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Les rêves des euros-élites se délitent…

Par : pierre

Une actualité chasse l’autre… La classe politique française est entrée en ébullition avec la nomination du plus jeune premier ministre de l’histoire de France et la formation du nouveau gouvernement.

Quelques jours plus tôt, le décès de Jacques Delors, survenu le 27 décembre, avait provoqué en son sein un déluge d’éloges, une cascade de louanges, des torrents de larmes.

L’ancien ministre des finances (1981-1984) sous François Mitterrand, devenu président de la Commission européenne (1985-1995), est désormais élevé au statut d’un des « pères de l’Europe ». L’ex-pape de Bruxelles est en quelque sorte béatifié.

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Les rêves des euro-élites se délitent

Par : pierre

Une actualité chasse l’autre… La classe politique française est entrée en ébullition avec la nomination du plus jeune premier ministre de l’histoire de France et la formation du nouveau gouvernement.

Quelques jours plus tôt, le décès de Jacques Delors, survenu le 27 décembre, avait provoqué en son sein un déluge d’éloges, une cascade de louanges, des torrents de larmes.

L’ancien ministre des finances (1981-1984) sous François Mitterrand, devenu président de la Commission européenne (1985-1995), est désormais élevé au statut d’un des « pères de l’Europe ». L’ex-pape de Bruxelles est en quelque sorte béatifié.

Même ceux qui prétendent l’avoir combattu en matière d’intégration européenne n’ont pas manqué de tirer leur chapeau. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, censé incarner la « gauche radicale », a salué « le militant et l’homme d’action qui agissait en pensant au bien commun ». Pour sa part, la vice-présidente du Rassemblement national, Edwige Diaz, s’est jointe à cet hommage consensuel de la caste.

Mais il revenait bien sûr au président français de faire le discours solennel, un exercice auquel il s’est livré le 5 janvier. Emmanuel Macron s’était fait élire en 2017 en brandissant l’étendard de l’Europe. Mais en écoutant ses propos de 2024, un contraste frappe d’emblée si l’on se souvient des discours prononcés à Athènes, puis à la Sorbonne, peu après sa première prise de fonction. Il énumérait à l’époque de nombreuses ambitions concrètes visant à accélérer et renforcer l’intégration européenne. Beaucoup de ses partisans avaient alors regretté l’absence de réponse de l’Allemagne officielle. Il est vrai que le pays était en campagne électorale.

Sept ans plus tard, l’hommage à Jacques Delors a accumulé les formules creuses. Ce dernier, a ainsi vanté le chef de l’Etat, a su « réconcilier l’Europe avec son avenir », et celle-ci « nous appartient autant que nous lui appartenons, et il nous appartient de la poursuivre »…

Bien sûr, Emmanuel Macron reste un ardent militant de « la cause européenne ». Mais la dure réalité est passée par là.

Bien sûr, Emmanuel Macron reste un ardent militant de « la cause européenne ». Mais la dure réalité est passée par là, loin des rêves des euro-élites.

La réalité, c’est-à-dire d’une part les progrès des forces qui passent pour « eurosceptiques » (même si c’est à tort), un dangereux signal d’alarme vu de l’Elysée ; et d’autre part les contradictions croissantes entre Etats membres dans à peu près tous les domaines.

Pas seulement avec les dissidents traditionnels comme la Hongrie, voire la Pologne (ce pays est certes désormais dirigé par le très pro-Bruxelles Donald Tusk, mais ce dernier n’est pas en situation de laisser liquider la souveraineté polonaise).

Mais aussi et surtout entre membres fondateurs (comme l’a récemment illustré le scrutin aux Pays-Bas), et singulièrement entre Paris et Berlin. Sans ce « tandem » franco-allemand actif et cohérent, l’UE ne peut avancer, a-t-on coutume de répéter dans les coulisses de la Commission. Or c’est peu dire que les sujets de querelles ne manquent pas entre les deux rives du Rhin.

Les oppositions ne sont certes pas nouvelles, mais elles ne se résorbent pas, voire s’aggravent. La liste est longue, à commencer par le bras de fer sur l’avenir du Pacte de stabilité, véritable carcan permettant la survie de la monnaie unique et dont le principe est d’imposer des restrictions drastiques sur les dépenses publiques. Le compromis trouvé en décembre est finalement très proche des revendications allemandes : une obligation automatique de réduction du déficit. Le ministre français a seulement obtenu une souplesse sur la date de démarrage du nouveau dispositif finalement avalisé par les Vingt-sept.

Autre domaine ou l’opposition entre les deux pays est patente : la politique énergétique. Emmanuel Macron, après avoir fermé une centrale nucléaire a été contraint de se convertir à l’atome, une horreur pour le gouvernement fédéral ; ce dernier n’hésite pas, en revanche, à prolonger le charbon. Sur le terrain communautaire, cela a donné lieu à des foires d’empoigne sur la réforme du marché de l’électricité, et sur la classification (plus ou moins verte) des différentes technologies énergétiques. Et l’armistice n’est que provisoire.

Sur le commerce international, les divergences entre les deux premières puissances de l’UE sont tout aussi claires. Là où Paris alerte contre le « protectionnisme chinois », Berlin a pour première priorité de ne pas fâcher Pékin qui reste un immense marché pour les exportations. Il en va de même pour l’accord de libre échange entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Le traité est signé, mais Paris bloque pour l’instant la ratification (au nom de raisons écologiques, mais l’accord serait surtout un désastre pour les agriculteurs) alors que Berlin pousse à la roue.

On pourrait également citer le futur bouclier anti-missiles censé protéger l’UE : chacune des deux capitales rassemble ses alliés pour défendre deux systèmes incompatibles. Les querelles sur l’avion de combat du futur sont également un classique depuis des années entre les deux pays, chacun poussant ses champions nationaux.

« Je ne crois pas que nous ayons jamais observé aussi peu de coopération entre Paris et Berlin »

David McAllister (eurodéputé)

Même sur la forme de l’aide militaire à Kiev (pas sur le principe, bien sûr), des tensions se manifestent discrètement. La liste n’est pas exhaustive des frictions actuelles ou à venir. Mais le pire, pour les dirigeants européens, c’est que malgré les sourires officiels, l’esprit de dialogue se tarit – loin des époques Schmidt-Giscard, Kohl-Mitterrand, voire Schröder Chirac, se désolent les nostalgiques… Au point qu’en octobre dernier, l’eurodéputé (CDU) David McAllister lâchait, dépité : « je ne crois pas que nous ayons jamais observé aussi peu de coopération entre Paris et Berlin ».

En réalité, c’est moins un problème de « manque d’alchimie » entre les dirigeants qu’une double difficulté politique de fond : les réelles divergences d’intérêt entre pays ; et la part des électorats séduits par « la grande aventure européenne » qui se réduit comme peau de chagrin.

A cet égard, les actuels dirigeants allemands et français se trouvent dans des situations comparables. A l’enlisement du discours euro-enthousiaste du président français correspond l’oubli du programme de départ de la coalition allemande tricolore : celui-ci avait symboliquement placé l’Europe en tête du document, et plaidait pour une unification fédérale de l’UE.

Aujourd’hui, tant Olaf Scholz qu’Emmanuel Macron (photo) ont d’autres soucis : le premier craint régulièrement de voir sa coalition éclater, et le second ne dispose même pas de majorité parlementaire, ce qui le contraint à une guérilla épuisante pour chaque projet de loi à adopter (et désormais à changer de premier ministre).

Surtout, ils incarnent chacun des régimes qui battent des records d’impopularité. Et ce n’est manifestement pas en vantant les mérites de l’Europe, et encore moins en promettant de « faire progresser » celle-ci, qu’ils peuvent espérer remonter la pente…

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Nouvelles bisbilles au sommet : sur les gros sous, et sur Gaza

Par : pierre

Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept qui s’est déroulé les 26 et 27 octobre (photo) est passé (presque) inaperçu. Il a pourtant apporté un nouveau lot de dossiers sur lesquels les Vingt-sept laissent apparaître leurs divisions. Après l’énergie, l’immigration et l’élargissement, deux domaines – et non des moindres – risquent de s’avérer explosifs : les questions de gros sous, et la politique extérieure notamment face au Moyen-Orient.

Le premier point n’est pas vraiment nouveau : l’élaboration du « cadre financier pluriannuel » provoque, tous les sept ans, des bras de fer homériques entre les Etats membres. Schématiquement, les pays baptisés « radins » par Bruxelles (les Pays-Bas, l’Autriche, les Nordiques…) tentent de réduire au maximum le budget communautaire, auquel ils apportent une contribution nette ; tandis que les pays, souvent à l’Est, qui reçoivent plus qu’ils ne payent, militent au contraire pour une expansion des dépenses.

Cette fois cependant, c’est particulier : il s’agit d’amender le budget en cours (qui couvre la période 2021-2027). Et c’est la Commission européenne qui est à l’initiative. Celle-ci pointe en effet l’écart croissant entre les recettes initialement prévues, et les nouvelles ambitions affichées par l’UE.

Bruxelles plaide ainsi pour « renforcer la compétitivité européenne » face au soutien public massif que les Etats-Unis offrent aux entreprises présentes sur leur sol, notamment (mais pas seulement) dans les « industries vertes ». Des aides tellement attrayantes que de nombreuses grandes firmes européennes préparent ou envisagent des délocalisations outre-Atlantique, quitte à sacrifier des dizaines de milliers d’emplois sur le Vieux continent. Montant de cette rallonge réclamée par Bruxelles pour ladite « compétitivité » : 10 milliards d’euros, au grand dam de Berlin et de La Haye.

La Commission veut aussi 15 milliards supplémentaires pour financer la régulation des flux migratoires – un dossier sur lequel les Vingt-sept ne cessent de s’écharper. Autre point litigieux : le surplus de financement qui s’annonce nécessaire avant de faire entrer les pays candidats au sein de l’UE.

Mais c’est l’« aide » à Kiev qui constitue le plus lourd dossier, pour lequel les contribuables des Etats membres risquent d’être le plus ponctionnés. C’est aussi celui auquel le sommet consacre les trois premières pages de ses conclusions… quelques jours après l’embrasement du Moyen-Orient. On peut notamment lire : « l’Union européenne continuera de fournir un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine et à sa population aussi longtemps qu’il le faudra ».

Au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… C’est peu dire que cela n’a pas fait l’unanimité parmi les Etats membres

La rallonge budgétaire est chiffrée à 50 milliards d’euros, auxquels devraient s’ajouter, hors budget, 20 milliards d’aide strictement militaire (équipements, munitions, formations et entraînements). Cependant, l’unanimité n’est plus tout à fait de mise : les premiers ministres hongrois et slovaque ont annoncé leur opposition. On saura en décembre – échéance à laquelle la modification budgétaire devrait être adoptée – s’ils joignent le geste à la parole.

Bref, au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… Rien que ça ! Le tiers serait emprunté sur les marchés financiers, alors même que, notamment du fait des décisions de la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt grimpent en flèche (ce qui entraîne déjà un accroissement considérable du coût de l’emprunt communautaire de 2020 finançant le plan de relance). Et les deux tiers des 100 milliards seraient financés par des contributions des Etats membres.

Dans ces conditions, c’est peu dire que la revendication de la Commission n’a pas fait l’unanimité parmi les Etats membres. Elle a même engrangé peu de soutiens. Très remonté, chef du gouvernement néerlandais, Mark Rutte, a martelé que les fonds devraient plutôt « être trouvés dans le budget actuel » par exemple en ponctionnant des dossiers moins prioritaires. La première ministre estonienne a pour sa part réclamé que la rallonge pour Kiev soit approuvée en priorité.

La question est tellement délicate que les conclusions n’ont pu y consacrer que trois lignes (sur douze pages) : « à la suite de son échange de vues approfondi sur la proposition de révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027, le Conseil européen invite le Conseil à faire avancer les travaux en vue de parvenir à un accord global d’ici la fin de l’année »…

L’autre dossier hautement conflictuel concerne l’approche du drame de la bande de Gaza, assiégée et bombardée

L’autre dossier hautement conflictuel concerne l’approche du drame de la bande de Gaza, assiégée et bombardée. Faut-il préciser qu’aucune capitale n’insiste sur l’occupation que subit le peuple palestinien depuis des décennies ? Les différences se situent plutôt entre ceux qui soutiennent Israël de manière univoque et quoiqu’il arrive (Allemagne, Autriche, Hongrie, Tchéquie…) et ceux qui auraient souhaité un (modeste) appel à un cessez-le-feu (Espagne, Portugal, Irlande…).

Il aura finalement fallu cinq heures aux dirigeants pour s’entendre sur un appel minimal : ni demande de cessez-le-feu, ni même de pause humanitaire. Seulement le souhait de « corridors », et de « trêves », au pluriel, pour marquer leur caractère ponctuel.

Ces oppositions entre les Vingt-sept furent encore plus ostensibles, le même jour, dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU. Celle-ci était appelée à voter, le 27 octobre, sur une résolution (non contraignante) appelant à la protection des civils et au respect des obligations juridiques et humanitaires. Le texte a été adopté à une large majorité de 120 pays, 14 votant contre, et 45 s’abstenant.

Mais une chose a frappé les esprits : les pays de l’UE se sont répartis entre  ces trois catégories. La Belgique, la France, la l’Irlande, le Luxembourg, Malte, le Portugal et la Slovénie ont approuvé le texte ; l’Autriche, la Croatie, la Hongrie et la République tchèque s’y sont opposées ; les autres se sont abstenus.

Si cet éclatement n’a pas spécialement retenu l’attention à New York (qui s’intéresse au rôle que prétend jouer l’Union européenne ?), il a en revanche mis au désespoir les partisans de l’intégration européenne. Ces derniers ont comme objectif prioritaire depuis des années de faire survenir une « politique extérieure commune ».

C’est mal parti.

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Nouvelles bisbilles au sommet : sur les gros sous, et sur Gaza…

Par : pierre

Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept qui s’est déroulé les 26 et 27 octobre est passé (presque) inaperçu. Il a pourtant apporté un nouveau lot de dossiers sur lesquels les Vingt-sept laissent apparaître leurs divisions. Après l’énergie, l’immigration et l’élargissement, deux domaines – et non des moindres – risquent de s’avérer explosifs : les questions de gros sous, et la politique extérieure notamment face au Moyen-Orient.

Le premier point n’est pas vraiment nouveau : l’élaboration du « cadre financier pluriannuel » provoque, tous les sept ans, des bras de fer homériques entre les Etats membres. Schématiquement, les pays baptisés « radins » par Bruxelles (les Pays-Bas, l’Autriche, les Nordiques…) tentent de réduire au maximum le budget communautaire, auquel ils apportent une contribution nette ; tandis que les pays, souvent à l’Est, qui reçoivent plus qu’ils ne payent, militent au contraire pour une expansion des dépenses.

Cette fois cependant, c’est particulier : il s’agit d’amender le budget en cours (qui couvre la période 2021-2027). Et c’est la Commission européenne qui est à l’initiative. Celle-ci pointe en effet l’écart croissant entre les recettes initialement prévues, et les nouvelles ambitions affichées par l’UE.

Bruxelles plaide ainsi pour « renforcer la compétitivité européenne » face au soutien public massif que les Etats-Unis offrent aux entreprises présentes sur leur sol, notamment (mais pas seulement) dans les « industries vertes ». Des aides tellement attrayantes que de nombreuses grandes firmes européennes préparent ou envisagent des délocalisations outre-Atlantique, quitte à sacrifier des dizaines de milliers d’emplois sur le Vieux continent. Montant de cette rallonge réclamée par Bruxelles pour ladite « compétitivité » : 10 milliards d’euros, au grand dam de Berlin et de La Haye.

La Commission veut aussi 15 milliards supplémentaires pour financer la régulation des flux migratoires – un dossier sur lequel les Vingt-sept ne cessent de s’écharper. Autre point litigieux : le surplus de financement qui s’annonce nécessaire avant de faire entrer les pays candidats au sein de l’UE.

Mais c’est l’« aide » à Kiev qui constitue le plus lourd dossier, pour lequel les contribuables des Etats membres risquent d’être le plus ponctionnés. C’est aussi celui auquel le sommet consacre les trois premières pages de ses conclusions… quelques jours après l’embrasement du Moyen-Orient. On peut notamment lire : « l’Union européenne continuera de fournir un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine et à sa population aussi longtemps qu’il le faudra ».

La rallonge budgétaire est chiffrée à 50 milliards d’euros, auxquels devraient s’ajouter, hors budget, 20 milliards d’aide strictement militaire (équipements, munitions, formations et entraînements). Cependant, l’unanimité n’est plus tout à fait de mise : les premiers ministres hongrois et slovaque ont annoncé leur opposition. On saura en décembre – échéance à laquelle la modification budgétaire devrait être adoptée – s’ils joignent le geste à la parole.

Bref, au total la Commission réclame 100 milliards supplémentaires… Rien que ça ! Le tiers serait emprunté sur les marchés financiers, alors même que, notamment du fait des décisions de la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt grimpent en flèche (ce qui entraîne déjà un accroissement considérable du coût de l’emprunt communautaire de 2020 finançant le plan de relance). Et les deux tiers des 100 milliards seraient financés par des contributions des Etats membres.

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« Fatigue de la guerre » parmi les peuples, et querelles au sommet…

Par : pierre

La « fatigue de la guerre » commence à apparaître parmi les peuples, notamment dans les différents pays de l’UE. Ce n’est pas les Russes qui le disent, mais les dirigeants européens. Ceux-ci s’en inquiètent de plus en plus. Car le soutien « sans faille et inconditionnel » à Kiev, « aussi longtemps qu’il sera nécessaire », est l’un des principaux credos de Bruxelles.

Coût de l’énergie, manque à gagner en exportations, baisse du niveau de vie : même si beaucoup de citoyens sont loin de mesurer l’ampleur du lien entre les sanctions anti-russes et leurs conséquences économiques et sociales en Europe, l’hostilité au coût de la guerre se fait jour.

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« Fatigue de la guerre » parmi les peuples, et querelles au sommet

Par : pierre

La « fatigue de la guerre » commence à apparaître parmi les peuples, notamment dans les différents pays de l’UE. Ce n’est pas les Russes qui le disent, mais les dirigeants européens. Ceux-ci s’en inquiètent de plus en plus. Car le soutien « sans faille et inconditionnel » à Kiev, « aussi longtemps qu’il sera nécessaire », est l’un des principaux credos de Bruxelles.

Coût de l’énergie, manque à gagner en exportations, baisse du niveau de vie : même si beaucoup de citoyens sont loin de mesurer l’ampleur du lien entre les sanctions anti-russes et leurs conséquences économiques et sociales en Europe, l’hostilité au coût de la guerre se fait jour.

Le dernier signe en date remonte au 30 septembre, lorsque les électeurs slovaques ont assuré une large victoire à l’opposant Robert Fico, un ancien premier ministre social-démocrate. Ce scénario était celui redouté par Bruxelles puisque M. Fico avait mis au cœur de sa campagne l’arrêt des livraisons d’armes à Kiev et le refus de nouvelles sanctions. Après le chef du gouvernement hongrois, un nouveau dirigeant qualifié de « pro-russe » (une étiquette qu’il conteste) devrait donc siéger au Conseil européen, suite au verdict des citoyens slovaques.

Quant aux dirigeants polonais, qui furent pourtant dès le début les soutiens les plus acharnés à l’Ukraine, ils se sont désormais fâchés avec Volodymyr Zelensky. La querelle a pour point de départ la concurrence des céréales et autres produits agricoles ukrainiens qui menace de ruiner de nombreux producteurs polonais. Varsovie a donc bloqué l’arrivée de ces denrées ; l’affrontement s’est envenimé au point de stopper les livraisons d’armes polonaises. La proximité des élections dans ce pays, prévues pour le 15 octobre, a poussé le gouvernement à privilégier – pour l’instant du moins – les intérêts nationaux. Et illustre donc ladite « fatigue de la guerre » au sein de l’électorat.

« Au fil du temps, l’opinion publique s’est détachée de la guerre car elle a coïncidé avec une hausse de l’inflation et des crises industrielles et de production »

Le ministre italien de la défense

En  Italie, cette « fatigue » vient également de trouver un écho à travers la mise en garde lancée par le ministre de la défense. Alors que la chef du gouvernement, Georgia Meloni, ne cesse de répéter son attachement indéfectible à l’Alliance atlantique, et donc son soutien l’Ukraine en guerre, Guido Crosetto a pour sa part déclaré : « au fil du temps, l’opinion publique s’est détachée de la guerre parce qu’elle a coïncidé avec une hausse de l’inflation et des crises industrielles et de production. Tout cela a entraîné une détérioration des conditions de vie dans les pays des démocraties occidentales ». On ne saurait être plus clair…

D’autres signes comparables apparaissent sur le Vieux Continent. Mais ce qui hante particulièrement les chefs de l’UE, c’est le récent coup de théâtre à Washington. Lors des difficiles négociations entre parlementaires démocrates et républicains pour le vote du budget, un compromis provisoire a finalement été trouvé… qui exclut l’aide à Kiev. Le pouvoir ukrainien se verrait ainsi privé des 24 milliards prévus par le président américain. De nouveaux rebondissements vont certainement se produire, mais le signal est clair : à un an des élections, une partie des représentants – particulièrement parmi les soutiens de Donald Trump – ont compris que les électeurs seraient peu enthousiastes quant à la poursuite des versements « open bar » à Kiev.

Personne ne comprend vraiment à quoi sert la « Communauté politique européenne »

Cette angoisse des dirigeants européens était omniprésente dans les coulisses du troisième sommet de ladite « Communauté politique européenne » (CPE), le 5 octobre à Grenade (Espagne, photo ci-dessus). Cette étrange institution informelle, dont Emmanuel Macron fut à l’origine en 2022, regroupe les Etats membres de l’UE et ceux qui ne le sont pas, tels que la Norvège, le Royaume-Uni, la Suisse, mais aussi les pays des Balkans, et bien sûr l’Ukraine et la Moldavie.

Au grand désespoir des dirigeants de l’UE, le président turc avait cette fois séché la réunion, de même que son homologue et allié azerbaïdjanais. Cela a empêché que ce dernier rencontre le président arménien, ce qui aurait donné un peu de lustre à la conférence en renouant les fils entre les deux ennemis. Le face-à-face entre le président serbe et son homologue kosovare n’a pas eu lieu non plus.

Et comme les tables rondes ont surtout donné lieu à une suite de monologues sans résultat, personne ne comprend vraiment à quoi sert cette instance. Si ce n’est, du point de vue des organisateurs, à montrer l’isolement de la Russie et de la Biélorussie, seuls pays européens à ne pas être invités.

La CPE est un « espace paneuropéen de dialogue et de solidarité politique dans le contexte de la guerre en l’Ukraine », veut croire le président français. Une sorte de forum anti-russe, donc, mais marqué par l’amertume des participants quant au soutien financier à l’Ukraine de moins en moins populaire. Depuis février 2022, l’UE et ses Etats membres ont « aidé » Kiev à hauteur de 85 milliards, à comparer aux 70 milliards du soutien américain. Pour les quatre années à venir, Bruxelles prévoit de financer l’Ukraine en programmant le transfert de 50 milliards, plus 20 milliards sur le plan militaire. Encore faudra-t-il convaincre les pays réticents.

Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a estimé que l’Europe devrait compenser une éventuelle baisse du financement américain – mais ne pourrait évidemment pas le faire intégralement. Bref, l’humeur n’était pas à la fête ce 5 octobre, au point que la conférence de presse finale fut annulée in extremis.

Deux questions explosives figuraient au menu du Conseil européen du 6 octobre : l’élargissement et l’immigration

Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept sont restés sur place le lendemain afin de participer au Conseil européen. Un cadre plus établi et plus traditionnel, mais pas vraiment plus joyeux.

Deux questions en particulier figuraient au menu. Tout d’abord l’élargissement, c’est-à-dire la perspective de recruter de nouveaux membres : l’Ukraine mais aussi la Moldavie (voire la Géorgie), de même que six pays des Balkans, dont certains sont dans l’antichambre depuis des années.

Les Vingt-sept ont réaffirmé que cette perspective était nécessaire, en la justifiant explicitement par leur volonté de contrer l’influence russe. Mais au-delà de ce rappel de principe, les divergences sont multiples et les sources de conflit très nombreuses : faut-il des adhésions express en l’état, ou doit-on réformer l’UE avant ? Le processus devra-t-il être classique ou progressif ? Faudra-t-il faire gonfler démesurément le budget communautaire (et donc augmenter les contributions ou en  créer de nouvelles) ? Ou bien réduire drastiquement les dépenses – notamment les subventions agricoles ou régionales ?

« Les Français sont-ils prêts à payer plus ? »

Viktor Orban

L’entrée de l’Ukraine transformerait les pays qui reçoivent plus de subventions qu’ils ne payent de contribution, en contributeurs nets. Quant à l’intégration des neuf pays candidats, elle coûterait aux pays membres actuels 256 milliards d’euros, selon des estimations bruxelloises révélées par le Financial Times. « Les Français sont-ils prêts à payer plus ? » a ironisé Viktor Orban… Le président du Conseil européen, Charles Michel, voulait même imposer la date butoir de 2030. Finalement en vain.

Car, évidemment, ces questions sont explosives ; elles rebondiront du reste en décembre, quand la décision d’entamer les « négociations d’adhésion » (en fait, l’alignement pur et simple des candidats sur les normes de l’UE) devra être prise pays par pays. En réalité, il y a fort à parier que les adhésions formelles ne se réaliseront jamais.

Tout aussi explosive est l’autre question à l’ordre du jour : la politique de l’UE en matière de migrations et d’asile. Certes, les ministres des Vingt-sept avaient adopté le 4 octobre un compromis concernant les « situations d’urgence » (en cas d’afflux massif de réfugiés). Mais ce texte devra encore suivre une longue procédure. Surtout, la Pologne et la Hongrie se sont vu imposer, par une majorité qualifiée, des dispositions qu’elles refusent. Viktor Orban a même a comparé cette décision à un « viol ». La Pologne, la Hongrie, et peut-être demain d’autres pays, promettent de résister.

Soutien à l’Ukraine, élargissement, politiques migratoires : entre les Vingt-sept, les affrontements ne font que commencer.

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Bulgarie : bientôt les quatrièmes élections en un an et demi

Par : pierre

Les électeurs bulgares seront à nouveau appelés aux urnes le 2 octobre prochain. Ce sera la quatrième fois en dix-huit mois, puisque des élections générales ont déjà eu lieu en avril, juillet, puis novembre 2021. Les deux premiers scrutins n’avaient pu dégager aucune majorité parlementaire ; le dernier avait enfin permis que se constitue une coalition de quatre partis, mais l’attelage était fragile. Il a finalement déraillé lors de l’adoption, le 22 juin, d’une motion censure à la faveur de la défection d’un des quatre partenaires.

Le 14 novembre 2021, seulement 38,6% des inscrits s’étaient déplacés pour voter, afin de renouveler le parlement, mais également de désigner le président de la République. Il n’est pas certain que l’échéance d’octobre prochain mobilisera beaucoup plus fortement. Le pays, déjà considéré comme le plus pauvre de l’Union européenne, est confronté à une situation économique et sociale alarmante ; il est également l’objet de tensions géopolitiques exacerbées par la guerre en Ukraine.

La Bulgarie a été gouvernée de 2009 à 2021 quasiment sans interruption par le parti GERB (« citoyens pour le développement européen de la Bulgarie »), dit de centre-droit et affilié au Parti populaire européen (PPE, qui compte parmi ses membres la CDU/CSU). Son chef, Boïko Borissov, un ancien garde du corps, a toujours mis en œuvre de manière zélée les orientations préconisées par Bruxelles, tout en déployant ouvertement et sans complexe une stratégie clientéliste dans un pays où l’achat de voix est monnaie courante.

Avec 22,7% des suffrages en novembre 2021, le GERB chutait de 10 points par rapport au scrutin de 2017. M. Borissov achevait ainsi une dégringolade de popularité amorcée en 2019 lorsque plusieurs de ses amis politiques ont été impliqués dans de vastes scandales immobiliers ; cette dégringolade s’est accélérée lors des manifestations anti-corruption qui avaient mobilisé la classe moyenne dans la capitale à l’été 2020.

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement dont les deux dirigeants sont de jeunes hommes d’affaires formés aux États-Unis

Lors du scrutin de novembre, la première place fut conquise par un mouvement, baptisé Continuons le changement (PP), dont les deux dirigeants ont en commun d’être de jeunes et sémillants hommes d’affaires formés aux Etats-Unis (Harvard). Kiril Petkov (né au Canada) et Assen Vassilev étaient ministres respectivement de l’Economie et des Finances du gouvernement intérimaire formé en mai 2021. Ils ont fait campagne avec pour premier cheval de bataille la lutte contre la corruption, mais aussi l’engagement de ne pas augmenter les impôts et d’attirer les capitaux étrangers.

Avec 25,7% des suffrages, alors que ce parti n’existait pas quelques mois plus tôt, la formation classée « centriste » est sortie vainqueur et a propulsé M. Petkov comme chef d’un gouvernement formé en décembre 2021. PP s’est en effet allié sans difficulté avec la coalition libérale-écolo Bulgarie démocratique (DB), également pro-business et pro-UE. Le Parti socialiste (BSP) a rejoint cette coalition.

Le quatrième partenaire était mouvement baptisé Un tel peuple existe (ITN), issu (comme PP et d’autres groupes) de la mobilisation anti-corruption de l’été 2020. Après un succès remarqué en avril 2021, ITN dégringolait finalement dans les urnes en novembre 2021. Une chute due à la personnalité fantasque et égocentrique de son fondateur, le chanteur à succès Stanislas Trifonov, flamboyant adversaire de la vaccination, et lui aussi partisan déclaré de l’ancrage du pays dans l’UE et l’OTAN. C’est lui qui a finalement fait chuter le cabinet en juin dernier.

L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans est un sujet qui traîne depuis des années

Officiellement, des désaccords budgétaires l’ont opposé au premier ministre (ce dernier le soupçonnant de réclamer des crédits de manière clientéliste), mais M. Trifonov a surtout joué sur la corde nationaliste : il a dénoncé l’accord en préparation – espéré avec impatience par Bruxelles – entre la Bulgarie et la Macédoine du Nord voisine. Skoplje (la capitale de ce dernier pays) attend désespérément depuis 2005 le lancement des négociations d’adhésion à l’UE. Celles-ci ont longtemps été bloquées par la Grèce avant que celle-ci ne lève son veto en 2018 ; mais le démarrage du processus d’adhésion a ensuite été empêché par Sofia, qui considère que la Macédoine est d’histoire et de culture bulgares, et qu’y vit une minorité bulgare non reconnue.

L’affaire peut paraître byzantine vue de l’ouest de l’Europe, mais elle a des implications très actuelles. L’« élargissement » de l’UE aux pays des Balkans (processus où la Serbie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine se trouvent à des étapes diverses) est un sujet qui traîne depuis des années, mais qui a pris une nouvelle acuité lorsque les dirigeants européens ont considéré que, faute d’avancées significatives de cet « élargissement » de l’UE, la Russie (voire la Turquie et la Chine) risquait de regagner en influence dans la région.

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE

Bruxelles dénonce les forces « pro-russes » dans ces différents pays et souhaite de ce fait « arrimer » ces Etats à l’UE – tout en mesurant les obstacles économiques et institutionnels. Du fait de ces obstacles, les adhésions formelles ne sont pas envisageables avant de nombreuses années (l’UE pourrait bien avoir disparu d’ici là…).

Le dossier est d’autant plus sensible que les Vingt-sept ont, en juin, octroyé officiellement à l’Ukraine (et à la Moldavie), le statut de pays candidat, en un temps record, ce qui a alimenté amertume et jalousies parmi les dirigeants des pays qui patientent depuis des années…

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles

Que les crises politiques à répétition se succèdent en Bulgarie ne fait donc pas les affaires de Bruxelles, même si le conflit entre Sofia et Skoplje a évolué le 25 juin par un vote parlementaire vers un possible déblocage.

Pire pour les dirigeants de l’UE, le prochain scrutin bulgare pourrait bien voir des partis considérés comme « pro-russes » se renforcer. Dans un pays de culture slave et orthodoxe, et longtemps membre du Pacte de Varsovie, la Russie, historiquement alliée, continue d’être vue avec sympathie par une part non négligeable de la population. Le président de la République, un ancien général sans appartenance politique, a été réélu brillamment en novembre. Il passe pour nourrir une certaine sympathie pour Moscou, et était soutenu par le Parti socialiste, lui-même soupçonné d’être anti-OTAN par les Occidentaux.

De fait, le gouvernement pourtant pro-occidental de M. Petkov n’a pas pu, du fait de l’opposition du BSP en son sein, trouver un compromis permettant l’envoi d’armes aux dirigeants ukrainiens. L’attachement à la Russie (mais aussi à l’ex-Union soviétique) d’une partie du peuple bulgare représente donc bien une inquiétude pour Bruxelles, que M. Petkov avouait à sa manière, dans une interview récente : « nous avons été pendant très longtemps l’objet de la propagande russe, il faut donc du temps pour faire évoluer les mentalités ». Il rappelait à cette occasion qu’il avait décidé de limoger son premier ministre de la défense, une personnalité indépendante jugée trop proche de Moscou.

Les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie

Mais, si cruciaux que soient les enjeux géopolitiques, les citoyens de base, notamment dans les milieux ouvriers, restent avant tout inquiets de la dégradation de leurs conditions de vie. La Bulgarie a adhéré à l’Union européenne en 2007, ce qui a enclenché l’ouverture progressive des frontières permettant une « libre circulation de la main d’œuvre » ; le pays a dès lors connu une émigration massive, notamment de la jeunesse, vers l’Ouest, le laissant démographiquement exsangue. On voit mal comment le prochain scrutin pourrait inverser cette tendance.

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L’angoisse de la Sainte-Alliance (éditorial paru dans l’édition d’avril)

Par : admin

Imprudence ? Le 12 avril, dans son discours de Strasbourg, le président-candidat estimait que le second tour serait « un référendum sur l’Europe ». Et en conclusion du débat télévisé, il précisait même : ce sera un référendum « pour ou contre l’Union européenne ». Certes, il a pu finalement renouveler son bail à l’Elysée. Pour autant, si l’on suit la logique macronienne au pied de la lettre, 41,5% des votants ont adressé un bras d’honneur à l’UE.

On objectera que tous les électeurs de Marine Le Pen ne sont pas des partisans assumés du Frexit. La candidate elle-même avait dépensé beaucoup d’énergie pour assurer que tel n’était nullement son objectif. Pourtant, à y réfléchir un instant, il y a un point sur lequel le sortant n’avait sans doute pas tout à fait tort : si la championne du RN avait été élue et si elle avait effectivement eu le cran d’appliquer son programme, l’appartenance de la France à l’Union se serait très vite retrouvée sur la sellette. Par exemple, la mise en place de la supériorité du droit national sur le droit européen est en elle-même explosive. En effet, l’UE n’a de sens, pour ses concepteurs, que si elle est en position d’imposer à tel ou tel pays le maintien d’une orientation inscrite dans « le cercle de la raison » jadis cher à Alain Minc.

Que ce conflit, qui aurait sonné le glas de l’intégration, n’ait pas été dans l’intention de la candidate importe finalement peu. Ce qui compte, c’est que, quel que soit le visage « modéré » qu’elle s’est efforcée d’afficher, ses électeurs ont glissé leur bulletin dans l’urne au moment même où Emmanuel Macron (et l’ensemble des forces politiques et des médias qui ont fait bloc en sa faveur) leur serinaient : si vous votez Le Pen, c’en sera fini de l’Europe.

Il faut à cet égard noter que le scrutin a mis en lumière le clivage, déjà éclatant lors du référendum sur la constitution européenne de 2005 (mais en germe depuis 1992 avec Maëstricht), et qui n’a cessé de se confirmer depuis lors : entre ceux qui se rangent idéologiquement derrière les « élites mondialisées », autrement dit autour des classes possédantes ; et les classes populaires. Une nouvelle fois, la cartographie électorale illustre de manière spectaculaire ce « vote de classe ».

Significative était par ailleurs l’inquiétude des principaux dirigeants européens à la veille du 24 avril. Telle une nouvelle Sainte-Alliance, beaucoup ont exprimé, plus ou moins discrètement, leur angoisse que « l’avenir de l’Europe » se jouât là. Le président de la commission des affaires étrangères du Bundestag s’écriait pour sa part : « maintenant, rassemblez tout le monde derrière Macron ! C’est lui ou la chute de l’Europe unie ».

Palme au président du Conseil espagnol qui martelait le 9 avril que « les ennemis de l’UE ne sont pas seulement à Moscou mais aussi à Paris ». Pedro Sanchez a du reste co-signé avec le chancelier allemand et le premier ministre portugais une tribune accueillie avec empressement par Le Monde (22/04/22) qui appelait ouvertement à voter pour leur collègue français. Une initiative qui intervient, ironie de l’histoire, alors que Bruxelles n’a de cesse d’accuser Moscou de vouloir s’ingérer dans les élections des Etats membres ! On n’ose imaginer les réactions apoplectiques si Vladimir Poutine avait publié, l’avant-veille du second tour, un appel ce terminant sur ces mots : « j’espère que les citoyens de la République française choisiront Marine Le Pen »…

Le premier ministre espagnol a martelé que « les ennemis de l’UE ne sont pas seulement à Moscou mais aussi à Paris» et a appelé à voter Macron

A Rome, Enrico Letta n’était pas en reste : « le succès de Marine Le Pen serait une plus grande victoire pour Poutine que celle en Ukraine ». Le chef du Pardi démocrate (« centre gauche », associé au gouvernement), qui fut premier ministre, était même allé plus loin en estimant par ailleurs que la guerre actuelle constituait « un momentum (un incitatif) européen très fort, une opportunité à ne pas rater » pour accélérer l’intégration et inventer de nouvelles formes d’élargissement, en particulier à l’Ukraine. Une thèse largement partagée à Bruxelles et dans certaines capitales.

On a bien lu : ceux là mêmes qui versent des torrents de larmes épouvantées sur le sort du peuple ukrainien considèrent, tout bien pesé, que la guerre est une occasion à ne pas manquer – et le disent. Il est probable que le maître de l’Elysée partage ce cynisme. Et va sans doute vite oublier que, selon sa propre analyse, près d’un électeur sur deux a osé défier l’Union européenne et ses marchands de peur.

Dans ces conditions, les sueurs froides des européistes ne font sans doute que commencer.

Pierre Lévy

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Après leurs collègues allemands l’année dernière, les juges constitutionnels polonais lâchent une véritable bombe

Par : pierre

Branle-bas de combat à Bruxelles – et ce terme doit être pris au pied de la lettre. Il n’a fallu que quelques heures à la Commission européenne pour réagir à l’arrêt rendu le 7 octobre par la Cour constitutionnelle polonaise. Il est vrai que celui-ci constitue une véritable bombe. Jamais en reste d’une surenchère, Clément Beaune, le secrétaire d’Etat français à l’Europe, a même tonné : « c’est gravissime ».

La plus haute instance juridique polonaise avait été sollicitée en mars dernier par le premier ministre de ce pays. En effet, la Cour de justice européenne (CJUE) avait, à plusieurs reprises, mis en cause un certain nombre de réformes décidées par Varsovie, en particulier la restructuration du système judiciaire. Les griefs bruxellois s’étendent par ailleurs à d’autres domaines, comme le pluralisme de la presse, ou les lois jugées discriminatoires envers la « communauté » homosexuelle.

La Pologne doit-elle se soumettre en toute matière aux juges suprêmes de l’Union européenne – telle était donc la question soumise au Tribunal constitutionnel du pays. L’affaire est tellement sensible que cette instance a par trois fois différé sa décision. L’arrêt n’en est pas moins net. Pour les gardiens de la loi fondamentale, « la tentative d’ingérence de la CJUE dans le système judiciaire polonais remet en cause le principe de la primauté de la Constitution polonaise ainsi que de sauvegarde de la souveraineté dans le processus d’intégration européenne ». Les juges estiment pouvoir et devoir vérifier la conformité à la constitution polonaise du droit européen, mais aussi des verdicts de la CJUE.

Explicitant l’arrêt, le président de l’instance judiciaire suprême a reproché aux « organes de l’UE (de) fonctionner en dehors des compétences qui leur sont confiées dans les traités » ; si elle acceptait cet empiètement, la Pologne « ne pourrait fonctionner comme un Etat souverain et démocratique ».

Le constat est, sur le plan politique, mais également sur le plan juridique, factuellement incontestable. Car la supériorité du droit européen sur les droits nationaux n’a jamais été inscrite dans les traités. Elle a été pour la première fois explicitement affirmée par un jugement de la Cour de justice des Communautés européennes (ancêtre de la CJUE) en date de 1964, dans le dossier connu sous le nom de « Costa contre Enel », soit huit ans après l’entrée en vigueur du Traité de Rome.

Il s’agit donc d’une simple jurisprudence auto-décrétée par les juges européens en leur propre faveur. Et elle ne tient, et n’a été confortée par la suite, que parce qu’aucun gouvernement n’a souhaité la remettre en cause.

Ce qui n’empêche pas la Commission d’affirmer, dans son communiqué vengeur, que « les principes fondateurs de l’ordre de droit communautaire » incluent « la supériorité du droit européen sur les lois nationales, y compris les dispositions constitutionnelles ». Bruxelles affirme aussi que « toutes les décisions de la CJUE s’imposent aux Etats membres et à leurs organes judiciaires ». Menaçant, l’exécutif européen martèle qu’il « n’hésitera pas utiliser ses pouvoirs pour assurer l’application uniforme de la loi de l’UE ».

De son côté, le gouvernement polonais rappelle que les traités définissent précisément les compétences qui relèvent exclusivement de l’UE, celles qui sont partagées avec les Etats membres, et celles que conservent complètement ces derniers. L’organisation du système judiciaire national, affirme Varsovie, est en dehors des prérogatives communautaires. « La Pologne – selon sa Constitution – respecte les normes et lois de l’UE dans la mesure où ces dernières ont été établies dans les domaines explicitement et expressément prévus par les traités », a précisé un porte-parole.

Désormais, des voix s’élèvent pour exiger de la Commission qu’elle prive le pays des 36 milliards d’euros qui lui ont été promis au titre du « méga-plan de relance » consécutif à la pandémie.

La Commission européenne n’est pas la seule à monter aux barricades. Outre le ministre français déjà cité, de nombreux eurodéputés et les grands médias pro-UE du Vieux continent sonnent la charge sur le thème : « maintenant, il faut sévir ». Jusqu’à présent en effet, les dispositifs punitifs et les procédures d’infraction tentés depuis trois ans contre Varsovie n’ont pas abouti. Désormais, des voix s’élèvent pour exiger de la Commission qu’elle prive le pays des 36 milliards d’euros qui lui ont été promis au titre du « méga-plan de relance » consécutif à la pandémie.

Ainsi, un eurodéputé Vert allemand a-t-il asséné : « avec ce jugement, la Pologne dit adieu à l’ordre juridique européen (…) et sans ordre juridique européen, il ne peut y avoir de versement de fonds ».

Le problème est que cette menace, censée défendre « l’Etat de droit », n’a guère de base juridique pour s’appliquer : le bénéfice des fonds communautaires est conditionné à des garanties contre des fraudes financières ou autres formes de corruption, mais pas à un accord sur l’interprétation des traités…

La Commission elle-même ne recule pas devant un  paradoxe encore plus manifeste. Elle exige que le gouvernement polonais remette en cause un arrêt du Tribunal constitutionnel : ce faisant, l’exécutif casserait ainsi une décision de l’ordre judiciaire… dont elle exige par ailleurs l’indépendance !

Pour l’heure, la décision de la plus haute instance judiciaire entrera en vigueur quand elle sera officiellement publiée – ce qui, selon certains observateurs, laisserait une petite marge de compromis. L’opposition pro-UE – en particulier la plateforme civique (PO) – appelle à manifester contre la « bombe » lâchée par les juges suprêmes du pays, en affirmant que cette dernière ouvre la voie à une sortie de l’Union européenne, un « Polexit » après le Brexit, en quelque sorte.

On n’en est pas là, d’autant que l’homme fort du pays, le vice-premier ministre et chef du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, a tenu à réaffirmer qu’il n’était pas question de quitter l’UE. Mais en réalité, ce qui est en jeu dépasse largement la Pologne.

La querelle arrive, pour les dirigeants européens, au plus mauvais moment

Car si le contexte était déjà tendu entre Bruxelles et Varsovie (de même qu’avec Budapest, pour des raisons comparables), la querelle arrive, pour les dirigeants européens, au plus mauvais moment. L’année dernière, la Cour constitutionnelle allemande avait provoqué stupéfaction et consternation en interdisant à la Banque centrale allemande de participer à des programmes de la Banque centrale européenne (BCE), sauf à remplir certaines conditions. Les juges de Karlsruhe avaient, ce faisant, explicitement affirmé leur supériorité sur ceux de la CJUE – et donc, de fait, la supériorité de la Loi fondamentale allemande. La polémique avait alors fait grand bruit.

Et la presse pro-UE s’inquiète d’une tendance qui se confirme : des politiciens divers, sentant l’état d’esprit populaire, sont accusés de populisme parce qu’ils multiplient les propositions ou affirmations promouvant la supériorité des lois nationales. La décision du tribunal polonais a du reste été saluée immédiatement par l’eurosceptique président tchèque (au rôle certes limité).

Mais l’exemple le plus époustouflant a été récemment fourni par Michel Barnier. L’homme est – ou était – en France un symbole de l’enthousiasme pro-européen, après deux mandats de commissaire, puis quatre ans comme négociateur en chef du Brexit. Or, cherchant sans doute à exister dans la pré-campagne présidentielle hexagonale, il a proposé un référendum visant à instaurer un « bouclier constitutionnel » supérieur au droit européen, et qui mettrait la France – en l’occurrence en matière de migration – à l’abri des juges de Luxembourg…

On peut évidemment douter de l’amour soudain du pré-postulant à l’Elysée pour la souveraineté nationale. Mais la multiplication des signes suggère que l’état d’esprit populaire, un peu partout, aspire instinctivement à renouer avec ladite souveraineté.

De ce point de vue, l’éditorial du Monde (09/10/21) était bien inspiré en concluant, non sans fureur contenue : « il faudra bien un jour crever l’abcès et décider ce qu’adhérer à l’Union européenne veut dire ». Or être membre de l’UE – selon l’aveu revendiqué par ses partisans – consiste très précisément à accepter des règles, des lois, des normes et des procédures même si elles vont à l’encontre des choix ou des intérêts nationaux.

Dès lors, il faudra bien un jour, en effet, « crever l’abcès ».

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Bruxelles préparerait des restrictions sur la viande, et une opération navale contre le Royaume-Uni

Par : pierre

Alors que la pandémie de Covid n’est toujours pas sous contrôle, la Commission européenne prépare deux décisions qu’elle s’apprêterait à mettre en œuvre en urgence. Constatant que les Etats membres agissent plus que jamais en ordre dispersé, Bruxelles estime qu’il lui revient d’agir à travers des règlements qui, à la différence des directives, sont d’application directe au sein des Vingt-sept, sans qu’il soit besoin de lois nationales de transposition.

Le premier règlement viserait à imposer de strictes restrictions sur la consommation de viande. D’une part, le commissaire européen à la santé, la Chypriote Stella Kyriakides, a fait part de nouveaux travaux scientifiques qui montreraient des circuits de diffusion du virus jusqu’à présent insoupçonnés. Non seulement les chauves-souris, via les pangolins, seraient des pourvoyeurs massifs de Covid, mais ce serait aussi le cas de nombreux animaux d’élevage. Le boeuf, en particulier, serait suspecté, de même que le porc et l’agneau. Des présomptions existent également sur les volailles, mais les virologues bruxellois sont plus circonspects.

Mme Kyriakides n’a souhaité ni confirmer, ni démentir ces préparatifs. Mais son collègue Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, chargé du Pacte vert contre le changement climatique, a en quelque sorte vendu la mèche, en rappelant que la chute de la consommation de produits carnés – voire, dans un second temps, son interdiction pure et simple – constituerait « un acte majeur » concrétisant la contribution de l’Union européenne à une économie mondiale, durable et citoyenne.

« Les Européens mangent trop de viande », a lâché le politicien social-démocrate néerlandais dans un sourire, faisant ainsi écho à la phrase restée célèbre de Raymond Barre (« les Français mangent trop de chocolat »), ancien premier ministre français qui tonnait, en 1976, contre ses compatriotes rétifs à la politique d’austérité que son gouvernement s’apprêtait à mener.

Selon certaines rumeurs – qu’il convient cependant de prendre avec précaution – l’exécutif européen aurait déjà signé des contrats avec des imprimeries et des firmes logistiques pour produire des tickets de rationnement. Ceux-ci porteraient exclusivement sur la viande, a précisé une source ayant souhaité rester anonyme. Le haut fonctionnaire bruxellois a fait valoir que cette manière de procéder – qui aurait également une alternative numérique sur les smartphones – serait garante d’une stricte égalité.

Intervention militaire maritime

La deuxième décision que Bruxelles serait en train de préparer vise le Royaume-Uni. Malgré les mises en garde répétées, celui-ci continue de s’approvisionner en vaccins auprès des usines britanniques de l’anglo-suédois AstraZeneca, avec un accès prioritaire qui laisse le vieux continent de côté. Il percevrait également, via l’Irlande, des doses fabriquées en Belgique et aux Pays-Bas.

Après avoir envisagé de rétablir une frontière entre les deux Irlande, et avoir dû rétropédaler en catastrophe, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, aurait un nouveau plan afin d’interdire la Grande-Bretagne de recevoir d’autres vaccins par des voies détournées. Elle solliciterait le mécanisme baptisé Initiative européenne d’intervention (IEI). Lancée à l’initiative d’Emmanuel Macron en 2018, cette structure regroupe treize Etats membres susceptibles de mettre en commun des moyens militaires dès lors que l’UE estime qu’un engagement opérationnel serait nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix un peu partout sur le globe.

Les services de Mme von der Leyen ont effectué une expertise juridique au terme de laquelle il apparaît qu’une action déployée dans le cadre de l’IEI et qui enverrait un ensemble de navires de combat en mer d’Irlande (entre la Grande-Bretagne et l’Irlande) serait licite au regard des traités. L’Etat-major de l’UE assure que les voies maritimes de communication pourraient être ainsi strictement contrôlées, afin de restreindre l’accès de Londres aux vaccins.

Il garantit également que la Royal Navy pourrait être tenue en échec, du fait de l’effondrement cataclysmique que le pays a subi depuis le Brexit. Cette catastrophe avait été prévue par la plupart des économistes mondialisés.

NB : ces informations sont publiées ce jeudi 1er avril. Cependant, elles font écho à certains événements réels traités dans l’édition de Ruptures datée du 29 mars.

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EDF in Gefahr wegen EU-Ansprüche

Par : pierre

Die Mobilisierung der EDF-Mitarbeiter hat seit Monaten keineswegs nachgelassen und zeigt sich in hoher Bereitschaft zu Streiks und auch Streikbeteiligung. Ihr Ziel ist es, das Projekt « Herkules » zu stoppen.

Denn dieses Projekt würde eine grundlegende Umstrukturierung des Unternehmens Électricité de France (EDF) bedeuten. Die Gewerkschaften fürchten, dass es auf eine Demontage von EDF und die Privatisierung der profitabelsten Teile des Unternehmens hinauslaufen wird.

Herkules wurde Mitte 2019 von der Geschäftsführung des bisher staatlichen Konzerns ausgearbeitet und basierte damals auf der geplanten Aufteilung in zwei Einheiten, die jeweils « EDF bleu » (blau) und « EDF vert » (grün) heißen sollen. Die blaue Sparte soll die Kernkraftwerke (ca. 70 Prozent der gesamten Stromproduktion Frankreichs) und das Netz der Hochspannungsleitungen umfassen; die grüne Sparte bündelt den Vertrieb, die dezentrale Verteilung (durch die Netze der Mittel- und Niederspannungsleitungen), Dienstleistungen und die sogenannten erneuerbaren Energien (Wind, Solar etc.) umfassen. Nun ist neuerdings noch die Rede von einer dritten Einheit, « EDF azur », die für die Wasserkraft zuständig sein soll (also Staudämme, die ca. 11 Prozent der Energiebereitstellung leisten).Einzig EDF bleu soll künftig ausschließlich im Besitz der öffentlichen Hand belassen werden. Aber die grüne EDF wäre offen für privates Kapital, während sie bis zu 70 Prozent eine Tochtergesellschaft der blauen EDF bliebe.

Um diesen Umbruch zu verstehen, muss man bis ins Jahr 1996 zurückgehen, zum Datum des ersten « Energiepakets », das für die ganze Europäische Union (EU) ausgeheckt wurde von der Europäischen Kommission und dann von den EU-Mitgliedsstaaten brav verabschiedet wurde. Und zwar versehen mit den Schlagworten: « Deregulierung » und « Einführung von Wettbewerb ». Dies bedeutet jedoch zugleich, dass künftig den integrierten nationalen staatlichen Monopolen für die Bereitstellung, den Transport und die Verteilung von Energie ein Ende gesetzt werden musste.

Weitere « Pakete » der EU haben dieses Ziel bestätigt und konsolidiert, so etwa 2003 und 2009. In Frankreich hatte die Regierung Jospin (aus Sozialisten, Kommunisten und Grünen) bereits 1999 gehorsam den Markt für die größten Kunden liberalisiert. Der « Wettbewerb » wurde danach schrittweise noch ausgeweitet und ist seit 2007 komplett auch für kleine Unternehmen geöffnet, und letztendlich sogar auch für die Privatkunden. Letztere können jedoch immer noch einen von EDF vorgeschlagenen « staatlich regulierten » Versorgungstarif wählen.

Der EU-Kommission reichte das aber noch nicht: « Alternativen » Anbietern müssten sämtliche schönen Möglichkeiten offenstehen. So wurde 2010 das als « Neue Organisation des Strommarktes » (NOME, Nouvelle organisation du marché de l’électricité) bekannte Gesetz verabschiedet, das insbesondere eine besonders merkwürdige Festlegung enthält: Der « historische » Betreiber EDF wird gezwungen, ein Viertel seiner Atomstromproduktion an seine Konkurrenten zu verkaufen, damit diese von billigem Strom profitieren, den sie dann an ihre Kunden weiterverkaufen werden. Dieser Zwangsverkauf wird « Regulierter Zugang zum Atomstrom » genannt (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, ARENH).Für die privaten Energieunternehmen ist es wie das sagenumwobene Füllhorn: Sie tragen nicht die Last schwerer Produktionsinvestitionen (Kraftwerke usw.), die jahrzehntelang von der Gesellschaft finanziert wurden; und es steht ihnen überdies frei, Preise anzubieten, die unter dem staatlich regulierten Tarif liegen, indem sie vor allem die Löhne und Arbeitsbedingungen ihrer Beschäftigten drücken. Ein besonders aggressiver kommerzieller Ansatz tut sein Übriges und führt bei EDF zu einem Verlust von mehr als 100.000 Abonnenten pro Monat, obwohl das Unternehmen immer noch fast 25 Millionen treue Kunden hat.

Für die „alternativen“ Anbieter ist das System unglaublich vorteilhaft: der Tarif, zu dem sie Strom von der EDF kaufen, wurde 2012 auf 42 Euro pro Megawattstunde (MWh) festgelegt, ein Preis, der sehr niedrig angesetzt ist. Und kein Indexierungsmechanismus wurde vereinbart. Wenn die Marktpreise hoch sind (sie steigen derzeit stetig an), bleibt EDF dennoch gezwungen, zu den einmal festgelegten niedrigen Preisen zu verkaufen, was selbstverständlich zu großen Einnahmeverlusten führt.

Darüber hinaus kaufen private Anbieter, wenn sie mehr als das von EDF für sie reservierte Viertel erwerben wollen, ihre Lieferungen auf den Märkten ein, oft zu einem höheren Preis. Das macht es für sie eigentlich schwieriger, besonders « wettbewerbsfähig » zu sein. Doch in diesem Fall ist auch das kein Problem: Die Energieregulierungskommission (CRE, Commission de régulation de l’énergie), ein von Brüssel durchgesetztes nationales Gremium, hebt den regulierten Tarif für Privatkunden sogleich an, mit dem erklärten Ziel, Privatunternehmen wieder wettbewerbsfähig zu machen. Das ist so grotesk, dass sogar die Wettbewerbsdirektion in Wirtschaftsministerium gemault hat. Aber die CRE ist nun einmal – « unabhängig ».Die Einführung des Wettbewerbs, der angeblich den Verbrauchern zugutekommen sollte, hat also im Endeffekt doch zu höheren Preisen geführt. Die durchschnittliche Stromrechnung eines Haushalts ist damit von jährlich 319 Euro noch im Jahre 2006 auf mittlerweile jährlich 501 Euro im Jahr 2019 angestiegen (zugegebenermaßen sind darin auch noch die Umlagen der hohen Subventionen für erneuerbare Energien enthalten).

Pfänder für Brüssel

Das NOME-Gesetz soll 2025 auslaufen. In diesem Zusammenhang kommt nun das eingangs erwähnte Herkules-Projekt ins Spiel. Niemand kann sich vorstellen, dass die Kommission ihren Druck zur Aufrechterhaltung oder gar Ausweitung der Liberalisierung lockern wird. Es scheint also, dass die EDF-Geschäftsführung Brüssel im Gegenzug für den Verzicht auf ARENH im Voraus Zusagen machen wollte.

Die skizzierte Aufteilung nach dem Herkules-Prinzip sollte der Europäischen Kommission durchaus gefallen: Auf der einen Seite eine Sparte – die Atomkraft –, die teure und langfristige Investitionen erfordert, also genau das, was privates Kapital nicht gern schultert; auf der anderen Seite eine Sparte, die viel attraktiver ist, weil sie gesicherte Einnahmen verspricht (die Kunden) sowie eine sehr attraktive Rentabilität in die « neuen Energien », die sowohl sehr modisch als auch hoch subventioniert sind.

Die Aufspaltung der EDF würde also dazu führen – so hoffen die Bosse –, dass Brüssel seine Forderungen nach Liberalisierung mäßigt und auf ein starres System à la ARENH verzichtet, was eine erhebliche finanzielle Erleichterung bedeuten würde.All dies steht derzeit im Mittelpunkt der aktuellen Verhandlungen zwischen Brüssel und dem französischen Wirtschaftsministerium, und zwar in einem Kontext, in dem Emmanuel Macron noch nie als großer Verteidiger dieses staatlichen Konzerns aufgetreten ist. Der Élysée-Meister ist sich aber wahrscheinlich des möglichen Aufschreis im ganzen Lande durchaus bewusst. Dieser Unmut würde aus einer totalen Unterwerfung unter die « Liberalisierung » durch die EU resultieren und zeichnet sich mittlerweile bereits unter den Parlamentariern aller Parteien (einschließlich innerhalb der regierenden Koalition) ab.

Die aktuellen Verhandlungen werfen eine Vielzahl von Fragen auf: Wie wird der rechtliche Status von EDF Bleu sein? Wird diese Einheit die gesamten Schulden tragen? Man kann darauf vertrauen, dass die Kommission alles ahnden wird, was einer Gruppe, die in öffentlicher Hand verblieben ist, noch irgendwelche Vorteile verschaffen könnte; diese öffentliche Sparte würde es Frankreich nämlich erlauben, als Hauptlieferant des mit dem freien Wettbewerb unvereinbaren Atomstroms dazustehen – was in Brüssel ziemlich verpönt ist. Derzeit kann also niemand sicher sein, dass überhaupt ein Kompromiss gefunden wird.

Vorausgesetzt, dass doch noch ein Kompromiss zustande kommt, der Rückendeckung aus Brüssel findet, müsste der auch noch vom Parlament verabschiedet werden. Ein Gesetzentwurf müsste dann bis zum Ende dieses Frühjahrs vorgelegt werden, bevor nämlich der Präsidentschaftswahlkampf beginnt. Das Zeitfenster ist also eng, und die Schlacht hat gerade erst begonnen.

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Ceci n’est pas une blague belge

Par : pierre

Sombre période, décidément.

Les dirigeants de l’Union européenne, qui prétendaient s’être mis d’accord sur le plan de relance lors du sommet de juillet, s’étripent à nouveau sur le respect des règles de l’Etat de droit

Le président russe multiplie les sordides attaques pour faire sombrer le rêve européen.

Et, de leur côté, les peuples du vieux continent s’obstinent à ne montrer aucun enthousiasme face à ce lumineux horizon.

Comme si tout cela ne suffisait pas, une terrifiante information vient d’être rendue publique : le parc à thème bruxellois baptisé Mini-Europe va fermer ses portes à la fin de l’année. Celui-ci rassemblait en un seul lieu la reproduction en miniature des monuments les plus connus des pays de l’Union européenne.

Parmi les raisons invoquées figure la baisse de la fréquentation de cette attraction célèbre depuis 31 ans dans la capitale de l’UE.

Cependant, il ne faut jamais perdre espoir. Le parc pourrait être finalement transféré dans une autre ville belge. Il pourrait ainsi atterrir à Waterloo.

On ne pouvait mieux trouver.

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L’aubaine des uns, la rancœur des autres (éditorial paru dans l’édition du 18 septembre)

Par : pierre

La tempête économique est déjà là. Mais le plus gros du tsunami social est annoncé pour l’automne. Au deuxième trimestre, le PIB de la zone euro a reculé de plus de 12%, et même de 13,8% en France, où 715 000 emplois ont été détruits. N’en déplaise aux amoureux de la décroissance, on ne confine pas un pays – ce qui était probablement nécessaire – sans conséquences sur l’activité, la richesse produite, l’emploi.

Certes, le virus a déclenché un effet boule de neige. Mais de nombreuses entreprises, essentiellement les grandes, n’ont pas hésité à se jeter sur l’« effet d’aubaine » en lançant des plans de restructuration qu’elles avaient dans les tiroirs avant l’épidémie. Les grands groupes français et européens se sont distingués dans l’annonce de suppressions massives d’emploi : Nokia, Airbus, Sanofi, Carrefour, Auchan… Pour sa part, General Electric a annoncé 750 suppressions de postes – un dossier qu’Emmanuel Macron connaît bien puisqu’en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée, il avait supervisé en 2014 la vente d’Alstom Energie au géant américain qui promettait alors de… créer 1 000 emplois.

Par ailleurs, de nombreux patrons savourent aujourd’hui les charmes d’un dispositif mis en place sous le règne de l’actuel chef de l’Etat qui permet d’exiger des sacrifices aux salariés (travailler plus pour gagner moins) sous peine d’être licenciés.

Décidément, le Covid a bon dos…

Et décidément, le Covid a bon dos : ce n’est pas lui, mais le dogme de la « transition écologique » qui justifie la suppression de liaisons aériennes intérieures – une exigence gouvernementale qui ne peut être sans conséquences sur les personnels navigants, de maintenance, au sol, sans parler des emplois indirects dans les aéroports. De même pour l’industrie automobile qui devrait subir de plein fouet la promotion des moteurs électriques, bien moins pourvoyeurs d’emploi, en lieu et place des moteurs thermiques.

Effet d’aubaine encore : le « soutien aux entreprises » représente le tiers des 100 milliards prévus par le « plan de relance » national annoncé à grand son de trompe par le premier ministre. Or aucune contrepartie en termes d’emploi n’est prévue aux cadeaux sociaux et fiscaux, un « oubli » béant qui a provoqué des remous jusqu’au sein des députés de la majorité macroniste, c’est dire…

Sur les 100 milliards finançant le plan gouvernemental, 40 milliards seront fournis « par l’Europe », s’est vanté le maître de l’Elysée. C’est oublier deux détails. D’abord, ladite manne sera conditionnée à la présentation d’un plan national qui devra être soumis aux institutions européennes et intégrer les priorités : transition écologique, économie numérique et réformes structurelles – coucou, les revoilà. Pour la France, la réforme des retraites constitue un classique des « recommandations » européennes…

Mais surtout, les subventions et prêts alloués à hauteur de 750 milliards par Bruxelles aux Etats membres constitueront une dette commune auprès des marchés financiers. Celle-ci devra être remboursée par le budget communautaire au prorata de la richesse des Etats membres. Au final, si l’Italie, l’Espagne, et les pays de l’Est notamment devraient gagner au change, les « contributeurs nets » rembourseront bien plus qu’ils ne recevront : pour la France, 37 milliards à percevoir… mais 80 milliards à rembourser. Ce à quoi les partisans de l’intégration répondent qu’on trouvera de nouvelles taxes européennes pour financer les sommes empruntées. Sauf qu’à ce jour, seule est esquissée une « taxe plastic » qui ne rapporterait au mieux que quelques milliards sur les 750.

Quand ils découvriront qu’ils vont payer encore plus pour « sauver » les pays du sud, il n’est pas sûr que les Néerlandais ou les Scandinaves sautent de joie

Qu’importe, pour Emmanuel Macron et Bruxelles, c’est aussi une manière de renforcer l’intégration européenne : la mutualisation d’une dette souscrite sur trente ans manifeste la volonté de vivre définitivement ensemble, a par exemple affirmé Louis Michel, le président du Conseil européen, au terme du sommet qui s’était conclu le 21 juillet sur un tel compromis. Comme si, pour un couple, prendre un crédit immobilier de long terme garantissait contre les risques de divorce…

En réalité, l’accord arraché en juillet contient les graines de division, de rancœur et d’explosion. Car quand ils découvriront qu’ils vont payer encore plus pour « sauver » les pays du sud – en réalité pour préserver le marché unique et la monnaie unique – il n’est pas sûr que les Néerlandais, les Scandinaves et quelques autres, déjà peu euro-enthousiastes, sans parler des Allemands, sautent de joie.

Pas plus que les Français, du reste.

 

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Accord de Bruxelles : l’Europe évite l’implosion, mais l’Allemagne et la France paieront

Par : pierre

A l’issue d’un sommet de quatre jours qui a une nouvelle fois mis en lumière les contradictions entre les Vingt-sept, les pressions de Berlin et de Paris ont abouti à un accord sur un « plan de relance » qui passe sous silence le financement global

Mardi 21 juillet, les bourses ont fait un bond, saluant l’accord obtenu dans la nuit entre les Vingt-sept, et indiquant ainsi implicitement qui en sont les vrais gagnants. Au terme de quatre jours et quatre nuits de négociations et d’affrontements, les chefs d’Etat et de gouvernement ont finalement abouti à un compromis sur le « plan de relance » proposé par la Commission, ainsi que sur le futur budget pluriannuel de l’UE.

Selon le schéma proposé par Bruxelles, la Commission empruntera 750 milliards sur les marchés financiers, et redistribuera cette somme aux Etats membres, en particulier ceux dont l’économie a été la plus touchée par l’épidémie de Covid 19, sous forme de subventions (390 milliards) et de prêts (360 milliards). C’est notamment cet équilibre qui a été âprement négocié, de même que le mécanisme de surveillance de l’utilisation de ces fonds. Les premiers bénéficiaires (Italie, Espagne…) redoutaient une mise sous tutelle ressemblant à ce qui avait été imposé à la Grèce à partir de 2012. Plusieurs pays du nord entendaient au contraire être sûrs que des « réformes structurelles » seraient bien mises en oeuvre à cette occasion. Une surveillance collective fait bien, finalement, partie du compromis.

Les enjeux et paramètres de ce plan ont été largement analysés, notamment dans ces colonnes. Aujourd’hui, les partisans de l’intégration européenne affirment que l’UE est « sauvée » et même a « avancé », une thèse qui tient plus de la propagande que de la réalité. Au demeurant, le « narratif » (la thèse officielle servie aux opinions publiques) de Bruxelles n’a rien d’innocent ni de très honnête. A ce stade, cinq remarques peuvent être formulées à ce propos.

Ce conte moral pour enfants opposant « les bons et les méchants » est en réalité la mise en scène d’une pression conjointe de Berlin et de Paris

La première concerne la thèse des « méchants frugaux » tentant de freiner la « générosité européenne ». On sait en effet que cinq pays – les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark, la Suède, ainsi que la Finlande – étaient plus que réticents sur le versement de fonds communautaires aux pays du sud, ainsi que sur l’extension du budget de l’UE. Mais ce conte moral pour enfants opposant « les bons et les méchants » est en réalité la mise en scène d’une pression conjointe de Berlin et de Paris pour tenter d’éviter une explosion à court terme de l’Union. Face à eux, les dirigeants des Etats qualifiés de « radins » se faisaient en réalité l’écho d’une résistance de leurs peuples contre des transferts financiers européens.

Les dirigeants de ces pays (un libéral, un conservateur allié aux Verts, et trois sociaux-démocrates) sont tous dans des situations où leur crédit politique est en jeu (aux Pays-Bas, où l’on avait voté Non au projet constitutionnel européen en 2005, plus massivement encore que la France, des élections sont prévues dans quelques mois). Ils devaient arbitrer entre l’état d’esprit de leurs électeurs – cela s’appelle la démocratie – et « l’intérêt supérieur européen ».

Cela illustre un mécanisme pervers typique de l’intégration européenne qu’on nomme la « pression des pairs »

Deuxième remarque : le groupe des Cinq a certes obtenu des concessions, mais a finalement cédé sur le principe de transferts financiers accrus (qui profiteront aux grandes entreprises, pas aux peuples). Cela illustre un mécanisme pervers particulièrement ancien et typique de l’intégration européenne qu’on nomme la « pression des pairs » : réunis en conclave dans une salle, un dirigeant, ou un groupe minoritaire reçoit implicitement une injonction qui pourrait être formulée ainsi : vous n’oserez quand même pas prendre la responsabilité d’un échec de l’Europe. Comme les dirigeants en question ne sont évidemment pas des adversaires de l’intégration, ils finissent généralement par céder, et arbitrer en faveur de Bruxelles, contre leurs citoyens.

Le premier ministre grec a même menacé ses collègues dissidents : « vous imaginez le titre du Financial Times demain si vous continuez à bloquer un accord ? ». Difficile de se faire un interprète plus clair de la volonté des marchés financiers.

« Il est dans l’intérêt de l’Allemagne que l’Europe ne s’effondre pas » – Angela Merkel

Troisième remarque : le portrait flatteur que le couple Merkel-Macron s’est efforcé de dresser de lui-même, en l’occurrence les généreux sauveteurs des pays les plus en difficulté, ne résiste pas à l’examen. La réalité, c’est que les dirigeants allemands et français ont mesuré que le statu quo aurait représenté une menace à court terme pour la stabilité voire la survie de l’Union européenne, et les intérêts des grands groupes industriels et financiers. Car la crise sanitaire a encore exacerbé les déséquilibres économiques et sociaux entre Etats membres. Du reste, le 26 juin, la chancelière avouait ingénument : « il est dans l’intérêt de l’Allemagne que l’Europe ne s’effondre pas ». D’autant que le confinement et la fermeture des frontières intérieures pour cause de pandémie a souligné l’extrême dépendance – organisée pour des raisons de rentabilité des grandes entreprises – des économies les unes par rapport aux autres.

L’UE n’est pas « sauvée » pour autant

Mais, quatrième remarque, si elle a évité l’explosion à court terme, l’UE n’est pas « sauvée » pour autant. Le pas – au demeurant plus modeste qu’affirmé – vers une union plus intégrée et plus fédérale que certains décrivent, à travers des transferts financiers, ne peut qu’aviver les contradictions, au moment où les peuples sont de plus en plus réticents à se diriger dans cette voie. Les prochains mois pourraient l’illustrer, alors que se profile une crise sociale et économique d’une ampleur littéralement sans précédent que le « plan de relance » ne résoudra d’aucune manière.

Enfin, et ce n’est pas l’aspect le moins important, une question a été laissée de côté : qui paiera l’addition ? Si les Etats membres vont recevoir dans les deux ans subventions et prêts, le paquet dont est issue cette manne devra bien être emprunté, en l’occurrence sur les marchés financiers. Ces derniers n’ont pas la réputation d’effacer les ardoises.

Le maître de l’Elysée a attaqué les Etats « radins » qui n’auraient aucune raison de bloquer puisque, a-t-il affirmé, c’est la France et l’Allemagne qui vont « payer ce plan »

Adossé sur le budget communautaire, cet emprunt global sera pris en charge en commun, autrement dit les remboursements devraient être fonction de la richesse nationale (PIB) de chaque Etat membre (et non de la somme reçue). Ainsi, dans le schéma initial de la Commission, Paris devait recevoir 39 milliards d’euros. Mais la France contribue à 11% du budget communautaire. Sur les 750 milliards empruntés, le pays serait donc redevable de 82 milliards, sans compter les intérêts (ces derniers étant exigibles dès 2021). Soit le double des subventions prévues pour Paris.

Bien sûr, certains évoquent la création de « ressources propres », autrement dit d’impôts européens (le sommet a évoqué une « taxe plastique », et diverses pistes avaient été suggérées…) qui viendraient (un peu) financer les sommes empruntées. Mais il n’est un secret pour personne qu’Angela Merkel n’est guère favorable à ce principe, qui nécessiterait d’ailleurs l’accord unanime des gouvernements nationaux, mais aussi des parlements.

Le maître de l’Elysée le sait parfaitement. Alors que, pour la galerie, il a tweeté « un jour historique pour l’Europe », il avait, pendant le sommet, attaqué vivement les Etats « radins » qui n’auraient aucune raison de bloquer un accord puisqu’au final c’est la France et l’Allemagne qui allaient « payer ce plan ». Un argument qu’il s’est bien gardé de répéter face à son peuple.

Emmanuel Macron a même agressé son collègue néerlandais, Mark Rutte, réputé chef de file des « radins », en le comparant à l’ancien premier ministre britannique David Cameron, qui défendait cette même ligne lorsque le Royaume-Uni était encore membre de l’UE. Faisant allusion au Brexit, le président français a martelé : « ce genre de positionnement finit mal ».

Pour les Britanniques, il a plutôt bien fini…

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« Vague verte » aux municipales : un mythe pas innocent

Par : pierre

Le mythe de la « vague verte » qui aurait déferlé au second tour prépare le terrain aux suppressions d’emplois et à l’austérité salariale renforcée, en harmonie avec le « Pacte Vert » de la Commission européenne.

Près de deux semaines après le second tour des élections municipales, la poussière est un peu retombée : on peut donc s’interroger sereinement sur la réalité de ladite « vague verte ».

Que les écologistes répandent cette légende avec enthousiasme, c’est de bonne guerre (encore que ces derniers devraient être prudents : une vague est par nature un mouvement ascendant qui ne manque jamais de retomber peu après). Mais qu’une armée d’analystes, d’experts et de commentateurs répète et alimente ce qui relève manifestement du mythe, voilà qui n’est sans doute pas innocent. Après tout, un mythe est un récit imaginaire dont la construction et la pérennité influencent ensuite la réalité.

C’est le second scrutin à propos duquel on vante de toute part la « poussée écologiste » : ce fut déjà le cas lors des élections européennes de mai 2019, où l’on nous avait même décrit cette dernière comme déferlant sur le Vieux continent, et ce, alors même que les forces se réclamant de l’écologie politique n’avaient progressé – souvent de manière modeste – que dans sept ou huit pays de l’Union européenne, qui en comptait (à ce moment) vingt-huit. Cette échéance électorale avait déjà été marquée par une abstention considérable (49,5 % en France, 49%, dans l’UE). La liste des Verts français avait obtenu 13,4% dans ce contexte de faible participation.

Cette fois encore, la caractéristique majeure du scrutin du 28 juin est l’abstention massive, et, surtout, bien plus inhabituelle pour une élection locale : plus de 58% d’électeurs sont restés chez eux. C’est un record historique sans précédent pour ce type de scrutin. Dès lors, tirer des leçons et asséner des conclusions à partir d’une élection qui n’a mobilisé, lors du second tour, que deux électeurs sur cinq – bien moins, même, car une partie des citoyens n’est pas inscrite sur les listes électorales – est pour le moins aléatoire.

L’ampleur de cette désaffection des urnes n’a pu évidemment échapper à personne. Pour ne prendre que l’exemple de Grenoble, seule ville de plus de 100 000 habitants ayant à sa tête un maire sortant étiqueté EELV, l’abstention atteint des sommets avec près de 65% des inscrits. Eric Piolle, présenté comme le maire Vert exemplaire, obtient ainsi 16 000 suffrages, pour une commune qui compte près de 160 000 habitants. En matière de tsunami électoral, on a vu plus impressionnant…

Si le peuple avait souhaité massivement exprimer son enthousiasme écologique, le résultat eût été plus marquant. Qui plus est, dans cette ville comme dans tout le pays, ceux qui se sont abstenus le plus sont, sans surprise, les électeurs des milieux populaires, ainsi que les jeunes.

Or la jeune génération est précisément celle qui est souvent présentée comme le fer de lance des combats environnementaux. Si les urnes avaient vraiment exprimé une volonté de « transition écologique », pourquoi ceux qui sont censés en être les champions les auraient-ils boudées à ce point ?

La progression des Verts au premier tour correspond à une « rééquilibrage » au sein de la « gauche ». Ainsi qu’à un transfert des voix d’Emmanuel Macron vers l’écologie

La thèse de la « vague verte qui déferle sur le pays » s’appuie sur un fait réel : le parti EELV conquiert une douzaine de villes de plus de 30 000 habitants, notamment parmi les plus grandes, telles que Lyon, Bordeaux ou Strasbourg. Pourtant, cet affichage doit être relativisé. Car il y a tout de même plus de 250 communes de taille au moins égale à ce seuil. Et le Parti communiste, par exemple, pourtant décrit comme en perdition, en conserve plus d’une vingtaine.

Une analyse sérieuse des rapports de forces électoraux ne peut, en tout état de cause, que se baser sur le premier tour. Egalement marqué par une très faible participation (45%), ce dernier avait eu lieu le 15 mars, et avait certes marqué une certaine progression des Verts. Mais celle-ci correspond en fait à une « rééquilibrage » au sein de la « gauche ». Ou bien, comme à Bordeaux, à un transfert des voix d’Emmanuel Macron vers l’écologie au sein des catégories aisées. Il n’est un secret pour personne que les écolos font leurs meilleurs scores parmi ces dernières. Tout particulièrement dans les centres-villes et les quartiers habités par ce qu’on nomme souvent les « bobos ». A l’inverse, ils sont souvent insignifiants dans les quartiers populaires.

La redistribution des cartes au sein de ce qui se nomme encore la « gauche » (mais qui ne met plus depuis longtemps en cause la domination de la société par les propriétaires du capital) intéresse certainement les tacticiens et stratèges désormais occupés à préparer la prochaine élection présidentielle, au printemps 2022.

Ce rééquilibrage ne signifie en aucune manière la montée d’une puissante aspiration environnementale

Mais cela ne signifie en aucune manière la montée d’une puissante aspiration environnementale au sein de la population toute entière, et des classes exploitées en particulier. Celles-ci sont confrontées, et le seront encore plus brutalement dans les mois qui viennent, à un choc social brutal en termes d’emploi en particulier. Les plans de suppressions d’emploi chez Air France, Airbus, Renault ne sont que de premières manifestations des restructurations prévues, dont la plupart étaient prévues dès avant l’épidémie.

A un titre ou à un autre, elles se réclament de la « préservation du climat » : il faut moins prendre l’avion, donc moins construire d’appareils, et limiter la circulation automobile. De fil en aiguille, c’est toute l’économie qui risque de subir cette onde de choc, des télécommunications (Nokia ex-Alcatel) aux médicaments et à la chimie (Sanofi). Onze millions d’emplois directs sont menacés par le Pacte Vert (« green Deal »), priorité absolue de la Commission européenne.

La « sobriété » et la « frugalité », pour mieux « sauver la planète », sont les nouveaux habits de l’austérité salariale

De même, la « sobriété » et la « frugalité », pour mieux « sauver la planète », sont les nouveaux habits de l’austérité salariale. Il faudrait ainsi « consommer moins, produire moins et donc travailler moins », selon la formule initiale de ladite Convention citoyenne – 150 citoyens tirés au sort et devenus miraculeusement unanimes sur la protection de la planète, en fait un des plus abominables exemples dans l’histoire des manipulations idéologiques d’Etat.

La « vague verte » est en réalité une construction idéologique qui vise à soutenir les politiques « toujours plus vertes » qu’Emmanuel Macron annonce depuis des mois, désormais soutenu activement par Bruxelles… et les patrons du CAC 40.

Depuis des mois ? Plus précisément depuis l’automne 2018, quand il avait voulu imposer une « taxe carbone » sur l’essence et le diesel afin – c’était dit ouvertement – de « faire changer les comportements ». La suite, ce fut le mouvement des Gilets jaunes… et le retrait précipité de cette taxe.

Si certains croient réellement avoir convaincu le pays d’opérer une « conversion écologique », et se fondent sur le résultat des municipales pour estimer que le moment est venu, ils se préparent peut-être de nouvelles et douloureuses surprises…

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En raison des circonstances dramatiques, Bruxelles interdit la diffusion de poissons d’avril

Par : pierre

L’article ci-dessous, paru le 1er avril, visait à honorer la tradition des poissons. Les lecteurs auront donc bien compris que les faits et citations étaient imaginaires – pour le moment.

Au terme d’un débat de près de deux heures, le 31 mars à la mi-journée, la Commission européenne a décidé d’interdire toute diffusion d’informations qui se révéleraient être un poisson d’avril. Une décision qui ne concerne que cette année.

Celle-ci a été prise au cours d’une vidéoconférence qui n’était pas inscrite à l’agenda de la Commission. D’après plusieurs sources à Bruxelles, l’initiative a été imaginée au dernier moment, dans le climat très exceptionnel marqué par l’épidémie de coronavirus.

« Dans un contexte où nos citoyens sont pour la plupart confinés, où des centaines de malades meurent chaque jour, et où le personnel soignant est particulièrement éprouvé, la diffusion de fausses nouvelles, même sous forme de canular traditionnel du 1er avril, serait particulièrement inopportune », a justifié la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Le Commissaire chargé du portefeuille « une économie au service des personnes », le Letton Valdis Dombrovskis, a pour sa part souligné qu’une information inexacte pouvait aggraver encore une situation économique particulièrement inquiétante. Son collègue chargé de la justice, le Belge Didier Reynders, a précisé que les Etats membres sont chargés de faire appliquer ce que certains appellent déjà un « confinement humoristique ».

De son côté, Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission chargé du « Pacte vert », a ajouté qu’il ne serait pas tolérable que les graves questions climatiques soient l’objet de « blagues douteuses ».

De fait, le Conseil des affaires générales – les ambassadeurs des Vingt-sept – réuni en urgence dans la soirée a validé cette décision d’interdiction. Il semble cependant que plusieurs pays aient rechigné, à commencer la par la Pologne et la Hongrie, qui n’ont cependant pas réuni la minorité de blocage nécessaire pour s’opposer à la mesure.

Le premier ministre hongrois a notamment protesté contre une « tentative ridicule » qui va à l’encontre d’une « tradition remontant aux origines chrétiennes de notre continent ». Il a annoncé que son pays se tournerait vers la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour tenter de mettre en échec cet acte « contraire aux droits de l’Homme ». Une action en réalité symbolique puisque les délais ne permettent pas à la Cour de se prononcer.

Pour Josep Borrell, cette décision « nous permettra de lutter plus efficacement contre les ‘Fake news’ que la Russie répand chaque jour  »

Enfin, le chef de la politique étrangère de l’UE, le socialiste Josep Borrell, a fait valoir une raison supplémentaire à l’interdiction, cette année, des traditionnels poissons d’avril : « cela nous permettra de lutter plus efficacement contre les ‘Fake news’ que la Russie répand chaque jour pour déstabiliser l’Union européenne ».

L’équipe spécifiquement chargée de traquer les fausses informations concoctées par Moscou a été missionnée pour faire appliquer l’interdiction édictée. A Bruxelles, on indique qu’un Etat membre qui ne ferait pas respecter le bannissement des « poissons d’avril » serait susceptible d’une procédure d’infraction, et encourrait les sanctions prévues dans ce cas.

La Commission a cependant précisé que cette décision ne devrait pas être reconduite pour l’année 2021 – car ce serait alors « un problème pour l’Etat de droit ».

Enfin, pendant la période de transition qui suit la sortie du Royaume-Uni de l’UE, Bruxelles a demandé à Londres d’appliquer également cette restriction. Boris Johnson a immédiatement répondu : « bien entendu, nous nous alignerons ». Le sourire moqueur du premier ministre a été interprété comme l’expression de l’humour britannique – et donc comme un nouveau pied de nez à Bruxelles.

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Quand les discours écolos se déchaînent

Par : Grégoire

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren (ci-dessous) évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy, s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

Par Pierre Vermeren, professeur à Paris 1 en Histoire des sociétés arabo-berbères contemporaines.

Nul ne doute plus de la réalité du réchauffement climatique, éprouvée à nouveau au jour le jour en ce si doux hiver. Nul ne doute des conditions prédatrices de notre économie sur l’environnement, ni des conséquences tragiques de notre modèle de développement sur des phénomènes aussi différents que la destruction de la faune (la moitié des animaux sauvages auraient disparu de la terre en 40 ans), ou l’accumulation invraisemblable de résidus plastiques dans les mers, qui constitueraient une sorte d’immense île flottante au milieu de l’océan pacifique.

La prise de conscience de ces phénomènes étant établie, notamment dans certains milieux de la jeunesse à ce qu’on dit -quoique le mode de consommation des jeunes semble peu affecté-, notre classe politique s’est emparée de ce lourd sujet. Après une première phase, que l’on peut dater des années 2000, qui relevait d’une approche assez artificielle de l’écologie, la prise de conscience est bel et bien brandie : depuis que plane la menace de victoires électorales de candidats se réclamant de l’écologie politique, les choses sont en effet sérieuses !

Une foire à la démagogie inonde les discours, essentiellement à destination des citadins et des habitants des métropoles.

Cette apparente bonne volonté semble partagée par tous les partis politiques, façonnant en partie la campagne électorale des municipales de mars. Une foire à la démagogie inonde les discours, essentiellement à destination des citadins et des habitants des métropoles, les plus éloignés de la nature et des véritables méfaits écologiques.

Avec eux, nul besoin de s’intéresser aux problème structurels cruciaux des transports de longue distance, des parcs éoliens destructeurs d’espaces ou des dégâts de l’agro-business, mais seulement de la végétalisation des espaces urbains, des niches écologiques urbaines et des « mobilités douces ». Tout cela est epsilonesque à l’échelle planétaire, mais peut conduire un candidat de centre gauche ou de centre droit dans le fauteuil du maire.

Travaux absurdes

Dans certaines grandes métropoles, comme à Paris ou Bordeaux, l’imminence des élections a dopé les travaux publics, livrant les agglomérations à une véritable débauche de chantiers. D’énormes machines hyper-polluantes carburant au diesel lourd parcourent rues et boulevards en tous sens pendant des mois pour refaire les réseaux, daller une rue, faire une piste cyclable ou planter quelques arbres. Heureusement qu’aucune étude ne sera jamais faite sur le bilan carbone calamiteux de telles équipées.

Nul doute qu’au lendemain des élections, la bétonisation immobilière des espaces urbains et de leurs périphéries anciennement rurales va reprendre de plus belle.

Redoutant l’adage « un maire bâtisseur est un maire battu », les élus locaux, en fin de mandat, ont lancé leurs forces vives dans la voirie. Nul doute qu’au lendemain des élections, la bétonisation immobilière des espaces urbains et de leurs périphéries anciennement rurales va reprendre de plus belle. Il faut en effet occuper un million et demi de travailleurs dont la productivité a progressé à la mesure du gigantisme de leurs machines et de la sacro-sainte bétonisation inventée par Le Corbusier.

Déménagements inutiles

La saillie des candidats LREM à la mairie de Paris, évoquant le transfert en banlieue de gares parisiennes, est un rêve que les bétonneurs ne s’autorisaient même plus. Sous les précédentes présidences, ils avaient vécu le transfert en banlieue ou en périphérie parisienne de la Sorbonne-sciences humaines, de l’EHESS, des Archives nationales et de celles du Quai d’Orsay, du Palais de justice, du Ministère de la défense, du Quai des orfèvres, autant d’institutions rebâties à coûts de milliards d’euros à quelques kilomètres de distance.

Mais le coup des gares est encore plus fort, car il y en aurait une demi-douzaine à raser ! La tentative de déplacer les aéroports ayant échoué à Notre-Dame des Landes, il fallait en effet songer à la suite des opérations. C’est alors qu’intervient la touche écologique, un grand parc arboré étant appelé à succéder au démontage de centaines d’hectares de voies ferrées et de bâtiments, et à leur reconstruction quelques kilomètres plus loin.

La menace Amazon

Ces polémiques et ces propositions mettent en valeur notre incapacité à concevoir un programme de reconstruction de notre modèle de développement fondé sur le respect de l’environnement et la préservation des ressources. De même que tout continue à l’identique, que les légumes bios de la grande distribution sont emballés dans du plastique, que la restauration rapide et le portage à domicile (plébiscité par les « jeunes ») multiplient par 2 ou par 3 les emballages de l’alimentaire (sans parler de l’exploitation des hommes), et que le portage à domicile type Amazon aggrave deux fois la destruction de la nature -par la construction de plateformes logistiques géantes et l’activation de millions de transporteurs-, notre mode de vie n’est pas compatible avec une consommation soutenable.

Faute de changements réels, il nous faudra bien acter une fois pour toute que nous nous payons de mots, que nous sommes collectivement des affabulateurs qui font semblant de s’intéresser à la nature pour des raisons politiciennes ou de mode, et qu’au demeurant, puisque nous n’émettons pas plus d’1% des gaz à effet de serre, qu’il revient aux Chinois, aux Américains et aux Allemands de faire des efforts, ou bien nous agissons sérieusement.

Des centrales nucléaires pour les films de chats

Dans ces conditions, plutôt que de couvrir nos vieux bâtiments de végétaux et de parements hideux, allons droit au but. Cessons de prendre l’avion pour rien, supprimons les low-cost qui sont un scandale achevé, et faisons payer aux voyageurs le prix global de leur trajet. Limitons l’accès quotidien gratuit à Internet et aux réseaux sociaux, puisque plusieurs centrales nucléaires sont consacrées aux seules consommations au quotidien de films de chats et de pornographie, et bien plus encore pour le cloud.

Cessons d’étendre les agglomérations qui ont déjà absorbé en 40 ans l’équivalent en France de quatre départements.

Cessons d’utiliser des emballages plastiques pour un oui et pour un non, et rendons le possible et compréhensible à nos concitoyens. Arrêtons d’importer du maïs, du soja et des farines de poissons pour nourrir notre bétail, et rendons aux animaux l’accès aux pâturages qu’ils fertiliseront eux-mêmes. Cessons d’étendre les agglomérations qui ont déjà absorbé en 40 ans l’équivalent en France de quatre départements, soit 210 fois la surface de Paris consommée en cités pavillonnaires et zones d’entrepôts macadamisées. Enfin, cessons de détruire la SNCF et reconstruisons un fret ferroviaire obligatoire pour traverser la France en camion, comme cela se fait en Autriche et en Suisse. Toute autre approche ne serait elle pas pure vaticination ?

Les analyses publiées dans la rubrique Opinions constituent des contributions aux débats. Elles n’engagent pas la responsabilité de la rédaction du site.

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Bolivie : l’UE doit envoyer des « experts » pour accompagner le nouveau pouvoir putschiste

Par : pierre

Le président sortant et réélu, Evo Morales, avait été contraint à l’exil alors que ses partisans continuent de manifester

Le président bolivien sortant, Evo Morales, est toujours au Mexique, où le gouvernement de ce pays lui a proposé de trouver asile. Lors de l’élection présidentielle du 20 octobre, où il se présentait en vue d’obtenir un quatrième mandat, il avait obtenu 47,1% des suffrages, plus de dix points devant son principal concurrent, Carlos Mesa (droite).

Ce résultat devait, selon la loi, assurer sa réélection dès le premier tour. Mais l’opposition a immédiatement accusé les autorités de fraude, s’appuyant sur un retard de centralisation des résultats. L’Organisation des Etats américains (OEA) a instantanément emboîté le pas. L’OEA a son siège à Washington ; elle compte dans ses rangs une majorité de dirigeants favorables à l’Oncle Sam, et très hostiles aux gouvernements de Cuba et du Venezuela. L’organisation avait par exemple été très active dans les tentatives – vaines – de faire tomber le président de ce dernier pays, Nicolas Maduro.

Quelques jours après le scrutin du 20 octobre et sous pression, Evo Morales a finalement accepté la tenue d’un second tour. Mais pour l’opposition, cette solution de compromis était insuffisante. Elle a contraint M. Morales à la démission après que des secteurs de la police et de l’armée eurent choisi leur camp en décidant de ne plus obéir au pouvoir légitime.

La deuxième vice-présidente du Sénat Jeanine Anez (mouvement social-démocrate, droite) s’est alors proclamée présidente par intérim, et a prêté serment, bible en main (alors que la constitution bolivienne est explicitement laïque). Les partisans d’Evo Morales, qui continuent à manifester contre ce coup d’Etat de fait, sont durement réprimés, avec notamment près d’une trentaine de protestataires qui ont perdu la vie.

Premières mesures

Parmi les premières mesures, Mme Anez a changé le chef de l’armée, lancé des poursuites contre Evo Morales, annoncé vouloir quitter l’Alliance bolivarienne pour les Amériques, et renvoyé sans délai 700 membres de la mission de coopération médicale cubaine.

Très logiquement, elle a également reconnu Juan Guaido, le dirigeant de l’opposition vénézuélienne qui s’était autoproclamé président de ce pays en janvier 2019. Rappelons que M. Guaido avait été très vite reconnu par les Etats-Unis, par l’europarlement, et par les principaux pays de l’UE, dont l’Allemagne et la France. Début février, Nathalie Loiseau, le ministre français des Affaires européennes, déclarait ainsi : « nous considérerons Juan Guaido comme le président légitime du Venezuela ».

Dans ce contexte, l’actuelle titulaire de ce portefeuille, Amélie de Montchalin, a « appelé au calme et à la retenue ». Dans une intervention a l’Assemblée nationale, le ministre a également martelé, manifestement à l’attention des partisans du président chassé : « nous n’acceptons en rien les manifestations violentes, nous cherchons à protéger la démocratie dans un pays où des élections doivent se tenir ».

Mme de Montchalin a conclu en appelant de ses vœux un tel processus, et précisé que « l’Union européenne enverra des experts sur le terrain, bien évidemment ».

« Bien évidemment ». On ne saurait mieux dire.

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Les Espagnols retourneront une nouvelle fois aux urnes

Par : pierre

C’était devenu de plus en plus probable. C’est désormais officiel : les Espagnols retourneront aux urnes, en l’occurrence le 10 novembre. Deux mois se sont en effet écoulés depuis le 23 juillet dernier, date à laquelle le premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, avait initialement tenté d’obtenir, sans succès, l’investiture parlementaire. Passé ce délai, faute de vote majoritaire des députés, la constitution impose de nouvelles élections.

Ce sera donc… le quatrième scrutin législatif depuis quatre ans. Pour comprendre ce blocage répétitif, il faut remonter aux élections de décembre 2015. Le paysage politique espagnol connaît alors un bouleversement : la domination écrasante des deux grands partis traditionnels, le Parti socialiste (PSOE) et le Parti populaire (PP, droite) est battue en brèche par l’émergence de deux nouvelles formations : Podemos, étiqueté gauche radicale, issu du mouvement social des Indignés ; et Ciudadanos, une formation initialement issue de la Catalogne mais radicalement opposée à l’indépendance de celle-ci, et qui s’est étendue à l’ensemble du pays, mettant en avant la lutte contre la corruption ainsi que le libéralisme, voire l’ultralibéralisme.

Cette quadripartition avait alors empêché la formation d’une majorité parlementaire, et provoqué un nouveau scrutin, en juin 2016. Mariano Rajoy (PP) s’était finalement maintenu à son poste en obtenant des majorités au coup par coup. Et ce n’est qu’en juin 2018 qu’il avait été renversé, de manière inattendue, par une motion de défiance parlementaire présentée par le chef des socialistes, Pedro Sanchez.

Le gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez a tenu jusqu’à février 2019, date à laquelle son budget a été rejeté

Ce dernier a alors accédé à la présidence du gouvernement. Mais il ne disposait que sur 84 députés (sur 350). Son gouvernement minoritaire a tenu jusqu’à février 2019, date à laquelle son budget a été rejeté. De nouvelles élections, devenues inévitables, se sont alors tenues, le 28 avril dernier. Mais une nouvelle fois, la formation d’une majorité stable s’est avérée un casse-tête.

Le PSOE était certes apparu comme vainqueur du scrutin avec 28,7% des suffrages (+ 6,1 points), mais ses 123 députés étaient loin de représenter une majorité. De son côté, Podemos (avec quelques alliés) devait se contenter de 14,3% (- 6,8 points).

Ces élections avaient par ailleurs vu une chute du PP (16,7%, soit – 16,3 points), qui s’était fait plumer par ses deux partenaires potentiels de coalition : Ciudadanos (15,8%, + 2,8 points), et une nouvelle formation, nostalgique du franquisme, Vox. Cette dernière, qui surfait sur un soudain afflux de migrants et sur le rejet des indépendantismes, notamment catalan, obtenait 10,3% des suffrages.

Tractations entre le PSOE et Podemos

L’hypothèse d’une coalition de droite étant arithmétiquement écartée, les mois qui ont suivi le verdict électoral d’avril ont été marqués par des tractations entre le PSOE et Podemos. Ce dernier s’affichait prêt à constituer une coalition, mais exigeait une participation significative au gouvernement. Pedro Sanchez n’a jamais caché sa préférence pour un cabinet formé exclusivement par des ministres de son parti qui se serait appuyé sur les députés Podemos. Au cœur de l’été, il a cependant proposé trois ministères à cette formation – un geste que le leader de cette formation a jugé très insuffisant.

Pablo Iglesias, peut-être conscient qu’il a ainsi laissé passer une occasion, est revenu in extremis, mi-septembre, sur son refus. Trop tard, « la confiance a été rompue », a fait valoir M. Sanchez. Ce dernier était d’autant moins enclin à sauver la perspective d’un gouvernement avec Podemos que les deux groupes parlementaires ne suffisent pas à atteindre la majorité absolue. Pour gagner son investiture, le dirigeant socialiste devait aussi obtenir le soutien de députés autonomistes, dont les élus séparatistes de la Gauche républicaine catalane (ERC).

Or ce sont ces derniers qui l’avaient fait chuter, en février dernier, en refusant de soutenir son budget. Qui plus est, un tel soutien aurait pu fâcher une partie des électeurs socialistes hostiles à toute entente avec des séparatistes catalans. Et ce, à un moment où ce thème va refaire surface : plusieurs des dirigeants indépendantistes sont passés en procès pour avoir tenté de forcer l’indépendance de manière unilatérale (notamment avec le référendum jugé illégal d’octobre 2017). Les verdicts sont attendus prochainement.

Aux yeux des électeurs, Pedro Sanchez a probablement réussi à rejeter la responsabilité de ce nouveau retour aux urnes sur Podemos, mais aussi sur Ciudadanos

Aux yeux des électeurs, Pedro Sanchez a probablement réussi à rejeter la responsabilité du blocage, et donc de ce nouveau retour aux urnes, sur Podemos, mais aussi sur Ciudadanos : ce parti dit « centriste » avait, lui, assez de parlementaires pour former une coalition stable avec le PSOE. Et aucune divergence majeure ne sépare en réalité les deux formations. Une alliance qui aurait eu tout pour satisfaire les milieux d’affaires.

Mais le chef de Ciudadanos est resté ferme dans sa stratégie : tenter de devancer le PP, pour prendre ensuite la tête d’une coalition dite de centre-droit. Cet entêtement a provoqué une crise au sein de Ciudadanos, et pourrait bien lui coûter des voix. Le PP pourrait en revanche amorcer une remontée. Les sondages (qui n’ont pas toujours été de bons indicateurs dans le passé) prédisent par ailleurs une nouvelle chute de Podemos.

Plébiscite pour ou contre Pedro Sanchez

A ce stade, les élections du 10 novembre, dont la campagne officielle ne démarre que le 1er novembre, apparaissent comme une sorte de plébiscite pour ou contre Pedro Sanchez. Et ce dernier a quelques raisons d’espérer un résultat en sa faveur.

Certes il est improbable que les socialistes gagnent une majorité absolue. Mais, en cas de nouveau progrès, M. Sanchez pourrait se sentir légitime à diriger un gouvernement minoritaire : quel parti oserait provoquer un cinquième scrutin ?

Déjà, il est vraisemblable que les citoyens expriment un certain ras-le-bol de l’impasse actuelle en s’abstenant davantage qu’en avril. D’autant qu’aucun enjeu majeur n’oppose frontalement les forces en présence. En particulier, aucun parti ne remet en cause ni même ne critique vraiment l’Union européenne. De ce fait, la politique qui sera menée sera conforme au cadre communautaire, en particulier en matière économique et sociale.

Certes, avant le scrutin d’avril, le gouvernement minoritaire de M. Sanchez avait pris quelques mesures telles que l’augmentation du SMIC à 900 euros (+22%), l’indexation des retraites, ou la hausse des bourses étudiantes – autant de dispositions critiquées par ses adversaires comme électoralistes.

Dès lors qu’un gouvernement de plein exercice sera investi, Bruxelles ne devrait pas tarder à rappeler les règles et les contraintes budgétaires

Mais dès lors qu’un gouvernement de plein exercice sera investi, Bruxelles ne devrait pas tarder à rappeler les règles et les contraintes budgétaires. Ce ne sera du reste probablement pas nécessaire, tant les socialistes espagnols affichent fièrement leur « foi européenne ». Du reste, Josep Borrell qui détenait le portefeuille des affaires étrangères a rendu ce dernier pour intégrer la nouvelle Commission européenne qui prendra ses fonctions le 1er novembre, avec le titre de haut représentant de l’UE pour la politique extérieure. Et c’est une Espagnole qui préside désormais le groupe social-démocrate à l’europarlement (un poste traditionnellement détenu par le SPD).

Ces succès européens de M. Sanchez ne feront probablement pas oublier aux Espagnols, en particulier aux classes populaires, que le pays est loin d’avoir effacé la crise majeure des années 2010. Certes, les statistiques officielles du chômage ont diminué depuis cette période, mais elles recensent toujours 14% des privés d’emplois. Un chiffre qui sous-estime largement une réalité marquée par la précarité, la pauvreté et l’économie souterraine notamment dans les régions les plus défavorisées.

Quant à la conjoncture, elle s’annonce mauvaise dans l’Union européenne pour les mois qui viennent. Quels que soient les résultats du scrutin…

 

– L’édition de Ruptures de septembre vient de paraître (voir son sommaire). Une page est consacrée aux dernières nouvelles du Brexit. Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

–  Voir aussi les derniers développements politiques avec la décision de la Cour suprême britannique : article tout récemment mis en ligne sur ce site

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Finlande : après les élections, encore un sujet d’angoisse pour Bruxelles

Par : pierre

Les électeurs finlandais, qui élisaient le 14 avril leur nouveau parlement, se sont rendus aux urnes moyennant une participation de 68,7%, soit 1,8 point de plus qu’en 2015. Le scrutin a été marqué par la claque subie par le Parti du centre du premier ministre sortant ; par un important succès du Parti des Finlandais (ex-Vrais Finlandais, généralement classé à l’extrême droite) ; et par l’arrivée en tête des sociaux-démocrates, avec cependant un score bien plus faible qu’ils ne l’espéraient.

Deux thèmes ont dominé la campagne. Le premier portait sur le système de santé et des services sociaux. Alors que ce dernier est souvent considéré comme l’un des meilleurs du monde, le gouvernement s’était fixé l’objectif, en 2015, de le réformer drastiquement, avec notamment un renforcement de la part du privé. Et cela, au moment même où il appliquait une forte politique d’austérité touchant notamment ce secteur, mais aussi l’éducation. La réduction des dépenses publiques, conforme au Programme national de stabilité convenu avec la Commission européenne, visait en particulier à alléger les cotisations patronales.

Le Parti du centre dégringole de 7,3 points en s’établissant à 13,8%, son pire résultat depuis un siècle

La « grande réforme » elle-même n’a cependant pas pu être réalisée du fait de divergences au sein des trois partis de la coalition au pouvoir, notamment sur la réorganisation territoriale du système de soins. Du coup, par dépit ou par manœuvre tactique, Juha Sipila, chef du gouvernement sortant (un ancien homme d’affaires, toujours richissime), a présenté sa démission cinq semaines avant l’échéance électorale. Les électeurs l’ont manifestement sanctionné puisque sa formation, le Parti du centre (KESK) dégringole de 7,3 points en s’établissant à 13,8%, le pire résultat depuis un siècle pour cette formation surtout implantée en milieu rural.

Associé au sein du gouvernement, le Parti de la coalition nationale (KOK, droite ultralibérale) s’en tire moins mal, avec 17% (- 1,2 point). Troisième pilier de la majorité, le Parti de la réforme bleue ne dépasse pas… 1% des suffrages. Cette formation était en réalité issue d’une scission du Parti Les Finlandais : en 2017, son chef d’alors, Timo Soini, avait tenté un recentrage pour amener ses camarades sur une ligne bien moins « eurocritique ». C’était le prix à payer pour qu’il puisse garder son poste (ministre des Affaires étrangères) au gouvernement, de même que quatre de ses collègues. Mais le parti avait finalement désavoué M. Soini et ses amis devenus pro-UE. Ces derniers ont dès lors choisi de le quitter.

Ils se retrouvent désormais exclus du Parlement, tandis que leur formation d’origine sort grande gagnante du scrutin, obtenant la deuxième place avec 17,5% des voix. Il y a quelques mois encore, les sondages lui accordaient à peine 10%. Le Parti Les Finlandais a en effet exploité le deuxième thème qui a marqué la bataille électorale : l’immigration. En 2015, ce pays de 5,5 millions d’habitants avait accueilli 32 000 demandeurs d’asile, alors que les arrivées étaient d’environ 4 000 les années précédentes. Des affaires de viol impliquant des migrants avaient, tout récemment, polarisé le débat public et entraîné la création de petites formations extrémistes. Mais c’est finalement Les Finlandais qui ont emporté la mise.

Pour sa part, le Parti social-démocrate (SDP) arrive cette fois en tête avec 17,7%, soit un gain de 1,2 point. La Ligue verte passe de son côté de 8,5% à 11,5%, dans un contexte où les questions environnementales ont également été beaucoup évoquées. A noter cependant que le Parti Les Finlandais a affiché des positions dites climatosceptiques qui ne lui ont pas nui, bien au contraire. Enfin, avec 8,2%, l’Alliance de gauche progresse légèrement (+1,1 point).

Tâche complexe

Mais ce n’est pas de ce côté qu’Antti Rinne, le chef du SDP chargé de former un gouvernement, va chercher des alliances, mais plutôt du côté du KESK ou du KOK, dans ce pays aux longues traditions de coalition hétéroclite. Cette fois cependant, la tâche devrait être particulièrement complexe : son score est inférieur à ce qu’il avait espéré, et les trois premiers partis se tiennent dans un mouchoir de poche aux alentours de 17%…

M. Rinne a juré qu’il ferait tout pour constituer une majorité et un gouvernement d’ici fin mai. Et à Bruxelles, on compte bien qu’il tienne cette promesse, car la Finlande prend la présidence tournante du Conseil de l’UE, pour six mois, au 1er juillet. La Commission est d’autant plus anxieuse que la période est particulièrement sensible. D’une part, c’est lors de ce semestre que doit avoir lieu l’épilogue du Brexit. D’autre part, après les élections européennes prévues en mai, la Commission, et son président, seront également renouvelés.

…Rien qui puisse rassurer Bruxelles. Ni d’ailleurs Marine Le Pen.

Et ce, dans un contexte où le verdict des citoyens finlandais a tout pour angoisser les dirigeants européens. Alors qu’ils avaient espéré que l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017 fût un signe d’un virage pro-UE du sentiment des citoyens, ils ont, depuis lors, vécu une longue série de résultats reflétant (plus ou moins clairement) une hostilité populaire croissante face à l’intégration européenne – en Allemagne, en Autriche, en Tchéquie, en Suède, et bien sûr en Italie.

Cette fois encore, le parti politique anti-Bruxelles se distingue, et les « sceptiques » ralliés sur le tard à l’idée européenne comme M. Soini s’effondrent. En l’occurrence, au pays du Père Noël. Voilà qui n’a rien qui puisse rassurer Bruxelles. Ni d’ailleurs Marine Le Pen.

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Brexit : le « feuilleton » continue, mais ceux qui rêvent d’inverser le verdict populaire seront déçus

Par : pierre

Le rejet par les parlementaires britanniques du projet d’accord portant sur les conditions du Brexit était attendu. Son ampleur – 432 votes contre sur 650 députés – a cependant surpris nombre d’observateurs. Une chose est certaine : le « feuilleton » est loin d’être terminé.

A l’issue du scrutin, le premier ministre, Theresa May, a pris acte du « message » des parlementaires, mais noté que ce vote de la Chambre des Communes « ne dit rien sur la manière dont celle-ci entend honorer la décision du peuple britannique ».

Pour comprendre l’impasse actuelle, il faut remonter au référendum de juin 2016 qui avait vu 52% des citoyens se prononcer pour la sortie de l’Union européenne – un événement historique sans précédent. Or pas moins de 70% des membres du parlement actuel avaient pris position à l’époque pour rester dans l’Union.

Face à la force du verdict populaire cependant, il était politiquement difficile de passer outre. Mais dès lors que les pourparlers en vue d’une sortie négociée du Royaume-Uni se sont engagés avec Bruxelles, Mme May s’est retrouvée sous une immense pression, de la part de toutes les forces pro-UE en Grande-Bretagne, conjuguée à celles des Vingt-sept Etats membres.

Elle a fait le choix politique de négocier des concessions pour éviter un Brexit sans accord, acceptant notamment de rester au sein de l’union douanière pendant une période provisoire, mais dont le terme dépendait de la bonne volonté des dirigeants européens. Les Vingt-sept ont en particulier joué sur le levier de la frontière entre les deux Irlande, dramatisant un problème qui aurait pu être réglé de manière technique sans difficulté majeure.

Les concessions de Theresa May à Bruxelles ont heurté nombre de députés pro-Brexit

Ces concessions (y compris financières) non négligeables ont heurté nombre de députés pro-Brexit, particulièrement au sein même du parti conservateur. Theresa May s’est donc retrouvée prise en étau entre élus pro-UE d’un côté, et partisans d’un Brexit radical de l’autre. Cette coalition contre-nature et de circonstance a abouti au vote du 15 janvier, et redonné aux partisans de l’intégration européenne, des deux côtés de la Manche, l’espoir de pouvoir inverser le référendum de 2016. Ils rêvent pour ce faire de multiples scénarios, dont le recours à une seconde consultation.

Souvenirs…

A ce stade, ce coup de force est très hypothétique, tant pour des questions de délai – il est désormais question de repousser l’échéance de la sortie prévue le 29 mars – que du fait de l’impossibilité de trouver une formulation consensuelle de la question à poser.

Il reste que cette configuration rappelle quelques souvenirs à plusieurs peuples : au Danemark, en Irlande, aux Pays-Bas, et bien sûr en France, l’histoire des référendums portant sur des questions liées à l’UE est l’histoire de verdicts électoraux finalement inversés ou piétinés par l’acharnement conjugué de Bruxelles et des dirigeants nationaux.

En France, le projet de « constitution européenne » de 2005 était soutenu par 80% des parlementaires au moment où le peuple rejetait massivement ce traité.

Ainsi, en France, le projet de « constitution européenne » de 2005 était soutenu par 80% des parlementaires au moment où le peuple rejetait massivement ce traité. En matière de contradiction entre volonté populaire et engagement de ceux qui sont censés la représenter, le Royaume-Uni n’a donc pas l’exclusivité… On sait comment les dirigeants européens ont délibérément contourné le vote des Français (et des Néerlandais).

Comme l’affirme Mme May qui, à juste titre, refuse la tenue d’un nouveau référendum, celui-ci constituerait un scandale démocratique. Cela signifierait que la volonté populaire peut être piétinée quand elle s’exprime contre l’idée européenne, mais qu’elle est définitive dès lors qu’elle irait dans le sens de celle-ci. Car les partisans de cette consultation excluent évidemment une troisième manche si le résultat leur était favorable.

Ce qui, au demeurant, serait très loin d’être assuré. Les sondages affirment aujourd’hui que ceux qui souhaitent rester dans l’Union seraient légèrement majoritaires. Mais les mêmes instituts avaient pronostiqué en 2016 une défaite du Brexit…

Les Britanniques qui se sont prononcés pour que leur pays recouvre sa souveraineté n’ont pas changé d’avis

En réalité, les Britanniques qui se sont prononcés pour que leur pays recouvre sa souveraineté n’ont pas changé d’avis. Et s’il est vrai que nombre de citoyens sont épuisés ou agacés par la situation actuelle, ce n’est pas qu’ils rejettent désormais le Brexit (qui n’a pas encore eu lieu) mais plutôt le processus interminable dont on ne voit pas la fin.

On peut même affirmer que le soutien à l’UE est bien inférieur à la moitié de la population qui a voté contre la sortie de l’Union. Simplement, en 2016 et plus encore aujourd’hui, les europhiles n’ont jamais cessé leur chantage à la peur du vide et au chaos.

« C’est mon devoir de mettre en œuvre les instructions (des électeurs en 2016) et j’ai l’intention de le faire » – Theresa May

Après le vote aux Communes, Mme May, certes fragilisée, reste ferme sur son refus d’une nouvelle consultation, ainsi que sur sa volonté : « c’est mon devoir de mettre en œuvre les instructions (des électeurs en 2016) et j’ai l’intention de le faire ».

Depuis 2005, les temps ont profondément changé. En France par exemple, les Gilets jaunes ont surgi, semant la terreur dans les allées du pouvoir. Si, par hypothèse d’école, les dirigeants européens réussissaient, à force de manœuvres, à garder un pays dans la secte européenne contre sa volonté, ce serait une victoire qui leur serait probablement fatale : la « vague populiste » qu’ils redoutent déjà, notamment à l’occasion des prochaines élections européennes, pourrait alors prendre une ampleur qu’il n’imaginent même pas…

Mais pour l’heure, on peut l’affirmer : l’incertitude est plus forte que jamais quant à ses conditions et délais, mais le Brexit aura bel et bien lieu.

La prochaine édition de Ruptures à paraître fin janvier reviendra en détails sur l’état actuel du Brexit : contexte, scénarios et perspectives. Pour recevoir cette édition, il n’est pas trop tôt – ni trop tard… – pour s’abonner.

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Intervention télévisée de Macron le 10 décembre : personne n’a écouté la dernière phrase !

Par : pierre

Gilets jaunes : Bruxelles est en embuscade, tant sur les concessions budgétaires que sur le prix (libéralisé) de l’énergie.

Face à l’ampleur du mouvement des gilets jaunes, et à la détermination de ceux qui l’animent, Emmanuel Macron a dû reculer. Très insuffisamment, certes, au regard des exigences de pouvoir d’achat, de justice sociale, et de souveraineté populaire – un terme qui revient désormais régulièrement sur les ronds-points.

Insuffisamment, mais assez, cependant, pour inquiéter la Commission européenne. Le Commissaire à l’Economie, Pierre Moscovici, a mis en garde la France, le 11 décembre. Interrogé par l’AFP, il a indiqué que Bruxelles « suivra avec attention l’impact des annonces faites par le président » français sur le déficit, et étudiera de près les modalités de financement de ces mesures. Le lendemain (le 12), il a précisé dans Le Parisien que dépasser cette limite ne peut être envisageable que « de manière limitée, temporaire, exceptionnelle ».

L’exécutif européen rappelle que le pays reste soumis au Pacte de stabilité

En d’autres termes, l’exécutif européen rappelle que le pays reste soumis au Pacte de stabilité qui impose un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB. Depuis la crise de 2008, la « gouvernance » de la zone euro a même été renforcée – le gouvernement italien en sait quelque chose.

Le prix de l’énergie

Mais l’Union européenne est aussi en embuscade sur un autre point : les prix de l’énergie. Car si le coût de l’essence, du gaz, mais aussi du fuel ne résume pas, et de loin, la colère, il a quand même mis le feu aux poudres dès lors qu’était annoncée pour janvier une taxe écologique visant à imposer d’autres comportements.

Au demeurant, l’énergie reste plus que jamais un poste qui pèse lourd dans le budget de millions de ménages. Pour rouler, bien sûr, mais aussi pour se chauffer. Du coup, après avoir tenté en vain de désamorcer l’exaspération en annulant lesdites taxes environnementales sur les carburants, le gouvernement a également promis de geler le prix du gaz et de l’électricité.

Pour cette dernière cependant, il y a un os. Le premier ministre peut certes différer de quelques mois l’augmentation attendue de 6% du prix du kilowatt. Mais il ne peut pas la bloquer, libre marché oblige. Un tel gel avait déjà été entrepris par un précédent gouvernement, en 2012, mais les concurrents d’EDF avaient attaqué cette décision en justice. Avec succès : en application des règles européennes, le Conseil d’Etat avait condamné cette décision en 2014, ce qui avait contraint l’entreprise nationale à récupérer des arriérés sur les factures des usagers.

« La Commission encourage les Etats membres à établir une feuille de route pour sortir du système des prix administrés »

C’est que, pour Bruxelles, les règles de la concurrence sont sacrées. Le marché de l’électricité a été progressivement déréglementé à partir des années 1990, par des « paquets législatifs » européens successifs. En 2016, la Commission a présenté un projet de directive visant à parachever cette libéralisation (et à y inclure les sources nouvelles de production). Ses attendus sont sans ambiguïté : « la régulation des prix peut limiter le développement d’une concurrence effective, décourager les investissements et l’émergence de nouveaux acteurs. C’est pourquoi (…) la Commission encourage les Etats membres à établir une feuille de route pour sortir du système des prix administrés ».

Les « prix administrés » désignent le système où la puissance publique prend la main face au marché. C’est cette faculté-là qu’il faut éliminer, martèle la Commission, soutenue en cela par l’europarlement. Dans cette assemblée, c’est un député Vert espagnol qui pilote le dossier. Pour ce dernier, Florent Marcellesi, « la position du Parlement européen sur ces tarifs réglementés, qui est aussi celle de mon groupe, c’est qu’il faut en sortir, car ils bloquent le développement des énergies renouvelables ». Encore un bienfait de l’écologie.

Du reste, certaines capitales, dont Paris, essaient en coulisses d’atténuer un tout petit peu cette libéralisation totale, espérant garder un modeste espace pour le tarif réglementé.

Evidemment, si la puissance publique n’a plus la main sur les prix du courant proprement dits, le gouvernement peut choisir de diminuer les taxes sur ce dernier. Ces taxes représentent en l’occurrence plus de 35% de la facture pour l’usager. Il y a bien sûr la TVA, mais aussi ladite « contribution au service public de l’électricité » (CSPE), qui assure notamment le financement des énergies renouvelables. Utile rappel : la facture d’électricité avait naguère été alourdie au bénéfice des éoliennes ou des panneaux solaires, car le courant ainsi produit revient bien plus cher que le classique (nucléaire, hydraulique…). Qui s’en souvient ?

Là encore, il s’agissait de se conformer aux objectifs définis au niveau européen (« paquet énergie-climat ») visant à diminuer les émissions de gaz carbonique.

Austérité budgétaire imposée, alourdissement des contraintes environnementales, libre concurrence obligatoire : de quelque côté qu’on se tourne, les chemins mènent à Bruxelles.

« Notre seule bataille, c’est pour la France »

Il reste pourtant une lueur d’espoir que seuls les courageux ayant écouté le maître de l’Elysée pérorer jusqu’au bout, le 10 décembre, ont pu déceler. Car qui a prêté attention à la dernière phrase ? « Notre seule bataille, c’est pour la France », a-t-il proclamé sans rire. Lui qui, durant dix-huit mois, de la colline d’Athènes au grand amphithéâtre de la Sorbonne ne cessait de proclamer : notre avenir, c’est la « souveraineté européenne ».

Si Manu avait vraiment opéré ce spectaculaire demi-tour, on pourrait immédiatement sabler le Champagne sur les ronds-points de France et de Navarre. On n’en est hélas pas encore tout à fait là.

 

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