Lateo.net - Flux RSS en pagaille (pour en ajouter : @ moi)

🔒
❌ À propos de FreshRSS
Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraîchir la page.
À partir d’avant-hierRuptures

La Cour suprême britannique désavoue le premier ministre, mais sans conséquence sur le Brexit

Par : pierre

La décision de la Cour suprême britannique, rendue publique le 24 septembre, a fait l’effet d’une bombe. A l’unanimité, les onze juges ont décrété que la suspension du Parlement pendant cinq semaines, telle que l’avait décidée le premier ministre, était « illégale » et de nul effet. Ils ont ainsi inversé le verdict de la Haute Cour de Londres qui avait pour sa part jugé qu’une telle suspension relevait de la compétence politique (et donc de l’exécutif), et non du ressort judiciaire.

En conséquence, les députés britanniques sont revenus dès le 25 septembre en session, alors qu’ils avaient été mis en congés pour une pause de cinq semaines, en l’occurrence jusqu’au 14 octobre. Boris Johnson avait indiqué, pour justifier sa décision, qu’il préparait la rentrée parlementaire et le programme qu’il devait y annoncer. Et rappelé qu’une telle suspension intervient régulièrement – seule sa durée était inhabituelle.

De son côté, la présidente de la Cour suprême a argué que cette pause « a eu pour effet d’entraver la capacité du Parlement à exercer ses fonctions démocratiques, et ce, sans justification rationnelle », et que ses « conséquences sur les fondements de notre démocratie ont été extrêmes ». Une formulation maximaliste qui, prise à la lettre, laisse tout de même perplexe.

Nombre d’honorables parlementaires n’ont d’autre objectif que d’annuler le verdict populaire

Car cela fait désormais plus de trois ans que les parlementaires débattent du Brexit, sans qu’aucune majorité ne se dessine pour fixer les modalités de la sortie de l’Union européenne, une sortie décidée le 23 juin 2016 par le peuple. Les élus ont par trois fois rejeté l’accord négocié entre Bruxelles et le prédécesseur de Boris Johnson, Theresa May, et dit également Non à huit alternatives qu’ils avaient eux-mêmes imaginées. En réalité, nombre d’honorables parlementaires n’ont d’autre objectif que d’annuler le verdict populaire, à tout le moins de le vider de sa substance.

L’actuel locataire de Downing Street a également rappelé qu’entre le 14 octobre et la date prévue pour que le Royaume-Uni sorte de l’UE, le 31 octobre, les députés auraient eu à nouveau le temps de poursuivre leurs débats, sans d’ailleurs que personne n’imagine ce qui pourrait en sortir de nouveau. Début septembre, une majorité d’entre eux avait même voté un texte liant les mains du chef du gouvernement : faute d’accord trouvé avec Bruxelles d’ici le 19 octobre, cette loi contraint ce dernier a solliciter du Conseil européen un nouveau report – ce serait le troisième – jusqu’au 31 janvier.

L’arrêt de la Cour suprême aura, à moyen et long termes, des conséquences lourdes sur l’équilibre des pouvoirs – entre gouvernement, parlement et justice – dans ce pays sans constitution écrite, bien plus qu’à court terme sur le Brexit lui-même.

Johnson veut des élections

Boris Johnson a en tout cas saisi l’occasion du verdict du 24 septembre, pour en appeler à de nouvelles élections, seule manière de dénouer la situation. Le parti travailliste a défendu becs et ongles cette perspective depuis deux ans, avant… de la bloquer début septembre, de peur qu’elle ne favorise la réalisation de l’engagement de Boris Johnson : mettre en œuvre le Brexit, quoi qu’il arrive, au 31 octobre.

La date de sortie ne peut être repoussée qu’à la double condition que la partie britannique le demande, et que les chefs d’Etat et de gouvernement l’acceptent à l’unanimité

C’est la date de sortie qu’avaient fixée d’un commun accord Londres et les Vingt-sept, lors du Conseil européen d’avril dernier. Une date qui ne peut être repoussée qu’à la double condition que la partie britannique le demande, et que les chefs d’Etat et de gouvernement l’acceptent à l’unanimité. Ceux-ci se réuniront les 17 et 18 octobre.

M. Johnson a affirmé son désaccord avec l’arrêt de la Cour annulant la suspension du Parlement, tout en précisant qu’il le respecterait. Mais il a une nouvelle fois confirmé que le pays sortirait bien de l’Union européenne le 31 octobre – avec ou sans accord.

Dans l’hypothèse d’un non-accord, rien ne l’empêche par exemple – c’est une de ses possibilités – de respecter la lettre du texte le contraignant à demander formellement un report, tout en indiquant aux Vingt-sept que cette voie relancerait une situation inextricable et prolongerait une énième fois les incertitudes. Dans ce cas, il est probable que certains dirigeants européens mettront un veto à cette demande de report. Par exemple le président français, qui avait déjà exprimé sa volonté en ce sens en avril dernier, avant de se rallier in extremis à la position d’Angela Merkel.

La « souveraineté du parlement » est une bizarrerie juridico-politique, puisque c’est le peuple – et non ses représentants – qui est censé être souverain

Après la décision de la Cour suprême, les adversaires du Brexit exultent, en Grande-Bretagne, mais aussi sur tout le Vieux continent. Officiellement, ils se réjouissent que la « souveraineté du parlement » ait été défendue dans la « plus vieille démocratie parlementaire du monde ». Notons au passage que la formulation « souveraineté du parlement » est pour le moins une bizarrerie juridico-politique, puisque c’est le peuple – et non ses représentants – qui est censé être souverain. En réalité, ils se réjouissent que la voix de ce dernier ait été une nouvelle fois défiée, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Ainsi, Le Monde (26/09/19) note sans ciller que la démocratie parlementaire a été « fragilisée » par le référendum de 2016. Etrange démocratie qui peut ainsi être « fragilisée »… par le peuple.

Mais l’époque n’est plus où la voix populaire pouvait être simplement battue en brèche, voire carrément bafouée. Certes, la décision de la Cour constitue un revers politique pour le Premier ministre. Ceux qui s’en réjouissent oublient littéralement les millions de Britanniques écœurés et exaspérés par cet insupportable constat : leur décision de quitter l’UE n’est toujours pas appliquée. C’est à cette incroyable injustice que Boris Johnson s’est engagé à mettre fin.

Que ce soit dans un mois ou dans quatre, ceux qui font la fête aujourd’hui devront déchanter.

 

– L’édition de Ruptures de septembre vient de paraître (voir son sommaire). Une page est consacrée aux dernières nouvelles du Brexit. Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

– Voir aussi les derniers développements politiques en Espagne (article tout récemment mis en ligne sur ce site).

 

Cet article La Cour suprême britannique désavoue le premier ministre, mais sans conséquence sur le Brexit est apparu en premier sur Ruptures.

La Cour de Luxembourg bloque une réforme de la justice polonaise

Par : pierre

Le jugement était attendu. Le 24 juin, la Cour européenne de justice (CEJ) a rendu un verdict donnant raison à la Commission européenne contre la Pologne. Bruxelles avait attaqué Varsovie à propos d’une réforme qui abaissait notamment l’âge de la retraite pour les magistrats siégeant à la Cour suprême polonaise (CS). Les membres de celle-ci devaient donc bénéficier d’un repos bien mérité à 65 ans pour les hommes, à 60 ans pour les femmes.

Pas question, ont tranché les juges de la CEJ. Ceux-ci ont estimé que la réforme était en infraction avec le droit européen.

Dans le contexte, il ne s’agit pas du énième arrêt des juges de Luxembourg bloquant une avancée sociale. Les juges de l’UE évoquent cette fois une atteinte à l’indépendance de la justice polonaise. Car le but caché du gouvernement serait de se débarrasser des magistrats de la Cour suprême en désaccord avec le parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS, droite conservatrice), affirme la CEJ. C’est du reste aussi l’opinion de la présidente de la CS, Malgorzata Gersdorf, elle-même touchée par la limite d’âge, mais qui entend rester à son poste. Varsovie avait du reste admis récemment le maintien de celle-ci.

Le verdict s’appuie notamment sur le fait que, selon une des dispositions de la réforme votée en juillet 2017 (photo), le président de la République se voit reconnaître le droit de prolonger le service des juges au-delà de l’âge prévu. La CEJ y voit une prérogative discrétionnaire, et donc une menace sur l’indépendance de la justice polonaise par rapport à l’exécutif.

Le gouvernement polonais a dénoncé un jugement s’immisçant dans l’organisation interne des institutions du pays

Le gouvernement polonais a immédiatement dénoncé un jugement s’immisçant dans l’organisation interne des institutions du pays, un domaine sur lequel l’UE n’a en principe pas de mandat. Cette indignation est parfaitement légitime. D’autant que la réforme vise officiellement à aligner l’âge de la retraite des juges de la CS sur le droit commun.

Hélas, l’argumentaire du PiS a rajouté des arguments douteux. Il a en particulier insisté sur le fait que la réforme permettrait d’écarter des juges nommés « du temps du communisme » et soupçonnés d’en être nostalgiques.

Une telle affirmation signifie – en fait, confirme – que le gouvernement reconnaît vouloir se débarrasser de certains juges, non à propos de reproches quant à l’exercice de leur fonction, mais bien sur la base de leurs opinions présumées.

On notera que ce point n’a nullement été relevé par la CEJ. Plus généralement, les dirigeants de l’UE ne voient rien à redire quand le gouvernement d’un Etat membre proclame sans fard vouloir se livrer à une chasse aux sorcières vis-à-vis des « nostalgiques du communisme ». C’est du reste le cas depuis belle lurette non seulement en Pologne mais aussi dans un certain nombre de pays d’Europe orientale. Cela n’est manifestement pas contraire au droit européen, ni aux « valeurs » dont Bruxelles se rengorge tous les matins.

En développant cet argument, les dirigeants polonais se tirent cependant une balle dans le pied : ils valident l’accusation de la CEJ selon laquelle leurs motivations relèvent de l’arbitraire politique.

Réformes demandées

Naturellement, la Commission européenne s’est immédiatement réjouie du verdict de Luxembourg, en soulignant que « l’existence d’une confiance mutuelle entre les pays membres » en matière de système judiciaire dépend de l’« indépendance » de chacun d’entre eux.

Dans ses « recommandations», la Commission demande par ailleurs à la Pologne de prendre « des mesures visant à relever l’âge effectif de la retraite »… pour tout le monde

La Commission s’est en revanche bien gardée de faire référence aux « recommandations » qu’elle a adressées aux pays membres début juin. Ces « recommandations » constituent en fait la feuille de route permettant à Bruxelles de surveiller, contrôler et orienter les politiques nationales en matière budgétaire, économique mais aussi de « réformes ». Elles rentrent dans le cadre de la « gouvernance » intrusive mise en place à partir des années 2010, et qui vient renforcer les contraintes imposées par le Pacte de stabilité.

Ces « réformes » doivent être « accélérées », tel a été cette année le leitmotiv de Bruxelles. Dans le document adressé à la Pologne, celle-ci se voit par exemple sommée de prendre « des mesures visant à relever l’âge effectif de la retraite ».

Pour tout le monde, juge ou pas…

Cet article La Cour de Luxembourg bloque une réforme de la justice polonaise est apparu en premier sur Ruptures.

❌