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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Non, tout n’est pas relatif !

Depuis Einstein, la théorie de la relativité a rejoint l’univers des métaphores pseudo-analytiques des sciences sociales. Aujourd’hui abondant, cet univers fait passer des images pour des raisonnements, et des procédés stylistiques pour des démonstrations intellectuelles solides. Souvent, ce sont des vues de l’esprit. Si elles n’étaient assises que sur du vent, ce ne serait pas un problème.

Mais ces petits jeux avec les concepts scientifiques ne reposent pas uniquement sur des ambitions littéraires. Ils sont fréquemment les instruments de défense de visions du monde que l’on appelle communément « idéologies ». Ainsi du relativisme, utilisé à tort, à travers et à contresens, pour défendre une cause un jour, et son opposé le lendemain.

À l’instar de Darwin qui ne projetait strictement aucun projet eugénique, Einstein n’augurait pas de la conversion sociologique de sa théorie. Pourtant, pas un jour ne passe sans que responsables politiques et chercheurs n’en fassent usage. Certes, on ne cite plus nommément Albert Einstein pour appuyer ses convictions. Mais on souscrit aisément à l’aphorisme populaire selon lequel « tout est relatif ».

Un citoyen sur 182 000 marcheurs contre l’antisémitisme exprime à la télévision « qu’il y a une importance aujourd’hui de prendre conscience du problème de l’islamisation » ?

Je n'y étais pas, je ne dirais pas que c'était représentatif du public mais à coup sûr il avait bien compris à quoi sert de manifester avec Zemmour, Le Pen, Ciotti ou Meyer Habib… https://t.co/6lmcC0o5Xg

— Aurélien Saintoul (@A_Saintoul) November 12, 2023

 

Cela permet à Antoine Léaument de justifier l’absence active de membres de La France Insoumise à la manifestation du 12 novembre :

« Défendre les juifs en attaquant les musulmans, c’est ça le projet ? ».

https://twitter.com/ALeaument/status/1723715520644432184

Dans un autre genre, le relativisme permet à Aymeric Caron de trouver matière à disserter, à relativiser sur la séquence filmée des attentats commis par le Hamas :

« Il faut quand même aussi avoir conscience que c’est un film qui est réalisé par l’armée israélienne et qu’il y a un but ».

Bientôt, les négationnistes de La France Islamiste vont nous expliquer que les films sur les camps de concentrations nazis sont à prendre avec précaution parce qu’ils ont été tournés par l’armée américaine. 🤮 https://t.co/zXTT6tM0lC

— Bertrand Martinot (@BMartinot) November 15, 2023

 

Le même qui, quelque temps plus tôt, ne voyait aucun inconvénient à comparer les moustiques à des mères qui risquent leur vie pour leurs enfants.

Toute perspective étant équivalente par ailleurs, l’usage du relativisme permet à n’importe qui de dire n’importe quoi. Il est surtout un moyen utile de défendre un agenda politique.

Un sociologue, aujourd’hui oublié de ses pairs, avait proposé en son temps une réflexion qui peut nous éclairer. Raymond Boudon distinguait deux sortes de relativisme : cognitif et culturel.

Le premier dissout la vérité objective dans la (métaphorique) construction sociale. Exemple : Louis Pasteur n’est pas l’inventeur du vaccin contre la rage. Il a été construit comme tel, car il a emporté la victoire dans la guerre (une fois encore métaphorique) qui l’opposait à ses détracteurs. Grace au dénominateur commun du « construit », les différences objectives disparaissent. Comme écrivait Boudon : « Il s’agit d’une banalité si l’on s’en tient à cette proposition ou d’une contre-vérité si on y lit un message relativiste[1] ».

Le relativisme culturel poursuit en ce sens. Il horizontalise les pratiques sociales. Toutes les cultures se valent et subséquemment, tous les types de gouvernement. De cette façon, on peut relativiser la différence entre la démocratie et la dictature, l’inscrire sur un continuum, comparer Emmanuel Macron à Caligula, et l’abaya à un symbole de respect de la femme.

Boudon s’interrogeait sur le succès de ces deux postures dans les sciences sociales.

Selon lui, « le relativisme représente l’une des thèses fondamentales de la sociologie et de l’anthropologie contemporaine[2] ».

Ce constat est encore vrai de nos jours. La littérature académique est parsemée de pièges relativistes dont il faudrait réaliser l’inventaire à la Prévert.

Bruno Latour indiquait être en désaccord avec ceux qui le considéraient comme un relativiste. Il se disait « relationniste ». La différence apparait comme purement intellectuelle. Dans La science en action, il écrivait :

« Puisque les humains doués de parole aussi bien que les non-humains muets ont des porte-parole je propose d’appeler actants tous ceux, humains ou non-humains, qui sont représentés afin d’éviter le mot d’acteur trop anthropomorphique ».

Voilà qu’à travers le mot actant, Aymeric Caron pourra quelques années plus tard, dans le plus grand des calmes, ne voir aucune différence entre une larve et un nouveau-né. Le latourisme est un relativisme. Signataire d’une tribune de soutien à Éric Piolle, repris (malgré les débats qu’il peut y susciter) par une large partie de la gauche insoumise, Bruno Latour est une de ces illustrations de la conversion du relativisme intellectuel en relativisme vulgaire.

Le 13 mai 2020, il amorçait un entretien accordé à Libération par une idée pour le moins surprenante :

« On ne peut encore cerner le virus, socialement, politiquement, collectivement. Il est une construction extrêmement labile… ».

Pourquoi ne pas s’arrêter à la première proposition ? Un virus est-il une construction ? Ou est-il d’abord ce que les autorités scientifiques disent qu’il est ?

Pour Raymond Boudon, le succès du relativisme était dû à la radicalisation du principe du tiers exclu.

Celui-ci « érige des termes contraires en termes contradictoires[3] ». Autrement dit, « si un objet n’est pas blanc, c’est qu’il est noir[4] ». Ou encore pourrait-on dire si un parti ne suit pas la ligne des Insoumis, c’est qu’il est fasciste. Le tiers exclu nous invite au manichéisme et à la simplification de la réalité entre les gentils et les méchants.

Boudon ajoutait que « l’utilité » d’une théorie, c’est-à-dire son adéquation avec les préoccupations intellectuelles du moment, était un autre facteur de succès du relativisme. Aujourd’hui, c’est un outil qui semble effectivement « utile » à un certain nombre de factions, lorsqu’il s’agit par exemple de qualifier une marche contre l’antisémitisme de manifestation d’extrême droite.

On peut raisonnablement penser que, d’un point de vue éthique ou a minima philosophique, il est utile de chercher à se mettre à la place d’une personne distincte de la nôtre pour pouvoir la comprendre. Un pas est franchi à partir du moment où cette posture est dévoyée pour en faire un sortilège de post-verité.

Boudon ne disait pas autre chose :

« Le bon [relativisme] nous permet de comprendre l’Autre. Le mauvais met tous les comportements, tous les états de choses et toutes les valeurs sur un même plan[5] ».

On pouvait difficilement rétorquer à Boudon de ne pas voir les similitudes entre de nombreux phénomènes sociaux. Il était loin de nier par exemple que la science et la religion procèdent toutes deux de croyances de la part des individus[6]. Mais il n’en inférait pas pour autant qu’aucune différence n’existait entre les deux. Faire un bon usage du relativisme, c’est en faire un usage en raison, c’est-à-dire en gardant sa capacité de juger. C’est surtout ne pas oublier que si expliquer, ce n’est pas excuser, relativiser peut parfois tendre à tolérer…

[1] Raymond Boudon, Essais sur la théorie générale de la rationalité, PUF, 2007

[2] Boudon, Raymond. Renouveler la démocratie. Éloge du sens commun. Odile Jacob, 2006

[3] Boudon, Renouveler la démocratie

[4] Ibid.

[5] Boudon, Raymond. Le relativisme. Presses Universitaires de France, 2008

[6] Boudon, Essais sur la théorie générale de la rationalité

2023 après la chute des Champs-Elysées

Si l’on veut bien mesurer l’effondrement français des quinze dernières années, rien de mieux qu’une visite nocturne sur les Champs-Elysées à Paris. C'est un des must see du déclin national. 

Moment d'égarement, la veille du 11 novembre je me suis aventuré le soir là où les parisiens ne vont jamais : cette large avenue froide presque sans habitant (ils ne sont plus qu'une vingtaine sur le kilomètre de longueur, soit la densité démographique d'un hameau de la Creuse). Ah "Les Champs", symbole de la splendeur militaire et commerciale de la France, l'allée de la jonction entre notre Histoire et les promesses de prospérité des Trente Glorieuses, un de nos fleurons à l’international jouissant à n’y rien comprendre depuis d’une réputation boursouflée transmise de générations en générations de touristes. Ces derniers, vus les frais engagés pour venir jusqu’en France, ne pouvant paraitre cons en brunch et avouer leur déception à leur entourage, s’évertuent à louer la magie de l'endroit. 

Elle est loin la chanson de Joe Dassin...

Autoroute pavée de mauvaise tenue et aujourd'hui toujours quasi impraticable en vélo, je crois bien ne pas y avoir foutu les pieds depuis au moins cinq ans. Et pourtant, petit parisien que j'étais il y a quarante ans, Les Champs-Elysées étaient mon point central d’approvisionnement culturel et musical. Ado, j’allais chez Champs-Disques ou au Lido Musique acheter des affiches de films et des albums imports US ou plus simplement écouter les nouveautés au casque (n’ayant pour la plupart du temps pas assez d’argent pour payer les galettes). Sur les Champs, il y avait toutes les cinématographies et les meilleures salles de Paris et rien que de la VO. C'était unique en France. Quand tu étais sur les Champs tu avais l'impression d'être au milieu du monde. Maintenant que le monde a totalement pourri l’endroit, tu es au mieux dans une galerie commerciale (et assez peu pratique par rapport à la concurrence il faut l'avouer). 

Ce qui choque au premier regard en remontant en vélo le long de l’avenue, c’est l’alignement des enseignes à la con que l’on voit partout ailleurs. Une vrai ZAC de troisième banlieue. C’est Westfield Champs Elysées d’un côté et de l’autre des vitrines de pseudo luxe, plus simplement des façades appartenants aux plus grosses fortunes de ce monde et qui servent de support publicitaire à leurs marques. Le truc n’a plus aucune âme, on erre quelque part entre la représentation de l'opulence et le terrain vague. La musique a disparu. Le cinema est en passe d’y disparaitre. Il n’y a presque plus de salles. Le Gaumont Ambassade est devenu un Lacoste. Les Champs-Elysées, ce n'est même plus cette usine à fantasmes constamment « repimpés » comme Las Vegas. Non, tout aux Champs empeste l'immobilisme et la mort. C’est une artère vide coincée entre deux maux. Elle ne se débarrasse pas de son héritage et se laisse dévorer par le pire de la modernité sans imposer une identité autre que la formule plate de la « la plus belle avenue du monde » (C'est vraiment n'avoir jamais voyagé, à commencer en France). Aucune ligne directrice et artistique ici, si ce n'est un peu de pognon à prendre et tenter d'en mettre plein les yeux à la classe moyenne mondiale mondialisée qui s'y étale en pâte à selfie entre les barrières de travaux et les échaffaudages. 

Car dans l'océan de bordel à travaux aussi inutiles qu’interminables qu'est devenu Paris, je m'imaginais que les Champs resteraient si ce n'est bel écrin, au moins une zone sanctuarisée hors du merdier ambiant. Que nenni. L'hidaldinguerie n'épargne rien ni personne. Les Champs-Elysées sont devenus une megazone à barrières grises de travaux comme partout dans la ville. Il manque des dalles sur le trottoir, c'est pété de nids-de-poule, l’éclairage est inexistant (autre que grâce aux néons et écrans LCD des enseignes par ailleurs toutes fermées passées 19h, hormis le MacDo bien sûr). Quant à la faune, le soir on y croise quelques touristes qui errent hébétés entre quelques toxicos et autres troupeaux épars de types en survet. De l'ivresse triste. Ça pue le shit, la vinasse vomie et je n'y laisserai pas trainer ma fille. 

Alors que nous sommes censés être dans un endroit hautement symbolique et ciblé en pleine période d'alerte attentats, j'ai été par ailleurs surpris par la faible présence policière, pour ne pas dire absence, sur l'Avenue. Tous les efforts de la maréchaussée (c'est à dire 3 voitures) étaient concentrés ce vendredi soir à une vague sécurisation des répétitions des cérémonies du 11 novembre avec la fanfare militaire sous l'arc de Triomphe (que j'ai néanmoins pu atteindre quasiment jusqu'à la tombe du soldat inconnu en vélo sans être inquiété). 

Je n'ai jamais été fan inconditionnel des Champs, ni du symbole national, mais le choc est violent si tu n'es pas venu ici depuis vingt ans. Si ça aussi est abandonné, ça donne le ton du triste projet pour le reste du pays..

Allez je vous laisse sur une belle photo, porteuse d'optimisme et de renouveau, prise pas loin de la tombe du soldat inconnu dans un silence ému. Ce soir-là, l'endroit le plus vivant de l'avenue. 





Retour sur le livre : Les nouveaux inquisiteurs, Nora Bussigny (2023)

Dans le but premier de me tenir à jour avec un lexique d'acronymes toujours plus alambiqués, j'ai lu d'une traite l'enquête de Nora Bussigny au sein de la nébuleuse woke. Les nouveaux inquisiteurs s'intéresse aux militants, c'est ce qui en fait tout l'intérêt. 

Pas de possibilité de procéder autrement. Etant un homme "cisgenre non racisé" de plis de 50 ans donc entité personnifiée du patriarcat et par conséquent un ennemi à abattre, je ne peux intégrer un microcosme qui veut ma destruction (on appelle ça de la "déconstruction"). 

Ce qui n'est pas le cas de la journaliste qui se construit le look et le personnage qui vont bien pour son infiltration. On la suit à la première personne durant un an, des facs de socio parisiennes aux centres villes provinciaux, de réunions non-mixtes en "cortèges racisés", de collages d'affiches et stages de défense intellectuelle, au fil de ses observations et de ses doutes.

Ça décoiffe. Si on cerne, à travers les comptes-rendus, la dimension quasi existentielle de la logique victimaire (qui est la carte joker pour tout) qui animent la plupart et discréditent plus qu'autre chose de louables combats, on est effrayé par le sectarisme inhérent, le vocabulaire employé, le totalitarisme en germes de groupuscules qui, au nom de la suprématie de la différence et de l'anti-fascisme fonctionnent sur le rejet de l'autre voire son annulation (première étape sémantique). 

Comme l'autrice, on s'étonnera de la cécité de la justice rapporté aux propos tenus (comparés à d'autres, me dois-je de préciser étant pour ma part défenseur d'une totale liberté d'expression), mais surtout face aux comportements discriminants théoriquement punis par la loi (et qui le seraient à grand bruit médiatique s'ils émanaient d'autres groupes). Puis, au fil des pages, étrangement, on rit presque tant les situations, les propos tenus sombrent dans la farce et l'absurde à la Ionesco dans un salmigondis syntaxique de haut vol. C'est flippant mais parfois drôle. Tout en espérant que ces gens n'accèdent jamais à des postes à (très hautes) responsabilités, je me dis qu'il y a de quoi ici adapter et réaliser une comédie cinéma (que personne n'osera produire, c'est le drame). Quant aux postes importants : si les impétrants suivent leur logique, ils se seront tous auto-exclus et annulés les uns les autres avant d'y arriver.

Les Nouveaux inquisiteurs, Nora Bussigny
Albin Michel 19.90 / 13.99 ebook




Armanet vs. Sardou : de la supériorité morale de ces gens (qui se disent) de gauche

Avant d’attaquer les sujets sérieux de la rentrée comme le roman tragi-comique de la canicule en toc, la 37e défaite réussie de Poutine, la désintégration des services publics de ce pays et le paquet de céréales Bio à 12 euros au Spar de Villefort abordons, avec un peu de retard certes, la polémique qui a régalé vos fils d’actu ces derniers jours : les propos de la chanteuse Juliette Armanet sur Michel Sardou et sa chanson Les lacs du Connemara

Disclaimer : Ni fan de l’un ni fan de l’autre, je reconnais à Michel Sardou d’être un grand interprète, d’avoir su durer et d’avoir fédéré un très large public sur plusieurs générations (le mec a encore fait sold out le journée des préventes pour sa prochaine tournée). Je reconnais à Juliette Armanet… qu’elle sait jouer du piano. 

Chacun ses goûts musicaux et la musicienne et chanteuse a bien le droit de penser et dire ce qu’elle veut. C’est donc une non-affaire artistique totale, d’autant qu’il n’y a pas clash au sens technique du terme : elle répondait à une question à la con dans une émission de merde. On demande l’avis sur tout à la moindre pseudo célébrité, à la quête de la petite phrase à découper pour faire du buzz. Parfois ça marche.

Ce qui m’intéresse ici ce sont les mots et l’argumentaire utilisés par la dame pour chier sur cette légende vivante de la chanson française. 

Au sujet de la chanson  les lacs du connemara (qu’on aime ou pas probablement une des 10 chansons les plus emblématiques du siècle passé), Juliette Armanet déclare : 

« C’est vraiment une chanson qui me dégoûte ». Elle évoque « un côté scout, sectaire ». « La musique est immonde, (...) c’est de droite, rien ne va ». 

"C’EST DE DROITE, RIEN NE VA". 

L'air de rien, Juliette Armanet synthétise en 6 mots l’intégralité des 25 dernières années de l’argumentaire de gauche 

 "C’EST DE DROITE, RIEN NE VA".  

J’en conclue donc que la chanteuse, comme tant d’autres artistes engagés, se place à gauche : là où tout va. Sardou fait une musique de droite ? Je ne connaissais pas le concept de musique de droite. Après tout Juliette Armanet a fait des années de solfège, elle sait mieux que moi. 

C'est plus simple en vrai : Sardou est effectivement de droite (il l'a assez dit) et rappelons le code source de la pensée universitaire de gauche qui irrigue tous le discours de ces artistes biberonnés à Télérama : Sardou = droite, droite = caca donc IF musique + Sardou THEN GO TO Beurk. 

Point bonus, en prononçant cette phrase la chanteuse se situe automatiquement dans le camp du bien : à savoir la gauche qu’il n’y a donc même plus besoin de définir autrement que "c’est pas la droite". Pour être bien il faut être de gauche et, pour "être de gauche" il suffit de dire que la droite c’est mal. 

Fort ironiquement,  dans la même phrase la chanteuse évoque le "sectarisme" de la droite. 

La pensée binaire. Je connais bien le truc, j’ai fait pareil pendant des années avant de reconnaître que c’était un peu léger comme analyse politique, une garantie d'échec pour construire et surtout malhonnête comme posture morale car, et j’y reviendrais dans un prochain billet : nous sommes tous de droite. 

Il y a l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre la bourgeoisie de droite et celle qui se pense et se dit de gauche (et Juliette Armanet en est un beau spécimen). On peut sortir toutes les grilles d’analyse politique et sociologiques, avoir les belles nobles paroles et produire les écrits les plus ciselés, à la fin il ne reste que les actes. Combien ai-je vu, à l'épreuve des faits, des mecs et filles généreux et altruistes classés "à droite" et de sombres merdes humaines profiteurs et sectaires à gauche (et inversement) ? Beaucoup. Si j’ai appris une chose de ces, déjà nombreuses, années sur terre, c’est de ne jamais se fier aux labels simplistes, de ne jamais classer définitivement quelqu'un sur la base d’une appartenance supposée, ou même effective, à un courant politique. La période du Pass sanitaire aura été la démonstration grandeur nature de la parfaite adaptation d'une large partie de "la pensée de gauche" aux pires dispositifs liberticides. On aura finalement trouvé plus de types stigmatisés "de droite" pour s’insurger des restrictions de liberté. A gauche, on a globalement fermé sa gueule ou fièrement collaboré. 

"La scène a été pour moi un moment très libérateur" lance Juliette Armanet sur le plateau de BFM au sujet de sa tournée en décembre 2021 en pleine période du Pass. Visiblement, la ségrégation sur la base d’une injonction à la piqûre expérimentale pour accéder à sa musique humaniste c’était pas trop de droite là.

La vérité depuis quelques temps c’est que ce que je pouvais associer de négatif à la droite, je le trouve dans le discours de gauche : l’esprit étriqué, la rigidité des canaux de pensée, l'inadaptation au réel, l’absence totale de remise en cause, le rejet haineux de tout ce qui ne vient pas de son camp, le rejet de l’autre (bah oui il est de « droite », quand il n’est pas « fasciste » c’est à dire par d’accord avec moi), le rejet de la différence (autres que celles que je tolère bien sûr, et qu'il faut tolérer sinon t'es fasciste), le double discours (la différence du discours sur l’affaire Lola et sur celle de Nael est à vomir) et surtout, par dessus tout ça, l'affirmation décontractée de sa supériorité morale. Un peu comme si on me crachait en continu à la gueule en me certifiant que c'est du caviar. Sur que ça ne donne pas trop envie de voter pour ça. 

Je ne m’inquiète pas trop non plus, malgré une surface médiatique disproportionnée par rapport à ce qu’ils représentent dans la société (faut dire on en a besoin pour "faire barrage au fascisme" et faire gagner Macron), faute d’une remise en cause (processus dont, noyés sous le poids de leur magnificence intellectuelle, ils semblent incapables) ces gens et leur pensée à forme de réflexe conditionné, s’éteignent peu à peu, balayés par le souffle du réel.

Terre brûlée au vent, des landes de pierres... 

Update 21.08.2023 : l'analyse musicale

Illustration : Michel Sardou s'est essayé au cinéma dans les années 80 et j'avoue que le Cross de Philippe Setbon (1987), sorte de Vigilante à la française (euh oui, un peu de droite), est un petit plaisir coupable.

Retraites : coup de jeune sur la contestation

Pendant que le têtu s'autoconfine de trouille à l’Elysée, partageons ici quelques impressions sur cette dixième journée de mobilisation contre sa réforme des retraites et pour son retrait. En légère baisse au niveau national, du point de vue parisien, malgré toutes les annonces de pluie de météorites, de dixième vague de Covid et de fin du monde sur les chaines d'info-feuilleton, il y avait beaucoup de monde. Avec un niveau proche de celui de la dernière mobilisation record et vu la nette baisse de la mobilisation syndicale cela indique que, de nouveau, il y a un renouvellement des manifestants. 

Cette semaine dans Tous contre la réforme, les jeunes prennent la relève.

Dans ce qui ressemble de plus en plus à un carnaval anti-Macron, un 1er mai sponsorisé par Red Bull ou une Gay Pride, la moyenne d’âge a encore baissé de quelques années par rapport à la dernière édition. C’est même spectaculaire lorsqu’on se rappelle de ceux qui manifestaient au début du mouvement en janvier, 30 ans de plus. C’est cocasse d’entendre scander des adolescents « La retraite à 60 ans on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! » mais ils sont toujours mieux ici à brandir des fausses têtes coupées de Macron au bout d'une pique qu’à se mettre en ligne au garde à vous pour le SNU avant d’aller pointer pour les vingt prochaines années dans des bullshit jobs à ras le SMIC. La colère dépasse la question des retraites, il est ici question de démocratie plus horizontale, de libertés et d’un ras-le-bol après les deux années de sacrifice pour le covidodélire. Le mouvement contre la réforme est une plage de revendications particulièrement bien calée entre deux sessions de vacances à l’orée du printemps. 

Du côté des anciens de la colère (2 mois quand même), pour avoir discuté avec quelques connaissances recroisées, (la manif parisienne est désormais le lieu tendance de socialisation) la lassitude s’invite. Dix putains journées de mobilisation étalées depuis le début de l'année, on commence réellement à fatiguer, sans parler des ponctions financières. C’est d’autant plus rageant qu’il suffisait de grouper ces journées  sur deux semaines avec un blocage massif pour tuer cette réforme (et que nous le savions dès le départ). À la place : beaucoup d’efforts dilués, de slogans assourdissants et de fumigènes dans la gueule avec, tout le long, et malgré les apparences d’unité, la sensation d’un délitement syndical. Alors oui, c’est plus festif mais on ne fera pas tomber la réforme à coups de chorégraphies collectives en cortège. 

De sympathiques déambulations teintées d'amertume. 

Depuis le départ les syndicats semblent presque étonnés de mobilisations records dont ils ne savent au fond pas quoi faire tant ils ne sont plus habitués 
1/ à ce type de score et de soutien populaire sur la durée (Si on m'avait dit un jour que la CGT serait en tendance sur Tik Tok),
2 / à n’avoir aucun interlocuteur institutionnel en face. 
La stupidité et l’arrogance de Macron auront plus redynamisé les troupes que les discours du front syndical. Ce front a le mérite d’exister, il fournit le cadre légal et des arguments, mais avance à vide : d’un point à un autre une fois par semaine (hors vacances scolaires, faut pas déconner), comme embarrassé d’une popularité qu’il ne comprend pas, d’une violence ambiante qu’il condamne et par un vocabulaire insurrectionnel qu’il a éradiqué de son champ d’action depuis des décennies. 

Prochaine étape officielle : une manifestation dans 9 jours. La dernière avant les vacances, c'est déjà vendu comme ça...(soupirs). À ce rythme là, Laurent Fabius et Alain Juppé, les gogo dancers du Conseil Constitutionnel qui planchent actuellement sur la légalité de la réforme, vont dépasser de vitesse les syndicats dans le combat pour la cause. 



Que la Bloque Party commence !

« Alors vous voyez : La France n’est pas à l’arrêt ! » caquètent les macronards déconnectés après la journée de mobilisation du 7 mars. Vraiment ? Tandis que notre monarque dessaoule de ses bacchanales congolaises et que le Sénat se félicite de chier sur neuf actifs sur dix opposés à la réforme des retraites,  ce 9 mars, toutes les raffineries du pays sont bloquées et ça va vite se ressentir aux pompes, les transports publics sont très largement impactés, les ronds points se repeuplent, les barrages sauvages filtrent à travers les départements et les sacs poubelles s’accumulent en pyramide puantes sur les trottoirs des grandes villes tandis que les coupures ciblées d'électricité s'invitent dans la fête. 

Sur le terrain de la contestation de la réforme Macron, on ne se résout plus à défiler une fois par semaine, le mot d’ordre s’installe : il faut bloquer quoi qu’il en coûte, hors de question de se laisser imposer deux années de travail en plus. Et on peut y aller gaiement. Deux Français sur trois sont pour le blocage et, si chaos il doit y avoir, ils en tiendront rigueur au Président. La violence du VRP des marchés entrainera la violence sur le terrain. Cette violence sera légitime et surtout, indispensable. On ne change pas les choses en échangeant des anecdotes de vacances autour d’une tasse de camomille au coin du feu. Pensez au dégout que vous ressentez pour Macron et ses sbires et dites vous bien que vous n’êtes pas au centième du mépris que les France d'en bas leur inspire. Je me rappellerai toujours la phrase d’un conseiller proche d’un (ancien) pouvoir m’avait dit un jour : « c’est dingue ce que les Français sont gentils ». Avec ces gens-là, on ne peut espérer modifier la trajectoire des événements qu’en leur faisant physiquement ressentir la terreur. Avantage : comme leur courage  est inversement proportionnel à leur morgue, ils cèdent rapidement. On peut d'ailleurs observer cette fébrilité aux hurlements de poussins égorgés qu’ils poussent (grandes fortunes ou politiques) dès qu’on s’aventure à leur couper dix minutes l’électricité ou à leur froisser une chemise. On s’étonnera même que les syndicats cherchent encore à être reçus par Macron, un type qui n’a eu de cesse de les humilier depuis six ans. Après avoir grisé les troupes pendant trois mois, l’intersyndicale veut être reçue en urgence par Macron. Vraiment ? Mais pour quoi faire ? Parler déco ?

« Franchement, tant qu’on défilera d’un point A à un point B, il ne se passera rien ! Tant qu’on ne foutra pas le feu à l’Elysée, il ne se passera rien ! » ai-je entendu dans le défilé parisien, pourtant très policé du 7 mars dernier. Je ne peux qu’acquiescer. On peut au moins reconnaître à Macron d'avoir généré des avancées sociétales : en quelques mois il aura réussi comme personne à défoncer le rapport qu'ont les Français avec le travail. Il aura également rendu visible, plus qu'aucun de ses prédécesseurs avant lui pas même Sarkozy (un gauchiste proche du peuple en comparaison), le mépris de classe et l'impunité morale d'une clique qui prend bien moins de précaution que le reste des Français dès lors qu'il s'agit de défendre ses intérêts. 

On peut espérer que ça change... ou agir pour que ça change.







"Trimestre anti-inflation" : Promo flash sur le foutage de gueule

Ça y est enfin ! Au bout de 18 mois d'inflation avec du +120% sur la paella congelée et le couscous en boîte, l'Etat prend les choses en main et agit fermement. Bruno Lemaire s'est enfermé avec la cellule 'com de crise de Bercy et a pondu ce que les Français espéraient du plus profond de leur détresse économique : 

Un numéro vert ? 

Non, mieux.

Un logo.

Il s'appelle "le trimestre anti-inflation". De sa pureté graphique tricolore, il symbolise l'union de la grande distribution pour baisser (ou plutôt de cesser de faire augmenter) les tarifs sur un ensemble de produits... non définis puisque que c'est au bon vouloir des enseignes concernées. Bizarrement ceux qui affirmaient encore la semaine dernière ne pas pouvoir rogner plus sur leur marge trouvent soudain des possibilités de les réduire. On part donc sur une bonne base de confiance là. 

Quel est le principe du trimestre anti-inflation ? 

C'est de l'aumône éphémère sur une grille tarifaire floue ("les prix les plus bas possibles" (SIC), ça s'appelle un slogan publicitaire pas un tarif réglementé) concernant des produits aléatoires (dont rien n'assure que ce ne soit pas de la merde ou, plutôt, tout le laisse supposer). Mais surtout : l'important est sauvegardé : on n'augmente pas les salaires. Purée, on a eu chaud. On a failli avoir plus de pouvoir d'achat.

Passons les gesticulations argumentaire de l'inénarrable Bruno Lemaire qui croit réellement avoir livré une bataille héroïque sur le front de la méchante inflation (son personnel de maison affirme l'avoir vu faire des courses en 1982), voyons ici ce qu'il faut d'abord voir : un joli coup de pub gratuit de la grande distribution, opération complaisamment relayée sur les chaines d'infos (par ailleurs, par hasard, également les premières à leur louer de copieux espaces publicitaires entre deux pages de "news"). 

Avouons que la grande distribution est déstabilisée par le bouleversement qui gronde hors de ses murs. Après avoir empoché des milliards d'aides d'Etat à redistribuer aux actionnaires, la grande distribution s'inquiète des répercussions de l'inflation sur son chiffre d'affaires. Pire angoisse face aux spectaculaires hausses des prix : et si jamais les clients hameçonnés à la carte de fidélité commençaient à s'aventurer sur d'autres territoires de consommation ? Il parait qu'il y en aurait même qui arrêteraient déjà d'acheter des sodas sucrés et des Pastabox pour recommencer à cuisiner et faire des économies en mangeant sain. Non mais on va où là ? C'est notre mode de vie qui est attaqué. 

Il fallait effectivement agir et remettre le consommateur dans le droit chemin : celui de l'achat de merdes à bouffer. 

Merci Bruno. Tu n'as rien fait, mais c'est déjà beaucoup.



Les boomers se cachent pour mourir

J'ai rédigé assez d’articles ces quinze dernières années sur la génération dorée des baby-boomers. Pas la peine d'en rajouter. On les entend partout. Tout le temps. A faire la morale à cette France qui ne travaille. Les pauvres. Ils ont bénéficié de toutes les avancées sociétales, de l’emploi stable, de la réduction du temps de travail, de la retraite à 60 ans et de la cinquième semaine de congés payés, avec des bons salaires. Ils ont pollué comme aucune génération avant et après eux et ont soufflé comme personne dans la bulle immobilière en reléguant les deux générations derrière à s'entredéchirer et alterner des périodes de chômage de masse et de bullshits jobs sous le signe du mal logement, de la flexi-précarité et d’une planète mourante. Pas mécontents de ce triomphe, ils ont remercié la gauche et les syndicats pour leurs combats sociaux gagnés et dont ils ont été les premiers à profiter, en votant systématiquement à droite et en ne pensant qu'à leur gueule. Ils ont érigé en life-style décontracté les mécanismes de spéculation et d’individualisme comme personne avant eux. Aujourd’hui certains se goinfrent encore des pensions de retraite qui feraient saliver les trois quart des actifs (ces derniers payent d'ailleurs pour les pensions de leurs ainés). 

Donc je ne vais pas y revenir. 

Sauf que. 

Et si cette crispation autour de l’allongement du départ de l’âge de la retraite, la colère d’une population se confrontant à la cécité d’un président, sonnait comme un passage de génération ? Elle se pensait et se voyait immortelle, les choses politiques, économiques et fiscales étaient pensées pour et par elle depuis vingt cinq ans mais, ça devait arriver : cette génération disparait. Tel un Michel Drucker sous stéroïdes, elle a eu beau repousser le jeunisme jusqu’aux confins du chimiquement possible, et faire la pluie et le beau temps électoral, l’ère de son dernier poulain Macron est aussi son chant du cygne. Elle laisse derrière elle un champ de ruines idéologique et économique, et nous abandonne comme seule perspective politique de s'acharner à prolonger en coma artificiel, et en bien moins confortable à titre individuel, un mode de vie destructeur pour la plupart. 

Au nom de l'espérance de vie gagnées par cette génération (ou plutôt par les progrès accomplis pour elle), le proooojet de leur petit valet de pisse du Touquet est de faire bosser jusqu’à la mort au nom de la "valeur travail" tout ce qui aura moins de 64 ans (Rappel, l’espérance de vie en BONNE SANTE dans ce pays est de 64,1 ans). Mathématiquement, ça coince. Et ça commence à s'entendre dans la rue dans des manifestations dont les cortèges sont remplis... d'actifs. Les Baby-boomers pouvaient jusque-là faire une élection, ils ne font plus la nation. 

Attention, je n’ai rien contre eux. C'est loin d'être une génération homogène (je vais encore me prendre des commentaires : "oui, ils sont pas tous comme ça". JE SAIS. D'où ma nuance entre "boomers" et "golden retraités" ) mais il y a des réalités statistiques incontournables. Le revenu moyen des retraités en France en 2019 est supérieur de près de 2% à celui des actifs, alors que leur revenu moyen est plus faible. Admettons aussi que, baigné dans le même air du temps et avec les mêmes cartes en main, j’aurais sûrement opté pour le même parcours (sauf voter Macron, ça vraiment c’est de la merde à tout âge). Ajoutons que les nouveaux retraités sont déjà déjà bien moins lotis que les précédents et ils le seront de moins en moins. Hormis par la transmission d’héritage, le golden retraité est un concept du passé. Comme on dit en manif : "les maltraités deviendront les mal-retraités". Ces enfants et petits enfants des boomers aux jeunesses niquées (pas assez d'expérience professionnelle à 18 ans et trop âgés pour "le marché du travail" à 50) sont bien partis pour être niqués sur toute la ligne jusqu’à l’EPHAD (où ils n’iront jamais, l’EPHAD comme les soins médicaux, étant des concepts pour golden retraités : ils disparaitront avec eux). Le pouvoir d’achat des retraités par rapport à celui des actifs va considérablement baisser en France. Les vieux précaires de demain sont les salariés d’aujourd’hui. 

Alors que faire ? 

La réponse est dans la question. Le travail était déjà l’activité la moins rentable du spectre capitaliste (comparé à la bourse, à la spéculation immobilière ou à l’héritage). Avec l’inflation dans laquelle nous nous embourbons, le travail est la garantie de PERDRE 10% de pouvoir d’achat minimum par an. Ne pas espérer ni s'enrichir, ni abonder sérieusement les fonds d'une retraite par répartition quelconque avec des payes de misère. La question de faire quelque chose avant la retraite ne se posera bientôt plus, la réponse sera évidente : Rien. Ou plutôt : ne plus contribuer à cette farce économique qui nous échappe. Se tourner vers soi et la survie de ses proches. "C'est la fin de l'abondance" a dit celui qui s'est fait élire en promettant l'inverse. Il peut s'inclure dans le package, c'est la fin de son système d'exploitation des masses. On voit bien qu'il patine à vide face à l'opposition des trois quarts des Français. Il n'a tout simplement plus rien à dire. La fin du fantasme d'un capitalisme heureux s'installe peu à peu dans les consciences. Dur à reconnaître et surtout accepter (pas facile de sortir d'un mensonge géant). Ça ne continuera pas sans douleur, avec probablement de grands malheurs mondiaux pour nous distraire de nos misères locales, en attendant le reboot s'il a lieu.

Pas génial hein ? 

Oui et non, même si ça s'accélère un peu là maintenant, le processus est long. C'est sûr qu'à l'échelle d'une génération, ça peut paraitre un peu plombant (Après le golden-retraité, il y aura le misère-retraité). Mais, si nous survivons à tout ça (économiquement et climatiquement) il est possible les générations d'après tombent moins sottement que nous dans le panneau du progrès qui n'en est pas un. Ils vivront surement moins vieux mais auront à coeur de vivre mieux. 

On a vu ce que c'était une société de golden retraités. On a déjà donné.

AU SERVICE DES RICHES : ENQUÊTE SUR LES DOMESTIQUES, ENTRE POUVOIR ET SERVITUDE…

Alizée Delpierre est sociologue, spécialiste des inégalités sociales, de la domesticité, et notamment de la domesticité chez les classes supérieures très fortunées. Dans son livre « Servir les Riches » (Ed. La Découverte) elle enquête sur le rapport entre les domestiques et ceux qu’ils servent : les grandes fortunes. Ce rapport domestiques/riches est un lieu d’observation privilégié de la lutte des classes, et interroge sur la nature complexe des rapports de dominations. Le monde des domestiques attire pour sa proximité avec le pouvoir et les rétributions ce cela implique…mais il inquiète aussi par la violence sociale, et les abus qu’il engendre. Dans cette interview par Olivier Berruyer pour Élucid, Alizée Delpierre nous partage les analyses et les expériences incroyables vécues au cours de son enquête….

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Quand l'inflation redistribue la consommation

""Ça va exploser" : il faut bientôt s'attendre à des hausses de 30 à 50% dans les rayons des supermarchés, alerte le patron de Lidl."  L'indépendant, 12.01.2023

Avec la mobilisation contre la réforme des retraites qui occupe (légitimement) l’actualité, la grosse claque économique que se prennent dans la face des millions de français passerait presque à la trappe. Si le gouvernement avance un gentil 5,2% d'inflation sur l’année 2022, celui qui consacre l'essentiel de son budget à l’alimentation et à l’énergie constate le triple ou le quadruple de ce chiffre. Tout cela en face de salaires qui ne progressent qu'à la marge (3,8% en 2022 selon la Banque de France). 

Dans les supérettes franchisées parisiennes (Carrefour City, Franprix...) je peux voir les prix prendre 5% d'une semaine à l'autre. Chacun ses repères. La boîte de sardines à l'huile d'olive de la marque machin est passée de 1,12 à 1,92 dans la même boutique en 6 mois (on l'a trouvera 30 centimes de plus chez un autre franchisé de la même enseigne à 200 mètres de là). Le jus de pamplemousse de marque truc est passé de 1,95 à 3,55 depuis l'été, le café de 2,90 à 4,10 sur la même période. C'est du 10 à 30% d'augmentation sur presque tout l'alimentaire de base par chez moi. 

Déjà rétif à aller dans ces enseignes, cette hausse m’en détourne presque totalement. Et c'est là un point d'étonnement : les marchés, les épiceries alternatives ou en circuit court semblent mieux armées contre le grand méchant Poutine (à la source bien sûr de toutes ces augmentations qui ont commencé 6 mois avant l'invasion de l'Ukraine). Les prix pratiqués dans les épiceries dites « de bobo » (juste pour se moquer du fait qu’on y mange des produits moins transformés, en vrac, moins pollués, moins packagés, à l'unité, meilleurs pour la santé) étaient certes à l’origine plus élevés mais, en un an de temps, avec des hausses moindres elles se retrouvent aussi, voire plus, compétitives que les enseignes classiques sur des produits phares (café, céréales, oeufs, légumes de saison, produits laitiers). Je mets en dehors le hard discount, plus rare à Paris.

Petits et gros font pourtant face aux mêmes hausses de l'énergie. Les gros doivent aussi faire face à d’autres type de frais : plus grandes surfaces à chauffer, plus de choses à stocker, plus de chaine logistique et ils ont historiquement - et idéologiquement - plus recours à des produits d’importation…  Ils ont également une masse salariale sans comparaison. C'est comme si leur structure même de « gros acteurs » devenait un handicap dans ce contexte. Ce que j'observe se limite à Paris où la donne immobilière, géographique et sociologique n'est pas forcément représentative de La France. Néanmoins c'est suffisamment nouveau ici et déstabilisant pour être noté. Les salariés sont entrain de disparaitre des supermarchés. Leur nombre à la caisse est divisé par deux, voire par trois. Et, indice de basculement qui ne trompe pas, une embauche de vigile y remplace souvent deux ou trois emplois de caissiers. J’ai l’exemple d’un commerce qui a condamné une de ses deux entrées sur rue pour mieux filtrer les clients, comprendre les voleurs potentiels. Côte clients, c’est l’assèchement. Là où l'on passait avec des paniers ou des caddies remplis, la règle à la caisse c’est souvent trois ou quatre articles maximum par client. En six mois de temps, la dégringolade se voit à l'oeil nu en passant devant les vitrines : moins de salariés, moins de clients, moins d’articles. La seule donnée croissante : les prix.

D'ailleurs, les distributeurs commencent à l'avoir mauvaise (je ne vais pas les plaindre non plus). Entre le hard discount d'un côté et le local de l'autre, c'est leur modèle pachydermique qui est inadapté. 

Je n'en tire pas de conclusion pour le moment et me contenterait de citer Stefan Zweig, revenant dans ses mémoires, Le monde d'hier, sur l'effet de la violente perte de pouvoir d'achat sur le moral des Allemands entre les deux guerres mondiales : Rien - il faut le rappeler sans cesse - n'a aigri le peuple allemand, ne l'a rendu haineux au point de le précipiter dans les bras d'Hitler, autant que l'inflation

En attendant les modes de consommation s'adaptent et changent. La tendance de la grande division déjà à l'oeuvre, entre nourriture dégradée pour pauvres et nourriture saine pour riches, va t-elle se renforcer ou se réduire en trouvant de nouvelles voies et de nouveaux modes d'approvisionnement ? On va peut-être se rappeler qu'on peut produire local et à proximité des lieux de consommation et que, aussi bien pour sa santé que pour son porte monnaie, il vaut mieux ne pas être trop dépendant des multinationales et d'une poignée de distributeurs. C'est peut-être la seule bonne nouvelle dans ce bazar.  

Petite histoire d'une disparition de Twitter

Cela fait deux mois qu'Elon Musk a pris les commandes du (vieux) réseau social Twitter. C’est l’occasion du faire un petit bilan. 

On appréciera d'abord l’excavation par le nouveau patron des pratiques merdeuses de l’ancienne équipe Twitter, gangrenée par le FBI et les démocrates américains pour réduire au silence toute pensée contrevenant à l'ordre progressiste. Pas un mot ou presque dans la presse française

Il faut dire que la vague de frayeur qui s’est emparée des journalistes, des politiques et d’une bonne partie de la gauche, à l’arrivée à la direction de Twitter du milliardaire (que la presse française qualifie systématiquement depuis de « fantasque ») en dit long sur le niveau de conformisme intellectuel qui règne sur ce réseau depuis un moment. Qu’a-t-on lu cet automne ? Appels émouvants au boycott et autres « Allons tous faire la révolution sur Mastodon ! » dictés à l'IA de leurs smartphones dernier cri. 

Ils ont raison les révoltés du réseau. Les choses ont bien changé en 15 ans sur Twitter ...et bien avant l'arrivée d'Elon.

Oeuvrant sur Twitter depuis 2008, je n'ai pas vraiment compris l'intérêt du truc au début. Avant d'y voir un formidable agrégateur de news, et de démocratisation de la transmission de l'information. De 2008 à 2011 ce furent, sur la version française de Twitter tout au moins, de belles années, un peu bordéliques, assez grisantes. On pouvait y interpeller la poignée de politiques ou de journalistes qui s'y aventuraient alors. J'y ai fait de belles rencontres qui se sont transformées dans la vraie vie. Twitter, et internet en général, étaient alors mal vus par les médias classiques qui en faisaient régulièrement le procès

C'était avant que la machine s'emballe et que Twitter (et sa grande soeur l'info continue) donnent le ton à toutes les rédactions. Se peuplant de gens qui l'avait jadis boudé, de 2011 à 2015, puis de messages sponsorisés, le réseau a perdu de son intérêt, devenant une succursale des médias classiques : un truc mou et dominés par les CSP+ urbains.  Je me suis éloigné de Twitter à partir de 2015, n'y revenant que sporadiquement. Sans trop y écrire, j’atteignais alors une modeste réserve de 12000 abonnés, constamment en hausse.

C'est à l'approche de l'élection de 2017 que j'ai pu observer la mise en place de subtils processus  d'invisibilisation sur Twitter. Il y a même eu, à ma petite échelle, un avant et un après campagne Macron. Et précisément, un avant et un après 1er février 2017.  

Ce jour-là, je postais sur mon compte une affiche de campagne pour la secte macroniste "En Marche" réalisée par mes soins, plus vraie que nature. Des centaines de personnes ont réellement cru que c'était l'affiche officielle. Visiblement ça n'a pas plu. 

L'objet du délit : 

À partir de ce tweet, j'ai vu mes abonnés partir par paquet de 10 à 20 à chaque message que je postais. Même pour un "oui" ou un "non". Je constatais à la même époque plusieurs pertes sèches d’abonnés et de nombre de partages sur d’autres comptes visiblement étiquetés dangereux (ce qui recoupe les récentes révélations sur la labelisation des comptes et le "shadow banning" par l'ancienne équipe Twitter). Ces comptes avaient le point commun d'avoir été très actifs, chacun dans leur style, à la précédente campagne présidentielle de 2012. 

De 2017 à 2020, Twitter est devenu un cloaque pour journalistes et politiques. Les premiers se régalant des saillies des seconds. C'est alors le royaume de l’entre-soi de la pensée "progressiste" encore plus lisse et correcte qu’une chronique matinale de France Inter, qu’elle soit supposée économique ou humoristique (ce qui revient au même). J'ai laissé tomber ce réseau.

J'ai renoué avec Twitter en 2020 au moment du confinement, constatant à l’occasion que l’environnement s’y était encore dégradé à travers un angélisme béat et aveugle, appelant à plus d'enfermement, de restrictions et de piqûres obligatoires, J'ai posté des messages sur le sujet, des liens vers mon blog, j'ai reperdu 2000 abonnés sur la période (alors que mes articles, eux, montaient en audience). Je suis d'ailleurs toujours sous ce régime depuis, avec des messages lus par moins de 0,5% de mes abonnés sur Twitter (une cinquantaine, quasi toujours les mêmes, je les salue chaleureusement au passage).

Je me suis à mon tour désabonné massivement de comptes "stars", de médias chambre d'écho du gouvernement ou de gens, des amis parfois, se proclamant de gôôôche, humanistes et anti racistes - qui, à l’image d’un président voulant "emmerder les non-vaccinés", se prononçaient sur Twitter, avec toute la bonne conscience du monde, pour la ségrégation d'une partie des Français. On les reconnait facilement aujourd’hui : sous leurs avatars, le drapeau ukrainien a remplacé les 3 emojis de seringues et, après avoir traité de fachos les Français qui manifestaient contre les mesures liberticides, ils acclament les Chinois qui manifestent pour les mêmes raisons. 

Mon écœurement a été atteint lorsque les journalistes français se sont réjouis de l’exclusion de Donald Trump du réseau en janvier 2021. Quelle courageuse prise de position à dix jours de la fin de son mandat, et quelle ingratitude de nos suce boules locaux ! Trump à lui seul à fait vivre 300 journalistes français avec la seule exégèse de ces coups de gueule quotidien sur le réseau ces six dernières années. 

Je me suis donc réjoui cet automne des soubresauts de l’aristocratie twiterienne, de la planète woke, des fact-checkeurs en carton, des cerbères de la doxa ainsi que de l’ensemble de la noblesse journalistique après le rachat de Twitter par Musk. Ceux qui s’émeuvent aujourd’hui pour la liberté de l’information ou les risques de manipulation idéologiques sont les mêmes qui célébraient la censure du compte d'un président démocratiquement élu, du "shadow ban" de tout commentaire non ouvertement pro-vaccination ou pro-Ukraine sur le réseau de "l’oiseau bleu" de mes couilles. 

Mais l'amusement est de courte durée. Musk se piège au quotidien et peut-il tenir longtemps sans se compromettre face aux forces en place et aux campagnes de dénigrement : presse, annonceurs, politique, états ?  On aimerait d'ailleurs voir autant de hargne de nos élites face aux autres milliardaires patrons de presse et TV ou aux pratiques sociales déconcertantes d'autres grandes entreprises. 

La suite au prochaine épisode mais déjà, peu à peu, on voit revenir de leur exil sur Mastodon les petits soldats du bien qui prêchent à nouveau la bonne parole sur Twitter comme si de rien n'était, en s'asseyant sur leurs jolis principes pré-mâchés. 

Comme on dit : si tu as aimé cet article, abonnes-toi ici -> https://www.twitter.com/sebmusset

Le Black Friday de la santé

Il est là, il est beau, il est synonyme de progrès, il est l’espoir du monde après, il ne permet pas de recevoir la 5G mais il génère autant de files d'attente que la sortie du nouvel Iphone, il est à 100% remboursé et avant même de produire des effets il provoque un engouement collectif proche de ceux observés lors des pires opérations commerciales de la grande distribution. Nous parlons du vaccin bien sûr qui nous débarrassera c'est certain de l'odieux COVID et dont on peut légalement s’informer des moyens pour circuiter la file d’attente au détriment des publics prioritaires sur l'appli si bien nommée : vitemadose

On ne lui fera pas son procès ici, considérant ici que, pour peu qu’il réussisse à s’extraire de la propagande multi canal, chacun est libre et éclairé à commencer sur l’absence totale de recul que l’on peut avoir sur ses conséquences à moyen et long terme (quand plus personne ne sera pénalement responsable). On s’étonnera toutefois que les arguments récemment utilisés pour discréditer certains traitements désormais interdits ne soient pas, à minima, appliqué à son administration massive sur une population qui dans son écrasante majorité n’a rien à craindre du virus chinois. On s’étonnera également d’un tel engouement alors que de l’aveu des laboratoires concernés, le miracle technologique  n’empêche en rien la transmission du virus mais, théoriquement, des formes graves pour la tranche la plus exposée. Alors qu’on ne parle toujours pas d’augmenter les capacités hospitalières, on parle déjà de vacciner les enfants, pourquoi arrêter l'offre quand la demande est si forte ? 

Prochain épisode : la culpabilisation des hérétiques qui empêcheront les auto-proclamés "bien portants parce que vaccinés" d’accéder à encore plus de libertés individuelles. Episode suivant : l’explosion de la sécurité sociale. Selon les dogmes libéraux qui reprennent déjà le cours normal de nos exploitations : elle ne survivra pas à cet open bar du confort individuel au prétendu nom de la santé collective. Nos dealers d’état nous ont copieusement fournis de l'attestation et de la prison pendant plus d’un an, ils conditionnent désormais nos libertés à la soumission à la piqure. Ils sont le problème, peuvent ils réellement fournir une solution, autre que principalement motivée par leurs seuls intérêts électoraux ? 

Mais force est constater que, efficacité de la publicité sur fond de peur et de lassitude, pour le moment la farce marche puisque les soumis perçoivent ce passage obligé intime comme la condition de l'émancipation collective. Je ne sais pas ce qu'il en sera du vaccin d'ici quelques années (si ça marche pas tant pis : on fera un update avec forfait illimité), mais je sais déjà très clairement où en seront nos libertés fondamentales. Le passeport sanitaire serait temporaire et facultatif ? Temporaire comme l’état d’urgence dont ne sort plus et facultatif comme un compte en banque dont on ne peut se passer ? On aurait déjà du se méfier il y a un an : à partir du moment où l’on acceptait de se faire introduire des bâtons dans le nez pour un oui ou un non, la messe était dite.

Le vaccin n’est pas la solution, c'est juste NOTRE SOLUTION capitaliste parfaitement calibrée par des entreprises privées, remboursée sur fonds publics, pour notre société d’égoïsmes. On ne sa vaccine pas pour protéger les autres bien évidemment, mais pour s’assurer à soi de partir en vacances cet été. Rendez-vous à la rentrée, prochaine échéance concrète de nos perspectives à la petite journée. Rien de bien neuf donc, mais une belle piqure de rappel du monde pourri jusqu’à la moelle dans laquelle nous vivons. Le monde d'après ? Il est déjà là. C'est celui d'avant en pire. 




Petit point d'étape sur la route de la fin du monde

474e jour de l’an de merde 2020 en zone écarlate rouge rouge de la république du Baltringuistan. 

Faisons le point sur la situation ambiante au sujet du fatiguant virus chinois. 

Sur le front perso : Toujours chou blanc. Aucun signe de COVID ni sur moi ni dans mon entourage proche. 

Sur le front social : Après la fuite des confinistes à l’autre bout de la France pour leurs vacances de Pâques avancées et les révélations de divers diners clandestins dans la plus grande impunité dans les beaux quartiers (tandis que tu peux te faire verbaliser pour non-port de masque à la plage), il apparait de plus en plus clairement que la France se divise désormais en 2 catégories : 
- ceux qui ne veulent un durcissement de mesures qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes, 
- ceux qui ne veulent pas de ces mesures mais qui les respectent quand même. 

On peut y ajouter une troisième catégorie, plus cohérente, tout aussi minoritaire que discrète : ceux qui n’en veulent pas de ces putains de mesures débiles et qui ne les respectent donc pas. 

Une amie me demandait sur Facebook combien de temps allait encore durer ce délire sécuritaire et hygiéniste aussi con qu'inefficace. Il faut regarder le tableau dans son ensemble et non à la petite semaine comme nous a habitué à le faire l’info-feuillleton et le hit-parade quotidien des entrées en réanimation ou du taux de vaccination dans chaque pays. Je pense depuis le premier jour que nous en avons pour 3 ou 4 ans de cette merde. Nous sommes au milieu de la deuxième année : à la moitié pour les optimistes, au premier tiers pour les plus prudents. Pour un « retour à la vie d'avant » et des « voyages à gogo », ce sera entre 5 et 10 ans, et bien sûr pas pour tout le monde, car si on sort un jour de la pandémie telle que définit par l’OMS (à priori pas demain la veille), des millions d’entre nous aurons basculé dans le stade terminal de l’extrême pauvreté. Bien évidemment aucun homme ou femme politique ne pourra vous le dire, et c’est paradoxalement Macron qui a le mieux senti l’échéance en branlant du vocabulaire « guerrier » dès mars 2020, la durée d’une guerre mondiale est l’ordre de grandeur temporel le plus juste. Tout cela sous réserve que, à force de manipulations de variants, de stratégie vaccinale non coordonnée et aux posologies improvisées en fonction des stocks, le virus ne parte pas définitivement en couilles (à croire qu’aucun de nos dirigeants n’a vu de films de morts-vivants). 
Pour le reste, nous sommes collectivement en état de coma avancé. Quand je nous vois marcher en plein air dans les rues de Paris avec un masque sur la gueule alors que 1 / ça ne sert rigoureusement à rien 2 / il n’y a même plus de flic pour nous verbaliser, je considère que la messe est dite. 

Sur le front de la croyance : Là on est vraiment dans la merde. Les ravages neurologiques sont sévères. C’est d’autant plus effrayant que cela touche des gens supposés rationnels, voire athées, avec plutôt de bonnes analyses par ailleurs mais qui sont totalement partis dans une vrille illuminée que plus grand-chose, même pas la fin du virus, ne semble pouvoir arrêter. Le COVID est désormais un dogme avec ses prédicateurs, ses péchés, sa tenue réglementaire, son catalogue d’interdits… Ils sont faciles à reconnaitre. Ils accusent tout le monde d’être irresponsables ou complotistes, et peuvent dans la même phrase se féliciter de l’interdiction de la hydroxychloroquine sur laquelle nous n’aurions pas assez de recul, et réclamer la vaccination généralisée quand bien même on leur rétorque un manque cruel de recul. On a beau leur exposer les chiffres de la mortalité qui, aussi tristes soient-ils, restent anecdotiques à l’échelle de notre espèce et ne touchent toujours majoritairement que des gens du trois et quatrième âge, en leur précisant qu’en mettant le focus médiatique H24 sur toutes les ondes sur n’importe quelle cause de décès on pourrait aussi bien créer une panique mondiale sur les pets de vache ou les chokobons : rien n'y fait, il n'y a plus que COVID, COVID et COVID. Plus aucune autre cause de décès n'a le droit de cité. 

Ah, le front médiatique : Tant qu’une autre grosse catastrophe ne vient pas chasser celle-ci, nous resterons dans cette fin du monde sans fin, même si reconnaissons-le ce troisième confinement est un moment de pause dans le traitement média du COVID. La trêve est de courte durée. Les experts confinistes encore en congés sur l’ile de Ré ne devraient pas tarder à refaire parler d’eux. Après l’Angleterre, l’Afrique du Sud c’est désormais autour du Brésil de jouer le rôle du grand méchant qui justifiera de nouvelles mesures liberticides.

Sur le front sanitaire justement : C’est bien là qu'il y a le moins de progression. Les six derniers mois de lutte française contre le virus chinois peuvent se résumer en un pitch de Shakespeare : Beaucoup de bruit pour rien. Ici en zone écarlate rouge-rouge, nous célébrons notre premier semestre de couvrefinement continu - subtil pot-pourri de périodes de couvre-feu à heures diverses, avec ou sans école et avec ou sans confinement et à commerces ouverts variables - sans aucun résultat probant pour personne. 

Sur le front du vaccin :  qui est aussi un peu le front médiatique, notons qu'on sort par petites touches encore timides de la séquence du « miracle vaccinal » dont on nous rabat les oreilles depuis trois mois. Il faut doucement nous amener à comprendre que, en fait non, la double piquouse du super vaccin à "95% de réussite" ne sera pas suffisante. Pour recevoir la 5G je ne sais pas, mais pour l’abonnement renouvelé automatiquement ça commence à se dessiner. Tout en essayant de refourguer sa came (qui a pourtant tout du beta-test) en mode "y en aura pas pour tout le monde" le patron de Pfizer l'avoue carrément : une ou deux piquouses ne suffiront pas

Sur le front psychologique : là c’est la descente aux enfers général mais on continue à considérer que c’est moins important de perdre sa santé mentale qu’avoir une chance sur des milliers de mourir du virus chinois. On continue donc dans l’hystérie sanitaire et le plus parfait des égoïsmes à sacrifier les plus jeunes et les plus pauvres pour rassurer les plus vieux et les plus riches. Là dessus ceci dit rien de fondamentalement nouveau depuis trois décennies. Mais au moins avec ce COVID qui a bon dos c'est limpide.

Tout cela n’est donc pas très joyeux même s’il est fortement conseillé d’en rire pour ne pas sombrer. Car à bien des égards ce delirium est digne d'un best-of des Guignols de l'Info. Et si je dois en mourir pourvu que ce ne soit pas en étant aussi triste et apeuré que certains de mes concitoyens. Certains me désolent et m’effrayent désormais infiniment plus que ce virus. Avec eux, plus besoin de distanciation sociale : nous ne serons jamais plus du même monde. `



#confinement 3 : apprendre à reconnaitre la gauche bourgeoise sur les réseaux sociaux

Méthode facile et infaillible pour reconnaitre la gauche bourgeoise sur les réseaux sociaux : 

en mai 2017 : sur Twitter, ils t'accusent d'être fasciste si tu ne votes pas Macron.

en février 2021 : toujours sur Twitter, ils réclament un confinement dur. 

en mars 2021 : encore sur Twitter, ils déclarent que Macron est "un criminel" de ne pas confiner. 

en avril 2021 : ils "descendent en province" pour 4 semaines de vacances "rando-boulot-dodo" pour le confinement (et basculent sur instagram)

en mai 2021 : grand retour sur Paris et Twitter pour reprocher aux Français de ne pas respecter les gestes barrières. 

en mai 2022 : sur Twitter, ils accusent les abstentionnistes d'être fascistes. 





Les réseaux de connivence

L'IRIS m'a demandé de participer à son quatrième dossier sur "le virus du faux" (j'avis déjà écrit dans le numéro 2 sur l'autorité scientifique disparue). Le thème du mois portait sur les réseaux sociaux (voir [ici : https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2021/01/Dossier-4-Le-virus-du-faux-ok.pdf]). J'ai proposé le texte suivant intitutlé des réseaux de connivence. Vous pouvez le télécharger sur le site de l'IRIS ou le lire ci-dessous.

https://www.iris-france.org/wp-content/themes/iris-th/images/observatoire-desinformation-geopolitique-au-temps-du-covid-19.jpg

Olivier Kempf

Des réseaux de connivence

 

Les réseaux sociaux font l’objet de toutes les accusations : ils seraient antidémocratiques, propagateurs d’infox, prêcheraient la haine en ligne, au point que l’observateur se demande comment on peut encore les tolérer. Dès qu’un gouvernement fait face à un mouvement d’opinion, un mouvement d’humeur ou un mouvement de masse, aussitôt un responsable accuse les réseaux sociaux de toutes les turpitudes et appelle bien sûr à l’édiction d’une loi. Le même observateur se demande d’ailleurs pourquoi les textes régissant la liberté d’expression et donc la censure ne suffisent pas et pourquoi on délègue autant ces fonctions (en bon franglais on parle non de censure mais de modération) aux sociétés qui gèrent ces réseaux sociaux. L’ultime argument consiste à dénoncer l’anonymat qu’ils permettraient, sachant que ledit anonymat est interdit par la loi et qu’on ne parle en fait que de pseudonymat. Or, nous apprenons que le préfet de Police de Paris, M. Lallement, peu suspect d’être léger avec le respect de l’ordre public, aurait un compte « sous pseudo » sur Twitter qui lui permettrait de « suivre ce qui se dit ». Ainsi donc, les réseaux sociaux permettraient aussi de s’informer ? Les pseudonymes seraient utiles, même à des gens qui n’ont rien à se reprocher ? Voici donc bien des contradictions et des paradoxes.

Ils tiennent probablement à une confusion ou une compréhension imparfaite de ce que sont les réseaux sociaux. Cette confusion vient du fait que les réseaux sociaux sont certes des médias de masse, mais non des organes de presse dont le but principal serait d’informer leurs publics.

Les réseaux sont des médias de masse différents

Incontestablement, les réseaux sociaux sont des médias de masse. Ils sont médiateurs en ce qu’ils transmettent des « informations » de tout ordre ; et ils sont massifs, plus encore que tous les autres prédécesseurs, qu’il s’agisse des journaux imprimés, de la TSF devenue radio puis de la télévision. Toutefois, il faut se méfier de cette chronologie qui ressemble à une généalogie, comme si chaque média successif reprenait une partie des attributs du média précédent pour les élargir, mais sans vraiment en changer la logique. Or, tel n’est pas vraiment le cas avec les réseaux sociaux.

Selon Marshall Mac Luhan, éminence de la théorie de la communication, les médias de masse ont quatre caractéristiques : la communication de un vers plusieurs ; l’unilatéralité du message : le public n'interagit pas avec le véhicule du message ; l'information est indifférenciée : tout le monde reçoit la même information au même moment ; l'information est mosaïque et présentée selon des séquences prédéfinies.

Avec les réseaux sociaux, plusieurs de ces caractéristiques s’estompent et disparaissent : la communication se dirige de plusieurs vers plusieurs tandis que le public interagit avec le message, parfois de façon très simple (le bouton « j’aime » de vos RS favoris). L’information est évidemment différenciée et si elle reste mosaïque, elle ne suit aucune séquence prédéfinie. Si le web d’origine pouvait être assimilé à un média de masse, l’avènement des réseaux sociaux et l’expansion de leur audience a probablement changé la donne. Ils diffèrent des premiers médias de masse qui voulaient contrôler ce qu’ils diffusaient, qu’il s’agisse d’information ou de divertissement.

Une logique d’affinité

La logique des réseaux sociaux est différente. Avec un média traditionnel, le récepteur avait le choix entre deux attitudes : regarder ou ne pas regarder ledit média, selon ses goûts et ses affinités. Avec les réseaux sociaux, sa capacité de choix augmente de deux façons : il y a beaucoup plus de plateformes disponibles et il peut lui-même produire du contenu. Au début, cela provoque un éparpillement de l’offre, chacun s’efforçant, plus ou moins, d’imiter les standards (et donc la qualité générale) des médias traditionnels. Mais plus le processus avance, plus cette tendance s’amenuise au point que les consommateurs vont se regrouper par affinité et tolérer de moins en moins les « informations » contradictoires avec leurs opinions d’origine.

Peu à peu, les réseaux sociaux entretiennent les gens dans leurs convictions qui sont peu à peu renforcer, au mépris parfois de la réalité. Tel est le processus psychologique qui aboutit aux dérives que l’on observe aujourd’hui. Cela peut consister à réfuter des vérités scientifiques[1], ce qui explique le succès des antivax ou des platistes. Cela peut aussi conduire à refuser les faits, selon la théorie de l’alt-right ou « autre-vérité ».

De tels propos ont probablement toujours existé. La seule différence tient à ce qu’ils étaient cantonnés dans des cercles très restreints et n’atteignaient pas une audience générale et massive qui était réservé aux médias de masse. Avec les réseaux sociaux, cette massification s’est démocratisée et n’est plus l’apanage des médias traditionnels. Dès lors, les qualités d’une « information » ne suivent plus les standards d’autrefois. On recherchait une certaine vérité ou du moins la certification par des experts du domaine, qui servaient de garde-fous rationnels à l’information diffusée. Ce n’est plus le cas (ou plus exactement, les médias traditionnels ont perdu le monopole relatif dont ils disposaient).

Connivence et socialité

Les réseaux sociaux sont construits sur la connivence. Le lecteur pourra objecter que les médias avaient autrefois une certaine couleur et qu’on ne lisait pas l’Aurore comme on lisait l’Humanité. Cela est vrai mais globalement, chacun tombait d’accord sur les faits racontés simultanément par la presse : les divergences n’apparaissaient qu’au moment de leur interprétation ce qui permettait le débat.

Désormais, même le fait est mis en cause par lui-même. Il ne s’agit plus vraiment de chercher un certain confort idéologique mais de rejoindre un club restreint qui renforce, plus que jamais, le sentiment d’appartenance. En cela, les réseaux sociaux sont la démocratisation de ce qui avait été inventé avec les clubs sociaux de tout type (Jockey club, Automobile Club, dîners du Cercle, …) et qui étaient l’apanage de l’élite, désireuse de se trouver entre-soi. On ne cherche donc plus à obéir aux règles de la société en général mais à celles du club. Le club favorise la connivence, au mépris du réel.

Dès lors, la connivence surpasse la vérité. Il importe moins que ce que nous disions ou lisions soit exact mais que nous le partagions. Il convient ici de s’interroger sur la raison de ce succès. Peut-être est-il dû aux nouvelles conditions de notre vie sociale, où nous rencontrons de moins en moins de personnes et où nous nous trouvons plus seuls. Faisant moins société, étant moins inclus, chacun irait trouver dans les réseaux sociaux la socialité qui lui manque. Quitte pour cela à abandonner au passage la version « officielle » pour adopter celle du club, qui fournit un plus grand sentiment d’appartenance. Cette hypothèse reste à confirmer.

 

Olivier Kempf dirige le cabinet de synthèse stratégique La Vigie. Il est chercheur associé à la FRS.


[1] Voir O. Kempf, « Crise de l’autorité scientifique » in https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2020/11/Dossier-2-Le-virus-du-faux.pdf, IRIS, novembre 2020.

Port du masque obligatoire, c’est la chenille qui redémarre

Deux mois sont passés dans le monde d'après...

En juin, on souffle un peu. Le citoyen veut des vacances, l'Etat veut du PIB. Un petit air de "plus rien à foutre du virus" plane sur le pays depuis le début du déconfinement. Les incompétents du gouvernement ont été remplacés par d'autres incompétents provisoirement moins impopulaires. On peut donc recommencer à culpabiliser le quidam, lui dire qu'on va lui baisser son salaire, qu'il coûte trop cher, qu'il se relâche trop, fait trop la fête et porte mal son masque. 

En juillet, ça reconfine un peu partout en Europe. Plusieurs signaux sanitaires sur une hausse de la propagation du covid titillent ces rédactions d'info-feuilleton qui raffolent de l'affolement. Le gouvernement Baltringuistan-du-Castex décrète en plein milieu des grandes vacances (comme il le ferait pour une hausse de taxe honteuse) que le port du masque est obligatoire dans les lieux publics clos (tous sauf l’entreprise bien sûr, ce qui permet aux experts de chaines d'info-feuilleton de faire la morale sans masque en lieu clos sur l'importance pour les autres de porter le masque en lieu clos).

J’avoue que je ne comprends pas le pataquès actuel autour du port du masque, comme s’il fallait être systématiquement pro ou anti sur chaque chose. Je croyais naïvement que le port du masque dans les lieux publics clos était, si ce n'est obligatoire, au moins très fortement recommandé vu que c’est précisément l'absence de masques l'hiver dernier qui nous a collectivement fait traverser deux mois merdiques au printemps suivant. 

Il fallait juste le temps que l'opinion oublie un peu le fiasco d'état de la pénurie de masques à l'origine du confinement pour que le nouveau gouvernement légifère plus fermement au sujet du petit bout de tissu qui, s'il avait été livré à temps et porté par tout le monde nous aurait probablement évité deux mois de prison et dix ans de crise économique.  

Le masque c'est surtout le marqueur le plus visible d'un sombre futur collectif. On veut revenir comme avant, avant le confinement, même si "comme avant" c’était loin d’être la joie. C'est ça le monde d'après, chapitre 1 : « le monde d’avant n’a pas compris qu’il était mort ». Tout est en transition. Relations humaines, réunions, façon de travailler, tourisme, lieu de vie, espace habitable… plus rien n’est déjà plus comme avant et ça va continuer.  Il y a ceux qui le comprennent et s'adaptent et ceux qui foncent sans masque et gestes barrière, avec les mêmes schémas mentaux et certitudes, dans le monde d’hier. Si ce n’est pas ce virus, ce sera son petit frère encore plus musclé. La question n’est pas si mais quand. Les années à venir, dans les domaines sanitaire, écologique et économique, ressembleront plus à Mad Max qu’à L’auberge espagnole

C'est ce que nous dit le masque et c'est ce que l'on voudrait oublier.  


La transformation digitale des entreprises (A. Dudézert)

Voici un petit livre de la collection Repères à La Découverte. L'auteur est une professeur de l'université de Pairs Sud et elle anime un Club sur a digitalisation avec un certain nombre de responsables d'entreprise en charge de la transformation digitale et de l'innovation. Voici donc un ouvrage qui fait l'aller-retour entre des approches théoriques et le retour des praticiens sur le terrain, ce qui constitue son principal intérêt.

A défaut de donner une définition de la Transformation digitale (ce qui est regrettable), l'introduction permet de préciser ce qu'elle n'est pas (ni une numérisation, ni même une informatisation) tout en recouvrant plusieurs champs: la notion de changement d'échelle, celle de la prédominance du client, celle de nouvelles pratiques sociales (mobilité, instantanéité, ubiquité, gratuité, personnalisation), celle de technologies "à portée de main", celle d'une "flexibilité adaptative", celle des nouvelles données, d'usages libérés mais aussi de difficultés à définir les tâches des collaborateurs, celle d'économie collaborative et donc les transformations internes de l’entreprise.

La première partie s'intéresse donc à la transformation digitale et ses enjeux, partant de l'appropriation de technologies de l'information "créatrices" pour traiter de la reconfiguration des pratiques de travail puis les mythes de la transformation digitale. Au fond, la TD remet en cause le vieux rapport entre Capital et Travail au sein de l'entreprise (p 36). Le livre met en valeur le rôle de la réputation dans la mise en œuvre de la TD (p 41). Enfin, le mythe de l'entreprise décloisonnée évacue tout enjeu de pouvoir (p 49) quand l'autre mythe du panoptique pose la question de la manipulation et de la liberté du collaborateur (p 53).

La deuxième partie s'interroge sur la mise en œuvre de la transformation digitale. Si l'élément déclencheur est la peur de l'ubérisation, le texte décrit les différents modus operandi de la TD puis s'intéresse aux responsables de celle-ci (et leur rôle ô combien ingrat dans l'entreprise, je sais bien de quoi elle parle). Plus que l'ubérisation, il faut comprendre que la TD est déclenchée par 4 facteurs : le client, le salarié, le coût et le concurrent. Les méthodes proposées ressortissent souvent de l'injonction paradoxale et il faut pour cela des leaders qui soient à la fois insérés et en marge : là encore, position paradoxale qui n'ouvre pas à leurs titulaires de belles perspectives de carrière, quel que soit l'enjeu transformationnel voulu par les dirigeants.

La troisième partie traite de la nouvelle équation managériale : le changement de posture dans les métiers (focus sur le DSI et le DRH), la valorisation de nouvelles compétences, la transformation de la fonction managériale (section qui mérite le détour puisqu'elle pose la question de l'autorité du manager de contact et des niveaux intermédiaires, très souvent oubliés dans les démarches de TD, p 100 sqq), enfin l'absence de cadre juridique clair.

Au final, un petit ouvrage qui se lit facilement, au carrefour des sciences de gestion, de la théorie du management, de la sociologie des organisation mais aussi, un peu, de la gestion des systèmes d'information. Appuyé sur des références académiques solides sans être trop nombreuses, faisant la part belle à des témoignages (divers et donc inégaux, mais c'est la loi du genre), il constitue une bonne entrée en matière au sujet. Tourné vers l'entreprise (plutôt la grande), il oublie ainsi les autres organisations (administrations, ONG) et les PME, mais qui ne font pas réellement partie de son champ d'étude.

Aurélie Dudézert, La transformation digitale des entreprises, Repères La Découverte, 2018, 127 pages.

O. Kempf

Vers le nouvel âge de Facebook ?


De la Serbie au Guatemela, la petite entreprise de Mark Zuckerberg réalise actuellement de très instructifs tests.

Il s’agit de séparer du fil d’actu des comptes Facebook (à base d'"amis"), les contenus issus des pages Facebook (commercial, au sens très large).

Là, on se dit tous (sauf les community-manager) : - Cool, c’est à terme moins de contenus sponsorisés dans mon fil d’actualité !

Sauf que c’est oublier que Facebook c'est tout sauf le cool. C'est une entreprise libérale d’obédience carnassière, une gigantesque régie pub avec 2 milliards de clients auto-fichés dans sa nasse. C’est oublier la vision de nos progressistes amis de Palo Alto : vous êtes consommateur ou annonceur.

La seule ligne éditoriale du média Facebook est de faire rentrer le pognon. Entreprises comme particuliers sont quotidiennement bougés comme des pions selon les critères d’optimisation de cette ligne. L’algorithme de Facebook est modifiable sans préavis selon ses impératifs de rentabilité. Rien à redire là-dessus : chacun fait ce qu’il veut chez lui. Et malgré les apparences quand vous êtes sur votre compte Facebook, vous êtes chez Facebook et non chez vous. Cela a des avantages (c’est pas cher), mais aussi des inconvénients (mise à la porte sans sommation, changement unilatéral et aléatoire du règlement intérieur).

Pour les entreprises qui misent l’essentiel de leur communication numérique sur Facebook, ces tests sont un sérieux avertissement. Si la portée organique des pages est flinguée à grande échelle, la compétition va se durcir sur le marché de la présence dans vos fils d’actu, et les prix augmenter. Jusqu’à présent, certaines s’en sortaient avec de la créativité et la viralité sans trop débourser. Ça ne suffira plus.

Côté consommateur, en cas de généralisation de l'expérience, ne vous attendez pas à voir disparaitre les contenus des pages de vos fil d’actu. Les annonceurs qui mettront le prix continueront à s’afficher. Vous allez toujours en bouffer du Conforama et de l’offre C Discount pour votre anniversaire. Tous les autres pages en revanche, moins ou pas commerciales, les pages associatives etc… seront digérées dans le dédale de la confidentialité numérique.

Pourquoi s’arrêter là ? (Attention, vous entrez en territoire SF)

La prochaine étape pourrait être de faire raquer les particuliers, pas en mode abonnement comme tentent de parfois de le faire croire des chaines de mails dont le frisson d’angoisse qu’elles génèrent à la première lecture et la rapidité de leur propagation nous informent tout de même sur la sévérité de notre état de dépendance numérique.

Non, pourquoi ne pas adapter, dans une sorte de B2B (ou P2P) de l’intime, une bonne vieille technique de dealer ? Une fois qu’il est devenu hégémonique sur le quartier et qu'il t'a bien rendu accro à sa came, le dealer ferme le robinet et met les doses aux enchères pour toi et une sélection de tes copains les plus affamés.

Tu veux être lu et continué à être liké ? Entre ton numéro de CB.

Facebook fait d’abord son business de nos faiblesses dans une époque (que la compagnie a en partie enfanté) où chacun devient l’entrepreneur névrosé de la représentation la plus populaire possible de sa singularité.

Ce n'est qu'une hypothèse, l'environnement est technologiquement imprévisible et soumis aux bonnes vieilles ruptures générationnelles (Facebook est déjà un réseau de « vieux »). Mais, partant du fait qu’il y a encore dix ans peu d’entre nous imaginaient la prédominance actuelle de ce média (et de l’égo-bombing qui va avec) dans nos modes de communication en ligne, la plus grande partie du chemin n'est-elle pas déjà parcourue ?

"- Quoi mais c’est vraiment trop injuste ce monde libéral de merde !"

Oui mais non, au fond rien de neuf. Les annonceurs vont transférer des budgets d’un média à l’autre. Ceux qui n'ont pas d'argent pour faire de la pub n'en feront pas. Et les spectateurs resteront des consommateurs. Quel que soit le média.

Que Facebook se dévoile un peu plus à travers ces tests, admettant de se transformer peu à peu en média classique de télé-achat descendant (avec une fonction "interactivité entre amis") est une bonne chose. En revanche, les individus qui font l’erreur de trop privilégier Facebook pour communiquer et débattre devraient commencer à se diversifier, et progressivement migrer sur d’autres plateformes collaboratives ou personnelles, commerciales ou auto-financées.

Ou bien, retourner à leur blog.

Illustration : Black Mirror, S3E1, Netflix
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