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Air France, terrifiant cas d’école (éditorial paru dans l’édition du 03/07/20)

Par : pierre

Que du bonheur. Dans quelques jours, la direction d’Air France va confirmer entre 8 000 et 10 000 suppressions d’emploi. Celle du groupe Airbus devrait emboîter le pas – normal, pourquoi construire des avions si l’on vole de moins en moins ? Ces jours-ci encore, le constructeur automobile allemand BMW programme 6 000 départs. De même, après Renault, c’est Renault Trucks (filiale poids lourd du suédois Volvo) qui devrait « dégraisser », notamment en France. Globalement, la production dans la zone euro est prévue pour chuter de plus de 10% cette année.

Champagne, donc, pour les partisans de la décroissance. Champagne pour les adversaires des poids lourds et des « bagnoles au diesel », celle de « Jojo le Gilet jaune » en particulier dont Emmanuel Macron se moquait naguère avec une si élégante morgue de classe. Champagne pour ceux qui rêvent d’en finir avec « l’aviation de masse », sans doute pour mieux revenir à l’aviation d’élite.

Le cas d’Air France est emblématique. Certes, comme ses consoeurs, la compagnie nationale a subi un choc violent du fait du confinement. Mais les sept milliards d’argent public qu’elle va percevoir pourraient parfaitement permettre d’attendre, avec l’ensemble du personnel, le retour de la pleine activité. Las, le transporteur aérien est pris entre deux feux convergents. D’un côté, une politique qui entend rendre l’entreprise plus « compétitive », moyennant des plans de restructuration antérieurs à l’apparition du virus. Le nouveau PDG avait été choisi avec une mission simple : plus de rentabilité, avec plus de remplissage sur bien moins de liaisons. Et d’autre part, les talibans du climat, qui voient le kérosène comme le symbole de l’apocalypse. Comme le hasard fait décidément bien les choses, ladite « convention citoyenne » – un des plus abominables exemples dans l’histoire des manipulations idéologiques d’Etat – propose l’abolition des vols courts courriers, une idée que le gouvernement s’est bien sûr empressé de reprendre. Au vol.

Voilà à l’état chimiquement pur l’illustration des fariboles de tous ceux – ils sont nombreux – qui prétendent pouvoir conjuguer écologie et social : comment justifier de garder l’ensemble du personnel – navigant, au sol, de maintenance – dès lors que la plupart des lignes intérieures sont rayées d’un trait de plume (et ce n’est qu’une étape) ? Ah, mais il y a aussi les « emplois verts »… Car naturellement, on va reconvertir toutes les hôtesses en poseuses de carreaux isolants, les techniciens motoristes en nettoyeurs de panneaux photoélectriques, et les pilotes en « auxiliaires de vie » dont nos anciens ont tant besoin…

Mais il n’y aura pas de « licenciement sec » argue-t-on du côté de Bercy. Et alors ? Un emploi supprimé, c’est, au bout du compte, toujours un chômeur en plus, bien souvent un jeune qui voit se boucher sa perspective de vie.

L’aérien n’est qu’un exemple. Dans la ligne de mire, et même déjà sous le feu, figurent l’automobile, donc, mais aussi la sidérurgie, les raffineries, la chimie, et tant d’autres secteurs pas assez « verts ». Ceux-ci ne disparaîtront pas (heureusement), mais seront (et sont déjà) accueillis sous des cieux plus cléments. La seule Chine (1,4 milliards d’habitants) prévoit un quadruplement de l’activité aérienne d’ici quinze ans. Mais, bien sûr, supprimer les vols Paris-Bordeaux va sauver la planète…

Moins loin, moins vite, moins haut – telle semble être l’ambition d’un système en bout de course, incapable d’envisager l’avenir de manière conquérante

Il faudrait ainsi « consommer moins, produire moins et donc travailler moins », selon la formule initiale de ladite Convention citoyenne traduisant ainsi l’air (idéologiquement irrespirable) du temps. Moins loin, moins vite, moins haut – telle semble être l’ambition d’un système en bout de course, incapable d’envisager l’avenir de manière conquérante. Comment s’étonner que ce soient les plus éminents représentants dudit système qui plaident le plus vigoureusement pour la « transition écologique », comme le fait un appel tout récent de banquiers centraux (dont le gouverneur de la Banque de France), ou bien le patron du Medef ?

Le chef de la confédération syndicale européenne IndustriAll alertait récemment : le « Pacte vert » promu par la Commission européenne menace onze millions d’emplois directs dans l’UE. Onze millions. Et le « plan de relance » de la Commission européenne prévoit de rajouter 30 milliards au « Fonds de transition juste », censé indemniser les régions qui seront sinistrées. Cela donne une idée du massacre à venir.

A moins que le peuple des ronds-points ne surgisse à nouveau. Et ne fasse, pour de bon, changer le climat. Social.

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Die Doppelverordnung der Untergangspropheten (Leitartikel in der April-Ausgabe von Ruptures)

Par : pierre

Noch mehr Europa. Noch mehr Grün. Es ist das doppelte Wundermittel, das die herrschende Ideologie unablässig für das « Danach » propagiert. Jeden Tag werden leidenschaftliche – aber doch eher verzweifelte – Texte von « großen Intellektuellen » oder « Aktivisten für eine nachhaltige Zukunft » in der französischen Presse publiziert, die meinen, die Epidemie liefere den unwiderlegbaren Beweis für ihre schon längst erstellten Dogmen. Der öffentlich-rechtliche Sender France 2 hat sich in dieser Hinsicht selbst übertroffen, als er, mit dem Präsidenten der Europäischen Kommission als Ehrengast, am 16. April eine Sondersendung ausstrahlte, in der der liberal-ökologische Konsens bis zum Überdruss zelebriert wurde.

Im gleichen Geist appellieren ein gutes Dutzend europäischer Umweltminister: Wir müssen uns « der Versuchung widersetzen, kurzfristige Lösungen zu finden, die die Wirtschaft der EU auf Kohlenstoffbasis belässt« . Kurz gesagt, keine wirtschaftliche Wiederbelebung, wenn sie Öl benötigt. Pech eben für den europäischen Automobilmarkt, der schon im März um 55 % zurückgegangen ist, mit allen Folgen, die sich daraus für die Beschäftigung ergeben könnten. Ganz zu schweigen von der Stahlindustrie: In Fos-sur-Mer, in der Nähe von Marseille, wurden zum Beispiel die Hochöfen stillgelegt – « vorübergehend », wie es offiziell heißt.

Gleichzeitig wurde eine charmante europäische Koalition rund um einen Text geknüpft, die « politische Entscheidungsträger, Führungskräfte aus Wirtschaft und Finanzen, Gewerkschaften und NGOs » beschwört, eine « grüne » wirtschaftliche Wiederbelebung anzustreben. Zu den Unterzeichnern gehören u.a. die französische Umweltministerin und ihre deutsche Kollegin, Laurent Berger als Präsident des Europäischen Gewerkschaftsbundes (er ist auch Vorsitzender der französischen CFDT), die Vorsitzenden der sozialdemokratischen, grünen und liberalen Fraktionen im Europarlament, führende Vertreter von NGOs, sowie 37 Generaldirektoren von Großunternehmen wie Renault, Unilever, Danone, L’Oreal und Ikea.

Sicherlich zufällig erschien auf deutscher Seite am 27. April ein Appell mit der gleichen Forderung, unterzeichnet von mehr als sechzig Chefs der größten Unternehmen, darunter bekannte Freunde der Arbeiterklasse: Thyssen-Krupp, Bayer-Monsanto, Allianz und Deutsche Telekom.

In einem anderen Text verkünden Dutzende von Persönlichkeiten, die sich seit langem für die EU einsetzen, feierlich: « Die Zeit ist reif für einen neuen europäischen Patriotismus« . Es ist erstaunlich, wie das unglückliche Virus die Phantasie anregen kann… Die EU sei « zum Schutz der Bürger da » lautet die « erste Botschaft » der Autoren, und die « zweite Botschaft« , die EU garantiere « Einheit, Stärke und Stabilität« , insbesondere für die Eurozone. Hätte denn irgendjemand Zweifel?

« diese Krise muss in einen heilsamen Schock verwandelt werden, den wir so dringend brauchen » – General Vincent Desportes

Eine besondere Auszeichnung geht an einen französischen General. Der inzwischen pensionierte Vincent Desportes, kritisierte in der Le Monde vom 15. April « die Erhöhung der Ausgaben für Sozialleistungen und den sozialen Frieden », die bis heute schwer auf Europa lasten würde. Offensichtlich hat sich der Alte Kontinent und insbesondere Frankreich bisher in ausschweifender Kaufkraft geaalt. Nun, für den ehemaligen Direktor der französischen Kriegsschule muss « diese Krise in einen heilsamen Schock verwandelt werden, den wir so dringend brauchen« . Man wird wohl die letzten Worte zu schätzen wissen.

Dem hochrangigen Offizier kommt das Verdienst zu, das Wesen des liberal-ökologisch-reaktionären Denkens unverblümt auszudrücken: « Der Mythos des ewigen Fortschritts ist gerade zusammengebrochen« . Das geniale Virus brachte ihm eine zweite « Offenbarung » « Europa (…) ist nicht immun gegen die Welt: Weder die Wissenschaft, noch die Zivilisation und noch weniger unsere nationalen Rückzugsgebiete machen uns unverwundbar« . Die Assoziation dieser drei Plagen in ein und demselben Satz ist schon auffällig.

Seine Schlussfolgerung à la Macron: Europa muss seine « strategische Autonomie » zurückgewinnen (nanu, warum « zurück »?). Der ehemalige Absolvent des United States Army War College hat den Glauben an Uncle Sam verloren: « Der Gefreite Ryan wird nie wieder zurückkehren, um an den Stränden Frankreichs zu sterben ». Eine « strategische Autonomie » sei in Zukunft unabdingbar, vor allem wegen des « Zivilisationsniveaus » in Europa, das für den General offenbar höherwertig ist als jenes in anderen Regionen der Welt – wenn denn seine Worte irgendeinen Sinn ergeben sollen.

Der Weg ist also vorgegeben: Unsere Nationen müssen « ein bisschen Souveränität gegen die Schaffung einer autonomen Konföderation eintauschen« , die zu « einer europäischen Souveränität mit respektierten, aber begrenzten nationalen Souveränitäten » führt. Mit « ein bisschen Souveränität » (sic!) eine « begrenzte Souveränität » (sic!) zu erlangen – das verdient es sicherlich, der Nachwelt überliefert zu werden.

Einstweilig beendet Vincent Desportes seinen Tagesbefehl mit einer Anweisung, die keinen Ungehorsam duldet: « Ein bisschen Haltung, Europa! Ein bisschen Stolz, Europa!« .

Machen Sie sich etwa Sorgen um die Moral der Truppen, Herr General?

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La double injonction des prophètes de malheur (éditorial de l’édition d’avril)

Par : pierre

Editorial paru dans l’édition de Ruptures du 28 avril (les abonnés qui n’auraient pas encore reçu cette édition peuvent signaler ce dysfonctionnement postal par un message au journal).

Encore plus d’Europe. Encore plus de vert. Voilà la double recette miracle assénée sans relâche par l’idéologie dominante pour penser « l’après ». Chaque jour paraissent des textes enflammés – en réalité désespérés – de « grands intellectuels » ou de « militants de l’avenir durable » qui croient voir dans l’épidémie la preuve irréfutable de leurs dogmes préexistants. La chaîne de service public France 2 s’est à cet égard surpassée en diffusant, le 16 avril, une émission spéciale où le consensus libéralo-environnemental ruisselait jusqu’à l’écoeurement, avec comme invitée d’honneur la présidente de la Commission européenne.

On relèvera dans le même esprit l’appel lancé par une bonne douzaine de ministres européens de l’environnement : il faut résister, supplient-ils, à « la tentation de solutions de court terme qui maintiendraient l’Union dans une économie carbonée ». Bref, pas de relance si cela doit consommer du pétrole. Et tant pis pour le marché automobile, qui a chuté en mars de 55% (de 72% en France), avec toutes les conséquences pour l’emploi qui pourraient s’en suivre. Pour ne rien dire de la sidérurgie, de Fos sur Mer par exemple, dont les hauts-fourneaux ont été arrêtés, officiellement provisoirement.

Au même moment, une charmante alliance européenne s’est nouée autour d’un texte exhortant « les décideurs politiques, les chefs d’entreprise et les dirigeants financiers, de syndicats, d’ONG » à viser une « relance verte ». Outre l’eurodéputé Vert Pascal Canfin, on trouve parmi les signataires le ministre français de la transition écologique ainsi que sa collègue allemande, Laurent Berger en sa double qualité de patron de la CFDT et de la Confédération européenne des syndicats, les présidents des groupes socialiste, Vert et libéral à l’europarlement, des responsables d’ONG, ainsi que trente-sept PDG, dont ceux de Renault, d’Unilever, de Danone, de L’Oreal ou d’Ikea.

Dans un autre texte, plusieurs dizaines de personnalités engagées de longue date en faveur de l’UE claironnent solennellement : « le temps est venu d’un nouveau patriotisme européen ». C’est fou ce que le malheureux virus peut stimuler les imaginations. Pour les auteurs, « le premier message » est que l’UE « est là pour protéger » ; et le second est qu’elle « garantit l’unité, la force et la stabilité », notamment pour la zone euro. Il y aurait un doute ?

Pour le général Vincent Desportes, il faut « transformer cette crise en choc salutaire dont nous avions tant besoin »

Palme spéciale pour le général Vincent Desportes qui dénonce, dans les colonnes du Monde (15/04/20) « l’augmentation des dépenses et de la paix sociales » qui a plombé l’Europe jusqu’à présent. Sans doute le Vieux Continent et la France en particulier se gobergeaient-ils jusqu’ici dans une débauche de pouvoir d’achat. Eh bien, pour l’ancien directeur de l’Ecole de guerre, il faut « transformer cette crise en choc salutaire dont nous avions tant besoin ». On savourera ces derniers mots.

Le tragique troupier galonné a le mérite d’exprimer sans détour l’essence de la pensée libéralo-environnementalo-réactionnaire : « le mythe du progrès perpétuel vient de s’effondrer ». Deuxième « révélation » qu’a permis le virus, décidément bien inspiré : « l’Europe (…) n’est pas à l’abri du monde : ni la science, ni la civilisation et encore moins nos repliements nationaux ne nous rendent invulnérables ». On remarquera l’association dans la même phrase de ces trois fléaux.

D’où la très macronienne conclusion : l’Europe doit reconquérir son « autonomie stratégique » (tiens, pourquoi « re » ?). C’est que l’ancien diplômé du Collège militaire US a perdu foi dans l’Oncle Sam : « le soldat Ryan ne reviendra plus jamais mourir sur les plages de France ». Une « autonomie stratégique » qui s’impose, à l’avenir, notamment du fait du « niveau de civilisation » européen. Que le général juge sans doute supérieur aux autres contrées du globe, si les mots ont un sens.

Le chemin est tout tracé : il faut que nos nations « échangent un peu de souveraineté contre l’édification d’une confédération autonome », le tout menant à « une souveraineté européenne forte de souverainetés nationales respectées mais contenues ». Ce troc d’« un peu de souveraineté » (sic !) aboutissant à une « souveraineté contenue » (re-sic !) mérite assurément de passer à la postérité.

En attendant, l’adjudant-chef Desportes termine son ordre du jour comminatoire par une consigne à laquelle il n’est pas question de désobéir : « un peu de bon sens, l’Europe !, un peu de tenue, l’Europe !, un peu de fierté, l’Europe ! ».

On s’inquiète du moral des troupes, mon général ?

 

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Des deux côtés du Rhin, les agriculteurs font entendre leur colère et leur détresse

Par : pierre

A Paris comme à Berlin, des dizaines de milliers de paysans ont manifesté contre les interdictions et règlements édictés à Bruxelles qui sacrifient leur avenir au nom de l’environnement, ainsi que contre les traités de libre échange.

Coup sur coup, les agriculteurs allemands puis français, se sont fait entendre, respectivement les mardi 26 et mercredi 27 novembre. Des deux côtés du Rhin, l’exaspération, la détresse et les revendications qui en découlent sont comparables. D’autant que, bien souvent, ce sont des décisions prises au niveau de l’Union européenne qui en constituent les causes.

A Berlin, 8 600 tracteurs – selon la police – ont convergé vers la Potsdamer Platz, soit 40 000 agriculteurs venus exprimer leur colère et le sentiment qu’on leur vole leur avenir. Parmi leurs slogans : « agriculteurs ruinés, nourriture importée ». Les nouvelles contraintes, règles et interdictions décidées à Bruxelles menacent gravement un secteur dont le rôle premier est pourtant de nourrir la population. Sauf à accepter que l’avenir soit à une mondialisation toujours plus poussée, de l’importation de pommes du Chili à celles de viande bovine d’Argentine.

Les paysans allemands avaient déjà manifesté deux fois récemment, après une étincelle qui avait mis le feu aux poudres : l’annonce par le gouvernement fédéral du « plan de protection des insectes » prévoyant la restriction ou l’élimination de produits chimiques (herbicides, insecticides, engrais…). Or la libre circulation des marchandises met les agriculteurs du pays en concurrence avec des Etats où ce type de contrainte n’existe pas.

Le plan, annoncé en septembre, avait été adopté notamment après que la Commission européenne eut lancé une deuxième procédure d’infraction contre l’Allemagne, sommée de réduire le niveau de nitrates dans les eaux souterraines.

Plus généralement, la pression monte de la part des lobbys écologistes qui érigent la « protection de la nature » en valeur suprême. Au point que les paysans sont l’objet d’accusations et de vindicte de la part de certains secteurs de l’opinion, souvent les classes aisées des grandes villes, bien moins fréquemment au sein des milieux populaires.

Situation comparable en France

La situation est comparable en France, où les paysans se sentent de plus en plus les mal-aimés. En réalité, les grands médias ne cessent de dépeindre des sociétés, des deux côtés du Rhin, soulevées par une vague verte. Il faudrait donc ne rien refuser à celle-ci, pour des raisons tant idéologiques qu’électoralistes.

Cette discrimination contre le monde agricole est particulièrement mal vécue au moment où des centaines de milliers de petites exploitations sont menacées de faillite

Cette discrimination montante contre le monde agricole est particulièrement mal vécue au moment où des centaines de milliers de petites exploitations sont menacées de faillite, et où, en moyenne, un paysan par jour met fin à ses jours, acculé par des difficultés infernales. Des films, sortis récemment dans l’Hexagone, illustrent cette situation dramatique (Au nom de la terre, Petit paysan). Le succès populaire de ces œuvres laisse à penser que la mise en accusation des agriculteurs est loin d’être unanime.

C’est notamment avec cela en tête que les agriculteurs français ont manifesté dans plusieurs villes, le 27 novembre. A Paris, entre 800 et 900 tracteurs ont bloqué le boulevard périphérique, puis les Champs-Elysées, et même déversé du foin devant le très select restaurant Le Fouquet’s.

Là encore, c’est l’injustice qui a été dénoncée, matérialisée par des contraintes imposées, alors que des produits agricoles sont importés massivement. Les récents traités de libre échange signés par l’Union européenne (avec le Canada, avec le Mercosur…) étaient particulièrement en ligne de mire des manifestants.

En outre, une loi mise en place en début d’année censée rééquilibrer les revenus entre producteurs, transformateurs et grande distribution, n’a pour l’instant pas montré de résultats tangibles. Fondamentalement, les agriculteurs, des deux côtés du Rhin, ont une exigence centrale : pouvoir vivre de leur travail.

Et ne pas servir de boucs émissaires. Notamment de la part de ceux qui répandent les pétitions pour « sauver les abeilles » (comme en Bavière récemment), un mot d’ordre qui semble les intéresser plus que « sauver les paysans ».

Une même opposition était apparue il y a quelques mois en France, lorsque le gouvernement avait voulu introduire une taxe sur le carburant au nom de l’environnement. Ce qui a provoqué un clivage entre ceux qui sont angoissés par « la fin du monde », et ceux qui s’inquiètent plutôt de « la fin du mois ».

Et ce fut le mouvement des Gilets jaunes…

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Gilets jaunes : la genèse d’un mouvement qui pourrait marquer l’Histoire de la France

Par : fabien

Beaucoup de commentateurs croient déjà pouvoir savourer l’enterrement des Gilets jaunes. C’est sans doute aller un peu vite en besogne. Quoi qu’il en soit, il n’est pas trop tôt pour revenir sur les traits saillants et inédits de ce mouvement, ainsi que sur les enjeux dont il est porteur.

Lire aussi : Des Gilets jaunes à l’ « empire européen » (éditorial paru dans l’édition du 28 novembre)

Le soulèvement…

Le 17 novembre 2018 a marqué le premier acte de mobilisation nationale du mouvement citoyen des Gilets jaunes. A la fin de cette journée, l’exécutif annonçait qu’à son pic, la mobilisation avait rassemblé 282 700 manifestants dans tout le pays. Un chiffre qui a laissé perplexe, puisqu’il correspondait à une moyenne de 62 participants par point de blocage sur tout le territoire…

Péages d’autoroute, ronds-points ou encore parkings de centre commerciaux : une partie du peuple vêtu de jaune venait ainsi d’investir, de façon inédite, la « rue » et nombre de ses points stratégiques, un peu partout sur l’Hexagone.

Le gouvernement ne bouge pas d'un iota après la mobilisation du #17Novembre #GiletsJaunes https://t.co/5SB2dLbwZw pic.twitter.com/HkInmWKX02

— Marianne (@MarianneleMag) November 18, 2018

Une colère plus forte que les tentatives de la récupérer ou de la calmer

C’est une taxe écologique qui a mis le feu aux poudres. Mais la colère populaire s’est avérée bien plus profonde, comme en témoigne une première liste de revendications « officielle » diffusée dès le 29 novembre. Spontanée et luxuriante dans sa forme, celle-ci pointe des enjeux fondamentaux. Elle s’en prend explicitement aux politiques menées ces dernières décennies par les gouvernements successifs.

Les « abandonnés de la mondialisation » ont manifesté leur exaspération. En face, les détracteurs médiatiques du mouvement ont tenté de le discréditer. Dès la première journée, nombre d’éditorialistes n’ont pas manqué de concentrer leurs efforts sur les dérapages ou accidents regrettables mais isolés. Une approche anxiogène qui s’est accompagnée de la rhétorique gouvernementale dénonçant une « radicalisation » du mouvement, affirmant à l’envi que celui-ci serait gangrené par des membres de « l’ultra-droite »…

Des actions à la symbolique puissante

Des blocages de lieux stratégiques en province jusqu’aux multiples vagues jaunes qui ont déferlé sur ladite plus belle avenue du monde : pour exprimer son exaspération, le mouvement citoyen s’est affranchi du cadre initialement octroyé par l’Etat.

Ainsi, dès le 24 novembre, date à laquelle des Gilets jaunes s’étaient pour la première fois décidés à converger sur Paris, les manifestants ont ignoré les consignes du gouvernement qui souhaitait contenir le rassemblement sur le Champ de Mars. C’est bel et bien aux abords des lieux de pouvoirs, de l’avenue des Champs-Élysées à la rue du Faubourg Saint-Honoré (à quelques pas du palais présidentiel), que la plupart des citoyens mobilisés ont ainsi décidé de porter leur message.

Un groupe de #GiletsJaunes est parvenu à s’approcher à 100m du Palais de l’Elysée#24novembre

⚡️ EN CONTINU :
➡️ https://t.co/0dycJZ2r5T pic.twitter.com/ipWejdY5MJ

— RT France (@RTenfrancais) November 24, 2018

Un phénomène inédit face auquel les autorités ont mis en place d’impressionnants dispositifs de sécurité, incluant de nombreuses interpellations préventives. Par exemple, pour la seule journée du 8 décembre (dit acte IV du mouvement), les forces de l’ordre ont procédé, au total, à 1 723 interpellations (chiffre officiel). Le même jour, les blindés de la gendarmerie arborant le drapeau européen ont été dispatchés dans la capitale.

Quant à la province, depuis près de quatre semaines, une partie du peuple se relaie jour et nuit, avec un soutien significatif de la population locale, pour tenir des ronds-points ou encore des péages d’autoroutes. Par ailleurs, certains complexes commerciaux ont connu une chute importante de leur chiffre d’affaire.

Des masques qui tombent au fur et à mesure que le message se construit

Le mouvement a bénéficié d’emblée d’une popularité sans précédent auprès de la population française. Il s’est même, dans un premier temps, attiré le soutien proclamé d’une large part de l’opposition, de gauche comme de droite.

Mais certaines familles politiques ont, au fur et à mesure de l’expression des revendications, pris leurs distances. A l’image de Laurent Wauquiez, chef des Républicains, qui a appelé à cesser le mouvement après l’avoir soutenu officiellement, d’autres personnalités politiques n’ont pas hésité, après l’attaque de Strasbourg, à brandir la menace terroriste pour demander un arrêt du mouvement.

Un choix qui fut d’ailleurs épinglé par quelques responsables politiques comme Jean-Luc Mélenchon, qui estimait le 12 décembre qu’il fallait que « la République, ses passions, ses mobilisations, puissent continuer » ; ou encore comme Florian Philippot, qui déclarait le même jour qu’ « un mouvement social n’a jamais sali la mémoire de victimes du terrorisme ».

Le président de la République a quant à lui multiplié les précautions afin de dissimuler la condescendance que ses détracteurs lui reprochent. Mais même temporaire, l’empathie pour un mouvement populaire semble rester inaccessible à certains membres éminents du camp Macron, à l’image du chef des députés du parti présidentiel, Gilles Le Gendre, qui, le 17 décembre, n’a pas réussi à contenir son égo. Il a ainsi considéré qu’une des erreurs du gouvernement résidait dans le fait d’avoir été « trop intelligent, trop subtil »…

.@GillesLeGendre : "Nous avons insuffisamment expliqué ce que nous faisons. Et une 2e erreur a été faite : le fait d'avoir probablement été trop intelligent, trop subtile, trop technique dans les mesures de pouvoir d'achat. Nous avons saucissonné toutes les mesures" #Tdinfos pic.twitter.com/NKO7syUUWh

— Public Sénat (@publicsenat) December 17, 2018

Par ailleurs, afin de contenir les actions locales menées dans le cadre du mouvement citoyen, l’exécutif a assuré, dès le lendemain de l’acte V, qu’il ne tarderait pas à envoyer les CRS et gendarmes sur les ronds-points de France.

Contre vents et marées, les Gilets jaunes ne lâchent rien

Jusqu’alors plus rapide et plus efficace que ses prédécesseurs pour satisfaire les intérêts qu’il représente, Emmanuel Macron se retrouve dans une impasse. Aujourd’hui nommément visé par le mouvement des Gilets jaunes en tant qu’énième pion au service des institutions supranationales européennes, l’actuel locataire de l’Elysée n’a eu d’autre choix que de revenir sur la hausse annoncée des taxes sur le carburant (qui constitua à l’origine la goutte d’eau).

Lire aussi : Intervention télévisée de Macron le 10 décembre : personne n’a écouté la dernière phrase !

Après une première phase pacifique pour le moins traitée avec mépris par l’exécutif, la sympathie constante du mouvement citoyen auprès de la population française, ainsi que les violents incidents en marge des mobilisations successives aux abords des lieux de pouvoirs, ont réussi à faire reculer le gouvernement.

Mais les Gilets jaunes ne comptent pas s’en contenter : le 13 décembre, un communiqué mettait en avant quatre propositions : l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), la création d’une assemblée citoyenne, la baisse des taxes sur les produits de première nécessité, et la « réduction significative » des salaires gouvernementaux.

Rendez-nous notre liberté et notre souveraineté

Ce jour-là, des porte-parole du mouvement s’exprimaient à Versailles devant la salle du Jeu de paume, symbole de l’unité des députés du Tiers-état lors de la Révolution française. 229 ans plus tard, ces Gilets jaunes ont prêté le serment « de ne pas se séparer avant d’avoir obtenu la présentation devant le peuple français du référendum d’initiative citoyenne, du recul des privilèges d’Etat et de la baisse des prélèvements obligatoires », avant de terminer leur communiqué en ces termes : « rendez-nous notre liberté et notre souveraineté ».

Un message clair adressé à celui qui a toujours prôné le transfert de celle-ci à l’échelle européenne.

Lire aussi : Attention Macron : les gilets jaunes, ça réfléchit…

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Attention Macron : les gilets jaunes, ça réfléchit…

Par : pierre

Bien malgré lui, le président est en passe de créer la France insurgée. Derrière les insupportables attaques contre le pouvoir d’achat se profile une idée encore plus grave : il faudrait renoncer au progrès, soi disant pour « sauver la planète ».

Les images de la casse ne devraient pas cacher l’essentiel. Car c’est une première dans l’Histoire de France : jamais un mouvement sans organisateur déclaré ou officieux n’avait rassemblé tant de monde – bien plus de 300 000 participants si l’on prend comme référence le premier grand jour des gilets jaunes, le 17 novembre.

Sur les barrages, près des péages, autour des braseros ont fleuri des drapeaux tricolores ; dans les petits ou grands rassemblements, il n’est pas rare d’entendre la Marseillaise. Et bien souvent, les phrases qui reviennent pourraient être ainsi résumées : « nous sommes le peuple ». Ici et là, il est aussi question de révolution, de sans-culotte.

Celles et ceux qui se sont ainsi engagés, ou bien qui ont apporté leur soutien, sont évidemment très divers. Mais, tous ensemble, ils sont en quelque sorte la France insurgée.

Jamais dans l’Histoire de France un mouvement sans organisateur déclaré ou officieux n’avait rassemblé tant de monde

L’idée d’adopter le gilet fluorescent comme signe de ralliement, qui s’est répandue comme une traînée de poudre, est un trait de génie. Dans le vocabulaire administratif, cet accessoire vestimentaire est dénommé « gilet de haute visibilité »… Bingo !

De la part de certains partis, syndicats ou associations, le mouvement s’est d’abord heurté à des rejets et à des moqueries. Président et gouvernement ont tenté de le minimiser ou de le caricaturer.

Très vite pourtant, il a été difficile de faire le sourd, tant la colère, si longtemps rentrée, est énorme. Colère sociale : on a beau travailler dur, on n’y arrive plus ; colère politique aussi : on a beau renvoyer les sortants, les orientations restent les mêmes.

Pour tenter d’éteindre l’incendie, Emmanuel Macron s’est adressé aux gilets jaunes sur le ton « je vous ai compris » (mais n’est pas de Gaulle qui veut !).

Mais il s’est empressé d’ajouter : « sur les hausses prévues, je ne reculerai pas ».

Bien sûr, il n’a échappé à personne que l’augmentation programmée des taxes sur le carburant a été le déclic, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de l’exaspération. C’est bien le pouvoir d’achat, pris globalement, qui est en cause et au centre du désespoir : comment finir le mois, ne plus survivre, vivre décemment.

Ne pas oublier la goutte de gazole

Mais cette goutte d’eau, ou plutôt cette goutte de gazole, d’essence ou de fuel, il ne faudrait pas l’oublier. Personne ne revendique la suppression du principe des impôts. Mais quels impôts, qui paye, quelle justice, qui bénéficie ?

L’on sait depuis toujours que les impôts « indirects », comme la TVA, sont les plus injustes, parce qu’ils font bien plus contribuer les plus démunis que les plus riches.

Cela vaut particulièrement pour les taxes sur le carburant, qui représentent plus de 60% du prix du litre.

Les augmentations programmées ne sont pas seulement pensées pour racketter encore un peu plus les automobilistes ; elles visent aussi à imposer une « modification des modes de vie »

Or les augmentations programmées ne sont pas seulement pensées pour racketter encore un peu plus les automobilistes ; elles visent aussi et surtout à impulser « un véritable changement des comportements », et même à imposer une « modification des modes de vie ». Ce sont les auteurs mêmes des taxes qui le disent.

C’est pour cela que le maître de l’Elysée ne veut pas céder. Du reste, il s’y est engagé conformément aux exigences de l’Union européenne. C’est cette dernière qui ne cesse de renforcer ses consignes (encore en novembre) en matière de politique « énergie-climat ».

Tout cela parce qu’il faudrait « sauver la planète ». Et là, il y a une ribambelle de partis et de dirigeants de tous bords, y compris parmi les opposants à Emmanuel Macron, qui arrivent en disant : « il ne faut pas opposer le social et l’écologie ».

On nous dit qu’il ne faut pas opposer « ceux qui ont peur de la fin du mois à ceux qui ont peur de la fin du monde ». Eh bien si, il y a bien une opposition. De classe.

Autrement dit, il ne faudrait pas opposer « ceux qui ont peur de la fin du mois à ceux qui ont peur de la fin du monde ».

Eh bien si, il y a bien une opposition. De classe.

Bien sûr, chacun a le droit de penser que la planète est en danger. Mais on devrait aussi avoir le droit de faire preuve d’esprit critique par rapport aux périls qu’on nous brandit. Surtout quand on nous prédit, matin, midi et soir, dans les journaux comme sur toutes les chaînes, les pires des cataclysmes, bref, tout simplement « la fin du monde »…

En outre, que ces alertes soient reprises par un si large consensus politique devrait mettre la puce à l’oreille.

On ne cherche pas seulement à nous faire moins rouler (et moins vite) ; de plus en plus, des villes justifient, au nom de l’environnement, qu’on n’éclaire plus les rues la nuit (ou qu’on coupe l’éclairage de plus en plus tôt) ; ici et là – en milieu rural en particulier – on organise le ramassage de moins en moins fréquent des ordures (parfois toutes les trois semaines !) en expliquant que c’est de la pédagogie pour mieux recycler ; demain peut-être, les compteurs Linky seront capables de dénoncer les criminels qui se chauffent trop…

Et l’on n’a encore rien vu. On le sait peu, mais tout cela est théorisé. Dans le grand quotidien Le Monde (21/11/18), un philosophe australien qui fait autorité dans ces domaines affirme qu’il faudrait « se résigner à un changement de vie radical ».

Et il se lamente que cette idée ne soit pas très populaire car elle signifie « abandonner le principe fondamental de la modernité, c’est-à-dire l’idée d’un progrès ». Pour le dénommé Clive Hamilton, il faut impérativement « renoncer à l’idée selon laquelle le futur est toujours une version améliorée du présent ». Et le grand quotidien du soir, bible des élites dirigeantes, trouve cette idée si géniale qu’il la reprend et la martèle dans son éditorial.

Derrière le racket à la pompe se cache une idée particulièrement grave : il faudrait renoncer au concept même de progrès.

Et voilà : derrière le racket à la pompe, déjà insupportable, se cache une idée particulièrement grave : il faudrait renoncer au concept même de progrès. Et donc de progrès social, économique, technique, scientifique. C’est-à-dire renoncer à ce qui est l’un des fondements de l’histoire de l’humanité : faire en sorte que les générations à venir disposent de plus et mieux que les générations présentes.

C’est sans doute le signe que le système est en bout de course. Il est de moins en moins capable de faire de la croissance, de produire des richesses (autrement qu’en surexploitant de la main d’œuvre à bas prix à l’autre bout du monde, en délocalisant à tout va)… Il est tout juste bon à faire enfler la finance. Et à inventer l’idéologie de la régression qui va avec.

Sans doute les maîtres du pays, partisans et acteurs de la mondialisation, espèrent que les insurgés d’aujourd’hui ne chercheront pas les responsables, les responsabilités, et les idéologues qui les inspirent. Macron et ses amis devraient pourtant se méfier. Car les gilets jaunes, ça réfléchit.

C’est même fait pour ça.

Pierre Lévy
rédacteur en chef du mensuel Ruptures

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