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Les Houthis et l’Iran vont-ils enflammer le Moyen-Orient ?

Le mouvement yéménite a-t-il l’autonomie et le pouvoir d’amorcer une crise internationale de grande ampleur, ou bien l’Iran est-il le véritable parrain de cette crise ? La priorité consiste à identifier les racines de cette situation, puis le déroulement des attaques récentes en mer Rouge. Enfin, vers quelles perspectives, l’intervention militaire des États-Unis, et diplomatique de la Chine, vont-elles faire évoluer cette situation ?

Le mouvement Houthi n’est nullement le résultat d’une génération spontanée, il est le produit d’un processus historique et d’une rencontre politique contemporaine.

 

Houthis : géographie et histoire

La première spécificité géographique de ce mouvement est de se situer dans la partie extrême sud-ouest de la péninsule arabique, région très montagneuse de l’actuel Yémen. Ses habitants ont été historiquement des guerriers, caractéristique fréquente des populations montagnardes. Vers la fin du premier millénaire, l’Empire perse qui y exerçait son influence, y envoya un religieux afin d’y rétablir la paix. Issu de la branche zaïdite du chiisme, il y répandit ce courant particulier de l’islam chiite. Cette population montagnarde et guerrière se trouva ainsi dotée d’une troisième spécificité, religieuse.

Actuellement leur influence s’exerce sur seulement un quart du territoire du Yémen, celui où se trouve la capitale, Sanaa.

 

Le basculement de 1979

Cette particularité religieuse d’appartenance au courant chiite allait représenter une importance particulière pour les ayatollahs iraniens, chiites, qui prennent le pouvoir à Téhéran en 1979.

La nouvelle stratégie de Téhéran va être dès lors d’utiliser systématiquement, dans tout le Moyen-Orient, majorité (Irak) ou minorités religieuses chiites, au service d’une nouvelle politique iranienne.

C’est dans cette vision stratégique qu’une partie de la famille Houthi, issue de cette région montagneuse et chiite du Yémen, fut invitée à venir vivre en Iran, dans la grande ville religieuse de Qom.

Une quinzaine d’années plus tard, il lui fut proposé de revenir au Yémen. Elle y organisa une montée en puissance politique, et par un jeu d’alliance avec l’ancien président Saleh, prit militairement le pouvoir à Sanaa, à l’automne 2014.

Téhéran mettait ainsi en place un pouvoir politique chiite à la frontière sud de l’Arabie saoudite, son rival sunnite. Elle s’arrogeait aussi indirectement un droit de regard et d’intervention en mer Rouge, comme elle l’a dans le golfe Persique. Elle acquérait ainsi une capacité complète de nuisance sur les deux côtes est, et ouest, de la péninsule Arabique.

 

Le regard iranien vers l’ennemi de l’islam

La stratégie de construction d’un « arc chiite » de Téhéran à Beyrouth en passant par Sanaa, allait être mise au service de l’autre grand objectif de la République islamique d’Iran : la lutte contre Israël.

Dans les années 1970, avant son arrivée au pouvoir, l’Ayatollah Khomeini avait écrit qu’Israël « était l’ennemi de l’islam ». En mai 1979, trois mois après sa prise de pouvoir, il créait le corps des Gardiens de la révolution, et en leur sein, la force Qods (Jérusalem) destinée aux opérations extérieures. Les moyens pour atteindre l’objectif étaient mis immédiatement en place.

En retraçant ainsi toute cette architecture, on constate que l’attaque du 7 octobre est l’aboutissement d’une stratégie patiemment et minutieusement mise en place depuis des dizaines d’années. Cela fut d’ailleurs confirmé par le pouvoir iranien lui-même. Deux jours après l’attaque du Hamas, le conseiller pour les Affaires internationales du Guide suprême, Ali Akbar Velayati (ancien ministre des Affaires Étrangères) a déclaré à la presse iranienne : « Si les États-Unis ont cru, en éliminant le général Soleimani, priver l’Iran de sa capacité d’action extérieure, les évènements récents leur donnent tort ». Par ses paroles, provenant du sommet de l’État, l’Iran a reconnu la paternité des attaques du 7 octobre.

 

Le déclenchement des actions des Houthis

L’analyse de l’intervention des Houthis nécessite de regarder à la fois la carte et le calendrier. Les missiles et drones lancés depuis le Yémen, situé à plus de 2000 km des frontières de l’État hébreu, n’ont pas été mis en œuvre contre Israël, dès les premières heures du 7 octobre. Seuls les mouvements directement au contact du territoire israélien, Hamas, Hezbollah, groupes pro-Iran de Syrie, sont entrés en action. Concernant la chronologie, les premières attaques de navire sont intervenues six semaines après le déclenchement de l’attaque contre Israël, et quatre semaines après l’entrée de l’armée israélienne dans la bande de Gaza.

L’intervention yéménite est donc totalement découplée de l’attaque initiale. Son objectif est lié à l’intervention de Tsahal à Gaza, et vise à forcer Israël à arrêter son opération militaire contre le Hamas. La création d’un désordre dans le trafic maritime mondial a pour but d’amener les pays européens et asiatiques, touchés économiquement par ce désordre, à demander à Israël l’arrêt de son intervention.

 

Les limites du plan iranien

Téhéran demeure l’architecte de cette intervention puisque l’Iran est le seul fournisseur des 160 missiles et drones utilisés à ce jour contre les navires, en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.

Cette stratégie de nuisance a certes créé des perturbations, mais ces dernières n’ont pas été suffisantes pour atteindre l’objectif souhaité. Deux interventions sont venues contrarier ce plan, l’une militaire menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne, l’autre diplomatique, conduite par la Chine.

L’intervention militaire n’avait pas pour objectif de faire cesser les frappes, mais de les réduire en détruisant simultanément les stocks de missiles et les radars de surveillance maritime. L’intervention de Pékin demandant à Téhéran d’intervenir auprès des Houthis est tout à fait complémentaire.

La Chine s’inquiète de plus en plus de son ralentissement économique intérieur. À ce titre, les exportations revêtent donc une importance encore plus grande. Toute entrave à la circulation maritime vers le marché européen, troisième au classement mondial des exportations chinoises, est donc à proscrire.

 

Que faut-il donc maintenant attendre de cette situation ?

L’Iran ne pourra faire la sourde oreille vis-à-vis de la Chine devenue son premier client pétrolier. Le nombre de missiles lancés depuis le Yémen va donc significativement diminuer, et probablement se concentrer sur des navires militaires, en priorité américains. En effet, d’une certaine façon, un arrêt complet signifierait perdre la face, en se montrant aux ordres de Pékin, tant pour Téhéran que pour les Houthis.

L’arrêt des perturbations en mer Rouge est lié à l’arrêt de l’intervention à Gaza. Si dans les prochaines semaines, voire les prochains jours, une trêve d’une certaine durée se profilait autour de la libération progressive des otages, la circulation maritime vers le canal de Suez devrait retrouver son calme.

Drones et missiles iraniens lancés depuis le Yémen ne seront certainement pas le prélude à un élargissement du conflit au Moyen-Orient. Mais la situation reste instable, surtout après le bombardement d’une base américaine en Jordanie, et l’attente d’une réplique de Washington.

Émirats arabes unis, Inde, Israël : bientôt dans le club spatial mondial ?

Alors qu’une collaboration stratégique a été annoncée le 7 janvier 2024 entre la NASA et les Émirats arabes unis, pour participer à la construction d’une station orbitale au-dessus de la Lune dans le cadre du programme Artemis, les Émirats arabes unis semblent plus que jamais déterminés à promouvoir leur leadership spatial.

Déjà les 5 et 6 décembre 2022 Abou Dhabi accueillait le Abu Dhabi Space Debate qui regroupe les leaders mondiaux du secteur privé et public aérospatial. Organisé par l’Agence spatiale des EAU, ce débat a offert une plateforme unique dans la région au sein de laquelle des chefs d’entreprises et des dirigeants politiques se sont rencontrés pour rechercher un consensus sur les questions relatives à la croissance de l’innovation spatiale et son empreinte environnementale.

L’objectif de ces rencontres était notamment d’initier un dialogue multinational identifiant les besoins en matière de capacités stratégiques, d’infrastructures, de cadres réglementaires et de moyens associés. Et la session inaugurale du 5 décembre 2022 réunissait pas moins que les présidents des EAU, d’Israël et le Premier ministre indien. Ce dernier a notamment déclaré en amont du forum que la coopération entre l’Inde et les EAU dans le secteur spatial était sur le point d’opérer une grande percée dans la péninsule arabique.

Les deux pays ont notamment signé dès 2016 un protocole d’accord sur la coopération dans l’exploration spatiale et l’utilisation de l’espace atmosphérique. Lors de la cérémonie d’ouverture, le président israélien a lui aussi rappelé l’étroite coopération entre son pays et les EAU dans le partage des données scientifiques notamment, et le rôle que peuvent jouer les trois États dans l’ouverture à de nouveaux partenaires.

 

Les Émirats arabes unis, fer de lance du spatial dans le Golfe

En accueillant ce forum, les EAU affichaient dès lors leur volonté d’apparaître comme un acteur clé du développement de l’économie spatiale mondiale, tout en forgeant un consensus solide sur le cadre dans lequel doit s’insérer le secteur pour rester durable.

Les EAU cherchent en effet à se positionner comme le fer de lance dans la région arabe dans le secteur, et sont notamment les initiateurs de la création de l’Arab Group Space Cooperation, qui veut favoriser la coopération dans le domaine spatial et se doter d’un satellite d’observation commun. Le pays investit massivement et souhaite créer un effet d’entraînement sur les autres États arabes en se positionnant en leader de la conquête spatiale arabe. Le pays présente donc un modèle original car il entremêle politique publique et développement commercial privé, dans un souci de présence, tant sur le marché mondial que d’influence sur la scène régionale.

Les EAU sont le premier pays du Golfe à avoir développé un programme spatial, débuté en 2006 par le développement, en coopération avec la Corée du Sud, du satellite d’observation de la Terre DubaiSat 1. Les EAU ont par la suite adopté une stratégie spatiale plus ambitieuse, la National Space Strategy 2030, avec pour but de diversifier leur économie. C’est aussi aux Émirats qu’est née la première agence spatiale de la région avec la UAE Space Agency qui s’est rapidement dotée d’un cadre réglementaire attractif pour favoriser le développement de l’écosystème spatial commercial qui peut aussi s’appuyer sur la puissance financière du pays. À date, le pays investit en effet trois fois plus que ses voisins du Golfe, et notamment son voisin Saoudien avec 6 milliards de dollars investis contre 2,1 milliards pour l’Arabie Saoudite.

Le pays a par ailleurs récemment annoncé la création d’un fonds de 800 millions de dollars destiné à la conquête spatiale. Ce fonds contribuera notamment au développement d’une nouvelle constellation de satellites appelée Sirb prévue pour 2026, et qui utilisera de l’imagerie radar en complément des capacités existantes en imagerie optique, un projet justifié par sa capacité à mieux contrôler ses frontières et de détecter d’éventuels déversements d’hydrocarbures. Sirb pourra notamment compléter les capacités duales du programme FalconEye qui répond à la fois aux besoins des forces armées du pays, mais peut aussi fournir des images au marché commercial. Sur ce segment de l’imagerie satellite, le pays peut notamment compter sur la société Bayanat, spécialiste de l’analyse de données géospatiales et appartenant aujourd’hui à Group42, puissant groupe national d’intelligence artificielle.

Enfin, sur le plan de la R&D publique, les Émirats peuvent compter sur le Centre spatial Mohamed ben Rachid (MBRSC) qui, depuis janvier 2024 a signé un accord avec la NASA pour la conception d’un sas destiné au module lunaire Lunar Gateway qui orbitera la Lune dans les années à venir. Pour contribuer à son développement, le MBRSC pourra s’appuyer sur une forte expertise technique développée depuis plusieurs années par une implication dans plusieurs programmes satellites emiriens.

L’ensemble de ces capacités institutionnelles, financières et techniques a permis au pays un certain nombre d’avancées remarquées ces dernières années, et notamment, dès 2021, l’envoi d’une sonde en orbite autour de Mars pour étudier son atmosphère et son climat. De même, en 2019, l’envoi du spationaute Hazaa Al Mansoori, récemment nommé ministre, à bord de l’ISS a également été un temps fort pour le pays, galvanisant le peuple émirati et offrant au monde l’image d’un pays moderne. Il a été suivi en 2023 de son compatriote Sultan Al Neyadi.

Avec ces missions, les EAU ont rejoint le club très fermé des pays ayant fait voyager un de leurs ressortissants en orbite autour de la terre, soit une vingtaine de membres seulement

 

Pour Israël, le spatial est un outil de défense nationale mais aussi un outil de soft power croissant

Certains États comme Israël surveillent de près les acquisitions de leurs voisins dont les Émirats et l’Égypte. Pour Israël, l’espace est rapidement devenu un enjeu de sécurité nationale, comme le rappelle notamment l’incident survenu début novembre au cours duquel Israël a abattu, dans l’espace, un missile ennemi grâce à leur missile Arrow-3. Le pays garde donc un œil attentif au développement du spatial dans le Golfe sous le prisme non seulement des accords diplomatiques qu’il a pu nouer avec les pays de la région, mais aussi des vastes capacités d’investissements de la région qu’Israël ne peut pas suivre, faute de moyens similaires. Pour son programme spatial, Israël prévoit de dépenser environ 180 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour soutenir l’industrie spatiale civile et militaire, s’ouvrant par ailleurs récemment aux investissements privés dans le domaine spatial.

Israël soutient par ailleurs un certain nombre de startups prometteuses dans le domaine des technologies spatiales comme Ramon.space, une société qui construit des systèmes de supercalculateurs pour le secteur spatial ou Helios. Cette dernière s’est notamment alliée en août 2022 avec Eta Space, entreprise aérospatiale américaine basée en Floride, pour le développement des procédés de création d’oxygène sur la Lune.

De manière plus générale, parmi les objectifs présentés par l’Agence spatiale israélienne figurent le doublement du nombre d’entreprises spatiales israéliennes et le quadruplement du nombre de personnes employées dans l’industrie spatiale, une ambition qui devrait aider le pays à relier le secteur spatial civil au secteur high-tech israélien actuellement en plein essor.

Le spatial est aussi un outil au service du soft power israélien, en témoigne par exemple l’accord passé entre Israël Aerospace Industries (IAI) et le Maroc pour la construction d’un centre technique de R&D et de formation en partenariat avec l’Université de Rabat, qui se couple à une commande de satellites d’observation de la Terre par le Maroc à IAI, damant ainsi le pion au précédent consortium français Airbus Defense & Space / Thales Alenia Space.

 

L’Inde est déjà un poids lourd du spatial mondial

L’Inde possède l’un des programmes spatiaux les plus anciens au monde et, après un alunissage historique en 2023, elle a intégré le club spatial des cinq pays à avoir réussi à poser un engin sur la surface lunaire, le dernier en date étant le Japon, le 19 janvier dernier. Et la cinquième puissance économique mondiale compte bien poursuivre ses ambitions spatiales, avec une mission habitée de conception entièrement domestique prévue pour 2040.

Chaque année, l’Inde investit 1,8 milliard de dollars dans le spatial, et bénéficie d’une très grande expertise technique, des coûts de R&D et de développement plus faibles qu’un grand nombre de ses compétiteurs grâce à de faibles coûts de main-d’œuvre, ce qui se traduit sur les coûts de fabrication et de lancements à des prix compétitifs. La capacité de lancer des missions à bas prix avec un fort taux de succès des lanceurs indiens en font aujourd’hui un argument de vente de poids pour l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO), même si elle est désormais remise en question par les capacités réutilisables et bon marché développées par un acteur SpaceX qui a notamment volé la vedette à ISRO pour le lancement de quatre satellites européens Galileo.

Dans son plan vision 2025, l’Inde a notamment rappelé son intention de se doter d’une capacité spatiale tous azimuts comprenant des composantes publiques duales civiles et militaires, mais aussi commerciales grâce à un écosystème de startups riche aussi bien dans le développement de services satellites que dans le domaine de l’accès à l’espace et des lanceurs.

En soutien à ce développement commercial, l’Inde a notamment engagé un large processus de mise à jour et de développement de ses réglementations spatiales. Cette réforme vise notamment à rattraper le niveau réglementaire des États-Unis et de l’Europe qui offrent des cadres juridiques compétitifs et fiables pour les opérateurs.

 

Comment voir ces développements depuis l’Europe ?

À condition de savoir saisir les opportunités offertes par ces nouveaux acteurs du spatial, l’émergence de nouvelles puissances, notamment les Émirats et Israël, peut être une chance pour l’Europe, et ce de plusieurs manières.

D’abord parce que ces nouveaux acteurs du spatial vont avoir besoin d’une capacité accrue d’accès à l’espace, et donc de commandes de lancements. Si l’Europe parvient à régler ses problèmes internes de développement de capacités d’accès à l’espace autonomes, elle pourra dès lors bénéficier de nouveaux débouchés, de pays qui sont par ailleurs proches géographiquement et diplomatiquement. Seul ombre à ce tableau néanmoins, la présence de l’Inde comme partenaire de choix lors du Abu Dhabi Space Debate pourra augurer d’une préférence pour des lancements depuis l’Inde plutôt que l’Europe. C’est donc désormais le travail de nos opérateurs de lancements et des différents partenariats techniques et institutionnels de garantir des débouchés aux lanceurs européens.

Car en effet l’émergence de nouvelles puissances spatiales est aussi l’occasion pour l’Europe de démontrer ses capacités techniques. Les partenariats entre l’Inde et le CNES pour la France sont légion, citons par exemple le satellite Megha-Tropiques d’observation de la météo et des océans. Ces partenariats techniques peuvent poser les jalons d’une coopération étendue au spatial commercial. Aux Émirat arabes unis, par exemple, la France est historiquement très présente dans le spatial, Thales Alenia Space ayant contribué à la conception de plusieurs satellites nationaux, et le MBRSC est aussi un partenaire historique de l’Agence spatiale européenne.

Se profilent donc de nouveaux partenariats fructueux pour le progrès de la conquête spatiale dans la continuité de coopérations existantes, mais ils impliqueront un effort considérable de structuration de la réponse Européenne qui faut aujourd’hui face à un certain nombre de défis internes, et s’insérer plus globalement dans une politique d’aller vers l’Europe et la France en matière spatiale qui doit être constamment renforcée face à l’émergence de nouveaux acteurs dont les capacités et l’expérience augmentent de jour en jour.

Comment évaluer l’économie israélienne au prisme de son insertion internationale ?

Les auteurs : Deniz Unal est économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII – Recherche et expertise sur l’économie mondiale, CEPII. Laurence Nayman est économiste au CEPII.

 

Le conflit actuel pèse sur le marché du travail et sur les finances.

Mais, fort de son remarquable engagement dans la haute technologie, le pays a accumulé une position extérieure nette conséquente. Cette épargne pourrait être mobilisée pour faire face au coût de la guerre. Suffira-t-elle demain ?

 

Neuf millions d’habitants

Israël fait partie de la grande région MENAT (Middle East, North Africa, Turkey) à la démographie dynamique : entre 1960 et 2022, le taux de croissance annuel moyen de la population y a été de 2,4 %, contre 1,6 % dans le monde et 0,4 % en Europe. Alors qu’en 1960 l’Europe était trois fois plus peuplée que cette région, elle l’est aujourd’hui un peu moins : 550 millions contre 577 millions.

Sur cette longue période, la croissance de la population en Israël et en Palestine (définie par les Nations unies comme l’ensemble que forment la Bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est) a été légèrement supérieure à la moyenne régionale (respectivement 2,5 et 2,6 %). Sur la dernière décennie, néanmoins, la croissance démographique en Palestine a été plus élevée : 2,3 %, contre 1,8 % en Israël et 1,6 % dans la région MENAT.

En 2022, la Palestine compte autant d’habitants que le Liban, environ 5 millions, tandis que les Israéliens sont aussi nombreux que les Émiratis, environ 9 millions. C’est peu, comparé aux trois pays les plus peuplés de la région, l’Égypte, l’Iran et la Turquie qui abritent respectivement 111, 89 et 85 millions d’habitants, soit, ensemble, près de la moitié de la population de la zone.

 

L’insertion commerciale d’Israël

Dans cette région, Israël est aujourd’hui la seule économie avancée selon les critères du Fonds monétaire international. Ses habitants ne sont cependant pas les plus riches. Plusieurs pays du Golfe le sont davantage grâce à leur rente énergétique, notamment le Qatar dont le PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat est pratiquement le double de celui d’Israël.

Forte de ses ressources énergétiques, la région commerce surtout avec des pays tiers (90 % de ses échanges en 2021), leur vendant des matières premières et leur achetant des produits manufacturés. Les échanges au sein de la région ont longtemps été limités en raison de la faiblesse du niveau de développement de la plupart des pays qui la composent, du peu de complémentarité de leurs spécialisations et des conflits qui s’y sont déroulés.

Mais depuis le début des années 2000, et à la suite notamment du décollage de l’industrie turque, qui a développé une large gamme de produits manufacturés à prix compétitifs, les flux intra-zone ont augmenté : ils représentent 10 % du commerce total des pays de la région en 2021, contre 4 % en 2000.

L’insertion commerciale d’Israël dans la région est plus forte : en 2021, 12 % de ses exportations y sont destinées et 14 % de ses importations en proviennent.

 

Deux partenaires jouent un rôle important dans ces échanges : la Palestine et la Turquie

La Palestine, qui reçoit plus de la moitié des exportations régionales d’Israël, se situe au troisième rang de ses clients au niveau mondial (6,5 % en 2021), après les États-Unis et la Chine (respectivement 26,8 et 7,9 %). C’est un commerce contraint en raison des restrictions et obstacles imposés par l’État hébreu aux échanges palestiniens avec le reste du monde.

La Turquie, après la Chine et les États-Unis, est le troisième fournisseur de l’État hébreu (respectivement 14,5, 11,5 et 6,8 % en 2021), auquel elle vend 65 % de l’acier qu’il consomme. En dépit de leurs difficultés relationnelles tenant notamment au conflit israélo-palestinien, les deux pays, liés depuis 1996 par un accord de libre-échange, ont jusqu’ici maintenu des échanges soutenus. Mais la guerre actuelle, qui secrète de part et d’autre des appels au boycott, tend à les réduire : les exportations de la Turquie vers Israël auraient chuté de moitié depuis début octobre dernier, selon le ministre turc du Commerce.

 

Le fulgurant essor des ventes de services innovants

S’en tenir aux échanges de marchandises offre cependant une vision biaisée de l’insertion d’Israël dans le commerce international. Ses ventes de services ont en effet connu un essor fulgurant au cours de la dernière décennie et représentaient en 2021 plus de la moitié du total de ses exportations (53 %), bien avant celles de produits électroniques (13 %) et chimiques (11 %).

Les services liés aux technologies de l’information et de la télécommunication (TIC) totalisent à eux seuls 41 % des exportations de biens et services de l’État hébreu. Suivent les exportations de services techniques et de conseil, dont l’un des postes est la recherche et développement (R&D), et, dans le secteur manufacturier, de produits électroniques à haute valeur ajoutée. Autant de spécialisations qui témoignent du poids de l’innovation dans l’économie israélienne. Selon le Centre du commerce international (agence conjointe de l’ONU et de l’OMC), les ventes de services liés aux TIC du pays s’adressent pour l’essentiel aux pays avancés.

L’essor du secteur des services liés aux TIC tient à la création volontariste d’un écosystème favorable. Dès 1992, le gouvernement israélien a investi 100 millions de dollars dans un fonds de capital-risque à vocation militaire, le programme Yozma (initiative en hébreu). Abondé par des fonds privés à hauteur de 11 milliards, ce programme a financé 168 start-up high-tech qui ont généré plus d’un milliard de dollars d’exportations en l’espace de douze ans. La dynamique ainsi enclenchée a fait d’Israël un hub technologique dans les domaines de la cybersécurité, des logiciels et des échanges de données, mais aussi de la pharmacie et de l’agriculture.

Cette dynamique a également été alimentée par les dépenses de la R&D engagées par l’État et par des fondations israélo-américaines créées dans les années 1970, à commencer par Bird (Binational R&D Foundation), BSF (Binational Science Foundation) et Bard (Binational Agriculture and R&D Fund). En 2020, selon l’OCDE, le financement des dépenses de R&D en Israël provenait pour 50 % de l’étranger, pour 40 % des entreprises israéliennes, pour 9 % du gouvernement et pour 1 % des institutions privées nationales à but non lucratif.

Ce modèle, qui a attiré environ 500 multinationales versées dans le high-tech, a aussi favorisé la création d’emplois technologiques dans l’ensemble de l’économie. Leur part dans l’emploi total salarié représente 14 % en 2022, contre 10,6 % en 2014.

 

L’aide internationale, poste clef du compte courant israélien

Le compte courant d’Israël révèle un autre aspect de l’évolution de son insertion internationale. En effet, les revenus secondaires reçus de l’étranger – l’aide extérieure, essentiellement – ont été cruciaux pendant la phase de développement de l’économie israélienne pour faire face à l’énorme déficit de la balance commerciale. Celle-ci a atteint plus d’un cinquième du PIB en 1975.

Grâce à la stabilisation macro-économique entreprise dans les années 1980 par Shimon Peres, le pays est ensuite entré dans un régime de croissance vertueux. Son déficit dans les échanges de biens s’est sensiblement réduit et, à partir des années 2000, les excédents engendrés dans les échanges de services (8 % du PIB en 2022) lui ont permis de dégager pour la première fois une capacité de financement durable. Aussi, le solde courant, positif depuis 2003, s’élève à 4 % du PIB en 2022 et le solde des revenus secondaires, toujours en 2022, ne représente plus que 2 % du PIB, contre 18 % en 1973, année de la guerre de Kippour.

Les États-Unis sont le premier apporteur de fonds à Israël, et Israël est le principal récipiendaire de l’aide américaine depuis 1976. D’après le dernier rapport du service de recherche du Congrès américain, le cumul de l’aide des États-Unis à Israël entre 1946 et septembre 2023 est de 159 milliards de dollars courants (260 milliards de dollars constants de 2021). De 1971 à 2007, une partie significative de cette aide relevait du soutien économique ; elle est désormais quasi exclusivement militaire.

Par ailleurs, depuis 1991, Israël est le seul pays autorisé par le Congrès à placer l’aide qui lui est accordée sur un compte rémunéré aux États-Unis. Enfin, depuis 2021 et jusqu’au déclenchement de la guerre actuelle, le Congrès a voté l’octroi à Israël de 3,3 milliards de dollars courants d’aide militaire par an. S’ajoutent à cette somme d’autres montants spécifiques à la défense aérienne (anti-missiles, Dôme de fer). En 2022, au total, les 4,8 milliards de dollars d’aide militaire votés par le Congrès américain représentent 80 % des crédits reçus par le gouvernement israélien au titre de la coopération internationale.

 

Une position extérieure nette très positive en 2022

Fondée sur d’importants investissements dans le high-tech et sur l’exportation de services haut de gamme vers les pays avancés, la spécialisation commerciale réussie d’Israël a contribué à une amélioration substantielle de sa position extérieure nette depuis une quinzaine d’années.

Cette jeune économie avancée dispose donc d’un excès d’épargne à l’instar de l’Allemagne. Autrement dit, les résidents en Israël ont accumulé à l’étranger plus de capitaux qu’ils n’en ont reçu du reste du monde. Leur patrimoine net s’élève ainsi en 2022 à 159 milliards de dollars, soit 30 % du PIB.

Cette épargne, confortable par temps de paix, pourrait-elle suffire en cas de prolongement de la guerre ?

Vous pouvez retrouver cet article sur le site de The Conversation France.

La Justice sous Macron : l’impuissance ridicule, la grandiloquence grotesque

Par : h16

Les tensions du Proche-Orient semblent déborder largement et atteignent sans mal certaines localités de notre petit pays : le gouvernement constate, un peu effaré, l’explosion soudaine du nombre d’actes antisémites sur le sol français depuis le 7 octobre dernier.

La Behète Immonheudeu au ventre fécond de bruits de bottes n’est pas morte : les factions d’extrémistes de droite, de suprémacistes blancs et autres nationalistes forcenés se sont tous donné le mot pour multiplier les actes et les propros réprimés par la loi, ce qui n’a pas manqué de faire monter au créneau Darmanin, l’actuel miniministre de l’Intérieur. Oups. On me souffle à l’oreillette que ces actes ne sont pas majoritairement dus à des suprémacistes blancs d’extrême droite.

Peu importe : le gouvernement ne se laissera pas déborder, quelle que soit la tendance politique de l’extrême droite (qui pourrait bien être très à gauche cette fois-ci, cela ne change rien) et quelle que soit la couleur des suprémacistes en question qui seront de toute façon blancs à la fin du compte. Il faut comprendre que la République, laïque, une, indivisible et toujours à l’écoute via un numéro vert, ne s’en laissera pas compter, Gérald vous l’assure.

Du reste, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas croire que les paroles de Darmanin ne seront pas suivies d’effets percutants et du retour, en fanfare, de l’ordre républicain le plus strict. Il n’est qu’à voir la façon dont les forces de police et de gendarmerie sont actuellement mobilisées partout en France pour comprendre qu’on ne mégottera pas : les responsables de ces actes et de ces discours seront poursuivis et traînés devant une justice qu’on sait au taquet.

D’ailleurs, c’est bien simple, les exemples abondent à présent de la fermeté retrouvée de la justice en France. Fini, le temps des atermoiements, des demi-mesures et d’un laxisme un peu trop vaste. Accompagné par un gouvernement à l’écoute du peuple, le pouvoir judiciaire a compris qu’il ne pouvait plus se laisser aller, et la reprise en main est déjà palpable.

Ainsi, un jeune présenté comme néonazi par notre exceptionnelle presse nationale vient de se prendre neuf ans de prison pour ses propos antisémites et sa velléité de préparation d’attentats.

Fini de rire en République d’Enmarchistan : les choses sérieuses commencent !

D’ailleurs, à bien y réfléchir, plutôt qu’avoir des opinons qui puent, des discours rances ou délirer sur des plans d’attentats, il vaut clairement mieux traîner au sol un policier sur une vingtaine de mètres en conduisant sans permis à bord d’un véhicule et en refusant d’obtempérer : en la jouant finement, on s’en sort avec quelques travaux d’intérêt général, ce qui est nettement plus rigolo que neuf ans de prison.

Présenté ainsi, certains pourraient croire que la justice française n’est pas encore tout à fait au point en matière de peines, alors que semble se lever une ère nouvelle qui réclame davantage de sévérité.

C’est une erreur de penser ainsi : la justice française peut et sait faire rapide et efficace. Comme dans bien d’autres domaines, tout est affaire de motivation.

Prenez l’exemple récent d’une triste affaire de vol avec violences en rue à Paris, dans le XVIIe arrondissement – rassurez-vous, c’est presque aussi rare dans la capitale que d’y croiser un surmulot en goguette – dans laquelle la victime a failli se faire dérober sa montre de luxe et son téléphone : alors que pour d’autres cas similaires, les malandrins courent toujours, on apprend que cette fois-ci, les quatre suspects ont été rapidement interpellés et mis en garde à vue. Le fait que la victime soit le fils d’une magistrate du tribunal judiciaire de Paris ne joue sans doute pas beaucoup dans le zèle des équipiers de la compagnie de sécurisation et d’intervention de police de la capitale…

Maintenant qu’il est raisonnablement acquis que la justice est donc aussi aveugle que ferme et implacable, on comprend mieux pourquoi cette même justice française a lancé un mandat d’arrêt international contre le président syrien Bachar Al-Assad, après l’avoir accusé de complicité de crimes contre l’humanité pour les attaques chimiques perpétrées à l’été 2013 en Syrie.

Voilà qui ne manque pas de panache, n’est-ce pas. Reste à savoir quelle quantité de travaux d’intérêt général le pauvre Bachar devra exécuter, à moins bien sûr que la justice française considère que « un Bachar mérite plus qu’un chauffard » et qu’on envisage alors de lui coller quelques années de prison, sans sursis.

La juxtaposition de ces différents éléments laisse cependant un sentiment étrange : d’un côté, on observe les actes empreints de gravité d’épitoges froufroutantes qui confinent à la grandiloquence grotesque pour de l’autre constater des décisions d’un ridicule achevé ou en décalage si violent avec le besoin réel de justice et d’un minimum de cohérence d’ensemble qu’on ne peut qu’être envahi d’une impression persistante de foutage de gueule.

D’un côté, pilotée par un gouvernement dont le garde des Sceaux est actuellement en procès (ce qui est une première ahurissante dans l’histoire de ce pays), la justice française prétend traîner en justice le dirigeant d’un pays étranger ; de l’autre, cette même justice multiplie les exemples d’un système qui n’est favorable qu’à une petite caste, ultra-démissionnaire lorsqu’il s’agit de faire preuve d’une élémentaire fermeté et complètement disproportionnée dès qu’on parle idéologie.

D’un côté, la justice semble totalement débordée pour assurer des procès en temps raisonnable aux justiciables français, ou même de garantir que les OQTF seront appliquées en nombre autrement que purement symbolique ; de l’autre, elle trouve amplement le temps de se lancer dans des mandats d’arrêt internationaux qui ont absolument tout de la posture et qui, de surcroît sur le plan diplomatique, ne seront qu’une nouvelle erreur à ajouter aux myriades déjà empilées avec gourmandise par nos différents gouvernants depuis Sarkozy.

D’un côté, on voit les petits avortons à la Darmanin se multiplier comme du chiendent sur tous les plateaux télé pour expliquer à ceux qui veulent l’entendre (heureusement de moins en moins nombreux) qu’il va mettre en place ceci ou cela, que ça ne va pas se passer comme ça, que la justice saura se montrer ferme et patin couffin ; de l’autre on constate que la violence, les crimes et délits, l’insécurité et les incivilités (pourtant du ressort direct de l’avorton en question) explosent partout sur le territoire.

Et pas de doute, d’un côté, on note clairement la grandiloquence grotesque de nos dirigeants. De l’autre, on ne voit que l’impuissance ridicule d’un État en pleine déliquescence.

Sur le web.

Refusons fermement de tomber dans le piège du régime iranien, qui essaie d’échapper à son inévitable renversement

Il est évident que les kilomètres de tunnels souterrains complexes et coûteux, les arsenaux de missiles et les usines de fabrication de drones ne sont pas l’œuvre du Hamas seul. Pourtant, les partisans de la politique complaisance vis-à-vis du régime iranien ont initialement tenté de nier toute implication de ce dernier dans le conflit, malgré les preuves accablantes.

Dans cette guerre où des enfants innocents sont victimes, le grand bénéficiaire jusqu’à maintenant est Ali Khamenei, et non Israël. Indépendamment de son auteur, chaque crime de guerre renforce Khamenei qui l’utilise pour éviter l’effritement de ses forces, motiver ses troupes et attiser la haine dans la région. Le mollah Hamid Rassaei a même admis que la mort de milliers de personnes à Gaza servirait les intérêts du régime des mollahs.

 

Téhéran se nourrit de la souffrance des innocents

Malgré ses efforts, Israël risque de perdre face à une menace bien plus grande : le terrorisme issu de Téhéran, qui sévit depuis quarante ans. Tel un Dracula, ce régime se nourrit de la souffrance des innocents, y compris celle des enfants iraniens envoyés sur les champs de mines durant la guerre Iran-Irak.

Le terrorisme et la bellicosité ont été institutionnalisés sous le gouvernement des Mollahs, notamment avec la création de la Force Al-Qods pour diriger des milices à l’étranger. La guerre actuelle offre un choix critique : celui de la paix ou de la guerre prolongée. La paix nécessite la reconnaissance mutuelle d’Israël et de la Palestine, conformément à la résolution 222 de l’ONU, tandis que la guerre risque de s’étendre et de causer davantage de pertes.

L’éradication du Hamas pourrait être possible, mais cela ne fera qu’alimenter des groupes encore plus radicaux, soutenus par Téhéran. Le véritable enjeu reste la propagation de l’antisémitisme, y compris dans les pays occidentaux.

 

Khamenei tire profit des hostilités entre Israël et le Hamas

Le régime des mollahs craint l’expansion de la guerre et évite d’impliquer le Hezbollah pour ne pas aggraver la situation. Cependant, il continue de soutenir les hostilités entre Israël et le Hamas, sans vouloir déclencher un conflit majeur. Khamenei cherche à maintenir cette tension, la transformant en un affrontement entre le monde islamique et l’Occident. Dans son discours, il a souligné que le monde islamique doit soutenir les Palestiniens.

Il tente de détourner l’attention de la menace de renversement de son propre régime, exacerbée par des émeutes en Iran depuis 2017. La prétendue destruction d’Israël n’est qu’un prétexte pour alimenter la guerre et mobiliser des forces dans la région. Khamenei n’a jamais eu l’intention réelle de déclarer la guerre à l’Amérique ou de s’opposer directement à Israël, car cela signifierait sa chute.

En Iran, les mollahs n’ont pas réussi à mobiliser la population contre Israël. Les Iraniens, écrasés par des décennies de guerre et de terrorisme, ainsi que par la faim et la pauvreté, refusent d’être manipulés par Khamenei.

 

Le régime des mollahs a des pieds d’argile

Malgré les apparences, le régime des mollahs est dans un état de faiblesse extrême. Alejo Vidal Quadras, un ex-député européen critique du régime iranien, a récemment été la cible d’une tentative d’assassinat à Madrid, attribuée aux mollahs de Téhéran. Le régime, acculé par une insurrection sans issue, est contraint de faire face aux conséquences de ses actes.

Ali Khamenei, à l’instar d’autres dictateurs, a récemment limité son cercle de pouvoir en écartant certains députés. Le régime est confronté à une révolte persistante, alimentée par des facteurs économiques et culturels profonds. Selon un rapport interne divulgué, Khamenei envisage de créer une crise hors des frontières pour détourner l’attention, notamment en ciblant les pays arabes en vertu de l’accord d’Abraham, tout en intensifiant la répression interne.

La véritable guerre au Moyen-Orient est celle entre le régime iranien et sa population. C’est un combat pour libérer l’Iran des griffes des fascistes religieux et pour apporter la paix dans une région en proie au chaos et à la crise. Nous devons nous concentrer sur ce conflit crucial.

En marge de la guerre à Gaza : hommage à Philippe Simonnot

Il y a tout juste un an Philippe Simonnot disparaissait. Il laisse une œuvre variée, forte et atypique. Économiste libéral et journaliste mordant, il fit découvrir les tours et détours de l’économie aux lecteurs du quotidien Le Monde. Il fut brutalement licencié du journal en 1976 pour avoir crûment dévoilé comment de grands commis de l’État jouaient au mécano industriel avec des entreprises nationales comme Elf Aquitaine, ce groupe pétrolier public qui fut ensuite absorbé par Total en 1999 !

Heureusement, cette triste rebuffade agit sur Simonnot comme un stimulant : il publia une trentaine d’essais, aussi divers qu’originaux, jusqu’à sa mort. L’un de ses derniers ouvrages1 jetait une lumière crue sur les relations d’Israël avec les grandes puissances, abordant sans fard les migrations juives, le sionisme et la colonisation israélienne de la Palestine2.

Précis et clairvoyant, son diagnostic mérite d’être rappelé aujourd’hui car il éclaire bien l’imbroglio Israélien actuel !

Le 2 novembre 1917, Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères, transmit à lord Rothschild une brève lettre dactylographiée dont les termes engagèrent le processus politique qui aboutit plus tard à la naissance d’Israël.

La promesse sibylline du ministre Balfour préparait le mandat que l’Angleterre exerça sur la Palestine de 1920 à 1948 ; exprimant une sympathie pour les « aspirations juives sionistes », elle promettait d’établir en Palestine « un Foyer national pour le peuple juif » (sic). Cette déclaration répondait donc à la fois aux ambitions des sionistes juifs et au mondialisme du président américain Wilson qui prôna, devant le Sénat des États-Unis en janvier 1917 : « une paix sans victoire et sans annexion » pour l’après-guerre !

 

L’imbroglio sioniste 

Parfaitement officieuse, cette « déclaration » d’un membre du gouvernement britannique endossait donc le projet sioniste porté par Theodor Herzl depuis 1896 : en butte à des persécutions chroniques, des Juifs polonais ou russes venaient s’établir en Allemagne, en France, en Angleterre et aux États-Unis.

Quitte à émigrer, pourquoi ces populations ne pousseraient-elles pas jusqu’en Palestine, une destination mythique définie, un peu cavalièrement, comme une « terre sans peuple pour un peuple sans terre »3.

Cette hypothèse trouva un écho favorable chez les juifs d’origine russe, ukrainienne ou polonaise4; elle soulevait en revanche de fortes réticences chez les Juifs assimilés d’Europe occidentale (allemands, britanniques ou français), ainsi que parmi les Américains qui étaient plutôt antisionistes à cette époque.

En rappelant les politiques des uns et des autres (Américains, Anglais et Français, en particulier) Simonnot dévoilait les intentions et les propagandes de chacun. Sur le dossier de la Palestine et du Proche-Orient, les puissances coloniales furent progressivement ravalées, comme ailleurs, au rang de puissance moyenne. Et l’Amérique sacrée (pour un temps !) comme gendarme du monde et comme tuteur du Levant : en ce mois de novembre 2023, c’est effectivement la sixième flotte américaine qui croise au large de Gaza !

 

Collaborations franco-israéliennes

Dans ce Proche-Orient où rien n’est jamais simple ni univoque, que fit la France ?

Première étape : quelques mois avant la déclaration de Balfour en 1917, le sioniste Nahum Solo reçut une lettre (secrète !) de Jules Cambon5 qui lui promettait la sympathie de la France et s’engageait à soutenir « la renaissance […] de la nationalité juive sur cette terre dont le peuple juif a été chassé depuis tant de siècles » (cité par Simonnot p. 34). Le Quai d’Orsay prenait donc position.

Seconde étape : soucieux de contrer le désir britannique de « remplacer la France à Damas et à Beyrouth6 », Charles de Gaulle activa en 1941 une collaboration franco-sioniste qui se prolongea bien au delà du second conflit mondial : « ennemis des Anglais, ils deviennent des amis de la France » (id. p. 134) !

La France soutint donc la résistance juive dont le terrorisme sapait la présence britannique en Palestine (Groupe Stern, Haganah, Irgoun) avant leur départ définitif. Et l’émigration vers la Terre promise de ceux qui fuyaient les pogroms de Pologne, de Roumanie et de Hongrie, après l’armistice de 19457.

La France vota à l’ONU pour la partition de la Palestine entre Juifs et Arabes (novembre 1947) ;  une coopération militaire consolida ensuite le complexe militaro-industriel israélien dont la clef de voûte fut l’arme nucléaire tactique de l’État d’Israël. Cynique de part et d’autre, la collaboration entre Français et Israéliens dura longtemps : dans les domaines des armes, du renseignement, de la tactique et de la stratégie, depuis Ben Gourion jusqu’à Begin et Shamir…

 

Cynisme aussi, côté britannique !

À l’époque de Balfour, l’épine dorsale de l’Empire britannique allait de l’Inde à la Grande-Bretagne.

Cet axe maritime essentiel impliquait de contrôler le canal de Suez et l’Égypte. Il fallait donc chasser les Turcs qui occupaient ces territoires8.

Un important contingent britannique (400 000 hommes plus autant de supplétifs arabes et indiens) tentait de soumettre la Mésopotamie depuis 1914, pendant que la bataille de Verdun épuisait les troupes françaises qui auraient bien apprécié d’être épaulées par leurs alliés anglais !

Pour se faire pardonner cette guerre du Levant qui limitait l’engagement anglais en Europe, les Britanniques associèrent finalement les Français au partage du Proche-Orient. Les accords proposés par Mark Sykes à François Georges-Picot prirent forme en mai 1916 : ils allouaient aux Français le Liban et la Syrie, tandis que la Grande-Bretagne s’attribuait le Koweït, l’Irak, la Jordanie, la Palestine, le port de Haïfa et Saint-Jean-d’Acre. Jérusalem aurait une administration internationale9 !

En définitive, Balfour, Sykes, Georges-Picot ou Paul Cambon, ambassadeur français à Londres au moment des accords Sykes-Picot, concevaient encore le monde dans des termes du XIXe siècle : les Anglais confortaient l’implantation de leur Empire ; et la France radicale, laïque et républicaine, s’affirmait comme  protectrice des saints et des communautés chrétiennes du Levant ! Et la Couronne britannique contrecarrait en coulisses les positions françaises, en cultivant simultanément amitiés arabes et espoirs sionistes10 : bien difficile de démêler cet écheveau qui préparait les troubles d’aujourd’hui : rien de nouveau sous le Soleil !

 

L’Amérique, convergence des sionismes !

Depuis 1917, le soutien de l’Amérique à Israël est un lieu commun politique : bon an mal an, et de Wilson à Trump et Biden, l’Oncle Sam suit une politique sioniste que soutiennent à la fois des lobbies chrétiens et des groupes de pression juifs.

Le « sionisme chrétien » remonte loin dans l’histoire : il prolonge le millénarisme de nombreuses sectes du Moyen Âge11. Les protestants qui contribuèrent à peupler le Nouveau Monde en gardent des traces ; des politiques comme Jimmy Carter ou George W. Bush en furent imprégnés. Cela explique que Balfour, Shaftesbury, Lloyd George ou Sykes se convertirent au sionisme et que d’autres s’affirmèrent sionistes « en tant que membre de l’Église d’Angleterre » (id. p. 69).

Winston Churchill fut un « sioniste cynique » : pour lui, Anglais et Juifs avaient une même défiance envers les Arabes ; en Palestine, les juifs seraient donc, pensait-il, un facteur de sécurité pour les Britanniques. Il justifiait donc la déclaration Balfour à laquelle il n’avait pris aucune part. Pour les Anglais, Israël cantonnerait l’influence arabe au Proche-Orient, afin d’exploiter les ressources mésopotamiennes, et de mettre en culture les terres laissées en friche par les Arabes12 !

Comme la Grande-Bretagne avant elle, l’Amérique est encore prisonnière de ses paradoxes. Elle ne choisit pas entre des engagements incompatibles entre eux : alliance avec les monarchies du Golfe, d’un côté ; alliance israélienne, de l’autre ; alliance militaire avec les turcs qu’on ménage parce qu’ils verrouillent l’empire russe au Bosphore ; et alliance septentrionale dont la Norvège est le chaînon qui verrouille l’empire russe au nord13 !

 

Quelques mots de synthèse

De tels paradoxes sont légion dans le jeu levantin.

De plus, personne ne peut occulter ni le fait religieux ni le communautarisme, ni le clanisme qui participent à l’opacité politique dans cette région, comme au Caucase et aux Balkans14.

Philippe Simonnot soulignait à raison toutes ces subtilités qui rendent l’action politique levantine illisible pour un esprit rationnel !

Ceux qui ont vécu en Orient le savent : en Russie, en Arabie,  ainsi qu’en Extrème-Orient, l’intérêt personnel, la manœuvre et le double langage sont de règle ; aucune promesse n’est durable, sauf si une force incontestable vous impose de la respecter, ce que tente de faire la Sixième Flotte devant Gaza, et, peut-être, la dissuasion nucléaire d’Israël !

Herzl, inspirateur du sionisme moderne, est l’idéal-type de ce dossier. Jamais ses interventions aux congrès sionistes n’évoquèrent la « question arabe ».

Au contraire, il soulignait sans fard que : « faire disparaître les Arabes (de Palestine) est au cœur du rêve sioniste » (Simonnot, p. 84). Dès les années 1930, Ben Gourion affirmait aussi que les sionistes ont déplacé les populations arabes afin que la Palestine devienne une « terre sans peuple », afin d’y installer son « peuple sans terre », venu d’Europe centrale !

Weizmann, premier président du nouvel Israël, condensa son dessein dans un dicton que personne n’oserait prononcer aujourd’hui : « L’Arabe, fils du désert ? Il faudrait plutôt l’appeler : le père du désert ! »

Sur quoi débouche cette aventure tragique, vieille de plus d’un siècle ?

Simonnot notait qu’il a toujours existé, en France et ailleurs, des Juifs pour s’opposer au sionisme, et que ce dernier n’a pas eu la meilleure part dans la politique internationale : le drame actuel de la bande de Gaza le rappelle avec force !

Le déplacement des populations palestiniennes se poursuit : Simonnot le rapprochait des « épurations ethniques » au sein de la Yougoslavie des années 1990 ; que dire à Gaza ? Depuis 1947, le déplacement des populations continue. Est-ce la face sombre du sionisme contemporain ?

Sa face claire, que nous admirons, est séculière : depuis Tel Aviv, de nombreuses start-up participent au progrès de notre temps, biologique ou numérique, en liaison étroite avec les plus grandes universités et avec les réseaux du monde contemporain !

En rasant des immeubles gazaouis, les canons d’Israël ont-ils déclenché l’Apocalypse ? J’hésite à citer le mot du Christ sur sa croix : « Tout est accompli ! » (Jean 19-30) : s’il s’applique en l’espèce, la Palestine peut avoir un avenir !

Article rédigé en novembre 2023, inspiré d’une note de lecture publiée par l’auteur en 2020.

  1. Le Siècle Balfour, 1917-2017, P.-G. De Roux ed. (2018). La rédaction de la revue Communication de l’université Laval à Québec m’a aimablement permis de reprendre ici un partie de l’article que j’ai consacré à cette étude dans le n° 37 – 1 (2020).
  2. Voir, par exemple : « L’antisionisme n’est pas un anti-sémitisme » , Contrepoints du 7 mars 2019
  3. Formule attribuée à Salisbury, oncle de Balfour : n’était-ce pas aussi une façon élégante de « résoudre la question juive en supprimant son support, le judaïsme » s’interrogeait Simonnot (p. 65-66 de son livre sur Balfour).
  4. Der Judenstaat (l’État des juifs) affirmait que les Juifs sont un peuple à qui il faut un État. Cette affirmation hérissa des rabbins de Vienne ou de Munich et prit à revers de nombreux Juifs intégrés en Angleterre, en Hollande, en France ou en Italie ; Simonnot remarquait : « Herzl trouve le gros de sa clientèle en Europe centrale et orientale et non en Europe occidentale » (p. 59 de son livre sur Balfour).
  5. Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, frère cadet de l’ambassadeur de France à Londres qui prépara les accords Sykes-Picot !
  6. Citation des Mémoires de guerre, t. I, p. 205 (cité par Simonnot, p. 133.
  7. Récit de l’affaire Exodus pendant l’été 1947 (id. p. 134-147).
  8. L’Angleterre avait remplacé le coke par le mazout comme carburant des bateaux ; l’Amirauté voulait  donc« extraire, raffiner et transporter » l’huile d’Irak, selon les mots de Churchill aux Communes, en juillet 1913 (id.p. 28).
  9. Les Anglais firent aux Arabes des promesses parfaitement contraires à l’esprit des accords franco-anglais !
  10. Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie entraîna ses légions arabes à se battre contre leurs co-religionnaires loyaux aux occupants turcs (id. p. 31) !
  11. Citation de Benyamin Nétanyahou, encore Premier ministre d’Israël, mise en exergue de l’essai de Simonnot : « Le sionisme chrétien précède le sionisme juif moderne (il) lui a permis d’exister » (8 mars 2010).
  12. Même vision des stratèges français et américains à propos de l’armement d’Israël, notamment nucléaire!
  13. Jens Stoltenberg, ancien premier ministre socialiste de Norvège est Secrétaire général de l’OTAN depuis dix ans !
  14. Ce fut de tous temps le cas du Liban ; c’est aujourd’hui aussi le cas d’Israël et des monarchies du Golfe qui sont actuellement prises au piège de leur double allégeance : à l’Occident que représente en partie Israël de nos jours ; et à l’Islam dont le projet n’a cessé d’être celui que révèle son nom : soumission !

France Inter : Guillaume Meurice en voie de « dieudonnisation » ?

L’humour, comme le sport, a toujours été politique. La preuve en est avec la dernière polémique en date provoquée par la saillie du chroniqueur de France Inter Guillaume Meurice la semaine dernière.

Dans un contexte de résurgence du confit israélo-palestinien dans le débat public et des actes antisémites depuis l’attaque du Hamas il y a un mois, et qui constitue l’acte le plus meurtrier à l’égard de la communauté juive depuis 80 ans, ce qui était censé être un « bon mot » fait particulièrement tache au sein d’une rédaction déjà habituée à sanctionner ses humoristes lorsque ceux-ci dépassent la ligne jaune.

Reprenons : dans une chronique à visée humoristique évoquant les possibles déguisements pour Halloween, l’humoriste bourguignon a proposé un accoutrement à l’effigie du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou : « Vous voyez qui c’est ? C’est une sorte de nazi mais sans prépuce ».

Une phrase qui a rapidement fait réagir au point d’entraîner des menaces de mort imposant de fermer les prochaines émissions au public. Des réactions souvent disproportionnées, et qui posent plusieurs questions, allant du traitement médiatique à la liberté d’expression, en passant par la responsabilité des humoristes.

 

Une provocation nauséabonde ?

La première question qui se pose : ce qui est censé être une blague est celle de son potentiel caractère antisémite.

En faisant un peu d’analyse, on comprend assez vite que la phrase en cause est un mélange de satire et de provocation propre à la tradition du bouffon : d’une part, Guillaume Meurice veut se moquer de Benyamin Netanyahou, un dirigeant politique et donc un puissant, d’autre part, il utilise la caricature afin de lui donner un aspect choquant. Or, rien n’est plus choquant pour nous, Français, que le nazisme. Mais peut-on aller plus loin que la comparaison d’un quidam avec les heures sombres, la comparaison d’un dirigeant de confession juive avec l’idéologie qui a le plus meurtri les siens ?

Outre cette comparaison entre le plus grand des bourreaux et le peuple qu’il a tenté de génocider, la référence à la circoncision vise également, de manière assez claire, à se moquer de la tradition juive.

Si cette référence marque clairement une volonté d’attaquer la tradition hébraïque, la phrase correspond au rôle du bouffon, saltimbanque qui avait le droit de se moquer du monarque. Meurice n’attaque pas « les » Juifs, mais le dirigeant d’un pays dont la vocation est de les accueillir.

En clair : cette blague, aussi pétrie de mauvais goût qu’elle soit, n’est pas antisémite et n’attaque pas les Juifs, ni même la religion juive.

 

Une nazification dénoncée

Pourtant, les tomates n’ont pas tardé à fuser. Tomates virtuelles, à l’heure des réseaux sociaux, mais tomates qui tachent. L’avocat Gilles-William Goldnadel et le député LR Meyer Habib y sont allés de leur réaction, plus ou moins caricaturale, souvent pour expier la dissymétrie qui existe dans la victimisation dont la gauche s’est faite le porte-étendard. Il en est de même pour l’essayiste Caroline Fourest, elle aussi au cœur d’une saisine de l’Arcom (ex-CSA) pour avoir refusé de comparer le meurtre volontaire d’enfants israéliens par le Hamas et les victimes civiles collatérales faites par l’armée israélienne.

Outre l’antisémitisme dénoncé dans cette boutade, la plupart des réactions négatives s’accordent sur la condamnation de la nazification du peuple des Juifs induite ici.

La réaction la moins caricaturale et sans doute la plus censée fut sans doute celle de la rabbine Delphine Horvilleur sur X (ex-Twitter), et ce non sans répondre à la provocation par l’humour :

Prépuce ou pas : Moi je serais plutot en faveur de circoncire le temps d’antenne de Guillaume Meurice. (Et le mandat de Netanyahou aussi, mais c’est une autre histoire). Ah si seulement les juifs contrôlaient les médias !…🤢😤😩 #nazifierlesjuifsunenouvellemode https://t.co/9SME46Xess

— Delphine Horvilleur (@rabbidelphineH) October 30, 2023

 

Une rédaction divisée

Face à cette levée de boucliers, la rédaction de France Inter s’est retrouvée dans la tourmente.

Tel est le cas en particulier de Charline Vanhoenacker, dont Gilles-William Goldnadel a rappelé qu’elle avait dessiné une moustache hitlérienne sur une affiche d’Éric Zemmour. L’animatrice avait dû s’en expliquer ensuite auprès de la patronne de Radio France Sibyle Veil.

Suite à la sortie de son collègue, la présentatrice du service public a été contrainte de prendre la parole, évoquant, sans surprise, « une satire », « une caricature », dont l’interprétation antisémite serait « une dangereuse instrumentalisation », fruit de l’extrême droite.

Toujours dans la tourmente plusieurs jours après le début de la polémique, Charline Vanhoenacker a noté une « prise de risque » en constatant toutefois une « tension mal jaugée ».

Or, si on suit Le Figaro du 2 novembre dernier, la rédaction de France Inter est moins soudée sur le sujet que ce que l’image d’Épinal laisse penser.

« Nous refusons d’être entraînés dans sa chute », estime un salarié cité par le quotidien. De son côté, la directrice de la station parle d’une « outrance ».

Un autre soutien est intéressant à noter : l’ex-auteur des Guignols de l’Info Bruno Gaccio a apporté son soutien au chroniqueur. Il y a 20 ans, ce même Bruno Gaccio avait déjà soutenu un autre humoriste dont la première polémique ressemble trait pour trait à celle qui nous occupe ici.

 

Une affaire Dieudonné-bis ?

Nous sommes un soir d’automne sur une chaîne du service public. Alors que le conflit israélo-palestinien est revenu sur le devant la scène, un humoriste marqué à gauche lance un sketch comparant la politique israélienne à celle suivie par les nazis. Les invités et l’animateur de l’émission sont hilares.

Cette scène n’est toutefois pas la blague de Guillaume Meurice, mais celle qui lança l’affaire Dieudonné il y a presque 20 ans jour pour jour, le 1er décembre 2003 sur le plateau de l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde », animée par Marc-Olivier Fogiel.

Dieudonné terminant son sketch par un « Isra-Heil » en pleine seconde intifada avant de faire un salut nazi n’est pas sans revenir en mémoire lorsqu’on pense à la nazification d’Israël opérée 20 ans plus tard par Guillaume Meurice.

 

Responsabilité et service public

Le parallèle s’arrêtera là, Dieudonné ayant eu bien avant cette blague un passif antisémite marqué, bien que passé inaperçu à l’époque.

Que la blague de Guillaume Meurice soit antisémite ou non, la polémique qu’elle a provoquée n’est pas près de se terminer. La gêne de la rédaction n’en est que la plus criante démonstration.

Or, si le bouffon est depuis toujours frappé d’immunité, la question de sa responsabilité se posera de plus en plus à mesure que le service public s’arrogera un magistère intellectuel sur l’humour acceptable, y compris en dérapant comme ce fut le cas ici.

C’est l’occasion de nous souvenir d’un principe simple : il ne saurait y avoir de réelle liberté d’expression dans le cadre d’un service public financé par tous, et donc ne pouvant froisser personne.

Lutte contre l’antisémitisme : la liberté de manifester ne peut devenir une injonction à manifester

Qui a dit quoi ? Quand ? Comment ? Qui ne va pas à telle manifestation est automatiquement pro-Hamas. Qui ne poste pas ceci ou cela devient suspect d’affinité avec ce qu’il ne dénonce pas. Tel est le climat actuel sur les réseaux sociaux, dans la presse ou sur des plateaux de télévision. Un climat de suspicion s’installe qu’il faut impérativement dénoncer et combattre avant qu’il ne prenne durablement ses quartiers.

 

La lutte contre l’antisémitisme ne peut devenir une injonction, ou pire, une sommation. Dans une démocratie libérale, le fait d’aller manifester peut être encouragé, non requis, et ne peut passer par l’intimidation. Qu’une frange de l’espace politique fasse des choix douteux et contestables ne peut donner lieu à une mise à la question de l’ensemble du corps politique : que pense-t-il en temps et en heure ? De ceci, de cela, et du reste ? On ne peut criminaliser le non-dit ; le silence ne peut devenir suspect. Si dire son indignation importe, la chasse aux déclarations publiques, aux condamnations ou aux validations, ne peut se généraliser sous peine d’empoisonner durablement le débat public, déjà féroce et houleux. Le genre épidictique (l’éloge ou le blâme) pratiqué sur le mode du contrôle social peut virer au cauchemar s’il devient une pratique coercitive sur le mode du « vous louez ou blâmez convenablement ».

Il faut rester ferme sur les principes libéraux : liberté d’expression, pluralité des opinions, liberté de manifester.

Aucune des trois n’est clairement remise en cause, mais chacune est ces jours-ci entachée de suspicion : vous vous exprimez — que dites-vous ? ; vos opinions sont-elles décentes ? ; vous allez manifester — à côté de qui ? dites-vous bien ceci et cela en même temps ?

Ce faisceau de questions plus ou moins tacites, et de plus en plus ouvertement posées traduisent un climat de censure dont on ne peut accepter qu’il devienne l’étalon de l’échange interpersonnel. La liberté d’expression implique le désaccord, chercher qui a des opinions licites ou suspectes n’est que l’autre nom de l’Inquisition. Chercher la faille, le propos incomplet, la citation imprécise et l’on a tous les ingrédients d’une néo-police de la pensée qui contrevient en tout à l’esprit d’une démocratie saine et vivante.

Il faut tenir bon et rester fermement arrimés aux principes énoncés par Benjamin Constant dans plusieurs de ses textes. C’est une exigence intellectuelle et morale qui est seule garante que les libertés publiques sont respectées et mieux encore, que chacun puisse en jouir, sans crainte d’être « verbalisé ». La surveillance généralisée au nom de combats légitimes (lutte contre l’antisémitisme, importance de nommer les choses et les faits avec justesse) est néanmoins une pente dangereuse dont on ne saurait revenir indemne : son coût est l’auto-censure, la crainte de s’exprimer, « et c’est une patrie bientôt perdue qu’une patrie sauvée ainsi chaque jour[1] », pour citer celui qui défendit si farouchement la liberté, toutes les libertés.

Prenons garde que la défense de justes causes ne se transforme en un enfer à ciel ouvert. On ne défend pas des principes avec des méthodes qui leur sont opposées. C’est le fondement de l’État de droit qui garantie les libertés et qui ne peut déboucher sur la création d’une police citoyenne visant à les défendre. La contradiction est manifeste et elle doit être énoncée comme telle. La course à la vertu, c’est le contraire de la vertu ; la chasse aux opinions délictueuses, c’est l’assurance d’une course contre la montre perdue d’avance.

Rappelons, d’une part, avec Constant qu’« il dépend de chacun de nous d’attenter à la liberté individuelle. Ce n’est point un privilège particulier aux ministres[2] » ; d’autre part, que « la puissance légitime du ministre lui facilite les moyens de commettre des actes illégitimes ; mais cet emploi de sa puissance n’est qu’un délit de plus[3]. ».

Autrement dit, chacun a son rôle à jouer dans la qualité des interactions publiques. La parole d’un ministre, pour grave qu’elle soit à son niveau de responsabilité, n’exonère pas les citoyens lambda de leur responsabilité propre : le terrorisme intellectuel n’a pas d’écurie particulière. Il peut être l’apanage des partis, comme des individus ou de médias peu scrupuleux.

C’est à la fin le même poison qui est distillé : celui de la coercition, de l’intimidation, du zèle mis à dénoncer un tel ou une telle sur la base de déclarations partielles, incomplètes ou qu’on juge insuffisante pour qu’il/elle soit tenu pour un « bon Français » ou un « bon citoyen ».

L’expression d’opinions « mauvaises » est une soupape pour la démocratie : leur tenir tête et les contredire, les défaire, est une chose ; vouloir les museler et les interdire en est une autre. L’une est saine, démocratiquement, la seconde profondément malsaine. On peut combattre une chaîne de télévision, un parti, un hebdomadaire, sans vouloir les interdire. Cette chaîne, ce parti, ce journal exige des contrepoints et que d’autres voix soient entendues : c’est donc aux médias de faire en sorte que la pluralité des points de vue soit assurée, et que la « modération » soit tout autant audible que les diatribes les plus notoires.

Rappelons-nous enfin avec Constant :

« L’intolérance civile est aussi dangereuse, plus absurde et surtout plus injuste que l’intolérance religieuse. Elle est aussi dangereuse, puisqu’elle a les mêmes résultats sous un autre prétexte ; elle est plus absurde, puisqu’elle n’est pas motivée sur la conviction ; elle est plus injuste, puisque le mal qu’elle cause n’est pas pour elle un devoir, mais un calcul.[4] »

Ce calcul, c’est celui de vouloir avoir Raison contre tous, de dire ce qui est bien ou mal, de prétendre détenir la vérité en décrétant quelles opinions sont valables ou non. Qu’on ne vive pas dans un État totalitaire est toujours l’affaire de tous.

[1] De l’Usurpation, « Chap XVI de l’effet des mesures illégales et despotiques, dans les gouvernements réguliers eux-mêmes », éd. Pléiade, p.1053.

[2] Principes de politique, « De la responsabilité des ministres », p.1127.

[3] Ibid.

[4]  Principes de politique, p.1182

Antisémitisme : les masques tombent, et les œillères aussi

L’antisémitisme est en vogue cet automne. Suite à la guerre déclenchée le 7 octobre par l’attaque du Hamas, des croix gammées apparaissent sur des portes de logements et entreprises de Juifs dans divers pays occidentaux (en Orient il n’y en a presque plus). Des étudiants juifs sont menacés sur des campus américains où certains professeurs ont fait part de leur euphorie après l’attaque des djihadistes.

À Paris, New York, Berlin, ou Londres on arrache les affichettes d’enfants kidnappés par le Hamas. Des manifestations dénoncent Israël à Paris, ou Berlin aux cris de « Allah Akbar » en omettant soigneusement de critiquer les crimes du Hamas, et même d’appeler à la libération des otages.

L’Allemagne se réveille avec la gueule de bois. 3000 personnes ont manifesté dans les rues d’Essen, avec de nombreux drapeaux islamistes et en défendant le califat mondial. 1/2 pic.twitter.com/W51ubq4yWk

— Mathias Ulmann (@MathiasUlmann) November 4, 2023

 

À Sidney, un cortège a appelé à « égorger les Juifs ». Quant à la marche de dimanche à Paris contre l’antisémitisme, bien des acteurs politiques et cultuels ont refusé d’y participer au prix de positions ambiguës et alambiquées. À l’image du Conseil français du culte musulman refusant de s’y associer de peur sans doute d’être en porte-à-faux vis-à-vis de sa base, au prétexte qu’elle ne dénoncerait pas parallèlement… l’islamophobie.

 

Quatre vagues d’antisémitisme depuis 1945

Cet antisémitisme décomplexé s’étend aussi à certains dirigeants politiques un peu partout en Occident, même s’ils ont la prudence, ou l’habileté, de ne pas reprendre des slogans des années Trente, se contentant de refuser de qualifier de terroriste le Hamas, ou le renvoyant seulement dos à dos à Israël. C’est-à-dire mettant sur le même plan l’État hébreu et une organisation terroriste ayant exécuté de sang froid des femmes et des enfants, comme en attestent notamment les vidéos récupérées auprès des combattants du Hamas abattus, ou capturés, visionnées par l’auteur de ces lignes.

Un dos à dos auquel Israël, accusé d’être un État colonial (superficie, l’équivalent de la Bretagne) et réalisant un nettoyage ethnique (si c’était son objectif, vue la puissance de son aviation, il n’y aurait déjà plus âme qui vive à Gaza) est renvoyé par les gouvernements d’une soixantaine de pays du monde, qui représentent les deux tiers de l’humanité. Tandis qu’une trentaine de pays, presque tous d’Afrique du Nord et Proche-Orient, soutiennent carrément le Hamas. Lequel n’est condamné clairement que par les pays occidentaux, en sus de l’Inde et d’une huitaine de pays d’Afrique noire.

Il faudrait être d’une candeur féroce pour être surpris et croire que l’antisémitisme serait mort avec un certain Adolf H. dans un bunker berlinois en avril 1945. Ce jour-là n’a été détruit qu’un projet génocidaire mené par un État industriel. Pas l’antisémitisme, qui resurgit depuis par vagues, au gré des soubresauts du conflit israélo-palestinien, mais pas seulement.

Simon Epstein, historien spécialiste de la question, identifie quatre vagues d’antisémitisme en Occident depuis la Deuxième Guerre mondiale :

  1. Une, à l’instigation apparemment du KGB, en 1959, en Europe occidentale et États-Unis
  2. Une autre, déclenchée par la guerre du Kippour, de 1973 à 1982
  3. Une autre, en Allemagne, France et États-Unis, de 1989 aux accords d’Oslo de 1994
  4. Une dernière, à partir de l’intifada de 2000, qui ne s’est jamais vraiment terminée, et s’accentue encore depuis le 7 octobre

 

Un adulte sur quatre est antisémite

Ailleurs, cela n’a pas vraiment de sens de parler de vagues, pour la simple raison que l’antisémitisme y est stable à un niveau élevé, voire au taquet.

Selon un sondage de l’Antidefamation league mené en 2014 (depuis, plus rien…) dans 102 pays sur cinq continents, un adulte sur quatre dans le monde approuvait au moins six des onze opinions négatives sur les Juifs qui leur étaient proposées. Ce pourcentage ne dépassait pas 15 % en Amérique du Nord, ou en Océanie, mais montait à 24 % en Europe occidentale (17 % en France), comme en Amérique latine, 22 % en Asie (20 % en Chine et Inde… et 6 % au Vietnam), 23 % en Afrique subsaharienne, 34 % en Europe orientale (32 % en Russie) et… 74 % en Afrique du Nord et Moyen- Orient. Aucun pays musulman ne comptait un pourcentage d’antisémites inférieur à 75 %, avec des pointes fréquentes à 98 %, sauf… l’Iran à 60 % !

Ce qui n’a rien de très surprenant. Loin des caméras occidentales, les écoles de nombreux pays musulmans martèlent chez les enfants la détestation des Juifs en citant notamment un hadith (tradition orale de Mahomet et ses compagnons) appelant à les tuer (on peut interpréter différemment le Coran lui-même, aux versets exprimant une défiance certaine envers les Juifs, mais apparemment contradictoires sur la question, comme sur bien d’autres, ce qui explique que, heureusement, tous les musulmans pratiquants ne sont pas antisémites).

 

Antisioniste ou antisémite, beaucoup de ressemblances

Certes, en théorie, il existe une différence entre antisémitisme et antisionisme : on peut en effet juger illégitime l’existence même d’Israël (comme on a pu le faire pour de nombreux autres pays, URSS, RDA, Pakistan oriental, etc), sans détester pour autant les Juifs.

Des Juifs orthodoxes citent même un obscur passage des textes hébraïques proscrivant la création d’un État à Jérusalem.

En pratique, toutefois, la quasi-totalité des antisionistes sont antisémites sur les bords dès qu’on creuse un peu lors d’une conversation, ou comme l’illustre une expérience de pensée ; croyez-vous vraiment qu’une demi-douzaine d’États arabes auraient mené quatre guerres à Israël, et que des manifestations incandescentes dénonceraient ce pays 75 ans après sa naissance si les Israéliens étaient musulmans ?

Sans oublier que ceux qui fustigent Israël n’objectent pas aux différentes oppressions de peuples musulmans ailleurs, Ouïghours en Chine, Rohingyas en Birmanie, etc.

 

L’antisémitisme, principe géopolitique de nouveau structurant

Bref, l’antisémitisme semble être redevenu, pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale un principe géopolitique structurant à l’échelle planétaire.

Et cela risque de s’accentuer avec les victimes collatérales des opérations de l’armée israélienne face à un Hamas se servant des civils comme de boucliers humains. On voit monter partout une émotion (Israël est clairement en train de perdre la bataille des images, voire de l’opinion) poussant nombre de dirigeants à réclamer un cessez-le-feu, à l’image du président Macron, sans toutefois expliquer comment Israël pourrait alors détruire le Hamas. S’opposeraient-ils à toute riposte militaire si un groupe terroriste commettait en France l’équivalent de 70 Bataclan, qui correspond, en proportion de la population israélienne, au bilan de l’attaque du 7 octobre ?

De ce fait, se pose une question essentielle pour la paix civile en Occident : l’antisémitisme pourrait-il devenir incandescent au point d’y provoquer une vague d’affrontements, voire des sortes de pogroms dont les provocations devant les synagogues seraient le prélude ? Une partie des immigrés d’origine musulmane peuvent-ils tenter « d’importer » le conflit chez nous ?

Ce scénario n’est heureusement pas le plus probable, mais mérite d’être pris au sérieux. Le nombre d’incidents antisémites avait déjà augmenté de 40 % l’an dernier dans les pays (États-Unis, Royaume- Uni, France, Allemagne) où des enquêtes sérieuses sont menées. Ils représentent désormais la majorité des incidents à caractère racial ou religieux. Un essor, depuis des années, lié à celui de l’idéologie islamiste, c’est-à-dire de conquête du pouvoir au nom du Coran. S’il existe des islamistes non antisémites, ils ne se sont pas encore exprimés…

 

Un projet plus large de conquête de l’Occident

Cet antisémitisme sous-jacent à l’islamogauchisme a désormais largement supplanté celui, traditionnel, d’extrême droite, souligne Simon Epstein.

Il semble s’être instaurée une alliance de circonstance entre une partie de la gauche voyant en l’islamisme un facteur de destruction du capitalisme, ou adhérant à la vieille association Juifs = Argent (relire les pages antisémites de Karl Marx) et une partie des jeunes d’origine arabo-musulmane.

Mais les slogans et discours de beaucoup d’entre eux dépassent largement le conflit à Gaza, et s’inscrivent dans un projet plus global des islamistes, décrit en détail dès 2005 par un remarquable livre enquête du journaliste suisse Sylvain Besson La conquête de l’Occident, en commençant par l’Europe, considérée comme son « ventre mou ». Un projet qu’expliquent candidement nombre de jeunes islamistes en France, en Allemagne, au Royaume-Uni.

Des petits soldats biberonnés à la nécessité de prendre tout simplement le pouvoir dans les pays occidentaux au nom d’une sourate prédisant qu’un jour l’humanité entière sera musulmane. D’abord pacifiquement, via l’entrisme dans des associations travaillant à une société séparée ou « réorientée », des horaires de piscines aux codes vestimentaires, en passant par les menus à l’école, ou les programmes scolaires, etc.

Puis en misant sur la dynamique démographique pour devenir majoritaire et imposer la valise, la conversion, la dhimmitude ou le cercueil.

MusIim man in Germany:” when MusIims are in majority, we would take over Germany with force.
Sharia law will be instead of Germany laws.
When Germans stand against our sharia they will be attacked.
Christians and Jews have to pay Jizya,Hindus,Buddhists have to leave or be killed” pic.twitter.com/OiN19m6DYR

— Azzat Alsalem (@AzzatAlsaalem) November 4, 2023

 

Un projet auquel adhère une partie, certes minoritaire mais non négligeable de l’immigration d’origine arabo-musulmane. Une enquête de l’institut Pew Research montrait déjà il y a dix ans que parmi les jeunes musulmans d’origine immigrée, 15 à 40 % suivant les villes aux Pays-Bas, en Belgique, au Royaume Uni, en Allemagne, aux États-Unis, considéraient la religion comme au-dessus des lois de leur pays, adhéraient à un agenda islamiste radical, notamment d’une stricte ségrégation homme/femme, voire approuvaient l’exécution des apostats, ou les attentats suicide au nom du Coran.

Un projet formalisé clairement dans la charte des Frères Musulmans, ou par l’influent prédicateur Youssef al-Qaradawi :

Avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons, avec nos lois coraniques nous vous dominerons.

Jusqu’à la doctrine d’Al Qaïda dans « Appel à la résistance islamique mondiale » diffusé sur Internet en 2004, d’un théoricien majeur du réseau djihadiste, quoique méconnu en Occident, Abou Musab Al-Suri. Ce dernier vantait la « stratégie des mille entailles » usant, exténuant, hébétant la société occidentale à coups d’attentats et provocations, et préconisait, selon le journaliste Éric Leser, de « viser les Juifs, les policiers, les militaires, les églises, les grands événements sportifs et culturels. Il faut dresser les populations contre les musulmans, et contraindre ainsi ces derniers à choisir un camp ».

Les masques des antisémites tombent donc depuis le 7 octobre, mais aussi, semble-t-il, les œillères de certains de ceux qui se réfugiaient dans le déni « roooh, ils ne sont pas plus de trois excités ».

Le déni, mécanisme classique de protection psychologique, dont on peut s’étonner qu’il fut encore si vigoureux après Mérah, Charlie, le Bataclan, les meurtres de profs, etc. Eh bien non, les antisémites et islamistes (à ne pas confondre avec les musulmans, les premiers mènent un combat politique de soumission et conquête, les seconds vivent généralement leur foi dans leur coin sans enquiquiner personne) sont bien plus que trois à vivre en Europe sans adhérer à son « socle civilisationnel », pas seulement en ce qui concerne les Juifs, mais aussi les femmes, la démocratie, le rapport à la religion, ou l’État de droit.

Avec 300 000 personnes selon la police, le cortège de soutien à la Palestine à Londres, sans aucun slogan contre le Hamas et à l’appel d’une organisation islamiste, samedi, était la troisième plus importante manifestation des vingt dernières années dans la capitale britannique.

 

La politique d’immigration en question d’un point de vue libéral

Ce qui pose forcément la question de la politique suivie depuis une quarantaine d’années en matière d’immigration. Soyons clair, à défaut d’être politiquement correct.

Cette politique a accueilli/suscité une immigration extra civilisationnelle d’ampleur, dont la majorité adhère, certes, à nos valeurs, mais en oubliant que l’Histoire est faite aussi par les minorités violentes et déterminées.

Combien de Russes en 1917 rêvaient de goulag et de bolchévisme ? Combien d’Allemands en 1934 voulaient vraiment une dictature génocidaire engagée dans un projet de conquête mondiale ? Était-il donc judicieux de faire venir tant de gens dont une partie (10 % ?) n’adhère pas du tout à notre socle civilisationnel, voire veut le supplanter ?

Cette politique d’immigration instaurée, malgré le désir de la majorité de la population selon les sondages (y compris de beaucoup d’immigrés intégrés qui craignent qu’à être trop nombreux à « monter dans l’autobus » ça puisse tourner mal), à grand renfort d’éléments de langage « chance pour la France », « la France est comme une mobylette, elle marche au mélange/multiculturalisme », avait pour carburant imprudent :

  • une demande du patronat (l’immigration comme armée de réserve de la main-d’œuvre, ceux qui viennent de pays où le salaire moyen est de 300 euros mettent du temps avant de tirer les salaires vers le haut, afin de pourvoir les boulots dévalorisants dont nos chères têtes blondes ne voulaient plus)
  • une demande de la gauche, expier la culpabilité post coloniale et « ah je ris de me voir si cosmopolite dans ce miroir », sans se demander au passage si on ne privait pas les pays d’origines de précieuses ressources humaines
  • une demande de retraités d’une population jeune et à forte natalité, ce qui risque un jour de faire cher la partie de scrabble.

 

Pour en comprendre les effets lire l’excellent livre Rue Jean Pierre Timbaud, de Géraldine Smith (2016) et La gauche et la préférence immigrée (2011) de Hervé Algalarrondo, journaliste de L’Obs, du temps où il ne mettait pas sur le même plan le Hamas et le (par ailleurs stupide et odieux) Likoud.

Il découlerait de tout cela qu’il serait judicieux de réduire l’immigration tout en travaillant vigoureusement, à l’école ou dans les prétoires, à assurer une reconquête de nos fondamentaux culturels.

Certes, il est embarrassant pour un libéral de critiquer le droit sous-jacent à l’immigration open bar, celui de tout individu à chercher une vie meilleure sous les cieux de son choix.

Mais c’est oublier deux choses.

La première, c’est qu’il ne faut pas oublier, disait Raymond Aron « que l’Histoire est tragique, et qu’il existe des conflits inexpiables », ainsi que des civilisations, fauves puissants dont on ignorerait à son détriment combien elles structurent profondément les relations entre les humains.

La seconde, c’est que le droit de propriété consubstantiel au libéralisme accorde à une communauté humaine, appelons là un pays, un droit de disposer d’un ensemble immatériel (droits, coutumes, institutions), et donc de désigner qui peut en profiter, ou pas. Sans sectarisme ni phobie. Ce n’est pas parce qu’on apprécie quelqu’un qu’on est pour autant obligé de prendre une colocation avec lui…

Faut-il voir les images de l’attaque terroriste du Hamas ?

On lit des journalistes qui, l’air sérieux et pénétré, expliquent qu’ils ont vu les ‘vraies images’ de l’attaque par le Hamas le 7 octobre mais qu’elles sont ‘trop horribles’ pour les partager avec les gens ordinaires (vous et moi).

L’époque où l’on nous disait ce qu’on ‘peut’ voir ou pas est révolue. À l’heure des réseaux sociaux, il ne revient à personne de déterminer ce qui est visible et ce qui ne l’est pas. La couverture catastrophique des premiers jours du conflit — avec le désormais fameux ‘bombardement d’un hôpital par Israël, 500 morts’ — nous rappelle que celui qui veut réellement s’informer, ne peut pas se cantonner à la presse traditionnelle.

La question que je voudrais traiter ici est autre : ces images, auxquelles nous avons en effet accès, faut-il les regarder ? À partir de quel moment la contemplation de ces images et vidéos quitte-t-elle le champ de la connaissance pour gagner celui du voyeurisme ? Et comment qualifier ce voyeurisme ?

Dès le 8 octobre, lendemain de l’attaque massive des civils israéliens par les hordes bestiales du Hamas, des images ont commencé à circuler. Ces images, je les ai vues. J’ai vu des hommes, des femmes, des enfants tués à bout portant ; des cadavres calcinés de femmes et de bébés, du sang, partout du sang. Et, en bande son, souvent les rires des animaux du Hamas en train de perpétrer leur pogrom.

Je ne crois pas qu’il m’aurait été possible de comprendre en profondeur, instantanément, le caractère de pogrom de ces événements, sans visionner ces images hideuses et répugnantes. Même si elles resteront durablement marquées dans mon esprit, je n’ai donc aucun regret de les avoir confrontées.

Toutefois, dans les jours suivants et jusqu’au moment de rédiger ces lignes, ces images ont continué de se multiplier. Récemment, un excellent ami, sénateur par ailleurs, me conseillait une nouvelle chaîne Telegram dédiées aux images et vidéos des atrocités du Hamas.

Eh bien, cette chaîne, je n’y mettrai pas les yeux. Je n’ai pas besoin de voir dix femmes brûlées quand j’en ai vu une ; la contemplation du cadavre calciné de dix enfants ne me fera pas mieux comprendre le pogrom que le visionnage d’un seul de ces malheureux petits cadavres ensanglantés. Et je ne parle même pas des images de viol qui, au train où vont les choses, ne manqueront pas tôt ou tard de faire surface.

Car, il me semble qu’il existe une frontière, certes ténue, certes fragile, certes délicate, entre la volonté de connaître et le plaisir de voir. J’observe autour de moi le développement d’une véritable pornographie de l’horreur, c’est-à-dire des gens au demeurant sains d’esprit — me semble-t-il — qui passent leurs journées, tout du moins une fraction de chaque jour qui passe depuis le 7 octobre, à contempler, et regarder plusieurs fois d’affilée, les mêmes images de meurtres, cadavres, femmes brûlées, etc.

Il est implaidable que cette délectation dans la contemplation de la souffrance ait encore quelque rapport avec le désir de connaître — et faire connaître — les crimes du Hamas.

Pour moi, cette concupiscence, ce voyeurisme de l’horreur sont profondément abjects, et malsains.

Quand j’étais adolescent, j’ai vu se développer une nouvelle génération de films ‘gore’ réalistes. Pas les grosses rigolades avec des litres de sang à chaque scène. Non, le gore réaliste, c’est-à-dire la mise en scène soignée de la torture, du viol et du meurtre d’êtres humains, dans les conditions les plus réalistes possibles.

Ces films m’ont immédiatement inspiré une forme profonde et comme métaphysique de dégoût. Ce n’est pas la souffrance en tant que telle qui m’inspire ce dégoût, que le plaisir évident de ceux qui contemplent cette souffrance en tant que souffrance.

J’y vois une forme pure de sadisme. Oh, certes, pas du sadisme direct, comme les malades mentaux mis en scène par le marquis de Sade. Du sadisme par procuration, par personne interposée ; lâche et sordide. Un sadisme par procuration qui me paraît une forme de pornographie infiniment plus sordide et vile que ne le sera jamais la pornographie sexuelle, plutôt gentillette par comparaison.

En conclusion, réjouissons-nous de notre accès direct aux images.

Mais refusons avec énergie et détermination la pornographie de l’horreur.

L’Occident : menacé de l’extérieur et rongé de l’intérieur

La civilisation occidentale est désormais considérée comme l’adversaire par de nombreux pays, mais aussi par des formations politiques de gauche ou de droite implantées dans les pays occidentaux.

Le dernier exemple est récent : l’alliance objective entre le fondamentalisme islamique et la gauche anti-occidentale européenne et américaine, apparue au grand jour avec la nouvelle guerre israélo-palestinienne. Certains évoquent une guerre des civilisations, mais peu importe la terminologie.

La civilisation occidentale et ses valeurs sont rejetées plus clairement aujourd’hui que naguère. Ses adversaires ne se cachent plus sous le masque du communisme libérateur, ils s’affichent comme ennemis acharnés de la liberté.

 

Relations internationales : les prétendants à la succession de l’Occident se bousculent

Rien de surprenant à cet égard dans le cadre des relations internationales, qui sont essentiellement des joutes de puissances. Pour employer la terminologie actuelle, floue mais évocatrice, le Sud global s’oppose à l’Occident global. La domination occidentale sur le monde ayant été remplacée depuis un demi-siècle par une compétition dans tous les domaines, il est tout à fait logique que l’ancien dominant soit la cible des nouveaux prétendants à la domination.

L’Occident conserve une puissance économique et militaire considérable, mais sous l’égide en particulier de la Chine, de la Russie, de la Turquie, de l’Iran, de l’Arabie Saoudite, des alliances sont envisagées pour prendre position face à l’avenir. Le multilatéralisme patine, l’impuissance de l’ONU et de l’OMC étant l’élément emblématique de cet échec dans les domaines politique et économique. L’ONU devient tout simplement une SDN bis. Il en résulte que le monde du XXIe siècle est un monde instable dans lequel chaque puissance tente sa chance.

L’Occident représente le noyau dur de la démocratie libérale. Les nouveaux prétendants au leadership mondial sont des autocraties, voire des théocraties comme l’Iran. L’enjeu est donc considérable, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de savoir si le principe majeur de la civilisation occidentale, l’autonomie de l’individu, persistera dans l’avenir à long terme. Il n’existe dans aucun des États précités, où la liberté individuelle est un mal à combattre. Retournerons-nous vers un monde de l’hétéronomie ? Les Lumières vont-elles s’éteindre ?

 

Les ennemis de l’intérieur

La question mérite d’autant plus d’être posée que la civilisation occidentale doute désormais d’elle-même.

Au monde d’hier, celui de la rareté et de la servitude, l’ingéniosité occidentale a substitué un monde de l’abondance matérielle et de la liberté individuelle. Toute l’humanité ne profite pas encore des bienfaits de cette évolution, mais tous les hommes y aspirent. C’est à ce moment de notre histoire que des doutes apparaissent en Occident. Avons-nous surexploité et dégradé la nature ? Notre liberté n’est-elle que le paravent commode masquant notre soif de puissance ?

Ces questions méritent d’être posées. Mais dans nos démocraties, la liberté d’expression permet de les instrumentaliser en vue d’une exploitation purement politicienne. L’objectif est d’accéder au pouvoir en discréditant l’adversaire par tous les moyens. Le catastrophisme écologiste, le racialisme woke, le féminisme radical, le nationalisme passéiste, l’antisionisme et l’antisémitisme haineux reposent de toute évidence sur des affects négatifs manipulés sans vergogne par quelques leaders. Trop heureux de disposer de réseaux sociaux permettant de diffuser le mensonge à la vitesse de la lumière, ces derniers ne pensent qu’à la conquête du pouvoir.

La gauche de la gauche et la droite de la droite se rejoignent à cet égard dans leur hostilité à la démocratie. Démagogie et autoritarisme les caractérisent, ce qui n’a rien de nouveau historiquement. La France insoumise, Alternative für Deutschland, le Parti du Travail de Belgique, le Lega italienne, Podemos en Espagne, parmi bien d’autres, représentent ce « populisme » dangereux, haineux et antisémite. Il faut y ajouter les tendances extrémistes des partis américains : le trumpisme chez les conservateurs, le wokisme chez les démocrates. L’ennemi de l’intérieur est donc bien implanté dans tout le monde occidental. Le ver est dans le fruit.

 

Le destin des Hommes est dans la transmission

Depuis le XVIIIe siècle et l’avènement de la liberté, les modérés ont accepté le dialogue et les compromis nécessaires à la gouvernance des sociétés complexes. Les extrémistes ont toujours tablé sur le radicalisme et les promesses révolutionnaires pour tromper les naïfs et accaparer le pouvoir. Mais on ne bâtit qu’à partir de ce que les générations antérieures nous transmettent. Il n’y a ni table rase ni société nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Ce ne sont là que des affabulations de leaders politiques assoiffés de pouvoir. Les sociétés humaines se transforment en profondeur dans la continuité.

Il est donc important de bien comprendre ce qu’est l’Occident : la civilisation qui a inventé au XVIIIe siècle l’autonomie de l’individu, et par suite la liberté politique, la liberté d’entreprendre et la démocratie.

Si nous laissons cet héritage inestimable dépérir, nous retomberons dans la servitude ancestrale. Le lot de chaque homme sera alors l’hétéronomie, la dépendance complète à l’égard du pouvoir politique et d’une religion ou d’une idéologie officielle. Voulons-nous devenir des Iraniens soumis aux ayatollahs, des Russes résignés devant la dictature mafieuse de Poutine, des Chinois asservis au Parti communiste ?

Les Occidentaux répondent négativement à cette question dans leur écrasante majorité.

Mais tous n’ont pas conscience qu’en votant pour le radicalisme politique de droite ou de gauche, ils précarisent la démocratie. Certes, il n’existe pas de société démocratique sans radicalisme politique. Les révolutionnaires ou les nostalgiques d’un passé révolu ont toujours existé. S’ils représentent seulement une marge d’extrême gauche ou d’extrême droite, les partis politiques de ce type jouent d’ailleurs un rôle positif en encadrant les insatisfaits pathologiques et en les empêchant parfois de dériver vers le terrorisme. Mais aujourd’hui, en Occident, ces partis sont à la porte du pouvoir et l’ont parfois conquis. La présidence de Donald Trump fut à cet égard un coup de semonce terrifiant.

Si notre belle civilisation occidentale doit se poser des questions fondamentales concernant l’écologie et la démocratie, elle doit le faire avec la raison et le dialogue. Notre savoir-faire productif, notre État de droit, nos libertés représentent le legs de nos ancêtres, auxquels nous devons un immense respect. Ils n’avaient que leurs mains et leur courage, et ils ont pourtant bâti notre monde. Ils n’avaient que nous-mêmes comme ultime espoir, car ils regardaient l’avenir avec les yeux des enfants heureux. Ne les trahissons pas.

Manifestation contre l’antisémitisme : qui, sur l’échiquier politique, pour défendre les juifs en France ?

Il ne sera nullement question de boussole morale ici.

La crédibilité de ce terme est morte avec celle de Gérard Miller qui l’a employée le 11 septembre dernier.

Et pour cause, le parti auprès duquel il officie en tant que « compagnon de route » a visiblement perdu sa propre boussole, refusant de manifester contre l’antisémitisme ce dimanche 12 novembre, pour des prétextes aussi malhonnêtes que contredits par de précédentes déclarations.

Pour autant, celui-ci a proposé un débat particulièrement intéressant sur la place que confère actuellement le champ politique français à ses citoyens de confession juive.

Il est somme toute très difficile de parler de consensus concernant le peuple juif, car selon l’adage, pour deux de ses membres, il y a trois opinions.

Mais il est des constats qui s’imposent d’eux-mêmes.

 

L’extrême droite est historiquement en France l’idéologie politique la plus mortifère envers les Juifs

Rien que depuis les anti-dreyfusards, près de deux siècles de haine anti-juive nous contemplent.

Drumont, Maurras, les Croix-de-Feu, l’Action française, la fédération nationale des Camelots du roi, Pétain, le Front national de Jean-Marie Le Pen et Gollnisch, et plus récemment le GUD qui, dans les années 1970, chantait « Deauville, Sentier, territoires occupés », et encore aujourd’hui appelle à poursuivre « l’intifada de Paris à Gaza », la liste des figures d’extrême droite qui ont alimenté l’antisémitisme français est pléthorique, et malheureusement ici, non exhaustive.

La nature anti-juive de ces mouvements, qui ont sclérosé l’Histoire de notre pays décennie après décennie, n’est plus à débattre, et si le besoin s’en fait sentir pour nombre de nos concitoyens, ce serait une perte de temps colossale tant le sujet a déjà fait le tour de toutes les universités, de toutes les rédactions et de tous les bistrots de France.

Un constat aussi implacable que dérangeant pour bon nombre d’entre nous est le suivant : c’est aujourd’hui le plus gros parti d’extrême droite qui fait figure d’opposition principale au pouvoir en place, et c’est également ce courant idéologique qui est le plus en proue de la lutte contre l’antisémitisme.

Ce constat aurait pu paraître terrifiant au début de ce millénaire, mais dans la France d’aujourd’hui, celle dont la plupart des partis politiques ont concrètement abandonné la lutte pour la défense d’un si petit vivier électoral, c’est une réalité qu’il est de notre devoir d’entendre et d’assimiler.

Il est terrible et ubuesque d’affirmer qu’un parti fondé par un ancien SS (Pierre Bousquet), issu de la division Charlemagne, soit le fer de lance de la lutte pour la protection des Français de confession juive, mais qui oserait affirmer le contraire ?

L’actualité plus ou moins récente nous aide en effet à poser ce constat glacial.

Meyer Habib, grand ami de Benyamin Netanyahou et accessoirement député des français de l’Étranger, notamment d’Israël, déclarait récemment que le Rassemblement national était rentré « dans l’arc républicain ».

 

L’extrême droite est-elle une figure de proue du combat contre l’antisémitisme, ou un cheval de Troie ?

Le président Macron en personne s’est fendu de sa petite déclaration, appelant les Français à prendre garde à l’extrême droite, qui confondrait « le rejet des musulmans et le soutien des Juifs ». De la même manière, il est souvent dit qu’après les musulmans, « ça sera le tour des Juifs ».

Comme s’il ne pouvait exister de soutien aux Juifs innocents, comme si derrière chaque parole de réconfort adressée aux Juifs, il y avait un programme obscur, caché, qui expliquerait ce choix fou et insensé de soutenir ce peuple, qui visiblement ne mériterait pas d’être soutenu pour lui-même.

Cette rhétorique fallacieuse n’est pas étrangère à ceux qui suivent l’actualité au Proche-Orient.

Combien de fois le soutien d’Israël envers la communauté LGBT a été criminalisé par de nombreux médias, notamment l’antenne du pouvoir Qatari que constitue Al-Jazeera, le qualifiant de pinkwashing, mécanisme permettant de faire oublier les persécutions qu’Israël ferait vivre à la population palestinienne…

Houria Bouteldja, écrivait qu’on « ne peut être Israélien innocemment ».

Il semble se mettre en place, par le biais des idiots utiles qui la reprennent bien malgré eux, un corollaire suivant lequel on ne peut pas défendre les Juifs innocemment.

Ces tentatives de criminaliser le soutien aux Juifs, sans preuves concrètes qui plus est, par procès d’intention, sonnent creux : les Juifs sont tellement préoccupés par ceux qui se déclarent ouvertement leurs ennemis qu’ils n’auront pour l’instant pas le loisir, ni l’âme à sonder les cœurs et à deviner lesquels de leurs amis déclarés sont sincères ou ne le sont pas.

Il y a donc à ce sujet, comme l’écrivait récemment Arno Klarsfeld qu’on ne peut décemment pas accuser de compromission avec l’antisémitisme, une « évolution positive de l’Histoire », et tout ami des Juifs ne peut que s’en réjouir.

Ceux qui ne le font pas ont manifestement d’autres objectifs en tête, et un agenda politique bien singulier.

Évidemment, le tableau brossé ici ne peut pas être révélateur de toute l’ambivalence de l’extrême droite, et je rassure ceux qui ne tenaient pas à être rassurés : l’extrême droite reste antisémite.

Du moins, elle n’a pas réussi à se purger intégralement des éléments qui le sont.

Le GUD et ses appels à l’intifada font encore et toujours partie de l’écosystème ultra-droitiste.

Marine Le Pen elle-même entretient d’ailleurs toujours des liens étroits avec certains de ses membres historiques, notamment Frédéric Chatillon et Axel Loustau. Ces individus, ces groupuscules, ont pris officiellement leurs distances avec le parti, et sont marginalisés. Officieusement, ils ne représentent plus rien dans l’organigramme, et sont morts politiquement.

La dédiabolisation a ses limites, mais rien ne nous empêche de penser que le parti converge vers elle.

 

L’antisémitisme ne se cantonne pas à l’extrême droite dans notre pays

L’on peut assimiler ce fléau à un cancer structurel qui n’épargne aucune strate de notre société, tant il est possible d’entendre une remarque antisémite ou anti-israélienne aussi bien au collège que devant la machine au café du travail.

Le Rassemblement national n’est plus le seul parti politique à compter parmi ses ouailles un certain nombre d’individus tendancieux sur la question de l’antisémitisme, même si les squelettes de son placard sont de loin les plus nombreux.

Il est néanmoins devenu moins intéressant de savoir si un parti politique comporte des antisémites que de déterminer à quel point ces derniers y sont influents.

Au sein de LFI, la question ne se pose même plus : Houria Bouteldja, encore elle, autrice du pamphlet violemment antisémite Les Blancs, les Juifs et nous dans lequel elle décrit les Juifs comme « tirailleurs de la politique islamophobe de l’État français » fait partie des meubles, et chuchote dans l’oreille de nombreux notables.

Jean-Luc Mélenchon lui-même nous affirmait « ne pas avoir les moyens d’être antisémite ».

Chez LR récemment, le maire de Valence Nicolas Daragon s’est fait épingler pour ses liens plus que troubles avec une association islamiste liée aux Frères Musulmans, dont l’antisémitisme n’est plus à prouver.

Au sein de l’UDI, l’enquête édifiante de la journaliste Eve Szeftel, retranscrite dans Le maire et les barbares révèle la complicité de Jean-Christophe Lagarde avec les assassins d’Ilan Halimi.

Même au sein de la majorité (relative), un député a été surpris en train de commettre un salut nazi à l’Assemblée nationale.

Le président lui-même avait rendu peu après son élection un hommage particulièrement polémique envers ce « héros de la Première Guerre mondiale » que fut Philippe Pétain, feignant de croire qu’il était possible de séparer non pas l’homme de l’artiste, mais le héros de 1917, et le collabo de 1940.

Enfin, même au cœur d’un parti dirigé par un Juif séfarade pratiquant et dont l’oncle est mort dans un camp de concentration, les accusations d’antisémitisme se font entendre.

Éric Zemmour fut en effet accusé de minimiser la Shoah en affirmant, comme Hannah Arendt avant lui dans Eichmann à Jérusalem paru en 1963, que Pétain eut préféré envoyer à la mort les juifs étrangers que les juifs français.

L’antisémitisme s’est infiltré partout, ses complices sont omniprésents et ne sont plus spécialement la chasse gardée de l’extrême droite.

Pour autant, la plupart des instances représentatives communautaires affiliées au judaïsme semblent se focaliser sur le repoussoir que constitue, à juste titre, le nom de Le Pen, quitte à négliger des menaces bien plus prégnantes.

En effet, quel crédit accorder à un grand-Rabbin de France qui se gausse sur le plateau de BFM quand le recteur de la Grande Mosquée de Paris affirme sans trembler qu’il n’y a jamais eu le moindre pogrom visant la communauté juive en Algérie, ne lui retorquant qu’un timide « au moins, à Oran, il n’y a rien eu » ?

Quel crédit accorder à une UEJF qui se porte partie civile aux cotés d’associations islamistes comme le CCIF pour faire taire des penseurs et intellectuels juifs, et qui manifeste aux cotés du Comité Adama Traoré dont la haine de la France et l’appel aux émeutes sont la marque de fabrique ?

Il est compréhensible que la haine anti-juive soit davantage mise en exergue quand elle émane de partis issus d’une idéologie historiquement aussi connotée, mais ce passé ne doit pas nous empêcher de constater le présent afin de mieux anticiper l’avenir.

Mais, et c’est un autre constat qui en fera frémir plus d’un, et notamment l’auteur de ces lignes, quel autre parti que le Rassemblement national s’échine à ce point à vouloir se montrer intraitable avec ces questions, du moins en apparence ?

La LFI a-t-elle entamé un quelconque processus de dédiabolisation ?

Tout porte à croire qu’au contraire, elle se radicalise dangereusement, et les récentes déclarations et manœuvres de ses membres semblent le confirmer.

Les Républicains et Renaissance sont-ils à même de donner des gages en matière de lutte interne contre les dérives haineuses ?

Pourquoi astreindre la seule extrême droite à un devoir qui devrait tous nous concerner ?

S’il est vrai que le Rassemblement national était le parti qui avait le plus de travail à faire en matière d’assainissement, cela ne justifie en rien que les autres sphères en soient exemptées, et c’est pourtant l’impression qu’elles donnent.

Aussi intrinsèquement lié à notre société qu’il soit, l’antisémitisme doit être combattu partout, et principalement chez ses diffuseurs historiques.

C’est pourquoi l’extrême droite est plus particulièrement ciblée.

Et c’est en tout état de cause son passé trouble qui met en valeur son présent encourageant, ne pouvant être que rayonnant en comparaison, vu que le contraire eut été impossible.

Le passé qui est constamment jeté au visage de l’extrême droite doit aussi nous servir à réaliser le chemin qu’elle a parcouru, quand d’autres partis l’empruntent en sens inverse.

Islam et République : une cohabitation impossible ?

 

Les événements qui se produisent actuellement en Israël ont une forte répercussion sur notre société. Les Français redoutent que de tels actes puissent se produire dans notre pays. Il y a eu les attentats contre Charlie Hebdo, ceux du Bataclan, de l’Hypercacher de la porte de Vincennes, l’assassinat du père Hamel, la décapitation de Samuel Paty, et, récemment, à Arras, un professeur tué d’un coup de couteau, sans compter les troubles apportés chaque jour au fonctionnement de notre environnement (repas halal, jeûne du ramadan, incidents multiples lors de consultations médicales, port de l’abaya à l’école, etc.). Aujourd’hui, on voit bien que notre pays a maille à partir avec l’islam.

 

Une société française fracturée

Depuis la fin de la période coloniale, de très nombreux migrants, musulmans en très grande majorité, en provenance de nos anciennes colonies, viennent s’installer en France. Relevant de la civilisation islamique, une civilisation avec laquelle nous sommes en conflit depuis des siècles, ils ne s’assimilent pas. Au mieux, ils s’intègrent, mais beaucoup ne font que s’inclure, conservent leur identité et les mœurs de leur pays d’origine. Ainsi la société française se transforme.

Dans L’archipel français Jérôme Fourquet écrit :

En quelques décennies tout a changé : depuis 50 ans les principaux ciments qui assuraient la cohésion de la société française se sont désintégrés.

Il explique que le soubassement philosophique constitué par le christianisme s’est effondré, et que le pays est, désormais, « un archipel constitué de groupes ayant leur propre mode de vie, leurs propres mœurs, et leur propre vision du monde ».

La société française est donc devenue hétérogène.

Dans une interview donnée à l’hebdomadaire L’Express, le 18 octobre 2020, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, lauréat du grand prix de l’Académie française, révèle à propos de l’islam :

La France ne comprend toujours pas ce à quoi elle est confrontée.

Il faut bien comprendre que l’islam est une idéologie conquérante, avec ses propres lois inscrites dans le Coran. Dans le livre saint de l’islam, Dieu les incite les musulmans à combattre afin que l’humanité tout entière soit soumise à ses lois qu’il a dictées au Prophète Mahomet, au VIIe siècle, à Médine.

 

La réalité de l’islam politique dans les pays musulmans

Les pays musulmans fonctionnent donc selon ces règles, en les appliquant plus ou moins sévèrement, selon les cas.

Ainsi, en Afghanistan, à Kaboul, le ministère de la Promotion de la Vertu et de la Prévention du Vice vient d’interdire aux femmes l’accès aux gymnases, et aux parcs et jardins de la ville. Entrés le 15 août 2021 dans la capitale, suite au départ précipité des Américains, les talibans ont complètement pris le contrôle du pays. Isabelle Labeyrie, de France Info, encore sur place à cette époque, révélait : « Depuis lundi ils annoncent la stricte application de la charia ».

Dans un rapport récent, Amnesty International alerte :

« Depuis qu’ils ont pris le contrôle du pays, la vie des femmes et des filles d’Afghanistan est ravagée par la campagne répressive qu’ils mènent contre leurs droits fondamentaux : ils ont violé les droits des femmes à l’éducation, au travail, et à la liberté de mouvement ».

L’islam se révèle là sous un jour qu’en tant qu’observateurs occidentaux nous considérons comme archaïque et totalement anachronique.

En Indonésie, le plus grand pays musulman, un pays traditionnellement modéré, on assiste maintenant à une montée de l’islam radical. L’idéologie islamiste y fait son chemin. Depuis début 2000 la province d’Aceh vit sous le régime de la charia. En 2022, le pays est passé de la 47e place à la 28e à l’index mondial de la persécution des chrétiens.

En Arabie Saoudite, la monarchie s’est dotée en 1992 d’une Loi fondamentale équivalente à une Constitution, qui repose sur la charia. Ce pays est l’un des plus marqués par la loi islamique : le vol, l’homicide, l’adultère, la sodomie, l’homosexualité, l’apostasie… sont passibles de la peine de mort. Fort heureusement, le jeune prince héritier Mohammed ben Salman le modernise. Il s’est lancé dans des réformes économiques et sociales, et vient d’autoriser les Saoudiennes à conduire.

En Iran, pays devenu en 1979 une République islamique chiite dirigée par un Guide Suprême, la loi islamique est appliquée avec rigueur. Les femmes se sont révoltées à la suite du décès de Mahsa Amini, réclament le droit de pouvoir oter leur hidjab ; dans les rues, les jeunes font sauter leur turban aux dignitaires religieux. Une ONG basée à Oslo, Iran Human Rights, révèle qu’au moins 326 manifestants ont été tués depuis septembre 2022, les autorités iraniennes réagissant avec une grande violence.

L’Algérie a elle aussi connu la montée des islamistes : l’armée a toutefois fini par avoir le dessus sur le GIA, mais on estime qu’il y a eu au moins 150 000 morts et de nombreux disparus.

 

Le réveil d’un islam conquérant ?

Après s’être assoupi pendant des siècles, l’islam s’est donc bien réveillé au cours du XXe siècle.

En 1928, Hassan el-Banna, le fondateur de la confrérie des Frères Musulmans engagea les musulmans à s’appuyer sur le Coran pour lutter mondialement contre la domination des pays occidentaux, à commencer par celle des Anglais en Égypte ; Sayyid Qutb, à la tête de la Section de la propagande, lança une campagne virulente contre les Occidentaux et leur civilisation, dissuadant les musulmans de tous les pays d’y adhérer au prétexte qu’il s’agit d’une civilisation diabolique, matérialiste, et sans dieu (la jâhilîya), un piège dans lequel ils ne doivent surtout pas tomber. Ce mouvement de révolte s’est peu à peu étendu à tous les pays musulmans qui avaient été colonisés par des puissances européennes.

Par exemple, en 1936 en Algérie, le cheikh Abdelhamid Ben Badis créa l’association des oulémas algériens, avec pour slogan « l’Algérie est mon pays, l’islam ma religion, et l’arabe ma langue », les oulémas étant des dignitaires religieux très respectables : ce fut le début des luttes pour l’indépendance.

Boualem Sansal nous met en garde, sans mâcher ses mots.

Dans L’Express du 18 août 2022, il nous avertit : « Si je devais choisir un seul mot pour dire le mal de notre temps, je dirais : islam ».

En octobre 2021, dans Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la Terre adressée au Secrétaire général de l’ONU, il écrit que l’humanité doit sortir de l’âge des dieux pour entrer dans celui des hommes : « Il est temps de choisir la vie ».

 

Un islam de france introuvable ?

Alors, que constatons-nous en France, un pays où l’islam progresse à vive allure ?

En 1962, le général de Gaulle avait eu la sagesse de permettre aux Algériens d’accéder à l’indépendance. Ce vaste territoire musulman dont la France avait entrepris de faire une terre française s’était finalement révolté contre la puissance coloniale qui le dominait depuis plus d’un siècle, et une guerre de plus de cinq ans avait éclaté. Dans C’était de Gaulle, Alain Peyrefitte rapporte que le général lui avait confié qu’il ne souhaitait pas que « Colombey-les-Deux Églises devienne Colombey-les-Deux- Mosquées ».

Mais, après son départ, en 1969, ses successeurs ont pris une orientation diamétralement opposée en ouvrant la porte à l’islam. Comment s’y sont-ils pris ?

Première phase : pour rassurer la population, ils se sont attachés à présenter l’islam comme une religion de paix, nul besoin de s’inquiéter.

En octobre 2013, Marc Ayrault, Premier ministre, en visite à la mosquée de Paris, déclara à l’occasion de l’Aïd : « L’islam de paix et de concorde est partie prenante de notre pays et ses valeurs qui le fondent ». Et sans oublier Jack Lang proclamant avec fougue : « L’islam est une religion de paix et de lumière ».

Puis, ce discours lénifiant n’étant plus crédible avec la multiplication des attentats perpétrés au nom d’Allah, en particulier celui du Bataclan en novembre 2015, (130 morts et plus de 400 blessés), nos dirigeants se virent contraints de changer de discours.

Deuxième phase : nos dirigeants entreprirent de faire de la théologie, expliquant que ces attentats étaient le fait de personnes déformant l’islam. Ils développèrent la thèse selon laquelle l’islamisme n’est pas l’islam, « il est un dévoiement fait par des individus qui veulent mener un combat politique contre notre pays ». On mit donc au ban de la nation les salafistes, c’est-à-dire les musulmans pratiquant un islam radical. Or, dans l’islam on dénomme salafs les premiers compagnons du Prophète.

Enfin, une troisième phase : nos dirigeants finirent par admettre qu’effectivement, l’islam pose bien des problèmes à notre société, et ont indiqué qu’ils allaient s’employer à favoriser un islam de France, c’est-à-dire compatible avec nos valeurs et nos principes démocratiques. C’était donc reconnaître, enfin, mais sans le dire, que les discours tenus précédemment étaient rien moins que trompeurs.

Nous en sommes donc là. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’est attelé à la tâche.

En mars 2023, après avoir été désavoué par le président de la République, le CFCM voulant poursuivre sa mission, se donne de nouveaux statuts accordant plus de poids aux « structures départementales. »

L’islam de France reste à inventer.

Ce que l’on constate, c’est que l’islam et la civilisation islamique pénètrent notre société. Dans Le Frérisme et ses réseaux, l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler dévoile le travail souterrain fait en Europe par les réseaux des Frères Musulmans.

C’est ainsi qu’en 2021, le Conseil de l’Europe a financé une campagne en faveur du hijab. Il est difficile de s’opposer à la pénétration de l’islam dans notre société en raison de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le Conseil de l’Europe, qui a pour mission de faire respecter cette charte interdit d’appliquer une politique traditionnelle d’assimilation qui violerait les droits de l’Homme.

 

L’impossible assimilation ?

En effet, s’assimiler à notre société fondée sur le judéo-christianisme signifie changer d’identité. C’est d’autant plus difficile pour les musulmans car ils se trouvent renforcés, dans l’image qu’ils se font de leur identité, par les succès qu’ils ont remporté à la fin du siècle dernier sur les puissances coloniales qui les dominaient, dont évidemment la France, qui les accueille aujourd’hui.

En septembre 2020, un sondage IFOP indiquait ainsi que 57 % des jeunes musulmans français considèrent la charia supérieure aux lois de la république, soit 10 points de plus que dans le précédent sondage.

Nous avons donc bien affaire, à présent, à deux civilisations qui s’affrontent.

Dans Race et histoire, le grand anthropologue Claude Levi-Strauss explique que lorsque deux civilisations en viennent à se trouver en concurrence sur un même territoire, émerge un conflit qui aboutit à deux éventualités : soit désorganisation et effondrement du pattern de l’une des deux civilisations ; soit apparition d’une synthèse originale qui, alors, consiste en l’émergence d’un troisième pattern, lequel devient irréductible par rapport aux deux autres.

La première hypothèse étant à rejeter, on en déduit que va s’opérer, progressivement et insidieusement, une lente mutation de notre civilisation, ce que Claude Lévi-Strauss a appelé « un nouveau pattern irréductible par rapport aux deux autres ».

C’est ainsi que meurent les civilisations.

Israël-Palestine : l’évolution sinistrogyre de l’antisémitisme français

Depuis les attaques du Hamas à l’encontre d’Israël le 7 octobre dernier, le nombre d’actes antisémites a explosé dans l’Hexagone. Lundi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a évoqué le nombre de 857 actes depuis bientôt un mois, soit presque davantage que sur la totalité de l’année 2022.

C’est dans ce contexte particulièrement tendu que le lundi 23 octobre dernier, à l’occasion de son passage à l’émission « Les 4 Vérités » de France 2, le porte-parole du gouvernement Olivier Veran a comparé l’antisémitisme de LFI et celui du RN, accusant les deux formations d’hémiplégie dans leur dénonciation respective de la haine des Juifs sans mener leur propre aggiornamento.

C’est l’occasion de s’interroger sur la nature de ces deux formes d’antisémitisme et sur leur articulation avec l’antisémitisme islamiste.

 

Les origines de la notion d’antisémitisme

Étymologiquement, l’antisémitisme est la haine des Sémites, descendants de Sem, un des trois fils de Noé, situés dans la péninsule arabique et une partie de la Corne africaine où se trouvent aujourd’hui les Falashas, Juifs d’Éthiopie.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que le journaliste allemand anarchiste Wilhelm Marr crée le terme d’antisémitisme afin de donner un aspect scientifique à la judéophobie, terme utilisé jusqu’alors. Cet antisémitisme était déjà fondé sur des considérations sociales.

L’antisémitisme a su évoluer pour correspondre aux caractéristiques du stéréotype du moment.

« Le » Juif est ainsi à la fois perçu comme un déicide, un cosmopolite, un capitaliste cupide et, depuis 1948, un colonisateur. Chacun de ces quatre aspects correspond à une forme d’antisémitisme.

 

L’antisémitisme chrétien : un Juif déicide

L’idée du Juif déicide remonte au IIe siècle, lorsque certains théologiens catholiques ont émis l’idée que le peuple juif serait responsable de la mort du Christ.

Si elle survit dans certaines franges intégristes, la théorie du peuple déicide est aujourd’hui anecdotique.

 

L’antisémitisme de droite : un Juif cosmopolite

L’antisémitisme de droite, de son côté, se fonde sur l’aspect cosmopolite du Juif fantasmé. Ce dernier met en péril la pureté de la nation, aussi bien sur le plan culturel qu’ethnique. C’est cette vision qui fonde les doctrines antisémites de l’extrême droite française et allemande, respectivement fondées sur l’idée des Juifs comme nation ou comme race.

Cet aspect se mélange à l’antisémitisme de gauche dans la rhétorique négationniste selon laquelle la Shoah aurait été « inventée » pour « faire de l’argent » sur la culpabilité des nations occidentales[i].

 

L’antisémitisme de gauche : un Juif capitaliste puis colonisateur

À gauche, l’antisémitisme se fonde donc principalement sur des aspects économiques. Comme l’a rappelé Hannah Arendt en 1973, la gauche était antisémite jusqu’à Dreyfus[ii], moment où l’hostilité envers les Juifs de la droite catholique l’a poussé à devenir philosémite par esprit de contradiction.

Cet antisémitisme est une hostilité contre les Juifs, décrits comme banquiers ou plus généralement capitalistes. On retrouve cette idée chez Proudhon, pour qui le Juif « est l’ennemi du genre humain », qu’il faudrait expulser, voire « exterminer ».

Avec l’émergence du conflit israélo-palestinien, l’antisémitisme de gauche s’est mêlé à des considérations altermondialistes, opposées à la domination du modèle occidental, dont l’État d’Israël serait une colonie.

L’idée du Juif capitaliste s’est transformée en celle du Juif colonisateur, toujours dans la même logique, teintée de marxisme, d’opposition entre oppresseur et oppressé. Qu’il soit capitaliste ou colonisateur, le Juif est un oppresseur, hier de l’ouvrier français, aujourd’hui du peuple palestinien.

Cette mutation a été documentée dès 2006 par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), qui constatait alors que les auteurs d’actes antisémites en Europe étaient de moins en moins d’extrême droite et de plus en plus issus culturellement du monde musulman.

 

Le difficile positionnement de l’islamisme

Demandez à quelqu’un de droite de positionner l’islamisme, il dira qu’il est de gauche. Posez la même question à quelqu’un de gauche, il vous dira que l’islamisme n’existe pas, et qu’il s’agit d’un simple mouvement de résistance.

Derrière la boutade, si l’imaginaire collectif tend à l’associer à la famille de pensée qui l’a le plus favorisé électoralement, la face extrémiste et politique de la deuxième religion de France recouvre davantage d’aspects d’extrême droite que d’extrême gauche : théocratique, homophobe, réactionnaire et autoritaire.

En face, la lutte contre l’oppression et l’impérialisme occidental lui attirera la sympathie des mouvements marxistes et altermondialistes. Une sympathie qui sera au cœur de l’émergence de la pensée islamogauchiste théorisée par Pierre-André Taguieff lors de la seconde intifada.

 

L’antisémitisme islamiste : une forme hybride

Seulement, ce positionnement ne préjuge absolument pas de la nature de l’antisémitisme islamiste, qui dispose aussi bien de traits racistes issus de certaines interprétations du Coran ou d’influences occidentales, que de traits purement marxistes et anticoloniaux.

Les seconds sont généralement les portes d’entrée « acceptables » vers les premiers, avec un accent sur l’aspect humanitaire lié aux victimes civiles palestiniennes.

 

Une caricature qui ne repose sur rien

L’antisémitisme a su évoluer avec son époque et les caractéristiques qu’il cherchait à donner à la communauté juive. Ces caractéristiques ne reposent toutefois sur aucune réalité.

La théorie du peuple déicide a été démentie par le concile de Trente en 1566. Si la communauté juive est une diaspora depuis le Ier siècle, ses membres ne sont pas plus aisés, malgré des études plus longues que le reste de la population.

Quant au mythe du Juif colonisateur, selon que l’on prenne une définition religieuse ou ethnique, entre six et sept et Juifs sur dix vivent ailleurs qu’en Israël.

 

L’antisémitisme est aujourd’hui de gauche

Longtemps associé à l’extrême droite, l’antisémitisme se trouve aujourd’hui principalement à l’extrême gauche.

En effet, depuis 2010, la dédiabolisation du FN / RN a amené Marine Le Pen à s’éloigner des thèses antisémites, notamment en reconnaissant la Shoah comme un acte abominable, et en excluant systématiquement les éléments les plus radicaux, jusqu’à son propre père et fondateur du parti.

De son côté, LFI semble avoir fait la démarche inverse, sans doute pour ne pas s’attirer l’animosité d’une part importante de son électorat.

En 2018, lors de la marche blanche en l’honneur de Mireille Knoll, Jean-Luc Mélenchon et des élus LFI ont ainsi été sifflés, les contraignant à fuir la manifestation, après que le président du CRIF leur a demandé de ne pas s’y rendre.

Outre les polémiques régulières de certains membres du parti, l’année suivante, une étude a révélé que les préjugés antisémites étaient autant partagés au RN qu’à LFI. L’étude montrait également une corrélation importante entre antisionisme et préjugés antisémites, confirmant la nature de l’antisémitisme actuel.

[i] Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire : « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme, Paris, La Découverte, coll. « La Découverte Poche/Essais » (n° 201), mai 2005, 238 p.

[ii]  Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme, Seuil, 1984.

La crise au Proche-Orient, une aubaine pour la Russie ?

Un article de Cyrille Bret, Géopoliticien.

Depuis le début des combats entre le Hamas et Israël, la Fédération de Russie joue à fond de sa position très particulière au Moyen-Orient. Ses liens structurels avec tous les acteurs de la crise actuelle lui permettent de mener des actions et de tenir des discours qu’aucun autre pays européen n’est prêt à assumer.

Le 26 octobre, le représentant spécial de la présidence russe pour le Proche-Orient, Mikhaïl Bogdanov, a reçu des dirigeants du Hamas à Moscou. Dans le même temps, la relation entre Israël et la Russie reste forte, entretenue notamment à travers la nombreuse et influente communauté immigrée en Israël en provenance de l’ex-URSS.

Pour Moscou, la série d’événements qui a démarré le 7 octobre dernier constitue une diversion qui confine à l’aubaine. La guerre en Ukraine est passée au second plan de l’attention médiatique et diplomatique, et le Kremlin se présente comme un faiseur de paix entre Israël et le Hamas. La « guerre de Soukkot » peut-elle permettre à la Russie de se relancer sur la scène internationale tout en marquant des points dans son bras de fer géopolitique avec les États-Unis, qu’elle désigne comme les grands responsables du chaos actuel au Proche-Orient ?

 

Exploiter une aubaine stratégique

Pour la stratégie russe en Europe, cette crise constitue une occasion inespérée. Elle intervient en effet à un moment où la Fédération a besoin d’une pause dans la mobilisation internationale contre son opération militaire en Ukraine. Le relatif passage au second plan du conflit russo-ukrainien lui profite directement et massivement. Ne serait-ce que parce que Washington a envoyé à Israël des armes initialement destinées à l’Ukraine

En cet automne 2023, les efforts de reconquête ukrainiens peinent à produire des effets stratégiques. Les territoires repris depuis début juin par les armées de Kiev sont conséquents, mais restent sans commune mesure avec les 20 % du territoire national occupés et annexés illégalement par la Russie. Pour Moscou, la crise au Moyen-Orient permet de tourner encore plus rapidement la page de la contre-offensive ukrainienne afin d’achever de la faire passer pour un non-événement.

De plus, la crise au Proche-Orient absorbe l’attention et les activités des chancelleries mondiales au moment où se manifestent certains fléchissements dans le soutien à l’Ukraine, en Pologne du fait du conflit lié à l’importation en Europe des céréales ukrainiennes, aux États-Unis dans un contexte de crise institutionnelle au Congrès ou encore en Europe centrale comme en Slovaquie, où la victoire de Robert Fico affaiblit l’unité de l’UE dans son bras de fer avec la Russie.

Au-delà des dirigeants, ce sont aussi les médias et les opinions publiques à travers le monde qui, actuellement, s’intéressent un moins moins au théâtre ukrainien et des féroces combats qui se déroulent dans le Donbass, pour se focaliser sur le conflit au Proche-Orient, ce qui offre à la Russie une forme de répit.

La façon dont la Russie va exploiter cette période de relatif répit médiatique et diplomatique ne se manifestera pas immédiatement. Les repositionnements de troupes au sol, les campagnes diplomatiques bilatérales, la mobilisation des amis du Kremlin dans les organisations multilatérales, l’élaboration d’un nouveau narratif sur la guerre en Ukraine, etc. : tout cela est en préparation à Moscou. Mais les effets ne se verront que vers la fin de l’année, notamment à l’occasion de la traditionnelle conférence de presse du président Poutine.

Assurément, la Russie se repositionnera non plus comme un acteur régional en Europe oriental mais comme un acteur global, au Moyen-Orient notamment. C’est ainsi qu’elle a déposé un texte de résolution à l’ONU visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza ; le rejet de ce texte, du fait des votes « contre » des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et du Japon, lui a permis de renforcer, aux yeux des pays dits du Sud et, spécialement, des États musulmans, sa posture de leader du camp anti-occidental, soucieux de protéger la population civile gazaouie, tout en dénonçant l’alignement des Occidentaux sur Israël et en allant jusqu’à se présenter comme un pays défendant le droit international.

 

Mobiliser ses alliés dans la région

Pour les Realpolitiker russes, cette crise présente aussi l’occasion de mobiliser leurs réseaux d’alliances dans les mondes arabe, turc, persan et plus largement musulman. Dès avant l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine, la Fédération de Russie a constamment renforcé ses relais dans la région.

Dans le monde arabe, à partir de 2015, elle a réactivé l’ancienne alliance avec la famille Al-Assad pour littéralement sauver le régime en Syrie par une intervention militaire cruciale. Elle a en outre resserré ses liens traditionnels avec l’Égypte dans les domaines de l’armement, de l’agro-alimentaire et de l’énergie. Elle a cultivé son allié algérien et a repris pied en Libye avec son soutien au maréchal Haftar. Elle s’est même engagée dans une coopération avec le royaume saoudien dans le cadre de l’OPEP+.

Par-delà le monde arabe, elle a trouvé dans l’Iran un fournisseur de drones pour la guerre en Ukraine ainsi qu’un soutien dans les enceintes internationales. Et les rapprochements entre les présidents russe et turc sont réels, même s’ils ne doivent pas susciter l’illusion d’une alliance solide.

La crise actuelle lui permet de raviver ces alliances structurelles autour d’une question ancienne et passée au second plan dans le monde musulman après les accords d’Abraham : la cause palestinienne. La spécificité de la position de la Russie dans la région à la faveur de ce conflit doit être soulignée : elle est capable de mobiliser ses alliés par-delà les lignes de clivage internes à la région. Et la crise actuelle, qui réactive l’hostilité à Israël dans les opinions arabes, persanes et musulmanes au sens large, souligne la centralité d’un acteur dont les Occidentaux ont pourtant voulu faire un paria.

Là encore, les effets de cette position ne se manifesteront pas tous immédiatement : c’est à moyen terme que la Russie tentera de tirer bénéfice de sa position actuelle pour contester encore davantage le poids des États-Unis dans la région. Toutefois, il est certain que l’aubaine immédiate peut être complétée par des gains stratégiques dans la zone : la Russie peut utiliser la crise pour souligner sa centralité, pour rappeler à ses alliés qu’elle parle à tous et peut donc prétendre au rôle de médiateur.

À condition toutefois de préserver sa relation avec Israël.

 

Préserver ses relais en Israël

Si la Russie prétend à une position œcuménique au Moyen-Orient, elle est actuellement handicapée, en Israël, par plusieurs facteurs. Les mouvements de foule au Daghestan, république autonome de la Fédération de Russie à majorité musulmane, contre les passagers d’un vol en provenance de Tel-Aviv, ont été perçus avec beaucoup d’inquiétude dans l’État hébreu.

Après avoir revendiqué le rôle de pionnier dans la lutte contre l’islamisme sunnite violent, comment la Russie pourrait-elle prétendre au rôle de médiateur alors qu’elle accueille désormais fréquemment des dirigeants du Hamas ?

Plusieurs leaders en Israël redoutent le renforcement de l’axe Moscou-Téhéran-Hamas dans le contexte de l’opération israélienne à Gaza. La symbiose entre la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie préoccupe tout particulièrement Israël : elle peut jouer en faveur d’une modération du Hezbollah, mais elle peut aussi contribuer à la régionalisation des hostilités.

Dans la crise, la Russie a beaucoup à perdre avec Israël. Ses relais d’influence y sont multiples : plus d’un million d’habitants (sur 9 millions) sont issus de l’ex-URSS. Ils constituent la première communauté immigrée en Israël et disposent de figures publiques influentes dans les domaines politiques, économiques, financiers, médiatiques ou technologiques. La Russie est-elle condamnée par sa position actuelle à dilapider son capital en Israël ? Nombreux sont les observateurs à estimer que les relations bilatérales Moscou-Tel-Aviv sont à un plus bas historique.

En somme, la position russe au Moyen-Orient se trouve à un croisement. Soit elle se contente se traiter la crise actuelle comme une diversion : elle profitera alors du répit médiatique et de la baisse de pression diplomatique pour renforcer encore ses positions en Ukraine ; soit elle endosse le rôle de ciment des acteurs anti-Israël au Moyen-Orient : elle rompra encore davantage avec des Occidentaux mobilisés en faveur de la sécurité d’Israël ; soit, enfin, elle choisit la voie étroite de médiateur potentiel : il lui faudra alors, pour être acceptée comme telle par les Israéliens, remédier aux nombreuses tensions de la relation bilatérale Moscou-Tel-Aviv.

Voir sur le web.

Faut-il ou non interdire les manifestations pro-palestiniennes sur le territoire français ?

Avant de développer les principes libéraux, il convient de rappeler la situation française.

Au lendemain des attentats terroristes du Hamas de nombreuses manifestations pro-palestiniennes ont été interdites en France comme dans de nombreux pays européens. D’autres manifestations ont pu avoir lieu dans plusieurs villes de France. Le gouvernement français ne se distingue donc pas fondamentalement des autres pays, même si le ministre de l’Intérieur a, dans un premier temps, clairement dépassé ses prérogatives légales.

Gérald Darmanin souhaitait en effet interdire toutes les manifestations pro-palestiniennes et avait envoyé des instructions en ce sens aux préfets. Sa décision a été retoquée/validée par le Conseil d’État qui recommande des décisions au cas par cas.

Pourquoi à la fois retoquée et validée ?

Parce que, par une contorsion juridique assez impressionnante, le Conseil d’État a débouté l’association Comité Action Palestine de sa demande tout en ré-interprétant le télégramme envoyé aux préfets – qui était totalement illégal – pour lui faire dire ce qu’il ne disait pas, à savoir que cette interdiction était contextuelle et limitée.

En effet, comme le rappelle le cabinet Landot & associés dans le blog juridique du monde public : les principes, en matière de pouvoirs de police restent ceux posés par le commissaire du gouvernement Corneille (sur CE, 10 août 1917, n° 59855) :

La liberté est la règle et la restriction de police l’exception.

Il reste que l’interdiction est pour l’instant majoritaire. Elle est systématique lorsque les organisateurs ont montré des signes de sympathie ou de soutien au Hamas. Elle est accordée au cas par cas lorsque les organisateurs présentent des garanties suffisantes de respect de l’ordre public, sachant que le cortège peut toujours être infiltré par des éléments antisémites ou violents. Une manifestation à valeur de test a d’ailleurs été autorisée à Paris jeudi 2 novembre. Organisée par des élus LFI, des collectifs politiques et syndicaux, la manifestation a réuni 2000 personnes sur la place de République en mode statique. Elle n’a donné lieu à aucun débordement et s’est dispersée dans le calme. 

Alors, faut-il interdire pour limiter les troubles, la casse, et les débordements racistes, qui sont des atteintes à la propriété et à la sûreté chères aux libéraux, ou bien faut-il privilégier la liberté d’expression qui est aussi un grand principe libéral ?

Le paradoxe de la tolérance de Karl Popper, nous donne des éléments de réponse :

« Une tolérance illimitée a pour conséquence fatale la disparition de la tolérance. Si l’on est d’une tolérance absolue, même envers les intolérants, et qu’on ne défende pas la société tolérante contre leurs assauts, les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance.

Je ne veux pas dire par là qu’il faille toujours empêcher l’expression de théories intolérantes.

Tant qu’il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et ne répondent aux arguments que par la violence. Il faudrait alors considérer que, ce faisant, ils se placent hors la loi et que l’incitation à l’intolérance est criminelle au même titre que l’incitation au meurtre, par exemple. »

La recommandation centrale ici, est de laisser s’exprimer les idées intolérantes – c’est l’autorisation qui est prédominante – mais de s’arroger le droit de les interdire, par la force s’il le faut, si la situation le commande. 

On ne peut donc pas en dernier recours laisser des manifestants crier leur haine des Juifs, ce qui est une incitation à la haine raciale et au meurtre, mais on doit le tolérer, en accepter le risque, pour pouvoir y répondre, et pour tenter de contrer par des arguments logiques ces débordements d’intolérance. Car lorsque l’intolérance ne peut pas s‘exprimer on ne peut pas y répondre.

Un cas d’école nous a été donné par l’interdiction des théories révisionnistes sur la Shoah et sur les chambres à gaz.

Par exemple, la thèse de M. Faurisson s’appuie sur des éléments techniques et chimiques pour « prouver » l’impossibilité de l’existence des chambres à gaz. Son argumentation a été littéralement démontée par ses pairs et par de vrais scientifiques. Malheureusement, tant que la thèse est invisible, sa réfutation l’est aussi, ce qui lui confère un statut de vérité cachée auprès d’un certain public.
Il en va de même avec les mensonges et les manipulations du Hamas et de ses sympathisants. Ils doivent pouvoir s’exprimer pour être dénoncés et réfutés, mais dans la limite où ils peuvent être contenus par une opinion publique attachée à la démocratie et à la tolérance.

Une fois n’est pas coutume, la ligne du gouvernement (après retoquage du Conseil d’État) ne paraît pas être très éloignée d’une ligne libérale classique : apprécier au cas par cas les risques de débordements violents, autoriser les manifestations légalistes de soutien au peuple palestinien, sachant très bien qu’il y aura des éléments extrémistes infiltrés, permettre à la société civile de répondre à ces débordements dans la limite où elle peut les absorber.

Bien sûr, on peut discuter du placement du curseur. Faut-il augmenter la proportion de manifestations autorisées ou interdire pour concentrer les forces de police sur la prévention d’attentats islamistes ?

Y a-t-il eu trop d’interdiction durant les trois semaines suivant l’attaque du Hamas ? Il semble en tout cas que ledit curseur se déplace actuellement vers la liberté de manifester. Nous verrons ce qui en ressortira.

L’Iran de Khamenei est un obstacle majeur à la Paix au Moyen-Orient

Lorsque l’hôpital de Gaza a été touché par un missile, causant la mort de centaines d’enfants, le guide suprême du régime iranien Ali Khamenei n’a pas pu cacher sa satisfaction.

Ces événements tragiques n’ont fait qu’intensifier la haine, les envies de guerre et de vengeance. C’était le vendredi précédent que les forces de sécurité iranienne ont tiré sur des manifestants Baloutches, dont des enfants, en utilisant du gaz lacrymogène, et ont procédé à l’arrestation de nombre d’entre eux. Le régime iranien a attisé les flammes de la guerre au Moyen-Orient tout en étant confronté à une insurrection croissante de la part de son propre peuple, avec plus de 5000 unités de résistance et plus de 3000 actions menées en une année contre le régime.

Le soulèvement de septembre 2022 a montré la possibilité d’un renversement du régime. Selon les chiffres du régime, 5000 membres des forces de sécurité ont été blessés pendant ce soulèvement et près de 200 ont été tués. Au début de cette année, 600 exécutions ont été ordonnées par le régime dans le but d’éteindre cette insurrection, mais en vain.

De ce fait, fidèle à ses anciennes méthodes, le régime a cherché à détourner l’attention de sa crise interne en attisant des crises à l’extérieur, déplaçant ainsi le conflit des résidences de Khamenei vers les rues de Gaza et d’Israël. Khamenei a clairement exprimé à plusieurs occasions que si l’Iran ne combattait pas en Syrie, en Irak et à Gaza, il devrait combattre dans les rues de villes telles que Téhéran, Chiraz ou Ispahan. L’ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique, avait pour vision d’établir un « État islamique » en remplacement des gouvernements locaux, ambition à l’origine de nombreux conflits de ces quatre dernières décennies.

Le régime iranien, enraciné dans des croyances religieuses d’une autre époque, peine à répondre aux besoins économiques et culturels de sa population. Ainsi, il se tourne vers des guerres étrangères et des actes de terrorisme pour masquer sa répression interne. La conquête de Jérusalem était perçue par les mollahs comme passant par Karbala en Irak.

Depuis quarante ans, la théocratie iranienne est le principal obstacle à la paix au Moyen-Orient. Pour quiconque aspire à instaurer la paix dans cette région, il est essentiel d’identifier et de combattre les origines des guerres et du terrorisme, tout en soutenant inconditionnellement les aspirations légitimes des peuples palestinien et israélien à fonder deux États souverains. La situation palestinienne reste une épine dans le pied de la paix régionale, et il demeure incertain qu’une solution militaire soit la réponse.

Les accords d’Oslo, entamés par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin en 1993 et guidés par la résolution 242 de l’ONU, offrent une voie vers la résolution du conflit. Cependant, l’expansion des colonies israéliennes a encouragé le régime de Téhéran à pousser à fond son exportation de crises, tout en affaiblissant la position des figures modérées comme le président Abbas, ainsi paver la voie à une augmentation de l’agressivité régionale du régime iranien.

 

Manipulation du conflit palestinien

Khamenei mise sur l’inaction internationale pour mettre en œuvre son sombre dessein.

Son discours du 17 octobre reflète son indifférence flagrante envers les vies civiles. Il est manifeste que les ambitions belliqueuses du régime et ses ingérences dans les affaires des pays voisins dépassent largement les inquiétudes liées à son programme nucléaire. Il se présente comme un protecteur des Palestiniens, alors qu’en réalité, ses actions contredisent leurs aspirations.

Utiliser la question palestinienne comme instrument politique est une tactique adoptée depuis longtemps par la théocratie iranienne. Pendant ce temps, les civils de Gaza sont les plus touchés, subissant pénuries alimentaires, manque d’eau et coupures d’électricité.

L’Iran des mollahs finance le Hamas de l’ordre de quelques 300 millions d’euros par an. En janvier 2023, Ismail Haniyeh, dirigeant du Hamas, a confirmé que l’Iran avait attribué 70 millions de dollars au Hamas pour accroître sa capacité militaire face à Israël, notamment par la mise au point de missiles à Gaza, considérée comme une « capacité stratégique ». À ce moment, l’agitation en Iran ébranlait les bases du régime qui cherchait désespérément une porte de sortie dans la guerre.

 

Affronter le noyau du problème

Malgré les signaux d’alarme répétés lancés par l’opposition iranienne, le Conseil national de la résistance iranienne, l’Occident a longtemps choisi d’ignorer les activités néfastes des Gardiens de la révolution (CGRI) et de leur Force Qods, principaux outils de guerre et de terreur du régime.

À travers une résolution adoptée le 19 janvier 2023, le Parlement européen a appelé l’Europe à reconnaitre le CGRI en tant qu’entité terroriste. Hantée par une politique de complaisance envers le régime des mollahs, l’Union européenne y traine les pieds. Or, depuis une vingtaine d’années, le Conseil national de la résistance iranienne appelle à les nommer ce qu’ils sont : des terroristes.

Reconnaître ces groupes comme des entités terroristes pourrait mettre un frein à l’agressivité du régime iranien, épargnant ainsi des vies innocentes et plus de destruction.

Comment nous sommes surpris : une analyse de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 en Israël

L’attaque surprise est la plus vieille tactique militaire de l’humanité. Elle repose sur l’idée que la stratégie est un paradoxe, c’est-à-dire qu’il peut être payant de faire quelque chose qui va sembler totalement illogique à l’adversaire. Elle repose aussi sur l’idée de tromperie, qui nécessite une fine compréhension de l’adversaire et de ses croyances. Ce sont ces croyances qui rendent la surprise possible.

Regardons-le sur un exemple tragique, celui des attaques terroristes toutes récentes du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier.

Ces attaques constituent sans aucun doute une surprise stratégique. Surprise, parce qu’il ne fait aucun doute que l’intégralité de l’appareil d’État israélien a été totalement surpris, et stratégique, parce que l’attaque a une ampleur extrêmement importante, par son nombre de victimes (environ 1400), par sa nature (atrocités commises sur des civils) et par ses conséquences.

Dans mon ouvrage Constructing Cassandra, je définis une surprise stratégique comme « la prise de conscience soudaine que l’on a opéré sur la base d’une estimation erronée rendant incapable d’anticiper un événement ayant un impact significatif sur ses intérêts vitaux ».

Autrement dit, nous sommes surpris parce que nous avons basé notre compréhension du monde sur un modèle mental, c’est-à-dire un ensemble de croyances erroné, et les conséquences sont très importantes.

Quel était le modèle, côté Israélien, le 7 octobre ?

Martin Indyk, un haut responsable de la diplomatie américaine spécialiste du Moyen-Orient, a été l’un des tout premiers à essayer d’analyser les raisons de la surprise des Israéliens dans un entretien qu’il a accordé au magazine Foreign Affairs juste après l’attaque. Cet entretien nous permet d’identifier au moins cinq croyances aveuglantes.

 

Cinq croyances aveuglantes

Un mur solide va nous protéger des incursions

La croyance est que les franchissements ne seront que des incursions sporadiques relativement improvisées. Le jour où les entrées sont une attaque délibérée avec des moyens lourds, le mur ne protège plus. Comme pour la ligne Maginot, le problème vient de ce que l’adversaire ne se comporte pas comme nous l’avions supposé. À l’extrême, le mur oblige l’adversaire à concevoir une attaque massive, les incursions sporadiques n’étant plus possibles. Autrement dit, l’excès de protection limite les petites attaques, mais rend plus probable une attaque massive, et celle-ci a plus de chance de réussir. C’est un effet pervers classique de la protection.

Si nous laissons le Hamas se renforcer, cela va diviser les Palestiniens, et donc renforcer notre sécurité

Diviser son ennemi paraît la logique même, mais renforcer l’une de ses factions peut conduire à un effet pervers, surtout quand on en comprend mal la véritable nature (voir cinquième croyance).

Nous savons ce que font les Palestiniens grâce à nos moyens d’espionnage sophistiqués, donc nous ne serons pas surpris

Nous avons là l’hubris, c’est-à-dire l’excès de confiance, propre à celui qui se sent ultra-dominant grâce à ses moyens, notamment technologiques. Un modèle mental associé, et qui permet cette hubris, c’est de croire que tout savoir d’un adversaire permet d’en anticiper le comportement. Ce qui n’est malheureusement pas vérifié dans l’histoire. Les Américains savaient tout de la marine impériale japonaise en 1941; et ont pourtant été totalement surpris par l’attaque de Pearl Harbor.

Jamais le Hamas n’osera lancer une attaque majeure

Ici la croyance est que le Hamas sait qu’il serait battu à plate couture, que la population palestinienne se retournerait contre lui à cause des conséquences. Le modèle mental consiste à projeter sa propre rationalité sur celle de l’adversaire, à croire qu’il pense comme nous. Ces deux croyances sont contestables : d’une part, dans son attaque, le Hamas ne cherche pas à envahir Israël, mais peut-être simplement à provoquer une sur-réaction de ce dernier pour le pousser à la faute (un gigantesque massacre de Palestiniens qui retournerait l’opinion internationale) ; d’autre part, le Hamas a les moyens de dominer cette population au besoin de façon violente, comme il l’a montré de nombreuses fois.

Le Hamas a intérêt à investir dans une paix de long terme dont tout le monde bénéficiera

Ici, le modèle mental consiste à penser que ce que veut tout mouvement « politique » est la paix. Or, tout mouvement n’est pas nécessairement politique, et ce que veut le Hamas, c’est la destruction d’Israël. On a ici une incapacité à comprendre la véritable nature de l’adversaire, à croire que ses modèles sont les nôtres, alors que ses intentions sont parfaitement explicites depuis toujours.

 

Il y a naturellement d’autres croyances à examiner, mais les cinq ci-dessus illustrent bien le mécanisme de génération de la surprise : elle ne résulte pas d’un manque d’informations, mais du sens que l’on donne à ces informations, et ce sens résulte du filtre de nos croyances.

 

Une discipline impérative : revisiter ses croyances

Il ne s’agit évidemment pas ici d’établir des conclusions définitives sur les causes d’un événement encore très récent, et sur lequel l’information est donc nécessairement limitée. Il s’agit de montrer le rôle que jouent nos modèles mentaux, c’est-à-dire nos croyances, dans la génération d’une surprise.

On peut le résumer ainsi :

Ce par quoi nous sommes surpris dépend de ce que nous croyons.

Car si la surprise résulte en partie de l’intelligence tactique de l’attaquant, bien sûr, elle repose aussi et peut-être surtout sur un enfermement dans des croyances fausses ou obsolètes de la victime. Même si toutes les surprises ne sont pas inévitables, il est indispensable pour toute organisation, qu’elle soit privée ou publique, civile ou militaire, d’organiser un examen systématique et régulier de ses croyances fondamentales pour éviter cet écueil. Cela doit constituer une discipline à part entière.

Sur le web.

Les libéraux : ennemis de toujours de l’antisémitisme

On peut être libéral et faire preuve de sympathie pour la cause d’un peuple persécuté qui lutte pour sa liberté avec des moyens répréhensibles.

Gustave de Beaumont, au XIXe siècle, a passé sa vie dans cet équilibre. Revenu de son voyage américain en compagnie de Tocqueville, il a défendu avec chaleur les indigènes ou Indiens, dont les pratiques guerrières n’étaient pas exactement humanitaires, plutôt que les Américains qui prenaient leurs terres et poussaient à leur extinction finale. Quatre ans plus tard, il publia deux volumes sur l’Irlande, opprimée par les Anglais, et qui se révoltait avec fureur et sans discernement, dans des effusions de haine et de violence.

Que les esclaves américains, que les serfs russes ou polonais se présentent comme des hommes dégradés, qui se comportent comme des brutes, cela n’étonne aucun auteur. Car les libéraux français l’ont toujours reconnu : il est dans la nature même de l’oppression, d’où qu’elle vienne, et quelque forme qu’elle prenne, de déshumaniser et d’abrutir progressivement sa victime. (Œuvres complètes de Tocqueville, t. III, vol. I, p. 45 ; Charles Comte, Traité de législation, 1827, t. IV, p. 248-249 ; Œuvres complètes de Benjamin Constant, t. IV, p. 412.)

Aussi, une sympathie pour la cause palestinienne peut s’entendre, dans l’optique du libéralisme. L’antisionisme même a des précédents : Yves Guyot, grand défenseur des Juifs, grand acteur de la défense de Dreyfus, a écrit contre le projet de formation d’un État juif en Palestine (Le Siècle du 4 juillet 1899). Mais dans l’histoire du libéralisme, l’antisémitisme proprement dit ne se rencontre pas, et au contraire tous les auteurs se rejoignent pour le combattre.

Ne nous payons pas de mots. Quand l’idéologue Volney parle de « ce peuple privilégié, dont la perfection consiste à se couper un petit morceau de chair », ce sont les moqueries d’un athée en campagne, et qui en réserve bien d’autres, et plus virulentes, contre ceux qui, par exemple, admettent « un premier homme qui perd tout le genre humain en mangeant une pomme », etc. (Les Ruines, 1792, p. 95)

En privé, Mme Leroy-Beaulieu peut bien s’emporter auprès de son mari contre Maurice Block, cet « affreux Juif » qui est prêt de lui ravir une place à l’Académie des sciences morales et politiques, ce sont des invectives gratuites, sans portée théorique aucune. (Archives privées du château de Cazilhac, lettre du 19 juin 1878.)

Au contraire, lorsqu’il est sérieusement question des Juifs et de leur place dans la société moderne, les libéraux sont unanimes pour défendre leur cause.

Ainsi, s’ils se sont adonnés au commerce et aux métiers de la banque, c’est à la suite d’une injustice, car il leur fut rarement permis d’exercer une autre activité. (Adolphe Blanqui, Histoire de l’économie politique en Europe, 1837, t. I, p. 203 ; Joseph Garnier, Notes et petits traités, 1865, p. 292) Ils n’y excellent d’ailleurs que par leurs talents, ne s’y enrichissent que par un service rendu ; s’ils ont des ennemis, ce ne sont que des concurrents jaloux, ou des socialistes de diverses sensibilités, qui ont la richesse et les capitaux en exécration, et qui ont fait de l’antisémitisme « une branche du socialisme ». (Gustave de Molinari, préface aux Conséquences de l’antisémitisme en Russie, par N. Chmerkine, 1897.)

On accuse encore les Juifs de faire bande à part, de ne pas se fondre dans la masse de leurs concitoyens. C’est leur droit, clame Alphonse Courtois, un pilier de la Société d’économie politique.

« Qu’ils pratiquent leurs devoirs civiques, qu’ils soient patriotes, qu’ils obéissent aux lois, on n’a rien à leur reprocher. » (Réunion de la Société d’économie politique du 5 juin 1893.)

Naturellement, lorsque la célèbre affaire Dreyfus éclata, à la toute fin du XIXe siècle, la position de tolérance des libéraux français avait déjà été maintes fois réaffirmée, et leur mobilisation dreyfusarde ne devait surprendre personne. Gustave de Molinari, Yves Guyot, Frédéric Passy, figurent parmi les signataires des protestations publiées par le journal L’Aurore, en 1898.

Ce soutien public s’accompagne d’ailleurs d’un engagement privé, dont des archives inédites peuvent rendre compte. Gustave de Molinari, par exemple, envoie une marque d’attention à Édouard Grimaux, professeur à l’École Polytechnique, et qui vient d’être mis à la retraite à l’occasion du procès Émile Zola. (Archives de l’Institut, Ms. 4631, pièce n° 61)

Lorsque les occasions s’en présentent, le camp du libéralisme se retrouve donc à l’unisson pour défendre ce qu’il considère être ses valeurs. Au besoin, on fabrique ces opportunités de toutes pièces, comme en 1900, lorsque la publication du supplément au Nouveau dictionnaire d’économie politique, dirigé par Léon Say et Joseph Chailley-Bert, voit l’insertion d’un article fort étendu sur l’antisémitisme, rédigé par un dreyfusard très engagé, Bernard Lazard. La raison d’un article sur ce thème, dans un dictionnaire d’économie politique, n’est pas évidente : elle est la preuve d’un engagement très fort.

Qu’on ne soit pas surpris, donc, que pendant plusieurs années Yves Guyot ait délaissé son œuvre de défense de la liberté en tout pour soutenir la cause du capitaine Dreyfus, et qu’après L’Aurore, Le Siècle, qu’il dirigeait, ait constitué l’avant-garde de la cause dreyfusarde : car combattre l’antisémitisme, pour lui, c’était encore défendre la liberté.

Incidents suite aux hommages à Dominique Bernard : sanctionner, et après ?

Si la France est connue pour être un pays de manifestations violentes, depuis plusieurs années l’émergence de l’expression « pas de vagues », en particulier dans l’Éducation nationale, interroge sur les véritables intentions de ses locuteurs.

Témoin d’une explosion des tensions communautaires, la France connaît depuis plusieurs années un climat social exacerbé, aussi bien sur le plan économique que culturel.

Explicitement rejeté devant l’Assemblée nationale le 17 octobre dernier par le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal lors d’une séance de questions au gouvernement où il fit l’objet de dix interpellations relatives à l’attaque terroriste d’Arras qui a coûté la vie d’un professeur de français, le « pas de vague » revient sur le devant de la scène.

Cependant, au-delà des mesures répressives, les 357 incidents recensés par le ministère de l’Éducation nationale interrogent sur la nécessité d’attaquer les causes profondes des tensions qui traversent l’Hexagone.

 

357 incidents

Fraîchement nommé ministre de l’Éducation nationale en juillet dernier, le jeune Gabriel Attal n’a pas mâché ses mots lors de la séance de questions au gouvernement qui se déroulait le mardi 17 octobre dernier à l’Assemblée nationale.

Après une minute de silence en hommage au professeur Dominique Bernard, assassiné le vendredi précédent, celui que beaucoup voient comme un dauphin du président de la République a prononcé des mots que beaucoup espéraient voir traduit en actes depuis bientôt 30 ans :

« Le pas de vagues, c’est fini ! ».

L’origine de ce ton martial réside dans les 179 incidents remontés aux services du ministère de l’Éducation nationale au lendemain de la minute de silence. Ce nombre, qui est passé à 357 dès le lendemain, du fait du délai de comptabilisation administrative, représente autant de perturbations, de provocations, voire d’insultes à la mémoire du professeur de 57 ans tué par Mohammed Mogouchkov, un jeune tchétchène de 20 ans radicalisé, et dont la famille est bien connue des services de police.

Parmi ces 357 cas, une dizaine relèverait ouvertement de l’apologie de terrorisme.

Une semaine après les événements, le ministère a comptabilisé 183 exclusions d’élèves qui ne feront donc pas leur rentrée le 6 novembre prochain.

Si ce nombre correspond à moins de la moitié des 793 incidents ayant été recensés lors de l’hommage à Samuel Paty, il y a presque trois ans jour pour jour, la consigne a été donnée par Gabriel Attal, dès le lendemain de l’attentat, de signaler systématiquement tout incident.

Dans la majorité des cas, ces perturbations relèvent de simples manques de respect et de maturité. Cependant, un certain nombre évoque des relativisations de la mort de l’enseignant, l’évocation de la cause palestinienne, voire tout simplement de l’apologie de terrorisme ou des menaces de mort.

Le 18 octobre, Gabriel Attal a évoqué 179 saisines du procureur de la République visant directement les fauteurs de troubles.

Les élèves concernés risquent jusqu’à deux ans et demi de prison pour les mineurs et cinq ans pour les majeurs en cas d’apologie de terrorisme.

 

Mila agressée

Toujours dans le cadre de l’hommage national à la mort de Dominique Bernard, la jeune Mila, connue pour avoir été harcelée en 2020 pour des propos critiquant la religion musulmane, aurait été violemment prise à partie lors de l’hommage lyonnais par un cadre de la Jeune Garde, groupuscule d’extrême gauche connu pour avoir abrité en son sein Hamma Alhousseini, condamné en 2020 pour agression, soutien du groupe terroriste djihadiste Boko Haram, ou encore d’agressions envers des personnalités politiques d’extrême droite, voire de féministes antifascistes.

Plus récemment encore, ce dimanche soir, dans un TGV, un homme portant une kippa a été menacé. Un acte parmi les 588 recensés par le ministère de l’Intérieur depuis les attaques du Hamas sur Israël au début du mois, et après une année 2022 qui a vu le nombre d’actes antisémites baisser, selon le Crif.

 

Une explosion des atteintes à la laïcité

Ce climat délétère, accentué par les événements au Proche-Orient, en dit malheureusement beaucoup sur les fractures françaises.

Selon une note des services de l’État que nos confrères d’Europe 1 se sont procurés fin août, depuis l’assassinat de Samuel Paty, en octobre 2020, le nombre d’atteintes à la laïcité signalées dans les écoles n’a cessé d’exploser.

Toujours selon le ministère, cette situation serait le fruit de trois facteurs :

  1. Augmentation du fait religieux dans la jeunesse
  2. Vision anglo-saxonne de la laïcité
  3. Importance du facteur communautaire

 

L’échec du traitement répressif

Depuis bientôt deux semaines, qu’il s’agisse des commentaires de certains articles ou des politiques eux-mêmes, nous assistons à l’ouverture du concours Lépine des mesures répressives, comme si la solution se trouvait dans un traitement symptomatique de cette fracture, et non dans une thérapie de fond.

Depuis bientôt 20 ans, à coup d’interdiction de signes religieux (voile, burka, abaya…) et de répression de discours de haine, le législateur a été incapable d’enrayer la montée de l’islamisme. Cette pensée se nourrit de la misère économique, de la victimisation et d’une complaisance de certains politiques qui voient dans ses partisans une manne électorale.

 

La victoire de la pensée de groupe

Ce phénomène s’appuie sur une pensée holiste, réduisant l’individu à ses groupes d’appartenance. Si la présence de cette pensée est particulièrement évidente dans la mécanique électoraliste, elle l’est tout autant dans la montée de l’islamisme et des doctrines wokes qui s’appuient sur elle.

En effet, la montée du discours communautaire, voire islamiste, permet à un jeune né en banlieue parisienne de parents français de se sentir solidaire du peuple palestinien vivant à plus de 3000 km de là et dont il ne connaît rien, parce qu’ils ont la même religion, même si leur pratique est sans doute bien différente.

Cette même mécanique l’empêche, a contrario, de ressentir de la solidarité avec un professeur tué à moins de 200 km de là, et avec qui il partage sans doute davantage de marqueurs culturels.

 

Une guerre civile froide

Les incidents liés à l’apologie du terrorisme et les atteintes à la laïcité en France soulèvent des inquiétudes. Les réponses répressives actuelles sont loin d’être suffisantes si on ne s’attaque pas aux causes sous-jacentes.

Ne nous cachons pas derrière nos petits doigts : la France vit aujourd’hui, et depuis plusieurs années, une guerre civile froide. Plusieurs catégories de Français se font face et se fuient mutuellement. Cette guerre n’est pas ouverte, mais culturelle et idéologique, à la manière du conflit ayant opposé les États-Unis à l’URSS entre 1945 et 1990.

Comme elle, la branche victorieuse sera celle montrant sa supériorité morale : le repli communautaire et la division de la société par catégories ethniques, religieuses ou sexuelles ; ou le vivre ensemble et l’universalisme marquant la primauté de l’individu au sein du corps social.

La capacité à reconnaître le statut de victime du Juif, un marqueur républicain ?

La capacité – ou non – pour un personnel politique de voir l’antisémitisme dans la société et de le dénoncer peut bien souvent servir de marqueur de son attachement aux valeurs républicaines et de sa capacité à traiter les faits de manière objective. L’actualité nous en a de nouveau donné une preuve, en excluant par là même une partie de la classe politique du champ républicain. La réaction de la France Insoumise à l’épisode du bombardement de l’hôpital sud de Gaza est à cet égard très représentative.

Dans la nuit du 17 au 18 octobre 2023, un missile israélien aurait visé volontairement un hôpital du sud de Gaza, dans lequel les autorités israéliennes avaient pourtant poussé les civils à aller se réfugier pendant des attaques au nord.

Les chiffres du ministère de la Santé de Gaza commencent à tomber : 500 ; 700 ; 1000 morts. La plupart étant du personnel médical, des blessés, des femmes et des enfants. Les condamnations tombent.

 

La gauche antisioniste

Dès 23 heures, Ersilia Soudais, vice-présidente insoumise du groupe d’étude contre l’antisémitisme à l’Assemblée nationale, a eu des mots forts :

« Israël a violé le droit humanitaire international, mais ne l’assume pas, alors que les preuves sont là ».

Les réactions de son groupe et de son parti sont du même acabit.

La réaction du député de la France Insoumise Thomas Portes s’inscrit dans un récit bien connu de la gauche antisioniste, les Israéliens ont une fâcheuse tendance à mentir :

« Les agents de propagande israéliens organisent une opération de communication car ils n’assument pas le bombardement d’un hôpital à #Gaza. Aucune surprise, cela fait des années qu’Israël utilise cette même stratégie. »

Pourtant, une conférence de presse organisée le 18 octobre au petit matin par le gouvernement israélien, en présence du président américain qui l’a avalisée, a apporté des preuves multiples allant dans le sens, non pas d’une attaque israélienne, mais d’une erreur d’un groupe terroriste palestinien. Si aucune enquête indépendante n’a été menée, les données OSINT de géolocalisation, les photos prises au matin par les sources locales montrant l’absence de cratère caractéristique des frappes aériennes et des dégâts mineurs, les enregistrements audios, des vidéos nombreuses et de sources diverses montrant une roquette tombant du ciel gazaoui vont en faveur de la version israélienne.

Par ailleurs, il est extrêmement difficile de ne pas noter l’empressement des Insoumis d’attribuer sans preuves ce bombardement d’un hôpital à Israël, surtout en le comparant à leur refus global de qualifier de terroristes les pogrom du 7 octobre ayant fait plus de 1300 morts, malgré les exactions perpétrées.

De la même manière, il devient complexe de ne pas lire un tel comportement à la lumière des paroles du NPA (visé depuis par une enquête pour apologie du terrorisme) ou de mouvements de gauche considérant le Hamas comme représentant légitime du peuple palestinien, et ses exactions comme une action de résistance comme une autre.

D’un côté, certaines populations seraient victimes par essence, de l’autre, elles seraient criminelles par essence. Le plaquage d’une construction théorique au réel prend le pas sur une analyse des faits.

Une telle conception philosophique essentialiste trouve son paroxysme dans la gestion de la question juive, dernière digue de l’universalisme.

 

Survivance des préjugés antisémites

Car en effet, de l’extrême gauche à l’extrême droite traditionnelle ou antivax, les justifications pour faire souffrir les Juifs sont pléthore.

De la crucifixion du Christ au Protocole des sages de Sion, en passant par l’empoisonnement des puits, la juiverie nationale ou internationale a toujours été une raison suffisante pour justifier les violences. Trop communautaires, aux pratiques barbares, vénaux, duplices, les Juifs n’ont, historiquement, jamais été considérés comme victimes, malgré les siècles d’horreurs traversés.

Indéniablement, une présence fantasmée à des postes clés, potentiellement justifiée par une obsession juive de l’intégration dans leur pays d’exil et à une valorisation juive des valeurs de travail et de réussite intellectuelle, ont pu jouer un rôle dans le refus de ce statut. Comment imaginer un peuple survivant aux siècles et continuant à réussir malgré les violences comme correspondant à l’idéal type de la victime ?

Par la suite, des sociologues spécialistes de la question, comme Nonna Mayer, ont montré l’importance nouvelle de la théorie de la « double allégeance » selon laquelle les Juifs en diaspora seraient toujours plus attachés à Israël qu’à leur pays. [1]

Évidemment, l’assignation identitaire, la croyance selon laquelle des caractéristiques identitaires d’un individu dictent son comportement, ne sont pas réservées aux Juifs.

Mais il est à noter que si de nombreuses assignations sont à la fois négatives et victimaires, aucune vision, sauf pour les Juifs, ne reconnaît des stéréotypes négatifs existant sans accepter que la cible de ces stéréotypes soit une victime. Entendons-nous, les stéréotypes négatifs associés autrefois à, par exemple, l’immigration arabo-musulmane en France, les Indiens d’Amérique, ou les Afro-Américains aux États-Unis, s’accompagnent aujourd’hui d’une reconnaissance victimaire de cette oppression.

Malgré des millénaires d’oppression, le Juif n’est jamais vu comme une victime potentielle.

Dans Les Juifs, angle mort de l’antiracisme, Illana Weizman traite par exemple de cette impossibilité de reconnaissance victimaire. Le Juif, trop intégré, trop occidentalisé, trop blanc, ne peut se prévaloir du statut d’opprimé, car par sa puissance dans les institutions et son intégration, il fait partie du système oppresseur.

La République, universaliste, avec ses principes d’égalité, de fraternité et de laïcité, a aspiré à éliminer toutes les formes de discrimination. Mais parmi tous les préjugés qui ont persisté dans la société, ceux concernant les Juifs sont particulièrement tenaces. Historiquement, les stéréotypes antisémites ont montré une résilience effroyable, résistant aux évolutions sociopolitiques et culturelles. L’Affaire Dreyfus a montré en particulier que les préjugés antisémites peuvent survivre, même au sein des institutions les plus respectées de la République. Même si Dreyfus a finalement été innocenté, l’affaire a révélé un antisémitisme profondément enraciné dans la société française.

Par ailleurs, dans Permanence et renouveau de l’antisémitisme en France, Nonna Mayer met en avant l’idée selon laquelle les préjugés antisémites sont les plus ancrés, partent le plus difficilement, et que par ailleurs, ils sont ceux qui reviennent le plus vite. La possibilité même de reconnaître aux Juifs le statut de victimes lié aux violences qu’ils vivent devient alors un marqueur global d’universalisme et d’inscription dans le champ républicain.

 

La destruction des préjugés est-elle allée suffisamment loin pour qu’on puisse accepter que le Juif puisse avoir ce statut de victime sans qu’il en soit responsable, et ce, malgré son statut fantasmé ? C’est à cette question qu’a répondu par la négative une partie de la classe politique.

Bien entendu, il faut admettre un antisémitisme latent chez beaucoup d’antisionistes fervents, souvent d’ailleurs silencieux sur la question des droits de l’Homme quand elle ne concerne pas Israël. Il faut voir un antisémitisme latent quand des personnages politiques français ramènent des Juifs français à leur origine lorsqu’ils s’expriment politiquement, ou quand il leur est reproché d’instrumentaliser la Shoah à des fins victimaires.

Mais rien ne peut plus être tenu en mépris que l’idée selon laquelle les Juifs sont toujours en quelque sorte responsables de leur sort. Idée simple, mais qui pourtant pousserait à ne pas penser qu’égorger des enfants, même contre l’État juif, n’est jamais un acte de résistance, que d’éventrer des femmes enceintes et de pendre leur bébé mort-né n’est pas un moyen de lutte, que les Israéliens ne s’amusent pas à détruire des hôpitaux, et qu’ils ne fondent pas toute leur politique sur le mensonge.

Il résulte de cette vision biaisée un réel danger pour les Juifs, lorsque des députés de la République leur mettent une cible sur le dos en considérant que l’État juif est intrinsèquement menteur, et qu’une mort juive n’a pas tant d’importance que ça.

Partout en Europe, le discours anti-israélien fondé sur les poncifs antisémites provoque d’ailleurs des nouvelles violences contre le peuple déicide.

[1] Nonna Mayer, IV. Permanence et mutations des préjugés antisémites en France in L’antisémitisme contemporain en France (2022)

Le Hamas et le Hezbollah pourraient-ils s’allier face à Israël ?

Par Julie M Norman, Associate Professor in Politics & International Relations & Co-Director of the Centre on US Politics, UCL. 

Alors qu’Israël se prépare à mener une opération militaire massive contre le Hamas à Gaza, le risque de voir ce conflit s’étendre à l’ensemble du Proche-Orient se profile à l’horizon. La menace immédiate la plus grave pour Israël provient du Hezbollah, groupe armé et parti politique basé au Liban, frontalier d’Israël au nord.

Le Hamas et le Hezbollah sont tous deux soutenus par l’Iran et considèrent l’affaiblissement d’Israël comme leur principale raison d’être. Toutefois, ces deux groupes ne sont pas identiques. Leurs différences auront probablement un impact direct sur leurs actions – et sur celles d’Israël – dans les jours et les semaines à venir.

Contrairement au Hamas, le Hezbollah n’est jusqu’ici jamais entré en guerre uniquement au nom de la seule cause palestinienne. Cela pourrait changer. Le groupe libanais n’est pas encore totalement entré dans le conflit actuel, mais il a déjà échangé des tirs avec les forces israéliennes. Entre-temps, l’Iran a déclaré qu’une extension de la guerre apparaissait « inévitable ».

 

Qu’est-ce que le Hezbollah ?

Le « parti de Dieu » se présente comme un mouvement de résistance chiite. Son idéologie est axée sur l’expulsion des puissances occidentales du Moyen-Orient et sur le rejet du droit d’Israël à l’existence.

Le groupe a été créé en 1982, en pleine guerre civile libanaise (1975-1990), après qu’Israël a envahi le Liban en représailles à des attaques perpétrées par des factions palestiniennes basées dans ce pays. Il a rapidement été soutenu par l’Iran et son Corps des Gardiens de la révolution, qui lui ont fourni des fonds et des armes, ainsi que des formations militaires pour ses membres, dans le but d’étendre l’influence iranienne au sein des États arabes.

La force militaire du Hezbollah a continué à se développer après la fin de la guerre civile libanaise en 1990, malgré le désarmement de la plupart des autres factions.

Le groupe s’est focalisé sur la « libération » du Liban d’Israël, et s’est engagé dans des années de guérilla contre les forces israéliennes occupant le sud Liban, jusqu’au retrait d’Israël en 2000. Le Hezbollah a alors largement concentré ses opérations sur la récupération par le Liban de la zone frontalière contestée des fermes de Chebaa.

En 2006, le Hezbollah a livré une guerre de cinq semaines à Israël – une guerre visant à régler des comptes avec l’État hébreu plus qu’à libérer la Palestine. Ce conflit a causé la mort d’au moins 158 Israéliens et plus de 1200 Libanais, pour la plupart des civils.

À partir de 2011, pendant la guerre civile syrienne, le pouvoir du Hezbollah s’est encore accru, ses forces venant à l’aide du président syrien Bachar Al-Assad, allié à l’Iran, dans sa confrontation avec des rebelles majoritairement sunnites. En 2021, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que le groupe comptait 100 000 combattants (bien que d’autres estimations évaluent ses effectifs dans une fourchette allant de 25 000 à 50 000 hommes). Il dispose d’un arsenal militaire sophistiqué ; il est notamment équipé de roquettes de précision et de drones.

Le groupe existe également en tant que parti politique au Liban et y exerce une influence significative, si bien qu’on le qualifie souvent d’« État dans l’État ». Huit de ses membres ont été élus pour la première fois au Parlement libanais en 1992 ; son poids a constamment progressé, et en 2018, une coalition dirigée par le Hezbollah a formé un gouvernement.

Le Hezbollah a conservé ses 13 sièges (sur 128 au total) au Parlement lors des élections de 2022, mais la coalition qu’il dirigeait a perdu sa majorité et le pays n’a actuellement pas de gouvernement pleinement opérationnel. D’autres partis libanais accusent le Hezbollah de paralyser et saper l’État, et de contribuer à l’instabilité persistante du Liban.

 

Qu’est-ce que le Hamas ?

« Hamas », qui se traduit littéralement par « zèle », est un acronyme arabe signifiant « mouvement de résistance islamique ». Le mouvement a été fondé en 1987, à Gaza, en tant qu’émanation des Frères musulmans, un important groupe sunnite historiquement basé en Égypte.

Apparu au cours de ce que l’on appelle la première intifada ou soulèvement des Palestiniens contre l’occupation israélienne, le Hamas a rapidement adopté le principe de la résistance armée, et a appelé à l’anéantissement d’Israël.

La situation politique palestinienne a évolué de manière significative après les accords d’Oslo de 1993, négociés entre le gouvernement israélien et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dans le but d’établir un accord de paix global.

Opposée au processus de paix, la branche armée du Hamas, les Brigades al-Qassam, s’est imposée comme la principale force de résistance armée contre Israël. Elle a lancé une série d’attentats suicides à la bombe qui se sont poursuivis pendant les premières années de la deuxième intifada (2000-2005), avant de passer aux roquettes, dont l’emploi récurrent est devenu sa tactique principale.

De même que le Hezbollah, le Hamas est un parti politique. Il a remporté les élections législatives en 2006 et, en 2007, il a pris le contrôle de la bande de Gaza à l’issue d’affrontements sanglants avec le parti rival, le Fatah, qui a fait plus de 100 morts. Depuis lors, le Hamas contrôle la bande de Gaza et ne tolère aucune opposition politique. Il n’a jamais organisé d’élections, et ses adversaires politiques et détracteurs sont fréquemment arrêtés, des rapports d’ONG de défense des droits humains faisant état de tortures.

Au cours de cette période, la branche armée du Hamas est devenue de plus en plus sophistiquée. Son arsenal comprend désormais des milliers de roquettes, y compris des missiles à longue portée et des drones.

 

En quoi le Hamas et le Hezbollah se distinguent-ils ?

Le Hamas reçoit de plus en plus de fonds, d’armes et d’entraînement en provenance de Téhéran ; pour autant, il ne se trouve pas dans la même situation de dépendance vis-à-vis de l’Iran que le Hezbollah qui, pour sa part, est presque exclusivement soutenu par ce pays, et qui reçoit ses directives de la République islamique.

De plus, en tant qu’organisation sunnite, le Hamas ne partage pas le lien religieux chiite avec l’Iran qui caractérise le Hezbollah et la plupart des autres mandataires de Téhéran. Si le Hamas bénéficie sans aucun doute du patronage de l’Iran, il tend à opérer de manière plus indépendante que le Hezbollah.

En effet, le Hamas a été soutenu dans le passé par la Turquie et par le Qatar, entre autres, et opère avec une relative autonomie. Le groupe a également longtemps été en désaccord avec l’Iran, les deux parties défendant des positions opposées en Syrie.

À l’heure actuelle, le conflit est essentiellement une guerre entre Israël et le Hamas. Le Hezbollah reste toutefois une menace pour Israël. S’il est activé par l’Iran, son implication totale changerait rapidement le cours du conflit et ouvrirait probablement la voie au déclenchement d’une guerre régionale.

Sur le web.

La version originale de cet article a été publiée en anglais.

Comment un libéral peut penser la guerre israélo-palestinienne ?

Un libéral est toujours embarrassé pour penser la guerre, où se percutent le droit individuel de vivre (et donc de refuser éventuellement de se battre) et le droit collectif de défendre droits et libertés que menace un ennemi sanguinaire. En clair, la guerre est, par essence, une affaire d’État et les libéraux se méfient, à bon droit, de l’étatisme.

Alors, quand il s’agit de penser le conflit israélo-palestinien, le plus complexe, vicieux et interminable du monde contemporain, l’embarras va confiner à l’effarement.

Il existe toutefois quelques pistes prudentes de réflexion.

 

Un droit de propriété collective immatériel

Retour aux fondamentaux.

Le libéralisme s’appuyant, notamment, sur la propriété, juge tout à fait légitime qu’un peuple possède et défende si nécessaire des biens immatériels, institutions, coutumes, lois, territoires qui permettent à chacun de ses membres de profiter de ses droits et libertés fondamentales. Sauf à vivre en solitaire près d’un lac à la Henri David Thoreau… avant de retourner piteusement chez papa-maman, un libéral cohérent a besoin d’institutions minimales pour interférer loyalement avec ses semblables, contracter, louer, acheter, vendre, monter une entreprise, une association, ou un foyer, donc de lois en vigueur à l’intérieur de certaines frontières. Appelons cela un pays.

Lois et pays qui peuvent déplaire à quelque ennemi et qu’il faut donc être prêt à défendre les armes à la main, dans le respect des règles de la guerre élaborées au fil des siècles. D’ailleurs, en France, les grands auteurs libéraux, de Montaigne à Tocqueville en passant par Bastiat, Constant, ou Aron n’étaient pas les derniers des patriotes, et ne pratiquaient pas un pacifisme nunuche.

D’un point de vue libéral, les Israéliens sont donc parfaitement fondés à défendre leur pays, bien qu’il soit né dans des conditions… controversées il y a trois quarts de siècle.

Le problème étant que, précisément en raison de ces conditions controversées, les Palestiniens sont aussi fondés à réclamer leur propre pays (bien qu’ils n’aient jamais disposé d’un État souverain, la Palestine ayant été au cours des siècles sous contrôle égyptien, ottoman, et enfin britannique de 1922 à 1948) et à résister, sans faiblir depuis trois quarts de siècle, à l’oppression, troisième des quatre droits fondamentaux (avec la liberté et la recherche du bonheur) reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

 

La légitime cause palestinienne

Les Palestiniens, oui, mais lesquels, pour commencer ?

Pas ceux vivant en Jordanie, où ils représentent 40 % de la population. Ni les descendants de ceux d’entre eux, pour 30 % du total environ, qui n’avaient pas été expulsés lors de la guerre de 1948, citoyens aujourd’hui d’un Israël dont ils forment un quart de la population et où, quoique souvent marginalisés socialement, ils ne vivent nullement une situation d’apartheid, contrairement à un élément de langage tenace ; un Arabe israélien peut contracter librement, monter une entreprise, acheter un logement où il veut, et désigner des députés, dont certains font même partie de la coalition d’extrême droite au pouvoir !

Non, il s’agit des six millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie et Gaza, sans oublier Jérusalem-Est, dans le cadre de cette solution à deux États vivant pacifiquement dans des frontières reconnues que tous les esprits raisonnables, à Jérusalem, Gaza, Ramallah ou ailleurs savent être la seule solution acceptable à long terme.

Le drame étant que cette solution a été méthodiquement sabotée par des dirigeants des deux bords depuis les accords d’Oslo de 1995, par un Yasser Arafat n’ayant « jamais laissé une occasion de laisser passer une occasion », comme par un Benyamin Netanyahou ayant organisé l’implantation illégale de colonies juives en Cisjordanie. Solution d’autant moins crédible à court voire moyen terme que l’attaque du Hamas le 7 octobre et la guerre qui s’ensuit auront remis une dose de haine mutuelle pour au moins une demi-génération.

 

Le Hamas ne défend PAS la cause palestinienne

D’ici là, eh bien, Israël est d’autant plus fondé à se défendre que son ennemi, le Hamas, ne défend PAS la cause palestinienne, contrairement à une légende tenace.

Le Hamas n’est pas seulement une organisation terroriste dans la même catégorie, par l’ignominie de ses meurtres et le nombre de victimes, de Daech et Al Qaïda, rien à voir avec l’OLP, l’IRA en Irlande, ou l’ETA en Espagne avec lesquels finalement un accord politique pouvait, quoique difficilement, être trouvé. Le Hamas est surtout une dictature islamiste totalitaire de type taliban, qui liquide les bibliothèques à Gaza, et dont la charte prévoit la destruction pure et simple d’Israël. La paix, la sécurité et la prospérité des Palestiniens est le cadet de ses soucis, et quand l’été dernier, certains d’entre eux ont protesté contre la corruption, le coût de la vie et l’absence de démocratie, puisqu’aucune élection n’a été organisée localement depuis 2007, ils ont été sévèrement réprimés. La cause palestinienne importe d’autant moins au Hamas qu’elle est un nationalisme, laïc au départ, alors que les djihadistes du Hamas ne reconnaissent qu’une seule nation sur terre ; celle de la Oumma, la communauté des croyants.

Pour autant, cela n’affranchit pas Israël du respect du droit humanitaire international et des lois de la guerre.

En clair, si Israël a le droit de s’abstenir de livrer des biens à un territoire ennemi, comme tout pays en guerre, il n’a pas celui d’empêcher l’acheminement d’aide humanitaire par des tierces parties. C’est d’ailleurs en train de se mettre en place. De même, il doit évaluer du mieux possible les risques de bavures et de victimes collatérales, concept très défini sur le plan juridique et moral, à chacun de ses tirs. Si toutes les vies se valent, toutes les morts ne sont pas équivalentes ; un enfant tué par une balle perdue, ce n’est pas la même chose qu’un enfant exécuté de sang froid.

 

Où faire passer la limite ?

Israël le fait-il suffisamment ? Sans doute pas, mais d’après les enquêtes et témoignages depuis des années, il n’agit pas avec plus de désinvolture que les autres armées occidentales, et en tout cas rien à voir avec ce que pratiquent les régimes arabes, ou la Russie qui a rasé Alep, Grozny, ou une partie de Marioupol.

Le soutien de tous les pays d’Europe, Amérique du Nord, en sus d’une dizaine d’Amérique latine et même d’Afrique (Cameroun, Kenya…) dépendra de la capacité d’Israël à reconquérir Gaza city, pour y mettre hors d’état de nuire les 30 à 40 000 combattants du Hamas, dans le « brouillard de la guerre » et des rues étroites truffées de mines, snipers et souterrains, sans faire « trop » de victimes civiles. La question à laquelle, libéral ou pas, il semble difficile de répondre ; vus les enjeux, à partir de combien est-ce « trop » ?

L’interdiction systématique des manifestations propalestiennes serait une défaite pour la démocratie libérale

Dans ces colonnes, nous avons défendu le principe sécuritaire comme premier garant des libertés fondamentales. Mais dans la lutte menée par la démocratie israélienne contre le Hamas, organisation terroriste, comment défendre les principes libéraux d’expression et de manifestation ?

Jeudi 12 octobre, dans un télégramme adressé à l’ensemble des préfets, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a rappelé l’impératif d’assurer « une protection systématique et visible de l’ensemble des lieux fréquentés par les Français de confession juive » sous la forme de « points fixes au moment du culte s’agissant des synagogues ou en entrée et sortie s’agissant des écoles ».

Le document précise encore :

« Les auteurs étrangers d’éventuelles infractions, doivent systématiquement voir leurs titres de séjour retirés et leur expulsion mise en œuvre sans délai […] les manifestations propalestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public, doivent être interdites ; l’organisation de ces manifestations interdites doit donner lieu à des interpellations ».

 

Est-il possible d’interdire toutes les manifestations propalestiniennes ?

C’est la question à laquelle a répondu négativement le Conseil d’État, ce mercredi 18 octobre 2023, après avoir été saisi en urgence par le Comité Action Palestine, en réaction à l’interdiction demandée par le ministre de l’Intérieur.

Vincent Brengarth, l’un des avocats du Comité Action Palestine, estime, dans Mediapart, que « toute interdiction générale et de principe est par nature illégale ». Selon lui, la rédaction du télégramme du ministre équivalait à une obligation pour les préfets de s’y conformer. De plus, il dénonce « l’amalgame » que ferait le ministère de l’Intérieur entre la « défense des droits du peuple palestinien » et un soutien au terrorisme.

Par la voix de Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques, le ministère de l’Intérieur estime au contraire que le télégramme n’avait « aucune valeur normative ».

Par ailleurs,les manifestations propalestiniennes « ne sont pas des manifestations de soutien aux victimes de la situation en Palestine, mais des manifestations de soutien aux actions du Hamas et à la résistance par tous les moyens. Ce ne sont pas des rassemblements pacifiques pour la paix en Israël et en Palestine ».

 

L’état du droit et le principe libéral

L’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789, nous apprend :

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi. »

Il s’agit de la liberté d’opinion.

En théorie, la liberté d’opinion n’a pas besoin d’être protégée, car chacun peut penser ce qu’il veut dès lors qu’il n’exprime pas ses pensées.

Dans les faits, l’opinion devient une liberté à condition qu’il soit possible de la faire connaître sans être inquiété :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (article 11 de la DDHC).

Aussi, il n’est pas possible de séparer liberté d’opinion et liberté d’expression ; liberté d’expression et liberté de manifestation :

  • De la liberté d’expression découlent celles de la presse, de la communication audiovisuelle et numérique (qui excluent les propos diffamatoires, racistes, incitant à la haine raciale ou au meurtre) ;
  • La liberté de manifestation, définie par le Conseil constitutionnel comme un « droit d’expression collective des idées et des opinions », permet à des personnes soutenant une cause ou une opinion de les exprimer collectivement dans la rue (dans le respect des règles de maintien de l’ordre public).

 

Ainsi, dans les démocraties libérales, le principe en droit est la liberté, l’interdiction devant rester l’exception.

 

Toute restriction des libertés est une victoire du terrorisme islamiste

Ne soyons pas naïfs : les manifestations propalestiniennes débouchent régulièrement sur des actes antisémites. Pourtant, soutenir les Palestiniens est un droit. Ces rassemblements doivent être interdits au cas par cas.

Dans une tribune intelligente, courageuse et excluant toute passion partisane pour Le Figaro, Raphaël Amselem, du Think Tank Génération Libre, appelle à refuser « l’interdiction systématique des manifestations pro-Palestine, quel que soit notre point de vue sur le sujet. »

Nous partageons avec l’auteur le point de vue selon lequel :

« Dans un État libéral, la société civile est créancière à l’égard du pouvoir, elle détient à son encontre de droits opposables dont la liberté de manifestation. On ne saurait donc tolérer les interdictions à l’emporte-pièce, sauf à considérer que le gouvernement peut conditionner la liberté, ce qui revient en réalité à dire qu’il n’existe pas de liberté tout court. »

Restreindre la liberté d’expression et le droit de manifester au niveau national ouvrent la porte à des dérives autoritaires du pouvoir et alimentent le terreau complotiste. Il appartient aux autorités déconcentrées (préfets), au cas par cas, d’interdire telle ou telle manifestation, en fonction du risque local de trouble à l’ordre public !

La force d’une démocratie, c’est la tolérance. C’est une qualité, n’en faisons pas une faiblesse.

Quelle responsabilité du monde arabo-musulman dans le conflit israélo-palestinien ?

Face à l’horreur à laquelle les terroristes du Hamas nous ont confronté, il est tentant de commenter l’actualité en se plongeant dans des analyses ou des jugements par trop événementiels.

Que les terroristes du Hamas soient des monstres sanguinaires ne fait aucun doute, mais faut-il pour autant tomber dans le piège tendu aux commentateurs et analystes de la situation au Proche-Orient ?

Je veux parler de l’interprétation au jour le jour des épisodes du conflit, du commentaire des prises de position des uns et des autres, du jugement des actes militaires et des décisions politiques. Entrer dans cette arène, c’est obligatoirement ne pas prendre le recul nécessaire pour analyser ce conflit. Le danger de cette vision micro-politique (par analogie avec la micro-économie) réside dans la perte de vue du problème global, ce qu’on pourrait appeler le point de vue macro-politique.

 

L’antisémistisme européen à l’origine de la création d’Israël

Pour bien analyser la situation, il faut aller du général au particulier, et élargir son point de vue au-delà des seuls acteurs israéliens et palestiniens.

La création de l’État d’Israël résulte avant tout de l’antisémitisme européen.

On peut discuter à l’infini sur le bien-fondé de la création d’un État confessionnel, la gauche s’est longuement épanchée sur le sujet. Quelle que soit la conviction laïque que l’on puisse avoir, force est de constater que dans le monde il y a des religions, que la religion juive est l’une d’entre elles, et que c’est contraints et forcés par l’antisémitisme européen que des Juifs ont fondé l’État d’Israël.

La création de cet État a déplacé 400 000 Palestiniens en 1948. Ce nombre est peu contestable. Ces Palestiniens qui, pour la plupart, ne possédaient à l’époque ni passeport ni papiers, qui n’avaient pas de réelle « nationalité » au sens moderne du terme, étaient des Arabes qui parlaient la même langue, avaient les mêmes coutumes, et une culture proche de celle de leurs voisins, aujourd’hui séparés par des frontières artificielles.

Pourquoi les frères arabes de ces Palestiniens n’ont-ils jamais voulu accueillir cette population somme toute marginale par rapport à la taille de leurs États et de leurs populations ?

Après la guerre d’Algérie, les Français de métropole ont bien recueilli un million de réfugiés qui n’avaient bien souvent jamais mis les pieds en France. Leur culture était probablement plus éloignée de celle des Français de métropole que la culture et le mode de vie des Palestiniens ne l’étaient de celles de leur voisins égyptiens, syriens, libanais ou jordaniens.

Le fait est que les Palestiniens ont été parqués dans des camps au lieu d’être assimilés par leurs frères arabes. Si la France avait décidé de parquer ses réfugiés nord-africains dans des camps, la terre entière aurait, à juste raison, crié au scandale.

Si le rejet des Palestiniens par leurs voisins immédiats n’a pas été critiqué par les autres nations arabes, c’est que l’exode du peuple palestinien a provoqué la naissance d’un bouc émissaire, Israël, extrêmement pratique pour les dirigeants de ces pays.

Les pays arabes ont systématiquement joué la politique du pire. Ils n’ont jamais voulu solutionner le problème palestinien, car la diabolisation d’Israël leur a constamment servi à détourner leurs opinions publiques des vrais problèmes internes à leurs États : corruption, échec économique, socialisme rampant.

 

Israël, le bouc émissaire des ploutocraties arabes

L’ennemi extérieur, bien identifié, responsable de tous les maux des pays arabes, c’est Israël.

Que la misère et l’absence de libertés soient criantes dans ces pays, peu importe, puisque régulièrement, l’attention de la population est accaparée par le conflit israélo-palestinien.

De l’Arabie saoudite au Maroc, le peuple est focalisé sur les Juifs qui « colonisent la terre arabe ». Depuis 50 ans les ploutocraties arabes utilisent ainsi Israël comme bouc émissaire. Les Palestiniens sont maintenus artificiellement dans la misère. Les aides européennes ne parviennent pas à leurs destinataires, détournées par un pouvoir palestinien corrompu, mais inconditionnellement soutenu par les dictatures arabes. Les richissimes Saoudiens, les émirats, le Koweït, ne lèvent pas le petit doigt pour aider leurs frères, sauf pour les armer ou pour financer des écoles coraniques obscurantistes. La situation leur permet à merveille de focaliser la contestation en dehors de leurs frontières.

Si l’on se penche sur les dictatures arabes et musulmanes qui utilisent de façon récurrente Israël comme la cause directe ou indirecte des malheurs de leurs peuples, on trouve une vingtaine d’États : Iran, Irak, Afghanistan, Pakistan, Arabie Saoudite, Émirats, Koweït, Oman, Syrie, Jordanie, Liban, Égypte, Yémen, Soudan, Algérie, Tunisie, Libye et, dans une moindre mesure depuis quelque temps, le Maroc, qui totalisent 800 millions d’habitants sur une superficie de 15 millions de km2, trois fois la taille de l’Europe politique. Israël, ce sont environ 9 millions d’habitants et une superficie de 21 000 km2, soit environ trois départements français.

Ces chiffres donnent la mesure de la grotesque disproportion entre la vision subjective du problème vu par les peuples arabo-musulmans, et sa réalité démographique et territoriale.

Cette existence d’un État juif a également servi aux pays arabes à se débarrasser des Juifs sur leur territoire.

Sous le double couvert de la décolonisation et du sionisme naissant, après guerre, les pays arabes ont chassé 700 000 Juifs de chez eux ! Ainsi, les Juifs d’Algérie, du Maroc, de Tunisie et d’Égypte, dont les origines remontaient à l’Inquisition, ou parfois même bien avant, et qui n’avaient rien à voir avec les colons européens, ont émigré contraints et forcés vers l’Europe (en majorité), mais également vers les Amériques, en Australie ou en Israël.

Le Maroc a vu sa population juive passer de 250 000 à 4000 habitants en 40 ans. L’Égypte a vu sa population juive passer de 80 000 habitants en 1947 à moins de 10 habitants, aujourd’hui terrés dans le quartier Copte du Caire ; l’Algérie, de 140 000 à moins de 1000 ; le Liban de 7000 à moins de 1000 ; la Tunisie de 110 000 à moins de 5000 ; l’Irak de 120 000 à moins de 400, la Libye de 30 000 à néant.

Certaines sources font état d’un million de juifs chassés de chez eux après-guerre, uniquement dans les pays arabo-musulmans. Loin d’être volontaires, ces départs ont été provoqués par des brimades, des humiliations, l’interdiction de leurs commerces ou de leurs activités, quand il ne s’agissait pas de menaces physiques pures et simples. Du statut de dhimmi, citoyen de seconde zone, octroyé par les musulmans à tous les non musulmans, les Juifs ont profité de la colonisation européenne pour retrouver des droits. Puis, ils ont tout perdu lors de la décolonisation. Une grande partie de leurs biens a été vendue au rabais ou confisquée à leur départ. Relevons au passage que cette population, chassée de ses terres et de ses maisons, n’a pas commis d’actes terroristes en représailles, et que la notion de « droit au retour » violente et armée n’a jamais été à son ordre du jour. Notons enfin que les petits-enfants de ces Juifs expulsés de leurs pays ne s’auto-proclament pas « réfugiés » par hérédité.

 

Le défi de l’économie de marché dans le monde islamique

Les deux sources majeures de la détresse et de la misère palestinienne sont donc, d’une part, l’antisémitisme, d’autre part, l’utilisation cynique par les gouvernements du monde arabo-musulman de ce problème palestinien qu’ils ont largement contribué à entretenir.

Bien entendu, d’autres facteurs interviennent dans ce théâtre d’opération d’une immense complexité.

Il ne faut pas nier l’attitude d’Israël dans les territoires occupés et l’exaspération qui en résulte. Il faut aussi considérer, d’une façon encore plus générale, les bouleversements induits par la pénétration inexorable de l’économie de marché dans les vieilles structures claniques du monde islamique.

L’islamisme radical, forme de rejet violent de l’ordre spontané capitaliste et libéral, complique encore cet imbroglio moyen-oriental en trouvant des soutiens et des ramifications dans toute la sphère anticapitaliste.

Les jeunes Palestiniens se trompent d’adversaires, leurs voisins et coreligionnaires se moquent d’eux et les maintiennent dans la misère et le désespoir depuis des décennies.

Les vrais amis du peuple palestinien devraient être moins critiques à l’égard d’Israël, et nettement plus à l’égard des ploutocraties arabes qui maintiennent le statu quo pour conserver leur pouvoir et tenter de faire oublier leurs turpitudes.

Attaque du Hamas en Israël : Emmanuel Macron, un discours attendu

Un article de la Nouvelle Lettre.

 

Il fallait désigner nettement le Hamas comme une organisation terroriste qui s’est livrée à des crimes dépassant toute horreur : Macron l’a fait.

Il fallait dénoncer ceux qui confondent la cause palestinienne et le terrorisme : Macron l’a fait.

Il fallait demander que soient poursuivis ceux qui manifestent une sympathie pour le Hamas : Macron l’a fait.

Il fallait promettre la sécurité aux Juifs de France : Macron l’a fait.

Il fallait prêcher l’union nationale : Macron l’a fait.

Il fallait aussi rappeler que la France allait mettre en œuvre toute sa dynamique diplomatique pour obtenir des intermédiaires pour la libération des otages : Macron l’a fait. 

 

Des discours à l’action

Il est vrai qu’il n’a pas détaillé les mesures qu’il entendait prendre. Mais je ne pense pas que ce discours solennel puisse s’y prêter.

Et je crois qu’il y a souvent loin des discours à l’action : le président, son gouvernement et ses forces policières et armées ont-ils les moyens d’atteindre les objectifs voulus ? N’est pas surprenante non plus la référence faite aux populations civiles, lorsque les Israéliens engagent une « riposte forte et juste, forte parce que juste ». Mais cette ambiguïté habituelle chez le président peut se légitimer en la circonstance, car il n’est pas nécessaire d’ajouter de la guerre à la guerre, et Emmanuel Macron n’ignore pas que le Hamas a pris la population gazaouite en otage.  

En conclure globalement qu’Emmanuel Macron a fait ce qu’il fallait faire, mais ne peut pas nous assurer de ce qui va maintenant se passer serait à mes yeux hâtif.  

D’abord, il aura obtenu de tous les partis réunis et des présidents des trois assemblées parlementaires une écoute inattendue.

Manuel Bompard, porte-parole des Insoumis pour la campagne des élections européennes a réussi à dire que « le Hamas est terroriste ». Marine Le Pen est venue discrètement, ses amis du Rassemblement national ont été modérés, et n’ont pas insisté sur l’immigration. Éric Ciotti a essayé de suggérer quelques mesures immédiates, mais a compris que ce n’était pas le but précis de la réunion.

Peut-être de quoi laisser un espoir sur le comportement futur de notre classe politique.  

 

L’impossible cohabitation politique

Ensuite je crois qu’il est resté sur la position diplomatique traditionnelle de la plupart de nos partenaires occidentaux : la création d’un État palestinien faisant le pendant de l’État israélien.

Mais c’est oublier que les pays arabes n’ont jamais pu se mettre d’accord sur ceux qui détiendraient le pouvoir dans ce nouvel État. À plusieurs reprises depuis trente ans il y a eu des « guerres fratricides » entre Jordaniens, Libanais, Syriens, voire Irakiens. Par ailleurs, les Iraniens, maîtres du jeu et organisateurs de l’agression barbare, ne sont pas dans une logique d’équilibre entre États, mais d’extermination des Juifs. Il est même possible de soutenir que la violence de l’agression s’explique parce que le Hamas estimait que c’était sa dernière chance de participer à la victoire définitive sur Israël : les crimes désespérés sont les plus sanglants.  

Voilà presque un siècle que les Occidentaux, et notamment les Américains, recherchent la cohabitation pacifique entre deux États. C’est sans doute mal connaître les sentiments que se portent Juifs et Arabes depuis des siècles dans cette région.

 

Libre échange et commerce comme vecteurs de paix

En réalité, la vraie solution, celle que les Occidentaux auraient dû à mon sens adopter depuis longtemps, c’est de créer des liens commerciaux entre pays voisins.

Quelles que soient les erreurs commises par Netanyahou, il avait amené Israël à donner une image économique positive à tous les pays du Proche Orient, et l’accord passé avec l’Arabie Saoudite était significatif.

Je ne dis pas que cette option est facile, puisque d’une part demeure l’hypothèque de la dictature iranienne, et d’autre part les intérêts pétroliers, minéraux et financiers dans cette région sont très opposés. Mais les économistes autrichiens savent ce qu’est la catallaxie : les intérêts opposés se marient, et tout le monde peut trouver son compte dans un contrat établi de bonne foi.  

Hélas, les Américains, mais aussi de nombreux pays européens, ont cru que la solution était politique, en termes de pouvoirs équilibrés, et depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale ils se sont mêlés d’imposer leur loi.

Je me rappelle ce que disait Friedman lorsque les Allemands ont accepté le traité de Rome et la suppression des tarifs extérieurs communs : vous allez être réduits en poussière par la fin du protectionnisme, mais vous allez relever le défi, et c’est vous qui aurez les balances commerciales les plus prospères. Ce qui s’est fait. 

Une fois de plus, nous voici rappelé ce grand principe historique : la liberté est la meilleure amie de la paix. Libre échange et libre entreprise permettent l’harmonie entre toutes les cultures de la Terre. En 1776, Adam Smith avait souligné que la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb et la route vers les Indes par le cap de Bonne-Espérance par Vasco de Gama avaient été les sources inestimables du progrès dans le monde entier. Un progrès parfois difficile à court terme, mais assuré sur des siècles parce que conforme à la nature de l’être humain, qui n’a pas que la guerre et le pouvoir en tête, mais aussi et au contraire le respect et le service des autres. L’espace ouvre les esprits et les cœurs.  

Évidemment, ce ne sont pas des idées apprises à nos brillants hommes politiques, surtout concernés par le pouvoir. Elles ne sont pas courantes. Aux libéraux de les faire avancer. 

 

Sur le web.

Guerre et barbarie : Si vis pacem para bellum

Un article de l’IREF. 

 

Il existe des bibliothèques entières pour nous éclairer sur cette dramatique interrogation : une guerre peut-elle se dérouler sans quelque crime, sans quelque barbarie ?

À juste titre, des autorités qualifiées de « morales » ont demandé aux Israéliens de ne pas verser dans la barbarie : l’Organisation des Nations unies, le pape François. Porter atteinte à la santé et à la vie de la population civile qui vit dans la bande de Gaza en coupant eau et électricité est en effet contraire à toutes les règles mondialement acceptées, et au principe même du respect des droits de l’Homme.

Il a été fait remarquer, à juste titre aussi, que d’une part les crimes les plus odieux ont été le fait du Hamas, et que d’autre part la Seconde Guerre mondiale s’est terminée avec l’anéantissement de Dresde et les bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki.

 

On peut trouver une issue au problème en définissant les principes d’une « guerre juste ».

Théologiens, philosophes, historiens, juristes et même économistes ont évoqué tous les critères possibles. Il est habituel de distinguer la guerre d’agression et la guerre de défense : les Israéliens ne peuvent rester sans réaction face à l’invasion du Hamas. Il ne s’agit pas de se venger avec haine, il s’agit de mettre fin à la barbarie. Il est également habituel de dire que si l’on veut garder la paix il faut préparer la guerre, cela ferait même partie du domaine régalien des États. Mais l’État d’Israël lui-même n’a pas rempli correctement sa mission ; peut-être les considérations politiques et économiques de court terme ont-elles occulté ou ralenti la défense nationale.

Je me permets de réduire le débat à un choix simple : se défendre, et pour ce faire dissuader les ennemis potentiels de passer à l’attaque, ou attendre les conflits pour réagir. Ce qui me semble à l’origine de la guerre actuelle c’est le désarmement militaire, mais aussi le désarmement moral qui caractérisent les pays libres depuis maintenant si longtemps, et sans aucun doute depuis le début de ce XXIe siècle.

Le désarmement militaire est d’autant plus incroyable que la course aux armements et l’apparition de nouvelles techniques ont été extrêmement rapides depuis vingt ans. Il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale pour observer des changements aussi profonds. Mais la course est ruineuse, et elle entre en conflit avec les autres dépenses publiques que l’État-providence veut assumer, « quoi qu’il en coûte » (il est bien plus cher de lutter contre le réchauffement climatique que contre les barbares français ou étrangers, le budget de l’armée française et de plusieurs autres nations dites libres est ridicule).

 

Quant au désarmement moral, il est total.

Les valeurs de liberté, responsabilité, propriété et dignité ne sont plus enseignées ni pratiquées. Paradoxalement, on accuse le système capitaliste de développer l’individualisme, alors que le marché est la base de la concorde et du service mutuel.

Mais on a éliminé les supports du marché que sont la concurrence et la stabilité monétaire pour pratiquer le protectionnisme et la fausse monnaie.

On devrait aussi penser à la façon dont la jeunesse est éduquée et instruite, et aux chances d’une vie honnête et épanouissante. Le matérialisme a vaincu le spiritualisme. En 1983 Reagan a mis en place une stratégie de dissuasion avec l’Initiative de Défense stratégique (appelée Star Wars par les médias), il a voulu assumer les responsabilités américaines dans la guerre froide contre l’URSS, mais parallèlement les « divisions du pape » jadis ridiculisées par Staline sont venues soulever les Polonais contre l’occupant soviétique. Dès 1981, Jean Paul II prépare la chute du mur de Berlin dix ans plus tard.

Dans la guerre actuelle, nous devons comprendre les leçons de nos erreurs, mais surtout travailler à « tressaillir », à sortir des pièges de l’indifférence, de la résignation, de l’égoïsme et du loisir. Comme les Israéliens, nous devons nous mobiliser, lever l’armée de réserve de la société civile, nous devons sonner le réveil de la liberté.

Voir sur le web.

Israël-Palestine : les conséquences dévastatrices de l’assaut du Hamas

Par Eyal Mayroz. 

Il y a presque 50 ans jour pour jour, Israël n’avait pas su anticiper le déclenchement de la guerre du Kippour de 1973, qui avait démarré par une attaque inattendue contre ses frontières par une coalition d’États arabes.

Aujourd’hui, il semble que les services de renseignement du pays aient à nouveau été victimes d’un faux sentiment de sécurité.

La conviction, largement partagée dans la société israélienne, que le Hamas ne chercherait pas à se lancer dans une confrontation militaire à grande échelle avec Tsahal pour se protéger et pour épargner de nouvelles souffrances aux habitants de Gaza a été anéantie par l’assaut surprise déclenché samedi matin, par voie aérienne, terrestre et maritime.

L’attaque a commencé par un tir de barrage de plusieurs milliers de roquettes tirées sur Israël. Sous le couvert de ces roquettes, une opération terrestre de grande envergure, soigneusement coordonnée, est partie de Gaza et a pris pour cibles plus de 20 villes israéliennes et bases militaires adjacentes à la bande de Gaza.

Les pertes israéliennes, estimées actuellement à plus de 600 morts et 2000 blessés, vont certainement augmenter dans les heures et les jours à venir.

Une mobilisation massive des réservistes de l’armée israélienne a été entamée, et des bombardements aériens ont frappé les installations et les postes de commandement du Hamas à Gaza. Plus de 370 victimes palestiniennes ont été signalées jusqu’à présent à Gaza, et 1700 personnes ont été blessées.

 

Les calculs du Hamas

Comme dans le cas de la guerre du Kippour, de nombreuses analyses et enquêtes seront menées dans les semaines, les mois et les années à venir sur les échecs en matière de renseignement, d’opérations sécuritaires et de politique qui ont permis au Hamas de prendre ainsi Israël à défaut. L’assaut n’a apparemment pas été détecté par les services israéliens dans un premier temps, puis a pu se dérouler avec succès pendant des heures, les combattants du Hamas se retrouvant face à des forces israéliennes insuffisantes ou non préparées.

Comme en 1973, l’assaut a été lancé durant le sabbat et lors de la fête juive de Souccot. Les objectifs stratégiques du Hamas sont incertains à ce stade. Toutefois, la sévérité certaine des représailles israéliennes contre le mouvement – et, par conséquent, contre la population civile de Gaza – rend probable l’existence de considérations allant au-delà d’une simple vengeance contre les actions israéliennes.

L’enlèvement d’Israéliens en vue de les échanger par la suite contre des militants du Hamas emprisonnés en Israël est depuis longtemps un objectif majeur des opérations militaires du mouvement islamiste.

En 2011, un soldat israélien, Gilad Shalit, qui était détenu à Gaza depuis 2006, avait été échangé contre plus de 1000 prisonniers palestiniens. Parmi ces prisonniers se trouvait Yahya Sinwar, l’actuel chef du Hamas à Gaza, qui avait passé 22 ans dans une prison israélienne.

Les rapports faisant état de dizaines d’Israéliens – dont de nombreux civils – capturés par le Hamas lors de l’assaut de ce week-end suggèrent qu’il pourrait s’agir là d’un motif central de l’attaque. Un nombre indéterminé d’otages détenus pendant des heures par des militants du Hamas dans deux villes du sud d’Israël ont été libérés par la suite par les forces spéciales israéliennes.

Des policiers israéliens évacuent une femme et un enfant d’un site touché par une roquette à Ashkelon, dans le sud d’Israël. Tsafrir Abayov/AP

Un autre objectif du Hamas, plus large, pourrait être de saper les négociations en cours entre les États-Unis et l’Arabie saoudite sur un accord visant à normaliser les relations entre le royaume et Israël.

Un échec de ces pourparlers serait une aubaine pour l’Iran, l’un des principaux soutiens du Hamas, et pour ses alliés. Téhéran a déclaré soutenir les attaques du Hamas contre Israël, mais on ne sait pas encore si l’Iran ou le Hezbollah (le groupe libanais chiite qui entretient un partenariat croissant avec le Hamas) ouvriront d’autres fronts dans les jours à venir, même si ce dernier a déjà tiré des obus contre le territoire israélien le 8 octobre.

Toute escalade du conflit en provenance de l’Iran ou du Liban serait très problématique pour Israël. Il en irait de même si la guerre contre le Hamas venait à exacerber les tensions déjà très sensibles et les affrontements violents entre Israël et les groupes militants palestiniens en Cisjordanie.

Des Iraniens agitent des drapeaux palestiniens lors d’une célébration de l’attaque du Hamas contre Israël à Téhéran. Abedin Taherkenareh/EPA

Et maintenant ?

Baptisée « Glaives de fer », l’offensive de représailles d’Israël contre le Hamas à Gaza risque de durer longtemps.

Outre la nécessité de restaurer la confiance de la société israélienne dans son armée, et de ressusciter la dissuasion militaire d’Israël face au Hamas et à d’autres ennemis, le gouvernement du Premier ministre Benyamin Nétanyahou devra probablement faire face à d’autres défis qu’il lui sera compliqué de relever : le sort des dizaines d’otages israéliens ; les risques que courront les forces israéliennes en cas d’incursion terrestre, à Gaza ; et les menaces d’escalade sur d’autres fronts, notamment au Liban, en Cisjordanie et dans les villes mixtes juives et palestiniennes à l’intérieur d’Israël.

En outre, le soutien international pourrait rapidement s’éroder en cas d’opération majeure à Gaza, à mesure que le nombre de victimes palestiniennes, déjà élevé, s’accroîtra.

Les violences actuelles viennent à peine de commencer, mais elles pourraient devenir les plus sanglantes depuis des décennies, peut-être même depuis la guerre entre Israël et les Palestiniens au Liban dans les années 1980.

Israeli warplanes target a tower in Gaza City after the Hamas attack. Mohammed Saber/EPA

Comme nous l’avons indiqué, les Israéliens considéreront sans aucun doute qu’il est essentiel de restaurer leur pleine capacité de dissuasion militaire face au Hamas – ce qui, aux yeux de beaucoup, pourrait nécessiter une prise de contrôle militaire de la bande de Gaza. Cela aurait des conséquences encore plus dévastatrices pour la population civile de Gaza.

Aux yeux de nombreux Palestiniens, les événements de ce week-end ont offert aux Israéliens un petit aperçu de ce qu’a été leur propre vie pendant des décennies d’occupation. Toutefois, les premières célébrations se transformeront probablement bientôt en colère et en frustration, car le nombre de victimes civiles palestiniennes continuera d’augmenter. La violence engendre la violence.

À court et à moyen terme, le traumatisme causé par l’attaque-surprise du Hamas ne manquera pas d’avoir des conséquences considérables sur la politique intérieure d’Israël.

Dans ses mémoires de 2022, Bibi. Mon Histoire, Benyamin Nétanyahou a évoqué sa décision, lors de l’opération israélienne « Pilier de défense » menée contre le Hamas en 2012, de ne pas lancer un assaut terrestre israélien à Gaza.

Une telle attaque, explique-t-il dans le livre, aurait pu causer plusieurs centaines de victimes parmi les forces de défense israéliennes et plusieurs milliers de victimes parmi les Palestiniens, ce à quoi il s’opposait catégoriquement. Il a autorisé des incursions terrestres à deux autres occasions (opérations « Plomb durci » en 2008 et « Bordure protectrice » en 2014. Mais la prudence l’a emporté dans d’autres cas, parfois du fait des fortes pressions dont il a pu faire l’objet.

Au vu de la combinaison du traumatisme national de ce week-end et de la composition du gouvernement de Nétanyahou, considéré comme le plus à droite de l’histoire du pays, il semble très peu probable qu’il fasse preuve de la même retenue dans les jours à venir.

Sur le web.

Rapprochement Arabie saoudite–Israël : le difficile pari de Washington

Par Lina Kennouche.

L’administration américaine tente depuis plusieurs semaines de convaincre l’Arabie saoudite et Israël d’établir des relations diplomatiques.

Washington avait pourtant, dernièrement, concentré ses efforts avant tout sur la compétition stratégique face à la Chine en Indo-Pacifique et la confrontation avec la Russie en Ukraine, au point de négliger quelque peu le Moyen-Orient. Or à présent, cette région occupe de nouveau l’agenda diplomatique.

Deux considérations géopolitiques président à la volonté américaine de parvenir à un deal entre Riyad et Tel-Aviv : cette configuration permettrait, d’une part, de neutraliser les effets de l’accord temporaire en cours de négociation entre les États-Unis et l’Iran ; et, de l’autre, de freiner l’essor de la coopération entre l’Arabie saoudite et la Chine.

Toutefois, ce projet rencontre plusieurs obstacles majeurs.

 

La crainte d’un accord provisoire qui renforcerait l’influence de l’Iran

Face à l’impasse dans laquelle se trouvent les discussions visant à ressusciter le JCPOA (l’accord sur le nucléaire iranien, dont les États-Unis se sont retirés sous Donald Trump, en 2018), l’objectif américain est d’atteindre avec l’Iran un accord temporaire qui porterait sur le gel provisoire des activités d’enrichissement d’uranium en contrepartie du déblocage des fonds iraniens à l’étranger.

Cet accord s’est déjà matérialisé par la libération de cinq prisonniers américains qui ont regagné les États-Unis le 19 septembre dernier. Un échange qui fait suite au déblocage et au transfert de 6 milliards de dollars de fonds iraniens détenus en Corée du Sud

Un tel compromis attise les craintes à la fois d’Israël et de l’Arabie saoudite. Tous deux redoutent que l’Iran puisse profiter de ces ressources financières pour renforcer ses activités perçues comme déstabilisatrices. Bien qu’un accord de normalisation entre Riyad et Téhéran soit intervenu en mars dernier grâce à la médiation chinoise, l’Iran reste perçu comme une puissance antagoniste.

Ainsi, comme le note le politologue Léon Hadar :

« Le fait de joindre à l’accord avec l’Iran un effort de normalisation des liens entre l’Arabie saoudite et Israël, s’il est couronné de succès, peut renforcer l’impression, à Riyad et à Tel-Aviv ainsi qu’à Téhéran, que l’Amérique est déterminée à contenir l’Iran et à protéger ses intérêts dans la région et ceux de ses alliés ».

 

La stratégie du déni d’accès…

Une autre considération géopolitique motive également la décision de l’administration américaine d’œuvrer pour une normalisation entre Tel-Aviv et Riyad, près de trois ans après que Joe Biden ait exprimé durant sa campagne sa volonté de faire de l’Arabie saoudite un État « paria » : l’endiguement de l’influence chinoise, qui ne cesse de se renforcer. En effet, la rivalité stratégique avec Pékin et le durcissement de la confrontation incarne aujourd’hui une tendance lourde appelée à perdurer.

Comme le rappelle un récent article de Foreign Affairs :

« Entre Pékin et Washington, les intérêts vitaux s’opposent et sont fermement ancrés dans leurs systèmes politiques, leurs géographies et leurs expériences nationales respectifs […] Le fait est qu’il est peu probable que la rivalité entre les États-Unis et la Chine s’apaise sans un changement significatif de l’équilibre des forces ».

Ce constat rejoint celui d’Elridge Colby, ancien secrétaire adjoint à la défense et sinologue influent. Dans son livre The Strategy of Denial : American Defense in an Age of Great Power Conflict (Yale University Press, 2021), il rappelle, en effet, les principes directeurs et les priorités qui devraient guider la politique de défense des États-Unis, et notamment l’intérêt pour Washington de développer une stratégie de déni d’accès visant à empêcher la Chine d’occuper une position hégémonique en Indo-Pacifique en lui déniant l’accès à des territoires clés comme Taïwan, les Philippines et le Vietnam.

Cette stratégie est aujourd’hui étendue au Moyen-Orient où Pékin apparaît comme un acteur majeur, ayant posé de solides bases d’influence, notamment dans les pays du Golfe.

 

… appliquée au Moyen-Orient

L’Arabie saoudite et la Chine ont conclu fin 2022 un protocole d’accord qui confie à Huawei, le géant chinois des communications et de l’IA, perçu par Washington comme le fer de lance de l’influence de Pékin, le développement d’un centre de données cloud computing. Riyad, devenu le premier importateur de matériel militaire dans le monde, a, par ailleurs, engagé des négociations avec la Chine en matière de livraison d’armements. De surcroît, les Saoudiens ont fait savoir qu’ils envisageaient d’accepter le reminbi dans leurs transactions pétrolières avec la Chine.

Ces récents développements montrent que Washington peut désormais difficilement faire l’impasse sur le poids acquis par la Chine auprès de ses alliés traditionnels au Moyen-Orient. Ainsi, dans un contexte où les effets de la compétition stratégique se font de plus en plus ressentir, il importe pour les États-Unis de conserver leurs alliés dans leur orbite. Comme le note avec pertinence le spécialiste américain des relations internationales Hal Brands, l’initiative du président Joe Biden vise donc prioritairement la Chine :

L’administration tente de négocier de meilleures relations entre Israël et l’Arabie saoudite, essentiellement pour contenir l’influence de Pékin dans une région vitale. Cette initiative montre combien les États-Unis sont prêts à payer pour empêcher les Saoudiens de tomber dans l’orbite de la Chine.

 

Des exigences inédites

Occupant une position plus avantageuse que durant la longue période caractérisée par une relation exclusive avec Washington grâce à sa stratégie du hedging (c’est-à-dire la volonté de multiplier les partenaires commerciaux, militaires et diplomatiques afin de ne pas trop dépendre de l’un d’entre eux en particulier), Riyad entend à présent en tirer les meilleurs avantages possible.

Les contreparties exigées par l’Arabie saoudite pour un établissement de relations diplomatiques avec Israël sont conséquentes.

Comme le révèle Thomas Friedman dans le New York Times, Riyad n’escompte pas moins qu’un « traité de sécurité mutuelle de type OTAN qui enjoindrait aux États-Unis de se porter à la défense de l’Arabie saoudite si elle était attaquée ; un programme nucléaire civil ; et la possibilité d’acheter des armes américaines plus avancées, comme le système de défense anti-missiles balistiques Terminal High Altitude Area Defense ».

En échange de ces nouvelles garanties de sécurité, les États-Unis veulent imposer un frein à la coopération de Riyad avec Pékin, notamment sur le plan technologique, et obtenir l’assurance que Mohammed Ben Salmane, le prince héritier et véritable leader du pays aujourd’hui n’accueillera pas de bases chinoises sur son territoire. Cependant, la perspective qu’un tel accord puisse voir le jour demeure extrêmement incertaine, en raison de plusieurs points potentiels de blocage.

 

… mais inacceptables

Israël a officiellement fait savoir qu’il n’« accepterait pas de programme nucléaire de la part de ses pays voisins, que ce soit à des fins civiles ou militaires ».

De même, les États-Unis semblent peu enclins à fournir à l’Arabie saoudite des armes sophistiquées susceptibles de remettre en cause la supériorité militaire qualitative d’Israël, qui se trouve au fondement de leur politique moyen-orientale.

Par ailleurs, si l’Arabie saoudite, soucieuse de donner des gages à son opinion publique, cherche à obtenir le soutien des Palestiniens, elle risque toutefois de buter sur l’intransigeance de la partie israélienne, hostile à tout compromis qui accorderait à l’Autorité palestinienne un contrôle plus étendu sur certaines zones de la Cisjordanie occupée et qui indiquerait un calendrier pour une reprise des négociations, conformément au vœu de l’AP.

Il semble peu réaliste que Washington parvienne à lever les réticences de Benyamin Nétanyahou, soutenu par les partis d’extrême droite membres de sa coalition, même au prix de garanties de sécurité renforcées. Ces dernières excluraient sans doute la livraison des bombes dites bunker-buster réclamées depuis plusieurs années par Israël. En effet, en dépit des pressions du Congrès américain, les administrations américaines successives ont jusque-là refusé de fournir ces bombes par crainte de se retrouver entraînées dans un conflit militaire avec l’Iran.

Enfin, comme le rappelle Hal Brands, le Pentagone est frileux à l’idée de prendre de nouveaux engagements au Moyen-Orient dans un contexte où l’armée américaine se trouve engagée sur le front ukrainien, et se prépare à une possible guerre dans le Pacifique.

En définitive, bien que l’administration américaine cherche à obtenir un accord avant les prochaines échéances électorales pour tenter à la fois d’unifier une partie de ses alliés face à la menace commune que représente l’Iran, et endiguer la montée en puissance de la Chine au Moyen-Orient, la réalisation de ce projet reste aujourd’hui encore un simple vœu pieux au regard des obstacles qui minent les négociations.The Conversation

Lina Kennouche, Docteur en géopolitique, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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