des examens destructifs, entraînant l’indisponibilité d’un grand nombre de réacteurs, tandis que d’autres étaient déjà arrêtés pour une longue période de « grand carénage » destinée à en prolonger l’exploitation au delà de 40 ans.

On ne peut mieux illustrer l’avertissement de l’ASN qui écrivait en 2007 :

« Il importe donc que le renouvellement des moyens de production électrique, quel que soit le mode de production, soit convenablement préparé afin d’éviter l’apparition d’une situation où les impératifs de sûreté nucléaire et d’approvisionnement énergétique seraient en concurrence. »

En effet, TOUS les moyens de production font l’objet de maintenances programmées, même en plein hiver ainsi que d’incidents fortuits.

RTE en tient la comptabilité et mentionne notamment 58 indisponibilités planifiées dans la seule production hydraulique au fil de l’eau et éclusée affectant le mois de janvier 2024. L’éolien en mer n’est pas épargné, avec une indisponibilité planifiée de 228 MW du parc de Guérande entre le 21 décembre 2023 et le 13 janvier 2024.

Mais la France aura préféré réduire la puissance de son parc pilotable sans qu’aucun nouveau réacteur n’ait été mis en service depuis l’avertissement de 2007. Ceux de Fessenheim ayant même été fermés alors que leurs performances en matière de sûreté nucléaire « se distinguaient de manière favorable par rapport à la moyenne du parc » selon les termes de l’ASN.

 

2022 : l’électrochoc

Pour la première fois, en 2022, la France aura dépendu de ses voisins pour se fournir en électricité, comptabilisant son premier solde importateur net sur l’année et entraînant de fait la défiance des marchés européens sur ses capacités de production, exposant particulièrement le pays à la flambée des cours.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) en confirme les termes :

« Bien que les incertitudes aient été généralisées en Europe, le prix français a réagi plus fortement que ses voisins européens, du fait des indisponibilités affectant le parc nucléaire. […] Le marché pourrait ainsi avoir anticipé des prix extrêmement élevés sur certaines heures, supérieurs au coût marginal de la dernière unité appelée (fixation du prix par les effacements explicites ou l’élasticité de la demande, voire atteinte du plafond à 3000 euros/MWh sur l’enchère journalière). Ce record de 3000 euros/MWh aura effectivement été atteint en France le 4 avril 2022, relevant automatiquement le plafond à 4000 euros/MWh pour l’ensemble des pays européens. »

 

Quand la pénurie d’électricité se répercute sur l’activité économique

La puissance historique du parc électrique français, sa structure nucléaire et hydraulique et le recours à la possible flexibilité de nombreux usages, tels que le chauffage des logements et de l’eau sanitaire, prédisposaient le pays à surmonter, mieux que tout autre, la crise du gaz liée à l’invasion de l’Ukraine. Au lieu de quoi, la pénurie d’électricité et l’envolée de son cours ont frappé de plein fouet les ménages et, plus encore, l’activité économique, ainsi que l’expose RTE dans le bilan 2022.

« La baisse de consommation a d’abord été observée dans l’industrie, plus exposée aux variations des prix en l’absence de protection tarifaire. Les secteurs industriels les plus intensifs en énergie, tels que la chimie, la métallurgie et la sidérurgie, ont été les plus touchés (respectivement -12 %, -10 % et -8 % sur l’année et -19 %, -20 % et -20 % entre septembre et décembre ».

 

Le discours de Belfort : une prise de conscience ?

Le discours de Belfort du 10 février 2022 a marqué la prise de conscience de la nécessité de pouvoir piloter la production d’électricité sans dépendre des caprices de la météo et du bon vouloir des pays voisins.

Ce revirement officiel s’est rapidement traduit par loi LOI n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

Celle-ci abroge l’article L. 311-5-5 du Code de l’énergie qui interdisait le dépassement du plafond de 63,2 GW, et impose, dans son article 1er, une révision, dans un délai d’un an, de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) adoptée par le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020, afin de prendre en compte la réorientation de la politique énergétique de la présente loi. Notamment pour y retirer la trajectoire de fermeture des 14 réacteurs existants.

 

Vers un retour de la souveraineté énergétique ?

Ce n’est que dans ce contexte qu’on peut appréhender la logique du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique dévoilé ce 8 janvier.

Concernant les émissions de CO2, son article 1 remplace prudemment trois occurrences du mot réduire dans les objectifs de l’article 100-4 du Code de l’énergie par « tendre vers une réduction de ». Si l’ambition des objectifs à atteindre est renforcée, pour respecter les nouveaux textes européens, et notamment le « paquet législatif fit for 55 »,  cette précaution sémantique tend à protéger l’exécutif de la jurisprudence climatique ouverte en 2012 par la fondation Urgenda. En effet, selon un rapport de l’ONU de janvier 2021, pas moins de 1550 recours de ce type ont été déposés dans le monde en 2020. Et l’État français avait lui-même été condamné à compenser les 62 millions de tonnes « d’équivalent dioxyde de carbone » (Mt CO2eq) excédant le plafond d’émissions de gaz à effet de serre fixé par son premier budget carbone pour la période 2015-2018.

Notons que le 30 novembre 2023, l’Allemagne a été condamnée par la Cour administrative de Berlin-Brandebourg pour n’avoir pas respecté ses propres objectifs climatiques… après que, le 29 avril 2021, la Cour constitutionnelle fédérale a retoqué ses précédents objectifs en raison de leurs exigences insuffisantes.

Sans mettre l’État français à l’abri du juge administratif, les précautions du projet de loi semblent tenir compte de ces dux expériences.

Ce même article 1 stipule :

Les 4e à 11e du I et le I bis (de l’article 100-4 du Code de l’énergie) sont supprimés. C’est-à-dire les objectifs chiffrés de part d’énergies renouvelables, notamment 33 % de la consommation à horizon 2030, dont 40 % de celle d’électricité (4e) l’encouragement de l’éolien en mer (4e ter) de la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques (4e quater) et l’objectif de parvenir à 100 % d’énergies renouvelables dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

Ces suppressions ne sont remplacées par aucun objectif chiffré en termes d’énergies renouvelables pour la production d’électricité.

 

La France et les directives de l’UE

Les États membres sont tenus de transcrire en droit national les Directives européennes.

Pour autant, le plan d’accélération des énergies renouvelables, voté par le Parlement européen, en septembre 2023, portant à 42,5 % l’objectif européen en 2030, tout comme le précédent cadre d’action en matière de climat et d’énergie à horizon 2030, qui se contentait de 27 % ne présentaient de caractère contraignant qu’au niveau européen et non pour chaque État, contrairement aux objectifs pour 2020 pour lesquels un contentieux subsiste, pour n’avoir atteint que 19,1 % de part renouvelable de la consommation au lieu des 23 % prévus dans la DIRECTIVE 2009/28/CE. C’est-à-dire globalement la même part que l’Allemagne (19,3 %), qui, elle, ne s’était engagée qu’à une part de 18 %.

En 2021, la part française était d’ailleurs plus importante en France (19,3 %) qu’en Allemagne (19,2%).

Mais, selon Le Monde, la France refuserait d’acheter les garanties d’origine (ou MWh statistiques) permettant d’atteindre les 23 % qui étaient fixés pour 2020.

Tous les électrons étant mélangés sur le réseau, ces garanties d’origine (GO), gérées par EEX peuvent être délivrées pour chaque MWh renouvelable produit, et sont valables une année. Elles se négocient indépendamment des MWh qu’elles représentent, y compris à l’international, et attestent de la quantité d’EnR consommée.

En 2e, le projet de loi fixe clairement le cap :

« En matière d’électricité, la programmation énergétique conforte le choix durable du recours à l’énergie nucléaire en tant que scénario d’approvisionnement compétitif et décarboné. »

 

Le fonctionnement du parc nucléaire historique

Les revenus du parc nucléaire historique sont régulés dans le chapitre VI « Contribution des exploitants nucléaires à la stabilité des prix » qui comprend la production du futur EPR de Flamanville, en tant qu’installation dont l’autorisation initiale a « été délivrée au plus tard le 31 décembre 2025 ». L’exploitant se voyant confier la mission de réduction et stabilisation des prix de l’électricité par le reversement d’une quote-part de ses revenus annuels calculée sur deux taux lorsque leur revente dépasse deux seuils :

  1. Un seuil S0, qui correspond à l’addition du coût comptable et des coûts encourus pour la réalisation des installations.
  2. Un seuil S1 qui ne peut être inférieur à 110 euros/MWh.

 

Le taux appliqué au delà du premier est de 50 %, et le taux additionnel au-delà du second est de 40 %.

Un dispositif de « minoration universelle », limité dans le temps d’au plus une année, est prévu dans la sous-section 1 pour toute fourniture d’électricité, afin de préserver la compétitivité du parc français.

Une volonté de surveillance des marchés se traduit notamment dans l’article 7 qui prévoit « Pour l’exercice de ses missions, le ministre chargé de l’énergie ou son représentant a accès aux informations couvertes par le secret professionnel détenues par la Commission de régulation de l’énergie sur les personnes soumises à son contrôle ».

 

Épilogue

À peine mis en consultation, cet avant projet viendrait, selon différentes sources, d’être vidé de tout objectif chiffré, tant en termes climatiques que de choix des énergies par une « saisine rectificative au projet de loi », provenant du ministère de l’Économie, désormais chargé de l’énergie depuis le remaniement ministériel du 11 janvier. Répondant au tollé provoqué au sein des associations environnementales par ce retrait, Bruno Le Maire aurait déclaré qu’il en assumait la décision, au nom du temps nécessaire à l’élaboration d’une loi de cette importance.

Selon le ministère de la Transition écologique, la loi de 2019 avait créé l’obligation de publier, avant le 1er juillet 2023, une mise à jour des objectifs en matière d’énergie, par une loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC). Il apparaissait déjà que ce délai ne serait pas tenu.

Des compteurs Linky « intelligents »… pour préparer la pénurie d’électricité ?

Par : Michel Gay

Maintenant que le déploiement du compteur électrique Linky présenté comme « intelligent » est quasiment terminé, le rationnement imposé de l’électricité va pouvoir débuter… après plus de 20 ans d’impéritie.

 

C’est « intelligent »

Un projet de décret prévoit d’effectuer, dès cet hiver, un premier test en condition réelle au cours duquel la consommation d’électricité de 200 000 Français notifiés « par voie postale », et équipés d’un compteur Linky, sera plafonnée à 3 kilowatts (kW) au lieu de 6 kW (l’abonnement des particuliers en général) pendant quelques heures.

Avec ce test, le gouvernement souhaite « déterminer » s’il est « techniquement possible de mettre en œuvre un nouvel outil pour sauvegarder le réseau électrique en cas de tension extrême, pour éviter des coupures ».

Et c’est « intelligent » parce que cela aurait pu être pire…

En effet, l’entreprise ENEDIS ne limitera que la puissance délivrée au domicile des particuliers, alors qu’il aurait pu (ou dû) la couper complètement par défaut de production d’électricité !

Il faudrait se réjouir que la puissance de certains soit limitée temporairement (quelques heures pour 200 000 « cobayes ») afin d’éviter une coupure totale et généralisée… Soyons « solidaires » !

Jusqu’à récemment, avant l’ère des ruineuses énergies renouvelables intermittentes, le réseau électrique (pas intelligent) apportait à tous, à un prix raisonnable, toute l’électricité répondant au besoin de chacun, y compris en hiver lors des pointes de froid. C’était à la production électrique, notamment nucléaire, de s’adapter à la demande.

Dorénavant, ce sera à la demande (les clients) de s’adapter aux capacités de production restreintes, surtout en l’absence de vent et de soleil…

 

Idéologie verte, quand tu nous tiens

Avec de meilleures décisions politiques et moins d’idéologie verte antinucléaire peu judicieuse (idiote ?) focalisée sur le vent, le soleil, l’électricité serait toujours vendue aux particuliers aujourd’hui environ 12 centimes d’euros par kilowattheure (12 c€/kWh).

Sous la pression de la Commission européenne, des médias et de puissantes organisations écologistes infiltrées jusqu’au sommet de l’État, le prix de l’électricité augmentera jusqu’à 30 ou 40 c€/kWh… comme en Allemagne.

Cette folle tendance issue de mauvais choix stratégiques ruinera l’industrie (obligée de partir s’installer ailleurs) et les PME, et donc aussi les Français, dont beaucoup peinent déjà à régler leurs factures de chauffage et d’électricité.

Augmenter de 1000 euros (et plus) par an le prix des factures d’énergie par famille (alors que l’ouverture à la concurrence devait réduire les factures, juré promis…), puis distribuer ensuite des chèques de 100 euros ici et là pour amortir le choc des factures en prétendant faire du social est aberrant. Cela revient à appuyer sur l’accélérateur d’une voiture fonçant vers une falaise et prétendre sauver des vies en distribuant quelques airbags juste avant de s’écraser.

Dans les années 1940 jusqu’à 1949, il existait des tickets de rationnement (pas encore qualifiés d’intelligents) pour distribuer la nourriture devenue rare.

Aujourd’hui on qualifie de « smart » ou « d’intelligent » le réseau ainsi que le compteur Linky qui permettra dorénavant le rationnement… parce que de mauvaises décisions ont été prises depuis 20 ans par les gouvernements successifs.

« On n’arrête pas le progrès ! »

Il aurait peut-être été plus « smart » et « intelligent » de ne pas fermer les deux réacteurs nucléaires de 900 mégawatts (MW) de la centrale de Fessenheim en parfait état de fonctionnement ?

Les 1800 MW manquant de cette centrale représentent une puissance d’un kW pour presque 2 millions de familles… ou 3 kW pour 600 000 foyers.

 

Comment avons-nous pu en arriver là ?

Après la fermeture politique de trois réacteurs nucléaires en parfait état de fonctionnement (Superphénix en 1997 et les deux réacteurs de Fessenheim en 2020) et le retard à l’allumage de l’EPR de Flamanville, la France se prépare maintenant à gérer une pénurie d’électricité devenue rare et chère, alors qu’il aurait fallu mettre en service au moins quatre réacteurs depuis 20 ans.

En 2022, grâce à la fonctionnalité prévue à cet effet dans le compteur Linky, le gouvernement avait déjà voulu tenter de couper l’électricité à 10 000 Français, à distance, et sans leur demander leur avis.

Mais les tests effectués à « petite échelle » ont été désastreux : mécontentement de la clientèle, et surtout échec technique.

En effet, sur les 10 000 compteurs Linky coupés à distance par Enedis, 500 compteurs ne se sont pas réenclenchés automatiquement en fin de coupure volontaire d’électricité.

Résultat : 500 déplacements d’agents Enedis chez les clients concernés pour remettre le courant manuellement.

Ces réenclenchements manuels à distance n’ayant pas fonctionné dans 5 % des cas environ, Enedis n’aurait donc pas pu gérer ces coupures volontaires pour des millions de clients.

Enedis a donc abandonné (semble-t-il) cette méthode et veut maintenant en expérimenter une autre « plus douce », dont la possibilité technique est également offerte par le « compteur intelligent » Linky.

Au lieu de couper totalement le courant, il s’agit cette fois de brider à 3 kilowatts (kW) pendant deux heures la puissance du compteur Linky pour 200 000 abonnés, au moment d’une pointe de froid pendant l’hiver prochain 2023/2024.

Le test obligera les « cobayes » (qui seront, paraît-il, dédommagés de 10 euros) à couper leurs radiateurs électriques pour se limiter à 3 kW afin d’alimenter leurs autres appareils (réfrigérateur, congélateur, pompe de circulation du chauffage central, ordinateur, lumières, et une seule plaque électrique de cuisson).

 

Vous avez dit « équilibrage » ?

Actuellement, l’équilibrage du réseau repose entièrement sur les seules énergies « classiques » (nucléaire, gaz et hydraulique en France).

Le solaire photovoltaïque et l’éolien disposent d’une priorité d’accès au réseau sans rien payer pour gérer leur variabilité aléatoire ou leur intermittence : ni frais de stockage ou d’effacement lorsqu’il n’y a pas de demande, ni le renforcement du réseau nécessaire pour absorber les surplus, ni parfois les prix négatifs en cas de folles surproductions.

Aujourd’hui en France, c’est donc principalement le nucléaire qui paie la facture de l’intermittence de ces sources d’électricité.

Cela revient à faire payer à mon voisin les factures d’entretien de ma voiture, puis de me vanter ensuite que ma voiture me coûte moins cher que la sienne ! C’est bien sûr une situation biaisée.

Mais à mesure que les énergies renouvelables intermittentes (EnRI) se développent, ce coût de gestion croît, et il devient de plus en plus lourd à assumer par les Français !

Si ces EnRI devaient payer la totalité des frais inhérents à cette intermittence, alors elles deviendraient une ruine pour leurs promoteurs dans un marché non faussé par les subventions publiques.

 

Une manne dont certains se gavent

Mon voisin est très heureux de la rentabilité de ses panneaux solaires photovoltaïques sur son toit (3 kWc installés en 2010 qui lui ont coûté 10 000 euros). La revente de son électricité solaire représente pour lui un gain de 2000 euros par an environ au tarif de… 62 c€/kWh indexé sur l’inflation pendant 20 ans ! (EDF vend son électricité 4,2 c€/kWh à ses concurrents).

C’est donc pour lui un excellent placement financier qui rapporte 20 % par an (il s’agit en outre d’un revenu non imposable, sans CSG), beaucoup plus rentable qu’un placement sur un livret A (d’environ 3%)…

Mais ces 2000 euros par an représentent une perte du même montant pour ENEDIS (obligé de lui acheter à ce prix). Ce dernier la répercute sur la facture des Français qui paient dans leur tarif électrique (en augmentation) cette subvention à travers une lourde taxe intérieure sur la consommation de produits pétroliers (TICPE, ex CSPE), elle-même en constante augmentation puisque de plus en plus de Français s’équipent en panneaux photovoltaïques.

C’est aussi une perte pour l’entreprise EDF obligée de diminuer d’autant la production de ses centrales électriques (nucléaires ou non).

Mais EDF est toujours obligée de maintenir autant de centrales « classiques » (nucléaires ou autres) en activité qu’avant ces hérésies, car les jours (et les nuits) sans soleil et sans vent, le besoin d’électricité est souvent aussi important, voire davantage.

Les EnRI avec priorité d’accès au réseau enrichissent des producteurs tout en étant une perte pour la collectivité et les distributeurs. Il y a de gros gagnants malins et beaucoup de petits perdants pigeons.

Bientôt, il n’y aura peut-être plus que de gros perdants

Les punis seront-ils choisis parmi les clients des énergies dites renouvelables (ce qu’elles ne sont pas, car les matières premières qui les composent ne le sont pas), intermittentes (ce qu’elles sont) qui polluent le réseau d’électricité ?

Heureusement qu’EDF réussit encore à alimenter le réseau, principalement avec le nucléaire, pour satisfaire les besoins des clients…

 

Seul Linky doit-il être intelligent ?

Le déploiement du compteur Linky « intelligent » a coûté quasiment le prix d’un réacteur nucléaire EPR.

Or, limiter la puissance électrique de 200 000 clients permettra de gagner au mieux 600 mégawatts (MW), et probablement moins de 400 MW, soit moins du quart de la puissance d’un EPR (1650 MW).

Il aurait été plus… « intelligent » de conserver les deux réacteurs nucléaires de Fessenheim (1800 MW) et de construire plusieurs EPR… plus tôt !

Les Français subissent depuis plus de 20 ans, contraints et forcés, le cruel manque de vision pour la France de nos dirigeants politiques indignes de leur confiance.

Une start-up française prévoit une mise en service de microréacteurs nucléaires d’ici 2030

Par : Michel Gay

La start-up française Naarea a réalisé « une première mondiale » dans la course aux microréacteurs nucléaires de quatrième génération à neutrons rapides et à sel fondu. C’est un petit pas encourageant pour la France, même si ce n’est pas encore un grand bond pour l’humanité.

 

La société Naarea

La société Naarea (Nuclear Abundant Affordable Resourceful Energy for All) a embauché son premier employé en 2022. Elle vient de réaliser une innovation importante en faisant tourner un sel fondu à 700°C dans une boucle entièrement en carbure de silicium contenant du graphène. Cette avancée est une étape préliminaire pour permettre la mise au point d’un petit réacteur nucléaire modulaire.

Selon Naarea, cette céramique en carbure de silicium qui résiste à la corrosion est idéale pour le cœur d’un petit réacteur en production de masse.

Le carbure de silicium est déjà utilisé dans l’industrie, notamment dans les moteurs de fusées et les satellites. Ce matériau a l’avantage de pouvoir être synthétisé et usiné en France et d’être abondant et recyclable. Il résiste mieux que l’acier inoxydable aux températures extrêmes.

La société Naarea, lauréate de l’appel à projets « Réacteurs Nucléaires Innovants », bénéficiant d’une enveloppe de 500 millions d’euros du plan d’investissement « France 2030 », développe un petit réacteur nucléaire de quatrième génération.

Sa technologie repose sur de nouveaux types de sel fondus produisant de l’énergie à partir de combustibles nucléaires usagés, d’uranium appauvri, et de plutonium.

L’îlot nucléaire, dont le poids lui permet d’être transportable par des moyens conventionnels, tient dans un volume équivalant à un conteneur de la taille d’un autobus (un conteneur traditionnel de 40 pieds). Il pourra produire 40 mégawatts (MW) d’électricité ou 80 MW de chaleur.

Selon Naarea, ce micro réacteur « permettra la fermeture complète du cycle du combustible nucléaire, le Graal absolu ! ».

Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres…

Selon Jean-Luc Alexandre, président et cofondateur de l’entreprise :

« Le projet Naarea est né du constat que les besoins croissants en énergie et en électricité bas carbone font du nucléaire une solution incontournable […]. La demande électrique mondiale sera a minima multipliée par quatre entre 2020 et 2050. Quand nous avons analysé les 17 objectifs de développement durable (ODD), fixés par les Nations unies, nous nous sommes rendu compte que tout ramenait à l’énergie d’une manière ou d’une autre, qu’il s’agisse de l’agriculture, de la faim dans le monde ou de la biodiversité ».

À partir de ce constat a été fondée l’entreprise Naarea pour construire ce microréacteur nucléaire afin de fournir une électricité stable et bas carbone pouvant remplacer les énergies fossiles presque partout dans le monde.

 

Sans eau et presque sans déchets

Le refroidissement du système, qui fonctionnera à pression atmosphérique, s’affranchit de l’eau aujourd’hui utilisée pour refroidir les grands réacteurs actuels plus puissants, et la turbine est entraînée par du CO2 « supercritique » (permettant un rendement d’environ 50 %).

N’étant pas astreint à la proximité d’une rivière ou d’une mer, ce module prévu pour être fabriqué en série en usine pourrait être installé sur n’importe quel îlot industriel sécurisé répondant aux normes de sécurité Seveso, avec peu de génie civil.

De plus, il permet d’éliminer les déchets les plus radioactifs de haute activité à vie longue (HAVL) dont la durée est de plusieurs centaines de milliers d’années en les consommant. Ce microréacteur les transforme en produits de fission dont la durée de vie radioactive serait d’environ 250 ans, plus facilement gérables.

Ces microréacteurs pourraient donc venir en complément des réacteurs actuels à eau pressurisée de troisième génération en consommant leurs « résidus ».

 

Un jumeau numérique

Naarea s’appuie sur un « jumeau numérique » de leur microréacteur, une plateforme digitale collaborative qui offre une représentation du réacteur en 3D permettant d’en faire fonctionner les composants et de mesurer des paramètres inaccessibles dans le monde réel. Il sert également d’outil de démonstration en matière de sûreté et de sécurité, auprès notamment de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) en France et d’autres autorités internationales.

C’est aussi un outil pédagogique et de formation qui accélère la conception du réacteur en facilitant la collaboration.

Les responsables de Naarea ne souhaitent pas vendre la technologie de leur réacteur, mais uniquement son usage.

L’entreprise met en avant sa volonté d’être « concepteur, fabricant et exploitant » pour devenir un fournisseur d’énergie (chaleur et/ou électricité) aux consommateurs isolés (îles, déserts électriques, …), ou souhaitant décarboner leurs productions.

 

Naarea et le nucléaire recrutent

Aujourd’hui, l’écosystème nucléaire en France a besoin de 100 000 personnes sur les dix prochaines années, soit 10 000 recrutements par an.

Naarea contribue à cette dynamique en accueillant des personnes venant d’horizons divers et en les intégrant à la filière nucléaire pour bénéficier d’une « fertilisation croisée » en adoptant les meilleures pratiques des autres secteurs pour s’en nourrir mutuellement.

Le but est de produire des centaines de réacteurs en série en utilisant l’impression en 3D pour la fabrication du cœur et des pièces. Cette approche est économiquement viable en production de masse. C’est d’autant plus réalisable sur des pièces de petite taille : le cœur du réacteur est de la taille d’une machine à laver.

Ce microréacteur répond aux mêmes exigences de sécurité et de sûreté que les centrales nucléaires traditionnelles. La réaction de fission est intrinsèquement autorégulée par la température (si elle augmente, la réaction diminue) afin que le réacteur soit toujours dans un « état sûr » grâce aux lois de la physique.

Étant de plus télécommandé à distance, ce microréacteur pourra être neutralisé (« suicidé ») pour contrer un acte malveillant.

 

Une mise en service en 2030 ?

Naarea travaille sur une maquette à échelle un qui devrait être prête d’ici la fin de 2023. Elle continue à embaucher à un rythme soutenu : elle vise 200 employés à la fin de cette année, et 350 l’année prochaine où un démonstrateur fonctionnel devrait voir le jour.

Naarea envisage un prototype opérationnel autour de 2027-2028 pour une mise en service en 2030.

De nombreux autres petits réacteurs modulaires sont actuellement en développement dans d’autres pays pour répondre à l’énorme demande énergétique future afin d’atteindre l’objectif zéro émission à l’horizon 2050. Certains d’entre eux ont une puissance de 250 à 350 MW, plus adaptés pour de petits réseaux électriques, mais pas pour les besoins spécifiques des industriels et de petites communautés dans des lieux isolés.

Ces microréacteurs pourront répondre à des usages décentralisés de sites industriels ou à l’alimentation de communautés isolées.

Selon le président de Naarea :

« Un réacteur de 40 MW permet de produire de l’eau potable pour environ deux millions d’habitants en dessalant de l’eau de mer, d’alimenter 2700 bus pendant une année […] ou une centaine de milliers de foyers en énergie ».

 

Nouveaux besoins, nouveau marché mondial

L’entreprise russe Rosatom propose aux Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud), et notamment aux pays d’Afrique et d’Asie, de petites centrales nucléaires flottantes ou à terre, clés en mains, avec tous les services associés (fabrication du combustible, entretien, et retraitement du combustible usagé) à un prix compétitif.

La Russie utilise l’argent de son gaz et du pétrole pour financer son expansionnisme nucléaire et politique.

Nul besoin d’une infrastructure industrielle préexistante : la Russie s’occupe de tout, de la fourniture des équipements à la formation du personnel. Son offre inclut aussi le financement (crédit total) de l’opération. Les pays acheteurs n’ont donc rien à débourser initialement. Ils ne paient que l’électricité ou un remboursement annuel.

Rosatom a ainsi écarté la France du marché des grandes centrales nucléaires en Afrique du Sud où elle était pourtant bien implantée, puisque les deux premiers réacteurs nucléaires en Afrique (deux fois 900 MW) ont été construits par Framatome. C’est aussi le cas au Vietnam et dans d’autres pays.

Pourtant, la France est le seul pays au monde (autre que la Russie et bientôt la Chine) à pouvoir proposer pour l’instant une offre complète incluant le combustible et le retraitement.

Les États-Unis ne retraitent plus leur combustible nucléaire, ni pour eux-mêmes ni pour l’exportation, depuis 1992.

 

Une carte maîtresse

La France a donc une carte maîtresse à jouer dans le domaine des microréacteurs pour nouer de nouveaux liens privilégiés utiles pour l’avenir.

En effet, les pays qui achètent des centrales nucléaires deviennent dépendants du vendeur pendant des décennies pour leur approvisionnement en électricité.

Le vendeur et l’acheteur doivent donc rester « amis » et deviennent des partenaires privilégiés pour d’autres contrats de construction d’infrastructures civiles (aéroports, ponts, autoroutes, génie civil, équipements publics…) ou militaires, et ce pendant près d’un siècle (construction, durée de vie de la centrale nucléaire supérieure à 60 ans, et déconstruction).

Pour autant, nos dirigeants ne répondent pas, ou maladroitement et de manière incomplète, aux demandes et aux besoins des pays voulant accéder au nucléaire.

La Russie, la Corée du Sud et la Chine s’empressent de combler à leur avantage la demande de coopération nucléaire à laquelle la France répond mal. Elle rate de belles opportunités nucléaires, mais aussi diplomatiques et politiques, pour établir des liens durables avec de nombreux pays en les aidant à développer leur parc nucléaire.

De plus, son offre n’est parfois pas compétitive par rapport à celle de la Russie qui, elle, inclut le financement.

À noter que l’offre des Russes comprend aussi la formation dans leurs écoles d’ingénieurs d’un excellent niveau à Moscou, mais aussi à Tomsk en Sibérie, et dans une demi-douzaine d’autres villes. Des milliers de futurs opérateurs et d’ingénieurs nucléaires en herbe des Brics arrivant dans ces écoles apprennent aussi le russe. Un jour, ils apprendront peut-être le français en France, ou chez eux ?

 

Un foisonnement de compétences

Compte tenu des contraintes techniques et administratives à surmonter, la date annoncée par Naarea pour la mise en service de leur premier réacteur en 2030 est probablement (très ?) optimiste.

Toutefois, ce foisonnement de compétences et de talents dans ce nucléaire innovant doit être encouragé, surtout en France, même si c’est un projet qui ne sera transformé industriellement que dans 30 ans, 50 ans ou… 100 ans.

Dans l’intervalle, de jeunes ingénieurs s’enthousiasmeront, et c’est bien !

Et ces nouveaux talents qui forgent ce microréacteur nucléaire de quatrième génération peuvent bénéficier d’une conjoncture internationale favorable, d’une réglementation simplifiée, et de soudaines avancées technologiques et découvertes.

Nul n’est à l’abri d’un coup de chance !

Sinon, ces ingénieurs et techniciens pourront toujours ensuite se recycler dans le nucléaire « classique » des puissants réacteurs EPR (ou RNR) pour succéder à la génération précédente ayant développé l’extraordinaire parc nucléaire qui fonctionne parfaitement aujourd’hui en France, et pour encore des décennies.

Les Occidentaux sont-ils vraiment dépendants de l’uranium russe ?

Par : Michel Gay

Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les sanctions économiques mises en place contre la Russie ont épargné l’uranium. Serait-ce à cause d’une trop grande dépendance ? Mais de quoi parle-t-on ? Que place-t-on sous le vocable « uranium » ? Qui est dépendant de qui et de quoi ?…

Les États-Unis voudraient bien se substituer à la Russie, ce qui changerait simplement la dépendance de l’Europe à un autre pays… comme pour le gaz !

 

De quoi s’agit-il ? Il y a uranium et… uranium

Il existe au moins cinq types d’uranium.

Commençons par le début : l’uranium naturel (Unat, issu du sous-sol) contient 99,3 % d’uranium 238 (U238) et 0,7 % d’uranium 235 (U235). Cet Unat est converti en combustible pour les réacteurs en l’enrichissant (UE) (en général jusqu’à environ 5 %), ce qui appauvri le reste de l’uranium appelé… uranium appauvri (Uapp). À noter que ce combustible est peu radioactif (il se manipule à la main) avant d’avoir été utilisé dans un réacteur.

Après avoir été utilisé quelques années dans les réacteurs, la France a fait le choix de retraiter son combustible « usé » radioactif. Elle sépare donc les déchets des matières valorisables, ce qui a permis de réduire considérablement le volume des déchets à traiter.

Les déchets (les produits de fission et les « actinides mineurs ») représentent 5 % du combustible initial. Ils sont conditionnés dans des matrices de verre pérennes appelées à être stockées pour toujours dans des couches géologiques (stockage géologique).

Les matières réutilisables ultérieurement (95 %), c’est-à-dire le plutonium (Pu) et l’uranium restant après traitement (URT) sont réutilisables en réacteur surgénérateur RNR de quatrième génération, ou dans certains réacteurs actuels.

Cette politique de recyclage pratiquée depuis longtemps pour les combustibles nucléaires usés permet, ou permettra, la valorisation énergétique de 95 % (!) des matières initialement présentes.

 

URT, URE, et Russie

Cette URT obtenu après le traitement des combustibles usés contient encore davantage d’U235 fissile (environ 1 %) que l’Unat initial (0,7 %). Il est donc tentant de l’enrichir une nouvelle fois pour obtenir de nouveau un combustible avec cet uranium réenrichi (URE).

Or, au début, la France ne mettait pas encore en œuvre la technique nécessaire pour convertir l’URT en URE car elle enrichissait l’uranium par diffusion gazeuse, ce qui rendait quasiment impossible cette opération.

Une partie de l’URT a donc été envoyée en Russie (qui utilisait la technique d’ultracentrifugation permettant cette conversion compétitive) pour y être à nouveau enrichi et permettre une nouvelle utilisation en réacteur.

Conformément aux pratiques internationales pour de ce type de contrats, la Russie renvoyait l’URE et conservait l’Uapp issu de l’URT, matière nucléaire valorisable (et non un déchet nucléaire), en particulier dans la filière des surgénérateurs à neutrons rapides de quatrième génération (RNR).

 

Les arrière-pensées des États-Unis

La dépendance des Européens au combustible nucléaire russe inquiétait les États-Unis en mars 2023.

Ils s’inquiètent hypocritement aujourd’hui de leur propre dépendance car ils « découvrent » qu’environ 20 % du combustible utilisé dans leur parc de réacteurs nucléaires sont fournis par des contrats d’enrichissement conclus avec des fournisseurs russes. Cette dépendance toute relative a limité la chaîne d’approvisionnement nucléaire américaine en déversant de l’uranium enrichi bon marché sur les marchés mondiaux…

La Russie, qui contrôle près de 50 % de la capacité mondiale d’enrichissement, gêne aujourd’hui les États-Unis. Ces derniers se verraient bien demain prendre sa place, notamment en Europe, après avoir longtemps délaissé le nucléaire au profit du charbon et du gaz.

Actuellement, L’Europe achète cher une profusion de gaz de schiste américain liquéfiée et acheminée par méthanier à travers l’Atlantique pour compenser l’arrêt des livraisons russes…

Les États-Unis livrent aussi du charbon à l’Allemagne qui se fait passer pour vertueuse avec l’affichage de son Energiewende de plus en plus catastrophique fondée sur des éoliennes et des panneaux photovoltaïques aux productions fatales et intermittentes.

Le chef de la diplomatie américaine (le secrétaire d’État américain Antony Blinken), s’est réjoui en avril 2023 à Bruxelles des mesures prises par l’Union européenne pour réduire sa consommation de gaz russe. Il s’est aussi surtout félicité que les États-Unis soient devenus… le premier fournisseur des 27 pays européens en gaz naturel liquéfié (GNL) qui ont plus que doublé (+140 % en un an) et qui représentent 40 % du gaz importé par bateau en Europe.

Les États-Unis souhaitent, bien sûr, que les liens énergétiques de l’Union européenne avec la Russie se distendent encore davantage ! Ils pressent maintenant les Européens de réduire leurs achats d’équipements et de combustibles nucléaires russes et de diversifier leurs approvisionnements en uranium, de préférence en se fournissant… aux États-Unis.

 

La France serait « sous emprise » russe ?

Malgré le conflit en Ukraine, les relations commerciales continuent dans le domaine nucléaire entre l’Union européenne, notamment la France, et la Russie, car chacun y trouve son compte. Les achats de combustible et de technologie nucléaires russes par l’Union européenne ont même atteint en 2022 leur plus haut niveau depuis trois ans, tandis que, par exemple, la France vend des turbines Arabelle pour équiper les centrales électriques nucléaires russes en construction.

Toutefois, la France ne dépend pas stricto sensu de la Russie pour le bon fonctionnement de ses centrales nucléaires (elle n’a pas les mains liées).

Selon le cabinet de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher :

« La France ne se fournit pas en Russie pour son approvisionnement en uranium naturel ou la préparation du combustible, comme cela est sous-entendu à tort par Greenpeace. […] Nous ne sommes dépendants d’aucun site, d’aucune société et d’aucun pays. […] Les sanctions doivent avoir un impact sur l’économie du pays visé. Or, des sanctions sur la filière nucléaire généreraient un impact modeste sur la Russie. À l’inverse, la résiliation des derniers contrats subsistants qui portent sur le retraitement de combustibles générerait des indemnités plus avantageuses pour la Russie que leur poursuite a minima ».

Et comme toute société commerciale, la compagnie russe Rosatom ne fait pas de cadeau. Elle réclame trois milliards d’euros au groupe énergétique finlandais Fennovoima, qui a mis fin unilatéralement à leur projet commun de la centrale Hanhikivi-1, en mai 2022. Un tribunal international chargé des différends commerciaux a donné raison au groupe russe : il y a bien eu rupture de contrat.

De son côté, la société EDF a diversifié ses sources géographiques et ses fournisseurs en combustible nucléaire, et continue de le faire. Selon son PDG Luc Rémond, elle ne dépend pas de la Russie pour faire fonctionner ses réacteurs nucléaires, même si ce pays est un partenaire commercial important.

EDF indique qu’elle « applique strictement toutes les sanctions internationales tout en respectant les engagements contractuels pris ». EDF n’a « acheté aucun uranium naturel extrait de mines russes, ni de services de conversion de l’uranium naturel en Russie en 2022, ni augmenté sa part d’enrichissement de son uranium naturel non russe réalisé en Russie en 2022 par rapport à 2021 ».

Petits producteurs d’uranium naturel au niveau mondial, la Russie est en revanche active et compétitive pour enrichir l’Unat en U235 (UE ou URE à partir d’URT) et pour le transformer en combustible nucléaire dont elle détient environ 40 % du marché mondial.

Plus de trente pays achètent tout ou partie de leur combustible nucléaire à la Russie. La France a acheté environ un tiers de son uranium enrichi à la Russie en 2022 car c’était plus économique, mais elle peut en acheter ailleurs et / ou augmenter sa propre production.

Et même les États-Unis ont acheté 28 % de leur combustible nucléaire à la Russie en 2021.

Cette dépendance commerciale explique, en partie, pourquoi l’énergie atomique ne fait pas partie des sanctions internationales contre la Russie.

La Commission européenne, encouragée par l’Allemagne (qui ne manque pas d’air après avoir presque tout misé sur le gaz russe…), les pays Baltes, la Pologne, la Finlande, la République tchèque, voulaient inclure le nucléaire dans l’embargo, mais la présidente Ursula von der Leyen a abandonné l’idée. La Hongrie a indiqué qu’elle mettrait son veto : elle dépend du nucléaire russe pour 50 % de son électricité, et la centrale de Paks (où deux nouveaux réacteurs sont en construction) appartient aux Russes.

Or, l’unanimité des 27 États membres est requise sur cette décision.

Les Européens importent pour 200 millions d’euros d’uranium de Russie chaque année. Avec la pression sur les autres sources énergétiques, les importations ont même augmenté en 2022 : +72 % pour la Slovaquie, par exemple.

 

Se passer de l’uranium russe ?

La filière industrielle nucléaire mondiale et quelques pays commencent à réinvestir pour se passer de l’uranium enrichi russe. La faible demande d’uranium ces dernières années avait conduit à fermer des mines et à ne pas investir dans les centrifugeuses (ultracentrifugation) servant à convertir l’uranium en combustible.

Mais (rappel) la Russie détient aujourd’hui plus de 40 % du marché mondial de l’uranium enrichi. Se passer d’elle prendra du temps. Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et quelques Européens commencent à vouloir développer des alternatives de long terme qui nécessitent des investissements importants.

Les exportations d’uranium enrichi rapportent environ un milliard d’euros par an à la Russie. C’est peu au regard du pétrole et du gaz qui représentent 200 milliards d’euros.

Cependant, le nucléaire a une dimension plus géostratégique que commerciale.

La Russie est actuellement le plus grand constructeur au monde avec 26 réacteurs en chantier dans dix pays sur les 58 en construction dans le monde qui compte 438 réacteurs en service à ce jour. Elle vend des centrales clés en main (Akkuyu en construction en Turquie ou Paks en Hongrie) et assujettit, par contrat, les pays acheteurs à ses services pour une longue durée (environ un siècle), de la construction au démantèlement, avec une exploitation des réacteurs de 60 à 80 ans.

Le Département américain de l’énergie (DOE) développe depuis quelques mois un programme d’enrichissement supplémentaire d’uranium.

En janvier 2023, la société ConverDyn a reçu quatorze millions de dollars pour convertir de l’uranium en combustible pour les 92 réacteurs nucléaires américains. Elle va réouvrir l’usine située à Metropolis, dans l’Illinois, fermée en 2017 à cause de la concurrence russe.

Depuis janvier 2023, le Royaume-Uni a débloqué 80 millions d’euros pour les industriels qui veulent rendre l’énergie britannique totalement indépendante de la Russie.

 

Souveraineté nucléaire pour la France et les États-Unis

En France, Orano espère aussi capter une part du marché si les dirigeants politiques décident de mettre la Russie au ban des nations. Le groupe vient d’annoncer une extension de son usine d’enrichissement d’uranium au Tricastin (Drôme), afin d’augmenter de 30 % ses capacités de production.

Framatome vient également de signer un accord avec la Bulgarie pour approvisionner une de ses centrales.

Les États-Unis et l’Union européenne sont tout à fait capables de couvrir les besoins actuels du parc nucléaire mondial. Mais ce sera long.

Pour Orano, par exemple, aucun uranium supplémentaire ne sortira du site du Tricastin avant 2030.

EDF a approuvé en 2018 la relance d’une filière robuste et compétitive pour convertir en URE 94 % de l’URT de son parc. Mais là aussi, plusieurs années seront nécessaires.

La dépendance forte à la Russie de quelques pays en Europe de l’Est, telle la Hongrie, est effectivement une réalité pour le fonctionnement de leurs centrales nucléaires (de construction russe) et pour leur approvisionnement en combustible nucléaire.

En revanche, cette dépendance est un mythe pour la France et les États-Unis (une fakenews d’antinucléaires pour décrédibiliser le nucléaire ?). Ces deux pays maîtrisent leur propre technologie, disposent de stocks importants d’uranium et de combustible (plusieurs années), ont diversifié leurs partenaires depuis longtemps, et peuvent s’approvisionner facilement ailleurs dans le monde.

Et si l’industrie privée permettait un déploiement de la fusion nucléaire d’ici 2030 ?

Dans son cours à l’École des Mines numéro 6 Jean-Marc Jancovici n’envisage pas un début d’exploitation commerciale de la fusion nucléaire avant 2095 : « vous oubliez, cela ne fait pas partie des moyens du bord ». Il l’assimile au projet ITER qui, effectivement, progresse lentement.

Mais dans le privé, l’écosystème est en plein boom, avec plus de 40 entreprises sur le créneau, comme le rapportait en mars 2023 The Economist, et il y a maintenant de sérieuses raisons d’avancer cette date drastiquement.

Parce que le nucléaire a longtemps voulu dire chantiers pharaoniques nécessitant l’intervention des États, Jean-Marc Jancovici considère que cela ne peut pas changer.

Mais on disait de même du spatial, souvenez-vous : seuls quelques États peuvent concevoir et fabriquer des fusées, et aucun d’entre eux ne pourra jamais les faire se reposer. Jusqu’à ce qu’Elon Musk vienne dynamiter ces idées reçues. Il en a maintenant inspiré plus d’un dans d’autres domaines, longtemps considérés comme étant la prérogative des nations.

 

L’exemple de Commonwealth Fusion Systems

Commonwealth Fusion Systems a levé deux milliards de dollars, elle vise la première réaction à énergie positive pour 2025, avec un déploiement commercial rapide à partir de 2030.

2030 ! Là où Jean-Marc Jancovici nous parle de 2095. Mais que s’est-il passé ?

Voici le résumé d’un entretien avec le fondateur de Commonwealth Fusion Systems, intitulé « Peut-on remplacer toutes les centrales au charbon d’ici à 2040 ? » :

Des innovations récentes en science des matériaux ont permis de mettre au point des superconducteurs pouvant ensuite être utilisés pour faire des aimants bien plus puissants que ce qu’on savait faire jusque-là : « un changement radical dans les 300 ans d’histoire des aimants ».

La communauté des chercheurs sur la fusion leur a dit : « Si vous aviez cet aimant, cette machine fonctionnerait et serait très petite. Nous ne voyons pas de véritables obstacles, à part cet aimant ».

Ils ont réussi créer cet aimant, deux fois plus puissant que l’état de l’art jusque-là.

Commonwealth Fusion Systems s’en sert pour construire un appareil pour la fusion bien plus petit que ce que fait ITER, qui n’utilise pas ces innovations : ça tient dans un garage, contre un bâtiment de la taille d’un stade pour ITER, qui est le plus grand projet de construction en Europe.

En fait, Commonwealth Fusion Systems a fait en trois ans sur leur technologie des aimants, ce qui a pris 25 ans à ITER.

ITER vise la première réaction à énergie positive pour 2035, Commonwealth Fusion Systems vise 2025.

Ensuite, le déploiement commence en 2030, et pourra aller très vite. Comme Commonwealth Fusion Systems a un système compact et utilise la fusion pour faire chauffer de l’eau, pas forcément besoin de reconstruire des centrales à partir de zéro, ils vont pouvoir reconvertir les centrales au charbon et gaz dans le monde.

En avril, les autorités aux États-Unis ont décidé que la fusion serait beaucoup moins réglementée que la fission nucléaire, car présentant bien moins de risques. Les déploiements seront bien plus faciles politiquement, et donc plus rapides et moins chers.

 

Intéressons-nous également à un deuxième acteur, Helion

Helion a levé 500 millions de dollars en 2021, dont 375 millions investis par Sam Altman, qui n’est autre que le CEO d’OpenAI. Avant cela, il était le CEO de Y Combinator, l’incubateur à succès très réputé derrière des succès comme Airbnb, Dropbox ou Stripe.

Il s’agit de son plus gros investissement jamais réalisé dans une start-up.

Il écrivait en juillet 2022 :

« Helion a progressé encore plus vite que prévu et est en bonne voie en 2024 pour 1) démontrer la fusion avec un gain d’énergie net et 2) résoudre toutes les questions nécessaires à la conception d’un générateur de fusion à fabriquer en masse. […] Les objectifs sont assez ambitieux : une énergie propre et à 0,01 $/kWh et la capacité de fabriquer suffisamment de centrales électriques pour satisfaire la demande électrique actuelle de la Terre d’ici à dix ans. »

Sam Altman avait initialement investi 10 millions de dollars dans Helion, mais avait ensuite considérablement augmenté son investissement, il était convaincu que cela allait fonctionner.

Helion prévoit à terme de construire des centrales de la taille d’un grand container (15 m²) capables de produire de l’électricité d’une puissance de 100 MW. Par comparaison, avec des panneaux solaires, il faudrait environ 60 000 fois plus de place.

En mai 2023, Helion annonçait un accord d’achat d’électricité avec le géant du logiciel Microsoft. Helion mettra sa première centrale en service en 2028, et atteindra sa pleine capacité de production d’au moins 50 MW moins d’un an plus tard.

David Kirtley, fondateur et CEO d’Helion a déclaré :

« Il s’agit d’un accord contraignant qui entraîne des sanctions financières si nous ne parvenons pas à construire un système de fusion. Nous nous sommes engagés à pouvoir construire un système et le vendre commercialement à Microsoft. »

Les progrès technologiques dans les domaines des ordinateurs, de l’électronique et des réseaux à fibres optiques rendent maintenant l’approche d’Helion possible. Helion compte utiliser de l’hélium-3, mais pas besoin d’aller le chercher sur la Lune, il sera produit en fusionnant du deutérium dans ses générateurs à fusion. Les océans contiennent assez de deutérium pour répondre à tous les besoins énergétiques actuels de l’humanité pendant des milliards d’années.

Les entreprises les plus en pointe parlent donc d’un début de déploiement dès 2028 et 2030 ! Il y aura certainement du retard, mais de là à dire qu’il ne faut rien en attendre avant 2095, tout de même ! J’ai demandé à Jean-Marc Jancovici, qui m’a déjà répondu en personne sur d’autres points, s’il souhaitait revoir cette date à l’aune de ces dernières informations, j’attends encore sa réponse.

Lettre ouverte à madame Agnès Pannier-Runacher : la Commission européenne a l’obligation de favoriser l’industrie nucléaire

Par : Michel Gay

Madame la ministre de la Transition énergétique,

 

Cette lettre ouverte souhaite attirer votre attention sur la récente attitude en 2023 de la Commission européenne concernant la prise de position favorable à l’atome de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) en 2020.

J’ai interrogé par courrier la présidente de la Commission européenne, madame Van der Leyen, sur sa politique nucléaire le 28 mars 2023 (PJ a812). Cette lettre a été publiée sous forme d’un article sur le site de Contrepoints le 30 mars 2023.

Par la suite, j’ai échangé deux courriers par emails avec la Commission sous signature commune avec Lionel Taccoen.

La présidente a confié sa réponse à deux hauts fonctionnaires de la Commission (Hans Rhein par courrier postal le 19 juin 2023 (PJ a812b) puis, suite à ma réponse du 22 juin (a812d), Andrei Ionut Florea par email le 19 juillet (PJ a812e) auquel j’ai répondu le 23 juillet (PJ a812f), et qui m’a écrit le 11 août (PJ a812h).

Voici en résumé les échanges les plus marquants :

Le 22 juin 2023

Nous rappelons l’arrêt très favorable au nucléaire de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 22 septembre 2020 (Affaire Autriche/Commission). Cet arrêt indique que le Traité Euratom a la même valeur que tout autre Traité européen et qu’il oblige l’UE « à créer les conditions nécessaires pour le développement rapide d’une puissante industrie nucléaire… et à faciliter les investissements, notamment en encourageant les initiatives des entreprises nécessaires à la réalisation des installations fondamentales », dont les centrales nucléaires font partie. (PJ a812d).

Le 19 juillet 2023

La Commission, assure que cette dernière a toujours respecté « pleinement les décisions de la CJUE, y compris celles invoquées dans votre lettre » [arrêt de la CJUE du 22/09/2020]. (PJ a812e).

Le 23 juillet 2023

Nous suggérons un communiqué de la Commission afin de « clarifier » sa position sur l’atome en indiquant : qu’elle respecte « pleinement » le Traité Euratom ainsi que sa lecture par la CJUE, et que l’objectif de la Commission est bien une croissance rapide d’une puissante industrie nucléaire en encourageant des investissements dans la construction de centrales nucléaires (PJ a812f).

À ce jour, la présidente n’a pas émis un tel communiqué.

La Commission européenne, gardienne des Traités dont l’interprétation est de la responsabilité de la CJUE, ne peut s’écarter du Traité Euratom et de sa lecture par la Cour, comme l’a rappelé la Commission dans sa lettre du 19 juillet 2023.

La politique nucléaire de la Commission, obligatoirement conforme à l’Arrêt de la CJUE de 2020, doit donc avoir pour objectif « une croissance rapide d’une puissante industrie nucléaire ».

Toute partie autorisée peut donc exiger de la Commission des preuves de mise en œuvre d’une telle politique sous peine de recours devant la CJUE.

Veuillez agréer, Madame la ministre, l’expression de mes respectueuses salutations.


6 Pièces-jointes :

  • Ma lettre à la Présidente de la Commission du 23 mars 2023 (a812)
  • La réponse de la Commission par Hans Rhein du 19 juin 2023 (a812b)
  • Ma réponse du 22 juin 2023 (a812d)
  • La réponse de la Commission par Andrei Ionut Florea du 19 juillet 2023 (a812e)
  • Ma réponse du 22 juillet 2023 (a812f)
  • La réponse de la Commission par Andrei Ionut Florea du 11 août 2023 (a812h)

Le compromis de la réforme des marchés européens de l’électricité est-il une victoire à la Pyrrhus ?

Cet article analyse les causes de la flambée des prix de l’électricité et en mesure les conséquences, puis donne une évaluation de l’adéquation des réponses apportées dans le projet de réforme des marchés de l’électricité approuvé par le Conseil européen le 17 octobre dernier, après un long bras de fer entre l’Allemagne et la France sur le sujet de la production nucléaire.

 

Des prix de l’électricité devenus fous, sans rapport avec les coûts de production

Depuis septembre 2021, les prix du gaz en Europe se sont envolés et sont devenus très volatiles. Le gaz étant une des sources de production d’électricité, cela affecte directement le prix spot de l’électricité, basé sur le coût marginal de la dernière centrale appelée pour assurer la sécurité d’approvisionnement, donc la plus chère. Ce phénomène se répercute sur les prix des marchés à terme.

La situation s’est aggravée en 2022 avec la guerre en Ukraine, et plus particulièrement en France, en raison de la chute de 25 % de la production nucléaire, déjà affectée par la fermeture de Fessenheim, puis par un défaut générique fin 2021, qui nous a fait passer pour la première fois en situation importatrice nette : les prix de marché de l’électricité ont atteint des valeurs de 250 à plus de 400 euros/MWh, contre 50 à 80 euros/MWh dans les années antérieures.

Ces prix sont sans aucune mesure le coût de production moyen du mix électrique du parc français, constitué pour l’essentiel de moyens de production décarbonés (nucléaire, hydraulique, éolien, solaire), dont les coûts sont stables et prévisibles, car ils dépendent essentiellement du coût de l’investissement, et peu ou pas du tout du coût d’un combustible :

Source Production prévue en 2023 (TWh) Coût en € / MWh
Nucléaire 315    58 (1)
Hydraulique 55    55  (mix fleuves et barrages – Stations de    Pompage)
Éolien 40   80  (mix terrestre et maritime)
Solaire 16 (2)   70 (mix parcs au sol et toitures)
Biomasse 10  110
Total 436  61,3 (coût moyen pondéré)
  • Dans son rapport de juillet 2023, la CRE évalue le coût complet du parc nucléaire existant à 60,7 €/MWh en € 2022 pour la période 2026-2030, avec un coût moyen pondéré du capital (CMPC) avant impôts de 8,35 %. En fait, dans le cadre d’un prix régulé, minimisant les risques, le coût pondéré du capital (CMPC) pourrait être inférieur. Dans ce coût, l’impact de l’intégration de l’EPR Flamanville 3 (mise en service prévue en 2024) est évalué par la CRE à 2,5 €/MWh.
  • En excluant 4 TWh vendus à 510 €/MWh en obligation d’achat (contrat avant moratoire de 2011)

 

Au total, on peut estimer que le parc de production décarboné français va produire en 2023 près de 90 % des besoins nationaux (495 TWh en intégrant les pertes réseau), à un coût moyen se situant dans une fourchette de 60 à 65 euros/MWh.

 

Des conséquences désastreuses pour les Français et les entreprises

Par voie de conséquence, dans le calcul du tarif régulé de vente d’électricité HT (TRVE) par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) pour 2023 (Délibération de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité – CRE), le coût de fourniture ressort à 238 euros/MWh, dans un mix constitué de 45 % de nucléaire à 42 euros/MWh (ARENH), et de 55 % de prix de marché (398 euros/MWh), construit en vertu du principe de « contestabilité » visant à permettre à un fournisseur pur trader de faire une offre concurrentielle.

Deux remarques :

  1. Ce coût de fourniture calculé par la CRE début 2021 était de 50 euros/MWh, dont 47 % d’ARENH, soit un coût moyen d’approvisionnement sur le marché de 55 euros/MWh : on mesure les dégâts !
  2. Sans le plafonnement à 100 TWh du volume d’ARENH, la part de nucléaire serait de 67 %, le rôle modérateur du nucléaire n’est que partiellement utilisé : il vaudrait mieux déplafonner et relever le prix pour éviter qu’EDF vende à perte, comme la CRE l’avait demandé.

 

Les artisans (à l’instar des boulangers) et les entreprises n’ayant pas accès au TRVE sont directement exposés à cette multiplication par 4 à 5 du coût de fourniture, même en intégrant la part de nucléaire auquel ont accès leurs fournisseurs. Cela dégrade leur compétitivité, et menace parfois leur existence, malgré le dispositif « amortisseur » mis en place par le gouvernement dans la loi de finances 2023 pour les PME et les collectivités locales (compensation à 50 % au-delà de 180 euros/MWh) et les TPE (compensation supplémentaire à 100 % au-delà de 230 euros/MWh).

Les particuliers et les TPE qui ont accès au TRVE ont bénéficié du « bouclier tarifaire » mis en place par le gouvernement, limitant la hausse du tarif TTC à 5 % en février 2022. Mais leur pouvoir d’achat subit les conséquences d’une augmentation du tarif de 15 % en février 2023, suivie d’une deuxième augmentation de 10 % en août dernier, qui apparaît peu justifiée au regard des coûts de production d’EDF.

En effet, l’analyse des délibérations de la CRE (délibération de la CRE du 13 avril 2023 relative à l’évaluation des acomptes versés aux fournisseurs d’électricité dans le cadre du second guichet simplifié pour la compensation des pertes de recettes définies à l’article 181 de la loi de finances pour 2023 – CRE ; et délibération de la CRE du 13 juillet 2023 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2024, et à la réévaluation des charges de service public de l’énergie pour 2023 – CRE) permet de voir que l’écart à compenser entre le niveau du TRVE HT calculé par la CRE, et le niveau qui résulte du plafonnement de l’augmentation à 15 % est de 143 euros/MWh (!), ce qui signifie que le coût de fourniture implicite dans le TRVE effectivement appliqué en février 2023 est de 95 euros/MWh, toutes choses égales par ailleurs.

Ce niveau de 95 euros/MWh permet à EDF de redresser ses comptes : au 1er semestre 2023, EDF, bien que pénalisé par la vente à perte d’une partie de sa production nucléaire (63 TWh sur un total de 158 TWh), a réalisé un EBITDA de 8,6 milliards d’euros sur ses activités de production et de vente d’électricité en France, représentant une marge opérationnelle moyenne de 40 euros/MWh pour 215 TWh de ventes totales.

Cela s’explique, car EDF bénéficie des mêmes compensations que ses concurrents dans le cadre du bouclier tarifaire, alors que son coût moyen de production est certainement inférieur au coût implicite de fourniture du TRVE (ventes 58 TWh), et EDF prend en compte le niveau des offres de ses concurrents pour déterminer ses offres sur le marché aux entreprises (ventes 64,7 TWh).  (Source présentations résultats S1 2023 EDF).

Sur ces bases, la CRE évalue le coût du dispositif de protection (bouclier et amortisseur) à 23,5 milliards d’euros en 2023 pour les contribuables, partiellement compensé à hauteur de 4,6 milliards  par les remboursements des producteurs ENR qui injectent sur le marché dans le cadre d’un « contrat pour différence », principalement les parcs éoliens.

Après l’augmentation de 10 % du TRVE appliquée en août, et compte tenu de l’augmentation du tarif d’acheminement de l’électricité, l’écart à compenser calculé par la CRE est ramené à environ 127 euros/MWh, correspondant à un coût implicite de fourniture de 111 euros/MWh.

Le mode de calcul du TRVE est devenu une mécanique inflationniste infernale, totalement décorrélée des coûts de production en France, et l’on peut s’interroger sur la pertinence du niveau de compensation dont bénéficient les fournisseurs et qui pèse sur nos impôts, dans le seul but d’assurer une concurrence artificielle.

 

Perspectives pour 2024

Le niveau des prix de marché à terme en France est en diminution depuis l’été 2023 :

Le prix de base à terme pour 2024 est revenu à 140 euros/MWh en raison du repli du prix du gaz, revenu à environ 50 euros/MWh, et du redressement de la production nucléaire d’EDF, qui diminue les risques de tensions sur l’approvisionnement. Le prix en période de pointe (peakload) est bien entendu supérieur, mais ne concerne qu’une part marginale du volume vendu.

Ce niveau de prix est similaire à celui qu’ont maintenu dès le début 2022 l’Espagne et le Portugal, en plafonnant le prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité à 50 euros/MWh (avec une dérogation accordée par l’UE), ce qui leur a permis d’amortir la hausse des prix de l’électricité sur le marché.

Même si ce niveau de prix de marché se maintient durablement (ce qui n’est pas garanti), et permet d’envisager pour 2024 une stabilisation du TRVE tout en supprimant le bouclier tarifaire, il reste environ deux fois plus élevé que le coût moyen du mix électrique français, dominé par le nucléaire.

C’est pourquoi la France réclame depuis le printemps 2022 une réforme structurelle du fonctionnement du marché européen de l’électricité de l’UE, avec l’objectif de disposer d’un prix de l’électricité « qui reflète le coût de production de son mix énergétique », en découplant le prix de l’électricité de celui du gaz.

 

Le projet de réforme du marché européen de l’électricité 

Dans son document, la Commission européenne présente l’accélération du déploiement des sources de production ENR, en particulier l’éolien offshore, et des technologies de flexibilité, comme les meilleures solutions pour réduire de façon structurelle la demande en combustibles fossiles pour la production d’électricité, et ainsi réduire les prix.

Il est parfois fait référence de façon plus large aux « sources bas carbone », mais le nucléaire n’est jamais cité explicitement comme faisant partie de la solution, ce qui explique qu’il ait fallu aux 13 États membres comptant développer des projets nucléaires beaucoup d’insistance pour l’imposer en quelque sorte comme « passager clandestin » de la réforme, pouvant utiliser les instruments destinés à procurer un signal prix à long terme qui sont proposés.

En effet, quel que soit le moyen de production d’électricité bas carbone qui est projeté (à l’exception de la biomasse), son coût de production est déterminé essentiellement par le coût d’investissement, y compris le coût du financement de cet investissement, qui est fonction du niveau de risque encouru : risque marché pendant la durée de vie de l’actif (visibilité sur le prix de vente), et risque projet (coût et délai de construction avant mise en service, puis coût des investissements de maintenance).

Le débat s’est in fine cristallisé sur la possibilité pour la France d’inclure son parc historique de 56 réacteurs dans le dispositif, ce qui est motivé par les investissements très importants qui restent nécessaires pour prolonger la durée de vie au-delà de 40 ans (grand carénage), et au-delà jusqu’à 60 ans (ou plus), sous réserve que la sûreté soit garantie (la faisabilité dépend avant tout de la fiabilité de la cuve du réacteur, seul composant non remplaçable).

La fin de l’article analyse les caractéristiques des deux instruments du projet d’accord offrant une visibilité de prix dans le temps long, ainsi que leur adéquation pour financer le nucléaire, avant de regretter en conclusion qu’aucun instrument de prix régulé n’ait été demandé, ni défendu par la France.

 

Contrats d’achat à long terme

Il s’agit de contrats d’achat entre un producteur et un acheteur (fournisseur d’énergie, industriel), qui garantissent à l’acheteur une stabilité des prix à long terme, et, en contrepartie, apporte au producteur une garantie de débouché à un prix connu, qui lui permet d’engager l’investissement.

L’électricité produite est ainsi vendue hors marché, ce qui est particulièrement intéressant pour les parcs éoliens et solaires, dont la variabilité de production injectée sur le marché spot peut induire des perturbations de prix importantes.

Dans l’article 28 du projet, les États membres sont invités à promouvoir ce type d’accord, supprimer les barrières injustifiées, et sont autorisés à prendre des dispositions pour réduire les risques liés au défaut de l’acheteur dans ses obligations de long terme, et à faciliter l’agrégation de demandes (pool d’acheteurs).

EDF envisage ce type de montage pour la construction d’une partie des EPR2, avec un écho favorable par exemple de TotalEnergies. Mais pour un actif de très long terme dont la durée de construction est au mieux de 10 ans, et la durée d’exploitation de 60 ans, le niveau de risque ne permet pas un financement optimisé, donc un prix compétitif, à moins que l’acheteur (ou un pool d’acheteurs) participe à due concurrence à l’investissement, en échange d’un droit de tirage : la centrale de Fessenheim a été en partie financée de cette manière dans les années 1990, avec ENBW (17,5 %) et un consortium suisse (15 %).

 

Contrats pour différence (CFD)

Le texte de compromis validé en Conseil le 17 octobre dernier dispose dans son article 19b qu’un schéma direct de soutien des prix par un État membre, sous la forme exclusive d’un contrat pour différence bidirectionnel (CFD), peut s’appliquer aux sources d’électricité suivantes, sur la base du volontariat : éolien, solaire, hydraulique au fil de l’eau, géothermie, nucléaire.

Schématiquement, un CFD bidirectionnel fonctionne sur le principe suivant, la production étant écoulée sur le marché (le tarif cible peut être dédoublé avec un plafond et un plancher) :

Le prix minimum garanti, ainsi que le prix plafond destiné à prévenir une rémunération excessive doivent être déterminés en fonction du coût du nouvel investissement, de façon à assurer la viabilité économique à long terme de la centrale de production, tout en évitant toute surcompensation.

Le but est que les revenus des producteurs issus de nouveaux investissements qui bénéficient d’un support public deviennent indépendants des prix volatiles de productions fossiles qui fixent le prix spot.

L’article 30 dispose que, bien que cet instrument soit destiné à financer de nouvelles centrales, il pourra aussi concerner des centrales existantes, nécessitant des investissements de maintenance conséquents pour en accroitre la capacité ou prolonger la durée de vie.

La Commission devra s’assurer que la conception du CFD ne conduit pas à des distorsions de concurrence.

Ce type de contrat s’applique déjà aux nouveaux parcs éoliens et solaires en France issus des appels d’offre depuis 2016 : depuis fin 2021, la subvention versée aux producteurs s’est transformée en remboursements par les producteurs, le prix de marché dépassant les tarifs cibles issus des appels d’offre (de l’ordre de 60 euros/MWh). L’utilisation qui en est faite par l’État consiste à participer au financement du bouclier tarifaire et du dispositif amortisseur : 1,9 milliard d’euros en 2022 et 4,6 milliards prévus en 2023.

 

L’application des CFD au nucléaire n’est cependant pas la solution optimale

La première raison est que le CFD ne permet pas un financement optimisé, car seul le risque marché est pris en compte, alors que le risque projet reste intégralement à la charge de l’opérateur.

En conséquence, le coût moyen pondéré du capital (CMPC ou WACC en anglais) ressort à environ 10%, ce qui est par exemple le cas du financement des deux EPR de Hinkley Point en Grande Bretagne, un CFD conclu entre l’État britannique et EDF Energy (et son partenaire CGN) garantissant un prix de vente du MWh de 96 livres (115 euros) pendant 35 ans.

Pour la deuxième paire d’EPR à Sizewell, le schéma de financement en discussion entre l’État britannique et EDF Energy est un schéma de prix régulé, analogue à celui du financement des réseaux (coût opérationnel + financement de la base d’actifs). Ce schéma, qui transfère le risque projet sur la communauté des consommateurs, permet d’obtenir un financement avec un CMPC de l’ordre de 4 %, car le prix est revu régulièrement sur la base des coûts effectifs, ce qui garantit à l’opérateur le cash flow nécessaire pour investir. Ce schéma devrait permettre d’obtenir un coût du MWh de l’ordre de 60 livres (70 euros)

Voir un précédent article : « Financer le nucléaire sans argent public et sans démanteler EDF : une solution existe ! »

La deuxième raison est que le CFD appliqué au parc nucléaire français, en remplacement d’un prix « régulé » comme l’ARENH, va générer des flux financiers très élevés dans la durée entre l’opérateur et l’État (subvention / remboursement). En pratique, au lieu d’avoir à leur disposition un sourcing nucléaire pour assurer le ruban de base de leur approvisionnement à un prix connu d’avance et relativement stable, les fournisseurs vont s’approvisionner intégralement sur le marché (au-delà de leur propre production), charge à l’État de gérer un mécanisme de redistribution des écarts qui sera forcément imparfait et source de distorsions de concurrence, le tout sous le contrôle attentif de la Commission européenne.

 

Conclusion

L’État n’ayant pas demandé à la Commission d’inclure la possibilité d’un dispositif de prix régulé pour le nucléaire dans la réforme du marché européen, pourrait bien connaître une victoire à la Pyrrhus en ayant arraché la possibilité d’appliquer le mécanisme CFD aux investissements sur le parc nucléaire existant, et au renouvellement du parc, avec un haut niveau d’autosatisfaction.

Cela est probablement dû au « traumatisme de l’ARENH » subi par EDF en raison des défauts congénitaux de ce mécanisme qui n’ont pas été corrigés, et surtout au refus de l’État de mettre en œuvre une régulation effective du prix pour qu’EDF ne vende pas à perte avec des cash flows libres négatifs, la CRE ayant indiqué dans un rapport publié en 2020 que l’ARENH devrait être de l’ordre de 50 euros/MWh.

Il est très dommageable qu’à cause de l’impéritie des gouvernements depuis 2012, l’ARENH soit devenu un bouc émissaire de la crise des prix de l’énergie, alors qu’un véritable prix régulé du nucléaire pourrait constituer le socle pertinent d’une organisation du marché de l’électricité en France, sujet qui sera abordé dans un second article.

L’Allemagne, sur la voie de la rédemption énergétique ?

Par : Michel Gay

Après l’échec cuisant de sa transition énergétique, nommée Energiewende, inefficace et de plus en plus impopulaire, fondée sur des éoliennes et des panneaux solaires, l’Allemagne devra bientôt aller à Canossa en redéveloppant l’énergie nucléaire si elle souhaite vraiment se passer du gaz et du charbon.

Ira-t-elle à genoux ou existe-t-il une sortie honorable ?

 

Deux modèles énergétiques incompatibles

Entre la France pronucléaire et l’Allemagne antinucléaire, pro-renouvelables… (et aussi pro-gaz russe et charbon allemand), la stratégie énergétique pour l’Europe constitue un sujet de discorde. Et ce d’autant plus que Berlin veut imposer son « modèle » énergétique délirant à toute l’Europe.

L’Allemagne fait dorénavant face à une crise énergétique majeure qui ébranle son économie et son industrie. Son Energiewende, tant vantée par les institutions de l’Union européenne sous influence allemande et par certains mouvements écologistes, vacille.

L’Allemagne utilise toujours ses centrales au lignite issu de son sous-sol, un combustible de mauvaise qualité encore plus émetteur de carbone et de CO2 que le charbon. La colère monte dans le pays contre une stratégie coûteuse, voire ruineuse, qui met en péril la souveraineté du pays, et inefficace pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre.

Or, les institutions européennes veulent imposer cette hérésie à l’Union européenne. Peu importe que le prix de l’électricité s’envole, et que cette stratégie soit inefficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : l’Allemagne émet toujours deux fois plus de CO2 que la France par habitant.

De plus, les baisses d’émissions de carbone réalisées par l’Allemagne depuis 1990 résultent surtout des fermetures de vieilles usines polluantes de l’ex-Allemagne de l’Est.

 

Remplacer le charbon par le gaz… russe

Le gaz russe (dont l’Allemagne dépendait pour 52 % avant la guerre en Ukraine) bon marché indispensable à son industrie et au chauffage des habitations, devait constituer la pierre angulaire de la stratégie allemande fondée sur des énergies renouvelables intermittentes (éolien et solaire) et caractérisée par l’abandon du nucléaire.

Dans le domaine de l’énergie, l’idéologie et les sombres calculs politiques prennent souvent le pas sur la réalité.

Déjà, il y a deux ans, la Cour des comptes allemande dénonçait une Energiewende dispendieuse et inefficace. Mais l’Allemagne continue à vouloir l’imposer à l’Europe et à s’opposer au modèle nucléaire français à Bruxelles par tous les moyens.

L’Allemagne continuera donc à s’appuyer sur les capacités traditionnelles de production d’électricité à base de gaz et de charbon !

Les centrales à gaz émettant presque deux fois moins de CO2 (400 g/kWh) que celles à charbon (800 à 900 g/kWh) ont permis à l’Allemagne d’afficher une réduction sensible de ses émissions de CO2 pendant quelques années.

Cette substitution a pu masquer un temps la supercherie de l’Energiewende.

 

Le lignite, encore pire que le charbon

Sur injonction de l’Allemagne, les institutions européennes ont donc placé quasiment sur le même plan l’électronucléaire 100 fois moins émetteur de CO2 (4 g/kWh) que le gaz (400 gCO2/kWh).

Et, cerise sur le gâteau, le gaz est considéré comme une énergie… de transition qui durera certainement très longtemps. Et personne ne semble remarquer cette aberration à la Commission européenne ! De qui se moque l’Allemagne ?

Contrainte d’importer massivement par bateaux du gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis et du Qatar pour remplacer le gaz russe qui arrivait par gazoduc, l’Allemagne doit adapter ses infrastructures, ce qui prendra du temps.

Le 4 octobre 2023, elle a donc annoncé le maintien en fonctionnement de ses vieilles centrales au lignite qui viendront s’ajouter à ses 45 gigawatts de centrales au charbon encore existantes…

 

Une opposition de plus en plus forte

L’Energiewende se heurte à une opposition de plus en plus forte à l’installation de nouvelles éoliennes terrestres.

Le projet de loi obligeant les Allemands à remplacer les chaudières à gaz et à mazout par des pompes à chaleur présenté au printemps par le ministre allemand de l’Économie et codirigeant du parti des Verts (Robert Habeck) a provoqué une levée de boucliers contre le « fascisme vert ».

Environ 80 % des bâtiments allemands sont toujours chauffés par des combustibles fossiles (gaz, mazout et charbon). Et les pompes à chaleur consomment beaucoup d’électricité « carbonée », notamment en hiver, les nuits sans vent…

Par ailleurs, aucune technologie efficace et rentable de stockage d’électricité à grande échelle industrielle n’est en vue pour lisser les productions intempestives éoliennes et photovoltaïques.

 

Paranoïa électrique en Allemagne

La crainte que le nucléaire français fasse de l’ombre à l’industrie allemande tourne à la paranoïa chez certains politiciens allemands.

Depuis plusieurs mois, Olaf Scholz et son entourage ruminent contre le nucléaire français et l’avantage compétitif que l’atome donne à la France. L’Allemagne refuse farouchement d’inclure le nucléaire (français ou non) dans les textes européens traçant l’avenir énergétique de l’Union européenne, et son affolement devant la montée d’une opinion favorable au nucléaire en Europe se transforme en paranoïa.

Ainsi, selon une rumeur qui a circulé au sommet de la chancellerie allemande, EDF aurait démarché des entreprises en Allemagne pour les inciter à s’installer en France en leur proposant des contrats d’approvisionnement électrique de long terme à prix cassé.

Or, EDF n’a aucun intérêt à effectuer une telle démarche alors qu’elle doit financer la relance du parc nucléaire français ainsi que le grand carénage des réacteurs existants.

 

Le criminel abandon du nucléaire par l’Allemagne

Une récente note de l’Institut français des relations internationales (IFRI) souligne les défis du « modèle » allemand :

« La flambée des prix de l’énergie constitue un frein à la production et un problème de compétitivité globale de l’industrie ».

Cela affecte les secteurs à forte intensité énergétique, tels que la chimie, la métallurgie ou la verrerie, qui représentent près du quart des emplois industriels.

Le risque de désindustrialisation de l’Allemagne est grand au regard de l’attractivité du prix de l’électricité en France, et surtout des marchés chinois et américain. Le tiers des entreprises allemandes (32 %) privilégierait les projets d’investissements à l’étranger par rapport au territoire national, soit deux fois plus en une année.

L’Allemagne s’inquiète tardivement après avoir joué à la roulette russe en développant à tout prix les ruineuses énergies intermittentes du vent et du soleil. Elle a fait un choix idéologique irréaliste avec des alliances électorales de court terme. Elle a ainsi détruit sa production d’électricité nucléaire peu émettrice de gaz à effet de serre en s’appuyant sur le charbon et le gaz au détriment du climat, malgré ses annonces fumeuses sur les énergies renouvelables.

Les solutions pour sortir de cette impasse seront-elles nationales ou franco-allemandes avec l’aide de la production électronucléaire française honnie durant près de vingt ans ?

Devant la nécessité (qui fait toujours loi…), l’Allemagne aura bientôt la révélation des avantages du nucléaire. Son chemin de Damas sera douloureux, mais la rédemption de l’Allemagne réhabilitant le nucléaire chez elle et dans toute l’Europe semble proche.

Nuit de l’écologie : LR en quête d’une écologie de droite

C’est dans un parc des expositions de la porte de Versailles en pleine modernisation, à quelques mois des JO de Paris, et avec une vue imprenable sur une tour Eiffel qui n’était toutefois plus illuminée aux couleurs du drapeau israélien, que s’est tenue ce mardi 10 octobre la Nuit de l’écologie.

Durant plus de quatre heures, un parterre de 250 militants et sympathisants Les Républicains a été invité à définir l’écologisme de droite.

Au programme : changement climatique, neutralité carbone, adaptation et fiscalité verte. Le tout lié par une opposition déclarée à la logique de la décroissance.

 

Les Verts réfractaires au débat

Ces quatre heures d’orchestre ont eu pour chefs deux hommes : Geoffroy Didier et Antoine Vermorel-Marques, député de la Loire, chef de file de la tendance écologiste du parti, et parmi les plus fervents partisans d’un accord de gouvernement avec la Macronie.

Si le duo a bien tenté d’inviter des membres d’EELV, ses principales têtes d’affiche ont décliné. La soirée était toutefois animée par une douzaine de pontes du parti gaulliste sous le regard d’Emmanuelle Mignon, nouvelle vice-présidente du parti en charge du projet et des idées.

Parmi les invités extérieurs se trouvaient notamment Robert Vautard, membre du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) et coprésident du GIEC, mais également le plus médiatique des apôtres de la décroissance, l’ingénieur civil, créateur du bilan carbone et président du Schift Project Jean-Marc Jancovici, connu notamment pour avoir récemment proposé de limiter le nombre de trajets aériens à 4 par personne et par vie.

 

Définir une doctrine

En conclusion d’une conférence donnée à l’Université de Haute-Alsace ce jeudi 12 octobre, l’ancien Premier ministre, et désormais membre du Conseil constitutionnel Alain Juppé a appelé la jeunesse, et en particulier les étudiants de son auditoire, à se saisir de deux sujets majeurs : le numérique et le changement climatique.

Deux thématiques désormais centrales dans le débat public, et ce n’est pas pour rien si la Nuit de l’écologie, organisée par son ancien parti politique, s’inscrit dans un travail de refondation doctrinale initiée depuis maintenant plus d’un an.

Chez les jeunes en particulier, des sondages nous montrent que la préoccupation environnementale chez nos électeurs est désormais au-dessus de celle de la sécurité », estime d’ailleurs Geoffroy Didier chez nos confrères du journal Le Monde.

 

Une droite déjà en pointe sur le sujet

Le thème serait d’autant plus important à aborder que LR serait suspecté de se laisser aller à une tentation climatosceptique depuis la présence du docteur d’État en science politique et docteur en philosophie Yves Roucaute lors d’une journée de formation auprès des jeunes cadres du parti le 9 septembre dernier. L’auteur de L’Obscurantisme vert : la véritable histoire de la condition humaine, paru l’année dernière aux éditions du Cerf, estime en effet que la contribution anthropique au changement climatique serait « dérisoire ».

Pourtant, le passif de la droite gaulliste en matière d’environnement n’est plus à démontrer, qu’il s’agisse de son combat pour le nucléaire depuis bientôt sept décennies ou le Grenelle de l’environnement créé par Nicolas Sarkozy en 2007.

Néanmoins, les nouveaux enjeux de sociétés appellent à la définition d’une doctrine environnementale claire, à laquelle la droite ne saurait échapper.

 

Cartographie de l’écologisme

Cet environnementalisme de droite se distingue de trois autres formes : l’écologisme de gauche, l’écologisme d’extrême droite, et l’écologisme libéral.

Si l’idée que le clivage gauche-droite est obsolète court dans les discussions de café du commerce depuis plusieurs décennies, il existe un invariant distinctif : la droite conserve l’acquis occidental auquel la gauche s’oppose avec plus ou moins de vigueur selon le degré. Cet acquis peut être lié au christianisme, au libéralisme ou au républicanisme, auxquels la gauche oppose l’anticléricalisme, le socialisme, et la discrimination positive.

Il n’est donc pas étonnant que l’écologisme de gauche se base sur une contre-religion, avec sa divinité, ses blasphèmes, ses sacrifices médiatiques, son apocalypse, ses commandements précis appliqués à la vie quotidienne, son rigorisme, son prométhéïsme et son millénarisme. Selon ses tenants, cette contre-religion justifie l’application d’une pensée planiste, voire tout simplement socialiste.

Cet écologisme s’oppose, mais se rapproche de l’écologisme d’extrême droite. Ce dernier, théorisé par des philosophes allemands entre le XIXe siècle et l’avènement du IIIe Reich, se fonde essentiellement le mouvement « Blut und Boden » (le sang et la terre) théorisé par Oswald Spengler.

Si la législation environnementale nazie a servi d’exemple aux législations actuelles sur le sujet, l’écologisme d’extrême droite se fonde avant tout sur l’exaltation du monde rural et de la pureté fantasmée de la nature qui rejoint celle de la race.

De façon évidente, cet écologisme s’oppose également à l’écologisme libéral, fondé sur la logique d’assurance et de propriété privée comme moyen d’une gestion « de bon père de famille » des ressources naturelles à la manière d’un capital à faire fructifier.

 

Un écologisme croissantiste

De son côté, LR propose un écologisme de droite « responsable et supportable » et reprenant l’idée d’une co-prospérité homme-nature. Cet écologisme se veut naturellement pragmatique, pro-nucléaire et pro-libertés individuelles. Surtout, il s’oppose vigoureusement à la décroissance des deux premières formes d’écologisme évoquées plus haut.

Ce n’est pas pour rien si Éric Ciotti estime que cet écologisme est financé « par la croissance ».

Ce n’est donc pas un hasard si l’invité phare de la soirée n’était autre que Jean-Marc Jancovici, dont le discours économique se fonde sur l’idée que la croissance serait liée à la consommation d’énergies fossiles.

Or, la science se fonde sur le débat.

Pour cause, cette thèse est fortement discutée. Cette corrélation l’est notamment par Lucas Bretschger, professeur au Centre de recherche économique de l’université de Zurich.

Même son de cloche du côté de Gaël Giraud dans une entrevue pour le journal du CNRS parue en 2015. S’il estime effectivement qu’il existe une corrélation entre croissance et consommation d’énergies en général, l’économiste concède que la croissance actuelle se fonde sur « d’autres types d’énergie que des énergies fossiles ».

Cette idée est confirmée par Peter Newman, professeur de développement durable à l’Université Curtin, en Australie, qui constate le découplage du PIB et de l’émission de gaz à effets de serre et anticipe une explosion de la part des énergies renouvelables dans les 25 prochaines années, tout en soutenant la croissance du PIB mondial.

 

Contre les décroissants

Nous, libéraux, sommes régulièrement accusés d’être des fanatiques d’une croissance économique que les penseurs autrichiens critiquent pourtant eux-mêmes bien davantage que quiconque.

Cependant, l’écologisme rime de moins en moins avec décroissance.

L’extrême gauche devra donc trouver un autre moyen de légitimer sa volonté de nous ramener à l’Âge de pierre.

Dans ce sens, et comme le notait dans nos colonnes l’ingénieur et expert à l’Institut Sapiens Philippe Charlez au début du mois, la droite doit s’opposer vigoureusement à cette logique.

Les Républicains semblent donc avoir répondu favorablement à cet appel.

Nucléaire : l’Europe à la croisée des chemins ?

Des conditions favorables

Au niveau mondial, les choses bougent pour le nucléaire. Le bel endormi se réveille sous la pression de multiples évènements.

Il devient d’abord de plus en évident, pour le grand public, que le nucléaire peut être un élément important de relative indépendance énergétique pour les régions n’ayant pas de combustibles fossiles. La guerre en Ukraine en est le révélateur. En outre, la pression médiatique sur le réchauffement climatique, et la véritable panique qu’elle entraîne, conduit à envisager tous les recours, même jusque-là détestés. Le nucléaire est de ceux-là.

Des prix de l’électricité aberrants et volatiles ont également touché les citoyens au portefeuille, ce qui fait fléchir les réticences idéologiques. À la lumière du passé, les gens (et les entreprises)  comprennent que le nucléaire assure une grande stabilité des prix, garante d’un développement à long terme.

Le marché des grosses centrales électriques redevient ainsi très actif. Les acteurs sont peu nombreux : dans l’ordre, la Russie, la Chine, les États-Unis, la Corée du Sud et la France.

 

En Europe, des contraintes encore en suspens

L’Europe se distingue dans son obstination à ne pas lâcher prise dans sa lutte antinucléaire, sous l’impulsion principalement de l’Allemagne.

Même si certaines aberrations ont été gommées, comme exclure le nucléaire des activités décarbonées, alors que c’est le meilleur outil pour ça, le combat n’est pas gagné sur le plan financier.

EDF ne pourra emprunter les énormes fonds nécessaires au renouveau du nucléaire. L’État devra trouver un moyen de financement en contournant le dédale de lois sur la concurrence inadaptées. Et les taux d’intérêts élevés sont un facteur essentiel d’un coût d’investissement à très long terme.

 

Pour l’EPR, le mal est fait depuis longtemps

Les difficultés des EPR français et finlandais ne sont pas à relativiser : elles dénotent une perte de compétence des industriels concernés, mais aussi de leurs donneurs d’ordre et des autorités de contrôle. Les évolutions réglementaires et normatives, au cours de constructions qui ont duré des lustres, ont ainsi joué un rôle non négligeable. Ceci dit, les réacteurs chinois ont respecté coûts et délais, et ils tournent. Le Finlandais aussi, malgré des ennuis de dernières minutes, mais sur les équipements allemands, il est vrai.

Il y a bien eu les incidents sur Taishan 1, le réacteur chinois. Ils ont été naturellement montés en épingle par les antinucléaires. Il s’agit d’usure anormale de certaines gaines de combustibles. Ce type de problème semble assez classique et accessible à des solutions.

Notons également que Westinghouse, le concurrent américain, a connu lui aussi d’énormes problèmes de reprise de ses activités, pour les mêmes raisons qu’EDF : une perte de compétence.

Mais les pires fossoyeurs de l’EPR sont malheureusement les ministres qui se sont succédés à la tête des entités qui auraient dû au contraire défendre le nucléaire français : Voynet, Royal, Hulot…

De Rugy a même déclaré dimanche 18 novembre 2018 sur une radio grand public :

« Je ne vois pas comment on pourrait décider aujourd’hui de commander de nouveaux EPR alors que la fiabilité technologique et sa sûreté n’est pas démontrée et la compétitivité économique non plus. »

 

L’EPR de Flamanville entame ses derniers essais pour un démarrage en 2024. Et alors ?

Même si tout se passe bien, cela ne changera guère la situation, ni en termes de sécurité électrique pour la France, ni en termes de perspectives commerciales.

Certes, on aura 1600 MW de capacité en plus ; mais on projette d’arrêter à peu près autant de centrales à charbon. On sera toujours à la merci d’un hiver froid.

Le démarrage de Flamanville ne sera après tout que la quatrième mise en service.

Les vrais enjeux se situent dans l’aptitude que devra avoir EDF à reconstituer les compétences passées. En ce sens, c’est le déroulement du chantier d’Hinkley Point, en Angleterre, qui sera déterminant. Les premiers enseignements sont encourageants : ils montrent tout l’intérêt de construire ces équipements par paires pour augmenter la productivité des opérations.

EDF semble aussi avoir repris de la combativité. L’entreprise a réalisé et continue un exploit dans la réparation des tuyauteries fissurées des centrales existantes. Nul doute que la perspective de la reprise du nucléaire redynamise les équipes.

Mais le chemin vers de véritables perspectives commerciales est encore long, d’autant que les commandes mondiales sont largement affectées par la géopolitique. Il faudra en particulier définir une offre adaptée à la demande, qui ne sera pas forcément l’EPR.

 

Un futur compliqué, mais radieux ?

En résumé, rien n’est gagné, mais rien n’est perdu non plus. L’équipe dirigeante actuelle d’EDF aura une lourde responsabilité dans la bataille, qui s’exercera au niveau mondial, et, malheureusement, comme on le voit déjà, nationalement contre ses propres autorités de tutelle.

La saga du nucléaire français : des années Boiteux aux débats actuels

 

Le 6 septembre dernier, Marcel Boiteux nous quittait. Cet académicien était l’un des économistes les plus respectés au monde, un héros français. Cette triste nouvelle n’a pratiquement pas transpiré dans les medias grand public. Quelle honte !

Marcel Boiteux était un vrai intellectuel, un normalien qui avait fait ses classes lors des campagnes d’Italie et de France de la Seconde Guerre mondiale, ce qui forge plus sûrement un homme d’exception que l’ENA ou la carrière médiatique de nos raisonneurs en chambre.

 

Un peu d’histoire

C’était l’époque où, avec le général de Gaulle, on avait compris très tôt l’importance de l’énergie pour la prospérité d’une nation, et l’impérieuse nécessité de la rendre le plus possible indépendante des aléas internationaux.

Sous l’impulsion de politiques clairvoyants, une équipe d’ingénieurs et de hauts fonctionnaires talentueux conçut un programme d’envergure, comprenant le nucléaire, mais aussi l’hydraulique pour encaisser la variabilité de la consommation.

L’hydraulique avait d’ailleurs un autre but : la régulation des cours d’eau et l’irrigation. On oublie que c’est à cette époque que ces travaux transformèrent le désert provençal en Eldorado maraîcher.

La suite prévoyait encore plus d’indépendance, avec les surrégénérateurs du programme Phénix.

Mais le projet était plus global encore, puisqu’il prévoyait de développer conjointement production et consommation. EDF développa ainsi le chauffage électrique, mais pas n’importe comment : pour y accéder, il fallait isoler. C’est ainsi qu’une grande partie des constructions des années 1970 sont déjà isolées, peut-être moins que celles respectant les normes actuelles, mais il y avait déjà laine de verre, double vitrage, aération contrôlée… Cela ne vous rappelle rien ? Cinquante ans après, on y retourne : voir les normes nouvelles RE 2022 pour les constructions neuves ! On reste encore pantois devant la cohérence du programme.

Marcel Boiteux faisait partie intégrante de l’action. Il mit au point également la tarification au « coût marginal », brandie maintenant comme un must par l’Union européenne… sauf que les fonctionnaires actuels n’ont rien compris aux travaux de l’économiste. Nous y reviendrons.

EDF et Framatome ont alors construit des réacteurs en série, couplant jusqu’à 8 réacteurs au réseau dans l’année. On avait judicieusement choisi la filière : les réacteurs à eau pressurisée. De bonnes bêtes, peu susceptibles de s’emballer. La suite leur a donné raison : ils sont 300 dans le monde, ils tournent depuis plus de 40 ans avec un seul accident : Three Miles Island, la fusion du cœur n’ayant même pas occasionné la moindre fuite de radioactivité à l’extérieur de la centrale.

Tchernobyl n’a rien à voir : un réacteur sans enceinte de protection, conduit en dépit du bon sens. Et Fukushima était un réacteur en fin de vie, mal entretenu, d’une conception différente, à eau bouillante, moins stable ; et il n’a fait, à ce jour, que quelques victimes, devant les 20 000 morts du tremblement de terre.

L’ensemble des projets français a été intégralement payé par les consommateurs, qui, malgré cela, ont bénéficié d’un prix parfois moitié de celui des pays voisins. EDF a tout emprunté sous son nom.

C’était trop beau, pour les Allemands, inquiets de la compétitivité apportée par le programme, pour les décroissants, qui voyaient se dessiner un avenir prospère.

Il fallait donc absolument dérégler la machine. Certains milieux industriels et financiers ont parfaitement utilisé les écolos comme idiots utiles pour faire du profit en luttant contre l’atome, ou c’est l’inverse, ou les deux… Ce qui explique la robustesse du combat contre le nucléaire.

Entretemps, le profil des politiques et des fonctionnaires avait changé : Sciences Po et l’ENA n’aident pas vraiment à comprendre comment fonctionne un réseau électrique.

Nous ne reviendrons pas sur les circonstances lamentables de la destruction systématique de l’avenir de ce beau projet. Il suffit d’aller consulter les comptes rendus de la Commission Schellenberger, ou de visionner la vidéo de Mme Voynet se vantant d’avoir torpillé le nucléaire au niveau européen, alors qu’en sa qualité de ministre, elle était mandatée pour défendre cette cause. Le point final a été l’arrêt sans aucune justification de la fermeture de Fessenheim : de l’abus de bien social pur et simple.

On se demande d’ailleurs quelles suites seront données à la Commission ayant mis en évidence incompétence, fautes caractérisées, et même, dans le cas de Mme Voynet, ce qui peut s’apparenter à une forfaiture… alors même que de nombreux experts hurlaient leur incompréhension dans le désert.

 

Une tardive prise de conscience

La réalité finit toujours par s’imposer.

L’Allemagne a installé plus de 130 GW d’éoliennes et de panneaux solaires alors que sa consommation maximale avoisine 80 GW. Malgré cela, elle continue d’ouvrir des mines de lignite. Il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas s’en rendre compte. Son plan, à base d’énergie renouvelable et de gaz, a été réduit à néant avec la guerre en Ukraine. Et les prix de l’électricité, stupidement indexés au gaz, sont maintenant liés aux décisions d’émirs moyenâgeux.

L’actuel gouvernement français, un peu plus réaliste que les précédents, a commencé à opérer un virage. Mais c’est du en même temps : nucléaire et énergies renouvelables. On verra que c’est antagoniste. Et il diffère les nécessaires remises en cause de la loi sur l’énergie et sur la Programmation pluriannuelle (PPE). Mais c’est mieux que rien. Deux EPR tournent en Chine, un EPR en Finlande, et on espère Flamanville pour 2024… Le ciel s’éclaircirait-il pour le nucléaire ? Il y a encore beaucoup d’obstacles.

 

La bête bouge encore

Pour les opposants au nucléaire, le combat est existentiel.

La plupart des associations écologistes ont démarré sur cette opposition, en particulier la plus puissante, Greenpeace, et en ont fait leur mythe fondateur. L’Allemagne, elle, est encore imprégnée (on la comprend) d’un pacifisme absolu, et qui dit nucléaire, dit bombe… même si c’est une association douteuse. C’est la raison essentielle de l’opposition de ses dirigeants et de son opinion publique. On verra si la guerre en Ukraine change vraiment la donne.

Ces deux entités disposent encore de moyens nombreux et puissants pour continuer le combat sur plusieurs fronts.

 

Le combat réglementaire

L’Allemagne a tenté de barrer toute possibilité de subventions et d’autorisation du nucléaire via la taxonomie européenne, c’est-à-dire le « classement écologique » d’activités industrielles au droit de la finance. L’Europe est maintenant divisée entre États partisans et opposés, et le combat n’est pas fini. Les partisans ont gagné une bataille, mais pas la guerre.

 

La présentation de fausses solutions par l’Allemagne

Devant le fiasco du gaz russe et les difficultés de l’éolien, l’Allemagne se tourne vers l’hydrogène via le solaire. Celui-ci fait sans doute partie des solutions à la décarbonation, mais très partiellement. Personne n’y croit vraiment : le soleil en Allemagne, bof… et importer du Maghreb, c’est aller de Charybde en Scylla. Un réacteur nucléaire tournant à 90 % de son temps est en plus le meilleur moyen de rentabiliser un électrolyseur.

 

Le combat via le « marché libéralisé » de l’électricité

L’Union européenne a en effet adopté la théorie de Marcel Boiteux pour la fixation des prix, ce qui entraîne une forte indexation au gaz.

Ce n’est pas anormal pour l’Allemagne, mais idiot pour la France, peu dépendante du gaz. En fait, on considère que le marché est unique, ce qui est faux physiquement : les lignes d’interconnexion sont très limitées. Et dans le cas d’un marché hétérogène et volatile, comme l’est actuellement le marché européen, on montre aisément que la théorie de Marcel Boiteux ne s’applique plus. Et pour éviter un combat frontal avec l’Union européenne, la France a inventé un dispositif encore plus inepte : l’ARENH, qui oblige EDF à brader son électricité à des concurrents non producteurs.

Il y a donc en ce moment à la fois un combat intra-européen et intra-français (État, EDF, Industrie) sur les prix du nucléaire futur dont dépendra la rentabilité d’EDF, et son aptitude à emprunter les énormes fonds nécessaires aux programmes à venir. Pour tout comprendre : une excellente série de trois vidéos.

 

Des forces contraires en interne au nucléaire

  • La désindustrialisation française. Nous manquons d’ingénieurs, de soudeurs, nous n’avons plus que Technip comme grand ensemblier en France (et il est réduit à peu de choses), et nous sommes restés longtemps sans expérience de grands chantiers.
  • L’évolution des normes. L’EPR a été conçu en collaboration avec Siemens, qui, devant son opinion, voulait la ceinture et les bretelles. On a ajouté les normes françaises et allemandes dans le même produit, ce qui l’a complexifié ; et Siemens s’est défilé, après avoir semé le chaos. EDF a perdu des compétences, en métallurgie notamment. Certaines normes sont devenues presque impossibles à respecter, entraînant des irrégularités dans l’assurance qualité. L’entreprise a même accepté de soumettre les centrales existantes à de nouvelles normes, ce qui est très pénalisant pour le « grand carénage » qui vise à prolonger leur durée de vie. Cela ne se fait jamais aux USA, par exemple. C’est même vrai pour l’EPR : certaines normes ont évolué depuis sa conception, entraînant de « fausses » anomalies. Il semble bien que par peur de l’opinion publique, l’IRNS, chargée de la sécurité radiologique, entraîne l’ASN, garante de la sécurité technologique, vers des impasses.
  • Une instabilité politique : le gouvernement est encore bien timide dans son revirement. Et une partie de l’alliance de gauche est toujours bec et ongles contre le nucléaire. En outre, l’acharnement à vouloir développer l’éolien et le solaire pénalise doublement le nucléaire : les fonds utilisés seraient mieux chez lui que chez eux, et l’imposition de leur production aléatoire, quel que soit le besoin, fait arithmétiquement monter le coût du kWh nucléaire, qui est majoritairement fixe.
  • L’activisme écologique, qui peut retarder les projets. Aucun gouvernement n’a encore trouvé de remède au zadisme, qui pourrait bien ralentir les projets.

 

Se mobiliser

Ceci montre qu’il faut encore se mobiliser pour être sûrs que nos enfants et petits-enfants bénéficieront toujours d’une électricité abordable. En rejoignant par exemple PNC-France pour continuer le combat.

C’est un combat de société, Aurélien Barrau, militant écologiste et astrophysicien l’avoue lui-même :

« Le pire scénario possible : c’est de trouver une énergie nouvelle propre et infinie, par exemple la fusion nucléaire. »

Pour ceux qui pensent que les sciences dures vaccinent contre la bêtise. pic.twitter.com/i8om3FJK71

— Pulp libéral (@PulpLiberal) September 13, 2023

 

Électricité en hiver : à la merci des nuits sans vent

Luc Rémont, le PDG d’EDF, s’est déjà exprimé pour dresser le bilan de la situation en cette rentrée.

« Nous abordons l’hiver avec beaucoup plus de confiance que l’hiver précédent. »

Certes, il y aura davantage de centrales nucléaires disponibles, mais on sera loin de la totalité des capacités.

 

Arithmétique de nos capacités de production par une nuit sans vent

Ce qui arrive plusieurs fois par an, même en hiver à la pointe de consommation, et en général sur toute l’Europe.

  • Nucléaire…………. 50 GW (d’après EDF même, au mieux)
  • Gaz………………….. 10  GW (on n’a jamais fait plus)
  • Hydro………………. 15 GW (capacité 25 GW, prenons 15 GW, c’est le maxi probable)
  • Bio……………………   2 GW
  • Fioul charbon…….   3 GW (le gouvernement a annoncé qu’il renonçait provisoirement à arrêter définitivement ces centrales)
  • Éolien, solaire…….  0 GW

Total……………………….. 80 GW

 

  • Conso maxi en 2022/2023…   80 GW
  • Conso maxi en 2018/2019….   86 GW
  • Record en 2012………………… 102 GW

 

Alors, faut-il être vraiment confiant ?

 

Discussion

Tout le monde se félicite de ce que les Français auraient appris la « sobriété ». Certes, des prix multipliés par deux, voire cinq, comme chez certains vendeurs obligés de s‘approvisionner sur un marché hors de contrôle, ça fait réfléchir.

La question de savoir si c’est un progrès est un autre débat.

Mais la faiblesse de la consommation s’explique surtout par une baisse de l’activité économique, qui ne se remet pas du covid, de la guerre en Ukraine, et des prix de l’énergie. Le dernier hiver « normal » culminait à 86 GW, ce qui est supérieur à nos capacités de nuit sans vent.

Jusqu’ici, on comptait sur l’Allemagne : son charbon nous a sauvé la mise deux ou trois fois ces dernières années. Mais l’Allemagne vient de mettre à l’arrêt ses dernières centrales nucléaires. Qu’à cela ne tienne : elle viendrait encore au secours de la France ?

Qu’en est-il ?

L’Allemagne a conservé 90 GW de capacités pilotables, et 140 GW de solaire et d’éolien, comptant pour zéro les nuits sans vent (voir le site « energy charts » de Fraunhofer). Avec un fort taux de disponibilité de 90 %, cela nous fait 81 GW de disponible. C’est à peu près sa pointe de consommation de janvier 2019. Depuis, elle culmine plutôt à 75 GW.

L’ensemble des deux pays a donc au mieux une dizaine de GW de marge les nuits sans vent, à condition que l’activité économique reste morose, que l’hiver soit doux, et que les centrales fonctionnent bien. Ce n’est pas beaucoup pour garder une confiance même modérée, d’autant que la Belgique, la Suisse, l’Angleterre en sont au même point, ou pire.

 

Qui va sauver qui ?

« L’Allemagne risque de dépendre de plus en plus de l’électricité nucléaire de ses voisins ».

C’est ce qu’a affirmé Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, dans une interview au quotidien économique allemand Handelsblatt.

Les chiffres montrent plutôt le contraire : l’Allemagne a encore un peu de marge, pas nous. Les autorités allemandes ont d’ailleurs protesté, arguant à juste titre que c’est un calcul économique qui la pousse à importer, pas un manque (et cerise sur le gâteau, qu’elles cachent soigneusement, cela diminue les émissions in situ, lorsque le réseau doit recourir au lignite). Et l’Allemagne a un double discours. Exemple : elle détruit des éoliennes qui gênent l’extension de ses mines de lignite.

 

Et l’avenir ?

On ne voit pas ce qui pourrait changer dans les deux à trois années qui viennent, car la disponibilité des centrales nucléaires va rester modeste, compte tenu du « grand carénage » qui demande des arrêts prolongés.

Certes, on aura l’EPR et 1,6 GW de plus, mais aucun nouvel EPR ne pourra être mis en service avant dix ans, même si tout va bien. L’hydrogène en sera à ses premiers balbutiements. Le biogaz et le bio-fuel resteront marginaux. Et on continuera à installer du solaire et de l’éolien partout en Europe, en pure perte, car cela ne change rien au problème. Cela réduira juste le temps de fonctionnement des moyens de production pilotables, augmentant leurs coûts et dissuadant les investisseurs, alors qu’en réalité, il y aura un manque de ces moyens. C’est lâcher la proie pour l’ombre.

Et même à dix ans, si on retrouve de l’ordre de 60 GW de nucléaire, on ne sera même pas au record de consommation de 2012… Espérons que le réchauffement climatique va se poursuivre avec de doux hivers.

 

Risques de blackout

On voit bien que même à dix ans, il y aura contradiction entre une volonté de ré-industrialisation et d’électrification, et les possibilités du réseau électrique.

Une étude similaire pour les autres pays de la plateforme interconnectée européenne montrerait la même situation. ENTSOE, l’observateur du réseau électrique européen, n’est pas très optimiste lorsqu’il annonce les résultats de ses modélisations.

« Des risques d’équilibrage apparaissent dans toute l’Europe. Des manques de puissance sont identifiés en 2025 en Irlande avec un manque excédant 24 h/an, suivi par Malte avec 22 h/an, ensuite Allemagne, Italie, Espagne, France et Belgique, Danemark et Hongrie de 6 à 11 h/an… Avec les hypothèses d’arrêt et de mise en service de production et d’évolution des interconnexions, le problème des insuffisances tendra à aller des zones périphériques de l’Europe en 2025 vers le centre du continent en 2030. »

Un manque de puissance disponible sur le réseau est scandaleux, mais pas catastrophique si on contrôle les délestages.

Par contre, ces chiffres montrent un risque de situation tendue sur l’ensemble de la plateforme européenne.

C’est dans ces conditions qu’un blackout peut survenir, initié par un incident même mineur. L’historique des blackout montre que c’est souvent la perte d’une ligne d’interconnexion importante qui est une cause, mais ce n’est pas la seule. Le réseau peut alors dégringoler en cascade en quelques minutes. Et sur toute l’Europe, il faudrait de nombreuses heures pour réalimenter le gros du réseau, et plusieurs jours pour rétablir complètement la situation.

Il faudra vivre avec cette épée de Damoclès encore pas mal d’années.

Et cela ne pourra prendre fin que si l’Europe change drastiquement sa politique de production, en privilégiant les investissements de moyens pilotables au détriment des moyens intermittents et aléatoires.

Oppenheimer, une obsession américaine

Par Charles Thorpe.

Le triomphe de Robert J. Oppenheimer a été sa tragédie.

Le scientifique a permis de nombreuses avancées en physique théorique, mais on se souvient de lui comme du père de la bombe atomique. Sous sa direction, les scientifiques du laboratoire de Los Alamos, où la bombe a été conçue et fabriquée, ont changé à jamais la façon dont les gens perçoivent le monde, en y ajoutant un nouveau sentiment de vulnérabilité.

La vie d’Oppenheimer permet de parler à échelle humaine d’un sujet qui serait, sans cet intermédiaire, totalement écrasant. Il n’est pas étonnant que le dernier film de Christopher Nolan, Oppenheimer, raconte l’histoire de Los Alamos à travers ce seul destin – ou qu’Oppenheimer soit au centre de tant d’écrits sur la bombe.

Dans la culture américaine, cependant, la fascination pour l’homme à l’origine de la bombe semble souvent éclipser l’horrible réalité des armes nucléaires elles-mêmes, comme s’il était le verre teinté qui permet aux spectateurs de voir l’explosion en toute sécurité, même s’il obscurcit la lumière aveuglante. L’intérêt intense pour la vie d’Oppenheimer et ses sentiments ambivalents à l’égard de la bombe en ont fait presque un mythe : un « génie torturé » ou un « intellect tragique » que les gens essaient de comprendre parce que la terreur de la bombe elle-même est trop troublante.

Jusqu’à la fin de sa vie, Oppenheimer a justifié les bombardements atomiques par le discours du gouvernement américain : ils ont sauvé des vies en évitant une invasion. Mais il a transmis un sentiment d’angoisse, écrivant son propre rôle tragique, comme je l’affirme dans le livre que je lui ai consacré.

« Les physiciens ont connu le péché », a-t-il remarqué deux ans après les bombardements, « et c’est une connaissance qu’ils ne peuvent pas oublier ».

 

« Frappe mon cœur »

La bombe atomique a changé la signification de l’apocalypse.

Alors que les gens avaient autrefois imaginé le jugement dernier comme un acte de colère de Dieu ou un jugement final, le monde pouvait désormais disparaître en un instant, sans signification sacrée, sans histoire de salut.

Comme l’a dit plus tard le physicien Isidor Isaac Rabi, la bombe « traitait les humains comme de la matière », rien de plus.

Mais Oppenheimer a utilisé un langage religieux pour parler du projet, comme pour souligner le poids de sa signification.

La bombe atomique a été testée pour la première fois au petit matin du 16 juillet 1945, dans le bassin aride du sud du Nouveau-Mexique. Oppenheimer a baptisé cet essai « Trinity », en référence à un sonnet de l’écrivain anglais de la Renaissance John Donne, dont les vers sont célèbres pour leur fusion du sacré et du profane.

« Batter my heart, three person’d God », (« Frappe mon cœur, Dieu trinitaire ») supplie Donne dans le « Sonnet Sacré XIV », demandant à Dieu de « le faire neuf ».

Plus tard dans sa vie, Oppenheimer a déclaré qu’il s’était souvenu des paroles de la Bhagavad-Gita, un texte classique hindou, alors qu’il était témoin de l’explosion du champignon atomique :

« Je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes ».

Ces lignes décrivaient à l’origine le Seigneur Krishna révélant toute sa puissance. Selon le frère d’Oppenheimer, Frank, un physicien qui était avec lui à l’époque, ce qu’ils ont tous deux dit à voix haute était simplement : « Ça a marché. »

Le contraste entre leurs récits illustre la dualité de l’image publique d’Oppenheimer : un expert technique forgeant une arme, et un humaniste féru de poésie accablé par la signification morale de la bombe. En tant que porte-parole et symbole du projet Manhattan, Oppenheimer a parfois semblé encourager l’idée qu’il s’agissait de sa création, et de sa responsabilité personnelles. En fait, la bombe était le produit d’une gigantesque opération scientifique, technique, industrielle et militaire, dans laquelle les scientifiques se sentaient parfois comme les rouages d’une machine. Il n’y a pas vraiment eu de « père » de la bombe atomique.

Cela a inspiré au mathématicien John von Neumann une remarque acerbe :

« Some people profess guilt to claim credit for the sin » (« Certaines personnes clament leur culpabilité pour s’attribuer le mérite du péché »).

 

Décrire l’indescriptible

Quelques semaines seulement après le test, des bombes atomiques ont rasé les villes d’Hiroshima et de Nagasaki, jusque-là très animées. Les 6 et 9 août, ces villes ont soudainement cessé d’exister. Robert J. Lifton, expert en psychologie de la guerre, de la violence et des traumatismes, a qualifié l’expérience des survivants d’Hiroshima de « mort dans la vie », une rencontre avec l’indescriptible.

Comment représenter ce qui est au-delà de la représentation ?

Dans le film, Nolan recrée l’intensité de l’essai Trinity par la couleur et le son, en faisant suivre l’éclair lumineux d’une pause silencieuse, puis du grondement profond de l’explosion et du claquement de l’onde de choc. En ce qui concerne Hiroshima et Nagasaki, il choisit cependant d’évoquer l’attaque sans la montrer.

S’inspirant d’une description contenue dans American Prometheus, la biographie emblématique d’Oppenheimer sur laquelle le film est basé, Nolan montre le discours triomphal d’Oppenheimer devant un public en liesse dans l’auditorium de Los Alamos, annonçant la destruction d’Hiroshima par l’arme qu’ils avaient créée.

Nolan crée un sentiment de dissociation, l’horreur de la bombe entrant en scène par le biais de flashbacks du test Trinity et d’images de corps calcinés d’Hiroshima. Les applaudissements des scientifiques se transforment de manière cauchemardesque en gémissements et en pleurs.

 

La bombe qui mettrait fin à toutes les guerres ?

Après la fin de la guerre, de nombreux scientifiques qui avaient travaillé sur le projet Manhattan ont cherché à souligner que la bombe atomique n’était pas une arme comme les autres. Ils ont affirmé que l’immense danger qu’elle représentait devrait rendre la guerre obsolète.

Parmi eux, Oppenheimer était celui qui avait le plus d’autorité grâce à l’opération de Los Alamos et à ses talents d’orateur. Il a poussé à la maîtrise des armements, jouant un rôle clé dans la rédaction du rapport Acheson-Lilientha de 1946, une proposition radicale qui demandait que l’énergie atomique soit placée sous le contrôle des Nations unies.

Cette proposition, connue sous le nom de plan Baruch, a été rejetée par l’Union soviétique.

Oppenheimer était amèrement déçu, mais les diplomates atomiques américains avaient probablement l’intention de le rejeter – après tout, la marine américaine testait des bombes atomiques au-dessus de l’atoll de Bikini dans le Pacifique. Plutôt que de considérer la bombe comme l’arme qui mettrait fin à toutes les guerres, l’armée américaine semblait la considérer comme son atout.

Le film de Nolan fait référence à la déclaration du physicien britannique Patrick Blackett selon laquelle la destruction d’Hiroshima et de Nagasaki

n’était pas tant le dernier acte militaire de la Seconde Guerre mondiale que la première opération majeure de la guerre diplomatique froide avec la Russie.

Lorsque les Soviétiques ont obtenu leur propre bombe atomique en 1949, Oppenheimer et son groupe de conseillers scientifiques se sont opposés à une proposition visant à ce que les États-Unis réagissent en mettant au point la bombe à hydrogène, mille fois plus puissante que les bombes atomiques larguées sur le Japon.

Son opposition a ouvert la voie à la disgrâce politique d’Oppenheimer. En l’espace de quelques années, les États-Unis et l’Union soviétique ont tous deux testé des bombes à hydrogène. L’ère de la destruction mutuelle assurée, où une attaque nucléaire serait certaine d’anéantir les deux superpuissances, avait commencé. Aujourd’hui, neuf nations possèdent des armes nucléaires – mais 90 % d’entre elles appartiennent toujours aux États-Unis et à la Russie.

Vers la fin de sa vie, Oppenheimer a été interrogé sur la perspective de négociations pour limiter la propagation des armes nucléaires. Il a répondu : « Cela arrive 20 ans trop tard. Cela aurait dû être fait au lendemain de Trinity. »The Conversation

Charles Thorpe, Professor of Sociology, University of California, San Diego

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Nucléaire en France : la force tranquille en marche

Par : Michel Gay

Le 21 août 2023, la durée de vie du réacteur nucléaire n°1 de la centrale du Tricastin dans la Drôme a été officiellement prolongée de dix ans par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Il s’agit du premier réacteur nucléaire qui pourra continuer à fonctionner après 40 années d’activité, d’abord jusqu’à 50 ans, et peut-être jusqu’à 60 ans comme aux États-Unis, voire plus.

 

Un événement majeur

L’événement est majeur pour la France qui mise plus que jamais sur la prolongation de la durée de vie de ses réacteurs nucléaires pour assurer une production massive d’électricité sur le long terme, et aussi pour atteindre ses objectifs climatiques dans le cadre de la transition énergétique.

Toutefois, contrairement à de fausses affirmations diffusées par certains médias, ce n’est pas une autorisation pour poursuivre l’exploitation de ce réacteur « au-delà de sa durée théorique de fonctionnement maximal », car les 40 ans n’ont jamais été une durée théorique de fonctionnement maximal.

Cette prolongation est l’aboutissement du programme « Grand carénage », mené par EDF depuis 2014 et estimé à 66 milliards d’euros, pour rénover le parc des réacteurs nucléaires français et améliorer leur sûreté afin de poursuivre leur exploitation au-delà de 40 ans.

Il y a quelques mois, le gouvernement a lancé des études « permettant de préparer la prolongation de la durée de vie des centrales existantes « à 60 ans et au-delà ».

Un réacteur nucléaire n’a pas d’âge limite !

Cette autorisation constitue certes une première en France, mais pas en Europe. Le réacteur n°1 de la centrale de Beznau en Suisse fêtera ses 54 ans en décembre 2023… et d’autres ont déjà dépassé 40 ans (Beznau 2 fonctionne depuis 50 ans, et la centrale de Gösgen depuis 42 ans).

 

Un examen tous les 10 ans

La législation française prévoit des réexamens périodiques tous les dix ans. Au terme de ceux-ci, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) autorise le réacteur à fonctionner pour dix années supplémentaires, ou non.

Réduire la puissance des centrales nucléaires qui constituent le moyen de production d’électricité le plus « décarboné » (avec l’hydroélectricité) conduit automatiquement à augmenter les émissions de CO2. Il est en effet nécessaire de compenser l’intermittence des sources d’électricité renouvelables du vent et du soleil par des moyens de production « carbonés » (gaz, charbon, fuel, bois).

Le gouvernement semble enfin prendre conscience que la poursuite des orientations énergétiques fondées sur les énergies aléatoires et fatales du vent et du soleil des vingt précédentes années conduit la France droit dans le mur.

 

Un grand chantier industriel 

Le grand chantier du second quinquennat du président de la République est la relance du nucléaire (une « technologie d’avenir ») qui faisait partie de ses arguments de campagne, avant sa réélection en mai 2022. En février 2022 à Belfort, il avait même annoncé un programme nucléaire pour répondre à la fois à la hausse massive de la consommation d’électricité (liée à l’électrification des usages), à la neutralité carbone à horizon 2050, et au maintien d’une électricité à des prix compétitifs afin de ne pas pénaliser les entreprises françaises.

Outre la construction de 14 nouveaux réacteurs (six EPR2 « dès à présent » et potentiellement huit nouveaux exemplaires « dans les années à venir », il avait annoncé la prolongation de « la durée de vie de tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être ».

Les États-Unis, qui ont quasiment les mêmes réacteurs, les ont déjà prorogés jusqu’à 60 ans, et étudient dès à présent des prolongations jusqu’à 80 ans.

 

La loi d’accélération du nouveau nucléaire

Pour mener à bien son ambitieux programme, le gouvernement a présenté un projet de loi dit d’« accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires » afin de commencer les travaux du premier réacteur de nouvelle génération EPR2 à Penly, en Normandie, dès juin 2024 pour une mise en service à l’horizon 2035.

L’Élysée suit au plus près cette relance du nucléaire.

Emmanuel Macron convoque dorénavant régulièrement un « conseil de politique nucléaire », chargé de veiller à tenir le cap et la cadence de la relance accélérée de la filière, ainsi que la prolongation de la durée de vie des centrales existantes à 60 ans.

Début mai 2023, députés et sénateurs sont parvenus à un accord en commission mixte paritaire sur le projet de loi d’accélération du nucléaire et les sénateurs ont levé l’objectif de réduction du nucléaire à 50 % dans le mix électrique à 2035.

 

En Europe aussi, l’atome fait son grand retour

La guerre en Ukraine et ses conséquences, notamment sur l’approvisionnement en gaz, ont relancé, partout en Europe, l’intérêt pour l’énergie nucléaire.

À l’initiative de la France, quatorze pays européens ont même créé une « alliance du nucléaire » afin de faire entendre la voix de ceux favorables à cette énergie au sein des 27, et de peser sur les décisions européennes parfois délirantes en matière de politique énergétique.

Les Pays-Bas et la Suède ont annoncé de nouveaux projets de construction de centrales nucléaires, marquant ainsi un profond revirement de leur politique énergétique. La Hongrie a également ouvert la porte aux industriels français du nucléaire, tandis que le Royaume-Uni a confirmé son intention d’investir aux côtés d’EDF dans un projet de centrale à Sizewell (Suffolk).

La force tranquille du nucléaire est en marche après 20 années de procrastination et de politique énergétique aberrante.

La phase suivante sera de décider le lancement du nucléaire durable fondé sur les surgénérateurs utilisant 100 fois mieux l’uranium naturel (presque 100 % au lieu de 0,7 % actuellement). Le nucléaire deviendrait ainsi une source d’énergie propre pendant plusieurs milliers d’années.

C’est une nécessité vitale et morale pour les futures générations.

 

L’Allemagne a tué la France et l’Europe a tué l’Allemagne

Par : h16

Sur le papier, et il y a cinquante ans de cela, l’Union européenne semblait une excellente idée. Avec les dernières décennies et, notamment, les cinq dernières années, l’idée a rapidement viré au cauchemar et tout s’y déroule comme si la construction européenne avait été conçue pour ruiner la France puis, maintenant, l’Allemagne.

Pour tous les thuriféraires de la superstructure étatique européenne, il ne fait pas de doute que le réveil sera d’autant plus long qu’il sera brutal et douloureux. Pour les autres, le doute n’a déjà plus sa place, surtout que ces derniers mois, des informations dont seuls les initiés disposaient jusqu’alors commencent à fuiter abondamment.

C’est ainsi qu’on a récemment appris (ou disons, redécouvert) que Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement sous le gouvernement Jospin entre 1997 et 2001, aurait consciencieusement fusillé le nucléaire français, en s’assurant que ce dernier ne serait pas épargné par les malus taxatoires qui touchent le pétrole, le charbon et le gaz.

On pourrait charitablement (ou niaisement) croire que l’action de Voynet contre la filière nucléaire française n’était que le fait d’une erreur de personne ou d’une mauvaise compréhension des enjeux. Il n’en est rien : en réalité, il ne s’agit pas d’une erreur tactique, stratégique ou idéologique, mais cela s’inscrit bel et bien dans un projet de longue haleine visant à affaiblir la France depuis la fin des années 1990.

Ce projet, essentiellement piloté par les Allemands, a consisté à tout faire pour détruire le potentiel industriel de la France en utilisant différents lobbies, puis, depuis 2015, l’agenda 2030, et très notamment son volet écologique pour s’assurer de l’arrêt et du démantèlement de la filière nucléaire française.

Le but pour les Allemands était d’amoindrir, puis d’annuler l’avantage compétitif des Français en matière d’énergie électrique. Le lobbying constant d’associations plus ou moins écologistes, systématiquement en défaveur du nucléaire bien avant les autres énergies (et surtout pas le gaz – le géant du gaz russe, Gazprom, arrosant régulièrement les écolos allemands), l’infiltration de lobbyistes allemands au plus haut niveau des institutions françaises, la mise en place d’un marché de l’électricité fortement défavorable aux opérateurs français, l’imposition de prix de l’électricité fixés arbitrairement pour favoriser les énergies alternatives intermittentes et non-pilotables et divertir une masse considérable d’argent public dans les poches de promoteurs privés amis des politiciens bien placés, tout aura aidé ces dernières années pour garantir des difficultés grandissantes au nucléaire français.

Pour @FabienBougle, expert en politique énergétique, Berlin veut «affaiblir le nucléaire français» pour favoriser son choix des énergies fossiles dans la production d’électricité. Et cela passe par le financement de lobbies sur le sol français. pic.twitter.com/UO5AXXcgix

— Le Figaro (@Le_Figaro) July 21, 2023

 

Et de façon claire, les industriels français ont progressivement perdu l’avantage énergétique à rester en France : une fois les prix de l’électricité de plus en plus proches de ceux d’outre-Rhin, il n’est pas plus intéressant d’être en France qu’en Allemagne, d’autant qu’on y trouve plus facilement une main-d’œuvre mieux formée, et nettement moins de pénibleries paperassières administratives.

Malheureusement, si l’objectif semble rempli pour les Allemands, la survenue du conflit russo-ukrainien a profondément modifié la donne, d’autant qu’il s’est doublé de choix géopolitiques de plus en plus hasardeux des institutions européennes : poussée par un exécutif américain ravi de voir l’Europe se tirer une balle dans le pied, les sanctions économiques, puis le sabotage de NordStream auront durablement modifié la donne énergétique allemande dont l’industrie se retrouve à présent dans une situation tendue.

Sans surprise, le moteur industriel européen, essentiellement allemand, commence à caler : dans un récent article de Politico, on apprend par exemple que la capacité de l’Allemagne à attirer les investissements des entreprises a subi une baisse alarmante l’année dernière, lorsque plus de 135 milliards de dollars d’investissements directs étrangers en sont sortis, et que seulement 10,5 milliards d’euros y ont été enregistrés. Comme les coûts de l’énergie ont explosé, les industries chimique et métallurgique grosses consommatrices d’énergie et piliers de l’économie allemande, ont donc choisi de déplacer leurs usines à l’étranger.

Le bilan n’est pas réellement réjouissant, et on comprend que si la situation devait durer, l’économie allemande pourrait se prendre une gamelle mémorable. Ce qui pourrait n’avoir été qu’un petit mauvais moment à passer, une récession purement technique, est en passe de se transformer en renversement fondamental de situation économique qui pourrait fort bien emporter toute l’Europe avec elle.

Cette désindustrialisation allemande, que l’Italie ou la France sont incapables de compenser (les deux pays pataugeant actuellement dans leurs propres problèmes économiques de plus en plus graves), entraîne des phénomènes nouveaux outre-Rhin, avec par exemple le début d’un exode des travailleurs allemands à l’étranger.

Du point de vue de la construction européenne, cela ressemble de plus en plus à un échec cuisant. En revanche, du point de vue des Américains, cela affirme une tendance déjà en place depuis le tournant du siècle : entre la guerre en Ukraine et les actuelles difficultés économiques majeures du Vieux Continent, l’Europe divisée est une réalité rentable pour les États-Unis dont le niveau de vie a continué à augmenter ces vingt dernières années, au contraire du niveau de vie européen qui a, lui, globalement stagné (au mieux), voire baissé (dans certains pays, notamment en Italie).

À tel point que, comme le soulignait déjà un article de 2019 de FEE et qui n’est pas démenti à ce jour, les 20 % les plus pauvres des Américains sont en moyenne plus riches que la plupart des nations européennes. Les pauvres vivant aux États-Unis ont ainsi accès à davantage de ressources matérielles que la moyenne de la plupart des pays les plus riches du monde…

Le bilan des dernières années est sans appel : à force de lobbying, jouant sur la naïveté française qui croyait en être restée à une entente franco-allemande quelque peu romancée, l’Allemagne a durablement fusillé l’industrie française. Et au moment où elle allait enfin assurer sa suprématie sur tout le continent, la guerre en Ukraine et les décisions européennes qui furent prises à la suite ont fusillé l’industrie allemande.

Bravo : à présent, l’Europe est foutue.

Sur le web

Électricité : les Français paient le prix d’une politique énergétique aberrante

Par : Michel Gay

Après une hausse de 15 % en février 2023, le prix de l’électricité augmente de 10 % au 1er août 2023.

En 2023, le tarif réglementé de vente, et toutes les offres qui y sont indexées, auront donc augmenté non pas de 25 %, mais de 26,5 % ! Et ce n’est pas fini !

Cette hausse est due principalement à l’incompétence de nos responsables politiques qui ont mené une politique énergétique insensée fondée sur les énergies renouvelables, et qui ont tergiversé pendant vingt années sur le nucléaire. Ils ont même mis à l’arrêt deux réacteurs nucléaires en parfait état de fonctionnement, à Fessenheim en 2020.

Et l’alibi du conflit en Ukraine se révèle bien pratique.

 

Jusqu’où la facture ne montera-t-elle pas ?

Par idéologie et intérêts financiers favorables surtout à l’Allemagne, depuis plus de 20 ans, la Commission européenne impose à la France une politique énergétique allemande suicidaire fondée sur des énergies renouvelables éoliennes et solaires. En acceptant passivement cette politique par incompétence de ses responsables politiques, la France se tire une balle dans le pied.

La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher se débat depuis des mois pour contrer les menées de la Commission européenne, téléguidée par l’Allemagne, visant à détruire la production française d’électricité nucléaire.

Après les importantes hausses successives de ces dernières années qui ont conduit à doubler le prix de l’électricité en dix ans (sans le bouclier tarifaire payé par les contribuables), le gouvernement augmente à nouveau le prix de l’électricité de 10 % le 1er août 2023, et décide aussi la fin progressive du bouclier tarifaire en 2024.

Les Français avaient pourtant compris qu’il n’y aurait pas d’augmentation du prix de l’électricité en 2023 suite à la déclaration alambiquée du ministre de l’Économie le 30 mai 2022 qui avait dit sans le dire que les consommateurs ne verraient aucun rattrapage sur leur facture en 2023… Le site du gouvernement indiquait même le 14 septembre 2022 que la hausse de l’électricité et du gaz serait limitée à 15 % en 2023  !

Il avait annoncé que l’objectif du gouvernement était de « contenir » la hausse des prix de l’énergie nécessaire pour compenser les pertes enregistrées… par les fournisseurs d’électricité en raison des limitations du prix de l’énergie décidées par l’exécutif.

Bruno Le Maire avait annoncé au printemps 2023 que le bouclier tarifaire serait maintenu jusqu’en 2025, mais qu’il serait réduit par étapes. La réduction de la part payée par l’État aboutit à cette hausse de 10 %.

En niant les réalités, en cédant aux émotions momentanées, et en s’attaquant aux effets plutôt qu’aux causes, le gouvernement persiste dans son erreur par incompréhension du système de production d’électricité, et par idéologie mortifère du marché de l’électricité qui ne fonctionne pas. Même les plus hautes autorités de l’État le reconnaissent !

Le bouclier tarifaire, valable uniquement pour les particuliers, contribue à un endettement supplémentaire de l’État de plusieurs milliards d’euros, et masque des prix délirants pour les entreprises. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) propose une augmentation de 75 % de la facture d’électricité !

Vouloir amoindrir les effets sans s’attaquer aux causes ne fait qu’alourdir à long terme le poids de la dette et la charge financière, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises dont les factures d’électricité ont triplé.

 

Quelles solutions ?

Le marché européen de l’électricité actuel est une construction technocratique artificielle établie par l’Allemagne sur le modèle de son « energiewende » créant des « fournisseurs-spéculateurs », qui ne produisent rien, ne transportent rien, et ne distribuent rien. Il fallait satisfaire l’idéologie européenne d’un « marché » censé mieux protéger le consommateur et qui, au final, enrichit des traders.

Les productions intermittentes éoliennes et solaires d’électricité « gratuites » sont largement subventionnées pour assurer une rentabilité. Leur intermittence nécessite en parallèle un autre parc de production stable, essentiellement au gaz importé dont le prix sert de référence pour assurer l’équilibre du marché.

Et c’est ainsi que le prix de vente de l’électricité pour le consommateur, particulier ou entreprise, a atteint des sommets sans rapport avec le coût de production français reposant essentiellement sur le nucléaire et l’hydroélectricité à bas coût.

L’accélération idéologique des installations des énergies éoliennes et solaires a conduit à une augmentation des prix incomprise par les consommateurs, et même par les décideurs politiques.

La volonté de ne plus s’approvisionner en Russie (gaz, pétrole) a accéléré le dérèglement des marchés de l‘énergie observable depuis quelques années. La solution consiste à sortir du marché artificiel pour revenir à des prix reflétant les coûts réels, lesquels sont bas en France, parmi les meilleurs d’Europe, grâce aux infrastructures nucléaires et hydrauliques pour l’électricité.

Et ce serait légal, car il existe des possibilités d’en sortir en cas de problème… et il y a un problème !

Au lieu de cela, la France s’est inscrite dans une discussion sans fin avec ses partenaires européens, en particulier allemands, qui ont des intérêts opposés aux nôtres car les politiques énergétiques respectives des deux pays ont divergé depuis plus de vingt ans.

Il n’y a donc pas de compromis possible ou envisageable ! C’est ce qui a conduit l’Espagne et le Portugal à s’extraire de ce marché artificiel. Si eux l’ont fait, pourquoi pas la France ?

La politique du bouclier représente donc une subvention donnée aux spéculateurs de l’électricité, alors qu’il est possible de revenir au faible coût réel de production-transport-distribution en France.

 

Sortir du marché européen ?

Tant que les responsables politiques refuseront de sortir du marché européen de l’électricité, tous les Français consommateurs et contribuables seront perdants puisqu’ils ont investi judicieusement depuis 40 ans dans des infrastructures nucléaires et hydrauliques rentables qui ne leur profitent plus à cause de mesures technocratiques européennes incompréhensibles.

Or, conformément à la loi votée par le Parlement il y a plus de dix ans, la situation exceptionnelle qui avait été envisagée est arrivée. La France peut donc se retirer du marché de l’électricité.

Cette action simple n’entre pas en contradiction avec les traités européens, car il n’y a pas de politique de l’énergie européenne !

L’Allemagne et d’autres pays peuvent avoir une autre politique, mais la Commission européenne ne doit pas imposer de mener une politique allemande suicidaire pour un autre pays.

En France, une base nucléaire et hydraulique peut fournir 85 % au moins des besoins électriques, et pour moitié moins cher que chez nos voisins.

Qu’attendent nos décideurs politiques pour décider et agir ?

 

D’importantes futures hausses des prix inévitables

Pendant les palabres européennes, les entreprises, qui alimentent la prospérité de la France s’effondrent, car, ne bénéficiant pas du bouclier, elles ne peuvent plus payer leurs factures d’électricité. Cette politique du déni de réalité est mortifère.

De plus, le sentiment général de subir toujours plus de contraintes, d’augmentations, et d’injonctions contradictoires autour de « l’industrie verte » à cause de l’impéritie du gouvernement ne va pas redonner le moral aux Français !

La France a besoin de la puissance publique pour retrouver rapidement sa compétitivité, reposant sur une électricité abondante, bon marché et souveraine, et non d’un marché européen artificiel de l’électricité créé de toutes pièces par un mix d’incompétents et de profiteurs.

La guerre secrète menée par l’Allemagne contre le nucléaire Français

Par : Michel Gay

L’Allemagne trahit les principes européens d’entraide, notamment en finançant des fondations pour saboter méthodiquement l’industrie nucléaire en France.

 

L’Allemagne veut affaiblir la France

L’Allemagne veut affaiblir l’industrie française qui lui fait concurrence, notamment grâce à la production d’électricité nucléaire bon marché d’EDF.

Le gaz fossile représente toujours 27 % de la consommation d’énergie allemande en 2021, dont la moitié (55 %) de l’approvisionnement provenait de Russie. Et l’Allemagne continue à investir massivement dans les centrales électriques au gaz, et à développer ses capacités d’importation de méthane.

Elle exploite la transition énergétique comme un outil politique, industriel et commercial. Elle souhaite toujours devenir le hub gazier indispensable de l’Europe, et renforcer ainsi son rôle de poumon économique de l’Union européenne.

Lors de l’extraordinaire et édifiante audition de l’ancien PDG d’EDF Henri Proglio le 13 décembre 2022 à la Commission parlementaire sur la souveraineté énergétique (à écouter ou à réécouter pendant deux heures…), celui-ci a même déclaré (3 h 24 après le début d’autres auditions) :

« Comment voulez-vous que l’Allemagne qui a bâti sa richesse, son efficacité, sa crédibilité sur son industrie, accepte que la France dispose d’un outil aussi compétitif qu’EDF à sa porte ? Depuis 30 ans, l’obsession allemande est la désintégration d’EDF ».

C’est ce que dévoile magistralement l’École de Guerre Économique (EGE) qui a publié en juin 2023 un rapport, « Ingérence des fondations politiques allemandes et sabotage de la filière nucléaire française », pour alerter les autorités françaises sur la manière dont l’Allemagne sabote consciencieusement le nucléaire en France avec l’aide d’agents français et allemands.

L’Allemagne procède via des fondations financées à coups de centaines de millions d’euros par l’État allemand, dont 73 millions uniquement pour la fondation Heinrich-Böll affiliée aux partis écologistes et chargée, parmi d’autres activités, de diffuser en France des rapports antinucléaires.

Ce nouveau rapport, qui fait suite à celui de mai 2021, « J’Attaque ! Comment l’Allemagne tente d’affaiblir durablement la France sur la question de l’énergie », souligne les conséquences néfastes de ces fondations politiques gérées par des écologistes et des militants d’extrême gauche sur la filière française du nucléaire.

Ce rapport de l’EGE s’appuie également sur le rapport d’investigation « Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du secteur nucléaire français ? » publié en avril 2023 par le Comité d’Intelligence Stratégique pour la Souveraineté (CI2S).

 

Des agents de sabotage

L’Union européenne est naturellement le théâtre de nombreux antagonismes.

Toutefois, celui sur l’énergie entre la France et l’Allemagne atteint des sommets, car l’Allemagne interfère de manière insidieuse dans les affaires politiques et économiques de ses partenaires étrangers, notamment de la France, par l’intermédiaire « d’agents d’influences » inféodés à Berlin au sein de « fondations ».

Ces dernières, directement affiliées aux partis politiques allemands, propagent une idéologie antinucléaire et façonnent des élites socio-politiques pour la défense… des intérêts économiques allemands !

Par le biais de diffusions de contenus orientés et par l’organisation de rencontres, le but de ces fondations soutenues par l’Allemagne est d’infléchir la politique énergétique européenne en faveur des intérêts… de l’Allemagne, empêtrée dans le désastre de son « energiewende » et de ses énergies renouvelables.

L’intérêt de l’Allemagne n’est pas de lutter contre le réchauffement climatique, mais de défendre le gaz fossile comme « énergie de transition » (une transition sans doute durable…), et de refuser le qualificatif « vert » à l’hydrogène produit à partir d’électricité nucléaire.

Dans cette optique, l’Allemagne manœuvre pour affaiblir l’industrie nucléaire en France (et donc l’économie française en général) par le verrouillage des institutions européennes afin d’assurer son hégémonie au niveau européen.

Ce manège détestable dure depuis plus de 20 ans, mais il n’y a pas pire sourd et aveugle que celui qui ne veut pas voir ni entendre !

L’Allemagne verrouille également les postes clés de l’Union européenne : la présidence de la Commission européenne (depuis 2004), la présidence du Parlement européen (depuis 2007). Elle mène également une intense activité de lobbying au Conseil européen.

 

Heinrich Böll et Rosa Luxemburg

Au moyen d’opérations d’influence antinucléaire sur le territoire français, les fondations politiques Heinrich Böll et Rosa Luxemburg œuvrent directement au ralentissement du développement de l’atome en France.

La plupart de leurs financements proviennent directement du gouvernement allemand qui soutient leurs objectifs. Il est même aussi le commanditaire de certaines actions. Ces fondations, composées pour partie d’activistes antinucléaires, constituent de redoutables instruments et de précieux leviers au service de la politique étrangère allemande : accès à certaines catégories de populations pour alimenter leurs craintes, défense de leurs intérêts économiques, et renseignement.

Ces fondations travestissent leurs manœuvres nuisibles à la France en les habillant de valeurs d’humanisme pour les légitimer. En réalité, elles s’inscrivent dans une politique d’accroissement de puissance de l’Allemagne.

Conformément à l’aversion dogmatique allemande pour le nucléaire, les ayatollahs du vent et du soleil d’outre-Rhin mènent une lutte messianique contre l’électricité nucléaire bon marché pour miner la compétitivité économique française.

Malgré les récentes rebuffades au sein de l’Union européenne de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, la France semble encore bien passive et naïve devant ces attaques.

 

MIVILUDEFOPOL

Face à ce constat, l’EGE propose la mise en place d’une Mission Interministérielle de VIgilance et de LUtte contre les DErives des FOndations POLitiques (MIVILUDEFOPOL), sur le modèle de la MIVILUDES relative au sectarisme.

En plus de coordonner l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre des dérives des fondations politiques, elle aurait également vocation à sensibiliser le grand public et à limiter l’impact des actions conduites par ces entités.

 

Depuis au moins 20 ans que durent ces actions délétères pour la France et l’Europe, il serait temps que les responsables français ouvrent enfin les yeux sur le fantasme romantique du « couple » franco-allemand dont l’expression n’existe pas en Allemagne. Les Allemands disent le « tandem » : la France pédale derrière tandis que l’Allemagne tient le guidon et tente de lui enlever la selle

Nucléaire, éolien : quelle évolution du discours médiatique en France ?

Par Carine Sebi et Frédéric Bally.

 

Le discours médiatique est non seulement un reflet, mais aussi un producteur d’opinions. Ayant un contact direct avec les décideurs politiques, la presse sélectionne et échantillonne à partir d’une gamme d’informations et de sources possibles.

Par là, elle joue un rôle clé dans l’amplification sociale des risques ou des bénéfices ; les débats autour de la place du nucléaire et des énergies renouvelables dans le mix énergétique ne fait pas exception en la matière. Dans ce contexte, nous nous sommes intéressés, dans le cadre des travaux de la Chaire Energy for Society de Grenoble École de Management, aux discours émergents dans la presse française sur l’énergie nucléaire et éolienne, et leur évolution dans le temps.

Nous avons pour cela analysé plus de 34 000 articles de presse nationale (de journaux comme Le Monde, Le Figaro, Les Échos ou Libération, à la fois les plus vendus et représentatifs d’une diversité de bords politiques) publiés entre 2005 (quand l’énergie éolienne commence à être déployée en France) et 2022. Ce travail a été articulé en deux temps : une analyse textuelle algorithmique pour faire émerger les grandes classes de mots par période ; et une analyse qualitative au travers des citations d’articles les plus représentatives par classe pour mieux comprendre leur contexte de production, et donc l’image de ces infrastructures.

Nombre d’articles mentionnant au moins deux fois le terme nucléaire ou éolien faisant l’objet de notre analyse. En termes de volume, si le nombre d’articles de presse mentionnant (au moins deux fois) l’éolien ne représente en moyenne que 10 % des volumes d’article sur le nucléaire, celui-ci a été multiplié par 3,5 fois entre la période 1 et la période 3, contre 1,6 fois pour le nucléaire. 

Jusqu’en 2010, la sûreté du nucléaire en question

De 2005 à 2010, de nombreux articles évoquent la « sûreté du nucléaire » à travers des mouvements de contestation portés par les manifestations d’opposants tels que « Sortir du nucléaire », pour dénoncer les risques encourus par l’utilisation de l’énergie nucléaire, faisant référence à la catastrophe de Tchernobyl ou à la gestion des déchets radioactifs avec le projet d’enfouissement à Bure.

Évolution des classes de mots émergentes sur le corpus de presse nucléaire de 2005 à 2022. Celles relatives à la géopolitique ont ici été retirées pour simplifier la lecture. Le pourcentage associé à chaque classe correspond au poids des mots associés et utilisés dans les articles de la période concernée. Pour plus de détails voir exemple de mots associés à la classe « mix énergétique » dans les nuages de mots de la figure 3. 

« Le 25 janvier 2010, des militants de Greenpeace bloquaient ainsi par trois fois dans la Manche un convoi d’uranium en provenance de Pierrelatte. Seize personnes avaient été interpellées à l’issue de l’opération. » (Le Monde, 17 février 2010)

En 2011 avec l’accident de Fukushima-Daishi au Japon, cette question de la sûreté s’intensifie dans la presse et s’invite dans le débat politique en vue des présidentielles de 2012. Si la transparence au sujet de la gestion des centrales et des incidents locaux est accrue, la production électronucléaire n’est pas remise en cause.

« François Hollande, qui jugeait au printemps qu’un candidat socialiste ne peut prétendre sortir du nucléaire, s’engage à réduire de 75 % à 50 % la production d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2025. » (Le Monde,15 septembre 2011)

 

Malgré les doutes, une relance franche du nucléaire

Les critiques émises quant à la construction de l’EPR de Flamanville qui accuse des retards et une hausse significative de son coût prennent de l’ampleur sur la dernière période 2017-2022.

« Un nouveau retard pour l’EPR de Flamanville et 400 millions d’euros de coût supplémentaire. EDF annonce ce mercredi de nouveaux retards et surcoûts pour le réacteur nucléaire EPR à la suite des problèmes de soudures rencontrés sur le chantier. » (Libération, 19 décembre 2022)

Le sujet du nucléaire prend une place de plus en plus importante dans l’« agenda politique » sur la dernière période, marquée par deux élections présidentielles. Si Emmanuel Macron fraîchement élu promet d’exécuter la promesse d’Hollande de fermer Fessenheim, son deuxième mandat débute par une crise énergétique qui l’aide à justifier son choix d’une relance franche du nucléaire.

« Pour faire face à la crise, il nous faudra une électricité puissante, pilotable, disponible à la demande et seul le nucléaire peut apporter ces solutions. » (Le Figaro, 22 septembre 2022)

Dans le même temps, on note la disparition de la classe « sûreté nucléaire », quand bien même la période se termine avec la crainte d’une catastrophe nucléaire de la centrale de Zaporijia depuis le début de la guerre en Ukraine.

 

L’émergence médiatique du renouvelable

Intéressons-nous maintenant à l’éolien.

Du fait de la forte dépendance aux énergies fossiles et d’un mix électrique déjà décarboné (en très grande partie grâce au nucléaire), la part des renouvelables (hors hydraulique) est faible en France jusqu’en 2010 (1,1 % de la production primaire d’énergie éolienne en France en 2008).

Évolution des classes de mots émergentes sur le corpus de presse éolien, de 2005 à 2022.

Les rares articles sur le sujet dans la presse nationale (environ 100 par an contre 1500 par an pour le nucléaire dans les mêmes journaux sur la période 2005-2010) mettent surtout en avant « le retard français » en matière de développement des renouvelables, dont l’éolien.

« La France reste loin derrière l’Allemagne en termes de puissance installée en éolien. » (Les Échos, 2 juillet 2008)

Ce retard français perd de l’importance entre 2011 et 2016 puis disparaît, malgré l’annonce d’une amende pour la France de 500 millions d’euros en novembre 2022, causée justement par son retard dans le développement des énergies renouvelables par rapport aux objectifs de la Commission européenne.

 

Croissance des contestations sur l’éolien

Notons, par comparaison avec le nucléaire, l’apparition d’une classe « contestations locales », qui prend de l’ampleur à mesure que les projets éoliens se développent dans le temps.

Dès 2005, l’éolien est contesté à la fois par les riverains et les professionnels (pêche, notamment offshore) qui dénoncent le développement anarchique de projets.

Entre 2011 et 2016, les contestations s’intensifient et s’étendent aux élus, l’éolien devient un objet de crispation dans les instances de consultation et de concertation locales.

« Tout un symbole : le projet de construction de ce qui pourrait être le premier parc éolien en mer de France divise élus, associations, riverains, pêcheurs. » (Libération, 7 mai 2011)

L’objet des résistances n’évolue pas sur la période suivante : impacts négatifs sur les paysages et la biodiversité, nuisances sonores et faible productivité. La sensibilité du public s’est accrue, poussée par quelques contestations emblématiques comme celle lancée en 2020 par Stéphane Bern contre l’éolien.

« La France ne peut se permettre, en plus, une politique éolienne meurtrière pour nos paysages et nos pêcheurs, inutile pour la défense du climat et bientôt insupportable pour les finances des particuliers comme pour celles de l’État. » (Le Figaro, 6 mai 2020, tribune de S. Bern)

Les contestations sont alimentées par des recours juridiques – soit par des associations, soit par des élus – contre des projets en cours de construction ou déjà réalisés et des demandes d’annulation de permis de construire.

 

Éolien vs nucléaire : polarisation du débat

Nuage de mots de la classe « mix énergétique » sur la période 2017-20022 corpus nucléaire (à gauche) et éolien (à droite). À noter que les mots renouvelable ou éolien apparaissent dans le corpus nucléaire de gauche (et inversement nucléaire pour le corpus éolien de droite) étant donné que le mix énergétique contient ces deux énergies et qu’ils sont souvent associés. 

L’analyse du corpus de texte associé aux deux énergies révèle l’apparition d’une classe majeure et récurrente au cours du temps (qui s’intensifie dans le cas de l’éolien) : celle du « mix énergétique ». Les deux énergies, décarbonées, contribuent au même titre à la transition énergétique et l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050.

« Il s’agit de compenser rapidement le déclin de la production de pétrole et de gaz de la mer du Nord pour atteindre les objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 qui passe par le développement du nucléaire et des énergies renouvelables éolien et solaire. » (Le Monde, 25 septembre 2008)

Les annonces gouvernementales à partir de 2011 remettent en question l’importance du nucléaire et de nombreux articles présentent l’éolien comme un élément essentiel de la transition énergétique souhaitée par l’État français et l’Europe.

 

Retour en grâce du nucléaire

Le point de bascule survient après 2017 avec le retour en grâce du nucléaire : si l’éolien est toujours vu comme nécessaire, ses faiblesses – qui sont celles des renouvelables en général (intermittence, faible productivité, impact sur le paysage) – sont de plus en plus récurrentes. Ces difficultés sont souvent mises en perspective avec l’Allemagne qui a déployé massivement les renouvelables en diminuant progressivement le nucléaire, mais augmenté ses consommations de gaz naturel et de charbon pour pallier les manques.

« D’autant que l’Allemagne, où les énergies renouvelables progressent, ne pourra pas remplir son objectif de réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990 en raison de sa forte consommation de charbon. » (Le Monde, 16 novembre 2017)

Le nucléaire tend, lui, à s’imposer comme la solution privilégiée, avec toujours en toile de fond la comparaison et la critique implicite de l’éolien ou des ENR. Il est promu comme une énergie complétant l’intermittence des énergies renouvelables.

« Autant les pro-gaz que les pro-nucléaire s’entendent pour faire valoir que les énergies renouvelables éolien et solaire déjà labellisées par la commission souffrent de production intermittente et ne permettront pas dans les prochaines années de fournir une électricité à bas prix et dont on peut maîtriser la production : nous devrons donc avoir recours au nucléaire. » (Le Figaro, 1 janvier 2022)

 

Discours sur le nucléaire : une exception française ?

De nombreux scénarios prospectifs démontrent qu’avec ou sans énergie nucléaire, il est nécessaire d’augmenter en France nos capacités de production d’énergie renouvelable. À ce titre, la décentralisation de la production d’énergie renouvelable conduit à la multiplication des projets d’aménagement et donc à l’augmentation mécanique des points de friction avec la société civile – dont la sensibilité s’est accrue ces dernières années.

Le « permis social d’opération » est devenu aujourd’hui une question centrale dans l’élaboration de la stratégie des opérateurs d’infrastructures énergétiques renouvelables comme l’éolien. D’après notre analyse, l’opposition à ce dernier s’intensifie et se structure, à l’inverse du nucléaire qui bénéficie dans le même temps d’un regain d’intérêt (outre les références à l’EPR).

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L’analyse des articles de presse sur ces 17 dernières années reflète l’attachement historique du pays au nucléaire. La stratégie énergétique annoncée dernièrement par le président l’inscrit dans le long terme.

Le nucléaire a su maintenir en France une place dominante dans le débat énergétique malgré des stigmates forts (déchets, retards de l’EPR ou accident de Fukushima). Un phénomène qui relate la prépondérance persistante (dans les médias) des certitudes et du discours technique des « nucléocrates ».

 

 

Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM) et Frédéric Bally, Post-doctorant, Grenoble École de Management (GEM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

Un premier pas pour la reconnaissance du nucléaire en UE

Par : Michel Gay

L’UE reconnait enfin pour la première fois le rôle majeur du nucléaire dans la décarbonation de l’économie européenne.

 

Un accord « historique »

Victoire de l’Alliance du nucléaire dans la directive énergie renouvelable (RED) de la Commission européenne : les ambassadeurs des 27 pays de l’Union européenne (UE) ont signé vendredi 16 juin 2023 un texte crucial portant sur les objectifs 2030 pour l’Europe en matière d’énergie qui reconnaît, pour la première fois, le rôle du nucléaire dans le combat pour la décarbonation de l’économie.

Dans une communication officielle sibylline (le nucléaire n’est pas explicitement cité…) :

« La Commission reconnaît que d’autres sources d’énergie sans fossile que les énergies renouvelables contribuent à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 pour les États membres qui décident de s’appuyer sur ces sources d’énergie ».

Un accord « historique » selon le cabinet du ministère de l’Énergie puisque, jusque-là, le nucléaire, qui est une source bas-carbone, n’était pas pris en compte.

Les objectifs européens doivent donc s’adapter à la situation des mix énergétiques nationaux, comme celui de la France dont 90 % de l’électricité sont déjà décarbonés. Une condition impérative pour Paris qui avait menacé de bloquer ce texte.

Une révolution conceptuelle de la Commission ! La France pourra ainsi produire de l’hydrogène « vert » avec de l’électricité décarbonée issue du nucléaire. Des délais ont aussi été obtenus pour la transformation du gris au vert des usines d’ammoniac, élément de base de la fabrication des engrais qui jouent un rôle clé pour notre souveraineté alimentaire.

 

La messe est dite ?

Toutefois, la messe n’est pas encore dite totalement.

Il reste encore le passage devant le Parlement européen, avant la signature enfin par les États membres. Le chemin européen est long et laborieux, mais il fixe un cap pour le long terme qui donne une visibilité au monde économique.

Il est cependant possible que cette victoire soit de courte durée alors que l’Europe s’attaque au sujet sensible de la réforme des marchés de l’électricité. L’enjeu des négociations est de découpler les prix de l’électricité et du gaz, car c’est aujourd’hui la dernière centrale au gaz mise en route pour assurer l’équilibre qui fixe le prix de l’électricité. L’objectif est d’offrir aux consommateurs un prix plus proche du coût moyen réel de production. Il s’agit également de donner des signaux de long terme aux investisseurs.

Mais ce lundi 19 juin, le conseil des ministres de l’Énergie s’est séparé en vif désaccord. Les pays opposés au nucléaire (Allemagne, Autriche, Luxembourg,…) refusent qu’un système de prix garantis soit applicable au nucléaire existant afin de ne pas financer les opérations d’exploitation des réacteurs en Europe.

Or, « l’énergie nucléaire représente 25 % de la production électrique en Europe. Si nous ne sommes pas capables de trouver un mécanisme qui permette de prolonger les centrales, nous allons nous mettre dans des difficultés importantes », indique la ministre française Agnès Pannier-Runacher.

Les opposants jugent que cela créerait une distorsion de concurrence et ne veulent pas financer des actifs, comme les centrales nucléaires au lieu de favoriser l’émergence de nouvelles installations renouvelables.

 

Provocations des « amis du renouvelable… »

Quelques heures avant le Conseil des ministres européens de l’Énergie du 19 juin, les « Amis du renouvelable » réunissant 14 pays en présence de la Commissaire européenne en charge de l’Énergie Kadri Simson, n’ont pas invité la France…

Pourtant, en 2022 encore, la part d’énergies renouvelables de la France dans son mix (20,7 %) est supérieure à celle de l’Allemagne (20,4 %) et ses émissions de gaz à effet de serre par habitant sont près de 4 fois inférieures à ceux d’autres européens, notamment à ceux de l’Allemagne dont 30 % de sa production d’électricité repose sur le charbon, contre 0,6 % pour la France !

Selon ce rapport de juin 2023 de l’École de guerre économique (EGE) s’appuyant sur le rapport d’investigation « Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du secteur nucléaire français ? » publié en avril 2023 par le Comité d’Intelligence Stratégique pour la Souveraineté (CI2S), l’Allemagne et ses alliés continuent à attaquer la France pour tuer son nucléaire (et EDF) et affaiblir toute son industrie concurrente via des officines implantées en France, jusqu’au sein du ministère de l’Écologie !

Le déclin du désarmement nucléaire inquiète

Selon un rapport publié par l’Institut international de recherche sur la paix (SIPRI), la Russie compte 4489 têtes nucléaires prêtes à l’emploi et opérationnelles en stock ; et les États-Unis, 3708 têtes nucléaires. Cela représente 85 % des 9576 ogives nucléaires prêtes à l’emploi et déployées dans le monde en janvier 2023, estiment les chercheurs du SIPRI.

Dans un rapport publié lundi 12 juin, les chercheurs du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), ont révélé que les neufs puissances nucléaires se partagent 9576 ogives soit 86 de plus qu’en janvier 2022.

Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, la Chine continue d’accroître son arsenal nucléaire. Par rapport au début de l’année 2022, Pékin a fait passer le nombre d’ogives nucléaires opérationnelles à sa disposition de 350 à 410 (+60), et il est attendu que ce chiffre continue de croître à l’avenir. D’après la façon dont elle décide de structurer ses forces, la Chine pourrait potentiellement avoir au moins autant de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) que les États-Unis ou la Russie d’ici la fin de la décennie.

Le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord ont également augmenté leurs stocks (4 à 5 ogives supplémentaires), de même que la Russie (12 de plus).

Tandis que les autres puissances nucléaires – États-Unis, France, Royaume-Uni et Israël – ont maintenu leurs arsenaux respectifs au même niveau, respectivement 3708, 290, 225 et 90 têtes nucléaires opérationnelles. Le Royaume-Uni a prévu cependant d’augmenter son stock, mais ne révélera plus ni leurs quantités, ni leur déploiement. La France mise quant à elle sur la modernisation de ses équipements.

En plus de cet inventaire, on compte près de 3000 ogives supplémentaires en réserve ou en attente de démantèlement dans le monde.

Le rapport signale également que, non seulement les cinq pays ayant signé le Traité de non-prolifération nucléaire continuent de dépenser des millions dans leurs arsenaux, mais la diplomatie est en net recul. Moscou a notamment annoncé en février dernier qu’elle ne participera plus au traité Start avec Washington, censé limiter leurs ambitions nucléaires respectives.

Le SIPRI alerte donc sur le risque accru d’incompréhension, d’accident ou d’erreurs de jugement dans un contexte de flambée des tensions géopolitiques, et de menaces verbales de moins en moins implicites quant à la potentielle utilisation de ces armes de destruction massive.

« Nous approchons, ou peut-être avons-nous déjà atteint, la fin d’une longue période de déclin du nombre d’armes nucléaires à travers le monde », a déploré auprès de l’Agence France Presse Dan Smith, le directeur.

Source : States invest in nuclear arsenals as geopolitical relations deteriorate—New SIPRI Yearbook out now | SIPRI (en français)

 

La fusion nucléaire pour sortir des énergies fossiles ?

Grand économiste du début du XXe siècle, Joseph Schumpeter fût le premier à proposer une vision dynamique de la croissance économique. Elle s’appuie sur l’idée de la « destruction créatrice » énonçant que toute innovation détruisant la technologie précédente est source de croissance.

La société préindustrielle était une société d’énergies renouvelables.

On se chauffait, on cuisinait et on s’éclairait au bois (biomasse), on moulait le grain grâce à l’hydraulique (moulin à eau) et l’éolien (moulin à vent), on se déplaçait sur les mers à la force du vent et à terre sur le dos d’un cheval nourri à l’avoine (biomasse). Hélas, cette société fut incapable d’offrir à nos aïeux la croissance économique nécessaire à leur développement.

Il s’agissait là de renouvelables « non technologiques ».

Aussi, durant une bonne partie du XIXe siècle, de grands scientifiques tentèrent de « techniciser » les énergies renouvelables : pile de Volta (batterie), électrolyse de Nicholson (production d’hydrogène vert), voiture électrique de Stratingh, pile à combustible de Schönbein, effet photoélectrique de Hertz (ancêtre du panneau photovoltaïque), utilisation d’huile d’arachide et d’alcool (bicarburants) dans les premiers moteurs thermiques.

Bien que la plupart des technologies renouvelables aient été découvertes avant la fin du XIXe siècle, nos illustres ancêtres ne les ont jamais industrialisées, considérant le charbon, puis le pétrole et le gaz bien plus efficaces pour assurer leur développement. Dans le jargon Schumpeterien, les énergies fossiles apparaissent donc comme la « destruction créatrice » des énergies renouvelables.

La croissance verte cherche à inverser le processus et à faire des énergies renouvelables la destruction créatrice des fossiles : mission impossible.

Fut-elle propre et renouvelable, une énergie non pilotable comme le solaire ou l’éolien (réserves infinies à l’échelle humaine) ne peut être destruction créatrice d’une énergie pilotable, même si cette dernière n’est pas renouvelable (consommatrice de ressources naturelles finies) et émettrice de CO2. Seule une énergie pilotable, renouvelable et non émettrice de déchets pourrait être destruction créatrice des fossiles.

 

Mais cette énergie existe-t-elle vraiment ?

Le nucléaire de seconde (réacteurs actuels à eau pressurisée et à neutrons lents) et de troisième (EPR) génération est pilotable et n’émet pas ou très peu de CO2.

En revanche, il est consommateur de ressources naturelles (uranium235) contenues en quantités limitées dans l’écorce terrestre et il génère des déchets radioactifs (uranium appauvri et plutonium) qu’il faudra traiter, voire entreposer durant plusieurs millénaires dans des stockages géologiques. Il ne coche donc pas les cases de la destruction créatrice.

Le nucléaire de quatrième génération (surgénération à neutrons rapide) utilise du plutonium239 (n’existant pas à l’état naturel, mais fabriqué directement dans le réacteur à partir d’uranium238) comme matériau fissile. L’uranium238 étant 140 fois moins rare que l’uranium235, le combustible nucléaire deviendrait de ce fait pratiquement inépuisable à l’échelle humaine. À ce jour, il n’existe que trois surgénérateurs : deux en Russie de 560 et 820 MW et un expérimental de 20 MW en Chine près de Pékin. La France fut pourtant pionnière en la matière avec le prototype Superphénix (puissance de 1,2 GW). Mis en service en 1986, il fût définitivement abandonné par le gouvernement de gauche plurielle de Lionel Jospin. Superphénix renaquit de ses cendres en 2006 avec le projet ASTRID (600 MW). Avec les mêmes arguments, les Verts eurent la peau d’ASTRID en 2018.

 

Petit frère de l’uranium238 avec des ressources naturelles 4 fois supérieures, le thorium232 est un autre élément se prêtant à la surgénération nucléaire. S’il n’existe pas aujourd’hui de surgénérateur au thorium dans le monde, la Chine vient d’annoncer la mise en service d’un prototype expérimental. Pour être développée à une échelle industrielle, cette filière prometteuse nécessitera encore de nombreuses années de recherches et d’investissements. La France, dont le granite de Quintin en Bretagne contient d’abondantes réserves de thorium, n’a malheureusement aujourd’hui aucun projet de surgénération au thorium dans ses cartons.

 

Le Graal de la perfection se trouve dans le cœur du soleil

Une fois de plus, l’Europe obsédée par un « Green Deal » purement moral fait fausse route.

Alors que les réacteurs à neutrons rapides français ont été reportés aux calendes grecques, les grandes puissances nucléaires (Chine, Russie, États-Unis, Inde) s’engagent sur cette voie qui coche presque toutes les cases de la destruction créatrice des fossiles : ressources pratiquement infinies (et donc renouvelables) et bien moins de déchets hautement radioactifs.

Le Graal de la perfection se trouve dans le cœur du soleil : c’est la fusion nucléaire. Alors que la fission (classique ou surgénération) cherche à produire de l’énergie en cassant un gros atome fissile (uranium, plutonium, thorium), la fusion cherche au contraire à combiner deux atomes légers, (deux isotopes de l’hydrogène – deutérium et tritium) pour produire un atome plus lourd (de l’hélium) tout en libérant des neutrons.

Comparée à tous ses confrères énergétiques, la fusion nucléaire coche toutes les cases de l’énergie parfaite : elle est pilotable et n’émet pas de déchets (l’hélium n’est pas radioactif). Par ailleurs, compte tenu des réserves quasi illimitées de deutérium dans l’eau de mer et des quantités substantielles de tritium pouvant être produites par irradiation du lithium, la disponibilité en combustibles serait assurée pour plusieurs dizaines de milliers d’années. La fusion nucléaire pourrait donc être considérée à l’échelle humaine comme une énergie renouvelable. Enfin, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une réaction en chaîne, un dysfonctionnement du réacteur arrête immédiatement le processus. La fusion élimine toutes les externalités négatives de la fission : ressources, déchets et risque d’accident majeur.

Installé près de Cadarache dans la vallée de la Durance, le projet ITER vise à démontrer la possibilité de produire de l’électricité nucléaire à partir de la fusion. ITER pourrait libérer pour quelques millénaires l’humanité de sa geôle énergétique, pérenniser la société de croissance et renvoyer aux oubliettes les passions tristes des collapsologues décroissantistes.

Hélas, les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis dix ans, l’humanité a investi 5000 milliards de dollars dans les renouvelables contre moins de 20 milliards de dollars dans ITER. Sans commentaires !

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