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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Comment la musique permet de lutter contre les effets de Parkinson

Par Loïc Damm, Benoît Bardy et Valérie Cochen de Cock.

 

Battements de notre cœur, flux d’air dans nos poumons, prosodie de notre voix ou mouvements de nos jambes… Notre corps est une mer de rythmes différents. Aucun des systèmes biologiques qui les génèrent n’est isolé : chacun interagit avec son environnement, constitué d’autres systèmes à l’intérieur ou à l’extérieur de notre corps qui ont leur propre rythmicité.

Le mouvement est un bel exemple d’interactions entre rythmes. Le simple fait de marcher, pas après pas, est en effet une construction complexe ! Que cette construction se grippe, et le mouvement en pâtit. D’où cette question : peut-on redonner du rythme à ceux qui le perde ? Oui, suggèrent certaines recherches. Petite explication, en partant des fondamentaux…

Si notre cerveau est à la manœuvre, tout un ensemble de structures nerveuses gouverne les cycles associés : des réseaux situés dans la moelle épinière insufflent les alternances d’activations musculaires nécessaires à sa genèse, mais ce sont les centres cérébraux supérieurs qui amènent la plasticité puisque c’est à leur niveau que se planifie l’initiation du mouvement ou la prise en compte des conditions de sa bonne exécution (évitement d’obstacles, etc.).

Le programme de base issu des réseaux de la moelle épinière est ainsi remodelé en fonction des exigences de l’environnement, retranscrites par nos sens… S’opère ce que les neuroscientifiques appellent le « couplage perception-action » : parce qu’il commande nos muscles et intègre les informations auditives ou visuelles, le système nerveux est capable de coupler nos sens à nos comportements.

C’est ce qui se passe lorsque nous jouons de la musique en groupe, où la coordination temporelle de nos gestes avec ceux de nos partenaires nous permet d’être à l’unisson. Cette synchronisation est possible par l’ajustement entre les rythmes auditifs/perçus et moteurs/exécutés. Cela signifie que les structures plutôt dédiées à la perception, et celles plutôt dédiées au mouvement, voient leurs liens se renforcer, formant un réseau fonctionnel dans le cerveau.

En d’autres termes, les structures cérébrales qui nous font bouger sont aussi celles qui nous font percevoir. Lors de l’écoute de morceaux de musique, qui combinent des séquences structurées de durées, de timbres et d’accents, la perception de la pulsation est l’événement psychologique qui revient le plus régulièrement.

 

Quand la maladie fait dérailler la machine

Des pathologies peuvent entraver la production de ces rythmes. C’est le cas de la maladie de Parkinson pour laquelle les difficultés à se déplacer sont le premier handicap rapporté.

Les patients sont sujets à un « gel de la marche », c’est-à-dire une difficulté dans son initiation et sa progression à l’approche d’un obstacle ou d’un virage. Ces deux séquences majeures du mouvement sont affectées par la perte progressive des neurones sécrétant de la « dopamine » – un neurotransmetteur, soit une molécule assurant la transmission de l’information entre les cellules nerveuses.

Une structure cérébrale dite profonde, car enfouie sous les hémisphères cérébraux, les ganglions de la base (ou noyaux gris centraux), est particulièrement touchée. Or, ils gèrent la transition d’une étape à l’autre d’un mouvement : l’altération de leur fonctionnement va donc affecter toute la production de mouvements rythmiques en perturbant les rythmes cérébraux nécessaires au déclenchement des sous-mouvements composant une action.

Une marche hachée est symptomatique de cette difficulté de passer d’un sous-mouvement à l’autre. Si un patient dont la marche est irrégulière peut continuer à pédaler de façon plus fluide, c’est parce que le pédalage est moins dépendant du traitement séquentiel des informations sensorielles.

Le cycle de marche exige en effet la prise en compte de nombreuses informations sensorielles (par le cortex prémoteur) qui rendent compte tant des contraintes de l’environnement que de la bonne exécution du mouvement en cours : ce processus porte le nom d’intégration. La bonne connexion entre cortex et ganglions de la base permet l’adaptation de la marche aux spécificités de l’environnement – virage à anticiper, escalier à négocier, rue à traverser…

La perte des neurones à dopamine inhérente à la maladie de Parkinson empêche l’établissement de ces connexions (on parle de circuitopathie). Un large spectre d’effets moteurs en est la manifestation, de la locomotion à l’élocution.

 

Les effets de la musique

Pourtant ce déficit peut être surmonté par une stratégie simple : en tirant simplement profit de l’appétence du cerveau pour des rythmes « pertinents », ceux avec lesquels nous pouvons synchroniser nos mouvements.

L’utilisation d’une horloge externe fournissant des repères réguliers, comme des stimulations auditives périodiques, permet de compenser les difficultés d’initiation et de maintien du mouvement en redonnant une structure temporelle aux actions. Cette stratégie est appelée « indiçage ».

Les patients bénéficient de cet indiçage qu’il soit visuel, tactile ou auditif – ce dernier permettant plus facilement de discriminer les rythmes envoyés. En témoigne une augmentation de la cadence et de la longueur des pas ainsi qu’une correction des asymétries de la démarche. Le patient marche plus vite et sa stabilité accrue réduit le risque de chute. Cette amélioration traduit le meilleur couplage entre flux auditif et appareil locomoteur au niveau du cerveau. Ces bénéfices se prolongent au-delà des séances de marche en musique.

Il y a deux explications possibles (qui ne sont pas exclusives) à ces améliorations :

  1. L’activation résiduelle des ganglions de la base
  2. La mise en place de mécanismes compensatoires qui reposeraient sur le cortex et le cervelet. L’hyperactivation du cervelet a d’ailleurs été rapportée chez des patients lors de tâches de coordination sensori-motrice.

 

Un élément majeur a été émis en évidence : la précision de la perception du rythme détermine la force du couplage entre la locomotion et la musique.

Des tests ont été développés pour évaluer nos capacités de perception d’une part, et nos capacités de synchronisation de nos mouvements avec la musique d’autre part. Par exemple remarquons-nous le décalage entre un métronome désynchronisé et les pulsations de la musique ? Sommes-nous capables de battre la mesure de morceaux à la rythmicité plus ou moins évidente ?

La précision de la perception du battement et de sa régularité est représentative des capacités de coordination, et peut être comparée à des normes établies. Ce qui permet d’en quantifier l’altération et peut parfois de servir d’aide au diagnostic.

 

Une rééducation possible

Il existe une apparente contradiction entre l’influence bénéfique de l’indiçage et la détérioration de la perception des patients.

L’évaluation concomitante des capacités de perception et de la démarche sous l’influence de stimulations auditives a permis de clarifier ce point. Les patients qui bénéficient le plus de l’indiçage sont ceux qui ont préservé leurs capacités perceptives. Cela renforce l’hypothèse de la primauté de la force du couplage audio-moteur pour prédire les bénéfices de l’indiçage.

Les conséquences de la dégradation de la perception ne sont cependant pas une fatalité. Un réentraînement est possible grâce à des jeux sérieux au cours desquels le patient réapprend à se synchroniser avec la musique, à la danse qui est une activité de synchronisation sensorimotrice par excellence, etc.

Si la marche est améliorée par des indices auditifs délivrés au bon tempo, l’interactivité de ces stimulations est aussi un facteur essentiel à considérer pour améliorer la force du couplage.

Nous avons montré que le contrôle en temps réel de la relation entre les pulsations musicales et les pas du patient, par l’adaptation en continu du tempo musical, garantit un couplage audio-moteur idéal. Associés aux effets positifs de la musique, neurochimiques par la libération des hormones du plaisir, et psychologiques par le sentiment d’évasion qu’elle procure, les effets de la stimulation sur la marche sont immédiats. Les bénéfices de l’indiçage s’en trouvent encore améliorés.

L’un des défis actuels est d’évaluer les effets à long terme d’une telle approche.

 

Des perspectives à moyen et long termes

La pleine perception de la musique passe par des structures motrices : n’a-t-on pas besoin de mettre tout notre corps en mouvement pour battre la mesure d’un morceau difficile ? Le recouvrement entre les structures de notre cerveau qui nous permettent de percevoir, et celles qui nous font bouger, ouvre une opportunité thérapeutique.

La rééducation du mouvement par la musique renforce en effet les liens entre la perception auditive rythmique et le comportement moteur. La musique s’immisce dans les réseaux moteurs du cerveau et peut compenser certains déficits créés par la maladie de Parkinson. Cette approche peut contribuer à améliorer la qualité de vie des patients et à réduire leur dépendance aux médicaments. Il s’agit donc d’un puissant outil de rééducation complémentaire de la thérapie pharmacologique.ré

D’autres pathologies présentant des déficits de la motricité sont également concernées. Sclérose en plaques, suite d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou encore diabète de type II sont en cours d’études au sein de notre équipe.

 

 

Loïc Damm, Postdoctoral Researcher, Université de Montpellier; Benoît Bardy, Professeur en Sciences du Mouvement, fondateur du centre EuroMov, membre de l’Institut Universitaire de France (IUF), Université de Montpellier et Valérie Cochen de Cock, Docteure en neurologie, chercheuse HDR au sein de l’unité EuroMov Digital Health in Motion, Université de Montpellier – IMT Mines Ales, Université de Montpellier

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

Rosa Parks : Une combattante radicale de l’oppression sous toutes ses formes

Rosa Parks est née en 1913. Loin d’être un modèle de respectabilité politique, elle était une organisatrice expérimentée et provocatrice de la classe ouvrière, elle méprisait la soumission servile représentée par Jim Crow, [« Jim Crow » est une expression péjorative désignant les personnes noires vivant aux États-Unis, le nom vient d’une chanson sur laquelle chantait et dansait un comédien blanc visage et mains peints en noir et caricaturant les afro-américains NdT] et elle combattait farouchement l’oppression sous toutes ses formes.

Source : Jacobin Mag, Jeanne Theodaris
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

« Pour s’aventurer et déambuler sur la corde raide façon Jim Crow, de la naissance à la mort… Il faut une âme noble. Il y a toujours une ligne, une corde, quelle qu’elle soit : une ligne de couleur, une corde de pendaison, une corde raide. Pour moi, il semble que nous soyons des marionnettes dont l’homme blanc tire les ficelles. Ils disent qu’une ligne de ségrégation due à la couleur doit nous séparer, et pourtant ce sont ceux qui tirent les ficelles, et soit nous nous exécutons à leur grande satisfaction, soit, si nous franchissons cette ligne, nous en subissons les conséquences. »

-Rosa Parks

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À Gaza, des rêves plus haut que les murs

Coproduit en 2019 avec l'Italie, le Liban et la Suisse, plusieurs fois primé, One More Jump (Encore un saut) d'Emanuele Gerosa, réalisateur et auteur de documentaires, donne une image inédite des résistances à Gaza. Le film est en salle depuis le 8 septembre.

Des adolescents courent à perdre haleine au milieu des décombres. Gravissent des murs éventrés pour se jeter dans le vide tels des lions et des aigles, traçant des figures plus époustouflantes et plus belles les unes que les autres. On le sait, Gaza est une prison à ciel ouvert. Les images qui nous en viennent sont celles de la guerre, de l'enfermement et des destructions. Mais ici, la caméra saisit le mouvement des corps qui se propulsent vers le ciel. Leur volonté d'aller toujours plus haut, toujours plus loin.

La réception au sol, comme un coup de dés qui jamais n'abolirait le hasard. Salto arrière, flip flap, saut de chat, volté, carpé… des figures trouent le ciel, comme une métaphore pour échapper au blocus israélien qui condamne l'enfance -– quarante pour cent des Gazaouis sont des enfants de moins de quinze ans — à la séquestration et au désespoir à perpétuité.

One more jump - Bande-annonce VOST FR - YouTube

Les bombes ou le saut de l'exil

« Même si je restais à Gaza un million d'années, je ne pourrai jamais y construire un avenir ». Jehad a une trentaine d'années. Il est le fils aîné et le soutien d'une famille où le père, très handicapé, lutte contre le manque de soins et de médicaments. Il est aussi l'entraîneur de l'équipe de Parkour de Gaza. Cette discipline acrobatique urbaine, très intense et exigeante, basée sur l'impulsion, l'envol et la réception, a d'abord été popularisée en France dans les années 1990 par les Yamakasi, des adolescents des cités de l'Essonne qui se servaient des toits d'immeubles comme rampes de décollage et d'atterrissage. Les pratiquants utilisent la géographie de leur environnement et l'espace dans toutes ses dimensions, contournant ou se servant des obstacles pour rebondir et s'élancer, dans un mouvement continuel.

Dans le camp de réfugiés d'Al-Shati, à l'ouest de la ville de Gaza, c'est Mohamed et Jehad qui l'ont d'abord proposée aux jeunes comme activité de loisir, leur enseignant les valeurs d'un sport de haut niveau qui, à Gaza, « n'est pas une compétition et demande l'attention, le respect, la confiance et la modestie. » Mais le parkour est ailleurs devenu une discipline de compétition et Mohamed, qui a pu bénéficier d'une invitation à jouer en Italie, n'a pas hésité à choisir le grand saut de l'exil. Le projet devait se réaliser avec Jehad qui en reste dépité et meurtri.

On va donc accompagner au plus près, durant 82 minutes, Jehad et Mohamed dans le temps réel de leur vie, avec les secousses qui la traversent. Depuis l'arrivée au pouvoir du Hamas en 2007, le premier, retenu dans l'enclave où la pauvreté a explosé sous les sièges et les guerres israéliennes, vit sous les bombardements, « le pire bruit qu'on puisse jamais entendre », et pense qu' « avoir vingt ans et s'imaginer en avoir quarante toujours à Gaza, c'est être déjà mort… » Le second cherche désespérément du travail depuis qu'il est arrivé à Florence, et une autonomie qui se dérobe chaque jour davantage. L'entraînement solitaire dans des tunnels et des parkings hostiles semble avoir perdu de son souffle et de sa saveur. Lorsqu'il appelle son père, qui ne manque pas de lui demander s'il fait toujours bien sa prière, il a le mal du pays et des siens. Mohamed va déployer toutes ses ressources et son énergie pour parvenir à participer en Suède à l'Air Wipp Challenge, un championnat international prestigieux qui sélectionne douze athlètes sur 650 inscrits. Mais il n'y aura pas de happy end : il en reviendra bredouille.

Un semblable courage

À Gaza, on voit Jehad se désespérer devant la fermeture des frontières avec l'Égypte, s'énerver contre les discours des politiciens. On le voit également rejoindre les « marches du retour » qui depuis mars 2018 drainent des milliers de Palestiniens à la frontière et ont fait des centaines de morts, les soldats israéliens n'hésitant pas à tirer à bout portant depuis les collines : « Ils se battent pour nous tirer dessus et savoir qui est le meilleur ». Un des moments les plus forts du film de Gerosa est celui où les images du peuple de Gaza, tenace et insoumis répondent comme en écho à celles des jeunes athlètes de l'équipe de Parkour, mettant à jour la même rébellion, le même dépassement, le même courage.

La vie s'égrène pour l'un comme pour l'autre. Ils se sont construits dans le renforcement mental que leur procure leur discipline. Maîtriser la pesanteur et la peur, c'est aussi se donner des armes pour faire face à la domination israélienne et à l'exil. Malgré l'obtention d'un passeport, pour rejoindre à son tour une compétition, Jehad ne quittera jamais Gaza dont les frontières lui restent fermées. Mohamed va se blesser sérieusement à l'entraînement. Gaza continue à avaler ses enfants, leurs espoirs et leurs rêves.

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One more jump
Un film de Emanuele Gerosa
Date de sortie : 8 septembre 2021
Distributeur : Wayna Pitch
Pays : Italie, Suisse, Liban
Durée : 83 minutes

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