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Parc des Princes : l’urgence de la privatisation

Mardi 27 février, Florian Grill, le président de la Fédération française de rugby, menaçait de délocaliser les matchs du XV de France hors du Stade de France à l’occasion d’un entretien à l’AFP. Le bras de fer entre la mairie de Paris et le PSG au sujet du Parc des Princes avait, lui aussi, connu un nouveau rebondissement le mois dernier : l’adjoint écologiste à la mairie de Paris, David Belliard, ne souhaitait pas le voir vendu au Qatar. Le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi s’en était ému, accusant à demi-mot la mairie de Paris de racisme. Après avoir menacé de s’installer au Stade de France, le PSG serait désormais à la recherche d’un endroit pour construire un nouveau stade. Cette opération serait une catastrophe pour les Parisiens qui subissent déjà depuis dix ans la fuite en avant financière de la mairie socialiste.

Source : journaldunet.com

Depuis que la coalition socialo-communo-écolo a porté au pouvoir Anne Hidalgo a la tête de la mairie de Paris il y a dix ans, la situation financière de la ville s’est considérablement dégradée.

Profitant des taux exceptionnellement bas, la maire socialiste a dépensé sans compter, et l’endettement de la ville de Paris a été multiplié par deux en dix ans pour atteindre près de huit milliards d’euros. La réalité a commencé à rattraper les Parisiens, et la ville a augmenté la taxe foncière de 62 % l’année dernière pour essayer de colmater les brèches.

Ce n’est pas suffisant : la très forte augmentation des taux d’intérêts pour lutter contre l’inflation causée par des années de taux ultra-bas, et les déficits massifs enregistrés depuis la crise financière et renforcés par le « quoi qu’il en coûte » imposent un rapide désendettement de la ville de Paris. C’est la condition pour éviter d’écraser les Parisiens d’impôts supplémentaires. Il faut donc que la ville de Paris vende vite et bien le Parc des Princes, et cela veut dire le céder au PSG.

Source : journaldunet.com

Le Paris Saint-Germain est un des rares clubs majeurs européens qui n’est pas propriétaire de son stade. L’acquérir permettrait à la fois de renforcer la position financière du club grâce à un important actif immobilier, ainsi que son contrôle sur les revenus de billetterie et d’hospitalité. Le club deviendrait aussi maître de ses investissements, pouvant les planifier sans interférence de la mairie de Paris.

Du côté de la mairie de Paris, il est essentiel que le PSG devienne acquéreur du Parc pour ancrer le club à Paris. La valeur du Parc des Princes tient essentiellement au fait que le PSG en soit le club résident. Perdre le PSG, c’est s’asseoir sur l’activité que les matchs génèrent et sur la valeur du Parc des Princes. Ce raisonnement s’applique aussi au PSG : un PSG propriétaire du stade ne peut en déménager qu’à condition d’accepter une forte dépréciation de la valeur de cet actif. Ce n’est pas grâce aux concerts qui sont en concurrence directe avec le Stade de France et Bercy que le Parc ne deviendra pas un poids mort pour les Parisiens.

Le Parc des Princes n’est pas le seul actif sportif que la ville de Paris doit céder pour accélérer son désendettement. Elle est aussi propriétaire de Roland Garros, du stade Charlety et du stade Jean Bouin. Ce n’est pas le rôle de la mairie de Paris d’être propriétaire d’infrastructures essentiellement utilisées par des entreprises commerciales au rayonnement national et international. La ville doit rapidement enclencher les discussions pour céder ce parc immobilier à la Fédération Française de Tennis, au Paris FC et au Stade Français, et affecter les revenus à son désendettement.

L’État donne pour une fois l’exemple en cherchant à céder le Stade de France. Une bonne privatisation de celui-ci mettrait fin au modèle de la concession et le cèderait à un consortium composé de la Fédération Française de Football, de Rugby, d’Athlétisme et d’une entreprise spécialisée (comme Vinci). Cela permettrait aux fédérations sportives d’améliorer les revenus tirés de leurs évènements et de les diversifier grâce aux spectacles. L’entreprise concessionnaire apporterait son savoir-faire et probablement une meilleure tenue des comptes que si ceux-ci étaient laissés entièrement aux fédérations.

Privatiser ces infrastructures, c’est faire gagner la France plusieurs fois : des organisations sportives plus solides, des finances publiques assainies et des administrations publiques qui peuvent se concentrer sur leurs tâches essentielles. Pour l’État, comme pour la mairie de Paris, c’est notamment la sécurité des biens et des personnes qui se dégrade de façon inquiétante.

Baisses d’impôts : quand les promesses d’Attal se fracasseront sur le mur de la réalité

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe pas loin de l’arbre.

Le gouvernement dispose de trois pistes pour déshabiller Paul afin d’habiller Pierre.

La première – et la pire – est l’abolition ou l’augmentation de la flat tax sur les revenus du capital. En pénalisant l’investissement dans l’économie réelle et en punissant les investisseurs qui réallouent leur capital vers de nouveaux projets, c’est la croissance déjà atone de la France qui ralentirait, et avec elle les salaires et les recettes futures de l’État. Ce qui apparaît à court terme fiscalement neutre se révèle à long terme coûteux. Nul doute que la facture finale reviendrait aux classes moyennes.

La seconde piste est l’augmentation de l’IFI, mais considérant que cela nécessiterait de le doubler, il est peu probable que le gouvernement s’engage sur cette voie.

La dernière piste est l’augmentation des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu, voire la création d’une nouvelle. Or, s’il y a un impôt par lequel la soi-disant solidarité nationale s’exerce particulièrement, c’est bien l’impôt sur le revenu.

En effet, en 2022, le montant moyen payé par 82,5 % des foyers est inférieur à 300 euros, 13 millions de foyers recevant même de l’argent plutôt que d’en payer. À l’inverse, les 1,3 % des ménages les plus riches s’acquittaient de près de 36 % de la facture totale de l’impôt sur le revenu : 30 milliards d’euros. Le gouvernement prévoit-il d’augmenter leur contribution de 6 % pour essayer de sauver les élections européennes ? Ce serait une bien mauvaise nouvelle pour la France.

Dans son étude comparative de la fiscalité des pays européens parue en 2023, la Tax Foundation a classé la France dernière. Parmi les critères utilisés pour dresser ce classement se trouve la fiscalité individuelle. Bien que n’ayant pas les taux affichés les pires d’Europe (le Danemark et l’Autriche décrochent cette triste médaille), la France se situe dans le bas du classement à cause de sa fiscalité qui punit fortement le travail. Le rapport entre le coût marginal – celui de gagner un euro de plus – de la fiscalité du travail et le taux moyen est de 1,55 en France. L’augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu accentuera ce mauvais résultat. L’augmentation de la fiscalité des classes supérieures – celles qui épargnent le plus – aurait les mêmes conséquences sur la croissance que l’abolition de la flat tax. Comment Gabriel Attal compte-t-il « desmicardiser la France » si l’impôt encourage les bas revenus et freine la progression des salaires ?

Gabriel Attal promet que cette baisse d’impôt sera entièrement financée.

Tout observateur sérieux sait que c’est au mieux un mensonge, au pire, une incompétence crasse. Tout d’abord, comme le constate le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-Francois Husson, le budget de 2024 consacre l’entrée de la France dans l’ère des déficits extrêmes.

Comment le Premier ministre peut-il prétendre que cette mesure sera entièrement financée quand 30% du budget de l’État ne l’est pas ? Le PLF 2024 prévoit 491 milliards d’euros de dépenses pour 350 milliards de recettes, c’est-à-dire que 141 milliards d’euros de dépenses ne sont pas financées.

Cela soulève deux questions.

Tout d’abord, pourquoi le gouvernement ne choisit-il pas tout simplement d’augmenter le déficit de l’État de 1,4 %, ce qui aurait moins d’impact sur les recettes futures qu’une mauvaise hausse d’impôt ?

Surtout, pourquoi est-il incapable de réduire les dépenses d’un pitoyable 0,4 % pour réellement financer sa baisse d’impôt ? Ce ne sont pourtant pas les coupes faciles qui manquent, à commencer par les ubuesques primes pour rapiécer les vêtements, réparer les vélos ou les lave-linges. Le tentaculaire audiovisuel public coûte à lui seul 3,8 milliards d’euros par an, il suffirait d’en privatiser la moitié pour financer la mesure.

La Cour des comptes publie quasi quotidiennement un rapport qui nous rappelle le gaspillage et la gestion hasardeuse des deniers publics.

Une réforme de l’impôt sur le revenu est nécessaire pour relancer la France et récompenser le travail, et c’est possible à périmètre fiscal constant.

La plus audacieuse d’entre elles est la suppression de l’impôt sur le revenu financé par l’élargissement de la base de la TVA. Selon la Tax Foundation, la TVA ne perçoit que la moitié de son potentiel, de nombreux produits étant soumis à un taux réduit, voire nul.

Une seconde réforme moins audacieuse reviendrait à instaurer une flat tax sur l’ensemble des revenus. Avec 1322 milliards de revenus déclarés, son taux ne s’élèverait qu’à 7,1 % ! Bien sûr, la vraie réforme serait de baisser tout simplement les dépenses publiques de 6 %, ce qui serait toujours supérieur à l’avant covid.

Impossible pour Gabriel Attal, incapable qu’il est de trouver deux milliards.

Quand la fiscalité prend l’eau : focus sur la « taxe inondation »

Depuis plusieurs mois, de nombreux départements subissent des inondations particulièrement destructrices. Mais nos impôts sont censés protéger leurs habitants.

En effet, depuis 2014 existe une nouvelle taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, aussi intitulée GEMAPI ou « taxe inondation ».

La particularité de cette taxe facultative est de relever de la compétence exclusive des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ne votent pas un taux mais un produit final attendu réparti entre les contribuables des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la contribution foncière des entreprises. Le taux de la taxe est ensuite déterminé en divisant le produit attendu par les bases nettes des quatre taxes. Ce qui revient à augmenter les impôts locaux d’une taxe additionnelle prélevée en même temps qu’eux et destinée à gérer les milieux aquatiques et prévenir les inondations.

La taxe connaît un succès tellement foudroyant qu’aujourd’hui plus de la moitié des communes et plus de la moitié de la population sont soumis à cette taxe. En 2017, elle rapportait 25 millions d’euros. En 2022, ce sont 380 millions d’euros de recettes fiscales qui sont entrées dans les caisses des collectivités locales pour, entre autres, prévenir les inondations. Pourquoi cette augmentation ? De plus en plus d’intercommunalités ont recours à cette taxe qui permet d’augmenter les impôts locaux tout en annonçant ne pas augmenter la taxe foncière, mais aussi parce qu’une fois en place, les taux, faibles au début, grimpent progressivement. Insensiblement, l’augmentation est parfois exponentielle. Quand le taux des Hauts-de-Seine passe de 0,01 % à 0,07 %, cela peut paraître dérisoire mais représente une multiplication par 7 de la taxe. Des collectivités sont d’ailleurs inquiètes car le montant de la taxe est plafonné à 40 euros par habitant et… certaines approchent ce seuil. Preuve que le montant est de moins en moins insignifiant.

Au cumul, c’est aujourd’hui plus d’un milliard d’euros que les propriétaires et entreprises ont dû débourser depuis la création de la taxe. Les crues récentes conduisent pourtant à s’interroger sur son efficacité. Au vu du nombre de déclarations de sinistres, on peut légitimement se demander où est passé l’argent. Certains répondront qu’avec le dérèglement climatique, le résultat aurait été encore pire sans la taxe. Pourtant, la détresse des habitants et des services de secours suffit à en douter.

Dans le cas des départements du Nord et du Pas-de-Calais, durement touchés par les inondations, on peut d’autant plus s’inquiéter du poids de la fiscalité anti-inondation, que la taxe GEMAPI est en fait venue s’ajouter à une ancestrale taxe sur les wateringues. Ces dernières sont des canaux artificiels destinés à drainer l’eau excédentaire vers la mer, et éviter ainsi les inondations consécutives au fait que certains territoires côtiers du nord de la France se situent au-dessous du niveau de la mer. L’entretien de ces canaux est assumé par l’Institution Intercommunale des Wateringues et financé par une taxe acquittée notamment par les propriétaires de terres agricoles encadrées par les wateringues et qui rapporte environ 5 millions d’euros par an.

La taxe ayant été maintenue malgré l’apparition de la taxe GEMAPI, celle-ci semble maintenant faire double emploi. À la rigueur, un financement supplémentaire aurait pu se justifier s’il avait conduit à une efficacité accrue du dispositif. Or, la Chambre Régionale des comptes des Hauts-de-France a publié quelques semaines avant les premières crues automnales un rapport alertant sur le « difficile exercice de la coordination des compétences GEMAPI » né, entre autres, d’un partage des tâches qui semble parfois incompris entre le syndicat des wateringues et les autres intercommunalités.

Les dernières crues du Pas-de-Calais semblent montrer qu’avant de créer de nouvelles taxes, il serait utile de savoir comment les dépenser utilement.

Fabrice Le Saché, VP du Medef : « l’accord sur l’IA ne répond pas aux ambitions de départ »

Fabrice Le Saché est le vice-président du Medef en charge de l’Europe. Au cours de cet entretien, nous abordons les répercussions des nouvelles réglementations européennes (IA, minerais stratégiques, taxe carbone…) sur l’industrie française et européenne. Il est aussi question des réponses à apporter à la crise du logement et de l’impact des actions de sabotage des écologistes radicaux sur la croissance et l’emploi en France.

 

Intelligence artificielle

Loup Viallet, rédacteur en chef de Contrepoints – Le 08 décembre dernier, le commissaire européen Thierry Breton a qualifié d’« historique » l’accord de l’UE sur la réglementation de l’intelligence artificielle (IA ACT). Estimez-vous, avec M. Breton, que « L’Europe va devenir le meilleur endroit au monde pour faire de l’intelligence artificielle » ?

Fabrice Le Saché, vice-président du Medef chargé de l’Europe – Je souhaite tout d’abord rappeler un chiffre : 25 % des entreprises européennes utilisent l’intelligence artificielle (IA). Si la démocratie de l’IA est récente, l’IA n’est pas pour autant une technologie inconnue.

Le Medef a salué les ambitions initiales de Thierry Breton d’encadrer l’IA pour construire un écosystème favorable au tissu économique et à l’ensemble des citoyens. Une certaine idée de la régulation qui ne freine pas l’innovation et n’obère pas la compétitivité de nos entreprises. Nous avons toujours rappelé l’importance de maintenir une neutralité technologique et d’avoir une approche globale par les risques. Seul l’usage que l’on fait de l’IA doit définir son niveau de risque, et non les caractéristiques techniques de chaque modèle. Or, l’accord provisoire obtenu début décembre ne répond pas intégralement aux ambitions de départ. L’approche par les risques et le principe de neutralité technologique ont été fragilisés en intégrant des obligations propres aux IA génératives, ce qui ajoute de la complexité juridique. De plus, le texte nécessite de nombreuses lignes directrices et actes délégués de la Commission européenne pour être applicable, entraînant ainsi les entreprises dans une période d’incertitude et de flou juridique.

Dans la course mondiale à l’intelligence artificielle l’Europe est encore à la traîne, loin derrière les géants chinois et américains, mais nous pouvons encore combler notre retard. À condition de s’en donner les moyens, de mettre le pied sur le frein de la surrèglementation, et d’investir dans une politique d’innovation courageuse permettant de faciliter l’accès des entreprises aux financements, aux compétences et aux marchés.

Il est évident qu’aujourd’hui, le développement économique et l’innovation dépendent largement de l’évolution des compétences numériques, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. Si notre pays veut jouer un rôle dans la révolution industrielle 5.0, nous devons constamment anticiper et nous adapter aux évolutions technologiques. Le défi pour les entreprises est double : recruter du personnel qualifié tout en veillant à la mise à jour des compétences des salariés. C’est pourquoi la formation doit être au cœur des stratégies d’entreprise.

 

Souveraineté minérale

Début décembre 2023, le Parlement européen a approuvé un texte sur les matières premières critiques, fixant des objectifs pour la production, le raffinage et le recyclage des minéraux indispensables à la transition écologique et numérique. L’Europe est-elle en train de réduire sa dépendance à l’égard de la Chine ? Cette législation va-t-elle faciliter la production de voitures électriques, de panneaux solaires, d’éoliennes et smartphones en Europe ? Quels effets produit-elle déjà sur le marché du travail ?

Les récentes crises ont démontré à quel point la France était dépendante des chaînes d’approvisionnements mondiales. Nous avons désormais pris collectivement conscience de la nécessité de retrouver un appareil de production performant et une culture industrielle forte. Cette indispensable souveraineté passe par la réduction de nos dépendances extérieures de l’Union européenne vis-à-vis des matières premières critiques. Le monde change, celui dominé par les énergies fossiles laissera bientôt sa place à un monde dominé par les matières premières minérales. Il sera sans carbone, mais riche en métaux : le marché du cuivre va doubler, celui du nickel va tripler, et celui du lithium va quadrupler au cours des dix prochaines années.

C’est pour cela que nous avons – dès mars 2023 – soutenu le règlement sur les matières premières critiques qui permettra d’identifier des projets stratégiques et sécuriser des chaînes d’approvisionnement. Pour garantir notre autonomie stratégique et contribuer au redressement de notre commerce extérieur, il faudra aller encore plus loin.

Tout d’abord, il est impératif de valoriser l’exploitation de minerais stratégiques tant en Europe qu’en France par des dérogations ponctuelles aux Codes minier et environnemental. La France dispose en la matière d’un savoir-faire historique qui lui a longtemps permis de compter parmi les principaux producteurs mondiaux de métaux stratégiques comme l’antimoine, le tungstène et le germanium. Dans ce sens, je salue l’initiative de l’entreprise Imerys qui s’apprête à exploiter la plus grande mine de lithium d’Europe dans l’Allier, capable de fournir assez de matière première pour produire 750 000 batteries par an. Ce projet répond à la fois aux enjeux d’indépendance énergétique, de réindustrialisation – et avec elle de création de richesse partout dans les territoires – et de décarbonation de notre mobilité.

Aussi, l’Europe doit aussi repenser ses relations avec les pays fournisseurs au travers d’une diplomatie des matières premières qui déboucherait sur des accords commerciaux larges et ambitieux, permettant le renforcement des coopérations, la négociation de quotas, ou encore l’élimination de tarifs douaniers. L’Union européenne devrait également chercher à réduire les écarts de compétitivité, en particulier dans les hautes technologies et l’économie numérique, et plus globalement garantir des conditions de concurrence équitables entre les entreprises de l’Union européenne et les concurrents chinois.

Bien évidemment, l’Union européenne et la Chine doivent renforcer leurs liens commerciaux et d’investissement, mais sans naïveté, en recourant aux instruments de défense commerciale pour dissuader la Chine de prendre des mesures unilatérales dommageables.

Enfin, notre stratégie ne pourra faire l’impasse du recyclage, qui doit être considéré comme un pilier essentiel de l’offre en matières premières critiques. Il convient d’une part d’accompagner les entreprises dans les démarches d’éco-conception des produits afin qu’elles réduisent leurs besoins en matières critiques (ou qu’elles les substituent) et d’autre part, d’allonger la durée de vie des produits afin que les matières critiques soient utiles plus longtemps.

 

Taxe carbone aux frontières de l’UE

À partir du 1er janvier 2026, les importateurs européens devront s’acquitter d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Celle-ci va-t-elle renchérir les coûts de production pour les entreprises ? Pensez-vous que cette taxe est de nature à inciter les industriels européens à relocaliser leurs approvisionnements en matières premières à haute intensité de carbone ou, à l’inverse, qu’elle les encouragera à délocaliser leurs productions dans des zones où les normes environnementales sont plus légères, voire inexistantes (Maroc, Turquie..) ?

Le Carbon Border Adjustment Mechanism (MACF) ou la « taxe carbone aux frontières » s’inscrit dans un contexte de crise énergétique et d’un accroissement du différentiel de compétitivité entre l’Union européenne et le reste du monde. Le Medef soutient le principe d’une taxe carbone ambitieuse aux frontières, mais avec une surveillance forte pour éviter son contournement par nos partenaires commerciaux. Le texte de l’Union européenne ne répond toutefois pas entièrement aux inquiétudes des industriels, notamment sur les risques de contournement, et fera peser de nouvelles lourdeurs administratives sur les importateurs.

La mise en œuvre du MACF s’accompagnera d’une élimination progressive des « quotas gratuits » qui pèsera sur la compétitivité des exportations européennes face à une concurrence étrangère qui n’aura pas essuyé le même coût du carbone en amont. Rexecode entrevoit une dégradation des comptes d’exploitation des entreprises de l’ordre de 45 milliards d’euros par an au niveau européen, et 4 milliards en France. Le MACF représente une perte de marges estimée à 2,1 milliards pour l’industrie française (soit une baisse de 2,7 % du résultat courant avant impôts). La mise en route du MACF menacerait plus de 37 500 emplois industriels, soit 1,5 % du total des emplois industriels en France.

Les risques de délocalisation dépendront des mesures adoptées pour lutter contre le contournement. Le MACF ne couvre que quelques grands intrants industriels, et non l’ensemble des chaînes de valeur. Si l’aluminium étranger produit hors de l’Union européenne sera bien taxé à la frontière, un produit fini ou semi-fini à base d’aluminium et transformé hors de l’Union européenne échappera au MACF.

L’importateur européen n’aura donc pas à en acquitter le coût du carbone, ce qui peut l’inciter à opter pour cette solution plutôt que de se tourner vers la filière de fabrication française qui aura payé un coût du carbone dans tous les cas de figure. Dans les prochains mois, il sera donc essentiel de faire un suivi précis et de mener des évaluations régulières pour corriger toute conséquence négative sur notre tissu industriel et les emplois, ainsi que sur notre compétitivité à l’export.

Ce texte est ainsi loin de résoudre toutes nos difficultés. C’est pourquoi il faut mobiliser l’ensemble des leviers pour réindustrialiser notre continent, tels que l’assouplissement des règles sur les aides d’État, le financement de l’innovation bas carbone et l’adaptation des formations pour répondre aux besoins des entreprises.

 

Crise du logement

En 2023, la crise du logement s’est installée en France. Les taux d’emprunt ont continué à monter, les ventes de logements neufs ont chuté de 30 %, les délivrances de permis de construire ont baissé de 23 %, les prix des loyers ont augmenté dans la majorité des grandes villes. Dans le secteur du bâtiment, 180 000 emplois sont menacés dès cette année, 500 000 d’ici à 2025. Les pouvoirs publics ont-ils pris conscience de la situation ? À quel point cette crise affecte-t-elle le fonctionnement du marché européen ? Que préconisez-vous pour sortir de la crise actuelle ?

Le logement, c’est le socle de la cohésion, une condition essentielle du dynamisme économique et du bien-être de nos concitoyens. Sans possibilité de loger à hauteur des besoins nos salariés, nous ne pourrons pas continuer à assumer la volonté de retour au plein-emploi qui est la nôtre.

Dans un contexte économique marqué par le renchérissement du coût des matières premières et la hausse des taux d’intérêts, la situation du logement en France est aujourd’hui critique. La situation ne fait que de s’aggraver, notamment sous le coup de décisions prises sans concertation avec les acteurs économiques : le zéro artificialisation nette (ZAN), la révision tous azimuts des documents de planification urbaine, et la chute de la délivrance des permis de construire.

En un an, la production de logements a chuté de 20 %. Ce sont 100 000 logements manquants qui sont venus s’ajouter aux 600 000 logements abordables non construits. Pour nous, chefs d’entreprise, il nous faut répondre aux besoins en logement des salariés, là où sont les emplois, c’est-à-dire largement dans les métropoles, et ne pas imaginer que les emplois vont miraculeusement se déplacer dans les zones détendues, hors marché, plus difficiles d’accès.

La crise du secteur de la construction se propage dans toute l’Europe, alors que le secteur est un pilier de l’économie, il pèse 6 % du PIB de l’Union européenne et emploie 14 millions de personnes. Le ralentissement est particulièrement marqué en Allemagne où l’indice de production – prenant en compte les logements, mais aussi les magasins, usines et autres bâtiments à usage professionnel – est en chute de plus de 6 points depuis la guerre en Ukraine.

Il est encore temps d’agir pour sortir de la crise et les réponses à apporter devront être en grande partie nationales. C’est pour cette raison que le Medef propose d’organiser avec les pouvoirs publics une conférence annuelle sur le logement avec pour but de passer en revue, territoire par territoire, les objectifs de production, les réglementations contreproductives et les réalisations effectives. Le logement est la pièce maîtresse de nos équilibres économiques, personnels et collectifs. La relance d’une politique de logement est plus que jamais d’actualité.

 

Éco-sabotage

L’année 2023 a été particulièrement marquée par les actions de blocage ou de sabotage d’activités économiques intentées par des collectifs radicaux comme Soulèvements de la Terre ou Extinction Rébellion. Occupations de cimenteries, destructions de mégabassines, mobilisations contre l’autoroute A69, leurs initiatives montent en puissance. Avez-vous estimé le bilan économique et social de leurs destructions ? Représentent-ils un danger réel pour la croissance et l’emploi en France ? En Europe ?

Je tiens à condamner fermement les actions de blocage ou de sabotage d’activités économiques intentées par des collectifs radicaux. Ces actes sont inadmissibles, inquiétants et préjudiciables à tous. Manifester est un droit, saccager est un délit. Il existe des voies de recours légales pour tous les projets d’infrastructures. C’est valable pour l’A69, pour le Lyon-Turin et pour tous les autres projets. Il est très difficile d’estimer précisément le bilan économique des destructions, mais cette flambée de violence a bien évidemment de graves conséquences économiques et sociales. Cela se traduit non seulement par d’irréparables pertes d’exploitation pour les entreprises touchées, pouvant conduire à du chômage partiel, voire à des destructions d’emplois. Cette situation se traduit aussi par une dégradation de l’image de la France qu’il faudra redresser.

Au Medef, cela ne vous étonnera pas, nous ne croyons pas à la thèse de la décroissance. Nous pensons même qu’elle est fondamentalement destructrice pour la cohésion sociale. Pourtant, nos objectifs sont communs : assurer l’avenir de la planète. Mais nos solutions divergent. Nous sommes convaincus que seule une croissance responsable permettra de relever le défi climatique en finançant les investissements et en assurant l’acceptabilité sociale de cette nécessaire transition. La croissance responsable, c’est non seulement la condition absolue pour financer la décarbonation de l’économie mais aussi pour continuer à créer des emplois, soutenir le pouvoir d’achat et maintenir l’équilibre de nos régimes sociaux.

 

Vous souhaitez réagir à cet entretien ? Apporter une précision, un témoignage ? Ecrivez-nous sur redaction@contrepoints.org

Les méfaits de la taxe foncière

Un article de Ryan McMaken

Selon l’indice Case-Shiller, les prix des logements ont augmenté de 44 % depuis février 2020. Il ne s’agit bien sûr que d’une moyenne, et certains marchés ont connu des augmentations de prix bien plus importantes. Toutefois, même sur les marchés immobiliers de l’Amérique moyenne, où les prix sont censés être plus raisonnables que sur les côtes, les prix ont grimpé en flèche.

À Cleveland, par exemple, l’indice a augmenté de 40 % depuis le début de 2020. Au cours de la même période, l’indice a augmenté de 50 % à Atlanta, et de 33 % à Chicago.

Ce type d’inflation des prix n’est pas simplement un produit de l’offre de logements. La demande de logements a été fortement gonflée par près de quinze années de taux d’intérêt historiquement bas, suivies par d’immenses flux d’argent nouvellement créés pendant la panique liée au covid. Comme l’a fait remarquer l’économiste Brendan Brown, même si la croissance des prix à la consommation a semblé faible de 2008 à 2020, les effets de l’inflation monétaire sont depuis longtemps visibles dans l’inflation des prix des actifs (par exemple, les prix de l’immobilier).

Il n’est donc pas du tout surprenant que les taxes foncières augmentent également. Heureusement pour les propriétaires, elles n’ont jusqu’à présent pas suivi l’évolution des prix du marché. Selon un rapport d’avril de la société d’analyse du logement ATTOM, 339,8 milliards de dollars de taxes foncières ont été payés par les propriétaires : 339,8 milliards ont été prélevés sur les maisons individuelles en 2022, soit une augmentation de 3,6 % par rapport aux 328 milliards de 2021. Cette augmentation représente plus du double de la croissance de 1,6 % enregistrée en 2021, bien qu’elle soit inférieure à l’augmentation de 5,4 % de l’année précédente.

Le rapport montre également que la taxe moyenne sur les maisons individuelles aux États-Unis a augmenté de 3 % en 2022, pour atteindre 3901 dollars, après avoir augmenté de 1,8 % l’année précédente.

Au niveau des États et des collectivités locales, certaines hausses d’impôts fonciers sont montées en flèche. Le Michigan, par exemple, a augmenté les taxes foncières à des niveaux jamais atteints depuis 28 ans. Certaines collectivités locales ont augmenté les impôts fonciers de 20 % ou plus. Cependant, dans de nombreuses régions, les augmentations des taxes foncières n’ont même pas suivi l’inflation.

Alors, si les prix de l’immobilier augmentent en moyenne de 40 % ou plus, pourquoi les taxes foncières ne sont-elles pas aussi élevées ? Ces augmentations relativement modestes s’expliquent en grande partie par le fait que leurs évaluations ne sont pas instantanées, mais modifiées à des intervalles souvent longs. En d’autres termes, de nombreux propriétaires peuvent constater qu’il y a encore beaucoup de mauvaises nouvelles liées à l’impôt foncier à venir.

Realtor.com rapporte, par exemple :

« Les factures d’impôts fonciers ont augmenté ou sont sur le point d’augmenter car les gouvernements locaux capitalisent sur la hausse des prix de l’immobilier au cours des dernières années. Et il n’y a que peu de recours pour les propriétaires qui doivent faire face à des factures plus élevées […] La plupart des gens doivent s’attendre à une augmentation de l’impôt foncier, déclare Carl Davis, directeur de recherche à l’Institute on Taxation and Economic Policy. Nous assistons actuellement à un rattrapage des évaluations [foncières] par rapport au marché. Ce processus se poursuivra au cours des prochaines années. Les collectivités locales sont confrontées à l’augmentation des coûts comme tout le monde. Et l’explosion des prix pendant la pandémie de Covid-19 a offert aux municipalités une occasion en or de faire quelque chose pour y remédier. »

Kiplinger’s note que les États et les collectivités locales feront tout ce qui est en leur pouvoir pour traduire la hausse des prix de l’immobilier en augmentation des recettes :

« Dans les régions ayant connu une forte appréciation de la valeur de leur maison, les propriétaires doivent se préparer à la possibilité que leur administration locale augmente les taux pour faire face à des évaluations plus élevées, même si les ventes de maisons se sont stabilisées, disent les experts. Pour les collectivités locales, l’inflation a fait grimper tous les coûts, des salaires des fonctionnaires aux fournitures scolaires. En outre, dans le sillage de la pandémie de covid, les propriétaires de locaux commerciaux sont confrontés à un grand nombre de logements vacants, ce qui a entraîné une baisse des recettes provenant de ces sources. »

Ce dernier détail est particulièrement inquiétant : quiconque s’est intéressé à l’immobilier sait que l’immobilier commercial se « détériore », et que d’autres mauvaises nouvelles sont attendues. Cela signifie que les décideurs politiques se tourneront probablement vers l’immobilier résidentiel pour combler le déficit.

Une autre raison pour laquelle les impôts fonciers n’ont pas suivi l’évolution des prix de l’immobilier est la pression politique qui s’exerce sur eux. Bien sûr, dans certaines juridictions, les décideurs politiques ont les mains presque libres pour augmenter les impôts à des taux exorbitants. Mais dans de nombreuses régions, les contribuables résisteront de bon cœur si on leur dit de se préparer à une augmentation de 20 ou 30 %. D’un autre côté, les décideurs politiques peuvent presque toujours s’en tirer avec la politique moins évidente consistant à ne pas baisser les impôts fonciers, même lorsque les prix de l’immobilier diminuent. Nous ne devrions pas placer nos espoirs de réduction des impôts dans la chute des prix de l’immobilier qui surviendrait lors d’une récession ou d’une crise financière.

En effet, « même si la valeur des biens immobiliers diminue, la facture de l’impôt foncier ne baisse généralement pas. Au lieu de cela, les gouvernements augmentent généralement le pourcentage auquel les maisons sont taxées pour compenser le manque à gagner causé par la baisse des valeurs ».

 

Les taxes foncières sont particulièrement néfastes pour les chômeurs, les pauvres et les personnes âgées

Plus d’un libertarien grincheux a décrit l’impôt foncier résidentiel comme « le loyer que vous payez à l’État pour vivre dans votre propre maison ». Ce n’est pas faux. En outre, l’impôt sur la propriété résidentielle peut être particulièrement dévastateur en période de crise économique, bien plus dévastateur que l’impôt sur le revenu.

Par exemple, si l’économie se détériore, on peut s’attendre à ce que les taux de chômage augmentent et que les revenus réels diminuent encore plus qu’ils ne l’ont déjà fait au cours des deux dernières années. En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, une baisse des revenus se traduit généralement par une réduction de la facture fiscale. Mais nos impôts fonciers diminuent-ils lorsque nous perdons notre emploi ou subissons une baisse de salaire ? Il est presque certain que non.

En effet, si les nouvelles évaluations interviennent à la fin d’une période inflationniste, les propriétaires peuvent être frappés par une nouvelle augmentation des taxes foncières au moment même où leur situation professionnelle se dégrade.

L’étape suivante, bien sûr, peut consister à déménager toute la famille dans le sous-sol du domicile de vos parents âgés. Même eux ne sont pas à l’abri des taxes foncières. Elles font partie des impôts les plus préjudiciables pour les personnes âgées à revenu fixe.

Les retraités dépendent de leur épargne et de leurs revenus d’investissement, ou des transferts de l’État versés par les salariés actuels. Les revenus globaux des retraités sont généralement bien inférieurs à ceux qu’ils percevaient lorsqu’ils étaient salariés. Cela se traduit par des économies d’impôt sur le revenu, mais la hausse des prix de l’immobilier et des taxes foncières peut les obliger à quitter leur logement. Ce phénomène entraîne également une plus grande rotation dans les quartiers. Les réfugiés fiscaux laissent derrière eux des réseaux sociaux fracturés dans des quartiers où les habitants s’appuient les uns sur les autres pour le soutien social et économique. En effet, la gauche peut décrier l’embourgeoisement, mais elle n’a aucun problème avec l’augmentation des taxes foncières qui accélère l’embourgeoisement peut-être plus que n’importe quelle autre politique. Les saisies immobilières sont un moyen sûr de se débarrasser des personnes âgées et des résidents à faibles revenus d’un quartier en voie d’embourgeoisement.

Certains États ont mis en place des lois sur le homesteading et des politiques similaires visant à limiter l’augmentation des taxes foncières pour les personnes d’un certain âge. Ces mesures ne font qu’atténuer l’impact de l’augmentation des taxes foncières. Même de faibles augmentations peuvent être désastreuses pour les personnes âgées ou handicapées qui n’ont guère la possibilité d’augmenter leurs revenus pour faire face à la facture fiscale.

 

Il n’y a pas d’impôt neutre

Rien de ce que j’écris ici ne doit être interprété comme une affirmation selon laquelle l’impôt foncier est objectivement le pire type d’impôt. Comme l’a montré Murray Rothbard, il n’existe pas d’impôt neutre, et chaque type d’impôt a ses propres effets d’appauvrissement. Il n’y a pas d’impôt qui ne diminue pas notre utilité en prenant une partie de notre richesse et en la dépensant différemment de ce que nous aurions fait.

Nous ne pouvons pas non plus affirmer que l’impôt foncier est « meilleur » que, par exemple, l’impôt sur le revenu. L’impôt sur le revenu pose en effet des problèmes spécifiques.

Cependant, comme nous l’avons vu, l’impôt sur la propriété résidentielle s’attaque à l’un des besoins et des biens les plus fondamentaux dans la vie d’une personne, à savoir le logement, d’une manière que l’impôt sur le revenu ne fait pas.

En outre, l’accent mis sur l’impôt sur le revenu en tant que « pire » impôt d’État peut conduire certains à minimiser de manière inappropriée les coûts réels des impôts fonciers. Par exemple, les États sans impôt sur le revenu, comme le Texas, aiment s’en vanter, comme si cette absence rendait le Texas plus ou moins exempt d’impôts. Ce n’est évidemment pas du tout le cas. Le Texas se classe au troisième rang national pour la charge de l’impôt foncier, derrière le New Jersey et le New Hampshire, et à peine mieux que l’Illinois. (le New Hampshire n’a pas non plus d’impôt sur le revenu.) Il ne s’agit pas ici de recommander au Texas d’adopter un impôt sur le revenu, bien entendu. L’absence d’impôt sur le revenu présente en effet des avantages.

Mais tout gouvernement se battra pour obtenir des recettes fiscales, et les impôts fonciers sont susceptibles d’en devenir une source très lucrative dans les années à venir. Ce n’est qu’un fardeau de plus que nous supportons à notre époque d’argent facile et d’inflation des prix.

Sur le web.

Une traduction par la rédaction de Contrepoints.

Taxation des sociétés d’autoroutes, attention au retour de bâton

Un article de l’IREF.

L’article 15 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit l’instauration d’une nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFIT) de France.

Cette taxe vise les exploitants qui affichent une rentabilité supérieure à 10 %, et son montant est déterminé par l’application d’un taux de 4,6 % aux revenus d’exploitation qui excèdent 120 millions d’euros. Le produit annuel prévisionnel de la taxe serait de 600 millions d’euros, réparti entre les sociétés concessionnaires d’autoroutes (pour environ 450 millions d’euros) et les principaux aéroports (pour environ 150 millions d’euros).

L’objectif affiché ? Participer au financement de la transition écologique du secteur des transports. Initialement, seules les sociétés d’autoroutes devaient être mises à contribution. Mais l’État avait alors oublié que la création d’une taxation spécifique aux sociétés autoroutières l’obligerait à compenser les conséquences financières, au titre de la clause de stabilité fiscale prévue par les contrats de concessions autoroutières. Pour éviter d’être soumis à cette obligation, les aéroports ont, dans un second temps, été placés dans le champ d’application de la taxe.

Cela sera-t-il suffisant pour éviter une longue et coûteuse procédure contentieuse avec, à la clef, une issue défavorable à l’État, c’est-à-dire aux contribuables ?

Rien n’est moins sûr. Dans un avis rendu le 8 juin 2023, le Conseil d’État a en effet précisé :

« Toute nouvelle contribution qui, sans viser explicitement les sociétés concessionnaires d’autoroutes, aurait pour effet pratique, compte tenu de ses modalités, de peser exclusivement ou quasi exclusivement sur elles pourrait […] ouvrir à ces sociétés un droit à compensation ».

Au regard des intentions initiales du gouvernement, il n’est pas exclu que la juridiction administrative considère que cet « effet pratique » est ici caractérisé. De son côté, le juge constitutionnel estime que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. Or, d’après l’avis rendu par le Conseil d’État, les différents motifs invoqués par le gouvernement ne permettraient pas d’éviter une censure par le Conseil constitutionnel…

 

La hausse des tarifs dans les ports (Le Havre et Marseille) et aéroports (ADP notamment) visés par cette taxe aura pour effet de les rendre moins compétitifs

Si cette compensation financière venait à être obtenue des juridictions saisies, elle se traduirait sans doute par une autorisation donnée aux concessionnaires  de répercuter cette taxe nouvelle dans les tarifs des péages, pénalisant ainsi les usagers du réseau autoroutier.

De la même manière, la hausse des tarifs dans les ports (Le Havre et Marseille) et aéroports (ADP notamment) visés par cette taxe aura pour effet de les rendre moins compétitifs, en un mot de les affaiblir.

Cédant à un réflexe taxateur, les décideurs publics semblent de surcroît oublier que, concomitamment aux investissements publics, la transition écologique du secteur des transports appelle des investissements privés qu’un cadre juridique instable et peu prévisible n’est pas de nature à favoriser…

Sur le web.

Rachida Dati suspendra-t-elle la taxe streaming ?

Il y a des sujets comme l’immigration pour lesquels le politique prend le peuple à témoin en le sondant, en se justifiant, d’autres sur lesquels on décide en catimini. 

Ainsi il en va de la taxe streaming ajoutée discrètement au projet de loi de finances 2024 par un amendement unanime des groupes politiques au Sénat. Une taxe de 1,75 % sur le chiffre d’affaires des plateformes de streaming qui promettent qu’elle ne sera pas répercutée. Prix ou service, le consommateur sera bien perdant quelque part, et Spotify annonçait fin décembre qu’il retirait en conséquence son soutien aux Francofolies de La Rochelle et au Printemps de Bourges.

Cette nouvelle taxe devrait rapporter 15 millions d’euros, mais pourquoi faire ?

Pour financer la création musicale, et surtout son incarnation administrative, le Centre National de la Musique (CNM), calqué sur le modèle du Centre National du Cinéma (CNC), lui-même exposé à de nombreuses critiques. Cette vision administrée de la création artistique est problématique à plusieurs égards. 

D’abord, parce qu’elle consiste en une redistribution à l’envers, des classes populaires vers la bourgeoisie. Ainsi, le CNC se finance par une taxe sur les entrées en salle, donc sur les consommateurs qui ont le mauvais goût d’aller voir des blockbusters américains, pour financer la diversité culturelle : c’est-à-dire les films qui ne rencontrent aucun succès (seuls 2 % des films aidés par le CNC sont rentables, d’après la Cour des comptes) mais plaisent à une petite élite de par leur moralité convenue, ou les films dont les producteurs et réalisateurs possèdent le capital social (c’est-à-dire les relations) nécessaire pour obtenir le soutien du CNC.

En effet, on ne compte plus les témoignages de producteurs indépendants, sans les connexions adéquates, qui n’ont jamais pu bénéficier d’un tel soutien, ni des conflits d’intérêts qui ne semblent que très peu émouvoir les médias : Jean-Michel Jarre a obtenu une subvention pour un spectacle au Château de Versailles par la Commission dont il est le président, quelques années après que le YouTubeur Cyprien a été soutenu par la Commission où il siégeait.

Pire, si on ajoute le soutien des collectivités locales, un Français paie plus cher en taxes et impôts, pour un film qu’il n’ira pas voir, que pour un billet de cinéma. Il est très étonnant que la gauche, tout particulièrement, accepte et encourage ce système, qui, bien loin de promouvoir l’ascension sociale, encourage la constitution de rentes au profit d’une élite culturelle qui mêle incestueusement les bénéficiaires et les donneurs d’ordre. À l’inverse, la désintermédiation permise par les plateformes de streaming a permis à de nombreux artistes d’émerger en s’autoproduisant, et en particulier des artistes de rap venus de quartiers populaires.

L’adoption de cette taxe est en outre l’occasion de revenir sur le manque d’honnêteté, voire le mensonge, qui tendent à briser la confiance entre le peuple et ses représentants. Si cet ajout au projet de loi de finances est l’œuvre des sénateurs, le gouvernement n’est pas tout à fait innocent. 

Alors que l’imposition du streaming n’a jamais fait l’objet d’un débat public, le gouvernement pressait les plateformes de trouver un accord avec le CNM, sans quoi elles seraient taxées. Outre le fait que cette vision des négociations avec un fusil sur la tempe est une bien mauvaise illustration du consentement, elle dénote une forme de lâcheté de la part du gouvernement qui n’assume pas publiquement sa volonté de taxer les plateformes, et donc in fine les consommateurs. 

Et comment ne peut pas le comprendre. Cette taxe vient percuter de plein fouet deux promesses gouvernementales : la diminution de l’impôt sur les ménages, qu’on ne peut en réalité atteindre sans repenser l’action publique, et la lutte contre les impôts de production dont la France est déjà la championne. Alors que l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 promettait un changement de méthodes politiques, nos dirigeants sont encore trop persuadés qu’on ne peut gouverner qu’en énonçant ce que la population doit entendre. 

Or, pour mettre fin au dégagisme et à la défiance qui touchent notre démocratie, le politique (a fortiori s’il pense appartenir au camp de la raison) gagnerait à s’adresser au peuple comme à un adulte, avec honnêteté. Fait paradoxal, Javier Milei, qui a été à maintes reprises accusé de populisme par l’ensemble du monde politico-médiatique français, tient, depuis son élection à la tête de l’Argentine, un discours de vérité qui n’infantilise pas les citoyens. Lors de son discours d’investiture, il n’a promis aucun miracle. Au contraire, il a même assumé que, face à la situation catastrophique dans laquelle se trouve l’Argentine, le chemin du redressement économique passerait par une austérité radicale et inévitablement douloureuse à court terme. 

Sur la taxe streaming, le débat public aurait gagné à ce que le gouvernement fasse preuve d’une telle transparence, soit auprès des acteurs en faveur de ladite taxe, en leur expliquant qu’elle allait contre leur politique fiscale, soit auprès des Français en leur expliquant pourquoi ils devraient assurer le financement d’une nouvelle agence d’État, et en quoi il permettrait de faire rayonner la création française, si tant est que cet objectif de politique publique dusse-t-il être assumé par l’État.

Si Rachida Dati veut se démarquer au ministère de la Culture, elle a une opportunité pour corriger un échec du bilan de sa prédécesseure.

Streaming : une taxe au profit d’une clique

Le gouvernement annonce la mise en place de la taxe sur les plateformes de streaming, en préparation depuis des mois. La loi montre le rapport de connivence entre les dirigeants et des bénéficiaires de redistributions à l’intérieur du pays.

La taxe sur les plateformes de musique finance ensuite des projets d’artistes, spectacles, et autres types d’acteurs. Les plateformes, en particulier le directeur de Spotify, donnent des arguments contre la loi…

Explique un communiqué de Spotify, cité par Les Échos :

« C’est un véritable coup dur porté à l’innovation, et aux perspectives de croissance de la musique enregistrée en France. Nous évaluons les suites à donner à la mise en place de cette mesure inéquitable, injuste et disproportionnée ».

En dépit des critiques de la part des plateformes, la taxe arrive dès l’année prochaine. Les partisans font de la communication dans les médias.

Une tribune de Télérama, de la part d’un défenseur de la loi, explique « Pourquoi la taxe streaming est une bonne nouvelle ».

L’auteur écrit :

« Le système de redistribution peut être questionné, c’est toujours sain. Mais il aurait été injuste et risqué que certains financent le CNM selon leur bon vouloir tandis que d’autres en ont l’obligation. Ne serait-ce que pour cette raison, la taxe streaming est une bonne nouvelle. »

Un autre, le président de l’association des producteurs indépendants – en somme, les bénéficiaires de la taxe – fait l’éloge de la loi dans une interview pour FranceTVInfo

Il explique :

« Il s’agit d’une taxe d’un niveau très faible mais qui concerne l’ensemble des acteurs du numérique qui diffusent de la musique en ligne. Ça va des plateformes qu’on appelle pure players (dont c’est vraiment le cœur de métier) jusqu’aux plateformes dont c’est plutôt une activité parmi d’autres. Je pense aux Gafa notamment, mais également à tout ce qui est réseaux sociaux, etc. De la même manière que ces acteurs sont déjà taxés pour financer la création audiovisuelle dans sa diversité au CNC, on va les taxer aussi pour alimenter les programmes de soutien à la musique. »

Comme avec la plupart des taxes, les bénéficiaires justifient la mesure par une allusion au bien du pays. Il requiert, selon eux, plus de genres de musique, d’artistes, et de financements pour des musiciens en marge. Sinon, seule une poignée de styles de musique ou de créateurs toucheront des revenus, disent-ils.

Il répond aux plaintes de surtaxation des plateformes :

« Il est clair que du côté des pure players, comme Spotify ou Deezer, il y a une vraie vertu dans le système de rémunération de la création. Là, il s’agit de réaffecter un petit peu cet argent à des genres musicaux qui reçoivent aujourd’hui une rémunération très faible en streaming, car qui dit rémunération très faible dit faible capacité à se financer derrière, avec un vrai risque à terme que ça nuise à la diversité de la création locale. Quelque part, ce qu’on essaye de viser, c’est la vitalité renouvelée de la filière française, du tissu de production français. Sinon, à défaut, tout le monde ira vers des genres musicaux qui sont peu nombreux mais extrêmement rémunérateurs dans le streaming. »

La redistribution revient à une taxe sur le consommateur de biens et de services, pour une utilisation aux fins des dirigeants.

 

Contrôle des financements

De toute façon, les chiffres des plateformes mettent à mal l’argument des partisans de la taxe. Un grand nombre d’artistes touchent des revenus… pas une poignée de stars de la musique pop.

Selon les chiffres partagés par Spotify, cités par Le Point, « 57 000 artistes ont généré plus de 10 000 dollars [contre 23 400 artistes en 2017]. Et 1060 artistes ont généré au moins un million de dollars [contre 460 en 2017]. »

Le site YouTube dit avoir payé 6 milliards de dollars aux chaînes de musique en 2022, en hausse par rapport à 4 milliards en 2021, et 3 milliards de dollars en 2019. Les distributions proviennent de publicités lors des vues, ou d’une part au revenu des abonnements payants à la plateforme.

Dans un marché, la création de musique et le soutien des artistes rémunèrent la réussite auprès du public. Les dirigeants veulent une emprise sur le financement de la musique. Ils prennent ainsi aux consommateurs via la taxation des plateformes. Puis ils distribuent l’argent selon les vœux d’une poignée de personnes aux commandes.

Les bénéficiaires des distributions justifient le transfert au prétexte d’un besoin chez les artistes. La taxe sur les plateformes revient à une prise de contrôle, comme d’autres interventions dans les vies des individus.

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Les terres agricoles françaises sont les plus taxées d’Europe

Par Philbert Carbon.

Les Jeunes agriculteurs s’amusent à mettre à l’envers les panneaux de signalisation partout en France pour signifier que la politique agricole « marche sur la tête ». Ils dénoncent, entre autres, des normes trop nombreuses, une surcharge administrative et des rémunérations de misère.

Ils auraient pu aussi s’en prendre à la fiscalité. Une étude de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), que nous avons déjà évoquée au moment de sa sortie, rappelle que l’imposition des terres agricoles, très élevée en France, défavorise la rentabilité de l’agriculture et encourage à un changement de destination des terres agricoles.

 

Panorama des principales taxes en Europe

En Europe, six taxes principales s’appliquent, à des degrés divers, aux terres agricoles.

Taxe sur le foncier non-bâti

Sur la trentaine de pays qui fait l’objet de l’étude, les deux tiers ne soumettent pas ou peu les terres agricoles à la taxe foncière. Dans cinq pays (Chypre, Croatie, Malte, Royaume-Uni, Slovénie), la taxe sur le foncier non-bâti n’existe pas. Dix pays en exonèrent les terres agricoles, et quatre les exonèrent en grande partie.

Rappelons que cette taxe est un impôt annuel indépendant du revenu des terres agricoles et constitue une charge à l’hectare récurrente.

Impôt sur le revenu

La plupart des pays étudiés soumettent les revenus fonciers issus des terres agricoles à l’impôt sur le revenu.

Seul le Lichtenstein n’a pas d’impôt sur le revenu. Six pays (Autriche, Belgique, Bulgarie, Hongrie, Irlande Pays-Bas) exonèrent d’impôt les revenus fonciers agricoles, totalement ou partiellement.

Droits de mutation à titre gratuit

Une bonne vingtaine de pays appliquent des droits de mutation à titre gratuit en Europe. Cependant, une douzaine d’entre eux ont mis en place des dispositifs fiscaux spécifiques dans l’objectif de favoriser la transmission des terres et, par conséquent, la continuité de l’activité agricole.

Depuis le début des années 2000, onze pays ont abrogé les droits de mutation à titre gratuit : Autriche (2008), Chypre (2000), Estonie, Lettonie, Malte, République tchèque (2014), Roumanie, Slovaquie (2004), Suède (2005), Norvège (2014), Liechtenstein (2011).

En France, les biens ruraux donnés en location à long terme et les parts de certaines sociétés agricoles bénéficient aussi d’abattements sur la valeur imposable (de 75 % jusqu’à 300 000 euros et 50 % au-delà) mais les droits de succession applicables sont beaucoup plus élevés que dans les autres pays, jusqu’à 45 % en ligne directe et 60 % au-delà du quatrième degré de succession.

Droits de mutation à titre onéreux

Les droits de mutation à titre onéreux suivent une tendance similaire à celle observée pour les droits de mutation à titre gratuit.

Quatre pays ont supprimé ces droits depuis 2005. Onze pays ont mis en place des dispositifs fiscaux en faveur des terres agricoles, dont trois les exonèrent complètement des droits de mutation à titre onéreux.

Taxe sur les plus-values immobilières

La grande majorité (23/30) des pays européens étudiés applique le régime général des plus-values immobilières aux terres agricoles sans exonération.

Trois pays (Autriche, Belgique, Pays-Bas) les en exonèrent totalement. Trois pays les exonèrent sous conditions, ou jusqu’à un certain montant, ou encore pratiquent un taux préférentiel très réduit.

Impôt sur la fortune

La plupart des pays européens ont supprimé ce type d’impôt. Il ne subsiste que dans deux États membres de l’Union européenne : l’Espagne et la France. En dehors de l’UE, il existe également en Norvège et en Suisse.

Les quatre pays dans lesquels l’impôt sur la fortune subsiste ont tous mis en place des dispositifs spécifiques aux terres agricoles afin d’alléger son poids. La Norvège permet ainsi une réduction de 75% de leur valeur pour son calcul. Dans les faits, cet impôt est plafonné à 0,21 % pour les terres agricoles (taxe nationale + taxe municipale). La France applique un système proche mais plus pénalisant pour les terres agricoles puisque la réduction de la valeur de l’assiette n’est que de 50 %, qu’elle ne joue que pour les terres soumises à bail rural à long terme et que les taux de l’impôt sont plus élevés qu’en Norvège. En Espagne, de nombreuses régions autonomes appliquent un taux de 0 % pour cet impôt. Enfin, la Suisse utilise une valeur imposable en deçà de la valeur de marché, ce qui réduit l’imposition des terres agricoles.

 

Les terres agricoles sont davantage taxées en France que dans les autres pays européens

À côté de la fiscalité liée aux revenus (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux), la France applique, sur les terres agricoles, cinq taxes non liées au revenu :

  1. La taxe foncière
  2. La taxe pour frais de chambres d’agriculture
  3. Les droits de mutation à titre onéreux
  4. Les droits de mutation à titre gratuit
  5. L’impôt sur la fortune immobilière

 

La France se distingue aussi par des taux élevés : elle a le taux marginal d‘imposition le plus élevé en Europe pour l’impôt sur le revenu ; le deuxième pour les droits de mutation à titre gratuit ; le quatrième pour les droits de mutation à titre onéreux et le cinquième pour les plus-values immobilières, avec des abattements très lents et une durée de taxation la plus longue.

Elle fait partie de la moitié des pays européens qui conservent une taxe foncière indépendante du revenu sur les terres agricoles, et elle est l’un des quatre seuls pays dans lesquels existe un impôt sur la fortune s’appliquant aux terres agricoles. Elle est le seul pays dans lequel cet impôt s’applique uniquement au foncier, désavantageant ainsi les terres agricoles par rapport aux valeurs mobilières ou liquidités. Elle est aussi le seul pays où cet impôt s’applique aux terres agricoles malgré des loyers de fermage règlementés.

L’étude indique également que la taxation des terres agricoles a augmenté fortement entre 1991 et 2019 avec la création de nouveaux prélèvements (CSG et CRDS, Prélèvement social et Contribution additionnelle au prélèvement social, Cotisation RSA, transformée en Prélèvement de solidarité) et l’augmentation des taxes existantes.

En outre, tous ces impôts et contributions diverses s’appliquent sur des loyers de fermage très faibles. En effet, ils s’élèvent à 140 euros par hectare, en moyenne, en France, contre 800 euros aux Pays-Bas, 530 euros au Danemark, 500 euros en Suisse, 350 euros en Allemagne, 300 euros en Irlande et en Autriche, 230 euros en Finlande, 220 euros au Royaume-Uni et en Pologne, 160 euros en Suède, 150 euros en Espagne, en Slovénie et en Hongrie.

Il faut dire que les loyers de fermage sont le plus souvent libres en Europe, tandis qu’ils sont réglementés en France. Chaque année, un arrêté préfectoral fixe les minima et maxima dans chaque département. C’est ainsi que les auteurs de l’étude de la FRB estiment que les loyers de fermage français sont, en moyenne, inférieurs de moitié à ce qu’ils seraient s’ils étaient fixés de façon libre.

 

Quelles sont les conséquences de cette fiscalité élevée ?

Les propriétaires de terres agricoles en France sont donc pris entre le marteau et l’enclume. Le marteau, ce sont les impôts et taxes plus lourds que dans les autres pays d’Europe, à la fois sur les terres et sur les revenus qu’elles dégagent. Et l’enclume, ce sont les loyers de fermage bas et réglementés.

Les conséquences de cette situation sont facilement imaginables.

D’abord, une rentabilité des terres agricoles après impôt qui est nulle ou négative. L’étude indique que leur taux d’imposition dépasse parfois 100 % de leur revenu. Déjà, en 1986, le Conseil des impôts démontrait que la pression fiscale annuelle moyenne sur les terres agricoles était beaucoup plus élevée en France que dans les trois autres pays pris en comparaison (Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis), et qu’elle conduisait après impôts à un rendement négatif des terres agricoles françaises dans tous les cas de figure. Les hausses de taxation multiples intervenues depuis 1986 ont encore accru la pression fiscale et réduit la rentabilité. En 2013, un rapport de l’Inspection générale des Finances montrait que, sur vingt ans, en France, les terres agricoles étaient l’actif au rendement le plus faible ; que leur rendement était le seul qui soit inférieur à l’inflation, et était donc négatif en euros constants ; que c’était le seul actif à être dans ce cas.

La fiscalité française explique aussi un prix faible des terres agricoles par rapport aux autres pays d’Europe.

Aujourd’hui, le prix réel moyen de l’hectare agricole est inférieur de plus d’un tiers à sa valeur de 1978 et ne vaut pas plus qu’en 1965 ! Il vaut, en moyenne, 6000 euros quand il est libre (4500 euros quand il est loué), contre 10 000 euros en Pologne, 12 000 euros en Espagne et en Grèce, 17 000 euros en Slovénie, 18 000 euros au Danemark, 21 000 euros en Allemagne, 23 000 euros en Irlande, 25 000 euros au Royaume-Uni, 30 000 euros en Suisse, 63 000 euros aux Pays-Bas.

Ce différentiel de prix facilite le rachat des terres agricoles françaises par les étrangers. Il pénalise les propriétaires, surtout s’ils sont eux-mêmes agriculteurs, et qu’ils désirent vendre au moment de prendre leur retraite.

Cette mauvaise rentabilité (à l’exploitation comme à la vente) incite à rechercher une meilleure utilisation de la terre. Les propriétaires fonciers peuvent, par exemple, reboiser (les forêts étant moins taxées), implanter des énergies renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) qui rapportent plus que les loyers de fermage, ou encore chercher à urbaniser les terrains.

L’étude fait ainsi le lien entre la fiscalité et l’artificialisation des sols qui serait plus rapide en France qu’ailleurs en Europe. Comme le mentionne l’étude, d’un côté l’État divise par deux les revenus du foncier non bâti ; de l’autre, via les rémunérations de complément, il soutient indirectement les revenus versés aux détenteurs de foncier acceptant de l’artificialiser par les exploitants d’énergie solaire au sol et éolienne terrestre.

« Sans intervention de l’État, les revenus du foncier non bâti seraient doubles et l’artificialisation par ces installations aurait moins lieu puisque, en économie de marché pure, une bonne partie d’entre elles ne serait pas rentable. L’intervention de l’État distord donc les revenus issus de ces deux catégories d’activité de telle façon qu’elle accroit la différence entre eux et favorise nettement l’artificialisation ».

À cet égard, la loi visant à empêcher l’artificialisation des sols (ZAN) risque d’aggraver la situation des propriétaires fonciers et des agriculteurs, en plus d’empêcher la construction de logements.

 

Libérer l’agriculture

Que faire pour enrayer le déclin de l’agriculture française et empêcher la maltraitance des agriculteurs ?

En premier lieu, alléger la fiscalité qui empêche le foncier agricole d’être rentable. À cet égard, il conviendrait de supprimer les SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) qui, en plus d’être corrompues, faussent encore un peu plus le marché. Parallèlement, il conviendrait de mettre fin au cercle vicieux des subventions agricoles. Ensuite, il faut libérer l’agriculture d’une réglementation tentaculaire, notamment en ce qui concerne les biotechnologies végétales.

Si la France veut retrouver, un jour, le rang qui fut longtemps le sien parmi les pays agricoles, elle n’a pas d’autres choix que de considérer les agriculteurs comme des entrepreneurs et de les laisser entreprendre.

Taxer la viande pour lutter contre le réchauffement : une si mauvaise idée…

Par : Jason Reed

Un article de l’IREF.

Les écologistes voudraient que nous arrêtions de manger de la viande. En raison de l’inquiétude croissante suscitée par le changement climatique et de la volonté d’arriver à un bilan « zéro carbone » en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, nombreux à gauche sont les partisans de ce diktat.

Récemment, Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, a été « attaqué » par Sandrine Rousseau, élue du parti écologiste, qui lui reprochait de manger du steak. « Non Fabien, tu ne gagneras pas avec un steak », a déclaré Mme Rousseau, qualifiant la viande rouge de « symbole de virilité ».

La pression sur les consommateurs de viande s’intensifie. Des politiques visant à restreindre l’achat et la vente de viande pourraient bientôt voir le jour. Déjà, en 2021, Barbara Pompili avait exprimé le souhait que les cantines scolaires et la restauration publique suppriment la viande des menus, et ne proposent que des repas végétariens au moins un jour par semaine.

 

L’irrésistible attrait de la taxe

Malheureusement, ce n’est qu’une question de temps avant que l’idée ne fasse son chemin, et que s’impose la taxation sur les produits carnés, au même titre que d’autres produits de consommation comme les cigarettes et l’alcool. Les échéances fixées pour parvenir à des émissions nettes nulles se rapprochent de plus en plus. C’est dans l’air du temps. Beaucoup de pays, même le gros producteur qu’est la Nouvelle-Zélande, semblent déjà prêts à introduire une taxe sur la viande. La France pourrait s’y rallier.

Il est vrai que l’élevage d’animaux, en particulier de vaches, est à l’origine de niveaux élevés d’émissions de gaz à effet de serre, notamment de méthane. Cependant, cela n’implique pas que l’État doive imposer une taxe sur les produits carnés. Il y a déjà bien assez de taxes, et elles ont bien assez augmenté ces dernières décennies, le gouvernement ne manquant pas d’imagination pour prélever de l’argent dans les poches de ses citoyens. Il serait bon que les responsables politiques finissent par faire preuve d’un peu de retenue. D’autant plus que tout porte à croire que cette nouvelle taxe sur la viande ne permettra pas d’atteindre son objectif.

 

Les taxes punitives ne fonctionnent pas

Il existe de nombreuses preuves que les « taxes sur le péché » destinées à modifier le comportement des consommateurs ne fonctionnent pas.

Par exemple, en 2018 au Royaume-Uni a été introduit une taxe sur le sucre pour les boissons gazeuses, afin de lutter contre l’obésité. Les consommateurs n’ont pas accepté l’augmentation de prix : ils ont tout simplement modifié leur comportement d’achat afin d’y échapper. Certains se sont rabattus sur des boissons moins chères, comme les produits de première marque des supermarchés. D’autres ont préféré des jus de fruits, plus riches en calories et en sucre. Un troisième groupe a tout simplement payé plus cher, mais n’a pas sacrifié ses préférences.

Il arrive fréquemment que les taxes punitives ratent leur objectif principal, mais provoquent des effets secondaires qui n’avaient pas été prévus. Il n’y a aucune raison de penser qu’une taxe sur la viande serait différente.

 

Le soja comme remède… pire que le mal

Elle pourrait même se retourner contre nous et, au lieu de sauver la planète, lui faire encore plus de tort que ce qu’elle est censée contrecarrer.

Si l’État impose l’abstinence, nombre de consommateurs pourraient remplacer la viande par des produits protéinés d’origine végétale. Or, la plupart des substituts de ce type disponibles à l’heure actuelle, comme le tofu et le tempeh, sont tous fabriqués à partir de soja, qui est sans doute bien plus nocif pour la planète que la viande. La culture du soja implique de défricher de très grandes superficies de terre, ce qui entraîne une accélération de la déforestation. Elle provoque aussi l’érosion des sols, ce qui rend ensuite plus difficile l’implantation d’autres cultures. En outre, les émissions de gaz à effet de serre liées à la production de soja sont très élevées. Tous ces problèmes pour l’environnement n’existent pas dans l’élevage.

Taxer la viande pour lutter contre le changement climatique est donc une mauvaise idée.

Selon toute vraisemblance, cela ne changera pas grand-chose dans le comportement des consommateurs. Seul résultat certain : s’alimenter deviendra plus onéreux, à un moment où l’inflation est élevée, et ce sont les plus pauvres qui en pâtiront. Plus important peut-être même, une taxe sur la viande violerait encore un peu plus les droits fondamentaux des citoyens. Imagine-t-on pouvoir un jour, dans nos pays occidentaux censés protéger les libertés, être « puni » parce qu’on a mangé un steak frites ?

Sur le web.

Taxe carbone : sauver le climat par le marché ?

Dans son quatrième rapport publié le 23 octobre, le Conseil national de productivité revient sur la performance économique française de ces derniers mois, les effets de l’optimisation fiscale sur la productivité et les actions pour le climat qui lui paraissent nécessaires à l’atteinte des objectifs de transition énergétique.

Sur ce dernier point, le rapport est particulièrement approfondi et mérite une lecture attentive.

En premier lieu, le rapport indique :

« Les études […] suggèrent que l’impact à long terme de la transition climatique sur la productivité serait négatif (respectivement positif) sans (respectivement avec) une innovation technologique et des investissements adaptés ».

De plus :

« En ce qui concerne l’impact de la transition sur la compétitivité, il est fort probable que la profitabilité des entreprises françaises et européennes et leur compétitivité seront dégradées dans une première phase, dans un scénario où seuls ces pays mettraient en place des mesures suffisantes pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elles pourraient rebondir à l’aune de nouveaux investissements qui allieraient gains de productivité et baisse des coûts de production, à condition cependant que la base productive ne se soit pas trop dégradée dans la première phase de perte de compétitivité. »

Le rapport s’inscrit donc dans le consensus actuel pouvant être résumé ainsi avec d’autres mots : la transition énergétique nécessitant « forçage réglementaire » de l’économie (c’est-à-dire la mise en place d’incitations réglementaires pour modifier les modes de productions et de consommations « spontanés »), cette modification pilotée de trajectoire s’inscrit par nature dans un optimum économique dégradé, sinon, au contraire, les changements seraient spontanés.

Mais ce faisant, elle suppose un investissement majeur dont les effets à termes pourrait être positif sur la productivité et l’innovation. Au final, l’impact sur la croissance dépendra de la forme de cette « courbe en U » et pourrait être positif si l’étape de dégradation n’est pas trop destructrice au départ et celle de l’innovation se révèle in fine efficace en termes de productivité.

 

Orienter l’offre ou la demande, les outils de l’État

Pour ce faire, l’État dispose d’outils permettant d’orienter l’offre ou la demande vers un équilibre moins polluant (réindustrialisation, subventions, normes, etc.).

Le rapport suggère d’en développer un nouveau qui consisterait en une contribution carbone sur les produits de grande consommation finale en fonction de leur contenu carbone sur l’ensemble du processus de production, avec une hausse préalable des revenus des ménages afin de préserver leur pouvoir d’achat, tout en contribuant à une réduction des inégalités.

Une évaluation de l’impact de ces mesures le chiffre à une réduction des émissions de 19 % pour un taux de taxe de 100 euros la tonne carbone sur les produits agro-alimentaires pour un taux de taxe médian de 4,8 %. Et avec ces taxes appliquées aux autres produits finis de grande consommation, la contribution carbone pourrait contribuer à plus de la moitié de l’objectif de baisse des émissions carbone en orientant la demande vers des produits moins carbonés.

D’un point de vue théorique, l’internalisation du coût environnemental des émissions de CO2 dans les prix à la consommation qui revient à un principe pollueur / payeur, est à la fois « juste » et « optimal » en termes d’équilibre offre-demande. En pilotant le niveau de fiscalité, il permet de modifier cet équilibre dans le temps de manière progressive, ce qui en augmente l’acceptabilité côté consommateur et l’adaptation de la production côté offre.

La mise en place d’une contribution carbone sur les produits de consommation finale présente deux avantages :

  1. Elle permettrait de taxer les émissions sur l’ensemble de la chaîne de production sans pénaliser les productions locales puisque les biens et services importés y seraient soumis.
  2. Elle avantagerait les productions locales au contenu généralement moins carboné que les importations.

 

Pour éviter une hausse des prélèvements obligatoires, le rapport préconise une hausse du revenu (par exemple par la baisse des cotisations salariales et/ou hausse de certaines prestations et/ou baisse de la TVA).

Cette étude très intéressante parait aller dans la bonne voie, celle de la taxation des produits de consommation qui permettra l’internalisation des coûts cachés, une meilleure différenciation-prix et donc des incitations claires.

 

Pour autant, la proposition pourrait être utilement étendue.

En effet, le succès nous semble reposer sur trois points clé :

  1. La neutralité financière de la mesure
  2. Sa simplicité de mise en œuvre
  3. La capacité des consommateurs à faire des choix rendant la mesure acceptable

 

La neutralité financière est un objectif de la proposition du rapport. En revanche, la mise en œuvre via un mix fiscal (dont cotisations sociales) nous parait extrêmement complexe à mettre en place de prime abord, et à faire évoluer (car l’équilibre financier du système devra être mobile). La notion de choix et d’optimisation du consommateur semble respectée (capacité d’arbitrage entre produits) via la possibilité d’utiliser le surcroit de revenu entre produits de différents niveaux de taxation, le cas échéant en maximisant le pouvoir d’achat en renonçant à une proportion élevée de produits polluants.

 

En conclusion

La proposition fournit des éléments de discussions documentés permettant de faire progresser le débat.

Nous restons convaincus que la notion de « revenu de transition » est plus pertinente pour compenser le surcoût de la transition en général qu’un mix fiscal complexe et non directement visible par les bénéficiaires.

Une telle prestation généralisée serait calibrée pour couvrir la taxation carbone de l’ensemble des consommations (produits de grande consommation, mais aussi besoin de chauffage, de transports, etc.) mais aussi potentiellement les besoins de base (quantité d’eau/électricité minimum par personne par exemple, car la hausse des prix associée au choc d’offre de transition ne diffusera pas uniquement via les taxes carbones, mais aussi via les prix de production).

Financée par l’impôt et le regroupement de prestations existantes, elle constituerait aussi un choc de simplification de l’aide sociale, et son financement pourrait être aisément piloté.

De nouveaux impôts locaux à l’étude pour résoudre la crise immobilière

Par Philbert Carbon

Comme l’expliquait un article récent du Journal des Libertés, la « détresse résidentielle des ménages modestes » ne va pas diminuer en France, le foncier constructible étant désormais rationné. Mécaniquement, les ressources des collectivités locales vont s’en trouver diminuées.

Quoi de mieux, alors, que d’imaginer de nouvelles taxes ? C’est ce qu’a osé faire Intercommunalités de France.

Dans l’article précité, Vincent Bénard fait la liste des lois qui ont contribué à renforcer la réglementation foncière restrictive en France.

Ces vingt dernières années ont été particulièrement productives avec la loi SRU de 2000, les lois Borloo de 2007 et 2011, et bien sûr la désormais célèbre loi Climat et Résilience de 2021.

Cette dernière crée deux nouvelles obligations :

  1. Conférer à 40 % du territoire français un statut de protection « forte », voire « extra forte », au titre de la préservation des biodiversités, via la création de « stratégies départementales des aires protégées » (SDAP).
  2. Imposer à toutes les intercommunalités de diviser par deux le rythme « d’artificialisation » de leurs sols d’ici 2030, et de parvenir à « Zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050, ce qui suppose que tout projet (urbanisation, entreprise, route, etc.) qui artificialise un sol soit compensé par une désartificialisation d’un autre équipement, et ce quelles que soient les projections démographiques considérées.

 

Une fiscalité locale toujours étroitement liée au foncier

Ce rationnement organisé du foncier constructible va nécessairement restreindre l’offre de logements. Les collectivités locales vont en subir les conséquences.

Dans un document paru en septembre 2023, Intercommunalités de France, association fédérant près de 1000 intercommunalités, rappelle que malgré les nombreux bouleversements de la fiscalité locale au cours des vingt dernières années – « suppression de la taxe professionnelle, puis de la taxe d’habitation et enfin plus récemment de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –, elle reste profondément attachée au sol et à ses constructions ».

En effet, en 2022, la quasi-totalité des recettes des communes (96 %) et plus de la moitié des recettes fiscales des intercommunalités sont liées aux valeurs locatives, et donc au sol et au foncier, en particulier à travers les taxes foncières sur le bâti (TFPB) et le non-bâti (TFPNB), la contribution foncière des entreprises (CFE), la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Ajoutons que les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) et la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) sont, elles aussi, un lien avec la localisation et donc le sol.

À côté de cette fiscalité directe locale, « une large panoplie de dispositifs fiscaux » sont liés au foncier et à l’urbanisme : taxe sur les logements vacants, taxe sur les friches commerciales, taxe d’aménagement, majoration des valeurs locatives foncières, etc.

Intercommunalités de France s’inquiète, par conséquent, des effets du « contingentement de la consommation en terrains non artificialisés via le ZAN » sur les ressources des collectivités, une fiscalité moins rémunératrice étant à craindre. C’est pourquoi l’association propose d’actionner plusieurs « leviers fiscaux » dans le but d’encourager « des comportements plus favorables au ZAN » et d’accompagner « les collectivités locales dans le financement de nouvelles stratégies de développement urbain et économique » (rappelons, car on s’y perd un peu dans tous ces sigles, que ZAN signifie « zéro artificialisation nette »).

En fait, il s’agit d’augmenter et d’étendre les impôts locaux existants, voire de s’accaparer des taxes aujourd’hui perçues par d’autres.

 

Augmenter et étendre les impôts existants

À côté de l’augmentation du taux de la taxes sur le foncier bâti (TFPB), les élus locaux voudraient procéder à « une révision des valeurs locatives afin qu’elles soient en phase avec la réalité économique des marchés immobiliers et porteuses d’une meilleure rentabilité fiscale ». Ils estiment en effet que ces valeurs locatives sont obsolètes et, surtout, qu’elles doivent refléter parfaitement la hausse des marchés locatifs et du coût d’accès au foncier que risque d’engendrer le ZAN.

Ils veulent aussi supprimer l’exonération obligatoire minimale des 40 % pour les logements neufs en habitat individuel les deux premières années de leur mise en service. Prendre en compte la densité d’occupation d’une parcelle pour établir la TFPB leur paraîtrait également une bonne idée. Autrement dit, plus grand est votre jardin, plus élevée serait votre taxe sur le bâti !

La taxe d’aménagement (TA) – qui finance les équipements publics (réseaux, voiries…) – devrait, selon les intercommunalités, être alourdie pour les opérations sur terrains non précédemment bâtis (première artificialisation) et sur les constructions autres que les logements (parkings, piscines, etc.).

À propos de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), Intercommunalités de France fourmille d’idées : prendre en compte les surfaces extérieures – comme peuvent en avoir les jardineries ou les commerces de matériaux de construction – dans l’assiette de la taxe ; étendre la taxe aux entrepôts de e-commerce ; prendre en compte le chiffre d’affaires des commerces dans l’assiette de la taxe ; moduler la taxe en fonction de la localisation des commerces (ceux qui sont installés dans des zones peu urbanisées étant surtaxés) ; indexer la taxe sur l’inflation.

En matière de résidences secondaires, les intercommunalités verraient bien la majoration de la taxe d’habitation (THRS), aujourd’hui réservée aux communes des zones tendues, étendue à l’ensemble du territoire, et souhaiteraient pouvoir également en bénéficier (c’est-à-dire que la majoration, possible aujourd’hui sur la part communale de la THRS, le serait également sur la part intercommunale).

Décidément très gourmandes, les intercommunalités aimeraient voir réaffectés au niveau local les droits de mutation départementaux (DMTO) ou nationaux, ainsi que la taxe spéciale d’équipement (TSE) qui finance aujourd’hui les établissements publics fonciers (EPF).

Autre idée : pouvoir s’accaparer une partie de la rente foncière. Si les propriétaires perçoivent une plus-value, par exemple à la revente du bien, c’est, selon les élus d’intercommunalités, grâce à l’action publique (aménagements urbains, transport, services…). Les collectivités devraient donc pouvoir bénéficier de cette revalorisation.

Pour terminer, les élus locaux aimeraient encadrer les prix fonciers, en complément du dispositif d’encadrement des loyers, dans les territoires connaissant une forte tension immobilière.

 

Matraquage fiscal et atteinte au droit de propriété

On ne peut être que sidéré par le matraquage fiscal supplémentaire que propose Intercommunalités de France, alors que les propriétaires fonciers, en France, ont déjà un fardeau fiscal sur le dos.

L’association n’a pas non plus peur d’alourdir la fiscalité foncière des entreprises, alors qu’il est aujourd’hui admis que les impôts de production sont un des fléaux à l’origine de notre perte de compétitivité.

Les idées fiscales d’Intercommunalités de France sont dangereuses : si elles étaient mises en œuvre, elles malmèneraient davantage encore le droit de propriété dans notre pays, pourtant déjà bien mal en point.

Bien entendu, à l’IREF, nous proposons l’exact opposé, c’est-à-dire la baisse de la fiscalité sur l’immobilier qui est, en grande partie, la cause du dérèglement du marché.

Nous nous demandons, par ailleurs, pourquoi les propriétaires devraient être les principaux contributeurs aux budgets des communes et des intercommunalités. Pourquoi ne serait-ce pas plutôt l’ensemble des habitants ? Par conséquent, il serait sans doute plus judicieux de rétablir la taxe d’habitation – payée par le plus grand nombre, sinon par tous – et de supprimer la taxe foncière.

Nous nous interrogeons aussi sur les bases d’imposition. Les impôts locaux doivent-ils être principalement assis sur les valeurs locatives – même révisées ? Pourquoi ne pas envisager la mise en place d’une sorte de flat tax locale ?

Car l’impôt local – c’est le fond du débat – doit servir à financer les services publics locaux. Non pas à établir une quelconque « justice fiscale ou sociale », ni être « au service du ZAN ».

Sur le web.

PLF : à quand un débat sur le consentement à l’impôt ?

Le Parlement examinera le budget de l’Etat jusqu’à Noël. Comme chaque année, à défaut de faire l’inventaire des impôts français et de débattre de leur opportunité, il ajoute, supprime ou modifie de nouvelles niches fiscales, exonérations ou encore exceptions à l’exonération. Ces débats techniques occupent toutes les pensées des parlementaires durant trois mois pendant lesquels il n’est jamais question de débattre de l’essentiel : les conditions du consentement à l’impôt sont-elles réunies ?

 

La France, championne de la pression fiscale, mais pas pour tous

Tous les ans, l’Institut Économique Molinari publie son étude sur la pression fiscale et sociale sur les salariés en Europe. En 2023, la France a retrouvé sa première place sur le podium des pays les plus taxés, avec une fiscalité sur le salarié moyen qui ressort à 54,1 % en cumulant les charges sociales, l’impôt sur le revenu et la TVA. Et l’effort est en fait bien mal réparti dans cette moyenne puisque 44% seulement des foyers paient l’impôt sur le revenu (IR) et 10% des foyers en paient 70%. 

Dans les faits, c’est à peu près la même composition de taxes qui pèsent sur les libéraux et indépendants. Par ailleurs, la pression fiscale est probablement sous-estimée puisque les impôts de production pesant sur les entreprises, et de nombreuses taxes intermédiaires, sont répercutés soit sur la masse salariale, soit sur le consommateur.

Ainsi, pour la plupart de ces 44% de foyers payant l’IR, la pression fiscale est bien supérieure à 54,1%, et pour beaucoup parmi la classe moyenne, ce taux approche les 70%. Si bien que ce n’est qu’au 17 juillet que le Français moyen commence à travailler pour lui-même, mais beaucoup connaissent un jour de libération fiscale plus tardif en réalité. Les résultats de la consultation nationale « En avoir pour mes impôts » révèle que 64% des répondants estiment payer trop d’impôts.

Comment s’indigner de l’optimisation fiscale quand on prend conscience du taux confiscatoire théorique qui pèse sur les plus riches (75% correspondant au taux maximum de pression fiscale et sociale permis par bouclier fiscal auquel s’ajoute la TVA) ? Pourtant, ces niches fiscales offertes aux plus fortunés par l’administration, consciente qu’elle pourrait tuer la poule aux œufs d’or, nuisent à la lisibilité de notre système fiscal déjà incompréhensible. Que vaut notre consentement dans ces conditions ?

 

En avoir pour ses impôts

Cette opacité budgétaire est volontaire. Peu de gens consentiraient à l’impôt si on leur présentait une addition lisible, y compris le salarié au SMIC bénéficiant d’allègement de charges sociales et d’une exonération de l’impôt sur le revenu. 

Cette « réaction fiscale » n’est pas politiquement correcte en France. Beaucoup jugeront le propos peu pertinent, car il ne prend pas en compte les services publics dont nous bénéficions. Il n’est pas question ici de pouvoir d’achat, mais de liberté. La dépense publique est une mise sous tutelle dans la mesure où elle se substitue à nos choix propres. Nous devrions peut-être accepter que la vie en société nécessite une certaine dose de tutelle. Mais dans une démocratie libérale, reconnaissant l’individu, elle devrait être aussi faible que possible, et non croissante. Que reste-t-il de notre liberté quand nous travaillons plus de 50% de notre temps pour la collectivité et son administration ?

En outre, quand bien même chaque poste de dépense publique serait opportun, ne devrions-nous pas être en mesure de juger de la qualité du service public à l’aune de notre contribution, comme pour n’importe quel service que nous payons ?

Depuis 2019, le Gouvernement publie « Ce que financent 1000 euros de dépenses publiques ». Si cette information est claire et transparente, elle ne permet toujours pas de savoir si on en a pour nos impôts. Si nous voulons que les Français respectent leurs services publics, ils doivent sentir que ceux-ci leur appartiennent, qu’ils en sont les investisseurs. Les rapports de performance annexés au PLF, par leur caractère abscons, ne permettent pas aux parlementaires eux-mêmes de juger de la pertinence des dépenses.

 

Rendre l’impôt lisible

Nous avons besoin en France d’une refondation complète de la manière dont nous votons le budget afin de garantir le consentement à l’impôt et l’intelligibilité de la loi budgétaire pour nous rapprocher de l’idéal de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »

On pourrait par exemple imaginer que les recettes et les dépenses soient discutées séparément. Les premières seraient votées au printemps et l’initiative serait exclusivement parlementaire. Ainsi, les parlementaires devraient seuls trouver un compromis sur ce qui est acceptable en termes de prélèvement pour les Français et d’endettement pour le pays. Puis à l’automne, le Gouvernement présenterait au Parlement son projet de dépenses composé à partir de la cagnotte accordée par les parlementaires. 

En déconnectant le débat sur les recettes de celui sur les dépenses, on s’assure qu’un vrai débat sur le consentement à l’impôt et sur la pression fiscale globale ait lieu, puisque le prélèvement de l’impôt devient un enjeu en soi, et non plus une simple fonction des dépenses. Le contrôle de l’impôt est la fonction historique de la démocratie et du Parlement, et ce, déjà sous l’ancien régime avec les États généraux, le Roi ne pouvait décider de nouveaux prélèvements ni de leur augmentation sans que ceux qui ne soient débattus par les représentants.

 

Comment faire ?

Évidemment, un tel changement nécessiterait beaucoup d’aménagements, à commencer par la réintégration des dépenses sociales au budget de l’État qui, depuis 1996, sont examinées séparément de ce dernier, qui vient pourtant en assurer l’équilibre par des transferts budgétaires. 

Dans l’attente, voici quelques idées faciles à mettre en œuvre : 

  • À l’instar de « Ce que financent 1000 euros de dépenses publiques » et de ce qui se pratique lorsqu’un parti présente un programme électoral, le gouvernement devrait publier la pression fiscale et sociale totale s’exerçant sur les citoyens en présentant des profils types.
  • L’examen du budget devrait systématiquement donner lieu à une discussion générale au sein du Parlement sur la pression fiscale et le consentement. En parallèle, les députés pourraient organiser des consultations au sein de leur circonscription.
  • Les fiches de paie devraient être simplifiées pour afficher clairement le montant du salaire super brut, qui est en fait ce que l’employeur est prêt à payer pour la force de travail, et qui devrait donc revenir de droit aux salariés.
  • Puisque ce serait sûrement trop demander à l’administration de Bercy, les libéraux devraient se mobiliser pour mettre au point une application permettant à chacun de calculer une estimation de sa contribution fiscale et sociale totale.
  • Avec GenerationLibre nous avons proposé qu’une consultation budgétaire citoyenne soit annexée à la déclaration d’impôt des Français pour leur permettre de se prononcer sur la répartition poste par poste du budget de l’État, et que le Parlement soit tenu de débattre des résultats de la consultation. 

 

Le consentement à l’impôt est le premier acquis de toutes les grandes révolutions démocratiques. Garantir son effectivité et l’intelligibilité budgétaire est le devoir de toute société libre.

« Surprofits » bancaires : la taxation n’est pas la solution

Les profits exceptionnels réalisés par les banques, en particulier américaines, posent de réelles questions. La voie commode de la taxation leur apporte de fausses réponses.

 

Une économie sous influence

Le vocabulaire employé est un signe parlant de l’inquiétude que suscite outre-Atlantique la concentration du pouvoir financier aux mains d’un nombre très restreint de très gros établissements.

Les huit premiers d’entre eux sont couramment qualifiés par les médias de « seigneurs de Wall Street » mais aussi de « géants de la finance », de « mastodontes » et dans tous les cas de « banques systémiques »[1] capables en cas de faillite d’une seule d’entre elles de déclencher un cataclysme économique comme celui de 2008.

JP Morgan, qui occupe la première place du classement, et dont les profits se sont élevés à 87 milliards de dollars en 2022, ne détient-elle pas la somme colossale de 3200 milliards de dollars d’actifs, soit un chiffre nettement supérieur au PIB de la France ?

Wells Fargo, qui occupe le troisième rang, s’est distinguée en mettant en œuvre des méthodes de cow-boy imaginées par ses dirigeants : en août 2017, ils ont dû reconnaitre avoir vendu des assurances auto à des centaines de milliers de clients sans qu’ils l’aient demandé puisqu’ils en avaient déjà une par ailleurs. Cette banque s’est aussi illustrée entre 2011 et 2016 en ouvrant à ses usagers et sans leur autorisation plus de deux millions de comptes fictifs, mais dont les frais facturés étaient bien réels.

Les financiers ne sont donc guère en odeur de sainteté aux États-Unis où, comme au début du XXe siècle, l’opinion publique se méfie ouvertement du « big money ».

L’ampleur des profits réalisés actuellement par la bande des 8 dans un contexte d’inflation non maitrisée, et de difficultés croissantes pour la majorité de la population a réactivé cette hostilité.

Elle interroge suffisamment pour que la commission bancaire du Sénat des États-Unis se saisisse du sujet.

Le 6 décembre elle auditionnera la fine fleur des « seigneurs de Wall Street » sommés de rendre des comptes au moment où la situation financière des américains se dégrade.

 

L’offensive du Sénat américain

Selon le président de ce comité, les méga-banques « détiennent trop de pouvoir dans l’économie » :

« Elles continuent à engranger des profits record et à récompenser les entreprises qui augmentent les prix sur le dos des américains ».

En ligne de mire se profile, comme dans l’Union européenne, la mise en place d’une taxation exceptionnelle sur les surprofits bancaires. Mus par une sorte de réflexe pavlovien, la réaction des responsables politiques des deux côtés de l’Atlantique est de fait toujours la même face à ce type de situation : TAXER.

Mais c’est confondre les effets avec les causes.

Pour apporter une réponse pertinente, il faut remonter aux racines du problème et commencer par identifier la source de ces revenus stratosphériques. En l’occurrence, plutôt que d’agiter le chiffon rouge des « surprofits », mieux vaudrait parler de profits d’aubaine alimentés par une double opportunité :

  1. Au printemps, la faillite de la banque californienne Silicon Valley Bank a suscité le reflux des déposants vers les plus gros établissements jugés plus sûrs.
  2. Depuis janvier 2022, la forte et rapide hausse des taux directeurs (passés en peu de temps de 0,25 à 5,5 %) a bénéficié aux banques qui ont fait grimper jusqu’à 7 % le taux des emprunts immobiliers, alors qu’elles ne rémunèrent leurs dépôts qu’à 0,45 % en moyenne.

 

Si elles ont été en mesure de tirer pleinement parti de cette conjonction d’évènements, c’est du fait de la position dominante qu’elles occupent dans le gigantesque réseau des activités de production et d’échange, une position qui les met en situation d’exercer une forme très efficace de prédation.

Cela s’inscrit dans le cadre d’un capitalisme de connivence entretenant des liens consanguins et malsains avec le politique qui, par le laxisme de sa régulation, a laissé prospérer cet état de fait. Ce qui est ici en cause est une concentration excessive du pouvoir financier aux mains de quelques-uns, c’est un manque de concurrence et une emprise trop forte de la finance sur l’économie.

Ce qui est aussi en jeu, c’est une série de défaillances de l’État incapable d’assurer ses missions de base que sont la protection des consommateurs et la lutte contre les abus de position dominante.

En taxant, on s’attaque maladroitement aux conséquences et non aux causes du processus qui a donné naissance au paysage financier actuel.

 

Réactiver la concurrence

Pour le reconfigurer, la réponse n’est pas plus d’impôts mais davantage de concurrence.

Apple s’est déjà engouffré dans la brèche en mettant en place un compte d’épargne rémunéré à 4,15%, soit près de dix fois plus que ceux des mastodontes. En six mois son initiative a séduit 10 millions de clients.

Pour aller plus résolument dans ce sens, réactiver la législation anti-trust est une meilleure piste que la taxation. Depuis le vote du Sherman act (1890) puis du Clayton act (1913), l’arsenal existe, mais dans le cas des banques il a été mis en sommeil sous la pression insistante des lobbies de la finance.

Il faut revenir à l’esprit de déréglementation qui a prévalu sous l’administration Reagan et permis de démanteler les oligopoles qui prévalaient dans les secteurs du transport aérien ou des télécommunications. On a ici le cas emblématique d’ATT, dont le quasi-monopole a explosé en 1984 sous les assauts conjugués de l’antitrust, des régulateurs de la Commission fédérale des communications et de la justice. Son démantèlement, un des événements les plus spectaculaires de l’histoire industrielle du XXe siècle, a donné le coup d’envoi de la libéralisation mondiale des services de télécommunications.

AT&T, alias Ma’Bell (« la mère du téléphone ») a dû éclater en huit entités distinctes avec sept opérateurs locaux, les « Baby Bells », totalement indépendants, et un opérateur longue distance, AT&T. La disparition de la contrainte qu’exerçait ATT sur l’ensemble des réseaux a certainement favorisé l’essor d’internet et la révolution numérique.

 

Lutter contre l’obésité bancaire

Dans le même ordre d’idée, il s’agit aujourd’hui de mettre fin à ce qui incite les banques à toujours grossir en rendant plus difficiles les fusions et la prise de contrôle de nouveaux établissements.

C’est le sens de la proposition de loi bipartisane Brown/Scott visant à empêcher les méga-banques de multiplier les acquisitions, et à sanctionner davantage les dirigeants de banques mises en faillite.

En revanche, il faut agir pour sauvegarder la vitalité du tissu très dense de banques locales, qui est un atout majeur de l’économie des États-Unis. S’y est implanté au fil du temps un écosystème performant composé de milliers d’établissements de petite et moyenne dimension accompagnant efficacement les évolutions technologiques.

En 2018, les contraintes de la loi Dodd-Frank taillée pour les plus grosses banques ont été desserrées pour celles qui ont moins de 250 milliards de dollars d’actifs à leur bilan, ce qui va dans le bon sens. Il faut aussi continuer à alléger les obligations réglementaires qui freinent la création de nouvelles banques locales de manière à faciliter l’accès des petits entrepreneurs aux capitaux.

 

Séparation vs diversification

On peut enfin s’interroger sur la voie qui a été suivie depuis la crise financière de 2008.

Pour éviter qu’une telle catastrophe se reproduise, deux pistes d’analyse se sont affrontées.

Le modèle de la séparation a été un temps envisagé en s’inspirant de ce qui avait été mis en place lors de la grande dépression des années 1930. Voté en 1933 le Glass Steagall Act séparait strictement les banques d’affaires et les banques de dépôt.

Peu à peu édulcorées, ses dispositions ont été abrogées en 1999 sous l’administration Clinton. Lorsque l’idée d’une séparation a refait surface, nombre de banquiers ont fait valoir que les interdépendances entre les activités de crédit et les activités de marché étaient désormais si étroites qu’il était devenu techniquement impossible de réaliser la séparation. En tout état de cause, elle aurait selon eux des effets négatifs que l’on a du mal à mesurer, mais qui seraient très importants. Au nom de cet argument de l’imbrication et de la complexité, et sous la pression du très puissant lobby bancaire, on s’est dès lors engagé dans une autre voie.

Le modèle de la très grosse banque a prévalu, en considérant que la protection des activités bancaires contre la volatilité des opérations de la finance de marché peut être obtenue par la constitution d’énormes banques dans lesquelles l’influence des activités de marché serait d’autant plus limitée que les banques devraient respecter des ratios prudentiels renforcés. On peut toutefois douter qu’en cas de sérieux décrochages sur les marchés financiers, les banques, même très grosses, pourront s’en sortir en faisant seulement payer leurs actionnaires.

Ainsi que le suggère un économiste comme Pierre-Noël Giraud, on peut estimer qu’il serait salutaire de revenir à une réflexion approfondie sur la première option :  il ne s’agirait pas de recopier le Glass Steagall Act, mais de dégager des solutions modernes et de mettre en œuvre des modalités adaptées de séparation. Cela permettrait d’atténuer l’emprise des méga banques sur l’ensemble de l’économie occidentale et de limiter les profits que leur position dominante les met en capacité d’accumuler.

 

Laisser jouer la destruction créatrice

En tout état de cause, on peut aussi se demander si la finance décentralisée qui prend aujourd’hui son essor, en même temps que s’affinent, s’enrichissent et se diffusent les technologies de la blockchain, ne viendra pas à bout des mastodontes en les rendant obsolètes.

Dans les années 1970, IBM dominait l’informatique mondiale et semblait invincible. Personne n’imaginait que le nain Microsoft allait détrôner « Big Blue » et rebattre entièrement les cartes.

Sous l’influence globalement bienfaisante de la destruction créatrice, le tissu économique et financier est en perpétuel renouvellement, à condition que les pouvoirs publics le laissent respirer.

 

[1] Huit banques systémiques sont basées aux EU : JP Morgan, Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, Bank of New York Mellon, Morgan Stanley, State Street et Wells Fargo.

Impôt sur le capital en Europe : la route de la servitude fiscale

Une « étude » du groupe écologiste du Parlement européen propose un impôt sur le capital de l’ensemble des 27 pays de l’Union d’un niveau de 0,5 % des actifs des personnes les plus riches.

Selon les chiffres complètement farfelus de cette œuvre des plus majeures depuis Das Kapital, cet impôt rapporterait 213 milliards d’euros par an de recettes fiscales.

 

Maths modernes

Comme à l’accoutumée, ce genre d’exercice saugrenu fait appel aux élucubrations des trois habituels compères Gabriel Zucman, Emmanuel Saez et Thomas Piketty qui feignent d’ignorer que l’impôt sur les grandes fortunes (IGF), l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) sont des avatars complètement idiots dont les recettes sont plus faibles que les pertes économiques qu’ils ont engendrées au fil des années.

Les estimations de recettes fiscales sont simplement bizarres. Selon les auteurs, ce futur impôt rapporterait par exemple la somme complètement improbable de 65 milliards d’euros en Allemagne, et de 46 milliards d’euros en France.

Pourtant, jamais dans l’histoire de l’impôt allemand sur la fortune, il n’a rapporté de telles sommes.

Pareillement, l’IGF et l’ISF français peinaient à rapporter seulement un cinquième de ces montants avec, pourtant, des taux largement supérieurs.

À moins de mettre à contribution non seulement les très riches, mais également les classes moyennes, il n’y a aucune chance de lever de telles sommes.

 

Effet Laffer

De plus, tout ceci fait fi de l’effet Laffer, à savoir de la forte désincitation de certaines formes d’imposition sur l’activité humaine, qui conduisent parfois à faire des pertes de recettes lorsque l’on augmente les impôts.

Comme nous l’avions vu dans les pages de Contrepoints (ici et ), les différents impôts sur le capital sont certainement les pires moyens de remplir les caisses publiques.

En effet, parce que le capital est à la source de la création de richesses, et que c’est son accumulation qui permet la croissance économique, l’imposition du capital, sous toutes ses formes et par tous les moyens, réduit les recettes fiscales de tous les autres impôts, simplement parce que, sans capital, il n’y a pas de salaires, et donc pas de recettes fiscales sur ces derniers.

En utilisant les chiffres de Bercy, le groupe Coe-Rexecode avait calculé que la perte annuelle de PIB due à l’ISF s’élevait à 45 milliards d’euros au moment de sa suppression (ici).

Mais le PIB n’est jamais que la somme de toutes les productions du pays. S’il vient à manquer 45 milliards de PIB, n’en déplaisent à nos écologistes européens, il vient à manquer 45 milliards de revenus taxables par la TVA, les charges sociales, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, etc.

Comme la pression fiscale moyenne sur le PIB est d’environ 50 %, lorsque l’on perd 45 milliards de PIB en levant 9 milliards au titre de l’ISF, on perd en fait 20 à 25 milliards de recettes sur tous les autres impôts.

Dit plus simplement, l’effet Laffer est tel que chaque euro d’ISF levé entraînait environ 10 euros de perte de PIB et 5 euros de pertes de recettes fiscales.

 

Incitations perverses

L’impôt proposé par nos marxistes en herbe porterait sur l’ensemble de tous les actifs comme l’immobilier, les dépôts bancaires, mais aussi les parts d’entreprises et les œuvres d’art.

S’il faut inventer un moyen de faire fuir toutes les œuvres d’art aujourd’hui en Europe vers les États-Unis, la Suisse, le Japon et la Chine, voici un merveilleux expédient qui dépasse les destructions culturelles obtenues par le troisième Reich.

Quant à elle, l’idée de taxer les parts d’entreprises détenues par les entrepreneurs ne peut être née que dans les esprits brumeux de gens qui n’ont jamais créé une firme et ses emplois concomitants.

L’Europe manque déjà cruellement non seulement de capital, mais également de capitalistes. Il est choquant de constater que ce continent à la très vaste population éduquée n’a absolument aucune entreprise technologique parmi les dix premières du monde :

 

Rang Entreprise Code Capitalisation Pays
1 Apple AAPL  $             2,695  USA
2 Microsoft MSFT  $             2,328  USA
3 Alphabet (Google) GOOG  $             1,673  USA
4 Amazon AMZN  $             1,286  USA
5 NVIDIA NVDA  $             1,074  USA
6 Tesla TSLA  $                782  USA
7 Meta Facebook META  $                774  USA
8 TSMC TSM  $                443  Taïwan
9 Tencent TCEHY  $                368  China
10 Samsung 005930.KS  $                329  Corée

 

À moins de conclure que les Américains et les Asiatiques seraient plus aptes à l’apprentissage des mathématiques, de la physique, et de l’informatique – ce qui est faux au regard du nombre de thèses défendues en Europe – comment peut-on raisonnablement expliquer pourquoi l’Europe ne participe pas à ces 11 753 milliards de dollars de capital des dix premières entreprises technologiques au monde ?

 

Déficit d’entrepreneurs

La réponse à cette question est qu’il manque à l’Europe des dizaines de « super-entrepreneurs », ces personnes comme Bill Gates, Elon Musk et Mark Zuckerberg.

Selon un article de City Journal, l’Europe ne compte que 0,8 super-entrepreneur par million d’habitants, contre 0,9 par million en Chine et 3,1 par million aux États-Unis.

L’Europe manque aussi de femmes entrepreneurs.

Dans le monde, un entrepreneur milliardaire sur vingt est une femme. En Chine, 71 femmes ont accumulé des fortunes d’un milliard de dollars ou plus grâce à l’entrepreneuriat. Les États-Unis comptent 28 femmes super-entrepreneurs.

L’Europe n’en compte que huit.

Dans les systèmes économiques européens, les secteurs à prédominance féminine tels que l’éducation, la santé et les soins aux personnes âgées sont limités par les oligopoles, les monopoles publics et les réglementations en tout genre, réduisant ainsi les opportunités d’entrepreneuriat à fort impact.

En revanche, les États-Unis, ainsi que les économies asiatiques comme celle de la Chine, sont plus ouvertes à l’entrepreneuriat dans les domaines de la santé et de l’éducation, ce qui explique en partie pourquoi l’Europe, prétendument égalitaire, est si loin derrière à cet égard.

 

Des recettes fiscales, pourquoi faire ?

Prendre chaque année 213 milliards d’euros aux « riches » européens – c’est-à-dire à ces nombreux entrepreneurs dont le continent manque tellement – est donc une idée absolument idiote si l’on veut créer les entreprises innovantes de demain avec les hauts salaires qu’elles versent.

Et là se pose la question habituelle : des recettes fiscales, pourquoi faire ? Pourquoi prendre de l’argent à un futur Elon Musk européen et le donner à un ponctionnaire de Bruxelles ?

Qui pense une seconde que des individus comme Gabriel Zucman, Emmanuel Saez et Thomas Piketty feraient un meilleur usage de 213 milliards que Bill Gates, Jeff Bezos et Jensen Huang ?

Même sans tenir compte d’aucun effet micro-économique désincitatif de l’impôt, il est évident que la substitution de 213 milliards d’euros de son usage en capital vers des dépenses publiques – souvent des gabegies sans équivalent privé – n’est pas du tout un moyen de faire croître l’économie européenne.

 

Détachée de la réalité

En plus d’être envieuse du fruit des vertus de ceux qui réussissent, cette idée d’impôt européen sur le capital est donc complètement détachée de la réalité.

En plus d’être économiquement dangereuse et politiquement populiste, elle présente également l’inconvénient majeur d’augmenter la distance entre l’électeur et l’impôt.

Un électeur de Clochemerle peut se plaindre de son impôt sur le capital – les taxes foncières – à son maire qu’il croise tous les jours.

Un électeur français n’a aucune chance d’influencer ni son député, ni son président sur les questions de l’IGF, de l’ISF ou de l’IFI, qui sont décidées à huis clos par quelques oligarques de l’inspection des finances, souvent sans même l’aval de leur ministre.

Il est bien évident qu’un impôt européen – ou mondial dans le vieux rêve de George Soros – serait absolument permanent, arbitraire et inique sans que l’électeur n’ait individuellement aucune chance de changer quoi que ce soit.

Ce qui est, hélas, le but de tous ces gens qui se prétendent « démocrates ».

Nouvelle taxe sur le streaming musical : prendre à ceux qui réussissent pour financer ceux qui échouent

Le gouvernement prépare à présent une taxe sur les plateformes de streaming. En principe, il compte ensuite utiliser les fonds pour des soutiens aux musiciens en France, sous forme d’événements ou subventions.

Les négociations en ce moment autour de la taxe donnent un aperçu du mode de fonctionnement des autorités. La plupart du temps, les interventions des dirigeants ont pour prétexte la défense d’un secteur ou d’une poignée d’acteurs dans l’économie – contre la concurrence ou le risque de faillite. Les artistes gagnent en général peu d’argent. Avec des aides au secteur ou barrières à la concurrence, les autorités génèrent ainsi l’enthousiasme chez un segment de l’électorat.

Le Centre national de la musique a vu le jour début 2020 sur décret du gouvernement.

Le groupe, selon Le Monde, « a pour mission de soutenir les professionnels de la musique et des variétés dans leur développement. »

En somme, il offre des soutiens à une poignée de musiciens et producteurs de musique ou spectacles.

À présent, il manque de financements. Le gouvernement prévoit ainsi la mise en place d’une taxe sur les plateformes de streaming.

Vous voyez le fonctionnement : les plateformes de musique en ligne, comme Deezer ou Spotify, investissent dans des contenus en fonction des goûts des utilisateurs et abonnés. Elles ont pour intérêt leur fidélisation. Par contre, le gouvernement n’a pas d’expertise ni de compétences dans l’investissement pour la création de musique. Il n’a pas besoin de retour sur investissement, ni de succès auprès des auditeurs.

Sans surprise, les bénéficiaires des aides n’y voient pas de problème !

Le Monde :

« L’hypothèse de la création d’une nouvelle taxe s’est soldée par une ligne de fracture chez les acteurs de la musique. D’un côté une vingtaine d’organismes représentatifs de la filière dont le Syndicat des musiques actuelles (SMA), le Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) ou l’UPFI (Union des producteurs phonographiques français indépendants) se sont montrés très favorables à une mise à contribution de la diffusion numérique (plateformes de streaming, réseaux sociaux…), tant payante que gratuite ».

Le monde de la musique veut le même traitement que le milieu du cinéma : des aides pour la création de projets, sans lien avec le succès en salles.

Le journal continue :

« Le rapporteur souhaite appliquer à la musique le modèle vertueux du cinéma, dans lequel les blockbusters américains contribuent à financer les films français. »

L’idée de fond revient à une redistribution. Les particuliers dépensent de l’argent pour des abonnements, tickets de cinéma, concerts, ou musique digitale selon leurs préférences.

Les dirigeants en prennent une partie, puis la distribue à une clique d’artistes – sans rapport avec les choix des particuliers !

 

Préférences des dirigeants

Les plateformes de streaming critiquent la mise en place de la taxe.

Selon Les Échos, les négociations ont lieu en ce moment.

Le gouvernement donne même une préférence à Deezer parmi les plateformes de streaming. En effet, la plateforme fait partie du monde de la French Tech ! Elle peut ainsi bénéficier d’une exemption partielle de la taxe.

Le journal explique :

« Un allégement [de la taxe] serait prévu pour les services qui réalisent une partie substantielle de leur chiffre d’affaires en France, ce qui permettrait en particulier aux acteurs hexagonaux, comme Deezer, d’être moins durement frappés au portefeuille que dans la version initiale, sachant que Deezer – comme Spotify – n’est déjà pas rentable. »

Les plateformes présentent des arguments contre la taxe.

Dans une tribune pour Les Échos, ils écrivent :

« Le streaming musical est aujourd’hui le seul secteur du numérique où l’Europe et la France disposent de leaders mondiaux, en mesure de concurrencer les Gafa. Mais cette compétition a un prix : nos services ne sont pas encore rentables en raison des investissements significatifs que nous devons réaliser pour concurrencer Apple, Google, ou TikTok. »

Le patron de Spotify enfonce le clou.

Dans une tribune pour Challenges, il explique :

« Une taxe sur les revenus du streaming impacterait en premier lieu les services de streaming français qui sont de loin les premiers soutiens du répertoire artistique français. »

L’intervention des autorités dans le domaine de la musique, comme dans le reste de l’économie, sert en général les intérêts d’une poignée d’acteurs dans l’économie. Des entreprises proches des dirigeants tirent des bienfaits des lois et distributions.

Pour une journaliste des Échos, la différence d’opinion sur la taxe, entre les plateformes et le milieu du spectacle (qui profite des aides) illustre un choc de cultures : « l’une plus solidaire, l’autre plus libérale. »

En réalité, chaque camp agit en fonction de ses intérêts, illustré par la réaction des créateurs de gros concerts à une proposition de loi récente. En effet, le gros des revenus pour les distributions proviennent des tournées de stars, et non de petites productions. Le gouvernement souhaite les mettre à contribution, tout comme les plateformes de streaming.

Selon Les Échos :

« Et certains producteurs des méga-tournées des stars internationales en France, jusqu’ici confraternels, ne voient pas d’un très bon œil le projet du sénateur d’affecter à l’avenir, non plus 35 % mais 50 % de la taxe billetterie au pot commun, contribuant déjà lourdement à la redistribution, notamment vers des petites salles et festivals déjà subventionnés par les collectivités. »

Le financement du Centre national de musique revient à mettre davantage de décisions sur l’investissement dans les artistes et créateurs de divertissement entre les mains de politiciens. Sans surprise, les gagnants à la redistribution espèrent plus d’interventions.

Les élus protègent une poignée d’artistes et entreprises du divertissement. Les particuliers perdent un peu plus de choix, et reçoivent moins de valeur pour leur argent.


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Les carburants sont-ils aussi chers que l’on pense ?

Depuis début août, la hausse du prix des carburants revient régulièrement en boucle dans les médias et sur les réseaux sociaux, un carburant jugé toujours plus cher, avec notamment la barre symbolique des deux euros dépassée.

Pourtant, depuis janvier 2023, la hausse du SP95 n’est que de 4 %, et de seulement 1 % par rapport à avril.

En revanche, on observe d’importantes variations au sein des différents facteurs contribuant au prix du baril.

Décomposition du litre d’essence durant l’année 2023 

(source des donnes UFIP)

Rappelons que le prix du litre d’essence se décompose en quatre parties distinctes :

  1. Cours du baril
  2. Marge de raffinage (différence entre la valeur du produit raffiné et celle du baril de pétrole)
  3. Marge de distribution (incluant le transport vers le site de distribution)
  4. Taxes (TICPE fixe de 69 centimes pour le SP95, et 20 % de TVA sur la somme HT + TICPE)

 

Par ailleurs, le baril de pétrole étant coté en dollar, le prix en euro dépend aussi implicitement du change euro/dollar. Depuis le début de l’année, ce dernier n’a que peu varié, et son taux actuel (1,07) est plutôt favorable par rapport à 2022 (<1).

Depuis début 2023, le prix du baril s’est renchéri de 4 %.

Cette hausse est liée à des tensions sur les marchés pétroliers : forte demande du Sud-Est asiatique et baisse de l’offre imposée par les pays de l’OPEP pour maintenir des prix hauts. L’accroissement du prix du baril ne justifie toutefois que deux centimes supplémentaires sur le prix du litre d’essence.

En revanche, la marge de raffinage (+35 %) a explosé au cours de ces derniers mois, avec une augmentation de 35 % justifiant un incrément de 5 centimes sur le prix du litre de SP85. Ceci est dû à de très fortes tensions sur le marché des produits raffinés, dont une partie significative était importée de Russie avant le conflit russo-ukrainien. Les raffineries européennes ne pouvant à elles seules satisfaire la demande de produits raffinés (SP95 mais aussi diesel), l’Europe est obligée d’importer ces produits du Moyen-Orient, mais aussi de l’Inde.

En revanche, alors qu’au début de l’année, les marges de distribution étaient anormalement élevées (0,27 centime en avril), au cours de ces derniers mois, et pour des raisons commerciales, les distributeurs les ont réduites en moyenne de 5 centimes.

En conséquence si, depuis janvier, le prix HT a augmenté de 7 %, le prix du litre à la pompe TTC n’a finalement pris que 4 %, passant en moyenne de 1,88 euro à 1,96 euro. Compte tenu de l’engagement de TotalEnergies de maintenir sous les deux euros le prix de l’ensemble des carburants (SP95, SP98 et diésel), on ne devrait pas assister à de nouvelles augmentations au cours des quatre prochains mois.

Cette analyse montre que sur une année, les prix des carburants ont moins augmenté que l’inflation (+4,8 % en un an), et bien moins que les produits alimentaires (+11 % sur un an).

Cette observation est d’ailleurs confirmée par l’histoire.

Entre 1960 et 2020, alors que le SMIC a été multiplié par 40 et le prix du pain par 20, le prix moyen des carburants a été multiplié par 10, soit moins que l’inflation globale. Et pourtant, la perception de la population est tout autre.

Evolution des prix depuis 1960

(source des données France Inflation)

Contrairement aux autres matières premières (acier, cuivre, blé…) diluées sous forme manufacturée dans les biens et les services, l’essence est en prise directe sous sa forme (quasi) brute avec les consommateurs. Cette prise directe confère aux produits pétroliers un caractère d’instantanéité : contrairement aux prix des produits manufacturés, les prix à la pompe varient au jour le jour. De cette prise directe et de cette instantanéité résultent des réactions émotionnelles où le ressenti l’emporte sur la réalité.

Dans les faits, la précarité énergétique des plus modestes s’est donc largement réduite au cours des trente dernières années.

Pourtant, dans les faits de nombreux ménages rechignent à s’éclairer, à se chauffer ou à prendre des douches. La précarité énergétique n’est en rien liée aux prix de l’énergie, mais à l’arbitrage du budget des ménages en faveur d’autres postes comme l’alimentation, et surtout le logement dont les prix ont largement excédé l’inflation.

En filigrane des prix trompeurs de l’énergie, l’amélioration du pouvoir d’achat demande d’aller bien au-delà d’un poste énergétique représentant finalement moins de 10 % du budget des ménages. Une stratégie à l’opposé de celle du gouvernement dont le package pouvoir d’achat (plus de 50 milliards d’euros) a reposé à 80 % sur des aides énergétiques.

Taxe foncière en hausse : les propriétaires paient la dépense

Comme prévu, la mairie de Paris annonce une augmentation de la taxe sur les propriétaires.

Selon la loi, la taxe foncière grimpe de 7 % partout en France. Certaines localités, dont la ville de Paris, optent pour un surcroît de taxe. Dans la capitale, la taxe augmente de moitié, pour passer de 13,5 % à 20,5 %. Meudon et Grenoble pratiquent des hausses du même ordre de grandeur. Lyon, Mulhouse, ou Limoges, augmentent la taxe d’environ 17 %.

Après augmentation, la taxe foncière arrive en moyenne à 665 euros par an pour 50 m2 à Paris, rapportent les infos.

 

Conséquence de la dépense

Pour les dirigeants, comme pour les particuliers, les dépenses requièrent des revenus.

Ils ont en général recours à une combinaison de solutions : les impôts, la dette, et la création d’argent – qui provient des mesures d’assouplissement de la BCE.

Le JDD révèle la part d’augmentation de la dette, en plus des revenus de la hausse de la taxe foncière, dans le budget de la capitale :

« … la Ville qui escompte ainsi des recettes supplémentaires de 586 millions d’euros l’an prochain. Ce qui lui permettra de continuer à investir, à hauteur de 1,7 milliard d’euros en 2023, et de n’emprunter « que » 514 millions (contre 860 millions cette année). »

La maire de la ville, Anne Hidalgo, fournit un éclairage sur les besoins en financements :

  1. Maintenir la solidarité au travers des services publics du quotidien, permettant de mieux vivre à Paris
  2. Accélérer la transformation écologique pour faire face aux changements climatiques que plus personne ne peut nier aujourd’hui.

 

La mairie ajoute que sur un budget total de 10 milliards d’euros pour la ville en 2023, 1,7 milliard sont dépensés sur des investissements pour « l’accélération de la transition écologique ainsi qu’au renforcement du service public et des solidarités. »

Dans le détail, la plupart des projets semblent faire partie de la routine du fonctionnement de la ville, et des projets en cours depuis des décennies.

Ils incluent par exemple des crèches, parcs, gymnases, et pistes cyclables. La ville continue de dépenser en lien avec le contrôle des loyers, avec l’objectif de 40 % d’habitations à loyers subventionnés avant 2035.

 

Train de vie en excès par rapport aux moyens

En plus des lancements de projets et programmes, la ville supporte les coûts des services, et le paiement des fonctionnaires ou prestataires. Même sans les projets d’écologie ou de logements, elle porte le poids de milliers de salariés.

Selon l’iFRAP :

« Par rapport aux deux autres grandes villes françaises comparables, la ville de Paris présente un ratio de dépenses de personnel par habitant nettement plus élevé. En effet, au cours de la période 2015-2019, l’écart est en moyenne 13 % par rapport à Lyon et de 10 % par rapport à Marseille. »

Les chiffres de l’iFRAP montrent la hausse au fil du temps du coût des salariés de la ville : de 2,1 milliards en 2011 à 2,5 milliards en 2022.

La dépense surpasse les revenus des taxes. En conséquence, la dette grimpe sans cesse et passe de 2,480 milliards d’euros en 2010, à 7,757 milliards, fin 2022.

Elle suit la même tendance que la dette du pays. L’emballement n’a pas pris fin pour le moment.

À présent, Bercy tente de faire des économies, reporte des baisses d’impôt, et promet des taxes pour compenser les déficits. En réponse à un excès de dépense, les dirigeants tentent des mesures d’équilibrage, mais ne remettent pas en cause l’accroissement des budgets.

De même, à Paris, la hausse de la taxe foncière suit une politique d’augmentation des dépenses à l’échelle de la ville.

Les dirigeants envoient une partie de l’addition à certains contribuables, et paient le reste par la dette. Ils reportent le remboursement à l’avenir, via davantage de taxes, ou grâce aux soutiens à l’endettement de la banque centrale.

Dans les villes, tout comme au niveau du pays, les dirigeants tournent à déficit. Ils maintiennent les dépenses par une combinaison d’impôts, et d’émissions de dette.

Ils comptent à la fois sur la hausse des taxes à l’avenir, et sur les mesures d’assouplissement des banques centrales, pour rembourser les prêts. Les déficits de la ville de Paris, comme les projets de renouvelables ou de fabrication d’hydrogène, ajoutent davantage de raisons au maintien de la bulle de crédit par les banques centrales.

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Un article publié initialement le 4 septembre 2023.

Une France pleine de millionnaires ?

Par : h16

J’en vois encore quelques-uns qui haussent les épaules lorsqu’on leur fait remarquer que la France est un pays de cocagne où les millionnaires se bousculent.

Pourtant, le dernier rapport réalisé conjointement cette année par les banques suisses Credit Suisse et UBS sur l’état de la richesse mondial est formel : la France se hisse en effet à la troisième place des pays dans le classement du nombre de millionnaires !

Rendez-vous compte : avec presque trois millions de millionnaires dans le pays (2,8 millions précisément), la France se retrouve derrière les États-Unis et la Chine, mais devant le Japon et l’Allemagne. C’est donc sans surprise que cette information a été goulûment reprise par les principaux organes de « presse » du pays.

Que voilà une bonne nouvelle ! Enfin le paradis macroniste est apprécié à sa juste valeur : après les courageuses politiques de l’enfant prodige cornaquant avec art le lourd pays de Gaulois réfractaires pour l’amener vers de nouveaux sommets de réussites et de richesses onctueuses, les victoires s’enchaînent et les gains s’amassent. Petit à petit, les Français, frétillants de bonheur, voient leur trésor gonfler grâce aux habiles décisions de la fine équipe gouvernementale et des idées subtiles d’un Bruno Le Maire à l’intelligence décidément dilatée comme jamais ! Pas de doute, avec 2,8 millions de millionnaires au dodu patrimoine, ça va de mieux en mieux.

Hum, en fait pas tout à fait.

Il suffit de jeter un œil à la presse étrangère pour comprendre que cette nouvelle n’est pas tout à fait aussi bonne qu’elle y paraît.

Voilà une information qui, en effet, ne donne malheureusement pas à Macron une nouvelle occasion de se gargariser de sa réussite : avoir soudainement plus de 25 000 nouveaux millionnaires sur le territoire, alors même que l’étude démontre que dans le monde, la richesse des ménages a diminué de 2,5 % l’an dernier (et ce n’était pas arrivé depuis la crise financière de 2008), voilà qui peut forcer le respect de certains, mais qui en fait enrager beaucoup d’autres…

Notamment ceux qui reprochent au président français d’avoir « américanisé » la société française (autrement dit, d’avoir augmenté l’écart entre les riches et les pauvres, essentiellement), même si ce concept est assez fumeux. D’autres s’empresseront de remarquer que ces millions qui apparaissent à gros bouillons sont un outrage à tous ces Français dans une situation rendue précaire par l’inflation, le coût de l’énergie qui bat des records et qui, eux aussi, sont plus nombreux qu’avant son arrivée aux manettes du pays.

En réalité, c’est un résultat à prendre avec de grosses pincettes, tant la situation française est particulière.

D’une part, le taux de change est actuellement favorable à l’euro, et dans ces conditions, devenir millionnaire en dollar est actuellement un peu plus facile qu’en euro.

D’autre part, et c’est le plus important, la fortune des Français est essentiellement composée de patrimoine immobilier. Et c’est là qu’est toute l’astuce : l’immobilier est en effet fort cher en France, comparativement aux autres pays, surtout si l’on se concentre sur les grandes villes (là où, précisément, on retrouve le plus de ces « nouveaux millionnaires » apparus ces derniers mois). Sur les dernières années, en 2020, 2021 et 2022, l’immobilier a ainsi continué à augmenter. En somme, le propriétaire d’un appartement de 95 m² à Paris peut voir son patrimoine rapidement approcher puis dépasser le million d’euros, même si ce logement a été acquis pour une petite fraction de ce prix il y a 30 ans.

De façon intéressante, l’année 2023 pourrait à ce sujet marquer une nette inflexion, et on peut donc s’attendre à ce que le nombre de millionnaires français subisse une décrue marquée l’année prochaine.

Mais surtout, on peine à voir pourquoi une augmentation du patrimoine des Français serait une mauvaise chose. Pourtant, la gêne manifeste avec laquelle la nouvelle fut accueillie par l’actuelle majorité, et la façon dont elle fut traitée par la presse en disent fort long sur les biais cognitifs qui hantent les cerveaux souvent vides de nos dirigeants et de nos journalistes.

Pour eux, il semble en effet acquis qu’il faille avant tout déplorer cet enrichissement de la société, ce dernier n’étant jamais assez égalitaire, et toujours trop suspect de malversations, ce qui le teinte systématiquement de jalousie : le riche l’est toujours trop, et toujours au détriment des autres.

Oui, assurément, pour une frange d’invertébrés d’invétérés gauchistes et autres thuriféraires d’un tout-à-l’État collectiviste et confiscatoire, la France continue de véhiculer cette image de pays de cocagne, de véritable paradis fiscal peuplé d’une caste d’ultra-riches (de millions de millionnaires même !) que l’impôt, la taxation et la ponction fiscale ne parviennent ni à calmer ni à endiguer. Sapristi !

Ainsi, comme un étrange fléau qui toucherait le pays de son irritante opulence, le riche l’est évidemment au détriment de la classe ouvrière, celle-là même que ces intellectuels de pacotille entendent représenter, et pour lesquels la seule façon d’extraire cette classe ouvrière de sa situation forcément abominable consisterait à ponctionner aux riches (de préférence tout) par la voie fiscale, autrement dit de rendre riches les pauvres en rendant pauvres les riches. Succès assuré et pour un pays qui figure régulièrement sur le podium des prélèvements mondiaux, c’est… riche.

Enfin, on ne pourra s’empêcher de noter que l’image de la France est fort différente lorsqu’on ne se contente pas de regarder les patrimoines à hauteur d’un million de dollars, et qu’on s’attarde sur les patrimoines de 50 millions de dollars et plus. Là, le classement change franchement pour la France qui passe alors à la neuvième place, et notamment derrière des pays émergents comme l’Inde et la Russie, ce qui montre assez bien que la dynamique n’est finalement pas celle peinte avec les grosses brosses de l’actuelle presse gauchiste française, jamais en retard pour présenter une lutte des classes aussi caricaturale qu’agitatrice (car il faut toujours agiter le peuple avant de s’en servir comme le rappelait Talleyrand).

La France est en réalité un pays surponctionné, surtaxé, dont l’administration, les politiciens, les syndicats et maintenant une grosse majorité du peuple s’entendent à faire un véritable enfer fiscal par pure jalousie et une inculture crasse des principes économiques de base. Elle ne gagne des millionnaires qu’à la faveur de conjonctures temporaires sur lesquelles elle n’a aucune prise, et entend par tous les moyens répartir la misère le plus également possible.

Pour le moment, la mission est remplie.

Sur le web

« L’équité sociale » de Giorgia Meloni : des taxes socialistes

Dans notre imaginaire, l’Italie nous renvoie à Rome et au Colisée, à la Cité du Vatican, ou plus près de nous, à Cinecittà établie sur une idée de Mussolini, grand admirateur des débuts du cinéma soviétique.

Mais on oublie que l’Italie fut le berceau des banques et du capitalisme.

On lui doit, entre le XIIe et le XIIIe siècle, l’invention de la lettre de change ancêtre du chèque, de la comptabilité analytique et des dépôts à l’origine des banques.

Madelin avait coutume de dire qu’en France, quand on était à court d’idées, on avait toujours une idée de taxe. Cet adage pourrait apparemment avoir cours chez nos voisins transalpins où l’on parle de taxation des superprofits des banques italiennes. Mais la Bourse a fait reculer le gouvernement italien.

Parti d’une mise en place prochaine d’une taxe sur les bénéfices des banques dont les revenus ont augmenté en 2022 et 2023 en raison de la hausse des taux, certaines valeurs ayant dévissé de plus de 10 % en une journée à la suite du lâchage par les investisseurs du secteur bancaire italien en bourse, le gouvernement Meloni a sagement descendu le plafond maximal de contribution de 25 % du total de leurs actifs net à… 0,1 %

 

Mesure présentée comme un exemple d’équité sociale

Lors du Conseil des ministres le 7 août, le vice-Premier ministre Matteo Salvini avait pourtant déclaré  vouloir prélever une taxe de 40 % sur les « surprofits de milliards » d’euros des banques pour compenser le coût pour les ménages et entreprises de l’envolée des taux d’intérêt… Avant de revenir en arrière.

Si certaines ONG et organes écologistes réclament une mise en place de taxes sur les profits afin de financer une transition écologique, en Italie, cette mesure est présentée comme un exemple d’équité sociale. Les profits de cette taxe devraient permettre des baisses d’impôts des ménages et des entreprises. Cette taxe des banques devait être réglée d’ici juin 2024, et ne concernait que les exercices comptables 2022 et 2023. Elle devait surtout permettre à Giorgia Meloni de bâtir son prochain budget sur fond de ralentissement économique.

Les recettes provenant de la taxation des « marges injustes des banques » serviront à « financer des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises » qui traversent « une période difficile en raison du coût élevé de l’argent », avait ainsi fait valoir la Première ministre, Giorgia Meloni. « Nous avons décidé d’introduire une taxe de 40 % sur la différence injuste du revenu net d’intérêts », à savoir la différence entre ce que « les banques vous facturent pour vous prêter de l’argent, et ce qu’elles concèdent lorsque vous déposez de l’argent », avait-elle expliqué dans une vidéo postée sur Facebook. « Nous disons depuis des mois que la Banque centrale européenne a tort de relever les taux d’intérêt », et cette taxation en « est la conséquence inévitable », avait renchéri le vice-Premier ministre, Antonio Tajani.

Mais le lendemain de l’annonce de cette décision, les valeurs bancaires de la Bourse de Milan, Intesa Sanpaolo et Unicredit, perdaient respectivement 8,6 % et 5,9 % à la clôture ; monte dei Paschi di Siena a dévissé de 10,8 %, Bper Banca de 10,9 %, et Banco Bpm de 9 %. Les banques italiennes ont en principe perdu 9,5 milliards d’euros de capitalisation en une seule séance, selon l’agence d’informations financières Radiocor ; en principe parce que la valeur n’est réelle qu’au moment de la liquidation.

Face à cette réaction qui a tiré l’indice de la bourse de Milan à la baisse de 2 % mardi, le gouvernement a d’abord fait un premier geste en assurant que la taxe s’appliquerait finalement aux groupes bancaires italiens dont le revenu net enregistré a augmenté de 5 % entre 2021 et 2022, et de 10 % entre 2022 et 2023.

Une annonce qui n’a pas calmé les investisseurs et qui a poussé le gouvernement à un pas en arrière, beaucoup plus conséquent.

Mardi soir, après avoir constaté les dégâts après la clôture de la bourse, les équipes du gouvernement ont annoncé qu’« afin de préserver la stabilité des institutions bancaires », le décret prévoit « un plafond pour la contribution, qui ne peut excéder 0,1 % du total des actifs » d’une banque… contre 25 % annoncé la veille. Ce qui « réduit considérablement l’impact de la taxe », ont commenté ce mercredi les analystes de Jefferies qui estiment désormais le coût total pour les banques à 2,5 milliards d’euros contre 4,9 milliards auparavant.

En outre, les banques qui ont « déjà ajusté leurs taux » en réduisant l’écart entre les taux d’emprunt et la rémunération des comptes courants, « ne seront pas affectées de manière significative » par la taxe, a également promis le ministère de l’Économie mardi soir. En effet, les banques italiennes ont vu s’envoler leurs revenus engendrés par les intérêts dans la foulée de la hausse des taux, sans pour autant augmenter la rémunération des comptes courants de leurs clients dans les mêmes proportions. Selon l’organisation patronale Unimpresa, les banques italiennes rémunèrent les 669 milliards d’euros de dépôts bancaires à hauteur de 0,32 % en moyenne, alors que les taux sur les 1312 milliards d’euros d’emprunts aux familles et entreprises atteignent 4,25 %.

Cette taxe sur les « surprofits » des banques, qui devra être réglée d’ici juin 2024, concernera les exercices comptables de 2022 ou 2023.

Après ce rétropédalage salutaire de la coalition conservatrice au pouvoir, les financiers ont finalement été rassurés. À 12 heures mercredi dernier, Intesa Sanpaolo prenait 3,1 %, Unicredit 4,2 %, Monte dei Paschi 3,7 %, Banco BPM 3,6 %, et BPR Banca 3,4 %.

Précédemment, l’Italie avait déjà visé les grandes entreprises du secteur de l’énergie.

En mai 2022, elle avait fait part de son intention de porter à 25 % la taxe sur les profits engendrés par la hausse des prix due à la guerre en Ukraine. Une mesure intervenue en même temps que celle décidée au Royaume-Uni, avec là aussi, une taxe temporaire de 25 % sur les bénéfices des géants du pétrole et du gaz.

Le chef du gouvernement socialiste espagnol, Pedro Sanchez, a sauté le pas mi-juillet de l’année 2022, et s’est attaqué aux banques et au secteur de l’énergie. L’Allemagne verte et social-démocrate a de son côté adopté une mesure similaire en décembre dernier, en votant une taxe appelée « contribution sociale » des compagnies pétrolières et gazières, en taxant les bénéfices réalisés en 2022 et 2023.

 

La justice sociale présuppose que la société serait « un ordre construit »

Mais au fond, qu’est-ce que la fameuse justice sociale prétexte à toutes ces taxes ?

Pour l’économiste Friedrich Hayek, l’adjectif « social » est le mot qui prête le plus à confusion dans notre vocabulaire politique.

Est social tout phénomène produit par l’interaction de plusieurs hommes. Mais l’on qualifie aussi une action ou une institution de « sociale » pour indiquer que l’on approuve ses effets sur un secteur particulier de la société (les pauvres, les enfants, etc.). Ainsi, l’adjectif a acquis une connotation normative qui s’est graduellement transformée, présomption fatale, en une exhortation « au service d’une morale rationaliste, considérée comme devant supplanter la morale traditionnelle ».

L’expression « justice sociale » possède donc deux acceptions.

Elle peut désigner, soit la justice en société, soit la justice distributive, auxquelles correspondent deux types de droits différents :

  • d’une part, les droits généraux ou droits de base que peut exiger tout membre de la société.
  • d’autre part, les droits particuliers qui naissent des relations spécifiques, par exemple entre parent et enfant, mari et femme, patron et salarié, etc.

 

On utilise généralement le terme « justice » pour désigner les droits de base. L’expression « justice sociale » désigne des droits particuliers auxquels correspondent des devoirs spécifiques envers les travailleurs, ou les catégories sociales défavorisées.

Selon Hayek, le plus grave, c’est que le glissement de la première vers la seconde acception est imputable au libéral John Stuart Mill, une conséquence du développement des thèses socialistes. Mill a eu tort de prendre à cœur les critiques des saint-simoniens et de proposer de mettre en place des institutions favorisant la justice sociale dans le cadre de la propriété privée et de la concurrence.

Hayek nous rappelle que la notion de justice sociale présuppose que la société serait une « organisation », un ordre « construit », alors que l’on doit laisser poindre les harmonies de « l’ordre spontané ».

Hayek avance une explication anthropologique du succès de l’idée de « justice sociale ».

Cette revendication serait une résurgence de la « morale tribale » prévalant dans le « micro-ordre primitif » où quelques individus entretiennent des relations personnelles, par opposition aux relations impersonnelles de « l’ordre de marché ». La recherche de la justice sociale est anachronique, elle exprime « une nostalgie nous rattachant aux traditions du groupe humain restreint des origines, mais qui a perdu toute signification dans la société ouverte des hommes libres. »

Giorgia Meloni devrait relire Roger Scruton dont elle fait l’éloge, mais qui reprend complètement les thèses de Friedrich Hayek quand il dénonce la notion de « justice sociale ».

Mettre fin au dumping fiscal : abolir l’impôt sur les sociétés

En 2021, sous l’égide de l’OCDEdont les salariés sont exemptés d’impôts – la plupart des pays se sont entendus pour revoir le fonctionnement de l’impôt sur les sociétés. Selon ces pays, l’IS ne serait plus adapté à l’ère du numérique qui permet de facilement comptabiliser les profits dans des pays étrangers. Cet accord a accouché de règles complexes pour allouer les revenus à une juridiction fiscale plutôt qu’une autre, et un taux minimum de 15 %.

Sans étonnement, deux années plus tard, le projet n’a toujours pas été implémenté au grand dam des pays les plus dépensiers et restera probablement un vœu pieux. La tentation de « tricher » est bien trop forte pour les États. De plus, il est assez ironique de voir les spécialistes de la niche fiscale comme la France défendre une règle fiscale universelle. L’Union européenne avait mis en place un taux de TVA minimum de 15 %, ce qui n’empêche pas la France d’afficher des taux supplémentaires de 2,1%, 5,5 % et 10 %.

 

Un système plus juste et égalitaire

Il y avait pourtant un moyen très simple de mettre fin à l’optimisation fiscale des entreprises : abolir l’impôt sur les sociétés.

Les entreprises n’auraient ainsi plus intérêt à dépenser de fortes sommes pour faire transiter leurs profits vers des juridictions plus clémentes, et toutes les entreprises à travers le monde seraient immédiatement sur un pied d’égalité. Pas seulement entre les pays d’ailleurs, mais aussi au sein d’un même pays. Les grandes entreprises qui peuvent se payer les services de fiscalistes et de comptables sophistiqués (et qui ont des filiales étrangères) n’auront plus cet avantage sur les petites entreprises qui n’en ont ni les moyens ni la taille critique nécessaires. Les grandes entreprises seront aussi soulagées de leurs charges fiscales, comptables, et du risque de redressement fiscal.

Quid des recettes pour l’État, certains demanderont.

Évidemment, nos États obèses ont la possibilité d’ajuster leurs dépenses pour faire face à la perte de revenu. En 2021, la France a perçu 71 milliards d’euros de recette d’IS, ce qui représente 4,5 % des 1580 milliards de dépenses prévues en 2023, ou 2,7 % du PIB. La France resterait tout de même probablement l’État le plus dépensier d’Europe.

Cependant, il ne faut pas rater un point fondamental : les entreprises sont une fiction juridique, en réalité elles ne paient pas d’impôts, seules les personnes physiques en paient. L’impôt sur les sociétés est un impôt qui est en fait acquitté par les actionnaires en venant réduire leurs gains en capital ou les dividendes que l’entreprise pourrait leur verser.

La justice – en plus de l’efficacité économique – demande donc aussi sa disparation : pour mettre fin à la double taxation des actionnaires qui paient aussi l’impôt sur le revenu, et pour cesser de taxer les actionnaires étrangers qui ne sont pas représentés politiquement.

 

Un rapport de force aujourd’hui au profit des employeurs et des banques

D’autres viendront nous accuser de protéger les actionnaires – forcément riches – aux dépens des pauvres.

Rien n’est plus faux. Tout d’abord, les actionnaires sont très souvent les retraités actuels et futurs. Il est vrai, les Français qui sont condamnés à un système de retraite très largement par répartition ne vont pas en profiter beaucoup. Cependant, la littérature économique est relativement claire sur le sujet : si ce sont les actionnaires qui s’acquittent en pratique de l’impôt sur les sociétés, ce sont les salariés qui en supportent l’essentiel du coût. Certaines études montrent qu’au moins 70 % de l’impôt sur les sociétés est reporté sur les salariés sous la forme de plus bas salaires. C’est logique : les capitaux peuvent aller se réfugier relativement facilement dans une juridiction moins imposée alors que les travailleurs n’ont pas ce luxe. Moins d’investissement signifie des salariés moins productifs et des salaires plus bas. Moins de demande pour les travailleurs signifie un rapport de force au profit des employeurs.

Il existe un dernier argument pour mettre fin à cet impôt catastrophique.

Une entreprise a deux moyens de se financer : le crédit et les fonds propres. Dans le système actuel, les intérêts qu’une entreprise paie sur son crédit sont déductibles de l’IS. Par exemple, si une entreprise peut emprunter à 6 %, son taux d’intérêt effectif net d’IS (33 %) est de 4 % : 6 % x (1-33 %) comparé à un coût des capitaux propres de 8 %. Les entreprises sont donc incitées à s’endetter, l’économie a un plus fort levier, et lorsqu’une crise finit inévitablement par arriver, nos entreprises sont plus fragiles et l’effet de la crise est multiplié avec ses conséquences en termes de chômage, notamment. Les grandes gagnantes de ce système sont les banques qui peuvent vendre davantage de crédits plus cher.

Si Bruno Le Maire était réaliste et au service de l’économie plutôt que de la gloutonnerie sans fin de l’État, il s’attèlerait à la disparition de l’IS. Il est cependant politiquement plus rentable de faire croire aux Français, qui se laissent bien volontiers berner, que d’autres vont payer le train de vie de l’État que de leur faire voir la réalité économique en face.

Après tout, comme disait Colbert qui a prêté son nom au bâtiment où réside le ministre :

« L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris ».

Les origines surprenantes du slogan « Pas de taxation sans représentation »

Par Lawrence W. Reed.

 

Demandez à la plupart des Américains l’origine du slogan « Pas de taxation sans représentation ! » et ils vous répondront probablement que les colons américains ont protesté contre la Grande-Bretagne dans les années 1760. Mais l’esprit, si ce n’est la lettre précise de cette phrase, remonte à plus d’un siècle. En outre, nous pouvons remercier les Britanniques eux-mêmes.

Tout a commencé avec ce que l’on appelle la « taxe sur les navires ».

Depuis le début du Moyen Âge, la coutume anglaise permettait au monarque d’imposer, en temps de guerre, une taxe spéciale aux citoyens vivant dans des localités côtières. Ceux-ci pouvaient satisfaire à cette exigence en fournissant des navires, des matériaux de construction navale ou de l’argent pour que la Couronne construise des navires (d’où le nom de « taxe sur les navires »). Les rois et les reines prélevaient cette taxe en tant que prérogative royale, ce qui signifiait qu’ils n’avaient pas à obtenir le consentement du Parlement, comme l’exigeait la Magna Carta de 1215.

Tant que l’impôt ne frappait qu’une petite partie de la population et uniquement en cas d' »urgence nationale », la monarchie s’en est tirée à bon compte pendant des siècles.

Le roi Jacques Ier a provoqué un tollé en 1619 lorsqu’il a étendu la taxe sur les navires à Londres, mais c’est son successeur, Charles Ier, qui a déclenché un tollé bien plus important neuf ans plus tard. Il a fermé le Parlement et, en 1628, en temps de paix, il a imposé la taxe sur les navires à tous les comtés d’Angleterre. C’était une taxe pour tout le monde, et personne ne pouvait rien y faire. Les années suivantes, le roi la réaffirme et l’augmente face à une opposition féroce et croissante.

C’est le cas de John Hampden, un propriétaire terrien du Buckinghamshire élu pour la première fois au Parlement en 1621. Lorsqu’il refuse de payer le solde de la taxe sur les navires réclamée par le roi, l’affaire est portée devant les douze juges de la Cour de l’Échiquier. Hampden et ses avocats soutiennent que le roi n’a pas le droit de prélever la taxe sans l’approbation du Parlement.

Bien que Hampden perde l’affaire par 7 voix contre 5, Charles Ier est gêné que sa mince victoire. Lorsque la guerre civile anglaise commence en 1642, John Hampden est l’un des premiers que le roi tente d’arrêter, sans succès. La question pour laquelle il a pris le risque de défier le roi, à savoir l’imposition sans représentation, s’est révélée être l’une des principales causes de cette guerre.

Hampden est mort au combat en 1643, six ans avant la décapitation de Charles Ier. Près de quatre siècles plus tard, Hampden est considéré comme un martyr de la liberté et son nom est honoré de manière éponyme par de nombreuses villes et institutions. Le Hampden-Sydney College en Virginie en est l’un des nombreux exemples.

James Otis, du Massachusetts, est généralement considéré comme le premier Américain à avoir appliqué le principe « pas de taxation sans représentation » dans la perspective de la Déclaration d’indépendance. En 1764 il écrit : « l’acte même de taxer, exercé sur ceux qui ne sont pas représentés, me semble les priver de l’un de leurs droits les plus essentiels en tant qu’hommes libres ; et s’il est maintenu, il semble être en fait une privation totale de tout droit civil ».

Des patriotes épris de liberté comme John Hampden et James Otis sont entrés en guerre parce que leurs gouvernements osaient taxer sans le consentement des parlementaires élus. Autant la taxation sans représentation était mauvaise à l’époque, autant je parie qu’avec les taux actuels avec représentation, ils pourraient à nouveau faire du bruit.

Sur le web

Quand la haine des riches égare les scientifiques

Un article de l’Iref-Europe

 

Une étude de l’Institut des politiques publiques réalisée à partir des données de 2016 et sortie le 6 juin a découvert un moyen de soutenir que les riches ne payent pas assez d’impôts : elle attribue aux dirigeants et actionnaires d’entreprises des revenus qu’ils n’ont pas perçus.

 

Une escroquerie intellectuelle

Pour calculer l’imposition des plus riches, les auteurs de l’étude en question ajoutent à leurs revenus imposables des revenus fictifs : les cotisations sociales non contributives d’une part, et les bénéfices des sociétés dont les foyers fiscaux détiennent plus de 10 % du capital d’autre part.

Ils prennent en compte au titre des impôts la quote-part d’impôt sur les sociétés payée par le contribuable concerné (au prorata de sa participation dans le capital de chaque société) et une part minimale de coût de donation du capital correspondant sous le bénéfice d’un pacte Dutreil. Ces élucubrations, totalement factices et erronées, sont établies de manière sciemment minorée (le pacte Dutreil n’est pas toujours possible, ils calculent sur la base des donations mais pas des successions…). En outre, ils ne tiennent pas compte des autres impôts payés par les entreprises, pas plus que des impôts de succession que les particuliers payent sur leurs autres actifs, et des droits d’enregistrement et taxes immobilières locales ou autres qu’ils supportent.

Surtout, ils ne prennent pas en compte les impôts que les riches paieraient si les bénéfices qui leur sont affectés leur étaient distribués. Car alors ils paieraient sur ces dividendes le prélèvement forfaitaire unique de 30 %. Les auteurs savent bien qu’ils font un faux calcul. Ils le reconnaissent à mi-mot en notant au détour d’une courbe que si les bénéfices non distribués des sociétés contrôlées étaient pris en compte, le taux d’imposition des plus riches monterait à 59 %.

Mais le mal est fait. Leur étude a fait le buzz et le tour des journaux qui n’ont pas bien compris le tour de passe-passe ! C’est bien de l’escroquerie intellectuelle.

D’autant plus qu’au demeurant, même avec leurs calculs truqués, ils ne parviennent pas à démontrer grand-chose. Ils notent que « 95 % des 378 000 foyers au sein du top 1 % des revenus paient des impôts personnels importants du fait de la progressivité du barème. […] les 37 800 foyers fiscaux aux revenus les plus élevés (le top 0,01 %) bénéficient d’un taux global d’imposition plus faible », le taux d’imposition passant de 46 % pour les 0,1 % les plus riches à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches (les « milliardaires »).

Ils reconnaissent d’ailleurs que ce constat tient au fait qu’ils ont intégré les revenus (fictifs) des sociétés, la grande majorité des revenus des 0,01 % des ménages les plus riches pris en compte par l’étude provenant de la manipulation faite par ladite étude pour intégrer dans le revenu de ces contribuables une quote-part des profits des entreprises dont ils sont actionnaires.

Il y a là évidemment une méconnaissance totale du fonctionnement de l’économie.

D’abord parce qu’un actionnaire ne contrôle pas une société avec 10 % de son capital mais plutôt avec 50 % ou, dans les plus grandes sociétés cotées, avec plus de 30 % en général, et selon le critère retenu par la bourse.

Ensuite, parce que les profits non distribués sont destinés à être mis en réserve et utilisés pour le développement de l’entreprise, pour payer ses besoins de fonds de roulement (c’est-à-dire le cash nécessaire pour supporter les besoins de financement requis généralement par le développement du chiffre d’affaires) et les besoins d’investissements.

Par ailleurs, les auteurs de l’étude tiennent compte des profits, mais pas des pertes.

Ils méconnaissent surtout que les entreprises payent bien d’autres impôts que l’impôt sur les sociétés : les impôts de production par exemple, qui se montaient à 78,1 milliards d’euros en 2016 – l’année de l’étude. Par comparaison, le produit de l’impôt sur les sociétés pour 2016 a été de 30 milliards !

Alors pourquoi prendre le seul impôt sur les sociétés dans l’étude de l’IPP ?

Pour parvenir au résultat désiré, bien entendu. Ce n’est plus une étude universitaire, mais une tentative de perversion construisant des arguments bancals pour soutenir les préjugés d’enseignants, dits chercheurs, payés par nos impôts. C’est une tromperie de grande envergure, à la Piketty, qui ose prétendre, comme Marx en son temps, à une analyse scientifique quand il ne s’agit que d’une mascarade idéologique.

S’ils avaient été logiques avec eux-mêmes, les auteurs de l’étude auraient dû d’ailleurs réintégrer aussi dans les revenus les cotisations retraites qui représentent pour leurs bénéficiaires des avantages à terme, comme les profits non distribués. Mais les falsificateurs ne retiennent jamais que les faits susceptibles de parler à leur avantage.

 

La vraie justice

Certes, on peut s’étonner qu’en France tant de niches fiscales, improprement appelées en langage techniques des « dépenses fiscales », permettent à tant de gens de s’exonérer d’impôts et de charges sociales. Ce sont autant d’injustices créées par la puissance publique elle-même qui dispense, à son gré, les uns ou les autres de l’impôt ou de charges.

Mais de la même façon, la progressivité, dont les tranches et les taux sont fixés de manière tout aussi arbitraire, crée des injustices au bon vouloir de la puissance publique.

Les auteurs de cette note de l’IPP rappellent que la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 définit un principe de répartition de la charge fiscale, « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Ils s’étonnent que ce texte ne fixe pas de taux de progressivité. Par-là, ils méconnaissent qu’en langage de la fin du XVIIIe siècle « en raison » signifie « à proportion », ce qui veut dire que l’impôt, selon la déclaration de 1789, devrait être un impôt proportionnel et non progressif.

Sur la base des revenus fiscaux de référence, ils notent qu’en 2016, les revenus imposables ne représentaient en France que 1000 milliards d’euros alors que les revenus effectifs, avant abattements fiscaux et application des 500 à 700 niches fiscales et sociales recensées, devraient représenter environ 1600 milliards d’euros. Cette analyse est exacte. Mais pas les conclusions qu’ils en tirent.

La solution est sans doute d’établir un impôt proportionnel à un taux raisonnable (15 % ?) au-delà d’une franchise proche des abattements familiaux et conjugaux actuels, et de supprimer toutes les niches fiscales. Nous retrouverions alors une vraie justice fiscale et chacun, riche ou moins riche, paierait à proportion de ses revenus réels.

Sur le web

Taxer les riches n’est pas la solution pour financer la transition énergétique

Dans un rapport de France Stratégie remis à la Première ministre le 22 mai 2023, et intitulé « Les incidences économiques de l’action pour le climat », Jean Pisani-Ferry, économiste proche du président Macron, et l’inspectrice générale des finances, Selma Mahfouz, tirent la sonnette d’alarme sur la nécessité de s’attaquer véritablement à la question de la transition climatique : « Il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans1 ».

Contrairement aux écologistes les plus radicaux, les auteurs du rapport estiment que le monde ne court pas nécessairement à sa perte : « La neutralité climatique est atteignable2 ».

On est rassurés ! Ils estiment même que nous ne sommes pas « durablement condamnés à choisir entre croissance et climat », car « à long terme, la réorientation du progrès technique peut conduire à une croissance verte plus forte que ne l’était ou que ne l’aurait été la croissance brune3 ».

En d’autres termes, une politique écologique peut être porteuse de croissance. Le discours est connu et utilisé à toutes les sauces par les politiques.

Dans cet article, nous nous concentrerons sur l’analyse des mesures préconisées par les auteurs du rapport de France Stratégie pour financer la « nécessaire » transition énergétique.

 

Recours massif à l’endettement et retour de l’impôt sur la fortune

Selon les auteurs, parvenir à la neutralité climatique suppose « une grande transformation d’ampleur comparable aux révolutions industrielles du passé. Mais au regard de celles-ci, cette transformation sera globale, plus rapide, et elle sera pilotée d’abord par les politiques publiques et non par les innovations technologiques et les marchés.4 »

Tout est dit dans cette affirmation, pourtant non démontrée. Avec un tel postulat qui, au passage, fait fi des deux grands moteurs du développement économique des sociétés libérales depuis la révolution industrielle, les auteurs peuvent se livrer à leurs préconisations très dirigistes.

Selon le rapport de France Stratégie :

« Le supplément de dépenses publiques induit par la transition climatique devrait être à l’horizon 2030 compris entre 25 et 34 milliards d’euros par an, selon que l’on raisonne à part du financement public constante ou que l’on considère une adaptation des dispositifs de soutien en vue d’assurer le meilleur usage des fonds publics des deux points de vue de l’efficacité et de l’équité.5 »

Pour financer ces investissements considérables sur les trois décennies à venir, le rapport n’hésite pas à lever le tabou de la dette en faisant appel à un recours massif à l’endettement (de 250 à 300 milliards de dettes cumulées à l’horizon 2030) et préconise de mettre en place un « impôt exceptionnel et temporaire » sur le patrimoine financier des 10 % de Français les plus aisés, à hauteur de 5 milliards d’euros par an.

Bref, rien de nouveau en matière de gestion des finances publiques à la française : de la dette et un nouvel impôt sur la fortune.

Il est intéressant de noter que le produit fiscal du nouvel impôt serait proche de l’ex ISF supprimé par le président Macron. Alors que la suppression de l’ISF avait été justifiée par la nécessité d’éviter la fuite des capitaux et des riches, cet impôt pourrait être rétabli pour le financement de la transition énergétique au motif de la nécessaire équité : « Le coût économique de la transition ne sera politiquement et socialement accepté que s’il est équitablement réparti6 ».

 

… et de leurs conséquences néfastes

Évidemment, on ne voit pas très bien en quoi le fait que le rétablissement de l’ISF serve à financer la transition énergétique de manière équitable retiendrait les Français riches en France. Le risque avec une telle mesure serait de relancer la délocalisation de l’épargne à l’étranger alors qu’elle est tellement nécessaire en France.

Enfin, le recours massif à la dette n’arrangera pas l’équilibre fragile de nos finances publiques. En déclarant qu’« il ne sert à rien de retarder les efforts au nom de la maîtrise de la dette publique7» les auteurs dédouanent à l’avance le gouvernement. Mais avec de telles annonces, on risque tout simplement d’accréditer l’idée que la France renonce à maîtriser son endettement, ce qui aura forcément un impact sur le rating de notre dette par les agences de notation. L’annonce récente de la dégradation de la dette souveraine française par l’agence Fitch devrait servir de signal.

Au total, le rapport de monsieur Pisani-Ferry et de madame Selma Mahfouz sur les incidences économiques de l’action pour le climat ne pouvait pas tomber mieux.

En effet, au prétexte de la lutte contre le réchauffement climatique, il dédouane le gouvernement de la maîtrise de la dette publique et donne une justification écologique au retour de l’ISF. Nul doute que l’aile gauche de la majorité; et bien évidemment la NUPES vont s’emparer de ce rapport pour peser sur les choix de politique financière du gouvernement et demander davantage de contrôles.

 

Mépris de la régulation par le marché et l’innovation technologique

Au-delà des préconisations financières contestables et peu innovantes de ce rapport, il convient d’insister sur le fait que les auteurs évacuent d’emblée la régulation par le marché et l’innovation technologique pour avancer sur le chemin de la transition énergétique.

Pourtant, c’est bien par les mécanismes de marché et la régulation par les prix que les économies occidentales se sont constamment adaptées aux changements de la société. En augmentant le prix de l’énergie, on peut inciter les consommateurs à l’économiser, et à changer nos pratiques. En favorisant l’innovation technologique, on peut aussi réduire le gaspillage et mieux consommer. Bref, d’autres voies sont possibles que le recours à la dette et aux impôts.

Alors pourquoi ne pas faire confiance au marché ? Pourquoi charger ainsi la barque des finances publiques et augmenter encore et encore la pression fiscale, alors que la France détient le record des prélèvements dans l’OCDE ? Pourquoi infliger à notre économie chancelante (il suffit de regarder notre balance commerciale) un tel traitement unilatéral alors que la France pèse aujourd’hui moins de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et que les auteurs du rapport reconnaissent que l’effort national d’atténuation du changement climatique n’aura qu’une incidence marginale sur les émissions mondiales, car celles-ci dépendent avant tout des actions de l’ensemble des autres pays ?

 

Un article publié initialement le 10 juin 2023.

  1. Jean Pisany-Ferry, Selma Mahfouz, Les incidences économiques de l’action pour le climat, France-Stratégie, mai 2023, p. 14.
  2. Ibid, p. 13.
  3. Ibid, p. 14.
  4. Ibid, p. 13.
  5.  Ibid, p. 113.
  6. Ibid, p. 15.
  7.  Ibid, p. 15.

L’inflation est-elle une taxe ?

Par Peter Jacobsen.

 

J’ai reçu une question intéressante de la part de Heath B. Il dit :

« Il s’agit d’une question concernant votre article intitulé Pourquoi la Réserve fédérale vise-t-elle un taux d’inflation de 2 % ?

Milton Friedman a déclaré un jour que « l’inflation est une taxation sans législation ». Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur cette affirmation ? Si c’est vrai, pourquoi nous, citoyens américains, permettons-nous que cela se produise ? L’une des raisons pour lesquelles nous avons mené la guerre révolutionnaire était la taxation sans représentation. »

 

Les deux parties de la question de Heath m’intéressent. La réponse courte est oui, Friedman a raison. Mais comment fonctionne la taxe sur l’inflation et, pour reprendre les termes de Heath, pourquoi la tolérons-nous ?

 

La taxe d’inflation

En quoi l’inflation est-elle une taxe ? Pour comprendre, il faut d’abord se demander comment le gouvernement peut dépenser de l’argent. Le gouvernement n’est pas comme vous et moi, il ne gagne pas d’argent en produisant des biens et des services et en les vendant à des prix fixés d’un commun accord.

Au lieu de cela, il dispose essentiellement de trois moyens pour obtenir de l’argent et le dépenser : peut en le taxant, en l’empruntant ou en l’imprimant.

L’impot est le moyen le plus facile à comprendre, car nous payons tous des impôts. Le gouvernement vous fait payer une certaine somme pour obtenir des revenus, dépenser de l’argent, avoir un parent qui meurt, posséder des biens, ou faire quoi que ce soit, en fait. Vous payez, ou vous êtes condamné à une amende encore plus élevée, voire à de la prison.

L’État peut également emprunter de l’argent. Pour ce faire, il vend ce que l’on appelle une obligation. La personne ou l’organisation qui l’achètent donnent aujourd’hui de l’argent au gouvernement et, en échange, celui-ci promet de lui restituer davantage d’argent à l’avenir (le principal plus les intérêts). C’est de là que proviennent les déficits annuels, et la dette nationale elle-même.

Enfin, lorsqu’un gouvernement utilise une monnaie fiduciaire, il peut en dépenser en l’imprimant davantage. En réalité, la procédure suivie par le gouvernement américain est un peu plus confuse. Le gouvernement ne paie pas ses factures avec des dollars fraîchement imprimés. Au lieu de cela, la Réserve fédérale achète des obligations d’État à des organisations privées (par exemple des banques) avec de l’argent qu’elle crée de toutes pièces.

Comment cela produit-il des revenus ? Pour comprendre, imaginez avoir ce pouvoir. Imaginez que vous puissiez créer vos propres dollars et les utiliser uniquement pour acheter des obligations d’État. Le feriez-vous ? Oui, si vous vouliez un tas d’argent et si cela ne vous dérangeait pas de nuire à d’autres personnes. N’oubliez pas que la dette publique paie des intérêts. Ainsi, lorsque vous achetez des obligations avec de l’argent imprimé, vous échangez simplement l’argent que vous avez créé de toutes pièces contre un actif qui vous rapporte de l’argent.

Mais si le gouvernement est l’organisme qui paie les intérêts à la Réserve fédérale, comment cela se traduit-il par une augmentation des recettes pour le gouvernement ? Eh bien, après avoir déduit certains coûts, la Réserve fédérale reverse historiquement les intérêts au Trésor américain.

En d’autres termes, le Trésor a contracté un prêt (émis une obligation), la Réserve fédérale achète l’obligation au groupe ayant accordé le prêt au gouvernement, et la Réserve fédérale rend au Trésor tous les intérêts qu’il doit payer sur le prêt. Il s’agit en quelque sorte d’un prêt sans intérêt que le gouvernement a pu s’accorder à lui-même, et cela n’est possible que grâce à la création de monnaie par la Réserve fédérale.

Mais il s’agit de création monétaire, qu’en est-il de l’inflation ? L’inflation et la création monétaire vont de pair. Lorsque vous augmentez l’offre d’un bien quelconque, son prix diminue par rapport à ce qu’il serait si vous n’aviez pas augmenté l’offre. La création monétaire se traduit par un taux d’inflation relativement plus élevé. C’est pourquoi Milton Friedman a décrit l’inflation des prix comme étant « toujours et partout un phénomène monétaire ».

Ainsi, la banque qui revend une obligation à la Réserve fédérale reçoit de l’argent nouvellement imprimé. Cet argent frais est dépensé et, à mesure qu’il est dépensé, il fait augmenter les prix des biens et des services.

En fait, l’inflation aide davantage le gouvernement car, à mesure qu’elle augmente, le coût réel de la dette diminue puisque les soldes nominaux restent inchangés. Et, comme nous le savons tous, le gouvernement américain est lui-même un peu débiteur.

Le résultat est limpide. Le gouvernement dispose de plus d’argent grâce à la création monétaire. Et à mesure que l’inflation augmente, l’épargne des citoyens américains (ou de toute personne détenant des dollars américains, d’ailleurs) est grignotée. Il s’agit d’un transfert de richesse des épargnants vers le gouvernement américain.

Certains affirment qu’il ne s’agit pas d’une taxe en raison de détails techniques de définition, mais lorsque l’action du gouvernement transfère la richesse d’un groupe de personnes à elles-mêmes, il semble juste de l’appeler une taxe. Ainsi, dans la mesure où l’inflation est due à l’augmentation de la masse monétaire, à mes yeux, il s’agit bien d’une taxe !

 

Peuvent-ils continuer à s’en sortir ainsi ?

Cela nous amène à la deuxième question de Heath : comment les contribuables américains laissent-ils le gouvernement s’en tirer à si bon compte ?

Pour répondre à cette question, il est important de souligner que certaines parties bénéficient de la création monétaire.

Souvenez-vous que lorsque la Réserve fédérale achète des obligations, elle les achète à des organismes privés. Ceux-ci vendent les obligations à un taux qu’ils estiment rentable, sinon ils ne les vendraient pas en premier lieu. Lorsque cette organisation vend les obligations,  elle reçoit de l’argent nouvellement imprimé. Cet argent, qui entre sur le marché pour la première fois, n’a pas encore provoqué de hausse des prix.

En d’autres termes, le premier bénéficiaire de l’argent frais l’obtient avant que l’inflation ne réduise le pouvoir d’achat de la monnaie. Il y a un avantage à recevoir de l’argent frais en premier. Les économistes appellent cela l’effet Cantillon.

Qui reçoit l’argent frais en premier ? Ce sont souvent les grandes institutions financières, comme les banques. Elles sont bien organisées et comprennent l’avantage qu’il y a à obtenir de l’argent frais. Nous devrions donc nous attendre à ce qu’elles soient prêtes à dépenser des ressources pour s’assurer que la politique de la Réserve fédérale leur soit profitable.

D’autre part, qui souffre de l’inflation ? Eh bien, les coûts sont répartis entre des millions de personnes qui détiennent des dollars américains. Étant donné que ce coût est réparti entre un groupe aussi vaste et inorganisé, on peut s’attendre à ce qu’il soit trop coûteux pour qu’une seule personne puisse consacrer du temps à lutter contre ce type de politique.

Cela illustre ce que l’économiste Mancur Olson a appelé la logique de l’action collective. Étant donné que les avantages sont concentrés sur un petit groupe et que les coûts sont dispersés sur un grand groupe, il est plus facile pour le petit groupe de s’organiser en faveur de la politique.

Les économistes Louis Rouanet et Peter Hazlett expliquent comment, dans plusieurs cas, des groupes d’intérêts particuliers ont réussi à orienter les politiques des banques centrales à leur profit et au détriment de la société. Ils documentent ce phénomène dans le cas de la réponse de la Réserve fédérale à la crise financière de 2007, de la réponse de la Réserve fédérale au covid et du développement de l’euro.

Et bien que la politique de la Réserve fédérale puisse s’écarter de l’explication de base ci-dessus dans ces cas particuliers, le point fondamental illustré par Rouanet et Hazlett est le même. La Réserve fédérale est en mesure d’utiliser son dispositif de création monétaire pour satisfaire des groupes d’intérêts particuliers au détriment de tous les autres.

 

Traduction Contrepoints

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