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Hier — 18 avril 2024Divers

Découverte d’un ichthyosaure géant de 25 mètres de long

Les premiers géants des mers de notre planète étaient des reptiles. Au Trias, il y a plus de 201 millions d’années, les ichthyosaures parcouraient les mers. Prédateurs hors pair, ils étaient les orques de leur époque. Aujourd’hui, des paléontologues ont identifié ce qui pourrait être le plus grand ichthyosaure jamais découvert : Ichthyotitan severensis, dont la longueur est estimée à près de 25 mètres, était un ichthyosaure absolument gigantesque.

Tout a commencé par la découverte d’un étrange fossile il y a plusieurs années. En 2018, le paléontologue Dean Lomax de l’université de Bristol et son équipe ont décrit un morceau d’os d’ichthyosaure découvert au Royaume-Uni ; il était tellement grand qu'il avait d'abord été pris pour un os de dinosaure. 

« Lorsque nous avons décrit le premier spécimen, j’espérais que d'autres allaient être découverts », explique Lomax. Son vœu a été exaucé. En 2020, Ruby et Justin Reynolds, deux passionnés de fossiles, ont trouvé un deuxième morceau de mâchoire d’ichthyosaure dans le Somerset, en Angleterre. Ils ont alors commencé à se documenter pour essayer de comprendre ce qu’ils avaient trouvé. Ce faisant, ils sont tombés sur l’article de 2018 de Lomax et, soupçonnant un lien entre leur fossile et celui de Lomax, ils ont alors contacté le chercheur. 

Mieux conservé que le premier spécimen, le second morceau de mâchoire a permis à Lomax et à son équipe de confirmer que les deux grands os appartenaient à la même espèce géante.

Depuis, Lomax et ses collègues ont décrit les fossiles dans un nouvel article publié mercredi dans la revue PLOS ONE. Le nom de la créature, Ichthyotitan severensis, fait à la fois référence à sa grande taille et à l’estuaire de la rivière Severn, où le second fragment de mâchoire a été découvert.

 

DES MÂCHOIRES GÉANTES

Les scientifiques auront besoin d’autres fossiles pour déterminer exactement ce qui différenciait Ichthyotitan des autres ichtyosaures. En attendant, la nouvelle espèce offre une nouvelle image de la vie à une époque et dans une région du monde où l’on n’avait jusqu’ici jamais découvert de tels géants.

« Le nouveau fossile date de la toute dernière partie de la période triasique, connue pour être une boîte noire pour les fossiles d’ichthyosaures », déclare Neil Kelley, paléontologue à l’université Vanderbilt, qui n’a pas participé à la nouvelle étude. Tous les autres ichthyosaures géants découverts auparavant ont été retrouvés dans des roches plus anciennes en Amérique du Nord et en Asie, ce qui augmente la probabilité qu’Ichthyotitan soit une toute nouvelle espèce.

Même s’il ne fait aucun doute que l’animal était de taille gigantesque à en croire les os de sa mâchoire longs de deux mètres, les paléontologues appellent à la prudence quant aux dimensions exactes d’Ichthyotitan. À ce jour, on ne dispose que de deux os du reptile : des os appelés « surangulaires » qui forment une partie de la mâchoire inférieure. Si Ichthyotitan avait des proportions similaires à celles d’autres ichthyosaures géants découverts ailleurs dans le monde comme Shonisaurus, découvert dans le sud-ouest des États-Unis, l’animal aurait dépassé les 25 mètres de long et aurait été d’une taille comparable à celle d’un rorqual commun.

Il peut paraître étrange qu’un animal aussi grand ne laisse derrière lui que des restes aussi dérisoires, mais il est difficile de découvrir des fossiles complets d’ichthyosaures géants. « Cela pourrait être dû à leur écologie et à l’endroit où ils vivaient en haute mer », explique Lomax, en fonction de quoi le corps de ces créatures pourrait avoir été exposé plus longtemps aux charognards. On trouve même sur l’une des mâchoires d'Ichtyotitan de petites traces de morsures antérieures à son ensevelissement.

Avec un peu de chance, de nouvelles découvertes nous donneront un jour une image complète d’Ichthyotitan. Ses dimensions exactes seront peut-être amenées à changer, mais il ne fait aucun doute que cet ichthyosaure faisait partie d’une longue lignée de géants. Il est de plus en plus évident que les ichthyosaures ont évolué vers des espèces géantes environ huit millions d’années après leur apparition au Trias. Nombre d’entre eux étaient des prédateurs monstrueux qui chassaient d’autres reptiles marins et toute autre proie plus petite qu’eux, un peu à la manière de nos orques actuelles.

 

UN GRAND APPÉTIT

Des reptiles d’une telle taille devaient avoir besoin d’une grande quantité de nourriture. L’existence de plusieurs ichthyosaures géants sur des dizaines de millions d’années donne des indications sur la nature des océans à l'époque du Trias.

« Leurs tailles gigantesques suggèrent qu’ils ont dû survivre tout au long du Trias grâce à des réseaux alimentaires productifs », déclare Lomax. De nouvelles formes de plancton ont émergé au cours du Trias. Étant donné que le plancton est à la base des réseaux alimentaires océaniques, son évolution pourrait avoir favorisé le développement d'écosystèmes capables de soutenir des espèces géantes, explique Kelly. Les deux chercheurs soulignent que des recherches supplémentaires seront nécessaires pour comprendre pourquoi les ichthyosaures ont évolué à plusieurs reprises pour atteindre des tailles gigantesques.

Aucun de ces géants n’a cependant survécu au Trias. Certains ichthyosaures ultérieurs du Jurassique étaient grands, certains atteignant plus de 9 mètres de long, mais aucun n’était aussi imposant que leurs prédécesseurs du Trias. Ichthyotitan était non seulement l’une des plus grandes mais aussi l’une des dernières espèces géantes du monde, jusqu’à l’extinction massive et dévastatrice ayant marqué la fin du Trias il y a 201 millions d’années. 

En fin de compte, cette découverte indique que les ichthyosaures n’étaient pas en déclin avant cette grande d’extinction, note Kelley, mais qu’ils étaient au contraire en plein essor.

L’extinction de la fin du Trias constitue l’une des cinq grandes extinctions de masse que les paléontologues ont identifiées dans les archives fossiles. D’incroyables épanchements volcaniques ont modifié le climat mondial, la chimie des mers, entre autres choses. Et si le groupe des ichthyosaures a survécu, les spécimens géants ont eux disparu. « Ces énormes ichthyosaures ont régné sur les mers jusqu’à la grande extinction du Trias-Jurassique », explique Lomax. L’océan n’a ensuite pas connu de créatures marines de cette taille jusqu’à l'apparition des grandes baleines, plus de 150 millions d’années plus tard. 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Nous avons remplacé les bains par des douches... mais est-ce meilleur pour notre santé ?

Pour la plupart d'entre nous, prendre une douche rythme nos journées. D'après une étude menée par l'Ifop en 2022, 76 % des Français prendraient une douche au moins une fois par jour, d'une durée moyenne de 9 minutes, selon un sondage réalisé par BVA-Doméo

Si elles semblent si ancrées dans les usages actuels, les douches restent une pratique relativement nouvelle. Les plus anciennes mentions de bains publics remontent à 3 000 avant notre ère, et ceux-ci semblaient jouer un rôle central dans la vie quotidienne. Des bains publics de la Grèce antique aux onsen japonais, toutes les classes sociales se réunissaient pour y faire de l'exercice, se baigner et socialiser. 

Aujourd'hui, on préfère de loin prendre des douches seul plutôt que socialiser dans les bains publics ; la priorité est donnée à l'efficacité plutôt qu'à la communication et à la détente. Si la douche est indiscutablement plus écologique et rapide que le bain, elle n'est pas nécessairement préférable du point de vue de notre santé.

 

UNE PRATIQUE MILLÉNAIRE

Les différentes manières de prendre des bains tout au long de l'histoire reflètent l'évolution des préconçus en matière d'hygiène et de santé. 

Dans les temps anciens, particulièrement sous l'Empire Romain, prendre un bain était une affaire publique. Seuls les plus fortunés disposaient de leurs propres bains privés, quand tous les autres prenaient part aux bains publics. On prenait le bain dans d'immenses établissements thermaux où l'on pouvait se faire masser, et dans lesquels on avait accès à des bibliothèques, de la nourriture et des boissons. 

« Il existe beaucoup d'illustrations artistiques qui montrent entre autres des fêtes qui se tenaient dans les bains publics et donnent à voir les personnes qui y dînaient », déclare Virginia Smith, historienne et autrice de Clean: A History of Personal Hygiene and Purity. (ndlr : Propre : Une histoire de l'hygiène et de la pureté). 

Pour les Grecs anciens, prendre un bain revenait à se purifier, un acte d'importance avant d'observer des rites religieux ou avant d'accueillir des hôtes, révèle Katherine Ashenburg, autrice d'un livre sur le sujet. Les établissements thermaux traditionnels japonais avaient des visées thérapeutiques et rituelles et, plus tard, sont devenus des lieux de rassemblement social. Les banias russes et les hammams turcs étaient également des endroits importants pour les activités sociales et religieuses.

« Dans l'esprit des gens, prendre un bain n'était pas toujours associé à la propreté », explique Katherine Ashenbrug. « Parfois, on pensait que le fait d'aller dans l'eau non seulement n'apportait rien en termes de propreté, mais était en fait dangereux pour la santé. »

Lorsque la peste noire s'abattit sur l'Europe médiévale, par exemple, les bains publics furent fermés car l'on était persuadé que l'ouverture des pores induite par l'eau chaude permettait à la peste de se frayer un chemin sous la peau.

Bien que cette croyance soit infondée, la problématique de l'hygiène dans les bains publics se posait, selon James Hamblin, physicien et maître de conférence à l'Université de Yale, et auteur d'un livre sur les connaissances scientifiques en termes de propreté et de routine beauté. « Certains récits concernant des bains anciens [...] décrivent des couches de boue à la surface de l'eau », dit-il. « Le cas échéant, vous vous exposiez à des agents pathogènes. » 

 

LA NOUVELLE ÈRE DES BAINS

Les grands bains publics tombèrent en désuétude, pour peu à peu disparaître au tournant du 20e siècle, du moins en Occident. La théorie microbienne précipita la fin des bains publics : « prendre un bain est devenu fortement associé à la propreté », explique James Hamblin. 

À partir de la moitié des années 1800, des villes du Royaume-Uni entamèrent la construction de bains publics et d'établissements thermaux, principalement destinés aux populations les plus pauvres. De la même manière, des politiques publiques furent mises en œuvre aux États-Unis, notamment à New York où l'eau courante était encore inaccessible au plus grand nombre, alors même que plusieurs vagues d'immigrés y avaient trouvé refuge. Avec le développement des « bains de pluie », premières douches utilisées d'abord par les militaires et les ouvriers européens, arriva une nouvelle vision de la santé publique et de l'hygiène.

Le temps des bains longs, luxueux et publics était révolu. Parce qu'il était peu coûteux, prenait peu de place, faisait faire des économies en eau et en chauffage, le bain de pluie gagna en popularité. Alors que l'on commençait à installer de la plomberie à l'intérieur des maisons, les baignoires et les douches personnelles furent de plus en plus communes et, à terme, devinrent la norme. 

Naomi Adiv, professeure adjointe en sciences politiques à l'université de Toronto Mississauga, attribue en grande partie cette évolution à la « montée du capitalisme industriel » en Amérique. « L'idée d'aller passer l'après-midi aux bains n'est pas compatible avec l'objectif de productivité des travailleurs. »

Il existe encore des bains publics dans le monde entier, notamment en Turquie, en Russie et au Japon. Mais nos rituels de nettoyage quotidiens ont été largement relégués aux bains individuels et aux cabines de douche, et ce ne serait pas nécessairement une bonne chose.

« Nous avons perdu l'aspect social du bain et, pour beaucoup d'entre nous, le sentiment de plaisir qu'il procure », estime James Hamblin.

 

FAUT-IL PRENDRE DES BAINS OU DES DOUCHES ?

D'un point de vue sanitaire, peu de recherches comparent les bienfaits du bain et de la douche. Avec une source d'eau propre, les deux sont efficaces pour l'hygiène personnelle, d'après Kelly Reynolds, professeure en Communauté, environnement et politique à l'Université d'Arizona, pour qui cela « semble vraiment être une question de choix personnel. » 

Pour celles et ceux qui s'inquiétaient de se baigner dans de l'eau rendu insalubre par notre propre saleté, Amy Huang, une dermatologue basée à Manhattan souligne qu'« à moins d'être vraiment très sale... il ne devrait y avoir aucun risque [à prendre un bain]. »

D'après James Hamblin, à l'instar du microbiote intestinal, le microbiome cutané contient des milliers d'espèces de microbes qui vivent sur la peau et contribuent à sa santé. Les bains comme les douches peuvent temporairement retirer ce microbiome ou endommager notre peau si l'eau est trop chaude, si l'on utilise trop de savon, ou si l'on frotte trop vigoureusement.

« L'idéal serait de prendre un savon doux... sans parfum, sans colorant, et de préférence qui ne mousse pas », recommande Amy Huang. « Vous n'avez même pas besoin de frotter partout. Concentrez-vous sur les aisselles, les parties génitales, les pieds et le cuir chevelu si vous vous lavez les cheveux », ajoute-t-elle. Katrina Abuabara, professeure adjointe en dermatologie à l'UCSF, ajoute qu'« utiliser des courges éponges ou des gants de toilette peut endommager la couche la plus externe de l'épiderme. Se laver avec ses mains est suffisant. »

Pour les personnes atteintes d'eczema ou d'autres maladies de peau, les bains peuvent constituer un élément efficace de leur schéma thérapeutique. « Le fait de rester plus longtemps dans les bains que sous la douche rend la peau plus douce, de sorte que lorsque vous appliquez une lotion... elle l'absorbe mieux », explique Huang. 

Prendre un bain chaud peut aussi améliorer votre forme physique et mentale, selon Justine Grosso, psychologue du corps et de l'esprit à New York et en Caroline du Nord. « Il a été démontré que plonger dans un bain, plus que de se doucheraméliore l'humeur chez les personnes atteintes de dépression, améliore la qualité du sommeil pour celles atteintes d'insomnie et a un effet positif sur le système cardiovasculaire », souligne-t-elle.

La façon dont les bains chauds agissent sur le corps fait encore l'objet d'études. « Il existe des signes qui montrent que ça fonctionne par vasodilatation. L'augmentation des vaisseaux sanguins permet le passage de plus d'oxygène et de nutriments dans la périphérie du corps », ajoute Justine Grosso.

« C'est une question de chaleur », explique Ashley Mason, psychologue clinicienne à l'UCSF Osher Center for Integrative Health. Des études préalables suggèrent que s'immerger dans un sauna, un hammam, un jaccuzi et dans une douche ou un bain chaud au moins une fois par jour peut être bénéfique. 

De manière générale, lorsqu'il s'agit de se laver, James Hamblin affirme qu'il vaut mieux en faire moins. Le secteur de l'hygiène a « médicalisé » une pratique qui n'a pas grand-chose à voir avec la prévention des maladies, d'après lui. Sans remettre en question la nécessité de l'usage du savon pour la santé publique, il accuse le marketing moderne de manipuler les consommateurs en leur faisant croire à l'importance d'un rituel quotidien en utilisant des produits coûteux. 

Il ajoute que, d'un point de vue médical, les bains publics n'ont jamais eu pour visée la bonne santé de ses utilisateurs. Cependant, « en termes de connexion sociale et de détente, je ne doute pas de l'existence de certains effets. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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Pour bien vieillir, la pratique d’une activité physique en extérieur est essentielle

« Où sont les autres femmes d’âge mûr ? ». Cette question, je me la posais systématiquement dès que je partais surfer, lorsque j’avais 55 ans. Je voyais beaucoup d’hommes de mon âge (et plus âgés) sur les vagues, mais très peu de femmes.

Pour mon dernier livre, intitulé Tough Broad, From Boogie Boarding to Wing Walking, How Outdoor Adventure Improves Our Lives as We Age (Dures à cuire : du bodyboard au wing walking, comment la pratique d’activités en extérieur nous aide à bien vieillir), je suis partie à la rencontre de ces femmes matures discrètes, mais aventureuses. J’ai accompagné une plongeuse de 80 ans dans le Pacifique. J’ai parcouru un parc de banlieue en compagnie d’une routarde de 93 ans. Je me suis adonnée à l’observation ornithologique et j’ai fait du kayak de mer.

Je me suis aussi plongée dans les recherches en cours sur l’âgisme. Grâce à tout cela, je suis parvenue à la conclusion que la meilleure chose à faire pour nous, les femmes, pour être plus heureuse en meilleure santé et profiter davantage de la vie en vieillissant, c’était de pratiquer des activités en extérieur.

Voici les cinq principaux enseignements que j’ai tirés de l’écriture de ce livre.

 

1. L’IMPORTANCE DE L’ÉTAT D’ESPRIT

Le discours autour de l’âgisme et les femmes est malheureusement très toxique. On nous dit que nous déclinons rapidement, et de nombreuses femmes se sentent invisibles. Pourtant, des recherches montrent que le regard que nous portons sur notre propre vieillissement a une influence sur celui-ci.

Si vous redoutez de vieillir, vous avez statistiquement plus de chances de souffrir d’un accident cardiaque ou d’une diminution des facultés cognitives, et cela risque aussi de survenir plus tôt dans votre vie.

Mais rassurez-vous, l’inverse est également vrai : si vous voyez le fait de vieillir comme une opportunité d’explorer le monde et de vivre à 200 à l’heure, vous serez plus heureuse, en meilleure santé et votre espérance de vie augmentera de sept ans. C’est prouvé scientifiquement : une étude réalisée en 2022 auprès de 14 000 adultes de plus de 50 ans a révélé que le risque de mourir d’une cause quelconque était 43 % moins élevé chez les sujets les plus positifs quant au fait de vieillir que ceux qui étaient plus négatifs.

Mais ces études ne nous disent pas comment avoir cet état d’esprit, alors même qu’il existe aujourd’hui un discours très négatif sur les femmes et le vieillissement. Mais, je pense avoir la clé pour y parvenir : pratiquer des activités en extérieur.

 

2. DES ACTIVITÉS EN EXTÉRIEUR POUR SE SENTIR BIEN

J’ai piqué une tête dans l’océan en compagnie des Wave Chasers, un groupe de femmes âgées de 60 et 99 ans, qui font du bodyboard à San Diego. J’ai voulu comprendre pourquoi elles avaient choisi ce sport et ce qu’elles en retiraient.

Loraine Vaught m’a confié que le bodyboard avait changé sa vie. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, elle a pointé du doigt l’océan Pacifique, immense et froid. Il faut du courage pour entrer dans l’eau et affronter les vagues, mais les Wave Chaser s’aidaient les unes les autres et s’amusaient terriblement. Loraine ajouta qu’aucune membre du groupe ne faisait ce que l’on attendait de femmes de leur âge. Elles ne se voyaient absolument pas comme des personnes fragiles, souffrant de troubles cognitifs, ou ennuyeuses !

C’est ainsi que j’ai réalisé qu’en sortant de chez vous pour pratiquer une activité qui vous procure un sentiment d’euphorie et de découverte, et vous donne une certaine vitalité physique, même si c’est quelque chose d’aussi ordinaire que du bodyboard, vous envoyez valser les préjugés sur le vieillissement. Vos croyances et vos attentes (ainsi que celles des autres) sur ce que vous pouvez faire ou non s’en retrouvent chamboulées. Au lieu d’être triste face à l’avenir, vous vous sentez revigorée. J’ai assisté à cette prise de conscience à maintes reprises en écrivant ce livre.

Et je ne le répèterai jamais assez : tout peut être une aventure. Je suis allée observer les oiseaux en compagnie de Virginia Rose, fondatrice d’une organisation à but non lucratif baptisée Birdability, qui organise des sorties ornithologiques entre personnes souffrant d’un handicap. J’ai constaté, à ma grande surprise, que l’observation d’oiseaux cochait toutes les cases d’une aventure. Nous étions à la recherche de volatils. Nous étions impatients de les entendre avant de pouvoir les voir. En apercevoir un nous donnait une montée d’adrénaline. Et il y a aussi la vitalité physique d’être dans la nature : Virginia a roulé et j’ai marché près de dix kilomètres ce jour-là, et nous avons observé 52 espèces pour les sciences citoyennes. Je suis également sortie de ma zone de confort en apprenant de nouvelles choses. Il s’avère que l’aventure n’est pas définie par l’activité en elle-même, mais par la manière dont vous la pratiquez.

 

3. LA NATURE, UN VÉRITABLE REMÈDE

Il est essentiel de passer du temps en extérieur sur le plan biologique, comme en attestent de nombreuses recherches scientifiques. Des études ont ainsi révélé que les arbres émettent des substances chimiques appelées phytoncides, qui sont bénéfiques à notre système immunitaire. Quant au chant des oiseaux, il équilibre nos ondes cérébrales. Il a également été démontré que les fractales, des motifs complexes que l’on trouve dans les nuages, les vagues et sur le littoral, pouvaient aider à nous détendre.

Des chercheurs ont aussi découvert que nous réussissons davantage les tests cognitifs et de mémoire après être sortis marcher. Lorsque vous êtes en extérieur, le traitement des informations par votre cerveau est moins éprouvant que si vous étiez dans un lieu bruyant aux motifs angulaires.

Toutes ces études concluent en général qu’il suffit de passer 15 à 45 minutes dans un environnement naturel quelconque pour en ressentir les bénéfices, et cinq heures par mois pour maintenir ce rétablissement émotionnel et physique. Mais en fin de compte, la règle du « plus, c’est mieux » prévaut. Plus les lieux où vous allez sont sauvages et reculés, mieux c’est également.

 

4. L’ÉMERVEILLEMENT, ESSENTIEL SUR LE PLAN BIOLOGIQUE

Comme je suis pilote, j’ai l’habitude de l’adrénaline. Pourtant, je n’étais pas prête pour les sensations ressenties lors d’une séance de wing walking, pratique qui consiste à se tenir debout sur une aile d’un avion à plus de 900 mètres d’altitude. « Pourquoi vouloir sortir d’un cockpit parfaitement confortable ? » me suis-je dit. J’ai tout de même essayé. Et j’étais folle de joie quand le pilote a commencé à faire des loopings, des tonneaux et des virages décrochés alors que j’étais debout sur l’aile, attachée au mât. C’était l’adrénaline, bien sûr. Mais il y avait aussi autre chose. C’est ainsi que j’ai découvert ce concept de l’émerveillement.

Vous êtes émerveillées en présence de quelque chose de plus grand que vous, de mystérieux. C’est un sentiment qui mêle l’étonnement, la peur et la crainte. Et il est plus important que vous ne le pensez pour vivre en bonne santé. Selon les chercheurs, l’émerveillement agit comme un « bouton de réinitialisation » du cerveau, car il vient bousculer vos schémas neuronaux en vous rendant plus ouvert aux idées nouvelles. Il vous fait aussi penser de manière plus créative.

Il n’est pas nécessaire de faire des acrobaties sur une aile d’avion pour être émerveillé, vous pouvez aussi simplement marcher sur la terre ferme. Une équipe de chercheurs a demandé à un groupe de personnes âgées de participer à une « promenade d’émerveillement » au cours de laquelle ils devaient regarder tout ce qui les entourait avec un émerveillement enfantin. Au bout de huit semaines, les marqueurs inflammatoires étaient nettement moins élevés chez les marcheurs que chez les sujets du groupe de contrôle, signe d’une meilleure santé. Les premiers trouvaient également qu’ils étaient moins anxieux et déprimés.

Et il s’avère que le ciel étoilé, une éclipse, le Grand Canyon ou même une fleur minuscule peuvent susciter chez nous l’émerveillement. En d’autres termes, passer du temps dans la nature permet plus facilement de cultiver ce sentiment et donc d’améliorer notre bien-être.

 

5. L’APPRENTISSAGE DE NOUVELLES CHOSES

On entend souvent dire, de la part de personnes qui essayent de nouvelles choses, qu’il est impossible d’apprendre avec l’âge. Elles déclarent alors qu’elles sont « trop vieilles pour faire ça ». Mais notre cerveau affiche une certaine « plasticité », comme l’appellent les scientifiques, même avec l’âge. Les cellules de notre cerveau se renouvellent sans cesse, et lorsque nos capacités cognitives commencent à faiblir, nous établissons d’autres voies neuronales pour faire face au problème qui se présente. C'est pour cela qu’un cerveau âgé est souvent plus innovant qu'un cerveau jeune : il trouve des moyens plus créatifs de contourner ses propres problèmes. Apprendre de nouvelles choses n'est pas seulement possible, c'est essentiel pour garder votre cerveau en bonne santé et actif.

Cela dit, j’étais sûre que j’aurais dû mal à apprendre quelque chose de nouveau lorsque j'ai décidé de suivre des cours de pilotage d’autogire dans le cadre de mes recherches pour mon livre Tough Broad. À ma grande surprise, j'étais une bien meilleure élève qu'auparavant ! Je n'apprenais pas plus vite, mais mieux, car je ne ressentais pas l’angoisse de la jeunesse ni le besoin de me prouver quelque chose. J'étais plus concentrée et je posais des questions sans avoir à craindre de passer pour une idiote.

J'ai également interviewé Vijaya Srivastava, qui a appris à nager à 68 ans. Je lui ai demandé si son âge avait été un obstacle à son apprentissage de la natation. Au contraire, m’a-t-elle dit, cela l'avait aidé, pour deux raisons : la première, c’est qu’elle ne se souciait plus de son apparence en maillot de bain ; la seconde, c’est qu’il y avait urgence à apprendre si tard dans la vie. Elle savait qu'elle n'aurait pas d'autre chance. J’ai été frappée par son état d’esprit, lorsqu’elle a déclaré : « Si j'ai pu apprendre à nager à 68 ans, qu'est-ce que je peux faire d'autre ? ». Son apprentissage de la natation lui a ouvert le champ des possibles. Et il pourrait en être de même pour vous.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Pour la première fois, des chercheurs associent les microplastiques aux maladies cardiaques

Partout où se pose notre regard, il y a des microplastiques, même dans notre organisme. Selon une nouvelle étude, l'accumulation de ces particules dans nos vaisseaux sanguins serait associée à un risque accru de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral et de mortalité.

L'athérosclérose est une maladie caractérisée par le dépôt de plaque dans les artères, ce qui épaissit la paroi des vaisseaux et réduit le débit sanguin dans la région affectée, augmentant ainsi le risque d'accident vasculaire cérébral, d'angine de poitrine ou de crise cardiaque. Cette plaque se compose essentiellement de cholestérol, de graisses, de déchets cellulaires, de calcium et de fibrine, une protéine impliquée dans la coagulation sanguine. La nouvelle étude portait sur 300 personnes atteintes d'athérosclérose dont certaines présentaient des microplastiques et des nanoplastiques dans les plaques tapissant leur carotide, une artère majeure qui traverse le cou et distribue le sang dans le cerveau. Chez les sujets dont la plaque contenait des microplastiques, le risque de crise cardiaque, d'AVC ou de décès après trois années de suivi était jusqu'à quatre fois supérieur à celui des sujets dont la plaque ne présentait aucune trace de microplastiques, selon les résultats de l'étude publiés dans la revue New England Journal of Medicine.

Depuis longtemps, les chercheurs ont conscience que les produits chimiques contenus dans les plastiques peuvent se détacher et entraîner des problèmes de santé, notamment en perturbant les hormones ou d'autres parties du système endocrinien.

« En revanche, c'est la première fois que nous observons un effet sur la santé humaine attribué aux particules mêmes », indique Philip Landrigan, pédiatre et épidémiologiste au Boston College qui n'a pas participé à la nouvelle étude mais a consacré la majeure partie de sa carrière aux effets des substances chimiques toxiques sur notre santé. Landrigan a notamment contribué à diriger les recherches sur l'empoisonnement au plomb qui ont incité le gouvernement des États-Unis à ordonner le retrait de la substance du gasoil et de la peinture.

« Jusqu'à présent, le consensus était le suivant : "Les particules sont là, mais nous ne connaissons pas leur impact." Cet article change la donne. » Pour Landrigan, cette étude devrait ouvrir la voie à d'autres travaux sur les dégâts infligés par les plastiques à d'autres organes, comme le cerveau, les reins ou l'appareil génital.

Les chercheurs n'ont pas pu déterminer de quelle façon les microplastiques s'étaient introduits dans les vaisseaux sanguins, comme nous l'explique Giuseppe Paolisso, cardiologue à l'université de la Campagnie Luigi-Vanvitelli en Italie et coauteur de l'étude. Ces particules peuvent pénétrer l'organisme de différentes façons, notamment à travers l'air que nous respirons ou dans l'eau et la nourriture que nous consommons.

« Une chose est sûre, ces données doivent nous inviter à limiter l'utilisation du plastique dans notre vie quotidienne en lui préférant le verre », ajoute Paolisso.

Plusieurs études ont déjà montré que les microplastiques et les nanoplastiques étaient « presque omniprésents dans notre organisme », rappelle Kenneth Spaeth, docteur en médecine du travail au centre Northwell Health de New York, non impliqué dans l'étude. « Étant donné la composition de ces particules, il y a bien longtemps que les scientifiques suspectaient un impact sur notre santé. » Les résultats ne sont donc pas réellement surprenants, reconnaît-il, mais ils sont tout de même importants.

La majorité des données relatives aux micro et nanoplastiques (MNP) dont disposent actuellement les scientifiques proviennent d'études sur les animaux, indique Aazon Aday, cardiologue et spécialiste de médecine vasculaire rattaché à l'université Vanderbilt de Nashville, aux États-Unis. « Nous savions que les MNP pouvaient s'introduire dans le système sanguin et dans certains organes, mais cette étude va plus loin en constatant leur présence dans la plaque d'individus atteints de maladies majeures », explique-t-il. « Ce lien avec les maladies humaines fait donc de cette étude une référence. »

 

DES MICROPLASTIQUES AUX MALADIES CARDIAQUES

L'étude a recruté 304 adultes ayant subi une endartériectomie carotidienne, un acte chirurgical qui consiste à retirer la plaque accumulée sur les parois de la carotide. L'accumulation de plaque dans cette artère peut augmenter le risque d'accident vasculaire cérébral lorsqu'un fragment de la plaque se détache et obstrue une artère plus petite en limitant l'afflux sanguin.

Une fois la plaque retirée, les chercheurs l'ont analysée afin d'identifier d'éventuelles traces de plastiques, sans aller jusqu'à distinguer la proportion de microplastiques, particules dont la taille est inférieure à 5 millimètres, et de nanoplastiques, dont la taille est inférieure à 100 nanomètres.

Ils ont identifié du polyéthylène, le plastique le plus produit au monde, chez 58 % des patients. Ils ont également détecté du polychlorure de vinyle, ou PVC, chez 12 % des patients.

Lorsque les chercheurs ont observé les particules de plastique au microscope à balayage électronique, ils ont découvert des corps étrangers aux arêtes vives à l'intérieur des macrophages dans les plaques. Les macrophages sont des globules blancs qui encerclent et éliminent les microorganismes et d'autres intrus dans le corps en les avalant.

Les chercheurs ont ensuite suivi 257 participants pendant deux à trois ans afin de recenser le nombre de crises cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux ou de décès, toutes causes confondues. Pour les patients dont la plaque contenait des MNP, le risque de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral ou de décès au cours de la période de suivi était multiplié par 4,5.

Pour le moment, les chercheurs ne sont pas en mesure de confirmer ou de préciser le rôle joué par les MNP dans les crises cardiaques ou les AVC, mais il est possible que ces particules provoquent une inflammation lorsque les macrophages convergent pour débarrasser notre organisme des corps étrangers. À mesure que l'inflammation augmente dans la plaque, des fragments pourraient s'en détacher plus facilement et pénétrer dans le système sanguin.

L'hypothèse de l'inflammation est raisonnable puisque nous savons que les macrophages contribuent au développement de la plaque et que cette inflammation est importante dans les maladies cardiovasculaires, déclare Aday.

« Si ces particules provoquent plus d'inflammation dans la plaque, celle-ci pourrait occasionner davantage de problèmes par la suite », poursuit-il, mais ce processus reste hypothétique à l'heure actuelle.

De la même façon, personne ne sait si la nocivité provient plutôt des substances chimiques contenues dans les plastiques ou des particules mêmes. Comme nous l'explique Spaeth, ces plastiques se composent d'un grand nombre de produits chimiques, notamment des substances inflammatoires ou des perturbateurs endocriniens qui interfèrent avec la production d'hormones.

Étant donné la diversité des substances chimiques potentiellement toxiques contenues dans les plastiques, les effets sur notre organisme peuvent être multiples, indique-t-il. À la différence des produits pharmaceutiques, soumis à des essais cliniques, il est contraire à l'éthique d'évaluer l'exposition environnementale aux microplastiques chez les humains dans le cadre d'essais randomisés contrôlés. « Malheureusement, nous sommes tous cobayes de l'expérience de la vie dans laquelle nous pouvons être étudiés. »

Même si l'exposition générale aux plastiques dans l'environnement est difficilement maîtrisable à l'échelle individuelle, nous pouvons tout de même adopter un mode de vie connu pour réduire les risques de maladie cardiovasculaire, notamment en pratiquant une activité physique régulière, en optant pour une alimentation saine et en ne fumant pas.

Il est difficile de mesurer la part de responsabilité de la pollution environnementale dans les troubles cardiovasculaires et les autres maladies, mais « des choix simples comme l'alimentation, l'activité physique et le mode de vie ont probablement plus d'impact que de se soucier du nombre de bouteilles en plastique qui défilent dans notre foyer », indique Spaeth.

 

L'OMNIPRÉSENCE DU PLASTIQUE

Les déchets plastiques ont plus que doublé depuis les années 2000 et pour la grande majorité d'entre eux, environ 80 %, ces déchets terminent leur cycle de vie dans les décharges où ils se décomposent en particules minuscules qui infiltrent l'eau et le sol avant de rejoindre notre chaîne alimentaire.

« Aucune catégorie de plastique ne contribue autant aux déchets plastiques, aux micro- et nanoplastiques que le plastique à usage unique », souligne Landrigan. Les plastiques à usage unique représentent 40 % de la production annuelle de plastique ; cette catégorie rassemble notamment les bouteilles d'eau, les sacs, les emballages, les pailles et la vaisselle en plastique.

« Dans le monde actuel, je ne pense pas que les consommateurs puissent se débarrasser de tous les plastiques, mais ils peuvent tout à fait réduire leur exposition », assure Landrigan. Pour cela, il suffit par exemple d'opter pour des gobelets ou des bouteilles en métal au lieu du plastique, de ne pas réchauffer sa nourriture au micro-ondes dans un contenant en plastique, car la chaleur accélère la décomposition des plastiques, suggère-t-il.

Il est également possible de réduire son empreinte plastique, notamment en renonçant aux sacs en plastique chez les commerçants. En moyenne, un individu produit 221 kg de déchets plastiques chaque année aux États-Unis, contre 114 kg en Europe, selon les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

« La population peut avoir un petit impact, mais c'est bien au niveau politique que l'effort devra être fait en raison de l'omniprésence des plastiques », indique Landrigan. Depuis 2022, l'Organisation des Nations unies (ONU) négocie le tout premier traité mondial sur le sujet au sein de la Coalition de la Haute Ambition pour mettre fin à la pollution plastique qui devrait se réunir dans quelques semaines pour finaliser le projet. L'étude publiée dans le New England Journal of Medicine devrait ajouter à l'urgence de ces négociations, ajoute Landrigan.

Spaeth reconnaît que les résultats de l'étude sont « un peu effrayants et intimidants », mais il reste optimiste quant à la capacité de ce type de recherche à provoquer du changement. Comme nous le montre l'histoire de la santé publique, à mesure que les preuves scientifiques attestant du caractère néfaste pour la santé d'une activité humaine donnée s'accumulent, elles atteignent généralement un point de bascule qui incite à la prise de décisions politiques. 

« À une époque, personne ne se souciait des effets de la pollution atmosphérique sur la santé. Puis, en une dizaine d'années, la science a apporté des preuves incontestables », raconte Spaeth. « Nous avons alors fait des efforts pour assainir notre air et nous avons obtenu des résultats bien réels, mesurables. » Un autre exemple est l'amiante, ajoute-t-il, interdit en France depuis 1997. Aux États-Unis, l'interdiction totale de l'amiante n'a été prononcée que le mois dernier.

« Je pense que la volonté politique de s'attaquer aux plastiques va également progresser », indique Spaeth. Espérons que cela ouvre la voie à d'autres études permettant aux chercheurs de mieux cerner les risques posés par le plastique, conclut-il, « pour ensuite faire évoluer les politiques. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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Une personne sur huit dans le monde est obèse

Un milliard de personnes obèses. Cette barre symbolique a été dépassée dans le monde en 2022, d’après une étude de la revue médicale britannique The Lancet dévoilée en mars 2024, qui se base sur les données d’environ 222 millions de personnes dans plus de 190 pays. Cela représente une personne sur huit à l'échelle de la planète. Depuis 1990, l’obésité a plus que doublé dans le monde chez les adultes et quadruplé chez les adolescents, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En France, 17 % de la population seraient concernés.

La majorité des adultes atteints d'obésité sont des femmes (504 millions, soit 57 %), mais c'est chez les hommes que la tendance a évolué le plus rapidement en trente ans. Pour eux, la prévalence a presque triplé, alors qu'elle a doublé chez les femmes. Chez les enfants, les garçons sont principalement touchés par l'obésité (94 millions, soit 59 %) et la prévalence augmente de manière similaire selon les sexes : un facteur 4 pour les filles et 4,4 pour les garçons.

Souvent complexe et multifactorielle, l’obésité est une maladie chronique. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) la définit comme « un excès de masse grasse et une modification du tissu adipeux, entraînant des inconvénients pour la santé et pouvant réduire l’espérance de vie ». Le surpoids et l’obésité sont diagnostiqués à partir d’un calcul de l’Indice de masse corporelle (IMC), qui est un rapport du poids en kilogrammes divisé par la taille en mètres carrés. « On considère qu’un poids est normal entre 19 et 25 kg/m2. Entre 25 et 30 kg/m2, on est en surpoids, et au-dessus de 30 kg/m2, en situation d’obésité », énumère Annick Fontbonne, épidémiologiste à l’Inserm. 

Si l’obésité résulte d’un déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques, il est important de noter qu’elle n’est pas toujours synonyme de mauvaise santé. Néanmoins, elle peut être la cause de plusieurs maladies chroniques telles que le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, certains cancers ou maladies cardio-vasculaires, voire des maladies articulaires. Ce sont donc « essentiellement des effets à moyens ou long terme », selon la chercheuse. 

À cela, il faut ajouter les problématiques psychologiques liées au body shaming , qui peuvent être la source de dépressions et autres troubles mentaux. Juliette Katz, influenceuse française, aborde régulièrement le sujet sur sa chaîne YouTube. « C’est au-delà du poids, c’est l’estime, le regard qu’on se porte et le regard des autres […] Je souffre profondément de la non-estime que je me donne », explique-t-elle dans une vidéo intitulée « 35 ans que ça dure », dans laquelle elle évoque sa relation compliquée à la nourriture et les remarques violentes qu’elle a pu subir de la part de ses proches. 

Notons que parmi les éléments déclencheurs de l’obésité, l’alimentation n’est qu’un facteur parmi d’autres. La génétique est aussi très importante. « Les études sur les jumeaux montrent qu’il peut y avoir une concordance de 70 %, c’est une maladie qui a un fort composant génétique », révèle Annick Fontbonne.

La sédentarité serait aussi un facteur de risque, notamment à travers l’augmentation significative du temps passé devant les écrans depuis l’épidémie de Covid-19. C’est ce que révèle un rapport de l’Observatoire National de l’Activité Physique et de la Sédentarité (Onaps), sur l’évolution des comportements des Français pendant le confinement. Ainsi, chez les enfants et les adolescents qui passaient moins de six heures par jour assis avant le confinement, 72 % ont augmenté leur temps total passé assis, contre 25 % des adultes.

 

UNE « AMBIANCE OBÉSOGÈNE »

En 2022, 390 millions d'adultes de dix-huit ans et plus à travers le monde étaient atteints d'insuffisance pondérale, tandis que 2,5 milliards étaient en surpoids, dont 890 millions de personnes obèses, selon l’OMS. Le problème de mal nutrition est donc double, surtout dans les pays à faibles et moyens revenus où une partie de la population n’a pas accès à un apport calorique suffisant, quand l’autre délaisse les produits frais pour la nourriture transformée de mauvaise qualité. Cela peut provoquer un passage très rapide de l’insuffisance pondérale à l’obésité. Selon l’étude parue dans The Lancet, les taux d'obésité dans ces pays sont maintenant supérieurs à ceux de nombreux pays industrialisés, en particulier en Europe. Et certaines îles d’Océanie atteignent des chiffres alarmants, comme le petit État insulaire de Nauru, où le pourcentage d’obèses était de 45,6 % selon les statistiques de l’OMS de 2014. 

Quant au reste du monde, « les États-Unis sont champions », avec plus de 40 % d’obèses. En Europe, « on est autours de 20 à 25 %, mais plutôt en voie de stabilisation », indique Annick Fontbonne. Selon l’experte, « le fait qu’il y ait de plus en plus d’obésité dans toutes les parties du monde est lié à cette globalisation de l’alimentation industrielle. On a une alimentation riche en gras et pauvre en nutriments. Ça joue énormément, car c’est quelque chose qui s’est beaucoup répandu dans le monde entier. »

Pour elle, les solutions relèvent plus de la volonté politique que des comportements individuels. « Agir sur le comportement alimentaire, c'est très difficile, surtout dans une ambiance obésogène. Il est difficile de dire aux gens "mangez moins et bougez plus". » Elle recommande de mettre en place des politiques et mesures collectives fermes, qui s'opposent aux lobbies de l'agro-alimentaire, à l’image de la taxe des sodas au Mexique ou même au nutri-score en France. D'après elle, cette mesure a fait que « les industriels qui l’apposent sur leurs produits ont changé les compositions de leurs aliments préparés. Les compositions sont donc meilleures et sans que les gens ne fassent rien. »

Enfin, l’organisation du temps de travail joue aussi un grand rôle dans l’alimentation. Pour Annick Fontbonne, il est essentiel de pouvoir prendre le temps de cuisiner, et donc avoir des horaires qui « permettent de faire les courses tranquillement et de préparer un repas ». Selon elle, les populations qui cuisinent le moins sont souvent les populations les plus défavorisées, et « plus un pays devient riche, plus l’obésité se développe dans les classes les plus défavorisées ». Or, elle estime que la « transmission » par la cuisine est essentielle à une bonne alimentation. 

Se tourner vers une alimentation moins transformée pourrait donc aider à prévenir de l’obésité. Pour autant, Annick Fontbonne rappelle que la maladie est « multifactorielle », et que la prise en charge est « à adapter à chaque personne. »

À partir d’avant-hierDivers

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Votre chien vous mangerait-il si vous mouriez ?

En 1997, un expert médico-légal berlinois a raconté dans la revue Forensic Science International l’un des cas les plus étranges auxquels il avait été confronté. Un homme de 31 ans s’était retiré pour la soirée dans l’abri de jardin aménagé situé à l’arrière de la maison de sa mère où il vivait avec son berger allemand. Vers 20h15, les voisins ont entendu un coup de feu.

Quarante-cinq minutes plus tard, la mère de l’homme et ses voisins l’ont découvert mort, touché d’une blessure par balle à la bouche, un pistolet Walther sous les mains, avant de retrouver un message d’adieu laissé sur une table. La police a ensuite fait une découverte encore plus macabre : son visage et son cou portaient des marques de morsures.

Cette énigme a rapidement trouvé sa solution quand le berger allemand de l’homme a régurgité des tissus humains, notamment de la peau avec des poils de barbe encore reconnaissables. Il ne s’agissait pas là d’un chien affamé se résolvant à dévorer son maître pour survivre ; une gamelle de nourriture pour chien à moitié pleine était encore à terre quand la police est arrivée. L'ami le plus fidèle de l’Homme n’est peut-être pas si fidèle après tout.

Comme des chercheurs médico-légaux l’ont fait observer dans un article remarqué publié en 2023 dans la revue Forensic Science, Medicine and Pathology, personne ne surveille formellement la fréquence à laquelle les animaux domestiques cherchent à se nourrir du corps de leurs maîtres décédés. Selon les scientifiques, cette absence d’informations crée un problème pour les enquêtes sur les décès. En effet, les médecins légistes ont besoin de connaître les signes potentiels de charognage, qui peuvent brouiller les causes de la mort ou le moment du décès.

Malgré tout, les témoignages individuels faisant état d’un comportement charognard de la part d’animaux domestiques ne manquent pas dans les revues médico-légales, et ce sont les meilleurs aperçus dont nous disposions sur cette question que la plupart des propriétaires d’animaux n’aiment pas se poser : nos animaux de compagnies seraient-ils vraiment capables de nous manger ? Ne sommes-nous qu’une source de nourriture pour eux, d’une manière ou d’une autre ?

Les études sur les comportements charognards des animaux domestiques peuvent nous fournir des éléments de réponse, mais également révéler combien nous nous trompons dans l’interprétation du comportement des animaux, incapables que nous sommes parfois de voir les choses de leur point de vue. Voici ce que la médecine légale révèle à ce sujet.

 

C’EST FORCÉMENT LE CHAT

Certaines personnes pensent que les chats n’ont aucun scrupule à dévorer leur maître. Mais il se trouve que relativement peu de rapports publiés étayent cette théorie. Un rapport publié en 2010 dans la revue Journal of Forensic and Legal Medicine décrit le cas d’une femme morte d’une rupture d’anévrisme et découverte le lendemain matin. Les tests médico-légaux ont révélé que son chien avait dévoré la majeure partie de son visage, tandis que ses deux chats ne l’avaient pas touchée.

Quand cela se produit, les chats ne font en général pas autant de dégâts que les chiens. D’après Carolyn Rando de l’University College de Londres, ils ont tendance à préférer le visage, en particulier ses parties molles telles que le nez et les lèvres.

« En tant que propriétaire de chat, cela ne me surprend pas, confie-t-elle. Si vous êtes en train de dormir, ils ont tendance à frapper votre visage pour vous réveiller. » Donc un chat est susceptible de commencer par essayer de « réveiller » un propriétaire décédé et ensuite de commencer à mordre s’il y échoue.

Bien plutôt, la plupart des charognages documentés ayant visé des restes humains sont le fait de chiens. Comme le faisait observer une étude parue en 2016 dans la revue Journal of Veterinary Behavior, « le charognage canin dans les environnements intérieurs est rarement déclaré, mais régulièrement observé dans les pratiques médico-légales. » Les médecins légistes le confirment. Joseph Prahlow, médecin légiste du Michigan, constate des traces de prédation d’animaux domestiques lors d’une autopsie « au moins deux fois par an », et généralement le coupable est un chien, et non un chat.

Cela tombe en fait sous le sens si l’on s’intéresse aux comportements alimentaires des chiens et des chats. En général, les chiens sont les mangeurs les plus opportunistes. Ils sont davantage susceptibles de chercher à manger des animaux morts, comme peut en attester toute personne dont le chien est allé renifler un écureuil mort sans se faire prier. Et bien les chiens comme les chats fouillent dans les poubelles, ces premiers ont tendance à moins faire les difficiles quant à la potentielle nourriture qui peut leur passer sous la patte.

 

L’HYPOTHÈSE DE LA FAIM

« Les chiens descendent des loups », rappelle Stanley Coren, psychologue qui a écrit des livres et animé des émissions de télévision sur les chiens. « Si nous nous trouvons dans une situation où le propriétaire meurt et qu’il n’y a pas de source de nourriture, qu’est-ce qu’ils vont faire ? Ils vont prendre n’importe quelle chair à disposition. »

Dans certains cas, il est clair que le comportement charognard des animaux résulte d’un instinct de survie. En 2007, un chow-chow et un labrador croisé ont survécu pendant un mois environ en consommant le corps de leur maître décédé, ne laissant que le haut du crâne et un assortiment de fragments d’os.

Pourtant, dans l’affaire de suicide de 1997, le berger allemand avait commencé à dévorer des parties de son maître juste après sa mort, comme le rappelle Markus Rothschild, médecin légiste qui est intervenu sur les lieux. Si beaucoup partent du principe qu’un chien ne  mangerait son maître que s’il était affamé, écrit-il, « l’expérience médico-légale montre que c’est clairement faux ».

Selon une analyse de 2015 portant sur soixante-trois affaires de chiens ayant fait preuve d’un comportement charognard à l’égard de leur maître, dans un quart des cas, moins d’une journée avait passé avant que l’on ne retrouve un corps partiellement dévoré. Par ailleurs, certains de ces chiens avaient accès à de la nourriture qu’ils n’avaient pas mangée.

À bien y réfléchir, si les chiens ne mangeaient que leurs maîtres parce qu’ils avaient faim, on pourrait s’attendre à ce qu’il le fasse de la même manière que les canidés le font dans la nature. Mais ce n’est pas le cas.

Les canidés qui s’en prennent aux charognes dans la nature (à la fois les coyotes et les chiens domestiques) suivent un schéma bien documenté : ils ouvrent la poitrine et l’abdomen pour manger les organes riches en nutriments d’abord, puis les membres. Les blessures à la tête ne concernent que 10 % de ces cas.

En revanche, en ce qui concerne les chiens qui s’en prennent à leurs maîtres décédés en intérieur, il y avait des morsures au visage dans 73 % des cas, et des morsures à l’abdomen dans seulement 15 % des cas. Cela suggère que les chiens domestiques interagissent avec le visage de leur maître plutôt que de traiter leur corps comme de la simple nourriture.

 

QUEL EST LEUR MOBILE ?

Il est tentant de penser que si vous êtes proche de votre chien et que vous l’avez bien traité, vous serez épargné en cas de décès.

Mais le comportement des chiens n’est pas aussi bien défini. Aucune des études de cas que j’ai lues ne faisait état de quelconques mauvais traitements infligés aux animaux. Au contraire, plusieurs rapports soulignaient le fait que les maîtres avaient de très bonnes relations avec leur chien, selon les témoignages d’amis et de voisins.

À la place, essayons d’imaginer l’état psychologique de l'animal : « Une explication possible pour un tel comportement est que pour aider un maître inconscient, un animal domestique va d’abord le lécher et lui donner des petits coups de museau », écrit Markus Rothschild dans son rapport. « Mais lorsque cela ne produit aucun résultat, le comportement de l’animal peut devenir plus frénétique et, dans un état de panique, donner lieu à des morsures. »

Comme le souligne Carolyn Rando, à partir d’une morsure, on conclut hâtivement que le chien cherchait à dévorer son maître ou sa maîtresse. « Le chien ne souhaite pas nécessairement manger, mais le goût du sang éveille sa faim. »

 

UNE QUESTION DE RACE

Carolyn Rando ajoute que les différentes races de chiens ont différents tempéraments, ce qui pourrait jouer un rôle dans leur réaction à la mort de leur maître. Les cas publiés concernent un divers bâtards, mais aussi plusieurs races de chiens de chasse ou de chiens de travail. Mais cela n’empêche pas de nombreux types de chiens d’apparaître dans les rapports faisant état de comportements charognards, et notamment d’adorables labradors et golden retrievers.

Dans l’ensemble, ces chiens étaient de taille moyenne à grande, le beagle étant la plus petite race à avoir fait preuve d’un tel comportement (un seul cas). Cependant, puisque les chiens plus gros et plus puissants peuvent causer davantage de dégâts, les cas les concernant ont davantage de chances d’être remarqués.

Par exemple, dans trois cas distincts, les propriétaires décédés ont été décapités, chaque fois par un berger allemand. Pourtant, pour ce que nous en savons, un loulou de Poméranie ou un chihuahua arracheraient aussi une tête s’ils le pouvaient.

Carolyn Rando se demande si le tempérament d’un chien donné ne compte en fait pas davantage que ce l’on veut bien croire. Un chien manquant d’assurance et craintif qui montre régulièrement des signes d’anxiété liée à la séparation peut être davantage susceptible d’avoir un comportement frénétique et de finir par mordre et dévorer son maître.

 

QUE FAIRE ?

Il n’existe aucun moyen de garantir que votre animal ne vous dévorera pas, hormis le fait de n’en posséder aucun. Même les hamsters et les oiseaux sont connus pour leurs comportements charognards en certaines occasions.

Selon Carolyn Rando, la meilleure façon de limiter les risques est de faire en sorte d’avoir des proches qui feront un saut chez vous s’ils n’ont pas de vos nouvelles. Si vous avez des voisins âgés, malades ou vulnérables, prenez de leurs nouvelles régulièrement.

« C’est une bonne raison de faire en sorte d’être entouré par d’autres personnes, comment-t-elle. Avoir une activité sociale quand on vieillit est bon pour tout le monde. »

Les tentatives des animaux de compagnie de réveiller leur maître dans les situations de détresse suggèrent que la perte d’un compagnon humain est pour eux une expérience traumatique. Nous ne pouvons pas attendre d’animaux confrontés à un traumatisme qu’ils se comportent comme des humains en deuil. En un sens, nous les avons élevés pour nous aimer… à la mort.

Erika Engelhaupt est l’autrice de Superpowered, ouvrage sur les superpouvoirs qui existent vraiment et qui paraîtra en 2026, ainsi que de Gory Details et Go to Hell

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Ces nouveaux fossiles révèlent l'un des plus petits titanosaures jamais découverts

Un nouveau dinosaure découvert en Patagonie rejoint le groupe des plus petits géants. Baptisé Titanomachya gimenezi, cet herbivore au long cou appartient à une famille de dinosaures généralement immenses : les titanosaures. Mais même à l'âge adulte, Titanomachya avait la taille d'une vache (une vache tout de même très lourde).

Le nouveau dinosaure a été découvert par Diego Pol, paléontologue au Museo Paleontológico Egidio Feruglio et explorateur National Geographic, qui avec ses collègues menait une quête scientifique visant à comprendre quelles étapes avaient marqué la fin de l'ère des dinosaures en Amérique du Sud. À ce jour, la majorité des connaissances des paléontologues sur la fin de l'ère des dinosaures - une période connue sous le nom de fin du Crétacé - provient de fossiles découverts dans l'hémisphère nord, et en particulier en Amérique du Nord.

Mais comme le démontrent Pol et d'autres paléontologues travaillant en Amérique du Sud, le continent possède plusieurs points chauds fossilifères cruciaux qui permettent de mettre au jour d'innombrables nouvelles espèces et d'avoir une vision plus détaillée de la vie terrestre durant les millions d'années qui ont précédé l'impact d'un astéroïde qui a mis fin au Crétacé avec fracas, il y a environ 66 millions d'années.

Ce nouveau titanosaure est la dernière découverte faite dans la région. Jusqu'à présent, Pol et ses collègues ont mis au jour plus de vingt sites riches en fossiles datant de la fin du Crétacé en Argentine. C'est dans l'un d'eux, la formation de La Colonia, en Patagonie centrale, que les chercheurs ont trouvé quelques ossements d'un sauropode à long cou. Aucun sauropode n'avait été découvert auparavant dans cette formation.

« Avant cette découverte, il n'existait aucune trace de dinosaures sauropodes dans cette région », explique Diego Pol. La découverte a été décrite le 11 avril dans la revue Historical Biology.

 

RECONSTITUER UN PUZZLE

Selon les chercheurs, reconstituer le dinosaure s'est apparenté à la reconstitution d'un gigantesque puzzle.

« Les restes étaient désarticulés mais placés très près les uns des autres », raconte Diego Pol.

De retour au laboratoire, l'équipe a découvert des côtes, des vertèbres, des os et une partie d'une hanche. Ils ont baptisé le reptile Titanomachya gimenezi en référence au moment où Zeus et la première génération de dieux olympiens ont affronté les titans dans la mythologie grecque, un épisode connu sous le nom de titanomachie, et aux travaux de la paléontologue Olga Giménez.

Malgré la présence d'un seul squelette partiel, les os se distinguent suffisamment des autres dinosaures pour justifier la documentation d'une nouvelle espèce, étaye Pablo Gallina, paléontologue à l'université Maimónides et explorateur National Geographic, qui n'a pas pris part à la nouvelle étude. Ce qui est particulièrement frappant, c'est la taille de ce nouveau dinosaure.

« Lorsque l'on pense à ces sauropodes titanosaures, on pense à un grand dinosaure avec un long cou et une longue queue », explique Gallina. « Surtout en Patagonie, où l'on trouve les plus grands titanosaures, qui peuvent peser plus de 70 tonnes. Ce dinosaure n'a qu'une fraction de cette taille. »

D'après les dimensions des os fossilisés, Diego Pol et ses coauteurs estiment que Titanomachya pesait entre 5 et 10 tonnes, mais que son corps avait les dimensions d'une grosse vache, avec un long cou et une longue queue, atteignant environ 6 mètres de long, soit à peu près la longueur d'un minibus.

C'est tout à fait dérisoire par rapport aux autres titanosaures. Les plus grands titanosaures mesuraient plus de 30 mètres de long et pesaient plus de 70 tonnes. Titanomachya était un petit animal qui errait dans ce qui est aujourd'hui l'Argentine à la toute fin du Crétacé, il y a environ 67 millions d'années.

Le monde de Titanomachya était très différent de la Patagonie que les paléontologues parcourent aujourd'hui. Selon Diego Pol, à la fin du Crétacé, la région était parsemée de lagunes côtières et d'estuaires. C'était un endroit humide et marécageux, patrouillé par les Carnotaurus, des dinosaures saurischiens prédateurs, et par un ensemble d'autres espèces de dinosaures que les paléontologues commencent à peine à distinguer. D'autres expéditions menées dans la formation de La Colonia, où ce titanosaure a été mis au jour, ont jusqu'à présent permis la découverte, entre autres, d'hadrosaures à bec de canard et d'ankylosaures cuirassés. Titanomachya n'est peut-être que la partie émergée d'un iceberg fossile.

La raison pour laquelle Titanomachya était si petit reste cependant un mystère. « La taille du corps est particulièrement frappante, non seulement pour cette espèce, mais aussi pour d'autres titanosaures qui vivaient en Patagonie vers la fin du Crétacé », souligne Pol.

Les experts étudient plusieurs hypothèses pour expliquer cette taille minuscule. Selon l'une d'elles, cette taille serait le résultat de l'adaptation des titanosaures aux pressions environnementales.

« L'une des possibilités est la réduction de la surface disponible en raison de la transgression de l'océan Atlantique, qui recouvrait une grande partie de la Patagonie », avance Diego Pol. Environ la moitié de la superficie de la Patagonie était autrefois recouverte d'une mer peu profonde. Les paléontologues disposent de preuves provenant d'autres sites fossiles, tels que les vestiges d'îles du Crétacé dans ce qui est aujourd'hui la Transylvanie, qui montrent que les espèces de dinosaures sauropodes ont parfois évolué pour devenir plus petites afin de survivre dans des espaces restreints où la nourriture était moins abondante.

D'autres changements environnementaux pourraient également avoir joué un rôle. « Des changements importants dans les écosystèmes et le climat auraient pu avoir une incidence sur la taille des titanosaures », développe Diego Pol. Les chercheurs qui étudient les fossiles de la région continueront à se pencher sur cette question.

 

À LA LOUPE

Un plus grand nombre de fossiles permettra de mettre en évidence des tendances environnementales plus larges. Pour brosser ce tableau, ils devront faire appel à des espèces bien plus diverses que les dinosaures. « Nous pensons que nous commençons à peine à découvrir le monde de la fin du Crétacé en Patagonie », partage Diego Pol.

« Notre projet se concentre non seulement sur les dinosaures, mais aussi sur les plantes, les invertébrés et d'autres groupes d'animaux. » À terme, il souhaite contribuer à la création d'une image détaillée des écosystèmes du Crétacé avant qu'ils ne soient anéantis par une catastrophe.

Une telle vision globale de la vie dans les années précédant l'impact de l'astéroïde qui a mis fin à l'ère des dinosaures est, à son tour, essentielle pour comprendre comment le monde a changé à la suite de cet événement d'extinction massive.

« L'extinction de la fin du Crétacé a été une crise mondiale de la biodiversité », souligne Diego Pol, qui a besoin de preuves provenant du monde entier pour en comprendre tous les tenants et aboutissants.

Dans la Patagonie de l'époque du Crétacé, par exemple, les paléontologues ont trouvé des preuves que la terre, la flore et la faune subissaient des changements importants. Les titanosaures comme Titanomachya commençaient à disparaître, tandis que d'autres herbivores, comme les hadrosaures et les ankylosaures, jouaient de nouveaux rôles dans l'écosystème. En fin de compte, ce minuscule titan a marqué un changement qui se termina par l'une des plus grandes catastrophes de tous les temps.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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Certaines personnes ne sont jamais stressées. Sont-elles pour autant plus heureuses ?

La passion de Susan Charles ? Trouver ce qui nous rend heureux. Au cours de sa carrière dans l'étude des processus émotionnels à l'âge adulte, cette professeure de sciences de la psychologie au sein de l'université de Californie à Irvine s'est intéressée à plusieurs reprises à ce sujet. La plupart des émotions sont ressenties dans un contexte social, donc « ce qui nous rend heureux coïncide souvent avec ce qui nous donne un sentiment de sécurité », dit-elle. « Ce qui nous permet de continuer à profiter des personnes qui ajoutent du sens à nos vies. » Et la quantification des facteurs de stress du quotidien est essentielle pour percer les secrets de ce bonheur.

La majorité de ses données provient d'une véritable mine d'informations connue sous le nom de Midlife in the United States (MIDUS), une étude longitudinale révolutionnaire menée par l'université du Wisconsin à Madison qui évalue la santé et le bien-être de ses participants à travers des journaux quotidiens et des entretiens téléphoniques. Trois vagues majeures de collecte des données ont eu lieu à ce jour ; une par décennie en 1995, 2005 et 2015, avec une quatrième enquête spécialement menée en 2012 pour évaluer les effets de la crise économique de 2008. À l'heure actuelle, les chercheurs recueillent des données relatives aux effets de la pandémie de coronavirus.

Pendant huit jours d'affilée, les participants à chaque vague de l'étude se sont entretenus avec un chercheur au téléphone à propos de leur journée. Les sondés évoquaient notamment leurs éventuelles sources de stress, comme une dispute avec un ami, un problème au travail ou d'autres événements qui ne mettent pas leur vie en danger mais restent perturbateurs. Susan Charles s'est immergée dans ces enquêtes avec la volonté de découvrir dans les réponses les réactions de différents individus face au stress. Régulièrement, elle devait se résoudre à exclure une petite partie des données.

Dans toutes les vagues de l'étude MIDUS, chaque fois que les chercheurs demandaient aux participants s'ils avaient eu une expérience stressante au cours de la journée, 10 % d'entre eux répondaient « non ». En d'autres termes, pendant huit jours d'affilée, ces participants n'avaient pas vécu le moindre stress quotidien. Au départ, ces exceptions ne présentaient pas un grand intérêt pour notre professeure de sciences psychologiques, car quiconque ne perçoit ou ne ressent aucun stress ne pourrait pas l'aider à comprendre comment la population gère ce stress. Puis, après un temps, elle s'est demandé qui pouvaient bien être ces personnes.

 

DES BIENFAITS MITIGÉS 

Si une vie dénuée de stress vous semble idyllique… détrompez-vous. En 2021, Susan Charles s'est intéressée à ces exceptions miraculeuses à travers son étude « Les bénéfices mitigés d'une vie sans facteur de stress » et si elle a choisi ce titre, ce n'est pas pour son côté accrocheur.

Charles et ses collègues ont découvert que les participants dénués de stress avaient tendance à signaler un niveau de bonheur supérieur à la population générale et un niveau inférieur de maladies chroniques, mais ils présentaient également des signes de déclin cognitif, comme une baisse de l'attention et de la concentration, une mémoire à court et à long terme moins efficace, ainsi que des difficultés à résoudre les problèmes ou à contrôler les comportements indésirables.

Le message véhiculé par ce type de travaux n'est pas de nous inviter à chérir chaque source de stress sur notre chemin. Toutes les instances de réaction au stress ne se ressemblent pas. Lorsque les chercheurs parlent de stress bénéfique pour la population, « nous ne parlons pas d'événements réellement négatifs comme les traumatismes, mais de choses plus courantes dans la vie quotidienne », précise Jeremy Jamieson, spécialiste du stress à l'université de Rochester.

Jamieson n'a pas participé à l'étude de Susan Charles, mais il étudie comme elle les bienfaits de certains types de stress, une expérience qui jouit généralement d'une mauvaise réputation. « S'attaquer à un devoir difficile ou à une tâche complexe au travail, ce sont des défis que l'on rencontre tout le temps et ils ne sont pas nécessairement négatifs, mais ils sont souvent présentés comme tels », déclare Jamieson.

Comme pour la douleur, l'expérience générale du stress est universelle, mais la façon dont ce mécanisme se déclenche est hautement subjective. Deux personnes capables de ressentir le stress peuvent être confrontées à un même événement, par exemple un rôle dans une pièce de théâtre, et y réagir de manière différente. La première pourrait se décomposer sous les projecteurs et la seconde se sentir parfaitement à l'aise sur scène.

Le parallèle avec la douleur ne s'arrête pas là : le fait de ne pas ressentir de stress peut aider une personne à éviter un problème, tout en lui en créant d'autres. Si une personne insensible à la douleur échappe à l'une des sensations les plus déplaisantes de notre existence, elle est également plus sujette aux blessures, puisque la douleur déclenche un réflexe qui assure notre sécurité, en nous invitant par exemple à retirer notre main du feu. En l'absence de douleur, rien n'empêche de se brûler.

De son côté, le stress nous permet de ressentir pleinement la vie et favorise l'apprentissage. L'hippocampe, cette région du cerveau qui joue un rôle central dans l'apprentissage à travers la mémoire, raffole de la nouveauté. Le fait de surmonter les petits facteurs de stress du quotidien constitue une source intarissable de nouveautés et d'évolution. Lorsque notre cerveau est privé de ces défis inoffensifs, il souffre. Ce phénomène est probablement à l'origine du déclin de la mémoire et de la capacité à résoudre des problèmes observé par Charles chez les participants non affectés par le stress dans la population de l'étude MIDUS.

« Dès les premiers signes de stress, notre réaction est souvent de couper court à la situation, de battre en retraite et de fuir, mais ce n'est pas une obligation », déclare Jamieson. « Apprendre à être résilient et à persévérer malgré les défis et les difficultés est une compétence primordiale. Il ne s'agit pas d'un trait de caractère inné mais bien d'un comportement que l'on peut apprendre et mettre en œuvre. »

Charles n'obtiendra jamais les réponses à ses questions sur l'identité de ceux dont l'existence échappe au stress. Les données personnelles des répondants sont scrupuleusement tenues secrètes par Carol Ryff, psychologue et responsable de l'étude MIDUS pour l'université du Wisconsin à Madison.

En revanche, Charles connaît très bien le profil général de ces individus : ce sont souvent des hommes âgés, non mariés, possédant un niveau d'éducation inférieur à celui des participants qui ont signalé au moins un facteur de stress quotidien au cours des huit jours de l'enquête. Ces étrangers au stress signalent également un nombre nettement inférieur d'activités quotidiennes par rapport au reste de l'échantillon, à l'exception de la télévision qu'ils regardent avec bien plus d'assiduité que ceux dont la vie est ponctuée d'expériences stressantes.

Charles attire notre attention sur un détail particulièrement intéressant de son étude : en apparence, moins une personne aurait d'interactions sociales, moins elle serait stressée… mais la réalité est plus complexe. Parmi les activités quotidiennes recensées par l'étude MIDUS, les personnes non stressées ont déclaré consacrer moins d'heures que les personnes stressées aux activités qui impliquent généralement une interaction sociale : le travail, le volontariat et apporter ou recevoir un soutien émotionnel.

Pourtant, comme le souligne Charles, le soutien émotionnel est un allié redoutable contre le stress. « Les autres sont souvent une source de stress dans notre vie quotidienne », déclare Charles en riant, avant d'ajouter : « Mais ils sont absolument nécessaires pour nous ; nous sommes des créatures sociales. »

Il semble donc y avoir un juste milieu, une quantité idéale de soutien social bénéfique pour nos capacités cognitives avant que le temps consacré aux autres ne devienne sa propre source de stress. Le rôle des réseaux sociaux est un sujet qui n'a pas fini d'éveiller l'intérêt des chercheurs, tout comme de nombreux autres aspects du stress.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Quelle est la bonne manière d'arrêter les antidépresseurs ?

Quand les personnes sous antidépresseurs arrêtent d’en prendre, les médecins s’inquiètent souvent que leurs troubles mentaux puissent ressurgir. Beaucoup de praticiens oublient un problème important : les symptômes débilitants du manque, parmi lesquels on trouve à la fois des affections physiques et psychologiques et qui sont plus répandus et ont un effet plus radical sur la qualité de vie qu’on ne le pense.

Dans une enquête publiée récemment dans la revue Journal of Affective Disorders Reports, des chercheurs ont interrogé 1 100 personnes souffrant de symptômes de sevrage et ont découvert que ceux-ci entravaient la capacité à travailler de la plupart d’entre elles : 20 % avaient perdu leur travail à cause de cela ; et 25 % des sondés affirmaient que leurs relations personnelles s’en étaient trouvées affectées. Parmi leurs symptômes figuraient notamment agitation, brouillard cérébral, palpitations cardiaques, acouphènes, sensations de brûlure ou électriques, et des dizaines d’autres.

« On dit aux patients : "Vous êtes à 20 milligrammes, descendez à 10, puis à 5, puis à 0." Mais l’effet sur le cerveau n’est pas linéaire, et cette dernière baisse, c’est comme sauter du haut d’une falaise », explique Mark Horowitz, chargé de recherche clinique au National Health Service britannique, co-auteur de l’étude parue dans la revue JAD Reports et partisan d’un régime de sevrage beaucoup plus progressif.

Les spécialistes s’accordent à dire qu’il faut davantage de données pour déterminer précisément le nombre de personnes en manque et la durée de leurs symptômes. Toutefois, selon un article paru dans une revue scientifique, plus de la moitié des personnes sous antidépresseurs subissent des effets perturbants lorsqu’elles cessent le traitement, et parmi celles-ci, près de la moitié disent souffrir de symptômes graves. Dans l’étude des JAD Reports, qui se limite à l’étude de personnes touchées par le manque, 40 % des participants ont dit avoir souffert de leurs symptômes pendant deux ans au moins.

Les antidépresseurs peuvent présenter des bénéfices pour la santé, en particulier dans les cas de troubles dépressifs graves. Mais 13 % des adultes américains sont actuellement sous antidépresseurs pour une multitude de raisons physiques et mentales, et les problèmes liés au sevrage pourraient finir par toucher des millions de personnes.

Selon Bryan Shapiro, psychiatre du Centre médical d’Irvine de l’Université de Californie ayant suivi des personnes souffrant d’un sevrage lié aux antidépresseurs, on a trop insisté sur (et trop investi dans) le fait de faire commencer des traitements antidépresseurs aux patients et pas assez sur le fait d’arrêter sans danger.

« On a insisté sur le fait de prescrire, prescrire, prescrire, et moins sur la stratégie de sortie », déplore Bryan Shapiro.

D’après Mark Horowitz, les médecins attribuent fréquemment les symptômes du manque à un retour du trouble mental qui a conduit le patient vers le médicament, mais pour beaucoup de personnes ce n’est pas le cas. Son enquête publiée dans les JAD Reports a mis en évidence des problèmes de sevrage similaires, notamment de l’anxiété et des sautes d’humeur, chez les personnes qui s’étaient vu prescrire des traitements pour des problèmes physiques tels que des migraines, de la fatigue chronique ou des douleurs.

 

LE CERVEAU S’ACCOUTUME AU TRAITEMENT

Les antidépresseurs fonctionnent en partie en faisant augmenter le taux de neurotransmetteurs comme la sérotonine, bien qu’il soit apparu au fil des années que des mécanismes plus complexes sont également à l’œuvre.

Une certaine classe d’antidépresseurs, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), bloque l’absorption de la sérotonine (un neurotransmetteur) et en laisse ainsi davantage au cerveau pour envoyer des messages d’un neurone à un autre. Une fois que le cerveau s’adapte au médicament, le nombre et l’activité de ses propres récepteurs de sérotonine diminue.

Quand le traitement cesse, le nombre plus faible de récepteurs de la sérotonine engendre un déséquilibre. « Quand vous arrêtez le traitement et que les récepteurs n’ont pas eu le temps de se reconstituer, il y a une carence majeure qui conduit au manque », explique Bryan Shapiro.

S’il ne faut que quelques jours au médicament pour être évacué du corps, le cerveau peut, lui, prendre plus longtemps pour s’adapter. Cela ressemble aux défis auxquelles sont confrontées les personnes alcooliques depuis longtemps pour réorienter leur cerveau vers l’absence d’alcool.

Bien entendu, certaines personnes n’ont aucun symptôme ou presque lors de l’arrêt d’un antidépresseur et les spécialistes tentent encore de comprendre l’ensemble des mécanismes impliqués dans la sensation de manque.

C’est l’arrêt de la toute fin du traitement qui a le plus d’impact, même lorsque celui-ci est faiblement dosé. Une revue d’études sur les récepteurs de la sérotonine réalisée par Shapiro a mis en évidence le fait que 80 % environ de l’activité d’un antidépresseur se produit aux doses de traitement les plus faibles. « Ce qui semble aux psychiatres une dose thérapeutique minimale a un effet profond sur le récepteur », affirme Bryan Shapiro.

Dans certains cas, les symptômes psychologiques subis lors de l’arrêt peuvent provenir d’une rechute, signe qu’il faut immédiatement consulter son médecin.

Mais selon Mark Horowitz, quand les symptômes sont physiques ou que les symptômes psychologiques sont nouveaux ou plus graves qu’avant le traitement, alors le manque est probablement avéré.

 

DES ANNÉES POUR GUÉRIR

Pour Peter Eliasberg, avocat de soixante-trois ans de Los Angeles qui a commencé à prendre un inhibiteur de la recapture de la sérotonine-noradrénaline lors d’une grave dépression au début de la trentaine, le sevrage s’est transformé en problème majeur. Après vingt-trois années de traitement et deux tentatives infructueuses de se sevrer, Peter Eliasberg a décidé il y a sept ans qu’il se sentait suffisamment bien pour arrêter. Son psychiatre lui a demandé de réduire par deux sa dose, et ce plusieurs fois de suite sur une période de six semaines avant d’arrêter pour de bon.

Peter Eliasberg a eu beau décider de prendre le double de temps, cela s’est tout de même avéré trop rapide pour son cerveau. Il a vite fait de graves insomnies, il avait l’impression que ses nerfs étaient en feu, et est tombé dans une dépression plus grave encore que ce qu’il avait connu ; des symptômes qui, en plus de problèmes de mémoire et du brouillard cérébral subséquents, l’ont accablé pendant des années.

Son psychiatre était pourtant formel : l’arrêt des ISRS n’était pas à blâmer, car son système avait depuis longtemps évacué le médicament. Il lui a donc prescrit d’autres médicaments.

Finalement, Peter Eliasberg a progressivement arrêté tous les médicaments en suivant une chronologie bien plus incrémentielle. Ce n’est qu’au cours de l’année passée que l’ensemble de ses symptômes ont disparu. « En tout, il aura fallu six ans pour que je sois totalement guéri », commente-t-il.

Selon Mark Horowitz, sur les réseaux sociaux, de plus en plus de groupes dédiés au sevrage des antidépresseurs regorgent de témoignages similaires de patients. Il ajoute qu’il existe des dizaines de groupes comptant en tout 180 000 membres et dont la croissance est de 25 % par an. Certains groupes se concentrent sur des antidépresseurs spécifiques, comme celui dédié à la mirtazapine (près de 6 000 membres) ou celui dédié à l’escitalopram (là encore 6 000).

 

LE ROYAUME-UNI A MODIFIÉ SES DIRECTIVES

Au Royaume-Uni, les directives psychiatriques ont évolué ces dernières années pour aller dans le sens d’une approche de sevrage plus graduelle.

En France, la directive est de « limiter l'apparition d'un syndrome de sevrage lors de l'arrêt d'un médicament antidépresseur [ce qui] passe par une diminution des doses par paliers, sur plus de 4 semaines. »

Selon Jonathan Alpert, psychiatre de la Faculté de médecine Albert-Einstein de New York et président du Conseil sur la recherche de l’Assocation américaine de psychiatrie, réduire sur une période de « quelques jours à quelques semaines est généralement suffisant ». Il fait toutefois remarquer que les recommandations de l’Association américaine de psychiatrie (APA) sont en train d’être réévaluées.

Jonathan Alpert admet cependant que ce conseil trouve son origine dans des études dans le cadre desquelles les patients ont consommé un tel médicament pendant des courtes périodes uniquement. Dans certaines études, les participants suivaient un traitement de quatre semaines seulement, voire moins. Pourtant les patients restent généralement sous antidépresseurs bien plus longtemps, souvent pendant des décennies.

Les recommandations de l’APA mettent toutefois bien en garde contre un arrêt abrupt sans réduction progressive, ce dans le but d’éviter un « syndrome d’interruption ». Cependant, on peut y lire que celui-ci se résout presque toujours « au bout d’une ou deux semaines ».

Comme l’enquête parue dans les JAD Reports l’a mis en évidence, pour certaines personnes, l'importance du problème est grandement minimisée. En plus des plaintes courantes, les patients interrogés pour l’enquête avaient des trous de mémoire, des chocs électriques cérébraux, des spasmes musculaires, un besoin pressant de bouger leur corps, une sensibilité accrue au bruit et à la lumière, des problèmes de libido, etc.

Josef Witt-Doerring, psychiatre dont le cabinet en ligne se spécialise dans le sevrage des antidépresseurs, dit recevoir chaque semaine des appels de dizaines de nouveaux patients qui continuent de lutter des mois, voire des années, après avoir arrêté. Selon lui, la croyance des psychiatres selon laquelle les symptômes sont généralement de courte durée et légers vient de comités de consensus, comme celui qui s’est tenu en 2004, plutôt que du vécu des patients.

Le comité de 2004 était financé par une entreprise pharmaceutique et plusieurs de ses spécialistes ont reçu de l’argent de divers fabricants d’antidépresseurs, comme on peut le lire dans l’article de journal décrivant l’événement.

D’après une étude, les effets du manque semblent plus fréquents et graves chez les personnes qui prennent des antidépresseurs depuis un an ou plus. Certains, comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline et la paroxétine, sont associés à des risques plus élevés de rencontrer des problèmes.

Dans le cabinet de Josef Witt-Doerring, les personnes âgées mettent plus de temps à guérir que les jeunes. Mais il est pour l’instant impossible de prédire qui pourrait être à risque.

Phil, cadre d’entreprise du New Jersey âgé de 32 ans qui a souhaité que son nom de famille ne soit pas divulgué, a été sous antidépresseurs tétracycliques pendant trois mois seulement en 2022 avant de décider d’arrêter le traitement en suivant les instructions de son médecin : réduire progressivement sur quatre semaines.

Plus d’un an plus tard (bien qu’il ait en fin de compte repris le traitement, qu’il prenne de nouveaux médicaments et qu’il ait entamé un nouveau régime de sevrage plus lent), il continue de lutter contre l’épuisement, les problèmes de mémoire et une incapacité à éprouver du plaisir. « Les symptômes du manque m’ont complètement dépossédé de toute qualité de vie. Mon ancienne personnalité ­­­– j’étais sociable et extraverti – est complètement partie », déplore-t-il.

 

UN RÉGIME DE SEVRAGE PROGRESSIF DIFFÉRENT

Le Royal College of Psychiatrists, en Angleterre, recommande un sevrage progressif et de travailler avec un médecin pour commencer à réduire la dose de 10 % seulement, voire de 5 %.

Des recommandations similaires apparaissent dans un nouveau livre écrit par Mark Horowitz et le psychopharmacologue David Taylor, The Maudsley Deprescribing Guidelines : Antidepressants, Benzodiazepines, Gabapentinoids et Z-Drugs. Ils fondent leurs recommandations sur une étude du Lancet portant sur des résultats d’imagerie cérébrale dont ils sont les auteurs et qui se penchait sur les effets des antidépresseurs à divers dosages.

Plutôt que de réduire par quantités équivalentes, ils conseillent de procéder en fonction de la façon dont chaque dosage affecte le cerveau. Chaque dose devient infinitésimalement plus petite à la fin du traitement, ce qui fait qu’il faut parfois plusieurs années pour en voir le bout. Des suspensions liquides, ou des pilules provenant de pharmacies spécialisées, sont généralement nécessaires pour effectuer ce type de réductions incrémentielles.

Bryan Shapiro conseille aux patients de rester sur chaque nouvelle dose diminuée pendant au moins un mois, « soit la durée nécessaire aux récepteurs pour s’adapter », explique-t-il.

Ce régime est souvent recommandé dans les groupes en ligne, endroit où Mark Horowitz l’a découvert il y a plusieurs années après avoir tenté d’arrêter ses propres ISRS sans succès pendant onze ans. Sa dépression, qu’il évalue à 4 sur 10 avant traitement, a rapidement atteint 10 sur 10 et était accompagnée d’une anxiété intense et d’un besoin de bouger constamment.

« Je me suis dit, c’est complètement ridicule. Comment se fait-il que j’aie six diplômes, dont un doctorat en antidépresseurs, et que ce soient un ingénieur informatique à la retraite et un camionneur qui me donnent des conseils sur la façon de me sevrer de mon traitement sur un site d’entraide entre particuliers », se souvient-il.

La plupart des patients ne sont pas informés par leur médecin des potentiels problèmes de sevrage quand ils commencent à prendre un antidépresseur, c’est ce qu’a découvert Bryan Shapiro en analysant des milliers de publications sur le groupe de soutien « Surviving Antidepressants » (« Survivre aux antidépresseurs). Selon lui, cela doit changer.

Il souhaite également que les patients soient conscients à la fois des avantages et des inconvénients potentiels des antidépresseurs. « La décision de prendre un traitement psychiatrique est une décision importante et ne devrait pas être prise avec désinvolture », prévient Bryan Shapiro.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Les appareils Apple sont impossibles à pirater, vrai ou faux ?

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Pourquoi certains volcans crachent-ils des ronds de fumée ?

Des nuées ardentes dévalant leurs pentes aux rivières de lave incandescente, les volcans sont célèbres pour l'incroyable spectacle pyrotechnique qu'ils donnent à voir. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont dénués d'intérêt dans leurs moments d'apaisement, comme le montrent les étranges anneaux de fumée qui s'élèvent dans le ciel de certains volcans encore frémissants.

Depuis quelques jours, ce phénomène est observé en Italie au sommet de l'Etna, où une myriade de volutes éphémères se détache du ciel azuré.

Naturellement, toute personne témoin de ce tour de magie souhaite des réponses : comment les volcans peuvent-ils bien créer ces ronds de fumée ? Et pourquoi seules certaines de ces furieuses montagnes sont-elles capables d'en produire ?

De telles apparitions éphémères ont été détectées au sommet de multiples volcans à travers le monde mais le processus qui mène à leur éclosion reste encore trouble. Même si leur diamètre peut atteindre plusieurs dizaines de mètres, ils ne persistent pas longtemps et sont imprévisibles, ce qui rend leur étude particulièrement difficile. En 2019, une équipe de scientifiques a donc décidé de s'intéresser à la question et de les simuler sur ordinateur sous la direction de Fabio Pulvirenti, directeur de recherche au Jet Propulsion Laboratory de la NASA à l'époque et désormais professeur à l'université polytechnique du Henan, en Chine.

Publiés dans la revue Scientific Reports en 2023, leurs résultats nous montrent que ces anneaux de gaz et de vapeur partagent de nombreux points communs avec les ronds de fumée crachés par les fumeurs à travers leur bouche ou par les canons-jouets à fumée à travers leur ouverture circulaire. Dans les trois cas, une quantité importante de vapeur doit être accumulée puis expulsée rapidement pour former un anneau digne de ce nom.

Aussi impressionnante soit-elle, la prouesse fait appel à des principes physiques plutôt élémentaires.

 

Qu'est-ce qu'un anneau de fumée volcanique ?

Malgré leur nom, ces cercles de fumée ne sont pas composés de fumée, indique Boris Behncke, volcanologue à l'Institut national de géophysique et de volcanologie en Italie, non impliqué dans l'étude de 2019. La version volcanique des anneaux de fumées est en fait principalement constituée de gaz condensés, en majeure partie de la vapeur d'eau, qui s'échappent du magma avant d'être propulsés par la cheminée du volcan.

Des vents forts peuvent empêcher les anneaux de se former ou de durer dans le temps. Dans le cas contraire, les anneaux formés à partir d'un volume suffisant de vapeur volcanique (plus chaude et moins dense que l'air ambiant) dérivent à la verticale en s'élargissant peu à peu. À mesure qu'ils s'élèvent, ils perdent de la vapeur et finissent par ne plus être visibles.

Cependant, seuls certains volcans semblent capables de souffler ces cercles de fumée et seulement à certains moments qui plus est. Lorsque Pulvirenti avait entendu parler d'eux pour la première fois en 2013, il avait remarqué que la littérature scientifique n'offrait aucune réponse substantive à leur sujet. Lorsqu'il ne put plus contenir sa curiosité, il décida de recruter des collègues pour se lancer à l'assaut de ce mystère volcanique.

Par la suite, l'équipe s'est intéressée aux nombreuses observations de ces anneaux de fumée pour voir comment ils s'élevaient, à quelle vitesse ils se déplaçaient, à quel rythme ils refroidissaient, à quel point leur composition variait et à quelle fréquence ils contenaient de la centre. Les scientifiques se sont également penchés sur la façon dont les gaz magmatiques migrent à travers les conduits volcaniques pour s'en échapper et se sont plongés dans les lois complexes de la physique des fluides qui régissent la formation des tourbillons par le biais d'expériences en laboratoire.

Ils ont ensuite intégré tous leurs résultats à un modèle informatique. En jouant avec l'accumulation de pression à l'intérieur du conduit et la géométrie de la cheminée volcanique virtuelle, l'équipe de scientifiques a pu définir les paramètres nécessaires à la formation d'anneaux de fumée.

 

Comment se forment les anneaux de fumée et pourquoi seuls certains volcans en sont capables ?

À mesure que le magma s'élève dans le conduit, la pression environnante chute, ce qui permet aux gaz dissous d'émerger sous forme de bulles. Si le magma n'est pas trop visqueux, ces bulles peuvent fusionner en différentes poches de gaz pressurisé. À l'approche de la cheminée, ces poches de gaz peuvent subir une violente dépressurisation et exploser en projetant de la vapeur chaude vers le haut, parfois à des vitesses proches de celle du son.

La vapeur éjectée de la cheminée interagit ensuite avec les parois rocheuses du volcan, la boule de gaz s'enroule autour des bords. On constate exactement le même phénomène sur les vidéos des canons à fumée au ralenti, indique Pulvirenti. Puis, lorsque le cercle enroulé de fumée entre en contact avec l'atmosphère plus froide, il refroidit, ralentit, se condense et devient visible, un peu comme les traînées de condensation laissées par les avions.

Pour créer ces anneaux, il est primordial que la cheminée du volcan soit suffisamment circulaire et que ses parois soient de la même hauteur. Si la forme de la cheminée est trop irrégulière ou si celle-ci est fracturée, le cercle sera altéré, instable ou ne se formera pas du tout. 

Doctorant en volcanologie à l'université d'Auckland à l'époque où Pulvirenti présentait les résultats de son étude en 2019, Benjamin Simons a observé ces cercles de fumée sur plusieurs volcans toujours en activité, notamment celui du mont Yasur au Vanuatu. La plupart des cercles qu'il a eu l'occasion d'apercevoir émanaient de lucarnes, des ouvertures naturelles en forme de cercle situées au-dessus de fissures volcaniques qui « offrent une vue imprenable sur l'envoûtante lueur nocturne du magma », assure-t-il.

Lorsque de petites bouffées de gaz volcaniques étaient recrachées à travers ces ouvertures étroites, des cercles de fumée se formaient. Ils s'élevaient lentement, dit-il, et n'avaient que très rarement la puissance nécessaire pour dépasser le sommet du cratère avant de s'évanouir. Les résultats apportés par le nouveau modèle informatique correspondent aux observations faites par Simons ; plus l'ouverture est circulaire, « plus il y a de chances qu'elle produise un anneau de fumée, » indique-t-il.

Le modèle établi par Pulvirenti nous explique pourquoi ces anneaux de fumée n'apparaissent pas sur tous les volcans, puisqu'ils ont besoin de conditions spécifiques pour se former. Même lorsque ces conditions sont réunies, les anneaux de fumée n'apparaissent pas systématiquement, ce qui suggère que nos connaissances sur le désordre gazeux qui règne à l'intérieur des volcans présentent encore quelques lacunes.

Note de la rédaction : cet article a été initialement publié le 7 août 2019 en langue anglaise. Il a été mis à jour.

Chaque grossesse peut ajouter plusieurs mois à votre âge biologique

Des chercheurs ont découvert que le fait de faire grandir un être humain en soi à partir de zéro fait « vieillir » le corps ; rien de surprenant pour quiconque a connu une grossesse.

Une étude qui vient de paraître suggère qu’une seule grossesse peut suffire à ajouter deux à quatorze mois à votre âge biologique.

« La grossesse a un coût qui semble être détectable » dès la vingtaine, révèle Calen Ryan, auteur principal de l’étude et spécialiste de biologie humaine de l’École de santé publique de l’Université Columbia de New York.

Selon Yousin Suh, professeure de l’Université Columbia n’ayant pas pris part aux travaux publiés le 8 avril dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences et dont les recherches portent sur les conséquences de la grossesse sur le vieillissement, cette « étude capitale » confirme ce que les femmes savaient déjà : la grossesse impose un lourd tribut au corps.

L’âge chronologique, c’est-à-dire le nombre de voyages que vous avez effectués autour du soleil, peut être différent de votre âge biologique, qui correspond à l’âge apparent de vos cellules et de vos organes selon des critères biochimiques.

Calen Ryan tâche d’étudier les raisons pour lesquelles notre corps peut vieillir plus rapidement ou plus lentement que ce à quoi l’on s’attend. Il s’avère que cela relève en grande partie de l’épigénétique, c’est-à-dire des moments où notre corps décide d’activer ou d’inhiber des gènes. 

Certains événements de la vie (maladies graves, traumatismes ou périodes de stress aigu) semblent causer des « bonds » dans l’âge épigénétique, car le corps réalloue de l’énergie et des ressources pour faire face à ces défis.

Peu de fonctions biologiques sont aussi laborieuses que celle qui consiste à faire se développer une personne entière en l’espace de neuf mois seulement, et la récente étude confirme les doutes qu’avaient les scientifiques : une grossesse, en particulier lorsqu’elle est suivie d’autres grossesses, se paie en âge biologique.

 

VOTRE HORLOGE ÉPIGÉNÉTIQUE

Si notre génome est un mode d’emploi, l’épigénome est un système complexe de marque-pages, de moments marquants et de soulignements qui dit à nos cellules quels gènes lire et à quel moment. Souvent, cela se produit par méthylation, un processus par lequel de minuscules étiquettes que l’on appelle « groupes méthyles » s’attachent à une section d’ADN.

Les gènes qui doivent être actifs changent constamment selon notre environnement et selon nos expériences. Ainsi ces groupes méthyles ont besoin de se déplacer et d’être remplacés fréquemment. Pourtant, à mesure que nous vieillissons, cette machine de maintenance semble commencer à faire des erreurs : les méthylations s’accumulent à certains endroits et disparaissent à d’autres. 

En prélevant un échantillon sanguin et en dénombrant le nombre de marque-pages méthylés à des endroits clés du code génétique, les scientifiques sont en mesure de calculer l’âge épigénétique d’une personne grâce à un ensemble d’algorithmes nommés « horloges ». Si ces horloges prédisent vos chances de mourir ou de connaître des complications en matière de santé, on connaît en revanche moins les effets de la fertilité sur l’horloge biologique.

Pour en savoir davantage, Calen Ryan et ses collègues ont choisi de réaliser une étude au long cours sur la santé intergénérationnelle aux Philippines. En 2005, ils ont analysé les échantillons sanguins de 825 femmes âgées de vingt à vingt-deux ans. 

Les chercheurs ont identifié une différence frappante : le nombre de changements épigénétiques dans l’ADN des participantes a révélé que celles qui avaient été enceintes étaient biologiquement plus âgées de quatre à quatorze mois que celles qui ne l’avaient pas été, et ce même après avoir pris en compte des facteurs tel que le niveau de revenu ou le tabagisme.

 

UN EFFET CUMULATIF

Bien que d’âges proches, les femmes de l’étude suivaient déjà des trajectoires de fertilité bien distinctes ; certaines n’avaient jamais été enceintes, d’autres disaient l’avoir été une fois ou plus, et d’autres encore étaient enceintes au moment où les prises de sang ont été effectuées.

Cela a soulevé une question cruciale : le fait de tomber enceinte plusieurs fois avait-il un effet cumulatif sur le vieillissement, chaque grossesse supplémentaire faisant augmenter l’âge épigénétique de la mère ?

En se servant des premiers échantillons sanguins comme référence, les chercheurs ont prélevé de nouveaux échantillons chez 331 de ces femmes quatre à neuf ans plus tard alors qu’elles étaient enceintes. 

En comparant ces deux instantanés de l’âge épigénétique de chaque femme, Calen Ryan et son équipe ont calculé l’effet de chaque grossesse supplémentaire survenue au cours des années qui s’étaient écoulées.

« L’âge épigénétique des femmes qui avaient eu plus de grossesses durant ce laps de temps avait davantage changé », affirme-t-il. Chaque grossesse rajoutait deux à trois mois à l’âge biologique de la mère.

Selon Yousin Suh, qui étudie le coût de la reproduction pour le corps humain, les résultats de Calen Ryan constituent une avancée importante dans notre compréhension de la façon dont les grossesses multiples affectent l’âge biologique, car la majorité des recherches existantes ne s’intéressent qu’à une unique grossesse.

Cette nouvelle étude cadre selon elle avec nos connaissances en matière de fécondité élevée : tomber enceinte plusieurs fois peut raccourcir la durée de vie et accroître le risque de contracter des cardiopathies.

 

UNE RAISON D’ÊTRE OPTIMISTE

Toutefois, Yousin Suh et Calen Ryan s’accordent à dire que ceux qui souhaiteraient devenir parents ne devraient pas désespérer. En effet, il n’est pas certain qu’un âge épigénétique légèrement plus élevé lors de vos années de grossesse conduise à des complications des décennies plus tard.

D’ailleurs, selon Yousin Suh, certaines études suggèrent l’existence d’un « point idéal » en ce qui concerne la fertilité. Par exemple, dans certains cas, une ou deux grossesses peuvent être meilleures qu’aucune, car la grossesse est associée à des risques moindres de contracter certains cancers et le fait d’avoir au moins un enfant est associé à une espérance de vie légèrement plus grande.

Tandis que les scientifiques en apprennent davantage sur le vieillissement et la fertilité, « nous pouvons travailler à identifier les personnes susceptibles d’être les plus exposées », ajoute Calen Ryan, et mettre au point des stratégies pour atténuer les effets négatifs de la grossesse.

Des études récentes indiquent que le coût épigénétique de la grossesse peut varier selon les pays et les cultures, ce qui suggère que le soutien parental et l’accès à la santé jouent un rôle important. Une amélioration de ces deux facteurs pourrait atténuer l’impact de la grossesse sur l’âge épigénétique.

Yousin Suh ajoute qu’il faudra effectuer davantage de recherches pour distinguer les effets de l’éducation d’enfants et ceux de l’accouchement sur l’âge génétique, mais aussi tâcher de savoir si le fardeau de la grossesse est plus important quand les mères sont plus âgées que celles qui ont participé à l’étude.

On peut avoir l’impression qu’il est notoire que la grossesse fait vieillir, mais c’est un concept relativement nouveau dans la littérature scientifique. Et pour Yousin Suh, les recherches comme celles entreprises par Calen Ryan se sont faites attendre. « J’éprouve un grand réconfort à l’idée que des études de ce type soient en train d’être réalisées », se réjouit-elle.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Vaut-il mieux dormir sur le ventre ou sur le dos ?

Comment avez-vous dormi la nuit dernière ? Comme la plupart d’entre nous, il est probable que vos positions de sommeil suivent un cycle similaire nuit après nuit : vous commencez par vous installer dans votre position préférée et, une fois que vous êtes endormis, vous commencez à bouger et changez de position tout au long de la nuit.

Si vous vous demandez si la position dans laquelle vous dormez vous garantit un sommeil optimal, vous n’êtes pas seul. En effet, de nombreux conseils, recommandations et informations parfois contradictoires associent certaines positions à divers avantages ou inconvénients pour la santé, et le marché regorge de produits sophistiqués promettant de vous apprendre à dormir autrement.

Pourtant, nous n’avons que très peu de contrôle sur la position de notre corps pendant que nous dormons et, selon certains spécialistes, il serait préférable de ne pas forcer les choses.

« Parfois, essayer de contrôler sa position peut faire plus de mal que de bien », révèle Raman Malhotra, ancien président de l’Académie Américaine de la Médecine du Sommeil et professeur de neurologie à l’école de médecine de l’Université de Washington.

Que savons-nous vraiment des positions que nous adoptons pendant la nuit, et que pouvons-nous faire pour nous assurer un sommeil optimal ?

 

NOTRE POSITION DE SOMMEIL EST-ELLE LIÉE À NOTRE PERSONNALITÉ ?

Selon le psychologue Samuel Dunkell, auteur d’un ouvrage populaire de psychologie paru en 1977 dans lequel il qualifiait les positions de sommeil de « langage nocturne du corps », ces dernières donneraient des indications sur les traits de personnalité et la psychologie des individus.

C’est cette théorie qui a incité Joseph De Koninck, psychologue au Canada, à se demander comment nous passons réellement nos nuits. Pour le découvrir, le spécialiste a conçu une méthode consistant à photographier les positions de sommeil de ses patients tout au long de la nuit sans les réveiller. Cette expérience, qui reposait sur l’utilisation d’une caméra Super-8, a déclenché une nouvelle vague de recherches sur le comportement des individus pendant leur sommeil.

Le psychologue, aujourd’hui professeur émérite à l’Université d’Ottawa, a rapidement conclu que la position d’une personne n’était en aucun cas liée à sa personnalité, ses préférences, ni même avec la phase de sommeil en cours. En outre, selon lui, « nous ne restons pas nécessairement dans la position que nous adoptons pour nous endormir tout au long de la nuit. »

La science a toutefois permis de donner quelques réponses. Les recherches de De Koninck ont par exemple montré que les changements de position tendent à diminuer avec l’âge, et que les personnes plus âgées préfèrent de loin dormir sur le côté droit, une position qui pourrait contribuer à réguler la tension artérielle. D’autres études montrent également que nous passons en moyenne plus de la moitié de notre temps de sommeil sur le côté, et que les patients âgés et en surpoids bougent moins que les patients plus jeunes.

 

PEUT-ON, ET DOIT-ON CHANGER DE POSITION ?

Après des dizaines d’études sur le sujet, De Koninck est désormais convaincu que la position de sommeil est déterminée par l’anatomie et la physiologie des individus, plutôt que par leur psychologie. De plus, une fois endormi, le corps prend le contrôle et choisit lui-même sa position.

Malhotra partage cet avis. « Il est clair que certaines positions sont plus confortables pour certains patients que pour d’autres », affirme-t-il. Par exemple, une blessure à la jambe ou à l’épaule gauche nous incitera probablement à dormir sur le côté droit. Cependant, une fois que nous sommes endormis, il peut s’avérer extrêmement frustrant et chronophage d’essayer de s’entraîner à éviter certaines positions spécifiques.

« Il est très difficile de contrôler la position d’une personne pendant la nuit. » La majorité des patients pour qui il est nécessaire de changer de position sont ceux qui dorment sur le dos et souffrent d’apnée du sommeil, un trouble qui provoque des arrêts respiratoires à plusieurs reprises au cours de la nuit.

Pour apprendre à ne plus dormir sur le dos, certaines personnes se tournent vers des appareils sophistiqués de contrôle de la position de couchage, qui vibrent ou se gonflent lorsqu’ils détectent que le patient s’installe dans une position inadaptée. D’autres se contentent d’attacher une balle de tennis au dos de leur pyjama afin de rendre cette position inconfortable, une méthode plus simple qui, selon des études, serait tout aussi efficace que les appareils spécialisés.

Malgré tous ces efforts, apprendre à adopter une nouvelle position de sommeil par défaut peut prendre des mois, et les échecs sont fréquents. Les études montrent que les patients ont tendance à abandonner l’utilisation des balles de tennis et autres appareils spécialisés en raison de l’inconfort trop important qu’ils provoquent.

« Certains des dispositifs que nous recommandons peuvent perturber le sommeil des patients », explique Malhotra, et un sommeil de piètre qualité est lui-même associé à un large éventail de risques supplémentaires pour la santé, tels que de l’obésité, des accidents vasculaires cérébraux, des accidents et des troubles dépressifs.

 

DES MYSTÈRES PERSISTENT

Les spécialistes ont recours à des technologies de plus en plus performantes, telles que des accéléromètres, dans le cadre des études du sommeil. Pourtant, malgré ces avancées importantes, il demeure difficile de déterminer les avantages de certaines positions de sommeil, mais aussi de mettre à profit les informations dont nous disposons déjà sur ces dernières.

Des études menées sur des rongeurs suggèrent par exemple que le fait de dormir sur le côté permettrait d’améliorer les fonctions cognitives et de réduire le risque de démence, peut-être en aidant à éliminer les déchets cérébraux. Les résultats des études menées sur les animaux ne peuvent toutefois pas toujours être appliqués chez les sujets humains et, même si vous parveniez à entraîner votre corps à dormir sur le côté, il n’est pas certain que cela soit bénéfique pour la santé du cerveau à long terme.

Selon Malhotra, plutôt que de nous inquiéter au sujet d’un élément aussi difficile à contrôler, il peut être intéressant d’évaluer notre ressenti au réveil. « Le meilleur moyen de mesurer la qualité de notre sommeil reste d’analyser comment nous nous sentons le matin. » De manière générale, si vous vous sentez reposé, que vous ne souffrez pas d’apnée du sommeil ou d’autres douleurs, selon la science, il n’est pas nécessaire de vous préoccuper de la position que vous prenez pendant votre sommeil.

Ainsi, la prochaine fois que vous allez vous coucher, fermez les yeux, détendez-vous et laissez la nature suivre son cours.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Les femmes sont plus à risque de développer des maladies auto-immunes

Un système immunitaire sain défend le corps contre les maladies et les infections. Cependant, chez une personne sur dix (le plus souvent une femme) le système immunitaire dysfonctionne et attaque ses propres cellules. Ce phénomène est à l’origine de plus de 80 types de maladies auto-immunes, telles que le lupus, la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde. Selon deux études récentes, les femmes seraient plus concernées par ces maladies en raison du dysfonctionnement d’un processus censé désactiver l’un de leurs deux chromosomes X.

Une étude de l’université de Stanford a démontré qu’une molécule appelée Xist (à prononcer « existe »), dont le rôle est de désactiver l’une copie du chromosome X dans chaque cellule du corps féminin, pouvait déclencher une incontrôlable réponse immunitaire. Une autre étude française, qui n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation par des pairs, a montré que des symptômes semblables au lupus pouvaient apparaitre chez des souris âgées lorsque certains gènes du chromosome X inactif se réactivaient.

Comme la plupart des maladies auto-immunes sont diagnostiquées après la puberté, et ce davantage chez les filles que chez les garçons, on a cru que les hormones sexuelles étaient le principal facteur à l’origine de cette différence. En effet, quatre patients sur cinq atteints de maladies auto-immunes sont des femmes ; dix fois plus de femmes sont atteintes de lupus, et 20 fois plus de femmes développent le syndrome de Sjögren, une maladie qui provoque principalement un assèchement des yeux et de la bouche.

« Notre étude montre que les hormones sexuelles féminines, tout comme un deuxième chromosome X ne sont pas des conditions indispensables [au développement de la maladie], alors que cette [molécule] Xist à elle seule pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de certaines maladies auto-immunes », explique Howard Chang, dermatologue et généticien moléculaire à la faculté de médecine de l’université de Stanford, en Californie, qui a dirigé l’étude.

« Il est désormais clairement établi que le biais sexuel dans les maladies auto-immunes n'est pas le seulement lié aux hormones, mais aussi au nombre de chromosomes X présents et au processus d’inactivation du chromosome X », explique l’épigénéticienne Claire Rougeulle, qui a dirigé la seconde étude au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de l’Université Paris Cité.

Comme l’explique Jean-Charles Guéry, immunologue à l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity), « on ne savait pas du tout » qu’il existait autant d’anticorps qui ciblent et détruisent les molécules censées inactiver ou éteindre l'un des chromosomes X.

Paradoxalement, le risque accru de maladies auto-immunes chez les femmes pourrait être une adaptation évolutive visant à protéger la vie de leur progéniture. « Les femmes ont un meilleur système immunitaire pour lutter contre les maladies », explique Johann Gudjonsson, dermatologue à l’université du Michigan, à Ann Arbor.

Les femmes ont tendance à produire plus d’anticorps que les hommes, ce qui les protège, elles et leurs bébés, par le biais du lait maternel, explique Vanessa Kronzer, rhumatologue à la Mayo Clinic de Rochester, dans le Minnesota.

Les hormones aussi jouent un rôle là-dedans. Les œstrogènes féminins renforcent l’immunité, tandis que les hormones masculines limitent l’immunité, mais protègent contre l’auto-immunité. On pensait que ces différences entre les hormones sexuelles expliquaient pourquoi les femmes disposaient d’un meilleur système immunitaire, lequel les rend également plus susceptibles que les hommes de développer des maladies auto-immunes. Mais les hormones pourraient ne pas être la seule explication au phénomène.

 

L'INACTIVATION DE L’UN DES CHROMOSOMES X 

Chaque cellule du corps d’une femme possède deux chromosomes X, l’un provenant de la mère et l’autre du père. Les hommes ont un chromosome X de leur mère et un chromosome Y, beaucoup plus petit, de leur père. Le chromosome Y ne contient qu’une centaine de gènes, quand le chromosome X en contient plus de 900.

Afin que l’activité des gènes situés sur le chromosome X soit la même chez les hommes et les femmes, l’un des deux chromosomes X de chaque cellule féminine est désactivé de manière aléatoire. Cela se produit au début du développement du fœtus, lorsque la molécule Xist et ses protéines partenaires s’enroulent autour de l’un des chromosomes X et l’éteignent. À noter qu’une cellule meurt si ses deux chromosomes X restent aussi actifs l’un que l’autre.

Par conséquent, le corps féminin contient une mosaïque de cellules dans lesquelles le chromosome X de la mère ou du père est inactif. Cette inactivation du chromosome X est la raison pour laquelle la fourrure des chattes calicos présente des zones oranges et brunes : alors que certains de leurs poils expriment une couleur noire provenant d’un chromosome X actif, d’autres arborent une couleur orange provenant de l’autre chromosome.

Cependant, l’inactivation du chromosome X est loin d’être un processus exact, car 15 à 23 % des gènes du chromosome concerné échappent à l'inactivation. L’un de ces gènes, actif alors qu’il ne le devrait pas, a d’ailleurs été associé au lupus. Par ailleurs, les garçons et les hommes nés avec un chromosome X supplémentaire présentent également un risque accru de développer des maladies auto-immunes, ce qui confirme le rôle essentiel du chromosome X.

 

LA MOLÉCULE XIST DÉCLENCHE LA PRODUCTION D’AUTO-ANTICORPS

Chang étudie la molécule Xist depuis de nombreuses années et, en 2015, il a découvert que de nombreuses protéines coopérant avec Xist étaient impliquées dans des troubles auto-immuns et étaient attaquées par des anticorps malveillants, appelés auto-anticorps, qui, au lieu de combattre les envahisseurs étrangers tels que les germes, ciblent par erreur les propres cellules d’un individu.

Pour vérifier si une inactivation défectueuse du chromosome X était la raison pour laquelle plus de femmes que d’hommes souffraient de maladies auto-immunes, l’équipe de Chang a génétiquement modifié des souris mâles afin qu’elles synthétisent la molécule Xist, normalement uniquement présente dans les cellules féminines.

Cependant, la molécule Xist à elle seule n’a pas provoqué de maladie auto-immune chez les souris mâles génétiquement modifiées.

Ce n’est que lorsque les chercheurs ont injecté un irritant à ces souris mâles que leurs taux d’auto-anticorps ont augmenté et provoqué une maladie semblable au lupus. Avec l’ajout de l’irritant, les taux d’auto-anticorps chez les mâles synthétisant la molécule Xist correspondaient à ceux des femelles, et étaient plus élevés que chez les mâles non génétiquement modifiés, qui ne produisent donc pas naturellement de Xist. Ces souris modifiées présentaient également des lésions tissulaires plus importantes et des signes d’inflammation accrue lorsqu’elles étaient exposées à l’irritant.

Ainsi, la seule présence de Xist ne suffirait pas à expliquer l’apparition des maladies auto-immunes. Selon cette étude, ce n’est que lorsque les cellules sont endommagées, soit par un facteur environnemental, soit par une susceptibilité génétique, que la molécule Xist et ses partenaires protéiques s’échappent de la cellule et provoquent la production par le système immunitaire d’auto-anticorps contre le complexe Xist-protéine, déclenchant ainsi une maladie auto-immune.

« C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la plupart des femmes ne souffre pas de maladie auto-immune, explique Chang, alors que toutes les femmes expriment les molécules Xist dans leur organisme. »

 

LIENS ENTRE LE CHROMOSOME X ET LE LUPUS 

Rougeulle a collaboré avec Céline Morey, épigénéticienne à Paris, pour comprendre ce qu’il se passe lorsque le chromosome X n’était pas complètement éteint.

Pour cela, elles ont génétiquement modifié des souris femelles de sorte qu’elles présentent une inactivation imparfaite du chromosome X (dans ce cas, la plupart des gènes du second chromosome X sont inactifs, mais pas tous). Les chercheurs ont eu recours à une inactivation incomplète, car le fait de bloquer toute l’activité des molécules Xist aurait laissé les deux chromosomes X pleinement fonctionnels et aurait tué les souris. Les scientifiques français ne s’attendaient pas à ce que leurs souris développent une maladie auto-immune, et ont été surpris de constater que les souris femelles génétiquement modifiées présentaient les symptômes d’une maladie semblable au lupus.

« Les symptômes de maladie auto-immune ne se manifestent pas immédiatement chez ces souris, mais apparaîssent à mesure qu’elles vieillissent », explique Morey.

Cela confirme l’étude de Guéry de 2018 qui a montré que lorsqu’un gène qui favorise l’inflammation échappait à l’inactivation dans les cellules immunitaires, il augmentait le risque de lupus.

L’étude de Stanford et l’étude française ont pour point commun de toutes deux établir un lien entre le chromosome X et le processus d’inactivation du chromosome X, d’une part, et l’auto-immunité, d’autre part, explique Rougeulle.

Les mécanismes liés à l’inactivation du chromosome X semblent expliquer les différences entre les sexes dans certaines maladies auto-immunes telles que le lupus et le syndrome de Sjögren, déclare Guéry. « Mais il ne peut y avoir un mécanisme unique pour toutes les maladies auto-immunes. »

 

PRÉDIRE LES RISQUES DE MALADIE AUTO-IMMUNE 

L’étude de Stanford a permis de découvrir que des auto-anticorps dirigés contre de nombreuses protéines associées à Xist sont présents dans le sang de patients souffrant de maladies auto-immunes, telles que le lupus, la sclérodermie ou la dermatomyosite.

Si certains auto-anticorps sont spécifiques à certaines maladies auto-immunes, d’autres sont communs à plusieurs d’entre elles. Il pourrait donc être possible de mettre au point un panel d’auto-anticorps permettant de distinguer différentes maladies.

Rougeulle note toutefois que les études actuelles n'indiquent pas si les niveaux d’auto-anticorps augmentent de manière significative avant les maladies. D'autres études seront donc nécessaires avant de pouvoir concevoir un outil de diagnostic.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Du cuir de champignon ? La mode du futur est en marche

Retrouvez cet article dans le numéro 295 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

En Roumanie, des artisans de moins en moins nombreux pratiquent un art connu pour être multiséculaire. Ils sillonnent la forêt pour y ramasser l’amadouvier, qui pousse sur les arbres en un polypore de plusieurs centimètres de large. Le champignon est arraché du tronc et, à l’aide d’une faucille, coupé dans la longueur en fines bandes couleur de pain d’épices. Ces bandes sont ensuite martelées et étirées afin de former de larges feuilles feutrées appelées amadou, qui peuvent ensuite servir à fabriquer des chapeaux, des sacs, des bijoux ou encore des bibelots.

Outre-Atlantique, dans ce qui est aujourd’hui l’Alaska, des artisans tlingits fabriquaient déjà en 1903 des pochettes dans un matériau résistant rappelant un tapis. D’après une étude parue en 2021 dans la revue scientifique Mycologia, ce matériau provenait du polypore du mélèze, un champignon indigène des forêts primaires du Pacifique Nord-Ouest. Mais, là encore, les artisans récupéraient leurs matières premières dans la nature et ne les cultivaient pas pour une production de masse.

Aujourd’hui, à Union, en Caroline du Sud, l’entreprise de biotechnologies MycoWorks est à l’avant-garde d’une approche plus industrielle. Sous un éclairage semblable à celui d’une chambre noire, des plateaux en métal sont empilés en colonnes. Des bras mécaniques les prélèvent un à un pour permettre à une petite équipe de techniciens en combinaison stérile de les examiner à la lampe torche.

Chaque plateau sert d’incubateur à du mycélium, un réseau de fins filaments qui, chez les champignons, est analogue au système racinaire des plantes. La structure du mycélium est une petite merveille – tout à la fois souple, dense et résistante –, ce qui en fait un excellent candidat pour remplacer le cuir. Forcer le mycélium à se développer de manière prévisible est certes complexe, mais des avancées récentes de la biotechnologie ont donné naissance à un petit secteur de mycotextiles.

MycoWorks n’est qu’un exemple de ces nombreux innovateurs qui misent gros sur les mutations de la mode et du design grâce à une meilleure compréhension du mycélium.

Depuis plus de trente ans, Phil Ross, cofondateur de l’entreprise, mène des expérimentations avec Ganoderma, genre de champignons poussant de façon comparable à l’amadouvier.

Il a d’abord envisagé de réaliser des matériaux de construction mycologiques, mais, après avoir été sollicité par une marque de chaussures en 2015, lui et Sophia Wang, cofondatrice de MycoWorks, se sont réorientés vers la mode. Le matériau qu’ils produisent a été appelé Reishi, d’après le nom japonais de Ganoderma. Ces dernières années, les produits de MycoWorks ont servi à la confection de sacs Hermès et de coussins pour Ligne Roset.

Cette opération techniquement simple et peu énergivore commence avec des déchets agricoles, comme de la sciure et du son de blé, chauffés pour tuer toute vie microbienne susceptible de concurrencer le champignon. Une fois stérilisé, ce substrat est placé sur des plateaux de différentes tailles. C’est là que Ganoderma fait son entrée, pour digérer la biomasse et y prospérer. Dans certains cas, du tissu est ajouté afin de guider la croissance du mycélium, créant ainsi un matériau composite. La feuille de mycélium est enfin retirée du bloc de sciure, et son développement s’arrête. Dès lors, elle peut être « tannée », donnant un matériau qui ressemble à s’y méprendre à du cuir traditionnel et utilisable pour fabriquer des sacs à main ou des chapeaux.

Le PDG de MycoWorks, Matt Scullin, displômé en sciences des matériaux, vante la structure du mycélium, composé de filaments (hyphes) qui s’entremêlent et se ramifient tout en conservant de l’espace entre les cellules. Ce qui donne l’une des propriétés les plus séduisantes du Reishi. « Sa texture est proche du velours, souligne Matt Scullin. Il est souple et absorbe […] la chaleur de la main au toucher. »

Si le mycélium peut pousser dans des entrepôts mécanisés, la fondatrice de la société néerlandaise Neffa, Aniela Hoitink, utilise quant à elle la culture en milieu aqueux pour créer des sacs, des hauts courts et même des abat-jour. Neffa a recours à des bioréacteurs – rappelant les cuves de fermentation d’une brasserie – pour produire une « bouillie » de mycélium qui est égouttée, puis versée dans un moule afin de prendre la forme souhaitée en séchant. 

« On peut vraiment créer à partir du produit, au lieu de créer selon les contraintes du matériau », souligne Aniela Hoitink en pliant et étirant le matériau noir brillant d’un sac de sa fabrication, dont l’aspect est à mi-chemin entre le plastique et le cuir. « Techniquement, le fond [du sac] doit être plus solide. On peut donc se dire qu’il suffit d’ajouter un peu de biomasse à ce niveau pour qu’il soit plus épais et résistant. »

Ce procédé simple offre à Neffa une grande souplesse sans demander beaucoup de travail. L’essentiel, ajoute Aniela Hoitink, tient à la liberté d’expérimentation offerte. « Comme c’est une sorte de pâte, il est facile d’y ajouter des ingrédients », précise la créatrice avant d’indiquer que la prochaine étape pourrait être d’y faire infuser des parfums ou des composés dermatologiques traitant des affections comme le psoriasis.

Ce n’est qu’une des différences existant entre ce produit et le cuir classique. MycoWorks comme Neffa se soucient par ailleurs de leur empreinte environnementale et du cycle de vie complet de leurs marchandises. Le Reishi de MycoWorks, par exemple, est intégralement biodégradable, ce qui laisse penser qu’il sera possible, un jour, de jeter au compost une vieille paire de chaussures.

Tandis que de grandes entreprises espèrent utiliser les champignons pour produire en masse des matériaux écologiques complètement nouveaux, des créateurs indépendants explorent leur potentiel à modifier ou à décomposer les monceaux phénoménaux de tissus jetés partout dans le monde. Helena Elston, une créatrice basée à New York, étudiait la mode à Londres il y a quelques années lorsqu’elle a mis au point une méthode éthique de gestion des déchets du secteur de la mode. Récupérant de vieux habits ou des chutes de tissu, elle crée de nouveaux vêtements, qu’elle stérilise avant d’y coudre une pièce de mycélium en appliqué.

Au cours des mois qui suivent, elle observe le mycélium envahir le tissu. Parfois, il ne se nourrit que des fibres naturelles et ignore celles qui sont synthétiques. D’autres fois, il assemble les teintes en créant des formes tourbillonnantes aux couleurs incroyables. Lors d’expériences précédentes, Helena Elston a laissé le mycélium désagréger complètement un matériau existant. « Il semble doté d’un savoir intellectuel qui nous fait défaut à nous, humains, se plaît à imaginer la créatrice. Les plus belles pièces sont apparues alors que je ne contrôlais pas la situation. »

Maggie Paxton, mycophile new-yorkaise, se met quant à elle en quête de nouveaux pigments lors de ses cueillettes et applique des teintures fongiques à des robes en soie pour la marque Coach. Elle a récemment ramassé des sclérodermes vulgaires – des champignons qui ressemblent à de vieilles balles de golf – et les a fait bouillir dans une marmite. Le résultat l’a stupéfiée : cette teinture conférait à la soie « le plus joli des roses pastel », une couleur qui pourrait inspirer une future collection. 

De nombreux créateurs continuent d’être surpris par les comportements des champignons, au point d’y voir une coopération avec une intelligence extraterrestre pleine de vie. « C’est ce qui explique l’enthousiasme dans cette discipline, affirme Maggie Paxton. Nous ignorons quels procédés magiques se cachent juste là, sous nos yeux. » Il ne reste plus qu’à poursuivre l’exploration.

Les microplastiques ne sont pas un indicateur fiable de l’Anthropocène

Pour définir le début d’une nouvelle ère géologique, un marqueur précis doit être choisi. Cela ne semble pas être le cas des microplastiques.

Comment sont utilisées vos données de géolocalisation ?

Que vous soyez très connecté ou plutôt technophobe, la réalité est faite ainsi : les données relatives aux endroits où vous mangez, dormez, faites vos courses et sortez sont à portée de main. 

Aujourd’hui, nous transportons avec nous de minuscules ordinateurs partout où nous allons et presque tous recueillent et partagent des quantités massives d’informations personnelles, notamment des données de géolocalisation, avec des entreprises privées qui peuvent les revendre. 

« Les dispositifs de géolocalisation sont capables de choses étonnantes, nous permettant de nous connecter avec n’importe qui dans le monde [et] d’accéder à des informations de manière inouïe. Mais elles permettent également aux entreprises et aux gouvernements de suivre nos moindres mouvements et même nos moindres pensées comme jamais auparavant », affirme Kade Crockford, à la direction du programme Technology for Liberty de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) du Massachusetts. La mission de cette association à but non lucratif est de défendre et préserver les droits et libertés individuelles, et ce projet vise à renforcer et protéger le droit à la liberté d’expression, d’association et de vie privée contre les pratiques intrusives à travers les nouvelles technologies. 

 

LES TECHNOLOGIES DE GÉOLOCALISATION : DIFFICILE DE LES REFUSER

Pour certaines personnes, les systèmes de géolocalisation sont synonymes de tranquillité d’esprit. Nombre d’entre elles utilisent des applications permettant de partager leur position à leurs amis et à leur famille. Des dispositifs tels que le AirTag d’Apple ou le Galaxy SmartTag de Samsung ont été plébiscités par les parents désireux de suivre leurs jeunes enfants et même par les personnes voyageant beaucoup et qui ont tendance à étiqueter leurs effets personnels en cas de perte de bagages. Par ailleurs, le géotagging va de pair avec de nombreuses publications sur les réseaux sociaux car il permet de situer les personnes qui l’utilisent à n’importe quel endroit donné en temps réel.

L’aspect pratique constitue un autre avantage considérable. Les applications de navigation telles que Google Maps se servent de données de géolocalisation en temps réel pour collecter des informations sur l’état du trafic dans une région donnée, ce qui permettrait aux personnes derrière leur volant de faire des choix plus éclairés concernant leurs déplacements et de créer des résultats de recherche personnalisés relatifs aux endroits que les utilisateurs aimeraient visiter. 

Des systèmes de géolocalisation similaires sont présents dans les applications météorologiques et les applications de cartographie comme Maps d’Apple, qui utilisent les capteurs de l’appareil afin de collecter des données telles que les coordonnées GPS et les informations transmises par Bluetooth pour fonctionner.

Même les compagnies d’assurance automobile ont commencé à suivre les données de conduite pour prédire les comportements à risque des assurés, en modifiant les primes ou en offrant des réductions sur la base d’informations telles que la fréquence et l’intensité d’accélération ou de freinage.  

Cette intrusion au niveau des données personnelles peut sembler plus acceptable lorsque des produits et des services plus personnalisés sont obtenus en contrepartie.

Pourtant, Alessandro Acquisti, professeur en technologies de l’information et politique publique au Heinz College de l’université Carnegie Mellon, explique qu’au niveau économique, il est difficile d’estimer quel acteur bénéficie en réalité davantage de ces expériences utilisateur personnalisées. Cela concerne notamment celles générées à partir des données de géolocalisation, telles que les publicités comportementales : par exemple, si vous vous trouvez fréquemment dans des cafés, vous pourriez voir des publicités pour des produits à base de café ou pour d’autres établissements situés à proximité. 

« Les acteurs de l’intermédiation publicitaire peuvent utiliser stratégiquement la quantité d’informations qu’ils recueillent sur les consommateurs pour en tirer le meilleur plutôt que ce ne soit les autres parties prenantes de l’écosystème », indique-t-il. « La géolocalisation, dans le domaine de la publicité, ne semble pas être aussi bénéfique pour les consommateurs que ce que l’on prétend généralement. »

 

LA GÉOLOCALISATION DONT VOUS N’AVEZ PEUT-ÊTRE PAS CONSCIENCE

Bien que les smartphones, les montres connectées et les ordinateurs soient parmi les coupables les plus évidents, il existe de nombreux types de technologies avec lesquelles nous partageons sans le savoir les parties les plus confidentielles de notre vie. 

Il a été constaté que des applications bancaires telles que Venmo suivaient les données géographiques de votre téléphone afin de détecter les fraudes et d’empêcher les transactions suspectes. Les systèmes de sécurité domestique utilisent les données de géolocalisation pour mettre en place une barrière virtuelle appelée « Geofence » qui permet d’automatiser certaines fonctions, telles que les modes indiquant la présence et l’absence au domicile, lorsque vous quittez le périmètre du système. Les gadgets tels que les caméras d’aéroport dotées d’une technologie de reconnaissance faciale intégrée ont toujours suscité des inquiétudes en matière de sécurité car les données qu’ils contiennent pourraient inévitablement être utilisées contre vous.

Des fragments de votre vie personnelle, comme les clics et les cookies sur les sites web, les achats par carte bancaire et bien d’autres types de traceurs peuvent également contribuer à la création de votre identité numérique. 

« Lorsque vous considérez ces données individuellement, cela ne semble pas si intrusif », indique Sandra Matz-Cerf, spécialiste en sciences sociales computationnelles à la Columbia Business School qui utilise les mégadonnées pour étudier la relation entre l’environnement numérique et le comportement humain. « Si vous associez les traces laissées par les données, vous obtenez une idée assez précise de l’identité de cette personne à un niveau beaucoup plus intime. »

À tout moment, ces données sont également vendues au plus offrant. Les plus sensibles peuvent être distribuées par des courtiers en données à des gouvernements étrangers, aux forces de l’ordre et aux employeurs. 

« Je pense qu’il est impossible pour une personne d’avoir une idée de la quantité de données la concernant qui sont disséminées dans le monde entier », déclare Thorin Klosowski, militant pour la sécurité et la protection de la vie privée qui travaille pour l’Electronic Frontier Foundation, une organisation à but non lucratif dont l’objectif est de défendre la vie privée et la liberté d’expression dans le domaine du digital. 

Si ces données de géolocalisation tombent entre de mauvaises mains, des personnes mal intentionnées peuvent s’en servir pour trouver des victimes potentielles et leur nuire. Les agresseurs présents dans l’environnement personnel sont connus pour utiliser les technologies de géolocalisation afin de trouver et d’intimider leurs victimes, tandis que les escrocs et les pirates informatiques peuvent utiliser des informations numériques plus détaillées et des données de géolocalisation pour créer des hameçonnages ciblés.

Par ailleurs, les autorités utilisent souvent les données relatives à la géolocalisation et à l’historique de navigation pour faciliter les enquêtes policières et, jusqu’à récemment, pour obtenir des mandats concernant des utilisateurs susceptibles de s’être trouvés dans une zone spécifique. Aux États-Unis, d’autres atteintes à la vie privée, à plus grande échelle, risquent également d’empêcher des personnes de recourir à l’avortement, pouvant à l’avenir mettre en danger leurs moyens de subsistance, ainsi que leur santé mentale.

 

ENCOURAGER LES RESTRICTIONS RELATIVES À LA CONFIDENTIALITÉ 

« Prendre réellement le contrôle total de vos données serait un travail vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept », déclare Sandra Matz-Cerf. « Je pense que c’est une tâche pour laquelle nous ne sommes pas préparés, à la fois parce que nous n’en comprenons pas toutes les implications et parce que personne n’en a le temps. »

En Europe, le RGPD s’applique aux entreprises, aux organismes publics et aux associations quelles que soient leur taille ou leur activité, dès lors qu’ils traitent des données personnelles de personnes physiques se trouvant sur le territoire de l’Union européenne. Le RGPD s’applique également aux entreprises ayant leur siège en dehors de l’UE qui traitent les données de citoyens européens.

Ce sont les autorités indépendantes de chaque État (en France, la CNIL) qui contrôlent l’application de la législation relative à la protection des données. Elles sont « dotées de pouvoirs d’enquête et peuvent imposer des mesures correctrices, en cas d’infraction. »

Pour les personnes qui souhaitent se protéger à plus petite échelle contre les violations de leurs propres données de géolocalisation, Thorin Klosowski leur suggère de désactiver leur identifiant publicitaire, de se familiariser avec les paramètres de confidentialité de leur téléphone et de se renseigner sur les applications qui accèdent à ces données. 

« Le besoin de protection de la vie privée semble être une caractéristique universelle présente dans le cerveau humain », déclare Alessandro Acquisti. « Même face à ces technologies de surveillance toujours plus envahissantes, les êtres humains tenteront toujours de se créer des espaces privés dans cet environnement contrôlé. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Quels sont les effets des vols long-courriers sur votre corps ?

Si vous avez récemment effectué un vol long-courrier dans un siège aux possibilités d’inclinaison limitées, l’inconfort que vous avez éprouvé est peut-être encore péniblement présent.

Tandis que la taille des sièges et l’espace entre ceux-ci (c’est-à-dire la place que vous avez pour vos jambes) ont rétréci depuis les années 1990, le temps que passent les passagers dans les airs a, lui, considérablement augmenté.

Fin 2025, la compagnie Qantas inaugurera une liaison sans escale entre Sydney et Londres : un vol direct de vingt heures qui sera le plus long au monde. Mais pour l’instant, c’est Singapore Airlines qui détient le record absolu de durée avec son New York - Singapour, qui dure plus de dix-huit heures.

Les désagréments que présentent les vols long-courriers ne se résument pas aux postures incommodes, loin de là : l’air sec assèche la gorge, le nez et la peau, et les variations de pression en phase d’ascension et de descente peuvent affecter les sinus. Pis encore, si des caillots sanguins venaient à se former au niveau des extrémités et à se déplacer vers les poumons, votre vol pourrait s’avérer mortel.

Mais selon certains spécialistes, la plupart d’entre nous n’avons pas de souci à nous faire. « En général, prendre l’avion est sans danger pour tout un chacun et les problèmes ne surviennent que lorsque vous avez une comorbidité », rassure Michael J. Manyak, urologue, médecin d’expédition et membre de l’Explorers Club.

Dans cet article, des experts détaillent la façon dont le corps humain réagit aux longues heures de vol et ce que nous pouvons faire pour atténuer l’inconfort. 

 

AIR SEC ET VARIATIONS DE PRESSION ATMOSPHÉRIQUE

En haute altitude, lorsque les conditions atmosphériques sont arides, environ 50 % de l’air circulant en cabine est prélevé en dehors de l’avion. Ainsi, comme le fait remarquer Michael J. Manyak, cet air est généralement bien moins humide que celui que l’on respire à terre. Cet environnement peut donc assécher excessivement les yeux, le nez et le bouche.

« Vos muqueuses s’assèchent, explique-t-il. L’air sec contribue à un manque de lubrification des systèmes de votre corps. » Le fait de boire de l’eau en grandes quantités avant et durant votre vol vous aidera à rester plus à l’aise et améliora également votre circulation.

D’ailleurs, précise-t-il, si l’air froid et sec peut exacerber certaines maladies respiratoires telles que l’asthme, la plupart des gens peuvent se concentrer sur leur simple inconfort et n’ont pas à se soucier d’autres symptômes.

Selon Laleh Gharahbaghian, médecin et professeure de médecine d’urgence à l’Université Stanford, les variations de pression atmosphérique lors des phases de décollage et d’atterrissage entraînent un changement d’air dans les sinus et peuvent donner lieu à des douleurs nasales et auriculaires chez certaines personnes.

« Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui souffrent de maladies liées aux sinus, les personnes en bonne santé n’ont, eux, que l’impression vague ‘d’avoir besoin de se déboucher les oreilles’ », développe-t-elle.

Laleh Gharahbaghian recommande de consommer des décongestionnants avant un vol, de boire de l’eau et de prendre des médicaments anti-inflammatoires si vous avez un rhume ou le nez congestionné.

À propos de rhumes, bien que l’on puisse avoir l’impression de tomber malade ou d’attraper froid chaque fois que l’on prend l’avion, c’est plus vraisemblablement dans les aéroports que la véritable exposition se produit, « là où tout le monde se mélange, dans les salles d’embarquement où il n’y a pas de filtres à air », d’après Michael J. Manyak. Selon l’IATA, en cabine, l’air est à moitié filtré par HEPA, et à moitié pompé à l’extérieur de l’appareil ; il est également renouvelé vingt à trente fois par heure.

 

COURBATURES

Lorsque vous n’avez pas l’occasion de bouger, vous vous maintenez généralement dans une certaine position ; ce qui se traduit par un recrutement prolongé de vos muscles qui donne à son tour lieu à des courbatures.

Selon Lelah Gharahbaghian, il n’est pas inhabituel d’avoir des courbatures au niveau du dos, du cou, voire même des cuisses, lorsque l’on se maintient dans la même position durant un long moment.

Elle ajoute qu’il peut être utile de se lever et de marcher dans les allées lorsque cela est sans danger ou même d’ajuster la position de son corps et de faire une chose aussi simple que de lever les talons plusieurs fois de suite tout en restant assis.

Selon Kevin Lees, directeur des opérations de chiropraxie chez The Joint Chiropratic, la plupart des blessures peuvent sembler empirer après une longue période passée en position assise, car l’inflammation a libre champ pour s’installer si aucun mouvement n’est fait pour l’éliminer. Les blessures dorsales ne font bien entendu pas exception à la règle, et une flexion prolongée (en l’occurrence le fait de rester assis pendant plusieurs heures) peut causer une pression sur les disques, des coussins caoutchouteux intercalés entre les vertèbres de la colonne vertébrale, en particulier dans le bas du dos.

 

DIGESTION LENTE ET DIFFICULTÉS À RESPIRER

Selon Kevin Lees, le système digestif est lui aussi touché lorsque l’on reste assis trop longtemps, car le mouvement de la nourriture ralentit au niveau des intestins.

« Si vous êtes sédentaire, la stimulation physique ne va pas jusqu’aux intestins, explique Michael J. Manyak. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous essayons de faire se lever et marcher les patients après une opération chirurgicale. C’est également bon pour la circulation et la cicatrisation des plaies. »

Comme le rappelle Kevin Lees, une posture affaissée est susceptible de restreindre le mouvement des côtes, et donc de ralentir et de raccourcir la respiration. « Un souffle court peut conduire à une absorption d’oxygène moindre. […] Cela peut provoquer un brouillard cérébral, des vertiges, voire même de l’épuisement. »

Il ajoute qu’une posture avachie peut également causer des reflux gastriques et parfois des nausées. Selon Michael J. Manyak, les éventuels nausées et mal des transports ont tendance à ne pas durer, car les pilotes tentent de se déporter des zones de turbulences dès que possible. « Le mal des transports s’en va presque aussitôt que l’environnement se stabilise », indique-t-il.

 

THROMBOSE VEINEUSE PROFONDE ET CAILLOTS SANGUINS EN AVION

Le principal risque que comporte un vol long-courrier pour votre corps, et de loin, est une chose qui est également susceptible de vous toucher à terre lorsque vous demeurez trop longtemps dans une posture bridée.

« Le pire est la thrombose veineuse profonde (TVP) ou alors la formation d’un caillot sanguin dans les jambes, prévient Lelah Gharahbaghian. Le passage d’un caillot sanguin de vos jambes à vos poumons peut présenter un danger de mort. »

Gonflements, palpitations et douleurs font partie des différents symptômes de la TVP, rappelle Michael J. Manyak. « La douleur survient parce que vous avez bloqué la circulation du sang et son retour vers le cœur […] Les veines concernées gonflent et cela est douloureux. »

Selon ce dernier, qui a lui-même appris qu’il était atteint d’un trouble de la circulation sanguine héréditaire après qu’un caillot l’a fait souffrir à la suite d’un vol transatlantique, il existe une multitude de facteurs susceptibles de prédisposer les passagers d’un avion à la TVP.

Selon lui, parmi ces facteurs figurent notamment le fait d’avoir un passif familial en matière de caillots sanguins, d’être enceinte ou d’avoir accouché récemment, d’être atteint d’un cancer, d’être ou d’avoir récemment suivi un traitement anti-cancéreux, de prendre la pilule, etc.

Il ajoute que le fait de se lever lors d’un vol pour parcourir les allées toutes les heures environ, de lever plusieurs fois de suite les talons en restant assis et de porter des bas de contention, qui favorisent la circulation sanguine dans les jambes, ne sont que quelques conseils parmi d’autres que vous pouvez suivre pour empêcher le sang de s’accumuler dans les extrémités du bas de votre corps lors de vols longs.

C’est un bon conseil pour quiconque est pris d’une agitation irrationnelle en pensant au prochain vol long-courrier. « Le principal facteur d’inconfort pour les voyageurs durant un vol long-courrier est le fait que l’on ne bouge pas », conclut Michael J. Manyak.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Le cervelet, maître des émotions et du mouvement

Logé à l’arrière de notre cerveau, le cervelet est bien plus important qu’on l’a longtemps cru : il ne gère pas seulement nos mouvements, mais les associe à nos émotions et régule nos interactions sociales !

Le mystère du " syndrome de la Havane " enfin résolu

Pour cette semaine du 1er avril : l'origine du mystérieux " syndrome de la Havane " dévoilée, l'arrivée de vagues de chaleurs de plus en plus longues, les 5 habitudes à modifier pour éviter le cancer, des voitures hybrides qui consommeraient plus que prévu et des dessins préhistoriques figés...

Notre peur de vieillir a des effets néfastes sur la santé mentale de nos enfants

Récemment, mon miroir m’a montré de drôles de choses. Mes cheveux virent au blanc, de petites lignes se sont creusées autour de mes yeux, et mes joues se creusent ; des rides de la marionnette que mon visage de 43 ans ne peut plus dissimuler. Devrais-je changer ma routine de soins de nuit ?

Une rapide recherche en ligne m’apprend que j’ai une bien étrange compagnie : des préadolescentes obsédées par les effets de l'âge. Ces « Sephora Kids », comme on les appelle, ont pris d’assaut les boutiques de cosmétiques, échangeant leur argent de poche contre des potions anti-âge dans l’espoir de rester jeunes à jamais. Une tendance qui inquiète.

Ces jeunes clientes en quête d’une fontaine de jouvence prématurée sont-ils le signe d’un futur désastre ou sont-ils simplement le reflet d’une société superficielle alimentée par les réseaux sociaux, les filtres et les placements de produits ? 

« Nous vendons l’idée que nous sommes tous contre le fait de vieillir et que nous devrions en avoir peur », m’explique Laura Hurd, sociologue et professeure à l’Université de Colombie-Britannique. 

 

L'ESSOR DU MARKETING COSMÉTIQUE

Je ne suis personne pour me moquer de cette tendance. J’ai été moi-même une enfant influençable, et je me rappelle très bien, lorsque j’étais adolescente au début des années 1990, prendre l’argent que je gagnais en tant que baby-sitter, aller au supermarché d’à côté pour acheter un cornet de glace puis m’asseoir à côté du présentoir pour lire tous les magazines pour adolescents de la première à la dernière page.

Ces magazines m’ont appris qu’il était de mon devoir d’avoir « bonne mine » et un visage charmant, de dissimuler avec art le moindre bouton ou reflet luisant sur mon nez, que mon statut social et mon bonheur futur risquaient d’être mis à mal par des cernes ou des taches de rousseur, que j’avais par millions et qui, j’en étais convaincue, me condamnaient à être une éternelle paria. Pourtant, il ne m’est jamais venu à l’idée de piquer les crèmes anti-âge de ma mère.

Cela ne surprend pas l’historienne Kathy Peiss, autrice de Hope in a Jar : The Making of America’s Beauty Culture. Ses recherches montrent comment les enfants et les adolescents (en particulier les filles), sont devenus les cibles d’un marketing florissant au 20e siècle. 

Avant la Seconde Guerre mondiale, le maquillage était principalement destiné aux femmes dans la vingtaine ou plus, et de nombreuses personnes fabriquaient elles-mêmes leurs concoctions pour parfaire leur teint. Puis dans les années 1940, les fabricants de cosmétiques ont commencé à segmenter le marché et à concevoir des produits et des publicités destinés aux adolescentes et aux enfants. Les deux tranches d’âge avaient leurs « propres » produits vedettes : des produits anti-acné et des articles à la mode pour les adolescentes, des kits de maquillage pour les plus jeunes.

À l’époque, les produits anti-âge étaient uniquement l’apanage des femmes plus âgées, désireuses de (voire prêtes à tout pour) préserver leur apparence ; ce qui explique probablement pourquoi les autres adolescentes et moi-même ne pensions pas à utiliser de tels produits.

Aujourd’hui encore, les traitements contre l’acné s’adressent aux adolescents. Cependant, avec les réseaux sociaux, ces produits apparaissent également dans les contenus des influenceurs beauté, ces personnalités publiques qui ne cachent pas avoir recours à des produits anti-âge, au botox et à d’autres interventions cosmétiques. À cause de l’omniprésence de ces produits (vendus par les publicitaires comme le « Saint Graal » aux consommateurs), les adolescents sont aujourd’hui plus susceptibles d’en acheter. Le phénomène est tellement répandu que des géants de la cosmétiques cherchent d’ailleurs à s’en éloigner : la multinationale britannique Unilever a par exemple lancé une campagne pour « protéger l’estime de soi des jeunes filles face à la pression des soins anti-âge ».

 

UN MIROIR DÉFORMÉ PAR LES FILTRES

Le mythe de ma jeunesse selon lequel un visage sans défaut était à la fois préférable et à la portée de tous était alimenté par des images retouchées qui entretenaient l’illusion que d’autres possédaient réellement ces traits de rêves.

J’ai par la suite appris que cette technique était aussi vieille que la photographie elle-même. Au milieu du 19e siècle, les clients imploraient les photographes de camoufler leurs imperfections à l’aide d’un coup de pinceau ou d’aérographe, à une époque où la photographie avait tellement évolué que l’on pouvait distinguer les moindres rides et pores du visage, explique Peiss. « Ce qui est différent aujourd’hui, dit-elle, c’est que c’est à la portée de tout le monde »

Des applications comme Facetune et les outils de retouche photo faciles d’utilisation intégrés dans n’importe quel smartphone ont plus que jamais facilité la création d’une image (et donc d’un visage) sans défauts. L’omniprésence des filtres a même engendré son propre mouvement de contestation : #nofilter, à travers lequel les utilisateurs de réseaux sociaux avancent poster des photos authentiques, sans filtre. Reste que cette tendance est bien moins répandue que ce que l’on pourrait croire : selon une étude, jusqu’à 90 % des gens éditeraient leurs selfies avant de les mettre en ligne. 

Cela a des conséquences bien réelles : dans une étude publiée en 2023, les participants qui éditaient leurs photos avaient plus tendance à se percevoir comme moins attirants. Ils pratiquaient également ce que les théoriciens appellent « l’auto-objectification », le fait d’internaliser ce qu’un spectateur extérieur pourrait penser de leur apparence, au lieu de prioriser leur propre perception d’eux-mêmes. L’auto-objectification est associée à du body-shaming, des troubles de l’alimentation et des troubles de l’humeur comme la dépression.

Des études ont démontré que les adolescents utilisaient parfois les selfies pour obtenir l’approbation de leurs pairs ainsi que pour faire face à leur dysmorphophobie, une maladie mentale qui centre de façon obsessionnelle l’attention du malade sur ses soi-disant « défauts » physiques. Et les réseaux sociaux n’améliorent pas les choses : dans le cadre d’une enquête nationale représentative de 2022, les parents d’enfants âgés de 8 à 18 ans complexés par leur apparence, étaient deux fois plus susceptibles de déclarer que l’image de soi de leur enfant était davantage touchée par les réseaux sociaux que par la vie réelle.

Les réseaux sociaux ont toujours su adapter leur contenu aux individus. Mais aujourd’hui, les tendances qui auraient autrefois mis des mois ou des années à devenir massivement populaires le deviennent en quelques jours. Au lieu de continuer à envoyer des messages de masse, les publicitaires concentrent leurs efforts sur des micromarchés extrêmement ciblés fondés sur la démographie et le comportement des internautes. C’est une évolution inquiétante, qui donne soudain tout son sens à cette tendance des produits anti-âge chez les enfants. 

 

QUELS EFFETS SUR LES JEUNES (ET TRÈS JEUNES) ?

On se demande bien sûr si la peau sensible (et dépourvue de rides !) d’un enfant peut supporter les puissants ingrédients censés éliminer les rides pour toujours. D’autant plus que les cas de réactions allergiques et d’éruptions cutanées sont légion. On ignore également quelles peuvent être les conséquences des injections préventives de Botox, conçues pour empêcher l’apparition des rides, sur les jeunes peaux.

Plus j’assiste à ces phénomènes, plus je m’inquiète des répercussions que pourrait avoir le manque de figures âgées en ligne sur le sens des réalités des enfants et sur la perception qu’ils auront d’eux-mêmes lorsqu’ils commenceront à vieillir à leur tour.

Hurd craint autre chose : le fait que l’intérêt accru pour les produits « anti-âge » ne perpétue les préjugés. « Nous ne cachons pas être contre le fait vieillir, explique-t-elle, et nous vendons l’idée que nous devrions en avoir peur, ou mieux, le combattre. »

Cette peur de vieillir a de réelles répercussions sur les personnes plus âgées, explique Hurd, qu’il s’agisse d’âgisme occasionnel, ou de pratiques institutionnelles et sociales qui excluent, déshumanisent et mettent en danger les personnes plus âgées. Les recherches de Hurd ont révélé que la stigmatisation sociale nuisait à l’estime de soi des personnes plus âgées, et en particulier des femmes.

L’estime de soi ne constitue que la partie émergée de l’iceberg : des discriminations au travail, des difficultés à avoir une vie sentimentale, et une perte de « monnaie sociale » vont toutes de pair avec l'apparition des signes de l’âge. L’âgisme peut même favoriser la maltraitance des personnes âgées : bien que la recherche sur ce sujet n’en soit qu’à ses débuts, les chercheurs établissent des liens entre le fait de commettre et le fait de tolérer des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées.

« Le langage anti-vieillissement est problématique », explique Hurd. « Pourtant, nous l’acceptons. »

Or nous n’avons pas à le faire, et peut-être que la supposée épidémie des Sephora Kids nous offre, à nous adultes, l’opportunité de sonder nos propres attitudes face au vieillissement.

Et si au lieu de scruter nos traits à la recherche du moindre signe de relâchement cutané nous considérions le fait d’avoir plus de rides, de creux et de cicatrices comme un privilège ? Et si nous apprenions à nos enfants à reconnaître un filtre, à repérer un « deepfake », ou à identifier les signes révélateurs d’une importante retouche photo ?

Cela peut sembler utopique, mais, comme le fait remarquer Hurd, nous avons des moyens concrets de combattre l’âgisme : nous pouvons plaider en faveur de politiques qui soutiennent les personnes âgées, apprendre à connaître nos aînés et chercher des moyens de mélanger les générations dans leur vie sociale.

Une fois mon appel avec Hurd terminé, j’ai décidé de rayer « sérum de nuit anti-âge » de ma liste et de me rappeler de chercher mes 43 ans d’expérience la prochaine fois que je passerai devant miroir. Il est temps de lutter contre l’âgisme que j’ai moi-même intériorisé.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Qu’est-ce que la sérotonine et peut-on vraiment la "booster" ?

Vous avez certainement entendu parler de la sérotonine, une molécule surnommée « hormone du bonheur ». Il est communément admis que celle-ci contribue à l’humeur, au sommeil, à l’apprentissage, à la mémoire, à la digestion et plus encore ; à vrai dire, les scientifiques pensent qu’elle a une influence sur presque chaque système du corps humain. Ainsi il n’est pas surprenant que le marché regorge de compléments alimentaires qui prétendent stimuler le taux de sérotonine.

Cependant, en dépit des différentes fonctions qu’on lui prête, la sérotonine est encore mal comprise et son importance vis-à-vis de l’humeur, entre autres choses, est tout sauf inscrite dans le marbre de la science. Qu’est-ce que la sérotonine exactement ? L’augmentation de sa concentration dans le corps améliorera-t-elle votre santé et vous rendra-t-elle plus heureux ?

 

QU’EST-CE QUE LA SÉROTONINE ET COMMENT EST-ELLE PRODUITE ?

La sérotonine est un neurotransmetteur, un composé chimique du système nerveux central dont les neurones se servent pour communiquer les uns avec les autres. En dehors du cerveau et de la moelle épinière, elle peut agir comme une hormone et acheminer des messages entre des cellules non neuronales, ainsi que l’explique Jesse Bracamonte, médecin généraliste à la Mayo Clinic, en Arizona. Certaines études suggèrent « qu’elle peut influencer votre humeur, votre capacité d’apprentissage, votre libido, voire même la cicatrisation des plaies », indique-t-il.

La sérotonine est principalement produite dans le cerveau et dans l’intestin. Dans le tronc cérébral, un amas de neurones, qu’on appelle les « noyaux du raphé », absorbent le tryptophane, un acide aminé essentiel, et le convertissent en sérotonine. D’après Bryan Roth, professeur de pharmacologie à la Faculté de médecine de l’Université de Caroline du Nord, les neurones des noyaux du raphé envoient des axones semblables à des pieds de vigne dans l’ensemble du système nerveux.

Bien que la sérotonine fasse l’objet d’une grande attention pour son action dans le cerveau, son rôle en dehors de celui-ci pourrait s’avérer tout aussi important. Seule une fraction de la sérotonine présente dans le corps est en réalité produite dans le tronc cérébral. La majorité (95 % environ) est produite dans des cellules dédiées, les entérochromaffines, qui tapissent l’intestin. Les cellules de la peau, des poumons et celles ayant trait au goût produisent également de petites quantités de sérotonine.

Bien qu’une petite fraction seulement des neurones du corps fabriquent de la sérotonine, les neurones de toutes les régions du cerveau sont dotés de récepteurs dédiés, ce qui signifie qu’ils sont probablement capables de reconnaître et de réagir à une sécrétion de ce neurotransmetteur.

« Il existe un nombre colossal de types de récepteurs différents, et qui sont présents sur un nombre colossal de types de neurones. Cela explique, dans une large mesure, la myriade d’effets qu’a la sérotonine », explique Bryan Roth. Par exemple, certains récepteurs de la sérotonine stimulent l’activité neuronale, tandis que d’autres l’inhibent.

 

QUEL EST LE LIEN ENTRE SÉROTONINE ET HUMEUR ?

Ainsi qu’en témoigne l’utilisation répandue des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), classe de médicaments efficace pour lutter contre la dépression, les chercheurs sont depuis longtemps convaincus que la sérotonine participe à la régulation de l’humeur. Ces médicaments empêchent les neurones de réabsorber et de dégrader la sérotonine, ce qui en fait théoriquement augmenter la quantité disponible dans le cerveau.

Mais le rôle de la sérotonine dans le cerveau est matière à controverse. Si vous demandez à un chercheur spécialiste de la sérotonine comment, exactement, ce neurotransmetteur régule une fonction particulière donnée, qu’il s’agisse de l’humeur ou de la mémoire, sa réponse sera probablement : « Je ne sais pas. »

Il existe des preuves que les neurones des régions du cerveau influençant l’humeur et la cognition possèdent des récepteurs de la sérotonine, et certaines études montrent que celle-ci  influence l’apprentissage. Bryan Roth avance qu’elle participe à presque chaque circuit neuronal. Selon d’autres scientifiques, il est plus que probable que la sérotonine joue un rôle ou un autre dans la régulation de l’humeur.

Toutefois, Joanna Moncrieff, professeure de psychiatrie critique et sociale à l’University College de Londres, doute du rôle de la sérotonine sur l’humeur et sur d’autres fonctions cognitives. « Nous ne disposons absolument pas de preuves dignes de ce nom qu’elle ait quoi que ce soit à voir avec la dépression. Il y a quelques faisceaux d’indices qui montrent qu’elle pourrait être impliquée dans l’inhibition de la fonction sexuelle, mais c’est tout », tempère-t-elle.

Si la sérotonine n’a pas d’influence sur l’humeur, pourquoi les ISRS fonctionnent-ils ? Bryan Roth explique que les ISRS ne font qu’accroître temporairement le taux de sérotonine dans le cerveau ; et, de toute manière, les scientifiques ne savent pas comment fonctionnent ces médicaments, tout au plus qu’ils ont un effet sur certaines personnes. Davantage de recherches sont donc nécessaires.

 

EN QUOI LA SÉROTONINE DIFFÈRE-T-ELLE DE LA DOPAMINE ?

On compare souvent la sérotonine à la dopamine, un autre neurotransmetteur qui a probablement de nombreuses fonctions dans le corps humain. Les scientifiques sont davantage confiants quant à ce que qu’accomplit la dopamine dans le système nerveux central.

Des études ont montré que la dopamine est impliquée dans l’addiction et dans l’apprentissage, et des preuves solides indiquent qu’elle est présente dans les circuits cérébraux qui prédisent l’importance de la récompense que l’on va recevoir. On pense également que la dopamine a une influence sur le mouvement et sur la planification orientée vers un but, mais son rôle est ici moins clair.

 

QUEL EST LE RÔLE DE LA SÉROTONINE DANS L’INTESTIN ?

Au fil des années, on a également prouvé que la sérotonine participe au péristaltisme de l’intestin, à ses sécrétions et à son absorption des nutriments. « La sérotonine fait beaucoup de choses dans l’intestin, mais sa fonction principale est de réguler sa contraction et sa motilité », explique Damien Keating, directeur-adjoint de l’Institut Flinchers de recherche médicale et sur la santé, en Australie.

D’après lui, plusieurs études suggèrent que la sérotonine contribue au métabolisme, et ce principalement en contrôlant la glycémie et le stockage des graisses. Des études ont également établi une corrélation positive entre taux de sérotonine et maladies de l’intestin (syndrome du côlon irritable, Covid-19).

 

EST-CE UNE BONNE IDÉE DE PRENDRE DES COMPLÉMENTS À BASE DE SÉROTONINE ?

Malgré l’état fort limité de nos connaissances sur la sérotonine, de nombreux compléments alimentaires prétendent pouvoir rehausser votre humeur en stimulant votre taux de sérotonine. Certains de ces compléments contiennent 5-HT et tryptophanes, deux molécules que le corps convertit en sérotonine. Mais selon Jesse Bracamonte, rien ne prouve de manière irréfutable leur efficacité.

On trouve les tryptophanes dans des aliments (de nombreux produits pour animaux, fruits à coque et légumineuses), et la plupart des individus en obtiennent largement assez par le biais de leur alimentation. Selon certains spécialistes, l’absorption de grandes quantités de tryptophane sous forme de gélule n’est pas franchement susceptible d’affecter le taux de sérotonine dans le cerveau. Certaines études établissent un lien entre un faible taux de tryptophanes et une humeur dégradée, mais seulement chez les personnes déjà atteintes de dépression ; l’effet chez les personnes en bonne santé est négligeable. En outre, ainsi que le rappelle Bryan Roth, pour parvenir au cerveau, les tryptophanes doivent franchir la barrière hémato-encéphalique et ne peuvent le faire que par petits groupes.

Pis encore, la prise de tels compléments comporte des risques. La sérotonine n’est pas bien absorbée dans l’intestin et est susceptible de s’y agglutiner et d’entraîner des contractions de l’intestin pouvant entraîner nausée et problèmes digestifs.

Un autre complément populaire est le millepertuis, une plante médicinale dont certains scientifiques pensent qu’elle pourrait jouer un rôle similaire à celui des ISRS et qu’elle pourrait être bénéfique pour les patients qui ne tolèrent pas ces derniers. Mais les études de qualité à ce sujet manquent pour pouvoir connaître son efficacité, prévient Jesse Bracamonte qui ajoute que le millepertuis pourrait également souffrir d’interactions médicamenteuses. Il est donc préférable d’en parler à votre médecin avant d’en consommer.

Il existe également des méthodes naturelles pour déclencher la sécrétion de sérotonine, explique Jesse Bracamonte. Exercice physique, alimentation saine, exposition suffisante à la lumière du soleil et durée de sommeil suffisante. « Faire tout cela favorise l’humeur et fait mieux fonctionner le corps », affirme-t-il.

Selon Bryan Roth, si votre humeur vous préoccupe, la meilleure chose que vous puissiez faire est d’emprunter l’itinéraire traditionnel. « Si vous êtes déprimé ou anxieux, parlez-en à votre médecin généraliste », conseille-t-il.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Aphantasie : pourquoi certaines personnes n’arrivent pas à générer des images mentales

Si l’on vous demande : pensez à une pomme, visualisez-la dans votre tête, avec ses textures, ses couleurs et son goût, que voyez-vous ? Pour 1 à 3 % de la population mondiale, cet exercice est très difficile voire impossible, leur esprit reste noir. Ils sont atteints d’aphantasie, c’est-à-dire « l'absence de capacité d'imaginer visuellement quelque chose », comme l’explique Thomas Andrillon, neuroscientifique et chargé de recherche Inserm à l’Institut du Cerveau de Paris.

Il y a différents degrés d’aphantasie et différentes formes. « On peut avoir une imagerie auditive, être capable d'imaginer une chanson dans sa tête, sans avoir nécessairement de voix qui parle par exemple, notamment quand on pense. » Ainsi, une personne atteinte d’aphantasie peut entendre un son sans pouvoir visualiser d’images par la pensée ou vice versa, voire les deux. De même, l’aphantasie peut exister dès la naissance, où être consécutive à des lésions cérébrales ou à des troubles psychologiques.

Le phénomène a été décrit pour la première fois par Francis Galton en 1880, mais peu de recherches ont depuis été menées sur le sujet. Le mot « aphantasie » lui-même a été inventé en 2015 par le neurologue Adam Zeman de l’université d’Exeter, en Angleterre. Il est formé du « a » privatif grec qui signifie absence, et de phantasia que l’on peut traduire par imagination

Contrairement à ce que l’étymologie pourrait laisser penser, l’aphantasie ne désigne pas l’absence d’imagination. Selon Thomas Andrillon, l’imagination est, dans sa définition la plus générale, « la capacité à se représenter quelque chose, dans son univers mental ». Cela n’implique pas forcément « quelque chose de perceptuel », car « on peut imaginer des choses d'un point de vue sémantique. » Il donne l’exemple de la fable bien connue des trois petits cochons : « je peux m'imaginer cette histoire dans ma tête sans avoir à aucun moment des représentations soit visuelles, soit auditives, mais c'est quand même de l'imagination. » Le cerveau n’a donc pas forcément besoin d’utiliser des modalités perceptives pour implémenter un contenu imaginaire. 

 

LE DIAGNOSTIC

Comment savoir si l’on est aphantasique ? Beaucoup de personnes se posent la question. Pour y répondre, Francis Galton avait imaginé dans les années 1880 le « questionnaire du petit-déjeuner », qui consistait à faire visualiser au patient son petit déjeuner, pour appréhender son degré de précision dans son imagerie mentale. Depuis 1973, il existe un test similaire intitulé Vividness of Visual Imagery Questionnaire (VVIQ) en seize questions développées par le psychologue David Marks, destinées à évaluer la qualité de l’imagerie visuelle. Le questionnaire est autorenseigné, et consiste à faire imaginer un certain nombre de choses et à décrire les degrés de précision des images mentales. Par exemple, pour la consigne « imaginez un ciel étoilé », il y a cinq possibilités de réponses, allant de « je le vois de façon parfaitement claire et vivant comme une vision réelle » à « aucune image du tout, je sais seulement que je pense à l’objet. »

Le test, s’il est relativement efficace, est tout de même limité par son format. Pour Thomas Andrillon, « cela dépend un peu de la façon dont on comprend les questions, et de la façon dont on donne les réponses. Donc c'est quelque chose qui marche, c'est relativement facile d'utilisation, mais c'est basé sur le rapport de l'individu lui-même. »

Il existe d’autres approches pour détecter l’aphantasie. Parmi elles, celle de Joel Pearson, professeur de neurosciences cognitives à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud à Sydney, en Australie. Il utilise ce que l’on appelle la rivalité binoculaire. Thomas Andrillon l’explique en ces termes : « quand vous regardez un objet, vous avez des images qui se forment sur vos deux rétines, sur l’œil droit et sur l’œil gauche, mais vous voyez une seule image, il y a un effet de fusion […] On peut jouer avec en présentant une image différente avec une sorte d'appareil avec des lunettes un peu spéciales. » Votre cerveau sera tout de même capable de voir une seule et même image, en combinant les informations perçues par chacun de vos deux yeux. 

En général, l’être humain a un œil dominant, et l’image que l’on perçoit correspond plus à cet œil-ci qu’à l’autre. Mais si vous demandez à quelqu'un d’imaginer l'objet que vous présentez, « l'alternance entre les deux yeux va se faire plus rapidement. Votre cerveau se prépare déjà à cette image que vous imaginez et donc vous allez la voir apparaître, il y a une bascule entre votre œil dominant et votre œil non dominant. » Et c’est quelque chose qui se « corrèle assez bien avec les résultats des questionnaires de VVIQ » d’après l’expert. « Cette manipulation fonctionne moins bien avec les gens qui disent ne pas avoir d'imagerie mentale. C'est une manière d’« objectiver qu’une personne n’a pas du tout d’imagerie mentale ». Le scientifique précise tout de même que ces expériences sont « relativement compliquées » et doivent être réalisées en « laboratoire avec le bon matériel ».

 

EST-CE UN DÉSAVANTAGE ?

Pour les individus dits « phantaisiques », qui ont une imagerie mentale classique, l’absence d’imagerie mentale peut paraître handicapante. Et c’est effectivement le cas pour certains. « Moi, je ferme les yeux, je ne vois rien […] pas de sons, pas d’odeurs », explique Matthieu Munoz au micro de Faustine Bollaert dans l’émission « Ça commence aujourd’hui » dédiée aux troubles de la mémoire. Le jeune homme affirme qu’il se souvient principalement des faits marquants de sa vie, mais à moyen, voire à court terme. Et il fait également part de difficultés à placer ses souvenirs dans le temps « Tout ce qui est enfance, adolescence, aujourd’hui, c’est quasiment inexistant », exprime-t-il, qualifiant lui-même son aphantaisie de « trouble ».

Toutefois, tous les individus avec aphantasie ne subissent pas toujours cette différence. Pour certains, qui n’ont jamais connu d’imagerie mentale, c’est une normalité. « La plupart des gens qui ont une aphantasie sont en fait remarquablement identiques aux autres, et c'est pour ça qu’en général, ils s’en rendent compte très tard. Il n’y a aucun indice externe qui montre que la façon dont leur cerveau fonctionne est différente de la moyenne », note Thomas Andrillon. 

De fait, le cerveau est un organe plastique qui peut remplir certaines fonctions de diverses manières, « vous pouvez très bien arriver à faire la même chose qu'un autre individu en utilisant tout simplement des réseaux neuronaux différents », assène l’expert. « Par exemple […] vous pouvez perdre une région cérébrale et puis petit à petit, avec le temps et de la rééducation, vous pouvez retrouver des manières de vous comporter comme avant, tout simplement en utilisant d'autres régions cérébrales. »

Pour tenter d’obtenir une réponse à la question « est-ce que l’aphantasie est handicapante ? », les chercheurs Jianghao Liu et Paolo Bartolomeo ont fait passer un test d’imagerie visuelle à 117 participants. Parmi eux, quarante-quatre étaient aphantasiques, quarante-deux avaient une imagerie typique et trente-et-un étaient hyperphantasiques, c’est-à-dire qu’ils sont capables de produire des images mentales extrêmement précises. Chaque participant recevait d'abord une qualité visuelle (« forme » par exemple), puis deux mots à représenter dans son esprit (« castor » et « renard »). Finalement, la voix mentionnait un adjectif (supposons « long ») et exhortait la personne à sélectionner qui, du castor ou du renard, y répondait le mieux. Les deux chercheurs ont ensuite analysé les réponses des trois groupes, et ont démontré que les individus avec aphantasie étaient en moyenne plus lents pour assimiler et traiter les informations visuelles. Toutefois, malgré les différences de délais, les trois groupes ont montré le même degré de pertinence.

L’aphantasie ne réduit donc pas forcément l’imagination visuelle. En ce sens, Thomas Andrillon file la métaphore de l’adaptation d’un film au cinéma : « avant l'adaptation au cinéma, on est libre d'imaginer l’histoire de toutes les manières qu'on veut, et puis dès que c'est adapté au cinéma, les visages des personnages vont avoir tendance, si on a une imagerie visuelle, à correspondre à ce dont on se remémore du film, et donc on perd une certaine imagination. Quelqu'un qui n'aurait pas cette imagerie visuelle, au contraire, aurait peut-être plus de liberté dans son imagination visuelle. » C’est pour cette raison qu’il ne présente pas l’aphasie comme un « déficit » dans ses travaux. « On n'a pas de preuve empirique que c'est forcément quelque chose de moins bien. C’est différent », conclut-il.

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L'exercice physique peut favoriser (ou empêcher) votre digestion

Le premier emploi de Ricardo Da Costa à la sortie du lycée, dans le Portugal des années 1990, était celui de triathlète professionnel. Il participait donc régulièrement à des compétitions pour lesquelles il devait à la fois nager, faire du vélo et courir. Costa souffrait de troubles gastro-intestinaux, un problème qu’il partageait avec ses collègues athlètes, sans pour autant tenter d'y remédier.

Certains athlètes souffraient de nausées et de maux d’estomac si intenses qu’ils ne pouvaient ni boire ni ingérer de nutriments pendant les courses, ce qui les obligeait parfois à abandonner. En effet, même si un exercice léger ou modéré peut contribuer à améliorer notre digestion, nos estomacs et nos intestins ne sont pas conçus pour des séances de sport d’une telle intensité. Les athlètes ne doivent donc pas seulement entraîner leurs muscles, mais aussi leurs intestins afin de leur apprendre à absorber et traiter l’eau et les aliments dont ils ont besoin pour rester hydratés et en forme pendant une longue course.

« Ils pensaient que [ces symptômes] étaient inhérents à la pratique du sport », se rappelle Costa qui, quant à lui, n’acceptait pas cette difficulté aussi facilement. Aujourd’hui, en tant que professeur associé à l’Université Monash en Australie, il étudie l’influence de l’alimentation et de la nutrition sur les performances sportives.

Costa étudie les effets de l’exercice physique sur la digestion, et les pratiques que les athlètes peuvent mettre en place afin de soulager leurs intestins et concourir au mieux de leurs capacités. Des athlètes amateurs et professionnels du monde entier viennent désormais le rencontrer dans son laboratoire afin d’obtenir une évaluation et un traitement.

Le spécialiste a beaucoup appris au cours des quinze dernières années. Même si vous n’êtes pas un athlète professionnel, l’exercice peut avoir de profondes répercussions sur votre digestion, qui peuvent dépendre du moment et de l’intensité de votre entraînement. Dans de rares cas, ces effets peuvent même être dangereux, mais pour la plupart d’entre nous, quelques ajustements peuvent suffire à limiter les risques.

 

COMMENT FONCTIONNE LA DIGESTION ?

La digestion commence avant même que l’on ouvre la bouche, révèle Arafa Djalal, gastro-entérologue à la Icahn School of Medicine at Mount Sinai, à New York.

Le simple fait de penser à la nourriture envoie un signal au cerveau qui remplit la bouche de salive et d’enzymes digestives. Lorsque les aliments pénètrent dans la bouche, ces enzymes, associées à la mastication, les décomposent pour nous permettre de les avaler. Ils passent ensuite par l’œsophage pour arriver dans l’estomac. Pendant les deux à cinq heures qui suivent, l’estomac se détend et se contracte, et libère des enzymes digestives qui décomposent les aliments jusqu’à ce qu’ils glissent dans l’intestin grêle, puis dans le gros intestin et, un à trois jours après le repas, les restes non digestibles sont excrétés.

Lorsque les aliments pénètrent dans les intestins, l’organisme peut les sentir appuyer sur les parois, ce qui stimule la sécrétion de nouvelles enzymes digestives ainsi que le péristaltisme, les contractions musculaires qui permettent de déplacer les aliments à travers les intestins. Ce processus nécessite de l’énergie, un flux sanguin ainsi qu’une communication entre les cellules.

 

L’EXERCICE MODÉRÉ

Si vous vous promenez ou faites une activité physique de faible intensité pendant la digestion, vous pouvez aider votre système digestif à faire son travail. La contraction des muscles abdominaux peut, par exemple, aider à stimuler le péristaltisme dans vos intestins.

« Vos biceps ou vos triceps sont des muscles squelettiques, ce sont des "muscles volontaires", ce qui signifie que vous pouvez fléchir votre biceps ou contracter vos ischio-jambiers comme vous le souhaitez », explique Robynne Chutkan, gastro-entérologue à Washington et autrice de quatre livres sur la santé de l’intestin. « Le tube digestif, quant à lui, est un muscle lisse. Il fonctionne indépendamment de votre volonté. » L’activité physique peut néanmoins accélérer son fonctionnement en favorisant la circulation du sang et en aidant les contractions des muscles lisses qui le constituent.

À long terme, l’exercice physique contribue à préserver la santé du système digestif, ce qui permet de mieux absorber les nutriments, détaille Florence-Damilola Odufalu, gastro-entérologue à la Keck School of Medicine de l’Université de Californie du Sud. L’exercice augmente la production de l’oxyde nitrique, une substance chimique qui aide à détendre les muscles de l’intestin et prévient l’inflammation.

L’exercice physique est également connu pour ses effets positifs sur la santé mentale. Les intestins sont tapissés de cellules nerveuses qui communiquent avec le cerveau et réagissent au stress par l’intermédiaire de neurotransmetteurs. De nombreux chercheurs estiment désormais que le syndrome de l’intestin irritable (SII), aussi appelé colopathie fonctionnelle, est en réalité un trouble de l’interaction entre l’intestin et le cerveau, fréquemment déclenché ou exacerbé par le stress, l’anxiété ou la dépression.

Bien que les personnes souffrant de troubles digestifs ne soient pas toujours en mesure de faire de l’exercice correctement durant leurs crises, lorsqu’elles y parviennent, cela est bénéfique. En effet, l’exercice peut notamment réduire les symptômes de dépression et d’anxiété qui sont à l’origine de ces crises.

« Il est important de souligner que [l’exercice physique] a de nombreux effets bénéfiques sur le corps, les os et la santé mentale », reprend Djalal, et que tous ces effets peuvent réduire les troubles digestifs, tels que le SII et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

 

L’EXERCICE INTENSE

Si l’exercice physique léger ou modéré est presque toujours bénéfique pour la digestion, l’exercice physique intense requiert une certaine prudence.

« Une augmentation du flux sanguin se produit tout au long du tube digestif afin de permettre la digestion », décrit Djalal, et « lorsque vous faites de l’exercice, le sang est attiré dans d’autres zones : les muscles, les poumons et le cœur. » Le système digestif, les muscles et le système respiratoire entrent alors dans une sorte de compétition pour attirer le flux sanguin.

Lorsque vous vous entraînez à faible intensité, tous les systèmes peuvent se partager le flux sanguin et fonctionner correctement en même temps, mais lorsque le sport devient plus intense, vos muscles, vos poumons et votre cœur ont besoin de plus en plus de sang, ce qui en laisse beaucoup moins pour votre système digestif. Il est donc difficile pour votre corps de digérer quoi que ce soit.

Lorsque vous faites de l’exercice à haute intensité, votre corps transforme l’oxygène qui provient de vos plus grosses respirations pour créer de l’énergie, ou de l’ATP. Ce faisant, il crée également des sous-produits métaboliques tels que du lactate et des ions d’hydrogène. Lors d’un exercice léger, le corps peut facilement éliminer ces sous-produits avant qu’ils ne causent des problèmes, mais lorsqu’il commence à monter en intensité, il ne peut plus suivre. Le système digestif peut essayer de se débarrasser de ces sous-produits par le biais de vomissements. Selon Costa, c’est la raison pour laquelle il n’est pas rare de voir quelqu’un vomir même après une course de vitesse très courte, mais très intense, ou se sentir nauséeux après une séance de sport particulièrement difficile.

 

CHALEUR, DÉSHYDRATATION ET BACTÉRIES

La chaleur peut exacerber les problèmes digestifs provoqués par l’exercice. Lorsque la température corporelle augmente, le sang s’éloigne des organes internes et se dirige vers la peau afin d’aider le corps à se rafraîchir.

Par ailleurs, les séances de sport intenses provoquent toujours de la transpiration. Si vous n’êtes pas en mesure de réapprovisionner votre corps en liquide et en électrolytes suffisamment rapidement après les avoir perdus, l’hydratation finit par manquer. Le sang s’épaissit alors, ce qui ralentit sa circulation et aggrave les symptômes liés aux troubles digestifs, décrit Costa.

L’expert a également constaté que l’exercice physique pouvait endommager la muqueuse intestinale. En général, si l’exercice n’est pas trop intense pour la personne qui le pratique, le problème n’est pas grave.

« C’est comme pour les muscles. Vous faites de l’exercice, les muscles subissent des microdéchirures, et vous récupérez sous 24 à 48 heures », explique-t-il. Cependant, si l’intensité de l’exercice est telle que les intestins sont trop endommagés pour se réparer rapidement, des problèmes plus graves peuvent survenir, tels que la libération de bactéries intestinales dans le sang.

Le système immunitaire peut gérer la présence de quelques bactéries indésirables dans la circulation sanguine après un exercice. En revanche, si votre système immunitaire est affaibli ou si vous vous entraînez pendant des heures à une intensité supérieure à celle à laquelle votre corps est habitué (comme c’est le cas lors d’un ultra-triathlon, par exemple), la fuite bactérienne peut vous rendre extrêmement malade, voire vous tuer.

 

COMMENT SE PROTÉGER ?

De nombreuses personnes savent qu’il n’est pas recommandé de prendre un gros repas juste avant de faire de l’exercice, mais selon Costa et Djalal, contrairement à ce que l’on pourrait croire, pour la plupart d’entre nous, la solution la plus simple serait de consommer un petit en-cas comme une banane, un toast, ou une boisson glucidique 30 minutes à 1 heure avant la séance de sport.

L’idéal, ce sont les glucides et les sucres, poursuit Djalal, car ils sont absorbés rapidement pour servir de carburant. Lorsqu’ils traversent l’organisme, ces nutriments signalent à l’estomac et aux intestins qu’ils doivent continuer à travailler et à attirer le flux sanguin.

Pour les athlètes d’endurance, il est non seulement important de manger et de boire avant, mais aussi pendant l’exercice.

Costa a ainsi travaillé avec un triathlète professionnel espagnol qui participait à des triathlons plus courts depuis des années. Lorsqu’il a décidé de s’attaquer au triathlon Ironman classique (3,8 km de natation, 180,2 km de vélo et 42,2 km de course à pied), ses troubles digestifs se sont tellement aggravés que son estomac ne pouvait plus garder d’eau pendant la course, ce qui l’obligeait à abandonner pour cause de déshydratation.

Il s’est alors envolé pour l’Australie afin de travailler avec Costa, qui a découvert que l’athlète perdait beaucoup plus de liquide par sa transpiration que son estomac ne pouvait en absorber pendant la course. À chaque fois qu’il était sur le point de boire suffisamment de liquide, il se sentait plein et en régurgitait. Au cours des trois mois suivants, Costa l’a donc guidé pour lui permettre d’augmenter progressivement la quantité de liquide et d’énergie qu’il était capable d’absorber pendant l’exercice. Il n’entraînait pas seulement ses muscles, mais aussi son système digestif.

À la fin de ces trois mois, l’athlète a pu terminer un Ironman et, encore trois mois plus tard, il a participé à une nouvelle compétition. Il a non seulement terminé cette dernière, mais est également arrivé en troisième place.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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Qu’est-ce qu'une "chimiothérapie préventive" ?

Plus connue sous le nom de Kate Middleton ou de la princesse Kate, la membre de la famille royale britannique a révélé, dans une vidéo préenregistrée, qu’elle avait subi une importante opération abdominale en janvier pour une maladie qui n’a pas été divulguée et qu’elle pensait être non cancéreuse à l’époque. Mais des analyses ultérieures ont dévoilé la présence d’un cancer, conduisant son équipe médicale à lui suggérer « une chimiothérapie préventive », qu’elle suit actuellement.

Ce traitement est généralement administré aux patients atteints d’un cancer pour empêcher la récidive de la maladie après l’ablation d’une masse cancéreuse. Dans la sphère médicale, la plupart des médecins emploient plutôt le terme de « traitement adjuvant » que de « chimiothérapie préventive », car ils estiment que le dernier peut semer la confusion.

« Il n’est pas possible de suivre une chimiothérapie pour “prévenir” un cancer », explique Monica Avila, oncologue au centre de cancérologie Moffitt de Tampa, en Floride (États-Unis).

Chaque diagnostic de cancer est source d’inquiétudes : les cancers seraient la deuxième cause de mortalité. Mais les interventions médicales modernes ont contribué à faire baisser de 33 % le taux de mortalité lié aux cancers depuis 1991, en partie grâce à l’amélioration des dépistages et au diagnostic précoce de la maladie.

« La plupart des patients atteints d’un cancer à un stade précoce guérissent », indique Yuman Fong, chirurgien-oncologue au centre de cancérologie City of Hope, situé en Californie du Sud (États-Unis).

Il va sans dire que les résultats escomptés et le taux de survie dépendent de la volonté du patient à suivre les recommandations de ses médecins en matière de traitement.

 

QU’EST-CE QUE LA CHIMIOTHÉRAPIE PRÉVENTIVE ?

Le cancer est une maladie provoquée par une mutation au niveau de l’ADN d’une cellule. Cette dernière se met alors à grandir rapidement et de manière incontrôlée, cesse de fonctionner normalement et met en danger divers organes et systèmes corporels. Ces mutations cellulaires cancéreuses peuvent survenir de façon sporadique ou résulter du mode de vie ou de facteurs environnementaux tels que les polluants atmosphériques, une exposition trop importante au soleil, les choix alimentaires ou la consommation de tabac. Selon plusieurs études, la génétique joue aussi un rôle et peut contribuer à accroître le risque de développer certains cancers.

Après avoir diagnostiqué un cancer chez un patient, l’oncologue doit dans un premier temps déterminer quel est le moyen le plus sûr et efficace de détruire les cellules cancéreuses ou de les retirer du corps du malade.

Plusieurs traitements existent : la chirurgie, qui consiste en l’ablation d’une masse cancéreuse ; la radiothérapie, qui repose sur l’utilisation de faisceaux de protons ou électriques de forte puissance ciblant les cellules cancéreuses pour les tuer ; et la chimiothérapie, qui a recours à des substances chimiques s’insérant dans l’ADN des cellules cancéreuses pour les détruire.

Une approche consistant à associer plusieurs traitements est le plus souvent recommandée. « L’objectif de tous ces traitements est de détruire les cellules cancéreuses, même celles qui sont microscopiques », précise Elena Ratner, médecin et oncologue gynécologique au centre de cancérologie de Yale, dans le Connecticut (États-Unis).

Il est possible, après l’ablation ou l’éradication des cellules cancéreuses existantes, d’administrer un traitement adjuvant pour prévenir la récidive du cancer. C’est probablement à ce type de traitement que la princesse de Galles faisait référence en déclarant suivre une « chimiothérapie préventive ».

« Un traitement adjuvant est administré en cas de cancer pour contribuer à réduire le risque de récidive et traiter les micro-métastases », explique Syma Iqbal, médecin et oncologue-gastroentérologue à l’USC Norris Comprehensive Cancer Center de Los Angeles (États-Unis). Une fois le traitement terminé, « les patients font l’objet d’un suivi par scanner pour s’assurer qu’il n’y a pas de récidive de la maladie », ajoute-t-elle.

 

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE LA CHIMIOTHÉRAPIE ?

Qu’un patient suive une chimiothérapie pour prévenir la récidive du cancer après l’ablation d’une masse cancéreuse (ce qui semble être le cas de la princesse de Galles) ou dans le cadre d’un traitement ciblant la présence avérée de la maladie, « les mêmes médicaments sont utilisés », souligne William Dahut, oncologue et conseiller scientifique pour l’American Cancer Society.

Ces substances chimiques sont administrées par voie orale ou intraveineuse (dans ce cas, au moyen d’une chambre implantable chirurgicalement ou par un nouveau site d’injection à chaque visite). Même si elle est conçue pour cibler et détruire rapidement les cellules cancéreuses qui se développent, « la chimiothérapie n’est pas sans incidence sur les autres cellules du corps, comme les follicules pileux, la muqueuse du système gastro-intestinal et les cellules sanguines », précise le spécialiste.

C’est pour cette raison que ce traitement a des effets secondaires sur les différents systèmes du corps et entraîne notamment une perte des cheveux, un affaiblissement du système immunitaire, de la fatigue, des nausées, de la diarrhée, des fonctions cognitives diminuées (que l’on désigne parfois par le terme « chemo-brain »), une perte de contrôle de la vessie, une perte de l’appétit et une maladie appelée neuropathie, qui se traduit par des sensations d’engourdissement ou de fourmillement dans les doigts et les orteils.

« Les effets secondaires de la chimiothérapie sont liés aux types de médicaments administrés au patient », précise Syma Iqbal.

Grâce aux progrès médicaux, il est plus facile de gérer ses phénomènes. « Aujourd’hui, la grande majorité des chimiothérapies ciblant divers cancers sont très personnalisées et ciblées. Elles sont donc bien mieux tolérées qu’il y a plusieurs décennies », souligne Elena Ratner.

Les effets secondaires sont en outre souvent complètement réversibles. « Une fois le traitement fini, les cheveux repoussent et les autres fonctions corporelles se rétablissent », ajoute Yazan Numan, oncologue au Northwestern Medical Group d’Orland Park, dans l’Illinois (États-Unis).

 

À QUELS TYPES DE CANCER LA CHIMIOTHÉRAPIE EST-ELLE ADAPTÉE ?

Nous parlons souvent de la chimiothérapie comme d’un traitement unique, mais il existe en réalité plus de 100 médicaments utilisés pour soigner différents cancers par chimiothérapie, indique Yazan Numan.

Ils appartiennent généralement aux catégories suivantes : les antimétabolites, les nitrosourées, les corticostéroïdes, les alcaloïdes d’origine végétale, les antibiotiques anticancéreux, les modificateurs de la réponse biologique, les agents alkylants et les agents hormonaux.

« Chacun de ces médicaments agit d’une manière différente en s’insérant et en détruisant l’ADN des cellules cancéreuses », explique l’oncologue.

Les traitements de chimiothérapie sont en partie déterminés par la nature du cancer dont est atteint le patient, sa propagation et la taille de la masse cancéreuse. Tous ces facteurs sont aussi pris en compte pour estimer le « stade » de la maladie auquel la personne est diagnostiquée.

Si la chimiothérapie peut être recommandée pour n’importe quel type de cancer, le traitement adjuvant ou « préventif » que suit la princesse de Galles « ne traite pas tous les cancers », rapporte Beth Karlan, médecin et oncologue gynécologique au Jonsson Comprehensive Cancer Center de l’UCLA. « Il est le plus fréquemment utilisé à des fins curatives pour la plupart des cancers du sein, du côlon et des ovaires au stade précoce ».

La chimiothérapie adjuvante est aussi quelquefois recommandée « pour les cancers diagnostiqués très tôt, lorsque la probabilité que soient présents des résidus microscopiques de la maladie est très faible », souligne Yuman Fong.

 

POURQUOI LA PRINCESSE DE GALLES SUIT-ELLE CE TRAITEMENT ?

Sur la base de ces éléments, Yazan Numan pense que les docteurs de la princesse de Galles ont trouvé des résidus microscopiques de la maladie après son opération, et qu’ils ont donc décidé de les traiter au moyen d’une autre forme de traitement.

Selon Elena Ratner, cela est assez courant. « Notre crainte, c’est qu’il reste des cellules cancéreuses microscopiques et qu’avec le temps, elles se développent, se divisent rapidement, métastasent et prennent le dessus sur les tissus sains », explique-t-elle. « C’est pour ça que nous recommandons parfois de suivre une chimiothérapie adjuvante afin de détruire ces cellules ».

La nature du cancer dont souffrait Kate Middleton au moment de son intervention abdominale en début d’année 2024 n’a pas été révélée, mais il semblerait que la princesse de Galles « ait suivi ce traitement, car ses médecins estimaient qu’il permettrait de réduire le risque de récidive », déclare William Dahut.

 

QUELLES LEÇONS TIRER DE SON DIAGNOSTIC ?

L’épouse du prince William a accès aux meilleurs soins possibles et suit plusieurs traitements afin d’éradiquer le cancer et d’empêcher sa récidive. « Peu de personnes ont cette chance dans le monde », souligne Yazan Numan.

Elle a également eu la chance d’être diagnostiquée tôt, ce qui aidera sans doute à éviter le pire de la maladie. « La princesse de Galles a quarante-deux ans, elle se situe donc en dehors de la tranche d’âge recommandée de participation au dépistage de cancer, même si l’on observe une incidence de plus en plus élevée de la maladie chez les jeunes patients », observe Yuman Fong.

Yazan Numan espère donc que son diagnostic servira d’avertissement et poussera les personnes du monde entier à se faire dépister.

Le dépistage du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein est recommandé pour les femmes à partir de vingt-cinq ans et cinquante ans respectivement ; celui du cancer colorectal à partir de cinquante ans, tous sexes confondus ; et celui du cancer de la prostate est préconisé chez les hommes à partir de quarante-cinq ans. Les personnes ayant des antécédents familiaux de cancer ou les fumeurs doivent se rapprocher de leur médecin traitant pour décider d’un éventuel dépistage anticipé.

« Rien n’est aujourd’hui plus important dans le traitement des cancers qu’un diagnostic précoce », insiste Elena Ratner. « C’est pour cette raison qu’autant d’efforts et de recherches sont consacrés aux méthodes efficaces de dépistage précoce et de prévention du cancer, y compris à la sensibilisation du public et à l’éducation ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Certains êtres humains ont des superpouvoirs - et les scientifiques peuvent l'expliquer

Les superpouvoirs existent. Certes, nous ne pouvons pas sortir des griffes géantes comme Wolverine des X-Men ou tirer des rayons de force de nos yeux comme Cyclope, mais selon les scientifiques, notre corps et notre cerveau ont le potentiel de réaliser de nombreux exploits à première vue surhumains.

Il arrive parfois que les superpouvoirs naissent de mutations génétiques, un peu comme dans les comics sur les origines des super-héros. Les Sherpas de l’Himalaya, par exemple, se sont adaptés à la haute altitude grâce à des gènes qui décuplent leur force et leur endurance.

D’autres superpouvoirs, en revanche, peuvent être acquis. Les adeptes des sports de l’esprit, qui réalisent d’incroyables exploits de mémorisation, soutiennent que tout le monde peut développer un esprit aiguisé. La peur elle-même peut être surmontée grâce à une bonne préparation, comme le montre l’histoire de l’alpiniste Alex Honnold, qui a été comparé à Spider-Man pour avoir escaladé des parois rocheuses sans l'aide de cordes.

Les scientifiques commencent tout juste à comprendre ce qui se passe à l’intérieur du corps et de l’esprit des personnes dotées de ces aptitudes extraordinaires. Et selon les chercheurs, si les gènes peuvent conférer un avantage à certains individus, la plupart d’entre nous aurait un potentiel inexploité.

Voici quelque-uns des super-héros qui se cachent parmi nous.

 

SUPER INTRÉPIDE : ALEX HONNOLD

Pour de nombreuses personnes, le simple fait de regarder une photo d’Alex Honnold suspendu au bord d’un précipice par la seule force de ses doigts suffit à faire passer leur cerveau en alerte rouge.

Ce n’est pas le cas du cerveau d’Honnold. Des scientifiques ont fait une surprenante découverte en 2016 après avoir scanné le cerveau du célèbre alpiniste par IRM fonctionnelle. Lorsque les chercheurs lui ont fait visionner des images censées provoquer une intense activité au niveau de l’amygdale, cette région du cerveau associée à la peur, l’amygdale d’Alex Honnold n’a absolument pas réagi.

La structure de son cerveau est pourtant tout à fait normale et Alex Honnold a longtemps nié être intrépide. Il se pourrait qu’il se soit conditionné à restreindre certaines activités de son cerveau en se concentrant plutôt sur le fait de méticuleusement planifier chacun de ses mouvements, écrivait Jane Joseph, la neuroscientifique qui a examiné l’activité cérébrale de Honnold, dans Popular Science en 2018.

Il s’agit là d’un superpouvoir que nous pouvons tous exploiter. Les psychologues utilisent des méthodes de conditionnement similaires pour aider leurs patients à surmonter leurs peurs, et les neurosciences révèlent comment se forment les souvenirs de peur, et comment les défaire.

 

SUPER RÉSILIENCE : LES SHERPAS

« L’Homme continue d’évoluer », affirme Tatum Simonson, qui étudie la génétique et la physiologie de l’adaptation à la haute altitude à l’université de Californie à San Diego. Les Sherpas du Népal illustrent parfaitement comment évolue un superpouvoir.

Les membres de ce groupe ethnique vivent depuis plus de 6 000 ans à une altitude moyenne de 4 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, où il y a environ 40 % d’oxygène en moins qu’au niveau de la mer. « La sélection naturelle a eu amplement de temps de trouver la meilleure façon de pallier ce manque d’oxygène », explique Simonson.

Chez les individus lambdas, lorsque la teneur en oxygène diminue, le corps produit davantage de globules rouges pour assurer un meilleur apport en oxygène. Cela a pour effet d’épaissir le sang, ce qui peut entraîner le mal des montagnes, une condition potentiellement mortelle. Les Sherpas, en revanche, ont acquis diverses mutations génétiques qui leur permettent de maintenir de faibles niveaux de globules rouges, et qui permettent aux mitochondries de leurs cellules de mieux utiliser l’oxygène.

Simonson, qui étudie les performances des Tibétains à plus basse altitude, a constaté qu’ils conservaient leur avantage même au niveau de la mer ; un superpouvoir dont elle espère pouvoir tirer parti pour aider les personnes souffrant d’un manque chronique d’oxygène dans le sang en raison d’une maladie respiratoire ou cardiovasculaire.

 

SUPER NAGEURS : LES BAJAU, « NOMADES DE LA MER »

Ce n’est pas pour rien que nous aimons les super-héros qui parcourent les cieux comme Superman ou qui explorent les profondeurs de l’océan comme Aquaman : ils peuvent aller là où nous ne le pouvons pas.

Pour les plongeurs libres, aucun équipement de plongée n’est nécessaire pour sonder les profondeurs de l’eau : c’est le cas des Bajau des Philippines, de Malaisie et d’Indonésie, qui sont capables de rester sous l’eau pendant 13 minutes à des profondeurs allant jusqu’à 70 mètres.

Selon les scientifiques, les Bajau, comme les Sherpas, ont acquis un avantage génétique qui leur permet de mieux utiliser l’oxygène. Cependant, comme ils sont confrontés à une forme plus immédiate de privation d’oxygène, les Bajau ont développé un mécanisme plus rapide que les Sherpas. Au fil du temps, la sélection naturelle a favorisé l’augmentation de la taille de leur rate, cet organe qui contient les globules rouges oxygénés. En plongeant, leur rate se contracte et projette cette réserve dans la circulation sanguine.

 

SUPER AGILITÉ : LE SAMOURAÏ ISAO MACHII

Dans la fiction, des êtres mythiques tels que les vampires et les loups-garous sont dotés d’une super-agilité, soit la capacité de se déplacer avec un équilibre, une coordination et des réflexes extraordinaires. Dans la vie réelle, la génétique et de l’entraînement confèrent à certaines personnes des mouvements surhumains.

Prenons l’exemple de l’épéiste Isao Machii : si vous lui tirez une balle, il peut la fendre en deux en plein vol d’un coup d’épée (voir ici). Ou encore le légendaire tireur Bob Munden, capable de dégainer son révolver et de tirer avec précision en moins d’un dixième de seconde, soit plus vite que le temps de réaction d’un cerveau humain moyen.

Les scientifiques cherchent encore à comprendre comment le système nerveux central aide ces individus à inconsciemment planifier et à exécuter des mouvements aussi complexes.

 

SUPER MÉMOIRE : LES ATHLÈTES MENTAUX

Imaginez que vous puissiez mémoriser l’ordre d’un jeu de cartes en 20 secondes. Ou les noms et les visages de quelques centaines d’inconnus en quelques minutes. Pour certains des athlètes mentaux qui participent chaque année au USA Memory Championship, de telles prouesses sont un jeu d’enfant.

Pourtant, ces champions de la mémoire n’ont rien de spécial, si ce n’est qu’ils se sont entraînés, explique Anthony Dottino, fondateur du championnat. Anthony Dottino et son fils Michael dirigent des programmes d’entraînement de la mémoire et selon eux, tout le monde peut améliorer sa mémoire, et ce à tout âge.

Pour le prouver, Michael Dottino travaille avec des neuroscientifiques pour étudier comment l’entraînement de la mémoire affecte l’activité cérébrale. Les recherches permettent d’ores et déjà de comprendre le fonctionnement des techniques de mémorisation, qui forment des réseaux dans le cerveau associant les nouveaux souvenirs aux anciens. Par ailleurs, une étude publiée dans la revue Neuron a révélé qu’un individu moyen pouvait considérablement améliorer sa mémoire en seulement six semaines d’entraînement.

Voilà un superpouvoir à la portée de tous.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

Pourquoi rester assis trop longtemps tue

Rester assis trop longtemps nous tue, littéralement. « Passer trop de temps assis est associé à une augmentation du risque de développer un cancer, une forme d’obésité, des maladies cardio-vasculaires voire des démences. Ce sont des maladies chroniques qui peuvent conduire à une mortalité précoce », explique en ce sens Martine Duclos, chef du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et présidente de l’Observatoire National de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps). Les artères sont aussi impactées par le manque de mouvement : « la pression et le diamètre des artères diminuent, ça favorise aussi l'hypertension artérielle ».

« D'un point de vue biologique, notre corps a évolué pour s'attendre à une activité physique. L'activité physique était obligatoire tout au long de notre évolution, principalement pour obtenir la nourriture nécessaire à notre survie. Nous n'avions pas le choix, nous devions être actifs. […] en passant de longues périodes assis et en ne pratiquant pas suffisamment d'activité physique, nous ne fournissons pas à nos systèmes physiologiques ce qu'ils "attendent" de millions d'années d'évolution », indique Dylan Thompson, professeur de physiologie humaine à l'université de Bath, Royaume-Uni. 

On estime que 21 millions de personnes seraient ainsi touchées de près ou de loin par une maladie chronique en France, ce qui représenterait 61 % des dépenses de santé de l’Assurance-maladie. Selon une expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) datant de novembre 2021, 95 % de la population seraient exposés au risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique et le temps prolongé passé assis. Ces chiffres sont issus de la littérature scientifique et des données de l’étude individuelle et nationale sur les consommations alimentaires (INCA3) recueillies en 2014 et en 2015, auprès de 1 305 adultes de 18 ans à 64 ans en France. C’était il y a plusieurs années, mais le constat est toujours le même aujourd’hui. « Les effets négatifs, on les observe déjà au bout de trois à quatre heures assis. Et en moyenne, on reste douze heures assis les jours travaillés et neuf-heures les jours non travaillés », alerte Martine Duclos.

En 2024, la promotion de l’activité physique a été déclarée Grande Cause Nationale par Emmanuel Macron dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. L’objectif est d’inciter les 21 % de Français n'ayant pratiqué aucune activité physique et sportive en 2023 à se dépenser davantage. Pour l’instant, aucun projet concret n’a été annoncé, si ce n’est une enveloppe de 3,5 millions d’euros prévue notamment pour « financer des projets structurants visant à favoriser l’accès au sport pour tous, promouvoir les trente minutes d’activité sportive par jour ou encore de s’adresser aux publics éloignés de la pratique sportive ».  

 

« L’EFFET COVID »

Les différents confinements liés à la crise sanitaire de l’épidémie de Covid-19, auraient largement influé sur la réduction de l’activité physique des enfants et des adolescents, avec une augmentation en parallèle de leur temps d’écran. C’est ce que révèle un rapport de l’Onaps, sur l’évolution des comportements des Français pendant le confinement. Ainsi, chez les enfants et les adolescents qui passaient moins de six heures par jour assis avant le confinement, 72 % ont augmenté leur temps total passé assis, contre 25 % des adultes.

En parallèle, 41 % des adultes ont déclaré avoir augmenté leur temps passé devant des écrans, un chiffre qui passe à 60,4 % chez les enfants de moins de six ans. Il y a donc un réel effet de causalité. « La sédentarité a augmenté avec le Covid et quelques années après, il en reste des reliquats. Nous ne sommes pas revenus au niveau d’avant Covid », déplore Martine Duclos. 

Le télétravail, autre facteur aggravant, a fait augmenter de 30 % le temps passé assis selon elle. « Quand on est en télétravail, on bouge peu. On ne se déplace pas pour aller au travail. […] Sur site, il y a souvent des petits déplacements à faire d'un bureau à l'autre etc... Alors que quand on est chez soi, l'espace est beaucoup plus restreint. Donc les gens bougent moins et restent beaucoup plus assis. »

Dylan Thompson, qui lui aussi « s’inquiète beaucoup à ce sujet », explique que les aller-retours, parfois considérés comme « accessoires » entre le domicile et le travail, peuvent représenter des « centaines de kilocalories de dépenses énergétiques par le mouvement perdues ». Il poursuit : « En dehors du travail, de nombreuses personnes, y compris les enfants, choisissent désormais l'interaction sociale et le divertissement via leur téléphone - ce qu'ils font généralement en position assise. Là encore, l'activité physique accessoire liée aux réunions et aux interactions physiques aura été perdue. »

 

ÊTRE ASSIS TUE VRAIMENT PLUS QUE LE TABAC ?

« Sitting is the new smoking », qui peut se traduire en « Rester assis est le nouveau tabagisme », est devenu le nouveau motto de certains spécialistes aux États-Unis. Fréquemment repris en France pour sa formule choc, il faut tout de même souligner que les deux ne sont pas comparables. Selon un article de la National Library of Medicine, intitulé « Évaluation des preuves concernant la position assise, le tabagisme et la santé : la position assise est-elle vraiment le nouveau tabagisme ? », il est important de faire la distinction entre un comportement addictif tel que le tabagisme, et une habitude, comme le fait de rester assis. Ainsi, la dépendance à la nicotine est une conséquence directe du fait de fumer, quand rester assis, comme c'est le cas pour d'autres comportements tels que se nourrir ou dormir, n'est pas une dépendance.

De plus, le tabac a des effets irréversibles. « Les dommages et les risques liés au tabagisme ne peuvent être compensés. En revanche, une personne qui fait beaucoup d'exercices structurés exigeants (comme la course à pied ou le sport) peut probablement passer beaucoup de temps assis sans risque accru en raison des effets positifs de l'exercice structuré sur des résultats similaires en matière de santé », élucide Dylan Thompson.

Si le mantra est parfois encore usité par certains spécialistes, c’est pour faire comprendre au plus grand nombre les dangers, encore trop méconnus, auxquels expose la sédentarité. « Actuellement, ce qui est en train de nous tuer, c'est l'excès de temps passé assis », alerte Martine Duclos.

Dans la ville de Strasbourg, l’Activité Physique Adaptée (APA), thérapeutique non médicamenteuse, reconnue bénéfique pour traiter certaines maladies chroniques, est financée. Ce n’est pas le cas à l’échelle de toute la France. Et si certains médecins peuvent prescrire une activité physique à leurs patients avec le dispositif Sport Santé Sur Ordonnance (SSSO), celle-ci n’est pas remboursée par la Sécurité sociale
 

LES BONNES HABITUDES À ADOPTER

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’effectuer 150 à 300 minutes (soit 1h30 à 5h) d’activité sportive d’intensité modérée à soutenue par semaine pour les adultes, et soixante minutes par jour pour les enfants et les adolescents. Il n’y a pas de distinction entre homme ou femme, et les personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap sont également concernées. 

Pour y parvenir, il est important de ne pas faire des comportements sédentaires la norme. Idéalement, il faudrait éviter les temps prolongés continus, « toutes les heures, il faut se lever pendant une à trois minutes », conseille l’experte. Cela permettrait de « rompre les temps de sédentarité ». Rester debout dans les transports en commun, descendre une station plus tôt pour marcher plus, ou encore prendre les escaliers, ces gestes peuvent avoir un effet significatif sur notre santé à long terme. Certaines entreprises mettent aussi en place des bureaux actifs, qui permettent de travailler debout. 

Avoir une activité soutenue durant le week-end pourrait aussi sensiblement contrer les effets indésirables d’une grande sédentarité en semaine « Les exercices exigeants, même sporadiques, semblent contribuer à compenser les périodes prolongées de faible activité physique, ceux qu’on appelle "guerriers du week-end" étant protégés, même s'ils passent le reste de la semaine à être plutôt sédentaires », relate Dylan Thompson.

Dans le monde de plus en plus sédentaire dans lequel nous vivons, il peut être compliqué de mettre toutes ces recommandations en application. Mais chaque action compte. « Lorsqu’on passe de huit heures à neuf heures assis, il y a déjà des effets sur la mortalité, pouvant aller jusqu’à 30 %. […] Parfois, il ne faut pas grand-chose pour améliorer les effets délétères de la sédentarité ».

« L'avènement des technologies portables signifie que les gens peuvent suivre leur propre activité physique et obtenir une compréhension beaucoup plus claire de leur comportement, et éventuellement utiliser ces informations pour prendre des mesures positives. Je pense donc qu'il est possible d'inverser les tendances. Mais cela nécessitera des approches multi-agences et il n'y a pas de solution simple et rapide », reprend Dylan Thompson.

En définitive, rompre avec la sédentarité est un élément clé de la diminution des maladies chroniques, qui peut avoir une multitude d’effets bénéfiques pour notre santé. « Si l'on prend plus les vélos et que l'on marche davantage, on préserve l'environnement. On prend aussi moins de médicaments, cela passe moins dans les urines et donc dans l'eau. Pour résumer, on améliore la santé des animaux, de l'environnement et notre propre santé. Les conséquences d’une meilleure mobilité sont énormes » conclut Martine Duclos.

Scientifiques en Rébellion : « Nous cherchons d’autres façons d’être entendus », affirme Jérôme Santolini

Cette semaine, Futura vous offre une partie d'une enquête qui raconte l'urgence de dénoncer l'inaction climatique du gouvernement au travers du mouvement Scientifiques en Rébellion. Ce mouvement prône la désobéissance civile pour se faire entendre. 

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Futura News, c'est le nouveau podcast d'actualité signé Futura, avec quatre grands rendez-vous : le récap' actu hebdomadaire, le débat de la semaine, la news santé et un décryptage sur les innovations qui vont changer le monde.      

Une bactérie " mangeuse de chair " sévit au Japon et inquiète l'Europe

Pour cette semaine du 25 mars : le Japon menacé par une bactérie mangeuse de chair, la création d'un sanctuaire lunaire, une IA capable de détecter vos émotions, un fruit qui améliorerait les performances sportives et une découverte préhistorique unique au monde. Bonne écoute et bon week-end ! ...

Les diamants synthétiques sont-ils vraiment meilleurs pour la planète ?

Les diamants présentent un attrait social manifeste dont presque aucune autre pierre précieuse ne jouit. Pour beaucoup, leur origine ancienne et leur incroyable robustesse sont le symbole de l’amour éternel. Cela n’a cependant pas toujours été le cas. Ce n’est que depuis la fin des années 1940, quand une agence de publicité travaillant pour le conglomérat diamantaire De Beers a trouvé le slogan « A Diamond Is Forever » (Un diamant est éternel), que cette pierre précieuse est devenue une ambassadrice presque immuable de l’amour sous toutes ses formes.

Mais depuis plus de vingt ans, le monopole des diamants naturels est remis en question par les diamants synthétiques.

Aussi appelés diamants de laboratoire, ces derniers sont, à bien des égards, semblables à ceux extraits du sol. Tous deux sont des prismes de carbone, si étroitement liés qu’ils forment une pierre précieuse extrêmement dure et brillante. C’est leur cristallisation qui diffère : alors que les diamants naturels se sont formés il y a des milliards d’années dans le manteau terrestre à de grandes profondeurs et à des températures extrêmes, les diamants de laboratoire sont cultivés en convoquant l’alchimie moderne. Ces pierres précieuses synthétiques sont aussi présentées comme une alternative plus socialement éthique et écologique aux diamants naturels, en plus d’afficher un prix au carat moins élevé que ces derniers.

Cette affirmation est cependant contestée, en particulier par les entreprises qui ne vendent que des diamants naturels et qui suggèrent que leur activité a davantage de retombées socio-économiques. Selon l’International Gem Society, qui cite un rapport de la Natural Diamond Council (anciennement la Diamond Producers Association) datant de 2019, la production d’un carat poli de diamant de synthèse émettrait trois fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent naturel.

Les diamants de laboratoire sont-ils plus éthiques et écologiques que les diamants issus de mines ou cette prouesse scientifique est-elle trop belle pour être vraie ? Pour l’heure, la réponse à cette question dépend de ce qui importe le plus aux consommateurs.

« Il ne fait aucun doute que les diamants de laboratoire s’en sortent mieux sur le plan environnemental », affirme Saleem Ali, spécialiste dans les domaines de l’énergie et de l’environnement à l’université du Delaware. « Mais on ne peut pas omettre l’aspect social. Et sur ce point, ce sont les diamants naturels qui ont l’avantage ».

 

DIAMANTS NATURELS OU SYNTHÉTIQUES ?

Les diamants sont des minéraux comme les autres, ce qui signifie qu’ils ont tendance à cristalliser dans une masse fondue de liquide extrêmement chaud et riche en carbone, à de grandes profondeurs dans le manteau terrestre. Souvent vieux de plusieurs milliards d’années, ils se sont pour la plupart formés au cours de « l’adolescence » géologique de la Terre.

Le manteau et la croûte terrestres regorgeraient de diamants, mais seuls quelques-uns, infiniment petits, sont remontés vers la surface. On peut trouver ces pierres précieuses dans des kimberlites, des formations volcaniques semblables à des cheminées qui ont été façonnées par de violentes éruptions probablement survenues il y a plusieurs centaines de millions d’années.

L’exploitation de mines à ciel ouvert ou souterraines est souvent nécessaire pour extraire ces pierres. Certains diamants proviennent aussi du lit des rivières, dont l’eau a érodé des dépôts de kimberlites en amont, ou encore des fonds marins.

Quant aux diamants synthétiques, il existe deux manières principales de les créer. La première méthode fait appel à la déposition chimique en phase vapeur (CVD). Elle consiste à exposer, à une température très élevée, une minuscule « graine » de diamant à un gaz riche en carbone. Les particules de carbone adhèrent ensuite sur la graine, qui grandit et devient une pierre précieuse de taille satisfaisante en quelques semaines.

La seconde méthode emploie un procédé de haute pression et de haute température (HPHT). Dans ce cas, la « graine » de carbone (généralement un autre diamant minuscule) est exposée à de hautes pressions et températures, ce qui entraîne la cristallisation de la graine et son développement en une pierre précieuse de plus grande taille. Les diamants obtenus à partir de ces deux méthodes sont taillés et polis, comme les diamants naturels.

 

DES « VRAIS » DIAMANTS ?

Si les entreprises d’extraction diamantaire voient les diamants de laboratoire comme des produits communs, produits à la hâte et sans valeur durable, la réalité est loin d’être aussi évidente.

Les personnes qui souhaitent posséder des diamants d’origine primitive auront toujours une préférence pour les diamants naturels, tout comme les géologues, qui apprécient énormément ces joyaux quasi indestructibles, en partie parce qu’ils renferment des indices chimiques sur la formation de la Terre. « Ce sont les inclusions qu’ils présentent qui les rendent si attrayants », explique Thomas Stachel, géologue spécialiste des diamants à l’université de l’Alberta.

Bien qu’ils soient cultivés à partir de carbone presque pur et qu’ils affichent une dureté et un lustre équivalents à ceux des diamants naturels, ceux obtenus en laboratoire présentent quelques particularités : leurs empreintes chimiques peuvent différer des pierres naturelles en fonction de la source de carbone utilisée pour les cultiver, par exemple. Des différences subtiles que les spécialistes peuvent détecter avec les bons outils.

« Est-ce quelque chose qui doit inquiéter le client final ? Absolument pas. Il n’en saura rien », poursuit le géologue. « Pour ce qui est de la structure du cristal, ce sont des diamants, des diamants absolument parfaits ».

Un « véritable » diamant est-il défini par ses origines ou par sa structure atomique ? Pour les producteurs de diamants de laboratoire, c’est la dernière option qui l’emporte. Mais en fin de compte, ce qui fait qu’un diamant est un diamant, et que cela vaut la peine de l’acheter, est assez subjectif. « Tout dépend de la perception du marché », indique Thomas Stachel.

Et si la durabilité est le principal critère, c’est le diamant de synthèse qui l’emporte.

 

UN IMPACT ENVIRONNEMENTAL NON NÉGLIGEABLE

Gbemi Oluleye, chercheuse au Centre de politique écologique de l’Imperial College London, a récemment publié un rapport mettant en évidence l’impact sur l’environnement des diamants naturels. Celui-ci varie en ampleur et en gravité d’une mine à l’autre, mais il est possible d’en atténuer les effets délétères en utilisant des énergies renouvelables pour certains processus et en recyclant l’eau utilisée lors de l’exploitation minière.

Il n’empêche que l’extraction de diamants naturels pose d’innombrables problèmes. Le drainage des lacs et la destruction des cours d’eau, ainsi que le déversement de polluants dans ceux-ci, peuvent causer des dommages irréversibles aux écosystèmes aquatiques. Les mines, qui sont souvent immenses, détruisent de vastes pans de forêts et de champs et peuvent faire des ravages parmi la faune terrestre.

En outre, les mines à ciel ouvert se transforment souvent en décharges polluées une fois fermées. Les poussières et les gaz dangereux et parfois cancérigènes générés par les activités d’extraction présentent un risque pour les animaux, mais également pour les personnes travaillant dans les mines. Quant au diesel consommé par les camions et autres équipements, il émet de grandes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

« Ce n’est pas négligeable », remarque Gbemi Oluleye. Contrairement à ce qu’affirment les acteurs du secteur, elle estime que les diamants naturels sont bien plus polluants que ceux cultivés en laboratoire. La chercheuse a ainsi calculé que leur extraction rejetait en moyenne près de 160 kg de CO² par carat, contre 20 kg par carat pour les diamants synthétiques produits dans l’Union européenne (ce chiffre est tout aussi faible en Chine).

Certains producteurs de diamants synthétiques aspirent à cultiver ces pierres précieuses en utilisant uniquement des énergies renouvelables, tandis que d’autres misent sur les titres compensatoires de carbone. Dans les deux cas, l’empreinte carbone des diamants de laboratoire peut être fortement réduite, voire être négative.

 

L’IMPACT SOCIAL PÈSE AUSSI DANS LA BALANCE

Il convient de souligner qu’il est parfois aussi difficile d’obtenir ce type de données auprès de sociétés d’extraction de diamants (qui ne sont pas réputées pour leur transparence) que de producteurs de diamants synthétiques ou leurs revendeurs. Ils refusent parfois de divulguer des informations sur leurs processus ou leur empreinte carbone, sous prétexte qu’ils n’ont pas les chiffres ou qu’ils ne peuvent les dévoiler pour des raisons de confidentialité.

L’aspect socioéconomique de la création et de l’extraction de diamants entre aussi en considération. « L’exploitation minière est bien plus génératrice d’emplois », observe Saleem Ali. Certains chercheurs avancent, assez logiquement, que l’extraction diamantaire a transformé l’économie des pays abritant d’importantes quantités de kimberlite, comme le Botswana. Bien que le secteur de la production de diamants en laboratoire crée de plus en plus d’emplois à mesure qu’il se développe, il ne pourra jamais en générer autant que l’industrie de l’extraction diamantaire.

Sur ce point, les diamants synthétiques « ne rivaliseront jamais avec les diamants naturels », ajoute le spécialiste.

Le débat est toutefois loin d’être clos. Les retombées économiques à l’échelle nationale des diamants naturels sont immenses, sauf si elles bénéficient à une « élite corrompue. Dans ce cas, tout va de travers », remarque Thomas Stachel. L’industrie diamantaire est marquée par des épisodes sombres. Des diamants naturels ont notamment été vendus par des groupes armés, notamment en Afrique centrale et de l’Ouest, pour financer des actes de guerre, d’insurrection, de crime organisé, de terrorisme et d’oppression.

Le processus de Kimberley, un cadre international créé en 2003, a permis d’apporter une rigueur et une transparence nécessaires à la chaîne d’approvisionnement diamantaire, en rendant plus difficile la commercialisation des diamants de conflits, aussi appelés « diamants de sang ».

Décrit par certains comme un système parfait, le processus de Kimberley présenterait de sérieuses lacunes pour d’autres. Aujourd’hui encore, il peut être très difficile, voire impossible, de savoir si un diamant naturel acheté auprès d’un vendeur légal n’alimente pas un conflit. Quelques mois après l’invasion russe de l’Ukraine par exemple, des diamants russes étaient toujours en circulation sur le marché mondial. De quoi faire tiquer certains consommateurs.

Il est à l’inverse certain qu’un diamant cultivé en laboratoire se conforme aux exigences éthiques.

Pour résumer, s’il est possible d’affirmer que les diamants naturels constituent la meilleure option sur le plan socioéconomique, cet argument peut être difficile à faire valoir. Pour ce qui est de la durabilité, la balance penche en faveur des diamants de synthèse. « Pour le moment, les diamants de laboratoire l’emportent sur le plan environnemental », conclut Gbemi Oluleye.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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