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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Synthèse de l'actualité internationale de mars 2024

Découvrez la synthèse de l'actualité internationale de mars 2024 : Elections dans le monde ; La démocratie malmenée ; Tragédies à Gaza ; Le chaos à Haïti ; Attentat à Moscou ; En Ukraine, la guerre s'enlise ; L'UE sous-traite la surveillance de ses frontières à ses voisins ; Affaires stratégiques ; etc.

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Carte. L'Organisation du traité de l'Atlantique nord en 2024

Savez-vous combien de pays sont membres de l'OTAN ? Et combien des pays de l'OTAN sont des membres de l'UE ? A quelle date sont-ils entrés dans l'OTAN ? Dans quel contexte ? Localisées et datées, les réponses sur cette carte.

- Union européenne / , , , , , , , , , , , ,

En quête de victoires “tactiques”, Israël est confronté à une défaite “stratégique”

Depuis cinq mois, Israël court après des “victoires tactiques” pour retrouver son image de toute-puissance militaire perdue le 7 octobre. Mais cette diversion infructueuse signifie que Tel-Aviv est désormais confronté […]

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Transnistrie : vers une annexion à la Fédération de Russie ?

La Russie est en mesure d'utiliser la Transnistrie comme une arme régionale. Pourquoi ? C. Durandin donne les clés en éclairant l'histoire d'une région moldave, la Transnistrie, érigée en phare de l'URSS depuis... 1924.

- Pays candidats / , , , , , , , , ,

Comment utiliser la méthode Musk pour relever la France

On entend souvent dire qu’il faudrait, en France, un Etat stratège pour enrayer notre déclin et pour nous ouvrir une nouvelle ère de prospérité. L’idée est d’autant plus juste que tous les Etats prospères aujourd’hui disposent d’une stratégie industrielle ambitieuse : Chine, Russie, Inde, et Etats-Unis bien entendu. Mais en quoi doit consister cette stratégie industrielle ? S’agit-il de demander à l’Etat de planifier l’économie comme au bon vieux temps ? Ou bien ne faut-il pas regarder quelle méthode les USA ont utilisée avec Elon Musk pour créer des géants mondiaux ?

A la différence des fantasmes qui circulent largement sur la notion de “stratégie industrielle”, ce qu’on pourrait appeler la méthode Musk se caractérise donc par plusieurs éléments essentiels :

  • l’Etat soutient les entreprises par des contrats signés dans la durée pour assurer la viabilité de l’activité
  • l’Etat ne prend pas de participation dans les entreprises avec lesquelles il contracte
  • les entrepreneurs conservent leur liberté d’action
  • les financeurs privés participent au financement à long terme des projets

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Synthèse de l'actualité internationale de février 2024

Découvrez la synthèse de l'actualité internationale de février. Résultats électoraux ; Colère des paysans en Europe ; La guerre en Ukraine est une « épreuve de vérité » pour l'UE ; Un peu d'espoir pour l'Arménie ? ; Le temps des révélations ; Le retour de l'espace, etc.

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Le Club Le Figaro International. « Troupes au sol en Ukraine » : qu'a voulu dire Emmanuel Macron ?

Deux ans après la relance de la guerre russe en Ukraine, dans le contexte de la campagne électorale américaine, quelles questions se posent à l'Union européenne ? L'UE peut-elle se passer des États-Unis ? Comment renforcer les défenses de l'UE ? L'autonomie stratégique, à quelles conditions ?

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Entretien Poutine/Carlson: le décryptage (fin): la fragilisation du dollar est le meilleur allié de la Russie

Les stratèges occidentaux l’auront-ils remarqué? Vladimir Poutine, dans son entretien avec Tucker Carlson, donne la clé de la stratégie russe. Certes, il ne parle jamais de cette stratégie; en revanche, il épingle des erreurs de la stratégie occidentale et nous dit par la même occasion pourquoi la Russie mène une guerre lente. Le dollar américain est fragile comme jamais. La Russie n’a pas besoin de se lancer dans une guerre de haute intensité puisque l’hegemon occidental est en train de s’affaiblir lui-même.

Vladimir Poutine ne parle pas jamais directement dans l’entretien qu’il a accordé à Tucker Carlson, de l’état d’esprit russe ni des intentions de Moscou en termes militaires. Bien entendu, nous l’avons souligné, il insiste sur l’arme hypersonique. Mais il est plus intéressant de constater que le président russe semble s’intéresser plus aux erreurs stratégiques de ses adversaires. Hier nous parlions de la mauvaise foi occidentale et des conséquences que Vladimir Poutine en tire. Evoquons aujourd’hui son faux étonnement sur l’autodestruction en cours du dollar:

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Comment découvrir la géostratégie ? Entretien avec P. Boulanger

Voici la présentation d'une pépite qui rassemble en 128 pages des connaissances à la fois larges et précises pour permettre d'améliorer nos connaissances en matière de géostratégie. P. Boulanger présente « Introduction à la géostratégie » (La Découverte).

- Transversaux / , , , , , , , , , , , ,

Ukraine : vers quelle «fin de conflit» nous dirigeons-nous ?

comment va se finit ce conflit ? Car la stratégique dite de la défense active tenue par la Russie atteint elle aussi ses limites et Jean-François Geneste se demande si elle ne devient pas in fine contre-productive. Il se propose d’analyser cette question d’un point de vue technique

L’article Ukraine : vers quelle «fin de conflit» nous dirigeons-nous ? est apparu en premier sur Strategika.

Carte de l'Egypte

L'Égypte vise plusieurs objectifs stratégiques, tels que la survie du régime et la stabilité intérieure face à une croissance démographique incontrôlable et aux défis socio-économiques que cela représente. C'est aussi un pays sous pression à la suite de l'attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023 qui génère un regain de conflictuel sur la bande de Gaza, ses tunnels et sa frontières avec l'Egypte.

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La cyberdéfense militaire française à l'épreuve des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

A l'approche des Jeux Olympiques et Paralympique de 2024 (JOP 2024), cet article vise à identifier les enjeux de la cyberdéfense militaire dans la préparation aux menaces de demain. Un adversaire n'a besoin que d'une faille et choisit quand il l'exploite. Le défenseur doit surveiller l'entièreté de son périmètre, et ce constamment.

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Vidéo. Israël : une offensive sans limite. Entretien avec Rony Brauman

Contrairement à la règle commune, chaque jour qui passe sans arrêt des combats à Gaza renforce l'intérêt de cet entretien avec R. Brauman. L'ancien président de MSF souligne deux caractéristiques de l'opération israélienne sur Gaza suite à l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

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L'Indo-Pacifique français en 2023. L'activisme diplomatique du Président Macron

Cette année 2023 a été marquée par la proactivité diplomatique du président de la République française, E. Macron, dans la zone Indo-Pacifique. L'auteur donne les éléments pour saisir des réalités qui échappent souvent en métropole.

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29 – Les impératifs stratégiques

Quelle est l'incidence des considérations stratégiques lorsque des acteurs extérieurs interviennent dans le conflit ? Quels outils pour étudier les impératifs stratégiques motivant une intervention extérieure sur un territoire ? Quelles informations rassembler et exploiter ?

- Manuel de géopolitique / , , , , , , , , , , ,

Pivot de la FED : késako et quelles conséquences pour votre épargne et votre patrimoine en 2024 ?

Par : Rédaction

Sans surprise, aux Etats-Unis, la Réserve fédérale prévoit trois baisses de taux d’intérêt en 2024. Machabert vous explique dans cette capsule l’annonce du 14 décembre faite par les banquiers centraux américains (mais la BCE va leur emboîter le pas) de baisser leur taux directeur dès 2024.

Dans cette capsule , nous vous aidons à y voir plus clair sur ce que signifie ce “pivot de la FED (et de la BCE)” pour votre épargne et comment adapter votre stratégie patrimoniale en 2024 à ce nouveau contexte qui se conjugue au net ralentissement de l’inflation ? Faut-il continuer à emprunter ou entamer la cure de désendettement dont il était question dès le dossier N°19 en avril 2023 ?

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La foudre et le cancer- Retour dans le futur des années 1980-1

En parallèle de l’écriture de mon prochain livre (teasing), en fait la synthèse et l’actualisation de mes notes d’analyse militaire sur le conflit entre Israël et le Hamas depuis dix-sept ans, je m’efforce de faire un peu de «rétro-prospective». Cela rend humble et cela permet aussi de retrouver des éléments utiles pour analyser les choses de notre époque. Aujourd’hui on va parler de La foudre et le cancer du général Jean Delaunay, écrit il y a presque 40 ans et publié en1985. Comme il y a beaucoup de choses à dire, on fera ça en deux fois.

Aujourd’hui, la foudre

Ce qu’il faut retenir, c’est d’abord le titre qui décrit bien la distinction entre les deux formes d’affrontement moderne : sous le seuil de la guerre ouverte et au-delà. C’est une distinction ancienne mais qui a été exacerbée par l’existence des armes nucléaires, car entre «puissances dotées» le franchissement du seuil de la guerre amène très vite à frôler celui, totalement catastrophique, de l’emploi des armes nucléaires. Autrement dit, le seuil de la guerre ouverte entre puissances nucléaires est un champ de force qui freine les mouvements à son approche et peut les accélérer après son franchissement, du moins le croit-on car on n’a jamais essayé. Dans cette situation l’affrontement ne peut être que long et peu violent ou bref et terrible.

Dans la première partie de son livre, présenté sous forme de faux dialogues, le général Delaunay expose d’abord sa conception de la foudre. L’ennemi potentiel de l’époque est alors clairement identifié : l’Union soviétique.

Le monde n’est pourtant pas alors aussi bipolaire qu’on semble le croire aujourd’hui. La Chine populaire mène alors son jeu de manière indépendante, après un franchissement de seuil contre l’URSS en 1969-1970 qui a failli virer à la guerre nucléaire. Le Petit livre rouge fait un tabac dans les universités françaises. Jean Yanne réalise Les Chinois à Paris de Jean Yanne (1974). Il y a des guérillas maoïstes partout dans le Tiers-Monde, on ne dit pas encore «Sud-Global», et certains pays comme la Tanzanie s’inspirent de la pensée du Grand timonier. Pour autant, l’étoile rouge palie quand même pas mal à la fin des années 1970 alors que le pays est en proie à des troubles internes, un phénomène récurrent, et vient de subir un échec militaire cinglant contre le Vietnam. Dans les années 1980, on parle beaucoup du Japon, non pas comme menace militaire ou idéologique, mais comme un État en passe de devenir la première puissance économique et technologique mondiale. Le voyage au Japon est alors un passage obligé pour tout décideur en quête de clés du succès, avant que le pays ne fasse pschitt à son tour quelques années plus tard. Et puis il y a les États-Unis qui ont été eux aussi secoués par des troubles internes dans les années 1960-1970 en parallèle de la désastreuse guerre au Vietnam et à qui on prédisait un long déclin mais qui reviennent sur le devant de la scène politique internationale avec Reagan. Comme quoi, décidément, il faut se méfier des projections sur l’avenir des nations. Après tout, on parlait aussi dans les années 1960 d’un «miracle français», on n’en parle plus dans les années 1980.

Tout cela est une digression. La foudre ne peut alors vraiment venir que de l’URSS ainsi d’ailleurs que le cancer le plus dangereux, on y reviendra plus tard. Il faut bien comprendre que l’époque est aussi très tendue et que la guerre est présente dans le monde sous plusieurs formes, au Liban, entre l’Argentine et le Royaume-Uni, entre l’Iran et l’Irak, en Ulster, en Afghanistan, en Angola ou au Mozambique, sur la frontière de la Namibie où s’affrontent notamment Cubains et Sud-Africains, entre la Somalie et l’Éthiopie où survient également une famine terrible, en Syrie, et dans plein d’autres endroits du Tiers-Monde en proie à des contestations internes. C’est l’époque aussi de grandes catastrophes écologiques et industrielles comme à Bhopal, Tchernobyl ou les grandes marées noires.

Foudre rouge

Il y a surtout la menace nucléaire. L’horloge de la fin du monde ou horloge de l’Apocalypse (Doomsday Clock) est mise à jour régulièrement depuis 1947 par les directeurs du Bulletin of the Atomic Scientists de l’université de Chicago. De 1984 à 1987, elle indique trois minutes avant le minuit de l’emploi de l’arme nucléaire, du jamais vu depuis 1953. Plus précisément, depuis la fin des années 1970, on s’inquiète beaucoup du développement par les Soviétiques d’un arsenal nucléaire de grande précision, en clair les missiles SS-20 capables de frapper non plus seulement les larges cités mais aussi désormais de petites cibles comme des silos de missiles ou des bases aériennes.

Le premier scénario que décrit Jean Delaunay et auquel on pense alors beaucoup est donc celui d’une attaque nucléaire désarmante en Europe. Dans ce scénario, les Soviétiques provoquent une grande explosion à impulsion électromagnétique au-dessus de la France puis après une série de frappes nucléaires précises, des raids aériens et des sabotages parviennent à détruire ou paralyser la majeure partie des capacités nucléaires en Europe. Il ne resterait sans doute vraiment de disponibles que les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) qui auraient maintenu la communication.

A ce stade, l’arsenal nucléaire américain en Europe serait largement mis hors de combat. Les Américains ne pourraient utiliser le nucléaire que depuis leur territoire et avec la certitude qu’une riposte soviétique les frapperait aussi sur ce même territoire. On peut donc considérer qu’ils seraient beaucoup plus dissuadés de le faire que s’ils tiraient de République fédérale allemande (RFA) avec riposte en RFA.

Quant aux pays européens dotés, leur force de frappe attaquée dans ses bases militaires et ces centres de communication aura été très affaiblie mais sans que la population soit beaucoup touchée. Ce qui restera de cette force ne sera peut-être plus capable de franchir les défenses soviétiques, et de toute façon il s’agira surtout de missiles tirés de sous-marins trop peu précis pour frapper autre chose que des cités et là, retour à la case départ : si tu attaques mes cités, je détruis les tiennes, d’où là encore une forte incitation à ne pas le faire. Bref, on serait très embêté et très vulnérable à la grande offensive conventionnelle qui suivrait.

Pour faire face à ce scénario, les États-Unis ont proposé en 1979 de déployer des armes nucléaires, non pas «tactiques» — celles-ci ont été largement retirées, car peu utiles et déstabilisatrices — mais de «théâtre» ou encore «forces nucléaires intermédiaires, FNI» tout en proposant à l’URSS un dégagement simultané d’Europe de ce type d’armes. L’URSS tente d’empêcher ce déploiement en instrumentalisant les mouvements pacifistes sur le thème «s’armer c’est provoquer la guerre» ou «plutôt rouges (c’est-à-dire soumis) que morts !». Les manifestations sont impressionnantes de 1981 à 1983 mais les États de l’Alliance atlantique ne cèdent pas. En 1985, cette crise des «Euromissiles» est pratiquement terminée et ce risque d’attaque désarmante se réduit beaucoup. Gorbatchev, à la tête du Comité central depuis le mois de mars, accepte de négocier et l’accord sur les FNI deux ans plus tard marque le début véritable de la guerre froide.

La guerre des étoiles

Un autre sujet dont on parle beaucoup en 1985 est l’initiative de défense stratégique (IDS) lancée par Reagan en mars 1983, popularisée sous le nom de «Guerre des étoiles», en clair la mise en place d’un bouclier infranchissable antimissile utilisant notamment massivement des «satellites tueurs» armés de puissants lasers. Entre bluff et volontarisme américain sur le mode «conquête de la Lune en dix ans», on ne sait pas très bien dans quelle mesure les initiateurs du projet y croyaient vraiment, mais on ne parle que cela à l’époque. Le général Delaunay a tendance à croire cela comme très possible à terme, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences très fortes sur toutes les stratégies d’emploi du nucléaire. Ce sera d’abord très déstabilisant, car l’URSS se trouvera désarmée devant ce bouclier, d’où peut-être la tentation d’agir avant qu’il ne soit effectif. Ce sera ensuite paralysant pour la France, car on imagine alors que les Soviétiques feront de même et disposeront aussi de leurs boucliers antimissiles antibalistiques. Delaunay en conclut que : «L’arme nucléaire, qui a préservé la paix pendant quarante ans une certaine paix ne pourra bientôt plus être considérée comme la panacée en matière de défense». Il ne voit pas d’avenir aux SNLE au-delà de vingt ans, mais privilégie le développement des missiles de croisière, moins coûteux et considérés comme invulnérables pendant longtemps.

Le général Delaunay exprime en fait de nombreux doutes sur la priorité absolue accordée au nucléaire (alors à peu près un cinquième du budget de Défense) au détriment du reste des forces. Chef d’état-major de l’armée de Terre depuis 1980, Delauany avait démissionné en 1983 afin de protester contre la faiblesse des crédits accordée à son armée. Il privilégie alors l’idée de «dissuasion par la défense», en clair en disposant d’abord d’une armée conventionnelle forte, plutôt que «par la terreur». Cela nous amène au deuxième scénario, auquel on croit alors en fait beaucoup plus qu’au premier, trop aléatoire.

Moisson rouge

La menace de «foudre» qui inquiète le plus à l’époque est «l’attaque éclair aéromécanisée» conventionnelle. L’idée est simple : «rompre l’encerclement agressif des pays de l’OTAN et préserver l’acquis du socialisme» en conquérant un espace tellement vite que les pays occidentaux n’auront pas le temps de décider de l’emploi l’arme nucléaire. Delaunay décrit un scénario où depuis l’Allemagne de l’Est les Soviétiques essaieraient d’atteindre la côte atlantique de Rotterdam à La Rochelle en cinq jours. Cela paraît à la fois très long et très ambitieux. D’autres scénarios de l’époque comme celui du général britannique Hackett (La troisième guerre mondiale, 1979 ; La guerre planétaire, 1983) décrivent une opération sans doute plus réaliste limitée à la conquête fédérale allemande en deux ou quatre jours, je ne sais plus. Je ne sais plus non plus quel alors est le scénario de Tempête rouge de Tom Clancy (1987) mais il doit être assez proche.

On voit cela comme une grande offensive en profondeur essayant de s’emparer de tout ou presque en même temps : sabotages et partisans dans la grande profondeur, parachutistes et héliportages sur les points clés comme les passages sur le Rhin, groupes mobiles opérationnels (GMO) perçant les lignes le long de la frontière de la RDA et armées blindées les suivant sur les grands axes. Dans le même temps et utilisant tous les moyens possibles, en particulier une flotte de près de 300 sous-marins d’attaque, les Soviétiques s’efforceraient d’entraver autant que possible le franchissement de l’Atlantique aux Américains. Une fois l’objectif choisi «mangé», l’Union soviétique arrêterait ses forces, «ferait pouce !», et proposerait de négocier une nouvelle paix.

Delaunay, comme tout le monde à l’époque et moi compris, croit alors en la puissance de l’armée rouge. Les chiffres sont écrasants, mais la qualité reste floue. Il y a alors un autre livre dont on parle beaucoup, c’est La menace — La machine de guerre soviétique d’Andrew Cockbur (1984) qui donne une image peu reluisante de l’armée soviétique. Tout le monde alors l’a lu, dont le général Delaunay qui l’évoque avec scepticisme. Certains parlent même alors de maskirovka, une habile tromperie. Il est vrai qu’il est toujours aussi difficile de mesurer la valeur d’une armée avant un combat que celle d’une équipe de sport avant son premier match depuis des années. On observe à l’époque que les Soviétiques ne sont pas franchement à l’aise en Afghanistan où ils se signalent surtout par leur immense brutalité, justifiée à l’époque par certains en France de nom de la lutte contre l’impérialisme américain et de la libération des Afghans. C’est cependant un conflit très différent de ce qu’on imagine en Europe. On aurait été très surpris, voire incrédules, si on nous avait présenté des images d’un futur très proche, 1994, montrant des troupes russes humiliées et battues à Grozny par quelques milliers de combattants tchétchènes. On aurait aussi tous dû aussi relire La menace avant la guerre en Ukraine.

Revenons à notre guerre éclair. La menace était donc réelle et elle l’est toujours, puisque c’est ce qui après de nombreux exemples de l’histoire soviétique a été fait en Crimée en février 2014 et tenté à grande échelle en février 2022 à l’échelle de l’Ukraine tout entière. La possession de l’arme nucléaire ne suffit pas à dissuader complètement de tenter des opérations éclair. Même si l’Ukraine avait disposé de l’arme nucléaire en 2014, la Crimée aurait quand même été conquise par les Russes. On peut se demander aussi ce qui se serait passé si au lieu de foncer vers l’Ukraine les forces russes réunies en Biélorussie en 2021 s’étaient retournées contre les petits Pays baltes ou la Pologne. En fait, l’offensive éclair (russe, pas de l’OTAN) est le seul scénario de guerre contre la Russie sur lequel on travaille sérieusement, et avec beaucoup d’incertitudes.

L’affrontement entre puissances nucléaires est un affrontement entre deux hommes armés d’un pistolet face à face, avec cette particularité que celui qui se fait tirer aura quand même toujours le temps (sauf frappe désarmante, voir plus haut) de riposter et tuer l’autre avant de mourir. À quel moment va-t-on tirer en premier ? Au stade des insultes ? Des jets de pierre ? Des coups de poing ? etc. ? Personne ne le sait très bien, mais a priori il faut avoir peur pour sa vie. Le meilleur moyen de dénouer cette incertitude terrible est non seulement de disposer d’une arme mais aussi d’être suffisamment fort, musclé, et maîtrisant les arts martiaux pour repousser le moment où se sentira menacé pour sa vie. En clair, avoir une force conventionnelle puissante et là je rejoins les conclusions du général Delaunay en 1985.

Comment être fort dans les années 1980

En fait dans les années 1980, et même avant, tout le monde est à peu près d’accord là-dessus : si on doit franchir le seuil de la guerre, il faut disposer d’une force conventionnelle suffisamment puissante pour au moins pour retarder l’arrivée au seuil du nucléaire.

Un courant représenté en France en 1975 par Guy Brossolet avec son Essai sur la non-bataille ou encore par le général Copel dans Vaincre la guerre (1984) mais aussi par beaucoup d’autres en Europe, privilégie alors la mise en place d’un réseau défensif de «technoguérilla». L’histoire leur donnera plutôt raison en termes d’efficacité mais ce modèle est jugé trop passif et trop peu dissuasif par la majorité, à moins qu’il ne s’agisse de simple conservatisme.

Le général Delaunay, qui a fait toute sa carrière dans l’Arme blindée cavalerie, est logiquement partisan d’un corps de bataille de type Seconde Guerre mondiale, et le modèle du moment — 1ère armée française, Force d’action rapide et Force aérienne tactique — pour aller porter le fer en République fédérale allemande lui convient très bien. Il aimerait simplement qu’il soit plus richement doté afin de «dissuader par la défense» et si cela ne suffit pas de gagner la bataille sans avoir à utiliser la menace de nos gros missiles thermonucléaires. Il est en cela assez proche de la doctrine américaine volontariste et agressive AirLand battle mise en place en 1986 et déclinée ensuite, comme d’habitude, en doctrine OTAN.

Point particulier, s’il est sceptique sur le primat absolu du nucléaire «stratégique» (pléonasme), le général Delaunay aime bien les armes nucléaires qu’il appelle encore «tactiques». Il a bien conscience que les missiles Pluton qui ne frapperaient que la République fédérale à grands coups d’Hiroshima présentent quelques défauts, surtout pour les Allemands. Leurs successeurs qui ne seront jamais mis en service, les missiles Hadès d’une portée de 480 km permettraient de frapper plutôt en Allemagne de l’Est, avec si je me souviens bien, des têtes de 80 kilotonnes d’explosif (4 à 5 fois Hiroshima), ce qui est quand même un peu lourd pour du «tactique». La grande mode du milieu des années 1980, ce sont les armes à neutrons, des armes atomiques à faible puissance explosive mais fort rayonnement radioactif qui permettraient de ravager des colonnes blindées sans détruire le paysage. Cela plait beaucoup à Delaunay comme à Copel et d’autres, mais on n’osera jamais les mettre en service. On commence aussi à beaucoup parler des armes «intelligentes», en fait des munitions conventionnelles précises au mètre près, dans lesquelles on place beaucoup d’espoir, cette fois plutôt justifié. Vous noterez que c’est pratiquement le seul cas parmi toutes les grandes innovations techniques qui sont évoquées depuis le début.

De fait, il y a un effort considérable qui est quand même fait pour moderniser les forces occidentales. Par les Américains d’abord et massivement, avec un effort de Défense de 7,7 % du PIB en 1985, mais par les Européens aussi, y compris les Allemands qui ont alors une belle armée et les Français qui lancent de nombreux grands programmes industriels, du Rafale au char Leclerc en passant par le porte-avions Charles de Gaulle. Le problème est que tout cet appareillage doctrinal et matériel que l’on met en place pour affronter le Pacte de Varsovie, ne servira jamais contre le Pacte de Varsovie qui disparaît seulement six ans après La foudre et le cancer, mais de manière totalement imprévue contre l’Irak.

Le Hic, c’est X

Ce que ne voit pas le général Delaunay, comme pratiquement tout le monde en France, c’est que le modèle de forces français n’est pas transportable hors d’Europe, ou si on le voit, on s’en fout car cela ne sera jamais nécessaire. Personne n’imagine alors en France avoir à mener une guerre à grande échelle et haute intensité contre un État hors d’Europe. En juillet 1990 encore, le général Forray, chef d’état-major de l’armée de Terre du moment, nous expliquait que le modèle d’armée français permettait de faire face à toutes les situations. Trois semaines plus tard, le même général Forray annonçait qu’il fallait faire la guerre à l’Irak qui venait d’envahir le Koweït, mais comme on ne voulait pas y engager nos soldats appelés on ne savait pas comment on allait faire.

Il n’est, étonnamment, quasiment jamais question des opérations extérieures dans La foudre et le cancer, alors que celles-ci sont déjà nombreuses et violentes, au Tchad et au Liban en particulier. On sent que ce n’est pas son truc et qu’il considère cela comme une activité un peu périphérique et à petite échelle pour laquelle quelques régiments professionnels suffisent. Il ne remet jamais en question le principe de la conscription et du service national, bien au contraire, et comme le général Forray, ne voit pas comment cela pourrait poser problème.

Et c’est bien là le hic. Il est très étonnant de voir comment des grands soldats comme Forray ou Delaunay qui avait 17 ans en 1940, a combattu pendant les guerres de décolonisation, a vu arriver les arsenaux thermonucléaires capables de détruire des nations entières en quelques heures, puissent imaginer que la situation stratégique du moment — qui dure à ce moment-là déjà depuis plus de vingt ans — se perpétue encore pendant des dizaines d’années. De fait, il était impossible à quiconque de prévoir les évènements qui sont allés de l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev à la tête du comité central en mars 1985 jusqu’à la décision de Saddam Hussein d’envahir le Koweït en 1990, à peine cinq ans plus tard. Un simple examen rétrospectif sur les deux derniers siècles, montre de toute façon que jamais personne n’a pleinement anticipé les redistributions brutales des règles du jeu international, et donc de l’emploi de la force, qui se sont succédées tous les dix, vingt ou trente ans, ce qui est un indice fort que c’est sans doute impossible.

La seule chose à admettre est que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et que l’on connaîtra forcément une grande rupture au moins une fois dans sa carrière militaire. Le minimum à faire est de se préparer à être surpris et de conserver en tête ce facteur X dans nos analyses. En 1990, les Américains n’ont pas plus que les autres prévus ce qui allait se passer mais ils s’étaient dotés armée puissante supérieurement équipée et entièrement professionnelle, donc projetable partout. Après le blanc-seing du Conseil de sécurité des Nations-Unies, impensable quelques années plus tôt, il leur a suffi de déplacer leur VIIe corps d’armée d’Allemagne, où il ne servait plus à grand-chose, en Arabie saoudite. Pour nous, qui n’avions pas fait le même effort, l’espoir de peser sur les affaires du monde est resté un espoir.

(à suivre)


Que nous apprend l'Ukraine au sujet des forces morales de la Nation ? Entretien avec C. Marangé

Que révèle l'expérience ukrainienne de l'importance des forces morales de la Nation ? Cet entretien avec Céline Marangé pose de manière argumentée la nécessité d'une prise de conscience partagée des enjeux.

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Ecologie : selon France Stratégie, vous vous appauvrirez et on ne sait pas si vous serez heureux

Le patron de France Stratégie, Jean Pisani-Ferry, qui avait beaucoup collaboré au programme d’Emmanuel Macron, est devenu un ayatollah de l’écologie punitive. Aux Rencontres de Bercy, que nous avons évoquées hier parce qu’elles ont permis à Bill Gates de disposer d’une tribune, le Pisani en question a rappelé son mantra religieux, digne des barbus iraniens : pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris, pierre angulaire de notre Salut devant l’Eternel, il faudra sacrifier le pouvoir d’achat et enrichir massivement les fabricants de pompes à chaleur et de voitures électriques sur le dos du contribuable.

Hier, j’évoquais l’intervention altruiste mais efficace de Bill Gates aux Rencontres de Bercy. Le même jour, et dans la même salle, un invité moins prestigieux mais néanmoins influent était présent dans la salle, micro à la main, pour exprimer sa vision de la transition énergétique que le Great Reset de Klaus Schwab préconisait à l’issue du COVID. Il s’agit de Jean Pisani-Ferry, directeur de France Stratégie, la lointaine héritière du Commissariat au Plan.

On sait que Pisani milite pour une écologie punitive qui nous saignerait à blanc pour sauver la planète.

Devant Bill Gates, l’impétrant a repris sa tirade janséniste : pour sauver la planète, il faudra souffrir, se priver, vivre dans la gêne.

« La transition va être compliquée car nous sommes très en retard, donc il va falloir réaliser beaucoup d’investissements », considère-t-il. Ainsi, explique-t-il, la hausse de l’investissement représente une baisse de la consommation qui entraine ainsi une perte des capacités de production.

Jean Pisani-Ferry et Carenews

On comprend donc que pour “investir”, c’est-à-dire subventionner des fabricants de pompes à chaleur et de voitures électriques, il va falloir grandement augmenter les impôts et se serrer la ceinture.

Vous n’aurez presque plus rien, et serez-vous plus heureux ?

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Innovation : les technologies de rupture, ça n’existe pas

Le monde du management est noyé sous les mots-valises, les expressions à la mode et les concepts creux. C’est un problème parce que mal nommer un phénomène, c’est s’empêcher de pouvoir l’appréhender correctement, et donc de pouvoir le gérer.

Un bon exemple est celui de l’expression technologie de rupture, très trompeur.

Je discutais récemment avec le responsable innovation d’une grande institution, qui me confiait :
« La grande difficulté que nous avons est d’identifier parmi toutes les technologies nouvelles celles qui sont vraiment les technologies de rupture. »

Car la course aux technologies de ruptures est lancée, celles qui vont vraiment faire la différence sur le terrain, qu’il soit économique, social ou militaire.

Or, cette course repose pourtant sur une erreur, car la technologie de rupture ça n’existe pas.

 

La différence réside dans son utilisation

Ce qui fait qu’une technologie va avoir un effet de rupture, c’est la façon dont elle est utilisée. Une technologie peut être radicalement nouvelle et n’avoir aucun impact de rupture.

Par exemple, lorsque les médecins sont passés du carnet à spirales au micro-ordinateur dans leur cabinet, il y a eu un changement technologique important, qui a entraîné une amélioration de leur efficacité. Mais il n’y a eu aucun changement dans leur modèle de fonctionnement (façon dont le cabinet est organisé, le modèle économique, la structure des acteurs impliqués, etc.).

En substance, c’est la même chose, en plus efficace. C’est une amélioration dite de soutien (sustaining), au sens où elle soutient et renforce le modèle existant. Inversement, on peut entraîner une rupture très importante dans un secteur sans technologie nouvelle. EasyJet, par exemple, est un pionnier du low cost dans le domaine aérien. La rupture que cette compagnie a créée ne repose sur aucune technologie propriétaire ou nouvelle : mêmes avions, mêmes pilotes, mais un modèle de fonctionnement différent.

Ce qui va faire la différence, c’est donc la façon dont la nouvelle technologie est utilisée.

Dans le domaine militaire, le char était une invention majeure qui a émergé à la fin de la Première Guerre mondiale. L’Armée française l’a mis au service de l’infanterie, le dispersant dans les unités, en soutien de son organisation existante. Les Allemands, eux, ont constitué des unités spéciales (De Gaulle avait la même idée mais n’a pas été suivi). Ils ont repensé leur modèle tactique autour de cette nouvelle technologie. Ils en ont fait une innovation de rupture, par la façon dont ils l’ont utilisée, avec les résultats que l’on sait. Autrement dit, une technologie est de rupture en fonction du modèle qu’on développe autour d’elle pour en tirer parti.

 

La tentation du bourrage

Lorsqu’une nouvelle technologie émerge, la tentation est toujours de la mobiliser autour du modèle existant, considéré comme un invariant. C’est ce qu’on appelle le bourrage : on la force, en quelque sorte, à entrer dans le modèle existant. Ce modèle devient alors une forme de prison intellectuelle qui empêche l’innovation.

On a des chars, mais la façon dont on les utilise fait qu’on n’en tire qu’une toute petite partie du potentiel. Pour faire entrer le carré dans le rond, il faut couper tous les coins. Autrement dit, pour qu’une nouvelle technologie entre dans le modèle, il faut ignorer tout ce qui pourrait servir à créer un modèle différent.

Cela explique aussi pourquoi une nouvelle technologie est plus facilement mobilisée par un nouvel entrant pour créer une rupture : le nouvel entrant n’est pas enfermé par les modèles existants, il n’a pas d’activité historique à défendre, il n’a pas de rond dans lequel il faudrait faire entrer le carré. Il construit le rond autour du carré précisément de façon que le rond soit une rupture.

Google travaille depuis des années sur l’IA mais ne veut pas risquer son rond (son activité liée à son moteur de recherche). OpenAI, une jeune startup créée initialement comme une association à but non lucratif, le prend par surprise en utilisant l’IA de façon tout à fait différente.

L’obsession pour les technologies de rupture a des conséquences importantes : on se concentre davantage sur la technologie que sur ses applications possibles, on se consacre à l’art pour l’art. On oublie que les Allemands n’avaient pas inventé les chars, mais ce sont eux qui ont compris comment en tirer parti.

La véritable innovation ne réside donc pas dans la technologie, même si celle-ci est fondamentale. Elle réside dans la façon dont on l’utilise pour créer un avantage. Il s’agit de contester les modèles existants pour en inventer de nouveaux. Moins qu’une capacité d’invention, c’est donc l’adoption d’une posture entrepreneuriale qui permet la création d’une rupture.

Voir sur le web.

Les multinationales françaises : des pépites à choyer

Un article de Philbert Carbon.

 

L’Insee dresse un portrait des multinationales françaises dans une note récente. Par firme multinationale française, l’institut désigne un groupe de sociétés (hors services non marchands et filiales bancaires) dont le centre de décision est situé en France et qui contrôle au moins une filiale à l’étranger.

 

Les multinationales françaises réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires à l’étranger

En 2021 (année sur laquelle porte la note), elles contrôlaient 51 000 filiales dans plus de 190 pays. Ces filiales employaient 6,9 millions de salariés, ce qui représentait 56 % des effectifs des firmes dont elles font partie. Elles réalisaient un peu plus de la moitié (52 %) du chiffre d’affaires consolidé total des firmes multinationales françaises, ce qui représentait 1566 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel consolidé. Précisons qu’il s’agit du chiffre d’affaires généré par les filiales présentes à l’étranger et non pas des ventes réalisées par la firme multinationale à l’étranger.

Le document nous apprend, par ailleurs, que les grandes firmes (celles qui emploient au moins 5000 personnes en France ou réalisent un chiffre d’affaires annuel consolidé sur le territoire national supérieur à 1,5 milliard d’euros) regroupent 43 % des filiales à l’étranger, emploient 76 % des effectifs et réalisent 83 % du chiffre d’affaires consolidé total.

Si l’Insee précise que les autres multinationales – de taille intermédiaire et de taille petite ou moyenne– réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires en France, il n’indique pas le pourcentage exact du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger pour chacune des catégories d’entreprises. Nous ne savons pas non plus quel est le nombre de ces multinationales. Deux informations pourtant essentielles pour bien appréhender le sujet !

La note de l’Insee datée du 13 décembre 2019, qui traite des données de 2017, était à cet égard plus complète. Nous savions alors que notre pays comptait 4600 multinationales, dont 160 grandes firmes et 1510 entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les 3230 restantes étaient donc des sociétés dites de taille petite ou moyenne (c’est-à-dire employant moins de 250 personnes en France et réalisant un chiffre d’affaires annuel consolidé sur le territoire national inférieur à 50 millions d’euros).

Il faut se tourner vers le cabinet de conseil EY et son « Profil financier du CAC 40 » pour apprendre que l’activité internationale des entreprises composant l’indice phare de la bourse de Paris a représenté, en 2022, plus de 78 % de leur chiffre d’affaires. Certes, le chiffre ne porte que sur 40 entreprises et il ne mesure pas la même chose, mais il permet de comprendre que nos grandes entreprises n’ont besoin que marginalement de la France pour faire des affaires.

 

Les multinationales françaises sont surtout présentes en Europe

La note de l’Insee nous apprend également que les filiales des multinationales françaises sont, contrairement à ce que l’on croit souvent, essentiellement implantées dans les pays développés. Les trois premiers pays d’implantation, qui regroupent un quart des filiales, sont les États-Unis (10,2 % avec 5200 filiales), l’Allemagne (8 % avec 4100 filiales) et le Royaume-Uni (7,3 % avec 3700 filiales). La Chine occupe la cinquième place avec 5,5 % des filiales. Le top 10 – dans lequel figurent, outre les quatre pays déjà cités, l’Espagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, la Suisse et le Canada – abrite 54,3% des filiales. Plus de la moitié des filiales sont implantées en Europe.

En termes d’effectifs, le classement est quelque peu différent, même si les Etats-Unis restent à la première place avec 10,9 % (et 754 000 salariés). Dans le top 10, nous voyons, en effet, apparaître des pays où le coût de la main-d’œuvre est réputé bas : l’Inde (7,5 % des effectifs, soit 520 000 personnes), le Brésil (7,5 %), la Pologne (3,4 %) et la Russie (2,8 %, mais c’était avant la guerre en Ukraine et l’embargo).

C’est sans doute ce qui explique que le coût salarial par tête dans les filiales implantées à l’étranger est en moyenne de 38 900 euros par an, contre 63 300 euros pour les établissements implantés en France.

Enfin, en ce qui concerne le chiffre d’affaires, les États-Unis occupent encore la tête du classement avec 325 milliards d’euros générés, soit 20,8 % du total. Ils sont suivis par l’Allemagne (8,8 % et 135 milliards), le Royaume-Uni (6,8 % et 107 milliards), l’Italie (6,4 % et 101 milliards), la Chine (6,1 % et 96 milliards). Les dix premiers pays – dans lesquels figurent aussi l’Espagne, la Belgique, la Suisse, le Brésil et les Pays-Bas – génèrent 68 % du chiffre d’affaires. Les filiales implantées dans l’UE ne produisent que 36,5 % du chiffre d’affaires à l’étranger des multinationales françaises (soit 572 milliards).

On remarquera, en rapprochant les différentes données, que le meilleur « rendement » est réalisé par les filiales américaines qui, avec moins de 11 % des effectifs, génèrent presque 21 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des implantations françaises à l’étranger.

 

Où sont réalisés les bénéfices ?

En ce qui concerne les profits, la note de l’Insee est muette. C’est regrettable, car nous aurions pu ainsi apprécier si les multinationales françaises gagnent autant d’argent qu’on le dit dans les pays à bas coûts.

Néanmoins, nous pouvons nous référer à une étude de la Banque de France sur la contribution des investissements directs à l’étranger des groupes du CAC 40. Même si elle date de 2013 et qu’elle porte sur la période 2005-2011, elle est riche d’enseignements. Elle révèle, en effet, qu’en 2011, 60 % des résultats nets des groupes du CAC 40 étaient réalisés à l’étranger (alors que la proportion était d’environ 50 % en 2005). Douze groupes réalisaient même plus de 75 % de leurs profits à l’étranger (contre dix en 2005).

Plusieurs raisons expliquent cette hausse selon la Banque de France : bien sûr, l’augmentation des investissements à l’étranger ; probablement, une recherche d’optimisation fiscale qui a pu conduire certains groupes à enregistrer une part croissante de leurs profits dans des pays à fiscalité avantageuse ; et, raison la plus inquiétante, l’écart de compétitivité croissant entre la France et le reste du monde. Cet écart s’étant encore agrandi depuis 2011, il est ainsi probable que la part des bénéfices réalisés à l’étranger par les grands groupes français ait aussi augmenté. Si Total Énergies est accusé de ne payer que peu d’impôts en France (à peine 2 milliards d’euros sur les 30 milliards d’impôts et taxes acquittés au total), c’est bien parce que le groupe réalise la quasi-totalité de ses bénéfices à l’étranger

Même si investir et produire à l’étranger rapporte plus qu’en France, ces multinationales restent françaises. Cependant, le risque qu’elles transfèrent un jour leur centre de décision hors de France n’est pas nul. C’est pourquoi, le Gouvernement devrait les choyer. Au lieu de cela, il préfère les vilipender.

Dernièrement, Bruno Le Maire, le ministre des Finances, ne s’en est-il pas pris aux grands industriels de l’agroalimentaire qui font « des marges indues » ? Il y a un an, le président Macron ne montrait-il pas du doigt Total Énergies qui fait des « profits importants », distribue « beaucoup d’argent » aux actionnaires mais traîne des pieds pour ouvrir des négociations sur les salaires ? Le gouvernement n’a-t-il pas cherché à taxer les « superprofits » de l’armateur CMA-CGM, ou les raffineries de Total Énergies ?

Attirer à Paris les banques londoniennes ou le siège de la FIFA avec un régime de faveur est une chose, comme subventionner les usines de batteries (1,5 milliard d’euros pour ProLogium à Dunkerque). Il ne faudrait pas oublier nos pépites nationales. Rappelons-nous des déconvenues récentes de Bridor en Bretagne ou du groupe Duc en Bourgogne. Ces entreprises ne demandent pas l’aumône, mais simplement de pouvoir investir aussi en France et y gagner de l’argent !

Sur le web.

Quelques chiffres qui montrent que le « quoi qu’il en coûte » n’est pas fini…

Un article de l’IREF.

En janvier dernier, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, annonçait la fin du « quoi qu’il en coûte ».

L’examen parlementaire en cours des projets de loi de finances de fin de gestion pour 2023, et de loi de finances pour 2024 montrent à l’inverse que, loin d’être fini, le « quoi qu’il en coûte » se poursuit. Et ce en dépit d’un goulet d’étranglement appelé à se resserrer du fait de l’aggravation de la charge de la dette dans les prochaines années, exposant la France au risque d’une grave crise de ses finances publiques.

Plusieurs données tendent à prouver que les vannes ouvertes à l’occasion de la crise de la Covid-19 n’ont pas été refermées, ou que des politiques publiques jugées prioritaires ont été privilégiées sans que, symétriquement, soient définies des politiques qui ne le soient pas, ou plus. Pour reprendre la formule du rapporteur général du budget en commission des finances du Sénat, nous sommes entrés dans « l’ère des déficits extrêmes ».

Tandis que le déficit budgétaire annuel « moyen » n’était « que » de 89,8 milliards d’euros entre 2011 et 2019, depuis 2020, et en y incluant la prévision pour 2024, il est désormais de 172,3 milliards d’euros.

En 2023, le déficit budgétaire de l’État devrait être supérieur à 171 milliards d’euros, soit un déficit proche des sommets atteints pendant la crise sanitaire (quasiment 180 milliards d’euros).

Pour 2024, le déficit budgétaire est encore attendu à un niveau extraordinairement élevé de 144,5 milliards d’euros. Et pour cause : malgré le retrait des mesures de crise (- 40 milliards d’euros depuis 2022), les dépenses publiques devraient, toutes sphères d’administration confondues, augmenter de plus de 100 milliards d’euros en deux ans (1640 milliards d’euros en 2024, contre 1539 milliards d’euros en 2022).

Installé sur un plateau historiquement haut, le déficit de l’État représenterait l’an prochain 45,7 % de ses ressources. En 2024, le déficit public de la France serait ainsi le deuxième plus élevé de la zone euro. Sur les vingt pays membres de la zone euro, treize seraient sous la barre des 3 % de déficit, deux seraient même excédentaires : Chypre et Irlande. Selon le FMI, seule la Belgique (- 4,8 % du PIB) ferait pire que la France (- 4,5 % du PIB).

Naturellement, la France demeurerait en 2024 (109,7 % du PIB) sur le podium européen des pays les plus endettés (derrière la Grèce et l’Italie), avec une hausse de près de 12 points de la dette publique depuis 2017 (98,1 % du PIB), alors même que les autres pays ont eu affaire aux mêmes chocs exogènes. Sur les vingt pays de la zone euro, huit sont sous la barre des 60 % du PIB.

 

Le bond des émissions annuelles de dette est lui aussi spectaculaire : alors que l’État levait moins de 100 milliards d’euros jusqu’en 2007, il a successivement levé 200 milliards en 2019, 260 milliards en 2020, 2021 et 2022, 270 milliards en 2023, et 285 milliards en 2024 (projet de loi de finances).

Le coût de notre endettement est progressivement aggravé par la hausse des taux d’intérêt.

En 2024, les crédits liés à la dette (60,8 milliards d’euros pour la mission « Engagements financiers de l’État ») seront proches des crédits affectés à l’ensemble des missions régaliennes de l’État (73,8 milliards d’euros, dont 10,1 milliards pour la mission « Justice », 16,5 milliards pour la mission « Sécurités » et 47,2 milliards pour la mission « Défense »).

L’an prochain, 60 % des recettes d’impôt sur le revenu (94,1 milliards d’euros attendus) serviront à financer les seuls intérêts de la dette (56 milliards), lesquels devraient croître de 50 % d’ici la fin du quinquennat (84 milliards prévus en 2027).

Les évolutions de la masse salariale publique fournissent, elles aussi, un bon indicateur quant au souci porté à la gestion financière publique.

Lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la masse salariale des administrations publiques avait baissé de 13,9 % en volume ; alors qu’elle n’avait augmenté « que » de 3,4 % sous François Hollande, la masse salariale publique a déjà bondi, en volume, de presque 10 % depuis l’élection d’Emmanuel Macron (+ 9,7 % entre 2017 et 2024).

L’an prochain, les effectifs de l’État (+ 6695 postes) et de ses opérateurs (+ 1578 postes) augmenteront encore, en contradiction avec les engagements pris dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027…

Sur le web.

Borne annonce la destruction définitive de notre agriculture

Hier, Elisabeth Borne a présenté la “Stratégie Nationale Biodiversité 2030”, moins médiatique que la stratégie bas carbone sur laquelle Emmanuel Macron a tergiversé pendant plusieurs mois, mais peut-être plus destructrice encore pour notre mode spontané de vie. En effet, d’ici 2030, la Première Ministre annonce d’importants changements écologiques dans le paysage de nos campagnes qui devraient modifier fortement le visage de la France profonde.

On se souvient des hésitations d’Emmanuel Macron à présenter l’explosive “stratégie bas carbone” du gouvernement, qui doit imposer la sobriété écologique à un petit peuple déjà rincé par l’inflation et les salaires bas qui ont suivi les 35 heures. Moins médiatique, la stratégie biodiversité n’en est pas moins, n’en sera pas moins destructrice. Elle comporte en effet quelques mesures structurantes qui devraient modifier notre paysage dans les 6 ou 7 ans à venir.

Par exemple :

Nous voulons avancer, également, pour la restauration des sols. C’est le sens de l’engagement du président de la République de planter 1 milliard d’arbres en dix ans. C’est encore ce que permettront les 50 000 kilomètres de haies que nous plantons à travers le territoire, ou encore nos actions de restauration des zones humides. Nous devons ensuite veiller à faire baisser les pressions qui s’exercent sur la biodiversité. Je connais bien la sensibilité de cette question. Et je crois fermement qu’il n’y a pas d’opposition entre transition écologique, développement des territoires et croissance économique – au contraire. 

Elisabeth Borne

Bref, alors que les nappes phréatiques débordent, contrairement aux affirmations de la propagande écologique, le gouvernement s’engage à restaurer les zones humides. Si l’on ajoute à ce projet étrange l’installation de 50.000 kilomètres de haie, la plantation d’1 milliards d’arbres, et l’objectif plus général de diminuer la surface agricole utile, on comprend que notre agriculture sera mise à rude épreuve dans les années qui viennent. Dans ce cas de figure, le problème général n’est pas celui de l’écologie, mais de la propriété privée. Progressivement, l’agriculture sera mise en coupe réglée pour faire plaisir au lobby de l’écologie.

Globalement, donc, nous glissons dans cette société orwellienne où la France est promise à la club-médisation. Nos campagnes seront sauvages, protégées, vides d’industrie. Notre pays se transformera en carte postale où pas une usine ne viendra pollué le ciel, pas un ouvrier ne viendra plus déparer dans les plus jolis villages de France. Nous vivrons du tourisme, et nous mourrons d’ennui.

Rappelons que cette stratégie décline les projets de l’Union Européenne dans ce domaine. L’asservissement de l’Europe dans un grand projet mondialiste progresse.

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Le Royaume-Uni confie ses données personnelles de santé à Palantir et suscite les craintes

L’entreprise technologique américaine controversée Palantir s’est vu attribuer un contrat de 480 millions de livres sterling (environ 550 millions d’euros) par le système de santé national (NHS) du Royaume-Uni , pour gérer la nouvelle “plateforme de données fédérées” appelée Federated Data Platform. Cette décision a vite suscité des inquiétudes en raison des liens controversés de Palantir, connue pour ses liens avec des services militaires et de renseignement. Chaque jour, on assiste au transfert graduel de notre autonomie sanitaire vers l’Union européenne, éventuellement vers l’OMS, dépassant de loin le simple enjeu de santé. On se rappelle ici que la mise en place d’une gouvernance sanitaire mondiale est présentée comme une façon de répondre aux futures pandémies.

Le NHS confie à Palantir la gestion de données de santé. Si le but du projet est d’améliorer l’efficacité des soins en facilitant l’échange d’informations entre les services de santé. La British Medical Association a déclaré que le choix de Palantir était « profondément inquiétant », soulignant les risques pour la confidentialité et les droits des patients.

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Tzevetan Todorov : L'ennemi est une coproduction

Dans quelle mesure co-produisons-nous l'ennemi ? Dans quelle mesure, l'ennemi nous coproduit-il ? Face à l'ennemi, quel est l'enjeu essentiel pour nous ? Très éclairant pour saisir les enjeux structurants de l'actualité internationale.

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Les sept raisons pour lesquelles vous êtes (déjà) en train de rater le virage de l’IA

À moins que vous n’ayez vécu sur Mars ces derniers mois, vous n’avez pu ignorer l’énorme écho médiatique autour du développement de l’intelligence artificielle (IA).

Ce développement est fulgurant, chaque exploit succédant au précédent, avec des réalisations qui auraient semblé impossibles il n’y a pas si longtemps. Il est vrai que le monde de la technologie a tendance à exagérer l’importance de ses inventions, et certaines ne durent que le temps d’un matin, mais on peut dire avec une assez grande assurance que ce n’est pas le cas avec l’IA.

Après des années de bouillonnement, son développement est véritablement entré dans une phase exponentielle. Pourtant, et malgré des résultats souvent impressionnants, beaucoup d’acteurs restent attentistes.

Dans mon expérience, il y a sept raisons qui expliquent cet attentisme, et qui correspondent chacune à un modèle mental bien ancré. Examinons ces raisons pour montrer en quoi elles sont fallacieuses.

Sept raisons qui expliquent cet attentisme

1 – L’IA va massivement supprimer des emplois »

Derrière cette raison il y a la vieille crainte que l’automatisation supprime des emplois.

Or, ce n’est pas ce qu’on constate historiquement. L’automatisation augmente la productivité, ce qui abaisse les coûts et permet de développer le marché, ce qui, en retour alimente la croissance et le besoin en emplois.

2 – « L’IA va remplacer les humains »

L’IA est un outil puissant qui ne fonctionne que s’il est bien utilisé. Depuis toujours, l’être humain a utilisé la technologie pour faire mieux certaines choses (productivité) et aussi pouvoir en faire des nouvelles (innovation).

L’IA ne remplacera pas les humains, elle trouvera son plein potentiel dans la façon dont les humains l’utiliseront. Ceux qui gagneront seront ceux qui apprendront à bien l’utiliser, comme ceux qui ont gagné dans le passé étaient ceux qui ont maîtrisé le feu et la fabrication de flèches.

3 – « Avec l’IA, les moins qualifiés seront largués »

Bien au contraire, l’IA est la chance des moins qualifiés.

Elle permet par exemple à ceux qui n’ont pas pu apprendre de langue étrangère de se débrouiller malgré cela grâce à un traducteur automatique. Elle est le grand facteur de remise à niveau de ceux qui n’ont pas pu faire d’études. L’IA, c’est 150 ans d’études dans votre poche.

4 – « L’IA n’est qu’une techno »

Sous-entendu, cela ne concerne pas la direction générale qui ne s’abaisse pas à parler cuisine. Grosse erreur.

Bien sûr, l’IA est une technologie, mais ce serait une erreur de la mettre simplement au service de ce qui existe déjà pour l’améliorer. La bonne approche est de repenser entièrement son métier, ou son activité, à partir de l’IA. Comme la presse il y a vingt ans qui s’est demandée : « C’est quoi être un journal à l’heure d’Internet quand on peut trouver l’info gratuitement sur Google ? »

L’IA, c’est une techno, certes, mais d’importance stratégique.

5 – « L’IA n’est pas au point, il vaut mieux attendre… »

Aucune techno n’est jamais au point. On n’a jamais attendu qu’aucune le soit pour l’utiliser.

L’automobile a mis des années avant d’être à peu près utilisable par le commun des mortels. Pourtant cela n’a pas empêché qu’elle soit utilisée avec un très gros impact. Si vous attendez que l’IA soit au point, à supposer que ce soit définissable, il sera trop tard quand vous vous y mettrez.

6 – « On ne sait pas comment l’IA fonctionne vraiment, donc c’est dangereux »

C’est quelque chose qu’on entend beaucoup, notamment des professeurs de morale, qui supposent qu’on ne peut utiliser quelque chose que si on le comprend parfaitement. Mais c’est faux.

La plupart des innovations humaines ont été intuitives, et on n’a souvent compris comment elles marchaient que bien plus tard. Sait-on parfaitement comment fonctionne un juge d’instruction ou un comptable ? Non. Et pourtant ils sont très utiles. Lady Montaigu a diffusé la pratique de la variolisation au début du XVIIIe siècle, ancêtre de nos vaccins. Elle ne savait pas expliquer comment ça marchait, mais ça marchait, et c’est ce qui comptait.

7 – « L’IA je n’y comprends rien, je vais attendre que les choses s’éclaircissent… »

Ici, l’erreur est de penser qu’on ne peut comprendre quelque chose que lorsque tout devient clair.

Or, pour quelque chose d’aussi complexe que l’IA (qui est un champ d’innovations multiples à lui tout seul), ce ne sera jamais le cas. La seule façon de se faire une idée de ce qu’est l’IA, c’est de pratiquer. Et pratiquer ne veut pas dire poser une question à ChatGPT et raconter le résultat à ses voisins. Pratiquer, c’est investir du temps pour s’exercer sur des cas réels, et ainsi pouvoir mesurer les forces et les faiblesses de la technologie. Cela permet aussi de mieux imaginer les possibilités (cf. raison 4).

 

Petites victoires

Comme je le disais récemment à une audience d’experts inquiets du développement de l’IA, il ne s’agit pas d’interrompre vos activités et de vous mettre à plein temps sur l’IA.

Il s’agit d’y consacrer un peu de temps, mais de manière systématique.

Par exemple demander à l’un des collaborateurs de devenir le « monsieur ou madame IA » avec quelques heures par semaine. Ce temps doit être garanti par la direction générale et mesuré comme un investissement, pas considéré comme un loisir.

Il constitue une perte acceptable : si cela ne donne rien, ce n’est pas grave, car ce temps est limité d’entrée de jeu (mais comment cela pourrait-il ne rien donner ?).

Si cela donne quelque chose, on peut décider d’investir plus. On procède ainsi par petites victoires : on avance, on construit quelque chose, mais en contrôlant le risque en procédant par petits pas. Ne ratez pas le virage de l’IA en tombant dans des pièges vieux comme le monde.

Sur le web.

Comment nous sommes surpris : une analyse de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 en Israël

L’attaque surprise est la plus vieille tactique militaire de l’humanité. Elle repose sur l’idée que la stratégie est un paradoxe, c’est-à-dire qu’il peut être payant de faire quelque chose qui va sembler totalement illogique à l’adversaire. Elle repose aussi sur l’idée de tromperie, qui nécessite une fine compréhension de l’adversaire et de ses croyances. Ce sont ces croyances qui rendent la surprise possible.

Regardons-le sur un exemple tragique, celui des attaques terroristes toutes récentes du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier.

Ces attaques constituent sans aucun doute une surprise stratégique. Surprise, parce qu’il ne fait aucun doute que l’intégralité de l’appareil d’État israélien a été totalement surpris, et stratégique, parce que l’attaque a une ampleur extrêmement importante, par son nombre de victimes (environ 1400), par sa nature (atrocités commises sur des civils) et par ses conséquences.

Dans mon ouvrage Constructing Cassandra, je définis une surprise stratégique comme « la prise de conscience soudaine que l’on a opéré sur la base d’une estimation erronée rendant incapable d’anticiper un événement ayant un impact significatif sur ses intérêts vitaux ».

Autrement dit, nous sommes surpris parce que nous avons basé notre compréhension du monde sur un modèle mental, c’est-à-dire un ensemble de croyances erroné, et les conséquences sont très importantes.

Quel était le modèle, côté Israélien, le 7 octobre ?

Martin Indyk, un haut responsable de la diplomatie américaine spécialiste du Moyen-Orient, a été l’un des tout premiers à essayer d’analyser les raisons de la surprise des Israéliens dans un entretien qu’il a accordé au magazine Foreign Affairs juste après l’attaque. Cet entretien nous permet d’identifier au moins cinq croyances aveuglantes.

 

Cinq croyances aveuglantes

Un mur solide va nous protéger des incursions

La croyance est que les franchissements ne seront que des incursions sporadiques relativement improvisées. Le jour où les entrées sont une attaque délibérée avec des moyens lourds, le mur ne protège plus. Comme pour la ligne Maginot, le problème vient de ce que l’adversaire ne se comporte pas comme nous l’avions supposé. À l’extrême, le mur oblige l’adversaire à concevoir une attaque massive, les incursions sporadiques n’étant plus possibles. Autrement dit, l’excès de protection limite les petites attaques, mais rend plus probable une attaque massive, et celle-ci a plus de chance de réussir. C’est un effet pervers classique de la protection.

Si nous laissons le Hamas se renforcer, cela va diviser les Palestiniens, et donc renforcer notre sécurité

Diviser son ennemi paraît la logique même, mais renforcer l’une de ses factions peut conduire à un effet pervers, surtout quand on en comprend mal la véritable nature (voir cinquième croyance).

Nous savons ce que font les Palestiniens grâce à nos moyens d’espionnage sophistiqués, donc nous ne serons pas surpris

Nous avons là l’hubris, c’est-à-dire l’excès de confiance, propre à celui qui se sent ultra-dominant grâce à ses moyens, notamment technologiques. Un modèle mental associé, et qui permet cette hubris, c’est de croire que tout savoir d’un adversaire permet d’en anticiper le comportement. Ce qui n’est malheureusement pas vérifié dans l’histoire. Les Américains savaient tout de la marine impériale japonaise en 1941; et ont pourtant été totalement surpris par l’attaque de Pearl Harbor.

Jamais le Hamas n’osera lancer une attaque majeure

Ici la croyance est que le Hamas sait qu’il serait battu à plate couture, que la population palestinienne se retournerait contre lui à cause des conséquences. Le modèle mental consiste à projeter sa propre rationalité sur celle de l’adversaire, à croire qu’il pense comme nous. Ces deux croyances sont contestables : d’une part, dans son attaque, le Hamas ne cherche pas à envahir Israël, mais peut-être simplement à provoquer une sur-réaction de ce dernier pour le pousser à la faute (un gigantesque massacre de Palestiniens qui retournerait l’opinion internationale) ; d’autre part, le Hamas a les moyens de dominer cette population au besoin de façon violente, comme il l’a montré de nombreuses fois.

Le Hamas a intérêt à investir dans une paix de long terme dont tout le monde bénéficiera

Ici, le modèle mental consiste à penser que ce que veut tout mouvement « politique » est la paix. Or, tout mouvement n’est pas nécessairement politique, et ce que veut le Hamas, c’est la destruction d’Israël. On a ici une incapacité à comprendre la véritable nature de l’adversaire, à croire que ses modèles sont les nôtres, alors que ses intentions sont parfaitement explicites depuis toujours.

 

Il y a naturellement d’autres croyances à examiner, mais les cinq ci-dessus illustrent bien le mécanisme de génération de la surprise : elle ne résulte pas d’un manque d’informations, mais du sens que l’on donne à ces informations, et ce sens résulte du filtre de nos croyances.

 

Une discipline impérative : revisiter ses croyances

Il ne s’agit évidemment pas ici d’établir des conclusions définitives sur les causes d’un événement encore très récent, et sur lequel l’information est donc nécessairement limitée. Il s’agit de montrer le rôle que jouent nos modèles mentaux, c’est-à-dire nos croyances, dans la génération d’une surprise.

On peut le résumer ainsi :

Ce par quoi nous sommes surpris dépend de ce que nous croyons.

Car si la surprise résulte en partie de l’intelligence tactique de l’attaquant, bien sûr, elle repose aussi et peut-être surtout sur un enfermement dans des croyances fausses ou obsolètes de la victime. Même si toutes les surprises ne sont pas inévitables, il est indispensable pour toute organisation, qu’elle soit privée ou publique, civile ou militaire, d’organiser un examen systématique et régulier de ses croyances fondamentales pour éviter cet écueil. Cela doit constituer une discipline à part entière.

Sur le web.

Petit traité de géopolitique du Proche-Orient – par Alexandre N (partie 1)

Au moment où les États-Unis ont renoncé, sous la pression diplomatique et sous l’impression de quelques incursions militaires très pénibles au sol à Gaza – y compris de leurs commandos en soutien aux Israéliens – à patronner une expulsion des Gazaouis vers l’Égypte, la situation géopolitique au Proche-Orient apparaît dans une impasse. Alexandre N. nous propose de comprendre ce qui se passe sous forme d’un petit traité de géopolitique. Aujourd’hui, première partie, sur les ressorts profonds de la guerre de Gaza – la 17è guerre israélo-palestinienne.

« Morituri te salutant … ». En agissant tel qu’elles le font, les deux puissances militaires occidentale USA et Israël – soumettent le monde à un véritable crash test de leurs dominations respectives – et tout particulièrement le monde musulman – mais elles aussi par effet retour. Et pourtant rien ou presque ne bouge vraiment. C’est dramatique à constater mais la population gazaouie sera bien sacrifiée sauf surprise.

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En lousdé, Rousseau lance l’espace européen des données de santé

Pendant que la guerre faisait et fait encore rage en Palestine, des informations capitales sont passées inaperçues. Parmi celles-ci, on rangera la parution de la “Stratégie mondiale en santé” pour 2027 rédigée par le ministère français de la Santé, et qui donne les grandes lignes de notre soumission à un nouvel ordre sanitaire mondial, prélude à un nouvel ordre politique mondial. Derrière un fatras de banalités bureaucratiques diarrhéiques, on y trouve quelques perles sur la démission française qui valent leur pesant de cacahuètes. Par exemple l’adhésion de la France d’ici à 2027 à l’espace européen des données de santé. Entre autres.

On vous recommande donc chaleureusement de picorer dans la Stratégie mondiale en Santé les passages concernant notre abdication nationale face à l’OMS, dont Bill Gates, rappelons-le, est l’un des principaux contributeurs (rappel pour ceux qui imagineraient que l’OMS appartienne à la sphère publique).

Comme l’indique la capture d’écran ci-dessus, on y retrouve tout le langage crypto-marxiste tiré du Great Reset de Klaus Schwab : financement mondial de la santé, taxation mondiale pour la santé, nouveau pacte financier mondial. Tous les infiltrés dans la résistance qui affirme que l’objectif principal à atteindre est la lutte contre le capitalisme s’en frotteront les mains : la bureaucratie macroniste ne poursuit pas d’autre objectif que de créer des taxes mondiales pour financer une santé mondiale !

Dans cet ensemble, on note que la France a l’ambition de participer à la création et au déploiement de l'”espace européen des données de santé”, qui permettra de céder nos données de sécurité sociale à nos voisins, et qui permettra de lier l’identité numérique européenne aux données vaccinales. On ne pouvait imaginer meilleure soumission d’Aurélien Rousseau, ancien militant communiste, à une surveillance totalitaire que Staline n’osait même pas rêver dans ses nuits les plus béates.

À quoi cet argent pris dans la poche du contribuable va-t-il servir ? à inonder des fonds privés, bien entendu, ceux qui se livrent à des recherches pour le compte de Big Pharma. Le GAVI créé par Bill Gates, par exemple.

Et voilà comment on mutualise les pertes et on privatise les bénéfices.

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Vidéo. Cartographier les données numériques pour mieux comprendre les rivalités, K. Limonier

Que nous disent les réseaux numérisés qui produisent des données ? Comment à travers ces traces numériques comprendre les réseaux, les stratégies de maillage et d'appropriation du territoire ? K. Limonier montre tout l'intérêt géopolitique de cartographier les données numériques.

- Vidéo / , , , , , , , , , , ,

Innovation ou exploitation : comment investir de manière pertinente en capital-risque industriel ?

Par Souad Brinette,  Fatima Shuwaikh, et Sabrina Khemiri.

 

La crise liée au coronavirus a montré que le comportement des investisseurs en capital-risque industriel s’est révélé résilient. Le capital-risque industriel (CRI), Corporate Venture Capital en anglais, est une stratégie entrepreneuriale, qui consiste, pour les grands groupes, à créer des fonds d’investissement pour financer des start-up innovantes. Au-delà de leur apport financier, les grands groupes jouent un rôle de coaching et apportent leur savoir-faire managérial et technique aux jeunes pousses.

Le financement mondial soutenu par des fonds de capital-risque industriel a atteint presque 100 milliards de dollars en 2022, selon la base de données CB insights, deuxième année la plus faste après le record de 2021 (173 milliards). Cela représente environ 30 % du total des opérations de capital-risque de l’an passé, proportion en augmentation.

Les industriels ont, en la matière, le choix entre deux stratégies, qu’elles peuvent mener simultanément : l’exploration et l’exploitation.

Une opération « exploratoire » désigne des investissements dans des start-up dont les activités se situent dans des secteurs d’activité totalement différents. Cela engage les organisations dans la recherche, l’innovation, l’expérimentation et la créativité : l’intérêt est de pouvoir acquérir de nouvelles technologies.

L’« exploitation », elle, implique des start-up dont les activités principales sont identiques ou connexes. On vise alors davantage un accroissement des compétences, de la productivité et des flux de trésorerie.

Nos travaux se sont donné pour objectif de mieux comprendre les arbitrages effectués entre l’une ou l’autre. Être « ambidextres » en la matière, c’est-à-dire adopter les deux options, s’avère pour les professionnels un enjeu de résilience face aux crises et à la transition écologique. Plusieurs moyens de les articuler avec pertinence, c’est-à-dire avec un impact significativement positif sur les performances financières, ont pu être identifiés au cours de nos recherches.

 

Innover puis exploiter

Notre étude a été menée sur un échantillon de 274 investisseurs corporatifs. Elle compte au total 12 895 observations sur la période allant de 1993-2017. Les données exploitées dans cette recherche ont été recueillies à partir des bases Thomson VentureXpert et Standard and Poor’s Compustat.

Une stratégie pertinente qui en ressort est dite « séquentielle » : il s’agit de faire d’un investissement exploratoire une première étape. Son issue fera alors l’objet d’un nouvel investissement pour exploitation. Motorola Solutions Venture Capital y a par exemple eu recours avec succès.

L’objectif principal de Motorola Solutions Venture Capital est d’allouer ses investissements principalement aux entreprises qui opèrent dans les domaines de la sûreté publique, de la sécurité, des communications critiques, de l’Internet des objets et de l’analyse de données/intelligence artificielle. À titre d’exemple, elle a réalisé des investissements dans Aerocast, Cacheon, Catch Media, DevLan One, E Ink Corporation, ou Ensemble Solutions.

La raison en est l’importance considérable qu’accorde le groupe aux avancées technologiques pertinentes pour ses activités principales. Elle adopte ainsi une stratégie flexible qui alterne entre les stratégies d’exploration et d’exploitation, en fonction de l’évolution de ses besoins en matière d’acquisition de connaissances.

Nos résultats montrent que pareille ambidextrie séquentielle augmente la performance financière des industriels. Les capital-risqueurs s’adaptent alors aux différents types d’activité et évitent plusieurs risques. À se concentrer sur l’exploitation, une entreprise s’expose par au piège d’une spécialisation à succès, c’est-à-dire surfer sur un produit qui un jour deviendra obsolète, menaçant à long terme l’existence de l’entreprise. À ne miser que sur l’exploration, l’entreprise est accaparée par la recherche et le changement technologique, ce qui la rend sujette à davantage d’échecs.

 

Alterner régulièrement

Il n’y a cependant pas de consensus sur les degrés d’équilibre entre les activités d’exploration ou d’exploitation ou sur la manière de combiner les deux activités.

Notre recherche montre néanmoins la fréquence de changement dans le temps (le nombre de fois qu’une entreprise passe d’une activité à l’autre) entre l’exploration et l’exploitation a un impact significativement positif sur la performance. Cela s’explique à nouveau par la diminution du risque qu’une technologie exploitée devienne obsolète, sans solution à court terme pour la remplacer.

Combiner exploration et exploitation, c’est ce que savent très bien faire des sociétés comme Baxalta, Caterpillar, ou Salesforce.com inc. La réalisation conjointe d’un CRI exploratoire et d’un CRI d’exploitation stimule alors l’innovation de l’organisation grâce à l’utilisation complémentaire de ces deux activités.

Comme Motorola, Salesforce s’intéresse prioritairement aux entreprises lui permettant de renforcer ses domaines de compétence. La stratégie d’investissement de Salesforce reflète sa volonté de soutenir financièrement des start-up lui permettant de renforcer ses domaines de compétence comme Speakeasy Tech, Vidyard ou Dispatch Technologies, qui toutes trois œuvrent dans le domaine des logiciels et outils Internet.

Toutefois, pour y parvenir et permettre une exploitation plus rapide à partir de l’exploration en cours, il faut du temps, des ressources et une formation supplémentaire des managers, pas toujours en mesure d’exercer les deux activités d’exploitation et d’exploration et de passer de l’une à l’autre. C’est là tout un challenge pour les grands groupes industriels.The Conversation

 

 

Souad Brinette, Enseignant chercheur en Finance, EDC Paris Business School – OCRE, EDC Paris Business School; Fatima Shuwaikh, Associate professor of finance, Pôle Léonard de Vinci et Sabrina Khemiri, Maître de conférences en finance d’entreprise, Institut Mines-Télécom Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

La France débat-elle suffisamment des conséquences militaires de la guerre russe contre l'Ukraine ?

Nous devons désormais être capables de prévenir une crise ou d'intervenir aussi puissamment et efficacement que la défense de notre existence le nécessitera. Quoi qu'il arrive, la Russie restera à l'Est de l'Union européenne. Il nous faut être en mesure d'y faire face. Comment ?

- États membres / , , , , , , , , , , , , , , ,

Les stratèges doivent-ils prendre des bains ? La leçon de survie de l’Empire byzantin

Pourquoi certaines organisations survivent et prospèrent longtemps, tandis que d’autres périclitent ?

La question se pose depuis longtemps, et les réponses sont multiples. Mais un facteur qui semble jouer de manière très forte est la capacité à maintenir un lien créatif avec la réalité changeante de son environnement.

Un exemple historique est celui de la survie de l’Empire byzantin.

Dans son ouvrage, La grande stratégie de l’Empire byzantin, le spécialiste de la stratégie Edward Luttwak se demande comment l’Empire a pu durer près de 1000 ans, bien qu’étant situé dans une zone géographique défavorable, et ayant constamment subi les attaques venant de pratiquement toutes les directions.

Comment expliquer une telle pérennité alors que son grand frère, l’Empire romain d’Occident, bien plus prestigieux, n’a duré, lui, qu’environ 600 ans ?

Selon Luttwak, c’est parce que ses dirigeants ont pu s’adapter stratégiquement aux circonstances difficiles, en imaginant de nouvelles façons de faire face aux ennemis successifs. L’Empire s’appuyait au moins autant sur la force militaire que sur la persuasion pour recruter des alliés, dissuader les voisins menaçants, et manipuler les ennemis potentiels, afin qu’ils s’attaquent plutôt les uns aux autres. Tout était bon pour dévier les attaques, y compris payer des tributs.

Il n’y avait aucun principe, juste un extrême pragmatisme.

Pour réussir cette stratégie, il était indispensable que les Byzantins maintiennent un contact permanent avec les tribus et Empires hostiles, même ceux qui étaient très éloignés.

Cette stratégie avait deux objectifs :

  1. Anticiper les intentions hostiles d’une tribu en étant informé le plus tôt possible
  2. Éviter que cette intention hostile se concrétise

 

Le contact était maintenu par tous les moyens possibles, de l’espionnage au commerce et aux mariages arrangés. Mais la posture fondamentale de l’Empire était basée sur une reconnaissance de ces tribus comme des égales auxquelles il n’était pas indigne de se mêler.

Il ne s’agissait pas de soumettre les ennemis ni même de les battre, seulement de déjouer une intention hostile.

On est très loin de la posture des Romains d’Occident, héritiers en cela des Grecs, qui considéraient les tribus étrangères comme des barbares, et dont les contacts leur répugnaient. Au contraire, les Byzantins considéraient comme tout à fait normal et souhaitable de se mêler à ceux qu’ils ne considéraient, non pas comme des barbares, mais comme des alliés potentiels, ou à défaut des ennemis temporaires. Ils allaient sur le terrain sentir la situation, et ils avaient compris que pour cela, la seule façon était de vivre sur place, de s’immerger dans la réalité de ces tribus.

De manière intéressante, Luttwak attribue la facilité de contact des Byzantins à leur religion chrétienne. En effet, celle-ci considérait les bains d’un mauvais œil, car ils invitaient à la sensualité. Les Byzantins, moins propres, étaient donc moins repoussés par l’odeur des barbares que des Romains obsédés par la propreté. Ils se mêlaient donc plus facilement à eux.

Cette répugnance romaine inspirée par les barbares, c’est-à-dire la distance entre la pensée et le terrain, reste d’actualité dans la façon dont la stratégie est pensée et pratiquée aujourd’hui.

Dans mon ouvrage Constructing Cassandra, j’ai notamment décrit comment une organisation telle que la CIA reste marquée par un scientisme profond qui la conduit à observer le monde de manière clinique. Cette vision clinique se retrouve souvent dans le monde des affaires où les analystes marketing, les stratèges ou les financiers regardent le monde au travers de modèles quantitatifs bien propres et désincarnés, et dont les plans sont souvent remis en question par des événements qu’ils n’ont pas vu venir.

Au contraire, Georges Clemenceau, président du Conseil à la fin de 1917, était lui aussi en permanence sur le terrain pour sentir la réalité de la guerre et de la vie des soldats. En stratégie, aucune donnée ni aucun rapport ne remplacent un lien avec la réalité du terrain, et cette réalité ne peut que se vivre, pas se raconter.

Sur le web

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