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Comment l’UE dézingue l’industrie… (vidéo)

Par : pierre

L’industrie, c’est vital. Même Macron le proclame aujourd’hui… Mais depuis des décennies, la logique européenne provoque une longue suite de Waterloo industriels – des machines-outils à la sidérurgie, du textile au scandale Alstom.

Longtemps, le libéralisme de Bruxelles a encouragé les délocalisations. Et il fut un temps où les patrons français préconisaient une « économie sans usines ». Depuis quelques années, un autre angle vient justifier la casse : l’impératif « écologique », au nom duquel, par exemple, les voitures neuves à moteur thermique seront interdites à la vente – une catastrophe annoncée.

Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, s’est spécialisé dans l’analyse des grands dossiers industriels. Il débat avec Pierre Lévy, qui souligne pour sa part la responsabilité de l’UE.

Visionner la première partie en accès libre.

Dans la seconde partie (réservée aux abonnés), les deux interlocuteurs pointent les enjeux géopolitiques – notamment l’affrontement Etats-Unis / Chine.

NB : Fin mai, le prochain invité sera Marc Fontecave, professeur au Collège de France, spécialiste des questions de l’énergie. Il sera notamment question des besoins futurs en énergie, des risques de la décroissance, du nucléaire, des renouvelables…

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Un documentaire événement sur le Brexit ? Contribuez vite à son financement !

Par : pierre

Ruptures et Front Populaire projettent de co-produire un documentaire-événement : « le Brexit vu du peuple ». Pour que celui-ci voie le jour, une cagnotte est mise en place (en bas de cette page, elle est à votre disposition), qui devra recueillir 50 000 euros d’ici mi-janvier. Nous avons besoin de vous : votre versement au plus tôt financera sa réalisation et alimentera la dynamique !

Un projet tout à la fois inédit et ambitieux est lancé : la production d’un documentaire sur le Brexit.

Ou plus précisément la co-production, puisque Ruptures s’associe pour ce faire à Front Populaire, la revue trimestrielle cofondée par notamment Michel Onfray et Stéphane Simon.

Deux raisons à cette initiative hors norme. La première tient à l’extraordinaire portée de l’événement lui-même, l’un des plus important depuis la seconde guerre mondiale : pour la première fois de son histoire, un pays décidait, via un référendum populaire, de quitter l’Union européenne. Une première, mais sans doute pas une dernière…

Ruptures a, depuis 2016 – et même avant – informé, analysé et décortiqué mois après mois le processus qui a abouti à l’heureux et légitime dénouement du 31 janvier 2020, malgré l’incroyable suite d’obstacles et d’embûches que n’ont cessé de dresser les élites anti-Brexit tant britanniques que continentales. Notre mensuel a continûment et précisément rendu compte de ce que d’aucuns ont comparé à une tragédie shakespearienne ; et il fut l’un des seuls médias qui n’a cessé d’expliquer pourquoi le Brexit aurait bien lieu.

La seconde raison est inextricablement liée à la première : les grands médias ont, de la campagne pré référendaire au dénouement final, systématiquement décrit la perspective de quitter l’Union comme un horrible chemin de tortures ne pouvant déboucher que sur l’apocalypse. Et l’idéologie dominante continue sur cette lancée, de Michel Barnier (l’ex-négociateur du Brexit pour Bruxelles) à la direction confédérale de la CGT, des partis s’auto-proclamant de la « gauche radicale » jusqu’aux Républicains, d’Emmanuel Macron à Nicolas Sarkozy en passant par François Hollande.

Les quelques documentaires traitant de ce thème l’ont tous abordé du seul point de vue des partisans de l’intégration européenne. Il est de salubrité publique qu’un film, enfin, raconte « le Brexit vu du peuple » (britannique), plus précisément du point de vue de la majorité qui s’est prononcée pour que le pays récupère sa souveraineté.

Des « Anglais ordinaires » pourront enfin expliquer leur choix, ce qu’ils en attendent, ce qu’ils en constatent déjà, les difficultés et les espoirs.

C’est dans cet état d’esprit que nos deux journaux associés ont sollicité un cinéaste expérimenté et reconnu, Nicolas Cotto, pour réaliser une telle œuvre, selon le format de 52 minutes. Ce film verrait le jour au printemps 2022.

« Verrait », car, pour que ce projet prenne vie, il faut lui assurer un financement permettant une réalisation professionnelle. Ce ne sont ni les chaînes de service public, ni les groupes télévisuels privés qui achèteront un tel documentaire…

Nous avons donc besoin de vous ! Pour ce faire, une « cagnotte » est mise en place. Elle devra atteindre la barre des 50 000 euros d’ici le 15 janvier afin que la réalisation puisse démarrer. Si cet objectif n’était pas atteint, les sommes versées seront intégralement remboursées.

Nous vous invitons donc à verser votre contribution. Celle-ci peut aller de 5 euros (les petits ruisseaux…) pour ceux qui connaissent des difficultés financières, à 1 000 euros (ou plus…) pour ceux qui en ont les moyens. Et entre ces montants, le spectre est large : 20, 30, 50 ou 100 euros…

C’est grâce à vous que pourra être réalisé et diffusé un documentaire grand public montrant enfin le Brexit sous un jour différent du catastrophisme dominant !

* Sur le plan pratique, la cagnotte est hébergée par le site de Front populaire : il vous suffit de cliquer pour apporter votre contribution.

* Pour ceux qui préfèreraient verser par chèque, il est possible d’adresser le règlement à l’ordre de l’AEBRN et de l’expédier par la poste à AEBRN-Ruptures – 8 rue du Faubourg-Poissonnière – 75010 PARIS. Merci de bien préciser dans un mot d’accompagnement que votre versement est destiné à la cagnotte.

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Allemagne : victoire surprise des amis d’Angela Merkel aux élections régionales de Saxe-Anhalt

Par : pierre

Les électeurs du Land allemand de Saxe-Anhalt (centre est du pays) renouvelaient leur parlement régional le 6 juin. C’était l’ultime scrutin avant les élections générales de septembre prochain, après les deux tests de mars dernier, en Rhénanie-Palatinat et au Bade-Wurtemberg (cf. Ruptures du 29/03/21).

Les résultats dans ces deux Länder de l’Ouest avaient été marqués par une chute significative de la participation, et une baisse du parti d’Angela Merkel (l’Union chrétienne-démocrate, CDU), une tendance marquée depuis plusieurs années. En revanche, les électeurs de Saxe-Anhalt – un Land issu de l’ex-RDA, qui compte 2,2 millions d’habitants – ont voté quasiment aussi nombreux (60,3%) qu’au précédent scrutin de 2016 (61,1%). Surtout, ils ont créé la surprise en accordant à la CDU 37,1% des suffrages (46% chez les plus de 60 ans), soit + 7,4 points par rapport à il y cinq ans. Pour ce parti, une divine surprise que les sondeurs n’avaient pas vu venir.

Citoyens de deuxième classe

La formation qui perd le plus est Die Linke, souvent classée « gauche radicale », qui doit cette fois se contenter de 11%, soit – 5,3 points. En 2011 encore, cette formation, historiquement issue d’anciens du parti dirigeant de la RDA, puis rejointe par des syndicalistes de gauche, obtenait 23,7%. C’était l’époque où ce parti était considéré comme défendant les intérêts des habitants de l’Est, qui sont toujours plus de 60% à se sentir traités comme des citoyens de deuxième classe. Depuis cependant, Die Linke a opéré une profonde mutation, chevauchant des thèmes « sociétaux » (environnement, genre…) recopiés des Verts. Une évolution qui explique très probablement ses déconvenues dans les différentes élections.

Les Verts, justement, traditionnellement moins implantés dans les Länder de l’Est, doivent se contenter de 5,9%. Cette progression très modeste (+0,8%) est bien éloignée de la « vague verte » (qui semble également en recul dans les sondages nationaux récents, 22% contre 26% il y a quelques mois). Les dirigeants écolos n’ont pas caché leur déception. Quelques couacs ont pu contribuer à ce résultat, comme leur proposition ultra-atlantiste de fournir des armes létales à l’Ukraine – une suggestion qui avait de quoi choquer de nombreux anciens citoyens de la RDA ; de même, l’idée d’augmenter le prix des carburants de 16 centimes a heurté, surtout dans un Land où 75% des sondés considèrent qu’« il existe des problèmes bien plus importants que le changement climatique ». Les Länder de l’Est sont parmi les plus touchés par la fermeture programmée des mines de charbon (lignite).

Les sociaux-démocrates (SPD) poursuivent leur descente aux enfers constatée un peu partout : avec 8,4% des voix, ils baissent de 2,2 points. A l’évidence, le SPD, qui est associé avec la CDU et la CSU au sein de la « grande coalition » mais ne cesse de critiquer celle-ci, semble de plus en plus inaudible.

Les Libéraux du FDP, réussissent, avec 6,4% (+1,6 point) leur retour au sein de l’hémicycle régional. Mais c’était surtout le score de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne, souvent classée à l’extrême droite) qui était attendu. Avec 20,8% (dont 26% chez les ouvriers, et 28% chez les 30-44 ans), elle recule de 3,4 points par rapport à 2016, une déception pour ses dirigeants, qui avaient un temps espéré arriver en première position.

Elle reste cependant en deuxième place, en gardant, de l’avis de la plupart des commentateurs qui lui sont pourtant peu favorables, un fort potentiel électoral. Dans les autres Länder de l’Est qui avaient connu des régionales en 2019, elle avait notablement progressé, mais le point de comparaison était 2014, soit un an avant la vague migratoire massive sur laquelle l’AfD avait surfé. En Saxe-Anhalt en revanche, la comparaison est faite avec 2016, une année où ce thème était dans l’actualité brûlante, et où l’AfD était à son zénith. Son présent résultat dans ce Land est en progrès par rapport à celui obtenu ici même lors des élections générales de 2017 (19,7%).

La culture politique des citoyens de l’ex-RDA reste insoluble dans celle de la République fédérale, trois décennies après le rattachement de la première à la seconde

Outre la dénonciation de l’immigration, un thème aujourd’hui passé au second plan (mais qui pourrait réapparaître cet été), l’AfD avait attaqué les mesures sanitaires jugées trop drastiques (la « corona-dictature »). Sur le plan national, les partisans de la sortie de l’UE se sont par ailleurs imposés lors du dernier congrès. L’élément le plus déterminant semble cependant la capacité du parti à se poser en défenseur de l’identité politique et culturelle de l’Allemagne de l’Est, au fur et mesure que Die Linke abandonnait de fait ce statut.

Paradoxalement, c’est sans doute aussi cet attachement identitaire qui a le plus contribué au succès de la CDU de Saxe-Anhalt. Tout en refusant par avance toute alliance avec l’AfD, le ministre président sortant, Reiner Haseloff, n’avait pas caché, ces dernière années, ses critiques envers ses camarades au pouvoir à Berlin : un accueil trop généreux des réfugiés, une politique d’Angela Merkel trop stricte en matière sanitaire, et trop « centriste » sur le plan sociétal. Les analystes soulignent également sa forte popularité personnelle dans son Land. Avec désormais six partis représentés à Magdebourg (la capitale régionale), il peut reconduire sa coalition sortante avec les sociaux-démocrates et les Verts, ou bien faire rentrer le FDP dans le jeu.

Mais toute leçon du vote du 6 juin en vue des élections nationales de septembre est à tirer avec grande prudence. Armin Laschet, le candidat chancelier de la CDU qui vise à succéder à Angela Merkel, voit cependant sa campagne bénéficier d’un coup de pouce, alors qu’elle avait commencé de manière calamiteuse.

Quoiqu’il en soit, la culture politique des citoyens de l’ex-RDA reste insoluble dans celle de la République fédérale, trois décennies après le rattachement de la première à la seconde, au-delà même des inégalités économiques et sociales.

C’est du reste ce qu’avait exprimé en mai, à sa manière, le délégué gouvernemental chargé de l’Est. Marco Wandersitz – un homme de l’Ouest – n’avait pas hésité à affirmer que beaucoup de citoyens des nouveaux Länder ayant été « socialisés dans une dictature, un large part des électeurs sont hélas perdus pour la démocratie ». La chancelière avait immédiatement exprimé son désaccord avec son camarade de parti. Mais ce dernier n’avait fait que dévoiler l’état d’esprit des élites restées ouest-allemandes, à l’exception de Mme Merkel elle-même.

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Retour sur le Russiagate : 98 % des médias français ont été conspirationnistes

Par : laurent

Ce travail est chaleureusement dédié à Aaron Maté, Glenn Greenwald, Robert Parry (†), Julian Assange, Max Blumenthal, Stephen Cohen, Caitlin Johnstone, Matt Taibbi, Chris Hedges, Jimmy Dore et à tous les autres journalistes et commentateurs qui ont correctement informé sur le Russiagate malgré la marginalisation, les pressions et les calomnies (voir cette liste des valeureux sceptiques anglo-saxons).

Le Russiagate, dont la thèse centrale était l’existence d’une collusion entre Moscou et l’équipe de Donald Trump pour favoriser l’élection de celui-ci à la présidence des États-Unis, a subi une débâcle flagrante lors de la remise du rapport Mueller en mars 2019. Dénuée de toute preuve, cette théorie du complot fait pourtant régulièrement l’objet de tentatives de réanimation par différentes forces traumatisées par la défaite d’Hillary Clinton. Les médias ayant joué un rôle essentiel dans la production de ce mauvais feuilleton d’espionnage – aux conséquences néfastes bien réelles –, il n’est pas inutile de revenir sur le traitement de l’affaire en France. Sur les 56 médias de premier plan que nous avons examinés, dont certains font bruyamment profession d’« indépendance », comme Mediapart ou Le Canard enchaîné, un seul ne s’est pas vautré dans le conspirationnisme : Le Monde diplomatique.

Après sa déroute, le Russiagate a rapidement été remplacé, ou plutôt prolongé, par un autre récit sensationnel qui tournera lui aussi au fiasco, l’Ukrainegate. Les commentateurs et médias dominants (et parfois moins dominants…), nullement ébranlés par leur fourvoiement manifeste, continuent de servir de caisse de résonance docile aux multiples allégations d’« ingérence russe ». Une telle obstination irrationnelle signe la propagande, on peut même légitimement parler de russophobie. C’est parce que les médias refusent de reconnaître leurs erreurs et d’en tirer les enseignements appropriés qu’il est nécessaire de bien prendre la mesure du délire conspirationniste dans lequel ils se sont complu.

Il faut donc se souvenir que la thèse clintonienne d’une collusion entre l’équipe Trump et Moscou en vue de faire élire l’homme d’affaires à la présidence des États-Unis en novembre 2016 a été très favorablement relayée dans les médias occidentaux pendant deux ans et demi. C’est-à-dire qu’elle a occupé le devant de la scène durant la majeure partie du mandat de Donald Trump.

À la remorque de leurs homologues d’outre-Atlantique, les principaux acteurs français de la presse, de la télévision et de la radio, mais aussi la plupart des organes dits indépendants ou alternatifs, ont ainsi donné de l’importance et du crédit à la plus grande théorie du complot officielle depuis la fable criminelle sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein. Nous présentons ci-dessous les preuves de cette quasi-unanimité (98 % des médias dans l’échantillon large et représentatif que nous avons retenu).

Conspirationnisme mainstream

Bien qu’incapables de fournir la moindre preuve, les médias ont choisi de croire – et surtout de faire croire – à ce « Russiagate », un nom faisant référence au scandale du Watergate qui avait abouti à la démission du président Richard Nixon. S’ils se sont acharnés à donner vie à cette conspiration en essayant de faire passer les allégations les plus abracadabrantes pour de solides éléments à charge, c’est principalement sous l’effet grisant d’une double détestation : celle de la Russie (personnifiée par son maître maléfique, Vladimir Poutine) et celle de Trump. La victoire « impensable » de ce dernier face à Hillary Clinton, la championne des élites libérales-atlantistes, devait être contestée d’une façon ou d’une autre ; c’était moins pénible que de s’astreindre à réfléchir aux raisons véritables de la défaite.

Sans originalité, l’amertume du camp otanien a pris la forme d’une accusation du grand méchant ours russe, une incrimination reprise en France y compris par des médias se réclamant – certes plutôt timidement – de positions moins alignées sur l’impérialisme washingtonien (Mediapart, Le Canard enchaîné, Marianne, L’Humanité, Politis). Comme il y a des alter-européistes, il y a des alter-impérialistes ; ce sont d’ailleurs souvent les mêmes.

Il n’était nullement nécessaire d’être bien disposé à l’égard de la ligne politique de Moscou ou de celle (moins claire…) de Donald Trump pour être capable de s’apercevoir que les innombrables adeptes du Russiagate ont fait preuve d’un manque de prudence et de discernement stupéfiant. Il suffisait d’être sensible à la vraisemblance du scénario et attentif aux faits, ou plutôt… à leur absence.

Le paroxysme du n’importe quoi a été atteint avec la médiatisation abondante du « dossier Steele », qui postulait notamment l’existence d’une vidéo dans laquelle on verrait Donald Trump en train de contempler des prostituées soulageant leur vessie sur le lit de la chambre du Ritz-Carlton de Moscou que les époux Obama avaient occupée lors d’une visite présidentielle. Ce « kompromat » obtenu par le FSB permettrait à Voldemort Poutine de faire chanter l’homme d’affaires… Le dossier, un grotesque tissu de rumeurs et de fake news, avait été concocté par un ancien agent du renseignement britannique pour le compte d’un prestataire du Comité national démocrate (DNC – l’organisme qui dirige le Parti démocrate) et du comité de campagne officiel d’Hillary Clinton. Une source on ne peut plus fiable donc.

Aux États-Unis comme en France, les personnes qui exprimaient publiquement des doutes sur la crédibilité du récit dominant étaient volontiers dépeintes en thuriféraires du président américain ou de son homologue russe, voire des deux. Avec ceux qui ont un faible plus ou moins assumé pour l’Otan, l’intimidation et l’ostracisation remplacent souvent l’argumentation. Le débat est rendu délibérément impossible en assimilant toute critique de la ligne euro-atlantiste à un soutien aux « dictateurs » et autres « populistes illibéraux ». C’est l’application d’une méthode simpliste courante en propagande de guerre, généralement cuirassée d’un alibi humanitaire : « Si vous êtes contre un changement de régime par la force en Irak/Libye/Syrie/etc., c’est que vous êtes du côté du boucher Saddam/Kadhafi/Bachar/etc. »

L’irresponsabilité des Russiagâteux

Si tous les médias français n’ont pas défendu la thèse de la collusion avec le même zèle, les comptes rendus et commentaires partaient toujours du principe que celle-ci était crédible et que des éléments probants plaidaient en sa faveur (précisons que la préférence compréhensible de Moscou pour le candidat Trump – compte tenu de l’hostilité anti-russe affichée d’Hillary Clinton – ne constitue évidemment pas en soi une preuve d’entente). Les tournures conservant l’apparence du doute masquaient mal une adhésion préférentielle à la théorie du complot. La rationalité avait une fois encore déserté toutes les rédactions. Toutes sauf celle du Monde diplomatique (et dans une bien moindre mesure celle d’Atlantico), qui parlera de « Tchernobyl médiatique » lors de l’explosion en plein vol du Russiagate.

À chaque fois qu’il y avait un rebondissement dans « l’affaire » – et il y en eut beaucoup –, que les spéculations allaient bon train sur les « avancées » de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, le bourrage de crâne reprenait de plus belle. « Ingérence russe », « collusion avec la Russie », « liens troubles », « relations ambiguës »… Ce récit jamesbondesque à base de machiavélisme poutinien a libéré la parole conspirationniste dominante et permis de multiplier les procès à charge contre Moscou, accusé de vouloir saper à la chaîne les bienveillantes « démocraties libérales ».

En effet, si la Russie a manipulé l’élection présidentielle américaine, alors pourquoi pas le référendum sur le Brexit, la campagne présidentielle française, le référendum catalan, le mouvement des Gilets jaunes, les élections européennes, les élections générales britanniques, etc., etc. ? Dernièrement, on nous a dit que, « selon des sources du renseignement », Moscou payait des talibans pour qu’ils tuent des soldats américains et que des hackers russes essayaient de voler des données sur un vaccin pour la Covid-19. Il n’y a pas de fumée sans feu. C’est pourquoi il faut produire beaucoup de fumée. Et donc relayer servilement les opérations d’intoxication mitonnées par les services de renseignement occidentaux.

Les propagateurs de ces multiples scoops tonitruants devraient s’enquérir de la moralité de la fable d’Ésope appelée « Le Berger mauvais plaisant », plus connue sous le titre « Le Garçon qui criait au loup »…

Au lieu de se montrer soucieux de la vérité et des faits, de tempérer leur agressivité systématique à l’égard de la deuxième puissance nucléaire mondiale, les médias ont endossé le paradigme belliciste de la « menace russe ». Ce climat hostile a facilité, entre autres mesures antagoniques, l’intensification de l’odieuse politique de sanctions contre la Russie, le retrait états-unien de plusieurs traités internationaux de contrôle des armes, le renvoi de diplomates russes et l’opposition au projet de gazoduc Nord Stream 2 soutenu par Moscou. Quant à l’Otan, qualifiée d’« obsolète » par Donald Trump pendant sa campagne, elle est redevenue selon lui pertinente peu de temps après son élection, et même « un rempart pour la paix et la sécurité internationales » (voir notre article sur ce revirement). La « marionnette Trump » semble moyennement sous le contrôle du maître du Kremlin…

La campagne permanente de dénigrement anti-russe travaille l’opinion publique afin qu’elle consente à la hargne occidentale, en premier lieu à l’égard de Moscou, mais aussi des autres « ennemis » du bloc euro-atlantique (Chine, Iran, Syrie, Venezuela, etc.). Il s’agit ultimement de justifier un prétendu « droit d’ingérence ». Les médias sont en grande partie responsables de cette mentalité obsidionale qui tente de légitimer des comportements de brute et la pratique routinière du deux poids, deux mesures. Ce ne sont pas seulement les usages diplomatiques, l’esprit de concorde, voire le droit international qui sont piétinés, mais aussi plus fondamentalement les valeurs de vérité et de justice.

Les journalistes sont-ils conscients que la russophobie paranoïaque et le climat de guerre froide qu’ils nous imposent empoisonnent les relations internationales et font courir de graves risques à la paix dans le monde ? Non seulement les médias ne favorisent pas la désescalade, mais ils la combattent âprement.

Aaron Maté, l’expert proscrit

Deux ans et demi d’intense propagande conspirationniste donc, et puis… le verdict est tombé avec la remise du rapport Mueller : la « théorie du complot » selon laquelle « Donald Trump ou ses équipes auraient conspiré avec les Russes pour voler la présidentielle américaine » est une « illusion » (Wall Street Journal, 24 mars 2019). Une conclusion confirmée par la publication du rapport complet. À ceux qui douteraient encore du caractère tout à fait vide du dossier, nous recommandons la lecture des articles de celui qui est probablement le meilleur spécialiste au monde du Russiagate, le journaliste Aaron Maté, qui travaille désormais pour l’excellent site The Grayzone.

Ses textes, très étayés et rigoureux, sont malheureusement peu accessibles en français. Toutefois, Le Monde diplomatique en a traduit trois : « Ingérence russe, de l’obsession à la paranoïa », « Comment le “Russiagate” aveugle les démocrates » et « Un cadeau des démocrates à Donald Trump » (nous avons déjà indiqué plus haut un quatrième article d’Aaron Maté paru dans le mensuel, celui sur l’Ukrainegate). Et le site Les Crises a publié celui-ci : « Repose en Paix, Russiagate ».

Pour les lecteurs qui maîtrisent la langue de Steinbeck, il est indispensable de prendre connaissance de cette analyse approfondie du rapport Mueller. Aaron Maté y réfute également les allégations centrales du volet informatique de l’accusation d’ingérence russe dans l’élection américaine de 2016, à savoir d’une part le piratage des serveurs du DNC (voir aussi cet article plus récent) et de la messagerie électronique de John Podesta – le directeur de campagne d’Hillary Clinton –, et d’autre part les opérations menées par des « bots russes » sur les réseaux sociaux afin d’influencer les électeurs américains (pour en savoir plus sur le second point, lire cet autre texte).

Il est édifiant de constater que le journaliste le plus compétent sur le Russiagate a été complètement marginalisé, quand il n’était pas harcelé sur les réseaux sociaux ou attaqué avec virulence par des personnes occupant des positions professionnelles plus confortables, y compris d’anciens collègues. Aux États-Unis, Aaron Maté a vu ses espaces d’expression se réduire à cause de la lucidité dont il a fait preuve ; il a été (et reste) quasiment banni de l’univers mainstream. En France, parmi la cinquantaine de médias connus que nous avons observés, seul Le Monde diplomatique s’est intéressé à son travail ; son nom n’a pas même été mentionné par les autres (sauf une unique fois dans cet article malhonnête de Slate éreintant Glenn Greenwald, « tellement critique de la couverture médiatique sur l’ingérence russe que son discours ressemble à celui de Donald Trump »…).

Les chauffards du journalisme

Le Russiagate a fait chou blanc mais, sans surprise, les médias et commentateurs installés n’ont nullement fait amende honorable et reconnu qu’ils avaient massivement intoxiqué leurs publics, s’alignant ainsi sur les objectifs géostratégiques des faucons de Washington – qui dominent aussi le Parti démocrate – et des services de renseignement occidentaux. Ils auraient pourtant eu intérêt à admettre leur égarement pour enrayer la spirale du discrédit dans laquelle ils sont pris. Mais rien n’indique pour l’instant qu’ils se soient résolus à pratiquer un journalisme honnête et rigoureux.

En diffusant avec délectation une théorie du complot accablante pour Donald Trump, les médias dissimulaient à peine leur souhait de le voir destitué ; il en fut de même ensuite avec l’Ukrainegate et la procédure formelle en ce sens. Résultat : en l’accusant à tort de façon aussi outrée, en orchestrant une chasse aux sorcières de type maccarthyste, ils ont renforcé le président honni et l’ont en partie immunisé contre les critiques légitimes – qui ne manquent pas –, ce qui l’a positionné avantageusement pour un second mandat (depuis, sa gestion de la crise du coronavirus a beaucoup fragilisé cette configuration favorable).

Par contre, les perroquets otanophiles sont parvenus à leurs fins sur un autre plan : ils ont empêché tout apaisement entre les États-Unis (et leurs vassaux) et la Russie. Le parti de la guerre continue de mener la danse. On peut d’ailleurs se demander si le Russiagate n’avait pas pour but premier, dans l’esprit de ses instigateurs, de contrecarrer le non-interventionnisme, l’obsolescence de l’Otan et le rapprochement américano-russe sur lesquels Donald Trump avait fait campagne (la sincérité de ces positions est une autre question).

Ce sinistre feuilleton était une façon pour les adorateurs du Pentagone de réaffirmer leurs fondamentaux : exceptionnalisme états-unien, hégémonie mondiale et impérialisme humanitaire. La vaste campagne anti-russe favorise également une restriction de la liberté d’expression et un contrôle de plus en plus strict d’Internet. De tout cela, les médias sont activement complices.

98 %, vraiment ? – Oui.

Nous présentons ci-dessous des captures d’écran effectuées sur les versions en ligne des principaux médias d’information permettant de se faire une idée de leur traitement du Russiagate et plus globalement du dossier des « ingérences russes » dans l’élection de 2016 (Le Canard enchaîné n’ayant pas de formule numérique, nous utilisons pour ce titre des reproductions réalisées à partir des archives sur microfilms). Au nombre de dix au maximum, les publications sont ordonnées chronologiquement. Comme cela peut être aisément vérifié, les titres – et les chapôs quand ils sont présents – des articles reflètent leur contenu, à quelques nuances près. Il s’agit ici de restituer la tonalité générale du discours.

Les lecteurs attentifs remarqueront la mention récurrente de l’expression « avec l’AFP » dans la signature des articles listés (c’est-à-dire qu’ils ont été écrits en reprenant largement une dépêche produite par l’agence de presse), ce qui montre le rôle majeur qu’a joué celle-ci dans la propagation de la théorie du complot. L’agence britannique Reuters est également citée. L’emprise souvent néfaste des agences de presse sur la production journalistique mériterait d’être davantage mise en lumière (sur le sujet, voir cette étude).

La couverture du Russiagate permet de mesurer le degré d’uniformité de l’espace médiatique français – droite et « gauche » confondues – sur ce qui a trait aux rapports de force mondiaux et à la géopolitique. Pluralisme et finesse d’analyse font particulièrement défaut quand il est question de la Russie. Nous avons affaire à un cas d’école qui révèle la soumission foncière à l’impérialisme américain, y compris de la part de publications prétendument alternatives (qui semblent réclamer une « autre Otan » – inclusive, bienveillante et durable – comme elles réclament une « autre Europe »). 98 % des médias sont les attachés de presse ou des critiques superficiels du militarisme euro-atlantique.

La pensée conspirationniste, considérée par les élites comme un grand fléau civilisationnel quand elle est pratiquée par les dominés, devient tout à fait autorisée pour la défense des intérêts de l’Occident néocolonial. On notera au passage le silence pudique des chasseurs patentés de fake news, fact-checkeurs et autres spécialistes médiatiques du complotisme sur la déconfiture du Russiagate. Par exemple, à notre connaissance, le sociologue Gérald Bronner, qui déplore abondamment – et souvent à juste titre – le « succès des mythologies du complot [et l’]hystérisation des débats publics » (cf. cette tribune), n’a pas dit un mot sur le sujet. Comment expliquer cette occultation si ce n’est par un biais politique ?

Quant à Rudy Reichstadt, qui est considéré par les médias dominants comme l’expert de référence en matière de conspirationnisme, il a écrit dans un article publié le 18 janvier 2019 sur Conspiracy Watch que le Russiagate était étayé par des « indices accablants » et des « éléments autrement plus solides que ceux sur lesquels sont habituellement bâties les théories du complot diffusées par le Kremlin ». Deux ans plus tôt, dans cet autre texte, il était allé jusqu’à accorder du crédit au fameux dossier Steele, dont « les éléments troublants […] portés sur la place publique » lui semblaient de nature à appuyer « l’hypothèse que le Kremlin ait pu influencer les élections américaines ». Convenons-en, Rudy Reichstadt est bien, en un certain sens, « expert en complotisme »… On comprend que le complexe médiatico-politique ait adoubé un tel champion pour défendre la cause.

Le cas du Russiagate montre à quel point l’ensemble du secteur médiatique peut faillir sous le poids de ses biais idéologiques et vices structurels. Une telle irresponsabilité représente une menace pour la paix mondiale. C’est pourquoi il nous faut inlassablement demander des comptes aux propagandistes. À ceux qui seraient tentés de minorer leur influence, nous préconisons la lecture de ce bref compte rendu d’un sondage effectué après la médiatisation des conclusions du rapport Mueller : « Pour près de la moitié des Américains, il y a eu collusion Trump-Russie ».

Laurent Dauré

Cliquez sur le nom d’un média pour accéder à l’échantillon de publications le concernant.

I. La règle : médias conspirationnistes (55)

A. Quotidiens (13)

20 Minutes
CNews
La Croix
Les Échos
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Frankreich: das grosse Abwandern der Industrie

Par : pierre

Die Verlagerung der pharmazeutischen Produktion zeigt in der aktuellen Gesundheitskrise dramatische Folgen. Sie sind Teil des langen Delokalisierungsprozesses der pharmazeutischen Industrie.

Mangel. Das Wort war seit dem Ende des Zweiten Weltkriegs aus dem Wirtschaftsvokabular der entwickelten Industrieländer verschwunden. Inmitten der Coronavirus-Krise erlebt es ein starkes Comeback. Mangel an Krankenhausbetten, aber auch an Masken, Desinfektionsmitteln, Tests, Beatmungsgeräten und Medikamenten…

Covid-19 hat diese dramatischen Defizite aufgezeigt. In Frankreich sind sie das Ergebnis einer bewusst und auf Dauer angelegten Politik, die Produktion zu delokalisieren und das Land zu deindustrialisieren. Seit Mitte der 1970er Jahre hat sich der Anteil der verarbeitenden Industrie an der französischen Wirtschaft demnach halbiert: Sie macht heute nur noch 10% des inländischen Reichtums aus. Und die leichten Veränderungen der letzten Jahre haben es nicht möglich gemacht, den Trend ernsthaft umzukehren.

Ein Beispiel unter vielen anderen ist die Schließung einer großen Maskenfabrik in Plaintes in den Côtes d’Armor Ende 2018, im Hinblick auf eine Verlagerung. Die französische Firma Spérian hatte schon vorher, 2010, unter die amerikanische Flagge von Honeywell gewechselt.

Die Maschinen konnten bis zu 20 Millionen FFP1- und FFP2-Masken pro Monat herstellen. Im Jahr 2005 waren sie Gegenstand einer Investition von 6 Millionen Euro, die mit Hilfe der öffentlichen Hand getätigt wurde und 2009, zur Zeit des H1N1-Virus, eine massive Produktion ermöglichte, bevor der Staat beschloss, sich zurück zu ziehen.

Zum Zeitpunkt der Schließung hatten die CGT- und CFDT- Vertreter der Fabrik Emmanuel Macron und den Wirtschaftsminister, Bruno Le Maire, aufgefordert, das Unternehmen zu retten. Damals ohne Erfolg. Hinzu kommt, dass die Unternehmensleitung große Sorgfalt darauf verwandt hatte, die acht Produktionslinien zu zerstören, damit sie nicht in die Hände eines Konkurrenten fielen. Zuletzt hörte man, dass Gewerkschafter und betroffene Gemeinden versuchen, das Unternehmen wiederzubeleben.

Ein tragisch ähnliches Szenario spielt sich im Luxfer-Werk in Gerzat (Puy-de-Dôme) ab, wobei die anglo-amerikanische Gruppe Luxfer Gas Cylinders als Liquidator fungiert. Bis zum Frühjahr 2019 produzierten dort französische Mitarbeiter medizinische Sauerstoffflaschen – die letzten, die in Frankreich und sogar auf dem ganzen Kontinent hergestellt wurden. Auch hier wieder die gleiche Unfähigkeit des Staates, aber auch dieselbe Bereitschaft zur Wiederaufnahme der Produktion auf Seiten der Arbeiter, die immer noch nicht aufgeben wollen. Dies umso mehr, als dieses Material angesichts des in die Höhe schnellenden Bedarfs für die Wiederbelebung von entscheidender Bedeutung geworden ist.

« Selbst in einer Kriegswirtschaft ist es schwierig, nicht vorhandene Kapazitäten und verloren gegangenes Know-how zu mobilisieren und die klaffenden Spezialisierungslücken zu füllen« , bemerkten die Ökonomen Elie Cohen, Timothée Gigout-Magiorani und Philippe Aghion in einer Kolumne in Les Echos (31.03.20) über diese massive Deindustrialisierung. Sie erinnern uns daran, dass Deutschland seinerseits nicht aufgehört hat, seine Produktionskapazitäten zu verstärken: Die deutschen Bruttoexporte von Tests, die jetzt für Covid-19 mobilisiert werden können, belaufen sich auf fast 2 Milliarden Euro pro Jahr, verglichen mit knapp 200 Millionen Euro in Frankreich.

Die pharmazeutische Industrie ihrerseits steht bei der Auflösung der Produktionslinien an vorderster Front. Heute werden zwischen 60% und 80% der Wirkstoffe außerhalb der Europäischen Union hergestellt, gegenüber 20% bis 30% vor zwanzig Jahren. Von Frankreich selbst ganz zu schweigen. Die Europäische Kommission sagt heute, dass sie eine « Neubewertung » der Produktionsketten innerhalb der EU erwägt. Aber dann ?

Indien ist der größte Lieferant von Generika und Impfstoffen und deckt 20% der weltweiten Nachfrage. Doch dieses Streben nach finanzieller Effizienz führt umso mehr zu einer gefährlichen Abhängigkeit, als der Subkontinent selbst vom Coronavirus betroffen ist.

So beschloss Indien am 4. März zum ersten Mal in seiner Geschichte, den Export von 26 Wirkstoffen wie Paracetamol, Antibiotika und antiviralen Medikamenten zu stoppen. Das Land wollte sich auch vor der nicht minder massiven Abhängigkeit schützen, in der es sich befindet: Indien importiert fast 70% seiner Wirkstoffe, die das Herzstück der Arzneimittelherstellung bilden, zumeist aus China. Unter Druck, insbesondere von Seiten der Vereinigten Staaten, gab Premierminister Narendra Modi am 7. April schließlich 13 Medikamente und Zusatzstoffe frei.

Diese Aufsplitterung auf mehrere Produktionsländer ist umso gefährlicher, als die Konzerne von Sanofi bis Novartis der Meinung sind, dass die Daten über die Herkunft ihrer Produkte Herstellungsgeheimnisse sind, die sie eifrig schützen.

Nach mehreren Warnungen vor Lieferunterbrechungen für Europa startete die französische Firma Sanofi am 24. Februar die Gründung einer Gesellschaft, um die sechs europäischen Werke, die aktive Wirkstoffe herstellen, zusammenzuführen. Solide Konsolidierung?

In Wirklichkeit beabsichtigt der Konzern, … dieses zukünftige Unternehmen, das schließlich nur noch 30 % des Kapitals hält, als Tochtergesellschaft an die Börse zu bringen. Auf diese Weise kann man sich von dieser Einheit diskret verabschieden. Während öffentliche Institutionen wie BPI-France (die französische KfW) willkommen sind, sich an der Finanzierungsrunde des neuen Unternehmens zu beteiligen, ist es sehr wahrscheinlich, dass sich auch ausländische Fonds gerne beteiligen werden, um Einfluss auf seine Entscheidungen zu nehmen.

Indem sie ihre Produktion auf diese Weise auseinander legen, haben die Hersteller zwar ihre Kosten gesenkt, gleichzeitig aber ihre Produktionskette extrem anfällig gemacht. Und das nicht nur in der pharmazeutischen Industrie. Eine andere Aktivität, die eng mit der industriellen Geschichte Frankreichs verbunden ist, zahlt gerade ihren Preis: die Automobilindustrie.

Carlos Tavares, Präsident von PSA (Peugeot-Citroën) kann sich rühmen, dass er « nur » 300 chinesische Lieferanten von den insgesamt 8.000 hat, was jedoch ausreicht, um die Produktionslinien in Poissy und Rennes zu blockieren. In diesem Fall konzentriert sich China auf eine Produktion mit geringer Wertschöpfung, die 4% des Preises für den Bau eines Fahrzeugs in Frankreich ausmacht. Vom Ganzen her gesehen stellen diese Teile jedoch 20%, bei kleinen mechanischen und Kunststoffkomponenten sogar 50% dar. Unter diesen Bedingungen hat es keinen Sinn, weiterhin Stoßstangen in Europa herzustellen, wenn Schrauben und Muttern fehlen, damit die Autos die Fabriken verlassen können.

 Überraschenden Veränderungen

In der gegenwärtigen Krise führt all dies zu einigen überraschenden Veränderungen in der Vorgehensweise. Philippe Varin, ehemaliger Chef von Peugeot-Citroën (PSA), der beschlossen hatte, den Standort Aulnay-sous-Bois zu schließen, ist heute als Präsident der Lobby des französischen Arbeitgeberverbandes der Industrie der Ansicht, dass die Krise « den Charakter einer Chance annehmen kann, weil sie die Wiederaufnahme der Produktion in Frankreich ermöglicht« .

Eine weitere Wende: Laurence Daziano, Forscherin am Fondapol, das sich als eine « liberale und europäische Denkfabrik » bezeichnet, fordert ihrerseits in Les Echos (7. April) den « Wiederaufbau der französischen Industrie » mit einer « Lenkungs- und Finanzierungsfunktion » für den Staat, der aufgefordert wird, « sich mit bis zu 10% bis 15% an strategischen Industrien zu beteiligen« .

Doch die spektakulärste rhetorische Kehrtwende findet sich im Elysée-Palast. So plädierte Emmanuel Macron am 13. April für « den Wiederaufbau der Unabhängigkeit Frankreichs in den Bereichen Landwirtschaft, Gesundheit, Industrie und Technologie« , nicht ohne an sein Mantra zu erinnern: « mehr strategische Autonomie für unser Europa« . « Unser Europa », in diesem Fall die EU, basiert nach wie vor auf dem freien Verkehr von Waren, Dienstleistungen und Arbeitskräften. Und Kapital.

Nach dem letzten Stand der Dinge stellen die europäischen Staats- und Regierungschefs, insbesondere der französische Präsident, dieses grundlegende und existentielle Dogma in keiner Weise in Frage. Die Kluft zwischen Rhetorik und Realität könnte sich daher vergrößern. Aber auch, immer deutlicher sichtbar werden.

 

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L’UE « soutient » officiellement le plan américain visant à éliminer le président vénézuélien

Par : pierre

Washington a demandé a son poulain vénézuélien, Juan Guaido, de se retirer provisoirement, pour mieux écarter Nicolas Maduro – une stratégie sur laquelle Bruxelles vient de s’aligner

Les deux sont espagnols, les deux sont socialistes, les deux ont été ministre des Affaires étrangères de leur pays. Surtout, le premier fut Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère (1999-2009), responsabilité qu’occupe le second aujourd’hui.

Seule différence : Javier Solana fut également Secrétaire général de l’OTAN (1995-1999), alors que son successeur à Bruxelles, Josep Borrell, n’a pas eu cet honneur. Mais ses chances restent intactes, ne serait-ce qu’au regard de sa dernière prise de position, particulièrement appréciée à Washington.

A l’issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-sept du 3 avril (par vidéoconférence), M. Borrell a annoncé que l’Union européenne « soutient » le plan américain visant à faire partir le président du Venezuela, Nicolas Maduro. Celui-ci avait été réélu en mai 2018, au grand dam de l’opposition inspirée par Washington.

En janvier 2019, Juan Guaido, un homme issu de cette dernière, s’est auto-proclamé président du pays, aussitôt reconnu par la Maison-Blanche, par les chancelleries européennes, et par nombre des diplomaties sud-américaines.

Les dirigeants US – au premier rang desquels John Bolton, exfiltré des couloirs du pouvoir entre temps – escomptaient que le peuple et l’armée vénézuéliens acclameraient le jeune prétendant. Le scénario ne s’est pas déroulé selon les plans prévus. La seule chose qui a fonctionné, c’est un étranglement supplémentaire de l’économie du pays par les sanctions américaines.

Il y a quelques jours encore, le ministre américain de la Justice – les guillemets devraient être de rigueur – a lancé un « avis de recherche » dans la plus pure tradition du Far West, où la tête de Nicolas Maduro était mise à prix pour quiconque faciliterait son « arrestation », en fait son élimination, au moins politique.

Qu’un tel contrat mafieux, au vu et au su du monde entier, ait pu être lancé sans provoquer, en France par exemple, de réactions estomaquées et indignées montre à quel point le confinement de l’information qui sévit aujourd’hui grâce au coronavirus fait des ravages.

Sauf que le shériff qui siège à Washington a dû s’y faire : le président vénézuélien résiste, et la majorité du peuple n’est pas disposée à accepter les oukases des Yankees.

l’UE applaudit des deux mains ce plan qui vise ouvertement à un changement de régime piloté de l’extérieur

La diplomatie – si l’on ose dire – américaine a donc dû opérer un changement de stratégie. Elle a prié Juan Guaido de ne plus se revendiquer, pour l’instant, comme président, ce que l’intéressé, ça tombe bien, a accepté illico. Evidemment, elle a demandé au président élu… de faire de même. Et ce pendant une « période de transition » au cours de laquelle le pouvoir serait confié à un « Conseil d’Etat ». En échange, Washington consentirait à lever ses sanctions – Madame est trop bonne.

C’est donc à ce plan, qui vise ouvertement à un changement de régime piloté de l’extérieur, que l’UE a applaudi des deux mains. Dès aujourd’hui, même, puisqu’elle « accueille positivement le cadre pour une transition démocratique au Venezuela proposé par les Etats-Unis », selon les termes de Josep Borrell. Et le communiqué rédigé dans le plus pur sabir euro-diplomatique poursuit : l’UE est prête à « contribuer, notamment à travers le Groupe de contact international, à un processus inclusif vers le rétablissement de la démocratie et l’Etat de droit, à travers une élection présidentielle libre et équitable ».

Pour sa part, Caracas a refusé une offre si généreuse, et appelé les Européens « au respect de la souveraineté du peuple vénézuélien », le tout sur la base des « principes de la Charte des Nations-Unies ».

Quelle arrogance !

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« Pacte Vert » préparé par la Commission : 11 millions d’emplois industriels directs menacés

Par : pierre

Un haut dirigeant syndical européen, pourtant favorable à l’UE, estime que la stratégie climatique de Bruxelles pourrait « mettre le secteur industriel tout entier à genoux ».

L’entretien ne fera pas la Une des grands médias. Il n’est même pas sûr qu’il trouve beaucoup d’écho au sein des différentes centrales syndicales, en France pas plus qu’ailleurs.

Et pourtant, la personnalité interviewée – en l’occurrence par le site spécialisé et favorable à l’UE, Euractiv – n’a pas de minces responsabilités : Luc Triangle est le Secrétaire général d’IndustriAll, la structure qui regroupe les fédérations syndicales des industries des pays du Vieux continent. Pour la France, en sont par exemple membres la Fédération CGT de la Métallurgie, celle des Mines-énergie, celle des Industries chimiques, et cela vaut pour les autres centrales, ainsi que pour les autres pays. IndustiAll est membre de la Confédération européenne des syndicats (CES).

Luc Triangle n’est nullement « eurosceptique » ni « climato-sceptique » – sans quoi il n’occuperait pas une telle responsabilité. Et pourtant, quand il est interrogé sur le « Pacte vert » européen – le projet phare de la Commission européenne pour les cinq ans à venir, censé sauver la planète – les informations qu’il donne et les prévisions qu’il évoque font froid dans le dos.

A commencer par ce chiffre : 11 millions d’emplois seront affectés par la politique climatique projetée par Bruxelles. Encore s’agit-il là d’emplois directs, précise bien le syndicaliste. C’est donc plusieurs dizaines de millions d’emplois qui pourraient disparaître, notamment « dans les industries extractives » (mines), dans celles « à haute intensité énergétique » (typiquement : la sidérurgie), ainsi que « dans l’automobile ». La métallurgie en général, la chimie, l’industrie pétrolière et bien d’autres ne seront pas épargnées. Et ce, note-t-il, « sans l’assurance d’une perspective d’avenir pour les travailleurs des industries touchées ».

En cause : la chasse au CO2, et donc aux activités qui en produisent des quantités importantes. Mais pour la Commission européenne – et tous les idéologues nationaux qui l’inspirent – il convient de ne point s’affoler. D’abord parce qu’elle promet que des activités nouvelles viendront supplanter les cadavres du vieux monde, moyennant le refrain : la sidérurgie (par exemple) est morte (sous-entendu : en Europe, car on n’imagine pas un déclin mondial de celle-ci), vive les industries « faibles en carbone », vertes, digitales, connectées…

Euractiv cite ainsi une étude de la Commission selon laquelle le PIB de l’UE devrait augmenter de 2% d’ici 2050 dans le cadre de la neutralisation des émissions de CO2. Faut-il préciser que personne n’a jamais vu le détail du « calcul » prévisionnel ?

Quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue

Surtout, la Commission concède que certaines régions seront particulièrement affectées, et a déjà prévu 7,5 milliards au titre du « Fonds de transition juste ». Le vice-président de la Commission chargé du « Pacte Vert », le social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, s’est ainsi engagé à ne « délaisser personne ». Une précision angoissante : quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue.

Le dirigeant syndical interviewé pointe en outre le danger d’un fossé croissant entre l’est de l’UE, et les pays de l’ouest et du nord. Les premiers seront touchés de plein fouet, tant certaines de leurs régions dépendent d’une mono-industrie. C’est par exemple le cas de la Pologne, qui continue à produire l’essentiel de son électricité à partir du charbon. Et les mineurs forment encore l’épine dorsale économique et sociale des régions productrices, telle la Silésie.

Pourtant, si la déflagration risque d’y être particulièrement violente, il est peu probable que « la transition écologique sera plus facile dans les pays nordiques ou d’Europe de l’ouest » comme l’affirme le syndicaliste belge. Certes l’extraction charbonnière en France a déjà été éradiquée il y a quelques décennies (pour des raisons de rentabilité, le prétexte climatique n’était pas encore inventé), ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. Mais croit-on vraiment qu’on va reconvertir les travailleurs de l’automobile, de la sidérurgie (il en reste), de la chimie ou des raffineries en « web-designers » ? A moins qu’on ne les réinsère dans l’« aide à la personne » ? Dans l’animation des parcs d’attraction ?

Pire : le tsunami sur l’emploi à l’est « pourrait bien avoir un impact majeur sur la migration au sein de l’UE », note Luc Triangle qui rappelle que « près de 22 millions de personnes ont déjà quitté » les pays de l’est. Autrement dit, une nouvelle vague migratoire intra-européenne en direction de l’ouest déjà industriellement sinistré (cette fois hors Royaume-Uni, grâce au Brexit) est à prévoir.

Angoisses bruxelloises

Cité par Euractiv, le dirigeant syndical estime que « le Green Deal risque bel et bien de mettre le secteur industriel tout entier à genoux ». Rien de moins. Et cela pourrait, en conséquence, « décrédibiliser la politique climatique européenne aux yeux des citoyens ». Pour qui aurait un doute sur l’angoisse sous-jacente qui assaille les syndicalistes bruxellois, M. Triangle alerte : « les politiques climatiques ne fonctionnent que si elles peuvent être vendues au grand public ».

Selon l’ancien président roumain, de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement »

Et Euractiv opine, en rappelant les propos de l’ancien président roumain Traian Basescu. Celui-ci estimait récemment que de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement ».

Si l’hystérie « pro-climat » avait pour conséquence d’accélérer le démembrement de l’UE amorcé par les Anglais, au moins aurait-elle servi à quelque chose – un peu à la manière de la taxe sur les carburants qui avait été l’étincelle du mouvement des Gilets jaunes.

En attendant, chacun peut prendre la mesure des conséquences de la « lutte anti-réchauffement », conséquences du reste volontiers admises par les militants les plus radicaux de cette cause, partisans de la « décroissance ».

Peut-être peut-on rappeler un exemple : le démantèlement qui avait touché une partie de l’industrie automobile d’Ile de France, dans le dernier quart du vingtième siècle, et les saignées massives dans l’emploi qui en furent issues avaient constitué un facteur déterminant de ce qu’il est convenu d’appeler, par euphémisme, l’actuelle « crise des banlieues ». On n’ose imaginer l’état de la société française si le séisme « vert » était mené à bien, moyennant la disparition de millions d’emplois manufacturiers sur le sol national.

Bienvenue, alors, dans la France des Misérables.

Lire à ce propos…

Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

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2020 : l’automobile allemande, otage de l’affrontement sino-américain

Par : Grégoire

Pour l’industrie automobile allemande, 2020 sera une année de tension entre ses deux partenaires commerciaux, la Chine et les Etats-Unis.

Par Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, auteur notamment de Le Choc des Empires, Etats-Unis, Chine, Allemagne, qui dominera l’économie-monde ? Editions Le Débat – Gallimard (2014).

Das Auto ! Depuis un quart de siècle, l’industrie automobile est le pilier de l’économie allemande. Au lendemain de la réunification, elle a servi de modèle. Réorganisant ses chaînes de valeur, délocalisant la fabrication de ses sous-ensembles dans la Mitteleuropa (Europe centrale), privilégiant la valeur ajoutée dans les usines allemandes. Das Auto n’est pas pour rien dans le succès mercantiliste de l’Allemagne. Les marques – Volkswagen, Mercedes, Audi, Porsche, BMW – symboles de l’excellence du Made In Germany, ont conquis le marché européen. Elles se sont ensuite déployées à l’international, vers la Chine et, plus récemment, vers les Etats-Unis.

En 2015, à son apogée, l’industrie automobile allemande produisait 15 millions de véhicules, soit près de 20 % du marché mondial. Dans son sillage, une kyrielle d’équipementiers, de sous-traitants ont connu la prospérité. Das Auto pèse 13 % du PIB allemand et emploie 820 000 personnes, soit 14 % de l’ensemble des emplois industriels. Elle assure 18 % du total des exportations allemandes, 80 % de sa production étant vendue sur les marchés étrangers. En Europe, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et… en Chine.

Après deux décennies d’euphorie, c’est aujourd’hui la soupe à la grimace pour l’industrie automobile allemande

En 2019, sur les 28 millions de voitures vendues en Chine, 7 millions, soit le quart du marché, étaient d’origine allemande. Volkswagen, installé en Chine depuis les années 80, détient à lui seul 14 % du marché chinois, qui lui procure la moitié de ses profits. Daimler a un milliardaire chinois comme actionnaire, qui détient 10 % de son capital. C’est dire combien le marché chinois est essentiel pour ces groupes. Il l’est d’autant plus que le marché américain, sur lequel ils misaient beaucoup, il y a quelques années, leur a procuré des déconvenues. Volkswagen a fait l’objet d’une offensive judiciaire en règle pour avoir triché sur les émissions de particules fines de ses moteurs diesel. L’addition se monte déjà à plus de 20 milliards de dollars.

Après deux décennies d’euphorie, c’est aujourd’hui la soupe à la grimace pour Das Auto, qui découvre que la roche Tarpéienne est toujours proche du Capitole. Ses principaux marchés sont entrés en récession. Pire, son image d’excellence est atteinte par le « Dieselgate ». Tous les constructeurs doivent faire face aux changements de réglementation et à l’irruption prochaine des voitures électriques, voire du moteur à hydrogène. Or il faut dix fois moins d’ouvriers pour fabriquer un moteur électrique qu’un moteur diesel.

L’Allemagne prise en otage

Sur les 400 000 salariés de Bosch dans le monde, 50 000 dépendent du diesel. Ce basculement vers l’électrique entraîne des suppressions d’emplois outre-Rhin : d’ores et déjà, 30 000 ont été annoncées dans la filière automobile. De plus, les groupes allemands ont pris du retard en matière de véhicules électriques. À la différence des Chinois. D’où l’importance de leur coopération avec les firmes chinoises.

Or voilà que le bras de fer de Donald Trump avec la Chine bouleverse la donne. L’Allemagne, avec son industrie automobile, se trouve prise en sandwich, en otage. La trêve, dans la guerre commerciale entre Pékin et Washington, n’est que provisoire. La suprématie en matière technologique est au cœur de l’affrontement entre les deux géants. Une société en est le symbole : Huawei. Le géant des Télécoms chinois a pris quelques longueurs d’avance dans la course à l’innovation. Notamment, dans la 5G, cette technologie qui va bouleverser les économies mondiales.

Huawei a tissé sa toile patiemment, vendant aux quatre coins du monde des équipements de télécoms aux opérateurs. Développant ses propres smartphones et nouant des relations étroites avec les multinationales pour développer des applications de la future 5G. Notamment avec les grands groupes automobiles allemands, puisque demain les voitures autonomes utiliseront la 5G pour s’auto-piloter.

Huawei au cœur des tensions

Les Américains, qui se sont réveillés fort tard, ont donc décidé de bloquer Huawei. Avec un argument, qui est, d’abord et surtout, un prétexte : ses équipements pourraient être utilisés par le gouvernement chinois pour espionner, voire paralyser les réseaux de télécoms occidentaux.

Depuis deux ans, la diplomatie américaine se déploie donc tous azimuts pour stopper le groupe chinois. Avec, jusqu’à présent, plus ou moins de succès. Et l’Allemagne est piégée. D’un côté, elle a fait de l’alliance avec la Chine, pays mercantiliste comme elle, un des axes de sa diplomatie économique. Or, le gouvernement chinois vient de lui faire savoir qu’une exclusion de Huawei du marché allemand serait considérée comme une agression, qui aurait des conséquences. Elle pourrait se traduire par une exclusion des firmes allemandes du marché automobile chinois.

De l’autre côté, les Américains, dont les réseaux d’influence sont importants, notamment au sein de la CDU, menacent à peu près en ces termes : « Si vous continuez de travailler avec Huawei, il y aura des représailles contre l’industrie automobile allemande ». Celle-ci a exporté, outre-Atlantique, près de 500 000 véhicules, l’année dernière.

L’auto européenne dans le viseur de Trump

L’affaire Huawei s’ajoute désormais au conflit commercial entre Donald Trump et les Européens. Le président américain brandit la menace d’imposer des surtaxes sur les automobiles en provenance de l’UE ainsi que sur les pièces détachées. Le sujet de son ire est connu. Le fisc américain ne taxe qu’à 2,5 % les automobiles européennes, alors que les Européens imposent un droit de douane de 10 % sur les véhicules américains. Donald Trump veut un traitement équivalent des deux côtés de l’Atlantique.

En outre, il menace de taxer l’automobile européenne, si jamais les Européens mettent en place une taxe GAFA, ou d’autres impôts qui risqueraient de peser sur les multinationales américaines. C’est, bien évidemment, l’Allemagne qui, du fait de ses excédents commerciaux, à commencer par ceux de l’automobile, risque d’être le plus pénalisée par des taxes américaines.

Xi Jinping et Donald Trump demandent à l’Allemagne de choisir son camp

Pendant un quart de siècle, l’Allemagne a profité de la mondialisation, jouant la Chine et les Etats-Unis. Aujourd’hui, les temps changent. Il va lui devenir de plus en plus difficile de faire le grand écart. Xi Jinping et Donald Trump lui demandent de choisir son camp. Si les responsables allemands tergiversent trop, le pays risque même de perdre sur les deux tableaux et de se faire pousser dehors des deux marchés.

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

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En 2020, une nouvelle Commission intrusive et démissionnaire

Par : Grégoire

La nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen marquerait le retour du politique en faveur d’une Europe-puissance ? Un scénario improbable pour 2020…

Par Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la fondation Res Publica

En 2020, l’installation de la nouvelle Commission européenne, née des amours contrariées d’une majorité parlementaire qui croyait détenir le candidat légitime et de deux gouvernements nationaux désirant le passage en force, signerait-elle le retour au primat du politique ? L’auteur de ces lignes ne demanderait qu’à le croire : ne pourrait-on passer, après tout, par profits pertes l’ADN démocratique douteux d’un organe – la Commission – mi-législatif, mi-exécutif, qu’aucune instance légitime ne contrôle ? Et ce pour permettre enfin à l’Union européenne de définir le périmètre d’une souveraineté retrouvée ?

Cette évolution serait ô combien utile : dans le monde instable qui est celui de ce premier tiers du XXIeme siècle, il faut considérer l’enjeu de la puissance économique, voire financière, d’une zone qui, potentiellement, pourrait être un acteur majeur. Cette analyse est indispensable au regard du bénéfice que pourrait en tirer nos peuples.

Le monde est encore dominé par une puissance américaine plus arrogante que jamais, plus dangereuse aussi pour la paix

Las, les ententes gouvernementales à deux ou trois Etats (à les supposer réelles) ne suffiront pas à reverser la tendance. Dans un monde encore dominé par une puissance américaine plus arrogante que jamais, plus dangereuse aussi pour la paix, les projets et annonces de la nouvelle Commission restent marqués, avec un style différent, par la soumission à l’extérieur de l’UE et l’arrogance à l’intérieur.

Restriction des aides publiques

C’est Margrethe Vestager, vice-présidente, chargée de la concurrence et du numérique qui d’emblée (1) annonce, en guise de nouvelle politique de la concurrence, la révision du système de prohibition des aides publiques. Fort bien ! se dit-on… Car le recours à de telles aides constituent un sujet majeur pour le développement économique des territoires nationaux et régionaux. Hélas ! Il ne s’agit pas, dans l’esprit de la Commissaire, de libérer les initiatives nationales mais au contraire d’intégrer plus encore le contrôle des leviers étatiques en réduisant « la liste des secteurs que les Etats pourront aider à compenser le surcoût occasionné (…) à cause du green deal ».

Pas question donc, bien au contraire, de pousser enfin au développement des industries nationales. Quant aux fusions (pour ceux qui croient aux « champions européens »), la Commissaire qui s’est rendue célèbre par un despotique verdict sur la fusion Alstom-Siemens prévient d’emblée : le projet de fusion PSA-Fiat-Chrysler « sera regardé ». Pas au point toutefois de s’étonner de voir le futur groupe choisir le statut fiscal néeerlandais : ce type de concurrence interne, un des plus nocifs, n’a jamais ému la Commission et l’on sent bien que cet état de fait est appelé à durer.

Langue de bois

Enfin la concurrence des pays tiers soutenant leurs entreprises jusqu’en Europe doit-elle donner lieu à une politique spéciale de la Commission ? « C’est un problème, c’est vrai », reconnaît gravement l’éminente experte. Mais « nous n’avons pas de règles qui nous permettent de nous y attaquer ». Heureusement, « nous y réfléchissons ». Tout cela se passe de commentaires tant le renoncement à toute volonté de type étatique se conjugue avec l’imperium sur les Etats nations, soumis, de par le bon vouloir des traités, à une telle philosophie.

Dans son entretien avec Donald Trump, la présidente de la Commission a fait acte d’allégeance

Quant à la présidente de la Commission (qui devrait, si l’on comprend bien, faire, à la tête de cette institution, preuve d’une réussite qu’elle n’a pas connue dans son pays d’origine…), qu’en attendre ? Ursula von der Leyen a certes confié aux Echos (2) que « l’Europe doit faire la course en tête ». La belle déclaration que voilà… Si certaines de ses positions – acceptation du mix énergétique de chaque Etat, par exemple – semblent moins impériales que celles de son incontrôlable prédécesseur, son absence de soutien à la taxe Gafa, encore confirmée dans son entretien avec Donald Trump à Davos le 22 janvier, laisse les Etats, en premier lieu la France, dans la situation humiliante de rétropédaler en attendant le mécanisme (de longue date annoncé) qui serait demain préconisé par l’OCDE. Ne mentionnons même pas l’abaissement de l’Europe dans le conflit Etats-Unis/Iran comme un fait nouveau : dans son entretien avec Donald Trump, la présidente de la Commission a fait acte d’allégeance. Cette attitude est bien plutôt le témoignage que rien n’a changé depuis l’installation de la nouvelle « dream team »   (« équipe de rêve ») à la tête de l’UE.

« Dream team » ? Il en faudra plus, beaucoup plus pour que les peuples éprouvent ce minimum de fierté sans lequel il n’est même pas besoin de parler d’un « nouveau départ »…

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1 Entretien dans Le Monde du 20 décembre 2019

2 Entretien dans Les Echos du 27 décembre 2019

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Le double langage de la Charte européenne des droits fondamentaux

Par : Grégoire

Ferme sur la libre concurrence en économie, faible sur les droits sociaux : la Charte européenne des droit fondamentaux « fête » ses dix ans d’application.

Par Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la fondation Res Publica

Parmi les bonnes fées qui se penchent sur les berceaux des peuples, européens il en est une qui fête ces jours-ci son anniversaire : la Charte européenne des droits fondamentaux. Négociée en marge du traité de Nice (2000), elle devait à l’origine apparaître dans toute sa gloire dans la défunte « Constitution européenne », brillant au fronton de ce grand œuvre. Pouvait-elle s’éteindre avec cette « Constitution » mort-née ? Impossible, ont pensé ses créateurs. Dès lors que la session de rattrapage était ouverte, il fallait nécessairement que la Charte en fût : n’apportait-elle pas, à elle seule, cette garantie de progrès vers le bonheur futur des peuples quoique ces derniers, par quelque malentendu incompréhensible, aient rejeté la Constitution ?

C’est ainsi que le Traité de Lisbonne a donné valeur obligatoire à la Charte depuis son adoption le 1er décembre 2009. Alors, dix ans de bons et loyaux services ?

A vrai dire, cette célébration risque d’être bien moins flatteuse que n’auraient pu l’espérer les pères de la Charte

Un colloque universitaire[1] sera très prochainement consacré au grand évènement qu’est nécessairement ce dixième anniversaire. A vrai dire, cette célébration risque d’être bien moins flatteuse que n’auraient pu l’espérer les pères de la Charte. On lit ainsi dans la présentation du colloque que « l’hypothèse pourra être confirmée ou infirmée (que) le bilan est mitigé ». Les participants sont invités à explorer « les domaines dans lesquels la Charte a eu une influence visiblement significative comme ceux dans lesquels les espoirs suscités par son invocation ont été déçus ».

Explorer ? Explorons !

La Charte se présente comme un texte ambitieux. Il est certes compliqué, pour ce qui est de son articulation, par les droits déjà proclamés avec libéralité dans la Convention européenne des droits de l’homme – sans parler de la redondance des deux textes… Mais quand on aime on ne compte pas. Pourtant, la Charte ne s’en veut pas moins l’aile avancée des progrès futurs non de l’esprit humain mais de l’esprit européen.

Pas d’avancée vers l’égalité réelle

Notons d’emblée ce que quelques critiques impénitents avaient souligné dès 2005 [2] l’inaptitude radicale de la Charte à faire progresser le droit par des avancées vers cette égalité réelle que l’on opposait jadis aux « libertés formelles ». Il n’était en effet que de lire le texte pour y voir la différence de traitement entre d’une part les droits « formels » – liberté de presse, d’opinion, de réunion, etc. – hardiment imposés à des pays qui, tel le nôtre, les avaient inscrits dans la loi depuis plus d’un siècle – et, d’autre part, les droits économiques et sociaux – droit au travail, à la sécurité professionnelle, à la protection contre le licenciement abusif, conditions de travail justes et équitables. Ces derniers, loin de figurer, comme les précédents, au fronton des exigences directement applicables sont sèchement renvoyés « aux traditions et pratiques (sic) nationales ».

Tout est proclamation, rien n’a de consistance

Aucune avancée donc que ce soit dans la protection des travailleurs, sans parler des lénifiants « droits de l’enfant » sans portée et des droits des personnes âgées « à mener une vie indépendante et à participer (sic) à la vie sociale et culturelle ». Tout est proclamation, rien n’a de consistance. Et c’est également ainsi, dans un autre domaine, que ni la Pologne ni l’Irlande n’ont pu être contraintes par ladite Charte à adopter une législation permettant la libre disposition du corps humain, par la reconnaissance d’un droit à l’IVG : le texte, proclame en effet, dès son article 2, le « droit à la vie ». Des combats qui ont été menés dans ces deux pays, aucune trace et pour cause du rôle de la Charte : elle ne s’imposait pas au droit national. Quel progrès a-t-elle pu ainsi apporter aux droits fondamentaux ?

Nous sommes certes habitués avec cette Europe-là aux proclamations vertueuses et sans la moindre portée obligatoire, lorsqu’il s’agit des invocations rituelles dans les traités à la « solidarité », à l’« égalité » etc. Nous sommes aussi habitués, en contraste, aux règles de droit au contraire directement contraignantes lorsqu’il s’agit d’organiser le marché sur la base de la concurrence « libre et non faussée ». En ce sens le double langage de la Charte, qui, dans un même texte d’une cinquantaine d’articles, réunit avec art les libertés formelles surprotégées et des droits économiques et sociaux sans aucune consistance, est le témoignage le plus achevé de la schizophrénie institutionnelle européenne.

Refus du progressisme

On pourrait aller plus loin encore. Car s’il faut également, comme le proposent les organisateurs du colloque, tenter d’« identifier les domaines dans lesquels la Charte présente ou pourrait (sic) présenter une plus-value que cela soit sur un plan substantiel ou sur un plan procédural », l’honnêteté intellectuelle ne conduirait-elle pas tout aussi bien à s’interroger sur les moins-values ?

En voici une et non des moindres : la laïcité est sans existence aucune dans la Charte[3] ce qui revient à dire qu’il faut et qu’il faudra toujours combattre pour que cette dernière ne se solde pas, dans son application par les juridictions communautaires, par une régression.

La laïcité est en France, contrairement à d’autres pays, de valeur constitutionnelle : précisément la Charte était une belle occasion de la généraliser. C’est le contraire qui a été choisi car la Charte, dit son préambule, reconnaît les « traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ». Un refus donc d’intégrer ce qu’il y aurait pu y avoir de plus progressiste dans telle ou telle Constitution. S’agissant de la laïcité, l’occasion a ainsi été perdue d’intégrer ce qu’aurait pu être l’apport d’un grand texte fondamental progressiste. Aucun supplément d’âme n’attend donc le lecteur attentif de la Charte.

Il ne reste plus qu’à attendre avec intérêt le colloque de Grenoble…

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[1] Université de Grenoble-Alpes colloque des 9 et 10 décembre 2019 consacré aux dix ans de la Charte

[2] Oser dire non à la politique du mensonge, Editions du Rocher 2005

[3] Qui reconnaît « la liberté de pensée, de conscience et de religion » en les mettant sur le même plan alors qu’en France la loi de 1905 fait de la liberté de conscience la matrice de la liberté de croire ou ne pas croire, surplombant ainsi la liberté de religion

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Les ultimes aigris du Brexit : procédure contre le Royaume-Uni, et quatre écrivains britanniques en tournée

Par : pierre

Le nouvel exécutif bruxellois, adoubé par les Vingt-sept, entrera en fonctions le 1er décembre. Douze jours plus tard, le Parlement britannique sera renouvelé, ouvrant la voie à une rapide dénouement du Brexit. Mais quatre romanciers à succès (photo ci-dessus) font une tournée sur le Vieux continent pour dire leur rancœur contre leurs concitoyens.

Le Conseil de l’UE (les ministres des Vingt-huit) a approuvé, ce lundi 25 novembre, la liste définitive des membres de la future Commission européenne. La règle veut que chaque Etat choisisse une personnalité pour siéger au sein de celle-ci, mais trois candidats désignés avaient été retoqués par les eurodéputés durant le mois d’octobre.

En remplacement de sa première proposition – un ancien ministre jugé trop proche du chef du gouvernement, Viktor Orban – la Hongrie a finalement désigné son ancien ambassadeur à Bruxelles, Oliver Varhelyi, qui a dû jurer ses grands dieux que jamais il ne prendrait de consignes à Budapest. Le nouveau gouvernement roumain a promu une ex-eurodéputée PNL (droite), Adina Valean, en lieu et place de la sociale-démocrate initialement désignée. Et, pour la France, Thierry Breton hérite du large portefeuille (marché intérieur, politique industrielle…) initialement destiné à Sylvie Goulard. M. Breton n’a gagné son ticket que par un vote très serré, certains ayant fait remarquer que la firme dont il était PDG travaille massivement avec des financements de l’UE.

La nouvelle Commission européenne devrait être avalisée le mercredi 27 novembre par un vote global de l’europarlement, dernière étape avant sa prise de fonctions, le 1er décembre. Soit avec un mois de retard sur le calendrier prévu, du fait des trois vetos mis par les eurodéputés, toujours avides de croire qu’ils jouent un rôle essentiel.

Procédure contre le Royaume-Uni

Seule ombre désormais au tableau, une procédure a été engagée contre le Royaume-Uni qui était dans l’obligation de désigner un commissaire. Bruxelles peut toujours courir, avait répondu en substance Boris Johnson.

Le premier ministre britannique sortant mise sur les élections du 12 décembre pour disposer d’une majorité absolue à la Chambre des communes, et pouvoir ainsi réaliser le Brexit en quelques semaines. Par ailleurs, les Conservateurs se sont engagés à mettre fin à l’austérité et à investir massivement. De son côté, le chef des Travaillistes a souligné que son programme – notamment fiscal, et de nationalisation – était le plus radical depuis 1945.

Mais Jeremy Corbyn a surtout promis de renégocier avec l’UE l’accord de divorce arraché au finish par son prédécesseur (une hypothèse totalement improbable), puis d’en soumettre le texte à un nouveau référendum. Une perspective qui prolongerait encore de nombreux mois l’interminable saga du Brexit alors que la majorité des citoyens ne demande qu’à en finir au plus vite, afin que soit enfin respectée la volonté populaire exprimée en juin 2016.

« Je ne suis pas un grand fan du Royaume-Uni, c’est un pays absurde et frustrant, c’est pourquoi j’ai déménagé aux Etats-Unis » – Lee Child

De manière surréaliste, un petit noyau au sein des élites rêve encore d’annuler cette dernière. C’est notamment le cas de quatre écrivains à succès qui ont entamé une tournée sur le Vieux continent dans cet esprit, faute sans doute de pouvoir convaincre leurs propres concitoyens.

L’un d’entre eux, Lee Child (de son vrai nom Jim Grant), a notamment déclaré, de passage à Berlin : « je ne suis pas un grand fan du Royaume-Uni, même si j’y suis né. C’est un pays absurde et frustrant, c’est pourquoi j’ai déménagé aux Etats-Unis ».

Et c’est sans doute également pour cela qu’il milite pour que son pays d’origine reste sous la coupe de Bruxelles ?

Tous les détails sur ces informations à découvrir dans l’édition du mensuel Ruptures à paraître le 29 novembre. Il n’est pas trop tard – ni top tôt – pour s’abonner

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Les traditions constitutionnelles des Etats contre la marche de l’Europe

Par : Grégoire

En s’appuyant fermement sur sa Constitution, la France peut encore peser sur la transposition des textes européens. Pour peu que les autorités nationales fassent preuve d’un peu de courage politique.

Par Marie-Françoise Bechtel, ancienne vice-présidente de la commission des lois de l’Assemblée Nationale, vice-présidente de la Fondation Res Publica

On a souvent l’impression que la marche de l’Europe telle que voulue par les Traités est totalement impossible à arrêter sauf, pour le pays qui l’a décidé, à sortir de l’UE. Et il est vrai que le mouvement puissant qui a porté l’installation du néolibéralisme au cœur du pouvoir en Europe revêt rétrospectivement le caractère d’une marche implacable. Jean-Pierre Chevènement a ainsi très bien montré non seulement la logique interne de ce cheminement mais aussi le poids du facteur politique – celui de l’hégémonie américaine porteuse de la volonté d’installer le néolibéralisme. Ce poids a été décisif faute d’avoir rencontré face à lui une volonté politique équivalente (1).

Ce facteur politique reste indispensable pour redresser demain l’Europe, la sortir de la vassalité mais aussi du consensus à l’ordre libéral, qui sont les deux faces d’une même volonté.

Défense des valeurs constitutionnelles

Des forces politiques qui voudraient repenser de fond en comble l’Europe de demain en s’appuyant sur la souveraineté des peuples pourraient trouver un appui solide dans une stratégie de confrontation des modèles nationaux autour de la défense de leurs valeurs constitutionnelles.

On l’oublie en effet trop souvent : la Constitution a une valeur supérieure aux traités. C’est bien la raison pour laquelle les transferts de souveraineté ont exigé, dans notre pays comme dans d’autres, la révision préalable du texte fondamental aux fins de donner une autorisation du Constituant aux avancées de l’Europe. Autorisation d’ailleurs réversible : l’Etat national souverain dispose de la « compétence de la compétence », c’est-à-dire que le pouvoir de transférer ses compétences n’existe que parce que l’Etat est détenteur de la compétence suprême qui lui permet de déléguer certaines de ses attributions.

La souveraineté externe des Etats nations

Le tribunal constitutionnel allemand, la cour de Karlsruhe, l’a exprimé avec une grande netteté dans un arrêt du 30 juin 2009 : dès lors qu’il n’existe pas un peuple européen, la souveraineté reste détenue au sein de la nation et les transferts de compétence au profit de l’Union européenne sont réversibles. En bref l’UE, si elle présente certains caractères d’un Etat (existence d’un exécutif, capacité de se donner des lois de portée générale, monnaie, Cour de Justice), ne peut en aucune façon être regardée comme un Etat de plein exercice.

La souveraineté externe des Etats qui la composent n’est pas, dans son principe, atteinte. C’est pourquoi d’ailleurs l’article 50 du Traité, invoqué parfois à tort et à travers, ne ligote pas les Etats autant qu’on le dit. Theresa May avait justement exprimé cela au plus fort des débats devant le Parlement britannique en disant : même si aucune des solutions proposées n’aboutit, il existe une règle, un principe, qui fait que si nous voulons sortir, nous sortirons. C’est le principe, non écrit mais qui surplombe tout, de la souveraineté externe des Etats nations.

Rien, absolument rien ne peut brider la liberté d’un Etat souverain de reprendre des compétences qui n’ont jamais cessé en droit de lui appartenir

Il reste bien sûr le prix à payer dans les négociations futures dès lors qu’un traité de voisinage touchant au commerce et à la circulation des personnes apparaît nécessaire. Mais de telles négociations sont extérieures au mécanisme du traité de Rome. Rien, absolument rien ne peut brider la liberté d’un Etat souverain de reprendre des compétences qui n’ont jamais cessé en droit de lui appartenir.

Certes tout ce qui précède repose surtout sur des considérations de principe (hormis tout de même le Brexit lui-même). Peut-on sur cette base, envisager une action concrète de la France vraiment porteuse de changement envers l’ordre européen ? Oui, si l’on en vient à une autre constatation : quoique rongée par les transferts « consentis », la Constitution française peut encore, même telle qu’elle a été modifiée, être un rempart contre l’inexorable montée des eaux – les « eaux glacées du calcul égoïste ». Si un gouvernement le voulait…

Des directives trop touffues

Comment agir sur cette base ? Deux voies sont envisageables.

Tout d’abord un peu de courage de la part des autorités nationales aiderait à faire le partage entre ce que les textes européens, à traité constant, peuvent légitimement nous demander et ce qu’ils ne peuvent exiger. Sans être un bouleversement, ce serait déjà quelque chose, ne serait-ce que comme affichage de la volonté nationale.

Un espoir était né en 2004 lorsque le Conseil constitutionnel (alors présidé par un gaulliste, Pierre Mazeaud) avait indiqué qu’on pourrait opposer à la transposition d’une directive l’«identité constitutionnelle » de la France. Mais cela est resté une possibilité théorique. Certes, les commentateurs autorisés estiment que la laïcité pourrait être opposée à un texte européen, mais l’exemple, si important soit-il, n’en reste pas moins un peu isolé. Et on attend encore que la juridiction suprême constate que, conformément à la lettre du traité (« les directives lient les Etats membres quant aux résultats à atteindre »), une directive n’a pas à guider la loi dans le moindre détail sur les moyens à mettre en œuvre. Or aujourd’hui les directives, corps épais et touffus, viennent guider le législateur jusque dans le détail. Que devient l’objectif constitutionnel de lisibilité de la loi ? Il a fait parfois censurer des textes de loi votés par le Parlement national et pourrait parfaitement être opposé à la constitutionnalité d’une loi transposant une directive en dizaines de pages, paragraphes et renvois parfaitement inaccessibles au citoyen.

La Commission des affaires européennes créée à l’Assemblée nationale est une véritable salle de catéchisme européiste

Le Parlement ne fait pas davantage son devoir. La Constitution, depuis 2008, lui permet au moins de donner un avis préalable lors de la transmission des projets d’actes législatifs ou autres actes européens – faible gage donné à l’occasion de la ratification du traité de Lisbonne et dont ni l’Assemblée nationale, ni le Sénat ne font usage. Ces avis pourraient pourtant faire du bruit. Mais la Commission des affaires européennes créée à l’Assemblée nationale, véritable salle de catéchisme européiste, n’exerce aucun regard critique sur les projets issus des instances européennes, frappés au départ à ses yeux d’un label de respectabilité.

Un gouvernement insuffisamment directif

Quant au gouvernement lui-même, hors les grandes messes que sont les sommets européens, il omet la plupart du temps de donner des instructions aux hauts fonctionnaires dépêchés à Bruxelles pour négocier les règlements et directives : il est fréquent, depuis trente ans, de voir ceux-ci revenir à Paris après avoir entériné les textes préparés par les fonctionnaires hors-sol de la Commission.

Mais que l’on n’utilise pas les outils existants ne prouve pas que, demain, un gouvernement volontaire ne pourrait donner une impulsion en sens inverse.

Révision constitutionnelle

Une autre voie, plus ambitieuse, serait celle de la révision constitutionnelle permettant pour l’avenir de faire prévaloir notre modèle national en lui donnant, par cette inscription, une valeur supérieure aux traités. Certes, pour mettre le modèle français à l’abri des appétits du tout concurrentiel il eût fallu y penser plus tôt (2).

C’est ce qu’a fait à sa manière l’Allemagne qui, dès Maëstricht a renforcé dans son texte fondamental la règle du non-déficit budgétaire ainsi que la règle de la limitation de l’endettement : nec plus ultra de l’ordolibéralisme, ces dispositions préservent le modèle de l’identité allemande. La constitution allemande prévoit aussi un contrôle du Parlement pour tout nouvel engagement financier du pays : on l’a vu lorsque le Bundestag a saisi la Cour de Karlsruhe lors de la mise en jeu du Mécanisme européen de stabilité (MES). On l’a vu encore lorsque la négociation entre les ministres de l’économie français et allemand sur le budget européen a échoué il y a quelques mois.

Pérenniser les services publics

Mais la France peut encore se prémunir, au moins pour le futur, contre les excès de libéralisation qui menacent son modèle. En inscrivant dans la Constitution l’obligation de garantir la pérennité de ses services publics incluant la desserte égale du territoire ; en prévoyant la propriété publique d’au moins un service public dans le domaine de l’énergie, du transport et du numérique, nous nous prémunirions contre la privatisation de la SNCF et d’EDF et obligerions l’Etat à exercer un contrôle effectif sur les prestations d’Orange.

Il ne serait pas inutile de songer à une constitutionnalisation de l’obligation pour l’Etat d’assurer un aménagement équilibré du territoire

Cette proposition (qui a été mise sur la place publique (3)) ferait beaucoup pour l’avenir car l’obligation d’assurer l’égalité et la continuité du service public, devenue constitutionnelle, pourrait être opposée dans le futur aux contraintes issues des règlements et directives européennes, fondés sur des traités de valeur, on l’a vu, inférieure, notamment celles touchant aux prix concurrentiels et à la répartition géographique des opérateurs. Il ne serait pas non plus inutile de songer à une constitutionnalisation de l’obligation pour l’Etat d’assurer un aménagement équilibré du territoire ; cela rendrait pour le futur inattaquables les décisions d’aide conditionnée à l’installation d’entreprises ou le soutien à des secteurs particuliers.

Référendums sur les traités commerciaux

Enfin la révision constitutionnelle devrait intégrer l’obligation de consulter le peuple par referendum avant l’adoption de tout traité impliquant un transfert de compétences mais aussi pour tout engagement commercial avec un autre continent, dont la négociation est aujourd’hui confiée à la Commission avec les résultats que l’on voit.

Il est clair qu’un exécutif national qui voudrait avancer de façon décisive vers une UE totalement différente de ce qu’elle est aujourd’hui pourrait déjà s’appuyer sur de tels changements qui montreraient, derrière son choix de renégocier des pans entiers des traités, la volonté souveraine du peuple dont il est le mandataire.

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(1) Jean-Pierre Chevènement, La France est-elle finie ? Fayard  – 2011

(2) D’autant que la France a su le faire au moins une fois en inscrivant dans un article de la Constitution son droit absolu à octroyer l’asile, limitant ainsi la portée des accords de Dublin qu’elle avait signés

(3) Marianne du 28 juin 2019, également consultable sur le site

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Prochaine tribune (à paraître le 15 novembre) :
Les taux d’intérêt négatifs favorisent les ultra-riches et le capitalisme financier,
par Jean-Michel Quatrepoint, journaliste

 

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Pour une renationalisation d’Aéroports de Paris

Par : Grégoire

Il faut insister sur les enjeux en matière de souveraineté et de sécurité pour mobiliser contre la privatisation des Aéroports de Paris. Et exiger la renationalisation de cette infrastructure essentielle.

Par Benoît Martin,
Secrétaire général de la CGT-Paris

Le 22 juillet 2005, deux mois à peine après le référendum du 29 mai sur la Constitution européenne, le groupe Aéroports de Paris (ADP) était privatisé, sous la présidence Chirac et le gouvernement de Villepin. L’établissement public était transformé en société anonyme, l’Etat devenant l’actionnaire majoritaire. C’était une nouvelle étape dans la privatisation du secteur des transports lancée par le gouvernement Jospin avec Air France, les autoroutes et le fret ferroviaire.

Quelques années plus tard, au 31 décembre 2018, le capital d’ADP était composé de l’Etat français (50,6%), d’investisseurs institutionnels (21,9%), de Vinci (8%), de Royal Schiphol Group (aéroport d’Amsterdam, 8%) et de quelques autres actionnaires, dont les salariés d’ADP (1,6%). Au même moment, la multinationale cotée en Bourse qu’est ADP détenait des participations dans les aéroports d’Amsterdam-Schiphol et d’Istanbul-Atatürk. A ce jour, le groupe ADP gère 24 aéroports répartis dans 13 pays !

Les Gilets jaunes contre la privatisation

La loi « Pacte » du 22 mai 2019 a prévu de faire passer la part de l’Etat sous la barre des 50%, permettant la privatisation totale de la société aéroportuaire. L’arc politique large, formé des groupes d’opposition à Emmanuel Macron, a activé au printemps 2019 le Référendum d’initiative partagée (RIP) pour tenter de mettre en échec la privatisation totale d’ADP. Au total 248 parlementaires de gauche comme de droite ont permis cet événement politique.

Au même moment, le mouvement des Gilets jaunes était majoritairement favorable au RIP pour empêcher la privatisation totale d’ADP, bien que des gilets jaunes aient pointé les inconvénients de ce RIP bien plus restrictif que le Référendum d’initiative citoyenne (RIC) qu’ils revendiquent depuis le début de leur mouvement.

Des arguments naïfs et faibles

Pour promouvoir le RIP, des organisations syndicales, associatives et politiques, toutes classées à gauche, mènent actuellement campagne, difficilement. Les difficultés tiennent au processus du RIP lui-même, à la nécessité de dépasser les 4,7 millions de soutiens à apporter d’ici le 12 mars 2020 sur le site du ministère de l’Intérieur. Ce seuil donne le vertige et génère un grand doute sur la possibilité d’atteindre l’objectif. Ce doute alimente à son tour une résignation qui convient parfaitement au pouvoir politique. Les autres difficultés tiennent à l’hétérogénéité des motivations des organisations et mouvements qui soutiennent le RIP.

Parmi les arguments entendus en faveur du RIP, émerge l’idée qu’il serait idiot de brader au privé un bijou de famille, actif stratégique de surcroît, qui rapporte tant de dividendes à l’actionnaire principal, l’Etat. L’argument est faible et naïf. Faible au regard des vrais enjeux que représentent des aéroports internationaux ; naïf puisque c’est justement la haute rentabilité économique qui attire les investisseurs privés.

Comment pourrait-on justifier que les rôles de police et de sécurité aérienne soient exercés sur des lieux privatisés ?

Quels sont les enjeux stratégiques des aéroports de Roissy, d’Orly et du Bourget ? Déjà, ce sont des lieux frontières, n’en déplaise aux sans-frontiéristes ! Les voyageurs et les marchandises transitant par ces aéroports sont soumis à des contrôles douaniers et policiers. Etre sur un territoire national suppose de respecter les lois qui y sont en vigueur. Changer de territoire national n’est donc pas neutre. Par ailleurs, le droit international, dont celui issu de l’Organisation de l’aviation civile internationale fixe les règles communes découlant de la coopération entre Etats. Cet élément fait le lien avec un autre enjeu majeur, celui de la sécurité aérienne. Comment pourrait-on justifier que les rôles de police et de sécurité aérienne soient exercés sur des lieux privatisés ?

Pour une renationalisation d’ADP

De plus, les arguments en faveur d’une maîtrise publique des transports et de la logistique forment un enjeu renforcé dans une période ou la question multimodale est tant mise en avant, avec raison. Or les aéroports de Paris sont des noeuds (hubs dans la langue de Shakespeare) multi-modaux essentiels, et qui n’ont pas fini d’évoluer en fonction soit des politiques publiques, soit des intérêts privés de court terme…

Last but not least, le syndicaliste que je suis est aussi convaincu que la mise en échec de la privatisation d’ADP et la perspective d’une re-nationalisation permettront de préserver et d’améliorer tant les garanties statutaires que les effectifs des personnels d’ADP.

Ce tabou sur le rôle de l’UE est une constante des organisations habituelles du mouvement syndical et social

Or aucune organisation ne soutient la re-nationalisation d’ADP. A ma connaissance, personne ne parle des directives et des traités européens dans la bataille idéologique autour du RIP d’ADP. Ce tabou sur le rôle de l’UE est une constante des organisations habituelles du mouvement syndical et social. Pour donner un peu d’ambition à la campagne, je pense qu’il faut un double effet Agora afin d’amener une communauté de citoyens amenée à délibérer sur les questions aéroportuaires : premièrement gagner le RIP et deuxièmement gagner la nationalisation. A cet effet Agora doit s’ajouter un effet Communiste : Aéroports de Paris doit redevenir un bien commun retiré de la logique du profit.

La privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, menée par Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’Economie, en 2014, est un vrai scandale

Pour convaincre le plus grand nombre, outre les arguments théoriques, il faut savoir s’appuyer sur des réalités bien établies. La privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, menée par Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’Economie, en 2014, est un vrai scandale. Ses amis chinois, qui ont acheté 49,9% des actions, n’ont en rien eu l’attitude d’un copropriétaire stable et vertueux !

Autre problème politique de taille, le mensuel Alternatives Economiques relevait récemment : « Exploitant les aéroports de Lyon, Clermont-Ferrand, Grenoble et Chambéry, Vinci Airports a siphonné la bagatelle de 44 millions d’euros de dividendes en trois ans, comme l’a découvert Mediacités. Et ce, alors que ces infrastructures restent biberonnées à l’argent public. » Il est temps de marquer un coup d’arrêt à ce pillage des biens publics !

Pour signer afin d’obtenir le référendum, ici le site officiel.

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Prochain article à paraître dans la rubrique Opinions :
Comment la France bafoue l’existence de l’Etat syrien,
par Michel Raimbaud, ancien ambassadeur

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Brexit : et maintenant, il reste un chemin simple pour tenir l’échéance

Par : pierre

Le Royaume-Uni quittera-t-il irréversiblement de l’Union européenne le 31 octobre prochain ? Ou bien cette échéance fera-t-elle l’objet d’un ultime report de quelques mois ? Seule la conclusion est certaine : le Brexit aura bel et bien lieu. Mais la première hypothèse – une sortie à la Toussaint – est la plus probable. Pourquoi ?

Sans doute faut-il rappeler ici quelques repères. Car la « saga » que vit la Grande-Bretagne a une apparence : une incroyable succession de coups de théâtre, de rebondissements, de retournements, de coups de force, et d’interminable procédure parlementaire – une histoire à laquelle le citoyen de base ne comprend plus grand-chose ; elle a une réalité : un référendum tenu le 23 juin 2016, à l’issue duquel le peuple britannique décide de dire Bye Bye à Bruxelles, et ce face à une majorité de parlementaires qui tente par tous les moyens de faire capoter cette issue, avec le soutien de tout ce que l’Europe compte de forces opposées aux verdicts populaires.

A la question parfaitement claire (« le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? »), 51,9% des électeurs du pays ont répondu sans ambiguïté. Le 29 mars 2017, Londres a envoyé la lettre officielle concrétisant juridiquement la sortie de l’UE. En juin 2018, une large majorité de députés a dû acter le rapatriement juridique des compétences nationales, et a fixé l’échéance de la sortie au 29 mars 2019.

Mais les partisans de l’UE n’ont jamais accepté de se déclarer vaincus. La négociation d’un accord de divorce entre le Royaume-Uni et les Vingt-sept a fourni un prétexte à une guérilla dont le seul résultat fut un blocage institutionnel total. Les députés ont par exemple refusé à trois reprises de valider un projet d’accord négocié par le premier ministre d’alors, Theresa May. Mais ils ont également voté Non à… huit alternatives envisagées.

Bref, la chambre des Communes fait barrage, mais est trop divisée pour proposer une issue. En mai  de cette année, Mme May est alors poussée vers la sortie par ceux qui, au sein du Parti conservateur, considèrent que sa faiblesse – la volonté de préserver un compromis boiteux avec l’UE – n’a que trop duré.

Le 24 juillet, Boris Johnson remplace Theresa May, avec un seul mot d’ordre : mettre en œuvre le Brexit au 31 octobre, quoiqu’il arrive

Le 24 juillet, Boris Johnson la remplace, avec un seul mot d’ordre : mettre en œuvre le Brexit au 31 octobre, quoiqu’il arrive. Quitte pour cela à suspendre la session d’un Parlement paralysé et paralysant pendant cinq semaines – ce qui est inhabituel mais légal. Tant les forces pro-UE dans le pays que les médias européens dominants crient au coup de force – comme si le refus parlementaire de mettre en œuvre la volonté populaire depuis plus de trois ans n’était pas le véritable scandale…

Début septembre se forme donc formé un « front anti-Brexit » hétéroclite à Westminster, dont l’objectif officiel est d’empêcher une sortie sans accord (« no deal »), en réalité de faire capoter le Brexit. Fait sans précédent : une majorité de députés a voté pour se substituer au chef du gouvernement et forcer ce dernier à mendier un nouveau délai auprès de Bruxelles – une demande censée être examinée par le Conseil européen le 17 octobre.

Cerise sur le gâteau : les Travaillistes, qui ne cessaient de réclamer depuis deux ans des législatives anticipées comme seul moyen de résoudre la crise, ont finalement… bloqué cette voie qui nécessitait un vote de deux tiers des députés. Pour la plupart des observateurs, l’impasse paraît totale. D’autant qu’un nouveau report n’aboutirait à rien d’autre qu’à prolonger un feuilleton sans dessiner aucune issue.

S’affranchir du Parlement

Il reste désormais – parmi d’autres solutions – un chemin simple au chef du gouvernement : s’affranchir du vote du Parlement censé lui dicter sa conduite, et ne pas quémander aux Vingt-sept le énième report voulu par les députés. Les dirigeants européens ne pourront alors accorder ce dernier, et le pays sera ipso facto hors de l’UE le 31 octobre au soir. Variante : Londres transmet formellement la demande parlementaire, mais indique que le gouvernement ne soutient pas cette dernière.

Certes, on entend déjà les cris d’orfraie des uns et des autres, qui dénonceront certainement un « coup d’Etat » dans ce que la grande presse – en France comme en Allemagne, notamment – décrit comme « le berceau de la démocratie parlementaire dans l’histoire mondiale ». Mais cette voie est possible, car le seul verdict qui suivra sera celui des électeurs, puisqu’une motion de défiance sera, dans ce cas, certainement adoptée. Et, dans les semaines qui suivront, les citoyens ne devraient pas manquer de récompenser celui qui aura – après 40 mois de tergiversations – enfin réussi à trancher le nœud gordien.

Il faut « qu’on en finisse » clament non seulement les partisans de la sortie, mais également une part de ceux qui avaient voté contre cette dernière

Pour le locataire de Downing Street, suivre ce chemin est à la fois nécessaire et faisable. Et d’abord pour une raison largement sous-estimée par nombre d’analystes européens : l’immense ras-le-bol des électeurs face à un feuilleton grotesque, traumatisant et interminable. Il faut « qu’on en finisse » clament non seulement les partisans de la sortie, mais également une part de ceux qui avaient voté contre cette dernière, mais qui souhaitent que le résultat de 2016 soit respecté plutôt que de voir se prolonger la paralysie et les divisions qui s’immiscent jusque dans l’intimité des familles.

Un dernier élément doit également être pris en compte : à supposer que le premier ministre accepte de demander le report comme l’exigent les députés, rien n’indique que les Vingt-sept l’acceptent, car ils doivent se prononcer à l’unanimité. Certes, jusqu’à présent, les dirigeants de l’UE avaient une priorité : montrer que sortir de la secte UE conduisait au chaos (afin de dissuader d’autres peuples de suivre cette voie).

Mais ledit chaos s’étend désormais au-delà de la Manche. A Paris notamment, il se dit que la succession des reports finit par provoquer des incertitudes économiques menaçantes, sans apporter quelque issue que ce soit. C’était déjà ce qu’avait fait valoir Emmanuel Macron lors du sommet européen du 10 avril dernier, avant de se rallier à contrecœur à l’échéance d’octobre promue notamment par Angela Merkel.

Quoiqu’il en soit, l’essentiel est ce fait politique majeur : la volonté populaire de sortir a été exprimée en juin 2016 (et rien n’indique qu’elle se soit inversée) ; or l’époque est révolue où l’on pouvait s’asseoir sur cette dernière comme du temps des référendums français, néerlandais, mais aussi irlandais ou danois.

C’est cette réalité qu’oublient ceux qui ont les yeux rivés sur le prochain rebondissement du feuilleton, voire finissent par se convaincre que les manœuvres pourraient finalement berner le peuple britannique. Boris Johnson a assis sa crédibilité politique sur sa capacité à imposer le choix de celui-ci.

Il a désormais un chemin simple pour toucher au but.

(Les dernières infos et analyses complètes seront à retrouver dans l’édition de Ruptures prévue pour le 25 septembre)

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Troisième émission du Point de Ruptures : quatre décennies de déstructuration nationale… et l’Europe ?

Par : pierre

Votre mensuel a lancé début juin une chaîne vidéo qui propose chaque quinzaine (hors période estivale) une émission, Le point de Ruptures, balayant l’actualité européenne.

La troisième émission vient d’être mise en ligne : Quatre décennies de déstructuration nationale… et l’Europe ?

A partir d’un passionnant essai de l’historien Pierre Vermeren (La France qui déclasse – Les Gilets jaunes, une jacquerie du XXIème siècle) – ce dernier dialogue avec Etienne Chouard et Pierre Lévy sur les mécanismes, les responsabilités et les choix politiques qui ont désindustrialisé le pays, et souvent désertifié des pans entiers du territoire.

Pour aider à financer cet investissement vidéo, le moyen le plus efficace est de s’abonner au mensuel sans attendre !

L’équipe de Ruptures a décidé de consacrer des moyens importants à la production de l’émission. Or le journal n’a d’autres ressources que le produit des abonnements. Pour aider à financer cet investissement, le moyen le plus efficace est de s’abonner sans attendre !

Vous recevrez l’édition parue le 28 juin.

De plus, le prélèvement mensuel peut être arrêté à tout moment. Cette formule permet ainsi de faire connaissance avec le journal sans s’engager sur la durée.

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