Lateo.net - Flux RSS en pagaille (pour en ajouter : @ moi)

🔒
❌ À propos de FreshRSS
Il y a de nouveaux articles disponibles, cliquez pour rafraîchir la page.
☐ ☆ ✇ National Geographic

Pour bien vieillir, la pratique d’une activité physique en extérieur est essentielle

Par : National Geographic — 17 avril 2024 à 15:17

« Où sont les autres femmes d’âge mûr ? ». Cette question, je me la posais systématiquement dès que je partais surfer, lorsque j’avais 55 ans. Je voyais beaucoup d’hommes de mon âge (et plus âgés) sur les vagues, mais très peu de femmes.

Pour mon dernier livre, intitulé Tough Broad, From Boogie Boarding to Wing Walking, How Outdoor Adventure Improves Our Lives as We Age (Dures à cuire : du bodyboard au wing walking, comment la pratique d’activités en extérieur nous aide à bien vieillir), je suis partie à la rencontre de ces femmes matures discrètes, mais aventureuses. J’ai accompagné une plongeuse de 80 ans dans le Pacifique. J’ai parcouru un parc de banlieue en compagnie d’une routarde de 93 ans. Je me suis adonnée à l’observation ornithologique et j’ai fait du kayak de mer.

Je me suis aussi plongée dans les recherches en cours sur l’âgisme. Grâce à tout cela, je suis parvenue à la conclusion que la meilleure chose à faire pour nous, les femmes, pour être plus heureuse en meilleure santé et profiter davantage de la vie en vieillissant, c’était de pratiquer des activités en extérieur.

Voici les cinq principaux enseignements que j’ai tirés de l’écriture de ce livre.

 

1. L’IMPORTANCE DE L’ÉTAT D’ESPRIT

Le discours autour de l’âgisme et les femmes est malheureusement très toxique. On nous dit que nous déclinons rapidement, et de nombreuses femmes se sentent invisibles. Pourtant, des recherches montrent que le regard que nous portons sur notre propre vieillissement a une influence sur celui-ci.

Si vous redoutez de vieillir, vous avez statistiquement plus de chances de souffrir d’un accident cardiaque ou d’une diminution des facultés cognitives, et cela risque aussi de survenir plus tôt dans votre vie.

Mais rassurez-vous, l’inverse est également vrai : si vous voyez le fait de vieillir comme une opportunité d’explorer le monde et de vivre à 200 à l’heure, vous serez plus heureuse, en meilleure santé et votre espérance de vie augmentera de sept ans. C’est prouvé scientifiquement : une étude réalisée en 2022 auprès de 14 000 adultes de plus de 50 ans a révélé que le risque de mourir d’une cause quelconque était 43 % moins élevé chez les sujets les plus positifs quant au fait de vieillir que ceux qui étaient plus négatifs.

Mais ces études ne nous disent pas comment avoir cet état d’esprit, alors même qu’il existe aujourd’hui un discours très négatif sur les femmes et le vieillissement. Mais, je pense avoir la clé pour y parvenir : pratiquer des activités en extérieur.

 

2. DES ACTIVITÉS EN EXTÉRIEUR POUR SE SENTIR BIEN

J’ai piqué une tête dans l’océan en compagnie des Wave Chasers, un groupe de femmes âgées de 60 et 99 ans, qui font du bodyboard à San Diego. J’ai voulu comprendre pourquoi elles avaient choisi ce sport et ce qu’elles en retiraient.

Loraine Vaught m’a confié que le bodyboard avait changé sa vie. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, elle a pointé du doigt l’océan Pacifique, immense et froid. Il faut du courage pour entrer dans l’eau et affronter les vagues, mais les Wave Chaser s’aidaient les unes les autres et s’amusaient terriblement. Loraine ajouta qu’aucune membre du groupe ne faisait ce que l’on attendait de femmes de leur âge. Elles ne se voyaient absolument pas comme des personnes fragiles, souffrant de troubles cognitifs, ou ennuyeuses !

C’est ainsi que j’ai réalisé qu’en sortant de chez vous pour pratiquer une activité qui vous procure un sentiment d’euphorie et de découverte, et vous donne une certaine vitalité physique, même si c’est quelque chose d’aussi ordinaire que du bodyboard, vous envoyez valser les préjugés sur le vieillissement. Vos croyances et vos attentes (ainsi que celles des autres) sur ce que vous pouvez faire ou non s’en retrouvent chamboulées. Au lieu d’être triste face à l’avenir, vous vous sentez revigorée. J’ai assisté à cette prise de conscience à maintes reprises en écrivant ce livre.

Et je ne le répèterai jamais assez : tout peut être une aventure. Je suis allée observer les oiseaux en compagnie de Virginia Rose, fondatrice d’une organisation à but non lucratif baptisée Birdability, qui organise des sorties ornithologiques entre personnes souffrant d’un handicap. J’ai constaté, à ma grande surprise, que l’observation d’oiseaux cochait toutes les cases d’une aventure. Nous étions à la recherche de volatils. Nous étions impatients de les entendre avant de pouvoir les voir. En apercevoir un nous donnait une montée d’adrénaline. Et il y a aussi la vitalité physique d’être dans la nature : Virginia a roulé et j’ai marché près de dix kilomètres ce jour-là, et nous avons observé 52 espèces pour les sciences citoyennes. Je suis également sortie de ma zone de confort en apprenant de nouvelles choses. Il s’avère que l’aventure n’est pas définie par l’activité en elle-même, mais par la manière dont vous la pratiquez.

 

3. LA NATURE, UN VÉRITABLE REMÈDE

Il est essentiel de passer du temps en extérieur sur le plan biologique, comme en attestent de nombreuses recherches scientifiques. Des études ont ainsi révélé que les arbres émettent des substances chimiques appelées phytoncides, qui sont bénéfiques à notre système immunitaire. Quant au chant des oiseaux, il équilibre nos ondes cérébrales. Il a également été démontré que les fractales, des motifs complexes que l’on trouve dans les nuages, les vagues et sur le littoral, pouvaient aider à nous détendre.

Des chercheurs ont aussi découvert que nous réussissons davantage les tests cognitifs et de mémoire après être sortis marcher. Lorsque vous êtes en extérieur, le traitement des informations par votre cerveau est moins éprouvant que si vous étiez dans un lieu bruyant aux motifs angulaires.

Toutes ces études concluent en général qu’il suffit de passer 15 à 45 minutes dans un environnement naturel quelconque pour en ressentir les bénéfices, et cinq heures par mois pour maintenir ce rétablissement émotionnel et physique. Mais en fin de compte, la règle du « plus, c’est mieux » prévaut. Plus les lieux où vous allez sont sauvages et reculés, mieux c’est également.

 

4. L’ÉMERVEILLEMENT, ESSENTIEL SUR LE PLAN BIOLOGIQUE

Comme je suis pilote, j’ai l’habitude de l’adrénaline. Pourtant, je n’étais pas prête pour les sensations ressenties lors d’une séance de wing walking, pratique qui consiste à se tenir debout sur une aile d’un avion à plus de 900 mètres d’altitude. « Pourquoi vouloir sortir d’un cockpit parfaitement confortable ? » me suis-je dit. J’ai tout de même essayé. Et j’étais folle de joie quand le pilote a commencé à faire des loopings, des tonneaux et des virages décrochés alors que j’étais debout sur l’aile, attachée au mât. C’était l’adrénaline, bien sûr. Mais il y avait aussi autre chose. C’est ainsi que j’ai découvert ce concept de l’émerveillement.

Vous êtes émerveillées en présence de quelque chose de plus grand que vous, de mystérieux. C’est un sentiment qui mêle l’étonnement, la peur et la crainte. Et il est plus important que vous ne le pensez pour vivre en bonne santé. Selon les chercheurs, l’émerveillement agit comme un « bouton de réinitialisation » du cerveau, car il vient bousculer vos schémas neuronaux en vous rendant plus ouvert aux idées nouvelles. Il vous fait aussi penser de manière plus créative.

Il n’est pas nécessaire de faire des acrobaties sur une aile d’avion pour être émerveillé, vous pouvez aussi simplement marcher sur la terre ferme. Une équipe de chercheurs a demandé à un groupe de personnes âgées de participer à une « promenade d’émerveillement » au cours de laquelle ils devaient regarder tout ce qui les entourait avec un émerveillement enfantin. Au bout de huit semaines, les marqueurs inflammatoires étaient nettement moins élevés chez les marcheurs que chez les sujets du groupe de contrôle, signe d’une meilleure santé. Les premiers trouvaient également qu’ils étaient moins anxieux et déprimés.

Et il s’avère que le ciel étoilé, une éclipse, le Grand Canyon ou même une fleur minuscule peuvent susciter chez nous l’émerveillement. En d’autres termes, passer du temps dans la nature permet plus facilement de cultiver ce sentiment et donc d’améliorer notre bien-être.

 

5. L’APPRENTISSAGE DE NOUVELLES CHOSES

On entend souvent dire, de la part de personnes qui essayent de nouvelles choses, qu’il est impossible d’apprendre avec l’âge. Elles déclarent alors qu’elles sont « trop vieilles pour faire ça ». Mais notre cerveau affiche une certaine « plasticité », comme l’appellent les scientifiques, même avec l’âge. Les cellules de notre cerveau se renouvellent sans cesse, et lorsque nos capacités cognitives commencent à faiblir, nous établissons d’autres voies neuronales pour faire face au problème qui se présente. C'est pour cela qu’un cerveau âgé est souvent plus innovant qu'un cerveau jeune : il trouve des moyens plus créatifs de contourner ses propres problèmes. Apprendre de nouvelles choses n'est pas seulement possible, c'est essentiel pour garder votre cerveau en bonne santé et actif.

Cela dit, j’étais sûre que j’aurais dû mal à apprendre quelque chose de nouveau lorsque j'ai décidé de suivre des cours de pilotage d’autogire dans le cadre de mes recherches pour mon livre Tough Broad. À ma grande surprise, j'étais une bien meilleure élève qu'auparavant ! Je n'apprenais pas plus vite, mais mieux, car je ne ressentais pas l’angoisse de la jeunesse ni le besoin de me prouver quelque chose. J'étais plus concentrée et je posais des questions sans avoir à craindre de passer pour une idiote.

J'ai également interviewé Vijaya Srivastava, qui a appris à nager à 68 ans. Je lui ai demandé si son âge avait été un obstacle à son apprentissage de la natation. Au contraire, m’a-t-elle dit, cela l'avait aidé, pour deux raisons : la première, c’est qu’elle ne se souciait plus de son apparence en maillot de bain ; la seconde, c’est qu’il y avait urgence à apprendre si tard dans la vie. Elle savait qu'elle n'aurait pas d'autre chance. J’ai été frappée par son état d’esprit, lorsqu’elle a déclaré : « Si j'ai pu apprendre à nager à 68 ans, qu'est-ce que je peux faire d'autre ? ». Son apprentissage de la natation lui a ouvert le champ des possibles. Et il pourrait en être de même pour vous.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Pour la première fois, des chercheurs associent les microplastiques aux maladies cardiaques

Par : National Geographic — 17 avril 2024 à 10:50

Partout où se pose notre regard, il y a des microplastiques, même dans notre organisme. Selon une nouvelle étude, l'accumulation de ces particules dans nos vaisseaux sanguins serait associée à un risque accru de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral et de mortalité.

L'athérosclérose est une maladie caractérisée par le dépôt de plaque dans les artères, ce qui épaissit la paroi des vaisseaux et réduit le débit sanguin dans la région affectée, augmentant ainsi le risque d'accident vasculaire cérébral, d'angine de poitrine ou de crise cardiaque. Cette plaque se compose essentiellement de cholestérol, de graisses, de déchets cellulaires, de calcium et de fibrine, une protéine impliquée dans la coagulation sanguine. La nouvelle étude portait sur 300 personnes atteintes d'athérosclérose dont certaines présentaient des microplastiques et des nanoplastiques dans les plaques tapissant leur carotide, une artère majeure qui traverse le cou et distribue le sang dans le cerveau. Chez les sujets dont la plaque contenait des microplastiques, le risque de crise cardiaque, d'AVC ou de décès après trois années de suivi était jusqu'à quatre fois supérieur à celui des sujets dont la plaque ne présentait aucune trace de microplastiques, selon les résultats de l'étude publiés dans la revue New England Journal of Medicine.

Depuis longtemps, les chercheurs ont conscience que les produits chimiques contenus dans les plastiques peuvent se détacher et entraîner des problèmes de santé, notamment en perturbant les hormones ou d'autres parties du système endocrinien.

« En revanche, c'est la première fois que nous observons un effet sur la santé humaine attribué aux particules mêmes », indique Philip Landrigan, pédiatre et épidémiologiste au Boston College qui n'a pas participé à la nouvelle étude mais a consacré la majeure partie de sa carrière aux effets des substances chimiques toxiques sur notre santé. Landrigan a notamment contribué à diriger les recherches sur l'empoisonnement au plomb qui ont incité le gouvernement des États-Unis à ordonner le retrait de la substance du gasoil et de la peinture.

« Jusqu'à présent, le consensus était le suivant : "Les particules sont là, mais nous ne connaissons pas leur impact." Cet article change la donne. » Pour Landrigan, cette étude devrait ouvrir la voie à d'autres travaux sur les dégâts infligés par les plastiques à d'autres organes, comme le cerveau, les reins ou l'appareil génital.

Les chercheurs n'ont pas pu déterminer de quelle façon les microplastiques s'étaient introduits dans les vaisseaux sanguins, comme nous l'explique Giuseppe Paolisso, cardiologue à l'université de la Campagnie Luigi-Vanvitelli en Italie et coauteur de l'étude. Ces particules peuvent pénétrer l'organisme de différentes façons, notamment à travers l'air que nous respirons ou dans l'eau et la nourriture que nous consommons.

« Une chose est sûre, ces données doivent nous inviter à limiter l'utilisation du plastique dans notre vie quotidienne en lui préférant le verre », ajoute Paolisso.

Plusieurs études ont déjà montré que les microplastiques et les nanoplastiques étaient « presque omniprésents dans notre organisme », rappelle Kenneth Spaeth, docteur en médecine du travail au centre Northwell Health de New York, non impliqué dans l'étude. « Étant donné la composition de ces particules, il y a bien longtemps que les scientifiques suspectaient un impact sur notre santé. » Les résultats ne sont donc pas réellement surprenants, reconnaît-il, mais ils sont tout de même importants.

La majorité des données relatives aux micro et nanoplastiques (MNP) dont disposent actuellement les scientifiques proviennent d'études sur les animaux, indique Aazon Aday, cardiologue et spécialiste de médecine vasculaire rattaché à l'université Vanderbilt de Nashville, aux États-Unis. « Nous savions que les MNP pouvaient s'introduire dans le système sanguin et dans certains organes, mais cette étude va plus loin en constatant leur présence dans la plaque d'individus atteints de maladies majeures », explique-t-il. « Ce lien avec les maladies humaines fait donc de cette étude une référence. »

 

DES MICROPLASTIQUES AUX MALADIES CARDIAQUES

L'étude a recruté 304 adultes ayant subi une endartériectomie carotidienne, un acte chirurgical qui consiste à retirer la plaque accumulée sur les parois de la carotide. L'accumulation de plaque dans cette artère peut augmenter le risque d'accident vasculaire cérébral lorsqu'un fragment de la plaque se détache et obstrue une artère plus petite en limitant l'afflux sanguin.

Une fois la plaque retirée, les chercheurs l'ont analysée afin d'identifier d'éventuelles traces de plastiques, sans aller jusqu'à distinguer la proportion de microplastiques, particules dont la taille est inférieure à 5 millimètres, et de nanoplastiques, dont la taille est inférieure à 100 nanomètres.

Ils ont identifié du polyéthylène, le plastique le plus produit au monde, chez 58 % des patients. Ils ont également détecté du polychlorure de vinyle, ou PVC, chez 12 % des patients.

Lorsque les chercheurs ont observé les particules de plastique au microscope à balayage électronique, ils ont découvert des corps étrangers aux arêtes vives à l'intérieur des macrophages dans les plaques. Les macrophages sont des globules blancs qui encerclent et éliminent les microorganismes et d'autres intrus dans le corps en les avalant.

Les chercheurs ont ensuite suivi 257 participants pendant deux à trois ans afin de recenser le nombre de crises cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux ou de décès, toutes causes confondues. Pour les patients dont la plaque contenait des MNP, le risque de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral ou de décès au cours de la période de suivi était multiplié par 4,5.

Pour le moment, les chercheurs ne sont pas en mesure de confirmer ou de préciser le rôle joué par les MNP dans les crises cardiaques ou les AVC, mais il est possible que ces particules provoquent une inflammation lorsque les macrophages convergent pour débarrasser notre organisme des corps étrangers. À mesure que l'inflammation augmente dans la plaque, des fragments pourraient s'en détacher plus facilement et pénétrer dans le système sanguin.

L'hypothèse de l'inflammation est raisonnable puisque nous savons que les macrophages contribuent au développement de la plaque et que cette inflammation est importante dans les maladies cardiovasculaires, déclare Aday.

« Si ces particules provoquent plus d'inflammation dans la plaque, celle-ci pourrait occasionner davantage de problèmes par la suite », poursuit-il, mais ce processus reste hypothétique à l'heure actuelle.

De la même façon, personne ne sait si la nocivité provient plutôt des substances chimiques contenues dans les plastiques ou des particules mêmes. Comme nous l'explique Spaeth, ces plastiques se composent d'un grand nombre de produits chimiques, notamment des substances inflammatoires ou des perturbateurs endocriniens qui interfèrent avec la production d'hormones.

Étant donné la diversité des substances chimiques potentiellement toxiques contenues dans les plastiques, les effets sur notre organisme peuvent être multiples, indique-t-il. À la différence des produits pharmaceutiques, soumis à des essais cliniques, il est contraire à l'éthique d'évaluer l'exposition environnementale aux microplastiques chez les humains dans le cadre d'essais randomisés contrôlés. « Malheureusement, nous sommes tous cobayes de l'expérience de la vie dans laquelle nous pouvons être étudiés. »

Même si l'exposition générale aux plastiques dans l'environnement est difficilement maîtrisable à l'échelle individuelle, nous pouvons tout de même adopter un mode de vie connu pour réduire les risques de maladie cardiovasculaire, notamment en pratiquant une activité physique régulière, en optant pour une alimentation saine et en ne fumant pas.

Il est difficile de mesurer la part de responsabilité de la pollution environnementale dans les troubles cardiovasculaires et les autres maladies, mais « des choix simples comme l'alimentation, l'activité physique et le mode de vie ont probablement plus d'impact que de se soucier du nombre de bouteilles en plastique qui défilent dans notre foyer », indique Spaeth.

 

L'OMNIPRÉSENCE DU PLASTIQUE

Les déchets plastiques ont plus que doublé depuis les années 2000 et pour la grande majorité d'entre eux, environ 80 %, ces déchets terminent leur cycle de vie dans les décharges où ils se décomposent en particules minuscules qui infiltrent l'eau et le sol avant de rejoindre notre chaîne alimentaire.

« Aucune catégorie de plastique ne contribue autant aux déchets plastiques, aux micro- et nanoplastiques que le plastique à usage unique », souligne Landrigan. Les plastiques à usage unique représentent 40 % de la production annuelle de plastique ; cette catégorie rassemble notamment les bouteilles d'eau, les sacs, les emballages, les pailles et la vaisselle en plastique.

« Dans le monde actuel, je ne pense pas que les consommateurs puissent se débarrasser de tous les plastiques, mais ils peuvent tout à fait réduire leur exposition », assure Landrigan. Pour cela, il suffit par exemple d'opter pour des gobelets ou des bouteilles en métal au lieu du plastique, de ne pas réchauffer sa nourriture au micro-ondes dans un contenant en plastique, car la chaleur accélère la décomposition des plastiques, suggère-t-il.

Il est également possible de réduire son empreinte plastique, notamment en renonçant aux sacs en plastique chez les commerçants. En moyenne, un individu produit 221 kg de déchets plastiques chaque année aux États-Unis, contre 114 kg en Europe, selon les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

« La population peut avoir un petit impact, mais c'est bien au niveau politique que l'effort devra être fait en raison de l'omniprésence des plastiques », indique Landrigan. Depuis 2022, l'Organisation des Nations unies (ONU) négocie le tout premier traité mondial sur le sujet au sein de la Coalition de la Haute Ambition pour mettre fin à la pollution plastique qui devrait se réunir dans quelques semaines pour finaliser le projet. L'étude publiée dans le New England Journal of Medicine devrait ajouter à l'urgence de ces négociations, ajoute Landrigan.

Spaeth reconnaît que les résultats de l'étude sont « un peu effrayants et intimidants », mais il reste optimiste quant à la capacité de ce type de recherche à provoquer du changement. Comme nous le montre l'histoire de la santé publique, à mesure que les preuves scientifiques attestant du caractère néfaste pour la santé d'une activité humaine donnée s'accumulent, elles atteignent généralement un point de bascule qui incite à la prise de décisions politiques. 

« À une époque, personne ne se souciait des effets de la pollution atmosphérique sur la santé. Puis, en une dizaine d'années, la science a apporté des preuves incontestables », raconte Spaeth. « Nous avons alors fait des efforts pour assainir notre air et nous avons obtenu des résultats bien réels, mesurables. » Un autre exemple est l'amiante, ajoute-t-il, interdit en France depuis 1997. Aux États-Unis, l'interdiction totale de l'amiante n'a été prononcée que le mois dernier.

« Je pense que la volonté politique de s'attaquer aux plastiques va également progresser », indique Spaeth. Espérons que cela ouvre la voie à d'autres études permettant aux chercheurs de mieux cerner les risques posés par le plastique, conclut-il, « pour ensuite faire évoluer les politiques. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Une personne sur huit dans le monde est obèse

Par : National Geographic — 16 avril 2024 à 18:41

Un milliard de personnes obèses. Cette barre symbolique a été dépassée dans le monde en 2022, d’après une étude de la revue médicale britannique The Lancet dévoilée en mars 2024, qui se base sur les données d’environ 222 millions de personnes dans plus de 190 pays. Cela représente une personne sur huit à l'échelle de la planète. Depuis 1990, l’obésité a plus que doublé dans le monde chez les adultes et quadruplé chez les adolescents, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En France, 17 % de la population seraient concernés.

La majorité des adultes atteints d'obésité sont des femmes (504 millions, soit 57 %), mais c'est chez les hommes que la tendance a évolué le plus rapidement en trente ans. Pour eux, la prévalence a presque triplé, alors qu'elle a doublé chez les femmes. Chez les enfants, les garçons sont principalement touchés par l'obésité (94 millions, soit 59 %) et la prévalence augmente de manière similaire selon les sexes : un facteur 4 pour les filles et 4,4 pour les garçons.

Souvent complexe et multifactorielle, l’obésité est une maladie chronique. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) la définit comme « un excès de masse grasse et une modification du tissu adipeux, entraînant des inconvénients pour la santé et pouvant réduire l’espérance de vie ». Le surpoids et l’obésité sont diagnostiqués à partir d’un calcul de l’Indice de masse corporelle (IMC), qui est un rapport du poids en kilogrammes divisé par la taille en mètres carrés. « On considère qu’un poids est normal entre 19 et 25 kg/m2. Entre 25 et 30 kg/m2, on est en surpoids, et au-dessus de 30 kg/m2, en situation d’obésité », énumère Annick Fontbonne, épidémiologiste à l’Inserm. 

Si l’obésité résulte d’un déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques, il est important de noter qu’elle n’est pas toujours synonyme de mauvaise santé. Néanmoins, elle peut être la cause de plusieurs maladies chroniques telles que le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, certains cancers ou maladies cardio-vasculaires, voire des maladies articulaires. Ce sont donc « essentiellement des effets à moyens ou long terme », selon la chercheuse. 

À cela, il faut ajouter les problématiques psychologiques liées au body shaming , qui peuvent être la source de dépressions et autres troubles mentaux. Juliette Katz, influenceuse française, aborde régulièrement le sujet sur sa chaîne YouTube. « C’est au-delà du poids, c’est l’estime, le regard qu’on se porte et le regard des autres […] Je souffre profondément de la non-estime que je me donne », explique-t-elle dans une vidéo intitulée « 35 ans que ça dure », dans laquelle elle évoque sa relation compliquée à la nourriture et les remarques violentes qu’elle a pu subir de la part de ses proches. 

Notons que parmi les éléments déclencheurs de l’obésité, l’alimentation n’est qu’un facteur parmi d’autres. La génétique est aussi très importante. « Les études sur les jumeaux montrent qu’il peut y avoir une concordance de 70 %, c’est une maladie qui a un fort composant génétique », révèle Annick Fontbonne.

La sédentarité serait aussi un facteur de risque, notamment à travers l’augmentation significative du temps passé devant les écrans depuis l’épidémie de Covid-19. C’est ce que révèle un rapport de l’Observatoire National de l’Activité Physique et de la Sédentarité (Onaps), sur l’évolution des comportements des Français pendant le confinement. Ainsi, chez les enfants et les adolescents qui passaient moins de six heures par jour assis avant le confinement, 72 % ont augmenté leur temps total passé assis, contre 25 % des adultes.

 

UNE « AMBIANCE OBÉSOGÈNE »

En 2022, 390 millions d'adultes de dix-huit ans et plus à travers le monde étaient atteints d'insuffisance pondérale, tandis que 2,5 milliards étaient en surpoids, dont 890 millions de personnes obèses, selon l’OMS. Le problème de mal nutrition est donc double, surtout dans les pays à faibles et moyens revenus où une partie de la population n’a pas accès à un apport calorique suffisant, quand l’autre délaisse les produits frais pour la nourriture transformée de mauvaise qualité. Cela peut provoquer un passage très rapide de l’insuffisance pondérale à l’obésité. Selon l’étude parue dans The Lancet, les taux d'obésité dans ces pays sont maintenant supérieurs à ceux de nombreux pays industrialisés, en particulier en Europe. Et certaines îles d’Océanie atteignent des chiffres alarmants, comme le petit État insulaire de Nauru, où le pourcentage d’obèses était de 45,6 % selon les statistiques de l’OMS de 2014. 

Quant au reste du monde, « les États-Unis sont champions », avec plus de 40 % d’obèses. En Europe, « on est autours de 20 à 25 %, mais plutôt en voie de stabilisation », indique Annick Fontbonne. Selon l’experte, « le fait qu’il y ait de plus en plus d’obésité dans toutes les parties du monde est lié à cette globalisation de l’alimentation industrielle. On a une alimentation riche en gras et pauvre en nutriments. Ça joue énormément, car c’est quelque chose qui s’est beaucoup répandu dans le monde entier. »

Pour elle, les solutions relèvent plus de la volonté politique que des comportements individuels. « Agir sur le comportement alimentaire, c'est très difficile, surtout dans une ambiance obésogène. Il est difficile de dire aux gens "mangez moins et bougez plus". » Elle recommande de mettre en place des politiques et mesures collectives fermes, qui s'opposent aux lobbies de l'agro-alimentaire, à l’image de la taxe des sodas au Mexique ou même au nutri-score en France. D'après elle, cette mesure a fait que « les industriels qui l’apposent sur leurs produits ont changé les compositions de leurs aliments préparés. Les compositions sont donc meilleures et sans que les gens ne fassent rien. »

Enfin, l’organisation du temps de travail joue aussi un grand rôle dans l’alimentation. Pour Annick Fontbonne, il est essentiel de pouvoir prendre le temps de cuisiner, et donc avoir des horaires qui « permettent de faire les courses tranquillement et de préparer un repas ». Selon elle, les populations qui cuisinent le moins sont souvent les populations les plus défavorisées, et « plus un pays devient riche, plus l’obésité se développe dans les classes les plus défavorisées ». Or, elle estime que la « transmission » par la cuisine est essentielle à une bonne alimentation. 

Se tourner vers une alimentation moins transformée pourrait donc aider à prévenir de l’obésité. Pour autant, Annick Fontbonne rappelle que la maladie est « multifactorielle », et que la prise en charge est « à adapter à chaque personne. »

☐ ☆ ✇ National Geographic

Votre chien vous mangerait-il si vous mouriez ?

Par : National Geographic — 15 avril 2024 à 15:37

En 1997, un expert médico-légal berlinois a raconté dans la revue Forensic Science International l’un des cas les plus étranges auxquels il avait été confronté. Un homme de 31 ans s’était retiré pour la soirée dans l’abri de jardin aménagé situé à l’arrière de la maison de sa mère où il vivait avec son berger allemand. Vers 20h15, les voisins ont entendu un coup de feu.

Quarante-cinq minutes plus tard, la mère de l’homme et ses voisins l’ont découvert mort, touché d’une blessure par balle à la bouche, un pistolet Walther sous les mains, avant de retrouver un message d’adieu laissé sur une table. La police a ensuite fait une découverte encore plus macabre : son visage et son cou portaient des marques de morsures.

Cette énigme a rapidement trouvé sa solution quand le berger allemand de l’homme a régurgité des tissus humains, notamment de la peau avec des poils de barbe encore reconnaissables. Il ne s’agissait pas là d’un chien affamé se résolvant à dévorer son maître pour survivre ; une gamelle de nourriture pour chien à moitié pleine était encore à terre quand la police est arrivée. L'ami le plus fidèle de l’Homme n’est peut-être pas si fidèle après tout.

Comme des chercheurs médico-légaux l’ont fait observer dans un article remarqué publié en 2023 dans la revue Forensic Science, Medicine and Pathology, personne ne surveille formellement la fréquence à laquelle les animaux domestiques cherchent à se nourrir du corps de leurs maîtres décédés. Selon les scientifiques, cette absence d’informations crée un problème pour les enquêtes sur les décès. En effet, les médecins légistes ont besoin de connaître les signes potentiels de charognage, qui peuvent brouiller les causes de la mort ou le moment du décès.

Malgré tout, les témoignages individuels faisant état d’un comportement charognard de la part d’animaux domestiques ne manquent pas dans les revues médico-légales, et ce sont les meilleurs aperçus dont nous disposions sur cette question que la plupart des propriétaires d’animaux n’aiment pas se poser : nos animaux de compagnies seraient-ils vraiment capables de nous manger ? Ne sommes-nous qu’une source de nourriture pour eux, d’une manière ou d’une autre ?

Les études sur les comportements charognards des animaux domestiques peuvent nous fournir des éléments de réponse, mais également révéler combien nous nous trompons dans l’interprétation du comportement des animaux, incapables que nous sommes parfois de voir les choses de leur point de vue. Voici ce que la médecine légale révèle à ce sujet.

 

C’EST FORCÉMENT LE CHAT

Certaines personnes pensent que les chats n’ont aucun scrupule à dévorer leur maître. Mais il se trouve que relativement peu de rapports publiés étayent cette théorie. Un rapport publié en 2010 dans la revue Journal of Forensic and Legal Medicine décrit le cas d’une femme morte d’une rupture d’anévrisme et découverte le lendemain matin. Les tests médico-légaux ont révélé que son chien avait dévoré la majeure partie de son visage, tandis que ses deux chats ne l’avaient pas touchée.

Quand cela se produit, les chats ne font en général pas autant de dégâts que les chiens. D’après Carolyn Rando de l’University College de Londres, ils ont tendance à préférer le visage, en particulier ses parties molles telles que le nez et les lèvres.

« En tant que propriétaire de chat, cela ne me surprend pas, confie-t-elle. Si vous êtes en train de dormir, ils ont tendance à frapper votre visage pour vous réveiller. » Donc un chat est susceptible de commencer par essayer de « réveiller » un propriétaire décédé et ensuite de commencer à mordre s’il y échoue.

Bien plutôt, la plupart des charognages documentés ayant visé des restes humains sont le fait de chiens. Comme le faisait observer une étude parue en 2016 dans la revue Journal of Veterinary Behavior, « le charognage canin dans les environnements intérieurs est rarement déclaré, mais régulièrement observé dans les pratiques médico-légales. » Les médecins légistes le confirment. Joseph Prahlow, médecin légiste du Michigan, constate des traces de prédation d’animaux domestiques lors d’une autopsie « au moins deux fois par an », et généralement le coupable est un chien, et non un chat.

Cela tombe en fait sous le sens si l’on s’intéresse aux comportements alimentaires des chiens et des chats. En général, les chiens sont les mangeurs les plus opportunistes. Ils sont davantage susceptibles de chercher à manger des animaux morts, comme peut en attester toute personne dont le chien est allé renifler un écureuil mort sans se faire prier. Et bien les chiens comme les chats fouillent dans les poubelles, ces premiers ont tendance à moins faire les difficiles quant à la potentielle nourriture qui peut leur passer sous la patte.

 

L’HYPOTHÈSE DE LA FAIM

« Les chiens descendent des loups », rappelle Stanley Coren, psychologue qui a écrit des livres et animé des émissions de télévision sur les chiens. « Si nous nous trouvons dans une situation où le propriétaire meurt et qu’il n’y a pas de source de nourriture, qu’est-ce qu’ils vont faire ? Ils vont prendre n’importe quelle chair à disposition. »

Dans certains cas, il est clair que le comportement charognard des animaux résulte d’un instinct de survie. En 2007, un chow-chow et un labrador croisé ont survécu pendant un mois environ en consommant le corps de leur maître décédé, ne laissant que le haut du crâne et un assortiment de fragments d’os.

Pourtant, dans l’affaire de suicide de 1997, le berger allemand avait commencé à dévorer des parties de son maître juste après sa mort, comme le rappelle Markus Rothschild, médecin légiste qui est intervenu sur les lieux. Si beaucoup partent du principe qu’un chien ne  mangerait son maître que s’il était affamé, écrit-il, « l’expérience médico-légale montre que c’est clairement faux ».

Selon une analyse de 2015 portant sur soixante-trois affaires de chiens ayant fait preuve d’un comportement charognard à l’égard de leur maître, dans un quart des cas, moins d’une journée avait passé avant que l’on ne retrouve un corps partiellement dévoré. Par ailleurs, certains de ces chiens avaient accès à de la nourriture qu’ils n’avaient pas mangée.

À bien y réfléchir, si les chiens ne mangeaient que leurs maîtres parce qu’ils avaient faim, on pourrait s’attendre à ce qu’il le fasse de la même manière que les canidés le font dans la nature. Mais ce n’est pas le cas.

Les canidés qui s’en prennent aux charognes dans la nature (à la fois les coyotes et les chiens domestiques) suivent un schéma bien documenté : ils ouvrent la poitrine et l’abdomen pour manger les organes riches en nutriments d’abord, puis les membres. Les blessures à la tête ne concernent que 10 % de ces cas.

En revanche, en ce qui concerne les chiens qui s’en prennent à leurs maîtres décédés en intérieur, il y avait des morsures au visage dans 73 % des cas, et des morsures à l’abdomen dans seulement 15 % des cas. Cela suggère que les chiens domestiques interagissent avec le visage de leur maître plutôt que de traiter leur corps comme de la simple nourriture.

 

QUEL EST LEUR MOBILE ?

Il est tentant de penser que si vous êtes proche de votre chien et que vous l’avez bien traité, vous serez épargné en cas de décès.

Mais le comportement des chiens n’est pas aussi bien défini. Aucune des études de cas que j’ai lues ne faisait état de quelconques mauvais traitements infligés aux animaux. Au contraire, plusieurs rapports soulignaient le fait que les maîtres avaient de très bonnes relations avec leur chien, selon les témoignages d’amis et de voisins.

À la place, essayons d’imaginer l’état psychologique de l'animal : « Une explication possible pour un tel comportement est que pour aider un maître inconscient, un animal domestique va d’abord le lécher et lui donner des petits coups de museau », écrit Markus Rothschild dans son rapport. « Mais lorsque cela ne produit aucun résultat, le comportement de l’animal peut devenir plus frénétique et, dans un état de panique, donner lieu à des morsures. »

Comme le souligne Carolyn Rando, à partir d’une morsure, on conclut hâtivement que le chien cherchait à dévorer son maître ou sa maîtresse. « Le chien ne souhaite pas nécessairement manger, mais le goût du sang éveille sa faim. »

 

UNE QUESTION DE RACE

Carolyn Rando ajoute que les différentes races de chiens ont différents tempéraments, ce qui pourrait jouer un rôle dans leur réaction à la mort de leur maître. Les cas publiés concernent un divers bâtards, mais aussi plusieurs races de chiens de chasse ou de chiens de travail. Mais cela n’empêche pas de nombreux types de chiens d’apparaître dans les rapports faisant état de comportements charognards, et notamment d’adorables labradors et golden retrievers.

Dans l’ensemble, ces chiens étaient de taille moyenne à grande, le beagle étant la plus petite race à avoir fait preuve d’un tel comportement (un seul cas). Cependant, puisque les chiens plus gros et plus puissants peuvent causer davantage de dégâts, les cas les concernant ont davantage de chances d’être remarqués.

Par exemple, dans trois cas distincts, les propriétaires décédés ont été décapités, chaque fois par un berger allemand. Pourtant, pour ce que nous en savons, un loulou de Poméranie ou un chihuahua arracheraient aussi une tête s’ils le pouvaient.

Carolyn Rando se demande si le tempérament d’un chien donné ne compte en fait pas davantage que ce l’on veut bien croire. Un chien manquant d’assurance et craintif qui montre régulièrement des signes d’anxiété liée à la séparation peut être davantage susceptible d’avoir un comportement frénétique et de finir par mordre et dévorer son maître.

 

QUE FAIRE ?

Il n’existe aucun moyen de garantir que votre animal ne vous dévorera pas, hormis le fait de n’en posséder aucun. Même les hamsters et les oiseaux sont connus pour leurs comportements charognards en certaines occasions.

Selon Carolyn Rando, la meilleure façon de limiter les risques est de faire en sorte d’avoir des proches qui feront un saut chez vous s’ils n’ont pas de vos nouvelles. Si vous avez des voisins âgés, malades ou vulnérables, prenez de leurs nouvelles régulièrement.

« C’est une bonne raison de faire en sorte d’être entouré par d’autres personnes, comment-t-elle. Avoir une activité sociale quand on vieillit est bon pour tout le monde. »

Les tentatives des animaux de compagnie de réveiller leur maître dans les situations de détresse suggèrent que la perte d’un compagnon humain est pour eux une expérience traumatique. Nous ne pouvons pas attendre d’animaux confrontés à un traumatisme qu’ils se comportent comme des humains en deuil. En un sens, nous les avons élevés pour nous aimer… à la mort.

Erika Engelhaupt est l’autrice de Superpowered, ouvrage sur les superpouvoirs qui existent vraiment et qui paraîtra en 2026, ainsi que de Gory Details et Go to Hell

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Ces nouveaux fossiles révèlent l'un des plus petits titanosaures jamais découverts

Par : National Geographic — 15 avril 2024 à 13:05

Un nouveau dinosaure découvert en Patagonie rejoint le groupe des plus petits géants. Baptisé Titanomachya gimenezi, cet herbivore au long cou appartient à une famille de dinosaures généralement immenses : les titanosaures. Mais même à l'âge adulte, Titanomachya avait la taille d'une vache (une vache tout de même très lourde).

Le nouveau dinosaure a été découvert par Diego Pol, paléontologue au Museo Paleontológico Egidio Feruglio et explorateur National Geographic, qui avec ses collègues menait une quête scientifique visant à comprendre quelles étapes avaient marqué la fin de l'ère des dinosaures en Amérique du Sud. À ce jour, la majorité des connaissances des paléontologues sur la fin de l'ère des dinosaures - une période connue sous le nom de fin du Crétacé - provient de fossiles découverts dans l'hémisphère nord, et en particulier en Amérique du Nord.

Mais comme le démontrent Pol et d'autres paléontologues travaillant en Amérique du Sud, le continent possède plusieurs points chauds fossilifères cruciaux qui permettent de mettre au jour d'innombrables nouvelles espèces et d'avoir une vision plus détaillée de la vie terrestre durant les millions d'années qui ont précédé l'impact d'un astéroïde qui a mis fin au Crétacé avec fracas, il y a environ 66 millions d'années.

Ce nouveau titanosaure est la dernière découverte faite dans la région. Jusqu'à présent, Pol et ses collègues ont mis au jour plus de vingt sites riches en fossiles datant de la fin du Crétacé en Argentine. C'est dans l'un d'eux, la formation de La Colonia, en Patagonie centrale, que les chercheurs ont trouvé quelques ossements d'un sauropode à long cou. Aucun sauropode n'avait été découvert auparavant dans cette formation.

« Avant cette découverte, il n'existait aucune trace de dinosaures sauropodes dans cette région », explique Diego Pol. La découverte a été décrite le 11 avril dans la revue Historical Biology.

 

RECONSTITUER UN PUZZLE

Selon les chercheurs, reconstituer le dinosaure s'est apparenté à la reconstitution d'un gigantesque puzzle.

« Les restes étaient désarticulés mais placés très près les uns des autres », raconte Diego Pol.

De retour au laboratoire, l'équipe a découvert des côtes, des vertèbres, des os et une partie d'une hanche. Ils ont baptisé le reptile Titanomachya gimenezi en référence au moment où Zeus et la première génération de dieux olympiens ont affronté les titans dans la mythologie grecque, un épisode connu sous le nom de titanomachie, et aux travaux de la paléontologue Olga Giménez.

Malgré la présence d'un seul squelette partiel, les os se distinguent suffisamment des autres dinosaures pour justifier la documentation d'une nouvelle espèce, étaye Pablo Gallina, paléontologue à l'université Maimónides et explorateur National Geographic, qui n'a pas pris part à la nouvelle étude. Ce qui est particulièrement frappant, c'est la taille de ce nouveau dinosaure.

« Lorsque l'on pense à ces sauropodes titanosaures, on pense à un grand dinosaure avec un long cou et une longue queue », explique Gallina. « Surtout en Patagonie, où l'on trouve les plus grands titanosaures, qui peuvent peser plus de 70 tonnes. Ce dinosaure n'a qu'une fraction de cette taille. »

D'après les dimensions des os fossilisés, Diego Pol et ses coauteurs estiment que Titanomachya pesait entre 5 et 10 tonnes, mais que son corps avait les dimensions d'une grosse vache, avec un long cou et une longue queue, atteignant environ 6 mètres de long, soit à peu près la longueur d'un minibus.

C'est tout à fait dérisoire par rapport aux autres titanosaures. Les plus grands titanosaures mesuraient plus de 30 mètres de long et pesaient plus de 70 tonnes. Titanomachya était un petit animal qui errait dans ce qui est aujourd'hui l'Argentine à la toute fin du Crétacé, il y a environ 67 millions d'années.

Le monde de Titanomachya était très différent de la Patagonie que les paléontologues parcourent aujourd'hui. Selon Diego Pol, à la fin du Crétacé, la région était parsemée de lagunes côtières et d'estuaires. C'était un endroit humide et marécageux, patrouillé par les Carnotaurus, des dinosaures saurischiens prédateurs, et par un ensemble d'autres espèces de dinosaures que les paléontologues commencent à peine à distinguer. D'autres expéditions menées dans la formation de La Colonia, où ce titanosaure a été mis au jour, ont jusqu'à présent permis la découverte, entre autres, d'hadrosaures à bec de canard et d'ankylosaures cuirassés. Titanomachya n'est peut-être que la partie émergée d'un iceberg fossile.

La raison pour laquelle Titanomachya était si petit reste cependant un mystère. « La taille du corps est particulièrement frappante, non seulement pour cette espèce, mais aussi pour d'autres titanosaures qui vivaient en Patagonie vers la fin du Crétacé », souligne Pol.

Les experts étudient plusieurs hypothèses pour expliquer cette taille minuscule. Selon l'une d'elles, cette taille serait le résultat de l'adaptation des titanosaures aux pressions environnementales.

« L'une des possibilités est la réduction de la surface disponible en raison de la transgression de l'océan Atlantique, qui recouvrait une grande partie de la Patagonie », avance Diego Pol. Environ la moitié de la superficie de la Patagonie était autrefois recouverte d'une mer peu profonde. Les paléontologues disposent de preuves provenant d'autres sites fossiles, tels que les vestiges d'îles du Crétacé dans ce qui est aujourd'hui la Transylvanie, qui montrent que les espèces de dinosaures sauropodes ont parfois évolué pour devenir plus petites afin de survivre dans des espaces restreints où la nourriture était moins abondante.

D'autres changements environnementaux pourraient également avoir joué un rôle. « Des changements importants dans les écosystèmes et le climat auraient pu avoir une incidence sur la taille des titanosaures », développe Diego Pol. Les chercheurs qui étudient les fossiles de la région continueront à se pencher sur cette question.

 

À LA LOUPE

Un plus grand nombre de fossiles permettra de mettre en évidence des tendances environnementales plus larges. Pour brosser ce tableau, ils devront faire appel à des espèces bien plus diverses que les dinosaures. « Nous pensons que nous commençons à peine à découvrir le monde de la fin du Crétacé en Patagonie », partage Diego Pol.

« Notre projet se concentre non seulement sur les dinosaures, mais aussi sur les plantes, les invertébrés et d'autres groupes d'animaux. » À terme, il souhaite contribuer à la création d'une image détaillée des écosystèmes du Crétacé avant qu'ils ne soient anéantis par une catastrophe.

Une telle vision globale de la vie dans les années précédant l'impact de l'astéroïde qui a mis fin à l'ère des dinosaures est, à son tour, essentielle pour comprendre comment le monde a changé à la suite de cet événement d'extinction massive.

« L'extinction de la fin du Crétacé a été une crise mondiale de la biodiversité », souligne Diego Pol, qui a besoin de preuves provenant du monde entier pour en comprendre tous les tenants et aboutissants.

Dans la Patagonie de l'époque du Crétacé, par exemple, les paléontologues ont trouvé des preuves que la terre, la flore et la faune subissaient des changements importants. Les titanosaures comme Titanomachya commençaient à disparaître, tandis que d'autres herbivores, comme les hadrosaures et les ankylosaures, jouaient de nouveaux rôles dans l'écosystème. En fin de compte, ce minuscule titan a marqué un changement qui se termina par l'une des plus grandes catastrophes de tous les temps.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Certaines personnes ne sont jamais stressées. Sont-elles pour autant plus heureuses ?

Par : National Geographic — 12 avril 2024 à 16:13

La passion de Susan Charles ? Trouver ce qui nous rend heureux. Au cours de sa carrière dans l'étude des processus émotionnels à l'âge adulte, cette professeure de sciences de la psychologie au sein de l'université de Californie à Irvine s'est intéressée à plusieurs reprises à ce sujet. La plupart des émotions sont ressenties dans un contexte social, donc « ce qui nous rend heureux coïncide souvent avec ce qui nous donne un sentiment de sécurité », dit-elle. « Ce qui nous permet de continuer à profiter des personnes qui ajoutent du sens à nos vies. » Et la quantification des facteurs de stress du quotidien est essentielle pour percer les secrets de ce bonheur.

La majorité de ses données provient d'une véritable mine d'informations connue sous le nom de Midlife in the United States (MIDUS), une étude longitudinale révolutionnaire menée par l'université du Wisconsin à Madison qui évalue la santé et le bien-être de ses participants à travers des journaux quotidiens et des entretiens téléphoniques. Trois vagues majeures de collecte des données ont eu lieu à ce jour ; une par décennie en 1995, 2005 et 2015, avec une quatrième enquête spécialement menée en 2012 pour évaluer les effets de la crise économique de 2008. À l'heure actuelle, les chercheurs recueillent des données relatives aux effets de la pandémie de coronavirus.

Pendant huit jours d'affilée, les participants à chaque vague de l'étude se sont entretenus avec un chercheur au téléphone à propos de leur journée. Les sondés évoquaient notamment leurs éventuelles sources de stress, comme une dispute avec un ami, un problème au travail ou d'autres événements qui ne mettent pas leur vie en danger mais restent perturbateurs. Susan Charles s'est immergée dans ces enquêtes avec la volonté de découvrir dans les réponses les réactions de différents individus face au stress. Régulièrement, elle devait se résoudre à exclure une petite partie des données.

Dans toutes les vagues de l'étude MIDUS, chaque fois que les chercheurs demandaient aux participants s'ils avaient eu une expérience stressante au cours de la journée, 10 % d'entre eux répondaient « non ». En d'autres termes, pendant huit jours d'affilée, ces participants n'avaient pas vécu le moindre stress quotidien. Au départ, ces exceptions ne présentaient pas un grand intérêt pour notre professeure de sciences psychologiques, car quiconque ne perçoit ou ne ressent aucun stress ne pourrait pas l'aider à comprendre comment la population gère ce stress. Puis, après un temps, elle s'est demandé qui pouvaient bien être ces personnes.

 

DES BIENFAITS MITIGÉS 

Si une vie dénuée de stress vous semble idyllique… détrompez-vous. En 2021, Susan Charles s'est intéressée à ces exceptions miraculeuses à travers son étude « Les bénéfices mitigés d'une vie sans facteur de stress » et si elle a choisi ce titre, ce n'est pas pour son côté accrocheur.

Charles et ses collègues ont découvert que les participants dénués de stress avaient tendance à signaler un niveau de bonheur supérieur à la population générale et un niveau inférieur de maladies chroniques, mais ils présentaient également des signes de déclin cognitif, comme une baisse de l'attention et de la concentration, une mémoire à court et à long terme moins efficace, ainsi que des difficultés à résoudre les problèmes ou à contrôler les comportements indésirables.

Le message véhiculé par ce type de travaux n'est pas de nous inviter à chérir chaque source de stress sur notre chemin. Toutes les instances de réaction au stress ne se ressemblent pas. Lorsque les chercheurs parlent de stress bénéfique pour la population, « nous ne parlons pas d'événements réellement négatifs comme les traumatismes, mais de choses plus courantes dans la vie quotidienne », précise Jeremy Jamieson, spécialiste du stress à l'université de Rochester.

Jamieson n'a pas participé à l'étude de Susan Charles, mais il étudie comme elle les bienfaits de certains types de stress, une expérience qui jouit généralement d'une mauvaise réputation. « S'attaquer à un devoir difficile ou à une tâche complexe au travail, ce sont des défis que l'on rencontre tout le temps et ils ne sont pas nécessairement négatifs, mais ils sont souvent présentés comme tels », déclare Jamieson.

Comme pour la douleur, l'expérience générale du stress est universelle, mais la façon dont ce mécanisme se déclenche est hautement subjective. Deux personnes capables de ressentir le stress peuvent être confrontées à un même événement, par exemple un rôle dans une pièce de théâtre, et y réagir de manière différente. La première pourrait se décomposer sous les projecteurs et la seconde se sentir parfaitement à l'aise sur scène.

Le parallèle avec la douleur ne s'arrête pas là : le fait de ne pas ressentir de stress peut aider une personne à éviter un problème, tout en lui en créant d'autres. Si une personne insensible à la douleur échappe à l'une des sensations les plus déplaisantes de notre existence, elle est également plus sujette aux blessures, puisque la douleur déclenche un réflexe qui assure notre sécurité, en nous invitant par exemple à retirer notre main du feu. En l'absence de douleur, rien n'empêche de se brûler.

De son côté, le stress nous permet de ressentir pleinement la vie et favorise l'apprentissage. L'hippocampe, cette région du cerveau qui joue un rôle central dans l'apprentissage à travers la mémoire, raffole de la nouveauté. Le fait de surmonter les petits facteurs de stress du quotidien constitue une source intarissable de nouveautés et d'évolution. Lorsque notre cerveau est privé de ces défis inoffensifs, il souffre. Ce phénomène est probablement à l'origine du déclin de la mémoire et de la capacité à résoudre des problèmes observé par Charles chez les participants non affectés par le stress dans la population de l'étude MIDUS.

« Dès les premiers signes de stress, notre réaction est souvent de couper court à la situation, de battre en retraite et de fuir, mais ce n'est pas une obligation », déclare Jamieson. « Apprendre à être résilient et à persévérer malgré les défis et les difficultés est une compétence primordiale. Il ne s'agit pas d'un trait de caractère inné mais bien d'un comportement que l'on peut apprendre et mettre en œuvre. »

Charles n'obtiendra jamais les réponses à ses questions sur l'identité de ceux dont l'existence échappe au stress. Les données personnelles des répondants sont scrupuleusement tenues secrètes par Carol Ryff, psychologue et responsable de l'étude MIDUS pour l'université du Wisconsin à Madison.

En revanche, Charles connaît très bien le profil général de ces individus : ce sont souvent des hommes âgés, non mariés, possédant un niveau d'éducation inférieur à celui des participants qui ont signalé au moins un facteur de stress quotidien au cours des huit jours de l'enquête. Ces étrangers au stress signalent également un nombre nettement inférieur d'activités quotidiennes par rapport au reste de l'échantillon, à l'exception de la télévision qu'ils regardent avec bien plus d'assiduité que ceux dont la vie est ponctuée d'expériences stressantes.

Charles attire notre attention sur un détail particulièrement intéressant de son étude : en apparence, moins une personne aurait d'interactions sociales, moins elle serait stressée… mais la réalité est plus complexe. Parmi les activités quotidiennes recensées par l'étude MIDUS, les personnes non stressées ont déclaré consacrer moins d'heures que les personnes stressées aux activités qui impliquent généralement une interaction sociale : le travail, le volontariat et apporter ou recevoir un soutien émotionnel.

Pourtant, comme le souligne Charles, le soutien émotionnel est un allié redoutable contre le stress. « Les autres sont souvent une source de stress dans notre vie quotidienne », déclare Charles en riant, avant d'ajouter : « Mais ils sont absolument nécessaires pour nous ; nous sommes des créatures sociales. »

Il semble donc y avoir un juste milieu, une quantité idéale de soutien social bénéfique pour nos capacités cognitives avant que le temps consacré aux autres ne devienne sa propre source de stress. Le rôle des réseaux sociaux est un sujet qui n'a pas fini d'éveiller l'intérêt des chercheurs, tout comme de nombreux autres aspects du stress.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Quelle est la bonne manière d'arrêter les antidépresseurs ?

Par : National Geographic — 11 avril 2024 à 14:40

Quand les personnes sous antidépresseurs arrêtent d’en prendre, les médecins s’inquiètent souvent que leurs troubles mentaux puissent ressurgir. Beaucoup de praticiens oublient un problème important : les symptômes débilitants du manque, parmi lesquels on trouve à la fois des affections physiques et psychologiques et qui sont plus répandus et ont un effet plus radical sur la qualité de vie qu’on ne le pense.

Dans une enquête publiée récemment dans la revue Journal of Affective Disorders Reports, des chercheurs ont interrogé 1 100 personnes souffrant de symptômes de sevrage et ont découvert que ceux-ci entravaient la capacité à travailler de la plupart d’entre elles : 20 % avaient perdu leur travail à cause de cela ; et 25 % des sondés affirmaient que leurs relations personnelles s’en étaient trouvées affectées. Parmi leurs symptômes figuraient notamment agitation, brouillard cérébral, palpitations cardiaques, acouphènes, sensations de brûlure ou électriques, et des dizaines d’autres.

« On dit aux patients : "Vous êtes à 20 milligrammes, descendez à 10, puis à 5, puis à 0." Mais l’effet sur le cerveau n’est pas linéaire, et cette dernière baisse, c’est comme sauter du haut d’une falaise », explique Mark Horowitz, chargé de recherche clinique au National Health Service britannique, co-auteur de l’étude parue dans la revue JAD Reports et partisan d’un régime de sevrage beaucoup plus progressif.

Les spécialistes s’accordent à dire qu’il faut davantage de données pour déterminer précisément le nombre de personnes en manque et la durée de leurs symptômes. Toutefois, selon un article paru dans une revue scientifique, plus de la moitié des personnes sous antidépresseurs subissent des effets perturbants lorsqu’elles cessent le traitement, et parmi celles-ci, près de la moitié disent souffrir de symptômes graves. Dans l’étude des JAD Reports, qui se limite à l’étude de personnes touchées par le manque, 40 % des participants ont dit avoir souffert de leurs symptômes pendant deux ans au moins.

Les antidépresseurs peuvent présenter des bénéfices pour la santé, en particulier dans les cas de troubles dépressifs graves. Mais 13 % des adultes américains sont actuellement sous antidépresseurs pour une multitude de raisons physiques et mentales, et les problèmes liés au sevrage pourraient finir par toucher des millions de personnes.

Selon Bryan Shapiro, psychiatre du Centre médical d’Irvine de l’Université de Californie ayant suivi des personnes souffrant d’un sevrage lié aux antidépresseurs, on a trop insisté sur (et trop investi dans) le fait de faire commencer des traitements antidépresseurs aux patients et pas assez sur le fait d’arrêter sans danger.

« On a insisté sur le fait de prescrire, prescrire, prescrire, et moins sur la stratégie de sortie », déplore Bryan Shapiro.

D’après Mark Horowitz, les médecins attribuent fréquemment les symptômes du manque à un retour du trouble mental qui a conduit le patient vers le médicament, mais pour beaucoup de personnes ce n’est pas le cas. Son enquête publiée dans les JAD Reports a mis en évidence des problèmes de sevrage similaires, notamment de l’anxiété et des sautes d’humeur, chez les personnes qui s’étaient vu prescrire des traitements pour des problèmes physiques tels que des migraines, de la fatigue chronique ou des douleurs.

 

LE CERVEAU S’ACCOUTUME AU TRAITEMENT

Les antidépresseurs fonctionnent en partie en faisant augmenter le taux de neurotransmetteurs comme la sérotonine, bien qu’il soit apparu au fil des années que des mécanismes plus complexes sont également à l’œuvre.

Une certaine classe d’antidépresseurs, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), bloque l’absorption de la sérotonine (un neurotransmetteur) et en laisse ainsi davantage au cerveau pour envoyer des messages d’un neurone à un autre. Une fois que le cerveau s’adapte au médicament, le nombre et l’activité de ses propres récepteurs de sérotonine diminue.

Quand le traitement cesse, le nombre plus faible de récepteurs de la sérotonine engendre un déséquilibre. « Quand vous arrêtez le traitement et que les récepteurs n’ont pas eu le temps de se reconstituer, il y a une carence majeure qui conduit au manque », explique Bryan Shapiro.

S’il ne faut que quelques jours au médicament pour être évacué du corps, le cerveau peut, lui, prendre plus longtemps pour s’adapter. Cela ressemble aux défis auxquelles sont confrontées les personnes alcooliques depuis longtemps pour réorienter leur cerveau vers l’absence d’alcool.

Bien entendu, certaines personnes n’ont aucun symptôme ou presque lors de l’arrêt d’un antidépresseur et les spécialistes tentent encore de comprendre l’ensemble des mécanismes impliqués dans la sensation de manque.

C’est l’arrêt de la toute fin du traitement qui a le plus d’impact, même lorsque celui-ci est faiblement dosé. Une revue d’études sur les récepteurs de la sérotonine réalisée par Shapiro a mis en évidence le fait que 80 % environ de l’activité d’un antidépresseur se produit aux doses de traitement les plus faibles. « Ce qui semble aux psychiatres une dose thérapeutique minimale a un effet profond sur le récepteur », affirme Bryan Shapiro.

Dans certains cas, les symptômes psychologiques subis lors de l’arrêt peuvent provenir d’une rechute, signe qu’il faut immédiatement consulter son médecin.

Mais selon Mark Horowitz, quand les symptômes sont physiques ou que les symptômes psychologiques sont nouveaux ou plus graves qu’avant le traitement, alors le manque est probablement avéré.

 

DES ANNÉES POUR GUÉRIR

Pour Peter Eliasberg, avocat de soixante-trois ans de Los Angeles qui a commencé à prendre un inhibiteur de la recapture de la sérotonine-noradrénaline lors d’une grave dépression au début de la trentaine, le sevrage s’est transformé en problème majeur. Après vingt-trois années de traitement et deux tentatives infructueuses de se sevrer, Peter Eliasberg a décidé il y a sept ans qu’il se sentait suffisamment bien pour arrêter. Son psychiatre lui a demandé de réduire par deux sa dose, et ce plusieurs fois de suite sur une période de six semaines avant d’arrêter pour de bon.

Peter Eliasberg a eu beau décider de prendre le double de temps, cela s’est tout de même avéré trop rapide pour son cerveau. Il a vite fait de graves insomnies, il avait l’impression que ses nerfs étaient en feu, et est tombé dans une dépression plus grave encore que ce qu’il avait connu ; des symptômes qui, en plus de problèmes de mémoire et du brouillard cérébral subséquents, l’ont accablé pendant des années.

Son psychiatre était pourtant formel : l’arrêt des ISRS n’était pas à blâmer, car son système avait depuis longtemps évacué le médicament. Il lui a donc prescrit d’autres médicaments.

Finalement, Peter Eliasberg a progressivement arrêté tous les médicaments en suivant une chronologie bien plus incrémentielle. Ce n’est qu’au cours de l’année passée que l’ensemble de ses symptômes ont disparu. « En tout, il aura fallu six ans pour que je sois totalement guéri », commente-t-il.

Selon Mark Horowitz, sur les réseaux sociaux, de plus en plus de groupes dédiés au sevrage des antidépresseurs regorgent de témoignages similaires de patients. Il ajoute qu’il existe des dizaines de groupes comptant en tout 180 000 membres et dont la croissance est de 25 % par an. Certains groupes se concentrent sur des antidépresseurs spécifiques, comme celui dédié à la mirtazapine (près de 6 000 membres) ou celui dédié à l’escitalopram (là encore 6 000).

 

LE ROYAUME-UNI A MODIFIÉ SES DIRECTIVES

Au Royaume-Uni, les directives psychiatriques ont évolué ces dernières années pour aller dans le sens d’une approche de sevrage plus graduelle.

En France, la directive est de « limiter l'apparition d'un syndrome de sevrage lors de l'arrêt d'un médicament antidépresseur [ce qui] passe par une diminution des doses par paliers, sur plus de 4 semaines. »

Selon Jonathan Alpert, psychiatre de la Faculté de médecine Albert-Einstein de New York et président du Conseil sur la recherche de l’Assocation américaine de psychiatrie, réduire sur une période de « quelques jours à quelques semaines est généralement suffisant ». Il fait toutefois remarquer que les recommandations de l’Association américaine de psychiatrie (APA) sont en train d’être réévaluées.

Jonathan Alpert admet cependant que ce conseil trouve son origine dans des études dans le cadre desquelles les patients ont consommé un tel médicament pendant des courtes périodes uniquement. Dans certaines études, les participants suivaient un traitement de quatre semaines seulement, voire moins. Pourtant les patients restent généralement sous antidépresseurs bien plus longtemps, souvent pendant des décennies.

Les recommandations de l’APA mettent toutefois bien en garde contre un arrêt abrupt sans réduction progressive, ce dans le but d’éviter un « syndrome d’interruption ». Cependant, on peut y lire que celui-ci se résout presque toujours « au bout d’une ou deux semaines ».

Comme l’enquête parue dans les JAD Reports l’a mis en évidence, pour certaines personnes, l'importance du problème est grandement minimisée. En plus des plaintes courantes, les patients interrogés pour l’enquête avaient des trous de mémoire, des chocs électriques cérébraux, des spasmes musculaires, un besoin pressant de bouger leur corps, une sensibilité accrue au bruit et à la lumière, des problèmes de libido, etc.

Josef Witt-Doerring, psychiatre dont le cabinet en ligne se spécialise dans le sevrage des antidépresseurs, dit recevoir chaque semaine des appels de dizaines de nouveaux patients qui continuent de lutter des mois, voire des années, après avoir arrêté. Selon lui, la croyance des psychiatres selon laquelle les symptômes sont généralement de courte durée et légers vient de comités de consensus, comme celui qui s’est tenu en 2004, plutôt que du vécu des patients.

Le comité de 2004 était financé par une entreprise pharmaceutique et plusieurs de ses spécialistes ont reçu de l’argent de divers fabricants d’antidépresseurs, comme on peut le lire dans l’article de journal décrivant l’événement.

D’après une étude, les effets du manque semblent plus fréquents et graves chez les personnes qui prennent des antidépresseurs depuis un an ou plus. Certains, comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline et la paroxétine, sont associés à des risques plus élevés de rencontrer des problèmes.

Dans le cabinet de Josef Witt-Doerring, les personnes âgées mettent plus de temps à guérir que les jeunes. Mais il est pour l’instant impossible de prédire qui pourrait être à risque.

Phil, cadre d’entreprise du New Jersey âgé de 32 ans qui a souhaité que son nom de famille ne soit pas divulgué, a été sous antidépresseurs tétracycliques pendant trois mois seulement en 2022 avant de décider d’arrêter le traitement en suivant les instructions de son médecin : réduire progressivement sur quatre semaines.

Plus d’un an plus tard (bien qu’il ait en fin de compte repris le traitement, qu’il prenne de nouveaux médicaments et qu’il ait entamé un nouveau régime de sevrage plus lent), il continue de lutter contre l’épuisement, les problèmes de mémoire et une incapacité à éprouver du plaisir. « Les symptômes du manque m’ont complètement dépossédé de toute qualité de vie. Mon ancienne personnalité ­­­– j’étais sociable et extraverti – est complètement partie », déplore-t-il.

 

UN RÉGIME DE SEVRAGE PROGRESSIF DIFFÉRENT

Le Royal College of Psychiatrists, en Angleterre, recommande un sevrage progressif et de travailler avec un médecin pour commencer à réduire la dose de 10 % seulement, voire de 5 %.

Des recommandations similaires apparaissent dans un nouveau livre écrit par Mark Horowitz et le psychopharmacologue David Taylor, The Maudsley Deprescribing Guidelines : Antidepressants, Benzodiazepines, Gabapentinoids et Z-Drugs. Ils fondent leurs recommandations sur une étude du Lancet portant sur des résultats d’imagerie cérébrale dont ils sont les auteurs et qui se penchait sur les effets des antidépresseurs à divers dosages.

Plutôt que de réduire par quantités équivalentes, ils conseillent de procéder en fonction de la façon dont chaque dosage affecte le cerveau. Chaque dose devient infinitésimalement plus petite à la fin du traitement, ce qui fait qu’il faut parfois plusieurs années pour en voir le bout. Des suspensions liquides, ou des pilules provenant de pharmacies spécialisées, sont généralement nécessaires pour effectuer ce type de réductions incrémentielles.

Bryan Shapiro conseille aux patients de rester sur chaque nouvelle dose diminuée pendant au moins un mois, « soit la durée nécessaire aux récepteurs pour s’adapter », explique-t-il.

Ce régime est souvent recommandé dans les groupes en ligne, endroit où Mark Horowitz l’a découvert il y a plusieurs années après avoir tenté d’arrêter ses propres ISRS sans succès pendant onze ans. Sa dépression, qu’il évalue à 4 sur 10 avant traitement, a rapidement atteint 10 sur 10 et était accompagnée d’une anxiété intense et d’un besoin de bouger constamment.

« Je me suis dit, c’est complètement ridicule. Comment se fait-il que j’aie six diplômes, dont un doctorat en antidépresseurs, et que ce soient un ingénieur informatique à la retraite et un camionneur qui me donnent des conseils sur la façon de me sevrer de mon traitement sur un site d’entraide entre particuliers », se souvient-il.

La plupart des patients ne sont pas informés par leur médecin des potentiels problèmes de sevrage quand ils commencent à prendre un antidépresseur, c’est ce qu’a découvert Bryan Shapiro en analysant des milliers de publications sur le groupe de soutien « Surviving Antidepressants » (« Survivre aux antidépresseurs). Selon lui, cela doit changer.

Il souhaite également que les patients soient conscients à la fois des avantages et des inconvénients potentiels des antidépresseurs. « La décision de prendre un traitement psychiatrique est une décision importante et ne devrait pas être prise avec désinvolture », prévient Bryan Shapiro.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Pourquoi certains volcans crachent-ils des ronds de fumée ?

Par : National Geographic — 10 avril 2024 à 14:32

Des nuées ardentes dévalant leurs pentes aux rivières de lave incandescente, les volcans sont célèbres pour l'incroyable spectacle pyrotechnique qu'ils donnent à voir. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont dénués d'intérêt dans leurs moments d'apaisement, comme le montrent les étranges anneaux de fumée qui s'élèvent dans le ciel de certains volcans encore frémissants.

Depuis quelques jours, ce phénomène est observé en Italie au sommet de l'Etna, où une myriade de volutes éphémères se détache du ciel azuré.

Naturellement, toute personne témoin de ce tour de magie souhaite des réponses : comment les volcans peuvent-ils bien créer ces ronds de fumée ? Et pourquoi seules certaines de ces furieuses montagnes sont-elles capables d'en produire ?

De telles apparitions éphémères ont été détectées au sommet de multiples volcans à travers le monde mais le processus qui mène à leur éclosion reste encore trouble. Même si leur diamètre peut atteindre plusieurs dizaines de mètres, ils ne persistent pas longtemps et sont imprévisibles, ce qui rend leur étude particulièrement difficile. En 2019, une équipe de scientifiques a donc décidé de s'intéresser à la question et de les simuler sur ordinateur sous la direction de Fabio Pulvirenti, directeur de recherche au Jet Propulsion Laboratory de la NASA à l'époque et désormais professeur à l'université polytechnique du Henan, en Chine.

Publiés dans la revue Scientific Reports en 2023, leurs résultats nous montrent que ces anneaux de gaz et de vapeur partagent de nombreux points communs avec les ronds de fumée crachés par les fumeurs à travers leur bouche ou par les canons-jouets à fumée à travers leur ouverture circulaire. Dans les trois cas, une quantité importante de vapeur doit être accumulée puis expulsée rapidement pour former un anneau digne de ce nom.

Aussi impressionnante soit-elle, la prouesse fait appel à des principes physiques plutôt élémentaires.

 

Qu'est-ce qu'un anneau de fumée volcanique ?

Malgré leur nom, ces cercles de fumée ne sont pas composés de fumée, indique Boris Behncke, volcanologue à l'Institut national de géophysique et de volcanologie en Italie, non impliqué dans l'étude de 2019. La version volcanique des anneaux de fumées est en fait principalement constituée de gaz condensés, en majeure partie de la vapeur d'eau, qui s'échappent du magma avant d'être propulsés par la cheminée du volcan.

Des vents forts peuvent empêcher les anneaux de se former ou de durer dans le temps. Dans le cas contraire, les anneaux formés à partir d'un volume suffisant de vapeur volcanique (plus chaude et moins dense que l'air ambiant) dérivent à la verticale en s'élargissant peu à peu. À mesure qu'ils s'élèvent, ils perdent de la vapeur et finissent par ne plus être visibles.

Cependant, seuls certains volcans semblent capables de souffler ces cercles de fumée et seulement à certains moments qui plus est. Lorsque Pulvirenti avait entendu parler d'eux pour la première fois en 2013, il avait remarqué que la littérature scientifique n'offrait aucune réponse substantive à leur sujet. Lorsqu'il ne put plus contenir sa curiosité, il décida de recruter des collègues pour se lancer à l'assaut de ce mystère volcanique.

Par la suite, l'équipe s'est intéressée aux nombreuses observations de ces anneaux de fumée pour voir comment ils s'élevaient, à quelle vitesse ils se déplaçaient, à quel rythme ils refroidissaient, à quel point leur composition variait et à quelle fréquence ils contenaient de la centre. Les scientifiques se sont également penchés sur la façon dont les gaz magmatiques migrent à travers les conduits volcaniques pour s'en échapper et se sont plongés dans les lois complexes de la physique des fluides qui régissent la formation des tourbillons par le biais d'expériences en laboratoire.

Ils ont ensuite intégré tous leurs résultats à un modèle informatique. En jouant avec l'accumulation de pression à l'intérieur du conduit et la géométrie de la cheminée volcanique virtuelle, l'équipe de scientifiques a pu définir les paramètres nécessaires à la formation d'anneaux de fumée.

 

Comment se forment les anneaux de fumée et pourquoi seuls certains volcans en sont capables ?

À mesure que le magma s'élève dans le conduit, la pression environnante chute, ce qui permet aux gaz dissous d'émerger sous forme de bulles. Si le magma n'est pas trop visqueux, ces bulles peuvent fusionner en différentes poches de gaz pressurisé. À l'approche de la cheminée, ces poches de gaz peuvent subir une violente dépressurisation et exploser en projetant de la vapeur chaude vers le haut, parfois à des vitesses proches de celle du son.

La vapeur éjectée de la cheminée interagit ensuite avec les parois rocheuses du volcan, la boule de gaz s'enroule autour des bords. On constate exactement le même phénomène sur les vidéos des canons à fumée au ralenti, indique Pulvirenti. Puis, lorsque le cercle enroulé de fumée entre en contact avec l'atmosphère plus froide, il refroidit, ralentit, se condense et devient visible, un peu comme les traînées de condensation laissées par les avions.

Pour créer ces anneaux, il est primordial que la cheminée du volcan soit suffisamment circulaire et que ses parois soient de la même hauteur. Si la forme de la cheminée est trop irrégulière ou si celle-ci est fracturée, le cercle sera altéré, instable ou ne se formera pas du tout. 

Doctorant en volcanologie à l'université d'Auckland à l'époque où Pulvirenti présentait les résultats de son étude en 2019, Benjamin Simons a observé ces cercles de fumée sur plusieurs volcans toujours en activité, notamment celui du mont Yasur au Vanuatu. La plupart des cercles qu'il a eu l'occasion d'apercevoir émanaient de lucarnes, des ouvertures naturelles en forme de cercle situées au-dessus de fissures volcaniques qui « offrent une vue imprenable sur l'envoûtante lueur nocturne du magma », assure-t-il.

Lorsque de petites bouffées de gaz volcaniques étaient recrachées à travers ces ouvertures étroites, des cercles de fumée se formaient. Ils s'élevaient lentement, dit-il, et n'avaient que très rarement la puissance nécessaire pour dépasser le sommet du cratère avant de s'évanouir. Les résultats apportés par le nouveau modèle informatique correspondent aux observations faites par Simons ; plus l'ouverture est circulaire, « plus il y a de chances qu'elle produise un anneau de fumée, » indique-t-il.

Le modèle établi par Pulvirenti nous explique pourquoi ces anneaux de fumée n'apparaissent pas sur tous les volcans, puisqu'ils ont besoin de conditions spécifiques pour se former. Même lorsque ces conditions sont réunies, les anneaux de fumée n'apparaissent pas systématiquement, ce qui suggère que nos connaissances sur le désordre gazeux qui règne à l'intérieur des volcans présentent encore quelques lacunes.

Note de la rédaction : cet article a été initialement publié le 7 août 2019 en langue anglaise. Il a été mis à jour.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Chaque grossesse peut ajouter plusieurs mois à votre âge biologique

Par : National Geographic — 10 avril 2024 à 11:46

Des chercheurs ont découvert que le fait de faire grandir un être humain en soi à partir de zéro fait « vieillir » le corps ; rien de surprenant pour quiconque a connu une grossesse.

Une étude qui vient de paraître suggère qu’une seule grossesse peut suffire à ajouter deux à quatorze mois à votre âge biologique.

« La grossesse a un coût qui semble être détectable » dès la vingtaine, révèle Calen Ryan, auteur principal de l’étude et spécialiste de biologie humaine de l’École de santé publique de l’Université Columbia de New York.

Selon Yousin Suh, professeure de l’Université Columbia n’ayant pas pris part aux travaux publiés le 8 avril dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences et dont les recherches portent sur les conséquences de la grossesse sur le vieillissement, cette « étude capitale » confirme ce que les femmes savaient déjà : la grossesse impose un lourd tribut au corps.

L’âge chronologique, c’est-à-dire le nombre de voyages que vous avez effectués autour du soleil, peut être différent de votre âge biologique, qui correspond à l’âge apparent de vos cellules et de vos organes selon des critères biochimiques.

Calen Ryan tâche d’étudier les raisons pour lesquelles notre corps peut vieillir plus rapidement ou plus lentement que ce à quoi l’on s’attend. Il s’avère que cela relève en grande partie de l’épigénétique, c’est-à-dire des moments où notre corps décide d’activer ou d’inhiber des gènes. 

Certains événements de la vie (maladies graves, traumatismes ou périodes de stress aigu) semblent causer des « bonds » dans l’âge épigénétique, car le corps réalloue de l’énergie et des ressources pour faire face à ces défis.

Peu de fonctions biologiques sont aussi laborieuses que celle qui consiste à faire se développer une personne entière en l’espace de neuf mois seulement, et la récente étude confirme les doutes qu’avaient les scientifiques : une grossesse, en particulier lorsqu’elle est suivie d’autres grossesses, se paie en âge biologique.

 

VOTRE HORLOGE ÉPIGÉNÉTIQUE

Si notre génome est un mode d’emploi, l’épigénome est un système complexe de marque-pages, de moments marquants et de soulignements qui dit à nos cellules quels gènes lire et à quel moment. Souvent, cela se produit par méthylation, un processus par lequel de minuscules étiquettes que l’on appelle « groupes méthyles » s’attachent à une section d’ADN.

Les gènes qui doivent être actifs changent constamment selon notre environnement et selon nos expériences. Ainsi ces groupes méthyles ont besoin de se déplacer et d’être remplacés fréquemment. Pourtant, à mesure que nous vieillissons, cette machine de maintenance semble commencer à faire des erreurs : les méthylations s’accumulent à certains endroits et disparaissent à d’autres. 

En prélevant un échantillon sanguin et en dénombrant le nombre de marque-pages méthylés à des endroits clés du code génétique, les scientifiques sont en mesure de calculer l’âge épigénétique d’une personne grâce à un ensemble d’algorithmes nommés « horloges ». Si ces horloges prédisent vos chances de mourir ou de connaître des complications en matière de santé, on connaît en revanche moins les effets de la fertilité sur l’horloge biologique.

Pour en savoir davantage, Calen Ryan et ses collègues ont choisi de réaliser une étude au long cours sur la santé intergénérationnelle aux Philippines. En 2005, ils ont analysé les échantillons sanguins de 825 femmes âgées de vingt à vingt-deux ans. 

Les chercheurs ont identifié une différence frappante : le nombre de changements épigénétiques dans l’ADN des participantes a révélé que celles qui avaient été enceintes étaient biologiquement plus âgées de quatre à quatorze mois que celles qui ne l’avaient pas été, et ce même après avoir pris en compte des facteurs tel que le niveau de revenu ou le tabagisme.

 

UN EFFET CUMULATIF

Bien que d’âges proches, les femmes de l’étude suivaient déjà des trajectoires de fertilité bien distinctes ; certaines n’avaient jamais été enceintes, d’autres disaient l’avoir été une fois ou plus, et d’autres encore étaient enceintes au moment où les prises de sang ont été effectuées.

Cela a soulevé une question cruciale : le fait de tomber enceinte plusieurs fois avait-il un effet cumulatif sur le vieillissement, chaque grossesse supplémentaire faisant augmenter l’âge épigénétique de la mère ?

En se servant des premiers échantillons sanguins comme référence, les chercheurs ont prélevé de nouveaux échantillons chez 331 de ces femmes quatre à neuf ans plus tard alors qu’elles étaient enceintes. 

En comparant ces deux instantanés de l’âge épigénétique de chaque femme, Calen Ryan et son équipe ont calculé l’effet de chaque grossesse supplémentaire survenue au cours des années qui s’étaient écoulées.

« L’âge épigénétique des femmes qui avaient eu plus de grossesses durant ce laps de temps avait davantage changé », affirme-t-il. Chaque grossesse rajoutait deux à trois mois à l’âge biologique de la mère.

Selon Yousin Suh, qui étudie le coût de la reproduction pour le corps humain, les résultats de Calen Ryan constituent une avancée importante dans notre compréhension de la façon dont les grossesses multiples affectent l’âge biologique, car la majorité des recherches existantes ne s’intéressent qu’à une unique grossesse.

Cette nouvelle étude cadre selon elle avec nos connaissances en matière de fécondité élevée : tomber enceinte plusieurs fois peut raccourcir la durée de vie et accroître le risque de contracter des cardiopathies.

 

UNE RAISON D’ÊTRE OPTIMISTE

Toutefois, Yousin Suh et Calen Ryan s’accordent à dire que ceux qui souhaiteraient devenir parents ne devraient pas désespérer. En effet, il n’est pas certain qu’un âge épigénétique légèrement plus élevé lors de vos années de grossesse conduise à des complications des décennies plus tard.

D’ailleurs, selon Yousin Suh, certaines études suggèrent l’existence d’un « point idéal » en ce qui concerne la fertilité. Par exemple, dans certains cas, une ou deux grossesses peuvent être meilleures qu’aucune, car la grossesse est associée à des risques moindres de contracter certains cancers et le fait d’avoir au moins un enfant est associé à une espérance de vie légèrement plus grande.

Tandis que les scientifiques en apprennent davantage sur le vieillissement et la fertilité, « nous pouvons travailler à identifier les personnes susceptibles d’être les plus exposées », ajoute Calen Ryan, et mettre au point des stratégies pour atténuer les effets négatifs de la grossesse.

Des études récentes indiquent que le coût épigénétique de la grossesse peut varier selon les pays et les cultures, ce qui suggère que le soutien parental et l’accès à la santé jouent un rôle important. Une amélioration de ces deux facteurs pourrait atténuer l’impact de la grossesse sur l’âge épigénétique.

Yousin Suh ajoute qu’il faudra effectuer davantage de recherches pour distinguer les effets de l’éducation d’enfants et ceux de l’accouchement sur l’âge génétique, mais aussi tâcher de savoir si le fardeau de la grossesse est plus important quand les mères sont plus âgées que celles qui ont participé à l’étude.

On peut avoir l’impression qu’il est notoire que la grossesse fait vieillir, mais c’est un concept relativement nouveau dans la littérature scientifique. Et pour Yousin Suh, les recherches comme celles entreprises par Calen Ryan se sont faites attendre. « J’éprouve un grand réconfort à l’idée que des études de ce type soient en train d’être réalisées », se réjouit-elle.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Vaut-il mieux dormir sur le ventre ou sur le dos ?

Par : National Geographic — 9 avril 2024 à 18:54

Comment avez-vous dormi la nuit dernière ? Comme la plupart d’entre nous, il est probable que vos positions de sommeil suivent un cycle similaire nuit après nuit : vous commencez par vous installer dans votre position préférée et, une fois que vous êtes endormis, vous commencez à bouger et changez de position tout au long de la nuit.

Si vous vous demandez si la position dans laquelle vous dormez vous garantit un sommeil optimal, vous n’êtes pas seul. En effet, de nombreux conseils, recommandations et informations parfois contradictoires associent certaines positions à divers avantages ou inconvénients pour la santé, et le marché regorge de produits sophistiqués promettant de vous apprendre à dormir autrement.

Pourtant, nous n’avons que très peu de contrôle sur la position de notre corps pendant que nous dormons et, selon certains spécialistes, il serait préférable de ne pas forcer les choses.

« Parfois, essayer de contrôler sa position peut faire plus de mal que de bien », révèle Raman Malhotra, ancien président de l’Académie Américaine de la Médecine du Sommeil et professeur de neurologie à l’école de médecine de l’Université de Washington.

Que savons-nous vraiment des positions que nous adoptons pendant la nuit, et que pouvons-nous faire pour nous assurer un sommeil optimal ?

 

NOTRE POSITION DE SOMMEIL EST-ELLE LIÉE À NOTRE PERSONNALITÉ ?

Selon le psychologue Samuel Dunkell, auteur d’un ouvrage populaire de psychologie paru en 1977 dans lequel il qualifiait les positions de sommeil de « langage nocturne du corps », ces dernières donneraient des indications sur les traits de personnalité et la psychologie des individus.

C’est cette théorie qui a incité Joseph De Koninck, psychologue au Canada, à se demander comment nous passons réellement nos nuits. Pour le découvrir, le spécialiste a conçu une méthode consistant à photographier les positions de sommeil de ses patients tout au long de la nuit sans les réveiller. Cette expérience, qui reposait sur l’utilisation d’une caméra Super-8, a déclenché une nouvelle vague de recherches sur le comportement des individus pendant leur sommeil.

Le psychologue, aujourd’hui professeur émérite à l’Université d’Ottawa, a rapidement conclu que la position d’une personne n’était en aucun cas liée à sa personnalité, ses préférences, ni même avec la phase de sommeil en cours. En outre, selon lui, « nous ne restons pas nécessairement dans la position que nous adoptons pour nous endormir tout au long de la nuit. »

La science a toutefois permis de donner quelques réponses. Les recherches de De Koninck ont par exemple montré que les changements de position tendent à diminuer avec l’âge, et que les personnes plus âgées préfèrent de loin dormir sur le côté droit, une position qui pourrait contribuer à réguler la tension artérielle. D’autres études montrent également que nous passons en moyenne plus de la moitié de notre temps de sommeil sur le côté, et que les patients âgés et en surpoids bougent moins que les patients plus jeunes.

 

PEUT-ON, ET DOIT-ON CHANGER DE POSITION ?

Après des dizaines d’études sur le sujet, De Koninck est désormais convaincu que la position de sommeil est déterminée par l’anatomie et la physiologie des individus, plutôt que par leur psychologie. De plus, une fois endormi, le corps prend le contrôle et choisit lui-même sa position.

Malhotra partage cet avis. « Il est clair que certaines positions sont plus confortables pour certains patients que pour d’autres », affirme-t-il. Par exemple, une blessure à la jambe ou à l’épaule gauche nous incitera probablement à dormir sur le côté droit. Cependant, une fois que nous sommes endormis, il peut s’avérer extrêmement frustrant et chronophage d’essayer de s’entraîner à éviter certaines positions spécifiques.

« Il est très difficile de contrôler la position d’une personne pendant la nuit. » La majorité des patients pour qui il est nécessaire de changer de position sont ceux qui dorment sur le dos et souffrent d’apnée du sommeil, un trouble qui provoque des arrêts respiratoires à plusieurs reprises au cours de la nuit.

Pour apprendre à ne plus dormir sur le dos, certaines personnes se tournent vers des appareils sophistiqués de contrôle de la position de couchage, qui vibrent ou se gonflent lorsqu’ils détectent que le patient s’installe dans une position inadaptée. D’autres se contentent d’attacher une balle de tennis au dos de leur pyjama afin de rendre cette position inconfortable, une méthode plus simple qui, selon des études, serait tout aussi efficace que les appareils spécialisés.

Malgré tous ces efforts, apprendre à adopter une nouvelle position de sommeil par défaut peut prendre des mois, et les échecs sont fréquents. Les études montrent que les patients ont tendance à abandonner l’utilisation des balles de tennis et autres appareils spécialisés en raison de l’inconfort trop important qu’ils provoquent.

« Certains des dispositifs que nous recommandons peuvent perturber le sommeil des patients », explique Malhotra, et un sommeil de piètre qualité est lui-même associé à un large éventail de risques supplémentaires pour la santé, tels que de l’obésité, des accidents vasculaires cérébraux, des accidents et des troubles dépressifs.

 

DES MYSTÈRES PERSISTENT

Les spécialistes ont recours à des technologies de plus en plus performantes, telles que des accéléromètres, dans le cadre des études du sommeil. Pourtant, malgré ces avancées importantes, il demeure difficile de déterminer les avantages de certaines positions de sommeil, mais aussi de mettre à profit les informations dont nous disposons déjà sur ces dernières.

Des études menées sur des rongeurs suggèrent par exemple que le fait de dormir sur le côté permettrait d’améliorer les fonctions cognitives et de réduire le risque de démence, peut-être en aidant à éliminer les déchets cérébraux. Les résultats des études menées sur les animaux ne peuvent toutefois pas toujours être appliqués chez les sujets humains et, même si vous parveniez à entraîner votre corps à dormir sur le côté, il n’est pas certain que cela soit bénéfique pour la santé du cerveau à long terme.

Selon Malhotra, plutôt que de nous inquiéter au sujet d’un élément aussi difficile à contrôler, il peut être intéressant d’évaluer notre ressenti au réveil. « Le meilleur moyen de mesurer la qualité de notre sommeil reste d’analyser comment nous nous sentons le matin. » De manière générale, si vous vous sentez reposé, que vous ne souffrez pas d’apnée du sommeil ou d’autres douleurs, selon la science, il n’est pas nécessaire de vous préoccuper de la position que vous prenez pendant votre sommeil.

Ainsi, la prochaine fois que vous allez vous coucher, fermez les yeux, détendez-vous et laissez la nature suivre son cours.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Les femmes sont plus à risque de développer des maladies auto-immunes

Par : National Geographic — 9 avril 2024 à 16:04

Un système immunitaire sain défend le corps contre les maladies et les infections. Cependant, chez une personne sur dix (le plus souvent une femme) le système immunitaire dysfonctionne et attaque ses propres cellules. Ce phénomène est à l’origine de plus de 80 types de maladies auto-immunes, telles que le lupus, la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde. Selon deux études récentes, les femmes seraient plus concernées par ces maladies en raison du dysfonctionnement d’un processus censé désactiver l’un de leurs deux chromosomes X.

Une étude de l’université de Stanford a démontré qu’une molécule appelée Xist (à prononcer « existe »), dont le rôle est de désactiver l’une copie du chromosome X dans chaque cellule du corps féminin, pouvait déclencher une incontrôlable réponse immunitaire. Une autre étude française, qui n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation par des pairs, a montré que des symptômes semblables au lupus pouvaient apparaitre chez des souris âgées lorsque certains gènes du chromosome X inactif se réactivaient.

Comme la plupart des maladies auto-immunes sont diagnostiquées après la puberté, et ce davantage chez les filles que chez les garçons, on a cru que les hormones sexuelles étaient le principal facteur à l’origine de cette différence. En effet, quatre patients sur cinq atteints de maladies auto-immunes sont des femmes ; dix fois plus de femmes sont atteintes de lupus, et 20 fois plus de femmes développent le syndrome de Sjögren, une maladie qui provoque principalement un assèchement des yeux et de la bouche.

« Notre étude montre que les hormones sexuelles féminines, tout comme un deuxième chromosome X ne sont pas des conditions indispensables [au développement de la maladie], alors que cette [molécule] Xist à elle seule pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de certaines maladies auto-immunes », explique Howard Chang, dermatologue et généticien moléculaire à la faculté de médecine de l’université de Stanford, en Californie, qui a dirigé l’étude.

« Il est désormais clairement établi que le biais sexuel dans les maladies auto-immunes n'est pas le seulement lié aux hormones, mais aussi au nombre de chromosomes X présents et au processus d’inactivation du chromosome X », explique l’épigénéticienne Claire Rougeulle, qui a dirigé la seconde étude au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de l’Université Paris Cité.

Comme l’explique Jean-Charles Guéry, immunologue à l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity), « on ne savait pas du tout » qu’il existait autant d’anticorps qui ciblent et détruisent les molécules censées inactiver ou éteindre l'un des chromosomes X.

Paradoxalement, le risque accru de maladies auto-immunes chez les femmes pourrait être une adaptation évolutive visant à protéger la vie de leur progéniture. « Les femmes ont un meilleur système immunitaire pour lutter contre les maladies », explique Johann Gudjonsson, dermatologue à l’université du Michigan, à Ann Arbor.

Les femmes ont tendance à produire plus d’anticorps que les hommes, ce qui les protège, elles et leurs bébés, par le biais du lait maternel, explique Vanessa Kronzer, rhumatologue à la Mayo Clinic de Rochester, dans le Minnesota.

Les hormones aussi jouent un rôle là-dedans. Les œstrogènes féminins renforcent l’immunité, tandis que les hormones masculines limitent l’immunité, mais protègent contre l’auto-immunité. On pensait que ces différences entre les hormones sexuelles expliquaient pourquoi les femmes disposaient d’un meilleur système immunitaire, lequel les rend également plus susceptibles que les hommes de développer des maladies auto-immunes. Mais les hormones pourraient ne pas être la seule explication au phénomène.

 

L'INACTIVATION DE L’UN DES CHROMOSOMES X 

Chaque cellule du corps d’une femme possède deux chromosomes X, l’un provenant de la mère et l’autre du père. Les hommes ont un chromosome X de leur mère et un chromosome Y, beaucoup plus petit, de leur père. Le chromosome Y ne contient qu’une centaine de gènes, quand le chromosome X en contient plus de 900.

Afin que l’activité des gènes situés sur le chromosome X soit la même chez les hommes et les femmes, l’un des deux chromosomes X de chaque cellule féminine est désactivé de manière aléatoire. Cela se produit au début du développement du fœtus, lorsque la molécule Xist et ses protéines partenaires s’enroulent autour de l’un des chromosomes X et l’éteignent. À noter qu’une cellule meurt si ses deux chromosomes X restent aussi actifs l’un que l’autre.

Par conséquent, le corps féminin contient une mosaïque de cellules dans lesquelles le chromosome X de la mère ou du père est inactif. Cette inactivation du chromosome X est la raison pour laquelle la fourrure des chattes calicos présente des zones oranges et brunes : alors que certains de leurs poils expriment une couleur noire provenant d’un chromosome X actif, d’autres arborent une couleur orange provenant de l’autre chromosome.

Cependant, l’inactivation du chromosome X est loin d’être un processus exact, car 15 à 23 % des gènes du chromosome concerné échappent à l'inactivation. L’un de ces gènes, actif alors qu’il ne le devrait pas, a d’ailleurs été associé au lupus. Par ailleurs, les garçons et les hommes nés avec un chromosome X supplémentaire présentent également un risque accru de développer des maladies auto-immunes, ce qui confirme le rôle essentiel du chromosome X.

 

LA MOLÉCULE XIST DÉCLENCHE LA PRODUCTION D’AUTO-ANTICORPS

Chang étudie la molécule Xist depuis de nombreuses années et, en 2015, il a découvert que de nombreuses protéines coopérant avec Xist étaient impliquées dans des troubles auto-immuns et étaient attaquées par des anticorps malveillants, appelés auto-anticorps, qui, au lieu de combattre les envahisseurs étrangers tels que les germes, ciblent par erreur les propres cellules d’un individu.

Pour vérifier si une inactivation défectueuse du chromosome X était la raison pour laquelle plus de femmes que d’hommes souffraient de maladies auto-immunes, l’équipe de Chang a génétiquement modifié des souris mâles afin qu’elles synthétisent la molécule Xist, normalement uniquement présente dans les cellules féminines.

Cependant, la molécule Xist à elle seule n’a pas provoqué de maladie auto-immune chez les souris mâles génétiquement modifiées.

Ce n’est que lorsque les chercheurs ont injecté un irritant à ces souris mâles que leurs taux d’auto-anticorps ont augmenté et provoqué une maladie semblable au lupus. Avec l’ajout de l’irritant, les taux d’auto-anticorps chez les mâles synthétisant la molécule Xist correspondaient à ceux des femelles, et étaient plus élevés que chez les mâles non génétiquement modifiés, qui ne produisent donc pas naturellement de Xist. Ces souris modifiées présentaient également des lésions tissulaires plus importantes et des signes d’inflammation accrue lorsqu’elles étaient exposées à l’irritant.

Ainsi, la seule présence de Xist ne suffirait pas à expliquer l’apparition des maladies auto-immunes. Selon cette étude, ce n’est que lorsque les cellules sont endommagées, soit par un facteur environnemental, soit par une susceptibilité génétique, que la molécule Xist et ses partenaires protéiques s’échappent de la cellule et provoquent la production par le système immunitaire d’auto-anticorps contre le complexe Xist-protéine, déclenchant ainsi une maladie auto-immune.

« C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la plupart des femmes ne souffre pas de maladie auto-immune, explique Chang, alors que toutes les femmes expriment les molécules Xist dans leur organisme. »

 

LIENS ENTRE LE CHROMOSOME X ET LE LUPUS 

Rougeulle a collaboré avec Céline Morey, épigénéticienne à Paris, pour comprendre ce qu’il se passe lorsque le chromosome X n’était pas complètement éteint.

Pour cela, elles ont génétiquement modifié des souris femelles de sorte qu’elles présentent une inactivation imparfaite du chromosome X (dans ce cas, la plupart des gènes du second chromosome X sont inactifs, mais pas tous). Les chercheurs ont eu recours à une inactivation incomplète, car le fait de bloquer toute l’activité des molécules Xist aurait laissé les deux chromosomes X pleinement fonctionnels et aurait tué les souris. Les scientifiques français ne s’attendaient pas à ce que leurs souris développent une maladie auto-immune, et ont été surpris de constater que les souris femelles génétiquement modifiées présentaient les symptômes d’une maladie semblable au lupus.

« Les symptômes de maladie auto-immune ne se manifestent pas immédiatement chez ces souris, mais apparaîssent à mesure qu’elles vieillissent », explique Morey.

Cela confirme l’étude de Guéry de 2018 qui a montré que lorsqu’un gène qui favorise l’inflammation échappait à l’inactivation dans les cellules immunitaires, il augmentait le risque de lupus.

L’étude de Stanford et l’étude française ont pour point commun de toutes deux établir un lien entre le chromosome X et le processus d’inactivation du chromosome X, d’une part, et l’auto-immunité, d’autre part, explique Rougeulle.

Les mécanismes liés à l’inactivation du chromosome X semblent expliquer les différences entre les sexes dans certaines maladies auto-immunes telles que le lupus et le syndrome de Sjögren, déclare Guéry. « Mais il ne peut y avoir un mécanisme unique pour toutes les maladies auto-immunes. »

 

PRÉDIRE LES RISQUES DE MALADIE AUTO-IMMUNE 

L’étude de Stanford a permis de découvrir que des auto-anticorps dirigés contre de nombreuses protéines associées à Xist sont présents dans le sang de patients souffrant de maladies auto-immunes, telles que le lupus, la sclérodermie ou la dermatomyosite.

Si certains auto-anticorps sont spécifiques à certaines maladies auto-immunes, d’autres sont communs à plusieurs d’entre elles. Il pourrait donc être possible de mettre au point un panel d’auto-anticorps permettant de distinguer différentes maladies.

Rougeulle note toutefois que les études actuelles n'indiquent pas si les niveaux d’auto-anticorps augmentent de manière significative avant les maladies. D'autres études seront donc nécessaires avant de pouvoir concevoir un outil de diagnostic.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Du cuir de champignon ? La mode du futur est en marche

Par : National Geographic — 9 avril 2024 à 10:02

Retrouvez cet article dans le numéro 295 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

En Roumanie, des artisans de moins en moins nombreux pratiquent un art connu pour être multiséculaire. Ils sillonnent la forêt pour y ramasser l’amadouvier, qui pousse sur les arbres en un polypore de plusieurs centimètres de large. Le champignon est arraché du tronc et, à l’aide d’une faucille, coupé dans la longueur en fines bandes couleur de pain d’épices. Ces bandes sont ensuite martelées et étirées afin de former de larges feuilles feutrées appelées amadou, qui peuvent ensuite servir à fabriquer des chapeaux, des sacs, des bijoux ou encore des bibelots.

Outre-Atlantique, dans ce qui est aujourd’hui l’Alaska, des artisans tlingits fabriquaient déjà en 1903 des pochettes dans un matériau résistant rappelant un tapis. D’après une étude parue en 2021 dans la revue scientifique Mycologia, ce matériau provenait du polypore du mélèze, un champignon indigène des forêts primaires du Pacifique Nord-Ouest. Mais, là encore, les artisans récupéraient leurs matières premières dans la nature et ne les cultivaient pas pour une production de masse.

Aujourd’hui, à Union, en Caroline du Sud, l’entreprise de biotechnologies MycoWorks est à l’avant-garde d’une approche plus industrielle. Sous un éclairage semblable à celui d’une chambre noire, des plateaux en métal sont empilés en colonnes. Des bras mécaniques les prélèvent un à un pour permettre à une petite équipe de techniciens en combinaison stérile de les examiner à la lampe torche.

Chaque plateau sert d’incubateur à du mycélium, un réseau de fins filaments qui, chez les champignons, est analogue au système racinaire des plantes. La structure du mycélium est une petite merveille – tout à la fois souple, dense et résistante –, ce qui en fait un excellent candidat pour remplacer le cuir. Forcer le mycélium à se développer de manière prévisible est certes complexe, mais des avancées récentes de la biotechnologie ont donné naissance à un petit secteur de mycotextiles.

MycoWorks n’est qu’un exemple de ces nombreux innovateurs qui misent gros sur les mutations de la mode et du design grâce à une meilleure compréhension du mycélium.

Depuis plus de trente ans, Phil Ross, cofondateur de l’entreprise, mène des expérimentations avec Ganoderma, genre de champignons poussant de façon comparable à l’amadouvier.

Il a d’abord envisagé de réaliser des matériaux de construction mycologiques, mais, après avoir été sollicité par une marque de chaussures en 2015, lui et Sophia Wang, cofondatrice de MycoWorks, se sont réorientés vers la mode. Le matériau qu’ils produisent a été appelé Reishi, d’après le nom japonais de Ganoderma. Ces dernières années, les produits de MycoWorks ont servi à la confection de sacs Hermès et de coussins pour Ligne Roset.

Cette opération techniquement simple et peu énergivore commence avec des déchets agricoles, comme de la sciure et du son de blé, chauffés pour tuer toute vie microbienne susceptible de concurrencer le champignon. Une fois stérilisé, ce substrat est placé sur des plateaux de différentes tailles. C’est là que Ganoderma fait son entrée, pour digérer la biomasse et y prospérer. Dans certains cas, du tissu est ajouté afin de guider la croissance du mycélium, créant ainsi un matériau composite. La feuille de mycélium est enfin retirée du bloc de sciure, et son développement s’arrête. Dès lors, elle peut être « tannée », donnant un matériau qui ressemble à s’y méprendre à du cuir traditionnel et utilisable pour fabriquer des sacs à main ou des chapeaux.

Le PDG de MycoWorks, Matt Scullin, displômé en sciences des matériaux, vante la structure du mycélium, composé de filaments (hyphes) qui s’entremêlent et se ramifient tout en conservant de l’espace entre les cellules. Ce qui donne l’une des propriétés les plus séduisantes du Reishi. « Sa texture est proche du velours, souligne Matt Scullin. Il est souple et absorbe […] la chaleur de la main au toucher. »

Si le mycélium peut pousser dans des entrepôts mécanisés, la fondatrice de la société néerlandaise Neffa, Aniela Hoitink, utilise quant à elle la culture en milieu aqueux pour créer des sacs, des hauts courts et même des abat-jour. Neffa a recours à des bioréacteurs – rappelant les cuves de fermentation d’une brasserie – pour produire une « bouillie » de mycélium qui est égouttée, puis versée dans un moule afin de prendre la forme souhaitée en séchant. 

« On peut vraiment créer à partir du produit, au lieu de créer selon les contraintes du matériau », souligne Aniela Hoitink en pliant et étirant le matériau noir brillant d’un sac de sa fabrication, dont l’aspect est à mi-chemin entre le plastique et le cuir. « Techniquement, le fond [du sac] doit être plus solide. On peut donc se dire qu’il suffit d’ajouter un peu de biomasse à ce niveau pour qu’il soit plus épais et résistant. »

Ce procédé simple offre à Neffa une grande souplesse sans demander beaucoup de travail. L’essentiel, ajoute Aniela Hoitink, tient à la liberté d’expérimentation offerte. « Comme c’est une sorte de pâte, il est facile d’y ajouter des ingrédients », précise la créatrice avant d’indiquer que la prochaine étape pourrait être d’y faire infuser des parfums ou des composés dermatologiques traitant des affections comme le psoriasis.

Ce n’est qu’une des différences existant entre ce produit et le cuir classique. MycoWorks comme Neffa se soucient par ailleurs de leur empreinte environnementale et du cycle de vie complet de leurs marchandises. Le Reishi de MycoWorks, par exemple, est intégralement biodégradable, ce qui laisse penser qu’il sera possible, un jour, de jeter au compost une vieille paire de chaussures.

Tandis que de grandes entreprises espèrent utiliser les champignons pour produire en masse des matériaux écologiques complètement nouveaux, des créateurs indépendants explorent leur potentiel à modifier ou à décomposer les monceaux phénoménaux de tissus jetés partout dans le monde. Helena Elston, une créatrice basée à New York, étudiait la mode à Londres il y a quelques années lorsqu’elle a mis au point une méthode éthique de gestion des déchets du secteur de la mode. Récupérant de vieux habits ou des chutes de tissu, elle crée de nouveaux vêtements, qu’elle stérilise avant d’y coudre une pièce de mycélium en appliqué.

Au cours des mois qui suivent, elle observe le mycélium envahir le tissu. Parfois, il ne se nourrit que des fibres naturelles et ignore celles qui sont synthétiques. D’autres fois, il assemble les teintes en créant des formes tourbillonnantes aux couleurs incroyables. Lors d’expériences précédentes, Helena Elston a laissé le mycélium désagréger complètement un matériau existant. « Il semble doté d’un savoir intellectuel qui nous fait défaut à nous, humains, se plaît à imaginer la créatrice. Les plus belles pièces sont apparues alors que je ne contrôlais pas la situation. »

Maggie Paxton, mycophile new-yorkaise, se met quant à elle en quête de nouveaux pigments lors de ses cueillettes et applique des teintures fongiques à des robes en soie pour la marque Coach. Elle a récemment ramassé des sclérodermes vulgaires – des champignons qui ressemblent à de vieilles balles de golf – et les a fait bouillir dans une marmite. Le résultat l’a stupéfiée : cette teinture conférait à la soie « le plus joli des roses pastel », une couleur qui pourrait inspirer une future collection. 

De nombreux créateurs continuent d’être surpris par les comportements des champignons, au point d’y voir une coopération avec une intelligence extraterrestre pleine de vie. « C’est ce qui explique l’enthousiasme dans cette discipline, affirme Maggie Paxton. Nous ignorons quels procédés magiques se cachent juste là, sous nos yeux. » Il ne reste plus qu’à poursuivre l’exploration.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Comment sont utilisées vos données de géolocalisation ?

Par : National Geographic — 8 avril 2024 à 17:48

Que vous soyez très connecté ou plutôt technophobe, la réalité est faite ainsi : les données relatives aux endroits où vous mangez, dormez, faites vos courses et sortez sont à portée de main. 

Aujourd’hui, nous transportons avec nous de minuscules ordinateurs partout où nous allons et presque tous recueillent et partagent des quantités massives d’informations personnelles, notamment des données de géolocalisation, avec des entreprises privées qui peuvent les revendre. 

« Les dispositifs de géolocalisation sont capables de choses étonnantes, nous permettant de nous connecter avec n’importe qui dans le monde [et] d’accéder à des informations de manière inouïe. Mais elles permettent également aux entreprises et aux gouvernements de suivre nos moindres mouvements et même nos moindres pensées comme jamais auparavant », affirme Kade Crockford, à la direction du programme Technology for Liberty de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) du Massachusetts. La mission de cette association à but non lucratif est de défendre et préserver les droits et libertés individuelles, et ce projet vise à renforcer et protéger le droit à la liberté d’expression, d’association et de vie privée contre les pratiques intrusives à travers les nouvelles technologies. 

 

LES TECHNOLOGIES DE GÉOLOCALISATION : DIFFICILE DE LES REFUSER

Pour certaines personnes, les systèmes de géolocalisation sont synonymes de tranquillité d’esprit. Nombre d’entre elles utilisent des applications permettant de partager leur position à leurs amis et à leur famille. Des dispositifs tels que le AirTag d’Apple ou le Galaxy SmartTag de Samsung ont été plébiscités par les parents désireux de suivre leurs jeunes enfants et même par les personnes voyageant beaucoup et qui ont tendance à étiqueter leurs effets personnels en cas de perte de bagages. Par ailleurs, le géotagging va de pair avec de nombreuses publications sur les réseaux sociaux car il permet de situer les personnes qui l’utilisent à n’importe quel endroit donné en temps réel.

L’aspect pratique constitue un autre avantage considérable. Les applications de navigation telles que Google Maps se servent de données de géolocalisation en temps réel pour collecter des informations sur l’état du trafic dans une région donnée, ce qui permettrait aux personnes derrière leur volant de faire des choix plus éclairés concernant leurs déplacements et de créer des résultats de recherche personnalisés relatifs aux endroits que les utilisateurs aimeraient visiter. 

Des systèmes de géolocalisation similaires sont présents dans les applications météorologiques et les applications de cartographie comme Maps d’Apple, qui utilisent les capteurs de l’appareil afin de collecter des données telles que les coordonnées GPS et les informations transmises par Bluetooth pour fonctionner.

Même les compagnies d’assurance automobile ont commencé à suivre les données de conduite pour prédire les comportements à risque des assurés, en modifiant les primes ou en offrant des réductions sur la base d’informations telles que la fréquence et l’intensité d’accélération ou de freinage.  

Cette intrusion au niveau des données personnelles peut sembler plus acceptable lorsque des produits et des services plus personnalisés sont obtenus en contrepartie.

Pourtant, Alessandro Acquisti, professeur en technologies de l’information et politique publique au Heinz College de l’université Carnegie Mellon, explique qu’au niveau économique, il est difficile d’estimer quel acteur bénéficie en réalité davantage de ces expériences utilisateur personnalisées. Cela concerne notamment celles générées à partir des données de géolocalisation, telles que les publicités comportementales : par exemple, si vous vous trouvez fréquemment dans des cafés, vous pourriez voir des publicités pour des produits à base de café ou pour d’autres établissements situés à proximité. 

« Les acteurs de l’intermédiation publicitaire peuvent utiliser stratégiquement la quantité d’informations qu’ils recueillent sur les consommateurs pour en tirer le meilleur plutôt que ce ne soit les autres parties prenantes de l’écosystème », indique-t-il. « La géolocalisation, dans le domaine de la publicité, ne semble pas être aussi bénéfique pour les consommateurs que ce que l’on prétend généralement. »

 

LA GÉOLOCALISATION DONT VOUS N’AVEZ PEUT-ÊTRE PAS CONSCIENCE

Bien que les smartphones, les montres connectées et les ordinateurs soient parmi les coupables les plus évidents, il existe de nombreux types de technologies avec lesquelles nous partageons sans le savoir les parties les plus confidentielles de notre vie. 

Il a été constaté que des applications bancaires telles que Venmo suivaient les données géographiques de votre téléphone afin de détecter les fraudes et d’empêcher les transactions suspectes. Les systèmes de sécurité domestique utilisent les données de géolocalisation pour mettre en place une barrière virtuelle appelée « Geofence » qui permet d’automatiser certaines fonctions, telles que les modes indiquant la présence et l’absence au domicile, lorsque vous quittez le périmètre du système. Les gadgets tels que les caméras d’aéroport dotées d’une technologie de reconnaissance faciale intégrée ont toujours suscité des inquiétudes en matière de sécurité car les données qu’ils contiennent pourraient inévitablement être utilisées contre vous.

Des fragments de votre vie personnelle, comme les clics et les cookies sur les sites web, les achats par carte bancaire et bien d’autres types de traceurs peuvent également contribuer à la création de votre identité numérique. 

« Lorsque vous considérez ces données individuellement, cela ne semble pas si intrusif », indique Sandra Matz-Cerf, spécialiste en sciences sociales computationnelles à la Columbia Business School qui utilise les mégadonnées pour étudier la relation entre l’environnement numérique et le comportement humain. « Si vous associez les traces laissées par les données, vous obtenez une idée assez précise de l’identité de cette personne à un niveau beaucoup plus intime. »

À tout moment, ces données sont également vendues au plus offrant. Les plus sensibles peuvent être distribuées par des courtiers en données à des gouvernements étrangers, aux forces de l’ordre et aux employeurs. 

« Je pense qu’il est impossible pour une personne d’avoir une idée de la quantité de données la concernant qui sont disséminées dans le monde entier », déclare Thorin Klosowski, militant pour la sécurité et la protection de la vie privée qui travaille pour l’Electronic Frontier Foundation, une organisation à but non lucratif dont l’objectif est de défendre la vie privée et la liberté d’expression dans le domaine du digital. 

Si ces données de géolocalisation tombent entre de mauvaises mains, des personnes mal intentionnées peuvent s’en servir pour trouver des victimes potentielles et leur nuire. Les agresseurs présents dans l’environnement personnel sont connus pour utiliser les technologies de géolocalisation afin de trouver et d’intimider leurs victimes, tandis que les escrocs et les pirates informatiques peuvent utiliser des informations numériques plus détaillées et des données de géolocalisation pour créer des hameçonnages ciblés.

Par ailleurs, les autorités utilisent souvent les données relatives à la géolocalisation et à l’historique de navigation pour faciliter les enquêtes policières et, jusqu’à récemment, pour obtenir des mandats concernant des utilisateurs susceptibles de s’être trouvés dans une zone spécifique. Aux États-Unis, d’autres atteintes à la vie privée, à plus grande échelle, risquent également d’empêcher des personnes de recourir à l’avortement, pouvant à l’avenir mettre en danger leurs moyens de subsistance, ainsi que leur santé mentale.

 

ENCOURAGER LES RESTRICTIONS RELATIVES À LA CONFIDENTIALITÉ 

« Prendre réellement le contrôle total de vos données serait un travail vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept », déclare Sandra Matz-Cerf. « Je pense que c’est une tâche pour laquelle nous ne sommes pas préparés, à la fois parce que nous n’en comprenons pas toutes les implications et parce que personne n’en a le temps. »

En Europe, le RGPD s’applique aux entreprises, aux organismes publics et aux associations quelles que soient leur taille ou leur activité, dès lors qu’ils traitent des données personnelles de personnes physiques se trouvant sur le territoire de l’Union européenne. Le RGPD s’applique également aux entreprises ayant leur siège en dehors de l’UE qui traitent les données de citoyens européens.

Ce sont les autorités indépendantes de chaque État (en France, la CNIL) qui contrôlent l’application de la législation relative à la protection des données. Elles sont « dotées de pouvoirs d’enquête et peuvent imposer des mesures correctrices, en cas d’infraction. »

Pour les personnes qui souhaitent se protéger à plus petite échelle contre les violations de leurs propres données de géolocalisation, Thorin Klosowski leur suggère de désactiver leur identifiant publicitaire, de se familiariser avec les paramètres de confidentialité de leur téléphone et de se renseigner sur les applications qui accèdent à ces données. 

« Le besoin de protection de la vie privée semble être une caractéristique universelle présente dans le cerveau humain », déclare Alessandro Acquisti. « Même face à ces technologies de surveillance toujours plus envahissantes, les êtres humains tenteront toujours de se créer des espaces privés dans cet environnement contrôlé. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Quels sont les effets des vols long-courriers sur votre corps ?

Par : National Geographic — 8 avril 2024 à 13:17

Si vous avez récemment effectué un vol long-courrier dans un siège aux possibilités d’inclinaison limitées, l’inconfort que vous avez éprouvé est peut-être encore péniblement présent.

Tandis que la taille des sièges et l’espace entre ceux-ci (c’est-à-dire la place que vous avez pour vos jambes) ont rétréci depuis les années 1990, le temps que passent les passagers dans les airs a, lui, considérablement augmenté.

Fin 2025, la compagnie Qantas inaugurera une liaison sans escale entre Sydney et Londres : un vol direct de vingt heures qui sera le plus long au monde. Mais pour l’instant, c’est Singapore Airlines qui détient le record absolu de durée avec son New York - Singapour, qui dure plus de dix-huit heures.

Les désagréments que présentent les vols long-courriers ne se résument pas aux postures incommodes, loin de là : l’air sec assèche la gorge, le nez et la peau, et les variations de pression en phase d’ascension et de descente peuvent affecter les sinus. Pis encore, si des caillots sanguins venaient à se former au niveau des extrémités et à se déplacer vers les poumons, votre vol pourrait s’avérer mortel.

Mais selon certains spécialistes, la plupart d’entre nous n’avons pas de souci à nous faire. « En général, prendre l’avion est sans danger pour tout un chacun et les problèmes ne surviennent que lorsque vous avez une comorbidité », rassure Michael J. Manyak, urologue, médecin d’expédition et membre de l’Explorers Club.

Dans cet article, des experts détaillent la façon dont le corps humain réagit aux longues heures de vol et ce que nous pouvons faire pour atténuer l’inconfort. 

 

AIR SEC ET VARIATIONS DE PRESSION ATMOSPHÉRIQUE

En haute altitude, lorsque les conditions atmosphériques sont arides, environ 50 % de l’air circulant en cabine est prélevé en dehors de l’avion. Ainsi, comme le fait remarquer Michael J. Manyak, cet air est généralement bien moins humide que celui que l’on respire à terre. Cet environnement peut donc assécher excessivement les yeux, le nez et le bouche.

« Vos muqueuses s’assèchent, explique-t-il. L’air sec contribue à un manque de lubrification des systèmes de votre corps. » Le fait de boire de l’eau en grandes quantités avant et durant votre vol vous aidera à rester plus à l’aise et améliora également votre circulation.

D’ailleurs, précise-t-il, si l’air froid et sec peut exacerber certaines maladies respiratoires telles que l’asthme, la plupart des gens peuvent se concentrer sur leur simple inconfort et n’ont pas à se soucier d’autres symptômes.

Selon Laleh Gharahbaghian, médecin et professeure de médecine d’urgence à l’Université Stanford, les variations de pression atmosphérique lors des phases de décollage et d’atterrissage entraînent un changement d’air dans les sinus et peuvent donner lieu à des douleurs nasales et auriculaires chez certaines personnes.

« Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui souffrent de maladies liées aux sinus, les personnes en bonne santé n’ont, eux, que l’impression vague ‘d’avoir besoin de se déboucher les oreilles’ », développe-t-elle.

Laleh Gharahbaghian recommande de consommer des décongestionnants avant un vol, de boire de l’eau et de prendre des médicaments anti-inflammatoires si vous avez un rhume ou le nez congestionné.

À propos de rhumes, bien que l’on puisse avoir l’impression de tomber malade ou d’attraper froid chaque fois que l’on prend l’avion, c’est plus vraisemblablement dans les aéroports que la véritable exposition se produit, « là où tout le monde se mélange, dans les salles d’embarquement où il n’y a pas de filtres à air », d’après Michael J. Manyak. Selon l’IATA, en cabine, l’air est à moitié filtré par HEPA, et à moitié pompé à l’extérieur de l’appareil ; il est également renouvelé vingt à trente fois par heure.

 

COURBATURES

Lorsque vous n’avez pas l’occasion de bouger, vous vous maintenez généralement dans une certaine position ; ce qui se traduit par un recrutement prolongé de vos muscles qui donne à son tour lieu à des courbatures.

Selon Lelah Gharahbaghian, il n’est pas inhabituel d’avoir des courbatures au niveau du dos, du cou, voire même des cuisses, lorsque l’on se maintient dans la même position durant un long moment.

Elle ajoute qu’il peut être utile de se lever et de marcher dans les allées lorsque cela est sans danger ou même d’ajuster la position de son corps et de faire une chose aussi simple que de lever les talons plusieurs fois de suite tout en restant assis.

Selon Kevin Lees, directeur des opérations de chiropraxie chez The Joint Chiropratic, la plupart des blessures peuvent sembler empirer après une longue période passée en position assise, car l’inflammation a libre champ pour s’installer si aucun mouvement n’est fait pour l’éliminer. Les blessures dorsales ne font bien entendu pas exception à la règle, et une flexion prolongée (en l’occurrence le fait de rester assis pendant plusieurs heures) peut causer une pression sur les disques, des coussins caoutchouteux intercalés entre les vertèbres de la colonne vertébrale, en particulier dans le bas du dos.

 

DIGESTION LENTE ET DIFFICULTÉS À RESPIRER

Selon Kevin Lees, le système digestif est lui aussi touché lorsque l’on reste assis trop longtemps, car le mouvement de la nourriture ralentit au niveau des intestins.

« Si vous êtes sédentaire, la stimulation physique ne va pas jusqu’aux intestins, explique Michael J. Manyak. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous essayons de faire se lever et marcher les patients après une opération chirurgicale. C’est également bon pour la circulation et la cicatrisation des plaies. »

Comme le rappelle Kevin Lees, une posture affaissée est susceptible de restreindre le mouvement des côtes, et donc de ralentir et de raccourcir la respiration. « Un souffle court peut conduire à une absorption d’oxygène moindre. […] Cela peut provoquer un brouillard cérébral, des vertiges, voire même de l’épuisement. »

Il ajoute qu’une posture avachie peut également causer des reflux gastriques et parfois des nausées. Selon Michael J. Manyak, les éventuels nausées et mal des transports ont tendance à ne pas durer, car les pilotes tentent de se déporter des zones de turbulences dès que possible. « Le mal des transports s’en va presque aussitôt que l’environnement se stabilise », indique-t-il.

 

THROMBOSE VEINEUSE PROFONDE ET CAILLOTS SANGUINS EN AVION

Le principal risque que comporte un vol long-courrier pour votre corps, et de loin, est une chose qui est également susceptible de vous toucher à terre lorsque vous demeurez trop longtemps dans une posture bridée.

« Le pire est la thrombose veineuse profonde (TVP) ou alors la formation d’un caillot sanguin dans les jambes, prévient Lelah Gharahbaghian. Le passage d’un caillot sanguin de vos jambes à vos poumons peut présenter un danger de mort. »

Gonflements, palpitations et douleurs font partie des différents symptômes de la TVP, rappelle Michael J. Manyak. « La douleur survient parce que vous avez bloqué la circulation du sang et son retour vers le cœur […] Les veines concernées gonflent et cela est douloureux. »

Selon ce dernier, qui a lui-même appris qu’il était atteint d’un trouble de la circulation sanguine héréditaire après qu’un caillot l’a fait souffrir à la suite d’un vol transatlantique, il existe une multitude de facteurs susceptibles de prédisposer les passagers d’un avion à la TVP.

Selon lui, parmi ces facteurs figurent notamment le fait d’avoir un passif familial en matière de caillots sanguins, d’être enceinte ou d’avoir accouché récemment, d’être atteint d’un cancer, d’être ou d’avoir récemment suivi un traitement anti-cancéreux, de prendre la pilule, etc.

Il ajoute que le fait de se lever lors d’un vol pour parcourir les allées toutes les heures environ, de lever plusieurs fois de suite les talons en restant assis et de porter des bas de contention, qui favorisent la circulation sanguine dans les jambes, ne sont que quelques conseils parmi d’autres que vous pouvez suivre pour empêcher le sang de s’accumuler dans les extrémités du bas de votre corps lors de vols longs.

C’est un bon conseil pour quiconque est pris d’une agitation irrationnelle en pensant au prochain vol long-courrier. « Le principal facteur d’inconfort pour les voyageurs durant un vol long-courrier est le fait que l’on ne bouge pas », conclut Michael J. Manyak.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Notre peur de vieillir a des effets néfastes sur la santé mentale de nos enfants

Par : National Geographic — 5 avril 2024 à 11:58

Récemment, mon miroir m’a montré de drôles de choses. Mes cheveux virent au blanc, de petites lignes se sont creusées autour de mes yeux, et mes joues se creusent ; des rides de la marionnette que mon visage de 43 ans ne peut plus dissimuler. Devrais-je changer ma routine de soins de nuit ?

Une rapide recherche en ligne m’apprend que j’ai une bien étrange compagnie : des préadolescentes obsédées par les effets de l'âge. Ces « Sephora Kids », comme on les appelle, ont pris d’assaut les boutiques de cosmétiques, échangeant leur argent de poche contre des potions anti-âge dans l’espoir de rester jeunes à jamais. Une tendance qui inquiète.

Ces jeunes clientes en quête d’une fontaine de jouvence prématurée sont-ils le signe d’un futur désastre ou sont-ils simplement le reflet d’une société superficielle alimentée par les réseaux sociaux, les filtres et les placements de produits ? 

« Nous vendons l’idée que nous sommes tous contre le fait de vieillir et que nous devrions en avoir peur », m’explique Laura Hurd, sociologue et professeure à l’Université de Colombie-Britannique. 

 

L'ESSOR DU MARKETING COSMÉTIQUE

Je ne suis personne pour me moquer de cette tendance. J’ai été moi-même une enfant influençable, et je me rappelle très bien, lorsque j’étais adolescente au début des années 1990, prendre l’argent que je gagnais en tant que baby-sitter, aller au supermarché d’à côté pour acheter un cornet de glace puis m’asseoir à côté du présentoir pour lire tous les magazines pour adolescents de la première à la dernière page.

Ces magazines m’ont appris qu’il était de mon devoir d’avoir « bonne mine » et un visage charmant, de dissimuler avec art le moindre bouton ou reflet luisant sur mon nez, que mon statut social et mon bonheur futur risquaient d’être mis à mal par des cernes ou des taches de rousseur, que j’avais par millions et qui, j’en étais convaincue, me condamnaient à être une éternelle paria. Pourtant, il ne m’est jamais venu à l’idée de piquer les crèmes anti-âge de ma mère.

Cela ne surprend pas l’historienne Kathy Peiss, autrice de Hope in a Jar : The Making of America’s Beauty Culture. Ses recherches montrent comment les enfants et les adolescents (en particulier les filles), sont devenus les cibles d’un marketing florissant au 20e siècle. 

Avant la Seconde Guerre mondiale, le maquillage était principalement destiné aux femmes dans la vingtaine ou plus, et de nombreuses personnes fabriquaient elles-mêmes leurs concoctions pour parfaire leur teint. Puis dans les années 1940, les fabricants de cosmétiques ont commencé à segmenter le marché et à concevoir des produits et des publicités destinés aux adolescentes et aux enfants. Les deux tranches d’âge avaient leurs « propres » produits vedettes : des produits anti-acné et des articles à la mode pour les adolescentes, des kits de maquillage pour les plus jeunes.

À l’époque, les produits anti-âge étaient uniquement l’apanage des femmes plus âgées, désireuses de (voire prêtes à tout pour) préserver leur apparence ; ce qui explique probablement pourquoi les autres adolescentes et moi-même ne pensions pas à utiliser de tels produits.

Aujourd’hui encore, les traitements contre l’acné s’adressent aux adolescents. Cependant, avec les réseaux sociaux, ces produits apparaissent également dans les contenus des influenceurs beauté, ces personnalités publiques qui ne cachent pas avoir recours à des produits anti-âge, au botox et à d’autres interventions cosmétiques. À cause de l’omniprésence de ces produits (vendus par les publicitaires comme le « Saint Graal » aux consommateurs), les adolescents sont aujourd’hui plus susceptibles d’en acheter. Le phénomène est tellement répandu que des géants de la cosmétiques cherchent d’ailleurs à s’en éloigner : la multinationale britannique Unilever a par exemple lancé une campagne pour « protéger l’estime de soi des jeunes filles face à la pression des soins anti-âge ».

 

UN MIROIR DÉFORMÉ PAR LES FILTRES

Le mythe de ma jeunesse selon lequel un visage sans défaut était à la fois préférable et à la portée de tous était alimenté par des images retouchées qui entretenaient l’illusion que d’autres possédaient réellement ces traits de rêves.

J’ai par la suite appris que cette technique était aussi vieille que la photographie elle-même. Au milieu du 19e siècle, les clients imploraient les photographes de camoufler leurs imperfections à l’aide d’un coup de pinceau ou d’aérographe, à une époque où la photographie avait tellement évolué que l’on pouvait distinguer les moindres rides et pores du visage, explique Peiss. « Ce qui est différent aujourd’hui, dit-elle, c’est que c’est à la portée de tout le monde »

Des applications comme Facetune et les outils de retouche photo faciles d’utilisation intégrés dans n’importe quel smartphone ont plus que jamais facilité la création d’une image (et donc d’un visage) sans défauts. L’omniprésence des filtres a même engendré son propre mouvement de contestation : #nofilter, à travers lequel les utilisateurs de réseaux sociaux avancent poster des photos authentiques, sans filtre. Reste que cette tendance est bien moins répandue que ce que l’on pourrait croire : selon une étude, jusqu’à 90 % des gens éditeraient leurs selfies avant de les mettre en ligne. 

Cela a des conséquences bien réelles : dans une étude publiée en 2023, les participants qui éditaient leurs photos avaient plus tendance à se percevoir comme moins attirants. Ils pratiquaient également ce que les théoriciens appellent « l’auto-objectification », le fait d’internaliser ce qu’un spectateur extérieur pourrait penser de leur apparence, au lieu de prioriser leur propre perception d’eux-mêmes. L’auto-objectification est associée à du body-shaming, des troubles de l’alimentation et des troubles de l’humeur comme la dépression.

Des études ont démontré que les adolescents utilisaient parfois les selfies pour obtenir l’approbation de leurs pairs ainsi que pour faire face à leur dysmorphophobie, une maladie mentale qui centre de façon obsessionnelle l’attention du malade sur ses soi-disant « défauts » physiques. Et les réseaux sociaux n’améliorent pas les choses : dans le cadre d’une enquête nationale représentative de 2022, les parents d’enfants âgés de 8 à 18 ans complexés par leur apparence, étaient deux fois plus susceptibles de déclarer que l’image de soi de leur enfant était davantage touchée par les réseaux sociaux que par la vie réelle.

Les réseaux sociaux ont toujours su adapter leur contenu aux individus. Mais aujourd’hui, les tendances qui auraient autrefois mis des mois ou des années à devenir massivement populaires le deviennent en quelques jours. Au lieu de continuer à envoyer des messages de masse, les publicitaires concentrent leurs efforts sur des micromarchés extrêmement ciblés fondés sur la démographie et le comportement des internautes. C’est une évolution inquiétante, qui donne soudain tout son sens à cette tendance des produits anti-âge chez les enfants. 

 

QUELS EFFETS SUR LES JEUNES (ET TRÈS JEUNES) ?

On se demande bien sûr si la peau sensible (et dépourvue de rides !) d’un enfant peut supporter les puissants ingrédients censés éliminer les rides pour toujours. D’autant plus que les cas de réactions allergiques et d’éruptions cutanées sont légion. On ignore également quelles peuvent être les conséquences des injections préventives de Botox, conçues pour empêcher l’apparition des rides, sur les jeunes peaux.

Plus j’assiste à ces phénomènes, plus je m’inquiète des répercussions que pourrait avoir le manque de figures âgées en ligne sur le sens des réalités des enfants et sur la perception qu’ils auront d’eux-mêmes lorsqu’ils commenceront à vieillir à leur tour.

Hurd craint autre chose : le fait que l’intérêt accru pour les produits « anti-âge » ne perpétue les préjugés. « Nous ne cachons pas être contre le fait vieillir, explique-t-elle, et nous vendons l’idée que nous devrions en avoir peur, ou mieux, le combattre. »

Cette peur de vieillir a de réelles répercussions sur les personnes plus âgées, explique Hurd, qu’il s’agisse d’âgisme occasionnel, ou de pratiques institutionnelles et sociales qui excluent, déshumanisent et mettent en danger les personnes plus âgées. Les recherches de Hurd ont révélé que la stigmatisation sociale nuisait à l’estime de soi des personnes plus âgées, et en particulier des femmes.

L’estime de soi ne constitue que la partie émergée de l’iceberg : des discriminations au travail, des difficultés à avoir une vie sentimentale, et une perte de « monnaie sociale » vont toutes de pair avec l'apparition des signes de l’âge. L’âgisme peut même favoriser la maltraitance des personnes âgées : bien que la recherche sur ce sujet n’en soit qu’à ses débuts, les chercheurs établissent des liens entre le fait de commettre et le fait de tolérer des mauvais traitements à l’égard des personnes âgées.

« Le langage anti-vieillissement est problématique », explique Hurd. « Pourtant, nous l’acceptons. »

Or nous n’avons pas à le faire, et peut-être que la supposée épidémie des Sephora Kids nous offre, à nous adultes, l’opportunité de sonder nos propres attitudes face au vieillissement.

Et si au lieu de scruter nos traits à la recherche du moindre signe de relâchement cutané nous considérions le fait d’avoir plus de rides, de creux et de cicatrices comme un privilège ? Et si nous apprenions à nos enfants à reconnaître un filtre, à repérer un « deepfake », ou à identifier les signes révélateurs d’une importante retouche photo ?

Cela peut sembler utopique, mais, comme le fait remarquer Hurd, nous avons des moyens concrets de combattre l’âgisme : nous pouvons plaider en faveur de politiques qui soutiennent les personnes âgées, apprendre à connaître nos aînés et chercher des moyens de mélanger les générations dans leur vie sociale.

Une fois mon appel avec Hurd terminé, j’ai décidé de rayer « sérum de nuit anti-âge » de ma liste et de me rappeler de chercher mes 43 ans d’expérience la prochaine fois que je passerai devant miroir. Il est temps de lutter contre l’âgisme que j’ai moi-même intériorisé.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Qu’est-ce que la sérotonine et peut-on vraiment la "booster" ?

Par : National Geographic — 5 avril 2024 à 10:29

Vous avez certainement entendu parler de la sérotonine, une molécule surnommée « hormone du bonheur ». Il est communément admis que celle-ci contribue à l’humeur, au sommeil, à l’apprentissage, à la mémoire, à la digestion et plus encore ; à vrai dire, les scientifiques pensent qu’elle a une influence sur presque chaque système du corps humain. Ainsi il n’est pas surprenant que le marché regorge de compléments alimentaires qui prétendent stimuler le taux de sérotonine.

Cependant, en dépit des différentes fonctions qu’on lui prête, la sérotonine est encore mal comprise et son importance vis-à-vis de l’humeur, entre autres choses, est tout sauf inscrite dans le marbre de la science. Qu’est-ce que la sérotonine exactement ? L’augmentation de sa concentration dans le corps améliorera-t-elle votre santé et vous rendra-t-elle plus heureux ?

 

QU’EST-CE QUE LA SÉROTONINE ET COMMENT EST-ELLE PRODUITE ?

La sérotonine est un neurotransmetteur, un composé chimique du système nerveux central dont les neurones se servent pour communiquer les uns avec les autres. En dehors du cerveau et de la moelle épinière, elle peut agir comme une hormone et acheminer des messages entre des cellules non neuronales, ainsi que l’explique Jesse Bracamonte, médecin généraliste à la Mayo Clinic, en Arizona. Certaines études suggèrent « qu’elle peut influencer votre humeur, votre capacité d’apprentissage, votre libido, voire même la cicatrisation des plaies », indique-t-il.

La sérotonine est principalement produite dans le cerveau et dans l’intestin. Dans le tronc cérébral, un amas de neurones, qu’on appelle les « noyaux du raphé », absorbent le tryptophane, un acide aminé essentiel, et le convertissent en sérotonine. D’après Bryan Roth, professeur de pharmacologie à la Faculté de médecine de l’Université de Caroline du Nord, les neurones des noyaux du raphé envoient des axones semblables à des pieds de vigne dans l’ensemble du système nerveux.

Bien que la sérotonine fasse l’objet d’une grande attention pour son action dans le cerveau, son rôle en dehors de celui-ci pourrait s’avérer tout aussi important. Seule une fraction de la sérotonine présente dans le corps est en réalité produite dans le tronc cérébral. La majorité (95 % environ) est produite dans des cellules dédiées, les entérochromaffines, qui tapissent l’intestin. Les cellules de la peau, des poumons et celles ayant trait au goût produisent également de petites quantités de sérotonine.

Bien qu’une petite fraction seulement des neurones du corps fabriquent de la sérotonine, les neurones de toutes les régions du cerveau sont dotés de récepteurs dédiés, ce qui signifie qu’ils sont probablement capables de reconnaître et de réagir à une sécrétion de ce neurotransmetteur.

« Il existe un nombre colossal de types de récepteurs différents, et qui sont présents sur un nombre colossal de types de neurones. Cela explique, dans une large mesure, la myriade d’effets qu’a la sérotonine », explique Bryan Roth. Par exemple, certains récepteurs de la sérotonine stimulent l’activité neuronale, tandis que d’autres l’inhibent.

 

QUEL EST LE LIEN ENTRE SÉROTONINE ET HUMEUR ?

Ainsi qu’en témoigne l’utilisation répandue des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), classe de médicaments efficace pour lutter contre la dépression, les chercheurs sont depuis longtemps convaincus que la sérotonine participe à la régulation de l’humeur. Ces médicaments empêchent les neurones de réabsorber et de dégrader la sérotonine, ce qui en fait théoriquement augmenter la quantité disponible dans le cerveau.

Mais le rôle de la sérotonine dans le cerveau est matière à controverse. Si vous demandez à un chercheur spécialiste de la sérotonine comment, exactement, ce neurotransmetteur régule une fonction particulière donnée, qu’il s’agisse de l’humeur ou de la mémoire, sa réponse sera probablement : « Je ne sais pas. »

Il existe des preuves que les neurones des régions du cerveau influençant l’humeur et la cognition possèdent des récepteurs de la sérotonine, et certaines études montrent que celle-ci  influence l’apprentissage. Bryan Roth avance qu’elle participe à presque chaque circuit neuronal. Selon d’autres scientifiques, il est plus que probable que la sérotonine joue un rôle ou un autre dans la régulation de l’humeur.

Toutefois, Joanna Moncrieff, professeure de psychiatrie critique et sociale à l’University College de Londres, doute du rôle de la sérotonine sur l’humeur et sur d’autres fonctions cognitives. « Nous ne disposons absolument pas de preuves dignes de ce nom qu’elle ait quoi que ce soit à voir avec la dépression. Il y a quelques faisceaux d’indices qui montrent qu’elle pourrait être impliquée dans l’inhibition de la fonction sexuelle, mais c’est tout », tempère-t-elle.

Si la sérotonine n’a pas d’influence sur l’humeur, pourquoi les ISRS fonctionnent-ils ? Bryan Roth explique que les ISRS ne font qu’accroître temporairement le taux de sérotonine dans le cerveau ; et, de toute manière, les scientifiques ne savent pas comment fonctionnent ces médicaments, tout au plus qu’ils ont un effet sur certaines personnes. Davantage de recherches sont donc nécessaires.

 

EN QUOI LA SÉROTONINE DIFFÈRE-T-ELLE DE LA DOPAMINE ?

On compare souvent la sérotonine à la dopamine, un autre neurotransmetteur qui a probablement de nombreuses fonctions dans le corps humain. Les scientifiques sont davantage confiants quant à ce que qu’accomplit la dopamine dans le système nerveux central.

Des études ont montré que la dopamine est impliquée dans l’addiction et dans l’apprentissage, et des preuves solides indiquent qu’elle est présente dans les circuits cérébraux qui prédisent l’importance de la récompense que l’on va recevoir. On pense également que la dopamine a une influence sur le mouvement et sur la planification orientée vers un but, mais son rôle est ici moins clair.

 

QUEL EST LE RÔLE DE LA SÉROTONINE DANS L’INTESTIN ?

Au fil des années, on a également prouvé que la sérotonine participe au péristaltisme de l’intestin, à ses sécrétions et à son absorption des nutriments. « La sérotonine fait beaucoup de choses dans l’intestin, mais sa fonction principale est de réguler sa contraction et sa motilité », explique Damien Keating, directeur-adjoint de l’Institut Flinchers de recherche médicale et sur la santé, en Australie.

D’après lui, plusieurs études suggèrent que la sérotonine contribue au métabolisme, et ce principalement en contrôlant la glycémie et le stockage des graisses. Des études ont également établi une corrélation positive entre taux de sérotonine et maladies de l’intestin (syndrome du côlon irritable, Covid-19).

 

EST-CE UNE BONNE IDÉE DE PRENDRE DES COMPLÉMENTS À BASE DE SÉROTONINE ?

Malgré l’état fort limité de nos connaissances sur la sérotonine, de nombreux compléments alimentaires prétendent pouvoir rehausser votre humeur en stimulant votre taux de sérotonine. Certains de ces compléments contiennent 5-HT et tryptophanes, deux molécules que le corps convertit en sérotonine. Mais selon Jesse Bracamonte, rien ne prouve de manière irréfutable leur efficacité.

On trouve les tryptophanes dans des aliments (de nombreux produits pour animaux, fruits à coque et légumineuses), et la plupart des individus en obtiennent largement assez par le biais de leur alimentation. Selon certains spécialistes, l’absorption de grandes quantités de tryptophane sous forme de gélule n’est pas franchement susceptible d’affecter le taux de sérotonine dans le cerveau. Certaines études établissent un lien entre un faible taux de tryptophanes et une humeur dégradée, mais seulement chez les personnes déjà atteintes de dépression ; l’effet chez les personnes en bonne santé est négligeable. En outre, ainsi que le rappelle Bryan Roth, pour parvenir au cerveau, les tryptophanes doivent franchir la barrière hémato-encéphalique et ne peuvent le faire que par petits groupes.

Pis encore, la prise de tels compléments comporte des risques. La sérotonine n’est pas bien absorbée dans l’intestin et est susceptible de s’y agglutiner et d’entraîner des contractions de l’intestin pouvant entraîner nausée et problèmes digestifs.

Un autre complément populaire est le millepertuis, une plante médicinale dont certains scientifiques pensent qu’elle pourrait jouer un rôle similaire à celui des ISRS et qu’elle pourrait être bénéfique pour les patients qui ne tolèrent pas ces derniers. Mais les études de qualité à ce sujet manquent pour pouvoir connaître son efficacité, prévient Jesse Bracamonte qui ajoute que le millepertuis pourrait également souffrir d’interactions médicamenteuses. Il est donc préférable d’en parler à votre médecin avant d’en consommer.

Il existe également des méthodes naturelles pour déclencher la sécrétion de sérotonine, explique Jesse Bracamonte. Exercice physique, alimentation saine, exposition suffisante à la lumière du soleil et durée de sommeil suffisante. « Faire tout cela favorise l’humeur et fait mieux fonctionner le corps », affirme-t-il.

Selon Bryan Roth, si votre humeur vous préoccupe, la meilleure chose que vous puissiez faire est d’emprunter l’itinéraire traditionnel. « Si vous êtes déprimé ou anxieux, parlez-en à votre médecin généraliste », conseille-t-il.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Aphantasie : pourquoi certaines personnes n’arrivent pas à générer des images mentales

Par : National Geographic — 4 avril 2024 à 12:29

Si l’on vous demande : pensez à une pomme, visualisez-la dans votre tête, avec ses textures, ses couleurs et son goût, que voyez-vous ? Pour 1 à 3 % de la population mondiale, cet exercice est très difficile voire impossible, leur esprit reste noir. Ils sont atteints d’aphantasie, c’est-à-dire « l'absence de capacité d'imaginer visuellement quelque chose », comme l’explique Thomas Andrillon, neuroscientifique et chargé de recherche Inserm à l’Institut du Cerveau de Paris.

Il y a différents degrés d’aphantasie et différentes formes. « On peut avoir une imagerie auditive, être capable d'imaginer une chanson dans sa tête, sans avoir nécessairement de voix qui parle par exemple, notamment quand on pense. » Ainsi, une personne atteinte d’aphantasie peut entendre un son sans pouvoir visualiser d’images par la pensée ou vice versa, voire les deux. De même, l’aphantasie peut exister dès la naissance, où être consécutive à des lésions cérébrales ou à des troubles psychologiques.

Le phénomène a été décrit pour la première fois par Francis Galton en 1880, mais peu de recherches ont depuis été menées sur le sujet. Le mot « aphantasie » lui-même a été inventé en 2015 par le neurologue Adam Zeman de l’université d’Exeter, en Angleterre. Il est formé du « a » privatif grec qui signifie absence, et de phantasia que l’on peut traduire par imagination

Contrairement à ce que l’étymologie pourrait laisser penser, l’aphantasie ne désigne pas l’absence d’imagination. Selon Thomas Andrillon, l’imagination est, dans sa définition la plus générale, « la capacité à se représenter quelque chose, dans son univers mental ». Cela n’implique pas forcément « quelque chose de perceptuel », car « on peut imaginer des choses d'un point de vue sémantique. » Il donne l’exemple de la fable bien connue des trois petits cochons : « je peux m'imaginer cette histoire dans ma tête sans avoir à aucun moment des représentations soit visuelles, soit auditives, mais c'est quand même de l'imagination. » Le cerveau n’a donc pas forcément besoin d’utiliser des modalités perceptives pour implémenter un contenu imaginaire. 

 

LE DIAGNOSTIC

Comment savoir si l’on est aphantasique ? Beaucoup de personnes se posent la question. Pour y répondre, Francis Galton avait imaginé dans les années 1880 le « questionnaire du petit-déjeuner », qui consistait à faire visualiser au patient son petit déjeuner, pour appréhender son degré de précision dans son imagerie mentale. Depuis 1973, il existe un test similaire intitulé Vividness of Visual Imagery Questionnaire (VVIQ) en seize questions développées par le psychologue David Marks, destinées à évaluer la qualité de l’imagerie visuelle. Le questionnaire est autorenseigné, et consiste à faire imaginer un certain nombre de choses et à décrire les degrés de précision des images mentales. Par exemple, pour la consigne « imaginez un ciel étoilé », il y a cinq possibilités de réponses, allant de « je le vois de façon parfaitement claire et vivant comme une vision réelle » à « aucune image du tout, je sais seulement que je pense à l’objet. »

Le test, s’il est relativement efficace, est tout de même limité par son format. Pour Thomas Andrillon, « cela dépend un peu de la façon dont on comprend les questions, et de la façon dont on donne les réponses. Donc c'est quelque chose qui marche, c'est relativement facile d'utilisation, mais c'est basé sur le rapport de l'individu lui-même. »

Il existe d’autres approches pour détecter l’aphantasie. Parmi elles, celle de Joel Pearson, professeur de neurosciences cognitives à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud à Sydney, en Australie. Il utilise ce que l’on appelle la rivalité binoculaire. Thomas Andrillon l’explique en ces termes : « quand vous regardez un objet, vous avez des images qui se forment sur vos deux rétines, sur l’œil droit et sur l’œil gauche, mais vous voyez une seule image, il y a un effet de fusion […] On peut jouer avec en présentant une image différente avec une sorte d'appareil avec des lunettes un peu spéciales. » Votre cerveau sera tout de même capable de voir une seule et même image, en combinant les informations perçues par chacun de vos deux yeux. 

En général, l’être humain a un œil dominant, et l’image que l’on perçoit correspond plus à cet œil-ci qu’à l’autre. Mais si vous demandez à quelqu'un d’imaginer l'objet que vous présentez, « l'alternance entre les deux yeux va se faire plus rapidement. Votre cerveau se prépare déjà à cette image que vous imaginez et donc vous allez la voir apparaître, il y a une bascule entre votre œil dominant et votre œil non dominant. » Et c’est quelque chose qui se « corrèle assez bien avec les résultats des questionnaires de VVIQ » d’après l’expert. « Cette manipulation fonctionne moins bien avec les gens qui disent ne pas avoir d'imagerie mentale. C'est une manière d’« objectiver qu’une personne n’a pas du tout d’imagerie mentale ». Le scientifique précise tout de même que ces expériences sont « relativement compliquées » et doivent être réalisées en « laboratoire avec le bon matériel ».

 

EST-CE UN DÉSAVANTAGE ?

Pour les individus dits « phantaisiques », qui ont une imagerie mentale classique, l’absence d’imagerie mentale peut paraître handicapante. Et c’est effectivement le cas pour certains. « Moi, je ferme les yeux, je ne vois rien […] pas de sons, pas d’odeurs », explique Matthieu Munoz au micro de Faustine Bollaert dans l’émission « Ça commence aujourd’hui » dédiée aux troubles de la mémoire. Le jeune homme affirme qu’il se souvient principalement des faits marquants de sa vie, mais à moyen, voire à court terme. Et il fait également part de difficultés à placer ses souvenirs dans le temps « Tout ce qui est enfance, adolescence, aujourd’hui, c’est quasiment inexistant », exprime-t-il, qualifiant lui-même son aphantaisie de « trouble ».

Toutefois, tous les individus avec aphantasie ne subissent pas toujours cette différence. Pour certains, qui n’ont jamais connu d’imagerie mentale, c’est une normalité. « La plupart des gens qui ont une aphantasie sont en fait remarquablement identiques aux autres, et c'est pour ça qu’en général, ils s’en rendent compte très tard. Il n’y a aucun indice externe qui montre que la façon dont leur cerveau fonctionne est différente de la moyenne », note Thomas Andrillon. 

De fait, le cerveau est un organe plastique qui peut remplir certaines fonctions de diverses manières, « vous pouvez très bien arriver à faire la même chose qu'un autre individu en utilisant tout simplement des réseaux neuronaux différents », assène l’expert. « Par exemple […] vous pouvez perdre une région cérébrale et puis petit à petit, avec le temps et de la rééducation, vous pouvez retrouver des manières de vous comporter comme avant, tout simplement en utilisant d'autres régions cérébrales. »

Pour tenter d’obtenir une réponse à la question « est-ce que l’aphantasie est handicapante ? », les chercheurs Jianghao Liu et Paolo Bartolomeo ont fait passer un test d’imagerie visuelle à 117 participants. Parmi eux, quarante-quatre étaient aphantasiques, quarante-deux avaient une imagerie typique et trente-et-un étaient hyperphantasiques, c’est-à-dire qu’ils sont capables de produire des images mentales extrêmement précises. Chaque participant recevait d'abord une qualité visuelle (« forme » par exemple), puis deux mots à représenter dans son esprit (« castor » et « renard »). Finalement, la voix mentionnait un adjectif (supposons « long ») et exhortait la personne à sélectionner qui, du castor ou du renard, y répondait le mieux. Les deux chercheurs ont ensuite analysé les réponses des trois groupes, et ont démontré que les individus avec aphantasie étaient en moyenne plus lents pour assimiler et traiter les informations visuelles. Toutefois, malgré les différences de délais, les trois groupes ont montré le même degré de pertinence.

L’aphantasie ne réduit donc pas forcément l’imagination visuelle. En ce sens, Thomas Andrillon file la métaphore de l’adaptation d’un film au cinéma : « avant l'adaptation au cinéma, on est libre d'imaginer l’histoire de toutes les manières qu'on veut, et puis dès que c'est adapté au cinéma, les visages des personnages vont avoir tendance, si on a une imagerie visuelle, à correspondre à ce dont on se remémore du film, et donc on perd une certaine imagination. Quelqu'un qui n'aurait pas cette imagerie visuelle, au contraire, aurait peut-être plus de liberté dans son imagination visuelle. » C’est pour cette raison qu’il ne présente pas l’aphasie comme un « déficit » dans ses travaux. « On n'a pas de preuve empirique que c'est forcément quelque chose de moins bien. C’est différent », conclut-il.

☐ ☆ ✇ National Geographic

L'exercice physique peut favoriser (ou empêcher) votre digestion

Par : National Geographic — 3 avril 2024 à 16:24

Le premier emploi de Ricardo Da Costa à la sortie du lycée, dans le Portugal des années 1990, était celui de triathlète professionnel. Il participait donc régulièrement à des compétitions pour lesquelles il devait à la fois nager, faire du vélo et courir. Costa souffrait de troubles gastro-intestinaux, un problème qu’il partageait avec ses collègues athlètes, sans pour autant tenter d'y remédier.

Certains athlètes souffraient de nausées et de maux d’estomac si intenses qu’ils ne pouvaient ni boire ni ingérer de nutriments pendant les courses, ce qui les obligeait parfois à abandonner. En effet, même si un exercice léger ou modéré peut contribuer à améliorer notre digestion, nos estomacs et nos intestins ne sont pas conçus pour des séances de sport d’une telle intensité. Les athlètes ne doivent donc pas seulement entraîner leurs muscles, mais aussi leurs intestins afin de leur apprendre à absorber et traiter l’eau et les aliments dont ils ont besoin pour rester hydratés et en forme pendant une longue course.

« Ils pensaient que [ces symptômes] étaient inhérents à la pratique du sport », se rappelle Costa qui, quant à lui, n’acceptait pas cette difficulté aussi facilement. Aujourd’hui, en tant que professeur associé à l’Université Monash en Australie, il étudie l’influence de l’alimentation et de la nutrition sur les performances sportives.

Costa étudie les effets de l’exercice physique sur la digestion, et les pratiques que les athlètes peuvent mettre en place afin de soulager leurs intestins et concourir au mieux de leurs capacités. Des athlètes amateurs et professionnels du monde entier viennent désormais le rencontrer dans son laboratoire afin d’obtenir une évaluation et un traitement.

Le spécialiste a beaucoup appris au cours des quinze dernières années. Même si vous n’êtes pas un athlète professionnel, l’exercice peut avoir de profondes répercussions sur votre digestion, qui peuvent dépendre du moment et de l’intensité de votre entraînement. Dans de rares cas, ces effets peuvent même être dangereux, mais pour la plupart d’entre nous, quelques ajustements peuvent suffire à limiter les risques.

 

COMMENT FONCTIONNE LA DIGESTION ?

La digestion commence avant même que l’on ouvre la bouche, révèle Arafa Djalal, gastro-entérologue à la Icahn School of Medicine at Mount Sinai, à New York.

Le simple fait de penser à la nourriture envoie un signal au cerveau qui remplit la bouche de salive et d’enzymes digestives. Lorsque les aliments pénètrent dans la bouche, ces enzymes, associées à la mastication, les décomposent pour nous permettre de les avaler. Ils passent ensuite par l’œsophage pour arriver dans l’estomac. Pendant les deux à cinq heures qui suivent, l’estomac se détend et se contracte, et libère des enzymes digestives qui décomposent les aliments jusqu’à ce qu’ils glissent dans l’intestin grêle, puis dans le gros intestin et, un à trois jours après le repas, les restes non digestibles sont excrétés.

Lorsque les aliments pénètrent dans les intestins, l’organisme peut les sentir appuyer sur les parois, ce qui stimule la sécrétion de nouvelles enzymes digestives ainsi que le péristaltisme, les contractions musculaires qui permettent de déplacer les aliments à travers les intestins. Ce processus nécessite de l’énergie, un flux sanguin ainsi qu’une communication entre les cellules.

 

L’EXERCICE MODÉRÉ

Si vous vous promenez ou faites une activité physique de faible intensité pendant la digestion, vous pouvez aider votre système digestif à faire son travail. La contraction des muscles abdominaux peut, par exemple, aider à stimuler le péristaltisme dans vos intestins.

« Vos biceps ou vos triceps sont des muscles squelettiques, ce sont des "muscles volontaires", ce qui signifie que vous pouvez fléchir votre biceps ou contracter vos ischio-jambiers comme vous le souhaitez », explique Robynne Chutkan, gastro-entérologue à Washington et autrice de quatre livres sur la santé de l’intestin. « Le tube digestif, quant à lui, est un muscle lisse. Il fonctionne indépendamment de votre volonté. » L’activité physique peut néanmoins accélérer son fonctionnement en favorisant la circulation du sang et en aidant les contractions des muscles lisses qui le constituent.

À long terme, l’exercice physique contribue à préserver la santé du système digestif, ce qui permet de mieux absorber les nutriments, détaille Florence-Damilola Odufalu, gastro-entérologue à la Keck School of Medicine de l’Université de Californie du Sud. L’exercice augmente la production de l’oxyde nitrique, une substance chimique qui aide à détendre les muscles de l’intestin et prévient l’inflammation.

L’exercice physique est également connu pour ses effets positifs sur la santé mentale. Les intestins sont tapissés de cellules nerveuses qui communiquent avec le cerveau et réagissent au stress par l’intermédiaire de neurotransmetteurs. De nombreux chercheurs estiment désormais que le syndrome de l’intestin irritable (SII), aussi appelé colopathie fonctionnelle, est en réalité un trouble de l’interaction entre l’intestin et le cerveau, fréquemment déclenché ou exacerbé par le stress, l’anxiété ou la dépression.

Bien que les personnes souffrant de troubles digestifs ne soient pas toujours en mesure de faire de l’exercice correctement durant leurs crises, lorsqu’elles y parviennent, cela est bénéfique. En effet, l’exercice peut notamment réduire les symptômes de dépression et d’anxiété qui sont à l’origine de ces crises.

« Il est important de souligner que [l’exercice physique] a de nombreux effets bénéfiques sur le corps, les os et la santé mentale », reprend Djalal, et que tous ces effets peuvent réduire les troubles digestifs, tels que le SII et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

 

L’EXERCICE INTENSE

Si l’exercice physique léger ou modéré est presque toujours bénéfique pour la digestion, l’exercice physique intense requiert une certaine prudence.

« Une augmentation du flux sanguin se produit tout au long du tube digestif afin de permettre la digestion », décrit Djalal, et « lorsque vous faites de l’exercice, le sang est attiré dans d’autres zones : les muscles, les poumons et le cœur. » Le système digestif, les muscles et le système respiratoire entrent alors dans une sorte de compétition pour attirer le flux sanguin.

Lorsque vous vous entraînez à faible intensité, tous les systèmes peuvent se partager le flux sanguin et fonctionner correctement en même temps, mais lorsque le sport devient plus intense, vos muscles, vos poumons et votre cœur ont besoin de plus en plus de sang, ce qui en laisse beaucoup moins pour votre système digestif. Il est donc difficile pour votre corps de digérer quoi que ce soit.

Lorsque vous faites de l’exercice à haute intensité, votre corps transforme l’oxygène qui provient de vos plus grosses respirations pour créer de l’énergie, ou de l’ATP. Ce faisant, il crée également des sous-produits métaboliques tels que du lactate et des ions d’hydrogène. Lors d’un exercice léger, le corps peut facilement éliminer ces sous-produits avant qu’ils ne causent des problèmes, mais lorsqu’il commence à monter en intensité, il ne peut plus suivre. Le système digestif peut essayer de se débarrasser de ces sous-produits par le biais de vomissements. Selon Costa, c’est la raison pour laquelle il n’est pas rare de voir quelqu’un vomir même après une course de vitesse très courte, mais très intense, ou se sentir nauséeux après une séance de sport particulièrement difficile.

 

CHALEUR, DÉSHYDRATATION ET BACTÉRIES

La chaleur peut exacerber les problèmes digestifs provoqués par l’exercice. Lorsque la température corporelle augmente, le sang s’éloigne des organes internes et se dirige vers la peau afin d’aider le corps à se rafraîchir.

Par ailleurs, les séances de sport intenses provoquent toujours de la transpiration. Si vous n’êtes pas en mesure de réapprovisionner votre corps en liquide et en électrolytes suffisamment rapidement après les avoir perdus, l’hydratation finit par manquer. Le sang s’épaissit alors, ce qui ralentit sa circulation et aggrave les symptômes liés aux troubles digestifs, décrit Costa.

L’expert a également constaté que l’exercice physique pouvait endommager la muqueuse intestinale. En général, si l’exercice n’est pas trop intense pour la personne qui le pratique, le problème n’est pas grave.

« C’est comme pour les muscles. Vous faites de l’exercice, les muscles subissent des microdéchirures, et vous récupérez sous 24 à 48 heures », explique-t-il. Cependant, si l’intensité de l’exercice est telle que les intestins sont trop endommagés pour se réparer rapidement, des problèmes plus graves peuvent survenir, tels que la libération de bactéries intestinales dans le sang.

Le système immunitaire peut gérer la présence de quelques bactéries indésirables dans la circulation sanguine après un exercice. En revanche, si votre système immunitaire est affaibli ou si vous vous entraînez pendant des heures à une intensité supérieure à celle à laquelle votre corps est habitué (comme c’est le cas lors d’un ultra-triathlon, par exemple), la fuite bactérienne peut vous rendre extrêmement malade, voire vous tuer.

 

COMMENT SE PROTÉGER ?

De nombreuses personnes savent qu’il n’est pas recommandé de prendre un gros repas juste avant de faire de l’exercice, mais selon Costa et Djalal, contrairement à ce que l’on pourrait croire, pour la plupart d’entre nous, la solution la plus simple serait de consommer un petit en-cas comme une banane, un toast, ou une boisson glucidique 30 minutes à 1 heure avant la séance de sport.

L’idéal, ce sont les glucides et les sucres, poursuit Djalal, car ils sont absorbés rapidement pour servir de carburant. Lorsqu’ils traversent l’organisme, ces nutriments signalent à l’estomac et aux intestins qu’ils doivent continuer à travailler et à attirer le flux sanguin.

Pour les athlètes d’endurance, il est non seulement important de manger et de boire avant, mais aussi pendant l’exercice.

Costa a ainsi travaillé avec un triathlète professionnel espagnol qui participait à des triathlons plus courts depuis des années. Lorsqu’il a décidé de s’attaquer au triathlon Ironman classique (3,8 km de natation, 180,2 km de vélo et 42,2 km de course à pied), ses troubles digestifs se sont tellement aggravés que son estomac ne pouvait plus garder d’eau pendant la course, ce qui l’obligeait à abandonner pour cause de déshydratation.

Il s’est alors envolé pour l’Australie afin de travailler avec Costa, qui a découvert que l’athlète perdait beaucoup plus de liquide par sa transpiration que son estomac ne pouvait en absorber pendant la course. À chaque fois qu’il était sur le point de boire suffisamment de liquide, il se sentait plein et en régurgitait. Au cours des trois mois suivants, Costa l’a donc guidé pour lui permettre d’augmenter progressivement la quantité de liquide et d’énergie qu’il était capable d’absorber pendant l’exercice. Il n’entraînait pas seulement ses muscles, mais aussi son système digestif.

À la fin de ces trois mois, l’athlète a pu terminer un Ironman et, encore trois mois plus tard, il a participé à une nouvelle compétition. Il a non seulement terminé cette dernière, mais est également arrivé en troisième place.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Qu’est-ce qu'une "chimiothérapie préventive" ?

Par : National Geographic — 2 avril 2024 à 11:23

Plus connue sous le nom de Kate Middleton ou de la princesse Kate, la membre de la famille royale britannique a révélé, dans une vidéo préenregistrée, qu’elle avait subi une importante opération abdominale en janvier pour une maladie qui n’a pas été divulguée et qu’elle pensait être non cancéreuse à l’époque. Mais des analyses ultérieures ont dévoilé la présence d’un cancer, conduisant son équipe médicale à lui suggérer « une chimiothérapie préventive », qu’elle suit actuellement.

Ce traitement est généralement administré aux patients atteints d’un cancer pour empêcher la récidive de la maladie après l’ablation d’une masse cancéreuse. Dans la sphère médicale, la plupart des médecins emploient plutôt le terme de « traitement adjuvant » que de « chimiothérapie préventive », car ils estiment que le dernier peut semer la confusion.

« Il n’est pas possible de suivre une chimiothérapie pour “prévenir” un cancer », explique Monica Avila, oncologue au centre de cancérologie Moffitt de Tampa, en Floride (États-Unis).

Chaque diagnostic de cancer est source d’inquiétudes : les cancers seraient la deuxième cause de mortalité. Mais les interventions médicales modernes ont contribué à faire baisser de 33 % le taux de mortalité lié aux cancers depuis 1991, en partie grâce à l’amélioration des dépistages et au diagnostic précoce de la maladie.

« La plupart des patients atteints d’un cancer à un stade précoce guérissent », indique Yuman Fong, chirurgien-oncologue au centre de cancérologie City of Hope, situé en Californie du Sud (États-Unis).

Il va sans dire que les résultats escomptés et le taux de survie dépendent de la volonté du patient à suivre les recommandations de ses médecins en matière de traitement.

 

QU’EST-CE QUE LA CHIMIOTHÉRAPIE PRÉVENTIVE ?

Le cancer est une maladie provoquée par une mutation au niveau de l’ADN d’une cellule. Cette dernière se met alors à grandir rapidement et de manière incontrôlée, cesse de fonctionner normalement et met en danger divers organes et systèmes corporels. Ces mutations cellulaires cancéreuses peuvent survenir de façon sporadique ou résulter du mode de vie ou de facteurs environnementaux tels que les polluants atmosphériques, une exposition trop importante au soleil, les choix alimentaires ou la consommation de tabac. Selon plusieurs études, la génétique joue aussi un rôle et peut contribuer à accroître le risque de développer certains cancers.

Après avoir diagnostiqué un cancer chez un patient, l’oncologue doit dans un premier temps déterminer quel est le moyen le plus sûr et efficace de détruire les cellules cancéreuses ou de les retirer du corps du malade.

Plusieurs traitements existent : la chirurgie, qui consiste en l’ablation d’une masse cancéreuse ; la radiothérapie, qui repose sur l’utilisation de faisceaux de protons ou électriques de forte puissance ciblant les cellules cancéreuses pour les tuer ; et la chimiothérapie, qui a recours à des substances chimiques s’insérant dans l’ADN des cellules cancéreuses pour les détruire.

Une approche consistant à associer plusieurs traitements est le plus souvent recommandée. « L’objectif de tous ces traitements est de détruire les cellules cancéreuses, même celles qui sont microscopiques », précise Elena Ratner, médecin et oncologue gynécologique au centre de cancérologie de Yale, dans le Connecticut (États-Unis).

Il est possible, après l’ablation ou l’éradication des cellules cancéreuses existantes, d’administrer un traitement adjuvant pour prévenir la récidive du cancer. C’est probablement à ce type de traitement que la princesse de Galles faisait référence en déclarant suivre une « chimiothérapie préventive ».

« Un traitement adjuvant est administré en cas de cancer pour contribuer à réduire le risque de récidive et traiter les micro-métastases », explique Syma Iqbal, médecin et oncologue-gastroentérologue à l’USC Norris Comprehensive Cancer Center de Los Angeles (États-Unis). Une fois le traitement terminé, « les patients font l’objet d’un suivi par scanner pour s’assurer qu’il n’y a pas de récidive de la maladie », ajoute-t-elle.

 

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE LA CHIMIOTHÉRAPIE ?

Qu’un patient suive une chimiothérapie pour prévenir la récidive du cancer après l’ablation d’une masse cancéreuse (ce qui semble être le cas de la princesse de Galles) ou dans le cadre d’un traitement ciblant la présence avérée de la maladie, « les mêmes médicaments sont utilisés », souligne William Dahut, oncologue et conseiller scientifique pour l’American Cancer Society.

Ces substances chimiques sont administrées par voie orale ou intraveineuse (dans ce cas, au moyen d’une chambre implantable chirurgicalement ou par un nouveau site d’injection à chaque visite). Même si elle est conçue pour cibler et détruire rapidement les cellules cancéreuses qui se développent, « la chimiothérapie n’est pas sans incidence sur les autres cellules du corps, comme les follicules pileux, la muqueuse du système gastro-intestinal et les cellules sanguines », précise le spécialiste.

C’est pour cette raison que ce traitement a des effets secondaires sur les différents systèmes du corps et entraîne notamment une perte des cheveux, un affaiblissement du système immunitaire, de la fatigue, des nausées, de la diarrhée, des fonctions cognitives diminuées (que l’on désigne parfois par le terme « chemo-brain »), une perte de contrôle de la vessie, une perte de l’appétit et une maladie appelée neuropathie, qui se traduit par des sensations d’engourdissement ou de fourmillement dans les doigts et les orteils.

« Les effets secondaires de la chimiothérapie sont liés aux types de médicaments administrés au patient », précise Syma Iqbal.

Grâce aux progrès médicaux, il est plus facile de gérer ses phénomènes. « Aujourd’hui, la grande majorité des chimiothérapies ciblant divers cancers sont très personnalisées et ciblées. Elles sont donc bien mieux tolérées qu’il y a plusieurs décennies », souligne Elena Ratner.

Les effets secondaires sont en outre souvent complètement réversibles. « Une fois le traitement fini, les cheveux repoussent et les autres fonctions corporelles se rétablissent », ajoute Yazan Numan, oncologue au Northwestern Medical Group d’Orland Park, dans l’Illinois (États-Unis).

 

À QUELS TYPES DE CANCER LA CHIMIOTHÉRAPIE EST-ELLE ADAPTÉE ?

Nous parlons souvent de la chimiothérapie comme d’un traitement unique, mais il existe en réalité plus de 100 médicaments utilisés pour soigner différents cancers par chimiothérapie, indique Yazan Numan.

Ils appartiennent généralement aux catégories suivantes : les antimétabolites, les nitrosourées, les corticostéroïdes, les alcaloïdes d’origine végétale, les antibiotiques anticancéreux, les modificateurs de la réponse biologique, les agents alkylants et les agents hormonaux.

« Chacun de ces médicaments agit d’une manière différente en s’insérant et en détruisant l’ADN des cellules cancéreuses », explique l’oncologue.

Les traitements de chimiothérapie sont en partie déterminés par la nature du cancer dont est atteint le patient, sa propagation et la taille de la masse cancéreuse. Tous ces facteurs sont aussi pris en compte pour estimer le « stade » de la maladie auquel la personne est diagnostiquée.

Si la chimiothérapie peut être recommandée pour n’importe quel type de cancer, le traitement adjuvant ou « préventif » que suit la princesse de Galles « ne traite pas tous les cancers », rapporte Beth Karlan, médecin et oncologue gynécologique au Jonsson Comprehensive Cancer Center de l’UCLA. « Il est le plus fréquemment utilisé à des fins curatives pour la plupart des cancers du sein, du côlon et des ovaires au stade précoce ».

La chimiothérapie adjuvante est aussi quelquefois recommandée « pour les cancers diagnostiqués très tôt, lorsque la probabilité que soient présents des résidus microscopiques de la maladie est très faible », souligne Yuman Fong.

 

POURQUOI LA PRINCESSE DE GALLES SUIT-ELLE CE TRAITEMENT ?

Sur la base de ces éléments, Yazan Numan pense que les docteurs de la princesse de Galles ont trouvé des résidus microscopiques de la maladie après son opération, et qu’ils ont donc décidé de les traiter au moyen d’une autre forme de traitement.

Selon Elena Ratner, cela est assez courant. « Notre crainte, c’est qu’il reste des cellules cancéreuses microscopiques et qu’avec le temps, elles se développent, se divisent rapidement, métastasent et prennent le dessus sur les tissus sains », explique-t-elle. « C’est pour ça que nous recommandons parfois de suivre une chimiothérapie adjuvante afin de détruire ces cellules ».

La nature du cancer dont souffrait Kate Middleton au moment de son intervention abdominale en début d’année 2024 n’a pas été révélée, mais il semblerait que la princesse de Galles « ait suivi ce traitement, car ses médecins estimaient qu’il permettrait de réduire le risque de récidive », déclare William Dahut.

 

QUELLES LEÇONS TIRER DE SON DIAGNOSTIC ?

L’épouse du prince William a accès aux meilleurs soins possibles et suit plusieurs traitements afin d’éradiquer le cancer et d’empêcher sa récidive. « Peu de personnes ont cette chance dans le monde », souligne Yazan Numan.

Elle a également eu la chance d’être diagnostiquée tôt, ce qui aidera sans doute à éviter le pire de la maladie. « La princesse de Galles a quarante-deux ans, elle se situe donc en dehors de la tranche d’âge recommandée de participation au dépistage de cancer, même si l’on observe une incidence de plus en plus élevée de la maladie chez les jeunes patients », observe Yuman Fong.

Yazan Numan espère donc que son diagnostic servira d’avertissement et poussera les personnes du monde entier à se faire dépister.

Le dépistage du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein est recommandé pour les femmes à partir de vingt-cinq ans et cinquante ans respectivement ; celui du cancer colorectal à partir de cinquante ans, tous sexes confondus ; et celui du cancer de la prostate est préconisé chez les hommes à partir de quarante-cinq ans. Les personnes ayant des antécédents familiaux de cancer ou les fumeurs doivent se rapprocher de leur médecin traitant pour décider d’un éventuel dépistage anticipé.

« Rien n’est aujourd’hui plus important dans le traitement des cancers qu’un diagnostic précoce », insiste Elena Ratner. « C’est pour cette raison qu’autant d’efforts et de recherches sont consacrés aux méthodes efficaces de dépistage précoce et de prévention du cancer, y compris à la sensibilisation du public et à l’éducation ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Certains êtres humains ont des superpouvoirs - et les scientifiques peuvent l'expliquer

Par : National Geographic — 2 avril 2024 à 09:11

Les superpouvoirs existent. Certes, nous ne pouvons pas sortir des griffes géantes comme Wolverine des X-Men ou tirer des rayons de force de nos yeux comme Cyclope, mais selon les scientifiques, notre corps et notre cerveau ont le potentiel de réaliser de nombreux exploits à première vue surhumains.

Il arrive parfois que les superpouvoirs naissent de mutations génétiques, un peu comme dans les comics sur les origines des super-héros. Les Sherpas de l’Himalaya, par exemple, se sont adaptés à la haute altitude grâce à des gènes qui décuplent leur force et leur endurance.

D’autres superpouvoirs, en revanche, peuvent être acquis. Les adeptes des sports de l’esprit, qui réalisent d’incroyables exploits de mémorisation, soutiennent que tout le monde peut développer un esprit aiguisé. La peur elle-même peut être surmontée grâce à une bonne préparation, comme le montre l’histoire de l’alpiniste Alex Honnold, qui a été comparé à Spider-Man pour avoir escaladé des parois rocheuses sans l'aide de cordes.

Les scientifiques commencent tout juste à comprendre ce qui se passe à l’intérieur du corps et de l’esprit des personnes dotées de ces aptitudes extraordinaires. Et selon les chercheurs, si les gènes peuvent conférer un avantage à certains individus, la plupart d’entre nous aurait un potentiel inexploité.

Voici quelque-uns des super-héros qui se cachent parmi nous.

 

SUPER INTRÉPIDE : ALEX HONNOLD

Pour de nombreuses personnes, le simple fait de regarder une photo d’Alex Honnold suspendu au bord d’un précipice par la seule force de ses doigts suffit à faire passer leur cerveau en alerte rouge.

Ce n’est pas le cas du cerveau d’Honnold. Des scientifiques ont fait une surprenante découverte en 2016 après avoir scanné le cerveau du célèbre alpiniste par IRM fonctionnelle. Lorsque les chercheurs lui ont fait visionner des images censées provoquer une intense activité au niveau de l’amygdale, cette région du cerveau associée à la peur, l’amygdale d’Alex Honnold n’a absolument pas réagi.

La structure de son cerveau est pourtant tout à fait normale et Alex Honnold a longtemps nié être intrépide. Il se pourrait qu’il se soit conditionné à restreindre certaines activités de son cerveau en se concentrant plutôt sur le fait de méticuleusement planifier chacun de ses mouvements, écrivait Jane Joseph, la neuroscientifique qui a examiné l’activité cérébrale de Honnold, dans Popular Science en 2018.

Il s’agit là d’un superpouvoir que nous pouvons tous exploiter. Les psychologues utilisent des méthodes de conditionnement similaires pour aider leurs patients à surmonter leurs peurs, et les neurosciences révèlent comment se forment les souvenirs de peur, et comment les défaire.

 

SUPER RÉSILIENCE : LES SHERPAS

« L’Homme continue d’évoluer », affirme Tatum Simonson, qui étudie la génétique et la physiologie de l’adaptation à la haute altitude à l’université de Californie à San Diego. Les Sherpas du Népal illustrent parfaitement comment évolue un superpouvoir.

Les membres de ce groupe ethnique vivent depuis plus de 6 000 ans à une altitude moyenne de 4 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, où il y a environ 40 % d’oxygène en moins qu’au niveau de la mer. « La sélection naturelle a eu amplement de temps de trouver la meilleure façon de pallier ce manque d’oxygène », explique Simonson.

Chez les individus lambdas, lorsque la teneur en oxygène diminue, le corps produit davantage de globules rouges pour assurer un meilleur apport en oxygène. Cela a pour effet d’épaissir le sang, ce qui peut entraîner le mal des montagnes, une condition potentiellement mortelle. Les Sherpas, en revanche, ont acquis diverses mutations génétiques qui leur permettent de maintenir de faibles niveaux de globules rouges, et qui permettent aux mitochondries de leurs cellules de mieux utiliser l’oxygène.

Simonson, qui étudie les performances des Tibétains à plus basse altitude, a constaté qu’ils conservaient leur avantage même au niveau de la mer ; un superpouvoir dont elle espère pouvoir tirer parti pour aider les personnes souffrant d’un manque chronique d’oxygène dans le sang en raison d’une maladie respiratoire ou cardiovasculaire.

 

SUPER NAGEURS : LES BAJAU, « NOMADES DE LA MER »

Ce n’est pas pour rien que nous aimons les super-héros qui parcourent les cieux comme Superman ou qui explorent les profondeurs de l’océan comme Aquaman : ils peuvent aller là où nous ne le pouvons pas.

Pour les plongeurs libres, aucun équipement de plongée n’est nécessaire pour sonder les profondeurs de l’eau : c’est le cas des Bajau des Philippines, de Malaisie et d’Indonésie, qui sont capables de rester sous l’eau pendant 13 minutes à des profondeurs allant jusqu’à 70 mètres.

Selon les scientifiques, les Bajau, comme les Sherpas, ont acquis un avantage génétique qui leur permet de mieux utiliser l’oxygène. Cependant, comme ils sont confrontés à une forme plus immédiate de privation d’oxygène, les Bajau ont développé un mécanisme plus rapide que les Sherpas. Au fil du temps, la sélection naturelle a favorisé l’augmentation de la taille de leur rate, cet organe qui contient les globules rouges oxygénés. En plongeant, leur rate se contracte et projette cette réserve dans la circulation sanguine.

 

SUPER AGILITÉ : LE SAMOURAÏ ISAO MACHII

Dans la fiction, des êtres mythiques tels que les vampires et les loups-garous sont dotés d’une super-agilité, soit la capacité de se déplacer avec un équilibre, une coordination et des réflexes extraordinaires. Dans la vie réelle, la génétique et de l’entraînement confèrent à certaines personnes des mouvements surhumains.

Prenons l’exemple de l’épéiste Isao Machii : si vous lui tirez une balle, il peut la fendre en deux en plein vol d’un coup d’épée (voir ici). Ou encore le légendaire tireur Bob Munden, capable de dégainer son révolver et de tirer avec précision en moins d’un dixième de seconde, soit plus vite que le temps de réaction d’un cerveau humain moyen.

Les scientifiques cherchent encore à comprendre comment le système nerveux central aide ces individus à inconsciemment planifier et à exécuter des mouvements aussi complexes.

 

SUPER MÉMOIRE : LES ATHLÈTES MENTAUX

Imaginez que vous puissiez mémoriser l’ordre d’un jeu de cartes en 20 secondes. Ou les noms et les visages de quelques centaines d’inconnus en quelques minutes. Pour certains des athlètes mentaux qui participent chaque année au USA Memory Championship, de telles prouesses sont un jeu d’enfant.

Pourtant, ces champions de la mémoire n’ont rien de spécial, si ce n’est qu’ils se sont entraînés, explique Anthony Dottino, fondateur du championnat. Anthony Dottino et son fils Michael dirigent des programmes d’entraînement de la mémoire et selon eux, tout le monde peut améliorer sa mémoire, et ce à tout âge.

Pour le prouver, Michael Dottino travaille avec des neuroscientifiques pour étudier comment l’entraînement de la mémoire affecte l’activité cérébrale. Les recherches permettent d’ores et déjà de comprendre le fonctionnement des techniques de mémorisation, qui forment des réseaux dans le cerveau associant les nouveaux souvenirs aux anciens. Par ailleurs, une étude publiée dans la revue Neuron a révélé qu’un individu moyen pouvait considérablement améliorer sa mémoire en seulement six semaines d’entraînement.

Voilà un superpouvoir à la portée de tous.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Pourquoi rester assis trop longtemps tue

Par : National Geographic — 29 mars 2024 à 09:45

Rester assis trop longtemps nous tue, littéralement. « Passer trop de temps assis est associé à une augmentation du risque de développer un cancer, une forme d’obésité, des maladies cardio-vasculaires voire des démences. Ce sont des maladies chroniques qui peuvent conduire à une mortalité précoce », explique en ce sens Martine Duclos, chef du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et présidente de l’Observatoire National de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps). Les artères sont aussi impactées par le manque de mouvement : « la pression et le diamètre des artères diminuent, ça favorise aussi l'hypertension artérielle ».

« D'un point de vue biologique, notre corps a évolué pour s'attendre à une activité physique. L'activité physique était obligatoire tout au long de notre évolution, principalement pour obtenir la nourriture nécessaire à notre survie. Nous n'avions pas le choix, nous devions être actifs. […] en passant de longues périodes assis et en ne pratiquant pas suffisamment d'activité physique, nous ne fournissons pas à nos systèmes physiologiques ce qu'ils "attendent" de millions d'années d'évolution », indique Dylan Thompson, professeur de physiologie humaine à l'université de Bath, Royaume-Uni. 

On estime que 21 millions de personnes seraient ainsi touchées de près ou de loin par une maladie chronique en France, ce qui représenterait 61 % des dépenses de santé de l’Assurance-maladie. Selon une expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) datant de novembre 2021, 95 % de la population seraient exposés au risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique et le temps prolongé passé assis. Ces chiffres sont issus de la littérature scientifique et des données de l’étude individuelle et nationale sur les consommations alimentaires (INCA3) recueillies en 2014 et en 2015, auprès de 1 305 adultes de 18 ans à 64 ans en France. C’était il y a plusieurs années, mais le constat est toujours le même aujourd’hui. « Les effets négatifs, on les observe déjà au bout de trois à quatre heures assis. Et en moyenne, on reste douze heures assis les jours travaillés et neuf-heures les jours non travaillés », alerte Martine Duclos.

En 2024, la promotion de l’activité physique a été déclarée Grande Cause Nationale par Emmanuel Macron dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. L’objectif est d’inciter les 21 % de Français n'ayant pratiqué aucune activité physique et sportive en 2023 à se dépenser davantage. Pour l’instant, aucun projet concret n’a été annoncé, si ce n’est une enveloppe de 3,5 millions d’euros prévue notamment pour « financer des projets structurants visant à favoriser l’accès au sport pour tous, promouvoir les trente minutes d’activité sportive par jour ou encore de s’adresser aux publics éloignés de la pratique sportive ».  

 

« L’EFFET COVID »

Les différents confinements liés à la crise sanitaire de l’épidémie de Covid-19, auraient largement influé sur la réduction de l’activité physique des enfants et des adolescents, avec une augmentation en parallèle de leur temps d’écran. C’est ce que révèle un rapport de l’Onaps, sur l’évolution des comportements des Français pendant le confinement. Ainsi, chez les enfants et les adolescents qui passaient moins de six heures par jour assis avant le confinement, 72 % ont augmenté leur temps total passé assis, contre 25 % des adultes.

En parallèle, 41 % des adultes ont déclaré avoir augmenté leur temps passé devant des écrans, un chiffre qui passe à 60,4 % chez les enfants de moins de six ans. Il y a donc un réel effet de causalité. « La sédentarité a augmenté avec le Covid et quelques années après, il en reste des reliquats. Nous ne sommes pas revenus au niveau d’avant Covid », déplore Martine Duclos. 

Le télétravail, autre facteur aggravant, a fait augmenter de 30 % le temps passé assis selon elle. « Quand on est en télétravail, on bouge peu. On ne se déplace pas pour aller au travail. […] Sur site, il y a souvent des petits déplacements à faire d'un bureau à l'autre etc... Alors que quand on est chez soi, l'espace est beaucoup plus restreint. Donc les gens bougent moins et restent beaucoup plus assis. »

Dylan Thompson, qui lui aussi « s’inquiète beaucoup à ce sujet », explique que les aller-retours, parfois considérés comme « accessoires » entre le domicile et le travail, peuvent représenter des « centaines de kilocalories de dépenses énergétiques par le mouvement perdues ». Il poursuit : « En dehors du travail, de nombreuses personnes, y compris les enfants, choisissent désormais l'interaction sociale et le divertissement via leur téléphone - ce qu'ils font généralement en position assise. Là encore, l'activité physique accessoire liée aux réunions et aux interactions physiques aura été perdue. »

 

ÊTRE ASSIS TUE VRAIMENT PLUS QUE LE TABAC ?

« Sitting is the new smoking », qui peut se traduire en « Rester assis est le nouveau tabagisme », est devenu le nouveau motto de certains spécialistes aux États-Unis. Fréquemment repris en France pour sa formule choc, il faut tout de même souligner que les deux ne sont pas comparables. Selon un article de la National Library of Medicine, intitulé « Évaluation des preuves concernant la position assise, le tabagisme et la santé : la position assise est-elle vraiment le nouveau tabagisme ? », il est important de faire la distinction entre un comportement addictif tel que le tabagisme, et une habitude, comme le fait de rester assis. Ainsi, la dépendance à la nicotine est une conséquence directe du fait de fumer, quand rester assis, comme c'est le cas pour d'autres comportements tels que se nourrir ou dormir, n'est pas une dépendance.

De plus, le tabac a des effets irréversibles. « Les dommages et les risques liés au tabagisme ne peuvent être compensés. En revanche, une personne qui fait beaucoup d'exercices structurés exigeants (comme la course à pied ou le sport) peut probablement passer beaucoup de temps assis sans risque accru en raison des effets positifs de l'exercice structuré sur des résultats similaires en matière de santé », élucide Dylan Thompson.

Si le mantra est parfois encore usité par certains spécialistes, c’est pour faire comprendre au plus grand nombre les dangers, encore trop méconnus, auxquels expose la sédentarité. « Actuellement, ce qui est en train de nous tuer, c'est l'excès de temps passé assis », alerte Martine Duclos.

Dans la ville de Strasbourg, l’Activité Physique Adaptée (APA), thérapeutique non médicamenteuse, reconnue bénéfique pour traiter certaines maladies chroniques, est financée. Ce n’est pas le cas à l’échelle de toute la France. Et si certains médecins peuvent prescrire une activité physique à leurs patients avec le dispositif Sport Santé Sur Ordonnance (SSSO), celle-ci n’est pas remboursée par la Sécurité sociale
 

LES BONNES HABITUDES À ADOPTER

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’effectuer 150 à 300 minutes (soit 1h30 à 5h) d’activité sportive d’intensité modérée à soutenue par semaine pour les adultes, et soixante minutes par jour pour les enfants et les adolescents. Il n’y a pas de distinction entre homme ou femme, et les personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap sont également concernées. 

Pour y parvenir, il est important de ne pas faire des comportements sédentaires la norme. Idéalement, il faudrait éviter les temps prolongés continus, « toutes les heures, il faut se lever pendant une à trois minutes », conseille l’experte. Cela permettrait de « rompre les temps de sédentarité ». Rester debout dans les transports en commun, descendre une station plus tôt pour marcher plus, ou encore prendre les escaliers, ces gestes peuvent avoir un effet significatif sur notre santé à long terme. Certaines entreprises mettent aussi en place des bureaux actifs, qui permettent de travailler debout. 

Avoir une activité soutenue durant le week-end pourrait aussi sensiblement contrer les effets indésirables d’une grande sédentarité en semaine « Les exercices exigeants, même sporadiques, semblent contribuer à compenser les périodes prolongées de faible activité physique, ceux qu’on appelle "guerriers du week-end" étant protégés, même s'ils passent le reste de la semaine à être plutôt sédentaires », relate Dylan Thompson.

Dans le monde de plus en plus sédentaire dans lequel nous vivons, il peut être compliqué de mettre toutes ces recommandations en application. Mais chaque action compte. « Lorsqu’on passe de huit heures à neuf heures assis, il y a déjà des effets sur la mortalité, pouvant aller jusqu’à 30 %. […] Parfois, il ne faut pas grand-chose pour améliorer les effets délétères de la sédentarité ».

« L'avènement des technologies portables signifie que les gens peuvent suivre leur propre activité physique et obtenir une compréhension beaucoup plus claire de leur comportement, et éventuellement utiliser ces informations pour prendre des mesures positives. Je pense donc qu'il est possible d'inverser les tendances. Mais cela nécessitera des approches multi-agences et il n'y a pas de solution simple et rapide », reprend Dylan Thompson.

En définitive, rompre avec la sédentarité est un élément clé de la diminution des maladies chroniques, qui peut avoir une multitude d’effets bénéfiques pour notre santé. « Si l'on prend plus les vélos et que l'on marche davantage, on préserve l'environnement. On prend aussi moins de médicaments, cela passe moins dans les urines et donc dans l'eau. Pour résumer, on améliore la santé des animaux, de l'environnement et notre propre santé. Les conséquences d’une meilleure mobilité sont énormes » conclut Martine Duclos.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Les diamants synthétiques sont-ils vraiment meilleurs pour la planète ?

Par : National Geographic — 29 mars 2024 à 11:54

Les diamants présentent un attrait social manifeste dont presque aucune autre pierre précieuse ne jouit. Pour beaucoup, leur origine ancienne et leur incroyable robustesse sont le symbole de l’amour éternel. Cela n’a cependant pas toujours été le cas. Ce n’est que depuis la fin des années 1940, quand une agence de publicité travaillant pour le conglomérat diamantaire De Beers a trouvé le slogan « A Diamond Is Forever » (Un diamant est éternel), que cette pierre précieuse est devenue une ambassadrice presque immuable de l’amour sous toutes ses formes.

Mais depuis plus de vingt ans, le monopole des diamants naturels est remis en question par les diamants synthétiques.

Aussi appelés diamants de laboratoire, ces derniers sont, à bien des égards, semblables à ceux extraits du sol. Tous deux sont des prismes de carbone, si étroitement liés qu’ils forment une pierre précieuse extrêmement dure et brillante. C’est leur cristallisation qui diffère : alors que les diamants naturels se sont formés il y a des milliards d’années dans le manteau terrestre à de grandes profondeurs et à des températures extrêmes, les diamants de laboratoire sont cultivés en convoquant l’alchimie moderne. Ces pierres précieuses synthétiques sont aussi présentées comme une alternative plus socialement éthique et écologique aux diamants naturels, en plus d’afficher un prix au carat moins élevé que ces derniers.

Cette affirmation est cependant contestée, en particulier par les entreprises qui ne vendent que des diamants naturels et qui suggèrent que leur activité a davantage de retombées socio-économiques. Selon l’International Gem Society, qui cite un rapport de la Natural Diamond Council (anciennement la Diamond Producers Association) datant de 2019, la production d’un carat poli de diamant de synthèse émettrait trois fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent naturel.

Les diamants de laboratoire sont-ils plus éthiques et écologiques que les diamants issus de mines ou cette prouesse scientifique est-elle trop belle pour être vraie ? Pour l’heure, la réponse à cette question dépend de ce qui importe le plus aux consommateurs.

« Il ne fait aucun doute que les diamants de laboratoire s’en sortent mieux sur le plan environnemental », affirme Saleem Ali, spécialiste dans les domaines de l’énergie et de l’environnement à l’université du Delaware. « Mais on ne peut pas omettre l’aspect social. Et sur ce point, ce sont les diamants naturels qui ont l’avantage ».

 

DIAMANTS NATURELS OU SYNTHÉTIQUES ?

Les diamants sont des minéraux comme les autres, ce qui signifie qu’ils ont tendance à cristalliser dans une masse fondue de liquide extrêmement chaud et riche en carbone, à de grandes profondeurs dans le manteau terrestre. Souvent vieux de plusieurs milliards d’années, ils se sont pour la plupart formés au cours de « l’adolescence » géologique de la Terre.

Le manteau et la croûte terrestres regorgeraient de diamants, mais seuls quelques-uns, infiniment petits, sont remontés vers la surface. On peut trouver ces pierres précieuses dans des kimberlites, des formations volcaniques semblables à des cheminées qui ont été façonnées par de violentes éruptions probablement survenues il y a plusieurs centaines de millions d’années.

L’exploitation de mines à ciel ouvert ou souterraines est souvent nécessaire pour extraire ces pierres. Certains diamants proviennent aussi du lit des rivières, dont l’eau a érodé des dépôts de kimberlites en amont, ou encore des fonds marins.

Quant aux diamants synthétiques, il existe deux manières principales de les créer. La première méthode fait appel à la déposition chimique en phase vapeur (CVD). Elle consiste à exposer, à une température très élevée, une minuscule « graine » de diamant à un gaz riche en carbone. Les particules de carbone adhèrent ensuite sur la graine, qui grandit et devient une pierre précieuse de taille satisfaisante en quelques semaines.

La seconde méthode emploie un procédé de haute pression et de haute température (HPHT). Dans ce cas, la « graine » de carbone (généralement un autre diamant minuscule) est exposée à de hautes pressions et températures, ce qui entraîne la cristallisation de la graine et son développement en une pierre précieuse de plus grande taille. Les diamants obtenus à partir de ces deux méthodes sont taillés et polis, comme les diamants naturels.

 

DES « VRAIS » DIAMANTS ?

Si les entreprises d’extraction diamantaire voient les diamants de laboratoire comme des produits communs, produits à la hâte et sans valeur durable, la réalité est loin d’être aussi évidente.

Les personnes qui souhaitent posséder des diamants d’origine primitive auront toujours une préférence pour les diamants naturels, tout comme les géologues, qui apprécient énormément ces joyaux quasi indestructibles, en partie parce qu’ils renferment des indices chimiques sur la formation de la Terre. « Ce sont les inclusions qu’ils présentent qui les rendent si attrayants », explique Thomas Stachel, géologue spécialiste des diamants à l’université de l’Alberta.

Bien qu’ils soient cultivés à partir de carbone presque pur et qu’ils affichent une dureté et un lustre équivalents à ceux des diamants naturels, ceux obtenus en laboratoire présentent quelques particularités : leurs empreintes chimiques peuvent différer des pierres naturelles en fonction de la source de carbone utilisée pour les cultiver, par exemple. Des différences subtiles que les spécialistes peuvent détecter avec les bons outils.

« Est-ce quelque chose qui doit inquiéter le client final ? Absolument pas. Il n’en saura rien », poursuit le géologue. « Pour ce qui est de la structure du cristal, ce sont des diamants, des diamants absolument parfaits ».

Un « véritable » diamant est-il défini par ses origines ou par sa structure atomique ? Pour les producteurs de diamants de laboratoire, c’est la dernière option qui l’emporte. Mais en fin de compte, ce qui fait qu’un diamant est un diamant, et que cela vaut la peine de l’acheter, est assez subjectif. « Tout dépend de la perception du marché », indique Thomas Stachel.

Et si la durabilité est le principal critère, c’est le diamant de synthèse qui l’emporte.

 

UN IMPACT ENVIRONNEMENTAL NON NÉGLIGEABLE

Gbemi Oluleye, chercheuse au Centre de politique écologique de l’Imperial College London, a récemment publié un rapport mettant en évidence l’impact sur l’environnement des diamants naturels. Celui-ci varie en ampleur et en gravité d’une mine à l’autre, mais il est possible d’en atténuer les effets délétères en utilisant des énergies renouvelables pour certains processus et en recyclant l’eau utilisée lors de l’exploitation minière.

Il n’empêche que l’extraction de diamants naturels pose d’innombrables problèmes. Le drainage des lacs et la destruction des cours d’eau, ainsi que le déversement de polluants dans ceux-ci, peuvent causer des dommages irréversibles aux écosystèmes aquatiques. Les mines, qui sont souvent immenses, détruisent de vastes pans de forêts et de champs et peuvent faire des ravages parmi la faune terrestre.

En outre, les mines à ciel ouvert se transforment souvent en décharges polluées une fois fermées. Les poussières et les gaz dangereux et parfois cancérigènes générés par les activités d’extraction présentent un risque pour les animaux, mais également pour les personnes travaillant dans les mines. Quant au diesel consommé par les camions et autres équipements, il émet de grandes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

« Ce n’est pas négligeable », remarque Gbemi Oluleye. Contrairement à ce qu’affirment les acteurs du secteur, elle estime que les diamants naturels sont bien plus polluants que ceux cultivés en laboratoire. La chercheuse a ainsi calculé que leur extraction rejetait en moyenne près de 160 kg de CO² par carat, contre 20 kg par carat pour les diamants synthétiques produits dans l’Union européenne (ce chiffre est tout aussi faible en Chine).

Certains producteurs de diamants synthétiques aspirent à cultiver ces pierres précieuses en utilisant uniquement des énergies renouvelables, tandis que d’autres misent sur les titres compensatoires de carbone. Dans les deux cas, l’empreinte carbone des diamants de laboratoire peut être fortement réduite, voire être négative.

 

L’IMPACT SOCIAL PÈSE AUSSI DANS LA BALANCE

Il convient de souligner qu’il est parfois aussi difficile d’obtenir ce type de données auprès de sociétés d’extraction de diamants (qui ne sont pas réputées pour leur transparence) que de producteurs de diamants synthétiques ou leurs revendeurs. Ils refusent parfois de divulguer des informations sur leurs processus ou leur empreinte carbone, sous prétexte qu’ils n’ont pas les chiffres ou qu’ils ne peuvent les dévoiler pour des raisons de confidentialité.

L’aspect socioéconomique de la création et de l’extraction de diamants entre aussi en considération. « L’exploitation minière est bien plus génératrice d’emplois », observe Saleem Ali. Certains chercheurs avancent, assez logiquement, que l’extraction diamantaire a transformé l’économie des pays abritant d’importantes quantités de kimberlite, comme le Botswana. Bien que le secteur de la production de diamants en laboratoire crée de plus en plus d’emplois à mesure qu’il se développe, il ne pourra jamais en générer autant que l’industrie de l’extraction diamantaire.

Sur ce point, les diamants synthétiques « ne rivaliseront jamais avec les diamants naturels », ajoute le spécialiste.

Le débat est toutefois loin d’être clos. Les retombées économiques à l’échelle nationale des diamants naturels sont immenses, sauf si elles bénéficient à une « élite corrompue. Dans ce cas, tout va de travers », remarque Thomas Stachel. L’industrie diamantaire est marquée par des épisodes sombres. Des diamants naturels ont notamment été vendus par des groupes armés, notamment en Afrique centrale et de l’Ouest, pour financer des actes de guerre, d’insurrection, de crime organisé, de terrorisme et d’oppression.

Le processus de Kimberley, un cadre international créé en 2003, a permis d’apporter une rigueur et une transparence nécessaires à la chaîne d’approvisionnement diamantaire, en rendant plus difficile la commercialisation des diamants de conflits, aussi appelés « diamants de sang ».

Décrit par certains comme un système parfait, le processus de Kimberley présenterait de sérieuses lacunes pour d’autres. Aujourd’hui encore, il peut être très difficile, voire impossible, de savoir si un diamant naturel acheté auprès d’un vendeur légal n’alimente pas un conflit. Quelques mois après l’invasion russe de l’Ukraine par exemple, des diamants russes étaient toujours en circulation sur le marché mondial. De quoi faire tiquer certains consommateurs.

Il est à l’inverse certain qu’un diamant cultivé en laboratoire se conforme aux exigences éthiques.

Pour résumer, s’il est possible d’affirmer que les diamants naturels constituent la meilleure option sur le plan socioéconomique, cet argument peut être difficile à faire valoir. Pour ce qui est de la durabilité, la balance penche en faveur des diamants de synthèse. « Pour le moment, les diamants de laboratoire l’emportent sur le plan environnemental », conclut Gbemi Oluleye.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Pourquoi rester assis trop longtemps tue

Par : National Geographic — 29 mars 2024 à 09:45

Rester assis trop longtemps nous tue, littéralement. « Passer trop de temps assis est associé à une augmentation du risque de développer un cancer, une forme d’obésité, certains cancers, des maladies cardio-vasculaires, voire des démences. Ce sont des maladies chroniques qui peuvent conduire à une mortalité précoce », explique en ce sens Martine Duclos, chef du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et présidente de l’Observatoire National de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps). Les artères sont aussi impactées par le manque de mouvement : « la pression et le diamètre des artères diminuent, ça favorise aussi l'hypertension artérielle ».

On estime que 21 millions de personnes seraient ainsi touchées de près ou de loin par une maladie chronique en France, ce qui représenterait 61 % des dépenses de santé de l’Assurance-maladie. Selon une expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) datant de novembre 2021, 95 % de la population seraient exposés au risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique et le temps prolongé passé assis. Ces chiffres sont issus de la littérature scientifique et des données de l’étude individuelle et nationale sur les consommations alimentaires (INCA3) recueillies en 2014 et en 2015, auprès de 1 305 adultes de 18 ans à 64 ans en France. C’était il y a plusieurs années, mais le constat est toujours le même aujourd’hui. « Les effets négatifs, on les observe déjà au bout de trois à quatre heures assis. Et en moyenne, on reste douze heures assis les jours travaillés et neuf-heures les jours non travaillés », alerte Martine Duclos.

En 2024, la promotion de l’activité physique a été déclarée Grande Cause Nationale par Emmanuel Macron dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. L’objectif est d’inciter les 21 % de Français n'ayant pratiqué aucune activité physique et sportive en 2023 à se dépenser davantage. Pour l’instant, aucun projet concret n’a été annoncé, si ce n’est une enveloppe de 3,5 millions d’euros prévue notamment pour « financer des projets structurants visant à favoriser l’accès au sport pour tous, promouvoir les trente minutes d’activité sportive par jour ou encore de s’adresser aux publics éloignés de la pratique sportive ».  

 

« L’EFFET COVID »

Les différents confinements liés à la crise sanitaire de l’épidémie de Covid-19, auraient largement influé sur la réduction de l’activité physique des enfants et des adolescents, avec une augmentation en parallèle de leur temps d’écran. C’est ce que révèle un rapport de l’Onaps, sur l’évolution des comportements des Français pendant le confinement. Ainsi, chez les enfants et les adolescents qui passaient moins de six heures par jour assis avant le confinement, 72 % ont augmenté leur temps total passé assis. Et 25 % des adultes ont déclaré avoir augmenté leur temps passé assis.

En parallèle, 41 % des adultes ont déclaré avoir augmenté leur temps passé devant des écrans, un chiffre qui passe à 60,4 % chez les enfants de moins de six ans. Il y a donc un réel effet de causalité. « La sédentarité a augmenté avec le Covid et quelques années après, il reste des reliquats de cette sédentarité. Nous ne sommes pas revenus au niveau d’avant Covid », déplore Martine Duclos. 

Le télétravail, autre facteur aggravant, a fait augmenter de 30 % le temps passé assis selon elle. « Quand on est en télétravail, on bouge peu. On ne se déplace pas pour aller au travail. […] Sur site, il y a souvent des petits déplacements à faire d'un bureau à l'autre etc... Alors que quand on est chez soi, l'espace est beaucoup plus restreint. Donc les gens bougent moins et restent beaucoup plus assis. »

 

ÊTRE ASSIS TUE VRAIMENT PLUS QUE LE TABAC ?

« Sitting is the new smoking », qui peut se traduire en « Rester assis est le nouveau tabagisme », est devenu le nouveau motto de certains spécialistes aux États-Unis. Fréquemment repris en France pour sa formule choc, il faut tout de même souligner que les deux ne sont pas comparables. Selon un article de la National Library of Medicine, intitulé « Évaluation des preuves concernant la position assise, le tabagisme et la santé : la position assise est-elle vraiment le nouveau tabagisme ? », il est important de faire la distinction entre un comportement addictif tel que le tabagisme, et une habitude, comme le fait de rester assis. Ainsi, la dépendance à la nicotine est une conséquence directe du fait de fumer, quand rester assis, comme c'est le cas pour d'autres comportements tels que se nourrir ou dormir, n'est pas une dépendance.

Si le mantra est parfois encore usité par certains spécialistes, c’est pour faire comprendre au plus grand nombre les dangers, encore trop méconnus, auxquels expose la sédentarité. « Actuellement, ce qui est en train de nous tuer, c'est l'excès de temps passé assis », alerte Martine Duclos.

Dans la ville de Strasbourg, l’Activité Physique Adaptée (APA), thérapeutique non médicamenteuse, reconnue bénéfique pour traiter certaines maladies chroniques, est financée. Ce n’est pas le cas à l’échelle de toute la France. Et si certains médecins peuvent prescrire une activité physique à leurs patients avec le dispositif Sport Santé Sur Ordonnance (SSSO), celle-ci n’est pas remboursée par la Sécurité sociale
 

LES BONNES HABITUDES À ADOPTER

L’ONS recommande d’effectuer 150 à 300 minutes (soit 1h30 à 5h) d’activité sportive d’intensité modérée à soutenue par semaine pour les adultes, et soixante minutes par jour pour les enfants et les adolescents. Il n’y a pas de distinction entre homme ou femme, et les personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap sont également concernées. 

Pour y parvenir, il est important de ne pas faire des comportements sédentaires la norme. Idéalement, il faudrait éviter les temps prolongés continus, « toutes les heures, il faut se lever pendant une à trois minutes », conseille l’experte. Cela permettrait de « rompre les temps de sédentarité ». Rester debout dans les transports en commun, descendre une station plus tôt pour marcher plus, ou encore prendre les escaliers, ces gestes peuvent avoir un effet significatif sur notre santé à long terme. Certaines entreprises mettent aussi en place des bureaux actifs, qui permettent de travailler debout. 

Dans le monde de plus en plus sédentaire dans lequel nous vivons, il peut être compliqué de mettre toutes ces recommandations en application. Mais chaque action compte. « Lorsqu’on passe de huit heures à neuf heures assis, il y a déjà des effets sur la mortalité, pouvant aller jusqu’à 30 %. […] Parfois, il ne faut pas grand-chose pour améliorer les effets délétères de la sédentarité ».

En définitive, rompre avec la sédentarité est un élément clé à la diminution des maladies chroniques, qui peut avoir une multitude d’effets bénéfiques pour notre santé. « Si l'on prend plus les vélos et que l'on marche davantage, on préserve l'environnement. On prend aussi moins de médicaments, cela passe moins dans les urines et donc dans l'eau. Pour résumer, on améliore la santé des animaux, de l'environnement et notre propre santé. Les conséquences d’une meilleure mobilité sont énormes » conclut Martine Duclos.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Les compléments alimentaires peuvent-ils vraiment aider à traverser la préménopause ?

Par : National Geographic — 28 mars 2024 à 15:27

La préménopause (ou périménopause) a le vent en poupe sur le marché des produits non médicamenteux : outre les traitements traditionnels de la ménopause, on trouve de plus en plus de pilules et de crèmes en vente libre destinées aux femmes sur le point d'atteindre la ménopause.

La préménopause, cette période précédant la ménopause, se manifeste généralement vers 45 ans et dure souvent plusieurs années. Au cours de cette phase de transition, les changements hormonaux peuvent entraîner une perte osseuse et provoquer des dizaines de symptômes désagréables tels que des bouffées de chaleur, des troubles du sommeil et des troubles de l’humeur.

Alors que l’hormonothérapie et d’autres médicaments sur ordonnance peuvent aider à soulager certains de ces symptômes, de nombreuses personnes cherchent d'autres solutions. « C’est là que les compléments alimentaires et les produits non médicamenteux entrent en jeu », explique Mary Jane Minkin, gynécologue et professeure clinique à l’école de médecine de Yale.

Mais selon Minkin et d’autres médecins habitués à traiter les symptômes de la préménopause, les données scientifiques relatives à de nombreux produits portent à confusion. « Mieux vaut considérer la plupart de ces produits avec des pincettes », soutient Nanette Santoro, professeure et présidente du département d’obstétrique et de gynécologie à la faculté de médecine de l’université du Colorado.

Voici ce que l’on sait des compléments alimentaires censés soulager les symptômes de la préménopause, et ce que suggèrent les experts à ce propos.

 

QU’EST-CE QUE LA PRÉMÉNOPAUSE ET QUE CONTIENNENT CES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES ?

Pendant la préménopause, les ovaires produisent moins d’œstrogènes et de progestérone (les hormones sexuelles féminines) et leurs taux augmentent et diminuent de façon sporadique, ce qui entraîne des règles irrégulières. La ménopause, quant à elle, se définit par l’absence de règles de plus d'un an.

Bien que les termes « préménopause » et « ménopause » fassent référence à deux étapes distinctes du développement humain, ils sont souvent utilisés l'un pour l'autre, et ce même sur l’emballage de certains compléments alimentaires, souligne Santoro.

Les produits qui prétendent soulager les symptômes de la préménopause sont souvent constitués d’un mélange de divers ingrédients, dont de la vitamine B (pour l’énergie, l’humeur, etc.), de la vitamine D (pour la santé des os) et des minéraux comme le zinc (pour la santé de la peau et des ongles).

Certains contiennent également des plantes comme la maca et la populaire actée à grappes noires, toutes deux censées atténuer plusieurs symptômes, ainsi que des phytoestrogènes, des composés provenant de plantes telles que le soja et le trèfle rouge, qui présentent une structure et des fonctions similaires à l’œstrogène humain.

 

CES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES SONT-ILS EFFICACES ?

Selon les experts, il n’y a tout simplement pas assez de preuves pour affirmer que ces ingrédients soulagent bel et bien les effets secondaires de la préménopause. En effet, certains ingrédients n’ont été que peu étudiés, quand, pour d’autres, les résultats des études se sont souvent avérés incohérents.

Par exemple, des analyses de la littérature scientifique réalisées en 2012 et 2016 ont montré que l’ingestion d’extrait d’actée à grappes noires ne réduisait pas plus les bouffées de chaleur que la prise d’un placebo. Pourtant, une revue systématique de 2017 a soutenu le contraire.

Selon Minkin, les études sur les compléments alimentaires sont souvent loin d’appliquer la méthodologie de référence recommandée pour ce type de recherche, à savoir de vastes essais randomisés, en double aveugle, contrôlés par placebo, qui suivent les participants dans le temps.

Par ailleurs, la diversité des processus de culture, d’extraction et de production de nombreux ingrédients complique davantage la collecte de données fiables, ajoute Minkin.

Prenons l’exemple du soja, parfois commercialisé comme traitement des bouffées de chaleur. En 2023, la Menopause Society, une organisation à but non lucratif américaine, a conclu qu’il était difficile de résumer les études publiées sur le soja depuis 2015, tant elles étaient différentes. En effet, ces études analysent des dosages du soja différents ou des mélanges de soja et de différents minéraux et vitamines, ainsi que différentes formes d'aministration du soja, comme des boissons et des comprimés.

En fin de compte, la Menopause Society n’a recommandé ni le soja ni aucun autre complément alimentaire qu’elle a évalué (dont des capsules d’onagre, de la crème d’igname sauvage et autres) pour traiter les bouffées de chaleur.

Cela dit, les experts expliquent qu’il peut leur arriver de recommander certains compléments alimentaires aux personnes en période de préménopause. Les suppléments de calcium, par exemple, peuvent favoriser la santé des os si l’alimentation n’en fournit pas suffisamment, tout comme la vitamine D, que l’on produit moins efficacement avec l’âge, explique Karen Adams, professeure clinique d’obstétrique et de gynécologie à la faculté de médecine de l’université de Stanford.

En outre, Adams indique qu'il existe « quelques preuves » suggérant que la mélatonine peut améliorer le sommeil, en particulier chez les personnes âgées, mais ces études sont de petite envergure et de courte durée. Les experts ont également averti le National Geographic que la mélatonine ne devait être utilisée qu’à court terme.

Bien sûr, les preuves anecdotiques abondent, certaines personnes jurant que certains compléments alimentaires les ont aidées à soulager leurs symptômes. Cependant, selon les experts, il pourrait s’agir d’un effet placebo puisque dans le cas des traitements contre les bouffées de chaleur, par exemple, des études ont démontré que plus de 30 % des personnes signalaient des améliorations avec le placebo.

Quoi qu’il en soit, si les symptômes s’améliorent et si le complément alimentaire semble sans danger, Minkin préfère aller dans le sens de ses patients. « Ma ligne de conduite habituelle est la suivante : si mes patients trouvent une utilité aux suppléments, je les invite à poursuivre leur traitement », dit-elle.

Mais comment s’assurer qu’un complément alimentaire est sans danger ? C’est une autre histoire.

 

CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT DE PRENDRE DES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES POUR LA PRÉMÉNOPAUSE

Les agences de régulation des médicaments n’ont pas à approuver la plupart des compléments alimentaires pour qu’ils soient commercialisés. Il n’y a donc aucune garantie qu’un produit soit efficace, qu’il n’interagisse pas avec des médicaments ou même qu’il contienne ce qu'indique l’étiquette. « Les fabricants de compléments alimentaires peuvent prétendre tout ce qu’ils veulent », déclare Adams.

Une étude de 2006, par exemple, a révélé que trois des onze produits à base d’actée à grappes noires analysés dans le cadre de l’étude ne contenaient pas d’actée à grappes noires, mais une autre plante à fleurs appelée actée asiatique.

Il est ainsi recommandé aux personnes qui envisagent d’acheter des compléments alimentaires pour la préménopause de rechercher le sceau de la pharmacopée française, de Consumerlab.com ou de NSF International, qui testent les compléments alimentaires pour vérifier des facteurs tels que l’identité des produits et leur pureté. 

 

LES AUTRES SOLUTIONS POUR SOULAGER LES SYMPTÔMES

Si de nombreux médecins ne vous orienteront pas vers les compléments alimentaires, vous pouvez trouver d’autres types de solutions fiables et approuvées.

Selon les experts, l'intervention hormonale constitue le traitement le plus efficace pour pallier les symptômes courants de la préménopause. En revanche, si certains médecins préfèreront l’hormonothérapie (soit le recours à des pilules, des patchs ou à tout autre produit contenant des œstrogènes ou un mélange d’œstrogènes et de progestérone), explique Minkin, d’autres ne vous la recommanderont pas, car la production d’œstrogènes chez les personnes préménopausées peut encore être élevée à certains moments. Une des solutions dans ces cas-là peut être d'avoir recours à une contraception hormonale.

Toutefois, si vous préférez renoncer au traitement hormonal ou si vous n’êtes pas une bonne candidate pour ce traitement (comme les personnes ayant des antécédents de thrombose idiopathique ou de cancer du sein ou d’autres cancers sensibles aux œstrogènes, par exemple), vous pouvez également vous procurer des médicaments non hormonaux sur ordonnance.

Certaines techniques psychocorporelles peuvent également s’avérer utiles.

Pour atténuer les bouffées de chaleur, la Menopause Society recommande deux techniques : l’hypnothérapie, qui implique des séances de relaxation profonde et axées sur la concentration destinées à vous rendre plus influençable, et la thérapie cognitivo-comportementale, axée sur l’identification et le remplacement des schémas de pensée néfastes.

Santoro rappelle que faire de l’exercice physique est « bon dans tous les cas », mais souligne également que selon certaines données, il n'aide pas à réduire les bouffées de chaleur. Par ailleurs, le fait de suivre un régime alimentaire équilibré, composé d’aliments entiers et non transformés, permet de contrôler la glycémie, d’assurer un apport adéquat en vitamines et de prévenir la prise de poids qui peut survenir pendant la préménopause, souligne Santoro.

Enfin, Minkin insite : il est essentiel de consulter un fournisseur de soins de santé bien informé qui peut vous aider à naviguer parmi les options, y compris les compléments alimentaires.

« J’encourage toujours mes patients à consulter des sources fiables, ajoute-t-elle, et à ne pas fonder leurs décisions sur les propos d’une star de cinéma. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Le Kaméni, le secret explosif de l’île de Santorin

Par : National Geographic — 27 mars 2024 à 14:16

L’île grecque de Santorin, avec ses emblématiques maisons blanches et bleues juchées en surplomb d’une baie d’azur, est indéniablement une merveille esthétique. Mais l’histoire de la formation de ce lieu paradisiaque est spectaculairement violente.

Santorin doit sa forme courbe et son intérieur submergé à de colossales éruptions survenues dans un lointain passé qui évidèrent le centre de l’île. Après chaque éruption, le volcan de Santorin reconstitue lentement ses réserves de magma et se prépare pour une nouvelle explosion gigantesque. La plus célèbre de ces éruptions eut lieu en 1560 avant notre ère. Cet emportement, l’un des plus puissants des 10 000 dernières années, ainsi que la désolation et les raz-de-marée qui s’ensuivirent marquèrent probablement le début du déclin d’une civilisation de navigateurs : les Minoens.

L’île se trouve actuellement au milieu de ce cycle cataclysmique, et les volcanologues sont particulièrement préoccupés par le volcan de l’île Néa Kaméni. Celui-ci, qui est en réalité une extension hors-sol du volcan de Santorin, qui est lui bien plus vaste, est une structure principalement sous-marine située au cœur de la caldeira et possède deux sommets : Paléa Kaméni et Néa Kaméni, qui passent une petite tête hors de l’eau.

En 726, l’une des éruptions du Kaméni donna lieu à d’importantes explosions et à une abondante projection de matière en fusion. Eu égard à la qualité particulière des roches volcaniques produites lors de cette éruption, on pensait qu’il s’agissait là du pire scénario auquel Kaméni était en mesure de se livrer.

Mais une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Geoscience, révèle que cette éruption fut en réalité plus virulente, et ce d’un à deux ordres de grandeur.

Les chercheurs estiment qu’au moins cent milliards de mètres cubes de lave, de cendres et de roches brûlantes furent expulsées du volcan. Ainsi cette éruption est comparable à l’explosion du volcan sous-marin Hunga Tonga, survenue en 2022 dans l’océan Pacifique. « Si une telle éruption se produisait de nos jours, cela aurait des répercussions majeures », affirme Jonas Preine, géophysicien de l’Université de Hambourg et auteur principal de l’étude.

C’est une nouvelle fâcheuse, à la fois pour les 15 000 habitants de Santorin et pour les deux millions de touristes qui visitent l’île chaque année. « Cela laisse entrevoir la possibilité que les éruptions modérées à importantes soient plus probables que ce que l’on pensait », révèle David Pyle, volcanologue de l’Université d’Oxford qui n’a pas pris part aux présentes recherches.

Mais « les habitants de l’Égée n’ont pas de raisons de paniquer pour autant pour le moment », tempère Jonas Preine. Le risque d’éruption à Santorin dans un avenir proche est faible, et rien n’indique qu’il doive en survenir une bientôt. En outre, cette étude renforce la compréhension qu’ont les volcanologues de cette île et des risques éruptifs qu’elle présente, et elle permet aux scientifiques de mieux protéger les personnes de dangers futurs.

« Les volcans sous-marins coûtent cher à étudier, déplore Jonas Preine. Mais cela en vaut la peine. Il y a tout une collection de dangers susceptibles de leur être associés. »

 

ENQUÊTER SUR L’HISTOIRE VOLCANIQUE DE SANTORIN

Santorin n’est qu’une des nombreuses caldeiras que compte notre planète. Celles-ci sont le fruit de l’activité de volcans qui semblent fonctionner selon des cycles qui culminent en d’importantes explosions qui engendrent des dépressions en forme de chaudron (d’où le nom caldeiras). L’activité volcanique de l’île aurait commencé il y a 650 000 ans environ, et à cette période, celle-ci aurait entraîné au moins cinq explosions catastrophiques, dont une qui dévasta toute une civilisation en 1560 avant notre ère.

Depuis lors, c’est le Kaméni et ses deux sommets qui écrivent l’histoire volcanique de l’île. Ce volcan aux éruptions à la fois effusives et un peu explosives est entré en éruption pour la dernière fois en 1950 et, hormis quelques secousses sismiques en 2011 et 2012, est resté tranquille depuis. Mais il n’est pas endormi pour autant.

« Le volcan est encore assez actif, donc il y a, bien entendu, toujours un risque », prévient Isabel Yeo, spécialiste de volcanologie sous-marine du Centre national d’océanographie de Southampton, en Angleterre, qui n’a pas pris part aux présentes recherches. Les scientifiques sont tout à fait conscients que les volcans sous-marins « sont capables de nous surprendre ».

L’éruption de 726 a accaparé l’attention de ceux qui comptent savoir à quel point Kaméni pourrait être dangereux à l’avenir. Les récits historiques sont en tous cas terrifiants : on dit que les eaux de la baie se mirent à bouillir, puis que « la mer entière était en feu », raconte Jonas Preine ; après quoi des explosions assourdissantes recouvrirent le ciel de cendres et la terre de pierres ponces.

Mais les indices volcaniques découverts par les scientifiques ne semblent pas tout à fait concorder avec ces descriptions. « La pierre ponce ne se forme et n’est projetée que lors d’éruptions explosives », explique Rebecca Williams, volcanologue de l’Université de Hull n’ayant pas pris part aux présentes recherches. De plus, « le fait que la plupart des archives rocheuses aient été englouties par la mer constitue un obstacle important à la pleine compréhension de l’histoire éruptive des îles-volcans ».

L’éruption de 726 ne fait pas exception à la règle : seules de petites traces furent laissées sur la terre. Par conséquent, même si l’on savait qu’un phénomène dangereux avait eu lieu, « l’impact de cette éruption ne fut jamais vraiment pris au sérieux », déplore Jonas Preine.

 

À QUOI RESSEMBLERA LA PROCHAINE ÉRUPTION DE SANTORIN ?

Bien décidés à déchiffrer le passé volcanique trouble de Kaméni, des membres du Programme international de découverte des océans (IODP) ont foré les bassins marins de la caldeira en divers endroits et en ont extrait des carottes sédimenteuses à chaque fois.

Cela leur a permis de découvrir un volume considérable de cendres et de pierres ponces qu’ils ont attribué à l’éruption de 726. Il est vite apparu que cette éruption fut aussi importante et aussi grave que l’affirmaient les témoignages historiques. Il est vraisemblable que des explosions sous-marines tonitruantes se soient produites et qu’elles aient été suivies de colonnes immenses de cendres et de pierres ponces.

L’idée d’une éruption explosive projetant cent milliards de mètres cubes de matière éruptive est sans aucun doute intimidante. Mais la réalité fut bien plus cauchemardesque encore.

« L’estimation qu’ils fournissent est des plus conservatrices, car ils ne s’appuient que sur le volume de matière déposée au sein de la caldeira, explique Isabel Yeo. De grandes quantités de matière furent sans doute transportées et déposées loin du volcan lors de l’éruption. »

Cette étude laisse entrevoir la possibilité que Kaméni puisse être capable de bien davantage de dégâts que nous ne le soupçonnions. Une éruption aussi explosive de nos jours « pourrait être synonyme non seulement de retombées substantielles de cendres et de pierres ponces, mais également de raz-de-marée générés par un possible effondrement "localisé" de l’île, qui est construite sur des dépôts instables de pierres ponces », explique Kathy Cashman, volcanologue de l’Université d’Oregon n’ayant pas pris part aux recherches.

La découverte de l’équipe de recherche signifie également que le pire scénario pourrait s’avérer bien plus grave que prévu. Fort heureusement, cela fait longtemps que les scientifiques prennent en considération les risques volcaniques posés par l’île.

« On devrait prendre Santorin au sérieux étant donné le potentiel tsunamigénique du volcan et le nombre important de personnes susceptibles d’être affectées », prévient Amy Donovan, volcanologue de l’Université de Cambridge qui n’a pas pris part aux présentes recherches. « Cet article dit bel et bien que [l’éruption de] 726 était plus grave qu’on ne le pensait, mais il n’aggrave pas mes préoccupations concernant ce volcan qui est déjà préoccupant pour tout un tas de raisons. »

Sans surprise, le volcan est également surveillé de près vingt-quatre heures sur vingt-quatre. « Tout signe de regain d’activité a de bonnes chances d’être détecté dans ses toutes premières phases et cela donnerait lieu à des alertes », indique Isabel Yeo.

Les implications de ces recherches ne vont pas rester cantonnées à l’île. On considère Santorin comme l’un des sites clés dont l’étude a conduit à la création de cette science moderne qu’est la volcanologie. On l’a examiné sous toutes les coutures, chacun de ses détails accessibles a été analysé de manière scientifique d’innombrables fois. « Cela ne l’empêche pas de grandement nous surprendre, confie Jonas Preine. Ce volcan que vous observez chaque jour recèle des secrets que nous sommes encore en train de mettre au jour. »

Que cela dit-il alors d’autres volcans à caldeira ailleurs sur le globe, et notamment de ceux qui sont submergés par l’océan ? « Si nous avons pu ne pas avoir conscience de cela à Santorin, alors nous ne sommes certainement pas au courant d’éruptions similaires survenues sur d’autres volcans, fait remarquer Jonas Preine. Il s’agit d’un angle mort colossal pour la communauté volcanologique. »

L’horloge tourne. « Presque aucun volcan sous-marin n’est sous surveillance, s’alarme Isabel Yeo. Et cela doit changer. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Champignons : nos fascinants voisins fongiques

Par : National Geographic — 27 mars 2024 à 09:12

Retrouvez cet article dans le numéro 295 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

Anne Pringle était en train d’examiner des champignons en Californie, dans le parc d’État de la baie de Tomales, au nord de San Francisco, quand elle s’est trouvée cernée par une mer de champignons parmi les plus dangereux du monde: des amanites phalloïdes. «Impossible de poser le pied par terre sans en écraser, raconte-t-elle. C’était une infestation totale.» 

La scène s’est déroulée il y a vingt ans, quand Anne Pringle, aujourd’hui mycologue à l’université du Wisconsin à Madison, faisait des recherches à l’université de Californie à Berkeley. En dépit de cette prolifération, la rumeur disait que ce champignon mortel n’avait pas pour origine la côte californienne. Six ans et de nombreux séquençages génétiques plus tard, la scientifique a démontré qu’elle était fondée: l’amanite phalloïde présente en Amérique du Nord était une envahisseuse, sans doute venue d’Europe. 

Aujourd’hui implantées à des milliers de kilomètres hors de leur aire de répartition originelle, les amanites phalloïdes provoquent la majorité des intoxications dues à des champignons. Leurs puissantes toxines s’attaquent au corps humain six heures à peine après ingestion, provoquant des douleurs abdominales, des nausées et des vomissements qui, faute de traitement, peuvent entraîner une insuffisance hépatique mortelle. 

Pourtant, cette espèce n’a pas évolué dans le but de tuer des gens. Ce sont des champignons mycorhiziens, dont les « chapeaux », ou carpophores, émergent du mycélium souterrain, qui s’enroule autour des racines des arbres, les aidant à absorber les nutriments. Cette activité intrigue autant qu’elle préoccupe les scientifiques comme Anne Pringle, laquelle souligne notre maigre connaissance du règne fongique et de ce qui se passe quand ces réseaux souterrains se reconfigurent.

Au cours du siècle écoulé, notre monde est devenu plus interconnecté que jamais et les champignons ont été embarqués dans d’innombrables voyages internationaux, accrochés à des plantes importées ou portés par le vent sur des centaines de kilomètres. Aujourd’hui, le changement climatique permet à nombre de ces organismes de prospérer dans des écosystèmes autrefois trop froids et secs. Si nous nous fions au passé, nous ne sommes pas forcément prêts pour ce qui nous attend.

En un sens, le monde des champignons est une mystérieuse dimension terrestre que nous apprenons tout juste à observer. S’ils poussent dans le sol et présentent des « tiges » comestibles comme les plantes, nombre de leurs caractéristiques les en distinguent pourtant. Alors que les parois cellulaires des végétaux sont constituées de cellulose, celles des champignons sont faites de chitine, une fibre que l’on retrouve aussi dans l’exosquelette des insectes et des crustacés. De plus, ils sont hétérotrophes, c’est-à-dire capables de manger d’autres organismes, souvent en décomposant du bois et des végétaux morts grâce à la sécrétion puis à la réabsorption d’enzymes. Sans eux, la flore et la faune mortes s’accumuleraient dans les forêts, et la plupart des arbres peineraient à trouver les nutriments indispensables à leur survie. 

«Ils sont probablement plus proches des animaux qu’on ne le croit», affirme même Rabern Simmons, conservateur au sein de l’Herbier de l’université Purdue, dans l’Indiana. Depuis plus d’un milliard d’années, ces organismes ont évolué de manière à vivre dans des milieux spécifiques, parfois en coopération avec une seule autre espèce. Mais, quand l’un d’eux est déplacé ailleurs, à des dizaines, voire à des milliers de kilomètres, ces relations complexes peuvent s’emballer. «Il en résulte un désordre parfait pour les champignons pathogènes», explique Stephen Parnell, épidémiologiste à l’université de Warwick, en Angleterre, qui modélise la propagation des maladies touchant les végétaux

Les champignons recourent à diverses stratégies de reproduction pour survivre. Portées par le vent, les spores de plusieurs espèces peuvent se mélanger dans un nouvel habitat; les champignons peuvent aussi fusionner les filaments, ou hyphes, qui forment leurs mycéliums ; mais, si besoin, beaucoup recourent simplement à la reproduction asexuée. 

Dans un contexte où les climats et les paysages évoluent à une vitesse record, souligne Stephen Parnell, ces caractéristiques reproductives confèrent aux organismes fongiques une adaptabilité unique, mais aussi inquiétante. Dans de nouveaux milieux, des champignons non indigènes peuvent se propager très vite et transformer la topographie des alentours.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Variétés de cannabis récréatif de plus en plus fortes : attention danger

Par : National Geographic — 26 mars 2024 à 15:50

Aux États-Unis, vingt-trois États ainsi que le District de Columbia ont déjà légalisé l'usage récréatif du cannabis ces dernières années et d'autres, comme la Floride, voteront sur cette question en novembre. Cette évolution du cadre législatif a entraîné une augmentation spectaculaire de la consommation : en 2023, 62 millions de personnes consommaient du cannabis aux États-Unis. Cependant, la légalisation du cannabis ne signifie pas que sa consommation régulière ne présente aucun danger.

D'après la recherche, les problèmes de santé liés à la consommation de cannabis ne se limiteraient pas à la sécheresse buccale ou à la fatigue, mais incluraient également des maladies physiques et mentales. Une étude récente établit même un lien entre la substance et les maladies cardiaques.

« Le cannabis est souvent associé à Bob Marley. Pour beaucoup, c'est un produit naturel, issu de mère Nature, et inoffensif », déclare Marco Solmi, psychiatre à l'université d'Ottawa. Pourtant, son analyse de la substance publiée dans la revue BMJ fait état d'un grand nombre de problèmes potentiels.

Le cannabis n'est pas dangereux comme le sont les opioïdes, indique Deborah Hasin, épidémiologiste à l'université Columbia, qui a mené des recherches sur l'usage et l'abus du cannabis. « Personne ne meurt d'une overdose de cannabis », ajoute-t-elle. « Mais la substance peut avoir beaucoup d'autres conséquences sur la santé physique et psychologique. »

 

DES VARIÉTÉS TOUJOURS PLUS PUISSANTES

Certains de ces problèmes peuvent être attribués à la puissance accrue des variétés disponibles de nos jours. Les produits actuels, « ce n'est plus l'herbe de nos grands-mères », déclarait Maria Rahmandar, directrice médicale du programme de prévention et d'usage du cannabis au Lurie Children’s Hospital de Chicago, lors d'un débat récent sur le cannabis aux Académies nationales des sciences, d'ingénierie et de médecine.

« Ces produits sont bien plus puissants et se présentent sous un si grand nombre de formulations qu'ils n'ont plus rien à voir avec les produits des années 1960 ou 1970 », indique Rahmandar.

La façon dont la population consomme du cannabis de nos jours augmente la quantité de substance active ingérée. Le vapotage et les produits comestibles délivrent généralement une plus grande quantité de tétrahydrocannabinol (THC) que les cigarettes roulées et fumées, indique Rahmandar.

 

DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE, UN PROBLÈME MAJEUR

L'un des risques moins connus, quoique préoccupants, de l'usage régulier du cannabis est la psychose induite par une substance, dans laquelle le consommateur fait face à des idées délirantes ou à une paranoïa, entend des voix et perd temporairement le contact avec la réalité. La psychose disparaît généralement après quelques jours, mais nécessite dans certains cas une hospitalisation.

Ce trouble peut se produire avec n'importe quelle substance psychoactive, mais le risque pour le cannabis est important, supérieur à celui de la cocaïne, indique Solmi.

« Vous avez plus de risques de développer une psychose induite par une substance si vous consommez du cannabis tous les jours, mais je ne peux pas vous donner de quantité sûre qui pourrait empêcher ce problème », ajoute-t-il. Les jeunes adultes de sexe masculin sont les plus vulnérables.

Autre constat particulièrement préoccupant, près d'un tiers des personnes qui subissent une psychose induite par une substance finissent par développer le trouble plus permanent de schizophrénie, indique Solmi.

Des études observationnelles associent également d'autres troubles psychologiques à un usage fréquent du cannabis. Dans sa revue de la littérature scientifique, Solmi constate une augmentation de la dépression ainsi qu'une recrudescence de la violence chez les couples. En outre, puisque le cannabis provoque une déficience cognitive, ainsi qu'une déficience visuelle, les accidents de voiture ont augmenté chez les utilisateurs qui conduisent sous l'influence de la substance.

Les experts s'inquiètent particulièrement des impacts sur la santé mentale des adolescents. Aux États-Unis, environ 17 % des adolescents âgés de quinze-seize ans indiquent consommer du cannabis alors qu'aucun État n'a légalisé le cannabis en dessous de vingt et un ans.

Le risque de subir une dépression à l'entrée dans l'âge adulte est supérieur de 37 % chez les adolescents qui consomment régulièrement du cannabis par rapport aux non-consommateurs. Les taux de suicide sont également plus élevés.

« À l'adolescence, le cerveau traverse une phase de maturation et de développement. Ainsi, lorsque des substances entrent en jeu, elles ont plus d'impact que sur les cerveaux adultes », résume Rahmandar.

 

LA SANTÉ CARDIAQUE EN JEU

La consommation régulière de cannabis peut également entraîner des problèmes physiques majeurs.

Les consommateurs réguliers présentent un risque plus élevé de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral et d'autres pathologies cardiaques, selon une vaste étude de population publiée dans le Journal of the American Heart Association en février. Les chercheurs ont ainsi constaté une augmentation de la fréquence des crises cardiaques de 25 % dans ce groupe et de 42 % pour les accidents vasculaires cérébraux.

Cela se produit probablement parce que le THC affecte le flux sanguin dans les artères et parce que les récepteurs de cannabinoïdes sont présents dans l'ensemble du système cardiovasculaire, indiquent les auteurs. Les personnes fumant du cannabis augmentent également leur risque de maladie cardiaque à cause des particules inhalées en plus du THC.

D'autres études associent le cannabis à une réduction des nausées et des vomissements après la chimiothérapie, mais la revue publiée dans BMJ indique que les consommateurs réguliers peuvent en fait souffrir d'une pathologie qui accentue les vomissements, connue sous le nom d'hyperémèse. « C'est rare, mais plus il y a de consommateurs, plus le nombre de cas augmente », indique Hasin.

Les femmes enceintes qui consomment régulièrement du cannabis courent un risque supérieur d'accoucher prématurément et d'avoir un bébé dangereusement petit. De plus amples recherches seront nécessaires pour déterminer si ce phénomène provient de la substance en elle-même ou d'autres facteurs liés au mode de vie des femmes qui choisissent de consommer du cannabis pendant leur grossesse, indique Solmi.

 

ADDICTION AU CANNABIS

Beaucoup pensent que le cannabis est moins dangereux que l'alcool, mais un consommateur de cannabis sur cinq développe une addiction à la substance. Les symptômes du trouble de consommation du cannabis sont similaires aux autres substances.

« Si la personne ressent un besoin irrépressible de consommer du cannabis, si elle ressent le besoin d'en consommer toujours plus pour ressentir les mêmes effets, si elle a déjà essayé d'arrêter ou de ralentir sans succès » ou présente l'un des nombreux autres symptômes, « c'est un signal d'alerte », indique Hasin.

Comme avec l'alcool, l'addiction au cannabis peut mener à des problèmes personnels, financiers, juridiques et sanitaires.

Certains groupes sont particulièrement exposés à ce risque d'addiction. Chez les vétérans, les taux ont augmenté substantiellement depuis 2005, comme le constate Hasin dans son étude. Elle attribue ce phénomène à une combinaison de différents facteurs : la puissance accrue des produits et la tolérance de la loi vis-à-vis de la substance, ainsi que le recours probable au cannabis comme automédication contre la douleur chronique et les troubles psychiatriques. Le département des Anciens combattants des États-Unis est parvenu à réduire la prescription d'opioïdes non nécessaires aux vétérans, donc certains d'entre eux se tournent peut-être vers le cannabis », suggère-t-elle.

Chez les plus jeunes également, le risque de développer ce trouble est important. Les personnes qui commencent à consommer du cannabis à un jeune âge ou qui présentent des antécédents familiaux d'addiction augmentent sensiblement leur probabilité de développer des troubles.

« Les personnes âgées de moins de 25 ans devraient totalement éviter le cannabis », propose Solmi. « Ils n'ont aucune idée de leurs futures réactions. Ils jouent avec leur cerveau et avec leur santé. »

Pour tous les autres, la modération est essentielle.

« Ce n'est pas une substance banale qui ne présente aucun risque », souligne Rahmandar. « Pour la plupart des consommateurs, tout ira bien, mais personne ne peut prédire qui développera des problèmes. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Le métier le plus dangereux du monde ? Soudeur sous-marin

Par : National Geographic — 25 mars 2024 à 17:39

Si vous entendez « plongée sous-marine », vous pensez certainement aux vacances et à l’observation de toutes sortes de faunes et de flores marines dans des eaux turquoise de paradis tropicaux. Cependant, à des dizaines de mètres de profondeur se cache un autre monde, bien loin des baignades relaxantes le long des récifs ensoleillés : celui de la soudure sous-marine.

« Nous assurons le bon fonctionnement du monde au-dessus de l’eau, en effectuant le travail difficile sous la surface », explique Joseph Purvis, ancien soudeur sous-marin. « J’ai été très fier de faire partie de ce monde exaltant et éprouvant pendant six ans. »

Les nombreux dangers de ce métier attirent l’attention des médias depuis des années, si bien qu’une nouvelle tendance a récemment vu le jour sur les réseaux sociaux : des jeunes se filment en train d’annoncer avoir accepté un emploi de soudeur sous-marin à leurs proches afin de capturer leurs réactions, souvent pleines de surprises et d’incrédulité, cette activité étant devenue célèbre pour son haut niveau de spécialisation et pour les risques qu’elle implique. La soudure sous-marine mérite-t-elle sa réputation ?

 

UN MÉTIER PRÉSENTANT DE NOMBREUX DANGERS

Les soudeurs sous-marins, aussi appelés soudeurs-plongeurs ou scaphandriers, plongent avec un équipement spécialisé conçu pour résister aux difficultés inhérentes à l’environnement des eaux profondes. Lorsqu’ils sautent du bateau pour rejoindre le lieu de leur mission, ils sont vêtus d’une épaisse combinaison, étanche ou non, et portent un casque doté d’un système de communication intégré afin de rester en contact avec leur équipe en surface. Plusieurs méthodes de descente peuvent être pratiquées en fonction de la profondeur et de la durée de la mission.

« Dans le cas d’une plate-forme pétrolière, le premier plongeur descend sous l’eau directement depuis la plate-forme, et établit une ligne de descente, une corde d’à peine plus d’un centimètre qui remonte jusqu’au bateau », décrit Purvis.

Les plongeurs s’agrippent ensuite à la corde et se laissent tomber jusqu’au fond de l’eau.

« Même les meilleurs plongeurs sportifs peuvent se perdre complètement sous l’eau », poursuit Purvis. « Si l’on se trompe de direction et que l’on oublie la direction empruntée, on risque de ne plus savoir différencier la gauche de la droite, ou le haut du bas. »

La source d’oxygène des soudeurs-plongeurs n’est pas une bouteille de plongée classique ; elle ressemble davantage à une sorte de cordon ombilical. Un tuyau transfère du gaz respiratoire depuis la surface jusqu’au point de contrôle des plongeurs, un peu comme un astronaute qui reste attaché à son vaisseau lorsqu’il marche sur la Lune. Ils descendent avec des électrodes et des torches à la main, spécialement conçues pour les inspections et les réparations sous-marines.

Le simple fait de travailler sous l’eau présente de nombreux défis qui requièrent une certaine expertise. Comme pour toute plongée, l’augmentation de la pression de l’eau, si elle n’est pas gérée correctement, peut entraîner de graves problèmes physiologiques tels que la narcose à l’azote ou un accident de décompression.

La faible visibilité accentue ces difficultés, car les scaphandriers travaillent souvent dans des eaux troubles et peu lumineuses, et ont ainsi plus de difficultés à identifier les éventuels dangers et obstacles auxquels ils pourraient faire face. Lorsqu’ils soudent, certains plongeurs gardent même les yeux fermés pour rester calmes, la réparation ne peut ainsi s’effectuer que grâce à leurs sensations.

« Si l’eau est trouble, essayer de voir ne fait que gaspiller de l’énergie », explique Purvis. « La plupart du temps, il fait totalement noir, et le travail repose de toute façon sur le ressenti. »

L’électrocution représente un autre danger important, car les sources d'électricité peuvent envoyer des courants électriques dans les eaux environnantes. De plus, le soudage à des températures extrêmement élevées (5 500 °C et plus) provoque la séparation des molécules d’hydrogène et d’oxygène de l’eau, et si la proportion d’hydrogène atteint un niveau trop élevé par rapport à l’oxygène, des explosions plus ou moins importantes peuvent se produire.

Pour atténuer ces risques, les soudeurs s’appuient sur une formation approfondie, un équipement spécialisé, une communication constante avec les équipes qui restent à la surface, et des outils de soudage adaptés.

La peur fait malgré tout partie intégrante du processus, confie Purvis, qui a souvent effectué des plongées de plus de dix heures d’affilée dans le cadre de son travail, et qui a perdu une partie de son petit doigt lors d’une mission.

« La peur est naturelle. Si un plongeur vous dit qu’il n’a jamais eu peur, il vous ment. On doit lutter contre les courants pendant les missions, et la plupart des plongeurs perdent un ou deux doigts à cause d’une pièce qui leur a écrasé la main. »

 

UNE PROFESSION EN PLEINE ÉVOLUTION

Le soudage sous-marin devra certainement toujours être effectué par des humains, plutôt que par des machines ; selon les experts, ce travail est tout simplement trop complexe.

« C’est un savoir-faire », affirme Kevin Peters, soudeur sous-marin et directeur des services environnementaux chez Subsea Global Solutions. « Il faut vraiment s’y consacrer, avoir des compétences et de la pratique, de la même manière qu’un peintre ou un musicien doit s’exercer pendant 10 000 heures pour exceller. »

Le travail peut également varier en fonction des missions.

« La plupart des travaux de soudage sous-marins sont des missions de réparation et, dans la plupart des cas, si un robot était là, le processus devrait n’être que semi-automatique », explique Uwe Aschemeier, ingénieur en soudage primé. « Les réparations dans le domaine du soudage ne sont pas linéaires ou constantes, des humains sont nécessaires pour évaluer et concevoir chaque réparation. »

Les scaphandriers travaillent dans un certain nombre de secteurs, des compagnies pétrolières qui construisent des plates-formes offshore aux constructeurs de navires qui doivent effectuer des réparations sous-marines. Cette méthode s’est imposée comme une meilleure alternative au carénage des bateaux, qui nécessite de les sortir de l’eau, car elle permet d’économiser du temps et des ressources tout en garantissant des réparations efficaces. Particulièrement crucial dans les industries du pétrole et du gaz, le soudage sous-marin permet de maintenir l’infrastructure des grands navires, des réacteurs nucléaires, des pipelines et des plates-formes pétrolières offshore.

Pour limiter la menace du changement climatique, les entreprises du secteur de l’énergie doivent abandonner progressivement les combustibles fossiles ; certains scaphandriers ont donc trouvé du travail dans le secteur des énergies renouvelables.

Après avoir travaillé dans la soudure, Purvis s’est réorienté vers le secteur des panneaux solaires et des batteries.

« J’ai trois enfants et je voulais qu’ils me voient passer à l’industrie des énergies renouvelables », explique-t-il, « afin de ne pas seulement puiser dans la terre et dans les ressources disponibles de notre planète, mais d’utiliser des ressources naturelles pour produire de l’énergie. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Les diamants sont-ils vraiment éternels ?

Par : National Geographic — 22 mars 2024 à 16:38

Lorsque Gladys Babson Hannaford a visité l’université d’État de Floride en 1960, ses conférences ne figuraient pas vraiment au programme. Celle que l’on surnommait « la Dame aux diamants » n’était d’ailleurs pas une professeure comme les autres. Elle qui a donné des centaines de conférences par an sur les pierres précieuses était en réalité salariée d’une agence de publicité, qui avait un objectif simple, mais ambitieux : rendre les Américaines folles des diamants.

À l’époque, le prix de ces pierres précieuses (qui ne sont pas rares) était fixé par le client de l’agence, le conglomérat diamantaire mondial De Beers. Et les bagues de fiançailles ornées d’un diamant n’étaient pas encore une tradition. Cela n’a cependant pas empêché Gladys Babson Hannaford de déclarer que les diamants étaient des pierres précieuses à l’importante valeur historique et émotionnelle. « La durabilité d’un diamant est associée à un amour éternel », avait-elle annoncé aux étudiants, encourageant l’audience féminine à exiger de leur futur fiancé une bague ornée de diamants.

Les conférences de Gladys s’inscrivaient dans le cadre d’une campagne continue longue de plusieurs décennies visant à rendre les bagues de fiançailles ornées de diamants populaires. Ces cadeaux désormais obligatoires étaient pourtant loin d’être traditionnels lorsque De Beers a commencé à en faire la promotion en tant que symbole rare de l’amour.

 

UNE MARQUE D’AMOUR ROYALE

Jusqu’au 19e siècle, le sous-continent indien et l’Amérique du Sud étaient les principaux fournisseurs de diamants au monde. Connues depuis l’Antiquité, ces pierres précieuses ne sont devenues à la mode en Europe de l’Ouest qu’au début du 13e siècle. Ce n’est qu’à la Renaissance que l’industrie de la taille des diamants est née, lorsque les artisans se sont mis à utiliser de nouveaux outils pour tailler des facettes dans les pierres mal dégrossies et brutes, un procédé permettant de mettre en valeur leur brillant et de les préparer pour les transformer en de magnifiques bijoux.

Ces nouveaux diamants à facettes étaient incroyablement beaux. Ils étaient aussi très rares, si bien qu’ils sont devenus des symboles de richesse et de luxe pour ceux qui pouvaient se les offrir. Un de ces joyaux est entré dans l’histoire en ornant la toute première bague de fiançailles, offerte par l’archiduc Maximilien, futur empereur du Saint-Empire, à Marie de Bourgogne en 1477. Cette même année, l’un des conseillers de l’archiduc lui aurait dit d’avoir « une bague sertie de diamants et aussi une bague en or » prêtes en vue de ses fiançailles à sa promise. Selon le minéralogiste George Frederick Kunz, ce cadeau est la preuve, des siècles plus tard, que les bagues de fiançailles ornées de diamants étaient déjà à la mode chez la royauté de l’époque.

Les Européens lambdas sont eux restés indifférents à cette mode, échangeant des anneaux en fer, des vêtements et du bétail lorsqu’ils décidaient de se marier. En parallèle, les membres de la royauté ont continué à échanger des joyaux précieux pour leurs fiançailles, à l’instar de la reine Victoria. En 1839, elle a ainsi reçu du Prince Albert une bague de fiançailles en or en forme de serpent, symbole populaire de l’amour éternel à l’époque. Elle était ornée d’une grosse émeraude (la pierre de naissance de la reine), ainsi que de deux rubis et d’un diamant, les yeux et la bouche du reptile respectivement. La reine Victoria est à l’origine de nombreuses tendances en matière de bijoux et aurait lancé la mode du mariage en blanc.

 

UNE PIERRE PRÉCIEUSE LOIN D’ÊTRE RARE

C’est dans les années 1860 que des diamants ont été découverts sur les terres d’une ferme sud-africaine appartenant à Johannes et Diederik de Beer, deux colons néerlandais. Ces derniers ont par la suite vendu la mine exploitée sur leur propriété (et qui portait leur nom) à une entreprise britannique. Elle a ensuite été acquise par Cecil Rhodes, entrepreneur et homme politique britannique tristement célèbre, qui a commencé à acheter les nouvelles mines, consolidant ainsi l’ensemble de l’industrie diamantaire de la région. Le conglomérat qui en a résulté, De Beers, contrôlait le marché mondial du diamant au début du 20e siècle.

Ces découvertes ont toutefois posé un problème pour l’industrie. Avec les mines sud-africaines, l’approvisionnement mondial en diamants a considérablement augmenté et De Beers a fini par posséder 90 % des diamants dans le monde. L’entreprise s’est alors retrouvée dans une position délicate, puisqu’elle devait maintenir la valeur monétaire des pierres précieuses tout en préservant leur réputation de produits de luxe malgré leur abondance. Ce fut particulièrement le cas au début du 20e siècle, la demande chutant fortement en Europe avec les guerres mondiales et la grande dépression.

Sous l’impulsion d’Ernest Oppenheimer, alors propriétaire du conglomérat, De Beers s’est alors tourné vers les États-Unis, un marché encore inexploité. Mais les bagues de fiançailles serties de diamants étaient loin d’être la norme dans l’Amérique du début du 20e siècle. Cela n’a pas stoppé De Beers pour autant, qui, avec l’aide des publicitaires de l’agence N.W. Ayer de Philadelphie, a convaincu les Américains d’acheter des diamants en les présentant comme des articles de luxe nécessaires, symboles de l’amour éternel, ce qui justifiait leur prix élevé.

 

UN DIAMANT POUR L’ÉTERNITÉ

Dès les années 1940, l’agence de publicité Ayers a bombardé les Américains d’images de diamants et d’histoires vantant leur rareté et leur symbolique. Dans les magazines, les publicités montraient de jeunes mondaines fiancées, une bague sertie de diamants au doigt. De Beers a prêté des diamants à d’importantes stars hollywoodiennes, a présenté ses bijoux et a envoyé des représentants (comme la Dame aux diamants) dans des clubs de femmes, des groupes sociaux et même des lycées américains pour faire la publicité de ces pierres précieuses et créer un lien subliminal entre les diamants et le mariage.

Les membres de la royauté ont aussi apporté leur contribution. Alors qu’elle visitait les mines De Beers en Afrique du Sud en 1947, la reine Elizabeth a accepté un collier de diamants étincelant de la part du gouvernement de l’Afrique du Sud ainsi qu’un diamant de six carats offert par De Beers. La bague de fiançailles d’Elizabeth, imaginée par son fiancé et futur époux le prince Philip, était aussi ornée de diamants. Ceux-ci provenaient d’une tiare sertie de diamants et d’aigues-marines offerte à la mère de Philip par le tsar Nicolas de Russie. Cette bague iconique (et très photographiée) a contribué à alimenter l’appétit du public pour les diamants et a rappelé aux consommateurs que les diamants n’étaient pas qu’une affaire de femmes. De Beers a joué sur cet angle, ciblant les hommes en faisant des diamants un symbole de la réussite économique et de la position sociale des hommes, représentées par le caillou reposant sur le doigt de leur promise.

La campagne marketing était si importante qu’elle a résulté en un slogan généralement considéré comme le meilleur de tous les temps. Mary Frances Gerety, rédactrice publicitaire d’Ayers qui ne s’est d’ailleurs jamais mariée, trouve la fameuse accroche A Diamond is Forever (« Un diamant est éternel ») en 1948. Elle est à ce jour encore utilisée par De Beers et l’industrie diamantaire. Pour les universitaires, ce slogan concis « [transmet] également l’idée selon laquelle la bague ne devrait pas être revendue en raison de sa valeur sentimentale », encourageant ainsi l’achat d’un nouveau diamant en cas de remariage.

L’objectif de De Beers était ambitieux : faire des diamants une « nécessité psychologique » et un objet indispensable des fiançailles, quels que soient son coût, les revenus de l’acheteur ou les difficultés financières auxquelles il pouvait être confronté. Et cela a porté ses fruits. Selon le Conseil mondial du diamant, les ventes mondiales de bijoux représentent plus de 72 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, les États-Unis étant le principal consommateur. Quant au conglomérat De Beers, il ne contrôle désormais plus la majorité des diamants du monde en raison de la découverte de nouvelles mines, de la concurrence et de l’émergence des diamants de synthèse.

Il suffit toutefois de faire un petit tour sur Instagram pour constater que la tendance des bagues de fiançailles ornées de diamants n’est pas prête de disparaître. En fait, les réseaux sociaux sont même considérés comme le principal moteur des ventes de diamants, une majorité de couples fraîchement fiancés annonçant la bonne nouvelle sur ces plateformes. Malgré la baisse des ventes de bagues de fiançailles pendant la pandémie de COVID-19, les vendeurs espèrent que cette tendance va s’inverser. Comme l’a dit la Dame aux diamants en 1960, les « diamants sont l’épine dorsale de l’activité des joaillers ». Tout cela grâce à un marketing bien avisé.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Force surhumaine, réaction combat-fuite : comment votre corps réagit en situation de stress extrême

Par : National Geographic — 20 mars 2024 à 15:37

Un garçon de seize ans soulève une Volkswagen pour libérer un voisin immobilisé. Une mère repousse un ours polaire pour protéger ses enfants. Une fille fait basculer un tracteur qui s’était renversé sur son père. Ces prouesses sont rendues possibles par une décharge d’adrénaline et par un déblocage de systèmes corporels et de capacités musculaires qui ne sont pleinement accessibles qu’en situation de détresse intense.

Ces démonstrations de « force surhumaine » sont bel et bien réelles, mais le phénomène est difficile à étudier en laboratoire, car la reconstitution de telles situations pourrait s’avérer dangereuse pour les participants. À la place, les neuroscientifiques s’appuient sur ce que l’on sait sur la réaction combat-fuite du cerveau et du corps et sur les mécanismes rétroactifs du stress qui y sont associés et qui sous-tendent ces manifestations de force extrême.

Ces mêmes systèmes de réaction servaient à nos ancêtres lorsqu’ils rencontraient un tigre à dents de sabre et devaient choisir entre la confrontation et la fuite. Mais ces systèmes ont ainsi évolué que des mécanismes moins extrêmes sont déclenchés par les situations de la vie contemporaine : recevoir un texto troublant d’un proche, devoir freiner brusquement quand un animal traverse la route à toute vitesse ou devoir s’exprimer en public.

Dans chaque cas, « il s’agit de la même réaction de stress, mais celle-ci est aujourd’hui plus fréquemment activée dans des situations ne présentant pas de danger pour la vie », explique Marc Dingman, maître de conférences en santé biocomportementale à l’Université d’État de Pennsylvanie.

Ces mécanismes trouvent leur origine dans le système nerveux autonome, qui peut être envisagé comme un continuum, comme le suggère Andrew Huberman, célèbre chercheur et neuroscientifique de la Faculté de médecine de l’Université Stanford. « D’un côté de ce continuum, vous avez la panique absolue et les réactions physiologiques qui sont associées à cela, explique-t-il. Et de l’autre côté, vous avez le coma. »

Entre ces deux extrêmes existe une gamme de réponses biologiques au stress qui, pour certaines, sont familières ; par exemple, perdre l’appétit ou avoir du mal à s’endormir. D’autres réactions sont connues d’un cercle bien plus restreint d’initiés, le cercle de ceux qu’une force surhumaine a habité un instant.

 

COMPRENDRE LA FORCE SURHUMAINE ET LA RÉACTION COMBAT-FUITE

« Force surhumaine » est un terme que l’on emploie parfois pour décrire des « prouesses physiques se produisant dans des situations de stress intense qui dépassent largement les capacités que l’on attribuerait normalement à une personne et qui seraient impossible à reproduire dans des circonstances plus calmes », explique E. Paul Zehr, professeur de neurosciences sensorimotrices de l’Université de Victoria, au Canada.

Nous sommes susceptibles d’être sujets à ce phénomène lorsque nous nous trouvons en situation de danger extrême : passer à travers la glace d’un lac gelé, se faire attaquer par un humain ou par un animal, être piégé par un objet ou être confronté à une catastrophe humaine ou naturelle, par exemple.

« La même réaction peut également survenir lorsque l’on intervient pour protéger une autre personne en danger, donc cela ne concerne pas uniquement l’auto-protection », fait observer Massimo Testa, médecin du sport du Groupe médical Intermountain, dans l’Utah.

La recherche montre que dans de telles circonstances, des structures cérébrales complexes, des neurotransmetteurs et des systèmes corporels spécifiques entrent en action pour libérer un flot d’hormones qui permettront de mieux recruter la capacité musculaire et d’accroître le flux sanguin en direction des membres et des organes les plus indispensables pour faire face à l’urgence.

Pour aider encore davantage le corps à atteindre cet état de suractivation, l’énergie normalement utilisée dans d’autres systèmes du corps, comme celle allouée à la recherche et à la digestion de nourriture, à la gestion de la santé reproductive ou à la régulation de la température corporelle, est détournée pour être redirigée sur la survie immédiate.

« Tout organisme, humain ou autre, possède en substance trois réactions élémentaires face à un facteur de stress quelconque : rester en place, aller de l’avant ou reculer », indique Andrew Huberman. Si des ressources corporelles sont nécessaires pour n’importe laquelle de ces réactions, ce sont les options de combat et de fuite qui les mobilisent le plus et qui concentrent toute l’attention sur le même objectif.

« Dans cet état, la vitesse séquentielle de votre perception du temps augmente de manière spectaculaire et vous vous mettez à diviser le temps en micro-tranches et absorbez bien plus d’informations qu’en temps normal, et ce bien plus rapidement », explique Andrew Huberman.

En situation de stress aussi intense, nous sommes en outre susceptibles de mobiliser davantage nos muscles, de les activer bien plus qu’on ne le pourrait d’ordinaire. « Nous n’utilisons généralement qu’une fraction de la force et de la puissance maximale de nos muscles et il y en a généralement une bonne réserve qui demeure inexploitée », révèle Gordon Lynch, directeur du Centre de recherche musculaire de l’Université de Melbourne, en Australie.

Des études montrent qu’il existe plusieurs garde-fous sous-jacents qui empêchent spécifiquement les muscles d’être trop sollicités. Cependant, en situation d’urgence, explique-t-il, ces garde-fous peuvent « être outrepassés pour permettre le recrutement instantané des fibres musculaires les plus grosses et les plus réactives, celles sans qui il n’y aurait ni explosivité de la force, ni réalisation du vrai potentiel musculaire. »

 

LE RÔLE JOUÉ PAR LES HORMONES

Les réactions combat-fuite comme celles-ci trouvent leur origine dans l’amygdale, une structure cérébrale complexe « qui intègre vos expériences du point de vue de leur contenu émotionnel », ainsi que l’explique Donald Katz, psychologue et neuroscientifique spécialiste du comportement de l’Université Brandeis, dans le Massachussetts. Selon lui, lorsque cette structure est soumise à un facteur de stress, elle envoie un signal de détresse en direction de l’hypothalamus, une autre région du cerveau.

L’hypothalamus fait office de centre de commande pour le système nerveux autonome, un système qui se divise en deux parties : le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique.

Ces systèmes contrôlent plusieurs fonctions corporelles machinales telles que la performance cardiovasculaire et respiratoire et la constriction et la dilatation de vaisseaux sanguins et de petites voies respiratoires cruciales dans les poumons.

Lorsqu’une réaction de stress est activée dans l’hypothalamus, des neurotransmetteurs sont libérés par les neurones dans l’ensemble du corps et un signal est envoyé aux glandes surrénales, qui se situent sur les deux reins.

À partir de là, il se produit une sécrétion rapide de deux hormones, l’adrénaline (épinéphrine) et la noradrénaline (norépinéphrine).

Cette libération d’hormones « fait augmenter le rythme cardiaque et la tension artérielle, dilate les voies respiratoires afin de maximiser l’oxygénation et fait se contracter les vaisseaux sanguins, ce qui contribue à la redirection du sang vers des groupes musculaires importants, comme le cœur et les poumons », explique Holly Blake, professeure de médecine comportementale de la Faculté de médecine de l’Université de Nottingham, en Angleterre.

Les sensations liées au toucher, à la vue et à l’ouïe sont également exacerbées par la sécrétion de ces hormones (et d’autres) qui nous aident toutes à mieux traiter les changements soudains survenant au sein de notre environnement et à mieux à y faire face, et ce quelle que soit leur nature.

Particulièrement importante, l’adrénaline peut également réduire de manière passagère la sensation de douleur. « L’adrénaline peut influencer la perception de la douleur en inhibant les chemins de la signalisation de cette dernière », explique Mihail Zilbermint, médecin et directeur du programme hospitalier endocrinien de l’hôpital Johns-Hopkins. Elle y parvient en partie en interceptant et en bloquant les signaux de douleurs voyageant dans le cerveau et dans la moelle épinière. Sont également impliqués des torrents d’endorphines, dont on sait grâce à la science qu’elles agissent comme des analgésiques naturels.

C’est grâce à ces hormones que l’on peut surmener ou sursolliciter un muscle en situation de stress immense. « Les chemins empruntés par les boucles rétroactives de la douleur dans votre corps fonctionnent d’ordinaire de sorte à vous protéger, mais lorsque ces chemins s’inhibent, vous n’avez plus à vous soucier de vous déchirer un biceps ou de vous déloger une épaule, car vous êtes en fait en train d’essayer de vous défendre ou de défendre un proche face à un préjudice catastrophique », explique Andrew Huberman.

 

LES RÉACTIONS AU STRESS TOUCHENT TOUT LE MONDE

Les réactions extrêmes de type combat-fuite en situation de stress peuvent s’avérer bénéfiques, voire même cruciales s’il y a urgence, mais les hormones sécrétées dans ces contextes peuvent également l’être en plus petites quantités dans des circonstances plus ordinaires.

« Tout ce qui se produit dans ce système de réaction existe sur un continuum, donc une personne un petit peu stressée va en éprouver partiellement les effets, tandis qu’une personne en pleine panique va débloquer tous les effets de ce système », détaille Andrew Huberman.

Des recherches ont montré que la plupart d’entre nous sécrétons souvent des hormones du stress, comme le cortisol, l’adrénaline et la noradrénaline. « L’adrénaline est produite chaque fois qu’il y a du stress », explique Melissa Leber, médecin et directrice du Service d’urgence de médecine du sport du Système de santé Mount Sinai de New York. « Cela peut se produire lors d’une compétition ou d’une performance, à cause d’un test ou d’une présentation importants, lors d’une bagarre ou quand votre corps fait face à une maladie ou à une infection. »

Certaines personnes qui éprouvent déjà du stress plus souvent que les autres ont tendance à voir surgir des réactions de stress plus fréquemment, et souvent à des degrés plus importants.

Une personne occupant un emploi exigeant ou une personne qui manque régulièrement de sommeil est par exemple, ainsi que le formule Andrew Huberman, davantage susceptible d’être « fatiguée et d’être toute désignée au stress » qu’une personne qui n’est pas aux prises avec ces choses-là.

Inversement, plus haut dans le continuum, « les athlètes pratiquant l’endurance ou la force à des niveaux extrêmes activent davantage ce système de stress, et ce pour de plus longues périodes que n’en a l’habitude le commun des mortels », affirme E. Paul Zehr.

Quoiqu’il en soit, s’il est vraisemblable qu’un individu donné tire des avantages à court terme de la sécrétion d’hormones du stress, les conséquences à long terme d’une inondation fréquente de son système par ces hormones peuvent s’avérer préoccupantes. « Nous avons besoin de ces hormones pour faciliter les réponses physiologiques, mais en excès, elles peuvent causer notre ruine », prévient Gordon Lynch.

 

LES CONSÉQUENCES D’UN ÉPISODE DE STRESS EXTRÊME

Gordon Lynch explique que le stress chronique, associé à des sécrétions soutenues et élevées d’adrénaline, de noradrénaline et de cortisol, « peut laisser des séquelles sur les organes et les systèmes du corps et conduire à des issues physiologiques préjudiciables. » Tension artérielle élevée, troubles du sommeildiabèteobésité et cardiopathies figurent notamment au rang des effets secondaires indésirables du stress chronique.

Le stress peut également affecter la région du cerveau où les souvenirs sont stockés. « Tandis que le stress affecte spectaculairement votre mémoire sur le court terme et en particulier dans les situations de combat-fuite, probablement parce que votre cerveau souhaite se souvenir de la façon d’éviter une telle situation à l’avenir, sur le long terme, le stress chronique peut grandement altérer votre mémoire », prévient Andrew Huberman.

De plus, l’extrémité du continuum de la réaction de stress, celle qui concerne la puissance surhumaine et le combat-fuite, peut conduire à des issues particulièrement préoccupantes.

« De par leur nature même, les cascades physiologiques qui conduisent à la manifestation d’une ‘puissance surhumaine’ abolissent les barrières de sécurité et peuvent donc être extraordinairement dangereuses, met en garde E. Paul Zehr. Si nous étions au maximum tout le temps, nous ne vivrions pas bien longtemps. »

Selon Holly Blake, même la sécrétion incidente d’une trop grande quantité d’adrénaline, comme lorsque le corps anticipe une menace qui ne manifeste jamais, « peut entraîner la survenue de symptômes tels que des vertiges, de l’insomnie, de la nervosité et de la fébrilité et, dans les cas les plus graves, faire des dégâts au niveau du cœur ».

Dans les cas où un traumatisme vient s’ajouter à l’expérience d’un extrême du continuum de réaction de stress, une personne risque de souffrir de troubles de stress post-traumatique (TSPT) et d’être affectée pendant longtemps.

Même sans diagnostic de TSPT, l’épreuve d’une vive réaction de stress peut être difficile à surmonter émotionnellement pour bon nombre de personnes. Andrew Huberman explique que les mécanismes de combat-fuite s’activent nécessairement très rapidement, « mais le désamorçage de ces réactions a tendance à prendre bien plus longtemps et certaines personnes continuent de ruminer ce qu’elles ont vécu pendant des heures, voire des jours. »

Ces personnes-là sont susceptibles d’avoir du mal à se concentrer, de voir leur appétit changer et d’avoir du mal à s’endormir le soir.

« Nous sommes humains, conclut Andrew Huberman. Et parfois, quand nous sommes stressés, nous ne pouvons pas empêcher [ces réactions]. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Des menstruations à la ménopause : les scientifiques se penchent enfin sur la santé des femmes

Par : National Geographic — 19 mars 2024 à 14:34

Aller chez le médecin peut s’avérer frustrant pour les femmes, et en particulier pour les femmes de couleur.

En effet, la médecine a tendance à sous-diagnostiquer des maladies comme l’endométriose, la schizophrénie ou encore le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez les femmes. Aux États-Unis, les femmes afro-américaines sont presque trois fois plus susceptibles de mourir de complications de grossesse que les femmes blanches ou hispaniques. Dans la même veine, les scientifiques ne savent toujours pas pourquoi tant de femmes éprouvent des difficultés à allaiter

Tout cela n’a rien de nouveau. Nous savons depuis longtemps que les problèmes de santé des femmes tendent à être moins considérés et moins étudiés. Mais bonne nouvelle, les scientifiques ont commencé à rattraper leur retard. Leurs recherches apportent de nouvelles informations biologiques, qui donnent lieu à de meilleurs diagnostics et permettent de mieux cibler les traitements, que ce soit en matière de menstruations ou encore de ménopause.

Voici un court bilan de certaines des évolutions auxquelles nous avons assisté ces dernières années.

 

1. LES SYMPTÔMES DU TDAH DIFFÈRENT ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES 

Les scientifiques ont longtemps considéré le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) comme un « trouble presque exclusivement masculin », écrivait Kaelyn Lynch dans un article de janvier 2024 sur la hausse sans précédent des cas de TDAH chez les femmes, qui, notait-elle, a presque doublé entre 2020 et 2022. 

Comment expliquer cette soudaine hausse ? Selon les experts, elle serait en partie liée à la manifestation particulière du TDAH chez les femmes et les filles. Si le TDAH est généralement associé à de l’hyperactivité, il existe également un type inattentif de TDAH, qui, comme l’a écrit Kaelyn, « se caractérise par de la désorganisation, des trous de mémoire et des difficultés à entreprendre une tâche et à la terminer. »

Les femmes adultes comme les jeunes filles tendent à souffrir d’un TDAH de type inattentif, dont les symptômes (si tant est qu’on les remarque) sont plus susceptibles d’être pris pour des difficultés émotionnelles ou d’apprentissage. « On aura tendance à dire de ces femmes qu’elles rêvassent ou qu’elles sont dans la lune [au lieu de leur poser un diagnostic] », avait expliqué Julia Schechter, codirectrice du Centre pour les femmes et les filles atteintes de TDAH de l’université de Duke. « Leurs symptômes sont tout aussi handicapants, mais peuvent passer inaperçus. » Une situation qui peut être lourde de conséquences, selon Kaelyn.

 

2. LE CYCLE MENSTRUEL PEUT REMODELER LE CERVEAU 

Les femmes ne sont concernées que par 0,5 % des recherches en imagerie cérébrale, ce qui pose un réel problème, écrivait Sanjay Mishra en février 2024. Cette disparité dans la recherche explique pourquoi nous commençons à peine à comprendre comment les menstruations remodèlent le cerveau.

Vous avez bien lu. Les menstruations remodèlent le cerveau. Comme l’a expliqué Sanjay, de nouvelles études montrent que les règles « remodèlent de façon spectaculaire les régions du cerveau qui régissent les émotions, la mémoire, le comportement et l’efficacité du transfert d’informations ».

Il convient de souligner que ces études ne prouvent pas que ces changements sont liés aux montagnes russes émotionnelles dont peuvent souffrir certaines femmes pendant leurs règles. En attendant, selon les experts, cette découverte met en évidence l’urgence qu’il y a à mener davantage de recherches neuroscientifiques sur les femmes, qui, rappelons-le, sont plus sujettes que les hommes à la maladie d’Alzheimer et à la dépression.

« Il est grand de temps de faire du cerveau des femmes un sujet d’étude central », soutient Julia Sacher, psychiatre et neuroscientifique à l’Institut Max Planck de neurologie et des sciences cognitives de Leipzig, en Allemagne, qui a dirigé l’une des études.

 

3. L’HYPERÉMÈSE GRAVIDIQUE EST BIEN PLUS GRAVE QUE DE SIMPLES NAUSÉES

La plupart des femmes souffrent de nausées pendant leur grossesse. La belle affaire, dira-t-on. Malheureusement, cette façon de penser empêche certaines personnes de suivre un traitement pour une pathologie grave appelée hyperémèse gravidique (HG). Comme l’a écrit Sam Jones dans un article de janvier 2024, cette pathologie touche environ 2 % des femmes enceintes et se caractérise par « de sévères nausées et vomissements persistants pouvant entraîner la mort ».

Des médecins et des chercheurs ont raconté à Sam qu’en dépit de la gravité des symptômes, certains de leurs confrères considéraient l’HG comme de « l’hystérie ». Rien d’étonnant donc à ce que la recherche de traitements de l’HG soit sous-financée. 

Heureusement la recherche progresse, bien que lentement. Ces dernières années, des études ont permis de mettre en évidence une hormone spécifique liée à l’HG mais aussi de comprendre exactement comment cette hormone provoquait la maladie. Ces découvertes pourraient déboucher sur de nouveaux traitements (à condition que les médecins sachent les prescrire). 

 

4. DES INNOVATIONS MÉDICALES SAUVENT DES FEMMES ENCEINTES DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE, DE L'ANÉMIE ET DU SEPSIS

Selon l’Unicef, près de 800 femmes meurent chaque jour dans le monde à cause de complications lors de leur grossesse et de leur accouchement. Même aux États-Unis, les taux de mortalité maternelle sont en hausse, en particulier chez les femmes afro-américaines. Mais il y a de l’espoir : des recherches de pointe nous donnent les solutions pour contrer les principales causes de mortalité maternelle, comme la pré-éclampsie, l’anémie et le sepsis.

Comme l’a expliqué Rachel Fairbank en juillet 2023, l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) a autorisé la commercialisation du premier test sanguin capable de prédire quelles patientes risquaient de développer une pré-éclampsie, une maladie caractérisée par une hypertension artérielle qui restreint le flux sanguin si drastiquement qu’elle peut entraîner une défaillance des organes et la mort. La pré-éclampsie est difficile à diagnostiquer, car elle ressemble à d'autres troubles fréquents liés à la grossesse, écrit Rachel. Ce nouveau test pourrait ainsi révolutionner le diagnostic de la pré-éclampsie.

Des chercheurs ont également trouvé une solution étonnamment simple à l’anémie, qui peut être responsable de saignements abondants pendant l’accouchement : l’administration de fer par voie intraveineuse. L’anémie est traditionnellement traitée par la prise orale de suppléments de fer, mais les chercheurs ont démontré qu’une perfusion de 15 minutes fournissait l’équivalent de quatre comprimés par jour pendant quatre semaines.

Enfin, des essais cliniques ont récemment démontré qu’administrer une seule dose d’azithromycine (un antibiotique généralement utilisé lors des césariennes afin de réduire les infections pouvant entraîner un sepsis) au cours d’un accouchement par voie basse pouvait aussi réduire d’un tiers le risque de sepsis post-partum.

 

5. LE SYNDROME DE L’ÉPAULE GELÉE AURAIT UN LIEN AVEC LA MÉNOPAUSE

Le syndrome de l’épaule gelée porte plutôt bien son nom : cette maladie, également appelée capsulite rétractile, se caractérise par une importante inflammation des tissus conjonctifs de l’épaule, qui empêche toute mobilisation de cette dernière. Cette maladie douloureuse, qui peut durer des années, est pourtant mal comprise ; peut-être parce que les trois quarts des malades sont des femmes, écrivait Erin Blakemore dans un article de novembre 2023.

La ménopause semble être un facteur de cette maladie. Comme l’a rapporté Erin, des chercheurs tentent actuellement de déterminer si les douleurs articulaires dont souffrent environ 50 % des femmes pendant la ménopause pourraient être liées à la baisse du taux d’œstrogènes dans leur organisme. Une étude récente suggère que les personnes suivant une thérapie hormonale pour augmenter leur taux d’œstrogènes seraient moins susceptibles de souffrir du syndrome de l’épaule gelée.

Les recherches sur le sujet n’en sont qu’à leurs débuts, prévient Erin. Mais « ce premier pas dans un domaine assez peu étudié est source d’espoir pour les femmes qui se préparent à la ménopause ou qui en subissent actuellement les effets. »

 

6. NOUS AURONS BIENTÔT UN REMÈDE AUX BOUFFÉES DE CHALEUR

Autre point intéressant : les chercheurs ont enfin compris comment la chute des niveaux d’œstrogènes pendant la ménopause provoquait des bouffées de chaleur, rapportait Meryl Davids Landau dans un article paru en décembre 2022.

Jusqu’à 80 % des femmes présentent ce symptôme débilitant, écrit-elle, qui est « souvent accompagné d’une sudation, de palpitations, de vertiges, de fatigue et/ou d’un état anxieux ». Les bouffées de chaleur, particulièrement intenses chez les femmes afro-américaines et amérindiennes, surviennent plusieurs fois par jour et peuvent durer en moyenne quatre ans.

Les recherches, de plus en plus nombreuses, ont montré que la chute des œstrogènes affectait un groupe particulier de neurones (dans l’hypothalamus du cerveau) qui régule la température du corps, et les poussait à s’activer de manière inopportune. Des entreprises testent actuellement des médicaments pour bloquer ces neurones et mettre fin aux bouffées de chaleur une fois pour toutes.

Genevieve Neal-Perry, présidente du département d’obstétrique et de gynécologie de la faculté de médecine de l’université de Caroline du Nord, a déclaré à Meryl que la mise au point d’un tel médicament était attendue depuis longtemps : étant donné que presque toutes les femmes dans leur quarantaine souffrent de bouffées de chaleur, « il est assez stupéfiant de constater qu’il a fallu attendre la dernière décennie pour enfin comprendre la biologie des bouffées de chaleur ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Pourquoi l'équinoxe annonce-t-il l'arrivée du printemps ?

Par : National Geographic — 19 mars 2024 à 11:23

Tous les six mois, une fois en mars et une autre fois en septembre, un équinoxe divise une journée terrestre quasiment en deux, nous donnant environ 12 heures de jour et 12 heures de nuit.

Le 20 mars 2024, l'équinoxe marquera l'arrivée du printemps dans l'hémisphère nord et de l'automne dans l'hémisphère sud. Puis, en septembre, la nature nous apportera à nouveau l'équinoxe d'automne dans l'hémisphère nord. Dans l'hémisphère sud, le printemps sera de retour.

 

POURQUOI Y A-T-IL DES ÉQUINOXES ?

Notre planète tourne normalement autour du Soleil sur un axe incliné de 23,5 degrés, ce qui signifie que les hémisphères s'échangent la chaleur du soleil. Deux fois par an, l'orbite de la Terre et son inclinaison axiale se combinent pour que le soleil se trouve juste au-dessus de l'équateur terrestre, traçant la ligne de démarcation entre les parties claires et sombres de la planète - ce que l'on appelle la zone crépusculaire - à travers les pôles Nord et Sud.

La zone crépusculaire ne divise pas parfaitement la planète entre la partie dans l'ombre et la partie éclairée ; l'atmosphère de la Terre dévie la lumière du Soleil de 60 kilomètres environ, ce qui équivaut à un demi-degré. Cela signifie qu'une moitié de la planète est toujours un peu plus éclairée que l'autre, même lors d'un équinoxe.

La Terre n'est pas la seule planète à connaître des équinoxes : toutes les planètes de notre système solaire en connaissent. En 2009, la sonde Cassini en orbite autour de Saturne a capturé un équinoxe sur cette planète. Comme sur Terre, les équinoxes se produisent tous les six mois sur Saturne, mais cela équivaut à quinze ans sur Terre, ce qui fait de la séance photo de Cassini un événement unique.

 

CÉLÉBRER L'ÉQUINOXE

Les cultures anciennes ont suivi les équinoxes de différentes manières au cours des millénaires. Des monuments érigés, comme les pyramides, aux gravures sur pierre qui servaient de calendriers, en passant par les églises qui intégraient le Soleil dans leur architecture, les civilisations marquaient le passage du Soleil et des saisons avec une grande précision.

Certaines cultures continuent de célébrer l'équinoxe aujourd'hui, comme la tribu Lakota du Midwest américain. Les Lakota relient la terre au ciel en fabriquant du tabac à partir du saule rouge, qui correspond à la constellation du saule séché, où le soleil se lève à l'équinoxe de printemps. Ils fument ce tabac sacré lors d'une cérémonie marquant le retour des jours plus longs.

Lors des célébrations de l'équinoxe de Stonehenge, en Angleterre, les druides, les païens et tous ceux qui souhaitent se joindre à eux se rassemblent pour assister au lever du Soleil entre les vieilles pierres.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Migraines à répétition ? Votre cou est peut-être le coupable

Par : National Geographic — 15 mars 2024 à 11:23

Il paraît que la douleur appelle la douleur. Ce dicton anglais utilisé dans le contexte de la douleur physique s'applique également à la souffrance psychologique, lorsque celle-ci est projetée sur l'entourage de celui qui la ressent. D'un point de vue physiologique, un nombre croissant d'études établissent un lien entre douleurs à la nuque et migraines.

Une étude publiée dans la revue The Journal of Headache and Pain est la première à fournir un marqueur objectif attestant d'une origine musculaire.

Les chercheurs ont utilisé l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) pour évaluer l'implication de la structure myofasciale, c'est-à-dire le muscle et les tissus qui l'entourent, dans les céphalées de tension et les migraines sur un échantillon de 50 participants. En dehors du lien établi entre les douleurs à la nuque et la présence des deux types de céphalées, l'IRM a également révélé chez les personnes présentant ces maux de tête de subtiles altérations du muscle trapèze pouvant résulter d'une inflammation. À titre d'information, ce muscle forme un trapèze allant du milieu du dos à la nuque en passant par les épaules.

« Nous avons également constaté des associations significatives entre ces changements musculaires et le nombre de jours qu'un individu souffrait de céphalées et de douleurs à la nuque dans les 30 jours précédant l'imagerie », explique Nico Sollman, coauteur de l'étude et radiologue affilié à l'hôpital de l'université d'Ulm et à l'université technique de Munich en Allemagne. Ces « résultats pourraient apporter une preuve objective des interactions entre la région du cou et le cerveau dans le contexte des céphalées. »

Pour Mark Green, professeur de neurologie à l'Icahn School of Medicine at Mount Sinai de New York, une partie des résultats reste sujette à débat. « On ne peut pas déduire que c'est une inflammation à partir d'une IRM ; le muscle pourrait être tendu ou contracté », précise-t-il. En revanche, il ne remet pas en question le lien entre douleurs à la nuque et céphalées de tension ou migraines.

L'étude menée par Sollmann n'est pas la première à établir un lien entre ces deux phénomènes. Une étude publiée dans la revue Neurology indique une forte prévalence des douleurs cervicales avant, pendant et après l'apparition d'une migraine.

« Certains pensent que la douleur au cou est un déclencheur, mais c'est aussi un signal indiquant que l'activité nerveuse associée à une crise de migraine a commencé », nous explique Dawn C. Buse, coauteur de l'étude parue dans Neurology et professeur de neurologie à l'Albert Einstein College of Medicine de New York. « Ce signal pourrait déclencher le traitement de la migraine. »

 

LE PARCOURS DE LA DOULEUR 

Même s'il faudra approfondir les recherches pour déterminer si la douleur à la nuque provoque les maux de tête ou si les deux affections ne font que coexister, une chose est sûre : « Les personnes souffrant de migraines ont plus souvent mal à la nuque, même en dehors des crises de migraine », indique Jessica Ailani, professeure de neurologie clinique et directrice du MedStar Georgetown Headache Center de Washington.

Pour ce qui est des causes sous-jacentes, le nerf trijumeau reste le dénominateur commun à plusieurs types de céphalées. Ce nerf est le cinquième et le plus volumineux des nerfs crâniens ; il émerge du tronc cérébral et descend vers la colonne cervicale, transmettant les signaux associés à la douleur, au toucher et à la température dans différentes régions du visage et de la tête.

En cas de douleur à la nuque, « les nerfs cervicaux activent le nerf trijumeau et peuvent déclencher une migraine », indique Green, président de la World Headache Society. « Les douleurs à la nuque affectent 75 % des personnes souffrant de migraines. »

Un phénomène de sensibilisation à la douleur pourrait également être à l'œuvre. Lorsque la douleur s'étale dans le temps, notre système nerveux reste en alerte de manière chronique, ce qui abaisse notre seuil de perception de la douleur et nous rend hypersensibles à celle-ci. Une étude publiée dans le Scandinavian Journal of Pain a ainsi constaté que les personnes souffrant de douleurs à la nuque et de migraine chronique, plus de 15 jours de migraine par mois, ou de céphalées de tension avaient tendance à présenter une sensibilité accrue de la zone péricrânienne, par rapport à celles souffrant de céphalées épisodiques ; la sensibilisation du système douloureux est une hypothèse qui pourrait expliquer ce phénomène.

« Si vous avez mal dans une région, le risque d'avoir mal ailleurs augmente car toutes les douleurs se trouvent dans le cerveau », résume Ailani. « Le cerveau devient hypersensible et la douleur est amplifiée. Il peut également être plus difficile pour le cerveau de couper les signaux de douleur. »

De plus, les personnes souffrant de migraines ou de céphalées de tension présentent souvent des points gâchettes myofasciaux qui en cas d'activation peuvent déclencher des épisodes de céphalée. Ces points gâchettes peuvent être activés par palpation, pression ou activité physique. Une étude associe la présence de points gâchettes myofasciaux dans le cuir chevelu de sujets souffrant de céphalées à un seuil de perception de la douleur réduit, ce qui suggère là encore un effet de sensibilisation du système douloureux.

 

SUJETS À RISQUE

À en croire ces mécanismes, quiconque ressent une douleur dans la nuque courrait le risque de développer une céphalée de tension ou une crise de migraine, si la personne y est sujette.

En outre, le risque d'être soudainement frappé de ce douloureux duo augmente si la personne souffre également de blessures liées au sport, d'une mauvaise posture ou d'une spondylose, la dégénération des os et des disques du cou.

« Cette combinaison de douleur à la nuque, de mal de tête et d'hypersensibilité à la douleur est également observée chez les patients atteints de douleurs cervicales aiguës après un traumatisme du rachis cervical », indique Brian Grosberg, neurologue et directeur du Hartford HealthCare Headache Center.

Dans certains cas, la douleur au cou qui accompagne une céphalée « peut constituer un signal d'alarme si la personne présente également les symptômes suivants : frissons, fièvre, troubles de la coordination ou de l'équilibre, difficultés à marcher, douleur irradiante ou fourmillements dans les bras ou les jambes », prévient Buse. Dans ce cas, la douleur au cou peut indiquer une tumeur ou une méningite, ajoute-t-elle.

En l'absence de ces symptômes inquiétants, si une douleur à la nuque accompagne la céphalée de tension ou la crise de migraine d'une personne, l'objectif est de traiter les deux formes de douleurs pour mettre fin à leur déclenchement mutuel. « Nous recommandons aux patients d'opter pour un traitement radical de la douleur au cou afin d'éviter son aggravation », souligne Green.

 

STIMULATION MAGNÉTIQUE ET AUTRES TRAITEMENTS

À l'heure actuelle, il n'existe pas de traitement unique permettant de soigner les deux formes de douleur. Comme nous l'explique Ailani, diverses thérapies non médicamenteuses peuvent aider à soulager la douleur cervicale, notamment le massage, l'acupuncture, les étirements et l'application de chaud ou de froid, selon les préférences du patient. Il peut également être utile de revoir l'ergonomie de votre environnement de travail et d'opter pour un oreiller offrant plus de soutien.

La recherche montre que le relâchement myofascial, qui consiste en l'application de pression sur les points hyperirritables des muscles du cou, et les techniques d'étirement sont également efficaces pour améliorer l'intensité de la migraine et l'amplitude de mouvement cervical.

Récemment, l'équipe de Sollman a utilisé la stimulation magnétique périphérique répétitive (rPMS) pour stimuler de manière non invasive les muscles du cou et soulager la douleur cervicale. Dans le cadre de cette procédure, le praticien utilise un dispositif pour appliquer une stimulation magnétique à pulsation rapide aux nerfs périphériques afin de réduire la douleur. « Dans le contexte d'applications répétées, nous avons observé une réduction des céphalées », indique Sollmann.

Côté pharmacie, les médicaments comme le paracétamol ou l'ibuprofène peuvent aider à combattre l'apparition de douleurs cervicales, de céphalées de tension ou de migraines.

« Attention à la surconsommation de ces médicaments car avec le temps, ils ne feront qu'amplifier la douleur », avertit Green. La céphalée par surconsommation de médicaments est la céphalée secondaire la plus répandue selon l'Organisation mondiale de la Santé.

En ce qui concerne les céphalées chroniques ou fréquentes, accompagnées de douleurs à la nuque, certains antidépresseurs, comme l'amitriptyline, la mirtazapine et la duloxétine, ainsi que certains anticonvulsivants, comme la gabapentine, sont parfois utilisés hors indication pour prévenir les crises de céphalées, indique Ailani.

Parmi les traitements contre la migraine figurent également les classes de médicaments appelées triptans, gépants ou ditans. Les classes des gépants, des bêta bloquants, des antidépresseurs tricycliques et des anticorps monoclonaux contiennent par ailleurs divers agents préventifs efficaces, ajoute Grosberg.

Il arrive que la migraine chronique soit traitée à l'aide d'injections de Botox visant à réduire l'intensité des céphalées et le nombre de jours affectés chaque mois. Dans une étude publiée en 2023 dans la revue Toxinsles chercheurs ont examiné les effets du Botox chez 116 participants atteints de migraine chronique et de différents degrés d'incapacité liée aux douleurs cervicales : le traitement s'est montré particulièrement efficace pour réduire le nombre de jours de céphalées par mois et le degré d'incapacité induit par la migraine chez les participants présentant des douleurs cervicales sévères après un suivi de trois mois, mais une baisse de l'intensité des céphalées a été constatée pour l'ensemble des participants. 

« En cas de céphalées fréquentes, il est préférable de suivre un traitement préventif », recommande Green. De cette façon, vous pourrez potentiellement briser le cycle de la douleur qui s'installe entre le cou et la tête.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

T. rex : comment sa représentation a évolué au cours des 100 dernières années

Par : National Geographic — 13 mars 2024 à 17:26

Alors qu’un quatrième film Jurassic World est en préparation, notre fascination pour les dinosaures, et plus particulièrement les superstars de la franchise comme le Tyrannosaurus rex et autres théropodes, ne montre aucun signe de ralentissement. Depuis la mise au jour des premiers spécimens il y a plus d’un siècle, National Geographic écrit des articles à leur sujet, accompagnés d’illustrations très détaillées tenant compte des dernières connaissances scientifiques.

C’est un reportage de 1919, portant sur l’Albertosaurus, qui en a posé les fondations. L’article décrivait alors le dinosaure comme un « carnivore puissant capable de tuer n’importe lequel de ses cousins herbivores ».

Vingt-trois ans plus tard, c’est au tour de deux Tyrannosaurus rex de « six mètres de haut » et en plein combat d’apparaître dans les pages du magazine.

Trente-cinq ans plus tard, un article de 1978 rapportait que le T. rex était bien plus grand qu’on ne le pensait, « mesurant 15 mètres de haut et pesant six tonnes ». Jusqu’à la fin des années 1990, la plupart des dinosaures étaient représentés avec une peau couverte d’écailles. Une théorie remise en cause par l’étude de squelettes de théropodes mis au jour en Chine, qui suggérait que les jeunes T. rex avaient des plumes. Les chercheurs en ont alors déduit ce qui suit : « Nous pouvons maintenant dire en toute confiance que les oiseaux sont des théropodes au même titre que nous disons que les humains sont des mammifères ».

Les théropodes n’étaient probablement pas les insatiables tueurs que nous imaginons. En 2003, plusieurs découvertes ont révélé qu’ils n’étaient pas violents envers tous leurs dinosaures et qu’ils se montraient parfois même dociles. En 2020, nous avions déclaré que la paléontologie se trouvait en pleine « révolution, une révolution rendue possible par la richesse de nouveaux fossiles et les techniques de recherche innovantes ». Si les dernières interprétations ne sont sans doute pas définitives, elles permettront toutefois d’avoir une meilleure idée de ce à quoi ressemblaient ces créatures d’un autre temps.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Quels sont les effets du renforcement musculaire sur le corps et l’esprit ?

Par : National Geographic — 13 mars 2024 à 16:06

Dès qu’il s’agit de recevoir des conseils en matière de fitness, nous sommes nombreux à nous voir réciter un refrain familier sur les bienfaits du cardio. Les incitations à se mettre au vélo, au footing, à la marche ou simplement à « faire son nombre de pas » sont devenues des poncifs, tandis que les invitations à passer plus de temps à soulever de la fonte ou à faire des pompes sont rares.

Bien que l’activité physique aérobie soit cruciale pour avoir une santé optimale, il est également important de donner toute sa place au travail musculaire en résistance, des exercices de force qui exploitent la résistance de poids, du poids de corps ou de bandes élastiques afin de renforcer les muscles. Ceux-ci comportent de nombreux bénéfices pour la santé, qui sont avérés et souvent surprenants : prolongement de la durée de vie, diminution de l’anxiété et des symptômes dépressifs, renforcement de l’équilibre et de la flexibilité, meilleure gestion du poids, diminution du risque de blessures, amélioration de la tension artérielle et du taux de cholestérol et amélioration significative de la santé cardiaque.

« Un programme d’entraînement en résistance convenablement conçu peut améliorer la mobilité, le fonctionnement physique, la performance dans les activités de la vie quotidienne et améliorer la performance athlétique, mais également préserver l’indépendance des adultes d’un certain âge », explique Michael Fredericson, médecin et directeur du service de médecine physique et de réadaptation sportive à la Faculté de médecine de l’Université Stanford.

Malgré ces bienfaits, certaines personnes voient le travail musculaire en résistance comme une discipline réservée aux culturistes ou aux adeptes de la salle de sport, une perception que les organismes de santé tâchent de rectifier.

« Il y a peu encore, on mettait l’activité physique aérobie en avant pour ses bienfaits pour la santé, tandis que l’entraînement en résistance était souvent absents des politiques globales de santé publique », observe DJ McDonough, chercheur spécialiste des maladies cardiovasculaires de l’École de santé publique de l’Université du Minnesota. « Mais des preuves scientifiques irréfutables se sont accumulées au fil des années et rendent manifeste le fait que le travail musculaire en résistance comporte une kyrielle de bienfaits pour la santé, indépendamment de l’activité aérobie. »

Pour cette raison, les recommandations actuelles de certaines agences de santé américaines, comme les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), recommandent de faire 75 à 150 minutes d’exercices aérobies par semaine et de faire des activités de renforcement musculaire deux jours par semaine.

 

QU’EST-CE QUE L’ENTRAÎNEMENT EN RÉSISTANCE ?

Le travail musculaire en résistance, qui consiste en des exercices de force, implique l’utilisation de poids ou d’une résistance quelconque afin de renforcer ou de développer ses muscles. Si de nombreuses personnes associent par réflexe ladite résistance au soulèvement de poids libres, qu’il s’agisse d’haltères, d’une barre équipée de disques, des poids d’une machine de développé couché ou de ceux d’une presse à cuisse, d’autres formes de résistance existent. Les exercices à poids de corps tels que les pompes ou les abdominaux entrent dans la catégorie du travail musculaire en résistance ; de même que l’utilisation de bandes élastiques que l’on peut tirer pour stresser ses muscles et les développer.

Même des tâches du quotidien comme le fait de se lever et de rasseoir, de monter des escaliers ou de porter des sacs de courses lourds et des paniers de linge sale pleins à craquer comptent.

« Nous prenons, pour la majorité, part à des activités de renforcement musculaire tout au long de la journée sans même y penser », fait remarquer Eric Shiroma, directeur de programme au département des sciences cardiovasculaires de l’Institut national Cœur-Poumon-Sang.

Toutefois, c’est lors de la répétition d’un mouvement lesté que le conditionnement du muscle se produit. « À mesure que les muscles s’adaptent à la résistance, ils se renforcent et deviennent plus résilients », explique Amanda Paluch, kinésiologue du Laboratoire des sciences de la vie de l’Université du Massachussetts à Amherst. Dans ce contexte, dit-elle, il ne s’agit pas seulement de développer ses muscles, « il s’agit aussi de bâtir un corps plus fort qui soit capable de fonctionner et de bien se porter dans notre vie quotidienne ».

 

BON POUR LE CŒUR

La recherche montre que l’ajout de trente minutes par semaine seulement de travail musculaire en résistance à votre entraînement pourrait prolonger la vie de plusieurs années, notamment parce que cela améliorerait de manière considérable la santé cardiaque.

« Les exercices de force sont excellents pour votre cœur, car ils contribuent à l’amélioration de la tension artérielle et du cholestérol », explique Amanda Paluch.

Ils sont bénéfiques pour la tension artérielle car ils accroissent la circulation et le flux sanguins et font baisser le cholestérol en réduisant l’inflammation. Une inflammation chronique peut conduire à l’accumulation de cholestérol dans les artères, un phénomène corrélé à l’apparition de caillots sanguins.

« De plus, nous avons découvert que la pratique d’un travail musculaire en résistance ne serait-ce qu’une toute petite heure par semaine est associée à une réduction de l’ordre de 40 à 70 % des risques de morbidités liées aux maladies cardiovasculaires, comme les crises cardiaques ou les AVC », indique Duck-Chul Lee, professeur d’épidémiologie de l’activité physique à la Faculté des sciences humaines de l’Université d’État d’Iowa et co-auteur d’une étude qui va dans ce sens.

 

BON POUR LE CORPS

Il est prouvé que le travail musculaire en résistance est utile à plusieurs autres systèmes du corps humain. De plus, il favorise un meilleur équilibre et une plus grande flexibilité, malgré les impressions de certains.

« Le travail musculaire en résistance, en particulier à charges élevées, est depuis longtemps perçu comme accroissant la raideur et réduisant la flexibilité, explique DJ McDonough. Mais un corpus de preuves suggère en fait l’inverse ; que le travail en résistance est tout aussi efficace, voire plus efficace, que ne le sont les traditionnels étirement statiques quand il s’agit d’améliorer l’amplitude des mouvements articulaires. »

Il est également prouvé qu’une plus grande amplitude articulaire améliore l’équilibre et réduit la probabilité de blessure liée à une chute. Selon Michael Fredericson, le travail musculaire en résistance peut également faire baisser le risque de lésions musculo-squelettiques ou de dommages externes d’organes internes, car une masse musculaire plus importante crée une barrière protective (ou un coussin) entre les forces externes et les os et organes du corps.

La science montre en outre que le travail musculaire en résistance renforce les articulations et les os touchés par des affections telles que l’ostéoporose et l’arthrite rhumatoïde. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les adultes plus âgés, car le vieillissement est corrélé à des changements biologiques qui ont pour effet de faire décroître la force et la masse musculaire squelettique. La recherche montre que les détériorations de ce type diminuent la résilience physiologique tout en accroissant la vulnérabilité aux blessures et à la maladie. Le travail musculaire en résistance contrarie cette détérioration en stimulant les cellules responsables de la croissance osseuse.

Ces exercices de force permettent également de se prémunir contre les effets de la sarcopénie, une perte progressive de muscles qui survient à la trentaine ou à la quarantaine chez les individus particulièrement sédentaires. Le travail musculaire en résistance combat la sarcopénie en créant des micro-déchirures dans le muscle, ce qui entraîne la fusion de fibres musculaires qui conduisent à leur tour à une augmentation de la masse, explique Monica Ciolino, docteur en thérapie physique de l’Université Washington Physicians.

Les exercices de force contribuent également à la réduction du risque de contracter un diabète de type 2 et peuvent permettre de mieux gérer cette maladie.

« Les muscles sont notre plus grande décharge pour le glucose (le sucre) présent dans le sang, donc il est important de les garder en activité et de faire en sorte qu’ils conservent leur taille », explique Stuart Phillips, professeur de kinésiologie de l’Université McMaster. Amanda Paluch ajoute que cette forme d’activité physique « peut également aider votre corps à mieux utiliser et absorber l’insuline, ce qui est crucial pour prévenir ou tempérer le diabète. »

Le travail musculaire en résistance nous aide également en nous permettant d’inverser la perte musculaire qui résulte de comportements sédentaires dus à une maladie, à une blessure ou à une hospitalisation. « Un taux de fonctionnement musculaire faible est corrélé à un risque accru à la fois de maladie et de mort prématurée », avertit Jeremy Loenneke, maître de conférences en sciences de l’activité physique à l’Université du Mississippi.

Le travail musculaire en résistance peut également s’avérer utile en ce qui concerne les objectifs de gestion du poids parce que la musculation améliore le métabolisme mais aussi parce que le tissu musculaire brûle plus de deux fois plus de calories que le tissu adipeux, même au repos. « Tandis que la lutte contre l’obésité est synonyme d’approches axées sur l’alimentation, le travail de résistance est aussi bénéfique, ou presque, que l’entraînement en aérobie », explique Stuart Phillips.

 

BON POUR LA TÊTE

Les exercices de force peuvent contribuer favorablement à la santé mentale, et ce de plusieurs manières, notamment en améliorant la qualité du sommeil. Selon Monica Ciolino, on a également établi un lien entre ces exercices et la protection face à la dégénérescence de certaines parties de l’hippocampe, région du cerveau cruciale pour l’apprentissage et la mémoire.

L’effet du travail musculaire en résistance sur la régulation hormonale permet en sus de préveinr la fatigue et de stimulant l’humeur. « Il y a de plus en plus de preuves que les exercices de force et le travail en résistance pourraient être corrélées à des taux plus faibles de dépression et d’anxiété », révèle Eric Shiroma.

 

PAR OÙ COMMENCER ?

Malgré les avantages qu’il comporte, certaines personnes négligent le travail musculaire en résistance, car elles croient devoir devenir des adeptes de la salle de sport ou que cela nécessite un accès à un entraînement ou à un équipement spécialisé.

« Le simple nombre de machines, de poids et d’exercices différents rend probablement intimidant et difficile pour certains le fait de mettre le pied à l’étrier, reconnaît Eric Shiroma. Mais les activités de renforcement musculaire sont peut-être plus accessibles que certaines activités en aérobie, car on peut les pratiquer quasiment partout, soit à poids de corps, soit à l’aide de bandes élastiques résistantes. » 

Pour se lancer, il est préférable, selon DJ McDonough, de choisir le type de travail musculaire qui vous attire le plus (haltères, poids de corps, élastiques), puis d’apprendre quelques techniques simples.

Vous pouvez par exemple faire de la musculation à la salle de sport près de chez vous ou bien acheter deux haltères ou kettlebells pour vous entraîner à la maison. Une fois que vous avez commencé, vous pouvez éventuellement envisager de vous diversifier et d’ajouter un simple banc d’exercice et une barre. Lorsque l’on utilise des poids, « une bonne règle de base en ce qui concerne le renforcement est que vos muscles devraient être fatigués à la fin d’une série », affirme Monica Ciolino, qui souligne toutefois l’importance d’apprendre des techniques appropriées et de ne pas soulever trop lourd trop tôt. « Commencez avec des charges plus légères et augmentez le poids et les répétitions avec le temps », conseille-t-elle.

Quant aux élastiques de musculation, on peut se les procurer en ligne ou bien dans n’importe quel magasin de sport et les techniques sont faciles à apprendre. « Même une faible résistance suffit à obtenir une large part des bénéfices associés à cette forme d’exercice », affirme Jeremy Loenneke.

En ce qui concerne les exercices à poids de corps, les agences de santé publiques ont créé de nombreuses vidéos et ressources pour apprendre les bonnes techniques pour effectuer des exercices aussi divers que les abdominaux, les pompes, la planche, les fentes et les squats. Les conseils personnalisés d’un coach ou d’un physiothérapeute peuvent également s’avérer utiles. Selon Michael Fredericson, il est recommandé de faire 30 à 60 minutes d’exercices de force deux fois par semaine. En outre, il tient à souligner ceci : il est préférable de consacrer ne serait-ce qu’un tout petit peu de temps à l’activité physique que de ne pas lui en consacrer du tout. 

« Il est bien plus bénéfique de commencer une routine que vous estimez pouvoir maintenir que de se concentrer sur un programme parfait », abonde Monica Ciolino. Qu’importe la routine que choisissez de suivre, « le travail en résistance est l’antidote qui vous détournera du chemin qui conduit à la fragilité ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Découverte de deux fossiles de termites piégés dans l'ambre en plein accouplement

Par : National Geographic — 12 mars 2024 à 17:42

La découverte de deux termites fossilisés pris au piège dans un bloc d’ambre révèle des détails étonnants sur les comportements de reproduction que pratiquaient ces petits insectes il y a 38 millions d’années.

Les scientifiques sont restés perplexes lorsqu’ils ont mis au jour ces deux représentants de l’espèce Electrotermes affinis conservés dans une position inhabituelle, côte à côte, plutôt que l’un derrière l’autre : un comportement de reproduction observé de nos jours chez les fourmis et les termites, au cours duquel un individu suit un autre en s’agrippant à son abdomen afin de l’empêcher de se séparer de lui, comme un wagon de train.

En reproduisant les événements qui ont conduit ces insectes à rester ainsi coincés dans l’ambre, des entomologistes ont découvert qu’en réalité, le couple préhistorique pratiquait bel et bien le même comportement de reproduction que les termites actuels, mais s’était retrouvé dans cette position inhabituelle à la suite de leur rencontre fatale avec la résine de l’arbre.

Selon l’étude, publiée récemment dans la revue Proceedings of the National Academy of Science, cette découverte signifie de ce fait que les comportements de reproduction des termites actuels sont très semblables à ceux de leurs ancêtres, qui vivaient il y a plusieurs dizaines de millions d’années.

« L’existence-même de ce fossile pris dans l’ambre était une surprise », admet Nobuaki Mizumoto, responsable de l’étude et professeur adjoint d’entomologie à l’Université d’Auburn, dans l’Alabama, car elle offre un aperçu d’une parade nuptiale préhistorique.

Thomas Chouvenc, professeur associé d’entomologie urbaine à l’Université de Floride, confie être « content que cette étude existe », et qualifie cette dernière de « croisement remarquable entre la paléontologie et l’écologie comportementale ».

 

UN SPÉCIMEN RARE

Un bloc d’ambre se crée lorsque de la résine s’écoule d’un arbre endommagé et se fossilise. Si des insectes sont posés sur l’arbre lorsque cela se produit, ils peuvent se retrouver coincés dans cette résine collante, et si l’écoulement continue, ils sont généralement tués et figés dans le temps, comme ce couple de termites.

La résine met environ 40 000 ans pour durcir complètement et se transformer en ambre, une gemme organique prisée dans le monde entier pour sa couleur.

Lorsqu’Aleš Buček, coauteur de l’étude et directeur du laboratoire de symbiose des insectes à l’Académie tchèque des sciences, a trouvé le fossile à Kaliningrad, en Russie, sur le site internet d’un collectionneur, il a contacté Mizumoto, qui avait déjà effectué des travaux liés à la recherche de fossiles contenant des informations relatives au comportement animal. Les deux scientifiques se sont alors empressés d’acquérir ce rare spécimen.

L’équipe de quatre experts a commencé par réaliser une microtomographie aux rayons X afin d’identifier l’espèce et le sexe des deux termites, ce qui a permis de prouver que la scène vieille de 38 millions d’années montrait une femelle en train de s’agripper à l’abdomen d’un mâle.

Pour recréer la situation en laboratoire, les scientifiques ont ensuite fait marcher des couples vivants de coptotermes de Formose, une espèce de termite originaire de Taïwan et du sud de la Chine, sur une surface collante simulant l’effet de la résine d’un arbre.

De nombreux termites sont parvenus à s’échapper du piège collant. Dans les couples qui n’y sont pas parvenus, l’individu situé à l’avant ralentissait naturellement le pas afin de tenter d’échapper à la résine ; son partenaire, en revanche, ne s’enfuyait pas face à ce signe de difficulté, probablement car, lorsqu’ils s’accouplent, les termites essaient à tout prix de rester ensemble pour pouvoir construire leur nid et élever leurs petits, explique Chouvenc.

Plutôt que de s’enfuir, le partenaire situé à l’arrière choisissait de contourner le premier, et finissait ainsi par se retrouver à ses côtés, dans la même position que celle observée chez les deux termites fossilisés, puis s’enlisait à son tour dans la résine.

 

UN FOSSILE EXCEPTIONNEL

Selon l’étude, ces résultats suggèrent qu’il y a 38 millions d’années, les termites disparus se comportaient de la même manière que les termites actuels lors de l’accouplement.

« Je suis impressionné aussi bien par la découverte elle-même que par l’analyse effectuée pour démontrer qu’il s’agit bien d’un aperçu d’un comportement qui se produisait il y a très longtemps. »

« Il est courant de trouver des fossiles, mais un comportement préservé pendant des millions d’années, c’est exceptionnel », ajoute-t-il dans un e-mail.

Pour Mizumoto, l’étude met également en évidence la nécessité de renforcer la communication entre les chercheurs de différents domaines scientifiques.

« Un fossé important sépare les chercheurs qui étudient les fossiles et ceux qui étudient les animaux ou les insectes vivants », déplore le professeur, qui espère que davantage de croisements entre les deux disciplines pourront avoir lieu et permettront d’élucider d’autres mystères relatifs au comportement animal à travers les âges.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Quels sont les risques associés à la surconsommation de caféine ?

Par : National Geographic — 12 mars 2024 à 11:59

Une chaîne de boulangeries-cafés nord-américaine se voit en ce moment même intenter deux procès pour faute ayant entraîné la mort par des familles de personnes décédées après avoir bu une boisson hautement caféinée. 

La boisson en question est une limonade sucrée à haute teneur en caféine. La quantité exacte de stimulant consommée dans chacun des deux cas reste à confirmer, mais à en croire les deux plaintes, la femme de 21 ans et l’homme de 46 ans concernés sont décédés peu après avoir bu chacun un gobelet de 90 centilitres d’une limonade qui a pu contenir jusqu’à 390 milligrammes de caféine et 124 grammes de sucre, si aucun glaçon n’est entré dans sa préparation. À titre de comparaison, une tasse de café de 24 centilitres contient 80 à 100 milligrammes de caféine, et une canette de Red Bull de 35 centilitres en contient 114.

La quantité de caféine consommée dans ces cas a son importance, car cet excitant peut affecter les individus de plusieurs manières, raison pour laquelle les scientifiques spécialistes de la nutrition mettent fréquemment en garde contre sa surconsommation.

« À très hautes doses, la caféine peut être toxique, voire létale », prévient Rob van Dam, professeur de sport et de sciences de la nutrition à l’Institut Milken de l’École de santé publique de l’Université George-Washington.

Mais il n’est pas toujours simple de déterminer la quantité de caféine présente dans un aliment ou dans une boisson donnés. Le problème réside en partie dans le fait que la caféine n’est pas considérée comme un additif lorsqu’elle y est présente naturellement, comme cela est le cas pour le thé et le chocolat.

Dans ces aliments, « vous ne verrez pas le mot "caféine" sur l’étiquette », fait observer Marilyn Cornelis, maître de conférences en médecine préventive à la Faculté de médecine Feinberg de l’Université Northwestern. Aux États-Unis, la caféine ne doit en fait être indiquée comme ingrédient que lorsqu’elle a été ajoutée à certains produits. Mais comme l’explique cette dernière, malgré cela, aucune règlementation ne stipule qu’il faille indiquer la quantité exacte de caféine contenue dans ceux-ci.

 

QU’EST-CE QUE LA CAFÉINE ET COMMENT FONCTIONNE-T-ELLE ?

Obtenue à partir de feuilles, de racines, de fruits ou de grains de café, de thé, de cacao et de guarana, la caféine est le stimulant du système nerveux central le plus consommé dans le monde. On la trouve à l’état naturel dans diverses plantes et dans divers aliments dont nous nous nourrissons et est également ajoutée sous forme synthétique à de nombreux produits comme les colas et les boissons énergisantes.

La caféine fait partie d’un groupe de composés chimiques, les méthylxanthines, qui sont rapidement absorbés dans le sang et qui affectent le système nerveux central. Si ces composés se comportent ainsi, c’est notamment parce qu’ils parviennent à s’attacher aux récepteurs de l’adénosine présents dans l’ensemble du cerveau et du corps.

L’adénosine est une substance chimique qui joue un rôle important dans le sommeil et dans le délassement du corps. Quand l’adénosine augmente en période d’éveil, elle s’attache à ses récepteurs et déclenche une envie de dormir.

La caféine ressemble à l’adénosine et peut s’attacher aux mêmes récepteurs sur les cellules nerveuses, et donc empêcher l’adénosine de le faire. Sans adénosine pour induire le sommeil, un individu reste en état d’éveil et alerte. Cette interférence a pour effet à la fois d’accélérer l’activité de la cellule et de l’empêcher de ralentir comme elle le ferait sous l’effet de l’adénosine.

De plus, des recherches montrent que la caféine accroît également les taux de cortisol et d’épinéphrine, deux hormones associées à l’excitation, au stress et à l’anxiété.

 

LE BON CÔTÉ DE LA CAFÉINE

Grâce à ces effets, la caféine peut s’avérer un stimulant bienvenu pour accroître la vigilance mentale et pour réduire la fatigue. Elle est également utile pour conserver un certain niveau de performance lorsque l’on manque de sommeil, les soldats de l’armée américaine s’en servent d’ailleurs dans ce but.

Certaines recherches montrent que la caféine peut également améliorer la mémoire et la capacité à se concentrer. La consommation de caféine sur le long terme est également associée à un risque réduit de contracter la maladie de Parkinson.

Selon Rob van Dam, la consommation modérée de café et de thé peut également s’avérer bénéfique pour la santé cardiovasculaire. Il tempère toutefois immédiatement et tient à souligner que tout bénéfice associé à cette consommation est probablement imputable à d’autres composés présents dans ces boissons, comme l’acide chlorogénique et la trigonelline, auxquels on attribue des propriétés antioxydantes, et non nécessairement à la teneur caféinée de ces boissons.

« Dans l’ensemble, les bienfaits de la consommation de caféine pour la santé sont relativement mineurs et pas assez importants pour en encourager la consommation », indique Jennifer Temple, directrice du Laboratoire de recherche en nutrition et santé de l’Université d’État de New York à Buffalo. En outre, « tout bénéfice potentiel pourrait se voir annulé par d’autres composants des boissons, comme une teneur en sucre plus importante. »

En effet, à l’instar de la limonade hautement caféinée mentionnée précédemment qui contient 124 grammes de sucre, de nombreuses boissons caféinées ont une teneur en sucre particulièrement élevée.

Selon Jennifer Temple, bien que les fabricants affirment que la caféine est ajoutée pour « rehausser la saveur » de leurs boissons, « la caféine est très amère et contraint à l’ajout de plus de sucre ou d’édulcorants pour que ces boissons soient buvables », explique-t-elle.

 

LES MAUVAIS CÔTÉS DE LA CAFÉINE ET LES RISQUES DE SURCONSOMMATION

En plus d’éviter les importantes quantités de sucre présentes dans de nombreuses boissons caféinées et les problèmes de santé qui les accompagnent, il est important d’éviter la surconsommation de caféine elle-même.

L’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) recommande aux adultes en bonne santé de limiter leur consommation de caféine à 400 milligrammes par jour au maximum ; ce qui équivaut à quatre petites tasses environ.

« Les enfants et adolescents de plus de douze ans en bonne santé peuvent consommer sans risque jusqu’à 100 milligrammes de caféine par jour », indique Jennifer Temple. Cependant, les effets de la caféine sur cette population plus jeune sont moins étudiés que ses effets sur les adultes. « Les recherches ciblant ce groupe démographique progressent et sont nourries par la préoccupation grandissante entourant la consommation de boissons énergisantes », révèle Marilyn Cornelis.

Les spécialistes déconseillent la consommation de caféine aux enfants de moins de douze ans.

Bien que de nombreux adultes tolèrent des quantités dépassant ces limites quotidiennes, il existe des dégâts associés à l’ingestion trop fréquente de caféine : mauvaise qualité de sommeil, tremblements, vomissements, rythme cardiaque élevé, carence en potassium, irritabilité, maux de tête, agitation et anxiété notamment.

Des études montrent que la caféine peut également créer une dépendance et qu’elle comporte des effets indésirables à long terme. Il y a par exemple « un risque accru d’hypertension, de pré-diabète, de maladies rénales et de cardiopathies pour les personnes qui en boivent plusieurs tasses par jour », prévient Ahmed El-Sohemy, professeur en sciences de la nutrition à l’Université de Toronto.

À très hautes doses, la caféine peut s’avérer particulièrement dangereuse.

À ce titre, la FDA met en garde. Des crises peuvent survenir lorsque l’on consomme plus de 1 200 milligrammes de caféine trop rapidement, chose susceptible d’arriver lorsque l’on ingère de trop nombreuses boissons à haute teneur en caféine, des pilules caféinées ou bien de la caféine en poudre, dont une simple cuillérée peut contenir l’équivalent en caféine de vingt-huit tasse de café. « Les produits à base de caféine pure et hautement concentrée représentent une importante menace pour la santé publique et sont impliqués dans la mort d’au moins deux personnes aux États-Unis », rappelle l’agence de santé.

 

QUI EST LE PLUS À RISQUE ?

La consommation de caféine présente également un risque accru pour les personnes souffrant de certaines maladies.

Les personnes présentant du diabète devraient par exemple faire preuve de prudence lorsqu’elles consomment de la caféine. En effet, on a montré que celle-ci modifie le processus de métabolisation du sucre ; la sensibilité à l’insuline diminue donc et la concentration du glucose dans le sang augmente.

Les personnes atteintes de maladies chroniques du foie sont susceptibles d’être davantage sensibles à ces effets « à cause d’une capacité moindre à métaboliser la caféine », explique Adrienne Hughes, médecin urgentiste et toxicologue de l’Université de la santé et des sciences de l’Oregon. De plus, l’Association américaine du cœur (AHA) déconseille aux personnes souffrant d’hypertension grave (tension artérielle supérieure ou égale à 16/10) d’éviter de boire ne serait-ce que de petites quantités de caféine, car en effet, on a pu associer la consommation de deux tasses ou plus à « un risque deux fois plus élevé de mourir d’une maladie cardiovasculaire » pour ces individus.

On déconseille également la caféine aux personnes qui ressentent fréquemment des brûlures d’estomac, et plus particulièrement à celles qui subissent des reflux d’acide extrêmes, comme c’est le cas de certains patiets à qui l’on a diagnostiqué des reflux gastro-œsophagiens (RGO).

Les futures mères ont également peut-être intérêt à limiter leur consommation de caféine. En effet, la science a montré que celle-ci entraîne la constriction de vaisseaux sanguins dans le placenta et dans l’utérus, ce qui réduirait l’apport sanguin au fœtus et inhiberait sa croissance. 

« Nous disposons désormais de preuves substantielles que la consommation de caféine par les mères durant la grossesse est susceptible de ralentir la croissance du fœtus et même d’accroître le risque de fausse couche », commente Rob van Dam. 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Comment la vie est-elle apparue sur notre planète ?

Par : National Geographic — 11 mars 2024 à 18:05

La Terre s’est formée il y a environ 4,6 milliards d’années, et pendant plusieurs centaines de millions d’années, aucune forme de vie ne s’y est développée, probablement en raison de la chaleur extrême et de la chute régulière de comètes et d’astéroïdes à sa surface. Environ un milliard d’années plus tard, cependant, tout avait changé : la vie existait et laissait des traces de sa présence sous la forme de tapis microbiens fossilisés.

Voici trois des nombreuses théories qui ont tenté d’expliquer comment, en l’espace d’un demi-milliard d’années environ, la vie est apparue sur notre planète.

 

1. LA FOUDRE À L’ORIGINE DE LA VIE 

À l’époque de l’apparition de la vie sur Terre, les conditions atmosphériques étaient très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui, note Jim Cleaves, directeur du département de chimie de l’Université Howard et co-auteur de l’ouvrage A Brief History of Creation: Science and the Search for the Origin of Life.

Selon Cleaves, c’est Harold Urey, prix Nobel de chimie, qui a découvert dans les années 1950 que la plupart des atmosphères du système solaire sont principalement composées d’azote et de méthane. Le chimiste en a déduit que la Terre primitive devait elle aussi disposer de ce type d’atmosphère, et que cette dernière n’était devenue riche en oxygène que plus tard, grâce à la présence des différentes formes de vie. En outre, selon Urey, cette atmosphère primitive « était peut-être très efficace pour former des composés organiques, qui pourraient constituer le précurseur de la vie », explique Cleaves.

Urey a donc chargé son étudiant Stanley Miller de mettre au point une expérience afin de tester cette théorie. Connue sous le nom d’expérience de Miller-Urey, cette dernière consistait à reproduire les conditions atmosphériques qui régnaient à l’époque de l’apparition de la vie sur Terre en combinant, dans un système fermé, de l’eau chauffée à des molécules d’hydrogène, de méthane et d’ammoniac. Ces molécules étaient ensuite soumises à des décharges électriques destinées à reproduire les effets de la foudre, puis refroidies pour permettre au mélange de se condenser et de retomber dans l’eau, comme de la pluie.

Les résultats ont été stupéfiants. En l’espace d’une semaine, l’eau de cet « océan » expérimental était devenue rougeâtre, les molécules ayant réagi entre elles et entraîné la création d’acides aminés, qui sont les éléments constitutifs de la vie.

Des recherches ultérieures ont montré que, en réalité, l’atmosphère primitive de notre planète était quelque peu différente de celle de l’expérience créée par Miller, et que ses principaux composants étaient l’azote et le dioxyde de carbone, mais aussi l’hydrogène et le méthane en plus petites quantités.

Les principes défendus par Miller demeurent néanmoins largement valables : la foudre, combinée aux impacts d’astéroïdes et aux rayons ultraviolets du Soleil, aurait entraîné la création du cyanure d’hydrogène qui, en réagissant avec le fer apporté par l’eau de la croûte terrestre, aurait à son tour permis la formation de substances chimiques telles que les sucres. En se combinant, ces substances pourraient avoir créé des brins d’acide ribonucléique, ou ARN, un composant clé de la vie destiné à stocker des informations génétiques ; par la suite, les molécules d’ARN auraient commencé à se répliquer, permettant ainsi à la vie de se développer.

Comment ces molécules d’ARN se sont-elles transformées en structures cellulaires complexes entourées de membranes protectrices ?

Les coacervats pourraient bien en être responsables. Ces gouttelettes composées de protéines et d’acides nucléiques sont capables d’encapsuler des composants et de les lier entre eux, tout comme des cellules, mais sans avoir recours à une membrane. Selon plusieurs chercheurs, les coacervats auraient pu concentrer l’ARN primitif et d’autres composés organiques, formant ainsi des protocellules.

 

2. DES ORIGINES SPATIALES

Selon une autre théorie, les acides aminés, ainsi que d’autres éléments essentiels à la vie tels que le carbone et l’eau, pourraient être arrivés sur la Terre primitive depuis l’espace. En effet, certaines comètes et météorites contiennent certains des mêmes éléments organiques nécessaires à la formation de la vie ; leur chute sur notre planète pourrait donc bien avoir augmenté la disponibilité des acides aminés.

Selon Jack Szostak, prix Nobel de physiologie ou médecine, chimiste de l’Université de Chicago qui dirige un programme interdisciplinaire intitulé Origins of Life, les impacts d’astéroïdes et de comètes ont très certainement joué un rôle crucial.

Le scientifique note qu’une atmosphère primitive composée d’azote et de dioxyde de carbone aurait été moins susceptible de mener à certaines des réactions chimiques observées dans le mélange d’hydrogène, de méthane et d’ammoniac de l’expérience de Miller-Urey. Cependant, d’après lui, un impact de taille modérée peut entraîner la présence temporaire d’hydrogène et de méthane atmosphériques, permettant ainsi des conditions propices à la formation de composés organiques de manière éphémère.

« C’est comme avoir le beurre et l’argent du beurre », illustre-t-il.

 

3. LES ABYSSES, BERCEAU DE LA VIE ?

La vie pourrait également avoir vu le jour dans les profondeurs de l’océan, près des cheminées hydrothermales situées dans les fonds marins, bien que Szostak rejette cette hypothèse.

« Si l’on examine le processus chimique qui permet de passer de matériaux de départ simples à des nucléotides et de l’ARN, on s’aperçoit que bon nombre d’étapes nécessitent le rayonnement UV du Soleil pour pouvoir entraîner les réactions », explique-t-il. « L’énergie solaire est de loin la plus grande source d’énergie, même sur la Terre primitive. Si plusieurs étapes chimiques nécessitent des UV, elles ne peuvent donc pas avoir lieu dans les abysses. »

Malgré tout, il est presque certain que la vie trouve bel et bien ses origines dans l’eau.

« Un solvant est nécessaire pour donner lieu à des réactions chimiques », souligne Cleaves. « Il faut un liquide, et seuls quelques liquides sont stables dans les conditions observées sur une surface planétaire. Même dans le système solaire primitif, l’eau s’avérait être le plus abondant de ces liquides. »

Selon Szostak, plutôt que dans les profondeurs de l’océan, il est bien plus probable que la vie se soit établie « à la surface, sûrement dans des étangs peu profonds ou dans un environnement comme des sources chaudes : un type d’environnement très courant autour des sites d’impact ou des régions volcaniques. » (Il est en effet fort possible qu’une activité volcanique intense ait contribué à la formation de la vie, notamment en générant de grandes quantités d’éclairs localisés.)

Bien que l’ensemble des formes de vie présentes aujourd’hui sur Terre partagent un ancêtre commun universel, une forme de vie microbienne inconnue qui a vraisemblablement disparu depuis longtemps, il est possible que la vie ait vu le jour à de multiples occasions et de différentes manières, et qu’elle ait été éteinte par des impacts de comètes ou n’ait simplement pas réussi à se développer jusqu’à ce que la molécule à base d’ARN qui est à l’origine de notre existence ne parvienne à se former.

« Il s’agit peut-être d’un pur hasard », suggère Cleaves.

 

LA CLÉ POUR COMPRENDRE L’ORIGINE DE LA VIE

Si cela a bien été le cas, nous ne saurons certainement jamais ce qu’il aurait pu en être, car ces formes de vie n’ont laissé aucune trace de leur existence.

La vie aurait très bien pu suivre un chemin très différent, qui n’aurait pas permis la naissance des fleurs, des arbres, des dinosaures ou des êtres humains. Selon Szostak, la clé pour comprendre l’origine de la vie est d’arrêter de voir cette dernière comme un seul et unique grand mystère à résoudre, mais comme un ensemble de petits mystères qui s’accumulent les uns sur les autres.

« La vie est un système tellement complexe que même le plus simple des virus ou bactéries est constitué des milliers de composants. Il est difficile de saisir comment une telle chose a pu surgir de nulle part. La réalité, c’est qu’elle n’a pas surgi de nulle part. C’est un long processus qui s’est produit étape par étape. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Hypermnésie : quand la mémoire devient éternelle

Par : National Geographic — 8 mars 2024 à 15:25

Une grande partie de notre identité s’inscrit dans nos souvenirs. Mais que se passe-t-il lorsque la mémoire fonctionne trop bien, et qu’il est impossible d’oublier ? « J’ai plus de souvenir que si j’avais mille ans » écrivait Baudelaire dans Les Fleurs du Mal. Si ce thème fascine de nombreux artistes, les médecins se sont aussi intéressés à cette faculté réelle et très rare qu’est l’hypermnésie.

« Généralement, quand on parle d’hypermnésie, on fait référence à l’hypermnésie autobiographique, aussi appelée hyperthymésie. Cela renvoie à des personnes qui vont avoir tendance à se rappeler beaucoup de souvenirs dans diverses conditions, plus que la moyenne des gens », explique Francis Eustache, neuropsychologue et directeur du laboratoire Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Selon lui, ce terme est « un peu médiatique », et « correspond à des situations différentes » propres à chaque sujet. Cela explique qu’à ce jour, il n’y a pas une définition médicale unique de l’hypermnésie.

Si les troubles mnésiques liés à une perte de mémoire, tels que l’amnésie, sont fréquents, l’hypermnésie autobiographique est un symptôme très rare. « Quand on regarde la littérature scientifique, il y a quelques articles qui sont consacrés à cette forme d’hypermnésie, mais on les compte sur les doigts d'une main », relate le spécialiste. De plus, « la plupart des hypermnésiques ne sont pas malades, donc ils ne vont pas consulter, et donc ils ne sont pas connus ». 

L’une des premières mentions d’un patient hypermnésique remonte aux années 1920, dans les travaux du neuropsychologue soviétique Alexandre Luria. Il a étudié la mémoire de Solomon Cherechevski, un jeune journaliste russe. Son rédacteur en chef avait remarqué qu’il ne prenait jamais de notes, mais n’oubliait jamais rien. L’homme était capable de mémoriser des listes de soixante-dix mots, et de la restituer sans faute, quelques heures ou quelques années plus tard. Toutefois, l’ancienneté des travaux rend difficile l’étude de ce cas d’hypermnésie. 

 

LE CAS JILL PRICE

Le cas clinique le plus célèbre est sans doute celui relaté par le neurobiologiste James McGaugh, dans un article publié en 2006 dans Neuropsychologia. Une Américaine, du nom de Jill Price, écrit une lettre au spécialiste pour lui faire part de ses capacités de mémorisation exceptionnelles, mais aussi des souffrances que cette hypermnésie engendre. Elle explique qu’elle a commencé à développer ses facultés exceptionnelles depuis qu’elle a déménagé de la côte est à la côte ouest, lorsqu’elle avait quatorze ans, un changement qui l’a bouleversée. Contrairement aux mnémonistes, les « athlètes de la mémoire », elle n’utilise pas de moyens mnémotechniques. « Quand j'entends une date, je vois ce jour », explique-t-elle. Interviewée par la chaîne américaine ABC en 2006, on lui demande, sans l’avoir avertie au préalable, d'évoquer ce qu'elle avait fait à diverses dates remontant jusqu'aux années 1980. Une rapide vérification dans son journal intime permet de voir que tout ce qu’elle dit est juste, à une réponse près. Elle a également la capacité de localiser précisément certains événements d'actualité marquants et de préciser les dates correspondantes, à condition que ces événements ne soient pas antérieurs à ses quatorze ans.

Lorsque l’on avance en âge, notre mémoire effectue un tri entre les souvenirs, et va avoir tendance à conserver les plus agréables. C’est le biais de positivité, aussi appelé principe de Pollyanna. Chez la majorité des sujets, ce travail de sémantisation des souvenirs se fait automatiquement. « Hiérarchiser est une opération mentale relativement automatique. C’est lié à notre personnalité, à nos intérêts. Notre mémoire est exceptionnelle de ce point de vue-là, elle va prendre ce qui est pertinent pour compléter ce qu’on connaît déjà. » Mais ce travail de synthèse est justement défaillant chez des sujets comme Jill Price. Dans son cas, « l’hypermnésie, c’est comme pour contrecarrer ses problèmes de mémoire : elle s’oblige à mémoriser des éléments au jour le jour, parce qu’elle considère que ce travail de sémantisation des souvenirs ne se fait pas correctement », explique le neuropsychologue. Pour autant, « ça ne veut pas dire qu’elle retient tout ». Mais cela fait souffrir la principale intéressée, qui se remémorait parfaitement les moments difficiles de sa vie. Selon Francis Eustache, James McGaugh a tiré la conclusion que cette particularité était pathologique, et s’inscrivait dans le cadre de la dysmnésie, c’est-à-dire de troubles de la mémoire. « L’hypermnésie, c’est l’aspect démonstratif de sa pathologie, mais elle a aussi des problèmes d’apprentissage. »

Selon un article datant de 2009 publié dans Le Monde, Jill Price a été soumise à un scanner cérébral, dont les résultats n’ont pas été publiés. D’après les dires de l’intéressée, les médecins ont seulement relevé des ressemblances avec les cerveaux de personnes atteintes de Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC).

Mais toutes les hypermnésies ne se dévoilent pas de la même manière. « Il y a toujours des différences interindividuelles », précise Francis Eustache. Lui-même a échangé par mail avec une hypermnésique, qui lui indiquait qu’elle avait vécu ses excellentes facultés mémorielles comme une bénédiction, et que cela lui a permis de poursuivre de brillantes études. 

 

L’HYPERMNÉSIE LIÉE AU STRESS POST-TRAUMATIQUE

Francis Eustache distingue l’hypermnésie autobiographique de l’hypermnésie émotionnelle, qui s’intègre au trouble du stress post-traumatique (TSPT). Cette hyper mémoire se développe après un événement extrêmement traumatisant, et se manifeste par une reviviscence régulière, accompagnée de manifestations physiques liées à l’émotion extrême ressentie. 

« C’est très difficile à contrôler et c’est contre la volonté de ceux qui en souffrent », explique neuropsychologue. Contrairement à ceux qui ont une grande mémoire autobiographique, et qui savent que les souvenirs qu’ils convoquent sont derrière eux, « ces images sont vécues comme si elles étaient à nouveau présentes, même au niveau sensoriel. » Cela provoque alors un « envahissement de la mémoire, et une faillite des mécanismes d’oublis. »

Si certains traitements et médicaments existent aujourd’hui pour traiter les syndromes liés au TSPT, l’hypermnésie autobiographique n’est pas curable à ce jour. 

☐ ☆ ✇ National Geographic

La démence, des troubles qui augmentent avec notre espérance de vie

Par : National Geographic — 4 mars 2024 à 11:14

Retrouvez cet article dans le numéro 294 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

Jackie Vorhauer et sa sœur ont vu le comportement de leur mère changer en 2012. Nancy Vorhauer, artiste verrière à l’aube de ses 70 ans, a oublié d’appeler Jackie pour son anniversaire. Elle a perdu son téléphone. Elle n’a plus payé ses factures. Voyant que les symptômes de Nancy s’aggravaient, Jackie a fait le voyage de Los Angeles, où elle vivait, jusqu’à Millville, dans le New Jersey, pour vérifier l’état de santé de sa mère. Arrivée un soir, elle a trouvé porte close. Un peu plus tard, Nancy est apparue tirant une valise à roulettes contenant une pile d’horaires de bus, un jouet pour chat, une décoration de Noël brisée et des billes en verre -ses créations. «Salut Jack, a-t-elle simplement dit à sa fille. Que fais-tu ici ? »

Nancy a confié plus tard à ses filles qu’elle ressentait comme «un trou noir dans [ses] souvenirs». Après le diagnostic de sa démence, en 2017, elle a passé quatre ans dans deux services spécialisés dans les troubles cognitifs. Le premier avait tendance à s’en remettre aux antipsychotiques, souvent utilisés pour traiter les problèmes de comportement liés à la démence. Le second avait quelques soignants fantastiques, mais manquait de main-d’œuvre et le personnel n’était pas formé pour gérer cette pathologie, souligne Jackie. 

Aujourd’hui, on estime à quelque 57 millions le nombre de personnes dans le monde frappées de démence ; elles devraient être environ 153 millions d’ici à 2050. Dans l’intervalle, les frais médicaux et paramédicaux, eux, pourraient atteindre les 15000 milliards d’euros au niveau mondial. De nombreux éléments contribuent à cette hausse: d’abord, le vieillissement de la population; l’augmentation de facteurs de risques comme l’obésité et le diabète, ensuite; enfin, l’aggravation de la pollution de l’air qui, d’après des études, dégrade la santé du cerveau. Ajoutons à cela la baisse des taux de natalité –ce qui signifie moins d’aidants–, et une crise latente se profile. «La situation va devenir de plus en plus difficile, avertit le chercheur Kenneth Langa, spécialiste de la démence à l’université du Michigan. Il faut trouver une solution. »

Lorsqu’il est question de démence, la priorité est le personnel soignant. Beaucoup de ceux qui accompagnent les personnes affectées par cette pathologie en sont intimement conscients. Ils connaissent la douleur de voir une mère lutter pour trouver ses mots, ou un veuf attendre sa femme pour le dîner. Mais ils considèrent aussi que les malades sont des personnes, pas un agrégat de symptômes. Cette conviction, forgée par leur expérience personnelle, alimente un mouvement visant à supprimer des soins obsolètes au profit d’une approche globale.

Il n’est pas question de la mort, précise Elroy Jespersen, cofondateur du Village Langley, au Canada, le premier « village Alzheimer» à grande échelle en Amérique du Nord. Sa démarche repose sur un«enrichissement de la vie». «C’est possible dès que l’on se concentre sur la personne: qui elle est, qui elle veut encore être et ce qui la rend joyeuse.» 

La démence se manifeste en général après 65 ans. Ce mot fourre-tout recouvre plusieurs maladies, dont celle d’Alzheimer, la démence vasculaire, la démence à corps de Lewy et la démence fronto-temporale. Beaucoup plus rare, la forme autosomique dominante de la maladie d’Alzheimer se déclare entre 30 et 50 ans et résulte d’une mutation génétique transmise d’un parent à un enfant. Ces divers troubles sont biologiquement différents : Alzheimer se caractérise ainsi par des plaques dans le cerveau formées par une protéine, la bêta-amyloïde, tandis que la démence vasculaire survient après la réduction ou le blocage du flux sanguin dans le cerveau; par ailleurs, ces pathologies peuvent se manifester en même temps. Mais l’issue reste la même: une perturbation de la communication des cellules nerveuses (neurones) entre elles et, à terme, la mort de celles-ci.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Cinq choses à savoir avant de choisir un complément alimentaire

Par : National Geographic — 1 mars 2024 à 17:58

Et si à l’aide d’une seule pilule, vous aviez soudainement plus d’énergie, une plus belle peau et un cœur en meilleure santé ? C’est la promesse qui m’est faite chaque fois que je passe devant l’allée des compléments alimentaires remplie de capsules d’huile de poisson, de pots de collagène en poudre, de gommes de magnésium à mâcher et de vitamines en tout genre de ma pharmacie de quartier.

C’est tentant. Rien d’étonnant donc à ce que les compléments alimentaires représentent une industrie mondiale de 185 milliards d'euros d’ici à 2025.

Pourtant, je me suis toujours demandé quelle pouvait être l’efficacité de ces compléments et si les acheter en valait la peine. Voici quelques-uns des enseignements tirés de nos précédents articles sur les compléments alimentaires. Et j’insiste : demandez toujours l’avis de votre médecin avant de prendre des décisions en matière de santé. 

 

1) LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES NE SONT PAS STRICTEMENT RÈGLEMENTÉS 

Presque tous les articles que nous avons publiés sur les compléments alimentaires insistent sur un point essentiel : l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) ne réglemente pas les compléments alimentaires de la même manière que les aliments et les médicaments, ce qui signifie que les entreprises n’ont pas besoin de soumettre leurs produits à l’approbation de la FDA avant de les commercialiser. Idem en France où, bien que les compléments alimentaires fassent l’objet d’une déclaration auprès de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de contrôles, notamment de conformité, aucune autorisation n’est requise pour commercialiser ces suppléments nutritionnels. 

De ce fait, certaines étiquettes peuvent s’avérer mensongères. Jen Messer, diététicienne agréée et présidente élue de l’Académie de nutrition et de diététique du New Hampshire, a orienté notre journaliste Daryl Austin vers une analyse portant sur 57 compléments alimentaires. Il en ressortait que 84 % de ces compléments ne contenaient pas la quantité d’ingrédients annoncée, que 40 % ne contenaient aucun des ingrédients annoncés et que 12 % « contenaient des ingrédients non déclarés, ce qui est interdit par la FDA », avait expliqué Messer dans notre article de novembre 2023.

Cela signifie également que les entreprises n’ont pas besoin de fournir à la FDA des preuves des prétendus effets de leurs produits. « C’est le Far West à l’heure actuelle », avait déclaré David Hibbett, professeur de biologie à l’université Clark, dans notre article de janvier 2024 sur le marché en plein essor des compléments alimentaires à base de champignons, comme le chaga et l’hydne hérisson. « Les preuves sont encore très, très limitées et, à mon avis, ne justifient pas l’importante commercialisation de ces produits en tant que suppléments nutritionnels. »

 

2) ILS NE CONVIENNENT PAS À TOUT LE MONDE

J’ai grandi en pensant que prendre une multivitamine par jour était le geste sain par excellence. Pourtant, ce n’est pas le cas pour tout le monde, comme nous l’avons documenté en juin 2023. Demandez toujours l’avis d’un médecin avant de commencer une cure de multivitamines, et cela pour plusieurs raisons.

D’une part, les multivitamines peuvent interférer avec certains médicaments comme les antibiotiques ou les anticoagulants. D’autre part, les personnes souffrant d’une maladie du foie ou des reins peuvent ne pas être en mesure d’éliminer efficacement les niveaux élevés de nutriments contenus dans une multivitamine. Enfin, comme pour tout, il est possible d’abuser des bonnes choses. (Nous reviendrons sur ce point dans un instant).

Dans l’ensemble, votre décision doit dépendre de vos besoins individuels.

 

3) L’ORGANISME NE DÉCOMPOSE PAS TOUTES LES VITAMINES DE LA MÊME MANIÈRE

Attention cependant à prendre en compte d’autres éléments que votre état de santé, comme le fait que certaines vitamines soient absorbées différemment par l’organisme. Cela devrait grandement influer sur votre décision.

Dans un article publié en novembre 2023, des experts insistaient sur le fait d’être particulièrement prudent avec les vitamines A et E, du fait de leur caractère liposoluble. En d’autres termes, l’organisme stocke ces nutriments dans le foie et les tissus adipeux en vue d’une utilisation ultérieure, au lieu de les décomposer et de les métaboliser rapidement, comme c’est le cas pour d’autres types de vitamines. Consommer de fortes doses de l’une ou l’autre de ces vitamines peut en réalité s'avérer nocif.

 

4) IL EXISTE UN RISQUE DE SURCONSOMMATION

Comme je l’ai déjà mentionné, les vitamines peuvent être toxiques : au-delà d’une certaine quantité consommée, ces nutriments commencent à vous desservir. 

Prenons l’exemple de la vitamine A : dépasser la limite supérieure d’apport journalier de 3000 microgrammes peut entraîner des douleurs articulaires, des lésions hépatiques et des malformations congénitales. Des doses élevées de vitamine E peuvent quant à elles interférer avec la coagulation du sang et provoquer des hémorragies, et autres. Enfin, un excès de vitamine D peut être responsable de nausées, d’une faiblesse musculaire, d’un sentiment de confusion, de vomissements et de déshydratation

 

5) LE MEILLEUR MOYEN D’OBTENIR DES NUTRIMENTS EST D’AVOIR UNE BONNE ALIMENTATION

De nombreux nutriments tels que le collagène et la vitamine C sont déjà présents en abondance dans les aliments qui composent un régime alimentaire classique ; et comme nous l’avait expliqué Gail Cresci, nutritionniste à la Cleveland Clinic, en mars 2023, manger des aliments entiers et non transformés, tels que des légumes et des fruits riches en fibres, est souvent un moyen plus efficace d’obtenir les vitamines, minéraux et probiotiques dont le corps a besoin. « Un complément probiotique ou prébiotique ne corrigera en aucun cas une mauvaise alimentation. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Le système des années bissextiles pourrait être modifié

Par : National Geographic — 29 février 2024 à 16:13

Cette année marque le retour d’un 29 février, jour intercalaire, une particularité de notre calendrier qui n’arrive que (presque) tous les quatre ans.

Pendant des siècles, les tentatives de synchronisation des calendriers avec la durée naturelle d’une année ont semé le chaos, jusqu'à ce que le concept d'année bissextile permette de rattraper le temps perdu.

« En réalité, le nombre de révolutions de la Terre autour de son axe, appelées jours, n'est aucunement lié au temps que met la Terre à faire le tour du soleil », explique John Lowe, qui a dirigé la division Time & Frequency (Temps et fréquence) du National Institute of Standards and Technology (NIST) (Institut national des normes et de la technologie, aux États-Unis) jusqu'à son départ à la retraite.

Une année solaire compte environ 365, 2422 jours. Aucun calendrier composé de jours entiers ne peut correspondre à ce chiffre. Pourtant, il est primordial de prendre cette fraction, en apparence minime, en compte si l’on veut éviter un problème bien plus important qu'on ne pourrait le soupçonner.

L’humain a longtemps organisé sa vie en fonction de ce qu'il observait dans le ciel. Chaque année, les Égyptiens de l'Antiquité semaient leurs cultures pendant la nuit où l'étoile la plus brillante disparaissait. Les historiens de la Grèce et de la Rome antiques s'appuyaient également sur la position des étoiles pour ancrer les événements dans le temps. Les chefs religieux faisaient en sorte que les jours de fête soient alignés sur certaines saisons et phases lunaires.

Ceci explique pourquoi le monde moderne a adopté le calendrier grégorien et son système d’années bissextiles, qui permet aux jours et aux mois d’être synchronisés avec les saisons. « Nous avons créé un calendrier proche de la réalité, mais pour qu’il fonctionne, il faut avoir recours à ces jours intercalaires dont les règles sont un peu étranges », explique Lowe. 

 

DES TECHNIQUES ANCIENNES DE MESURE DU TEMPS

Les premiers Égyptiens, avant environ 3 100 avant notre ère, ainsi que d’autres sociétés, de la Chine à Rome, mesuraient le temps avec le calendrier lunaire.

Cependant, les mois lunaires comptent en moyenne 29,5 jours, ce qui crée des années de seulement 354 jours. Par conséquent, les sociétés qui appliquaient l'heure lunaire se sont rapidement désynchronisées des saisons en raison du décalage de onze jours.

D'autres calendriers anciens, remontant aux Sumériens, soit il y a 5 000 ans, divisaient simplement l'année en douze mois de trente jours chacun. Leur année de 360 jours était presque une semaine plus courte que notre voyage annuel autour du soleil.

La pratique consistant à ajouter quelques jours à l'année est au moins aussi ancienne que ce type de systèmes.

« Lorsque les Égyptiens ont adopté ce calendrier, ils savaient qu'il y avait un problème », explique Lowe. Alors « ils ont simplement ajouté cinq jours de festivals et de fêtes, à la fin de l'année. »

 

L’ANNUS CONFUSIONIS DE JULES CÉSAR

À l'époque de la célèbre liaison de Jules César avec Cléopâtre, le calendrier lunaire de Rome s'était décalé des saisons d'environ trois mois et ce malgré les efforts déployés pour le modifier en ajoutant des jours ou des mois à l'année de façon irrégulière.

Afin de rétablir l'ordre, César se tourna vers l'année égyptienne de 365 jours qui, dès le 3e siècle avant notre ère, avait établi l'utilité d'un système d'année bissextile tous les quatre ans dans le but de corriger ce type de décalage.

César adopta ce procédé en décrétant une seule « annus confusionis » de 445 jours, en 46 av. J.-C., pour remédier, en une seule fois, aux longues années de dérive. Il imposa ensuite une année de 365,25 jours qui consistait simplement à ajouter un jour intercalaire tous les quatre ans.

Cependant, ce système aussi était imparfait, car le quart de jour que l'année bissextile ajoute chaque année est un peu plus long que le 0, 242 jour restant de l'année solaire. L'année civile était donc plus courte de onze minutes que l'année solaire, de sorte que les deux années divergeaient d'un jour entier tous les 128 ans.

« Il s'avère qu'ajouter un jour tous les quatre ans est un peu excessif », explique James Evans, physicien à l'université de Puget Sound et rédacteur en chef du Journal for the History of Astronomy

 

LES RÉFORMES DES JOURS INTERCALAIRES

Entre le moment où César introduisit le système et le 16e siècle, ce petit écart décala les dates importantes, notamment les fêtes chrétiennes, d'une dizaine de jours.

Le pape Grégoire XIII jugea la situation inacceptable et dévoila son calendrier grégorien en 1582, après une nouvelle adoption radicale de tactiques de torsion du temps.

« Cette année-là, Grégoire réforma le calendrier et supprima dix jours du mois d'octobre », explique Evans. « Il modifia ensuite les règles relatives aux jours intercalaires pour corriger le problème. »

Aujourd’hui, on ignore les années bissextiles divisibles par 100, comme l'année 1900, sauf si elles sont également divisibles par 400, comme l'année 2000, auquel cas on les prend en compte. Personne ne se souvient du dernier jour intercalaire ignoré, mais l'abandon de ces trois jours tous les 400 ans permet au calendrier de perdurer.

 

DES CALENDRIERS MODERNES QUI PRÉSENTENT UNE ALTERNATIVE

Aujourd'hui encore, certains calendriers ne tiennent pas compte de l'année bissextile destinée à nous faire coïncider avec notre orbite et d'autres ignorent complètement le soleil.

Le calendrier islamique est un système lunaire qui ne comprend que 354 jours et avec un décalage de onze jours chaque année par rapport au calendrier grégorien, bien qu'on y ajoute parfois un seul jour intercalaire.

Si officiellement, la Chine utilise le calendrier grégorien, son calendrier lunisolaire traditionnel est toujours d’usage dans la vie de tous les jours. Il suit les phases de la lune et comporte un mois intercalaire tous les trois ans environ.

« Il n'y a rien de sacro-saint dans le fait de caler un calendrier sur l'année solaire comme le fait le nôtre », explique Evans. « Les humains pourraient s'habituer à n'importe quel système de calendrier, mais une fois qu'ils s'y sont habitués, ils n’aiment pas qu’on le modifie. »

 

DE FUTURES COMPLICATIONS 

Le système actuel du calendrier grégorien, qui saute occasionnellement un jour intercalaire, rend presque égales les fractions de jours de l'année solaire et du calendrier des années bissextiles. 

Ce système considère qu’une année moyenne comprendrait 365, 2425 jours, soit une demi-minute de plus que l'année solaire. À ce rythme, il faudra attendre 3 300 ans avant que le calendrier grégorien ne s'écarte d'un seul jour de notre cycle saisonnier.

Cela signifie que les générations futures auront une décision à prendre concernant l'année bissextile. Toutefois, ce moment surviendra dans un certain temps.

« Dans 3 000 ans, les humains décideront peut-être de la modifier », explique Lowe. « Seul l’avenir nous le dira. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

☐ ☆ ✇ National Geographic

Vaccins : comment les adjuvants stimulent-ils notre système immunitaire ?

Par : National Geographic — 28 février 2024 à 16:54

Dans les années 1920, le vétérinaire français Gaston Ramon a fait une curieuse découverte en étudiant les vaccins contre la diphtérie : l'ajout de chapelure, de tapioca ou d'autres ingrédients quelconques semblait améliorer leur efficacité.

Adjuvant, c'est le nom donné par le Dr Ramon à ces additifs, un terme dérivé du latin « adjuver », qui signifie « aider ». De nos jours, il en existe environ une dizaine utilisés dans divers vaccins ; et les scientifiques continuent d'étudier la façon dont ces petites mains prennent le contrôle du système immunitaire pour optimiser l'inflammation. D'après les experts, la recherche pourrait nous offrir une nouvelle génération de vaccins capables de combattre un plus grand nombre de maladies, plus longtemps.

Le fonctionnement des vaccins repose déjà sur la stimulation des processus inflammatoires pour lutter contre les infections, rappelle Bali Pulendran, immunologiste à l'université Stanford de Palo Alto, en Californie. Les adjuvants poussent le processus un peu plus loin en aidant notre organisme à moduler l'inflammation : « Ni trop ni trop peu, le bon type d'inflammation au bon endroit » déclare Pulendran. « C'est là toute la magie des adjuvants. »

 

INCENDIE SOUS CONTRÔLE

Le principe fondamental du vaccin est d'imiter la maladie contre laquelle il est censé vous protéger afin de déclencher une certaine réponse du système immunitaire, indique Larry Corey, expert en virologie, immunologie et développement de vaccin au Fred Hutchinson Cancer Center de Seattle. Pour cela, bon nombre de vaccins font appel à une version inactive ou affaiblie de l'agent infectieux, ou à un fragment toxique de celui-ci, le tout dilué dans une solution injectable. Une fois injecté, généralement dans le bras, le vaccin déclenche une réponse du système immunitaire dès que l'agent perturbateur, connu sous le nom d'antigène, pénètre dans l'organisme. Pour un antigène inconnu de l'organisme, il faut environ deux semaines pour mobiliser une réponse mesurable.

La réponse immédiate à un antigène étranger correspond à l'immunité innée ; elle implique des cellules spécialisées, comme les cellules dendritiques et les monocytes, qui libèrent des cytokines, des prostaglandines et d'autres protéines à l'origine des processus inflammatoires, indique Corey. Cette inflammation immédiate se manifeste par une douleur, un gonflement ou une rougeur au niveau du site d'injection. Il arrive également que le patient se sente malade dans les jours qui suivent.

Pendant ce temps-là, les cellules immunitaires transportent l'antigène du vaccin vers les ganglions lymphatiques voisins, ce qui déclenche une réponse immunitaire « adaptative », plus durable, pendant laquelle des cellules hautement spécialisées, comme les lymphocytes T et B, produisent des anticorps et développent une mémoire de l'antigène. Comme nous l'explique Corey, c'est grâce à ce système immunitaire adaptatif que la protection peut durer plusieurs mois, voire plusieurs décennies.

Qu'elle soit innée ou adaptative, la réponse immunitaire repose sur les processus inflammatoires et les vaccins sont précisément conçus pour induire la juste dose d'inflammation. « La vaccination est une forme d'inflammation », résume Corey. « L'objectif est de déclencher une réponse immunitaire contre un antigène inconnu de manière contrôlée pour vous éviter de tomber malade. »

BESOIN D'AIDE

Certains vaccins parviennent à conférer une immunité simplement en présentant au système immunitaire un fragment de l'agent infectieux ciblé, c'est notamment le cas des vaccins contre les méningocoques. Toutefois, il existe des maladies pour lesquelles le développement de vaccins est particulièrement difficile. Le VIH, par exemple, utilise différentes stratégies pour échapper à la reconnaissance par les cellules immunitaires et enrayer leur contre-attaque. La grippe et le SARS-CoV-2 évoluent en variants pour se soustraire à cette même reconnaissance immunitaire. Le parasite à l'origine du paludisme présente une histoire complexe et ses impacts sur le système immunitaire soulèvent encore de nombreuses questions.

Afin de mettre au point des vaccins contre ces agents infectieux et d'autres rois de l'évasion, les scientifiques exploitent les subtilités de notre système immunitaire, dont la plupart restent entourées de mystères. Ainsi, pour les virus en perpétuelle évolution comme le SARS-CoV-2 et la grippe, certains chercheurs travaillent sur des vaccins universels qui parviendraient à reconnaître les parties des antigènes qui restent stables alors que leur voisinage mute pour produire de nouvelles souches.

Les adjuvants jouent un rôle majeur dans les efforts visant à contrôler l'inflammation à l'aide des vaccins, notamment grâce aux travaux datant de l'époque du Dr Ramon. La découverte du vétérinaire est née d'une procédure commune pour l'époque. Pendant des décennies, la méthode scientifique impliquait d'injecter à un cheval une toxine issue de la bactérie responsable de la diphtérie pour induire une réponse immunitaire. Ils prélevaient ensuite le sang du cheval, désormais chargé d'anticorps, et en utilisaient le sérum pour soigner les malades.

Au cours de ses recherches, le Dr Ramon a fait le constat suivant : lorsque les chevaux développaient une infection autour du site d'injection, ils produisaient un sérum antidiphtérique plus puissant. Il a alors eu l'idée d'ajouter de la chapelure et d'autres éléments aux vaccins pour stimuler la réaction inflammatoire et renforcer l'immunité.

À la même période, l'immunologiste britannique Alexander Glenny, qui travaillait également sur les injections de toxine diphtérique, a découvert qu'il pouvait accentuer leurs effets chez le lapin en ajoutant des sels d'aluminium. L'aluminium était le premier adjuvant intégré à des vaccins homologués aux États-Unis et le seul utilisé en continu dans ces vaccins pendant les 70 années qui ont suivi. De nos jours, il reste l'adjuvant le plus répandu, indique Pulendran, comptabilisant plusieurs milliards de doses à son actif.

La biologie des adjuvants a connu un nouvel essor au milieu des années 1990 avec la découverte sur les cellules immunitaires innées de récepteurs agissant tel « le sixième sens de notre organisme », comme l'illustre Pulendran, en référence à leur capacité à reconnaître des fragments d'envahisseurs infectieux, à initier une réponse inflammatoire et à stimuler le système immunitaire adaptatif. Cette découverte a également permis aux scientifiques de commencer à cibler des récepteurs spécifiques, ce qui a mené au développement d'au moins une demi-douzaine d'adjuvants supplémentaires. L'un d'entre eux est un lipide incolore appelé squalène parfois complété de vitamine E ou d'autres ingrédients et notamment utilisé dans le vaccin antigrippal Fluad, homologué chez l'adulte âgé de 65 ans ou plus en France. Autre cas, un adjuvant entrant dans la composition du vaccin Shingrix contre le zona est quant à lui issu du bois de Panama.

ADJUVANTS DU FUTUR

À l'heure actuelle, certains adjuvants sont mieux compris que d'autres par les chercheurs, témoigne Darrell Irvine, immunologiste au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge, aux États-Unis. Parfois, leur découverte est accidentelle, comme celle du Dr Ramon. Par exemple, les vaccins à ARNm produits par Pfizer et Moderna intègrent un ingrédient, les nanoparticules lipidiques, qui semble se comporter comme un adjuvant selon des mécanismes encore à l'étude. Certains adjuvants sont sélectionnés de manière plus intentionnelle. Ainsi, pour le vaccin Shingrix, les scientifiques ont incorporé une molécule qui compose certains types de bactéries infectieuses.

« Votre système immunitaire est entraîné pour reconnaître cette molécule et produire un certain type d'inflammation lorsqu'elle se présente », indique Irvine. « Cela revient à tromper votre système immunitaire en lui disant : "Il y a un danger et c'est peut-être une bactérie. Tu devrais déclencher une réponse immunitaire." »

Un jour, les adjuvants pourraient être en mesure de reprogrammer l'activité génétique des cellules immunitaires pour combattre simultanément une multitude de maladies au lieu de se concentrer sur une cible unique, comme le fait un vaccin classique, indique Pulendran, qui travaille actuellement sur la technique. Différentes études, dont celle menée dans son laboratoire, suggèrent que cette alternative est possible.

Ainsi, d'après diverses études impliquant des sujets murins et humains, le vaccin BCG conçu pour la tuberculose pourrait protéger contre la grippe, les candidoses, les infections à staphylocoques et les infections respiratoires. De plus, les chercheurs étudient actuellement son utilité contre la COVID.

En s'appuyant sur ces travaux, ainsi que sur les données attestant de la présence des molécules inflammatoires associées à ces réactions, plusieurs groupes de recherche développent actuellement des adjuvants visant à introduire sur le long terme de faibles niveaux d'immunité antivirale, telles des braises qui conserveraient un semblant de chaleur plusieurs semaines à plusieurs mois dans le but de renforcer notre résistance à toutes sortes d'intrus. « C'est un peu comme une inflammation sans virus qui pourrait contribuer à la lutte contre diverses infections » précise Pulendra, dont l'équipe travaille également sur le sujet. « Ces adjuvants permettent de maintenir les braises de la bonne inflammation à un niveau tolérable, pas trop intense. »

 

LE CANCER EN LIGNE DE MIRE

La recherche portant sur les adjuvants qui contrôlent l'inflammation de manière précise ouvre la voie au développement de vaccins pour des maladies jusqu'à présent exclues du champ des possibles offert par la vaccination, notamment les cancers, souligne Irvine. Des essais actuellement menés sur les vaccins à ARNm pour le mélanome et le cancer du pancréas suggèrent que l'association d'adjuvants et de protéines produites par la propre tumeur du patient pourrait aider l'organisme à développer une immunité contre le cancer. « Nous ne disposons pas de vaccins thérapeutiques réellement efficaces contre le cancer à ce stade, mais ils pourraient voir le jour », assure-t-il. « Les données récentes sont prometteuses. »

Derrière ces efforts pour concevoir de meilleurs adjuvants et nous protéger de la maladie se cache une idée simple : pour vaincre une affection, notre organisme doit produire juste ce qu'il faut d'inflammation pour combattre l'infection sans nous rendre extrêmement malades. Si notre système immunitaire est incapable de parvenir seul à cet équilibre, pourquoi ne pas créer des solutions qui l'aident à y parvenir ?

Comme le reconnaissent les spécialistes, les adjuvants du futur vont probablement évoluer au gré de notre compréhension des mécanismes de l'inflammation. À terme, ils pourraient nous aider à enrayer les maladies qui tourmentent l'humanité depuis bien trop longtemps : le VIH, le paludisme, les nouvelles souches de grippe ou de SARS-CoV-2… et celles qui émergeront entretemps.

« La recherche actuelle sur les vaccins est axée autour d'une seule et même question : comment produire la juste dose d'inflammation, au bon endroit, de façon à stimuler la réponse immunitaire sans occasionner de sentiment d'infection chez le patient ? » interroge Irvine. « Les adjuvants joueront probablement un rôle majeur dans le développement de vaccins pour certains des scénarios les plus complexes. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

❌