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À partir d’avant-hierContrepoints

Baisses d’impôts : quand les promesses d’Attal se fracasseront sur le mur de la réalité

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe pas loin de l’arbre.

Le gouvernement dispose de trois pistes pour déshabiller Paul afin d’habiller Pierre.

La première – et la pire – est l’abolition ou l’augmentation de la flat tax sur les revenus du capital. En pénalisant l’investissement dans l’économie réelle et en punissant les investisseurs qui réallouent leur capital vers de nouveaux projets, c’est la croissance déjà atone de la France qui ralentirait, et avec elle les salaires et les recettes futures de l’État. Ce qui apparaît à court terme fiscalement neutre se révèle à long terme coûteux. Nul doute que la facture finale reviendrait aux classes moyennes.

La seconde piste est l’augmentation de l’IFI, mais considérant que cela nécessiterait de le doubler, il est peu probable que le gouvernement s’engage sur cette voie.

La dernière piste est l’augmentation des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu, voire la création d’une nouvelle. Or, s’il y a un impôt par lequel la soi-disant solidarité nationale s’exerce particulièrement, c’est bien l’impôt sur le revenu.

En effet, en 2022, le montant moyen payé par 82,5 % des foyers est inférieur à 300 euros, 13 millions de foyers recevant même de l’argent plutôt que d’en payer. À l’inverse, les 1,3 % des ménages les plus riches s’acquittaient de près de 36 % de la facture totale de l’impôt sur le revenu : 30 milliards d’euros. Le gouvernement prévoit-il d’augmenter leur contribution de 6 % pour essayer de sauver les élections européennes ? Ce serait une bien mauvaise nouvelle pour la France.

Dans son étude comparative de la fiscalité des pays européens parue en 2023, la Tax Foundation a classé la France dernière. Parmi les critères utilisés pour dresser ce classement se trouve la fiscalité individuelle. Bien que n’ayant pas les taux affichés les pires d’Europe (le Danemark et l’Autriche décrochent cette triste médaille), la France se situe dans le bas du classement à cause de sa fiscalité qui punit fortement le travail. Le rapport entre le coût marginal – celui de gagner un euro de plus – de la fiscalité du travail et le taux moyen est de 1,55 en France. L’augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu accentuera ce mauvais résultat. L’augmentation de la fiscalité des classes supérieures – celles qui épargnent le plus – aurait les mêmes conséquences sur la croissance que l’abolition de la flat tax. Comment Gabriel Attal compte-t-il « desmicardiser la France » si l’impôt encourage les bas revenus et freine la progression des salaires ?

Gabriel Attal promet que cette baisse d’impôt sera entièrement financée.

Tout observateur sérieux sait que c’est au mieux un mensonge, au pire, une incompétence crasse. Tout d’abord, comme le constate le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-Francois Husson, le budget de 2024 consacre l’entrée de la France dans l’ère des déficits extrêmes.

Comment le Premier ministre peut-il prétendre que cette mesure sera entièrement financée quand 30% du budget de l’État ne l’est pas ? Le PLF 2024 prévoit 491 milliards d’euros de dépenses pour 350 milliards de recettes, c’est-à-dire que 141 milliards d’euros de dépenses ne sont pas financées.

Cela soulève deux questions.

Tout d’abord, pourquoi le gouvernement ne choisit-il pas tout simplement d’augmenter le déficit de l’État de 1,4 %, ce qui aurait moins d’impact sur les recettes futures qu’une mauvaise hausse d’impôt ?

Surtout, pourquoi est-il incapable de réduire les dépenses d’un pitoyable 0,4 % pour réellement financer sa baisse d’impôt ? Ce ne sont pourtant pas les coupes faciles qui manquent, à commencer par les ubuesques primes pour rapiécer les vêtements, réparer les vélos ou les lave-linges. Le tentaculaire audiovisuel public coûte à lui seul 3,8 milliards d’euros par an, il suffirait d’en privatiser la moitié pour financer la mesure.

La Cour des comptes publie quasi quotidiennement un rapport qui nous rappelle le gaspillage et la gestion hasardeuse des deniers publics.

Une réforme de l’impôt sur le revenu est nécessaire pour relancer la France et récompenser le travail, et c’est possible à périmètre fiscal constant.

La plus audacieuse d’entre elles est la suppression de l’impôt sur le revenu financé par l’élargissement de la base de la TVA. Selon la Tax Foundation, la TVA ne perçoit que la moitié de son potentiel, de nombreux produits étant soumis à un taux réduit, voire nul.

Une seconde réforme moins audacieuse reviendrait à instaurer une flat tax sur l’ensemble des revenus. Avec 1322 milliards de revenus déclarés, son taux ne s’élèverait qu’à 7,1 % ! Bien sûr, la vraie réforme serait de baisser tout simplement les dépenses publiques de 6 %, ce qui serait toujours supérieur à l’avant covid.

Impossible pour Gabriel Attal, incapable qu’il est de trouver deux milliards.

Abarenbō Shōgun ou le mythe du bon monarque

Abarenbō Shōgun, la chronique de Yoshimune, est une série japonaise à succès déjà ancienne. Elle a débuté en 1978, et met en scène un des plus populaires monarques de la dynastie Tokugawa. On le sait, du XVIIe au milieu du XIXe siècle, cette famille mit fin aux guerres civiles et établit un pouvoir fort à Edo, l’actuelle Tokyo.

L’empereur subsistait à Kyoto, mais était réduit à un rôle purement symbolique. De nombreux films et séries se déroulent à l’époque shogunale, mais très souvent le pouvoir des Tokugawa est présenté, sinon négativement, du moins de façon très critique.

Il n’en va pas de même dans cette série où le pouvoir étatique est exalté sur tous les tons.

Abarenbō Shōgun est actuellement visible sur YouTube sur la chaîne Samurai vs Ninja qui propose téléfilms et séries japonaises consacrés à ces deux types de personnages. Les sous-titres sont en anglais, mais on peut bénéficier de la traduction automatique en français qui est assez correcte. Abarenbō Shōgun est traduit dans les premiers épisodes comme « le shogun sans entraves » et même, cocasserie de la traduction automatique, « le shogun débridé », ce qui est le moins pour un monarque nippon.

Imaginez un Louis XIV quittant son palais déguisé en mousquetaire pour faire régner la justice à Paris à la pointe de son épée, et vous aurez une idée de son contenu.

 

Les deux corps du Roi dans Abarenbō Shōgun

Ce justicier aux deux visages trouve sans doute son origine littéraire chez Eugène Sue, avec le personnage de Rodolphe de Gerolstein, grand duc déguisé en ouvrier des Mystères de Paris.

Il a connu une étonnante postérité avec Zorro, le personnage de Johnston McCulley, hidalgo mollasson le jour et justicier masqué la nuit, dont Batman ne sera que la version modernisée et démocratisée.

Mais le héros d’Abarenbō Shōgun se distingue néanmoins de ces sources évidentes puisqu’il n’appartient pas seulement à l’élite, il est au sommet de l’État. Tel Haroun-al-Rashid, il se promène incognito dans sa capitale, mais ce n’est pas uniquement pour connaître l’opinion de ses sujets.

En cela, la série interprète à sa façon les deux corps du roi, le corps naturel et le corps politique.

« Ce pouvoir ne peut pécher, ni mal faire » selon la formule de Fortescue. Le shogun se dédouble tout en étant un dans ce pays qui compte déjà deux monarques (Kyoto/Edo).

Si le roi le savait… Le roi ne pouvant mal agir, les injustices ne peuvent exister que du fait de son ignorance. Mais si le Roi « Fontaine de Justice et de Protection » sait, et est animé du sens de la justice, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. À lire les commentaires naïfs qui fleurissent sous chaque épisode, ce mythe du monarque à l’écoute de son peuple fonctionne toujours.

 

Yoshimune, le shogun idéal

Yoshimune (Ken Matsudaira), huitième shogun, cumule toutes les qualités morales et physiques. Il est beau, brave, généreux, intelligent, habile sabreur, et tout aussi bien lutteur ou danseur au fil d’Abarenbō Shōgun. De fait, il joue à lui seul « bien des personnages » aurait dit Shakespeare.

En tant que shogun, Yoshimune s’appuie sur un vieux conseiller, qui apporte une note comique, et surtout sur Echizen Tadasuke Ooka. Ce haut fonctionnaire, au titre de Minami Machi Bugyo, cumule à Edo les rôles de lieutenant général de police, de prévôt des marchands et de président du Parlement, tant la monarchie shogunale est infiniment plus absolue que celle de Louis XIV.

Dans son ombre, toujours prêts à le protéger, un garçon déguisé en colporteur et une fille en joueuse de shamisen se révèlent de redoutables ninjas shogunaux.

Dans les premiers épisodes d’Abarenbō Shōgun, Yoshimune prétexte un bain pour s’éclipser. C’est très symbolique n’est-ce pas ? Il se dépouille de sa tenue de cérémonie pour revêtir celle du samouraï. De plus, il sort par une porte dérobée du château dans une barque menée par ses fidèles acolytes.

 

Shinnosuke, le justicier au service du peuple

En tant que cadet de famille noble sous le nom de Shinnosuke (Shin pour les intimes), il fréquente, au point de jouer les pique-assiettes, la famille du chef des pompiers de Megumi, le pittoresque Tatsugoro (Saburō Kitajima), qui incarne le bon sens populaire. L’épouse revêche et la sœur sentimentale, secrètement amoureuse du beau samouraï, quelques pompiers un peu benêts, et l’ancien champion de sumo qui se fait entretenir mais joue à l’occasion de sa force physique, complètent cet échantillon du petit peuple.

Un samouraï sans grand caractère a vite disparu d’Abarenbō Shōgun pour laisser la place à un ronin, Yamada Asaemon, qui avait la fâcheuse habitude de louer ses services à des personnes peu recommandables, mais qu’il finissait par trahir au profit du bon droit. Ayant trouvé un emploi d’essayeur de katana et d’exécuteur shogunal, il finira par découvrir l’identité réelle de Shin et lui prêtera plusieurs fois main forte.

Soulignons un point assez drôle dans Abarenbō Shōgun.

Notre héros repousse sans cesse toute idée de se marier, ce qui est pourtant le devoir d’un monarque. Dans un épisode aux allures de comédie, du moins au début, lui qui n’a peur de rien, doit fuir, harcelé par de ravissantes jeunes filles envoyées par leurs clans respectifs pour s’introduire dans sa couche. Mais il faut attendre ce 61e épisode pour voir notre shogun frigide éprouver enfin un sentiment amoureux. Mais zut, pas de chance, il est amoureux de la fille d’un haut dignitaire abominable qui finit par devenir religieuse. Le héros doit rester pur et sans tache et continuer de faire fantasmer le public féminin japonais.

 

Le succès prodigieux d’Abarenbō Shōgun

Abarenbō Shōgun a connu un succès prodigieux sur plusieurs décennies, et compte plus de 800 épisodes !

Tous sont construits sur un schéma narratif simple, mais efficace.

Chacun d’entre eux présente une situation d’injustice qui, après une rapide enquête, qui compte un peu trop sur les coïncidences et une propension des méchants à expliquer leurs projets au moment où un ninja espion les écoute, dissimulé sous le toit, l’injustice est réparée. Notre héros surgit tout à coup au moment où les méchants croient avoir triomphé ou s’apprêtent à commettre leur pire méfait. À ce moment-là, soit ils ne reconnaissent pas le prince, et le chef s’écrie : « Tuez-le ! », soit ils reconnaissent le shogun et le chef crie : « Peu importe ! Tuez-le ! »

Notre héros charcute1 dès lors la horde des méchants à grands coups de katana, avec l’appui de ses deux fidèles ninjas.

Les chefs sont généralement contraints de faire seppuku et le shogun apparaît au sommet de son château, arborant un sourire digne d’une marque de dentifrice.

 

Les contradictions du pouvoir éclairé dans Abarenbō Shōgun

Ce monarque éclairé est pourtant constamment présenté dans Abarenbo shogun entouré d’intrigants et d’esprits corrompus.

Tous ces efforts se heurtent au conservatisme, à l’esprit de caste et au capitalisme de connivence. Nombreux sont les épisodes où d’avides marchands s’entendent avec un puissant personnage pour éliminer la concurrence, ou imposer une hausse artificielle des prix. Ainsi, plus le shogun taille et massacre, et plus les méchants semblent se multiplier.

L’explication simple, il faut bien que la série continue, n’est pas suffisante. C’est la limite même de cette vision où les problèmes sont supposés trouver leur solution dans l’unique intervention salvatrice du monarque.

En effet, seules l’infaillibilité et l’omniscience du dirigeant doivent assurer en fin de compte le triomphe de la justice. Inutile de souligner les périls d’une telle conception, même si notre héros est parfois en proie au doute et commet, mais rarement, des erreurs.

Les contradictions du shogunat sont paradoxalement mises en lumière dans un épisode d’Abarenbō Shōgun consacré à une éclipse solaire. Le phénomène déclenche la panique dans Edo. Comme à l’ordinaire, un haut personnage cherche à en profiter en mettant la main sur un livre d’astronomie hollandais (traduit en chinois). Mais si le pouvoir shogunal n’avait pas interdit tout contact avec l’étranger, l’obscurantisme ne sévirait pas dans ce Japon « féodal ».

Ainsi, c’est la politique menée par les shoguns précédents qui se révèle la source du problème que la politique du shogun prétend résoudre.

  1. Façon de parler car il utilise le plat de son sabre et dès lors il assomme plus ou moins plus qu’il ne tue ses adversaires. Il use aussi d’un éventail sur lequel figure le mot Justice.
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