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L’accord de divorce que le Royaume-uni vient de conclure avec l’UE sera-t-il validé par le Parlement britannique ?

Par : pierre — 16 novembre 2018 à 16:16

Le dossier Brexit n’est pas clos, loin de là. Une seule chose est certaine – et c’est l’essentiel : pour la première fois, un Etat membre sortira de l’UE. Ce sera formellement le cas, le 29 mars prochain, pour le Royaume-Uni. Et ce, conformément au choix exprimé par une majorité d’électeurs en juin 2016. Contrairement aux rêves de ceux pour qui un « Non » doit toujours être remis en question, il n’y aura pas de second référendum.

Pour le reste, l’incertitude demeure : le traité de divorce annoncé le 14 novembre, après presque deux ans de laborieuses négociations entre Londres et Bruxelles, sera-t-il approuvé par le Parlement britannique ? Et si oui, comment se dessineront les nouvelles négociations censées aboutir, en principe d’ici fin 2020, à un vaste accord régissant les futures relations entre les deux parties ?

A l’inverse, si Westminster refusait le projet, le Royaume-Uni larguerait sèchement les amarres. Une hypothèse synonyme de cataclysme selon les dirigeants européens. Certes, dans ce dernier cas, de nombreux problèmes techniques seraient à résoudre, dans un climat inévitablement tendu. De là à décrire une situation de paralysie totale, des Anglais menacés par des pénuries effrayantes, et un chaos économique continental sans précédent … Les exagérations qu’on entend de diverses parts ne sont certainement pas innocentes.

A ce stade, le projet d’accord ligue contre lui, dans le microcosme politique anglais, deux groupes antagonistes : d’une part les députés qui restent indécrottablement nostalgiques de l’intégration européenne ; d’autre part les partisans d’un Brexit rompant clairement et rapidement avec toute dépendance vis-à-vis de Bruxelles.

Le choix pour les amis de Mme May « est désormais entre le reniement de leur promesse politique absurde ou le désastre économique »  – Bruno Le Maire (et ses gros sabots)

On peut parfaitement comprendre la frustration de ces derniers. Car le Premier ministre, Theresa May, a dû accepter d’importantes concessions. Les Vingt-sept entendaient imposer un divorce le plus défavorable et coûteux possible aux Anglais, dans le but quasi avoué de dissuader les peuples tentés de choisir eux aussi la sortie. Revanchard, Bruno Le Maire déclarait ainsi, alors que l’encre de l’accord était à peine sèche, que le choix pour les amis de Mme May « est désormais entre le reniement de leur promesse politique absurde ou le désastre économique ». Difficile, pour le ministre français de l’Economie, d’avancer avec de plus gros sabots…

Période de transition

L’accord prévoit une « période de transition », jusqu’en décembre 2020, pendant laquelle le pays, certes sorti de l’UE, sera encore soumis aux obligations communautaires. Cette période pourrait même être prolongée d’un an si les deux parties estiment que c’est nécessaire pour fignoler le futur cadre des relations de long terme (dont les relations commerciales).

Deux points du divorce avaient déjà été actés depuis quelques mois : le statut des expatriés, ainsi que les sommes que Londres s’engage à continuer à verser au pot communautaire pour solder ses engagements antérieurs.

Restait le casse-tête de la frontière entre l’Irlande du Nord (qui fait partie du Royaume-Uni) et la République d’Irlande, membre de l’UE. Londres, Dublin et Bruxelles partageaient le but d’éviter le rétablissement de postes de douane. Mais les dirigeants européens ont proclamé vouloir préserver l’intégrité du « marché intérieur » de l’UE, et avaient donc demandé que l’Irlande du Nord reste soumise aux règles de ce marché unique.

Pas question d’accepter une frontière interne au Royaume-Uni, a martelé Londres, qui a, dès lors, accepté que le pays tout entier reste membre de l’union douanière européenne, sa province irlandaise ayant des obligations renforcées. Mais cette concession ne serait mise en œuvre que si n’était pas trouvée, d’ici 2020, une solution plus satisfaisante pour l’après période transitoire.

Une concession majeure théoriquement donc limitée dans le temps (impliquant cependant le bon vouloir de l’UE), mais qui entraîne notamment de l’acceptation de l’autorité de la Cour de Justice européenne, dont les Britanniques voulaient se débarrasser. De même, le moment où le pays pourra négocier ses propres accords commerciaux avec des pays tiers, est reporté.

Calendes grecques ?

Reporté aux calendes grecques ? Telle est la crainte de nombreux Brexiters. Certains se sentent, de bonne foi, floués. D’autres – au sein même du parti conservateur – s’insurgent contre le « deal » pour des ambitions moins avouables visant à faire chuter Mme May.

Jusqu’à présent cependant, celle-ci a résisté à toutes les épreuves, alors que sa démission est très régulièrement pronostiquée depuis qu’elle est entrée en fonctions, en juillet 2016. La conjonction des oppositions au Parlement, qui doit se prononcer mi-décembre, pourrait, sur le papier, rejeter l’accord. Mais Mme May n’a pas dit son dernier mot.

Quant au Parti travailliste – lui-même divisé – il a également annoncé son intention de voter contre, avec l’espoir de déstabiliser ainsi le gouvernement et de se rapprocher des portes du pouvoir. Sur le fond pourtant, cette attitude est paradoxale, en tout cas pour Jeremy Corbyn, qui défend des renationalisations de services publics, particulièrement du rail, et une rupture nette avec l’austérité – des propositions très populaires.

Mais qui ne sont envisageables que si le pays n’est plus sous la coupe de l’Union européenne…

 

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L’édition de novembre est parue

Par : pierre — 27 novembre 2018 à 16:15

Ruptures n°80 arrive dans les boites aux lettres des abonnés le 30 novembre.

Aperçu du sommaire :

– l’éditorial qui pointe l’ampleur impressionnante du mouvement des gilets jaunes, insurrection contre un pouvoir d’achat en berne face à la volonté gouvernementale d’imposer un changement des comportements nommé « transition écologique »

– une analyse de la conjoncture économique, marquée par une croissance plus que jamais atone en zone euro, au point que les dirigeants européens sentent le risque d’une nouvelle crise économique et financière ; ils divergent cependant sur la manière d’y faire face du fait d’intérêts contradictoires

– une analyse du contenu et des perspectives de l’accord matérialisant le Brexit, qui, malgré les concessions de Londres, devrait permettre au Royaume-Uni de récupérer la maîtrise de ses lois, de son budget et de l’immigration

– un point sur le bras de fer opposant Rome et Bruxelles sur le projet de budget italien, qui peut dégénérer en affrontement au détriment de l’UE, mais le gouvernement semblait cependant, tout récemment, amorcer des concessions

– un tour d’horizon de la situation en Pologne où tensions et polarisations se précisent après les élections locales et avant les scrutins nationaux qui se profilent, le tout sur fond de mini-guérilla avec Bruxelles

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves…

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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Attention Macron : les gilets jaunes, ça réfléchit…

Par : pierre — 2 décembre 2018 à 23:01

Bien malgré lui, le président est en passe de créer la France insurgée. Derrière les insupportables attaques contre le pouvoir d’achat se profile une idée encore plus grave : il faudrait renoncer au progrès, soi disant pour « sauver la planète ».

Les images de la casse ne devraient pas cacher l’essentiel. Car c’est une première dans l’Histoire de France : jamais un mouvement sans organisateur déclaré ou officieux n’avait rassemblé tant de monde – bien plus de 300 000 participants si l’on prend comme référence le premier grand jour des gilets jaunes, le 17 novembre.

Sur les barrages, près des péages, autour des braseros ont fleuri des drapeaux tricolores ; dans les petits ou grands rassemblements, il n’est pas rare d’entendre la Marseillaise. Et bien souvent, les phrases qui reviennent pourraient être ainsi résumées : « nous sommes le peuple ». Ici et là, il est aussi question de révolution, de sans-culotte.

Celles et ceux qui se sont ainsi engagés, ou bien qui ont apporté leur soutien, sont évidemment très divers. Mais, tous ensemble, ils sont en quelque sorte la France insurgée.

Jamais dans l’Histoire de France un mouvement sans organisateur déclaré ou officieux n’avait rassemblé tant de monde

L’idée d’adopter le gilet fluorescent comme signe de ralliement, qui s’est répandue comme une traînée de poudre, est un trait de génie. Dans le vocabulaire administratif, cet accessoire vestimentaire est dénommé « gilet de haute visibilité »… Bingo !

De la part de certains partis, syndicats ou associations, le mouvement s’est d’abord heurté à des rejets et à des moqueries. Président et gouvernement ont tenté de le minimiser ou de le caricaturer.

Très vite pourtant, il a été difficile de faire le sourd, tant la colère, si longtemps rentrée, est énorme. Colère sociale : on a beau travailler dur, on n’y arrive plus ; colère politique aussi : on a beau renvoyer les sortants, les orientations restent les mêmes.

Pour tenter d’éteindre l’incendie, Emmanuel Macron s’est adressé aux gilets jaunes sur le ton « je vous ai compris » (mais n’est pas de Gaulle qui veut !).

Mais il s’est empressé d’ajouter : « sur les hausses prévues, je ne reculerai pas ».

Bien sûr, il n’a échappé à personne que l’augmentation programmée des taxes sur le carburant a été le déclic, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de l’exaspération. C’est bien le pouvoir d’achat, pris globalement, qui est en cause et au centre du désespoir : comment finir le mois, ne plus survivre, vivre décemment.

Ne pas oublier la goutte de gazole

Mais cette goutte d’eau, ou plutôt cette goutte de gazole, d’essence ou de fuel, il ne faudrait pas l’oublier. Personne ne revendique la suppression du principe des impôts. Mais quels impôts, qui paye, quelle justice, qui bénéficie ?

L’on sait depuis toujours que les impôts « indirects », comme la TVA, sont les plus injustes, parce qu’ils font bien plus contribuer les plus démunis que les plus riches.

Cela vaut particulièrement pour les taxes sur le carburant, qui représentent plus de 60% du prix du litre.

Les augmentations programmées ne sont pas seulement pensées pour racketter encore un peu plus les automobilistes ; elles visent aussi à imposer une « modification des modes de vie »

Or les augmentations programmées ne sont pas seulement pensées pour racketter encore un peu plus les automobilistes ; elles visent aussi et surtout à impulser « un véritable changement des comportements », et même à imposer une « modification des modes de vie ». Ce sont les auteurs mêmes des taxes qui le disent.

C’est pour cela que le maître de l’Elysée ne veut pas céder. Du reste, il s’y est engagé conformément aux exigences de l’Union européenne. C’est cette dernière qui ne cesse de renforcer ses consignes (encore en novembre) en matière de politique « énergie-climat ».

Tout cela parce qu’il faudrait « sauver la planète ». Et là, il y a une ribambelle de partis et de dirigeants de tous bords, y compris parmi les opposants à Emmanuel Macron, qui arrivent en disant : « il ne faut pas opposer le social et l’écologie ».

On nous dit qu’il ne faut pas opposer « ceux qui ont peur de la fin du mois à ceux qui ont peur de la fin du monde ». Eh bien si, il y a bien une opposition. De classe.

Autrement dit, il ne faudrait pas opposer « ceux qui ont peur de la fin du mois à ceux qui ont peur de la fin du monde ».

Eh bien si, il y a bien une opposition. De classe.

Bien sûr, chacun a le droit de penser que la planète est en danger. Mais on devrait aussi avoir le droit de faire preuve d’esprit critique par rapport aux périls qu’on nous brandit. Surtout quand on nous prédit, matin, midi et soir, dans les journaux comme sur toutes les chaînes, les pires des cataclysmes, bref, tout simplement « la fin du monde »…

En outre, que ces alertes soient reprises par un si large consensus politique devrait mettre la puce à l’oreille.

On ne cherche pas seulement à nous faire moins rouler (et moins vite) ; de plus en plus, des villes justifient, au nom de l’environnement, qu’on n’éclaire plus les rues la nuit (ou qu’on coupe l’éclairage de plus en plus tôt) ; ici et là – en milieu rural en particulier – on organise le ramassage de moins en moins fréquent des ordures (parfois toutes les trois semaines !) en expliquant que c’est de la pédagogie pour mieux recycler ; demain peut-être, les compteurs Linky seront capables de dénoncer les criminels qui se chauffent trop…

Et l’on n’a encore rien vu. On le sait peu, mais tout cela est théorisé. Dans le grand quotidien Le Monde (21/11/18), un philosophe australien qui fait autorité dans ces domaines affirme qu’il faudrait « se résigner à un changement de vie radical ».

Et il se lamente que cette idée ne soit pas très populaire car elle signifie « abandonner le principe fondamental de la modernité, c’est-à-dire l’idée d’un progrès ». Pour le dénommé Clive Hamilton, il faut impérativement « renoncer à l’idée selon laquelle le futur est toujours une version améliorée du présent ». Et le grand quotidien du soir, bible des élites dirigeantes, trouve cette idée si géniale qu’il la reprend et la martèle dans son éditorial.

Derrière le racket à la pompe se cache une idée particulièrement grave : il faudrait renoncer au concept même de progrès.

Et voilà : derrière le racket à la pompe, déjà insupportable, se cache une idée particulièrement grave : il faudrait renoncer au concept même de progrès. Et donc de progrès social, économique, technique, scientifique. C’est-à-dire renoncer à ce qui est l’un des fondements de l’histoire de l’humanité : faire en sorte que les générations à venir disposent de plus et mieux que les générations présentes.

C’est sans doute le signe que le système est en bout de course. Il est de moins en moins capable de faire de la croissance, de produire des richesses (autrement qu’en surexploitant de la main d’œuvre à bas prix à l’autre bout du monde, en délocalisant à tout va)… Il est tout juste bon à faire enfler la finance. Et à inventer l’idéologie de la régression qui va avec.

Sans doute les maîtres du pays, partisans et acteurs de la mondialisation, espèrent que les insurgés d’aujourd’hui ne chercheront pas les responsables, les responsabilités, et les idéologues qui les inspirent. Macron et ses amis devraient pourtant se méfier. Car les gilets jaunes, ça réfléchit.

C’est même fait pour ça.

Pierre Lévy
rédacteur en chef du mensuel Ruptures

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Des Gilets jaunes à l’ « empire européen » (éditorial paru dans l’édition du 28 novembre)

Par : pierre — 3 décembre 2018 à 11:04

Impressionnant : la mobilisation des « gilets jaunes », qui a rassemblé plusieurs centaines de milliers de citoyens le 17 novembre et se poursuit, revêt une ampleur sans précédent dans l’Histoire de France pour un mouvement sans organisateur institué. Les développements à venir restent incertains, mais il est déjà possible de pointer les composantes de cette colère jaune, portée par des acteurs dont c’était pour beaucoup la première manif, et qui jouit d’un soutien populaire écrasant.

Son déclencheur mérite attention : la détermination gouvernementale à augmenter les taxes sur le carburant, particulièrement sur le diesel, repose explicitement sur la volonté d’imposer un changement des comportements et des modes de vie, nommé « transition énergétique ». Que près de deux sondés sur trois estiment que le pouvoir d’achat doit passer avant la conversion écologique constitue une claque d’une violence inouïe infligée au pilonnage multi-quotidien quant à l’obligation de « sauver la planète ». La « sobriété heureuse » commence à apparaître pour ce qu’elle est : le faux nez de l’austérité contrainte.

Evidemment, au-delà de l’essence, c’est le pouvoir d’achat qui a mobilisé. Alimentation, carburant, électricité, gaz, assurances, loyer : des millions de ménages sont pris à la gorge. Les protestataires sont massivement issus du monde du travail, tandis que le mouvement est accueilli avec circonspection (au mieux) parmi la bourgeoisie urbaine.

Facteur supplémentaire : la rage de se sentir ignoré par « ceux d’en haut ». Cela vaut pour le social : on a beau travailler dur, on n’y arrive plus ; mais aussi pour le politique : on a beau renvoyer les sortants, les orientations restent les mêmes. Le souvenir du référendum inversé de mai 2005 est encore cuisant. Le mantra macronien de ladite « souveraineté européenne » a objectivement aggravé les choses : il est ontologiquement incompatible avec la souveraineté du peuple.

Les femmes et les hommes réunis autour des braseros ne se recrutent pas parmi les enthousiastes de l’Union européenne (donneuse d’ordre en matière de « paquet énergie-climat »)

Certes, on n’a pas vu brûler de fanion européen le 17 novembre. Mais le drapeau tricolore et la Marseillaise étaient à l’honneur. Dans leur grande majorité, les femmes et les hommes réunis autour des braseros ne se recrutent pas parmi les enthousiastes de l’Union européenne (au demeurant donneuse d’ordre en matière de « paquet énergie-climat », l’europarlement vient d’ailleurs d’en rajouter). Et si les citoyens mobilisés manifestent leur défiance quant aux responsables politiques nationaux en passe de perdre leur légitimité, cela concerne a fortiori des institutions supranationales qui en sont par nature dénuées.

Les syndicats ne sortent pas indemnes de l’épreuve. Des dirigeants de la CFDT et de la CGC se sont lamentés qu’un tel mouvement exclue le « dialogue social » en court-circuitant les « corps intermédiaires ». Quant à la direction de la CGT, elle a d’abord dénoncé un mouvement piloté en sous-main par l’« extrême droite » (mais nombre de ses militants se sont joints au mouvement). Il faudra un jour se pencher sur le rôle du soi-disant « antifascisme » dans l’abandon des fondamentaux « de classe » : sur l’Europe, sur les migrations, ou bien même sur l’appel à voter Macron au second tour, les reniements sont systématiquement justifiés par la peur de se retrouver « au côté de Marine Le Pen », faisant ainsi à cette dernière une publicité qu’elle ne mérite guère, et lui dégageant un espace rêvé.

Bruno Le Maire plaidait récemment, dans le grand quotidien allemand des affaires, pour que l’Europe devienne un « empire »

Alors même que le refrain officiel prétend voir poindre le péril d’un « retour aux années 30 », et pendant que les gilets jaunes se préparaient à prendre le bitume, Bruno Le Maire plaidait, dans le grand quotidien allemand des affaires, pour que l’Europe devienne un « empire ». Un empire « pacifique » précise-t-il (tout de même muni de la « véritable armée européenne » rêvée par le chef de l’Etat), mais qui pourrait enfin faire valoir sa puissance face aux autres grands acteurs mondiaux.

Au moins le locataire de Bercy a-t-il le mérite de dévoiler crûment le sens véritable de la mondialisation – celle-là même qui était finalement l’accusée ultime du 17 novembre : une dynamique de dominations et de rivalités qui écrase les manants et soumet les peuples. Et qui pourrait bien un jour les jeter les uns contre les autres : n’est-ce pas là la nature même des empires, ces entités qui par définition ne se connaissent pas de limite ?

Certes, faire le lien entre le prix du gazole et les dangereuses ambitions géopolitiques n’est pas spontané. Mais le maître de l’Elysée devrait se méfier. Les gilets jaunes, ça réfléchit.

C’est même fait pour ça.

Pierre Lévy

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Intervention télévisée de Macron le 10 décembre : personne n’a écouté la dernière phrase !

Par : pierre — 12 décembre 2018 à 10:28

Gilets jaunes : Bruxelles est en embuscade, tant sur les concessions budgétaires que sur le prix (libéralisé) de l’énergie.

Face à l’ampleur du mouvement des gilets jaunes, et à la détermination de ceux qui l’animent, Emmanuel Macron a dû reculer. Très insuffisamment, certes, au regard des exigences de pouvoir d’achat, de justice sociale, et de souveraineté populaire – un terme qui revient désormais régulièrement sur les ronds-points.

Insuffisamment, mais assez, cependant, pour inquiéter la Commission européenne. Le Commissaire à l’Economie, Pierre Moscovici, a mis en garde la France, le 11 décembre. Interrogé par l’AFP, il a indiqué que Bruxelles « suivra avec attention l’impact des annonces faites par le président » français sur le déficit, et étudiera de près les modalités de financement de ces mesures. Le lendemain (le 12), il a précisé dans Le Parisien que dépasser cette limite ne peut être envisageable que « de manière limitée, temporaire, exceptionnelle ».

L’exécutif européen rappelle que le pays reste soumis au Pacte de stabilité

En d’autres termes, l’exécutif européen rappelle que le pays reste soumis au Pacte de stabilité qui impose un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB. Depuis la crise de 2008, la « gouvernance » de la zone euro a même été renforcée – le gouvernement italien en sait quelque chose.

Le prix de l’énergie

Mais l’Union européenne est aussi en embuscade sur un autre point : les prix de l’énergie. Car si le coût de l’essence, du gaz, mais aussi du fuel ne résume pas, et de loin, la colère, il a quand même mis le feu aux poudres dès lors qu’était annoncée pour janvier une taxe écologique visant à imposer d’autres comportements.

Au demeurant, l’énergie reste plus que jamais un poste qui pèse lourd dans le budget de millions de ménages. Pour rouler, bien sûr, mais aussi pour se chauffer. Du coup, après avoir tenté en vain de désamorcer l’exaspération en annulant lesdites taxes environnementales sur les carburants, le gouvernement a également promis de geler le prix du gaz et de l’électricité.

Pour cette dernière cependant, il y a un os. Le premier ministre peut certes différer de quelques mois l’augmentation attendue de 6% du prix du kilowatt. Mais il ne peut pas la bloquer, libre marché oblige. Un tel gel avait déjà été entrepris par un précédent gouvernement, en 2012, mais les concurrents d’EDF avaient attaqué cette décision en justice. Avec succès : en application des règles européennes, le Conseil d’Etat avait condamné cette décision en 2014, ce qui avait contraint l’entreprise nationale à récupérer des arriérés sur les factures des usagers.

« La Commission encourage les Etats membres à établir une feuille de route pour sortir du système des prix administrés »

C’est que, pour Bruxelles, les règles de la concurrence sont sacrées. Le marché de l’électricité a été progressivement déréglementé à partir des années 1990, par des « paquets législatifs » européens successifs. En 2016, la Commission a présenté un projet de directive visant à parachever cette libéralisation (et à y inclure les sources nouvelles de production). Ses attendus sont sans ambiguïté : « la régulation des prix peut limiter le développement d’une concurrence effective, décourager les investissements et l’émergence de nouveaux acteurs. C’est pourquoi (…) la Commission encourage les Etats membres à établir une feuille de route pour sortir du système des prix administrés ».

Les « prix administrés » désignent le système où la puissance publique prend la main face au marché. C’est cette faculté-là qu’il faut éliminer, martèle la Commission, soutenue en cela par l’europarlement. Dans cette assemblée, c’est un député Vert espagnol qui pilote le dossier. Pour ce dernier, Florent Marcellesi, « la position du Parlement européen sur ces tarifs réglementés, qui est aussi celle de mon groupe, c’est qu’il faut en sortir, car ils bloquent le développement des énergies renouvelables ». Encore un bienfait de l’écologie.

Du reste, certaines capitales, dont Paris, essaient en coulisses d’atténuer un tout petit peu cette libéralisation totale, espérant garder un modeste espace pour le tarif réglementé.

Evidemment, si la puissance publique n’a plus la main sur les prix du courant proprement dits, le gouvernement peut choisir de diminuer les taxes sur ce dernier. Ces taxes représentent en l’occurrence plus de 35% de la facture pour l’usager. Il y a bien sûr la TVA, mais aussi ladite « contribution au service public de l’électricité » (CSPE), qui assure notamment le financement des énergies renouvelables. Utile rappel : la facture d’électricité avait naguère été alourdie au bénéfice des éoliennes ou des panneaux solaires, car le courant ainsi produit revient bien plus cher que le classique (nucléaire, hydraulique…). Qui s’en souvient ?

Là encore, il s’agissait de se conformer aux objectifs définis au niveau européen (« paquet énergie-climat ») visant à diminuer les émissions de gaz carbonique.

Austérité budgétaire imposée, alourdissement des contraintes environnementales, libre concurrence obligatoire : de quelque côté qu’on se tourne, les chemins mènent à Bruxelles.

« Notre seule bataille, c’est pour la France »

Il reste pourtant une lueur d’espoir que seuls les courageux ayant écouté le maître de l’Elysée pérorer jusqu’au bout, le 10 décembre, ont pu déceler. Car qui a prêté attention à la dernière phrase ? « Notre seule bataille, c’est pour la France », a-t-il proclamé sans rire. Lui qui, durant dix-huit mois, de la colline d’Athènes au grand amphithéâtre de la Sorbonne ne cessait de proclamer : notre avenir, c’est la « souveraineté européenne ».

Si Manu avait vraiment opéré ce spectaculaire demi-tour, on pourrait immédiatement sabler le Champagne sur les ronds-points de France et de Navarre. On n’en est hélas pas encore tout à fait là.

 

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Gilets jaunes : la genèse d’un mouvement qui pourrait marquer l’Histoire de la France

Par : fabien — 18 décembre 2018 à 12:38

Beaucoup de commentateurs croient déjà pouvoir savourer l’enterrement des Gilets jaunes. C’est sans doute aller un peu vite en besogne. Quoi qu’il en soit, il n’est pas trop tôt pour revenir sur les traits saillants et inédits de ce mouvement, ainsi que sur les enjeux dont il est porteur.

Lire aussi : Des Gilets jaunes à l’ « empire européen » (éditorial paru dans l’édition du 28 novembre)

Le soulèvement…

Le 17 novembre 2018 a marqué le premier acte de mobilisation nationale du mouvement citoyen des Gilets jaunes. A la fin de cette journée, l’exécutif annonçait qu’à son pic, la mobilisation avait rassemblé 282 700 manifestants dans tout le pays. Un chiffre qui a laissé perplexe, puisqu’il correspondait à une moyenne de 62 participants par point de blocage sur tout le territoire…

Péages d’autoroute, ronds-points ou encore parkings de centre commerciaux : une partie du peuple vêtu de jaune venait ainsi d’investir, de façon inédite, la « rue » et nombre de ses points stratégiques, un peu partout sur l’Hexagone.

Le gouvernement ne bouge pas d'un iota après la mobilisation du #17Novembre #GiletsJaunes https://t.co/5SB2dLbwZw pic.twitter.com/HkInmWKX02

— Marianne (@MarianneleMag) November 18, 2018

Une colère plus forte que les tentatives de la récupérer ou de la calmer

C’est une taxe écologique qui a mis le feu aux poudres. Mais la colère populaire s’est avérée bien plus profonde, comme en témoigne une première liste de revendications « officielle » diffusée dès le 29 novembre. Spontanée et luxuriante dans sa forme, celle-ci pointe des enjeux fondamentaux. Elle s’en prend explicitement aux politiques menées ces dernières décennies par les gouvernements successifs.

Les « abandonnés de la mondialisation » ont manifesté leur exaspération. En face, les détracteurs médiatiques du mouvement ont tenté de le discréditer. Dès la première journée, nombre d’éditorialistes n’ont pas manqué de concentrer leurs efforts sur les dérapages ou accidents regrettables mais isolés. Une approche anxiogène qui s’est accompagnée de la rhétorique gouvernementale dénonçant une « radicalisation » du mouvement, affirmant à l’envi que celui-ci serait gangrené par des membres de « l’ultra-droite »…

Des actions à la symbolique puissante

Des blocages de lieux stratégiques en province jusqu’aux multiples vagues jaunes qui ont déferlé sur ladite plus belle avenue du monde : pour exprimer son exaspération, le mouvement citoyen s’est affranchi du cadre initialement octroyé par l’Etat.

Ainsi, dès le 24 novembre, date à laquelle des Gilets jaunes s’étaient pour la première fois décidés à converger sur Paris, les manifestants ont ignoré les consignes du gouvernement qui souhaitait contenir le rassemblement sur le Champ de Mars. C’est bel et bien aux abords des lieux de pouvoirs, de l’avenue des Champs-Élysées à la rue du Faubourg Saint-Honoré (à quelques pas du palais présidentiel), que la plupart des citoyens mobilisés ont ainsi décidé de porter leur message.

Un groupe de #GiletsJaunes est parvenu à s’approcher à 100m du Palais de l’Elysée#24novembre

⚡️ EN CONTINU :
➡️ https://t.co/0dycJZ2r5T pic.twitter.com/ipWejdY5MJ

— RT France (@RTenfrancais) November 24, 2018

Un phénomène inédit face auquel les autorités ont mis en place d’impressionnants dispositifs de sécurité, incluant de nombreuses interpellations préventives. Par exemple, pour la seule journée du 8 décembre (dit acte IV du mouvement), les forces de l’ordre ont procédé, au total, à 1 723 interpellations (chiffre officiel). Le même jour, les blindés de la gendarmerie arborant le drapeau européen ont été dispatchés dans la capitale.

Quant à la province, depuis près de quatre semaines, une partie du peuple se relaie jour et nuit, avec un soutien significatif de la population locale, pour tenir des ronds-points ou encore des péages d’autoroutes. Par ailleurs, certains complexes commerciaux ont connu une chute importante de leur chiffre d’affaire.

Des masques qui tombent au fur et à mesure que le message se construit

Le mouvement a bénéficié d’emblée d’une popularité sans précédent auprès de la population française. Il s’est même, dans un premier temps, attiré le soutien proclamé d’une large part de l’opposition, de gauche comme de droite.

Mais certaines familles politiques ont, au fur et à mesure de l’expression des revendications, pris leurs distances. A l’image de Laurent Wauquiez, chef des Républicains, qui a appelé à cesser le mouvement après l’avoir soutenu officiellement, d’autres personnalités politiques n’ont pas hésité, après l’attaque de Strasbourg, à brandir la menace terroriste pour demander un arrêt du mouvement.

Un choix qui fut d’ailleurs épinglé par quelques responsables politiques comme Jean-Luc Mélenchon, qui estimait le 12 décembre qu’il fallait que « la République, ses passions, ses mobilisations, puissent continuer » ; ou encore comme Florian Philippot, qui déclarait le même jour qu’ « un mouvement social n’a jamais sali la mémoire de victimes du terrorisme ».

Le président de la République a quant à lui multiplié les précautions afin de dissimuler la condescendance que ses détracteurs lui reprochent. Mais même temporaire, l’empathie pour un mouvement populaire semble rester inaccessible à certains membres éminents du camp Macron, à l’image du chef des députés du parti présidentiel, Gilles Le Gendre, qui, le 17 décembre, n’a pas réussi à contenir son égo. Il a ainsi considéré qu’une des erreurs du gouvernement résidait dans le fait d’avoir été « trop intelligent, trop subtil »…

.@GillesLeGendre : "Nous avons insuffisamment expliqué ce que nous faisons. Et une 2e erreur a été faite : le fait d'avoir probablement été trop intelligent, trop subtile, trop technique dans les mesures de pouvoir d'achat. Nous avons saucissonné toutes les mesures" #Tdinfos pic.twitter.com/NKO7syUUWh

— Public Sénat (@publicsenat) December 17, 2018

Par ailleurs, afin de contenir les actions locales menées dans le cadre du mouvement citoyen, l’exécutif a assuré, dès le lendemain de l’acte V, qu’il ne tarderait pas à envoyer les CRS et gendarmes sur les ronds-points de France.

Contre vents et marées, les Gilets jaunes ne lâchent rien

Jusqu’alors plus rapide et plus efficace que ses prédécesseurs pour satisfaire les intérêts qu’il représente, Emmanuel Macron se retrouve dans une impasse. Aujourd’hui nommément visé par le mouvement des Gilets jaunes en tant qu’énième pion au service des institutions supranationales européennes, l’actuel locataire de l’Elysée n’a eu d’autre choix que de revenir sur la hausse annoncée des taxes sur le carburant (qui constitua à l’origine la goutte d’eau).

Lire aussi : Intervention télévisée de Macron le 10 décembre : personne n’a écouté la dernière phrase !

Après une première phase pacifique pour le moins traitée avec mépris par l’exécutif, la sympathie constante du mouvement citoyen auprès de la population française, ainsi que les violents incidents en marge des mobilisations successives aux abords des lieux de pouvoirs, ont réussi à faire reculer le gouvernement.

Mais les Gilets jaunes ne comptent pas s’en contenter : le 13 décembre, un communiqué mettait en avant quatre propositions : l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), la création d’une assemblée citoyenne, la baisse des taxes sur les produits de première nécessité, et la « réduction significative » des salaires gouvernementaux.

Rendez-nous notre liberté et notre souveraineté

Ce jour-là, des porte-parole du mouvement s’exprimaient à Versailles devant la salle du Jeu de paume, symbole de l’unité des députés du Tiers-état lors de la Révolution française. 229 ans plus tard, ces Gilets jaunes ont prêté le serment « de ne pas se séparer avant d’avoir obtenu la présentation devant le peuple français du référendum d’initiative citoyenne, du recul des privilèges d’Etat et de la baisse des prélèvements obligatoires », avant de terminer leur communiqué en ces termes : « rendez-nous notre liberté et notre souveraineté ».

Un message clair adressé à celui qui a toujours prôné le transfert de celle-ci à l’échelle européenne.

Lire aussi : Attention Macron : les gilets jaunes, ça réfléchit…

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Ruptures : l’édition de décembre est parue

Par : pierre — 18 décembre 2018 à 17:26

Ruptures n°81 est arrivé dans la boite aux lettres des abonnés le 21 décembre.

Aperçu du sommaire :

– l’éditorial qui fait le tour de tous les pays en crise au sein de l’UE, et souligne que le mouvement des Gilets jaunes a décrédibilisé Emmanuel Macron parmi ses pairs en le contraignant à violer le Pacte de stabilité et en réclamant la souveraineté populaire

– un entretien avec Djordje Kuzmanovic, qui fut dirigeant de La France insoumise mais vient de quitter ce mouvement qu’il juge désormais trop tourné vers la bourgeoisie urbaine intellectualisée au détriment du peuple

– un point complet sur le bras de fer concernant le Brexit, après un Conseil européen où les Vingt-sept ont fait blocage face à Theresa May, elle-même confrontée à une coalition des contraires dans son parlement – mais le Royaume-Uni sortira bien de l’UE, avec ou sans accord

– une analyse des antagonismes et contradictions qui ont marqué le sommet européen des 13 et 14 décembre (immigration, réforme de la zone euro…) – les sanctions contre la Russie ont cependant fait l’unanimité

– un décryptage du Pacte signé à Marrakech qui vante les migrations comme « source de prospérité, d’innovation, et de développement durable dans notre monde globalisé » – et pour cause : ce texte a été préparé à Davos

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves…

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« Nous sommes le peuple ! » (éditorial paru dans l’édition du 19/12/2018)

Par : pierre — 24 décembre 2018 à 12:03

Londres, Berlin, Rome, Madrid, Bruxelles, Stockholm. Et Paris. Si un européiste s’était éclipsé de l’UE il y a quelques années et ré-atterrissait aujourd’hui, il serait atterré, éberlué, anéanti. Où qu’il porte le regard, il ne découvrirait que ruines et cataclysmes. A commencer par ce fait de portée littéralement historique : pour la première fois, un pays va quitter l’Union européenne après en avoir démocratiquement décidé. Certes, les soubresauts ne sont pas terminés. Mais, d’une manière ou d’une autre, fût-ce à une échéance un peu plus éloignée qu’espéré par certains, le Royaume-Uni va reprendre le contrôle de ses lois, de ses deniers, de ses frontières.

L’Allemagne connaît une instabilité politique durable. A Rome, le cauchemar de la Commission européenne s’est réalisé. La Belgique vient de plonger dans une crise gouvernementale. La Suède n’a toujours pas de gouvernement.

L’Allemagne est, quant à elle, plongée depuis les élections de septembre 2017 dans une instabilité politique durable. Elections régionales calamiteuses, coalition chancelante et démission forcée de la patronne des chrétiens-démocrates : nul ne se risque à pronostiquer la fin de ce chaos qui paralyse Berlin sur la scène européenne.

A Rome, le cauchemar de la Commission européenne s’est réalisé : la coalition baroque des « populistes » et de l’« extrême droite » est au pouvoir et ne s’estime pas tenue par les règles sacrées de l’euro. Certes, des signes de compromis sont envoyés vers Bruxelles. Mais le fait est là : l’un des pays réputés les plus euro-enthousiastes durant des décennies a tourné casaque.

L’Espagne était il y a quelques mois encore décrite comme l’un des derniers pays immunisé contre ladite extrême droite. Or le parti Vox, jusqu’à présent marginal, vient d’entrer de manière fracassante dans le parlement régional d’Andalousie, et nourrit des espoirs réalistes de s’allier avec le Parti populaire (conservateur) en vue d’être associé au pouvoir à Madrid, peut-être dès 2019. La Belgique vient de plonger dans une crise gouvernementale. La Suède n’a toujours pas de gouvernement, près de quatre mois après les élections.

Et si notre néo-huron tentait de se consoler en se tournant vers l’Est, le spectacle achèverait de le désespérer. La Pologne et plus encore la Hongrie sont en conflit avec l’Union qui a entamé contre elles des procédures pour « grave atteinte à l’Etat de droit ». Quant à la Roumanie, elle est en passe de rejoindre le camp des moutons noirs « illibéraux », mais là avec un gouvernement social-démocrate. Comble de malheur : Bucarest prend au 1er janvier la présidence semestrielle du Conseil de l’UE.

Champ de ruines et de mines

Dans ce qui représente pour les fans de l’Europe un champ de ruines et de mines, on ne saurait oublier la France. On peut même penser que le mouvement des Gilets jaunes constitue, parmi les Vingt-huit et hors Brexit, la crise la plus ample, la plus profonde, et la plus dangereuse pour l’intégration européenne.

Parti d’un rejet ô combien légitime d’une taxe supplémentaire sur le carburant visant officiellement à imposer la « sobriété » énergétique « pour éviter la fin du monde », cette mobilisation allie dans une même dynamique l’irruption de la question sociale, à travers la révélation que la pauvreté et le mal-vivre ne sont pas le lot des seuls « exclus », mais bien de millions de ménages qui forment le monde du travail ; et la prégnance de la question nationale, comme en témoigne l’omniprésence du drapeau tricolore et de la Marseillaise. Deux mots sont revenus comme un leitmotive : pouvoir d’achat pour vivre décemment ; et souveraineté populaire, pour décider ensemble. Une auto-politisation accélérée résumée en une formule : « nous sommes le peuple ». Explosif et ravageur pour un président de la République symbolisant la richesse éhontée et l’arrogance assumée.

« Notre seule bataille, c’est pour la France » : la proclamation d’Emmanuel Macron relève de l’escroquerie, mais révèle la force d’un mouvement qui l’a contraint à passer ce soir-là l’Europe par pertes et profits

Ce dernier n’est pas seulement démonétisé dans l’Hexagone. Il a largement perdu son crédit au sein des élites de l’UE, qui, il y encore un an, voyaient en lui le jeune et brillant sauveur de l’Europe. La presse allemande, en particulier, ne lui pardonne pas d’être tombé de son piédestal jupitérien. C’en est fini des espoirs de réformes « audacieuses » et des ambitions européennes déclamées dans le discours de la Sorbonne.

Concluant son intervention solennelle du 10 décembre, le maître de l’Elysée a usé notamment de deux formules : « mon seul souci, c’est vous » ; « notre seule bataille, c’est pour la France ». La première est un aveu involontairement humoristique ; la seconde relève évidemment de l’escroquerie, mais révèle la force d’un mouvement qui a contraint le chantre de la « souveraineté européenne » à passer ce soir-là l’Europe par pertes et profits.

Rien ne sera plus jamais comme avant.

Pierre Lévy

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L’accord de Marrakech est né à Davos

Par : pierre — 30 décembre 2018 à 19:16

Le « Pacte global pour des migrations sures, ordonnées et régulières » est le fruit de négociations entre près de 190 pays depuis 2013. Rappelant le principe de souveraineté des Etats, le texte se veut « non contraignant ».

Mais derrière l’apparence rassurante se profile un contenu explosif, plus idéologique que juridique. En substance : les migrations sont une composante nécessaire et bienvenue d’une mondialisation heureuse… Et dans la quarantaine de pages du document, il est à peine question des causes qui poussent aux mouvements collectifs de populations : la misère est peu évoquée, les guerres, jamais. A fortiori leurs responsables.

Au contraire, l’introduction affirme d’emblée que « les migrations font partie intégrante de l’histoire humaine et (… sont) source de prospérité, d’innovation, et de développement durable dans notre monde globalisé ». Conséquence : les impacts positifs « doivent être optimisés en améliorant la gouvernance des migrations ».

L’accord prévoit donc de « créer les conditions pour que les migrants enrichissent les sociétés par leurs capacités humaines, économiques et sociales, et de faciliter ainsi leur contribution au développement durable aux niveaux local, national, régional et global ».

Parmi les vingt-trois objectifs énoncés figurent « le renforcement de la disponibilité et de la flexibilité des routes pour les migrations régulières », « l’investissement dans la reconnaissance mutuelle des qualifications et compétences », ainsi que « la promotion des transferts d’argent sûrs et rapides et de l’inclusion financière des migrants ».

« Subventionnement du Nord par le Sud »

L’économiste allemand Norbert Häring s’est attaché à décortiquer le Pacte, ainsi que l’influence de ceux qui ont, très en amont, déterminé son contenu. Il s’appuie notamment sur les analyses d’un des meilleurs spécialistes du sud en matière migratoire, l’économiste Raoul Delgado Wise. Cet universitaire mexicain antilibéral résume ainsi l’une de ses conclusions : « la migration est fondamentalement un subventionnement du Nord par le Sud ».

L’affirmation est fondée sur un constat, confirmé entre autres par une étude de la grande banque américaine Citi, qui se réjouit : « les migrants arrivent avec une éducation et une formation qu’a financées leur pays d’origine ».

Le Pacte évoque peu le problème de la « traite des cerveaux », regrette Norbert Häring. A peine est-il noté que « le départ des jeunes qualifiés a des conséquences importantes tant financières que sociales pour les pays d’origine ». Pourtant, cette fuite des mieux formés représente entre le cinquième et la moitié des jeunes qualifiés en Afrique et en Amérique centrale. Une saignée d’autant plus dramatique que, par exemple en Afrique sub-saharienne, seulement 4% des jeunes accèdent à l’université.

Plus globalement, l’expert mexicain conclut que « le scénario soi-disant gagnant-gagnant (notamment martelé par la Banque mondiale) ne bénéficie en réalité qu’aux pays d’accueil, et plus précisément aux employeurs dans ceux-ci ». Quant au souhait, exprimé dans le Pacte, de promouvoir une migration sur la seule base volontaire, Raoul Delgado Wise n’y croit pas un instant : « les migrations du Sud vers le Nord sont par essence des migrations forcées par le fossé de niveau de vie ».

Cela ne concerne du reste pas seulement les rapports Nord-Sud. Norbert Häring cite ainsi une étude de la Banque centrale allemande de janvier 2018 pointant en particulier l’arrivée en Allemagne de travailleurs de l’Est de l’UE : « l’immigration nette en provenance des Etats membres a été, ces dernières années, un facteur qui a fortement ralenti la hausse des salaires ».

Brochette de patrons

Ce n’est donc pas un hasard si les idées clé du Pacte migratoire trouvent leur origine dans le cénacle de Davos. Au sein dudit Forum économique mondial, un réseau, nommé Conseil de l’agenda global sur les migrations, est particulièrement actif. Entre 2011 et 2013 en particulier, une brochette de patrons de grandes multinationales et de responsables politiques a élaboré un document très complet qui a largement inspiré les organes des Nations Unies s’occupant des migrations.

Les têtes de chapitres de ce discret document sont édifiantes : « migrants et compétition mondiale pour les talents », « migration et compétitivité », « la migration engendre des opportunités de business », « démographie, migration et business »…

Outre le mantra selon lequel les migrations seraient bonnes pour tout le monde, on y lit notamment que les partis politiques s’opposant à celles-ci représentent un problème pour le monde des affaires ; et que les entrepreneurs ne s’engagent pas assez sur ce terrain, par peur d’impopularité.

Plus important encore : les auteurs soulignent que les migrations ne devraient pas mettre en jeu les rapports entre les individus et les Etats, mais bien entre les individus et les employeurs, par l’intermédiaire des Etats.

L’économiste allemand livre en outre les notes prises lors de la présentation orale de ce document dans le cénacle helvétique. Selon celles-ci, les travailleurs migrants, toutes qualifications confondues, sont devenus des « forces motrices » pour l’économie mondiale. Et les responsables politiques qui promettent de restreindre les migrations constituent « un grave danger pour les entreprises ». D’où la nécessité que ces dernières travaillent main dans la main avec les responsables politiques et les ONG.

Bref, de plus en plus de pays auraient besoin d’une immigration forte pour des raisons démographiques, de forces de travail, mais aussi fiscales et de « diversité ». Par ailleurs, les migrants représentent non seulement de la main d’œuvre, mais potentiellement un marché de consommateurs avec d’« énormes potentialités de business ».

A ce titre, le groupe de Davos considère constituer « un microcosme idéal pour la formation d’une coalition en faveur des migrations ». Et martèle : « le secteur privé a intérêt à attirer les talents du monde entier. Pour leur part, les gouvernements, dans l’intérêt de la compétitivité des entreprises, doivent changer le ton des débats en s’engageant pour les migrations. Pour sa part, la société civile (y compris les syndicats) comme garante de conditions de travail décente, (…) doit se considérer comme partenaire du secteur privé ».

Hôte du sommet de Marrakech, le ministre marocain des Affaires étrangères décrivait récemment les migrations comme des « phénomènes naturels ». Force est de constater que certains entendent bien encourager la « nature »…

Article paru dans l’édition de Ruptures du 18/12/18 (qui comprend notamment d’autres analyses sur ce dossier)

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Gilets jaunes, Macron, Union européenne, médias mainstream… L’entretien avec Étienne Chouard

Par : fabien — 3 janvier 2019 à 21:40

Le mouvement des Gilets jaunes a éclaté mi-novembre 2018. Parti à l’origine de la colère contre une taxe écologique supplémentaire sur les carburants, cette mobilisation, totalement inédite et remarquablement déterminée, a très vite associé les exigences sociales et démocratiques.

En haut de la liste des revendications prioritaires des Gilets jaunes, figure en particulier le Référendum d’initiative citoyenne (RIC), une idée qu’Étienne Chouard, professeur d’économie et de droit, a largement contribué à populariser.

Ruptures a rencontré ce blogueur citoyen, qui s’est notamment fait connaître dans la campagne pour le Non au projet de Constitution européenne, en 2005. Il est aujourd’hui considéré comme une référence du mouvement des Gilets jaunes, et fait l’objet d’attaques virulentes de la part de la presse dominante.

Il s’exprime ici sur la mobilisation et ses enjeux, sur l’Europe contre la souveraineté, et sur les perspectives possibles pour 2019. Entre autres sujets abordés lors de l’entretien, Étienne Chouard revient sur le concept de « souveraineté européenne » porté par Emanuel Macron (à partir de 31 min 16 sec).

Sur les péages d’autoroute, sur les ronds-points comme dans les manifestations souvent improvisées, le drapeau tricolore et la Marseillaise ont fait partout leur apparition caractérisant l’état d’esprit des citoyens mobilisés, et largement soutenus, qu’on pourrait résumer par ce slogan « nous sommes le peuple ».

Lors de l’entretien, Étienne Chouard a notamment réagi aux intentions de certains d’inscrire le mouvement des Gilets jaunes aux élections européennes de mars 2019.

https://twitter.com/Ruptures_fr/status/1080929467898490881

Lire aussi : Gilets jaunes : la genèse d’un mouvement qui pourrait marquer l’Histoire de la France

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Brexit : le « feuilleton » continue, mais ceux qui rêvent d’inverser le verdict populaire seront déçus

Par : pierre — 16 janvier 2019 à 15:15

Le rejet par les parlementaires britanniques du projet d’accord portant sur les conditions du Brexit était attendu. Son ampleur – 432 votes contre sur 650 députés – a cependant surpris nombre d’observateurs. Une chose est certaine : le « feuilleton » est loin d’être terminé.

A l’issue du scrutin, le premier ministre, Theresa May, a pris acte du « message » des parlementaires, mais noté que ce vote de la Chambre des Communes « ne dit rien sur la manière dont celle-ci entend honorer la décision du peuple britannique ».

Pour comprendre l’impasse actuelle, il faut remonter au référendum de juin 2016 qui avait vu 52% des citoyens se prononcer pour la sortie de l’Union européenne – un événement historique sans précédent. Or pas moins de 70% des membres du parlement actuel avaient pris position à l’époque pour rester dans l’Union.

Face à la force du verdict populaire cependant, il était politiquement difficile de passer outre. Mais dès lors que les pourparlers en vue d’une sortie négociée du Royaume-Uni se sont engagés avec Bruxelles, Mme May s’est retrouvée sous une immense pression, de la part de toutes les forces pro-UE en Grande-Bretagne, conjuguée à celles des Vingt-sept Etats membres.

Elle a fait le choix politique de négocier des concessions pour éviter un Brexit sans accord, acceptant notamment de rester au sein de l’union douanière pendant une période provisoire, mais dont le terme dépendait de la bonne volonté des dirigeants européens. Les Vingt-sept ont en particulier joué sur le levier de la frontière entre les deux Irlande, dramatisant un problème qui aurait pu être réglé de manière technique sans difficulté majeure.

Les concessions de Theresa May à Bruxelles ont heurté nombre de députés pro-Brexit

Ces concessions (y compris financières) non négligeables ont heurté nombre de députés pro-Brexit, particulièrement au sein même du parti conservateur. Theresa May s’est donc retrouvée prise en étau entre élus pro-UE d’un côté, et partisans d’un Brexit radical de l’autre. Cette coalition contre-nature et de circonstance a abouti au vote du 15 janvier, et redonné aux partisans de l’intégration européenne, des deux côtés de la Manche, l’espoir de pouvoir inverser le référendum de 2016. Ils rêvent pour ce faire de multiples scénarios, dont le recours à une seconde consultation.

Souvenirs…

A ce stade, ce coup de force est très hypothétique, tant pour des questions de délai – il est désormais question de repousser l’échéance de la sortie prévue le 29 mars – que du fait de l’impossibilité de trouver une formulation consensuelle de la question à poser.

Il reste que cette configuration rappelle quelques souvenirs à plusieurs peuples : au Danemark, en Irlande, aux Pays-Bas, et bien sûr en France, l’histoire des référendums portant sur des questions liées à l’UE est l’histoire de verdicts électoraux finalement inversés ou piétinés par l’acharnement conjugué de Bruxelles et des dirigeants nationaux.

En France, le projet de « constitution européenne » de 2005 était soutenu par 80% des parlementaires au moment où le peuple rejetait massivement ce traité.

Ainsi, en France, le projet de « constitution européenne » de 2005 était soutenu par 80% des parlementaires au moment où le peuple rejetait massivement ce traité. En matière de contradiction entre volonté populaire et engagement de ceux qui sont censés la représenter, le Royaume-Uni n’a donc pas l’exclusivité… On sait comment les dirigeants européens ont délibérément contourné le vote des Français (et des Néerlandais).

Comme l’affirme Mme May qui, à juste titre, refuse la tenue d’un nouveau référendum, celui-ci constituerait un scandale démocratique. Cela signifierait que la volonté populaire peut être piétinée quand elle s’exprime contre l’idée européenne, mais qu’elle est définitive dès lors qu’elle irait dans le sens de celle-ci. Car les partisans de cette consultation excluent évidemment une troisième manche si le résultat leur était favorable.

Ce qui, au demeurant, serait très loin d’être assuré. Les sondages affirment aujourd’hui que ceux qui souhaitent rester dans l’Union seraient légèrement majoritaires. Mais les mêmes instituts avaient pronostiqué en 2016 une défaite du Brexit…

Les Britanniques qui se sont prononcés pour que leur pays recouvre sa souveraineté n’ont pas changé d’avis

En réalité, les Britanniques qui se sont prononcés pour que leur pays recouvre sa souveraineté n’ont pas changé d’avis. Et s’il est vrai que nombre de citoyens sont épuisés ou agacés par la situation actuelle, ce n’est pas qu’ils rejettent désormais le Brexit (qui n’a pas encore eu lieu) mais plutôt le processus interminable dont on ne voit pas la fin.

On peut même affirmer que le soutien à l’UE est bien inférieur à la moitié de la population qui a voté contre la sortie de l’Union. Simplement, en 2016 et plus encore aujourd’hui, les europhiles n’ont jamais cessé leur chantage à la peur du vide et au chaos.

« C’est mon devoir de mettre en œuvre les instructions (des électeurs en 2016) et j’ai l’intention de le faire » – Theresa May

Après le vote aux Communes, Mme May, certes fragilisée, reste ferme sur son refus d’une nouvelle consultation, ainsi que sur sa volonté : « c’est mon devoir de mettre en œuvre les instructions (des électeurs en 2016) et j’ai l’intention de le faire ».

Depuis 2005, les temps ont profondément changé. En France par exemple, les Gilets jaunes ont surgi, semant la terreur dans les allées du pouvoir. Si, par hypothèse d’école, les dirigeants européens réussissaient, à force de manœuvres, à garder un pays dans la secte européenne contre sa volonté, ce serait une victoire qui leur serait probablement fatale : la « vague populiste » qu’ils redoutent déjà, notamment à l’occasion des prochaines élections européennes, pourrait alors prendre une ampleur qu’il n’imaginent même pas…

Mais pour l’heure, on peut l’affirmer : l’incertitude est plus forte que jamais quant à ses conditions et délais, mais le Brexit aura bel et bien lieu.

La prochaine édition de Ruptures à paraître fin janvier reviendra en détails sur l’état actuel du Brexit : contexte, scénarios et perspectives. Pour recevoir cette édition, il n’est pas trop tôt – ni trop tard… – pour s’abonner.

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Ruptures : l’édition de janvier de janvier est parue

Par : pierre — 26 janvier 2019 à 18:21

Ruptures n°82 est paru le 31 janvier.

Aperçu du sommaire :

– l’éditorial qui note qu’au moment même où le chef de l’Etat lance un « grand débat » censé associer les citoyens aux décisions, il signe avec Angela Merkel un traité qui fixe comme horizon la « convergence » avec l’Allemagne

– un entretien avec Etienne Chouard, qui lança l’idée du Référendum d’initiative citoyenne, désormais revendiqué par les Gilets jaunes, et qui insiste sur ce dont le mouvement actuel est porteur : l’institution du peuple en puissance politique

– une analyse approfondie des perspectives du Brexit (qui aura bien lieu) après le débat et le vote au Parlement britannique prévus le 29 janvier

– un focus sur la Roumanie qui a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE au moment même où Bruxelles accuse Bucarest de bafouer l’Etat de droit, et craint que le pays ne devienne un troisième mouton noir après la Hongrie et la Pologne

– une analyse de la situation en Espagne après les élections régionales en Andalousie marquées par l’irruption du parti d’extrême droite Vox, ce qui pourrait bien bouleverser le paysage politique national

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves…

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Le donnant-donnant d’Aix-la-Chapelle

Par : pierre — 28 janvier 2019 à 09:27

C’est ce qui s’appelle avoir le sens du symbole. Le 21 janvier, Emmanuel Macron paradait à Versailles, dans le château du Roi-Soleil. Objectif : séduire les plus grands patrons des multinationales. Le lendemain, il officiait à Aix-la-Chapelle, la capitale de Charlemagne. Il s’agissait de signer un nouveau traité franco-allemand.

Ledit traité a suscité beaucoup de commentaires unilatéraux, caricaturaux, voire fantaisistes. Ce qui a permis, en retour, à certains d’assurer que le texte était en réalité anodin, ce qui n’est pas le cas.

Pour en saisir le contexte et l’esprit, il convient de lire l’accord lui-même, mais aussi les allocutions des deux dirigeants lors de la cérémonie. Angela Merkel n’a pas caché que diverses dispositions ont été âprement négociées. Elle a rappelé que c’est son hôte qui en a le premier lancé l’idée (à la Sorbonne, en septembre 2017).

Une angoisse commune des deux protagonistes pointe  face à un ordre où la domination occidentale ne va plus de soi

A travers les discours des deux protagonistes pointe une angoisse commune face à un ordre où la domination occidentale – que certains avaient cru éternellement établie après la disparition de l’URSS – ne va plus de soi. Montée de la Russie, de la Chine, ainsi que d’autres puissances émergentes, mais aussi imprévisibilité du président américain qui déstabilise tant ses alliés : tout cela constitue un inquiétant « tumulte du monde », selon le chef de l’Etat français, qui ajoute : « la menace (…) vient de l’extérieur de l’Europe » mais aussi « de l’intérieur de nos sociétés ». Angela Merkel fait écho : « le populisme et le nationalisme se renforcent dans tous nos pays », et cite en premier lieu le Brexit – un cataclysme pour les deux dirigeants effrayés par la menace d’épidémie dans une Union européenne qui prend l’eau de toutes parts.

Face à ces risques de débâcle, le remède est tout trouvé : toujours plus d’intégration européenne. La chancelière précise que cela passe par une « refondation de notre responsabilité franco-allemande au sein de l’Union européenne », et par une « compréhension commune de notre rôle international ». De tels propos ne devraient pas manquer d’agacer les autres « partenaires européens », dont beaucoup sont peu enthousiastes à l’idée d’un nouveau directoire franco-allemand qui ne dit pas son nom. Les dirigeants italiens ont été les premiers à prendre la mouche.

Donnant-donnant

L’accord apparaît comme un donnant-donnant : à Paris, on voudrait partager la codirection de l’Europe avec une Allemagne économiquement dominante. A Berlin, on accepte volontiers le marchepied diplomatique proposé par la France officielle à son voisin pour un accès privilégié à la scène diplomatique mondiale. Ce n’est pas un hasard si la chancelière a insisté sur « notre responsabilité commune en matière de politique étrangère » et sur l’action en matière de politique de développement, particulièrement en Afrique.

Aux termes du traité, la coopération diplomatique et militaire devrait donc être renforcée, que ce soit en matière capacitaire (armements) ou d’interventions à l’extérieur. Côté allemand, les marchands de canons rêvent d’effacer les quelques garde-fous en matière d’exportations d’armement qui prévalent chez eux, alors que les contrôles sont fort accommodants en France. De même, une « harmonisation » avec la France serait saluée par ceux qui s’agacent que les militaires allemands ne puissent être projetés sur des terrains extérieurs sans le consentement du Bundestag, là où l’Assemblée nationale française n’a pas son mot à dire.

Par ailleurs sont encouragées l’« harmonisation » des législations « par exemple dans le droit des affaires », et plus généralement la « convergence » en matière économique, fiscale et sociale. Un souhait exprimé de longue date par les organisations patronales des deux côtés du Rhin, dans la perspective de diminuer les « charges » et d’accroître la « compétitivité » des grandes entreprises.

Des « entités transfrontalières » pourront se voir accorder des « compétences appropriées » moyennant des dispositions législatives dérogatoires

Enfin, est affirmée la volonté de renforcer les prérogatives des « entités transfrontalières » qui pourront se voir accorder des « compétences appropriées » moyennant des dispositions législatives dérogatoires pour les régions frontalières. Le processus est connu pour promouvoir un effacement rampant des frontières et donc une intégration européenne à bas bruit, contradictoire avec la souveraineté nationale. Angela Merkel n’a pas manqué de se réjouir de cette évolution de la culture politique française – historiquement attachée à l’égalité de la loi pour tous – là où l’Allemagne fonctionne selon un mode fédéral laissant aux régions une large marge de manœuvre. Que le traité se sente obligé de préciser que ces dispositions doivent respecter les constitutions des deux pays constitue un aveu en creux de ce qui se joue sur ce terrain.

Il reste que ces embrassades au sommet adviennent au moment où la chancelière allemande est très affaiblie dans son propre pays et où son homologue français est honni dans l’Hexagone.

Et au moment où ce dernier prétend mener un « grand débat » pour s’enquérir des vœux de ces concitoyens, il s’est bien gardé de soumettre le traité d’Aix-la-Chapelle à ces derniers. Souveraineté, cadre des évolutions économiques et sociales, perspective de convergence diplomatico-militaire, union européenne : on ne va tout de même pas laisser le peuple débattre de ces détails…

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Il n’y a pas d’Exit heureux (auteur invité)

Par : pierre — 28 janvier 2019 à 09:54

Une session décisive du Parlement britannique aura lieu mardi 29 janvier. L’édition à paraître de Ruptures y consacrera une large place. Avant cela, nous reproduisons ici une analyse parue sur le Blog des Descartes. En raison de l’intérêt de la problématique évoquée par ce texte, nous faisons ainsi une rare exception à la règle de ne publier que des articles de la rédaction.

La crise politique qui secoue aujourd’hui la Grande Bretagne doit être pour tous ceux qui souhaitent un retour à la souveraineté nationale et qui s’imaginent naïvement qu’un tel retour pourrait se faire dans la joie et l’allégresse un sérieux avertissement. Je suis d’ailleurs toujours surpris qu’on puisse trouver parmi les souverainistes des gens qui, aveuglés par une sorte de juridisme primaire, arrivent à oublier qu’en matière de souveraineté le droit cède à la politique, et qu’un acte politique d’une telle portée ne peut que revêtir une dimension tragique.

Comment ces gens-là voient-ils le Frexit ? Après un référendum qui aura approuvé une sortie de l’Union européenne, on commencera par déposer une lettre d’intention conformément à l’article 50 du Traité. On négociera ensuite sagement pendant deux ans, et à l’issue de cette période on signera avec l’Union européenne un traité équilibré et on récupérera toute notre souveraineté tout en gardant avec nos anciens partenaires des relations cordiales. Il ne restera alors plus qu’à déboucher le champagne.

Sauf que ça ne se passera pas comme ça. Ça ne peut pas se passer comme ça. Car il en va de l’UE comme de la Mafia : personne ne doit pouvoir quitter l’organisation et vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants. Une telle situation condamnerait sans appel la construction européenne. Si le Brexit devait réussir, si la Grande Bretagne se portait mieux hors de l’Union européenne que lorsqu’elle en était membre, cela pourrait donner de très mauvaises idées à d’autres pays. Il est donc capital pour les institutions bruxelloises que le Brexit soit un échec, un désastre, une catastrophe. C’est la seule manière de cultiver cette peur qui est devenue aujourd’hui le seul moyen de maintenir les peuples coincés dans l’ensemble européen. Nous ne sommes plus liés par l’amour, mais par l’épouvante, comme disait Borges.

Imaginer que Bruxelles pourrait négocier de bonne foi est absurde

L’hypocrisie de l’article 50 apparaît dans cette affaire dans toute son étendue. Prévoir deux ans d’une négociation que l’une des parties a tout intérêt à faire échouer ne sert à rien, sauf à user la volonté du pays qui a décidé de sortir, de donner le temps à ses élites pour trouver un moyen de revenir en arrière, aux majorités de changer. Imaginer que Bruxelles pourrait négocier de bonne foi, que les bonzes de la Commission pourraient rechercher un équilibre juste entre les intérêts des pays de l’Union et ceux de celui qui va la quitter est absurde. Le but des négociateurs bruxellois sera de montrer que hors de l’Union, point de salut.

Et pour cela, ils peuvent compter sur la complicité des élites politiques du pays sortant, élites qui portent les intérêts du « bloc dominant », principal bénéficiaire de la construction maestrichienne. Peut-on compter sur ces gens, totalement acquis à l’Union européenne, pour négocier le meilleur compromis de sortie pour leur pays ? Pour rédiger et passer la meilleure législation permettant au pays de fonctionner après la sortie ? Ou seront-ils plutôt tentés par la politique du pire pour démontrer au peuple que la sortie est impossible, que l’Union européenne est l’horizon indépassable ?

L’expérience britannique montre comment les intérêts bruxellois et ceux du « bloc dominant » local se conjuguent pour produire un accord inacceptable – au point que les deux tiers des membres de la Chambre des Communes ont voté contre le gouvernement – tout en s’assurant que le pays ne soit pas préparé à une sortie « sèche » ce qui justifie la campagne de terreur contre cette éventualité. L’objectif, qui devient clair avec le temps, est de reporter la sortie sine die, le temps de trouver un « accord acceptable » – autant dire, jusqu’à la Saint-Glinglin, puisque l’Union européenne ne proposera jamais quelque chose d’acceptable pour les britanniques – solution élégante qui permet de s’asseoir sur le résultat du référendum tout en faisant mine de le respecter.

la sortie de l’Union européenne, c’est une guerre de libération

Il ne faut pas se tromper : la sortie de l’Union européenne, c’est une guerre de libération. Bien sûr, une guerre feutrée, ou les armes ne sont pas des chars et des canons, mais des armes économiques. Imaginer que l’Union européenne hésitera à saboter l’économie, la santé, la cohésion territoriale du pays sortant au nom d’on ne sait quelle « amitié européenne » c’est se bercer de douces illusions. On l’a vu avec la Grèce. Dans les rapports internationaux – et, on a tendance à l’oublier, les rapports entre états européens sont des rapports internationaux – il n’y a pas beaucoup de place pour les sentiments ou les principes. Et si vous ne me croyez pas, regardez ce qu’ont été les discussions sur le Brexit. Menaces d’asphyxie économique, soutien ouvert ou déguisé aux indépendantismes en Ecosse et dans l’Ulster, campagnes sur une prochaine pénurie de médicaments ou de papier hygiénique – non, le ridicule ne tue pas – si le Brexit devait avoir lieu…

Imaginer qu’on puisse récupérer les instruments de la souveraineté à travers un Frexit négocié, c’est aussi absurde qu’imaginer que Vichy aurait pu récupérer la pleine souveraineté en négociant avec le IIIème Reich

Ceux qui – et je me compte parmi eux – militent pour un retour à la pleine souveraineté de notre pays doivent prendre conscience que le Frexit – comme n’importe quel « exit » – ne sera pas, ne peut pas être un dîner de gala. Bruxelles fera tout, y compris le pire, pour montrer que hors de l’Union point de salut. C’est pour les institutions européennes une question existentielle. Imaginer qu’on puisse récupérer les instruments de la souveraineté à travers un Frexit négocié, c’est aussi absurde qu’imaginer que Vichy aurait pu récupérer la pleine souveraineté en négociant avec le IIIème Reich. Cela n’existe tout simplement pas. Secouer le joug d’une domination est toujours douloureux, coûteux, tragique. Et ceux qui choisissent cette voie doivent être prêts à assumer le fait qu’à court terme du moins ils n’ont à proposer, comme disait Churchill, que du sang, de la sueur et des larmes. Comme tout choix véritablement politique, le choix du Frexit est nécessairement un choix tragique.

Que serait devenue la France si nos ancêtres, voyant à quel point les britanniques « galéraient » sous le Blitz, avaient conclu que combattre les Allemands était une « folie » ?

C’est là le point faible dans la médiatisation du projet souverainiste. Alors que le champ idéologique est dominé par des classes intermédiaires hédonistes qui tiennent avant tout à leur petit confort, il est difficile de parler d’effort et de sacrifice. Rien n’illustre mieux cette idéologie que le récent « tweet » de Ian Brossat, tête de liste du PCF aux élections européennes, qui décidément commence bien mal sa campagne. Voici ce qu’il écrit : « Quand on voit à quel point la Grande-Bretagne galère avec le Brexit, on se dit que l’idée d’une sortie de l’UE serait une folie pour la France. Pas d’autre choix qu’une transformation profonde de l’Union européenne ». Étonnant de voir un dirigeant communiste invoquer l’esprit de madame Thacher en proclamant « qu’il n’y a pas d’autre choix ». Mais surtout, que serait devenue la France si nos ancêtres, voyant à quel point les britanniques « galéraient » sous le Blitz, avaient conclu que combattre les Allemands était une « folie » ? On a envie de pleurer lorsqu’on pense que ce sont les héritiers du « parti des fusillés » qui tient ce genre de propos. Un parti qui se dit « révolutionnaire » mais qui craint les « galères ». A quand « la révolution sans effort » ?

Et ne croyez pas que c’est mieux ailleurs. S’il y a quelque chose qui réunit Bayrou et Marine Le Pen, Brossat et Hamon, Faure et Wauquiez, Dupont-Aignan et Jadot, Macron et Mélenchon, c’est la croyance que le salut viendra non pas de la reprise en main de nos affaires, mais de la « transformation profonde de l’Union européenne ». Transformation qui, bien entendu sera indolore pour tout le monde sauf peut-être pour le « 1% », c’est-à-dire, l’autre. Tous ces personnages communient dans le rejet de la « galère » que serait une sortie de l’UE. Et c’est logique : cette « galère » terrorise les classes intermédiaires, qui tiennent à leur statut et n’aiment l’effort que quand ce sont les autres qui le font. Remarquez, on a toujours le choix de voter pour l’UPR qui, elle, croit au « Frexit heureux » par la magie du droit…

On ne sortira pas de l’Union européenne en pantoufles

C’est pourquoi le seul espoir du camp souverainiste est de construire un récit qui soit à la foi réaliste et mobilisateur. Inutile de raconter que demain on rase gratis, notre peuple sait très bien ce qu’il faut faire de ce type de discours. La sortie de l’Union européenne serait aujourd’hui, comme la Résistance hier, une aventure. Il est irresponsable – et peu crédible – de dire le contraire. On ne sortira pas de l’Union européenne en pantoufles. Alors autant avoir du panache et raconter le Frexit comme une aventure exaltante, et non comme une noce chez les petits bourgeois. La France populaire est prête à accepter des efforts et des sacrifices – elle en a fait beaucoup ces dernières années – à condition qu’ils soient justement repartis et surtout qu’ils aient un sens, d’où le besoin d’un « récit » d’avenir qui soit plus attractif que le darwinisme social qu’on nous propose. Un « récit » terriblement difficile à construire, dans la mesure où l’ensemble de l’establishment politico-médiatique est bien décidé à en empêcher l’émergence. C’est pourquoi le travail politique fondamental à mes yeux pour les progressistes aujourd’hui est la défense des jeunes pousses de ce « récit », contre tous ceux qui prêchent la soumission et la résignation comme moyen d’éviter les « galères ».

Tant pis si la lutte est cruelle.
Après la pluie, le temps est beau.

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Brexit : victoire éclatante de Theresa May au sein de son parlement

Par : pierre — 30 janvier 2019 à 15:37

C’est une victoire éclatante qu’a remportée Theresa May à l’issue de la séance parlementaire décisive qui s’est tenue le 29 janvier. La plupart des correspondants des journaux européens prédisaient (espéraient, en fait) que les députés britanniques allaient imposer au premier ministre des dispositions de nature à faire échouer le Brexit ; ils ont été pris totalement à contre-pied.

Car une majorité de parlementaires a voté le texte du gouvernement actant l’état des négociations avec Bruxelles, texte désormais nanti d’un amendement décisif : celui-ci donne mandat à Mme May de retourner à Bruxelles pour exiger des Vingt-sept une modification essentielle du projet de divorce signé en novembre dernier.

Theresa May, selon cet amendement (qu’elle soutenait vivement et qui fut finalement adopté par 317 voix contre 301), doit renégocier ledit « filet de sécurité » (« backstop »). Cette disposition prévoyait que le Royaume-Uni devait rester dans l’Union douanière avec l’UE aussi longtemps qu’une solution pérenne quant à la frontière entre les deux Irlande n’était pas trouvée – c’est-à-dire potentiellement indéfiniment, accusaient ses détracteurs.

Tous les amendements qui concrétisaient les différents espoirs des adversaires du Brexit ont été rejetés

Certes, un autre amendement affirme l’opposition des députés à un Brexit sans accord (« no deal »), mais il n’est nullement contraignant. Surtout, tous les autres amendements qui concrétisaient les différents espoirs des adversaires du Brexit ont été rejetés : pouvoir accordé au Parlement pour déterminer lui-même différentes alternatives remettant en cause la sortie du Royaume-Uni, voire pour imposer l’une d’entre elles ; report de la date prévue (29 mars), ou bien faculté du Parlement d’imposer un tel report…

Bref, Theresa May garde la main, démentant ainsi ceux qui pronostiquaient que le Parlement britannique allait unilatéralement « prendre le contrôle ». Une prédiction qui était juridiquement infondée – dans la jurisprudence constitutionnelle britannique, le premier ministre reste le maître à bord tant qu’une motion de censure ne l’a pas chassé ; et qui s’est surtout révélée politiquement erronée, la capacité de rebondir de Theresa May ayant, pour la énième fois, été sous-estimée.

Suite de l’article, et dossier complet dans l’édition du mensuel à paraître le 31 janvier

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Absorption d’Alstom par Siemens : un blocage bienvenu… mais pour de très mauvaises raisons

Par : pierre — 10 février 2019 à 14:16

(Certains éléments de cet article sont extraits de l’entretien exclusif avec Jean-Michel Quatrepoint, spécialiste des questions industrielles, à paraître dans l’édition de février de Ruptures – pour ne pas manquer cette édition, abonnez-vous !)

La Commission européenne a bloqué, le 6 février, la fusion prévue entre le groupe français Alstom et la branche Transports du géant allemand Siemens. Les syndicats français se sont réjouis de cette décision : un tel mariage ne pouvait en effet qu’entraîner des suppressions d’emploi massives, et une perte de maîtrise industrielle et technologique majeure pour la France. Car en fait de rapprochement, il se serait agi d’une absorption pure et simple au profit de la firme de Munich.

Pourtant, ce n’est pas ce qui a motivé la décision de Bruxelles. Loin d’évoquer la sauvegarde des emplois, la Commission a fait prévaloir les sacro-saintes règles de la concurrence : celle-ci, a-t-elle indiqué, aurait été faussée par l’émergence du nouvel ensemble. Cet argumentaire a fâché non seulement les directions des deux entreprises, mais également les gouvernements à Berlin et à Paris qui voulaient créer un « géant européen » notamment capable de combattre contre le grand groupe ferroviaire chinois CRRC. Emmanuel Macron et son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire ne se préoccupaient nullement de l’indépendance nationale, mais entendaient s’inscrire au contraire dans la mondialisation et sa logique financière.

Au fil des ans, Alstom a été progressivement dépossédé de ses atouts industriels et technologiques

Il faut rappeler qu’Alstom a été progressivement dépossédé de ses atouts industriels et technologiques. C’était l’une des entreprises issues du grand groupe national CGE dont les compétences, des années 1960 à la fin des années 1990, allaient des télécommunications à l’ingénierie et à la construction navale, en passant par l’énergie et le transport.

Après différentes ventes et cessions, notamment à des entreprises américaines, Alstom ne comportait plus, en 2014, que ces deux dernières grandes branches. Et en avril 2014, on apprenait que la direction d’Alstom négociait secrètement avec le mastodonte américain General Electric (GE) en vue de céder à celui-ci le secteur énergie, en l’occurrence la conception et la fabrication des turbines, soit 70% de l’activité de l’entreprise, dont l’usine historique de Belfort. Le ministre de l’Economie de l’époque, Arnaud Montebourg, avait alors fait une grosse colère en découvrant avoir été mis devant le fait accompli.

L’accord finalement signé en juin 2014 a présenté un habillage flatteur : la fusion allait être une « alliance entre égaux », à travers la création de co-entreprises. Mais quelques mois ont suffi pour que se confirme la prééminence de GE, qui récupérait ainsi les marchés juteux de son ancien concurrent français, ainsi que ses technologies de pointe. Avec d’importants dégâts sur l’emploi, malgré les promesses mirifiques

A l’époque, Emmanuel Macron était secrétaire général-adjoint de l’Elysée. Il conseillait directement le président d’alors, François Hollande, en matière économique et industrielle. On sait maintenant que M. Macron est intervenu pour s’opposer à ce que quelques contraintes soient imposées au repreneur GE. Avec un argument : la France « n’est pas une économie dirigiste, n’est pas le Venezuela »… Et en 2015, c’est lui qui, devenu ministre des Finances, a entériné l’opération.

Il faut aussi noter la partie « Energie » d’Alstom a été larguée au groupe US suite à un chantage et des pressions sans précédent exercés conjointement par le ministère américain de la justice, les tribunaux de ce pays, et la direction de GE. Alstom était alors poursuivi par les Américains pour « corruption » dans d’autres dossiers. Et les autorités françaises n’ont pas imaginé d’autre possibilité que de céder à Washington.

Emmanuel Macron, avant de prendre ses fonctions publiques, était banquier chez Rothschild ; or cet établissement était précisément la banque conseil d’Alstom…

Il convient enfin de rappeler qu’Emmanuel Macron, avant de prendre ses fonctions publiques, était banquier chez Rothschild ; et que cet établissement était précisément la banque conseil d’Alstom…

Conséquences – entre autres – de la désastreuse opération de 2015 : les turbines qui équipent les 58 centrales nucléaires françaises, dépendent désormais du groupe américain pour la maintenance. En outre, cela représente un problème majeur pour l’exportation : Washington peut bloquer la vente de centrales françaises à l’étranger. Par ailleurs, GE a désormais le monopole sur les turbines de propulsion du porte-avions et des sous-marins nucléaires français…

Entre le bradage des turbines d’Alstom à GE et le projet – désormais condamné – d’absorption d’Alstom ferroviaire par Siemens, existent différentes similitudes, à commencer par l’apparence d’une alliance « entre égaux » qui s’avère en réalité un bradage des compétences et des emplois. Et le sacrifice des atouts économiques nationaux au nom de l’insertion dans la mondialisation.

En 2003, Alstom n’avait dû son salut qu’à une nationalisation (partielle), mais en 2006, la Commission condamnait la France pour « aides d’Etat illégales » et imposait une re-privatisation

En 2003 déjà, Alstom avait essuyé une tempête et n’avait dû son salut qu’à une nationalisation (partielle) décidée par Nicolas Sarkozy, qui n’était pourtant pas un bolchevik avéré. Ce dernier avait tenté quelque chose, là où son successeur actuel à l’Elysée défend exclusivement les intérêts de l’oligarchie mondialisée.

Mais en 2006, la Commission avait finalement condamné la France pour « aides d’Etat illégales », et avait imposé une re-privatisation d’Alstom. En l’occurrence via la vente des actions détenues par la puissance publique au groupe privé Bouygues (bâtiment, médias…). Huit ans plus tard, ce dernier manifestait son intention de revendre ses parts, en 2014, moyennant un très substantiel dividende exceptionnel… Un élément qui a également contribué à provoquer la catastrophe industrielle.

Les salariés d’Alstom ne peuvent décidément compter ni sur les pouvoirs publics, ni sur Bruxelles pour défendre leurs emplois et la maîtrise industrielle nationale.

 

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Agressivité contre le gouvernement italien : Verhofstadt se surpasse

Par : pierre — 15 février 2019 à 10:20

Feu à volonté sur le chef du gouvernement italien ! Le 12 février, celui-ci était « l’invité » des eurodéputés lors d’une séance plénière à Strasbourg. Et il a essuyé un feu nourri de critiques, particulièrement violentes. A la manœuvre en particulier, Guy Verhofstadt. L’ancien premier ministre belge, chef du groupe libéral au sein de l’europarlement, est connu pour être un intégriste de l’intégration fédérale de l’UE. Et n’est jamais le dernier en matière d’outrances et de provocations. Cette fois, il s’est surpassé, en accusant Giuseppe Conte de « stupide abus de pouvoir » dans son propre pays.

Deux griefs ont en particulier nourri la vindicte de M. Verhofstadt : le gouvernement italien aurait pris parti pour les Gilets jaunes en France, notamment à travers la visite d’un de ses deux vice-premiers ministres, Luigi Di Maio, dans l’Hexagone, et de sa rencontre avec quelques individus se réclamant dudit mouvement ; mais aussi l’attitude de Rome qui a bloqué une position commune des Vingt-huit à propos du Venezuela. L’Italie a été en effet l’un des rares pays à refuser que l’UE se mêle de la politique interne de Caracas.

L’UE n’a pu reconnaître officiellement le président vénézuélien autoproclamé Juan Guaido. Le veto italien a mis hors de lui l’échevelé eurodéputé.

L’Union européenne en tant que telle n’a donc pu reconnaître officiellement le président autoproclamé Juan Guaido en lieu et place du chef de l’Etat élu, Nicolas Maduro. Ce veto italien a mis hors de lui l’échevelé eurodéputé. Pour ce dernier, le mobile du crime est d’ailleurs tout trouvé et constitue évidemment une circonstance aggravante : le gouvernement italien a pris cette décision « absurde » sur la base d’« ordres du Kremlin ». Une obéissance qui, a dénoncé le Torquemada libéral, amène l’Italie à se comporter d’une manière « anti-européenne ».

Le chef des sociaux-démocrates à Strasbourg n’a pas voulu être en reste. L’Allemand Udo Bullmann n’a pas hésité à qualifier la décision italienne de ne plus ouvrir largement les ports aux migrants de « face hideuse de l’inhumanité ».

Face à ce déluge d’amabilités, M. Conte a répondu avec calme. Il a cependant suggéré à M. Verhofstadt de surveiller son langage, en particulier lorsque ce dernier l’a accusé d’être une « marionnette » de ses deux vice-premiers ministres.

Il a également plaidé pour que l’UE cesse de vouloir isoler la Russie. Quant aux Gilets jaunes français, il s’est gardé de les soutenir ouvertement, mais a cependant pointé le « le fossé grandissant entre les gouvernants et les gouvernés » qui se creuse au sein des pays de l’UE.

Entendre Guy Verhofstadt s’indigner que des hommes politiques italiens « s’ingèrent » dans les affaires françaises ne manque pas de sel

La philippique de l’ancien premier ministre belge n’est d’ailleurs pas exempte d’ironie, probablement involontaire. Car entendre Guy Verhofstadt s’indigner que des hommes politiques italiens « s’ingèrent » dans les affaires françaises ne manque pas de sel de la part d’un des militants les plus engagés en faveur d’un changement de régime imposé de l’extérieur au Venezuela. L’homme est du reste un multirécidiviste : en septembre dernier, il évoquait la possibilité d’une intervention en Hongrie (un Etat membre de l’UE…) pour « stopper » le premier ministre « illibéral » Viktor Orban. Bref, M. Verhofstadt est vraiment le mieux placé pour donner des leçons de non-ingérence…

Mais au-delà de cet épisode lamentable, qui s’intéresse à ce qui se passe à l’intérieur de l’europarlement, mis à part le petit microcosme bruxellois ? Il faut dès lors se demander pourquoi les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres acceptent de défiler à tour de rôle devant ce cénacle, alors qu’ils ont été élus par leurs électeurs nationaux, et sont – en principe – responsables devant eux, et eux seuls ?

Le premier ministre polonais s’était plié à l’exercice en juillet 2018, et avait été étrillé, lui aussi. En revanche, Emmanuel Macron avait passé son oral en avril 2018, suivi par Angela Merkel en novembre de cette même année. Ces deux là avaient été chaudement ovationnés.

Bref, plus on est impopulaire dans son pays, plus on a de chances de se consoler par une ovation à Strasbourg. Et vice versa. On savait déjà que l’autoproclamé Parlement européen ne représente aucun peuple (puisqu’il n’existe pas un peuple européen). On découvre désormais qu’il a la fonction inverse : faire contrepoids aux peuples…

 

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Ruptures : l’édition de février est parue

Par : pierre — 25 février 2019 à 11:50

Ruptures n°83 est paru le 26 février.

Aperçu du sommaire :

– l’éditorial qui pointe les tensions croissantes au sein du bloc atlantique à propos des enjeux politico-diplomatiques, militaires, mais surtout commerciaux – ventes d’armes et énergie sont au centre des affrontements

– un entretien avec Jean-Michel Quatrepoint, spécialiste de politique industrielle, qui, après que la Commission européenne a bloqué l’absorption d’Alstom par Siemens, revient sur le dépeçage subi par l’entreprise française, notamment le bradage de son secteur énergie à l’Américain General Electric

– une analyse de la 55ème Conférence de Munich sur la sécurité qui s’est déroulée du 15 au 17 février et a mis en lumière les confrontations au sein de l’Alliance atlantique

– un focus sur le discours d’Angela Merkel à cette occasion, qui a ouvertement mis en cause l’unilatéralisme de Washington, mais a cependant promis d’augmenter ses dépenses militaires conformément à l’exigence américaine

– un état des lieux des positions des dirigeants européens sur la tentative concertée de renverser le président vénézuelien élu – seule une poignée de pays de l’UE, dont l’Italie, rechignent à une ingérence aussi directe et brutale

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves…

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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Nouvelle étape vers le Brexit

Par : pierre — 28 février 2019 à 09:56

L’intervention de la chef du gouvernement britannique devant son Parlement, le 26 février, a, comme d’habitude, suscité de la part de beaucoup d’observateurs des spéculations sur la possible remise en cause du Brexit. Comme à chaque fois, ces « analyses » sont démenties par la réalité des faits. Il est vrai que les mêmes experts ont affirmé un nombre incalculable de fois depuis trente mois que le premier ministre était un « cadavre ambulant » et courait à la démission.

Le plan proposé par Theresa May, repris par un amendement de deux députés, a été massivement approuvé par les parlementaires le 27 février. Il est conçu en trois étapes possibles. Le 12 mars, un vote important aura lieu : les députés seront à nouveau interrogés sur l’accord de divorce conclu entre Londres et Bruxelles en novembre dernier. En cas de vote négatif, ils devront se prononcer, le lendemain, sur une sortie sans aucun accord négocié. Et si c’est un deuxième Non, ils seront consultés, le 14 mars, sur un décalage « limité dans le temps » de la date de sortie de l’UE programmée pour le 29 mars. Mais l’extension de la période de négociation ne pourrait pas, en tout état de cause, être supérieure à trois mois.

L’accord de divorce avait été rejeté par les parlementaires le 15 janvier ; puis approuvé le 29 janvier (cf. Ruptures du 31/01/19), moyennant une réserve importante : que la disposition dite « filet de sécurité » portant sur la frontière entre les deux Irlande soit modifiée. Et ce, afin d’éviter le risque de condamner le Royaume-Uni à rester indéfiniment dans l’union douanière européenne.

Theresa May a entamé d’ultimes pourparlers avec ses « partenaires » de l’UE

Theresa May a donc entamé d’ultimes pourparlers avec ses « partenaires » de l’UE. Ces tractations sont toujours en cours, et pourraient durer jusqu’au dernier moment. Officiellement, les Vingt-sept refusent de modifier l’accord de divorce négocié ; ils pourraient cependant fournir des garanties politiques dans la déclaration d’accompagnement, et conférer à celle-ci un caractère plus contraignant. C’est du moins ce sur quoi compte Mme May.

Contrairement aux prédictions de nombreux analystes, il n’est pas improbable que cette stratégie fonctionne. Le 15 janvier, l’accord avait été rejeté par une coalition hétéroclite entre députés pro-UE, et partisans d’un Brexit qui ne soit pas sapé par ledit « filet de sécurité ». Ces derniers pourraient cette fois se rallier à la nouvelle mouture s’ils estiment les garanties suffisantes. Vis-à-vis de ces « Brexiters », Mme May, tactiquement, a brandi le risque que de nouveaux atermoiements puissent compromettre la sortie effective.

« si nous n’avons pas le choix, nous ferons en sorte que le Brexit sans accord soit une réussite »

En réalité, elle a bien précisé que même en cas de report de l’échéance, cela « n’exclurait pas un Brexit sans accord ». Et confirmé qu’un tel « Brexit dur » restait une possibilité : « si nous n’avons pas le choix, nous ferons en sorte que le Brexit sans accord soit une réussite ». Le fantasme d’un nouveau référendum, imaginé par ceux qui voudraient faire voter les citoyens autant de fois que nécessaire pour obtenir la « bonne » réponse, et désormais évoqué par le chef des Travaillistes, est totalement rejeté par Mme May qui, seule, aurait le pouvoir de le déclencher.

Vu du continent, tout cela peut paraître tortueux. Mais ces rebondissements successifs s’expliquent par deux facteurs. Le premier est l’éclatement du spectre des parlementaires britanniques. Les deux grands partis ont toujours été divisés sur le Brexit. Par exemple, l’écrasante majorité de l’appareil et des cadres travaillistes déplorent la sortie de l’Union européenne, mais une part de l’électorat de ce parti y est favorable, et même très majoritairement au sein des classes populaires.

Quant aux députés conservateurs, certains sont et restent de fervents amoureux de l’UE, d’autres sont des militants – à des degrés divers de radicalité – du Brexit, et d’autres encore sont des fidèles de Theresa May et des stratégies que cette dernière doit mettre en œuvre pour, finalement, faire respecter le vote populaire de juin 2016.

Les dirigeants européens se sont toujours efforcés de donner au Brexit une apparence la plus douloureuse, la plus cataclysmique possible

Le second facteur tient à la détermination des dirigeants européens pour donner au Brexit une apparence la plus douloureuse, la plus cataclysmique possible. Il s’agit d’éviter à tout prix que l’exemple anglais fasse école. Par exemple, un débat est resté célèbre auquel avaient participé Emmanuel Macron, qui n’était pas encore président, l’inénarrable Daniel Cohn-Bendit, ainsi que Jean Quatremer, journaliste à Libération connu pour son engagement caricaturalement pro-UE. Ce dernier avait ainsi résumé, sans précaution diplomatique, l’état d’esprit des débatteurs : « on va leur faire bouffer, le Brexit »…

Dès lors, la où une négociation entre partenaires de bonne foi aurait dû avoir lieu avec l’objectif d’un accord équilibré et non punitif, on a assisté à un bras de fer permanent à travers lequel Bruxelles rêvait d’imposer ses conditions léonines.

Theresa May tient bon depuis près de trois ans, contre vents et marées

Depuis le début, Theresa May a dû batailler contre les Vingt-sept ; contre son opposition parlementaire ; mais aussi contre un pan important des députes de son parti ; et même contre une part de son propre gouvernement. Par vagues successives, des ministres ont quitté le cabinet – et d’autres encore s’apprêtaient à le faire, d’où l’annonce du calendrier en trois temps formulée le 26. Au sein du cabinet, son numéro 2 n’est pas un partisan du Brexit, et son propre chef de cabinet non plus…

C’est dans ces conditions que Theresa May tient bon depuis près de trois ans, contre vents et marées. Même si elle a dû faire des concessions à Bruxelles, elle n’en démord pas : sa mission est et reste de mettre en œuvre le verdict populaire.

Quels que soient de toujours possibles rebondissements, on voit mal pourquoi elle dévierait de cette ligne à l’approche du but.

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Refroidissement climatique sur l’Atlantique (éditorial paru dans l’édition du 26/02/19)

Par : pierre — 1 mars 2019 à 11:10

Février 2019, Munich. La 55ème édition de la Conférence annuelle sur la Sécurité a laissé beaucoup de participants occidentaux désemparés. Jamais les tensions entre alliés de part et d’autre de l’Atlantique n’avaient paru aussi fortes.

Il y a d’abord la guerre commerciale que le président américain entend mener contre l’Europe, contre l’Allemagne en particulier. Ensuite, sur le plan diplomatico-militaire, les défenseurs d’une « autonomie stratégique » du « pilier européen » au sein de l’Alliance atlantique se sont une nouvelle fois confrontés aux partisans d’un monopole de l’OTAN. Autre empoignade : Washington voudrait contraindre Paris, Berlin et Londres à dénoncer l’accord nucléaire signé en 2015 avec Téhéran. Par ailleurs, le bras de fer se poursuit entre dirigeants américains et allemands sur le doublement du gazoduc Nord Stream qui fournit du gaz russe à l’économie d’outre-Rhin. Enfin, les Etats-Unis jettent aux orties le traité signé avec Moscou en 1987 interdisant les missiles à moyenne portée en Europe. Les dirigeants européens reprennent certes l’argument américain accusant la Russie de violer ledit accord, mais trouvent tout de même saumâtre d’être mis devant le fait accompli alors même qu’il s’agit de la sécurité du Vieux continent.

A Munich, Angela Merkel a choisi un ton peu diplomatique pour mettre en cause la politique de la Maison-Blanche. Pour sa part, le vice-président Michael Pence a affiché une ostensible arrogance : « aujourd’hui, l’Amérique est plus forte qu’elle ne l’a jamais été, et est redevenue le leader mondial ». Le caractère de Donald Trump, provocateur et imprévisible, donne à ces contradictions une virulence inédite. Les responsables européens vivent dans la frayeur du prochain Tweet présidentiel.

Qui plus est, les oppositions ne se situent pas seulement entre les deux rives de l’Atlantique, mais au sein même de chaque camp. Plusieurs pays orientaux de l’UE, par exemple, se rangent plus volontiers dans le camp de Washington que dans celui de Bruxelles. A l’inverse, Joseph Biden, le prédécesseur démocrate de M. Pence, également présent dans la capitale bavaroise, a rêvé d’organiser avec l’UE « le monde des cinquante prochaines années ».

Entre les deux rives de l’Atlantique, il y n’y a pas de contradiction idéologique, mais bien choc des intérêts

En réalité, entre Occidentaux, les contradictions ne sont pas idéologiques. Tous accusent Moscou d’être la cause des malheurs du monde (du reste, sans la Russie, comment pourrait-on justifier l’OTAN ?). Tous redoutent l’émergence de la Chine. Tous communient dans le culte du marché et de la gouvernance globale faisant fi des souverainetés des Etats. Tous s’inscrivent dans une logique de domination mondiale incluant le « droit d’ingérence » (aujourd’hui brandi contre Caracas). En revanche, il y a bel et bien choc des intérêts dans de nombreux domaines. Dans deux en particulier : les marchés d’armements, et l’énergie.

Les marchands de canons européens veulent accroître leur part du gâteau sonnant et trébuchant face à leurs homologues américains peu enclins à laisser mettre en cause leur suprématie. C’est à cette aune qu’il faut comprendre les affrontements en matière d’« Europe de la Défense ». Les projets et marchés des systèmes d’armes du futur se chiffrent en milliers de milliards de dollars.

Le secteur de l’énergie n’est pas moins considérable, d’autant qu’il joue un rôle crucial dans les dépendances de demain. Ce n’est peut-être pas un hasard si se trouvent aujourd’hui dans l’œil du cyclone l’Iran et le Venezuela, membres fondateurs de l’OPEP ; si le gazoduc Nord Stream II oppose si violemment Washington et Berlin ; si les dirigeants américains et européens s’écharpent à propos du combat contre le réchauffement climatique (une « bataille » pour laquelle les élites européennes mobilisent des milliers d’« idiots utiles ») : alors que l’Oncle Sam a atteint l’autosuffisance pétrolo-gazière, c’est loin d’être le cas pour le Vieux continent dont les dirigeants souhaitent donc réduire leur dépendance aux hydrocarbures.

En toile de fond, un dernier facteur torture les chefs de l’Union européenne et les médias qui leur sont fidèles : la « montée des populismes », terme convenu qui recouvre les insurrections populaires latentes ou tâtonnantes contre la régression sociale et la mise en cause toujours plus drastique des souverainetés (Brexit, Gilets jaunes, tsunami électoral italien…). De fait, si les dirigeants européens voient des rivaux à Washington, leurs véritables ennemis n’avaient pas été invités à Munich – mais étaient dans toutes les têtes.

Les peuples.

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Sur RT, Pierre Lévy analyse la nouvelle étape qui vient d’être franchie vers le Brexit

Par : pierre — 15 mars 2019 à 15:47

Les députés britanniques ont émis cette semaine une série de votes, dont le dernier, jeudi 14, a conforté la stratégie de Theresa May.

Le parlement votera une nouvelle fois d’ici le 20 mars. Il pourrait bien, cette fois, approuver l’accord de divorce assorti de garanties juridiques. Cela confirme, s’il en était besoin, que le Brexit est plus que jamais sur les rails, n’en déplaise aux pro-UE.

Invité du journal de RT le 14 mars en soirée, Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, fait le point.

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Le Royaume-Uni partira le 22 mai, ou peut-être même d’ici le 12 avril

Par : pierre — 22 mars 2019 à 11:46

Depuis le 23 juin 2016 et le choix majoritaire du peuple britannique, l’issue finale était certaine : le Royaume-Uni sortirait bel et bien de l’Union européenne. Ce qui vient de s’éclaircir avec le sommet des Vingt-sept du 21 mars, ce sont le chemin, les modalités et les échéances. Certes, outre de toujours possibles ultimes rebondissements, il reste encore une incertitude importante : Londres partira-t-il le 22 mai moyennant l’accord de divorce signé en novembre dernier et assorti des garanties juridiques négociées en mi-mars ? Ou y aura-t-il une sortie « sans accord » le 12 avril ? La réponse sera fournie d’ici peu par les parlementaires britanniques.

Il y avait deux manières d’aborder ce qui s’est passé depuis près de trois ans. La première était de suivre au jour les jours les événements, sans prendre aucun recul. Et il faut bien reconnaître que l’incroyable suite de surprises, de rebondissements, de retournements, de coups de théâtre, d’affrontements internes et externes, de pièges, de chausse-trapes a dépassé tout ce qu’aurait pu concevoir le plus fou des scénaristes. Jusqu’au dernier moment, d’innombrables dirigeants politiques et commentateurs, des deux côtés de la Manche ont espéré que le résultat du référendum pourrait être inversé, ignoré ou gelé pour l’éternité.

le choix de juin 2016 n’était nullement une foucade conjoncturelle des Anglais

La seconde approche supposait, au contraire, de comprendre les mouvements politiques de fond, et notamment deux d’entre eux. D’une part, le choix de juin 2016 n’était nullement une foucade conjoncturelle des Anglais, mais s’inscrivait dans une tendance longue, marquée par un délitement de l’intégration européenne. Que celle-ci se soit d’abord concrétisée en Grande-Bretagne n’étonnera que ceux qui ignorent ou méprisent l’Histoire (et la géographie qui la détermine).

D’autre part, l’époque n’est plus où les dirigeants européens pouvaient tranquillement exiger que le résultat d’un référendum soit à nouveau soumis au vote jusqu’à ce que les électeurs donnent enfin la « bonne réponse », ou soit purement et simplement inversé. C’est ce qu’ont subi les Danois en 1992 (traité de Maëstricht), les Irlandais en 2001 (traité de Nice) et 2008 (traité de Lisbonne), ainsi bien sûr que les Français et les Néerlandais en 2005 (traité constitutionnel). Les temps ont changé, et les peuples supportent de moins en moins cette arrogance.

Beaucoup de partisans de l’intégration européenne auraient pu s’éviter trois ans de faux espoirs

Beaucoup de partisans de l’intégration européenne auraient pu s’éviter trois ans de faux espoirs et de vaines illusions s’ils avaient simplement mesuré la détermination de Theresa May. Arrivant au pouvoir dans la foulée du référendum, en juillet 2016, celle qui avait pourtant elle-même voté pour rester dans l’UE a affirmé : je suis ici pour remplir le mandat que les citoyens m’ont donné, et je le ferai.

Sans doute ne mesurait-elle pas elle-même l’incroyable déchaînement d’obstacles qu’allaient ériger ses innombrables détracteurs – bien sûr les Vingt-sept et la Commission européenne, de même que sa propre opposition parlementaire, ce qui est somme toute logique ; mais aussi ses adversaires parmi ses propres députés, ceux qui militaient pour une sortie sans accord, comme ceux – nombreux – qui espéraient que le pays resterait au sein de l’UE ; et jusqu’au sein de son propre gouvernement, y compris son numéro deux ainsi que le chancelier de l’Echiquier, et même son propre chef de cabinet !… A des degrés divers, les uns et les autres ont tenté de faire dérailler le processus, ou de le dénaturer. Et l’on ne compte pas les quolibets quotidiens, moquant les « humiliations », les « gifles », les « revers », les « défaites » subies par le premier ministre, et pronostiquant régulièrement (depuis trois ans) sa démission. Encore aujourd’hui, certains poussent le grotesque jusqu’à espérer cette issue comme arme pour un ultime retournement.

Jamais un autre dirigeant européen n’aura tenu tête à ses pairs d’une telle manière

Quoi qu’on pense par ailleurs des orientations politiques de Mme May, force est de le constater : jamais un autre dirigeant européen n’aura tenu tête à ses pairs d’une telle manière.

Enfin, le chemin de croix qui lui a été imposé avait un autre objectif : convaincre les peuples du Vieux continent que sortir de l’UE est un cauchemar, une catastrophe, une torture sans fin. Et à l’exaspération – ô combien compréhensible – des Britanniques eux-mêmes face à un dénouement toujours reculé, s’est ajouté le sentiment instillé aux Allemands, aux Français et à bien d’autres que, décidément, quitter le club est une impasse insupportable.

D’ici quelques semaines ou quelques mois, chacun pourra enfin le constater : le Royaume-Uni n’aura ni sombré ni subi on ne sait quelle infernale catastrophe économique.

Au contraire.

La prochaine édition de Ruptures (fin mars) reviendra en détail sur le Conseil européen et les suites du dossier. Il n’est pas trop tard pour s’abonner

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Ruptures : l’édition de mars est parue

Par : pierre — 27 mars 2019 à 09:13

La parution de l’édition de Ruptures de mars a été décalée de quelques jours du fait des rebondissements au parlement britannique. Elle est désormais arrivée aux abonnés.

Elle propose une analyse de l’état du Brexit.

Egalement au sommaire de Ruptures n°84 :

– l’éditorial qui revient sur le duel feutré entre Paris et Berlin, à travers les lettres publiées par Emmanuel Macron puis la dirigeante de la CDU allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer

– l’état des lieux dans la guerre commerciale lancée par Washington face à la Chine et à l’Union européenne

– un entretien avec Branko Rakic, professeur de droit à l’Université de Belgrade, qui revient sur l’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie – origine et conséquences à long terme – à l’occasion du 20ème anniversaire du déclenchement des bombardements

– une analyse des récentes élections en Moldavie, un pays que l’UE voulait récupérer dans son giron, mais qui vient de connaître un retournement politique

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves…

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

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Sur RT, Laurent Dauré prend la main dans le sac les auteurs de douze infox contre les Gilets jaunes

Par : pierre — 29 mars 2019 à 15:57

Laurent Dauré, de la rédaction de Ruptures, a établi un dossier détaillant douze fausses informations visant délibérément à discréditer le mouvement des Gilets jaunes.

Ce dossier a été publié par le site Les Crises.

Interrogé récemment, dans le JT de RT-France, il est revenu sur ces mensonges notamment issus de la mouvance macronienne.

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Echange doux-amer entre Paris et Berlin (éditorial paru dans l’édition du 29 mars)

Par : pierre — 2 avril 2019 à 10:26

Le 4 mars, le maître de l’Elysée avait pris sa plus belle plume – et mobilisé modestement vingt-huit quotidiens nationaux du Vieux continent – pour s’adresser aux « citoyens d’Europe ». Moins d’une semaine plus tard, la chef des chrétiens-démocrates allemands publiait, en guise de réponse, une tribune qui livrait sa propre vision de l’avenir de l’UE. Annegret Kramp-Karrenbauer (« AKK »), qui vient de succéder à Angela Merkel à la tête de la CDU, n’est certes pas encore chancelière, mais elle a de bonnes chances de le devenir en 2021 – ou même avant.

Naturellement, les deux dirigeants partagent les mêmes fondamentaux. A commencer par l’amour de la langue de bois européenne. Pour Emmanuel Macron, l’UE, « projet inédit de paix, de prospérité et de liberté (est) un succès historique ». Pour Mme Kramp-Karrenbauer, celle-ci est une « réussite incomparable ». Et même un produit à exporter, puisqu’il faut défendre « notre mode de vie européen (…) pour nous-mêmes et pour le monde entier » ; de son côté, le président français affirme sans ciller que « l’Europe entière est une avant-garde, elle a toujours su définir les normes du progrès » dans le monde.

Ce dernier commence cependant sa missive en alertant : « jamais l’Europe n’a été autant en danger ». Sa collègue allemande opine d’emblée : « il a raison, il faut agir de toute urgence ». Une fois asséné que « la civilisation européenne nous unit, nous protège et nous libère », Emmanuel Macron enchaîne une série de propositions dans l’espoir de freiner le délitement de l’intégration européenne et de calmer les inquiétudes populaires. Il faut pro-té-ger martèle le chef de l’Etat. Par exemple en créant une agence de sauvegarde de la démocratie, explicitement conçue contre la malveillance russe… Il faut aussi augmenter les dépenses d’armement, et créer un conseil de sécurité extérieure pour faire progresser l’Europe militaire. Il faut en outre « tourner toutes les institutions » vers l’engagement climatique, et réguler les géants de l’Internet. Sur tous ces points, la nouvelle patronne de la CDU n’a pas d’objection de principe, même si elle reste en retrait sur la création d’institutions nouvelles.

Sur l’espace de libre circulation Schengen – sujet jugé hypersensible puisqu’il touche aux migrations et à l’asile – les points de vue de Paris et de Berlin ne coïncident plus tout à fait. L’approche allemande est plus conciliante avec les pays d’Europe centrale. Et sur d’autres aspects, les divergences se multiplient entre les deux rives du Rhin. Ainsi, les gesticulations de l’ancien de la banque Rothschild sur le « bouclier social » sont fraîchement accueillies à Berlin. Plus généralement, tous les appels macroniens à une intégration plus fédérale se heurtent désormais à une réticence marquée : « aucun super Etat européen ne saurait répondre à l’objectif d’une Europe capable d’agir ; (…) refonder l’Europe ne se fera pas sans les Etats nations » affirme ainsi Mme Kramp-Karrenbauer. C’est un tournant majeur : traditionnellement, la CDU défendait une Europe à vocation fédérale, là où les dirigeants français traînaient plutôt les pieds.

l’aile la plus ultralibérale de la CDU n’est plus forcément convaincue que l’intérêt de l’Allemagne soit de tout subordonner à l’intégration européenne

Déjà, le président français avait dû ravaler ses projets ambitieux de réforme de la zone euro et la plupart des fantasmes exprimés lors de son discours de la Sorbonne (septembre 2017). Mais la dirigeante allemande juge utile d’effectuer quelques piqûres de rappel : « le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie ». Et d’ajouter quelques chiffons rouges qui déplaisent souverainement à Paris, comme la demande de mise en commun du siège français au Conseil de sécurité de l’ONU.

Les deux protagonistes ont chacun des préoccupations politiques qui ne coïncident pas nécessairement. Le premier travaille en France à l’émergence d’un « parti européen » associant gauche et droite ; la seconde veut donner des gages à l’aile la plus ultralibérale et conservatrice de la CDU, qui n’est plus forcément convaincue que l’intérêt de l’Allemagne soit de tout subordonner à l’intégration européenne.

Et ce au moment où l’UE – dont le but ultime est d’effacer la souveraineté de chaque peuple – se retrouve de plus en plus sous tension à mesure que montent les mécontentements, les colères et les frustrations. Sauf bien sûr à considérer, comme l’énonce sans rire AKK, que « jamais l’idée européenne n’a connu de tels niveaux d’approbation ».

Bon courage…

Pierre Lévy

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Le nouveau report du Brexit, décidé par le Conseil européen, exacerbe la colère des citoyens britanniques

Par : pierre — 11 avril 2019 à 15:58

Les Vingt-sept ont décidé de décaler la sortie de l’Union européenne jusqu’en octobre au plus tard. Le feuilleton semble incompréhensible, mais le fond de l’affaire est simple : une majorité de citoyens veut sortir de l’UE, une majorité de députés était opposée à ce choix.

Ce sera donc le 31 octobre. Ou bien peut-être avant. La date de sortie du Royaume-Uni, initialement fixée au 29 mars, puis une première fois décalée au 12 avril, a donc été à nouveau reportée, cette fois de six mois, d’un commun accord entre les vingt-sept dirigeants de l’UE et le premier ministre britannique.

La décision a été prise lors du Conseil européen qui s’est prolongé tard dans la nuit du 10 avril, selon la tradition typiquement bruxelloise des « sommets de crise ». Theresa May avait demandé un délai seulement jusqu’au 30 juin. Le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, militait en faveur d’un report beaucoup plus long, par exemple d’une année. Et ce, dans l’espoir à peine dissimulé (mais vain) que, les mois passant, le Brexit pourrait bien être enterré.

Une bonne quinzaine de chefs de gouvernement, dont Angela Merkel, partageaient cette même position. A l’inverse, le président français, soutenu par trois ou quatre des ses homologues, avait affiché son intransigeance, et affirmé qu’une sortie sans accord et sans nouveau délai était envisageable. Entre Paris et Berlin, il y avait probablement un jeu de rôles et de postures ; mais il faut aussi noter que les intérêts sont divergents, notamment en termes d’échanges commerciaux.

Le Brexit pourrait être effectif avant l’échéance annoncée si les députés britanniques approuvaient d’ici là l’accord de divorce

Le compromis trouvé coupe donc la poire en deux. Il précise que le Brexit pourrait être effectif avant l’échéance annoncée si les députés britanniques approuvaient finalement l’accord de divorce qu’ils ont jusqu’à présent refusé trois fois. Un élément nouveau est cependant apparu : Mme May vient d’engager des discussions avec le chef de l’opposition travailliste dans l’espoir de trouver un compromis susceptible de recueillir finalement une majorité parlementaire. Et si une telle issue était trouvée avant le 22 mai, le pays pourrait même se dispenser d’organiser les élections européennes qu’il s’est engagé à tenir le 23 mai. Un scrutin particulièrement baroque dans un pays en passe de quitter l’UE, quand bien même la date de sortie reste aléatoire.

Enfin, les Vingt-sept comptent sur une attitude de « bonne foi » du Royaume-Uni, qui devrait s’engager à ne pas profiter de sa présence prolongée au sein de l’UE pour perturber la vie interne de celle-ci, notamment le renouvellement de ses instances, au printemps et à l’automne, ou pour bloquer des décisions importantes. Emmanuel Macron voulait des « garanties » à cet égard, mais il s’est retrouvé quelque peu isolé : il est en effet difficile juridiquement de contraindre ou de réduire au silence un pays toujours membre, a fortiori son parlement national ou ses eurodéputés.

Le Conseil européen de juin fera le point. Et celui prévu en octobre actera les évolutions survenues dans le paysage et les décisions politiques britanniques. A ce stade, un accord entre la direction des Tories et celle du Labour paraît peu vraisemblable : d’un côté, Jeremy Corbyn a peu de raisons de faire la courte échelle à Mme May ; de l’autre, si cette dernière fait trop de concessions, elle risque l’implosion de son propre parti. Et sans accord, il et peu probable que la Chambre des Communes approuve les termes du divorce qu’elle a déjà rejetés.

Les « lignes rouges » que les Vingt-sept s’interdisaient de franchir ont été régulièrement repoussées

Cependant, force est de constater que, depuis des mois, ce qui était improbable un jour est subitement devenu possible le lendemain. Les « lignes rouges » que les Vingt-sept s’interdisaient de franchir ont été régulièrement repoussées ; et il en va de même pour la chef du gouvernement britannique. Dès lors, bien malin qui peut prédire les prochains rebondissements politiques de l’autre côté de la Manche.

Même le scénariste le plus fou n’aurait pas imaginé les rebondissements du « feuilleton » engagé il y presque trois ans. Une des conséquences est la colère qui se répand parmi les citoyens britanniques. Ceux qui avaient voté pour sortir (52%) sont scandalisés que leur décision ne soit toujours pas appliquée. Et même certains de ceux qui voulaient rester ne comprennent pas les retards et atermoiements face à un verdict incontestable. Du coup, même si l’improbable deuxième référendum dont rêvent les pro-UE depuis le résultat du 23 juin 2016 se tenait, il n’inverserait pas forcément ce dernier, contrairement à ce que suggèrent les dirigeants européens et la presse « mainstream ».

Effet boomerang

Quoiqu’il en soit, le ras-le-bol face à une histoire qui paraît sans fin se répand parmi les citoyens britanniques. Et leurs voisins continentaux, pour beaucoup d’entre eux, n’y comprennent plus rien.

Pourtant, si les rebondissements et surprises donnent l’apparence d’une insondable complexité, le fond de l’histoire peut se résumer très simplement : les électeurs anglais se sont majoritairement exprimés pour sortir, mais une majorité de leurs députés était d’avis inverse. Et une partie de ceux-là ne rêvent que de remettre en cause le verdict populaire.

Quant aux dirigeants européens, certains continuent à espérer pouvoir inverser ce dernier, comme ils l’avaient fait en France et aux Pays-Bas, au Danemark et en Irlande. Sauf que l’époque n’est plus où les peuples se résignaient à ce déni de démocratie : depuis quelques années, l’Union européenne suscite des réticences nouvelles, voire un rejet croissant.

la priorité des chefs d’Etat et de gouvernement a d’emblée été de tout faire pour « pourrir la vie » des Britanniques

En tout cas, la priorité des chefs d’Etat et de gouvernement, comme de Bruxelles, a d’emblée été de tout faire pour « pourrir la vie » des Britanniques afin de dissuader d’autres peuples d’emprunter la même voie. Un peu comme quand un membre veut sortir de la secte : celle-ci n’hésite pas à employer tous les moyens pour le « punir » (menaces, chantage, attaques…) et dissuader ainsi d’autres velléités.

Mais en accumulant ainsi difficultés, imbroglios et menaces sur le chemin choisi par les Anglais, les dirigeants européens subissent désormais un « effet boomerang » : c’est toute la vie institutionnelle de l’UE qui se trouve phagocytée et minée par le Brexit. Pire : de l’aveu même de certains proches d’Emmanuel Macron, le spectacle conforte l’impression que la Grande-Bretagne est retenue contre son gré, et renforce ainsi le sentiment – à quelques mois des élections européennes – que l’Union est une « prison des peuples ».

L’image n’est pas très éloignée de la réalité. Dès lors, le problème de Bruxelles pourrait bien un jour s’aggraver : il ne s’agira plus seulement de retarder l’évasion d’un détenu, mais bien d’empêcher une mutinerie générale.

Toute l’analyse et les détails dans l’édition de Ruptures à paraître fin avril. Il n’est pas trop tôt, ni trop tard, pour s’abonner

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Sur RT, Pierre Lévy fait le point sur le Brexit après le report de six mois décidé par le Conseil européen

Par : pierre — 12 avril 2019 à 10:33

Le Conseil européen extraordinaire du 10 avril a décidé de reporter de six mois l’échéance de la sortie du Royaume-Uni. Theresa May avait demandé une prolongation plus courte, mais différents dirigeants européens souhaitaient un délai plus long, de l’ordre d’une année.

Le pays devra en principe participer aux élections européennes, à moins qu’un accord au parlement britannique ne vote majoritairement en faveur de l’accord de divorce d’ici là.

La sortie aura bien lieu, mais ni ses conditions ni sont échéance n’ont été éclaircies.

Invité du journal de RT le 11 avril, Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, revient sur ce feuilleton d’apparence complexe, mais dont le fond est finalement beaucoup plus simple…

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L’Allemagne menacée par une prise d’influence russe…

Par : pierre — 15 avril 2019 à 10:41

L’« affaire Frohnmaier » a évidemment eu moins d’écho en France qu’en Allemagne même. Pourtant, quelques médias, de ce côté-ci du Rhin, ont tout de même jugé utile de s’indigner ou de s’inquiéter.

Le député Markus Frohnmaier (28 ans), présenté par l’AfD, a été élu au Bundestag en 2017. Récemment, des médias allemands comme l’hebdomadaire Der Spiegel et la chaîne ZDF, mais aussi la BBC britannique et le quotidien italien La Repubblica, ont publié des enquêtes affirmant que le jeune parlementaire est en réalité une « marionnette de Moscou » : son élection aurait été aidée par la Russie pour tenter d’influencer la politique de Berlin. Une affirmation démentie par les protagonistes.

On se gardera d’émettre ici un avis sur la vraisemblance de l’accusation. Plus intéressantes, en revanche, sont les réactions courroucées et scandalisées de la classe politique comme de certains médias de la République fédérale mais aussi d’autres pays de l’UE. Les chrétiens-démocrates de la CDU de même que les sociaux-démocrates du SPD ont fait de la surenchère en martelant que, si les affirmations étaient confirmées, un tel élu ne pourrait siéger pour représenter les intérêts du peuple allemand. Les Verts ainsi que Die Linke n’ont pas été en reste. Les uns et les autres ont pointé en chœur la menace qui pèserait ainsi sur l’indépendance du pays.

On ne pourrait certainement que se réjouir de cette soudaine et inattendue attention pour la souveraineté nationale de la part de partis d’habitude plus prompts à vanter les mérites de l’intégration européenne. Le problème est que, dans des circonstances différentes, les dirigeants politiques et éditorialistes « mainstream », allemands et européens, ne semblent pas si sourcilleux.

« Instrument d’influence »

Il existe ainsi en France une institution nommée French American Foundation (FAF), qui fut lancée en 1976 sous l’égide du président Valéry Giscard d’Estaing, celui-là même qui amorça le retour de la France dans le giron atlantiste après la période gaulliste. Selon la très factuelle notice Wikipédia, la FAF « se donne pour objectif d’encourager un dialogue actif » entre la France et les Etats-Unis.

L’une des ses principales activités consiste à proposer des séminaires pour de jeunes dirigeants (« Young leaders »), issus de la politique, de la finance, de la presse « à fort potentiel de leadership et appelés à jouer un rôle important dans leur pays et dans les relations franco-américaines », selon les termes de la Fondation elle-même. Bref, un programme de formation qui constitue un « instrument du soft power américain », c’est-à-dire d’influence, résume Wikipédia.

Le programme de formation de la FAF en direction des « Young leaders » constitue un « instrument du soft power américain », résume Wikipédia.

A Washington (car la Fondation travaille évidemment de concert avec l’ambassade), on ne lésine pas sur les gâteries proposées aux hommes et aux femmes qui, destinés à occuper des postes français de premier plan, doivent assurer, dans leurs futures fonctions, la promotion de l’« amitié franco-américaine ».

La liste des invités stagiaires de Washington (plus de 400 à ce jour) est édifiante. On y trouve nombre de patrons de presse et de journalistes connus, de dirigeants de grands groupes industriels et financiers, et bien sûr de parlementaires et de ministres, anciens et actuels. Inutiles de préciser que la Fondation a l’esprit large, et sélectionne tout aussi bien des personnalités de « gauche » que de droite.

L’on notera en particulier la présence sur cette liste de l’actuel Premier ministre Edouard Philippe (stagiaire en 2011), de l’ancien premier ministre Alain Juppé devenu membre du Conseil constitutionnel (stagiaire en 1981), de l’ancien président François Hollande (stagiaire en 1996), et de l’actuel président Emmanuel Macron (stagiaire en 2012). Inutile de préciser que le Commissaire européen Pierre Moscovici, précédemment ministre des finances (stagiaire en 1996), fait également partie des nombreuses personnalités sur lesquels Washington a misé – non sans flair, il faut bien le reconnaître.

On peine à imaginer ce qu’eussent été les réactions médiatiques et politiques si MM. Macron, Hollande, Philippe et Juppé avaient suivi le même cursus non à Washington mais à Moscou, dans le but explicite de leur faire promouvoir l’amitié franco-russe.

Il est vrai que l’influence du jeune député Frohnmeier sur la politique allemande est à l’évidence incomparablement plus déterminante sur la politique allemande que celle des président et premier ministre français sur celle de Paris…

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Finlande : après les élections, encore un sujet d’angoisse pour Bruxelles

Par : pierre — 16 avril 2019 à 18:36

Les électeurs finlandais, qui élisaient le 14 avril leur nouveau parlement, se sont rendus aux urnes moyennant une participation de 68,7%, soit 1,8 point de plus qu’en 2015. Le scrutin a été marqué par la claque subie par le Parti du centre du premier ministre sortant ; par un important succès du Parti des Finlandais (ex-Vrais Finlandais, généralement classé à l’extrême droite) ; et par l’arrivée en tête des sociaux-démocrates, avec cependant un score bien plus faible qu’ils ne l’espéraient.

Deux thèmes ont dominé la campagne. Le premier portait sur le système de santé et des services sociaux. Alors que ce dernier est souvent considéré comme l’un des meilleurs du monde, le gouvernement s’était fixé l’objectif, en 2015, de le réformer drastiquement, avec notamment un renforcement de la part du privé. Et cela, au moment même où il appliquait une forte politique d’austérité touchant notamment ce secteur, mais aussi l’éducation. La réduction des dépenses publiques, conforme au Programme national de stabilité convenu avec la Commission européenne, visait en particulier à alléger les cotisations patronales.

Le Parti du centre dégringole de 7,3 points en s’établissant à 13,8%, son pire résultat depuis un siècle

La « grande réforme » elle-même n’a cependant pas pu être réalisée du fait de divergences au sein des trois partis de la coalition au pouvoir, notamment sur la réorganisation territoriale du système de soins. Du coup, par dépit ou par manœuvre tactique, Juha Sipila, chef du gouvernement sortant (un ancien homme d’affaires, toujours richissime), a présenté sa démission cinq semaines avant l’échéance électorale. Les électeurs l’ont manifestement sanctionné puisque sa formation, le Parti du centre (KESK) dégringole de 7,3 points en s’établissant à 13,8%, le pire résultat depuis un siècle pour cette formation surtout implantée en milieu rural.

Associé au sein du gouvernement, le Parti de la coalition nationale (KOK, droite ultralibérale) s’en tire moins mal, avec 17% (- 1,2 point). Troisième pilier de la majorité, le Parti de la réforme bleue ne dépasse pas… 1% des suffrages. Cette formation était en réalité issue d’une scission du Parti Les Finlandais : en 2017, son chef d’alors, Timo Soini, avait tenté un recentrage pour amener ses camarades sur une ligne bien moins « eurocritique ». C’était le prix à payer pour qu’il puisse garder son poste (ministre des Affaires étrangères) au gouvernement, de même que quatre de ses collègues. Mais le parti avait finalement désavoué M. Soini et ses amis devenus pro-UE. Ces derniers ont dès lors choisi de le quitter.

Ils se retrouvent désormais exclus du Parlement, tandis que leur formation d’origine sort grande gagnante du scrutin, obtenant la deuxième place avec 17,5% des voix. Il y a quelques mois encore, les sondages lui accordaient à peine 10%. Le Parti Les Finlandais a en effet exploité le deuxième thème qui a marqué la bataille électorale : l’immigration. En 2015, ce pays de 5,5 millions d’habitants avait accueilli 32 000 demandeurs d’asile, alors que les arrivées étaient d’environ 4 000 les années précédentes. Des affaires de viol impliquant des migrants avaient, tout récemment, polarisé le débat public et entraîné la création de petites formations extrémistes. Mais c’est finalement Les Finlandais qui ont emporté la mise.

Pour sa part, le Parti social-démocrate (SDP) arrive cette fois en tête avec 17,7%, soit un gain de 1,2 point. La Ligue verte passe de son côté de 8,5% à 11,5%, dans un contexte où les questions environnementales ont également été beaucoup évoquées. A noter cependant que le Parti Les Finlandais a affiché des positions dites climatosceptiques qui ne lui ont pas nui, bien au contraire. Enfin, avec 8,2%, l’Alliance de gauche progresse légèrement (+1,1 point).

Tâche complexe

Mais ce n’est pas de ce côté qu’Antti Rinne, le chef du SDP chargé de former un gouvernement, va chercher des alliances, mais plutôt du côté du KESK ou du KOK, dans ce pays aux longues traditions de coalition hétéroclite. Cette fois cependant, la tâche devrait être particulièrement complexe : son score est inférieur à ce qu’il avait espéré, et les trois premiers partis se tiennent dans un mouchoir de poche aux alentours de 17%…

M. Rinne a juré qu’il ferait tout pour constituer une majorité et un gouvernement d’ici fin mai. Et à Bruxelles, on compte bien qu’il tienne cette promesse, car la Finlande prend la présidence tournante du Conseil de l’UE, pour six mois, au 1er juillet. La Commission est d’autant plus anxieuse que la période est particulièrement sensible. D’une part, c’est lors de ce semestre que doit avoir lieu l’épilogue du Brexit. D’autre part, après les élections européennes prévues en mai, la Commission, et son président, seront également renouvelés.

…Rien qui puisse rassurer Bruxelles. Ni d’ailleurs Marine Le Pen.

Et ce, dans un contexte où le verdict des citoyens finlandais a tout pour angoisser les dirigeants européens. Alors qu’ils avaient espéré que l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017 fût un signe d’un virage pro-UE du sentiment des citoyens, ils ont, depuis lors, vécu une longue série de résultats reflétant (plus ou moins clairement) une hostilité populaire croissante face à l’intégration européenne – en Allemagne, en Autriche, en Tchéquie, en Suède, et bien sûr en Italie.

Cette fois encore, le parti politique anti-Bruxelles se distingue, et les « sceptiques » ralliés sur le tard à l’idée européenne comme M. Soini s’effondrent. En l’occurrence, au pays du Père Noël. Voilà qui n’a rien qui puisse rassurer Bruxelles. Ni d’ailleurs Marine Le Pen.

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L’édition d’avril de Ruptures est parue

Par : pierre — 26 avril 2019 à 17:28

L’édition d’avril de Ruptures arrive le 27 aux abonnés.

Au sommaire de ce n°85 :

– l’éditorial qui évoque les « symboles » qu’ont cru déceler les européistes dans l’incendie de Notre-Dame, et qui revient sur les annonces du président français

– un entretien avec Jacques Sapir, économiste et spécialiste de l’espace post-soviétique, qui analyse les résultats de l’élection présidentielle en Ukraine, en particulier la gifle retentissante subie par le président sortant, l’homme des Occidentaux

– une étude sur les rapports entre l’UE et la Chine après différents sommets récents, Bruxelles voyant Pékin comme un « partenaire », mais aussi comme un « concurrent » et un « rival », qui tente en outre de traiter avec les pays européens de manière bilatérale

– un point sur l’état du Brexit après le sommet de crise des Vingt-sept le 10 avril

– une analyse des élections législatives en Finlande, marquées par la défaite du Parti du centre sortant, par le succès des eurosceptiques, et par la courte victoire des sociaux-démocrates

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves…

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

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Espagne : quelle majorité après le scrutin du 28 avril ?

Par : pierre — 29 avril 2019 à 18:11

En Espagne, les élections législatives du 28 avril ont connu une participation record : 75,8% des 37 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes, soit 9,3 points de plus qu’en juin 2016. Il s’agissait du troisième scrutin de ce type depuis décembre 2015.

Ce dernier avait marqué un tournant majeur. Le traditionnel face-à-face entre le Parti populaire (PP, droite conservatrice) et le Parti socialiste (PSOE) avait été bouleversé par l’émergence de deux nouvelles formations : Podemos, étiqueté gauche radicale, issu du mouvement social des Indignés (apparu dès 2011 en pleine crise économique et sociale) ; et Ciudadanos, une formation initialement issue de la Catalogne mais radicalement opposée à l’indépendance de celle-ci, et qui s’est étendue à l’ensemble du pays, mettant en avant la lutte contre la corruption ainsi que le libéralisme, voire l’ultralibéralisme.

Cette quadripartition avait alors empêché la formation d’une majorité parlementaire, et provoqué un nouveau scrutin en juin 2016. Mariano Rajoy (PP), premier ministre depuis décembre 2011, s’était finalement maintenu à son poste en obtenant des majorités au coup par coup. Et ce n’est qu’en juin 2018 qu’il avait été renversé, de manière inattendue, par une motion de défiance parlementaire présentée par le chef des socialistes, Pedro Sanchez.

Ce dernier a profité d’un énorme scandale de corruption où le PP était impliqué pour réunir ponctuellement une majorité de députés, et accéder ainsi à la présidence du gouvernement. Il ne disposait cependant que sur 84 députés (sur 350). Son gouvernement minoritaire a tenu jusqu’à février 2019, date à laquelle son budget a été rejeté. Des élections anticipées sont alors devenues inévitables.

Pedro Sanchez apparaît comme l’un des vainqueurs du scrutin du 28 avril. Avec 28,7% des suffrages, il gagne 6,1 points, arrive largement en tête, et compte désormais 123 députés (et même 123 sénateurs, soit la majorité de la Chambre haute).

En revanche, Unidas Podemos (qui regroupait Podemos et des petits alliés comme la Gauche unie) doit se contenter de 14,3% des suffrages, soit une chute de 6,8 points. En 2016, ses dirigeants rêvaient de doubler le PSOE (il s’en est fallu de 1,5 point) et de prendre la tête du gouvernement. Aujourd’hui, son premier dirigeant, Pablo Iglesias, n’a même pas attendu la fin du dépouillement pour proposer à M. Sanchez de devenir un partenaire junior de gouvernement.

De nombreuses querelles internes expliquent en partie cette déconfiture. Plusieurs dirigeants, dont le numéro deux, Inigo Errejon, sont partis. Ce dernier plaidait pour que Podemos redevienne un mouvement transversal populaire transcendant le clivage droite-gauche. La campagne de Podemos a balayé de nombreux thèmes (jusqu’au bien-être animal) plus à même de répondre aux souhaits d’un électorat urbain plutôt aisé qu’aux préoccupations ouvrières. Ses pertes sont moins sévères dans les régions géographiquement « périphériques » (dont la Catalogne), mais il dégringole dans les régions centrales.

Pour sa part, le PSOE a mis en avant des mesures prises en quelques mois de gouvernement minoritaire en vue des élections : augmentation du SMIC à 900 euros (+22%), indexation des retraites, hausse des bourses étudiantes, et annonce de création de postes de fonctionnaires. Le transfert de la dépouille de l’ex-dictateur Francisco Franco a symboliquement complété le tableau. Les socialistes ont en outre bénéficié d’un « vote utile » face à l’émergence annoncée de Vox, une force d’extrême droite ne cachant guère sa nostalgie du franquisme.

Deux thèmes

Vox avait fait une entrée fracassante au parlement d’Andalousie en décembre 2018 (cf. Ruptures du 31/01/19), passant d’un groupuscule marginal dissident du PP en 2013 à un parti réunissant 11% des électeurs. Il a ainsi permis à une coalition PP-Ciudadanos de conquérir la majorité régionale, détrônant le PSOE dans son fief historique.

Deux thèmes en particulier avaient permis à cette jeune formation, très active sur les réseaux sociaux, de créer la surprise : la dénonciation de l’immigration qui s’est considérablement accrue dans la dernière période ; et l’opposition aux indépendantismes, notamment catalan. La mise en avant des traditions et de l’unité espagnoles est ainsi apparue dans le débat public. Elle a ensuite imprégné la campagne pour les élections générales.

Avec 10,3% et 24 députés, Vox réussit sa spectaculaire arrivée, même si ses dirigeants et sympathisants espéraient un score encore plus élevé, susceptible de reproduire au niveau national la nouvelle configuration andalouse. Tel n’est pas le cas, du fait de la défaite historique du PP.

Avec 16,7%, ce dernier divise son résultat par deux (- 16,3 points) et obtient ainsi le pire score de son histoire. Les retombées des scandales de corruption ont manifestement pesé. En outre, la stratégie déployée par son jeune leader, Pablo Casado, consistait à radicaliser son discours pour tenter de contenir l’hémorragie de ses électeurs vers Vox. Cela n’a pas fonctionné, et lui a en outre fait perdre des voix plus « centristes » au bénéfice de Ciudadanos.

Ce parti s’en sort bien puisqu’avec 15,8%, il améliore de 2,8 points son résultat de 2016. Son chef, Albert Rivera, a souligné que 200 000 voix seulement le séparaient du PP. Mais l’hypothèse d’une coalition majoritaire des trois partis de droite est désormais exclue : ensemble, ils ne totalisent que 147 députés. Le « bloc de gauche » en compte, lui, 165. Insuffisant, cependant, pour atteindre la majorité absolue de 176 sièges. Une barre qui ne serait pas atteinte même avec le soutien des six élus du Parti nationaliste basque.

Le triomphe du PSOE au soir du scrutin (conforté par de bons résultats aux élections régionales à Valence), doit donc être relativisé. En 2008, à l’aube de la crise, ce parti obtenait encore 43,9% des suffrages – il est vrai que Podemos n’existait pas encore. Par ailleurs, l’actuel écart entre le « bloc de gauche » et celui de droite est inférieur à 100 000 voix. Enfin et surtout, M. Sanchez reste confronté à un choix délicat.

Soutien des indépendantistes ?

S’il écoute une large part de sa base, favorable à un accord avec Podemos, il lui faudra aller chercher le soutien complémentaire des indépendantistes catalans, au moins ceux de la gauche républicaine catalane (ERC) qui juge tactiquement plus adroit de composer avec Madrid. A noter que la droite indépendantiste – Ensemble pour la Catalogne (JxC), dont le chef est exilé à Bruxelles – prône en revanche l’intransigeance. Mais l’ERC (dont plusieurs dirigeants élus députés sont en prison après l’organisation du référendum illégal d’indépendance en octobre 2017) a largement battu ses alliés et rivaux de JxC.

M. Sanchez n’est guère enthousiaste quant à cette alliance avec des séparatistes catalans : ce sont ces derniers qui ont refusé de voter son budget. En outre, un tel soutien pourrait donner des armes à ses adversaires de droite prompts à l’accuser de défaire l’unité de l’Espagne.

Quant à une alliance PSOE-Ciudadanos, elle a été exclue par M. Rivera pendant sa campagne. Certes, un retournement n’est jamais à exclure, mais elle ne semble pas être dans l’intérêt tactique de Ciudadanos qui veut devenir le premier parti d’opposition, et mise sur un échec à court terme de M. Sanchez.

Pourtant, cette coalition entre deux formations qu’aucune grave divergence idéologique ne sépare assurerait arithmétiquement une majorité parlementaire stable – ce serait une première depuis 2015. Un avantage qui a probablement la sympathie des milieux d’affaires, comme en témoignent les récents commentaires du Financial Times et de The Economist.

A moins que M. Sanchez ne préfère constituer un gouvernement homogène minoritaire ? Dans ce cas, la question de sa longévité serait à nouveau posée. Quoiqu’il en soit, le 26 mai, les électeurs retourneront aux urnes pour les élections européennes, mais aussi régionales et locales. Aucune alliance ne devrait être constituée d’ici là.

Pedro Sanchez, à peine les résultats connus, a annoncé qu’il souhaitait « former un gouvernement pro-européen pour renforcer et non affaiblir l’Europe ». Une allusion implicite au fait que ce scrutin espagnol est bien le premier depuis longtemps au sein de l’UE qui n’a pas provoqué de sueurs froides à Bruxelles. Car tous les partis, Vox compris, sont des partisans déclarés de l’intégration européenne.

Pas sûr cependant que cela traduise un enthousiasme populaire unanime : le thème a été, prudemment, totalement absent de la campagne électorale…

Analyse issue notamment d’un entretien avec Nicolas Klein

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Les dirigeants européens, réunis à Sibiu, s’approchent du sublime ridicule

Par : pierre — 15 mai 2019 à 10:43

Décidément, ces dirigeants européens sont vraiment impayables. Particulièrement quand ils sont pris, si ce n’est de panique, du moins d’une extrême fébrilité.

Tel est le cas avec l’approche des élections renouvelant les eurodéputés. Le scrutin est programmé du 23 au 26 mai, et pourrait bien marquer une nouvelle étape dans la progression continue de l’abstention, une tendance qui gagne régulièrement en ampleur depuis 1979. A cette époque, la participation globale était de 62% ; en 2014, elle n’était plus que de 43%. Cette année, un nouveau record pourrait bien être battu.

De nombreuses raisons peuvent expliquer cette chute. La principale n’est jamais citée par les discours officiels et les médias dominants : l’Assemblée de Strasbourg usurpe le nom de « Parlement ». Car l’essence d’un Parlement est de représenter un peuple ; or il n’existe pas de « peuple européen ». Et, plus ou moins distinctement, de plus en plus de citoyens en ont l’intuition : on leur demande de donner, à travers le vote, un semblant de légitimité à une institution qui n’en a en réalité aucune ; et d’accorder, un vernis démocratique à une Union européenne dont la raison d’être est précisément de priver chaque peuple de la liberté de ses choix politiques, c’est-à-dire le droit de faire des choix éventuellement radicalement différents de ceux des pays voisins.

Pour conjurer le spectre du boycott massif des urnes, les grands médias se mettent en ordre de bataille. Arte bat des records, et devient une véritable chaîne de propagande continue. Et la « société civile » est mobilisée : quasiment pas un seul jour ne se passe sans qu’un appel pathétique soit rendu public sur le thème : « peu importe pour qui vous votez, mais votez ! ».

Le 29 avril, Le Monde publiait un texte commun signé notamment par le Medef et la CFDT exhortant les citoyens à « se mobiliser »

En Allemagne, plusieurs PDG de grands groupes avaient donné le ton en mars, parmi lesquels ceux de E.ON, de RWE, de Thyssen-Krupp qui s’étaient directement adressés à leurs salariés. Plus d’une centaine de grands patrons et de hauts cadres français les avaient imités en avril. Le 29 avril, Le Monde publiait un texte commun signé en France par les présidents des organisations patronales (dont le Medef) et les chefs de certaines organisations syndicales (dont la CFDT) exhortant les citoyens à « se mobiliser » pour « l’Europe que nous voulons ».

Le 1er mai, c’était au tour des archevêques catholiques d’Allemagne, de France, de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg qui conjuraient leurs ouailles de voter pour s’opposer aux « menaces du Brexit, du populisme et du nationalisme ». La liste des textes analogues est interminable, jusqu’à un article du petit groupe politique français baptisé Sauvons l’Europe, arguant que voter pour l’UE constitue « une dette à honorer face aux victimes du nazisme ».

Lettre ouverte

Bien sûr, les dirigeants eux-mêmes ne sont pas en reste. Dans une lettre ouverte publiée le 9 mai, vingt-et-un chefs d’Etat de l’UE se montraient tout à la fois scandalisés et terrorisés : « pour la première fois dans l’histoire de l’intégration, il y a des voix qui réclament de revenir sur la libre circulation ou d’abolir les institutions communes ». Mais ils concluaient, sur le ton de l’adjudant de service : « il ne peut y avoir de retour en arrière ». (Dans les sept autres pays, les chefs d’Etat sont des têtes couronnées qui n’étaient pas habilités à se joindre à cette tirade).

Mais ce sont bien les dirigeants politiques – chefs d’Etat ou de gouvernement – des Vingt-sept qui se sont retrouvés ce même 9 mai dans la ville roumaine de Sibiu. Le principe de ce sommet informel avait été décidé dans la panique qui avait suivi le référendum britannique du 23 juin 2016. Pour les dirigeants européens, la priorité était d’éviter que l’UE ne s’effondre comme un château de cartes. La réunion devait initialement se tenir au lendemain de la sortie officielle du Royaume-Uni. Celle-ci ayant été différée (jusqu’au 31 octobre au plus tard), c’est finalement le jour de la « fête de l’Europe » qui a été choisi.

L’exercice consistait donc à afficher une unité de façade – alors que les divergences et tensions n’ont jamais été aussi fortes – et de se mettre d’accord sur une adresse aux citoyens, suppliant ceux-ci de se rendre dans les bureaux de vote. Et c’est là que la prose officielle touche au sublime. D’abord par la modestie des propos.

« Depuis sa genèse, l’Union européenne a assuré la stabilité et la prospérité en Europe, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières », proclament en toute humilité les Eminences

« Une Europe réunifiée dans la paix et la démocratie ne constitue qu’une réalisation parmi de nombreuses autres », proclament en toute humilité les Eminences. Qui poursuivent sans ciller : « depuis sa genèse, l’Union européenne, mue par ses valeurs et libertés, a assuré la stabilité et la prospérité en Europe, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières ». Bref, grâce à Bruxelles, les peuples au sein de l’UE mais aussi ceux du reste de l’Europe ont connu des décennies de bonheur aussi intense que paisible.

Emportés dans leur élan, les hôtes de Sibiu se sont « à l’unanimité » fixé « dix engagements ». Parmi ces derniers figure ainsi la promesse de « rester unis, envers et contre tout ». Contre les réticences des peuples, en particulier ? « Nous nous attacherons à obtenir des résultats là où cela compte le plus », poursuit cette version moderne des Dix commandements. Et les auteurs de marteler : « nous continuerons d’être attentifs aux préoccupations et aux espoirs de tous les Européens, rapprochant l’Union de nos citoyens, et agirons en conséquence, avec ambition et détermination ». Nous voilà rassurés.

Et le meilleur : « nous aiderons toujours les plus vulnérables en Europe, faisant passer les hommes et les femmes avant la politique ». Déprécier ainsi la politique est assurément le moyen de redonner le goût de voter…

Enfin, jurent les Vingt-sept, « nous protégerons nos citoyens et nous assurerons leur sécurité en investissant dans notre pouvoir de convaincre et notre pouvoir de contraindre ». On appréciera le « nous » seigneurial (« nos citoyens »), qu’on retrouve bizarrement dans un autre engagement : « nous continuerons à protéger notre mode de vie ». « Nous », les chefs d’Etat ?

« Programme stratégique »

Les participants au sommet ont également avalisé les grandes lignes d’un « programme stratégique » prévu pour être adopté formellement lors du Conseil européen des 20 et 21 juin. Parmi les grandes orientations figurent l’ambition de « protéger les citoyens et les libertés » ; de développer le « modèle économique européen pour l’avenir » (dont la libre concurrence et l’euro) ; de « construire un avenir plus vert, plus équitable et plus inclusif » (dont l’aide aux « communautés pour gérer la transition écologique » ; et de « promouvoir les intérêts et les valeurs de l’Europe dans le monde » (et pour cela notamment : « intensifier les investissements de l’UE en matière de défense et renforcer la coopération y compris avec l’OTAN) ».

Enfin, les Vingt-sept ont prévu de se retrouver en sommet extraordinaire le 28 mai. Avec pour ordre du jour : commencer le grand marchandage pour les postes des futurs présidents de la Commission européenne, du Conseil européen, de la Banque centrale européenne, et du chef de la diplomatie de l’UE. D’ores et déjà, les couteaux sont tirés. Et ce, malgré l’un des engagements solennels : « nous parlerons d’une seule voix ».

Les dirigeants européens s’engagent à respecter les dix commandements proclamés le 9 mai 2019, quel que soit le résultat des élections du 26 mai (et des élections nationales à venir)

En conclusion de leur déclaration, les dirigeants européens promettent : « les décisions que nous prendrons respecteront l’esprit et la lettre » des dix commandements proclamés ce 9 mai 2019, car « tel est notre engagement pour les générations futures ».

Et ce, quel que soit le résultat des élections du 26 mai (et des élections nationales à venir). On ne pouvait mieux définir la « démocratie » à l’européenne.

La prochaine édition de Ruptures analysera les résultats du scrutin européen dans les vingt-huit Etats membres et les résultats du sommet prévu le 28 mai. Elle paraîtra début juin. Il n’est pas trop tard pour s’abonner

 

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L’édition de Ruptures est parue

Par : pierre — 28 mai 2019 à 08:37

Ruptures n°86 arrive chez les abonnés le 6 juin.

Le décalage de quelques jours a permis d’intégrer les dernières informations après le sommet européen du 28 mai, ainsi qu’un dossier complet sur les élections européennes et leurs suites.

L’éditorial est consacré aux « trois fake news » répandues après le scrutin européen.

L’édition analyse par ailleurs la situation au Royaume-Uni, ainsi qu’en Espagne, qui n’a toujours pas de gouvernement après les législatives du 28 avril.

Et propose, comme chaque mois, les brèves…

Il n’est pas trop tard pour s’abonner !

 

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Première émission du Point de Ruptures – Rôle des médias, vote écolo, souveraineté bafouée, etc. : le décryptage des européennes

Par : pierre — 3 juin 2019 à 21:00

Votre mensuel lance une chaîne vidéo qui proposera chaque quinzaine une émission, Le point de Ruptures, balayant l’actualité européenne.

La première vient d’être mise en ligne : Etienne Chouard, Coralie Delaume et Pierre Lévy débattent du résultat des européennes, mais aussi du rôle des médias, du vote écolo des catégories aisées, de la souveraineté bafouée des peuples…

Cette première émission est complémentaire à l’édition du mensuel qui sera chez les abonnés le 6 juin, avec des analyses complètes des résultats électoraux et des conséquences.

Pour aider à financer cet investissement vidéo, le moyen le plus efficace est de s’abonner au mensuel sans attendre !

L’équipe de Ruptures a décidé de consacrer des moyens importants à la production de l’émission. Or le journal n’a d’autres ressources que le produit des abonnements. Pour aider à financer cet investissement, le moyen le plus efficace est de s’abonner sans attendre !

De plus, le prélèvement mensuel peut être arrêté à tout moment. Cette formule permet ainsi de faire connaissance avec le journal sans s’engager sur la durée.

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L’amour se fait attendre (éditorial paru dans Ruptures n°86)

Par : pierre — 11 juin 2019 à 11:49

Aplomb pyramidal ou méthode Coué ? A l’issue du 26 mai, trois légendes urbaines ont été répandues en boucle par les commentateurs europhiles. Primo, les citoyens européens auraient témoigné – « enfin ! » – leur attachement à l’intégration européenne en se précipitant nombreux dans les bureaux de vote. Etrange sophisme puisque, dans plusieurs pays, la hausse de la participation électorale a nourri des forces se proclamant anti-Bruxelles. En outre, ceux qui ont voté l’ont fait quasi-exclusivement sur des enjeux nationaux. Enfin, dans plusieurs pays, les européennes étaient organisées simultanément à des scrutins régionaux, à des référendums, voire à des élections nationales, ce qui a mécaniquement réduit l’abstention.

Surtout, cette hausse est pour le moins à relativiser puisque, dans l’UE, un électeur sur deux (49,1%, contre 57,4% en 2014) a continué de boycotter les urnes. Et ce, malgré les campagnes de dramatisation littéralement sans précédent, multiples et dispendieuses. En France, Cfdt et Medef s’associèrent pour l’occasion. Des directions de grandes multinationales se sont adressées à leurs salariés, ce prosélytisme étant encore plus massif outre-Rhin. Et jusqu’aux archevêques français, allemands et du Benelux exhortant, dans un texte solennel, leurs ouailles à aller voter…

l’électorat vert est sociologiquement typé : très fort parmi les classes urbaines et aisées, réduit dans le monde ouvrier et parmi les classes populaires

La deuxième « fake news » vise à accréditer l’image d’une « vague verte » qui aurait balayé l’Union européenne. L’examen des chiffres devrait faire revenir à plus de mesure : les partis écologistes ne progressent que dans sept pays sur vingt-huit, stagnent, voire régressent dans plusieurs autres (dont la Suède, emblématique patrie de l’égérie du climat), et sont même inexistants ou marginaux dans une majorité d’entre eux. La progression du pourcentage écolo en France (loin cependant de son niveau de 2009) et plus encore en Allemagne accroît mécaniquement le score vert global puisque ces deux pays sont les plus peuplés de l’union.

On notera qu’en France en particulier (mais cela vaut aussi outre-Rhin), l’électorat vert est sociologiquement typé : très fort parmi les classes urbaines et aisées, réduit dans le monde ouvrier et parmi les classes populaires. Politiquement, les cartes électorales montrent une proximité entre les votants écolos et ceux favorables à Emmanuel Macron. Du reste, la grande porosité entre ces deux mouvances s’est traduite au dernier moment par une fuite de la seconde vers la première.

Enfin, la troisième antienne répétée depuis le 26 mai au soir est que les partis « populistes » ou d’« extrême droite » ont été « contenus ». Outre que lesdites forces sont pour le moins hétérogènes, l’affirmation semble plus relever de la pensée magique, qui plus est sur le thème « c’est moins mal que si ça avait été pire ».

trois hommes sortent objectivement grands vainqueurs du scrutin : Nigel Farage, Matteo Salvini, et Viktor Orban

La réalité est que trois hommes sortent objectivement grands vainqueurs du scrutin : le chef du Parti du Brexit, Nigel Farage, qui réussit un spectaculaire retour ; le vice-premier ministre italien Matteo Salvini (Ligue) qui rassemble plus du tiers des votants (17% en 2018) ; et le premier ministre hongrois Viktor Orban qui attire 52% de ses compatriotes, dix ans après son arrivée au pouvoir. Quelles que soient leurs arrière-pensées, ces trois là incarnent un rejet affiché de Bruxelles, qui le leur rend bien.

Certes, les socialistes Frans Timmermans et Pedro Sanchez ont aussi quelques raisons de se réjouir pour leurs scores respectifs aux Pays-Bas et en Espagne. Mais, outre que le reste de leur famille politique est littéralement en capilotade, les deux hommes pourraient bien se retrouver très vite face à face. Car le second n’a toujours ni gouvernement, ni majorité, et donc encore moins de budget – c’est en présentant son projet de loi de finances qu’il est tombé, en février dernier. Or la Commission dans laquelle officie le premier (il souhaite même bientôt la présider) va renouer avec sa vigilance austéritaire, maintenant que l’échéance électorale est passée.

Après le divertissement électoral, les choses sérieuses reprennent

Cela ne concerne pas seulement Madrid, mais à très brève échéance Rome, que le commissaire sortant Pierre Moscovici vient à nouveau de menacer. Bref, après le divertissement électoral, les choses sérieuses reprennent. Et il n’est pas sûr que l’actuel « mercato » à suspense visant à désigner les futurs pontes bruxellois suffise à alimenter l’amour présumé des citoyens pour l’« idée européenne ».

Certainement pas, en tout cas, du côté des salariés de GE-Belfort, et de tous ceux qui sont menacés par l’après-européennes et ses vagues de licenciements.

De véritables vagues, cette fois.

Pierre Lévy

 

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Deuxième émission du Point de Ruptures : que se cache-t-il derrière « le populisme » ?

Par : pierre — 17 juin 2019 à 21:06

Votre mensuel a lancé début juin une chaîne vidéo qui propose chaque quinzaine une émission, Le point de Ruptures, balayant l’actualité européenne.

La deuxième émission vient d’être mise en ligne : Pierre-Yves Rougeyron, Etienne Chouard et Pierre Lévy débattent du « populisme » après les élections européennes : réalité, ou concept fourre-tout trompeur ?…

Cette deuxième émission est complémentaire à l’édition du mensuel qui sera chez les abonnés fin juin, avec des analyses complètes sur le sommet des Vingt-huit des 20 et 21 juin.

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L’équipe de Ruptures a décidé de consacrer des moyens importants à la production de l’émission. Or le journal n’a d’autres ressources que le produit des abonnements. Pour aider à financer cet investissement, le moyen le plus efficace est de s’abonner sans attendre !

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L’édition de juin de Ruptures est parue

Par : pierre — 23 juin 2019 à 15:15

Ruptures n°87 est arrivé chez les abonnés le 28 juin (cependant, dans certaines régions, la poste semble avoir un retard de distribution)

Au sommaire :

– l’éditorial qui revient sur le « grand marchandage » qui voit s’affronter les dirigeants européens à propos des futures plus hautes nominations à Bruxelles : au-delà des petites manœuvres transparaissent les contradictions qui conduisent au délitement de l’UE

– une analyse de la libéralisation de la production sucrière (fin des quotas et des prix garantis), décidée par l’UE en 2005, achevée en 2017, et qui a désormais des conséquences catastrophiques, tant agricoles qu’industrielles et sociales

– un compte rendu du Conseil européen des 20 et 21 juin, au cours desquels les Vingt-huit n’ont pu s’accorder sur le nom du futur président de la Commission européenne et des autres dirigeants de l’UE ; mais qui a en revanche avalisé les « recommandations » de Bruxelles aux Etats membres

– une analyse de ces « recommandations » qui encadrent, corrigent et orientent les politiques économiques nationales, avec un focus sur celles adressées à Paris

 – une analyse des élections fédérale et régionales qui se sont déroulées le 26 mai en Belgique, et qui ont été marquées par le recul de tous les partis installés ainsi que par la forte progression du Vlaams Belang. Si aucune coalition ne peut être formée, l’existence même du pays pourrait être menacée

– une analyse du scrutin au Danemark, où les sociaux-démocrates reviennent au pouvoir, alors que leur parti a légèrement reculé. Ils doivent néanmoins leur victoire à leurs promesses d’une politique migratoire toujours plus stricte, et de la fin de l’austérité

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves…

Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

 

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La Cour de Luxembourg bloque une réforme de la justice polonaise

Par : pierre — 27 juin 2019 à 10:22

Le jugement était attendu. Le 24 juin, la Cour européenne de justice (CEJ) a rendu un verdict donnant raison à la Commission européenne contre la Pologne. Bruxelles avait attaqué Varsovie à propos d’une réforme qui abaissait notamment l’âge de la retraite pour les magistrats siégeant à la Cour suprême polonaise (CS). Les membres de celle-ci devaient donc bénéficier d’un repos bien mérité à 65 ans pour les hommes, à 60 ans pour les femmes.

Pas question, ont tranché les juges de la CEJ. Ceux-ci ont estimé que la réforme était en infraction avec le droit européen.

Dans le contexte, il ne s’agit pas du énième arrêt des juges de Luxembourg bloquant une avancée sociale. Les juges de l’UE évoquent cette fois une atteinte à l’indépendance de la justice polonaise. Car le but caché du gouvernement serait de se débarrasser des magistrats de la Cour suprême en désaccord avec le parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS, droite conservatrice), affirme la CEJ. C’est du reste aussi l’opinion de la présidente de la CS, Malgorzata Gersdorf, elle-même touchée par la limite d’âge, mais qui entend rester à son poste. Varsovie avait du reste admis récemment le maintien de celle-ci.

Le verdict s’appuie notamment sur le fait que, selon une des dispositions de la réforme votée en juillet 2017 (photo), le président de la République se voit reconnaître le droit de prolonger le service des juges au-delà de l’âge prévu. La CEJ y voit une prérogative discrétionnaire, et donc une menace sur l’indépendance de la justice polonaise par rapport à l’exécutif.

Le gouvernement polonais a dénoncé un jugement s’immisçant dans l’organisation interne des institutions du pays

Le gouvernement polonais a immédiatement dénoncé un jugement s’immisçant dans l’organisation interne des institutions du pays, un domaine sur lequel l’UE n’a en principe pas de mandat. Cette indignation est parfaitement légitime. D’autant que la réforme vise officiellement à aligner l’âge de la retraite des juges de la CS sur le droit commun.

Hélas, l’argumentaire du PiS a rajouté des arguments douteux. Il a en particulier insisté sur le fait que la réforme permettrait d’écarter des juges nommés « du temps du communisme » et soupçonnés d’en être nostalgiques.

Une telle affirmation signifie – en fait, confirme – que le gouvernement reconnaît vouloir se débarrasser de certains juges, non à propos de reproches quant à l’exercice de leur fonction, mais bien sur la base de leurs opinions présumées.

On notera que ce point n’a nullement été relevé par la CEJ. Plus généralement, les dirigeants de l’UE ne voient rien à redire quand le gouvernement d’un Etat membre proclame sans fard vouloir se livrer à une chasse aux sorcières vis-à-vis des « nostalgiques du communisme ». C’est du reste le cas depuis belle lurette non seulement en Pologne mais aussi dans un certain nombre de pays d’Europe orientale. Cela n’est manifestement pas contraire au droit européen, ni aux « valeurs » dont Bruxelles se rengorge tous les matins.

En développant cet argument, les dirigeants polonais se tirent cependant une balle dans le pied : ils valident l’accusation de la CEJ selon laquelle leurs motivations relèvent de l’arbitraire politique.

Réformes demandées

Naturellement, la Commission européenne s’est immédiatement réjouie du verdict de Luxembourg, en soulignant que « l’existence d’une confiance mutuelle entre les pays membres » en matière de système judiciaire dépend de l’« indépendance » de chacun d’entre eux.

Dans ses « recommandations», la Commission demande par ailleurs à la Pologne de prendre « des mesures visant à relever l’âge effectif de la retraite »… pour tout le monde

La Commission s’est en revanche bien gardée de faire référence aux « recommandations » qu’elle a adressées aux pays membres début juin. Ces « recommandations » constituent en fait la feuille de route permettant à Bruxelles de surveiller, contrôler et orienter les politiques nationales en matière budgétaire, économique mais aussi de « réformes ». Elles rentrent dans le cadre de la « gouvernance » intrusive mise en place à partir des années 2010, et qui vient renforcer les contraintes imposées par le Pacte de stabilité.

Ces « réformes » doivent être « accélérées », tel a été cette année le leitmotiv de Bruxelles. Dans le document adressé à la Pologne, celle-ci se voit par exemple sommée de prendre « des mesures visant à relever l’âge effectif de la retraite ».

Pour tout le monde, juge ou pas…

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Braises et fumées (éditorial mis à jour après les nominations)

Par : pierre — 1 juillet 2019 à 13:31

Ca y est : à l’issue d’un Conseil européen qui se sera étalé sur près de trois jours, et après de laborieuses négociations en coulisses, les Vingt-huit se sont mis d’accord sur leur « casting de rêve ». L’affiche comprend surtout des responsables politiques qui apparaissaient en fin de carrière.

L’Allemande Ursula Von der Leyen (60 ans) devrait présider la Commission européenne à partir du 1er novembre. Angela Merkel offre à l’UE son actuelle ministre de la Défense, peu populaire outre-Rhin, et qui était fragilisée à ce poste après diverses bévues, scandales et déclarations peu adroites. Mme Von der Leyen est une fervente supporter de l’OTAN, et rêve des Etats-Unis d’Europe…

Le Belge Charles Michel, désigné comme futur président du Conseil européen (à partir du 1er décembre), n’est certes pas, lui, atteint par l’âge de la retraite. Mais il vient de subir une double défaite aux élections fédérales belges du 26 mai. Tant son parti, le Mouvement réformateur (libéral), que toutes les formations du gouvernement de coalition qu’il dirigeait ont subi de sévères déroutes. Ses chances de retrouver un poste de premier plan dans son pays étaient quasiment nulles.

A 63 ans, la patronne du FMI, la Française Christine Lagarde devrait prendre la tête de la Banque centrale européenne. Celle qui avait commencé sa carrière par vingt-cinq ans dans un des plus importants cabinets d’affaires américains avant de devenir ministre à Paris, puis de diriger le FMI de Washington, va désormais rempiler à Francfort. Les Grecs, qui n’ont pas oublié la Troïka, seront ravis.

Enfin, l’Italienne Federica Mogherini, qui chapeautait la « diplomatie » de l’UE, sera remplacée par le socialiste espagnol Josep Borrell, 72 ans, ancien président de l’europarlement, et actuel chef de la diplomatie dans le gouvernement provisoire à Madrid. Une fonction dans laquelle il a récemment qualifié la Russie de « vieil ennemi » qui « redevient une menace ».

Ce vaste mercato a une apparence : un complexe marchandage où presque tous les coups sont permis – retournements, bluff, pressions, alliances et trahisons ultimes. Ce « Game of throne » passionne l’euro-bulle autant qu’il indiffère les citoyens des différents pays. Au passage, si les dirigeants avaient voulu détruire la légende que leurs communicants ont désespérément tenté de bâtir avant et après les élections européennes – une UE qui reconquiert l’amour de ses citoyens grâce à une proximité et une transparence toujours plus palpables – ils ne s’y seraient pas pris autrement. Un mois plus tôt, les mêmes chantaient sur tous les tons aux électeurs qu’enfin, cette fois-ci, leur voix compterait.

Le 20 juin, les candidats respectifs des trois premiers partis européens avaient été déclarés disqualifiés, faute de consensus au Conseil. En particulier, le poulain d’Angela Merkel a été barré par Emmanuel Macron, qui n’en voulait à aucun prix mais qui n’a pas manqué d’appeler de ses vœux la chancelière à se présenter elle-même, sachant pertinemment que celle-ci avait exclu cette hypothèse. A l’europarlement, les chefs de groupe n’ont certes pas abouti à proposer une candidature commune, mais une « super-grande coalition », à quatre, se prépare pour élargir la majorité sortante, trop affaiblie, qui était « seulement » composée de la droite classique et des sociaux-démocrates. Voilà qui enchanterait sûrement le « citoyen européen » si ce dernier existait…

Mais, derrière ce rideau de fumée, ce mercato a une réalité : l’émergence d’une Union européenne toujours plus minée par les contradictions d’intérêts. Car si on peut se désintéresser des petites manœuvres, cela n’interdit pas d’élucider ce que celles-ci recouvrent au fond. Certes, l’intégration européenne ne s’est jamais faite sans frictions. Mais en particulier depuis 2004 – l’élargissement de quinze à vingt-cinq Etats membres – puis 2008 – la mise en place du traité de Lisbonne – le problème des élites dirigeantes européennes a changé de nature : l’UE est désormais en phase de délitement, même si nul ne peut en prévoir l’échéance, et dont le Brexit est le signe avant-coureur.

Si peu de choses séparent la plupart des dirigeants sur le plan idéologique – chrétiens-démocrates, sociaux-démocrates, libéraux, Verts, voire « gauche radicale » (sic !) clament tous, à des degrés divers, leur foi en l’aventure européenne à laquelle « il n’y a pas d’alternative » – les différences d’intérêts entre pays émergent désormais plus crûment, dans tous les domaines : économique, social, industriel, commercial, démographique, migratoire, sans parler des cultures politiques si dissemblables, forgées par l’histoire et la géographie. Autant de domaines qui ont dessiné les affrontements de ces dernières années entre pays de l’ouest et de l’est, du nord et du sud, entre petits et grands, entre inconditionnels de Washington et nostalgiques de Barack Obama…

Les différences d’intérêt ne sont pas un problème en soi. Elles peuvent refléter des complémentarités, fournir la matière de coopérations, faire l’objet de négociations diplomatiques entre pays souverains. Elles le deviennent en revanche dès lors qu’il s’agit de faire rentrer tout le monde de force dans le même moule intégré. C’est bel et bien l’exigence centrale des traités – « une union toujours plus étroite » – qui a semé les graines des divisions, des antagonismes, des conflits. Et le temps n’est plus où le « couple franco-allemand » pouvait assurer la discipline au sein d’instances policées. Encore moins depuis que les contentieux s’accumulent entre Berlin et Paris.

Au-delà de la tragi-comédie qu’on pourra au choix trouver réjouissante ou insipide, les dirigeants de l’UE font face à un processus de désintégration que les braises des colères populaires pourraient bien un jour accélérer.

La fumée ne sera pas forcément toujours blanche.

 

Pierre Lévy

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Troisième émission du Point de Ruptures : quatre décennies de déstructuration nationale… et l’Europe ?

Par : pierre — 1 juillet 2019 à 17:39

Votre mensuel a lancé début juin une chaîne vidéo qui propose chaque quinzaine (hors période estivale) une émission, Le point de Ruptures, balayant l’actualité européenne.

La troisième émission vient d’être mise en ligne : Quatre décennies de déstructuration nationale… et l’Europe ?

A partir d’un passionnant essai de l’historien Pierre Vermeren (La France qui déclasse – Les Gilets jaunes, une jacquerie du XXIème siècle) – ce dernier dialogue avec Etienne Chouard et Pierre Lévy sur les mécanismes, les responsabilités et les choix politiques qui ont désindustrialisé le pays, et souvent désertifié des pans entiers du territoire.

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Ursula von der Leyen confirmée à la tête de la Commission européenne : la boucle est bouclée ?

Par : pierre — 17 juillet 2019 à 17:14

Elle ne sera donc pas chancelière – une perspective jadis crédible, mais qui avait pâli depuis quelques années. Pas non plus Secrétaire général de l’OTAN, un poste pour lequel son nom circulait dans les milieux de l’Alliance atlantique, sans doute parce qu’elle a été le premier ministre allemand de la Défense ayant accru le budget militaire (+40% en six ans).

C’est finalement la présidence de la Commission européenne qu’Ursula von der Leyen a obtenue. Après de laborieux marchandages, elle avait été désignée à ce poste par le Conseil européen du 2 juillet sur l’initiative conjointe d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel. Le 16 juillet, elle a été confirmée dans cette fonction par un vote de l’europarlement. Elle prendra ses fonctions en novembre.

Elle a obtenu 383 voix, soit seulement neuf de plus que la majorité absolue qui lui était nécessaire. Elle aurait théoriquement pu compter sur 444 votes, si les eurodéputés des trois groupes qui la soutenaient officiellement avaient tous voté en sa faveur. Un échec était cependant très peu probable, tant il aurait déclenché une crise institutionnelle inextricable.

Depuis deux semaines, la bulle bruxelloise jouait à se faire peur

Mais, depuis deux semaines, la bulle bruxelloise jouait à se faire peur. Car beaucoup, au sein de l’Assemblée de Strasbourg, n’ont pas digéré l’humiliation infligée par le Conseil. Celui-ci avait en effet jeté aux orties la méthode revendiquée par les europarlementaires selon laquelle le candidat présenté par la formation arrivée en tête aux élections européennes devait prendre la tête de la Commission. Sous pression de Paris notamment, Manfred Weber, le champion du Parti populaire européen (PPE, droite, auquel appartient Mme von der Leyen) avait pourtant été écarté.

Au sein même de cette formation, de nombreux grincements s’étaient alors fait entendre. La colère était forte également chez les sociaux-démocrates européens, qui avaient un temps cru pouvoir pousser en avant leur propre candidat. Et la Danoise Margrethe Vestager, Commissaire star à Bruxelles, portait les espoirs des Libéraux.

Du coup, depuis le 3 juillet, Mme von der Leyen n’a pas épargné sa peine pour consoler et séduire les uns et les autres. Intervenant finalement juste avant le vote, elle a beaucoup promis : une Europe « plus sociale », avec un salaire minimum, et qui créée plus d’emplois pour les jeunes ; plus d’efforts pour la santé, l’éducation, et contre la pauvreté ; une lutte contre les violences faites aux femmes ; le sauvetage des migrants en mer ; un engagement « sans transiger » en faveur de l’ « Etat de droit »…

Bien sûr – c’est désormais une exigence idéologique majeure des élites oligarchiques de l’UE – sa première priorité sera « l’urgence climatique »

Et bien sûr – c’est désormais une exigence idéologique majeure des élites oligarchiques de l’UE – sa première priorité sera « l’urgence climatique », sous la forme d’un « green deal européen », et moyennant un nouveau durcissement des objectifs de réduction de CO2. Elle a ainsi plaidé pour la « neutralité carbone » (mais certainement pas géopolitique…) d’ici 2050.

Cela n’a pas suffi au groupe des Verts pour la soutenir. Son co-président, Philippe Lamberts, s’est plaint d’avoir été « relégué en bout de table puis finalement écarté » dans les négociations initialement engagées en vue d’une « grande coalition » à quatre. « Nous sommes une force politique respectable, nous avons été traités de manière insultante », s’est indigné M. Lamberts.

Mme von der Leyen s’est également dite prête à accepter un nouveau recul de la date de sortie du Royaume-Uni, si Londres le demande (ce qui n’est en aucune manière le cas), se faisant huer au passage par nombre d’eurodéputés britanniques.

Finalement, elle a réussi à rallier certaines voix venues du groupe des « Conservateurs et réformistes européens » (ECR) où siègent notamment les ultraconservateurs au pouvoir en Pologne (PiS) – Angela Merkel serait discrètement intervenue auprès de Varsovie, selon certaines sources – ainsi, plus étonnant encore, que de certains eurodéputés du Mouvement cinq étoiles italien.

Fiction grotesque

Pour les familiers de Bruxelles et Strasbourg, la séquence était passionnante. En revanche, elle a évidemment laissé de marbre l’écrasante majorité des citoyens des différents pays de l’UE. D’autant que le spectacle était affligeant et pathétique : les différentes promesses prodiguées par la future patronne ressemblaient à celle d’un « gouvernement » en début de mandat. Une fiction grotesque.

Le choix de Mme von der Leyen est sans grande influence sur les contradictions explosives auxquelles l’UE est confrontée depuis quelques années, et qui ne peuvent que s’aggraver.

Dans ces conditions, le choix de la personnalité finalement élue – forcément au sein d’un panel idéologiquement homogène, en tout cas fidèle à la « foi européenne » – n’a qu’une importance limitée. Il est sans grande influence sur les problèmes et contradictions explosives auxquels l’UE est confrontée depuis quelques années, et qui ne peuvent que s’aggraver.

Ainsi, le thème de l’arrivée des migrants continuera à susciter controverses et antagonismes entre pays membres. La crise économique pourrait rebondir et resurgir dans la prochaine période, d’autant que la première puissance économique de la zone voit sa croissance caler.

Les oppositions entre gouvernements partisans d’une orthodoxie budgétaire stricte (dont Mme von der Leyen constitue un beau spécimen) et ceux accusés par ces derniers de laxisme devraient s’aiguiser, notamment au sein de la zone euro.

Et certains gouvernements de l’Est devraient continuer à jouer les frondeurs en matière d’« Etat de droit », narguant ainsi leurs homologues occidentaux – sans toutefois déclencher de guerre ouverte, tant les fonds en provenance de Bruxelles restent importants pour Varsovie ou Budapest.

A ce sujet, les négociations en vue du futur budget pluriannuel de l’UE (2021-2027) ne vont pas manquer d’être explosives, a fortiori avec l’ardoise que devrait laisser le Royaume-Uni en sortant…

Toutes ces bombes à retardement reflètent en réalité la contradiction majeure fondamentale : celle qui ne cesse de croître entre les partisans d’une « Europe plus juste et plus unie » (selon les termes de la future chef de Bruxelles)… et les peuples qui, de manière plus ou moins consciente, sentent que « l’aventure européenne », par sa nature même, ne mène qu’à plus de casse sociale et à la confiscation de la démocratie.

Les dirigeants sont parfois victimes de leur propre propagande

Mme von der Leyen veut aller toujours plus loin dans l’intégration, par exemple en proposant une « conférence » sur l’avenir institutionnel de l’UE (comme demandé par Emmanuel Macron), ou bien en abandonnant la règle de l’unanimité en matière de politique étrangère. Peut-être même croit-elle que cela répond à une attente populaire. Après tout, les dirigeants sont parfois victimes de leur propre propagande, un peu comme George W. Bush imaginait que les boys seraient accueillis avec enthousiasme à Bagdad. On connaît la suite.

En 2014, l’actuel président, Jean-Claude Juncker, avait lancé son mandat en martelant que sa Commission serait celle « de la dernière chance ». Sous son règne, les crises n’ont pas manqué. Il n’y avait pas eu d’Allemand à la tête de la Commission européenne depuis Walter Hallstein, qui inaugura ce poste lors de la fondation de la CEE, en 1958. Qui sait si, par une facétieuse ruse de l’Histoire, Ursula von der Leyen ne sera pas, finalement, la dernière à l’occuper, avant liquidation ?

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La CPI acquitte Laurent Gbagbo, et publie un jugement qui contredit la propagande occidentale

Par : pierre — 20 juillet 2019 à 12:12

L’événement est passé assez inaperçu. Il est pourtant d’une grande importance, et constitue un lourd désaveu du camp occidental : la Cour pénale internationale (CPI) a acquitté l’ancien chef d’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, ainsi qu’un de ses proches. Les deux hommes étaient accusés de « crimes contre l’humanité ».

Le verdict était connu depuis plusieurs mois, mais le 16 juillet, les juges ont publié le détail de leur jugement motivé. Celui-ci sonne comme un désaveu cinglant de ceux qui avaient militairement soutenu le rival de M. Gbagbo à l’élection présidentielle de décembre 2010.

Bref retour en arrière : à l’issue du second tour de ce scrutin, le Conseil constitutionnel de la Côte d’Ivoire avait déclaré le président sortant réélu. Mais, sur fond d’histoire mouvementée et de conflits exacerbés dans les années précédentes, son adversaire s’est également proclamé élu, s’appuyant sur les décomptes d’une Commission électorale indépendante.

En 2011, à Paris, Londres, Bruxelles et Washington, l’air du temps est à la canonnière

La « communauté internationale » accuse alors le président sortant de fraudes. L’Union européenne menace le pays de sanctions si Laurent Gbagbo ne quitte pas ses fonctions. La tension croît et dégénère en conflit armé en février 2011. C’est également le moment où les Occidentaux – France et Royaume-Uni, soutenus par les Etats-Unis – interviennent militairement en Libye pour « protéger » le peuple de ce pays en cachant à peine leur objectif : se débarrasser du colonel Kadhafi. A Paris, Londres, Bruxelles et Washington, l’air du temps est à la canonnière.

En Côte d’Ivoire, la préférence occidentale va de soi. D’un côté, Laurent Gbagbo, longtemps membre de l’Internationale socialiste, est de plus en plus mal vu par les dirigeants du « monde libre » qui le qualifient de « nationaliste ». En clair, ils le soupçonnent de vouloir préserver les richesses nationales, et donc de ne pas faire preuve d’assez de compréhension pour les intérêts des firmes européennes, françaises en particulier (la Côte d’Ivoire a longtemps été une colonie française).

De l’autre, Alassane Ouattara, une économiste formé notamment à l’université américaine de Pennsylvanie, et qui entra en 1968 au Fonds monétaire international (FMI). En novembre 1984, il prend la direction du département Afrique de cette institution. Accessoirement, il épouse une riche femme d’affaires peu après : la cérémonie a lieu à Paris, avec, parmi les amis, Martin Bouygues, un des plus puissants oligarques français (bâtiment et télécommunications).

C’est donc peu dire que M. Ouattara fait figure de candidat des Occidentaux. En mars 2011 donc, les combats s’intensifient entre les deux camps. Discrètement soutenues par le détachement de l’ONU, les forces pro-Ouattara, qui ne lésinent pas sur les exactions, pénètrent dans la capitale administrative, Yamoussoukro.

Et le 11 avril, elles assiègent puis font prisonnier Laurent Gbagbo et ses proches. Sous couvert de l’ONU, les troupes françaises leur prêtent une aide discrète mais décisive, selon de nombreux témoignages.

Le président sortant – qui continue à proclamer sa légitimité – est alors transféré à prison internationale de La Haye dans l’attente du procès que prépare la CPI. C’est donc le résultat de celui-ci, huit ans plus tard, qui vient d’être rendu public.

Déconvenue pour les Occidentaux

Première déconvenue pour les Occidentaux, le président de la Chambre, l’Italien Cuno Tarfusser, affirme qu’un procès n’est pas fait « pour juger l’Histoire d’un pays », et qu’il n’a nullement le droit de « prendre position sur la responsabilité morale ou politique » des accusés.

Selon les juges, le procureur s’est basé sur « un récit manichéen et simpliste »

Par ailleurs, l’accusation formulée par le procureur, selon laquelle ceux-ci auraient mis en œuvre une stratégie visant massivement les civils favorables à M. Ouattara, repose, selon deux des trois juges, sur « des bases incertaines et douteuses, inspirées par un récit manichéen et simpliste ». Dans les mille pages d’attendus, on peut lire que « rien ne permet de penser que Laurent Gbagbo aurait refusé de se retirer parce que son plan était de rester au pouvoir à tout prix ». Ce qui était précisément la thèse autour de laquelle s’est organisée l’intense propagande déployée à l’époque par les médias dominants, en France en particulier.

Au contraire, notent les juges, les forces loyalistes étaient confrontées à « une guérilla urbaine », et étaient en position défensive. Le texte du jugement souligne en outre la non-neutralité des forces onusiennes (dont le mandat n’était pourtant pas de prendre parti), et évoque même la présence de tanks français tirant sur les soldats restés fidèles au président.

le procureur a pris « de premiers contacts avec certains témoins »… avant même d’avoir été légalement autorisé à enquêter

Enfin, une révélation s’avère particulièrement gênante pour ceux qui rêvaient de mettre en scène une justice internationale sanctionnant de manière impartiale un auteur de crimes contre l’humanité (crimes dont la réalité a été finalement démentie). Selon les juges, le procureur a pris « de premiers contacts avec certains témoins »… avant même d’avoir été légalement autorisé à enquêter. Une entorse plutôt problématique pour tous ceux qui – à commencer par l’Union européenne – ne cessent de se draper dans l’« Etat de droit ».

On ne peut que se réjouir que des juristes professionnels et intègres aient refuser de jouer le rôle que les dirigeants américains et européens voulaient leur attribuer. Mais si Laurent Gbagbo a été libéré de prison, il reste en résidence surveillée à Bruxelles, au cas où le procureur ferait appel. Surtout, il y a une énorme disproportion entre les tombereaux de propagande occidentale déversés en 2011, justifiant une intervention militaire à peine déguisée, et la discrétion médiatique quant au démenti qui a été finalement apporté à celle-ci.

La CPI avait été créée en 2002 pour légitimer le « droit d’ingérence », concept dont le but réel est de subordonner la souveraineté des Etats au bon vouloir de ladite « communauté internationale », c’est-à-dire des élites mondialisées.

Au-delà de l’honnêteté de quelques juges, qu’il faut saluer, il faut aussi et surtout remarquer que le monde qui s’esquissait « unipolaire » au tout début du siècle, a, depuis lors, quelque peu changé…

 

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CETA : vrais dangers, faux arguments

Par : pierre — 26 juillet 2019 à 12:04

Le 23 juillet, l’Assemblée nationale française votait en faveur de la ratification du CETA, l’accord de libre échange signé en octobre 2016 entre le Canada et l’Union européenne. Le scrutin parlementaire fut plus serré que prévu : les oppositions, de droite comme de gauche, ont largement refusé le texte. Et au sein même de la majorité des députés fidèles à Emmanuel Macron, une cinquantaine s’est abstenue, et une dizaine a même voté contre.

Le Sénat, ne s’est pas encore prononcé, mais il n’est pas sûr que le vote soit favorable au traité. L’Assemblée nationale aura cependant le dernier mot. Plus généralement, le CETA doit être ratifié par les Parlements de tous les Etats membres pour entrer complètement en vigueur. Il est vrai qu’une clause subtile a prévu qu’il soit appliqué même avant cette ratification (quand il s’agit des intérêts des grands groupes européens, on trouve toujours des accommodements avec l’« Etat de droit »). De fait, il fonctionne déjà provisoirement depuis septembre 2017.

Cependant, si un Parlement national devait se mettre en travers de la route, c’est tout le traité qui tomberait par terre, et avec lui les dix ans de négociations entre Ottawa et la Commission européenne. Car il faut rappeler que cette dernière détient l’exclusivité des pouvoirs de négociation commerciale entre l’UE et des pays tiers. Les Etats membres ne peuvent qu’approuver à la fin du processus.

Ou refuser. Ce « risque » existe désormais pour l’oligarchie européenne. Dans ce contexte, l’on pourrait donc se réjouir que les députés français aient traîné les pieds, ce qui annonce peut-être des problèmes dans d’autres pays.

L’argumentation employée par beaucoup de parlementaires, de droite comme de gauche, évitait de faire porter le débat sur l’essentiel

Sauf que, hélas, l’argumentation employée par beaucoup de parlementaires, de droite comme de gauche, s’appuyait sur des arguments secondaires voire discutables, et évitait donc de faire porter le débat sur l’essentiel. Si les menaces pour certains agriculteurs (les éleveurs, par exemple) ont été légitimement évoquées au travers des risques sur l’effondrement des prix, ce sont surtout les arguments environnementaux qui ont été mis en avant.

A entendre certains, l’accord aurait été « mal » négocié, il manquerait des garanties et des garde-fous pour l’environnement. Pourtant, là n’est pas la question essentielle. C’est son principe même qui est intrinsèquement néfaste, puisqu’il repose sur la volonté avouée de promouvoir le libre échange.

Certes, il n’est pas condamnable que les pays commercent entre eux. Mais le libre échange tend vers autre chose : vers la libre circulation – c’est-à-dire sans droits de douane, sans taxe, sans contrôle, sans restriction – des marchandises et des services, de même que des capitaux et de la main d’œuvre. Cette quadruple « liberté », inscrite dans les traités européens depuis l’origine, constitue l’essence même de la mondialisation.

Naturellement, il ne manque pas de rapports « prouvant » que la libéralisation des échanges créera tant de milliers d’emplois (nul n’a jamais vu le détail des calculs). La réalité est que cette libéralisation est le carburant des grandes firmes et des multinationales, et se fait par nature au détriment des salariés et des peuples.

Deux raisons fondamentales

On peut citer deux raisons fondamentales de la nocivité intrinsèque du libre échange. La première se résume en un mot : dépendance. Avec la destruction progressive des barrières commerciales se sont multipliées sous-traitance et délocalisations – pour des raisons de prix du travail, en particulier. D’autre part, les pays les moins développés restent dépendants des technologies et du bon vouloir des groupes occidentaux.

Plus généralement, les chaînes de valeurs sont de plus en plus imbriquées. Conséquence : si un pays décide de ne plus jouer le jeu, des pans économiques entiers peuvent être déstabilisés. C’est d’ailleurs un des arguments des adversaires du Brexit : les grands groupes automobiles (allemands par exemple) risquent de perdre gros si est remis en cause la pratique du « juste à temps » par des contrôles aux frontières.

Un autre exemple, pas assez connu, se trouve du côté de l’industrie pharmaceutique. Il y a encore trois décennies, 80% des médicaments consommés sur le Vieux continent étaient produits sur place. Désormais, c’est seulement… 20%. Avec des ruptures d’approvisionnement et donc des conséquences dramatiques pour le traitement de certaines maladies.

Quand on importe du Coca-Cola, on reçoit aussi, sans limitation, du Disneyland

L’autre raison est plus fondamentale encore : dès lors que se généralise le libre échange, ce ne sont pas seulement des biens qui arrivent, mais aussi des cultures, des modes de vie, des manières de comprendre le monde et la société.

Pour résumer à l’aide d’un exemple : quand on importe du Coca-Cola, on reçoit aussi, sans limitation, du Disneyland. Faut-il préciser que la « culture américaine », d’Hollywood à Disney, est une des armes majeures de l’hégémonie US, peut-être plus puissante encore que son armada militaire ?

Bien sûr, l’échange entre les cultures est positif et souhaitable. Mais chacun comprend bien qu’il ne s’agit pas ici d’« échange » équilibré, mais d’influence massive et à sens unique.

Un « levier » pour promouvoir « nos valeurs »…

Un exemple connu concerne les normes comptables : la conception américaine de l’entreprise et des affaires, de même que les modes de gestion qui prévalent chez l’Oncle Sam se sont imposés en France dès lors que les autorités ont accepté d’adopter le système comptable américain – du moins, cela y a fortement contribué.

Les dirigeants le déclarent du reste ouvertement : une intégration européenne plus poussée, et donc la force que celle-ci donnerait aux exportations (et donc aux normes) de l’UE serait un « levier » pour imposer « nos valeurs » partout dans le monde.

Est-ce vraiment de cela dont les peuples ont besoin ?

 

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En Italie, un attelage gouvernemental improbable va faire « le sale boulot » requis par Bruxelles

Par : pierre — 9 septembre 2019 à 15:05

Les députés italiens devraient voter, lundi 9 septembre au soir, la confiance au nouveau cabinet dirigé par Giuseppe Conte. Le lendemain, les sénateurs feront sans doute de même. Mais la Ligue et son leader, Matteo Salvini, pourraient bien tirer profit de la nouvelle configuration.

La crise politique italienne couvait depuis de nombreux mois. Elle a éclaté le 8 août, lorsque Matteo Salvini, chef de la Ligue et à ce moment ministre de l’Intérieur, a annoncé son coup d’éclat. Elle a finalement connu son dénouement le 5 septembre, avec l’annonce d’un gouvernement s’appuyant sur une nouvelle coalition, rebattant ainsi les alliances politiques.

Ce cabinet, très différent du précédent même s’il est à nouveau dirigé par Giuseppe Conte, va donc se mettre au travail dès le vote de confiance des députés puis des sénateurs. Les parlementaires – nombreux – qui redoutaient de perdre leur siège à la faveur d’élections anticipées, de même que les dirigeants européens et les forces pro-UE en Italie, ainsi que les marchés financiers (qui ont rebondi dès que fut confirmée la mise en place du nouvel exécutif), ont poussé un immense soupir de soulagement. Mais la plupart de ces forces le savent bien : le répit n’est que provisoire.

Le tonitruant et populaire dirigeant de la Ligue avait, début août, joué un coup de poker en annonçant une motion de défiance contre son propre gouvernement. Il avait argué de la guérilla croissante entre les deux forces qui composaient la majorité constituée quatorze mois auparavant – une situation qui engendrait en effet nombre de blocages.

Ses anciens alliés du Mouvement cinq étoiles (M5S, fondé par le comique Beppe Grillo et catalogué populiste) de même que ses adversaires, avaient de leur côté accusé ce dernier de vouloir provoquer des élections anticipées dans le seul intérêt de son parti, en l’occurrence pour profiter de la remarquable popularité de celui-ci. Car en lui accordant 36%, 38%, voire 40% des intentions de vote, les sondages semblaient confirmer voire amplifier la spectaculaire progression de la Ligue : lors des européennes de mai dernier, celle-ci avait obtenu plus de 34% des suffrages, soit le double du score réalisé lors des législatives de mars 2018.

Matteo Salvini ne s’en est d’ailleurs pas caché, affirmant qu’un retour aux urnes constituait « la voie royale » de la démocratie, et que le pays avait besoin qu’on lui confie « les pleins pouvoirs », c’est-à-dire une majorité ne dépendant pas de partenaires réticents.

M. Conte s’est montré particulièrement dur à l’égard de Matteo Salvini, lui reprochant d’affaiblir l’Italie au sein de l’Union européenne

Lors du débat qui s’est tenu le 20 août au Sénat dans une ambiance particulièrement tendue, Giuseppe Conte, a annoncé la fin du gouvernement, rendant ainsi caduque la motion de défiance que s’apprêtait à déposer la Ligue. M. Conte s’est montré particulièrement dur à l’égard de celui qui a pris l’initiative de la rupture, lui reprochant entre autres d’affaiblir l’Italie au sein de l’Union européenne.

Une course de vitesse s’est alors engagée pour trouver une coalition de rechange afin d’éviter le retour aux urnes souhaité par M. Salvini. C’est l’ancien président du Conseil Matteo Renzi (qui est resté aussi impopulaire dans son pays qu’Anthony Blair l’est dans le sien) qui a pris l’initiative d’un improbable rapprochement entre sa propre formation, le Parti démocrate (PD, dit de « centre-gauche »), et le M5S.

Après validation par les adhérents de ce dernier, l’attelage annoncé le 29 août s’est finalement réalisé, en dépit des innombrables insultes que les deux partis se sont échangées dans les années récentes (« populistes dangereux et irresponsables » d’un côté, « corrompus et pourris » de l’autre), reflet des multiples oppositions entre une formation symbolisant la « caste politique » et un mouvement fondé à l’origine comme un « non-parti » dénonçant les turpitudes de celle-ci.

Avec cette alliance contre-nature, il est probable que la popularité du M5S se dégrade encore plus. Déjà, ce dernier avait dégringolé de 33% à 17% entre les législatives de mars 2018 et les européennes de mai 2019.

Nouveau gouvernement

Le nouveau gouvernement compte dix ministres issus de chacun des deux camps. Mais le M5S risque de s’affaiblir encore un peu plus face aux politiciens aguerris du PD. Son chef, Luigi Di Maio, hérite certes des Affaires étrangères – poste prestigieux mais hors des priorités de ce mouvement – mais n’a pas obtenu de garder le titre de vice-premier ministre. Quant à Giuseppe Conte, un économiste non encarté mais qui passait pour proche du M5S, il jouait un rôle relativement effacé dans le cabinet qu’il dirigeait jusque là. Il a désormais pris de l’autorité et de l’autonomie politiques.

Le nouveau cabinet aura comme tâche prioritaire de préparer le budget 2020, qui doit être soumis à la Commission européenne à l’automne et doit être conforme à ses règles

Pour sa part, et contrairement aux commentateurs prompts à gloser sur « l’échec de Salvini qui s’est tiré une balle dans le pied», la Ligue pourrait bien profiter de sa nouvelle position d’opposant quasi-exclusif. D’autant que le nouveau cabinet aura comme tâche prioritaire de préparer le budget 2020, qui doit être soumis à la Commission européenne à l’automne et doit être conforme à ses règles. En l’occurrence, celles-ci imposent de trouver entre 23 et 30 milliards (compte tenu des négociations antérieures entre Rome et Bruxelles), c’est-à-dire d’opérer des coupes majeures dans les budgets publics, et de renoncer aux baisses d’impôts initialement promises. En un mot, il va désormais falloir faire le « sale boulot ».

Ce nouveau gouvernement devrait également rompre avec la « fermeté » vis-à-vis des arrivées de migrants sur les côtes italiennes, fermeté sur laquelle Matteo Salvini a construit une large part de son aura. Celui-ci pourra encaisser ainsi tranquillement les dividendes d’une telle situation, tout en dénonçant par ailleurs les sordides « combinazione » des partis unis par leur seule volonté d’éviter le retour aux urnes

Certes, M5S et PD ont mis au point un programme commun comportant vingt-six points, dont la « lutte contre les inégalités », une « solution européenne au programme migratoire », ou des investissement dans l’environnement et les énergies renouvelables. Mais beaucoup d’orientations opposent en réalité les deux forces politiques. M. Di Maio répète sur tous les tons que ce gouvernement est dans la continuité et poursuivra l’action du précédent, tandis que le leader du PD, Nicola Zingaretti, explique tout au contraire que le changement et la rupture constituent le nouveau mandat de l’exécutif…

Au-delà des bisbilles prévisibles, les forces ouvertement pro-UE ont repris la main. Le nouveau ministre de l’Economie, Roberto Gualtieri, présidait la commission des Affaires économiques de l’europarlement et passe pour très apprécié à Bruxelles ; celui chargé des Affaires européennes, Enzo Amendola, est un partisan acharné de l’intégration ; surtout, on connaît désormais le nouveau Commissaire européen nommé par Rome, en l’occurrence l’ancien chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, celui-là même que les électeurs avaient chassé en mars 2018. Tous les trois sont issus du PD.

A la faveur de la crise, les forces pro-UE ont donc gagné… du temps. Mais c’est sans doute reculer pour mieux sauter

Les négociations avec Bruxelles devraient donc en être facilitées pour la préparation du budget 2020. A noter qu’en juin dernier encore (après un premier bras de fer en décembre 2018, au cours duquel Rome s’était finalement incliné), la Commission européenne avait une nouvelle fois brandi la menace d’une procédure de sanctions (officiellement pour endettement excessif), alors même que certains économistes et dirigeants proches de la Ligue travaillaient à la mise en place d’un mécanisme (« mini-bots ») qui pouvait préfigurer une sortie de l’euro…

A la faveur de la crise, les forces pro-UE ont donc gagné… du temps. Mais c’est sans doute reculer pour mieux sauter. Et les premiers test sont proches : trois élections régionales (Ombrie, Calabre, Emilie-Romagne) sont prévues en octobre et novembre.

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Brexit : et maintenant, il reste un chemin simple pour tenir l’échéance

Par : pierre — 10 septembre 2019 à 10:52

Le Royaume-Uni quittera-t-il irréversiblement de l’Union européenne le 31 octobre prochain ? Ou bien cette échéance fera-t-elle l’objet d’un ultime report de quelques mois ? Seule la conclusion est certaine : le Brexit aura bel et bien lieu. Mais la première hypothèse – une sortie à la Toussaint – est la plus probable. Pourquoi ?

Sans doute faut-il rappeler ici quelques repères. Car la « saga » que vit la Grande-Bretagne a une apparence : une incroyable succession de coups de théâtre, de rebondissements, de retournements, de coups de force, et d’interminable procédure parlementaire – une histoire à laquelle le citoyen de base ne comprend plus grand-chose ; elle a une réalité : un référendum tenu le 23 juin 2016, à l’issue duquel le peuple britannique décide de dire Bye Bye à Bruxelles, et ce face à une majorité de parlementaires qui tente par tous les moyens de faire capoter cette issue, avec le soutien de tout ce que l’Europe compte de forces opposées aux verdicts populaires.

A la question parfaitement claire (« le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? »), 51,9% des électeurs du pays ont répondu sans ambiguïté. Le 29 mars 2017, Londres a envoyé la lettre officielle concrétisant juridiquement la sortie de l’UE. En juin 2018, une large majorité de députés a dû acter le rapatriement juridique des compétences nationales, et a fixé l’échéance de la sortie au 29 mars 2019.

Mais les partisans de l’UE n’ont jamais accepté de se déclarer vaincus. La négociation d’un accord de divorce entre le Royaume-Uni et les Vingt-sept a fourni un prétexte à une guérilla dont le seul résultat fut un blocage institutionnel total. Les députés ont par exemple refusé à trois reprises de valider un projet d’accord négocié par le premier ministre d’alors, Theresa May. Mais ils ont également voté Non à… huit alternatives envisagées.

Bref, la chambre des Communes fait barrage, mais est trop divisée pour proposer une issue. En mai  de cette année, Mme May est alors poussée vers la sortie par ceux qui, au sein du Parti conservateur, considèrent que sa faiblesse – la volonté de préserver un compromis boiteux avec l’UE – n’a que trop duré.

Le 24 juillet, Boris Johnson remplace Theresa May, avec un seul mot d’ordre : mettre en œuvre le Brexit au 31 octobre, quoiqu’il arrive

Le 24 juillet, Boris Johnson la remplace, avec un seul mot d’ordre : mettre en œuvre le Brexit au 31 octobre, quoiqu’il arrive. Quitte pour cela à suspendre la session d’un Parlement paralysé et paralysant pendant cinq semaines – ce qui est inhabituel mais légal. Tant les forces pro-UE dans le pays que les médias européens dominants crient au coup de force – comme si le refus parlementaire de mettre en œuvre la volonté populaire depuis plus de trois ans n’était pas le véritable scandale…

Début septembre se forme donc formé un « front anti-Brexit » hétéroclite à Westminster, dont l’objectif officiel est d’empêcher une sortie sans accord (« no deal »), en réalité de faire capoter le Brexit. Fait sans précédent : une majorité de députés a voté pour se substituer au chef du gouvernement et forcer ce dernier à mendier un nouveau délai auprès de Bruxelles – une demande censée être examinée par le Conseil européen le 17 octobre.

Cerise sur le gâteau : les Travaillistes, qui ne cessaient de réclamer depuis deux ans des législatives anticipées comme seul moyen de résoudre la crise, ont finalement… bloqué cette voie qui nécessitait un vote de deux tiers des députés. Pour la plupart des observateurs, l’impasse paraît totale. D’autant qu’un nouveau report n’aboutirait à rien d’autre qu’à prolonger un feuilleton sans dessiner aucune issue.

S’affranchir du Parlement

Il reste désormais – parmi d’autres solutions – un chemin simple au chef du gouvernement : s’affranchir du vote du Parlement censé lui dicter sa conduite, et ne pas quémander aux Vingt-sept le énième report voulu par les députés. Les dirigeants européens ne pourront alors accorder ce dernier, et le pays sera ipso facto hors de l’UE le 31 octobre au soir. Variante : Londres transmet formellement la demande parlementaire, mais indique que le gouvernement ne soutient pas cette dernière.

Certes, on entend déjà les cris d’orfraie des uns et des autres, qui dénonceront certainement un « coup d’Etat » dans ce que la grande presse – en France comme en Allemagne, notamment – décrit comme « le berceau de la démocratie parlementaire dans l’histoire mondiale ». Mais cette voie est possible, car le seul verdict qui suivra sera celui des électeurs, puisqu’une motion de défiance sera, dans ce cas, certainement adoptée. Et, dans les semaines qui suivront, les citoyens ne devraient pas manquer de récompenser celui qui aura – après 40 mois de tergiversations – enfin réussi à trancher le nœud gordien.

Il faut « qu’on en finisse » clament non seulement les partisans de la sortie, mais également une part de ceux qui avaient voté contre cette dernière

Pour le locataire de Downing Street, suivre ce chemin est à la fois nécessaire et faisable. Et d’abord pour une raison largement sous-estimée par nombre d’analystes européens : l’immense ras-le-bol des électeurs face à un feuilleton grotesque, traumatisant et interminable. Il faut « qu’on en finisse » clament non seulement les partisans de la sortie, mais également une part de ceux qui avaient voté contre cette dernière, mais qui souhaitent que le résultat de 2016 soit respecté plutôt que de voir se prolonger la paralysie et les divisions qui s’immiscent jusque dans l’intimité des familles.

Un dernier élément doit également être pris en compte : à supposer que le premier ministre accepte de demander le report comme l’exigent les députés, rien n’indique que les Vingt-sept l’acceptent, car ils doivent se prononcer à l’unanimité. Certes, jusqu’à présent, les dirigeants de l’UE avaient une priorité : montrer que sortir de la secte UE conduisait au chaos (afin de dissuader d’autres peuples de suivre cette voie).

Mais ledit chaos s’étend désormais au-delà de la Manche. A Paris notamment, il se dit que la succession des reports finit par provoquer des incertitudes économiques menaçantes, sans apporter quelque issue que ce soit. C’était déjà ce qu’avait fait valoir Emmanuel Macron lors du sommet européen du 10 avril dernier, avant de se rallier à contrecœur à l’échéance d’octobre promue notamment par Angela Merkel.

Quoiqu’il en soit, l’essentiel est ce fait politique majeur : la volonté populaire de sortir a été exprimée en juin 2016 (et rien n’indique qu’elle se soit inversée) ; or l’époque est révolue où l’on pouvait s’asseoir sur cette dernière comme du temps des référendums français, néerlandais, mais aussi irlandais ou danois.

C’est cette réalité qu’oublient ceux qui ont les yeux rivés sur le prochain rebondissement du feuilleton, voire finissent par se convaincre que les manœuvres pourraient finalement berner le peuple britannique. Boris Johnson a assis sa crédibilité politique sur sa capacité à imposer le choix de celui-ci.

Il a désormais un chemin simple pour toucher au but.

(Les dernières infos et analyses complètes seront à retrouver dans l’édition de Ruptures prévue pour le 25 septembre)

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L’édition de Ruptures de septembre est parue

Par : pierre — 17 septembre 2019 à 18:32

Ruptures n°88 est paru le 21 Septembre.

Au sommaire :

– l’éditorial qui pointe l’inflexion de l’attitude d’Emmanuel Macron vis-à-vis de Moscou, et qui liste quelques éléments qui pourraient expliquer une volonté de dégel – celle-ci reste d’ailleurs à confirmer, tant elle suscite d’oppositions dans les cercles atlantistes

– un point sur la réforme des retraites, « recommandée » par Bruxelles, que le gouvernement veut mener à bien, mais qui provoque une mobilisation naissante – après le  mouvement des Gilets jaunes, l’Élysée craint un nouvel embrasement et est contraint à la prudence

– un état des lieux sur la nouvelle Commission européenne qui prendra ses fonctions le 1er novembre sous la présidence de l’Allemande Ursula Von der Leyen – cette dernière a présenté une architecture alambiquée reflétant les contradictions croissantes au sein de l’UE

– une analyse des perspectives du Brexit : Boris Johnson entend sortir son pays de l’UE coûte que coûte le 31 octobre avec ou sans accord avec les Vingt-sept, et ce, malgré les manœuvres politiques et embûches judiciaires que multiplie une coalition hétéroclite de députés pro-UE

 – un retour sur la situation italienne après la crise politique estivale : Giuseppe Conte a formé un nouveau gouvernement qui repose sur une coalition baroque entre Mouvement cinq étoiles et Parti démocrate, seulement unis pour écarter la Ligue du pouvoir – celle-ci pourrait profiter de cette cure d’opposition

– une analyse des deux scrutins régionaux qui ont eu lieu en Allemagne début septembre : en Saxe comme au Brandebourg, l’AfD confirme sa poussée, Die Linke s’effondre, tandis que les deux grands partis (CDU et SPD) poursuivent leur chute, ce qui fragilise encore un peu plus la « grande coalition » au pouvoir à Berlin

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Les Espagnols retourneront une nouvelle fois aux urnes

Par : pierre — 25 septembre 2019 à 16:55

C’était devenu de plus en plus probable. C’est désormais officiel : les Espagnols retourneront aux urnes, en l’occurrence le 10 novembre. Deux mois se sont en effet écoulés depuis le 23 juillet dernier, date à laquelle le premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, avait initialement tenté d’obtenir, sans succès, l’investiture parlementaire. Passé ce délai, faute de vote majoritaire des députés, la constitution impose de nouvelles élections.

Ce sera donc… le quatrième scrutin législatif depuis quatre ans. Pour comprendre ce blocage répétitif, il faut remonter aux élections de décembre 2015. Le paysage politique espagnol connaît alors un bouleversement : la domination écrasante des deux grands partis traditionnels, le Parti socialiste (PSOE) et le Parti populaire (PP, droite) est battue en brèche par l’émergence de deux nouvelles formations : Podemos, étiqueté gauche radicale, issu du mouvement social des Indignés ; et Ciudadanos, une formation initialement issue de la Catalogne mais radicalement opposée à l’indépendance de celle-ci, et qui s’est étendue à l’ensemble du pays, mettant en avant la lutte contre la corruption ainsi que le libéralisme, voire l’ultralibéralisme.

Cette quadripartition avait alors empêché la formation d’une majorité parlementaire, et provoqué un nouveau scrutin, en juin 2016. Mariano Rajoy (PP) s’était finalement maintenu à son poste en obtenant des majorités au coup par coup. Et ce n’est qu’en juin 2018 qu’il avait été renversé, de manière inattendue, par une motion de défiance parlementaire présentée par le chef des socialistes, Pedro Sanchez.

Le gouvernement minoritaire de Pedro Sanchez a tenu jusqu’à février 2019, date à laquelle son budget a été rejeté

Ce dernier a alors accédé à la présidence du gouvernement. Mais il ne disposait que sur 84 députés (sur 350). Son gouvernement minoritaire a tenu jusqu’à février 2019, date à laquelle son budget a été rejeté. De nouvelles élections, devenues inévitables, se sont alors tenues, le 28 avril dernier. Mais une nouvelle fois, la formation d’une majorité stable s’est avérée un casse-tête.

Le PSOE était certes apparu comme vainqueur du scrutin avec 28,7% des suffrages (+ 6,1 points), mais ses 123 députés étaient loin de représenter une majorité. De son côté, Podemos (avec quelques alliés) devait se contenter de 14,3% (- 6,8 points).

Ces élections avaient par ailleurs vu une chute du PP (16,7%, soit – 16,3 points), qui s’était fait plumer par ses deux partenaires potentiels de coalition : Ciudadanos (15,8%, + 2,8 points), et une nouvelle formation, nostalgique du franquisme, Vox. Cette dernière, qui surfait sur un soudain afflux de migrants et sur le rejet des indépendantismes, notamment catalan, obtenait 10,3% des suffrages.

Tractations entre le PSOE et Podemos

L’hypothèse d’une coalition de droite étant arithmétiquement écartée, les mois qui ont suivi le verdict électoral d’avril ont été marqués par des tractations entre le PSOE et Podemos. Ce dernier s’affichait prêt à constituer une coalition, mais exigeait une participation significative au gouvernement. Pedro Sanchez n’a jamais caché sa préférence pour un cabinet formé exclusivement par des ministres de son parti qui se serait appuyé sur les députés Podemos. Au cœur de l’été, il a cependant proposé trois ministères à cette formation – un geste que le leader de cette formation a jugé très insuffisant.

Pablo Iglesias, peut-être conscient qu’il a ainsi laissé passer une occasion, est revenu in extremis, mi-septembre, sur son refus. Trop tard, « la confiance a été rompue », a fait valoir M. Sanchez. Ce dernier était d’autant moins enclin à sauver la perspective d’un gouvernement avec Podemos que les deux groupes parlementaires ne suffisent pas à atteindre la majorité absolue. Pour gagner son investiture, le dirigeant socialiste devait aussi obtenir le soutien de députés autonomistes, dont les élus séparatistes de la Gauche républicaine catalane (ERC).

Or ce sont ces derniers qui l’avaient fait chuter, en février dernier, en refusant de soutenir son budget. Qui plus est, un tel soutien aurait pu fâcher une partie des électeurs socialistes hostiles à toute entente avec des séparatistes catalans. Et ce, à un moment où ce thème va refaire surface : plusieurs des dirigeants indépendantistes sont passés en procès pour avoir tenté de forcer l’indépendance de manière unilatérale (notamment avec le référendum jugé illégal d’octobre 2017). Les verdicts sont attendus prochainement.

Aux yeux des électeurs, Pedro Sanchez a probablement réussi à rejeter la responsabilité de ce nouveau retour aux urnes sur Podemos, mais aussi sur Ciudadanos

Aux yeux des électeurs, Pedro Sanchez a probablement réussi à rejeter la responsabilité du blocage, et donc de ce nouveau retour aux urnes, sur Podemos, mais aussi sur Ciudadanos : ce parti dit « centriste » avait, lui, assez de parlementaires pour former une coalition stable avec le PSOE. Et aucune divergence majeure ne sépare en réalité les deux formations. Une alliance qui aurait eu tout pour satisfaire les milieux d’affaires.

Mais le chef de Ciudadanos est resté ferme dans sa stratégie : tenter de devancer le PP, pour prendre ensuite la tête d’une coalition dite de centre-droit. Cet entêtement a provoqué une crise au sein de Ciudadanos, et pourrait bien lui coûter des voix. Le PP pourrait en revanche amorcer une remontée. Les sondages (qui n’ont pas toujours été de bons indicateurs dans le passé) prédisent par ailleurs une nouvelle chute de Podemos.

Plébiscite pour ou contre Pedro Sanchez

A ce stade, les élections du 10 novembre, dont la campagne officielle ne démarre que le 1er novembre, apparaissent comme une sorte de plébiscite pour ou contre Pedro Sanchez. Et ce dernier a quelques raisons d’espérer un résultat en sa faveur.

Certes il est improbable que les socialistes gagnent une majorité absolue. Mais, en cas de nouveau progrès, M. Sanchez pourrait se sentir légitime à diriger un gouvernement minoritaire : quel parti oserait provoquer un cinquième scrutin ?

Déjà, il est vraisemblable que les citoyens expriment un certain ras-le-bol de l’impasse actuelle en s’abstenant davantage qu’en avril. D’autant qu’aucun enjeu majeur n’oppose frontalement les forces en présence. En particulier, aucun parti ne remet en cause ni même ne critique vraiment l’Union européenne. De ce fait, la politique qui sera menée sera conforme au cadre communautaire, en particulier en matière économique et sociale.

Certes, avant le scrutin d’avril, le gouvernement minoritaire de M. Sanchez avait pris quelques mesures telles que l’augmentation du SMIC à 900 euros (+22%), l’indexation des retraites, ou la hausse des bourses étudiantes – autant de dispositions critiquées par ses adversaires comme électoralistes.

Dès lors qu’un gouvernement de plein exercice sera investi, Bruxelles ne devrait pas tarder à rappeler les règles et les contraintes budgétaires

Mais dès lors qu’un gouvernement de plein exercice sera investi, Bruxelles ne devrait pas tarder à rappeler les règles et les contraintes budgétaires. Ce ne sera du reste probablement pas nécessaire, tant les socialistes espagnols affichent fièrement leur « foi européenne ». Du reste, Josep Borrell qui détenait le portefeuille des affaires étrangères a rendu ce dernier pour intégrer la nouvelle Commission européenne qui prendra ses fonctions le 1er novembre, avec le titre de haut représentant de l’UE pour la politique extérieure. Et c’est une Espagnole qui préside désormais le groupe social-démocrate à l’europarlement (un poste traditionnellement détenu par le SPD).

Ces succès européens de M. Sanchez ne feront probablement pas oublier aux Espagnols, en particulier aux classes populaires, que le pays est loin d’avoir effacé la crise majeure des années 2010. Certes, les statistiques officielles du chômage ont diminué depuis cette période, mais elles recensent toujours 14% des privés d’emplois. Un chiffre qui sous-estime largement une réalité marquée par la précarité, la pauvreté et l’économie souterraine notamment dans les régions les plus défavorisées.

Quant à la conjoncture, elle s’annonce mauvaise dans l’Union européenne pour les mois qui viennent. Quels que soient les résultats du scrutin…

 

– L’édition de Ruptures de septembre vient de paraître (voir son sommaire). Une page est consacrée aux dernières nouvelles du Brexit. Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

–  Voir aussi les derniers développements politiques avec la décision de la Cour suprême britannique : article tout récemment mis en ligne sur ce site

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La Cour suprême britannique désavoue le premier ministre, mais sans conséquence sur le Brexit

Par : pierre — 25 septembre 2019 à 16:57

La décision de la Cour suprême britannique, rendue publique le 24 septembre, a fait l’effet d’une bombe. A l’unanimité, les onze juges ont décrété que la suspension du Parlement pendant cinq semaines, telle que l’avait décidée le premier ministre, était « illégale » et de nul effet. Ils ont ainsi inversé le verdict de la Haute Cour de Londres qui avait pour sa part jugé qu’une telle suspension relevait de la compétence politique (et donc de l’exécutif), et non du ressort judiciaire.

En conséquence, les députés britanniques sont revenus dès le 25 septembre en session, alors qu’ils avaient été mis en congés pour une pause de cinq semaines, en l’occurrence jusqu’au 14 octobre. Boris Johnson avait indiqué, pour justifier sa décision, qu’il préparait la rentrée parlementaire et le programme qu’il devait y annoncer. Et rappelé qu’une telle suspension intervient régulièrement – seule sa durée était inhabituelle.

De son côté, la présidente de la Cour suprême a argué que cette pause « a eu pour effet d’entraver la capacité du Parlement à exercer ses fonctions démocratiques, et ce, sans justification rationnelle », et que ses « conséquences sur les fondements de notre démocratie ont été extrêmes ». Une formulation maximaliste qui, prise à la lettre, laisse tout de même perplexe.

Nombre d’honorables parlementaires n’ont d’autre objectif que d’annuler le verdict populaire

Car cela fait désormais plus de trois ans que les parlementaires débattent du Brexit, sans qu’aucune majorité ne se dessine pour fixer les modalités de la sortie de l’Union européenne, une sortie décidée le 23 juin 2016 par le peuple. Les élus ont par trois fois rejeté l’accord négocié entre Bruxelles et le prédécesseur de Boris Johnson, Theresa May, et dit également Non à huit alternatives qu’ils avaient eux-mêmes imaginées. En réalité, nombre d’honorables parlementaires n’ont d’autre objectif que d’annuler le verdict populaire, à tout le moins de le vider de sa substance.

L’actuel locataire de Downing Street a également rappelé qu’entre le 14 octobre et la date prévue pour que le Royaume-Uni sorte de l’UE, le 31 octobre, les députés auraient eu à nouveau le temps de poursuivre leurs débats, sans d’ailleurs que personne n’imagine ce qui pourrait en sortir de nouveau. Début septembre, une majorité d’entre eux avait même voté un texte liant les mains du chef du gouvernement : faute d’accord trouvé avec Bruxelles d’ici le 19 octobre, cette loi contraint ce dernier a solliciter du Conseil européen un nouveau report – ce serait le troisième – jusqu’au 31 janvier.

L’arrêt de la Cour suprême aura, à moyen et long termes, des conséquences lourdes sur l’équilibre des pouvoirs – entre gouvernement, parlement et justice – dans ce pays sans constitution écrite, bien plus qu’à court terme sur le Brexit lui-même.

Johnson veut des élections

Boris Johnson a en tout cas saisi l’occasion du verdict du 24 septembre, pour en appeler à de nouvelles élections, seule manière de dénouer la situation. Le parti travailliste a défendu becs et ongles cette perspective depuis deux ans, avant… de la bloquer début septembre, de peur qu’elle ne favorise la réalisation de l’engagement de Boris Johnson : mettre en œuvre le Brexit, quoi qu’il arrive, au 31 octobre.

La date de sortie ne peut être repoussée qu’à la double condition que la partie britannique le demande, et que les chefs d’Etat et de gouvernement l’acceptent à l’unanimité

C’est la date de sortie qu’avaient fixée d’un commun accord Londres et les Vingt-sept, lors du Conseil européen d’avril dernier. Une date qui ne peut être repoussée qu’à la double condition que la partie britannique le demande, et que les chefs d’Etat et de gouvernement l’acceptent à l’unanimité. Ceux-ci se réuniront les 17 et 18 octobre.

M. Johnson a affirmé son désaccord avec l’arrêt de la Cour annulant la suspension du Parlement, tout en précisant qu’il le respecterait. Mais il a une nouvelle fois confirmé que le pays sortirait bien de l’Union européenne le 31 octobre – avec ou sans accord.

Dans l’hypothèse d’un non-accord, rien ne l’empêche par exemple – c’est une de ses possibilités – de respecter la lettre du texte le contraignant à demander formellement un report, tout en indiquant aux Vingt-sept que cette voie relancerait une situation inextricable et prolongerait une énième fois les incertitudes. Dans ce cas, il est probable que certains dirigeants européens mettront un veto à cette demande de report. Par exemple le président français, qui avait déjà exprimé sa volonté en ce sens en avril dernier, avant de se rallier in extremis à la position d’Angela Merkel.

La « souveraineté du parlement » est une bizarrerie juridico-politique, puisque c’est le peuple – et non ses représentants – qui est censé être souverain

Après la décision de la Cour suprême, les adversaires du Brexit exultent, en Grande-Bretagne, mais aussi sur tout le Vieux continent. Officiellement, ils se réjouissent que la « souveraineté du parlement » ait été défendue dans la « plus vieille démocratie parlementaire du monde ». Notons au passage que la formulation « souveraineté du parlement » est pour le moins une bizarrerie juridico-politique, puisque c’est le peuple – et non ses représentants – qui est censé être souverain. En réalité, ils se réjouissent que la voix de ce dernier ait été une nouvelle fois défiée, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Ainsi, Le Monde (26/09/19) note sans ciller que la démocratie parlementaire a été « fragilisée » par le référendum de 2016. Etrange démocratie qui peut ainsi être « fragilisée »… par le peuple.

Mais l’époque n’est plus où la voix populaire pouvait être simplement battue en brèche, voire carrément bafouée. Certes, la décision de la Cour constitue un revers politique pour le Premier ministre. Ceux qui s’en réjouissent oublient littéralement les millions de Britanniques écœurés et exaspérés par cet insupportable constat : leur décision de quitter l’UE n’est toujours pas appliquée. C’est à cette incroyable injustice que Boris Johnson s’est engagé à mettre fin.

Que ce soit dans un mois ou dans quatre, ceux qui font la fête aujourd’hui devront déchanter.

 

– L’édition de Ruptures de septembre vient de paraître (voir son sommaire). Une page est consacrée aux dernières nouvelles du Brexit. Pour recevoir cette édition et les suivantes, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

– Voir aussi les derniers développements politiques en Espagne (article tout récemment mis en ligne sur ce site).

 

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Elections en Autriche : les fondamentaux du paysage politique confirmés

Par : pierre — 2 octobre 2019 à 16:21

Les 6,4 millions d’électeurs autrichiens étaient appelés à élire leurs députés le 29 septembre. 75,1% d’entre eux se sont rendus aux urnes, soit cinq points de moins que lors du précédent scrutin, en octobre 2017.

Un constat, au moins, réunit tous les analystes : l’éclatante victoire de l’ÖVP (droite conservatrice) qui a rassemblé 37,5% des électeurs. Lors des scrutins de 2008, 2013, et 2017, ce parti avait obtenu respectivement 26%, 24%, et 31,5%. Ce dernier résultat, obtenu il y a deux ans et déjà remarquable, était la conséquence du raid éclair que venait de mener Sebastian Kurz, alors âgé de 31 ans, sur son parti alors vieillissant et en perte de vitesse. Ce dernier avait pris la tête de l’ÖVP en mai 2017 en promettant de mettre fin à la « grande coalition » entre conservateurs et sociaux-démocrates. En octobre 2017, il triomphait dans les urnes et accédait à la chancellerie en constituant une alliance avec le FPÖ, souvent classé à l’extrême-droite.

Cette dernière formation avait axé sa campagne contre l’immigration, un sujet très sensible dans le pays : des centaines de milliers de réfugiés avaient transité ou demandé asile en Autriche lors du pic de la crise de 2015-2016. Son chef, Heinz-Christian Strache, fort des 26% dans les urnes, devenait vice-chancelier, tandis que les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères (notamment) revenaient également à ce parti ou à des personnalités proches.

Les dirigeants de l’UE avaient, en 2000, boycotté l’Autriche, avant que cette attitude ne s’avère un fiasco

Une telle alliance entre une formation membre du Parti populaire européen (PPE, droite européenne) et une force jugée sulfureuse avait certes connu un premier épisode entre 2000 et 2005. Les dirigeants de l’UE avaient alors boycotté l’Autriche, avant que cette attitude ne s’avère un fiasco.

La coalition de 2017 a vu le jour dans un contexte très différent. Elle semblait plébiscitée par une majorité de citoyens, du moins jusqu’en mai dernier, lorsqu’éclata le scandale vite baptisé Ibizagate, du nom de l’île espagnole où M. Strache est tombé dans un énorme piège : une femme censée représenter un oligarque russe propose à M. Strache de financer son parti en échange de privilèges économiques. Celui-ci se montre très intéressé. Tout était monté de toutes pièces, mais la scène a été filmée. Sa diffusion a évidemment déclenché un tollé qui a poussé l’homme politique à la démission. Son parti a immédiatement pris ses distances.

Quelques semaines plus tard, ÖVP et FPÖ ne parviennent pas à former un nouveau cabinet, le premier posant des conditions draconiennes au second. Le FPÖ vote alors avec l’opposition sociale-démocrate contre le chancelier Kurz. Ce dernier doit céder sa place à un cabinet purement technique chargé d’expédier les affaires courantes.

Dommages électoraux

Un des enjeux du scrutin du 29 septembre était donc de mesurer les dommages électoraux du scandale sur le FPÖ. Avec 16,2% des suffrages, il dégringole de 9,8 points par rapport à son score de 2017. Cependant, en 2008 puis en 2013, ses scores s’étaient respectivement établis à 17,5% et 20,5%, ce qui relativise quelque peu cette chute. Selon les études, les gros bataillons des électeurs perdus sont venus renforcer le parti de M. Kurz, ou bien se sont abstenus.

Pour sa part, le Parti social-démocrate poursuit sa chute – un peu à l’image de son grand frère allemand – avec un score historiquement bas, soit 21,2%. Lors des précédents scrutins, il avait obtenu successivement 29,2%, 26,8% et 26,9%. Jusqu’aux années 2000, il rassemblait plus du tiers des électeurs.

Les Verts rassemblent 13,8% des électeurs, certes un bond de 10 points par rapport à 2017, mais guère supérieur à leur score de 2013, 12,4%

De son côté, Neos, la formation créée par un oligarque et qui se réclame ouvertement de l’ultralibéralisme, recueille 8,1% des suffrages, soit un gain de 2,8 points par rapport à 2017 (après s’être établi aux alentours de 5% dans les deux scrutins précédents).

Enfin, le résultat des Verts a été de toutes parts salué comme une prouesse historique. Certes, ceux-ci rassemblent 13,8% des électeurs, soit un bond de 10 points par rapport à 2017. Cette année-là cependant, les écolos étaient en proie à de ravageuses dissensions internes. Mais en 2008 et 2013, les Verts obtenaient respectivement 10,4% puis 12,4% – des scores finalement guère inférieurs à leur résultat de 2019.

Quel attelage ?

Quel partenaire M. Kurz et son parti vont-ils se choisir ? La question obsède désormais les analystes.

Pour constituer une majorité, l’ÖVP pourrait souhaiter renouveler son attelage avec le FPÖ, une perspective politiquement cohérente : les programmes des deux formations ne diffèrent pas beaucoup – notamment en matière de contrôle strict de l’immigration et de préservation de l’identité autrichienne. De même, les électorats ont de larges caractéristiques communes – notamment leur ancrage particulièrement solides dans les petites villes et le milieu rural.

Sauf que la déception des dirigeants du FPÖ a conduit ces derniers à annoncer, au lendemain du scrutin, qu’ils préféraient désormais se ressourcer dans l’opposition. Et ce, alors même qu’ils avaient fait campagne pour reformer la coalition avec le parti de M. Kurz, « afin que celui-ci ne mène pas une politique ‘de gauche’ ». Il est vrai que la législature sortante avait à son bilan des mesures particulièrement draconiennes contre le monde du travail, notamment la liberté laissée aux entreprises de payer à leur guise les heures supplémentaires, et des possibilités supplémentaires d’allongement de la durée du travail.

La perspective d’une alliance avec les Verts (qui centrent leurs exigences sur le climat et l’intégration européenne, mais pas sur le social) est au centre des pronostics. Elle était déjà sur la table avant les élections, mais dans une configuration qui aurait inclus Neos (ce qui en dit long sur la place qui aurait été accordée au social). Mais après le vote, ÖVP et Verts disposent arithmétiquement de la majorité sans avoir besoin d’une alliance à trois.

Une telle coalition existe déjà dans plusieurs Länder, et correspond probablement au souhait de barons régionaux de l’ÖVP. En revanche, elle représenterait un risque politique pour M. Kurz, qui a bâti ses succès sur une image de rigueur en matière migratoire et de conservatisme culturel. Les conditions posées par les écolos, du haut de leur score, semblent dans ce contexte peu compatibles avec la ligne du futur chancelier.

Une dernière hypothèse serait la formation d’un gouvernement sans alliance stable, Sebastian Kurz s’efforçant alors de constituer des majorités au coup par coup.

Au lendemain du scrutin, ce dernier s’est efforcé d’en dire le moins possible sur ses intentions.

A Bruxelles, on affiche discrètement sa satisfaction de voir les « populistes » rejoindre l’opposition, et d’aucuns font même le lien avec l’Italie où la Ligue a également été sortie du gouvernement.

Un soulagement d’autant plus notable que le FPÖ est lié par un accord de coopération avec le parti russe qui soutient Vladimir Poutine, Russie unie. Les dirigeants européens étaient particulièrement effrayés, par exemple, d’imaginer que, via le ministère de l’Intérieur, des informations des services autrichiens transitent vers Moscou. De ce fait, certains analystes n’excluent pas que les services allemands aient trempé dans le coup monté contre M. Strache, pour faire éclater la coalition mise en place en 2017, en tout cas pour écarter le sulfureux ministre de l’Intérieur FPÖ, Herbert Kickl, qui représentait une pomme de discorde avec l’ÖVP. Il est vrai que des conflits internes au FPÖ pourraient aussi expliquer la mise en place du piège.

Bruxelles aurait sans doute tort de se réjouir trop vite, car les fondamentaux de la politique autrichienne ont été plutôt confirmés par ce scrutin

Cependant, Bruxelles aurait sans doute tort de se réjouir trop vite, car les fondamentaux de la politique autrichienne ont été plutôt confirmés par ce scrutin : victoire personnelle pour Sebastian Kurz, qui ne met certes pas en cause l’appartenance de son parti au PPE, mais représente tout de même une aile spécifique de celui-ci ; maintien du FPÖ à une troisième place avec un score non négligeable (et supérieur à celui des Verts) malgré un scandale d’une ampleur sans précédent ; et nouvelle chute des sociaux-démocrates, alors même que la situation aurait pu leur profiter.

A ce titre, renouer avec une grande coalition ÖVP-SPÖ est moins que jamais à l’ordre du jour. Cette configuration a été fréquente à Vienne depuis des décennies, et a conduit à un rejet de la politique traditionnelle basée sur le consensus « centre droit – centre gauche » (et le clientélisme qui va avec), modèle si typique de l’intégration européenne.

Les négociations entre forces politiques prendront des semaines, peut-être même plusieurs mois. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts du Danube. Et qui sait si une alliance ÖVP-FPÖ ne sera pas revenue d’actualité ?

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Réchauffement, enfin ? (éditorial paru dans l’édition du 18 septembre)

Par : pierre — 2 octobre 2019 à 16:34

Leurre sans avenir ? Ou premiers signes prometteurs ? Depuis quelques semaines, le ton de l’Elysée à l’égard de Moscou a changé. Ce fut d’abord, le 19 août, la réception de Vladimir Poutine à Brégançon. Ce fut ensuite le discours prononcé le 29 août face aux ambassadeurs de France, où le président consacra un long passage justifiant et théorisant la relance d’un « dialogue franc et exigeant » avec la Russie. Avec cette proposition clé de construire « une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe ».

Puis, le 9 septembre, les ministres des affaires étrangères et des armées se sont déplacés à Moscou pour rencontrer leurs homologues, et ce afin de commencer à « abaisser le niveau de défiance ». Ce format avait été gelé depuis 2014. Certes, ni la levée des sanctions imposées par l’UE en 2014 contre la Russie, ni a fortiori des manœuvres militaires conjointes ne sont à l’ordre du jour. Et le chef de l’Etat insiste sur un dialogue « sans faiblesse ni naïveté » avec son homologue russe. Mais, à Paris, on se flatte de bientôt accueillir un sommet à quatre – France, Allemagne, Russie, Ukraine – qui pourrait contribuer à lever les tensions dont le conflit en Ukraine est l’un des épicentres.

Comment expliquer cette évolution ? D’abord par un certain réalisme. Les dirigeants français semblent désormais comprendre que, ni maintenant ni plus tard, Moscou ne « rendra » la Crimée rattachée à la « mère patrie » en 2014 avec l’approbation de 95% de ses habitants (l’« annexion » de ce territoire, dénoncée par les Occidentaux, avait servi de prétexte à une néo-guerre froide). Plus généralement, Emmanuel Macron a estimé, devant les diplomates français, que la Russie avait marqué des points géopolitiques considérables dans les dernières années, non seulement malgré, mais peut-être même à cause de la relégation que l’Occident lui a imposée. Cela vaut pour le Moyen-Orient, à commencer par la Syrie, mais aussi pour l’Afrique, où, de la RCA jusqu’au Mali, l’influence française est défiée par les sirènes russes.

En battant froid Moscou, on risque d’accélérer son rapprochement avec Pékin, alerte le chef de l’Etat

Pire : en battant froid Moscou, on risque d’accélérer son rapprochement avec Pékin, alerte le chef de l’Etat. Par ailleurs l’actuel président américain se soucie moins du camp occidental que des intérêts propres des Etats-Unis. Quitte à dénoncer unilatéralement ou à laisser s’éteindre des accords de limitation des armements (nucléaires et conventionnels) stationnés en Europe conclus du temps de l’Union soviétique. Emmanuel Macron s’interroge : peut-on rester simple spectateur de ce face à face Moscou-Washington ?

A tout cela s’ajoutent peut-être des facteurs moins avouables (outre, bien sûr, les intérêts des certaines grandes firmes françaises). Le maître de l’Elysée a subi une grave secousse avec le mouvement des Gilets jaunes, et redoute désormais un embrasement sur les retraites, au point d’être contraint d’avancer avec prudence sur les « réformes » et les coupes budgétaires qu’il comptait imposer au pays sabre au clair. Du coup, les projets lyriques, lancés du mont Olympe puis de la Sorbonne, de relancer une nouvelle Europe, avec la France comme élève modèle, ont fait long feu. On peut donc imaginer qu’un succès en politique étrangère serait le bienvenu pour compenser ces déceptions.

Les réactions horrifiées ne se sont pas fait attendre. Le Monde (09/09/18) a publié par exemple une tribune d’une rare violence signée par Bruno Tertrais, un géopolitologue très représentatif des cercles atlantistes. Celui-ci accuse Macron de faire naïvement le jeu de Poutine et de mettre en danger ses alliés en confortant la Russie dans son vieux tropisme soviétique…

En Allemagne, on regrette que la France ait joué en solo et sans prévenir : l’Elysée a fait peu de cas de la « politique extérieure commune de l’UE »

Et au sein de l’UE, on maugrée. Dans les pays baltes et en Pologne, bien sûr, mais aussi en Allemagne, où l’on regrette que la France ait joué en solo, et sans prévenir. De fait, l’Elysée a fait peu de cas de la « politique extérieure commune de l’UE ». Ce qui est déjà, en soi, à souligner. Le chef de l’Etat a par ailleurs lancé aux ambassadeurs, en substance : je sais bien qu’il y aura des résistances, y compris dans vos rangs, citant même l’existence d’un « Etat profond » qui pourrait s’opposer à une politique moins anti-russe. Le Quai d’Orsay était implicitement visé.

Il faut donc rester prudent. Le locataire de l’Elysée demeure un militant zélé de l’intégration européenne. Mais dans un monde où les incendies éclatent de toutes parts, du côté du Golfe persique en particulier, on aurait tort de négliger d’éventuelles hirondelles. Aussi fragiles soient elles.

 

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