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L’hôpital en France : un secteur en mal de concurrence

Un article de Romain Delisle

Au début du mois d’octobre, Arnaud Robinet, maire de Reims et président de la Fédération hospitalière de France qui représente les hôpitaux publics, a déclaré un besoin non satisfait par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 de 2 milliards d’euros, et de 1,9 milliard d’euros pour l’année en cours, alors que le total des dépenses allouées aux établissements publics et privés se monte déjà à 98,4 milliards en 2022.

Depuis quinze ans, l’hôpital public est habitué à demeurer sous perfusion de l’État. En 2007 et en 2012, deux plans d’investissement avaient fait tripler sa dette à 29,3 milliards d’euros, qui s’élève toujours à 31,3 milliards d’euros.

C’est cette situation délétère qui a motivé la Cour des comptes à s’intéresser à la question, ainsi qu’à celle de la concurrence privé / public dans le secteur médical, permettant de constater l’incapacité chronique de l’hôpital public à investir dans sa propre modernisation, engendrant un état de vétusté de ses équipements de plus en plus problématique. Cet état des lieux tranche avec celui du secteur privé, bien que la concurrence entre les deux ne puisse, à l’heure actuelle, s’appliquer de manière pure et parfaite.

 

La situation financière des hôpitaux publics leur interdit d’investir pour se moderniser et les place à la remorque de l’État

Depuis 2006, le budget des hôpitaux publics a toujours été plus ou moins déficitaire : à la veille de la crise sanitaire, en 2019, leur déficit annuel se montait à 558 millions d’euros. Un tiers des hôpitaux réussissait à réaliser un bénéfice net, un tiers ne dégageait pas de marges sans tomber dans le déficit, et un tiers possédait des comptes dans le rouge.

Assez logiquement, en 2021, ce même tiers disposait d’une capacité d’autofinancement nette [1] négative (-816 millions) lui interdisant d’investir sans emprunter. Moyennant quoi, peu avant la crise sanitaire, en septembre 2019, l’État avait dû, une nouvelle fois, venir à leur secours via un plan de restauration de leurs capacités financières de 13 milliards d’euros, dont la moitié avait été consacrée au désendettement, et l’autre à des investissements de modernisation.

Opéré de manière désorganisée et parfois farfelue (l’ARS de Corse a alloué tous ses crédits au seul hôpital de Castelluccio), la distribution des subsides publics ne s’est pas réalisée moyennant une amélioration de la performance des établissements de santé, le taux de vétusté de leurs bâtiments (52,9 % en 2021 contre 45,5 % en 2015), et de leurs équipements (80 % en 2021 contre 76 % en 2015) continuant sa lente et inarrêtable ascension.

Lors du Ségur de la santé, l’État avait également mobilisé 15,5 milliards pour soutenir le secteur. Aux dires des magistrats financiers de la rue Cambon, les aides versées pendant la crise sanitaire ont été distribuées sans contrôle par les ARS (Agences régionales de santé) des surcoûts effectifs supportés par les établissements de soins. Par exemple, les sommes engagées liées à la réalisation des tests de dépistage du covid, soit 1,3 milliards au total, ne reposaient que sur des fichiers déclaratifs, et les CHU de Strasbourg estiment avoir reçu 13,9 millions en trop…

À l’inverse des établissements de santé du secteur privé, les hôpitaux publics n’ont toujours pas retrouvé leur niveau de fréquentation d’avant la crise sanitaire (-1,7 % par rapport à 2019) et leurs charges ont augmenté de 16,5 % entre 2018 et 2021, soit 11,9 milliards (dont 8 milliards pour le personnel). Selon l’OCDE, la part de personnel non-soignant y demeure de 33,5 %, un chiffre toujours largement supérieur à celui, de 22,2 %, observé outre-Rhin.

Les hôpitaux privés ne bénéficient pas des mêmes largesses de la part de l’État et pourtant, leur situation financière s’est mieux remise de la crise sanitaire. Selon la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), leur taux de bénéfice net s’établit à 3,7 % en 2021, en progression de 0,6 point par rapport à l’année précédente, et au plus haut depuis 2006. Les étalissements de santé privé sont donc en situation de consacrer 5,2 % de leurs recettes à leurs investissements.

 

La concurrence entre hôpitaux est imparfaite et entravée par la réglementation

Parmi l’une des sources majeures de financements des établissements de santé, se trouve la tarification à l’acte (T2A) : l’assurance maladie verse une somme fixe [2] pour chaque acte pratiqué, même les hôpitaux privés ne peuvent pas demander une participation financière du patient pour les activités purement médicales. En revanche, les hôpitaux publics perçoivent une dotation de l’Assurance maladie distribuée par les ARS, quand le secteur privé tire ses autres revenus de prestations non-médicales [3] facturées aux patients.

Le secteur public continue de se tailler la part du lion (74,4 %) en ce qui concerne les journées d’hospitalisation complète en court séjour, du fait de la redirection des patients du SAMU et de la prise en charge du transport des patients par le SMUR (Structure mobile d’urgence et de réanimation), publics tous deux.

Comme le note la plus haute juridiction financière hexagonale, du fait de la répartition des autorisations de réanimation (84 % pour les adultes et 94 % pour les enfants), l’hôpital public détient presque le monopole des urgences, ce qui pénalise ses concurrents privés. De fait, ceux-ci se positionnent sur des activités moins urgentes, reprogrammables et plus rémunératrices (53,4 % des séjours en chirurgie par exemple) suscitant, paradoxalement, l’ire des représentants du secteur public.

Deuxième point intéressant : une distorsion de concurrence s’observe sur la question fiscale. L’IGF et l’IGAS (Inspection générale des finances et des affaires sociales) avaient, par exemple, calculé une différence de 5 points s’agissant du taux de versement des cotisations sociales. Les établissements publics sont également exonérés de taxe foncière pour les bâtiments affectés aux soins, ce qui n’est pas le cas de leurs homologues privés pour lesquels la fiscalité locale, si l’on s’en tient au privé non lucratif, pèserait sept fois plus intensément.

 

Une situation naturellement inique qui ne favorise pas l’amélioration de la qualité des soins

En somme, l’hôpital public apparaît victime d’un acharnement thérapeutique de l’État qui freine sa mise en concurrence. Il faut recommander d’une part de laisser davantage d’autonomie aux établissements de santé publique, en leur permettant eux-aussi de facturer des prestations payantes aux patients ; et d’autre part de les responsabiliser en indexant leur dotation sur l’effort entrepris pour réduire les dépenses purement administratives, ce qui aurait le mérite de commencer à libéraliser un modèle économique qui en aurait bien besoin.

 


[1] Correspond à l’addition des bénéfices nets et des charges diverses d’une organisation, comprenant le montant des capitaux des emprunts à rembourser.

[2] Selon deux échelles différentes dans le public et dans le privé, mais selon le même mode de fonctionnement.

[3] Dites prestations pour exigence particulière, typiquement la mise à disposition de la télévision ou d’internet dans la chambre d’un patient ou les activités de chirurgie esthétique.

Sur le web.

Conflits d’intérêts et politiques de dépenses : le dessous des cartes économiques

La plateforme Spotify annonce le licenciement de 1500 employés, soit le sixième du total. Twilio, la plateforme d’hébergement de sites web, annonce le licenciement de 5 % de ses salariés. En plus de baisses des cours depuis deux ans, les entreprises perdent l’accès à des financements pour les pertes sur les opérations. Les levées de fonds, à travers le monde, baissent de 100 milliards de dollars par rapport aux niveaux de 2021.

Ainsi, les entreprises ont moins de moyens à disposition. Les gérants gagnent moins de primes. Les actionnaires subissent des pertes en Bourse. Un dégonflement de bulle a lieu depuis le début de hausse des taux.

À présent, l’espoir du retour à l’assouplissement par les banques centrales remet de l’air dans les marchés. La bulle reprend de l’éclat. Selon Reuters, le marché s’attend à une baisse de taux par la Banque centrale européenne de 1,40 % à fin 2024.

En France, le rendement sur les obligations du Trésor baisse depuis octobre. Sur les emprunts à dix ans de maturité, les taux passent d’un sommet de 3,6 %, le 4 octobre, à 2,8 % à présent.

Un retour des assouplissements plaît aux entreprises et aux marchés. Le Nasdaq prend 12 % depuis le sommet pour les taux, en octobre. Le CAC 40 grimpe de 9 %. Les autorités remettent en marche la création d’argent. Pourtant, selon les communications dans la presse, le gouvernement continue la lutte contre les hausses de prix.

Il annonce à présent le gel des tarifs de trains. Il a pris le contrôle des tarifs d’électricité. Il empêche les hausses de prix des péages.

Des ONG demandent davantage de contrôles sur les prix en magasins, avec des limites sur les marges. Les autorités – à l’origine de la création d’argent – prennent le rôle de sauveteurs contre les hausses de prix !

 

Plans de relance : retour des assouplissements

Les plans de relance ont de nouveau la cote autour du monde.

Les taux sur les obligations américaines à dix ans passent de 5 % en octobre, à 4,1 % à présent, en réponse aux déclarations de la Fed sur l’évolution de la politique de taux.

Autour du monde, les autorités préparent des incitations à l’endettement. En Chine, le gouvernement augmente le déficit à 4 % de la taille du PIB, et fournit davantage de garanties au secteur de l’immobilier. Selon la société d’analyse Gavekal, les promoteurs de projets d’immobilier chinois ont des impayés à hauteur de 390 milliards de dollars – envers des sous-traitants, fournisseurs, ouvriers, et créanciers.

La perspective d’un emballement de la dette du gouvernement – en raison des soutiens à l’immobilier – pousse Moody’s à une dégradation de la note de crédit.

Bloomberg donne des détails :

« L’économie de la Chine cherche à reprendre pied cette année, durant laquelle le rebond de l’économie – après la levée des restrictions du zéro covid – a déçu les attentes, et la crise de l’immobilier sème le doute. Les données économiques montrent que l’activité, à la fois dans les services, et l’industrie, chutent sur le mois de novembre, ce qui augmente les chances d’une politique de soutien de la part du gouvernement.

[…]

En octobre, le président chinois, Xi Jinping, a signalé qu’un ralentissement soudain de la croissance, et les risques de déflation, ne vont pas être tolérés, ce qui mène le gouvernement à tirer le déficit au niveau le plus élevé en trois décennies. »

Après un peu de répit à la dévaluation des devises, les autorités mettent à nouveau en marche les planches à billets, via les déficits et l’enfoncement des taux d’intérets.

 

Conflits d’intérêts sur les programmes de dépense

Le gouvernement français vient en aide à l’immobilier. Les ministres créent des mesures d’aide aux emprunteurs. La presse les présente comme un sauvetage du secteur face à la crise.

Vous ne verrez pas beaucoup de questions sur la nécessité de mesures. Peu de gens remettent en cause les programmes de dépenses. En effet, les mesures créent des conflits d’intérêts, en particulier dans la presse, les entreprises, et Think Tanks.

Les entreprises de bâtiment gagnent de l’argent sur la construction de logements. Des promoteurs font des bénéfices sur les volumes de vente aux particuliers. Les journaux font de la publicité et attirent des lecteurs sur le thème de l’investissement en immobilier. Les banques et courtiers génèrent des frais sur l’émission de crédits. Les sociétés de conseil proposent des études et rapports – sur l’impact des mesures – au gouvernement. Les particuliers voient dans l’accès au crédit une forme d’aide à l’achat.

Le même genre de conflit d’intérêts touche la plupart des programmes et interventions. Par exemple, la cybersécurité et l’IA créent des opportunités pour des contrats avec le gouvernement, et des sources de revenus pour les entreprises.

La société CapGemini publie un rapport au sujet de l’entrée en vigueur des normes de l’UE sur les services digitaux.

Dans l’introduction :

« En somme, le règlement DORA est prévu pour résoudre les risques de cybersécurité et de défaillances informatiques, en mitigeant la menace des activités illégales, et la disruptions aux services digitaux, avec des conséquences directes sur l’économie et la vie des gens. »

CapGemini n’ose pas les critiques de la loi. En effet, la société tire beaucoup d’argent des programmes du gouvernement. Selon Le Monde, la société de conseil a tiré 1,1 milliard d’euros de revenus grâce aux contrats avec le gouvernement, de 2017 à 2022 ! Elle ne veut pas courir le risque de perdre des contrats avec les autorités à l’avenir. Le groupe a ainsi un conflit d’intérêts dans l’analyse des décisions par les gouvernements.

De même, avec le projet d’un cadre de normes autour de l’IA, les entreprises et la presse ont des conflits d’intérêts. Elles les passent en général sous silence. Par exemple, Les Échos publie une tribune en soutien à la création de normes sur l’IA.

Selon l’auteur, le projet de loi crée « un cadre nécessaire à la protection et l’innovation ».

Il précise :

« Grâce au projet de règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act), le législateur européen a l’opportunité de doper les investissements dans les secteurs de la culture et de l’innovation en Europe, et de montrer au monde la manière dont les entreprises d’IA peuvent prospérer au bénéfice de tous. »

L’auteur présente la loi comme une protection des artistes et créateurs de contenus contre la réutilisation par des IA, sans rémunération. Les régulations reviennent à bloquer l’activité des gens sous couvert de leur protection, incluant les consommateurs et les artistes.

L’auteur de la tribune, Robert Kyncl, a le même genre de conflit d’intérêts que les sociétés de conseil au sujet des projets du gouvernement. Il occupe le poste de PDG chez Warner Music Group. La société détient les droits d’auteur des catalogues de groupes comme Daft Punk ou David Bowie. Le groupe travaille aussi sur l’exploitation de l’IA pour tirer davantage de revenus des catalogues d’artistes. Il a en préparation un film sur la vie de la chanteuse, Édith Piaf, à base d’IA.

Les règles sur l’usage de l’IA, et la possibilité de barrières à l’entrée, présentent donc un intérêt pour M. Kyncl. Il a un avantage à la création de complications pour la concurrence. Les géants de la musique mettent à profit l’hystérie de la presse autour de l’IA – et l’envie de contrôle de la part des bureaucrates et représentants.

 

Climat : enjeux de centaines de milliards d’euros

L’Ademe publie une étude sur les coûts des dégâts faits à l’économie en raison de la hausse du carbone dans l’atmosphère. Ils estiment le bilan à 260 milliards d’euros par an à l’avenir. Comme le rapporte la presse, l’étude fait partie d’une commande du gouvernement.

Elle revient à une forme de communication en faveur des programmes – et des dépenses à hauteur de 110 milliards d’euros par an, selon les estimations du gouvernement, après 2030.

Une info-lettre que je reçois, au sujet du climat, effectue une campagne de dons. Des journalistes sont présents aux Émirats pour la COP28.

Dans la missive, de la part de Inside Climate News, l’auteur écrit : « Les journalistes sont des témoins. Nous sommes des diseurs de vérités. »

Sur le sujet du climat, les journalistes rapportent les décisions des dirigeants sans beaucoup de scepticisme. L’argent des programmes remplit beaucoup de poches.

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Des compteurs Linky « intelligents »… pour préparer la pénurie d’électricité ?

Par : Michel Gay

Maintenant que le déploiement du compteur électrique Linky présenté comme « intelligent » est quasiment terminé, le rationnement imposé de l’électricité va pouvoir débuter… après plus de 20 ans d’impéritie.

 

C’est « intelligent »

Un projet de décret prévoit d’effectuer, dès cet hiver, un premier test en condition réelle au cours duquel la consommation d’électricité de 200 000 Français notifiés « par voie postale », et équipés d’un compteur Linky, sera plafonnée à 3 kilowatts (kW) au lieu de 6 kW (l’abonnement des particuliers en général) pendant quelques heures.

Avec ce test, le gouvernement souhaite « déterminer » s’il est « techniquement possible de mettre en œuvre un nouvel outil pour sauvegarder le réseau électrique en cas de tension extrême, pour éviter des coupures ».

Et c’est « intelligent » parce que cela aurait pu être pire…

En effet, l’entreprise ENEDIS ne limitera que la puissance délivrée au domicile des particuliers, alors qu’il aurait pu (ou dû) la couper complètement par défaut de production d’électricité !

Il faudrait se réjouir que la puissance de certains soit limitée temporairement (quelques heures pour 200 000 « cobayes ») afin d’éviter une coupure totale et généralisée… Soyons « solidaires » !

Jusqu’à récemment, avant l’ère des ruineuses énergies renouvelables intermittentes, le réseau électrique (pas intelligent) apportait à tous, à un prix raisonnable, toute l’électricité répondant au besoin de chacun, y compris en hiver lors des pointes de froid. C’était à la production électrique, notamment nucléaire, de s’adapter à la demande.

Dorénavant, ce sera à la demande (les clients) de s’adapter aux capacités de production restreintes, surtout en l’absence de vent et de soleil…

 

Idéologie verte, quand tu nous tiens

Avec de meilleures décisions politiques et moins d’idéologie verte antinucléaire peu judicieuse (idiote ?) focalisée sur le vent, le soleil, l’électricité serait toujours vendue aux particuliers aujourd’hui environ 12 centimes d’euros par kilowattheure (12 c€/kWh).

Sous la pression de la Commission européenne, des médias et de puissantes organisations écologistes infiltrées jusqu’au sommet de l’État, le prix de l’électricité augmentera jusqu’à 30 ou 40 c€/kWh… comme en Allemagne.

Cette folle tendance issue de mauvais choix stratégiques ruinera l’industrie (obligée de partir s’installer ailleurs) et les PME, et donc aussi les Français, dont beaucoup peinent déjà à régler leurs factures de chauffage et d’électricité.

Augmenter de 1000 euros (et plus) par an le prix des factures d’énergie par famille (alors que l’ouverture à la concurrence devait réduire les factures, juré promis…), puis distribuer ensuite des chèques de 100 euros ici et là pour amortir le choc des factures en prétendant faire du social est aberrant. Cela revient à appuyer sur l’accélérateur d’une voiture fonçant vers une falaise et prétendre sauver des vies en distribuant quelques airbags juste avant de s’écraser.

Dans les années 1940 jusqu’à 1949, il existait des tickets de rationnement (pas encore qualifiés d’intelligents) pour distribuer la nourriture devenue rare.

Aujourd’hui on qualifie de « smart » ou « d’intelligent » le réseau ainsi que le compteur Linky qui permettra dorénavant le rationnement… parce que de mauvaises décisions ont été prises depuis 20 ans par les gouvernements successifs.

« On n’arrête pas le progrès ! »

Il aurait peut-être été plus « smart » et « intelligent » de ne pas fermer les deux réacteurs nucléaires de 900 mégawatts (MW) de la centrale de Fessenheim en parfait état de fonctionnement ?

Les 1800 MW manquant de cette centrale représentent une puissance d’un kW pour presque 2 millions de familles… ou 3 kW pour 600 000 foyers.

 

Comment avons-nous pu en arriver là ?

Après la fermeture politique de trois réacteurs nucléaires en parfait état de fonctionnement (Superphénix en 1997 et les deux réacteurs de Fessenheim en 2020) et le retard à l’allumage de l’EPR de Flamanville, la France se prépare maintenant à gérer une pénurie d’électricité devenue rare et chère, alors qu’il aurait fallu mettre en service au moins quatre réacteurs depuis 20 ans.

En 2022, grâce à la fonctionnalité prévue à cet effet dans le compteur Linky, le gouvernement avait déjà voulu tenter de couper l’électricité à 10 000 Français, à distance, et sans leur demander leur avis.

Mais les tests effectués à « petite échelle » ont été désastreux : mécontentement de la clientèle, et surtout échec technique.

En effet, sur les 10 000 compteurs Linky coupés à distance par Enedis, 500 compteurs ne se sont pas réenclenchés automatiquement en fin de coupure volontaire d’électricité.

Résultat : 500 déplacements d’agents Enedis chez les clients concernés pour remettre le courant manuellement.

Ces réenclenchements manuels à distance n’ayant pas fonctionné dans 5 % des cas environ, Enedis n’aurait donc pas pu gérer ces coupures volontaires pour des millions de clients.

Enedis a donc abandonné (semble-t-il) cette méthode et veut maintenant en expérimenter une autre « plus douce », dont la possibilité technique est également offerte par le « compteur intelligent » Linky.

Au lieu de couper totalement le courant, il s’agit cette fois de brider à 3 kilowatts (kW) pendant deux heures la puissance du compteur Linky pour 200 000 abonnés, au moment d’une pointe de froid pendant l’hiver prochain 2023/2024.

Le test obligera les « cobayes » (qui seront, paraît-il, dédommagés de 10 euros) à couper leurs radiateurs électriques pour se limiter à 3 kW afin d’alimenter leurs autres appareils (réfrigérateur, congélateur, pompe de circulation du chauffage central, ordinateur, lumières, et une seule plaque électrique de cuisson).

 

Vous avez dit « équilibrage » ?

Actuellement, l’équilibrage du réseau repose entièrement sur les seules énergies « classiques » (nucléaire, gaz et hydraulique en France).

Le solaire photovoltaïque et l’éolien disposent d’une priorité d’accès au réseau sans rien payer pour gérer leur variabilité aléatoire ou leur intermittence : ni frais de stockage ou d’effacement lorsqu’il n’y a pas de demande, ni le renforcement du réseau nécessaire pour absorber les surplus, ni parfois les prix négatifs en cas de folles surproductions.

Aujourd’hui en France, c’est donc principalement le nucléaire qui paie la facture de l’intermittence de ces sources d’électricité.

Cela revient à faire payer à mon voisin les factures d’entretien de ma voiture, puis de me vanter ensuite que ma voiture me coûte moins cher que la sienne ! C’est bien sûr une situation biaisée.

Mais à mesure que les énergies renouvelables intermittentes (EnRI) se développent, ce coût de gestion croît, et il devient de plus en plus lourd à assumer par les Français !

Si ces EnRI devaient payer la totalité des frais inhérents à cette intermittence, alors elles deviendraient une ruine pour leurs promoteurs dans un marché non faussé par les subventions publiques.

 

Une manne dont certains se gavent

Mon voisin est très heureux de la rentabilité de ses panneaux solaires photovoltaïques sur son toit (3 kWc installés en 2010 qui lui ont coûté 10 000 euros). La revente de son électricité solaire représente pour lui un gain de 2000 euros par an environ au tarif de… 62 c€/kWh indexé sur l’inflation pendant 20 ans ! (EDF vend son électricité 4,2 c€/kWh à ses concurrents).

C’est donc pour lui un excellent placement financier qui rapporte 20 % par an (il s’agit en outre d’un revenu non imposable, sans CSG), beaucoup plus rentable qu’un placement sur un livret A (d’environ 3%)…

Mais ces 2000 euros par an représentent une perte du même montant pour ENEDIS (obligé de lui acheter à ce prix). Ce dernier la répercute sur la facture des Français qui paient dans leur tarif électrique (en augmentation) cette subvention à travers une lourde taxe intérieure sur la consommation de produits pétroliers (TICPE, ex CSPE), elle-même en constante augmentation puisque de plus en plus de Français s’équipent en panneaux photovoltaïques.

C’est aussi une perte pour l’entreprise EDF obligée de diminuer d’autant la production de ses centrales électriques (nucléaires ou non).

Mais EDF est toujours obligée de maintenir autant de centrales « classiques » (nucléaires ou autres) en activité qu’avant ces hérésies, car les jours (et les nuits) sans soleil et sans vent, le besoin d’électricité est souvent aussi important, voire davantage.

Les EnRI avec priorité d’accès au réseau enrichissent des producteurs tout en étant une perte pour la collectivité et les distributeurs. Il y a de gros gagnants malins et beaucoup de petits perdants pigeons.

Bientôt, il n’y aura peut-être plus que de gros perdants

Les punis seront-ils choisis parmi les clients des énergies dites renouvelables (ce qu’elles ne sont pas, car les matières premières qui les composent ne le sont pas), intermittentes (ce qu’elles sont) qui polluent le réseau d’électricité ?

Heureusement qu’EDF réussit encore à alimenter le réseau, principalement avec le nucléaire, pour satisfaire les besoins des clients…

 

Seul Linky doit-il être intelligent ?

Le déploiement du compteur Linky « intelligent » a coûté quasiment le prix d’un réacteur nucléaire EPR.

Or, limiter la puissance électrique de 200 000 clients permettra de gagner au mieux 600 mégawatts (MW), et probablement moins de 400 MW, soit moins du quart de la puissance d’un EPR (1650 MW).

Il aurait été plus… « intelligent » de conserver les deux réacteurs nucléaires de Fessenheim (1800 MW) et de construire plusieurs EPR… plus tôt !

Les Français subissent depuis plus de 20 ans, contraints et forcés, le cruel manque de vision pour la France de nos dirigeants politiques indignes de leur confiance.

« Plan 15 000 » : un projet ambitieux mais inefficace pour les prisons françaises

Un article de l’IREF.

« Nous construirons 15 000 nouvelles places de prison ». La promesse de campagne d’Emmanuel Macron, en 2017, a débouché à l’automne 2018 sur un vaste plan de création de places en établissements pénitentiaires, le « Plan 15 000 » pour 2027. Un second plan est également lancé, prévoyant la construction de vingt centres éducatifs fermés (CEF) de deuxième génération pour les mineurs. Alors que la mi-parcours est passée, le rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice », Antoine Lefèvre, dresse un bilan amer du projet.

La situation carcérale française est une épine dans le pied de chaque nouveau président : le nombre des détenus explose, la radicalisation en prison prospère, les injonctions et les condamnations internationales somment la France de prendre des mesures pour respecter les droits de l’homme. Au cours des dernières décennies, plusieurs plans avaient déjà été déployés mais aucun ne s’était révélé capable d’anticiper les besoins croissants de places en établissements pénitentiaires. Celui d’Emmanuel Macron se distinguait par son importance et pouvait laisser croire qu’une réforme du système pénitencier était imminente.

Un plan de construction insuffisant

Mais voilà, bien souvent les rapports du Sénat sonnent le glas des politiques hasardeuses, et c’est le cas en l’espèce. Le rapporteur est formel : « (…) En dépit de ses ambitions initiales, le Plan 15 000 ne permettra pas seul de remédier durablement à la dégradation des conditions de détention et de travail pour les personnels de l’administration pénitentiaire. Même si le plan venait à être achevé en 2027, ce qui apparait peu probable, les capacités du parc pénitencier seraient déjà saturées ». Et pour cause : la prévision de 75 000 détenus en 2027 s’est réalisée dès 2023 ! Pendant la période du Covid, un assez grand nombre de détenus ont été libérés mais une fois la crise sanitaire passée, les enfermements ont repris à un rythme encore plus soutenu, avec une hausse de près de 20% depuis 2020. En janvier 2022, le taux de densité carcérale était de 115%, plaçant la France au troisième rang européen derrière Chypre et la Roumanie. Avec une telle densité, il est quasi impossible de respecter le principe d’encellulement individuel ; l’objectif de 80% est ainsi repoussé de législation en législation, quelle que soit la couleur politique du garde des Sceaux. Les conséquences de la surpopulation carcérale sont pourtant connues : violences, manque d’hygiène, trafics facilités, radicalisation soutenue, réinsertion compromise… La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, dénonce dans son dernier rapport annuel « un abandon de l’Etat » : « On a laissé la prison se substituer aux asiles d’antan, enfermant dans ses murs plus de 30% de prisonniers atteints de troubles graves. Voilà comment, à leur corps défendant, surveillants et détenus ont, en quelque sorte, été contraints de se muer en infirmiers psychiatriques ». Les établissements pour peine respectant globalement ce principe, ce sont les maisons d’arrêt qui suscitent l’inquiétude, le taux d’encellulement individuel y évoluant autour de 20%[1].

Un budget intenable et des délais qui explosent

Face à ces défis, l’argent est le nerf de la guerre. Et d’argent, on ne manque pas, à tel point que le budget initial a pu être rehaussé de deux milliards d’euros sans que quiconque s’en émeuve. Les premières annonces ministérielles annonçaient 3,6 milliards, avant de grimper rapidement à 4,3 milliards ; et en juin 2022, la direction du budget a relevé encore la facture à 5,4 milliards d’euros. Un an après, le rapporteur estime que le coût du Plan 15 000 sera d’au moins 5,55 milliards d’euros, soit 30% de plus que le coût d’abord prévu. S’agissant des centres éducatifs fermés, on est passé de 30 millions d’euros à plus de 76 millions dans le dernier budget… avant que le rapporteur ne l’estime à au moins 110 millions d’euros ; et nous ne sommes qu’à mi-chemin. Plus le calendrier de livraison s’allonge, plus les coûts explosent. Moins de la moitié des places prévues a pu être livrée, avec (pour l’instant) un retard de deux ans sur le calendrier initial. La maison d’arrêt de Basse-Terre (Guadeloupe) sera par exemple livrée avec plus de sept ans de retard.

Le sénateur Antoine Lefèvre formule une douzaine de recommandations suivant trois principes : « Anticiper, s’adapter et évaluer ». Est-il possible que cette approche élémentaire n’ait pas été celle des politiques publiques ? La réponse est évidemment oui, et la précision des recommandations frise le ridicule, telle que celle d’équipes-test sur chacun des chantiers engagés. En effet, « il est difficilement admissible qu’un établissement pénitencier tout juste livré nécessite de lourds travaux d’aménagement pour remédier à des failles de sécurité ou de fonctionnement, telles que l’installation de fenêtre pouvant être ouvertes en moins de deux minutes à l’aide d’un coupe-ongle acheté au supermarché ». Coût du changement des châssis des fenêtres du centre pénitentiaire Mulhouse-Lutterbach : 600 000 euros. Et de citer d’autres « erreurs de conception » : par exemple, des boutons « sécurité incendie » ouvrant toutes les portes et accessibles à tous dans un centre éducatif fermé …

Le chantier des établissements pénitentiaires est donc colossal. Alors qu’un détenu coûte 100 euros par jour au contribuable, l’IREF appuie la proposition du député Eric Pauget (LR) de faire payer aux détenus une partie significative de leurs frais d’incarcération. Ajoutons qu’il n’y a rien de surprenant à ce que le suivi des chantiers soit négligé lorsque le futur gérant de la prison est une administration. La privatisation des prisons permettrait sans doute de réduire fortement les coûts de construction et de réduire les délais. Plusieurs pays s’y sont déjà essayés : le Royaume-Uni, l’Australie et les Etats-Unis. La gestion privée demeure « incontestablement plus simple que la gestion publique », ainsi que le relève la Cour des comptes.

Sur le web.

Quelques chiffres qui montrent que le « quoi qu’il en coûte » n’est pas fini…

Un article de l’IREF.

En janvier dernier, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, annonçait la fin du « quoi qu’il en coûte ».

L’examen parlementaire en cours des projets de loi de finances de fin de gestion pour 2023, et de loi de finances pour 2024 montrent à l’inverse que, loin d’être fini, le « quoi qu’il en coûte » se poursuit. Et ce en dépit d’un goulet d’étranglement appelé à se resserrer du fait de l’aggravation de la charge de la dette dans les prochaines années, exposant la France au risque d’une grave crise de ses finances publiques.

Plusieurs données tendent à prouver que les vannes ouvertes à l’occasion de la crise de la Covid-19 n’ont pas été refermées, ou que des politiques publiques jugées prioritaires ont été privilégiées sans que, symétriquement, soient définies des politiques qui ne le soient pas, ou plus. Pour reprendre la formule du rapporteur général du budget en commission des finances du Sénat, nous sommes entrés dans « l’ère des déficits extrêmes ».

Tandis que le déficit budgétaire annuel « moyen » n’était « que » de 89,8 milliards d’euros entre 2011 et 2019, depuis 2020, et en y incluant la prévision pour 2024, il est désormais de 172,3 milliards d’euros.

En 2023, le déficit budgétaire de l’État devrait être supérieur à 171 milliards d’euros, soit un déficit proche des sommets atteints pendant la crise sanitaire (quasiment 180 milliards d’euros).

Pour 2024, le déficit budgétaire est encore attendu à un niveau extraordinairement élevé de 144,5 milliards d’euros. Et pour cause : malgré le retrait des mesures de crise (- 40 milliards d’euros depuis 2022), les dépenses publiques devraient, toutes sphères d’administration confondues, augmenter de plus de 100 milliards d’euros en deux ans (1640 milliards d’euros en 2024, contre 1539 milliards d’euros en 2022).

Installé sur un plateau historiquement haut, le déficit de l’État représenterait l’an prochain 45,7 % de ses ressources. En 2024, le déficit public de la France serait ainsi le deuxième plus élevé de la zone euro. Sur les vingt pays membres de la zone euro, treize seraient sous la barre des 3 % de déficit, deux seraient même excédentaires : Chypre et Irlande. Selon le FMI, seule la Belgique (- 4,8 % du PIB) ferait pire que la France (- 4,5 % du PIB).

Naturellement, la France demeurerait en 2024 (109,7 % du PIB) sur le podium européen des pays les plus endettés (derrière la Grèce et l’Italie), avec une hausse de près de 12 points de la dette publique depuis 2017 (98,1 % du PIB), alors même que les autres pays ont eu affaire aux mêmes chocs exogènes. Sur les vingt pays de la zone euro, huit sont sous la barre des 60 % du PIB.

 

Le bond des émissions annuelles de dette est lui aussi spectaculaire : alors que l’État levait moins de 100 milliards d’euros jusqu’en 2007, il a successivement levé 200 milliards en 2019, 260 milliards en 2020, 2021 et 2022, 270 milliards en 2023, et 285 milliards en 2024 (projet de loi de finances).

Le coût de notre endettement est progressivement aggravé par la hausse des taux d’intérêt.

En 2024, les crédits liés à la dette (60,8 milliards d’euros pour la mission « Engagements financiers de l’État ») seront proches des crédits affectés à l’ensemble des missions régaliennes de l’État (73,8 milliards d’euros, dont 10,1 milliards pour la mission « Justice », 16,5 milliards pour la mission « Sécurités » et 47,2 milliards pour la mission « Défense »).

L’an prochain, 60 % des recettes d’impôt sur le revenu (94,1 milliards d’euros attendus) serviront à financer les seuls intérêts de la dette (56 milliards), lesquels devraient croître de 50 % d’ici la fin du quinquennat (84 milliards prévus en 2027).

Les évolutions de la masse salariale publique fournissent, elles aussi, un bon indicateur quant au souci porté à la gestion financière publique.

Lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la masse salariale des administrations publiques avait baissé de 13,9 % en volume ; alors qu’elle n’avait augmenté « que » de 3,4 % sous François Hollande, la masse salariale publique a déjà bondi, en volume, de presque 10 % depuis l’élection d’Emmanuel Macron (+ 9,7 % entre 2017 et 2024).

L’an prochain, les effectifs de l’État (+ 6695 postes) et de ses opérateurs (+ 1578 postes) augmenteront encore, en contradiction avec les engagements pris dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027…

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Bureaucratie : les aveux partiels d’un responsable

Un article d’Alain Mathieu

 

Il est difficile de trouver un Français plus représentatif de nos hauts fonctionnaires que Jean-Pierre Jouyet.

Son CV accumule les plus hauts postes financiers : directeur du Trésor, la plus prestigieuse direction du ministère des Finances, chef du service de l’Inspection des Finances, le corps de fonctionnaires le plus influent, président de l’Autorité des marchés financiers, qui règlemente la Bourse, directeur général de la Caisse des dépôts et président de la Banque Publique d’Investissement, les « bras armés » de l’État dans l’économie.

Il a été en outre chef de cabinet du président de la Commission européenne Jacques Delors, directeur du cabinet du Premier ministre Lionel Jospin, secrétaire général du président de la République et ami François Hollande, ministre de Nicolas Sarkozy. Il a joué un rôle important dans l’ascension d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, notamment en dénonçant une prétendue intervention de François Fillon pour faire accélérer par l’Élysée les poursuites judiciaires contre Nicolas Sarkozy. Il en fut d’ailleurs remercié par Emmanuel Macron qui le nomma en 2017, à 63 ans, ambassadeur de France au Royaume-Uni.

« Catholique de gauche », il se livre, sous le titre Est-ce bien nécessaire, Monsieur le ministre ? (Albin Michel-octobre 2023), à une étonnante et méritoire confession publique :

« J’étais plus intéressé par les règles qui s’appliquaient aux relations entre les administrations centrales que par celles qui s’appliquaient aux administrés […]. Je minimisais l’importance de la bureaucratie et son rôle souvent néfaste sur la bonne marche du pays […]. Maintenant que j’affronte seul la machine administrative je mesure l’astuce et la ténacité dont doivent faire preuve les usagers des services publics ».

Sa confession va jusqu’à signaler les mauvaises décisions qu’il a prises ou suscitées dans ses différents postes :

Pour assurer le succès de l’introduction de l’euro, il a recommandé des « augmentations de salaires aveugles et préventives » accordées aux salariés des imprimeries de la Banque de France qui menaçaient de faire grève.

Sur les 23 régions existant en 2015, 17 ont subi des fusions qui ont réduit leur nombre à sept. Par la suite, « les dépenses de ces sept régions fusionnées ont augmenté trois fois plus vite que celles des six autres régions non fusionnées ».

 

Les réformes décidées par le pouvoir politique rencontrent l’obstruction systématique des hauts fonctionnaires, qui détiennent en fait le pouvoir

La fusion des directions des Impôts et de la Comptabilité publique « supposait de mettre fin aux doublons entre directeur départemental des impôts et Trésorier-payeur général. Il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui ces deux fonctions coexistent toujours ».

Sa longue expérience administrative lui a fait constater de nombreux gaspillages de l’argent public.

« L’État dépense un « pognon de dingue » ». Pour le gouvernement d’Élizabeth Borne, 565 conseillers, soit 13 par ministre, alors qu’en 2017 Emmanuel Macron n’en voulait pas plus de cinq par ministre. Ils sont assistés par 2200 huissiers, secrétaires, chauffeurs, cuisiniers […] Il suffirait de 15 ministres à temps plein. En matière sociale, un ministre suffirait au lieu de cinq. Un ministère des Rapatriés a été instauré en 1995, trente-trois ans après la fin de la guerre d’Algérie […]. Quand je suis nommé secrétaire d’État aux Affaires européennes, je comprends que je dois composer avec quatre autres administrations françaises qui en sont chargées ».

Il remarque que « la France est le pays le plus centralisé d’Europe » :

« Pourquoi ne pas donner plus de pouvoirs aux départements et aux régions dans la gestion des écoles, collèges, lycées, universités, hôpitaux ? […]. Les ARS (agences régionales de santé) devraient être confiées aux régions ; les chefs d’établissement de l’enseignement public devraient recruter eux-mêmes leur personnel enseignant […]. En finir avec le droit des préfets sur les projets d’urbanisme menés par les communes ».

Il constate avec effroi qu’il y a 1800 pages pour la réglementation thermique des établissements scolaires, 4300 pages d’instructions aux ARS pour la collecte de données chiffrées, que 40 % du marché locatif privé seront vraisemblablement interdits à la location du fait de leur classement énergétique, que 68 % des élus sont confrontés à des normes contradictoires.

Il a vu que le président de la République passait trop de temps à de trop nombreuses nominations.  L’Élysée est devenu une « agence de casting permanent ».

« Comme secrétaire général de l’Élysée, j’ai consacré beaucoup de temps aux nominations ». De nombreuses nominations sont qualifiées par lui de « nominations de circonstance » (des nominations par copinage).

De ce fait la réforme de l’État est négligée.

« Emmanuel Macron n’a pas engagé en 2017 une grande transformation de l’État […]. Je n’ai jamais senti chez les quatre derniers présidents de la République le moindre intérêt pour ce sujet pourtant essentiel, la réforme de l’État […]. Pendant les trois ans où j’ai été secrétaire général de l’Élysée, jamais le thème de la réforme de l’État n’a été abordé […]. La simplification est toujours confiée à des membres du gouvernement de second rang ».

Il reproche à la réforme Balladur des retraites en 1993 d’avoir « épargné la fonction publique » ; comme celle de Macron en 2023.

Le titre de son livre illustre le fait que les réformes décidées par le pouvoir politique rencontrent l’obstruction systématique des hauts fonctionnaires, qui détiennent en fait le pouvoir, d’autant plus que les principaux ministres sont issus de leurs rangs, et y retournent après leur carrière politique.

 

Son aveu partiel n’est pas un aveu personnel, mais l’aveu d’une caste

Jean-Pierre Jouyet sait que de profondes réformes sont nécessaires.

Il critique Emmanuel Macron, qui « s’était engagé à baisser de 120 000 les effectifs publics, mais en a créé 120 000 ». Il écrit qu’il faut « en finir avec les sureffectifs et les doublons » et qu’« il reste à réduire la masse salariale globale » de la fonction publique.

Il admire les dirigeants de pays qui l’ont réalisé : Paul Martin, premier ministre du Canada, « qui a diminué de 20 % les dépenses publiques canadiennes, et qui a obtenu en dix ans une baisse de ces dépenses de 48,8 % à 37,1 % du PIB canadien » ; Franco Bassanini, ministre italien de la Réforme de l’État, « qui a fait passer le coût du personnel public de 12,6 % du PIB en 1990 à 10,5 % en 2000… et supprimé près de 200 types d’autorisations administratives ».

Il sait que les syndicats sont un frein aux réformes :

« En Italie, les principaux syndicats du secteur public représentent les travailleurs des secteurs public et privé, alors qu’en France ils ne représentent que ceux de l’administration publique ». Pour faciliter les réductions d’effectifs, il propose de « renforcer la mobilité entre administrations, développer la polyvalence des agents ».

Il approuve les privatisations de Lionel Jospin (France-Telecom, Renault, etc), qu’il a orchestrées comme directeur de son cabinet et « qui ont fait passer le déficit public à 1,3 % du PIB en 2000 ».

Bref, Jean-Pierre Jouyet connaît les défauts de nos administrations et une partie des remèdes.

Pour sortir la France de son déclin économique, il devrait tirer toutes les leçons de ses observations :

  • obliger à la démission de la fonction publique les fonctionnaires entrant en politique ;
  • contrôler les subventions aux syndicats ;
  • privatiser toutes les entreprises publiques, y compris la Caisse des dépôts, la BPI, EDF et SNCF (cf Japon, Royaume-Uni, Italie), ainsi qu’une partie des HLM, hôpitaux, écoles, assurance-maladie ;
  • fixer un objectif de 20 % de baisse des dépenses publiques ;
  • geler les embauches de fonctionnaires, aligner leurs horaires de travail sur ceux des Allemands ;
  • rendre les hauts fonctionnaires responsables de leur gestion devant le Parlement ;
  • règlementer le droit de grève ;
  • décentraliser la gestion de l’Éducation, de la Santé, de la Culture, du Sport, du Tourisme, etc.

 

Bien qu’il prétende que son livre est « une sorte de confession qui met à plat les moyens du redressement », il ne propose presque rien de tout cela. Car des haus fonctionnaires lui diraient :

« Est-ce bien nécessaire ? ».

Son aveu partiel n’est pas un aveu personnel. C’est l’aveu d’une caste.

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La crise de la fonction publique française : à qui la faute ?

Dans un rapport publié en novembre, la Cour des comptes dresse un bilan préoccupant de l’état de la fonction publique française.

Trois ans après la promulgation de la loi du 6 août 2019 sur la transformation de la fonction publique (LTFP), l’État peine à attirer, à recruter et à fidéliser les agents publics. La Cour note que « le nombre de fonctionnaires a diminué de 53 300 dans l’ensemble de la fonction publique, soit une baisse de 1,4 % par rapport à 2016. » La proportion d’agents contractuels dans les trois fonctions publiques est passée de 14 % en 2005 à 24 % en 2020. La fonction publique hospitalière représente, à elle seule, 49 % de la baisse de fonctionnaires entre 2016 et 2020 (- 26 200 agents, soit une baisse de 3,1 %).

La Cour relève en effet un suivi partiel et défaillant de la LTFP.

En principe, cette loi était censée améliorer significativement l’attractivité de la fonction publique :

  • davantage de mobilité chez les fonctionnaires via des changements de poste,
  • introduction d’une rupture conventionnelle pour simplifier les départs volontaires,
  • plus grand recours aux contractuels pour plus de flexibilité dans le recrutement,
  • promotion de la formation continue,
  • valorisation des compétences.

 

Malgré les dispositions facilitant le recrutement contractuel, peu de CDI en primo-recrutement ont été conclus, et seulement 1900 contrats de projet en CDD ont été signés dans la fonction publique d’État.

Un aspect fondamental de cette réforme est resté en suspens : le respect de la durée légale du travail des agents. Des dérogations au droit commun maintiennent des régimes favorables aux fonctionnaires, compromettant l’efficacité du contrôle de légalité exercé par les préfectures. Certaines administrations et collectivités locales ont établi des régimes dérogatoires leur permettant de travailler moins de 1607 heures par an. Malgré les dispositions de la LTFP visant à les supprimer, certains secteurs ou entités ont conservé ces pratiques.

Des collectivités locales ont pu maintenir des cycles de travail inférieurs à la durée légale, arguant de sujétions particulières, comme la commune de Champs-sur-Marne (agents des routes, agents en charge de l’entretien ménager, agents des collèges, etc.) ou la commune d’Oissel qui a « supprimé des jours de congés, mais en a institué d’autres dans le cadre de la mise en place de nouveaux cycles de travail. » D’autres n’ont aucun scrupule à adopter des dispositifs illégaux, comme la commune de Méricourt, qui refuse de mettre en œuvre la délibération du conseil municipal et continue d’appliquer un régime antérieur. En 2022, c’est la mairie de Paris qui se voyait contrainte d’appliquer les 35 heures à ses agents : le tribunal administratif avait annulé les trois jours de RTT supplémentaires qu’elle leur donnait au nom d’une pénibilité spécifique liée au fait de travailler dans la capitale.

Une fois de plus, la fonction publique française fait office d’exception culturelle : le nombre moyen d’heures de travail des fonctionnaires des administrations centrales s’élève à 1620 par an en France selon l’OCDE, contre 1814 en Allemagne, 1739 en Suède ou 1685 au Royaume-Uni. Cela n’empêche toutefois pas une certaine gauche de penser que le statut de la fonction publique serait menacé par « des années de néo-libéralisme et d’austérité », et non par une gestion archaïque qui dilapide les comptes publics. 

La crise immobilière est fabriquée par l’État

La crise immobilière qui sévit actuellement en France ne tombe pas du ciel, et l’État en est grandement responsable. Son interventionnisme tous azimuts a eu finalement raison de la baisse de la construction de logements neufs et de la réduction du parc de logements accessible aux plus démunis. Certes, l’augmentation des taux d’intérêt a sa part de responsabilité dans l’effondrement du marché immobilier, mais la main très lourde de l’État a également sa part, et sûrement pas la plus petite.

Après des hausses très importantes ces dernières années, les prix de l’immobilier baissent enfin depuis un an dans la plupart des grandes villes françaises, y compris à Paris.

A priori, c’est une bonne nouvelle pour ceux qui veulent acheter, surtout les primo-accédants, mais un peu moins pour ceux qui veulent vendre. Ces derniers essayent de résister tant qu’ils peuvent à la baisse et contribuent à bloquer le marché. C’est ainsi que le nombre de transactions s’effondre. Selon Meilleurs Agents, la barre du million de transactions devrait être enfoncée à la fin de l’année 2023. Du côté des locataires, la situation n’est pas plus rose. En effet, de plus en plus de ménages ne sont plus en mesure de trouver un logement correspondant à leurs besoins, que ce soit en termes de superficie ou de localisation, surtout dans les métropoles.

Comme souvent, les origines d’une crise sont multiples. Passons en revue ces différents facteurs qui ont enrayé le marché immobilier :

  • la hausse des taux d’intérêt,
  • la fiscalité immobilière,
  • les injonctions concernant la rénovation énergétique,
  • l’avalanche de normes pour la construction,
  • la gestion de l’urbanisme par les communes,
  • l’encadrement des loyers.

 

La hausse des taux d’intérêt

Afin de combattre l’inflation, les banques centrales ont sorti l’arme des taux d’intérêt, ce qui a naturellement impacté les taux des crédits immobiliers.

Ainsi, selon l’Observatoire du Crédit Logement, les taux des crédits immobiliers moyen ont triplé en un an du 1ᵉʳ trimestre 2022 à 2023, voire davantage. Alors qu’il était possible d’emprunter à un peu plus de 1 % en 2021, c’est maintenant 4 % qu’il faut compter. Cette augmentation considérable du coût du crédit pour les emprunteurs rend naturellement plus onéreuse l’acquisition d’un bien immobilier, surtout pour les jeunes ménages.

À cette augmentation du coût du crédit, il faut ajouter également le renforcement des garanties demandées par les banques auprès des emprunteurs. Tout cela a pour conséquence de diminuer la demande des primo-accédants et reporte sur le marché locatif la demande de logements. Mais encore faut-il que les investisseurs privés répondent présents. Or, pour eux, l’équation est un peu la même : la hausse des taux d’intérêt rabote la rentabilité de leurs investissements. À cela s’ajoute le poids de la fiscalité immobilière.

 

La fiscalité immobilière

L’immobilier est devenu une véritable vache à lait pour l’État et les collectivités locales. Les impôts qui pèsent sur les propriétaires bailleurs sont considérables. Il y a naturellement l’impôt sur les revenus fonciers, mais également les taxes foncières qui ont fortement augmenté, et pour les plus chanceux l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Tout cela fait qu’aujourd’hui de nombreux petits propriétaires qui avaient investi pour compléter leurs retraites, ont du mal à tirer un revenu net d’impôts satisfaisant de leur investissement. Beaucoup regrettent et ne sont pas prêts à remettre une pièce dans la pierre. Certes, le dispositif de défiscalisation Pinel a été prolongé, mais cela reste bien insuffisant pour compenser les contraintes liées à ce type d’investissement (absence de liquidité, blocage des fonds à très long terme, administration des biens, etc.). Avec cette fiscalité et les contraintes liées au statut de bailleur, les propriétaires voient de moins en moins l’intérêt de louer, et nombreux pensent à sortir du marché ou à louer dans le cadre d’un meublé touristique, style Airbnb. Ce faisant, l’offre locative a tendance à baisser.

 

La rénovation énergétique et les nouvelles normes de construction

La baisse de la construction de logements neufs s’explique aussi par le fait que les promoteurs sont pris en étau entre d’une part la hausse des coûts de construction, provoquée par les prix des matériaux et des normes environnementales toujours plus exigeantes ; transition énergétique oblige.

A cela s’ajoute la chasse aux « passoires thermiques » qui s’inscrit dans le cadre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Imposé par Bruxelles dès 2006, le DPE classe les logements selon leur consommation énergétique de la lettre A à G. L’objectif est d’atteindre un parc immobilier de catégorie A ou B d’ici 2050 pour respecter la réglementation européenne.

Dans l’immédiat et depuis le 1er janvier 2023, les logements dont la consommation énergétique est supérieure à 450 kWh par m² sont interdits à la location. Pour réduire l’offre de logements à la location on ne fait pas mieux. Et à partir du 1er janvier 2028, tous les bâtiments neufs devront être à émissions « quasi nulles » en vertu d’une nouvelle directive sur la performance énergétique des bâtiments. Les petits propriétaires doivent donc s’adapter à toujours plus d’obstacles pour louer leurs biens, et certains préfèrent jeter l’éponge.

 

La gestion de l’urbanisme par les communes

De l’avis de nombreux promoteurs immobiliers, la gestion de l’urbanisme par les communes constitue un frein au développement de leurs activités.

Ce constat est partagé par le Sénat qui relève :

« Le droit de l’urbanisme est le droit du paradoxe. Fondé en théorie sur le principe d’économie du territoire, il ne permet cependant pas de gérer de façon souple les conflits d’usages qui résultent en permanence de l’appropriation du sol. Entre le « gel  » des espaces naturels et assimilés, destiné à assurer une protection absolue, et le laisser aller le plus nonchalant -notamment à proximité des villes- il ne parvient pas définir, puis à maintenir un juste équilibre ».

 

L’encadrement des loyers et les difficultés liées à la location

Avec le développement des métropoles, est apparu le concept de zones tendues.

Il s’agit de communes où le nombre de logements proposés à la location est très inférieur au nombre de personnes qui veulent devenir locataires pour en faire leur résidence principale.

Dans ces communes, l’encadrement des loyers pose une limite au loyer que fixe le propriétaire lors de la mise en location d’un logement, loué avec un bail d’habitation (y compris bail mobilité). C’est ainsi que de nombreuses grandes villes voient leurs loyers encadrés. Si cet encadrement est naturellement favorable aux locataires qui ont trouvé un logement (pas les autres), il ne fait pas le bonheur des propriétaires bailleurs qui voient la rentabilité de leur investissement baisser à long terme. En effet, avec l’inflation et le coût des travaux, maintenir des loyers inférieurs au prix du marché est le meilleur moyen pour détruire à long terme un parc immobilier. Toutes les études sur les expériences de blocage des loyers dans tous les pays qui l’ont pratiqué sont unanimes sur le sujet[1].

Mais l’encadrement des loyers n’est pas la seule restriction du droit de propriété des bailleurs.

Il faut également rappeler les difficultés juridiques que rencontrent les propriétaires face à des locataires indélicats. Cette insécurité juridique les pousse souvent à sortir leur logement du parc locatif traditionnel et à le mettre sur des plateformes de location saisonnières comme Airbnb.

 

En conclusion

La crise immobilière que nous connaissons n’a rien de surprenant. Certes, la hausse des taux d’intérêts a contribué à son aggravation, mais beaucoup d’autres facteurs ont favorisé cette crise qui vient essentiellement, comme nous l’avons montré, de l’interventionnisme croissant de l’État sur ce secteur. De ce point de vue, l’État n’est pas la solution, mais le problème.

[1] Voir M. Albouy, Finance Immobilière et Gestion de Patrimoine, 2e éd. Economica, Paris, 2020.

Il faut interdire les déficits publics

Un article de l’IREF.

En 2022, pour alimenter un fonds pour le climat et la transformation énergétique  – KTF – de 212 milliards d’euros, le gouvernement allemand avait puisé à due concurrence dans les réserves non utilisées d’un autre compte, constitué en 2021 pour contribuer à l’amortissement de l’impact du coronavirus. Mais celui-ci avait bénéficié d’une suspension des règles du « frein à l’endettement », en raison de la pandémie. Ce qui ne pouvait plus être le cas du fonds KTF.

La CDU/CSU, les conservateurs dans l’opposition, ont dénoncé un « tour de passe-passe » pour contourner le frein à l’endettement du pays, inscrit dans la Constitution allemande, qui limite le déficit budgétaire fédéral à un maximum de 0,35 % du PIB.

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe leur a donné raison au motif qu’un recours exceptionnel à l’emprunt sans application de la règle du frein à l’endettement doit être « objectivement et précisément imputable » et que les fonds correspondants doivent être utilisés dans l’exercice pour lequel ils ont été prévus. À défaut, le détournement de la règle serait trop simple !

 

Le frein à l’endettement

Selon la Loi fondamentale (ou constitutionnelle) allemande de 1949, les recettes et les dépenses du budget de l’État doivent être équilibrées (article 110).

Elle dispose en outre que, sauf « perturbation de l’équilibre économique global », « le produit des emprunts ne doit pas dépasser le montant des crédits d’investissements inscrits au budget » (article 115). Cette règle d’or n’a pas toujours été respectée.

Mais après la réunification de l’Allemagne en 1989, et l’absorption dans les budgets publics de la RFA des dettes de la RDA, la dette publique allemande est passée de l’équivalent de 623 milliards d’euros en 1991 à 1040 milliards d’euros en 1995 (+ 67 %) et a poursuivi sa croissance. Pour stopper cette course en avant, sur proposition de la commission allemande du fédéralisme (Föderalismuskommission), la Loi fondamentale a été amendée le 1er août 2009. Selon les termes des articles modifiés (109 et 115) de la Constitution, au niveau fédéral comme au niveau des Länder, les dépenses publiques doivent être couvertes par des recettes publiques, un endettement public étant toléré dans les cas exceptionnels au niveau fédéral pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un déficit structurel supérieur à 0,35 % du PIB.

 

Le respect des règles budgétaires

Par sa décision du 14 novembre 2023, la Cour constitutionnelle allemande a rappelé qu’on ne badinait pas avec la Loi fondamentale. Ce frein à l’endettement est sans doute l’une des causes de la vigueur de l’économie du pays depuis quinze ans, même si elle est mise à mal en ce moment par les bêtises de Mme Merkel sur l’immigration et le nucléaire.

L’Europe a, elle aussi, édicté un frein à l’endettement. En effet, depuis 2013 au sein de l’Union, et sauf circonstances exceptionnelles selon le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance aussi appelé pacte budgétaire, « la situation budgétaire des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent » (article 3). Le problème est qu’elle ne sait pas faire respecter ce qu’elle a elle-même décidé. Sa règle d’or prévoit que le déficit public structurel, hors éléments conjoncturels, d’un pays ne doit pas dépasser 0,5 % de son PIB.

Le déficit structurel correspond au déficit public. Il concerne les dépenses courantes de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale. Hélas, les tribunaux européens se montrent impuissants à faire appliquer la règle.

 

Et la France en profite pour s’endetter à tout-va

L’Agence France Trésor (AFT), la Direction du Trésor en charge des levées de dette publique sur le marché, annonce 285 milliards d’euros d’émission à moyen et court terme en 2024, un record historique après les 270 milliards de 2023, et les 260 milliards de 2022.

Sauf que le taux d’emprunt pour les obligations à dix ans est estimé à 3,4 %, alors qu’on était encore en territoire négatif il y a à peine plus de deux ans. La charge de la dette française montera à 52 milliards d’euros en 2024, 56 milliards en 2025, 61 milliards en 2026, et plus de 70 milliards en 2027. Le gouvernement prévoit que la dette passe de 111,8 % du PIB en 2022 à 108,1 % du PIB en 2027, un niveau très élevé en Europe. Mais les prévisions de l’État sont, d’un avis commun, très optimistes.

Lors de l’examen de la Loi de finances de la Sécurité sociale pour 2024, la commission des Affaires sociales du Sénat n’a pas caché ses doutes sur la sincérité de ce budget qui prévoit une croissance continue du déficit à 11,2 milliards en 2024, après 8,8 milliards en 2023.

Les recettes de l’État continuent d’augmenter et les prélèvements obligatoires se stabilisent, tout au plus, à près de 45 % du PIB. Selon les chiffres d’Eurostat, on serait même plutôt à 47 %, un record au sein de l’OCDE. Mais le gouvernement ne cesse de multiplier les dépenses nouvelles sans jamais en réduire d’autres, sinon à la marge. L’augmentation de la dette et des intérêts pèse aussi. Ainsi, le déficit public se maintient à un niveau de 4,4 % du PIB, très supérieur (de 2,4 %) à celui d’avant covid, malgré la fin de celui-ci. Le déficit, hors dépenses exceptionnelles de crise, augmente : de 72 milliards d’euros en 2022 à 118 milliards d’euros en 2024 !

Puisque les hommes politiques ne savent plus être raisonnables, il faut les forcer à le devenir comme les Allemands y sont parvenus.

Il faut insérer dans la Constitution française une règle d’or pour interdire les déficits publics. Il faut, sauf cas très exceptionnels, interdire tous les déficits, car il n’y a pas d’un côté les bons (déficits d’investissement), de l’autre les mauvais (déficits de fonctionnement) : sur la masse du budget d’un pays comme la France, l’investissement annuel peut trouver sa place sans avoir recours à l’emprunt qui pèse toujours sur les générations futures. Une telle obligation réduirait le poids de l’État et libèrerait l’initiative privée. La croissance en serait favorisée. L’État lui-même pourrait ainsi obtenir à terme de meilleures recettes. Gagnant/gagnant.

Sur le web.

LFI veut imposer un moratoire sur les méga-bassines : clientélisme ou simple bêtise ?

« Que d’eau, que d’eau ! »

C’est l’exclamation attribuée au président Patrice de Mac-Mahon à la vue de la crue historique de la Garonne, à Toulouse, le 26 juin 1875.

« Que d’air, que d’air ! » brassé à l’Assemblée nationale au sujet de l’eau et des « mégabassines », pourrait-on dire aujourd’hui.

Les dépressions – au sens météorologique – se suivent sur la France avec la régularité d’un métro parisien quand il fonctionne normalement. Elles apportent d’importantes quantités d’eau dont une partie réhumidifie les sols et recharge les nappes phréatiques, une autre repart à la mer en pure perte pour nos écosystèmes et nos besoins, et une autre encore inonde d’importantes portions de nos territoires.

C’est le moment qu’a choisi la députée la France Insoumise Clémence Guetté, certes un peu forcée par le calendrier législatif, pour annoncer qu’elle présentera « les 21 et 30 novembre à l’Assemblée une proposition de loi pour un moratoire sur les méga-bassines ».

Je présenterai les 21 et 30 novembre à l'Assemblée une proposition de loi pour un moratoire sur les méga-bassines.

Il est urgent de stopper cette folie : pour les agriculteurs, pour les citoyens, pour la souveraineté alimentaire, et pour l'environnement.#MoratoiresMégabassines pic.twitter.com/jeuczBjt9c

— Clémence Guetté (@Clemence_Guette) November 6, 2023

Il n’est pas vraiment nécessaire de revenir sur le principe et la fonction des réserves de substitution, appelées « mégabassines » avec une intention malveillante de dénigrement : il s’agit en terrain plat, ne se prêtant pas à la construction de retenues collinaires ou de barrages sur des cours d’eau, de stocker l’eau détournée d’une rivière ou, plus souvent, pompée dans la nappe phréatique quand elle est pleine, pour l’utiliser pour l’irrigation pendant la saison de végétation.

De telles réserves existent déjà, par exemple, dans le sud de la Vendée et fonctionnent à la satisfaction de tous (ou quasiment), même de milieux « écologistes » qui y étaient hostiles au départ.

Mais, plus au sud, elles sont devenues un totem à abattre, ou plutôt à vandaliser.

La situation météorologique – et non « climatique » – actuelle ne présage en rien des situations climatiques futures. Elle illustre cependant l’utilité des réserves de substitution qui sont en construction ou envisagées précisément dans la région où les nappes, très réactives, sont maintenant (plus que) pleines.

Mais le groupe de la France Insoumise voit les choses autrement. Il a donc déposé une « proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga‑bassines ».

Cela se veut sans doute subtil : un moratoire est en principe plus facile à vendre qu’une interdiction pure et simple. Mais ne nous leurrons pas : la proposition n’a aucune chance de prospérer.

Voici le texte de l’article unique proposé :

« Dans un contexte de changement climatique et en raison des impacts sur la ressource en eau et de leurs conséquences écologiques, économiques et sociales, il est instauré un moratoire suspendant la délivrance des autorisations pour la construction de méga‑bassines telle que prévue par les articles L. 214‑1 et suivants du Code de l’environnement.

Dans l’attente d’une réforme législative en la matière, ce moratoire est instauré pour une durée de dix ans à compter de la promulgation de la présente loi, y compris aux projets en cours d’instruction. »

L’exposé des motifs est introduit par le paragraphe suivant, mis en chapô :

« Cette proposition de loi vise à aller vers la souveraineté alimentaire en protégeant les consommateurs, les agriculteurs et l’écosystème de la spéculation internationale sur les productions agricoles et de la raréfaction de la ressource en eau encouragées par les projets de méga‑bassines. »

On pourrait s’arrêter là pour la démonstration du ridicule de la proposition et de ses motivations.

Mais le texte nous révèle d’autres surprises.

Sont notamment convoqués à la barre :

  • le suicide des agriculteurs ;
  • l’absence alléguée de « débat démocratique » ;
  • la rareté alléguée des ressources en eau ;
  • l’utilisation de pesticides.

 

On s’arrêtera là pour un argumentaire qui ne fait que ressasser des positions bien connues.

Pour la rareté de la ressource, on tombe dans le cocasse, sachant que l’on pompe quand les nappes sont pleines, voire excédentaires, dans le cas des installations ciblées par la proposition :

« … la construction de nouvelles infrastructures conduit à une augmentation des volumes d’eau stockée dans ces réservoirs. Davantage d’eau est donc disponible pour l’irrigation, accentuant les déficits de disponibilité de l’eau, disponibilité déjà affectée par le changement climatique. Les méga‑bassines renforcent donc la non‑disponibilité de la ressource en eau, conduisant à la construction de nouvelles infrastructures : un véritable cercle vicieux. »

Bref, il n’y a pas assez d’eau, mais il y a trop d’eau… S’il y a un cercle vicieux, c’est bien celui de l’argumentation.

Elle se termine par un appel à la « bifurcation du modèle agricole ». Elle « doit être soutenue, afin de garantir des prix rémunérateurs pour les agriculteurs d’une part, et la souveraineté alimentaire d’autre part ».

Cela doit se passer dans le cadre d’un bouleversement du système économique, par exemple « la définanciarisation de l’eau et de l’alimentation ». Les députés LFI qui ont fait Sciences Po (il y en a…) nous dirons ce que cela veut dire concrètement…

Tout cela est risible, mais aussi inquiétant.

Il s’est trouvé un groupe politique de 75 députés qui a jugé opportun d’utiliser sa niche parlementaire pour une proposition de loi, au mieux clientéliste, qu’il sait condamnée d’avance. Et il l’a assortie d’un exposé des motifs qui est en dernière analyse, par sa bêtise, une insulte au système démocratique.

L’Agirc-Arrco doit-elle contribuer au financement du déficit du système des retraites français ?

« L’État ayant dépensé
Tout l’été
Se trouva fort dépourvu
Quand il fallut financer ses agents,

Plus d’argent.

Il alla crier famine
Chez l’Argirc-Arrco sa voisine,
La priant de lui donner
Quelques sous pour financer son déficit,

« C’est pour la solidarité », lui dit-il.

L’Agirc-Arrco n’est pas prêteuse ;
C’est là son moindre défaut.

« Que faisiez-vous au temps faste ? »
Dit-elle à ce quémandeur.
« Je dépensais à tout venant, pour de bonnes causes »
« Vous dépensiez ! J’en suis fort aise.
Eh bien ! empruntez maintenant »

 

L’Agirc (Association Générale des Institutions de Retraite Complémentaire des Cadres) et l’Arrco (Association pour le Régime de Retraite Complémentaire) gèrent les retraites complémentaires des salariés.

L’Agirc-Arrco est un système de retraite complémentaire au régime général, c’est un système de retraite par répartition obligatoire, qui fonctionne par points. Les points reçus par chaque pensionné sont fonction du montant des cotisations versées (employeurs et employés) ; le total des points est multiplié par la valeur du point à la date du départ à la retraite. Le montant annuel brut de la retraite est donc égal au nombre de points Agirc-Arrco multiplié par la valeur du point.

 

Une caisse à l’équilibre

C’est, oh miracle, une caisse gérée par les syndicats et qui est à l’équilibre ; ce qui n’est pas le cas du système de retraite général, ni a fortiori du système de retraite des fonctionnaires.

L’Agirc-Arrco est un système à contribution définie, c’est-à-dire que les prestations sont définies par rapport aux cotisations versées. Autrement dit, s’il y a 100 dans la caisse, on distribue une somme inférieure ou égale à 100.

On le fait en jouant sur la valeur du point : si les cotisations dans la caisse s’élevent à par exemple 90, alors, s’ils sont responsables, les gérants de la caisse vont baisser la valeur du point, et on distribuera 90 ; dans le cas contraire, s’il y a 110 dans la caisse, alors les gérants peuvent, soit opter pour le maintien du point à sa valeur et constituer des réserves pour des jours moins fastes, soit distribuer 110. Chaque retraité bénéficiera alors d’une retraite plus élevée, et il n’y aura ni réserves ni déficit.

On voit avec cet exemple simple que ce système de retraite par répartition, avec une valeur du point modulable (à la hausse ou à la baisse) en fonction des recettes, est un excellent système quand il est géré par des acteurs responsables… c’est-à-dire, pas par l’État. C’est le cas à l’heure actuelle, ce qui prouve que lorsqu’ils travaillent hors des projecteurs et des déclarations politiques les syndicalistes savent gérer d’une manière sensée un système complexe.

Or, l’allongement de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans a pour effet de gonfler les cotisations, et donc les excédents du régime complémentaire. Il y a, ce que l’on appelle en France, une « cagnotte » (c’est le niveau économique).

Des entrées exceptionnelles, dues à une réforme élémentaire du système de retraite français (on passe de 62 à 64 ans…), sont estimées à 400 millions d’euros en 2024, à 800 millions d’euros en 2025 ; et 1,2 milliard d’euros en 2026.

Ce surplus peut : soit être capitalisé, soit être dépensé, soit être « confisqué » par l’État pour financer le système de retraite des fonctionnaires ou le régime général, tous deux largement déficitaires, ou pour servir à financer des promesses faites dans le feu de la négociation (relèvement des petites pensions).

Dans tous les cas, on appellera cela la solidarité entre régimes. Cette solidarité ne peut être qu’à sens unique étant donné la disparité entre un système de base et un système public des retraites déficitaire, et un système complémentaire excédentaire.

Inutile de dire que la solution choisie par l’Agirc-Arrco a été celle de dépenser immédiatement ce surplus (sans mettre en péril les réserves confortables qu’elle possède, estimées à 68 milliards fin 2022). Les pensions complémentaires des retraités Agirc-Arrco seront revalorisées de 4,9 % dès le début novembre 2023.

Le gouvernement avance que cet accroissement des recettes du système complémentaire n’a rien à voir avec la gestion de l’Agirc-Arrco, mais qu’il est le résultat de la réforme des retraites qu’il a menée, réforme nécessaire et impopulaire. Ce surplus n’appartient donc pas à l’Agirc-Arrco, et il ne serait pas anormal que la totalité, ou du moins une partie, aille à la solidarité entre caisses, la caisse excédentaire finançant une partie des caisses déficitaires (régime général et pourquoi pas, abonder les petites retraites). Cela montre que dès qu’il y a un surplus exceptionnel (Agirc-Arrco, UNEDIC), l’État ne pense qu’à le dépenser quitte à invoquer des économies.

 

L’État est dans une situation désespérée

Toutes ces négociations portent sur le marginal.

Il y a un excédent exceptionnel, comment le dépenser ? Faut-il le réserver pour son destinataire, faut-il le partager ? Et pour qui ? Faut-il augmenter des cotisations ici, et les réduire ailleurs ? Faut-il raboter les allègements de charges des entreprises ?

Toutes ces discussions sont un peu dérisoires compte tenu du problème posé. Elles montrent que l’État est dans une situation désespérée, et cherche par tous les moyens à grappiller des sous pour financer un système de retraite à bout de souffle.

Cela montre ce que dit M. Jouyet dans son dernier livre :

Je n’ai jamais senti chez Chirac, Hollande, Sarkozy et Macron le moindre intérêt pour la réforme de l’État.

Cet immobilisme est conforté par une haute administration pusillanime qui, chaque fois qu’une réforme est nécessaire, répond « Est-ce bien nécessaire monsieur le ministre ? »

Aucune réforme n’est possible sans un diagnostic.

Le système des retraites français repose sur la répartition, c’est-à-dire que les actifs paient pour les pensions des retraités actuels. Pour que le système soit viable, il faut que le montant des cotisations soit égal ou supérieur au montant des prestations la même année. Non seulement les cotisations doivent être égales aux dépenses (prestations versées), mais il faut que les cotisations futures (sur au moins une génération) soient égales aux prestations futures.

Dans le cas contraire, il se forme un déficit qui ne peut être financé que par des emprunts, c’est-à-dire des impôts futurs. Or, il n’y a aucune justification éthique et économique pour que les retraités d’aujourd’hui soient financés par de la dette, c’est-à-dire par les impôts futurs que devront payer nos enfants et petits-enfants.

Le ratio clef est le nombre d’actifs (cotisants) par rapport au nombre de retraités.

Or, nous savons que ce ratio va en diminuant inexorablement (le ratio doit être projeté sur 30 ans). Le problème de la retraite en France (comme partout dans le monde) est un problème démographique et un problème financier. Si c’est un problème démographique, il doit être étudié sur la longue durée, qui n’intéresse pas les politiques, sauf pour l’allongement de l’âge de la retraite qui est une réforme nécessaire, mais très insuffisante.

 

Poser le diagnostic

Quand on parle du système des retraites, les questions à poser sont :

  1. Quel est le montant total des cotisations payées par les actifs ?
  2. Quel est le montant des prestations versées ?

 

Hélas, le débat actuel ne tourne pas sur cette question structurelle que la haute administration ne veut ni ne peut voir. Au lieu de cela, on discute à perte de vue de la répartition d’un hypothétique surplus.

Le montant des recettes du système des retraites par répartition en France s’élève en 2021 à 227 milliards d’euros, soit 8,6 % du PIB. Bien entendu, dans les cotisations on ne tient pas compte des subventions de l’État en faveur de ses fonctionnaires qui, sur le plan économique, s’analysent comme des dépenses publiques (subventions). On considère que la cotisation de l’État est équivalente à celle du secteur privé en faveur de ses salariés, soit 16 % du salaire brut.

Au niveau national, les prestations totales s’élèvent à 345 milliards d’euros, soit 13 % du PIB. Le déficit du budget des retraites français est donc égal aux cotisations moins les prestations (227-345 = -118 milliards) ; ce n’est pas exactement le même chiffre que celui du COR, qui trouve un… surplus de 800 millions cette année. Nous ne reviendrons pas sur les âneries du COR qui est un organisme idéologique dont l’objectif consiste à montrer que le budget retraite en France est équilibré grâce aux subventions de l’État, et que les retraites des fonctionnaires ne pèsent pas dans ce déficit.

 

Ce déficit est couvert par des subventions et des impôts.

  1. Des impôts affectés représentant 46 milliards. On rappelle que dans un système normal et viable de retraite par répartition, les prestations devraient être totalement financées par des cotisations.
  2. Des subventions de l’État pour financer les retraites de ses fonctionnaires et des régimes spéciaux (46 + 7 milliards)
  3. Des subventions de l’État en faveur du secteur privé (5 milliards)
  4. Des transferts provenant de caisses excédentaires (14 milliards).

 

Rappelons que, sur le plan économique, une subvention est une ressource pour le budget retraite (le COR s’est limité à cet aspect) et toujours une dépense pour l’État. Donc quand on consolide ces deux comptes, les subventions et les transferts d’une caisse à une autre disparaissent. Il est curieux que le COR ait un niveau aussi faible en économie.

Tableau : Le système des retraites par répartition en France n’est pas viable, il y a 100 dans les caisses et on dépense 152.

 

Les marchés imposeront le changement

Une fois le diagnostic fait, les questions à poser sont les suivantes :

  1. Le système est-il viable à long terme ?
  2. Est-il normal que l’État (les contribuables) finance, par des subventions, les retraites confortables des fonctionnaires, fixées a priori en fonction de leur dernier salaire ?

 

Ici, nous ne sommes plus dans un système pouvant être corrigé en modulant la valeur du point d’indice, mais dans un système fou, où les prestations n’ont rien à voir avec les cotisations. Cela s’appelle un système à prestations définies par un groupe de pression sans préoccupation du montant dans la caisse. Si on regarde le tableau, on constate qu’il y a 100 dans la caisse (en recette) et 152 en prestations. Ce n’est pas viable.

Ces discussions autour de la répartition du surplus sont dérisoires par rapport à l’enjeu.

Le nœud du problème consiste à supprimer le ratio de 75 % du dernier salaire pour les fonctionnaires, mais ici nous entendons les hauts fonctionnaires dire : « Est-ce vraiment nécessaire, Monsieur le ministre ? Pensez à la rue (et pensez à notre propre intérêt) ».

En admettant que ceux qui décident dans notre pays aient fait le diagnostic, ils n’ont aucun intérêt à ce que ça change (non seulement ils n’ont pas intérêt, mais ils demandent que leurs retraites soient calculées sur leur dernier salaire plus leurs primes). Les retraites françaises sont financées par l’accroissement de la dette qui représente environ la moitié du déficit budgétaire français. Quelle que soit la réponse du haut fonctionnaire et de la rue, la question sera sans doute posée un jour par les marchés.

Plaidoyer pour une décentralisation du quotidien : le cas de la Promenade des Anglais

La Promenade des Anglais à Nice est l’une des avenues les plus célèbres au monde, une des promenades les plus fréquentées par les touristes, mais également l’avenue la plus empruntée par les poids lourds de toute la Métropole (jusqu’à 1800 par jour d’après la mairie). En février dernier, un convoi exceptionnel immobilisé sur la Promenade avait totalement bloqué la circulation pendant plus de douze heures. Imagine-t-on l’avenue Montaigne à Paris sous l’assaut incessant de ces mastodontes de la route ? Les impératifs touristiques auraient rapidement amené les autorités publiques à trouver des voies de délestage et à soulager les riverains des nuisances.

Mais les Parisiens ont la chance d’avoir le gouvernement à portée d’engueulade, pas les Niçois. Car ce n’est pas le manque de volontarisme de la ville de Nice qui est en cause, elle a décidé de n’autoriser que les poids lourds Crit’air 1 et 2, mais l’opposition, ou l’indifférence, du ministère des Transports à déclasser la Promenade de la catégorie « route à grande circulation », qui d’après le Code des transports, « quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d’assurer la continuité des itinéraires principaux ». Nous comprenons bien ici l’opposition des intérêts entre d’une part les riverains niçois mobilisés sur le sujet qui aimeraient préserver leur quotidien de ces nuisances, et l’État qui doit garantir un niveau d’infrastructures satisfaisant pour les besoins de l’activité économique nationale. Pourtant, il est totalement aberrant que ce qui relève d’une particularité hyper locale relève directement du ministre des Transports, occupé par des sujets d’enjeux nationaux par ailleurs.

Le débat local, source de compromis

Voici l’enjeu majeur de la décentralisation : rapprocher le citoyen des décisions qui touchent son quotidien, et elles sont nombreuses, ou plutôt rapprocher le décideur du citoyen, le mettre à portée d’engueulade, pour que le plus grand nombre de citoyens en France bénéficie d’une gestion collective qui corresponde à ses aspirations.

En l’occurrence, les Niçois sont fondés à ne pas être les victimes des externalités négatives du commerce transfrontalier. De plus, en s’éloignant des grands débats idéologiques qui divisent et radicalisent la société, le débat local est une source de compromis. La décentralisation, ce n’est pas l’indépendance, mais c’est tout au moins une forme de liberté des collectivités. Or, cette liberté des collectivités n’existe pas en France en dépit des prétendues lois décentralisatrices.

En premier lieu parce qu’aucune matière n’appartient entièrement aux collectivités territoriales à qui l’État s’est contenté de donner des compétences résiduelles qu’il ne voulait plus voir apparaître à son budget (comme le RSA). Mais surtout parce que les collectivités ne disposent d’aucune ressource fiscale en propre, ce qui réduit d’autant plus leur capacité à prendre des mesures adaptées à leur territoire et la lisibilité des enjeux budgétaires locaux pour le citoyen.

La solution ne réside pas seulement dans une répartition plus claire des compétences.

Les communes, dont les maires ont la confiance des citoyens, devraient être en mesure d’agir en toutes matières, sauf domaine régalien, dès lors qu’elles estiment qu’elles sont plus à même de le faire. Il s’agirait alors d’élargir la clause de compétence générale qui exclut les compétences exclusives des autres échelons (dont l’État) mais qui seraient alors recevable à saisir la justice administrative si elles jugent que la décision locale porte atteinte à l’ordre public ou à un intérêt supérieur.

Ainsi, pour protéger leurs décisions, les communes seraient encouragées à prendre en compte les enjeux qui dépassent leur commune et à trouver des compromis.

Pour revenir à la Promenade des Anglais, la Ville de Nice pourrait alors librement réguler le passage de poids lourds de passage sur la promenade, y compris les convois exceptionnels. Si l’État estimait que la mesure est disproportionnée au regard du but poursuivi, et qu’un intérêt national se voit remis en cause, il pourrait saisir la justice administrative.

Cette proposition est radicale, mais c’est ce dont les Français sont en mal, et qu’ils confondent trop souvent avec le populisme. Pour recréer de l’appétence pour le consensus, revitalisons la démocratie locale !

Séisme au Maroc : les satellites peuvent aider les secours à réagir au plus vite

Par Emilie Bronner, Centre national d’études spatiales (CNES). 

 

Un séisme de magnitude 6,8 a frappé le Maroc à 11km d’Adassil le vendredi 8 Septembre 2023 à 23h11 heure locale. On déplore plus de 2 000 décès et autant de blessés avec un bilan qui pourrait encore s’alourdir.

Depuis l’espace, on peut obtenir des informations cruciales pour guider les secours et l’aide humanitaire qui convoie eau et vivres, mais qui sont inaccessibles depuis le sol, en particulier en cas de catastrophes. Il s’agit de cartographier l’état des routes, des ponts, des bâtiments, et aussi – et c’est crucial ici – de repérer les populations qui tentent d’échapper aux effets de potentielles répliques en se regroupant dans des stades ou d’autres espaces ouverts.

Afin de tourner rapidement les yeux des satellites vers les régions concernées, les Nations Unies (UNITAR) ont demandé l’activation de la charte internationale « Espace et catastrophes majeures » le samedi matin à 7h04 heure locale pour le compte de l’organisation humanitaire internationale FICR (Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge).

Dans la foulée, les satellites optiques et radar les plus appropriés de huit agences spatiales ont été programmés. Pour la France, il s’agit des satellites optiques Pléiades et Pléiades Neo (de haute et très haute résolution), qui fourniront de premières images dès demain matin, lors de leur passage au-dessus de la zone, le temps de charger le plan de vol. Des satellites radar viendront compléter les informations des satellites optiques, car ils fonctionnent aussi la nuit et à travers les nuages, et peuvent imager les glissements de terrain et les changements d’altitude, même très faibles.

Chaque année, des millions de personnes partout dans le monde sont touchées par des catastrophes, qu’elles soient d’origine naturelle (cyclone, tornade, typhon, tremblement de terre, glissement de terrain, éruption volcanique, tsunami, inondation, feu de forêt, etc.) ou humaine (pollution par hydrocarbures, explosion industrielle). L’intensité et la fréquence de ces évènements s’intensifient malheureusement avec le changement climatique, créant chaque jour un peu plus de sinistrés ou d’habitats précaires.

 

Anatomie d’une catastrophe

Dans le cadre de la charte internationale « Espace et Catastrophes majeures », on définit une catastrophe comme un événement de grande ampleur, soudain, unique et incontrôlé, entraînant la perte de vies humaines ou des dommages aux biens et à l’environnement et nécessitant une action urgente d’acquisition et de fourniture de données.

Glissement de terrain à Munnar, en Inde. L’accès aux zones touchées est souvent difficile.
Rakesh Pai/Flickr, CC BY-NC-ND

Cette charte a été créée par le Centre National d’Études Spatiales et l’Agence spatiale européenne en 1999, rejoints rapidement par l’Agence spatiale canadienne. Aujourd’hui, 17 agences spatiales membres s’unissent pour offrir gratuitement des images satellites le plus rapidement possible sur la zone sinistrée. Depuis 2000, la charte a été activée 837 fois dans plus de 134 pays. Elle est depuis complétée par des initiatives similaires (Copernicus Emergency ou Sentinel Asia).

Près des trois-quarts des activations de la charte sont dues à des phénomènes hydrométéorologiques : tempêtes, ouragans et surtout inondations qui représentent à elles seules la moitié des activations. Dans ces situations de crise imprévues, quand les sols sont endommagés ou inondés et les routes impraticables, les moyens terrestres ne permettent pas toujours d’analyser l’étendue du désastre et d’organiser au mieux les secours et l’aide humanitaire. En capturant la situation vue de l’espace, avec des satellites très haute résolution, le spatial apporte rapidement des informations cruciales.

L’ouragan Harvey a provoqué des inondations au Texas en 2018, déplaçant 30000 personnes, et nécessitant le sauvetage de 17000 personnes.
Sentinel Hub/Flickr, CC BY

Dans certains cas, la charte ne peut pas être activée. Soit parce que l’objet est hors cadre de la charte (guerres et conflits armés), soit parce que l’imagerie spatiale n’est parfois pas d’un grand intérêt (canicules, épidémies), soit car les phénomènes ont une évolution lente (sècheresses) qui est incompatible avec la notion d’urgence au cœur de la mission de la charte.

Les données satellites en réponse aux crises dans le monde

Dès la survenue d’une catastrophe, les satellites sont programmés pour acquérir dans un délai très court des images au-dessus des zones impactées. Plus d’une soixantaine de satellites, optiques ou radars, sont mobilisables à toute heure.

Selon le type de catastrophes, on mobilisera différents satellites, en se basant sur des scénarii de crise préétablis – parmi eux : TerraSAR-X/Tandem-X, QuickBird-2, Radarsat, Landsat-7/8, SPOT, Pléiades, Sentinel-2 notamment.

Feux de forêt en Russie dans la région d’Irkutsk en 2017, causés par des éclairs.
Sentinel Hub/Flickr, CC BY

Les images optiques sont semblables à des photos vues de l’espace, mais les images radar par exemple sont plus difficilement interprétables par les non-initiés. Ainsi, suite à la catastrophe, les informations satellites sont retravaillées pour les rendre intelligibles et y apporter de la valeur ajoutée. Elles sont par exemple transformées en cartes d’impacts ou de changements pour les secouristes, en cartes de vigilance inondations pour les populations, en cartographie des zones brûlées ou inondées avec estimation des dégâts pour les décideurs.

Le travail collaboratif entre les utilisateurs de terrain et les opérateurs satellitaires est primordial. Des progrès ont été faits grâce aux innovations des technologies d’observation de la Terre (notamment la performance des résolutions optiques – passant de 50 à 20 mètres puis à 30 centimètres actuellement) et des logiciels de traitement des données 3D, mais également grâce au développement d’outils numériques pouvant coupler données satellites et in situ. De plus, les besoins de terrain ont contribué à l’évolution des processus d’intervention de la charte en termes de délai de livraison et de qualité des produits délivrés.

La reconstruction après les catastrophes

La gestion de l’urgence est bien sûr primordiale mais il est important pour tous les pays affectés d’envisager une reconstruction et l’avenir. En effet, dans le « cycle du risque », après le sinistre et l’urgence humanitaire, le retour à la normale va ouvrir le temps de la reconstruction, de la résilience, de la prévention et de l’alerte. On ne peut prévoir les catastrophes mais on peut mieux s’y préparer, surtout dans les pays où le malheur est récurrent, avec par exemple la construction antisismique, le déplacement des zones d’habitation en lieu sûr, la sensibilisation aux gestes de survie, la création de lieux de rassemblements sécurisés, entre autres.

Inondations à Gan dans le Béarn en 2018.
Bernard Pez/Flickr, CC BY-NC-ND

Plusieurs initiatives, appelées « Observatoires de la Reconstruction », ont été menées après des catastrophes d’envergure, par exemple à Haïti en 2021, ou suite à l’explosion de Beyrouth en 2019. Le but : planifier des acquisitions d’images satellites coordonnées pour permettre une évaluation détaillée et dynamique des dommages aux zones les plus touchées (bâti, routes, agriculture, forêts, etc.), suivre la planification des reconstructions, réduire les risques et enfin réaliser un suivi des changements à l’horizon de 3-4 ans.

 

Emilie Bronner, Représentante CNES au Secrétariat Exécutif de la Charte Internationale Espace et Catastrophes Majeures, Centre national d’études spatiales (CNES)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

Sécheresse : quand la bureaucratie nous assoiffe

Chaque année en France, avec les sécheresses estivales, des restrictions d’eau sont imposées : arrosage interdits, piscines prohibées, cultures en friches…

Elles sont nombreuses, parfois symboliques, et font de nombreux mécontents. Ces pénuries sont avant tout le symptôme de la gestion publique de l’eau qui répond à des impératifs politiques et bureaucratiques plutôt qu’au besoin des consommateurs.

 

Pourquoi le marché est la réponse

Alors que le changement climatique risque d’accentuer les problèmes existants, l’État est incapable de penser hors de la sainte trinité de l’action publique : taxations, interdictions et subventions.

La solution existe pourtant : comme le rappelle la directive européenne cadre sur l’eau, elle est un bien marchand différent des autres, mais un bien marchand quand même. Il convient donc de laisser au marché le soin d’allouer l’eau à ses utilisateurs, plutôt que laisser les pouvoirs publics organiser ce qu’ils contribuent à accentuer.

Actuellement, la gestion de l’eau est le fait d’un micmac de bureaucrates et d’élus : préfet coordinateur de bassin, préfet de région, préfet de département, commission locale de l’eau, agence de l’eau, région, département, syndicats mixtes intercommunaux…

Ces acteurs sont en charge de planifier la gestion de l’eau à l’échelle de leur territoire. Ils mettent en place un Schéma directeur de gestion des eaux pour une durée de six ans, et ainsi que des Schémas d’aménagement et de gestion des eaux dont la plupart ont demandé neuf années avant d’être adoptés. La Cour des comptes nous apprend qu’ils « ne sont pas toujours actualisés » et « n’ont souvent pas d’objectifs mesurables ».

Il semblerait donc que ces documents n’ont pas d’autres buts que d’occuper ceux qui les rédigent.

Pire encore, malgré la quantité considérable de moyens publics destinés à la gestion de l’eau, la Cour des comptes nous apprend que l’État ignore le montant des prélèvements effectués chaque année, et ce malgré les 4309 stations dont il dispose à cet effet, en plus des observations faites par l’Observatoire national des étiages (un autre participant du micmac).

L’ensemble des données recueillies par les divers moyens, y compris les déclarations des usagers, présenteraient de nombreuses incohérences. Or, sans connaître les prélèvements, impossible de piloter la ressource.

 

Réveiller le marché pour sauver la ressource

Face à l’incurie des pouvoirs publics, il convient de désengager l’État et les collectivités locales de la gestion de l’eau pour permettre au marché de jouer son rôle de mécanisme d’allocation des ressources dans l’espace et dans le temps.

L’État doit limiter son rôle à la définition et au respect des droits de propriété.

Dans le cas de l’eau, cela revient à déterminer qui a le droit de prélever, combien, où et quand. Ces droits de propriété doivent être assortis d’une séniorité, c’est-à-dire définir qui a la priorité pour prélever quand la ressource est insuffisante. Les méthodes utilisées pour déterminer ces droits sont en général une combinaison de l’ancienneté de l’usage et de la proximité avec la ressource.

D’après la Cour :

« Environ 32 milliards de m3 d’eau sont prélevés annuellement pour satisfaire les différents usages. La moitié de ces prélèvements, soit 16 milliards de m3, servent au refroidissement des réacteurs nucléaires. Viennent ensuite presque à égalité les prélèvements au profit de l’eau potable (5,3 millards m3) et de l’alimentation des canaux (5,4 milliards m3), puis des usages agricoles (3 milliards m3), et enfin des usages industriels (2,5 milliards m3). »

Définir ces droits est un processus qui sera long et originellement conflictuel. Une fois les règles établies, l’État doit mettre en place un mécanisme efficace de résolution des conflits, comme des Cours de l’Eau dont le financement pourrait reposer sur une redevance sur les droits ainsi créés. Pour faciliter ce fonctionnement, l’État pourrait accélérer la détermination de la ressource disponible, en surface et sous terre, et le cycle qu’elle emprunte, financé là encore par une telle redevance. Celle-ci viendrait remplacer celle existante qui coûte 380 millions d’euros aux particuliers.

Ces droits doivent ensuite pouvoir être vendus ou loués afin de permettre au prix de la ressource d’émerger.

Plusieurs prix verront le jour dans différents bassins reflétant l’abondance relative de la ressource et la difficulté de la transporter de façon économique entre les différents bassins.

Les acteurs économiques pourront ainsi adapter leurs comportements à la ressource disponible.

Par exemple, les agriculteurs payant le vrai prix de l’eau, devront, soit évoluer vers une culture moins gourmande en eau, soit la réduire. En sécurisant suffisamment de droits seniors, ils s’assurent aussi de ne pas subir des restrictions d’eau une fois qu’ils ont planté.

Les compagnies des eaux dans les zones sujettes à sècheresses devront trouver un moyen de restreindre la consommation de leurs clients. Cela peut se faire via des prix plus élevés toute l’année, les profits plus élevés l’hiver permettant de financer l’achat de droits l’été, des tarifs variables ou un système de quota avec un quota de base ayant un prix plus faible que le quota de surplus. Les industriels subiront les mêmes incitations que l’agriculteur, et notamment une pression à relocaliser leur production dans les régions plus riches en eau. Enfin, EDF disposera de toutes les informations nécessaires au pilotage et à la manière de produire son électricité.

S’il est bien mis en place, ce système crée aussi les incitations à augmenter la ressource.

Ceux qui, par les mesures de conservation qu’ils mettent en place, notamment une bonne gestion des sols, doivent pouvoir en récolter les fruits en récupérant les droits sur l’eau ainsi rendus disponibles. En faisant payer le vrai prix pour l’eau, ce système encourage à réduire les gaspillages, que ce soit les fuites (les plus évidentes) ou les usages peu valorisés de l’eau. Il permet aussi d’évaluer la pertinence d’un projet d’usine de dessalement.

Enfin, en ayant un prix différent en fonction des saisons (plus faible en hiver et plus élevé en été) et des lieux, il incite à transférer l’eau à travers le temps et l’espace, lorsque c’est économiquement viable.

Alors que les scientifiques alertent sur les risques accrus de sécheresses à cause de changements dans les modèles de précipitations et l’augmentation des températures estivales, il est urgent pour la France de revoir la façon dont sa ressource en eau est gérée.

Au contraire de la Cour des comptes qui recommande une gestion accrue des pouvoirs publics alors qu’elle en liste les échecs, la France doit s’inspirer de ce qui se fait notamment en Australie, ou les expérimentations qui ont rencontré du succès dans les zones arides des USA, et mettre le marché au cœur du processus.

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