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Portugal : vers un gouvernement de droite minoritaire…

Par : pierre

Le 10 mars, les 11 millions d’électeurs portugais étaient appelés à renouveler leur parlement. Les votes des Portugais de l’étranger n’ont pas encore été consolidés, mais ils ne devraient pas modifier les tendances.

Ce troisième scrutin en moins de cinq ans a été marqué par une forte augmentation de la participation : cette dernière s’est établie à 66,2%, un niveau certes modeste, mais à comparer aux 51,4% de janvier 2022, ou aux 48,6% d’octobre 2019.

Le grand perdant du scrutin est le Parti socialiste (PS), qui doit se contenter de 28,7% des suffrages, soit un plongeon de 13,8 points par rapport à son score de 2022. Une chute qui ne constitue pas une surprise, puisque le premier ministre issu de ses rangs, Antonio Costa (photo), avait été contraint de démissionner en novembre dernier en raison d’un nouveau scandale de corruption ayant touché son proche entourage politique.

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Portugal : vers un gouvernement de droite minoritaire

Par : pierre

Le 10 mars, les 11 millions d’électeurs portugais étaient appelés à renouveler leur parlement. Les votes des Portugais de l’étranger n’ont pas encore été consolidés, mais ils ne devraient pas modifier les tendances.

Ce troisième scrutin en moins de cinq ans a été marqué par une forte augmentation de la participation : cette dernière s’est établie à 66,2%, un niveau certes modeste, mais à comparer aux 51,4% de janvier 2022, ou aux 48,6% d’octobre 2019.

Le grand perdant du scrutin est le Parti socialiste (PS), qui doit se contenter de 28,7% des suffrages, soit un plongeon de 13,8 points par rapport à son score de 2022. Une chute qui ne constitue pas une surprise, puisque le premier ministre issu de ses rangs, Antonio Costa (photo), avait été contraint de démissionner en novembre dernier (tout en continuant à expédier les affaires courantes) en raison d’un nouveau scandale de corruption ayant touché son proche entourage politique.

Son chef de cabinet est en détention pour une affaire d’appels d’offres dans le secteur minier. Quelques mois auparavant, un autre scandale avait accompagné la privatisation de la compagnie aérienne nationale. Dans ces conditions, le chef de l’Etat, issu de la droite, avait choisi de convoquer les électeurs plutôt que de laisser le PS choisir un successeur à M. Costa.

Ce dernier dirigeait le pays depuis 2015, d’abord à la tête de gouvernements minoritaires mais soutenus au cas par cas par deux alliés à sa gauche jusqu’en 2022 ; puis comme chef d’un cabinet s’appuyant sur une majorité absolue depuis cette date.

Son grand rival de droite, le Parti social-démocrate (le mal nommé PSD), ne tire pas profit de la déconfiture socialiste. L’Alliance démocratique (AD), qui l’associe à un parti plus à droite (le CDS-PP) ainsi qu’à un petit parti monarchiste (PPM), dépasse certes le PS avec 29,5% des voix, mais perd 2 points par rapport au scrutin précédent ; surtout, l’AD ne dispose pas d’une majorité parlementaire, même si elle s’adjoint l’Initiative libérale (5,1 %, stable).

Pour sa part, le PS, même s’il le voulait, ne pourrait plus compter sur ses deux alliés de 2015 pour espérer former une coalition : le Parti communiste obtient 3,3% (- 1,1 point), et le Bloc de gauche (gauche dite « radicale ») 4,5% (stable), qui n’obtiennent que quatre et cinq députés.

Les Portugais sont confrontés à des difficultés économiques et sociales communes à tous les pays de l’UE

Cette situation où les forces politiques traditionnelles perdent est liée à l’émergence d’un nouveau parti, Chega (« assez ! »), classé à l’extrême droite et emmené par un ancien commentateur sportif charismatique, André Ventura, qui maîtrise parfaitement les réseaux sociaux. Porté notamment par de nombreux jeunes électeurs et les anciens abstentionnistes, Chega a réussi à rassembler 18,1% des votants, soit un gain impressionnant de 10,7 points en deux ans. En 2019, il ne pesait que 1,3% des suffrages.

Cette percée électorale s’explique bien sûr par les slogans anti-corruption qui ont fait mouche dans le contexte des scandales récents. M. Ventura n’a cessé de répéter qu’il voulait « nettoyer » le Portugal. Un pays dans lequel l’ancien premier ministre socialiste José Socrates, en fonction pendant les années de crise (2005-2011) est toujours inculpé dans de sombres affaires de l’époque.

Mais en réalité, les raisons de la colère électorale sont plus profondes. Les Portugais, dans leur grande majorité, sont confrontés à des difficultés économiques et sociales communes à tous les pays de l’UE : l’inflation récente a durement affaibli le niveau de vie d’une large part de la population ; pour beaucoup, se loger est devenu un casse-tête avec des loyers qui s’envolent (les prix des logements ont augmenté de 11,8% en 2023) ; l’accès à la santé et à l’éducation s’avère de plus en plus problématique. La cure d’austérité imposée au pays par l’UE en 2012 n’a pas fini de produire ses effets.

Du reste, les secteurs de l’enseignement, de la justice et de la santé ont été marqués, depuis fin 2022, par des grèves et mobilisations pour des rattrapages salariaux. André Ventura n’a pas hésité à surfer sur ces mécontentements, alliant des promesses contradictoires pour séduire plus largement : l’augmentation des salaires et des retraites, mais aussi la baisse des impôts ainsi que des privatisations de services publics pour rappeler ses convictions ultralibérales.

Récemment encore, les voix étaient nombreuses, au sein de l’UE, pour vanter le « modèle portugais »

Quoiqu’il en soit, l’appel à « faire barrage à l’extrême droite », qui avait permis au PS, en 2022, de renforcer sa position au pouvoir, n’a plus fonctionné. Triomphant, le leader de Chega a immédiatement proposé à l’Alliance démocratique de former une coalition, affirmant dès le lendemain du scrutin que « seul un parti irresponsable laisserait le PS gouverner alors que nous avons la possibilité de construire un gouvernement de changement ». « Je ne connais aucun pays qui ait élu une force de 20 % qui ne fasse pas partie du gouvernement » a-t-il également martelé.

Une attitude pour le moins opportuniste. Car lors de sa campagne anti-corruption, il qualifiait les deux grandes forces politiques traditionnelles de « deux faces de la même médaille ». Il avait même qualifié le PSD, à qui il fait désormais des appels du pied, de « prostituée du PS ».

Pour sa part, le chef du PSD, Luis Montenegro, a toujours affirmé qu’il  ne s’allierait jamais avec Chega. « Non c’est non », n’a-t-il cessé de répéter – un point de vue qui n’est peut-être pas unanime dans son parti. Du reste, une telle alliance ne sera sans doute pas nécessaire.

Car le chef de file du PS, Pedro Nuno Santos, a clairement indiqué qu’il entendait camper désormais dans l’opposition : « jamais nous ne laisserons André Ventura devenir le chef de l’opposition », manière d’écarter l’hypothèse d’une « grande coalition » entre le PS et le PSD. Mais son directeur de campagne a tout de suite précisé : « le Parti socialiste ne provoquera pas d’impasse constitutionnelle ».

En clair, on se dirige, du moins à court terme, vers la formation d’un gouvernement de droite, sous la houlette de M. Montenegro, que le PS laisserait gouverner. Ce qui ramène à une configuration connue avant 2015 : une alternance au pouvoir des deux forces principales se tolérant mutuellement. Cette situation pourrait ne pas déplaire à M. Ventura, dont le parti continuerait à se nourrir du slogan « Tous pourris ».

Quoiqu’il en soit, la défaite du PS après le départ forcé du premier ministre sortant, prend un relief particulier dans le contexte où, récemment encore, les voix étaient nombreuses, au sein de l’UE, pour vanter le « modèle portugais ». Bien au-delà de son propre camp politique, M. Costa était loué pour avoir fait passer plusieurs indicateurs économiques dans les normes de Bruxelles – notamment la réduction des déficits – officiellement sans casse sociale, vantait-on. Au point que le nom de M. Costa était fréquemment cité comme probable futur président du Conseil européen.

Les électeurs n’ont pas partagé cet enthousiasme.

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Au sein du « couple » franco-allemand, les crises s’aggravent…

Par : pierre

La visite éclair d’Emmanuel Macron au chancelier Scholz, le 15 mars, a permis aux deux hommes, flanqués du premier ministre polonais, d’échanger force sourires. De façade.

Car en réalité, entre Berlin et Paris, le torchon brûle. Bien sûr, les relations franco-allemandes n’ont jamais été sans nuage. Les contradictions et les frictions ont rarement manqué, et ce, dans une multitude de dossiers. Parmi ceux-ci, trois sont particulièrement connus : l’énergie (notamment nucléaire), les finances publiques (la mise en œuvre du Pacte de stabilité), et le commerce international (avec la Chine, le Mercosur…). Mais c’est aujourd’hui un autre thème, et pas des moindres, qui enflamme les rapports entre les deux gouvernements : la manière de soutenir Kiev, et plus généralement la posture stratégique et militaire. Naturellement, l’appui au pouvoir ukrainien réunit les deux rives du Rhin, de même que l’espoir – irréaliste – d’infliger une défaite historique à la Russie. Mais l’opposition apparaît dès qu’il est question de la manière d’atteindre cet objectif – et accessoirement de défendre ses intérêts industriels et géostratégiques.

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Le nouveau gouvernement polonais tiraillé entre Bruxelles et la colère des paysans…

Par : pierre

Paradoxale Pologne ! On décrivait son peuple comme frénétiquement pro-ukrainien, prêt à tout pour aider ses voisins de l’Est. On découvre que le gouvernement en place depuis décembre 2023, sous pression d’importantes manifestations de paysans, continue de bloquer les importations massives de céréales en provenance de Kiev.

Le nouveau premier ministre, Donald Tusk, ancien président du Conseil européen et donc très pro-UE, a accédé au pouvoir sous les acclamations de la Commission européenne ; l’on s’attendait donc qu’il suive la ligne de celle-ci de manière zélée. Pourtant, Varsovie n’a pas hésité à mettre en cause l’autorité de l’UE sur un deuxième dossier : le « Pacte vert ».

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Manu militari…

Par : pierre

Les déclarations d’Emmanuel Macron concernant la suite de la guerre en Ukraine ne sont pas passées inaperçues. A l’issue de la conférence qui a réuni à Paris, le 26 février, une vingtaine de ses homologues occidentaux, le président français n’a « pas exclu » l’envoi de troupes au sol pour soutenir l’armée ukrainienne en situation difficile.

Evoquant les travaux de ce sommet informel consacré aux moyens d’accroître l’aide militaire à Kiev, le maître de l’Elysée a notamment déclaré devant les journalistes : « il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol ; mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». Une phrase qui pourrait bien confirmer, indirectement, que des troupes spéciales occidentales seraient déjà en soutien sur place, mais de manière « non officielle et non assumée », ce qui constitue en réalité un secret de polichinelle.

« Mais rien ne doit être exclu, (car) nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre » a-t-il surtout ajouté. Et concernant la possible participation de troupes françaises à de potentielles opérations, le chef de l’Etat a précisé : « je n’ai absolument pas dit que la France n’y était pas favorable ». Ce qui constitue une formulation alambiquée pour en réalité ouvrir la porte.

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Donald Trump sème l’effroi au sein des dirigeants occidentaux…

Par : pierre

La scène se déroule le 10 février, en Caroline du Sud (Etats-Unis). Donald Trump est en campagne électorale pour les primaires républicaines, qu’il est désormais sûr de remporter ; et surtout pour le scrutin de novembre prochain, qui pourrait – peut-être – le faire revenir à la Maison-Blanche.

L’ancien président évoque, devant ses partisans chauffés à blanc, un de ses sujets favoris : il faut, martèle-t-il, que les Européens financent davantage à l’effort militaire transatlantique. Il raconte à cet effet une conversation – à l’évidence inventée – qu’il aurait eue avec un dirigeant du Vieux Continent. A celui-ci, qui l’interrogeait sur la protection de son pays qu’assurerait l’Oncle Sam en cas d’offensive russe, il aurait répondu : « si vous n’avez pas payé, non, je ne vous protégerais pas. En fait, je les encouragerais (les Russes) à faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos factures ».

En quelques heures, la phrase fait le tour du monde et provoque un véritable séisme au sein des chancelleries occidentales. L’ancien président américain faisait déjà figure d’épouvantail dans les milieux pro-atlantistes. Désormais, les pires cauchemars de ceux-ci sont en train de prendre corps. Ils n’ont pas manqué de hanter les deux réunions majeures qui se tenaient dans les jours suivants : celle des ministres de l’OTAN, puis la Conférence pour la sécurité de Munich, fréquentée chaque année par le gotha politico-militaro-diplomatique des dirigeants occidentaux.

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Conseil européen : Viktor à la Pyrrhus…

Par : pierre

Le 1er février, plus d’un millier de tracteurs convergeaient vers Bruxelles en provenance de différents pays de l’UE. Les agriculteurs voulaient ainsi prolonger la mobilisation qui s’est développée dans une dizaine de pays ces dernières semaines, notamment en Allemagne et en France.

La Commission a été contrainte d’annoncer des concessions notamment la mise au frigo de certaines dispositions du « Pacte vert », la diminution de la paperasserie bureaucratique, ou bien la suspension du processus devant aboutir à un traité de libre échange avec le Mercosur (quatre pays d’Amérique du sud).

Pour autant, le mouvement ne semble pas terminé. Des manifestations sont apparues ces jours-ci dans de nouveaux pays, comme l’Espagne et l’Italie. Car au-delà des revendications à court terme, les exploitants agricoles, notamment les petits et les moyens, ont un objectif fondamental : pouvoir vivre de leur travail plutôt que de subventions, et cela grâce à des prix rémunérateurs protégés de l’intenable concurrence mondiale.

Les organisateurs de la manifestation à Bruxelles n’avaient pas choisi la date au hasard. Les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement avaient en effet prévu ce jour-là un sommet extraordinaire. C’était donc l’occasion de se faire entendre au plus haut niveau, même si l’ordre du jour du Conseil, en l’occurrence le déblocage de dizaine de milliards d’euros en faveur de Kiev, n’avait que peu de rapport avec les revendications du monde rural.

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Les révoltes paysannes, qui se répandent au sein de l’UE, inquiètent Bruxelles…

Par : pierre

Un spectre hante l’Europe : celui d’une insurrection paysanne. Pour l’instant, l’affirmation ainsi formulée est sans doute exagérée ; mais un petit vent de panique fait présentement frissonner les bureaux de la Commission européenne et les gouvernements de nombreux Etats membres.

Allemagne, France, mais aussi Pays-Bas, Belgique, Espagne, Pologne, Roumanie et même la pourtant très disciplinée Lituanie : les agriculteurs se sont mobilisés ou se mobilisent encore pour défendre leur activité, et pour récupérer les moyens d’une vie digne.

En Allemagne, le mouvement, qui a connu un moment spectaculaire le 15 janvier lors de la convergence massive à Berlin de tracteurs et de manifestants, semble loin de retomber. Les paysans français ont démarré plus tard, mais la colère, qui était d’abord apparue mi-janvier à travers l’occupation d’une autoroute du sud du pays, s’est répandue en quelques jours comme une traînée de poudre. Voies de circulation bloquées, ronds-points occupés : le désespoir accumulé depuis des années a soudain explosé.

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Mythe de l’Europe-puissance, réalité des marchands de canons…

Par : pierre

Pacte de stabilité, politique migratoire, augmentation du budget communautaire pluriannuel, importations sans droits de douane des produits agricoles ukrainiens, élargissement, « Pacte vert »… La liste n’est pas exhaustive des dossiers sur lesquels les Vingt-sept s’écharpent, ouvertement ou plus discrètement.

Dans ce contexte pour le moins chahuté, le commissaire européen chargé du marché intérieur, le Français Thierry Breton, a-t-il trouvé un domaine qui fasse enfin consensus parmi les Etats membres ? Le 11 janvier, il a proposé de muscler l’« Europe de la Défense » – il serait plus exact de parler de l’Europe de l’armement – à travers la création d’un fonds doté de 100 milliards d’euros. La somme n’est pas tout à fait négligeable : si on la rapporte à la population vivant dans l’UE, elle représente plus de 200 euros par personne, bébés compris…

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Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure…

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

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Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

L’auteur cite d’abord l’étude d’un économiste américain selon lequel « la mondialisation porte – avec le libre-échange, la libéralisation des capitaux et l’automatisation – (la) responsabilité essentielle, (…) depuis les années 1990, (de la) forte insécurité économique pour certaines populations ». « La désindustrialisation, les délocalisations, la déformation du partage entre capital et travail se sont opérées au détriment » de ces groupes sociaux, précise pour sa part la sociologue.

Celle-ci pointe des conséquences politiques : « cette situation aurait dû logiquement profiter à la gauche, mais les dirigeants politiques d’extrême droite ont réussi à la retourner à leur avantage ». Pour faire échec au parti de Marine Le Pen, il faut donc d’urgence « rompre avec une mondialisation conçue en fonction des besoins du capital afin d’obtenir un rééquilibrage en faveur du travail ».

Hélas, soupire Dominique Méda, le gouvernement français « n’a pas choisi cette voie, bien au contraire ». Mais heureusement, il y a l’Union européenne, car s’enthousiasme-t-elle : « ce sont la Commission et le Parlement européens qui semblent amorcer un tournant social ».

Les institutions de l’UE ont impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts

Elle cite trois exemples qui devraient achever de convaincre les lecteurs du quotidien des élites libérales françaises. Le premier concerne la directive relative à l’amélioration des conditions de travail des personnes dont le revenu dépend d’une plate-forme numérique. Pour mémoire, le texte en question énumère les critères qui devraient permettre à certains « faux indépendants » de réclamer un statut de salarié.

L’ubérisation porte en elle-même une logique de « dumping social auquel se livrent les nombreuses plates-formes qui échappent aux obligations du droit du travail et font perdre à la Sécurité sociale des centaines de millions d’euros de cotisations » note à juste titre Dominique Méda, qui se réjouit que la future directive européenne puisse ainsi repêcher certains esclaves des temps modernes.

Elle omet cependant un détail : ce sont précisément les institutions de l’ UE – Commission, Conseil, Parlement – qui ont de concert impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts. En France, la loi El Khomri, votée en 2016, avait provoqué une mobilisation syndicale de masse (hélas vaine) contre la « flexibilisation » du droit du travail. Ladite loi découlait directement des « recommandations » adressées à la France par Bruxelles.

Aujourd’hui encore, la même Commission fait dépendre le versement des subventions post-Covid destinées aux Etats membres du zèle avec lequel ces derniers mettent en œuvre les « réformes » néo-libérales. Ces dernières n’ont pas exactement pour but la protection des droits des travailleurs…

Bruxelles se fait le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Le deuxième exemple donné est analogue. Il porte sur la « directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité » (le choix des mots est un bel exemple de poésie technocratique). Ledit texte appelle les entreprises à « respecter les droits humains et l’impact environnemental sur l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement ». Bruxelles se fait ainsi le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Ravie de cette soudaine croisade bruxelloise, la sociologue dénonce « la manière dont la libre circulation des capitaux et des marchandises avait permis aux entreprises transnationales de s’émanciper des responsabilités sociales et environnementales qui pesaient auparavant sur elles à travers les droits nationaux ». Mais omet de rappeler que la libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne. Avec celle de la main d’œuvre et des services, la « quadruple liberté » de circulation figure même dans les traités fondateurs.

La libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne

Le troisième exemple est tiré du futur règlement européen encadrant l’intelligence artificielle. Le texte en question établit une typologie entre domaines « à risque inacceptable », « risque élevé » et « risque limité » ; et fixe des objectifs de transparence sur les algorithmes. Mais l’auteur vante surtout « plusieurs dispositions contribuant à améliorer les conditions de travail ». Lesquelles ? De qui ? Hélas, faute de place certainement, elle ne le précise pas…

Enfin, se réjouit-elle, « une dernière avancée mérite d’être mentionnée. Il ne s’agit certes que d’une résolution du Parlement européen – non contraignante –, mais elle dessine une voie novatrice ». Ladite résolution appelle l’UE notamment à investir dans une « transition écologique qui sera créatrice d’emplois de qualité ». Car, selon les eurodéputés, « 1,4 million d’emplois faiblement ou moyennement qualifiés ainsi que 450 000 emplois hautement qualifiés seront créés à la suite de l’augmentation des investissements dans la rénovation des bâtiments et de la réduction de la consommation d’énergie des combustibles fossiles pour le chauffage ».

Des chiffres – dont la méthode de calcul est inconnue – à comparer à d’autres, cités en 2020 par Luc Triangle, un dirigeant syndical belge alors à la tête de la fédération européenne IndustriAll. Cette dernière (qui n’a vraiment rien d’un syndicat anti-européen)  pointait alors les conséquences du « Green Deal » concocté par Bruxelles pour « sauver la planète » : « nous parlons ici d’environ 11 millions d’emplois affectés directement dans des industries extractives, à haute intensité énergétique et automobile ».

Alors, Bruxelles chevalier du progrès social face aux Etats récalcitrants ? L’affirmation prête à sourire. Et à supposer même qu’elle ne soit pas absurde, ceux qui y croient oublient qu’aucune conquête sociale ne peut être octroyée d’en haut ; elle ne peut être obtenue que par la lutte.

Ce qui n’empêche pas le serpent de mer de « l’Europe sociale » de refaire surface très régulièrement. En 1997, le parti socialiste européen tenait congrès à Malmö en arborant déjà ce slogan. Avec l’arrivée d’Anthony Blair au pouvoir à Londres, de Lionel Jospin à Paris, puis celle, imminente, de Gerhard Schröder à Berlin, la social-démocratie allait balayer les derniers obstacles à l’Europe sociale…

Déjà une décennie plus tôt, François Mitterrand, alors qu’il venait d’être élu président, déclamait solennellement : « l’Europe sera sociale ou ne sera pas ».

On connaît la suite.

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Un sommet des faux-semblants…

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension…

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

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Bruxelles a vécu un automne électoral chaud…

Par : pierre

Plusieurs élections nationales ont marqué l’automne 2023. Dans trois cas en particulier, Bruxelles en redoutait le résultat. En Slovaquie et aux Pays-Bas, ces craintes se sont réalisées, au-delà même de ce qui était anticipé. En Pologne en revanche, les dirigeants européens ont poussé un soupir de soulagement, mais peut-être un peu imprudemment.

Dès lors que l’on tente de comparer plusieurs élections au sein de l’UE, la plus grande prudence s’impose : les Etats membres ne sont pas des Bundesländer d’un pays unifié, et possèdent des cultures politiques très différentes. C’est du reste la raison pour laquelle il ne peut exister un « peuple européen ».

Cependant, cela n’interdit pas de repérer certains points communs parmi les récents résultats. A commencer par le succès de partis qui affichent des positions critiques vis-à-vis de l’intégration européenne. Que les auteurs de ces promesses ou discours électoraux soient sincères est une autre question. Ce qui compte ici est l’état d’esprit que les électeurs ont voulu exprimer, non la bonne foi des politiciens.

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Séisme politique aux Pays-Bas, consternation à Bruxelles…

Par : pierre

Un tremblement de terre politique aux Pays-Bas. Et une profonde consternation à Bruxelles. Tels sont les premiers enseignements du verdict des électeurs néerlandais qui étaient appelés aux urnes le 22 novembre, deux ans avant l’échéance normale. Ceux-ci ont été 77,8% à se déplacer (contre 82,6% lors du scrutin de 2021).

Le triomphe du Parti pour la liberté (PVV) constitue l’élément marquant du scrutin ; il a pris de court responsables politiques et commentateurs. Cette formation avait été fondée en 2006 par l’ancien libéral Geert Wilders qui en est toujours le dirigeant emblématique.

Souvent étiqueté d’extrême droite ou populiste, ouvertement islamophobe, il a fait du combat contre l’immigration son cheval de bataille. Mais il plaide aussi pour la reconquête de la souveraineté nationale – un référendum sur la sortie de l’Union européenne figure dans son programme, même si ce point a été peu mis en avant pendant la campagne. Si l’on ajoute qu’il souhaite stopper les livraisons d’armes à l’Ukraine et qu’il s’oppose au catastrophisme climatique, on comprend qu’il effraye au plus haut point les dirigeants de l’UE.

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L’improbable horizon de l’élargissement

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

C’est par exemple le cas d’une étude de deux chercheurs publiée quelques jours avant le Conseil européen du 6 octobre à Grenade, un sommet censé donner un coup de fouet au processus. Les deux auteurs, Hans Kribbe et Luuk van Middelaar, travaillent pour un « think tank » Bruxellois, et sont naturellement à ce titre des partisans de l’intégration européenne. Leur analyse n’en est que plus intéressante.

Les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre »

Dans leur conclusion, les deux auteurs estiment ainsi que les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre ». Chacun des deux termes mérite ici d’être précisé.

« Nécessaire » ? Aux yeux des dirigeants européens, la guerre en Ukraine a accéléré la volonté d’« arrimer » plus étroitement (un verbe plus poli qu’« annexer ») les Etats qu’ils considèrent comme faisant partie de leur zone d’influence. Usant d’un lyrisme quasiment messianique, la présidente de la Commission a ainsi déclaré : « l’élargissement répond à l’appel de l’histoire, il est l’horizon naturel de notre UE ». Repousser sans cesse l’horizon des frontières, n’est-ce pas précisément ce qui définit un empire ? Pour l’ancienne ministre allemande de la défense, « nos voisins doivent choisir » entre « la démocratie » et « un régime autoritaire », autrement dit entre le bien et le mal, entre l’UE et la Russie.

Car plus prosaïquement, les ambitions de l’élargissement sont géopolitiques. Mme von der Leyen (photo) ne s’en cache guère : l’élargissement constitue un « investissement pour notre sécurité » et une façon de « stabiliser notre voisinage ». Ce que l’étude des chercheurs précise sans fard : « maintenir d’autres acteurs géopolitiques, tels que la Russie ou la Chine, à l’écart de cette région potentiellement instable est devenu une priorité absolue ».

Des « défis incroyablement difficiles dans les années à venir »…

Mais une fois la « nécessité » expliquée, l’étude se penche sur les contradictions explosives que le processus va inévitablement provoquer. Ils répartissent ces « défis incroyablement difficiles dans les années à venir » (ce sont leurs propres termes) en cinq domaines.

Tout d’abord « la prise de décisions et les institutions ». Surgit ainsi la question de la « gouvernabilité », déjà complexe à vingt-sept, qui deviendrait quasi-impossible à trente-cinq ou plus. Dès lors, il faudrait que l’UE se réforme, en particulier qu’elle abolisse la règle de l’unanimité dans les derniers domaines où elle subsiste encore, comme la fiscalité et la politique extérieure. Berlin milite fortement pour cela, mais de nombreux petits pays s’y opposent. Problème : pour réformer les traités (comme pour accepter un nouveau membre), il faut… l’unanimité.

Le deuxième domaine concerne le budget de l’UE. Soit celui-ci est très considérablement augmenté, par le relèvement des contributions des membres actuels – une piste totalement irréaliste ; soit le même gâteau est partagé en des parts plus nombreuses et donc plus petites. Comme les pays candidats ont en gros un PIB par habitant inférieur à la moitié de la moyenne de l’UE, les bénéficiaires nets actuels (ceux qui touchent de Bruxelles plus que la contribution qu’ils versent, bien souvent les pays de l’Est), deviendraient contributeurs nets. Cela vaut pour les subventions régionales (un tiers du budget communautaire) comme pour l’agriculture (un autre tiers).

« À elle seule, l’Ukraine possède plus de 40 millions d’hectares de terres agricoles, estiment les auteurs, soit plus que l’ensemble du territoire italien, et deviendrait l’un des principaux bénéficiaires des fonds de la PAC », évidemment au détriment des membres actuels, ce qui promet des bras de fer explosifs. Tout cela s’ajoute aux centaines de milliards que nécessitera la reconstruction, selon Kiev – sans même évoquer l’issue de la guerre.

Dans le troisième domaine, intitulé « marché unique, libre circulation et emploi », les experts relèvent que « sur certains marchés, comme celui de l’agriculture, l’afflux de marchandises, de cultures et de produits moins chers pourrait également frapper les économies locales, entraînant la fermeture d’entreprises et d’exploitations agricoles ». Dès aujourd’hui, rappellent les auteurs, « la décision d’ouvrir le marché unique aux céréales ukrainiennes a déjà provoqué de vives tensions avec la Pologne et d’autres pays d’Europe de l’Est ».

Ce n’est pas tout : les écarts de main d’œuvre « pourraient aussi, à court terme, faire baisser les niveaux de salaire dans l’Union, avoir un effet corrosif sur les conditions de travail et alimenter le mécontentement sociétal et politique ».

Les auteurs rappellent que la flambée de l’immigration intra-européenne vers le Royaume-Uni, alors membre de l’UE, avait contribué au résultat du référendum de 2016 favorable au Brexit. Ils auraient pu aussi citer les milliers de délocalisations industrielles vers les pays entrants, et les centaines de milliers d’emplois ainsi perdus à l’Ouest.

Dans le quatrième domaine, « Etat de droit et démocratie », le rapport pointe la difficulté d’exiger des candidats une réglementation exemplaire, alors que Bruxelles estime que plusieurs membres actuels (Pologne, Hongrie) bafouent les critères requis…

Enfin, le dernier domaine recouvre la « sécurité extérieure ». Après avoir noté que « le centre de gravité territorial de l’Union continuera à se déplacer vers l’est, de l’Atlantique vers la mer Noire », les auteurs pointent la probabilité selon laquelle « la dépendance à l’égard des États-Unis en matière de sécurité augmentera ».

En résumé, les dirigeants européens ne peuvent résister à leur envie de « ruée vers l’Est » du fait de leurs ambitions géopolitiques, tout particulièrement face à la Russie. Mais s’engager sur cette voie provoquera à coup sûr des tensions fatales au sein des Vingt-sept.

Un défi supplémentaire, et pas des moindres, les attend : « trouver des moyens de rallier leurs propres électeurs ». Les auteurs rappellent en effet que le double Non, français et néerlandais, au projet de traité constitutionnel européen de 2005 suivait l’élargissement de 2004.

Les auteurs évoquent « la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même »

D’où ce cri d’alarme : « l’Union commence à peine à s’attaquer aux défis, aux coûts, aux risques et aux inconvénients qu’une UE élargie pourrait entraîner, sans parler de la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même ».

Sauf à faire exploser l’UE, on peut donc penser qu’il y aura, le moment venu, des dirigeants réalistes qui gèleront le processus.

Hélas !

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L’improbable horizon de l’élargissement…

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

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Nouvelles bisbilles au sommet : sur les gros sous, et sur Gaza…

Par : pierre

Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept qui s’est déroulé les 26 et 27 octobre est passé (presque) inaperçu. Il a pourtant apporté un nouveau lot de dossiers sur lesquels les Vingt-sept laissent apparaître leurs divisions. Après l’énergie, l’immigration et l’élargissement, deux domaines – et non des moindres – risquent de s’avérer explosifs : les questions de gros sous, et la politique extérieure notamment face au Moyen-Orient.

Le premier point n’est pas vraiment nouveau : l’élaboration du « cadre financier pluriannuel » provoque, tous les sept ans, des bras de fer homériques entre les Etats membres. Schématiquement, les pays baptisés « radins » par Bruxelles (les Pays-Bas, l’Autriche, les Nordiques…) tentent de réduire au maximum le budget communautaire, auquel ils apportent une contribution nette ; tandis que les pays, souvent à l’Est, qui reçoivent plus qu’ils ne payent, militent au contraire pour une expansion des dépenses.

Cette fois cependant, c’est particulier : il s’agit d’amender le budget en cours (qui couvre la période 2021-2027). Et c’est la Commission européenne qui est à l’initiative. Celle-ci pointe en effet l’écart croissant entre les recettes initialement prévues, et les nouvelles ambitions affichées par l’UE.

Bruxelles plaide ainsi pour « renforcer la compétitivité européenne » face au soutien public massif que les Etats-Unis offrent aux entreprises présentes sur leur sol, notamment (mais pas seulement) dans les « industries vertes ». Des aides tellement attrayantes que de nombreuses grandes firmes européennes préparent ou envisagent des délocalisations outre-Atlantique, quitte à sacrifier des dizaines de milliers d’emplois sur le Vieux continent. Montant de cette rallonge réclamée par Bruxelles pour ladite « compétitivité » : 10 milliards d’euros, au grand dam de Berlin et de La Haye.

La Commission veut aussi 15 milliards supplémentaires pour financer la régulation des flux migratoires – un dossier sur lequel les Vingt-sept ne cessent de s’écharper. Autre point litigieux : le surplus de financement qui s’annonce nécessaire avant de faire entrer les pays candidats au sein de l’UE.

Mais c’est l’« aide » à Kiev qui constitue le plus lourd dossier, pour lequel les contribuables des Etats membres risquent d’être le plus ponctionnés. C’est aussi celui auquel le sommet consacre les trois premières pages de ses conclusions… quelques jours après l’embrasement du Moyen-Orient. On peut notamment lire : « l’Union européenne continuera de fournir un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine et à sa population aussi longtemps qu’il le faudra ».

La rallonge budgétaire est chiffrée à 50 milliards d’euros, auxquels devraient s’ajouter, hors budget, 20 milliards d’aide strictement militaire (équipements, munitions, formations et entraînements). Cependant, l’unanimité n’est plus tout à fait de mise : les premiers ministres hongrois et slovaque ont annoncé leur opposition. On saura en décembre – échéance à laquelle la modification budgétaire devrait être adoptée – s’ils joignent le geste à la parole.

Bref, au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… Rien que ça ! Le tiers serait emprunté sur les marchés financiers, alors même que, notamment du fait des décisions de la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt grimpent en flèche (ce qui entraîne déjà un accroissement considérable du coût de l’emprunt communautaire de 2020 finançant le plan de relance). Et les deux tiers des 100 milliards seraient financés par des contributions des Etats membres.

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L’«isolement» change de camp…

Par : pierre

A l’Ouest, on s’inquiète. Bien sûr, cela fait longtemps que les dirigeants occidentaux ont compris que leur rêve d’hégémonie sur le monde allait se heurter à des obstacles qu’ils n’imaginaient pas au début des années 1990, lors de l’effacement de l’Union soviétique.

Mais dans les deux dernières années, et plus encore ces derniers mois, le rythme de leurs échecs et déconvenues s’est accéléré. En 2022, le retrait en catastrophe des forces américaines d’Afghanistan en constituait un symbole marquant. Et en 2023, les militaires français étaient contraints de se replier – certes de manière ordonnée – du Mali, du Burkina Faso, puis du Niger.

Les revers militaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur le plan diplomatique, les déceptions, voire les fiascos se succèdent. Lors de l’entrée des troupes russes en Ukraine, Washington et ses alliés étaient sûrs d’être suivis dans leur condamnation de Moscou. Ils escomptaient une indignation unanime, et donc un alignement général sur leur posture guerrière.

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L’Europe vers le chaos ? (vidéo)

Par : pierre

La nouvelle émission coréalisée par Le Média pour Tous et Ruptures est désormais en ligne, avec au menu : L’Europe vers le chaos ?

En effet, les sujets de discorde se multiplient au sein des Vingt-sept. Malgré un compromis provisoire, ces derniers divergent ainsi sur la réforme du marché de l’électricité de l’UE, dans le contexte de prix et de factures des ménages qui explosent, notamment du fait des sanctions anti-russes.

L’immigration est également un dossier brûlant et polémique, qui revient en force cette année après le pic d’arrivées de 2015-2016. Les dirigeants des Etats membres s’écharpent aussi sur les perspectives et les processus d’adhésion d’une nouvelle vague de pays, dont l’Ukraine. Notamment du fait des coûts faramineux que cet horizon entraînerait.

Après le sommet informel du 5 octobre, où les chefs d’Etat et de gouvernement se sont inquiétés de la « fatigue de la guerre » parmi les peuples, et avant le Conseil des 26 et 27 octobre, Charles-Henri Gallois, leader de Génération Frexit, et Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, débattent et exposent leurs analyses complémentaires et souvent convergentes.

Visionner la première partie (la vidéo intégrale est réservée aux abonnés)

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Pologne : vers le retour de Tusk ?…

Par : pierre

Ces derniers mois, Bruxelles a très rarement eu l’occasion de se réjouir. Les dirigeants européens n’ont donc pas boudé leur plaisir à l’annonce des résultats des élections en Pologne. Le 15 octobre, 30 millions d’électeurs y étaient appelés aux urnes. 74,4% d’entre eux ont voté, soit 12,8 points de plus qu’en 2019. Il s’agit d’un record de participation depuis 1989. La hausse du vote des femmes, et plus encore des jeunes, y a fortement contribué.

La campagne avait été très polarisée, coupant le pays en deux : d’un côté les partisans de la coalition sortante menée par le PiS (ultra-conservateur à affichage social, et nationaliste) ; de l’autre trois alliances d’opposition ayant en commun de vouloir faire tomber le PiS au pouvoir depuis huit ans, et proclamant toutes leur fidélité indéfectible à l’intégration européenne.

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« Fatigue de la guerre » parmi les peuples, et querelles au sommet…

Par : pierre

La « fatigue de la guerre » commence à apparaître parmi les peuples, notamment dans les différents pays de l’UE. Ce n’est pas les Russes qui le disent, mais les dirigeants européens. Ceux-ci s’en inquiètent de plus en plus. Car le soutien « sans faille et inconditionnel » à Kiev, « aussi longtemps qu’il sera nécessaire », est l’un des principaux credos de Bruxelles.

Coût de l’énergie, manque à gagner en exportations, baisse du niveau de vie : même si beaucoup de citoyens sont loin de mesurer l’ampleur du lien entre les sanctions anti-russes et leurs conséquences économiques et sociales en Europe, l’hostilité au coût de la guerre se fait jour.

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Slovaquie : les électeurs donnent des sueurs froides à Bruxelles…

Par : pierre

La présidente slovaque avait lancé un cri d’alarme quelques jours avant le 30 septembre, date à laquelle les 4,4 millions d’électeurs devaient renouveler leurs 150 députés : il s’agira d’un « vote de destin », qui déterminera « si les Slovaques veulent conserver leur démocratie et leur orientation pro-occidentale » avait estimé la très pro-européenne Zuzana Caputova.

Malgré – ou peut-être en partie grâce à – cet avertissement, les électeurs ont offert une victoire d’ampleur inattendue à la bête noire de Bruxelles, l’ancien premier ministre Robert Fico (photo, ici lors d’un Conseil européen en 2017). Avec 23% des suffrages (dans un scrutin marqué par une participation de 68,5 %, en hausse de 2,1 points par rapport à 2020), son parti, le SMER-SD gagne 4,8 points et arrive largement en tête, bien au-delà de ce qu’avaient prédit les sondages.

Toujours officiellement affilié au Parti socialiste européen, mais très peu en odeur de sainteté au sein de ce dernier, le SMER-SD avait mené une campagne radicale sur plusieurs thèmes, dont l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine, et la critique virulente des sanctions européennes contre la Russie.

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Pendant le drame arménien, Bruxelles continue de choyer l’Azerbaïdjan pour son gaz…

Par : pierre

Le 20 septembre, l’Azerbaïdjan a parachevé sa reprise en main du Haut-Karabakh. Cette province appartient certes administrativement à ce pays, mais elle est historiquement peuplée d’Arméniens – elle est même parfois considérée comme le berceau de la culture arménienne.

Entre cette date et aujourd’hui, soit en moins de deux semaines, plus de 100 000 habitants, soit la grande majorité de la population, ont fui l’enclave dans des conditions dramatiques, par peur des exactions redoutées de l’armée azerbaïdjanaise.

Le conflit entre l’enclave séparatiste et Bakou (la capitale azérie) remonte à l’éclatement de l’URSS (même s’il a des racines historiques séculaires). Il en est même l’une des conséquences puisque, pas plus que la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’affrontement armé entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises n’aurait pu se dérouler entre Républiques alors soviétiques…

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Pendant le drame arménien, Bruxelles continue de choyer l’Azerbaïdjan pour son gaz

Par : pierre

Le 20 septembre, l’Azerbaïdjan a parachevé sa reprise en main du Haut-Karabakh. Cette province appartient certes administrativement à ce pays, mais elle est historiquement peuplée d’Arméniens – elle est même parfois considérée comme le berceau de la culture arménienne.

Entre cette date et aujourd’hui, soit en moins de deux semaines, plus de 100 000 habitants, soit la grande majorité de la population, ont fui l’enclave dans des conditions dramatiques, par peur des exactions redoutées de l’armée azerbaïdjanaise.

Le conflit entre l’enclave séparatiste et Bakou (la capitale azérie) remonte à l’éclatement de l’URSS (même s’il a des racines historiques séculaires). Il en est même l’une des conséquences puisque, pas plus que la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’affrontement armé entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises n’aurait pu se dérouler entre Républiques alors soviétiques.

Le dernier affrontement massif entre ces deux pays remonte à l’automne 2020, à l’initiative de l’Azerbaïdjan. Il avait débouché sur une victoire de Bakou, fort du soutien militaire, politique et diplomatique de la Turquie, et de livraisons de nombreuses armes israéliennes.

Les combats avaient provoqué la mort de près de 7 000 militaires et civils, et des dizaines de milliers de déplacés. Ils avaient débouché sur un cessez-le-feu, conclu sous l’égide de la Russie, dont 2 000 soldats sont ensuite arrivés sur place en tant que force de paix entre les belligérants. Sur le terrain, Bakou recouvrait des territoires préalablement sous contrôle arménien. Mais le Haut-Karabakh lui-même restait administré par les Arméniens sur place, dont le rêve est le rattachement à la mère-patrie.

Pour Bakou, qui voulait récupérer le contrôle total de la région, c’était encore trop. Sentant que la situation internationale lui était favorable – Moscou ayant d’autres priorités que de faire pression pour que les deux capitales négocient – le président azerbaïdjanais lançait, en décembre 2022, un véritable blocus de l’enclave. Une manœuvre facilitée par le fait que celle-ci n’est reliée à l’Arménie que par une seule route (le corridor de Latchine). Une fois cette route bloquée, les approvisionnements de première nécessité – alimentation, médicaments… – se sont progressivement taris, plaçant la population civile dans une pénurie de plus en plus catastrophique.

Dès lors, il ne suffisait plus que de donner le coup de grâce. Le 18 septembre dernier, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, ordonnait une ultime offensive militaire, sous couvert d’opération « anti-terroriste ». L’Arménie a alors dénoncé une « agression à grande échelle »particulièrement meurtrière.

Mais le rapport de force ne laissait aucun autre choix aux séparatistes que de capituler et de rendre les armes. Grand seigneur, Bakou a promis de garantir les droits civils et religieux aux Arméniens souhaitant rester sur place, tout en comptant que nombre d’entre eux fuiraient vers l’Arménie. C’est ce qui vient de se produire.

En France, où la communauté arménienne est fortement représentée, la plupart des forces politiques – notamment via leurs députés européens – ont eu des mots très durs vis-à-vis de du président Aliev, certains pointant les risques de « nettoyage ethnique ». Pour sa part, le chef de la diplomatie de l’UE a condamné l’offensive militaire lancée par l’Azerbaïdjan, et appelé à la reprise du dialogue. Josep Borrell est d’autant plus contrarié que Bruxelles avait parrainé des pourparlers entre Bakou et Erivan, se vantant même, en août dernier, d’être à deux doigts d’un accord.

Dépité, l’un des adjoints de M. Borrell a accusé Moscou d’être responsable de l’offensive azérie en dénonçant la passivité de la force d’interposition russe. Le calcul du Kremlin serait d’attiser la colère des courant arméniens les plus nationalistes afin de précipiter la chute de l’actuel président arménien, jugé trop pro-occidental. Une thèse reprise par Catherine Colonna, le ministre français des affaires étrangères.

Chacun a bien compris que Bruxelles ne prendrait aucune mesure de rétorsion contre Bakou

L’accusation qui pourrait bien être une diversion. Car, malgré les condamnations formelles, chacun a bien compris que Bruxelles ne prendrait aucune mesure de rétorsion contre Bakou. Et pour cause : le gaz de ce pays doit contribuer à remplacer celui que Bruxelles ne veut plus acheter à la Russie. Ainsi, en 2022, l’Union européenne a reçu 11,3 milliards de m3 de gaz azéri, contre 8 milliards l’année précédente. Et prévoit d’atteindre un rythme annuel de 20 milliards d’ici 2027.

Bref, pour l’UE, sanctionner la Russie – au détriment des consommateurs européens, victimes de prix en hausse – est la priorité. Quitte à se fournir auprès d’un pays dont les dirigeants viennent d’utiliser la force la plus brutale pour régler un problème qui aurait dû être traité de manière diplomatique comme le demandaient tant Moscou que les capitales occidentales…

Par ailleurs, l’Azerbaïdjan n’est pas vraiment un modèle du fameux « Etat de droit » dont Bruxelles se fait le chantre. Il est, de notoriété publique, rongé par la corruption, le népotisme et l’autoritarisme. Le sort des opposants politiques y est fort peu enviable.

Ce qui n’avait nullement empêché la présidente de la Commission européenne de se rendre à Bakou le 18 juillet 2022 pour y signer et fêter un nouveau protocole d’accord sur l’énergie (photo). Ursula von der Leyen n’hésitait pas alors à déclarer : « nous ouvrons un nouveau chapitre de notre coopération énergétique avec l’Azerbaïdjan, un partenaire clé de nos efforts pour abandonner les combustibles fossiles russes (…). Cependant, l’énergie n’est qu’un des domaines dans lesquels nous pouvons intensifier notre coopération avec l’Azerbaïdjan et je me réjouis de la perspective d’exploiter pleinement le potentiel de nos relations ».

Bakou, un « partenaire de confiance » ? Bel exemple du deux poids – deux mesures pratiqué par les Occidentaux en général, les dirigeants de l’UE en particulier.

Et plus tard, ceux-ci s’interrogeront gravement sur le fossé qui s’élargit entre eux et le « Sud global »…

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Trois élections à hauts risques pour Bruxelles…

Par : pierre

La perspective de trois élections nationales d’ici la fin de l’année commence à donner des sueurs froides aux partisans de l’intégration européenne : le 30 septembre en Slovaquie ; le 15 octobre en Pologne ; et le 22 novembre aux Pays-Bas.

Dans ce dernier pays, il s’agira d’un scrutin anticipé : une crise politique a causé, le 7 juillet dernier, la chute du gouvernement dirigé par le Libéral Mark Rutte – à la tête de son pays depuis 2010 – et l’éclatement de la coalition qui associait aux Libéraux les chrétiens-démocrates, le D66 (sociaux-libéraux) et un parti de fondamentalistes protestants.

A Bruxelles, on regarde toujours avec inquiétude ce petit pays fondateur de l’UE…

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Macron, l’Europe, et les dures réalités…

Par : pierre

Le 28 août, Emmanuel Macron a prononcé son discours annuel devant les ambassadeurs de France réunis à Paris. C’est l’occasion traditionnelle pour le chef de l’Etat de définir ou de préciser les grandes orientations du pays en matière de politique étrangère.

Cette intervention a été peu commentée, hormis le passage concernant l’Afrique, actualité oblige. Il est pourtant intéressant d’analyser les glissements de langage et de posture à propos de l’Union européenne. Bien sûr, l’hôte de l’Elysée, qui avait initialement pris ses fonctions au son de l’« hymne européen », poursuit les grands discours enthousiastes en faveur de toujours plus d’intégration européenne.

Il multiplie les expressions telles que « agir en Européens », « travailler en Européens », et ne manque pas de répéter « notre Europe ». Il en appelle toujours à la « souveraineté européenne » (un oxymore qu’il avait inventé en 2017) ; mais il ajoute désormais « et française ». Surtout, au-delà des louanges de principe, force est de constater que la plupart des domaines qu’il cite recouvrent des problèmes, concentrent ses critiques, ou constituent des contradictions entre les Vingt-sept Etats membres, voire des blocages.

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Parmi les soutiens de Kiev, le réalisme gagne du terrain…

Par : pierre

Stupeur, désarroi et indignation : les commentateurs réunis le 16 août sur le plateau de LCI ne cachaient pas leur fureur au lendemain des propos tenus la veille par le chef de cabinet du secrétaire général de l’OTAN.

Interviewé par le journal norvégien Verdens Gang, Stian Jenssen avait notamment évoqué une « solution pour l’Ukraine » qui consisterait à ce que celle-ci « cède du territoire (à la Russie) et obtienne en retour son adhésion à l’OTAN ». Et il précisait même : « cette discussion est déjà en cours » au sein de l’Alliance.

Évidemment, à ce stade, cette perspective est inacceptable tant pour Moscou que pour de nombreux gouvernements occidentaux. Mais qu’une piste autre qu’une victoire totale de Kiev ait été évoquée par un haut responsable a littéralement déstabilisé les « experts » régulièrement invités pour faire l’exégèse de la guerre et de ses enjeux.

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Parmi les soutiens de Kiev, le réalisme gagne du terrain

Par : pierre

Stupeur, désarroi et indignation : les commentateurs réunis le 16 août sur le plateau de LCI ne cachaient pas leur fureur au lendemain des propos tenus la veille par le chef de cabinet du secrétaire général de l’OTAN.

Interviewé par le journal norvégien Verdens Gang, Stian Jenssen avait notamment évoqué une « solution pour l’Ukraine » qui consisterait à ce que celle-ci « cède du territoire (à la Russie) et obtienne en retour son adhésion à l’OTAN ». Et il précisait même : « cette discussion est déjà en cours » au sein de l’Alliance.

Évidemment, à ce stade, cette perspective est inacceptable tant pour Moscou que pour de nombreux gouvernements occidentaux. Mais qu’une piste autre qu’une victoire totale de Kiev ait été évoquée par un haut responsable a littéralement déstabilisé les « experts » régulièrement invités pour faire l’exégèse de la guerre et de ses enjeux.

L’un a pointé une explication : M. Jenssen serait tout simplement un garçon stupide, voire un débile mental. L’autre a imaginé une raison encore plus audacieuse : l’homme serait un agent russe infiltré au plus haut niveau de l’Alliance. Les deux géopolitologues se rejoignaient en tout cas sur un point : le chef de cabinet devrait démissionner, ou être limogé sur le champ. Une semaine plus tard, force est pourtant de constater qu’il est toujours en fonctions.

Dès lors, une autre piste, légèrement moins invraisemblable que les élucubrations des « spécialistes », peut être formulée : au sommet de l’OTAN, on a peut-être voulu lancer un « ballon d’essai », non pour que son contenu devienne immédiatement réalité, mais pour envoyer un signal, tester les réactions, et, qui sait, préparer le terrain pour de futurs pourparlers, tant stratégiquement (vis-à-vis de la Russie) que politiquement (vis-à-vis des opinions occidentales). Ce n’est évidemment qu’une hypothèse, mais plusieurs éléments semblent la rendre crédible.

A commencer par le classique rétropédalage : M. Jenssen a précisé par la suite que ses propos avaient été « mal compris ». Mais aucun démenti de son chef, le secrétaire général Jens Stoltenberg (photo), n’a été publié. Du reste, par sa fonction même, le porte-parole est là pour se faire l’écho des positions de la direction de l’Alliance, certainement pas pour prendre des initiatives personnelles.

Dans ces conditions, certains dirigeants de l’Alliance atlantique souhaitent désormais trouver une porte de sortie qui permettrait de sauver la face

Surtout, on sait que de hauts militaires de l’OTAN, en particulier américains, se rendent à une évidence que certains stratèges « réalistes » énonçaient depuis longtemps : hors intervention directe et massive de soldats occidentaux, l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre. L’échec, reconnu à demi-mots par le président ukrainien lui-même, de la « grande contre-offensive » lancée début juin, les ont probablement conduits à cette analyse.

On imagine que, dans ces conditions, certains dirigeants de l’Alliance atlantique, notamment à Washington, souhaitent désormais trouver une porte de sortie qui permettrait de sauver la face. Même si cela doit passer par des hurlements de fureur à Kiev… mais aussi au sein des castes politiques et des rédactions de nombreux médias de pays européens.

Ainsi, Le Monde, la grande référence des classes dirigeantes françaises, n’a pas écrit un seul mot sur les propos prononcés par M. Jenssen. Mais – coïncidence ? – titrait son éditorial du 19 août : « Face à une guerre longue en Ukraine, il faut tenir, en soutien à Kiev ». Et plaidait pour « intensifier l’assistance militaire à l’Ukraine, lui livrer davantage de missiles à longue portée (sur lesquels Berlin continue d’hésiter), lutter plus efficacement contre le contournement des sanctions, rester ferme face à Moscou, et l’expliquer aux opinions publiques ». Un contre-feu qui semble témoigner de l’angoisse de certains milieux que la ligne dure actuelle soit infléchie.

Indice supplémentaire que le sujet ne pourra plus longtemps être escamoté : l’ancien président français Nicolas Sarkozy osait affirmer, le 16 août dans Le Figaro, que le conflit ne pourrait se régler que par « la diplomatie, la discussion ». A propos de la Crimée, « dont une majorité de la population s’est toujours sentie russe », l’ancien chef de l’Etat estimait que « tout retour en arrière est illusoire ». Tout en estimant que l’annexion de la Crimée constituait « une violation évidente du droit international », il préconisait dans la même interview un référendum « organisé sous le contrôle strict de la communauté internationale (…) pour entériner l’état de fait actuel », c’est-à-dire le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie. La même voie pourrait être suivie, selon lui, pour les « territoires disputés de l’est et du sud de l’Ukraine ».

Inutile de préciser qu’il a provoqué un tollé à droite comme à « gauche », tout particulièrement chez les Verts.

Mais qu’ils viennent de l’OTAN ou d’anciens responsables politiques occidentaux, de tels messages ne sont sans doute pas le fruit du hasard. Les partisans inconditionnels de Kiev n’ont peut-être pas fini de s’indigner

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Niger : les Occidentaux inquiets de perdre une carte majeure au Sahel…

Par : pierre

Les pays voisins du Niger vont-ils intervenir militairement dans ce pays ? C’est la menace qu’a brandie la Cedeao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), le 31 juillet, cinq jours après qu’une junte, dirigée par le général Tiani, eut pris le pouvoir à Niamey, la capitale. Une menace soutenue par Paris, qui ne souhaite pas apparaître trop directement, mais qui redoute de devoir retirer les troupes françaises sur place – 1 500 hommes environ, ainsi que du matériel et des équipements lourds et sophistiqués.

Outre la mise en place de sanctions économiques, la Cedeao avait fixé un ultimatum qui expirait le 6 août. Elle exigeait la libération du président déchu, Mohamed Bazoum, et le « rétablissement de l’ordre constitutionnel ». Pour l’heure, la possibilité d’une telle action armée reste toujours sur la table, mais elle apparaît comme de moins en moins probable.

D’abord parce que le soutien populaire au régime militaire se renforce. Ensuite parce que…

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Derrière l’affaire Scott-Morton, le dogme de la sacro-sainte concurrence ébranlé ?…

Par : pierre

Les polémiques politiques et le brouhaha médiatique se sont désormais estompés. On peut donc prendre un peu de recul sur la nomination, puis le renoncement, de Fiona Scott Morton au poste de chef économiste auprès du commissaire européen à la Concurrence, la Danoise Margrethe Vestager (à droite sur la photo).

Le 11 juillet, cette dernière annonçait qu’elle avait trouvé l’oiseau rare pour cette fonction déterminante : une Américaine issue de la prestigieuse université de Yale, spécialiste du droit de la concurrence ayant exercé ses talents au service du gouvernement Obama, puis comme consultante pour le compte, entre autres, d’Apple, d’Amazon et de Microsoft.

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Du sommet de l’UE à celui de l’OTAN, les divergences entre Occidentaux se confirment…

Par : pierre

A la veille du sommet de l’OTAN des 11 et 12 juillet, les Occidentaux sont divisés sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique, mais aussi à l’UE. Dans ce dernier cas, les différences se sont fait jour lors du Conseil européen des 29 et 30 juin sur ce dossier, mais des querelles se sont surtout confirmées sur plusieurs autres thèmes, dont les politiques migratoires.

Heureusement qu’il y a l’Ukraine : au moins les Vingt-sept ont-ils ainsi un dossier pour lequel ils peuvent se réjouir d’un consensus… En réalité, cette affirmation n’a jamais été complètement exacte. Car la Hongrie a toujours fait entendre sa différence face à l’agressivité anti-russe caricaturale dont l’UE fait preuve depuis – au moins – février 2022.

Certes, Budapest a entériné les onze paquets de sanctions successifs visant Moscou. Mais le premier ministre, Viktor Orban, prône plutôt une désescalade, et a freiné ou limité un certain nombre de mesures restrictives que ses vingt-six partenaires auraient voulu imposer. Ce qui n’a pas manqué d’agacer au plus haut point certains de ceux-ci. Globalement cependant, l’UE pouvait se vanter de son « unité » face à l’« agresseur » désigné.

Après le Conseil européen des 29 et 30 juin (au déjeuner duquel s’est joint le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg – photo), cette unité sur ce dossier et sur ces conséquences est apparue fragilisée.

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Caroline Galacteros : « L’Ukraine ne peut pas gagner la guerre » (vidéo)

Par : pierre

Depuis seize mois, les dirigeants occidentaux n’ont cessé d’augmenter leur aide à Kiev, financière et militaire. Les livraisons d’armes, de munition et d’équipement semblent sans limite, et leur coût donne le tournis. Si Washington est, de loin, le premier fournisseur, l’UE ne veut pas être en reste.

Caroline Galactéros, géopolitologue et fondatrice de Géopragma, affirme depuis le début du conflit que le rapport de force ne laisse aucune chance au président ukrainien, et pointe le déni médias occidentaux – alors qu’aux Etats-Unis même, les experts sont bien plus lucides : plus la guerre dure, plus l’Ukraine devra faire des concessions à Moscou.

Pour sa part, Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, pointe les contradictions qui se font jour au sein même des Vingt-sept, notamment sur les perspectives d’intégrer l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi les pays des Balkans au sein de l’UE.

Visionner la première partie en accès libre

Dans la seconde partie (réservée aux abonnés), les deux débatteurs échangent leurs vues sur l’émergence du « sud global » (de la Chine à l’Inde et à l’Afrique du Sud, du Brésil au Mexique jusqu’à l’Iran et à l’Arabie saoudite), un ensemble certes non homogène, mais uni par le refus croissant de l’hégémonie occidentale. Une émergence accélérée par le présent conflit.

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La zone euro en récession du fait notamment des sanctions anti-russes…

Par : pierre

Cette fois, le verdict est sans appel. La zone euro est officiellement entrée en récession. Les chiffres ont été rendus publics le 9 juin par l’institut public Eurostat : le produit intérieur brut des vingt pays de la monnaie unique a reculé de 0,1% au premier trimestre 2023. Une baisse analogue avait été constatée fin 2022. Ces reculs lors de deux trimestres consécutifs définissent ce que les économistes conviennent de désigner comme une récession.

Certes, les phénomènes économiques sont toujours déterminés par un ensemble de causes, mais un point n’est guère contestable, même si les dirigeants politiques de l’UE restent évidemment discrets à cet égard : les sanctions pilotées par Bruxelles contre la Russie (dix paquets successifs à ce jour décidés depuis mars 2022), et les contre-sanctions qu’elles ont provoquées de la part de Moscou, ont joué un rôle déterminant dans le plongeon économique de la zone. Et ce, alors que cette dernière pouvait espérer rebondir fortement après le choc violent du Covid et les goulets dans les chaînes de production que la pandémie a causés.

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La zone euro en récession du fait notamment des sanctions anti-russes

Par : pierre

Cette fois, le verdict est sans appel. La zone euro est officiellement entrée en récession. Les chiffres ont été rendus publics le 9 juin par l’institut public Eurostat : le produit intérieur brut des vingt pays de la monnaie unique a reculé de 0,1% au premier trimestre 2023. Une baisse analogue avait été constatée fin 2022. Ces reculs lors de deux trimestres consécutifs définissent ce que les économistes conviennent de désigner comme une récession.

Certes, les phénomènes économiques sont toujours déterminés par un ensemble de causes, mais un point n’est guère contestable, même si les dirigeants politiques de l’UE restent évidemment discrets à cet égard : les sanctions pilotées par Bruxelles contre la Russie (dix paquets successifs à ce jour décidés depuis mars 2022), et les contre-sanctions qu’elles ont provoquées de la part de Moscou, ont joué un rôle déterminant dans le plongeon économique de la zone. Et ce, alors que cette dernière pouvait espérer rebondir fortement après le choc violent du Covid et les goulets dans les chaînes de production que la pandémie a causés.

La hausse brutale du prix de l’énergie en a décidé autrement. Il faut le souligner : ce sont bien les restrictions drastiques imposées pour des raisons politiques à l’approvisionnement en pétrole, en charbon et en gaz qui plombent aujourd’hui la croissance de l’UE, et non la guerre elle-même.

Tous les analystes s’accordent en effet pour attribuer un rôle majeur, dans la récession, à la hausse brutale du cours des hydrocarbures. Certes, ces derniers sont aujourd’hui en repli (pour combien de temps ?), mais l’ascension des prix de l’énergie en diffuse toujours ses effets dans les économies et plombe les pays de la monnaie unique.

Les conséquences sont particulièrement visibles en matière d’inflation des prix alimentaires : les prix ont bondi de 13,4% en mai. En effet, le secteur agro-alimentaire est très touché par l’envolée des prix du carburant pour les tracteurs, des engrais, du chauffage des serres, du transport… Tous secteurs confondus, l’inflation décélère un peu en zone euro, mais reste très élevée : 6,1% (en rythme annuel) en mai, 7% en avril, le pic s’étant situé à 10,1% en novembre dernier.

Non seulement les ménages ont dû faire face à la hausse des prix du carburant et aux factures faramineuses du chauffage cet hiver, mais ils doivent donc se restreindre pour les courses alimentaires. Sans surprise, la consommation, moteur essentiel de la croissance, est donc en berne. En France par exemple, le niveau de l’achat de biens courants est inférieur de 4,3% d’une année sur l’autre.

A cela s’ajoute la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne : cette dernière a fait passer son taux d’intérêt principal de – 0,50% à + 3,25% en moins d’un an. Une remontée sans précédent, et qui vient d’ailleurs de grimper encore d’un cran le 15 juin.

Pour se justifier, les banquiers centraux de Francfort mettent précisément en avant leur volonté de lutter contre l’inflation, elle-même enclenchée par les prix de l’énergie. Mais cette hausse délibérée des taux d’intérêts pèse lourdement sur l’activité. Car l’envolée du coût des emprunts concerne les projets d’achats de logement des ménages, mais aussi les investissements des PME.

Face à l’inflation, la récession « fait partie de la solution » avouait même pour sa part Joachim Nagel, patron de la Bundesbank, en octobre dernier, ce qui n’a pas plu à certains dirigeants européens… Dans ces conditions, la tendance récessive pourrait bien se prolonger.

L’Allemagne est particulièrement touchée, du fait de sa dépendance au gaz russe

Un élément très notable dans ce sombre tableau est que l’Allemagne est particulièrement touchée. Celle-ci, qui représente à elle seule plus de 30% de l’économie de la zone, a vu son économie reculer de 0,5% au dernier trimestre 2022, et de 0,3% au premier trimestre 2023.

Aucun mystère à cela : le pays est plus industrialisé que la moyenne de ses voisins, et, surtout, était l’un des plus dépendants du gaz russe. Preuve supplémentaire que la volonté de « punir Moscou », martelée particulièrement à Berlin, a certes nui à la Russie, mais s’est retournée contre ses auteurs.

L’énergie chère est donc un problème qui plombe particulièrement la République fédérale (alors que les pays du sud comme l’Espagne ou le Portugal, moins dépendants de la Russie, s’en sortent plutôt moins mal ; pour sa part, l’économie française a stagné au cours des deux derniers trimestres, soit 0% puis + 0,2%).

Les industries allemandes à haute consommation d’énergie ont reculé de 11% sur un an. Et de plus en plus de grands groupes (y compris l’emblématique Volkswagen pour sa future production de batteries), ainsi que de moyennes entreprises, multiplient les projets de délocalisation. Selon une récente enquête menée par l’Organisation des entreprises industrielles d’outre-Rhin (BDI), 16% des entreprises de taille moyenne ont engagé un processus de délocalisation, et 30% envisagent de le faire.

Direction l’Amérique du Nord, où le prix de l’énergie est bien plus doux. Au point d’inciter le vice-chancelier Habeck à imaginer en urgence des mécanismes visant à subventionner les prix de l’électricité allemande – des projets qui pourraient bien être mal vus par Bruxelles s’ils devaient voir le jour…

Les alliés européens des USA sont en première ligne pour subir les conséquences de leurs propres sanctions. Washington gagne sur tous les tableaux

Quoiqu’il en soit, le paradoxe géopolitique est remarquable. D’un côté, le camp occidental proclame plus que jamais son unité. Mais là où les Etats-Unis ne dépendaient quasiment pas de la Russie pour leur énergie, les alliés européens sont en première ligne pour subir les conséquences de leurs propres sanctions. Washington gagne sur tous les tableaux.

Ainsi, la consommation est en baisse de 0,9% comparativement à la période pré-Covid (fin 2019) en zone euro, alors qu’elle est en hausse de 8,5% aux Etats-Unis.

Historiquement, les dirigeants politico-économiques allemands (de l’ouest, avant 1989) ont tenté de concilier un alignement fidèle sur l’Oncle Sam, et une politique promouvant leurs intérêts mondiaux, notamment via la « réunification » du pays et l’« élargissement » de l’UE. Manifestement, l’aile la plus atlantiste tient aujourd’hui le haut du pavé. Au détriment des forces les plus orientées vers l’Est (à l’image de l’ex-chancelier Schröder) ; et des intérêts de la population.

Reste à savoir combien de temps cela pourra durer…

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La CPE, objet politique non identifié…

Par : pierre

Le deuxième sommet de la « Communauté politique européenne » (CPE) s’est déroulé le 1er juin près de Chisinau, la capitale de la Moldavie. Quarante six chefs d’Etat ou de gouvernement étaient présents. Les dirigeants des Etats membres de l’UE ont donc côtoyé ceux d’une vingtaine d’autres pays du Vieux continent. Une réunion de la « famille européenne », se sont réjoui les organisateurs. Comme lors de sa première édition, seules la Russie et la Biélorussie avaient d’emblée été exclues.

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Syriza, grand perdant des élections grecques…

Par : pierre

Le scénario que prévoyaient de nombreux analystes politiques est bel et bien advenu : au terme des élections générales qui se sont déroulées en Grèce le 21 mai, le parti du Premier ministre sortant, Nouvelle Démocratie (ND, droite classique), est arrivé largement en tête, mais sans cependant disposer de majorité absolue dans le nouveau Parlement.

Kyriakos Mitsotakis ayant exclu un gouvernement de coalition, les 9 millions d’électeurs grecs vont très probablement retourner aux urnes, sans doute le 25 juin. Selon la loi électorale du pays en effet, le parti arrivé en tête bénéficiera lors de ce second scrutin d’un bonus de sièges, ce qui devrait permettre au chef du gouvernement de se succéder à lui-même ; et peut-être même d’obtenir un majorité qualifiée (soit 180 sièges sur 300) susceptible de lancer des changements constitutionnels.

M. Mitsotakis a ostensiblement triomphé le soir du vote, évoquant même un « séisme politique » en sa faveur. Une affirmation exagérée : avec 40,8% des suffrages, ND ne gagne que 0,9 point par rapport au scrutin de 2019. Mais il est vrai que les ultimes sondages ne lui accordaient que moins de 35% d’intentions de vote.

Le véritable événement du scrutin, en revanche, est la déculottée subie par le parti Syriza, que certains continuent, contre toute vraisemblance, à étiqueter « gauche radicale ». Avec 20,1%, le mouvement dirigé par Alexis Tsipras chute de 11,5 points par rapport à 2019 où il avait pourtant été battu au terme de quatre années à la tête du gouvernement.

Un grand nombre de ses électeurs ne lui avaient alors pas pardonné de s’être fait élire en janvier puis septembre 2015 en promettant de rompre avec l’austérité, et d’avoir finalement mis en œuvre cette dernière sous pression de l’Union européenne et du FMI (photo). Manifestement, M. Tsipras n’a pas regagné leur confiance. Syriza n’a effectué aucune autocritique sérieuse de ce qui est toujours ressenti comme une trahison.

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Bulgarie, Slovaquie, voire Tchéquie, et bien sûr Hongrie : l’Europe centrale inquiète Bruxelles

Par : pierre

A l’Est, du nouveau ? Alors que les dirigeants de l’UE ne cessent de renforcer leur appui à Kiev, les perspectives politiques dans certains pays d’Europe centrale commencent à leur donner des sueurs froides. Cela vaut en Bulgarie, en Slovaquie, voire en République tchèque, tandis que la Hongrie reste le mouton noir honni par Bruxelles.

La Bulgarie n’a toujours pas de gouvernement de plein exercice. Les électeurs étaient appelés aux urnes le 2 avril dernier… pour le cinquième scrutin consécutif depuis 2021. Cette fois encore, aucune majorité parlementaire claire ne s’est dégagée.

Pour simplifier, le pays – en proie à d’immenses difficultés économiques et sociales, et où la pauvreté est endémique – voit s’affronter deux coalitions aussi atlantistes l’une que l’autre, mais qui ont toujours exclu de s’allier, du moins jusqu’à présent.

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« Macron est-il devenu fou ?… »

Par : pierre

Lors de son vol le ramenant de Pékin à Paris, le 7 avril, le président français a lâché quelques phrases qui ont provoqué une onde de choc dans les milieux les plus atlantistes – en France, en Europe, et aux Etats-Unis.

Evoquant la question de Taïwan – une île que la Chine considère comme faisant partie de son territoire, mais dirigée depuis sept décennies par des forces très liées à Washington – Emmanuel Macron a en substance plaidé pour que, dans ce dossier, l’Union européenne ne soutienne pas aveuglément les Etats-Unis, aujourd’hui engagés dans une escalade de confrontation avec Pékin.

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Strasbourg, ou l’euroseur arrosé (éditorial paru dans l’édition de décembre)

Par : pierre

Panique et consternation. La petite bulle bruxelloise est en émoi depuis qu’a été révélé ce que les grands médias nomment désormais le « Qatargate » : la mise en cause de collaborateurs parlementaires et d’eurodéputés – italiens, grecs, belges, issus essentiellement du groupe social-démocrate – soupçonnés d’avoir touché rémunérations et avantages de la part du Qatar en échange de la promotion des intérêts de l’émirat. Six personnes ont été interpellées par la police belge, quatre écrouées, dont une vice-présidente de l’europarlement.

Les condamnations ont fusé. La présidente de cette institution a, sans rire, dénoncé une « attaque contre la démocratie européenne ». Son homologue de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est alarmée que soit mise en jeu la « confiance des Européens dans nos institutions ». Soyons sérieux. Pour que l’europarlement soit déconsidéré, encore aurait-il fallu qu’il fût considéré – en réalité l’immense majorité des citoyens des vingt-sept pays s’en moquent comme de l’an 40. La seule chose qu’on puisse reprocher à l’Assemblée de Strasbourg est sa totale illégitimité, puisqu’il n’existe pas de peuple européen. Tout le reste n’a dès lors guère d’importance.

La crise de nerfs du ban et de l’arrière-ban européiste a cependant quelques mérites. A commencer par le retour de bâton comique contre une institution, à l’ego boursouflé qui ne cesse de donner des leçons de morale au monde entier en matière de transparence et d’Etat de droit. Au monde entier et même aux Etats membres : c’est précisément ce « parlement » autoproclamé qui avait lancé les hostilités contre la Hongrie, accusant son gouvernement de corruption. Le premier ministre Viktor Orban n’a pas boudé son plaisir devant cette euro-mouture de l’arroseur arrosé.

En outre, l’ex-secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), Luca Visentini (aujourd’hui président de la Confédération syndicale internationale), fait partie des mis en cause. Ce qui jette une lumière crue sur l’interpénétration incestueuse entre cette centrale syndicale et les institutions bruxelloises.

Par ailleurs, on n’ose imaginer le tollé géopolitique si le corrupteur n’avait pas été Doha, mais Moscou. Que n’aurait-on pas dit sur les relais d’influence que le Kremlin paye pour « déstabiliser notre Europe », et la nécessité absolue d’édicter un trois cent cinquante neuvième paquet de sanctions. L’émir qatari, lui, n’a aucune crainte d’être puni, ne serait-ce que parce que son gaz remplace (en partie) celui que fournissait naguère la Russie. Sa diplomatie s’est d’ailleurs chargée de le rappeler promptement à ceux qui seraient tentés de tenir des propos désobligeants à son égard.

En matière d’influences étrangères, l’ombre de Washington et le poids de l’atlantisme bénéficient d’une immunité de principe, voire d’un tapis rouge permanent

Certes, Raphaël Glucksmann, le sémillant président de la « commission spéciale sur l’ingérence étrangère » (sic !) a qualifié l’affaire de « gravissime ». Jusqu’à présent cependant, il s’était plus excité en pourchassant les prises d’influence russes ou chinoises ; l’on serait surpris que cela change fondamentalement.

Enfin, dès lors qu’il est question de traquer lesdites influences étrangères, force est de constater que l’ombre de Washington et le poids de l’atlantisme bénéficient d’une immunité de principe, voire d’un tapis rouge permanent. En matière de guerre en Ukraine, par exemple, l’on n’imagine pas un instant l’europarlement s’éloigner de la ligne de l’Oncle Sam, solidarité occidentale oblige. Au demeurant, le Trésor américain n’a nul besoin de dépenser le moindre kopek pour cela : les relais de Washington travaillent gratuitement pour la cause – celle de la promotion du « monde libre ».

Il reste qu’en monopolisant la scène médiatique, les affaires de corruption confortent un silence abyssal sur l’essentiel : la responsabilité des institutions européennes dans le malheur des peuples, à commencer par les régressions économiques et sociales. A l’heure où Emmanuel Macron semble décidé à passer en force sur la réforme des retraites, qui soulignera le rôle de Bruxelles comme aiguillon et contrôleur ? Pourtant, dans son analyse de la situation de chaque Etat membre récemment publiée, la Commission rappelle que le Conseil de l’UE avait recommandé à la France, le 12 juillet 2022, de réformer le système de pensions en vue d’« unifier les règles des différents régimes ». Et elle laisse filtrer une certaine impatience : « jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a encore été précisée ».

Dans le brouhaha des turpitudes qataries, ce discret coup de pression semble passer inaperçu. Jusqu’à quand ?

Pierre Lévy

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La fable merveilleuse de la jungle, du jardin, et de la sobriété (éditorial du 27/10/22)

Par : pierre

Vers une tempête sociale ? Une mobilisation populaire d’ampleur ne se décrète, ni ne se prédit. Mais à l’évidence, un tel spectre hante la Macronie, de même que de nombreux dirigeants d’autres pays de l’UE.

La baisse du pouvoir d’achat torture le monde du travail. Les prix de l’énergie sont au cœur des inquiétudes. Indissociable de l’idéologie écologiste, voire de décroissance, le concept de « sobriété » connaît une fortune soudaine. Mais qu’est-ce donc, sinon une version post-moderne de l’austérité ? Ce qu’a involontairement avoué Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, lorsqu’elle déclara : « on ne demandera jamais à des Français en situation de sobriété subie de faire des économies ». Merveilleux néologisme : ne dites plus « pauvre », mais « en situation de sobriété subie »…

Dès lors, la profession de foi d’Élisabeth Borne prend tout son sens : « la sobriété est une nouvelle manière de penser et d’agir », a martelé le premier ministre. Au moins, c’est clair. Il y a bien une continuité entre le refus d’augmenter décemment les fonctionnaires – une décision qui dépend du gouvernement (sous contrainte budgétaire européenne) – et les exhortations sans fin à restreindre le chauffage ou à délaisser les ascenseurs au profit des escaliers (suggestion faite dans plusieurs cités HLM)… Pour sa part, La Poste vient de publier « l’évolution des offres courrier » : à compter de janvier 2023, la norme devient une distribution à J+3 ; et pour les plis urgents, ça sera J+2, à prix d’or. Jadis, le plus vieux service public du pays s’enorgueillissait d’acheminer une lettre en une seule journée d’un village proche de Dunkerque à la banlieue de Perpignan. Mais désormais, marche arrière toute : il s’agit de sauver la planète, selon le discours accompagnant l’annonce…

Indissociable de l’idéologie écologiste, voire de décroissance, le concept de « sobriété » connaît une fortune soudaine

Inflation effrénée, services publics en lambeaux et plus généralement progrès historiquement inversé – décidément tout va bien. C’est en tout cas ce que semble penser Josep Borrell, sans ironie aucune. Discourant le 13 octobre devant le collège européen de Bruges, le chef de la politique extérieure communautaire a osé : « l’Europe est un jardin. Tout fonctionne. C’est la meilleure combinaison de liberté politique, de prospérité économique et de cohésion sociale que l’humanité ait pu construire »…

L’ancien ministre espagnol (socialiste) des affaires étrangères ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Ce merveilleux jardin d’Eden dans lequel se prélassent douillettement les Européens est menacé, car « la plupart du reste du monde est une jungle, et la jungle pourrait envahir le jardin ». Décidément, l’arrogance candide fait le charme des hommes de Bruxelles… Face aux barbares qui menacent d’envahir notre paradis européen, M. Borrell écarte la construction de murs, et propose une alternative bien plus prometteuse : « les jardiniers doivent aller dans la jungle. Les Européens doivent être beaucoup plus engagés avec le reste du monde. Sinon, le reste du monde nous envahira, de différentes manières et par différents moyens ».

Cet « engagement » que préconise le haut-représentant est manifestement diplomatique mais aussi militaire. En témoigne entre autres la Facilité européenne pour la paix (!), fonds finançant le soutien armé aux régimes amis face aux sauvages de la jungle. Et grâce auquel Kiev, en particulier, est gavé d’armements toujours plus massifs et sophistiqués (une sixième tranche de 500 millions vient de porter le total à 3,1 milliards). S’il restait un doute sur la manière dont les dirigeants de l’UE entendent policer la jungle, Josep Borrell s’emploie à le lever : « après la guerre (en Ukraine), ce sera une période d’instabilité et nous devrons construire un nouvel ordre de sécurité. La façon dont nous intégrons la Russie – la Russie post-Poutine – dans cet ordre mondial est quelque chose qui demandera beaucoup de travail ».

La « Russie post-Poutine » ? Bruxelles s’attribue donc le droit de décider de la légitimité du président russe, voire de contribuer à écarter l’actuel titulaire. Il est vrai que ce dernier vient de rappeler aux dirigeants européens que Moscou est disponible pour fournir – notamment via NordStream 2, sorti indemne d’un sabotage – autant de gaz qu’ils le souhaitent, il suffit qu’ils ouvrent les robinets de leur côté. Ce qui constituerait un puissant coup de frein au choc énergétique, et écarterait ainsi les perspectives de tsunami économique et social.

Mais cela reviendrait à une levée des sanctions européennes. Pour Bruxelles, pas question.

Et vive donc la sobriété !

Pierre Lévy

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Chaud effroi (éditorial paru dans l’édition du 27/09/22)

Par : pierre

Y aura-t-il du courant à Noël ? Pour peu que les centrales nucléaires en maintenance reviennent vite en service et que la météo soit clémente (vive le réchauffement…), les interruptions de service sont peu probables, rassure le Réseau de transport d’électricité. A condition toutefois de se plier aux consignes de « sobriété » – autrement dit d’austérité – qu’édicte le gouvernement. Ainsi, un des pays les plus avancés de la planète en est réduit, au vingt-et-unième siècle, à évoquer le black-out, et à ordonner de baisser le chauffage… Il fallait bien un président « progressiste » pour accompagner cette régression d’échelle historique. Avec la sombre désinvolture qui fait son charme, Emmanuel Macron a ainsi prophétisé « la fin de l’abondance »…

Difficultés d’accès aux hydrocarbures, hausse vertigineuse des cours : une crise énergétique d’ampleur sans précédent s’accélère en Europe, dont les conséquences économiques et sociales pourraient bien faire figure de tsunami. Trois facteurs notamment sont à l’œuvre. Le premier d’entre eux est « systémique », diraient les linguistes bruxellois : l’avènement de la loi du marché. Celle-ci n’a pas toujours régi le commerce du gaz en particulier. Naguère, des contrats à long terme assuraient aux Etats producteurs des revenus stables, et aux acheteurs des prix bas. C’était avant que la fourniture de l’or bleu ne soit libéralisée, parallèlement à la déréglementation des ex-monopoles publics – une des réalisations phares de l’Union européenne.

Le deuxième facteur a trait au mot d’ordre désormais commun aux élites mondialisées : la réduction des émissions de CO2. Ainsi, le système d’échange européen des quotas carbone vise à renchérir délibérément l’utilisation, mais aussi la production, d’énergie carbonée. Au point que le gouvernement socialiste espagnol – qu’on ne peut soupçonner d’être « climatosceptique » – plaide pour que cette écotaxe, elle aussi régie par les mécanismes de marché et qui a bondi, soit gelée. Sans succès.

Enfin, le troisième facteur est celui qui a mis le feu aux poudres : les sanctions édictées par les dirigeants européens contre Moscou. L’UE a fait le choix politique de boycotter le charbon puis le pétrole russe, et menaçait de faire de même pour le gaz, avant que le Kremlin ne prenne les devants à titre de contre-sanction, en restreignant drastiquement les flux livrés par gazoduc. Résultat : le cours de l’or bleu – pour lequel les Vingt-sept cherchent désespérément des fournisseurs alternatifs – a été multiplié par douze en moins d’un an, entraînant une hausse faramineuse du prix de l’électricité.

Il faut dès lors tout l’aplomb d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour faire porter la responsabilité de la crise énergétique sur la Russie : celle-ci aurait volontiers, guerre ou pas, poursuivi ses livraisons si Bruxelles ne s’était pas juré de mettre son économie à genoux. Mais il semble que les peuples, confrontés à la chute brutale du pouvoir d’achat et aux restrictions qui se profilent, soient de moins en moins dupes : de Prague à Leipzig et d’Athènes à Naples en passant par Bruxelles, des manifestations se font jour, réclamant des pourparlers avec Moscou plutôt que le soutien inconditionnel à Kiev, voire l’ouverture du gazoduc Nord Stream II – une perspective dont Bruxelles ne veut pas entendre parler.

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois

Et même en France, ou pourtant ni la Nupes ni les syndicats n’osent mettre en cause le principe de punir Moscou, les élites s’inquiètent : « le doute et la lassitude menacent de s’installer », s’alarme avec effroi un récent éditorial du Monde (13/09/22). Celui-ci éprouve donc le besoin de marteler que les sanctions sont nécessaires « et fonctionnent ». La guerre en Ukraine serait-elle donc en passe de prendre fin ? Nullement. Mais la Russie « n’en est qu’au début d’un long calvaire », jubile discrètement le quotidien, dévoilant ainsi involontairement le véritable objet de celles-ci.

Surtout, « changer de cap sur les sanctions reviendrait à conforter Vladimir Poutine dans sa vision d’une Europe pleutre et incapable de tenir sa place dans l’histoire », argue Le Monde, ajoutant que « dévier de cette trajectoire (…) pourrait être fatal au projet européen ». Il faut donc tenir le cap, fût-ce au prix de « notre confort énergétique et notre prospérité économique ».

Punir Moscou et poursuivre l’intégration européenne : voilà donc, in fine, pourquoi nous risquons de geler dans quelques mois. Si cette froide vérité se répandait plus largement, l’hiver pourrait bien être chaud.

Pierre Lévy

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Bulgarie : bientôt les quatrièmes élections en un an et demi

Par : pierre

Les électeurs bulgares seront à nouveau appelés aux urnes le 2 octobre prochain. Ce sera la quatrième fois en dix-huit mois, puisque des élections générales ont déjà eu lieu en avril, juillet, puis novembre 2021. Les deux premiers scrutins n’avaient pu dégager aucune majorité parlementaire ; le dernier avait enfin permis que se constitue une coalition de quatre partis, mais l’attelage était fragile. Il a finalement déraillé lors de l’adoption, le 22 juin, d’une motion censure à la faveur de la défection d’un des quatre partenaires.

Le 14 novembre 2021, seulement 38,6% des inscrits s’étaient déplacés pour voter, afin de renouveler le parlement, mais également de désigner le président de la République. Il n’est pas certain que l’échéance d’octobre prochain mobilisera beaucoup plus fortement. Le pays, déjà considéré comme le plus pauvre de l’Union européenne, est confronté à une situation économique et sociale alarmante ; il est également l’objet de tensions géopolitiques exacerbées par la guerre en Ukraine.

La Bulgarie a été gouvernée de 2009 à 2021 quasiment sans interruption par le parti GERB (« citoyens pour le développement européen de la Bulgarie »), dit de centre-droit et affilié au Parti populaire européen (PPE, qui compte parmi ses membres la CDU/CSU). Son chef, Boïko Borissov, un ancien garde du corps, a toujours mis en œuvre de manière zélée les orientations préconisées par Bruxelles, tout en déployant ouvertement et sans complexe une stratégie clientéliste dans un pays où l’achat de voix est monnaie courante.

Avec 22,7% des suffrages en novembre 2021, le GERB chutait de 10 points par rapport au scrutin de 2017. M. Borissov achevait ainsi une dégringolade de popularité amorcée en 2019 lorsque plusieurs de ses amis politiques ont été impliqués dans de vastes scandales immobiliers ; cette dégringolade s’est accélérée lors des manifestations anti-corruption qui avaient mobilisé la classe moyenne dans la capitale à l’été 2020.

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement dont les deux dirigeants sont de jeunes hommes d’affaires formés aux États-Unis

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement, baptisé Continuons le changement (PP), dont les deux dirigeants ont en commun d’être de jeunes et sémillants hommes d’affaires formés aux Etats-Unis (Harvard). Kiril Petkov (né au Canada) et Assen Vassilev étaient ministres respectivement de l’Economie et des Finances du gouvernement intérimaire formé en mai 2021. Ils ont fait campagne avec pour premier cheval de bataille la lutte contre la corruption, mais aussi l’engagement de ne pas augmenter les impôts et d’attirer les capitaux étrangers.

Avec 25,7% des suffrages, alors que ce parti n’existait pas quelques mois plus tôt, la formation classée « centriste » est sortie vainqueur et a propulsé M. Petkov comme chef d’un gouvernement formé en décembre 2021. PP s’est en effet allié sans difficulté avec la coalition libérale-écolo Bulgarie démocratique (DB), également pro-business et pro-UE. Le Parti socialiste (BSP) a rejoint cette coalition.

Le quatrième partenaire était mouvement baptisé Un tel peuple existe (ITN), issu (comme PP et d’autres groupes) de la mobilisation anti-corruption de l’été 2020. Après un succès remarqué en avril 2021, ITN dégringolait finalement dans les urnes en novembre 2021. Une chute due à la personnalité fantasque et égocentrique de son fondateur, le chanteur à succès Stanislas Trifonov, flamboyant adversaire de la vaccination, et lui aussi partisan déclaré de l’ancrage du pays dans l’UE et l’OTAN. C’est lui qui a finalement fait chuter le cabinet en juin dernier.

L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans est un sujet qui traîne depuis des années

Officiellement, des désaccords budgétaires l’ont opposé au premier ministre (ce dernier le soupçonnant de réclamer des crédits de manière clientéliste), mais M. Trifonov a surtout joué sur la corde nationaliste : il a dénoncé l’accord en préparation – espéré avec impatience par Bruxelles – entre la Bulgarie et la Macédoine du Nord voisine. Skoplje (la capitale de ce dernier pays) attend désespérément depuis 2005 le lancement des négociations d’adhésion à l’UE. Celles-ci ont longtemps été bloquées par la Grèce avant que celle-ci ne lève son veto en 2018 ; mais le démarrage du processus d’adhésion a ensuite été empêché par Sofia, qui considère que la Macédoine est d’histoire et de culture bulgares, et qu’y vit une minorité bulgare non reconnue.

L’affaire peut paraître byzantine vue de l’ouest de l’Europe, mais elle a des implications très actuelles. L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans (processus où la Serbie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine se trouvent à des étapes diverses) est un sujet qui traîne depuis des années, mais qui a pris une nouvelle acuité lorsque les dirigeants européens ont considéré que, faute d’avancées significatives de cet « élargissement » de l’UE, la Russie (voire la Turquie et la Chine) risquait de regagner en influence dans la région.

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE – tout en mesurant les obstacles économiques et institutionnels. Du fait de ces obstacles, les adhésions formelles ne sont pas envisageables avant de nombreuses années (l’UE pourrait bien avoir disparu d’ici là…).

Le dossier est d’autant plus sensible que les Vingt-sept ont, en juin, octroyé officiellement à l’Ukraine (et à la Moldavie), le statut de pays candidat, en un temps record, ce qui a alimenté amertume et jalousies parmi les dirigeants des pays qui patientent depuis des années…

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles, même si le conflit entre Sofia et Skoplje a évolué le 25 juin par un vote parlementaire vers un possible déblocage.

Pire pour les dirigeants de l’UE, le prochain scrutin bulgare pourrait bien voir des partis considérés comme « pro-russes » se renforcer. Dans un pays de culture slave et orthodoxe, et longtemps membre du Pacte de Varsovie, la Russie, historiquement alliée, continue d’être vue avec sympathie par une part non négligeable de la population. Le président de la République, un ancien général sans appartenance politique, a été réélu brillamment en novembre. Il passe pour nourrir une certaine sympathie pour Moscou, et était soutenu par le Parti socialiste, lui-même soupçonné d’être anti-OTAN par les Occidentaux.

De fait, le gouvernement pourtant pro-occidental de M. Petkov n’a pas pu, du fait de l’opposition du BSP en son sein, trouver un compromis permettant l’envoi d’armes aux dirigeants ukrainiens. L’attachement à la Russie (mais aussi à l’ex-Union soviétique) d’une partie du peuple bulgare représente donc bien une inquiétude pour Bruxelles, que M. Petkov avouait à sa manière, dans une interview récente : « nous avons été pendant très longtemps l’objet de la propagande russe, il faut donc du temps pour faire évoluer les mentalités ». Il rappelait à cette occasion qu’il avait décidé de limoger son premier ministre de la défense, une personnalité indépendante jugée trop proche de Moscou.

Les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie

Mais, si cruciaux que soient les enjeux géopolitiques, les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie. La Bulgarie a adhéré à l’Union européenne en 2007, ce qui a enclenché l’ouverture progressive des frontières permettant une « libre circulation de la main d’œuvre » ; le pays a dès lors connu une émigration massive, notamment de la jeunesse, vers l’Ouest, le laissant démographiquement exsangue. On voit mal comment le prochain scrutin pourrait inverser cette tendance.

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Italie : Bruxelles s’angoisse d’une probable « rechute populiste »

Par : pierre

Le 21 juillet, gouvernement italien est tombé. Lâché par trois des partis qui formaient sa majorité, son chef, Mario Draghi, a présenté sa démission. Alors qu’une semaine auparavant, le président de la République, Sergio Mattarella, avait tenté de refuser cette dernière dans l’espoir d’une combinazione de dernière minute, il n’a eu, cette fois, pas d’autre choix que d’en prendre acte. Les électeurs de la Péninsule se rendront aux urnes le 25 septembre prochain.

C’est peu dire que cet événement provoque des sueurs froides à Bruxelles et parmi les grandes capitales européennes. « Une tempête parfaite » est désormais l’expression qui revient dans les couloirs de la Commission européenne et dans la presse mainstream.

Le Monde notait ainsi, dans un éditorial (21/07/22) : « le moment ne pouvait pas être pire pour l’Italie, pour la zone euro et pour l’Union européenne tout entière ». « Les orages s’accumulent » poursuit le quotidien qui rappelle le contexte : un pays dont l’économie a considérablement pâti du Covid-19, lesté d’une dette publique considérable, touché par des taux d’emprunt qui repartent vivement à la hausse, en proie à une inflation qui grimpe en flèche, et menacé par une pénurie de gaz en provenance de Russie dont il est particulièrement dépendant.

Toute l’Union européenne est certes concernée par ces menaces à des degrés divers. Mais la troisième puissance économique de la zone l’est tout particulièrement. L’Italie est du reste, avec l’Espagne, le plus gros « bénéficiaire » du plan de relance piloté par la Commission européenne : Rome s’est vu promettre 69 milliards d’euros de subventions et 123 milliards de prêts à taux réduit. Seule une petite part de cette somme a été transférée, car Bruxelles procède – comme pour les autres pays – à un décaissement par tranches en fonction de l’avancement des « réformes » que chaque pays membre a promis de mener à bien en échange des subsides.

Un homme personnifiait la garantie de la fidélité aux «recommandations» européennes : Mario Draghi

En Italie, un homme personnifiait la garantie de la fidélité aux « recommandations » européennes : Mario Draghi. Celui-ci, après un passage à la direction du Trésor italien puis chez Goldman Sachs, assura de 2011 à 2019 la présidence de la Banque centrale européenne. Dans la légende européenne, il est décrit comme le magicien qui a sauvé l’euro des attaques spéculatives en 2012. C’est peu dire que sa présence à la tête du gouvernement italien était stratégique pour Bruxelles.

Or les intentions de vote d’ici septembre placent le parti Les frères d’Italie, souvent qualifié de « post-fasciste », en tête, avec la possibilité de diriger une alliance qui associerait deux autres forces de droite : la Ligue, et Forza Italia, de Silvio Berlusconi. Certes, aucune de ces forces ne prônent la sortie de l’UE ni de l’euro, et le mouvement des Frères d’Italie ne cache pas son atlantisme. Mais peu importe : si une telle coalition voyait le jour, et avant même le premier acte d’un tel gouvernement, tous les espoirs bruxellois s’effondreraient. Les éléments constitutifs de l’éclatement de la zone euro – puis de l’UE – seraient réenclenchés.

En février 2018, une vague électorale qualifiée de «populiste» avait balayé l’Italie

On n’en est pas là, mais pour mesurer les enjeux, il faut garder à l’esprit les soubresauts de la politique italienne de la dernière décennie. Un tournant majeur a eu lieu en 2018 : en février de cette année-là, une vague électorale qualifiée de « populiste » a balayé l’Italie, aboutissant à une coalition impensable alliant le grand vainqueur du scrutin, le Mouvement cinq étoiles (M5S), classé « anti-système » de gauche, et la Ligue, souvent étiquetée extrême droite et dirigée par Matteo Salvini.

Après un moment de panique à Bruxelles, l’attelage s’est assagi avant d’être secoué par des contradictions. A l’été 2019, le chef du gouvernement, Guiseppe Conte, proche du M5S (et dont il prendra la direction ultérieurement) opéra un retournement d’alliance en associant ce mouvement au Parti démocrate (dit de centre gauche) – un attelage qui paraissait improbable – et en larguant la Ligue.

Nouveau retournement en février 2021 : M. Conte dut constater que sa nouvelle majorité n’était plus viable. Le très pro-UE président Mattarella manœuvra alors discrètement pour constituer une majorité associant à peu près tous les partis parlementaires, à l’exception des Frères d’Italie. Un peu comme si, à Paris, une « grande coalition » rassemblait de La France insoumise au Rassemblement national. Avec donc, à sa tête, le Dottore Draghi, en sauveur de l’Italie dans l’UE.

Le surgissement « miracle » de ce dernier avait alors rappelé le coup de théâtre de novembre 2011. A ce moment, c’était Silvio Berlusconi qui dirigeait le pays. Certes, ce magnat des médias n’était nullement anti-européen, mais, sous pression populaire, il peinait à mettre en œuvre les « réformes » drastiques imposées par Bruxelles, réformes d’autant plus sévères que l’Italie était alors la proie des spéculateurs. Le cavaliere fut donc dégagé, officiellement « sous la pression des marchés » ; en réalité, Bruxelles, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient orchestré en coulisses (lors d’un sommet européen) ce coup d’état rampant. Avec à l’époque déjà un personnage miracle pour prendre la tête du gouvernement : l’ex-commissaire européen Mario Monti. Ce dernier partage avec Mario Draghi au moins trois caractéristiques : les deux hommes n’ont jamais été élus, ils sont en étroite osmose avec le monde des affaires, et, surtout, ils ont été des hommes clés au sein de l’Union européenne.

Du quasi-putsch opéré par l’UE en 2011 date l’hostilité populaire à l’encontre de l’intégration européenne

Ce quasi-putsch opéré de l’extérieur a eu des conséquences profondes au sein du peuple italien. C’est de cette époque que date l’hostilité à l’encontre de l’intégration européenne de la part d’un pays auparavant réputé particulièrement « europhile ». Un peu comme quand les Non français et néerlandais aux référendums de 2015 portant sur le projet de constitution européenne avaient été bafoués – on se souvient qu’un traité équivalent (dit de Lisbonne) avait finalement été imposé.

Pour les dirigeants européens, l’angoisse est réelle face à la « rechute » italienne. Au point que le quotidien La Stampa a cru trouver l’origine de celle-ci : la crise politique à Rome aurait été pilotée de Moscou – une affirmation largement relayée par les médias occidentaux. L’« explication », qui fait l’impasse sur les contradictions politiques du pays, n’est guère crédible. Mais à supposer qu’elle soit vraie, la presse pro-UE est mal placée pour s’indigner de cette supposée ingérence, elle qui avait applaudi des deux mains les parachutages successifs des deux Mario, quasi-ouvertement manigancés par Bruxelles.

Le début de panique des dirigeants européens s’explique aussi par le contraste entre un Mario Draghi qui fut l’un des plus fermes défenseurs de la cause ukrainienne contre Moscou ; et les partis qui viennent de provoquer sa chute, et qui pourraient participer au futur gouvernement issu des élections de septembre : la Ligue et Forza Italia d’un côté, le M5S de l’autre sont tous accusés d’une certaine indulgence « pro-Poutine ». Et ce, dans un pays dont l’opinion publique est décrite comme la moins anti-russe au sein de l’UE.

Il revient «à l’UE d’agir avec doigté pour éviter ce scénario de cauchemar».

Éditorial du Monde (21/07/22)

On comprend dans ces conditions la fébrilité et les conseils du Monde, en conclusion de l’éditorial déjà cité : « aux Italiens pro-européens de se mobiliser et à l’UE d’agir avec doigté pour éviter ce scénario de cauchemar ». L’UE est ainsi appelée à s’ingérer une nouvelle fois. Mais, de grâce, « avec doigté » cette fois-ci…

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Prochaine édition de Ruptures à paraître en septembre…

Par : pierre

Comme chaque année, Ruptures marque la pause estivale. Après la parution de fin juin, rendez-vous pour la prochaine édition en septembre…

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Royaume-Uni : la conspiration des caciques Tories pour faire chuter Boris Johnson

Par : pierre

Le 5 septembre, le nom du nouveau premier ministre britannique sera connu. Durant le mois d’août en effet, les adhérents du Parti conservateur (« Tory ») sont invités à voter pour départager les deux finalistes dans la course à la tête de ce parti, le gagnant devenant automatiquement le chef du gouvernement. Lors du mois de juillet, les parlementaires Tories avaient successivement éliminé les différents candidats pour ce poste – il y en avait initialement une douzaine – avant que n’ait lieu ce duel final.

Ce dernier se joue entre le chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances) du cabinet de Boris Johnson, Rishi Sunak ; et sa collègue des Affaires étrangères, Elisabeth Truss. Le premier était un « Brexiter » de la première heure, tandis que la seconde ne s’est ralliée à la sortie de l’UE qu’après le référendum de juin 2016. Paradoxalement, celle-ci est soutenue par l’aile la plus favorable au Brexit, son concurrent étant présenté comme plus « mou » par ses adversaires.

Bien sûr, le Brexit est effectif et irréversible ; ce thème n’est donc plus l’enjeu, si ce n’est pour les négociations conflictuelles, en cours et futures, avec Bruxelles sur la mise en œuvre de l’accord de divorce et de celui de libre échange.

Cette compétition en vue de remplacer Boris Johnson a été lancée le 7 juillet, quand ce dernier a été littéralement contraint de démissionner au terme d’une longue conjuration ourdie par de nombreux caciques du parti. Cette péripétie peut surprendre : en décembre 2019, M. Johnson avait fait figure d’homme miracle qui avait mené le Parti conservateur à un véritable triomphe électoral, puis permis la réalisation du Brexit qui se heurtait depuis trois ans et demi à une véritable guérilla des partisans de l’Union européenne.

L’ampleur du succès Tory dans les urnes et donc en nombre de parlementaires avait, dans un premier temps, condamné au silence les nombreux ennemis du premier ministre. Ceux-ci se trouvaient parmi les Conservateurs adversaires du Brexit, mais aussi parmi les Tories « traditionalistes » dont la référence politique reste Margareth Thatcher.

C’est peu dire que le locataire de Downing street a poursuivi une politique opposée à celle qu’avait menée en son temps la « dame de fer »

Or c’est peu dire que le locataire de Downing street a poursuivi une politique opposée à celle qu’avait menée en son temps la « dame de fer ». Là où cette dernière prônait un ultralibéralisme appuyé sur l’individualisme forcené (« la société n’existe pas »), son lointain successeur a engagé une démarche d’inspiration « keynésienne » : annonce d’investissements publics massifs, de travaux d’infrastructures, de renflouement financier pour les services publics (notamment pour le système de santé, également la renationalisation d’un réseau de chemins de fer), de relance industrielle et technologique, et de rattrapage pour les régions ouvrières déshéritées, notamment le centre et le nord de l’Angleterre.

Non que l’ancien maire de Londres fût devenu soudain un gauchiste radical, loin de là. Mais il mettait ainsi en œuvre une stratégie électorale visant à conserver les électeurs de ces anciens bastions travaillistes qui s’étaient tournés vers Boris Johnson du fait de sa promesse de réaliser enfin le Brexit. Maintenir dans le camp Tory les électeurs ouvriers et les couches populaires, tel était l’objectif – qui coïncidait sur ce plan avec une perspective de développement du pays désormais libéré de la tutelle bruxelloise.

Sauf que cela était incompatible avec les vues de nombreux dirigeants de son parti. A peine la crise du Covid passée, une fronde a commencé à s’organiser en sourdine, et s’est développée sur fond de crise économique – inflation, hausse vertigineuse des factures d’énergie, chute de croissance – d’ampleur mondiale.

La question du pouvoir d’achat est du reste devenue si cruciale que des grèves importantes se développent depuis juin dans tout le pays, notamment avec la mobilisation massive des cheminots. A noter cependant que la chute de l’immigration liée au Brexit a entraîné un certain manque de main d’œuvre, avec comme conséquence une hausse de nombreux salaires… au grand désespoir du patronat.

Le scandale baptisé « Partygate » a servi de prétexte à l’insurrection de parlementaires du Parti contre leur chef

Dès lors, le scandale baptisé « Partygate » a servi de prétexte à l’insurrection de parlementaires du Parti contre leur chef : ce terme recouvre la révélation que le chef du gouvernement avait laissé ses équipes faire la fête (et y avait lui-même pris part) au moment même où le pays se voyait imposer le confinement. Face à ces accusations, M. Johnson a tenté de se défendre en alignant des excuses maladroites, des demi-vérités et de vrais mensonges. Ultime goutte d’eau : il a cru bon de défendre un de ses amis politiques impliqué dans un scandale de mœurs, avant de devoir rétropédaler.

Pourtant, le 6 juin, le premier ministre croyait encore pouvoir sauver sa peau lorsqu’il remportait une majorité lors d’un vote de défiance dans ses propres rangs. Cependant, même minoritaire, le nombre important de votes en faveur de son départ (149 sur 359) avait amené de nombreux commentateurs à estimer que le chef du gouvernement était fragilisé.

Un constat qui s’est finalement concrétisé lors des deux journées des longs couteaux : les 5 et 6 juillet, ses propres ministres se sont mis à démissionner en nombre, y compris certains de ceux qui venaient d’être nommés la veille par ses soins pour boucher les trous. Avec un mot d’ordre : Boris Johnson n’est plus en situation de mener le parti à une nouvelle victoire lors d’élections prévues pour 2024 au plus tard. Tout cela ne lui laissait guère d’autre choix que d’annoncer sa démission. Il garde cependant la barre jusqu’à ce que soit connu le nom de son successeur.

Les deux finalistes rivalisent de promesses d’esprit thatchérien

Pour l’heure, les deux finalistes rivalisent de promesses d’esprit thatchérien avec un thème obsessionnel : renouer avec les baisses d’impôts et surenchérir sur l’ampleur de celles-ci. Sur ce terrain, censé séduire les adhérents de base, Mme Truss a pris de l’avance et semble largement favorite. Elle pousse même le zèle jusqu’à calquer son attitude et ses goûts vestimentaires sur ceux de Lady Thatcher. M. Sunak, de son côté, promet également de faire chuter la pression fiscale, mais, ancien grand argentier, il se garde de s’engager à très court terme, sachant les besoins des finances publiques.

Quoiqu’il en soit, les besoins collectifs – sociaux et salariaux, notamment – risquent de sortir exsangues d’un tel revirement. Par exemple, Elizabeth Truss a un jour proposé de revoir à la baisse les salaires des fonctionnaires résidant hors de la capitale au motif que le coût de la vie est moindre en province (avant finalement d’abandonner cette idée). C’est peu dire que de telles perspectives achèveraient d’éloigner les électeurs des couches populaires que M. Johnson comptait bichonner.

Ce dernier n’a peut-être pas dit son dernier mot. Une pétition de ses fidèles a circulé pour que son nom soit ajouté à la liste des finalistes. Cette revendication avait très peu de chance de voir le jour, mais, à terme, le locataire sortant de Downig Street ne semble pas décidé à prendre sa retraite. Il a conclu son annonce de démission en s’exclamant : « hasta la vista, baby » (en référence au film Terminator, et qu’on pourrait traduire par « ce n’est qu’un au revoir »). Précédemment, il avait dénoncé les agissements d’une « Etat profond » opposé à sa politique, une référence plus habituelle chez ceux qui mettent en cause les systèmes occidentaux, alors même que M. Johnson n’est évidemment pas anti-OTAN (et menait une orientation très antirusse que promettent d’ailleurs de poursuivre ses successeurs potentiels)

Dans l’immédiat cependant, le Royaume-Uni va probablement engager un nouveau cours en politique intérieure qui va décevoir, voire désespérer, les catégories populaires, celles-là même qui avaient voté pour le Brexit.

Ce dernier ne peut pas entraîner automatiquement une politique en faveur du monde du travail. Mais, en se libérant des règles et contraintes de l’UE, il la rend possible… le moment venu.

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L’inutilité de l’Europe démontrée par Macron (éditorial paru dans l’édition du 23 février)

Par : pierre

Éditorial paru dans l’édition du 23/02/2022, soit avant l’entrée des troupes russes en Ukraine

Misère de l’euro-macronisme. On se souvient qu’Emmanuel Macron avait pris ses fonctions au son de l’hymne de l’UE. Cinq ans plus tard, il chante toujours les louanges de l’intégration européenne : pour peu qu’elle soit unie, l’Europe peut assumer un rôle majeur dans le monde – tel est le credo lyrique du maître de l’Elysée, en parfaite harmonie avec le catéchisme bruxellois. Il vient pourtant lui-même de faire la démonstration du contraire dans deux dossiers brûlants et cruciaux.

Le premier concerne sa décision de mettre fin à la présence de soldats français au Mali. L’annonce a certes été mise en scène, le 17 février, en associant partenaires européens et africains. Mais qui doute un instant que c’est à Paris qu’a été prise la décision de « réarticuler » l’opération Barkhane ? Et de sonner le glas, par voie de conséquence, de la mission Takuba qui associait pourtant des forces spéciales d’une dizaine d’Etats européens (Italie, Estonie, Tchéquie, Suède…).

Ce choix contraint laisse évidemment ouverte la question de la lutte contre l’islamisme radical qui n’a cessé de métastaser au Sahel puis en Afrique de l’Ouest. Il constitue en tout cas l’aboutissement d’une dégradation rapide des rapports entre Paris et Bamako, dès lors que l’« aide » armée s’est accompagnée de la persistance (voire du renforcement) de l’arrogance et de l’ingérence. Ce que les pays africains supportent de moins en moins.

La diplomatie française n’a ainsi pas eu de mots assez durs vis-à-vis de la junte malienne arrivée au pouvoir dans la foulée des coups d’Etat d’août 2020 puis de mai 2021. Elle a mis en cause la légitimité des officiers désormais à la tête du pays – qui bénéficient pourtant d’un large soutien populaire – et exigé d’urgence des élections, avec l’appui de Bruxelles qui a fait ce qu’il sait bien faire : imposer de lourdes sanctions, allant jusqu’au blocus du pays. Comment s’étonner dès lors qu’une large partie du peuple malien ait fêté le départ des soldats français ? Ce même rejet des réprimandes infligées par l’ex-puissance coloniale se retrouve au Burkina Faso et en Guinée, où des militaires ont chassé des régimes corrompus ou impuissants.

Et ce n’est certes pas le sommet UE-Union Africaine des 17 et 18 février (dont Ruptures rendra compte dans une prochaine édition) qui aura regagné les bonnes grâces des peuples africains. 150 milliards d’euros d’investissements ont été promis, en déclamant que le lien Europe-Afrique constitue « le grand projet géopolitique des décennies à venir ». Evidemment sous condition de « transparence », de « bonne gouvernance », et d’écologie. Ce qui n’augure pas d’une coopération d’égal à égal.

A Bruxelles, on ne cache pas qu’il s’agit en réalité de faire pièce aux grands projets chinois d’infrastructures (dits « routes de la soie »), et à une présence militaire russe souhaitée par plusieurs capitales africaines. En coulisse se joue aussi une rivalité entre Paris et Berlin dès lors qu’il s’agit d’accéder aux immenses ressources et marchés africains (la chancelière Merkel avait fait plusieurs tournées fructueuses sur le Continent noir, y compris dans le « pré carré » français).

Quand c’est important, l’UE ne peut faire que de la figuration, le cas échéant en aboyant.

Que les Etats reprennent la main lorsque le défi est essentiel, le président français l’a également démontré dans le second cas, la crise ukrainienne. Il s’était ainsi rendu à Moscou en proclamant vouloir être un « faiseur de paix » par le rapprochement des points de vue. Dans ce dossier, l’Union européenne, dont les Etats membres dissimulent difficilement leurs divergences, ne sait qu’ânonner ad nauseam les éléments de langage belliqueux élaborés à Washington. Et personne ne croit sérieusement qu’Emmanuel Macron ait fait le déplacement en tant que « président de l’UE » (ce qu’il n’est nullement, la France coordonne seulement, ce semestre, les travaux des Conseils des ministres des Vingt-sept). Vladimir Poutine l’a reçu, comme il l’a fait pour le chancelier allemand, mais a évidemment snobé le vrai président (permanent) du Conseil européen, Charles Michel. Quand c’est important, l’UE ne peut faire que de la figuration, le cas échéant en aboyant.

Las, le maître de l’Elysée a jugé bon de se concerter mille fois, avant et après son déplacement, avec ses pairs européens ainsi qu’avec l’Oncle Sam, comme s’il redoutait finalement de parler au nom d’une France majeure et indépendante. S’il l’avait fait, peut-être aurait-il réussi avec son hôte une percée diplomatique en faveur de la paix, et évité le camouflet final de Moscou.

N’est pas de Gaulle qui veut.

Pierre Lévy

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La réalisation du documentaire sur le Brexit est lancée !

Par : pierre

En bas de cette page : vidéo annonçant le lancement, avec Stéphane Simon (Front Populaire), Pierre Lévy (Ruptures) et Nicolas Cotto (réalisateur).

Bravo et merci à tous ceux qui ont contribué au financement du projet de documentaire sur le Brexit !

Vous avez été plus de 1100 à le faire, ce qui n’est pas rien. Et vous avez permis de collecter presque 42 000 euros, ce qui est remarquable. A fortiori dans un contexte international angoissant.

Nous avions estimé que 50 000 euros étaient nécessaires pour la réalisation de ce film. Ce budget prévisionnel n’est pas surévalué : il permet d’assurer une qualité professionnelle au projet.

Finalement, la somme récoltée dépasse les 80% de l’objectif. Dans ces conditions, il serait particulièrement dommage de renoncer. Moyennant quelques possibles ajustements budgétaires, les deux parrains du projet, Front Populaire et Ruptures, ont estimé que le lancement était possible.

C’est donc parti, désormais ! Les premiers repérages démarrent. Le tournage sera réalisé au printemps. Et le montage, cet été. Avec en ligne de mire une soirée exceptionnelle, le 20 septembre prochain, où le film sera présenté en avant-première aux contributeurs – en salle à Paris, ainsi qu’à distance.

Merci encore… et à très bientôt !

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L’UE défiée… (éditorial paru dans l’édition du 26 octobre)

Par : pierre

Consternation. Angoisse. Hystérie. Telle est la palette de sentiments par laquelle est passée la bulle bruxello-strasbourgeoise après le verdict explosif que le tribunal constitutionnel polonais a rendu le 7 octobre. Ce dernier a affirmé la supériorité de la constitution nationale sur le droit de l’UE. Une attaque contre « les fondements » de l’ordre européen, a tonné la présidente de la Commission. L’europarlement n’a pas été en reste. « Vous défiez l’Union européenne, nous ne vous laisserons pas faire ! » a même surenchéri le porte-parole de La France Insoumise (qui mériterait pour l’occasion d’être renommée FSB, France soumise à Bruxelles…), jouant ainsi les chiens de garde de l’idéologie européiste. Et lors du Conseil européen du 21 octobre, de nombreux dirigeants, à l’instar d’Emmanuel Macron, ont exprimé leur fureur. Seule, Angela Merkel a tenté de calmer le jeu, consciente qu’un affrontement avec Varsovie menait sur des pentes dangereuses pour l’Union européenne.

Car la Cour polonaise a raison : la supériorité du droit européen n’est inscrite dans aucun traité. Seule une jurisprudence de la Cour de justice européenne l’a instituée, et cette interprétation ne tient que parce qu’aucun gouvernement ne l’a jamais contestée. En l’espèce, Varsovie fait valoir que si les pays ont consenti à des transferts de souveraineté dans certains domaines (l’économie, par exemple), l’organisation du système judiciaire interne – centre du conflit en cours avec Bruxelles – reste une prérogative nationale.

Mais si la Commission a juridiquement tort, elle a politiquement raison. Car la position polonaise remet en cause l’essence même de l’intégration européenne : si un pays affirme pouvoir décider en dernier ressort face aux institutions communautaires, à quoi bon faire l’Europe ? Celle-ci a précisément été conçue comme un verrou contre le libre choix des peuples… C’est ce qu’ont bien compris nombre de dirigeants européens, qui alertent contre la fin programmée de l’UE si on accepte le précédent créé par la Pologne et qui a été immédiatement soutenu par la Hongrie.

D’autant que l’arrêt polonais ne vient nullement dans un ciel serein. Déjà en 2020, la Cour constitutionnelle allemande avait rendu un arrêt remettant en cause la primauté de la Cour de justice européenne : les juges de Karlsruhe avaient sommé la Banque centrale allemande et le gouvernement fédéral de se soumettre à son autorité et non à celle de Luxembourg. Le coup de tonnerre avait été énorme. Et même hors UE, des signaux s’allument : en Norvège, le parti du centre (attaché à la décentralisation), partenaire junior de la coalition qui s’installe au pouvoir, vient d’affirmer qu’il faudrait sortir du marché unique. Au printemps dernier, la Suisse avait rompu les très longues discussions avec Bruxelles qui prétendait lui imposer un carcan comparable à celui des Etats membres.

Si un pays affirme pouvoir décider en dernier ressort face aux institutions communautaires, à quoi bon faire l’Europe ?

Au sein de l’Union, des voix plus nombreuses mettent en cause la légitimité du dernier mot que Bruxelles s’attribue au nom des « valeurs européennes ». Au point de déclencher l’inquiétude du Monde qui s’indignait récemment (06/10/21) de cette épidémie en France : « il est devenu de la dernière mode d’en appeler à des référendums constitutionnels (…) pour contester l’influence des juridictions européennes sur le droit français ».

La chroniqueuse du quotidien épinglait Arnaud Montebourg, coupable de faire campagne pour que le Parlement français « exprime en dernier ressort la souveraineté nationale » ; et plus encore le pourtant très europhile Michel Barnier, qui a appelé à un « bouclier constitutionnel » national (en matière de migrations) afin de mettre le pays à l’abri des jugements de la CJUE. Celui qui a été commissaire européen pendant dix ans n’est évidemment pas devenu souverainiste. Mais visant l’Elysée, il tente de capter le sentiment populaire, et alerte les siens en se prévalant de son expérience de négociateur du Brexit : la décision du peuple britannique, martèle-t-il, n’était pas un accident, et pourrait bien se reproduire ailleurs si on continue d’être sourd aux aspirations des peuples. Au même moment, le quotidien britannique The Telegraph suggère que, plutôt que d’avoir négocié avec Bruxelles une sortie sur la base de l’article 50, Londres aurait peut-être pu choisir de simplement refuser d’appliquer le droit européen…

Alors, sortir de l’UE, ou décréter la supériorité du droit national ? C’est en réalité la même question. Et la deuxième formulation pourrait bien être encore plus rassembleuse.

Pierre Lévy

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Le vertige de Bernard Guetta (éditorial paru dans l’édition du 28/09/21)

Par : pierre

Désastre. Débâcle. Fiasco. Les dirigeants et commentateurs occidentaux eux-mêmes expriment leur sidération face au séisme qu’a représenté la prise de Kaboul par les Taliban, le 15 août dernier, alors même que les soldats de l’OTAN n’avaient pas encore remballé leur paquetage.

Certes, après deux décennies de guerre, l’arrivée des « étudiants en religion » aux manettes du pays ne dessine pas nécessairement un avenir enviable pour les Afghans – et particulièrement pour les Afghanes. Mais c’est à eux, et à eux seuls, de décider de celui-ci.

Cela rappelé, il n’est pas interdit de se réjouir de la déroute américaine, car c’est bien de Washington que la funeste aventure avait été déclenchée il y a vingt ans tout juste. L’arrogante Amérique, qui un temps rêva d’imposer au monde son hégémonie, a offert un spectacle surréaliste : elle a imploré ses anciens ennemis en haillons de lui laisser déployer son ultime logistique de retrait… Surtout, Joseph Biden l’a martelé : les Etats-Unis n’ambitionnent plus, désormais, de guerroyer partout sur la planète en prétendant « construire des nations », c’est-à-dire mettre en place des régimes à leur botte. Ils n’interviendront plus, selon la Maison-Blanche, que pour défendre leurs propres intérêts vitaux. Certes, une telle promesse ne tiendra sans doute pas pour l’éternité.

Les dirigeants de pays qui se fiaient au « parapluie américain » sont pris de court, notamment les Européens, mis devant le fait accompli

Reste que les dirigeants de pays qui croyaient pouvoir se fier au « parapluie américain » sont pris de court. A commencer par les Européens, qui ont été mis devant le fait accompli : ni le principe ni même les modalités du retour des soldats de l’OTAN ne leur ont été soumis, alors même qu’ils avaient des troupes sur le terrain. Les plus atlantistes – Berlin, Londres, Copenhague et quelques autres – sont les plus humiliés. Cerise sur le gâteau : la « trahison » a certes été enclenchée en 2020 par Donald Trump, mais c’est bien son successeur démocrate qui l’a mise en oeuvre, quelques mois seulement après que la victoire de ce dernier eut été saluée par les dirigeants enthousiastes de l’UE comme un immense soulagement. Il est vrai que la continuité à la Maison-Blanche, d’apparence paradoxale, est claire : Washington entend désormais concentrer son énergie et ses forces contre le rival d’aujourd’hui et plus encore de demain : la Chine.

Face à ce lâchage spectaculaire « le monde (le sien, en réalité) est pris de vertige », s’affolait fin août l’eurodéputé macroniste Bernard Guetta. Et l’ex-chroniqueur géopolitique du service public de s’angoisser : « il n’y a plus de parapluie, plus de protection assurée, plus d’alliances en béton ». Ainsi, poursuit-il, les Etats-Unis pourraient rester de marbre « au cas où Vladimir Poutine marcherait sur Kiev », voire « s’il engageait ses mercenaires dans les Balkans, se manifestait plus encore dans la zone baltique, en Libye et en Afrique subsaharienne ». C’est tout juste s’il ne cite pas les cosaques défilant sur les Champs-Élysées.

Dès lors, conclut au clairon Bernard Guetta, « il n’y a plus une seconde à perdre » pour pousser l’intégration militaire de l’Union européenne, en particulier « développer en commun les armes du futur et nous préparer ensemble aux nouvelles batailles, spatiales et numériques ». Et comme le hasard fait bien les choses, le renforcement d’une « défense européenne » était justement au menu des Vingt-sept début septembre, une réunion ministérielle où fut notamment évoqué le projet d’une force d’intervention rapide de l’UE de 5 000 hommes, dite de première entrée.

Obsédé par son envie d’exister au niveau mondial, Bruxelles tire donc de la catastrophe afghane – après deux décennies de tutelle occidentale, la moitié des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition – une conclusion affligeante : il faut plus d’Europe militaire. Sauf que cette trouvaille mille fois fantasmée, tout particulièrement par le maître de l’Elysée, n’a pas tardé à provoquer de nouveaux affrontements au sein des Vingt-sept. Pire : la « solidarité » européenne que Paris attendait après la gifle du contrat de vente de sous-marins à l’Australie, cassé par la volonté américaine, a été fort discrète, preuve qu’à Berlin notamment, le lien transatlantique demeure prioritaire.

Et à supposer qu’un improbable consensus soit trouvé, il restera à convaincre les peuples que l’urgence est à multiplier les interventions extérieures sous la bannière bleu-étoilée. Et ce, après que les solutions militaires eurent fait les miracles que l’on sait en Asie centrale, mais aussi au Sahel ou au Moyen-Orient.

Bon courage !

Pierre Lévy

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