Lateo.net - Flux RSS en pagaille (pour en ajouter : @ moi)

🔒
❌ À propos de FreshRSS
Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraîchir la page.
À partir d’avant-hierRuptures

Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure…

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

… La suite de l’article est réservée aux abonnés

Cet article Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure… est apparu en premier sur Ruptures.

Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure

Par : pierre

Besoin de remplir des pages quand l’actualité économique et sociale est réputée en pause ? Inquiétude devant le scepticisme populaire sur la poursuite de la « grande aventure européenne » ? Ou dernier coup de chapeau de l’année décerné à Bruxelles avant de clore 2023 ?

Toujours est-il que Le Monde, dans son édition datée des 31 décembre et 1er janvier, a publié une chronique signée de la sociologue Dominique Méda pour vanter le « tournant social de l’Union européenne ». Après avoir pris la précaution de vérifier qu’il s’agit bien du 1er janvier et non du 1er avril, la curiosité est grande de découvrir les traits de cette révolution qui avait manifestement échappé aux simples citoyens.

L’auteur cite d’abord l’étude d’un économiste américain selon lequel « la mondialisation porte – avec le libre-échange, la libéralisation des capitaux et l’automatisation – (la) responsabilité essentielle, (…) depuis les années 1990, (de la) forte insécurité économique pour certaines populations ». « La désindustrialisation, les délocalisations, la déformation du partage entre capital et travail se sont opérées au détriment » de ces groupes sociaux, précise pour sa part la sociologue.

Celle-ci pointe des conséquences politiques : « cette situation aurait dû logiquement profiter à la gauche, mais les dirigeants politiques d’extrême droite ont réussi à la retourner à leur avantage ». Pour faire échec au parti de Marine Le Pen, il faut donc d’urgence « rompre avec une mondialisation conçue en fonction des besoins du capital afin d’obtenir un rééquilibrage en faveur du travail ».

Hélas, soupire Dominique Méda, le gouvernement français « n’a pas choisi cette voie, bien au contraire ». Mais heureusement, il y a l’Union européenne, car s’enthousiasme-t-elle : « ce sont la Commission et le Parlement européens qui semblent amorcer un tournant social ».

Les institutions de l’UE ont impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts

Elle cite trois exemples qui devraient achever de convaincre les lecteurs du quotidien des élites libérales françaises. Le premier concerne la directive relative à l’amélioration des conditions de travail des personnes dont le revenu dépend d’une plate-forme numérique. Pour mémoire, le texte en question énumère les critères qui devraient permettre à certains « faux indépendants » de réclamer un statut de salarié.

L’ubérisation porte en elle-même une logique de « dumping social auquel se livrent les nombreuses plates-formes qui échappent aux obligations du droit du travail et font perdre à la Sécurité sociale des centaines de millions d’euros de cotisations » note à juste titre Dominique Méda, qui se réjouit que la future directive européenne puisse ainsi repêcher certains esclaves des temps modernes.

Elle omet cependant un détail : ce sont précisément les institutions de l’ UE – Commission, Conseil, Parlement – qui ont de concert impulsé et organisé la déréglementation du marche du travail, et donc créé les conditions du développement des firmes Uber et consorts. En France, la loi El Khomri, votée en 2016, avait provoqué une mobilisation syndicale de masse (hélas vaine) contre la « flexibilisation » du droit du travail. Ladite loi découlait directement des « recommandations » adressées à la France par Bruxelles.

Aujourd’hui encore, la même Commission fait dépendre le versement des subventions post-Covid destinées aux Etats membres du zèle avec lequel ces derniers mettent en œuvre les « réformes » néo-libérales. Ces dernières n’ont pas exactement pour but la protection des droits des travailleurs…

Bruxelles se fait le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Le deuxième exemple donné est analogue. Il porte sur la « directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité » (le choix des mots est un bel exemple de poésie technocratique). Ledit texte appelle les entreprises à « respecter les droits humains et l’impact environnemental sur l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement ». Bruxelles se fait ainsi le fer de lance non seulement de la défense des prolétaires du Vieux Continent, mais aussi des déshérités du monde entier…

Ravie de cette soudaine croisade bruxelloise, la sociologue dénonce « la manière dont la libre circulation des capitaux et des marchandises avait permis aux entreprises transnationales de s’émanciper des responsabilités sociales et environnementales qui pesaient auparavant sur elles à travers les droits nationaux ». Mais omet de rappeler que la libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne. Avec celle de la main d’œuvre et des services, la « quadruple liberté » de circulation figure même dans les traités fondateurs.

La libre circulation des capitaux et des marchandises constitue le plus emblématique fil rouge de l’intégration européenne

Le troisième exemple est tiré du futur règlement européen encadrant l’intelligence artificielle. Le texte en question établit une typologie entre domaines « à risque inacceptable », « risque élevé » et « risque limité » ; et fixe des objectifs de transparence sur les algorithmes. Mais l’auteur vante surtout « plusieurs dispositions contribuant à améliorer les conditions de travail ». Lesquelles ? De qui ? Hélas, faute de place certainement, elle ne le précise pas…

Enfin, se réjouit-elle, « une dernière avancée mérite d’être mentionnée. Il ne s’agit certes que d’une résolution du Parlement européen – non contraignante –, mais elle dessine une voie novatrice ». Ladite résolution appelle l’UE notamment à investir dans une « transition écologique qui sera créatrice d’emplois de qualité ». Car, selon les eurodéputés, « 1,4 million d’emplois faiblement ou moyennement qualifiés ainsi que 450 000 emplois hautement qualifiés seront créés à la suite de l’augmentation des investissements dans la rénovation des bâtiments et de la réduction de la consommation d’énergie des combustibles fossiles pour le chauffage ».

Des chiffres – dont la méthode de calcul est inconnue – à comparer à d’autres, cités en 2020 par Luc Triangle, un dirigeant syndical belge alors à la tête de la fédération européenne IndustriAll. Cette dernière (qui n’a vraiment rien d’un syndicat anti-européen)  pointait alors les conséquences du « Green Deal » concocté par Bruxelles pour « sauver la planète » : « nous parlons ici d’environ 11 millions d’emplois affectés directement dans des industries extractives, à haute intensité énergétique et automobile ».

Alors, Bruxelles chevalier du progrès social face aux Etats récalcitrants ? L’affirmation prête à sourire. Et à supposer même qu’elle ne soit pas absurde, ceux qui y croient oublient qu’aucune conquête sociale ne peut être octroyée d’en haut ; elle ne peut être obtenue que par la lutte.

Ce qui n’empêche pas le serpent de mer de « l’Europe sociale » de refaire surface très régulièrement. En 1997, le parti socialiste européen tenait congrès à Malmö en arborant déjà ce slogan. Avec l’arrivée d’Anthony Blair au pouvoir à Londres, de Lionel Jospin à Paris, puis celle, imminente, de Gerhard Schröder à Berlin, la social-démocratie allait balayer les derniers obstacles à l’Europe sociale…

Déjà une décennie plus tôt, François Mitterrand, alors qu’il venait d’être élu président, déclamait solennellement : « l’Europe sera sociale ou ne sera pas ».

On connaît la suite.

Cet article Le « tournant social » de la Commission, un poisson d’avril avant l’heure est apparu en premier sur Ruptures.

Fulgurances eurocratiques (éditorial paru dans l’édition du 28 mai)

Par : pierre

Un chef d’œuvre. S’il existait un concours de langue de bois pétrie d’écriture automatique, les Vingt-sept, réunis le 8 mai à Porto, eussent sans conteste remporté le Grand Prix. Leur texte conclusif porte aux nues la future « transformation en vue d’une reprise équitable, durable et résiliente (…) collective, inclusive, rapide et fondée sur la cohésion (qui) renforcera la compétitivité, la résilience, la dimension sociale et le rôle de l’Europe sur la scène mondiale ». Le tout afin de « réaliser une convergence sociale et économique ascendante ». Et les chefs d’Etat et de gouvernement d’asséner : « nous sommes déterminés à continuer d’approfondir la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux ». Pour les distraits, ledit socle avait été solennellement adopté en novembre 2017 dans la ville suédoise de Göteborg.

A l’époque, Emmanuel Macron, alors fraîchement élu, affirmait que le modèle social français devait s’inspire de la Suède pour « réduire la conflictualité » entre partenaires sociaux. Quatre ans plus tard, le maître de l’Elysée, à l’unisson de Bruxelles, n’en démord pas : « les partenaires sociaux (doivent être) associés à la construction de l’Europe sociale de demain ». Le 29 avril, afin de préparer le sommet de Porto, il réunissait tous les leaders syndicaux et patronaux français, sans qu’un seul manque à l’appel.

S’il n’y avait la réalité des millions d’ouvriers, d’employés, de chômeurs, de jeunes plongés dans les difficultés ou l’angoisse du lendemain, la réapparition régulière de l’arlésienne « Europe sociale » serait cocasse. En 1997 déjà, les socialistes européens, qui accédaient aux responsabilités au Royaume-Uni, en France et bientôt en Allemagne, tenaient leur congrès à Malmö avec un mot d’ordre : « l’Europe sera sociale ou ne sera pas ». On connaît la suite.

L’Europe sociale est une imposture. D’abord parce que l’intégration européenne a été conçue d’emblée dans l’intérêt des oligarchies économiques en vue de déconnecter les peuples de leur souveraineté politique. Ensuite parce que tout syndicaliste sait – ou devrait savoir – qu’aucune avancée pour le monde du travail n’a jamais été conquise que par la lutte, et certainement pas octroyée d’en haut.

Autre récent trait de génie eurocratique visant à « créer du consensus » : la conférence sur l’avenir de l’UE, solennellement lancée le 9 mai à Strasbourg. Une initiative « historique » et « sans précédent » visant à « renforcer la connexion avec nos citoyens », s’est extasiée Dubravka Suica, commissaire à la démocratie et à la démographie (sic !). Et quand il s’agit de fantasmer sur son propre futur, l’Union met en place une usine à gaz dont elle a le secret : une assemblée plénière de 108 députés nationaux, de 108 eurodéputés, de 54 représentants des Etats, de délégués de la Commission, du comité des régions, du comité économique et social, des partenaires sociaux, des ONG. Plus 108 simples citoyens. La plénière sera dotée de panels, d’une plateforme informatique, d’un comité exécutif, d’une présidence tricéphale… Le tout devant aboutir au premier semestre 2022, c’est-à-dire sous présidence française (et juste avant le scrutin présidentiel).

Ces pathétiques gesticulations soulignent en creux le désarroi des élites face à la désaffection populaire quant à leur projet d’intégration européenne

Emmanuel Macron se targue d’avoir été l’initiateur de ce coup de génie (comme déjà en 2018, lors d’un grand débat à l’échelle de l’UE dont nul ne se souvient), et prévoit une préparation hexagonale dudit débat : à l’automne, des conventions régionales devraient réunir des citoyens tirés au sort. Exactement comme lors de ladite « convention citoyenne sur le climat ». A l’époque, la question était de savoir « comment » (et non « si » il fallait) réduire les émissions de CO2. De manière analogue, il s’agira désormais de savoir comment il faut embellir l’UE – et certainement pas s’il faut remettre en cause son existence même.

Ces pathétiques gesticulations sont réjouissantes : elles soulignent en creux le désarroi des élites face à la désaffection populaire quant à leur projet d’intégration européenne. Ce que Michel Barnier souligne à sa manière : l’ancien négociateur européen en chef du Brexit bat actuellement la campagne en mettant en garde contre l’idée que la sortie du Royaume-Uni serait un accident. Selon lui, s’il est trop tard pour ce pays, il est encore temps d’éviter une tentation de sortie dans d’autres Etats, à condition de prendre cette « menace », en France en particulier, au sérieux.

Pour sa part, celui qui entra à l’Elysée en 2017 en héraut de l’Europe exhorte désormais à « résister au défaitisme ambiant ».

Quel aveu…

Pierre Lévy

Cet article Fulgurances eurocratiques (éditorial paru dans l’édition du 28 mai) est apparu en premier sur Ruptures.

Elections en Irlande : le parti nationaliste Sinn Fein triomphe grâce à son programme social

Par : pierre

Lors du scrutin irlandais du 8 février, le Sinn Fein a créé la surprise en détrônant les deux formations traditionnelles. Les électeurs ont exprimé leurs attentes sur le plan social et leur volonté de changement.

Pari vraiment raté pour le premier ministre irlandais sortant, Leo Varadkar. Mi-janvier, il déclenchait des élections surprises en comptant sur une campagne éclair de trois semaines pour remporter le scrutin fixé au 8 février.

Il misait sur son accord bilatéral négocié le 10 octobre dernier avec Boris Johnson en vue de débloquer le Brexit sans recréer de frontière « dure » avec l’Irlande du Nord, et sur l’aura qu’il en attendait. Il avait donc exhorté ses compatriotes à le reconduire avec un « mandat fort » pour la négociation qui va s’engager entre Londres et Bruxelles sur la future relation commerciale, pour laquelle l’Irlande se trouve en première ligne.

En accordant à son parti, le Fine Gael (FG, étiqueté centre-droit), seulement 20,9% des suffrages, soit une chute de 4,9 points par rapport à 2016, les électeurs ont douché ses espoirs, et manifesté qu’ils avaient d’autres priorités en tête (la participation s’est élevée à 62,9%, soit une baisse de 2,3 points). Déjà pendant la campagne, ces priorités étaient apparues au grand jour : la crise aiguë du logement, avec des loyers astronomiques dans la capitale, Dublin ; les services de santé sous haute pression ; les transports plus inadaptés que jamais.

M. Varadkar s’était prévalu d’une croissance enviable (près de 5%), mais de nombreux citoyens lui ont rappelé que celle-ci ne s’était pas traduite dans leur porte-monnaie, bien au contraire. Le parti Sinn Fein (SF), progressiste et historiquement militant de la réunification de toute l’Irlande – ce qui lui vaut le qualificatif de « nationaliste de gauche » – a précisément mené sa campagne en proposant un gel des loyers, la construction de 100 000 HLM, des moyens supplémentaires pour les hôpitaux publics, ainsi que la taxation des entreprises.

Les enseignants, de même que les assistantes maternelles ont fait grève en janvier

Et cela dans un climat revendicatif inhabituel : les enseignants, de même que les assistantes maternelles ont fait grève en janvier. Certes, le pays s’est sorti la crise terrifiante de 2008-2010 qui s’était soldée par un plan de super-austérité imposé par l’UE sous couvert de renflouement des finances publiques étranglées par la dette. Mais la population laborieuse n’a nullement profité de la reprise.

Le Sinn Fein a donc « cartonné » : avec 24,5% des voix, soit +10,7 points, il devient le premier parti en nombre de suffrages préférentiels (le mode de scrutin autorise les panachages). De nombreux observateurs ont même parlé de séisme politique, puisque le SF brise la domination historique des deux grands partis qui se partageaient la scène politique : le FG, ainsi que son traditionnel rival, le Fianna Fail (FF), également étiqueté centre-droit. Le FF ne participait pas au gouvernement sortant, mais soutenait celui-ci dans la période pré-Brexit. Avec 22,2%, il s’effrite de 2,2 points sur son score de 2016.

A 4,4% (-2,2 points), le Parti travailliste poursuit sa descente aux enfers entamée lors de sa participation gouvernementale de 2011, où il avait soutenu les plans de régression sociale mis en œuvre par le Fine Gaël. Avec 7,1%, les Verts progressent de 4,4 points sur 2016, mais chutent de 4,3 points par rapport aux Européennes de mai 2019.

Sinn Fein « dédiabolisé »

Toute l’attention se porte donc désormais sur le Sinn Fein, par ailleurs seul parti présent à la fois en Irlande, et en Irlande du Nord qui fait partie du Royaume-Uni. Il s’est manifestement « dédiabolisé » avec Mary Lou McDonald, la dirigeante qui a remplacé, en 2018, le leader historique Gerry Adams, longtemps accusé – comme le parti lui-même – d’être lié à l’IRA, et donc d’être responsable du « terrorisme » face à l’armée britannique chargée de « maintenir l’ordre » en Irlande du Nord à partir du milieu des années 1960. Ce fut une période douloureuse qui a compté des milliers de victimes, et qui s’est conclue par les accords de paix signés en 1998.

L’IRA a été dissoute, et les nationalistes souhaitent désormais obtenir la réunification de l’île par des voies pacifiques. Un objectif que partage certainement une très large majorité de citoyens de la République, mais qui ne fait manifestement pas partie de leurs priorités. Longtemps « eurosceptique », le Sinn Fein a évolué en faveur de l’Union européenne, une position qu’il a en particulier défendue lors du référendum britannique de juin 2016, lorsqu’il avait appelé les Nord-Irlandais à voter contre le Brexit (ce que firent 55,8% d’entre eux). Cependant, lors des élections européennes de mai 2019, le SF n’avait guère mobilisé sur ses positions pro-UE, puisqu’il n’avait obtenu que 11,7% des voix. A noter qu’à la différence de M. Adams, qui avait grandi dans un quartier populaire, Mme McDonald a fréquenté une école privée cossue, avant de faire des études supérieures de gestion des ressources humaines et… d’intégration européenne.

Surpris par son propre succès

Le Sinn Fein semble s’être fait surprendre par son propre succès : il n’a présenté que 42 candidats. 37 d’entre eux ont été élus sur les 160 sièges que compte la Chambre basse (le Dail). Le Fine Gael et le Fianna Fail en obtiennent respectivement 35 et 38. Aucune des désormais trois grandes forces politiques ne pourra donc gouverner seule.

Idéologiquement, rien n’empêcherait FG et FF de renouveler une alliance, fût-elle tacite, mais c’est précisément pour éviter cette configuration que M. Varadkar avait déclenché les élections. Surtout, une « grande coalition » FG-FF irait contre le vote des citoyens, qui ont voté Sinn Fein dans l’espoir d’un véritable changement.

Mais pendant la campagne, les deux grands partis sortants avaient exclu de gouverner avec le Sinn Fein, jugé trop sulfureux. Pour sa part, Mme McDonald a annoncé qu’elle voulait former un « gouvernement pour le peuple » (peut-être un écho au « gouvernement du peuple » revendiqué par Boris Johnson), et qu’elle cherchait en priorité le soutien de petits partis (sociaux-démocrates, Verts…) – une tâche qui paraît cependant complexe. Elle a par ailleurs prédit que ses deux rivaux ne pourraient pas éternellement tenir le Sinn Fein à l’écart. De fait, le leader du Fianna Fail, l’ancien ministre Micheal Martin, a semblé faire preuve d’ouverture après l’annonce des résultats.

Amusant paradoxe : des médias favorables à l’intégration européenne se félicitent du succès d’une force ouvertement nationaliste

La presse étrangère – française notamment, mais aussi à Bruxelles – exprimait, au lendemain du scrutin, sa tristesse quant à l’échec de M. Varadkar, qui devint premier ministre en 2017, à 38 ans, et incarnait pour ses pairs européens un modèle de « diversité » : métis d’origine indienne, et homosexuel déclaré. Mais ces médias croient déceler une nouvelle perspective, celle d’une réunification irlandaise au détriment du Royaume-Uni. Un tel horizon est à ce stade irréaliste, mais de nombreux commentateurs rêvent, sans doute par revanche, des déboires auxquels devrait alors faire face le gouvernement anglais. « La première réplique du Brexit » titrait ainsi Le Monde.

Ce qui explique cet amusant paradoxe : des médias favorables à l’intégration européenne se félicitent du succès d’une force ouvertement nationaliste. Dans la vraie vie, les électeurs espèrent en réalité des réponses rapides à leurs attentes sociales.

Quoiqu’il en soit, dans cette nouvelle configuration tripartite, la formation du futur gouvernement pourrait se faire attendre quelques semaines, voire quelques mois.

Cet article Elections en Irlande : le parti nationaliste Sinn Fein triomphe grâce à son programme social est apparu en premier sur Ruptures.

❌