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À partir d’avant-hierOrient XXI

États-Unis. Les lois anti-BDS s'étendent pour protéger les causes les plus réactionnaires

Aux États-Unis, les lois anti-BDS qui protègent Israël face au mouvement citoyen réclamant des mesures concrètes contre l'occupation de la Palestine se multiplient. Un documentaire récent illustre comment ce mouvement anti-BDS s'étend désormais pour interdire le boycott des industries d'armement ou polluantes, ou celui des cliniques qui refusent l'avortement.

C'est un documentaire informé et instructif qui est visible sur diverses plateformes de streaming. Réalisé par la documentariste américaine d'origine brésilienne Julia Bacha, il s'intitule Boycott1 et a été présenté pour la première fois à New York au festival Doc NYC, à la fin 2021. Boycott expose à la fois l'historique et les conséquences des lois et règlements mis en place aux États-Unis pour, à défaut de pouvoir imposer au plan fédéral l'illégalité pure et simple du boycott de l'État d'Israël prôné par le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions, créé en 2005), du moins parvenir à pénaliser d'une manière ou d'une autre (et en particulier au portefeuille) l'appel au boycott d'Israël et les soutiens de cet appel, par l'adoption de lois ou de règlements divers au niveau des États fédérés.

Défendre la liberté d'expression

Alan Leveritt, directeur de l'Arkansas Times, en a fait l'expérience. Après avoir fait adopter au Sénat de cet État du Midwest une loi (votée à l'unanimité) interdisant de prôner le boycott d'Israël, le gouverneur de l'Arkansas Asa Hutchinson lui envoie une injonction exigeant qu'en tant que directeur du journal, il signe un engagement à refuser toute expression de BDS dans ses pages. En cas de refus, l'État de l'Arkansas menace le journal de ne plus bénéficier de publicités de la part d'aucune administration ou entité publique. Bref, de le voir puni financièrement. Leveritt l'attaque en justice. Il exprime, dans le film, la position de la quasi-totalité des plaignants qui récusent les injonctions incluses dans les lois anti-BDS : « On ne va pas en justice pour soutenir ou s'opposer au boycott d'Israël. On y va pour défendre le droit à la liberté d'opinion ».

Son avocat, au tribunal, cite le premier amendement de la Constitution américaine, qui protège la liberté d'expression, et une célèbre décision de la Cour suprême datant de 1982, selon laquelle « le boycott de consommateurs est une expression politique protégée au plus haut niveau de la hiérarchie » du droit américain. Mais le juge local voit les choses autrement. « Le boycott n'est pas protégé par le premier amendement de la Constitution », tranche-t-il sans autre forme de procès. Leveritt se pourvoira en appel, où il gagnera. Il avait, entre autres, reçu le soutien du rabbin de la synagogue B'naÏ Yisrael de Little Rock, la capitale de l'Arkansas.

Au Texas, en mai 2017, le gouverneur (républicain) Greg Abbott fait aussi adopter une « loi anti-BDS », désormais inscrite dans la section 2270.001 du Code civil texan. « S'opposer à la politique d'Israël, c'est comme s'opposer à la politique du Texas. Point barre », clame-t-il. À Austin, capitale de l'État et grande ville universitaire, Bahia Amawi, jeune orthophoniste pour enfants d'origine palestinienne, se voit exiger par son employeur, un établissement public, de signer un engagement à ne soutenir aucun appel au boycott d'Israël, « ni dans l'immédiat ni sur toute la durée de (son) emploi ». Elle refuse. Elle n'est pas licenciée et continue de travailler sans être rémunérée jusqu'à l'issue du procès qu'elle a intenté à l'État. Elle finit par l'emporter, trois ans plus tard. Son juge, nommé Robert Pitman, écrit : « Ces lois anti-BDS menacent de manipuler le débat public par la coercition plutôt que par la persuasion. Le premier amendement ne le permet pas ». Elle a perçu son retard de salaire et, surtout, elle a signé un nouveau contrat de travail d'où l'exigence de ne pas boycotter Israël est exclue.

Stupéfaits de ce qu'ils ont vu en Cisjordanie

En Arizona, une loi anti-BDS a même été adoptée sans débat par un Congrès unanime. Mik Jordhal, qui y vit (dans la ville de Sedona) découvre un beau matin que le contrat renouvelant son poste comporte, sous le libellé anodin d'« employment verification » (vérification de l'emploi) une minuscule nouveauté : s'engager à ne jamais appeler au boycott d'Israël. L'homme est juriste de métier. Il n'est pas juif, mais sa femme l'est. Ils sont allés en vacances en Israël et sont revenus stupéfaits de ce qu'ils ont vu en Cisjordanie. « Après ça, je ne pouvais plus accepter une interdiction du boycott », dit-il dans le documentaire. Il continuera lui aussi à travailler sans percevoir de salaire jusqu'au verdict du tribunal où il avait porté plainte. Son fils était convaincu qu'il allait perdre. « Le lobby pro-israélien est aussi puissant que la NRA » (le lobby des ventes d'armes), disait-il. Mik a cependant gagné, lui aussi.

Le film se concentre plus particulièrement sur ces trois cas, emblématiques des batailles juridiques et politiques qui se mènent aux États-Unis depuis 2015, date où l'État de l'Illinois a le premier adopté une loi anti-BDS. Il aurait pu s'attarder sur d'autres cas, que la presse américaine a exposés, ici et là. Ainsi celui de Steven Feldman, dermatologue de Caroline du Nord, invité par une université de l'Arkansas au début de cette année à y donner une conférence et qui, au moment de percevoir ses émoluments s'est vu demander de signer une déclaration d'adhésion au refus de tout boycott d'Israël — ce qu'il a refusé. Le film fait aussi place aux commentaires des défenseurs des droits, chez lesquels la thématique de la défense de BDS prend une ampleur croissante. Membre de l'American Civil Liberties Union (ACLU), la plus ancienne association de défense des droits aux États-Unis, créée en 1920 et qui a joué un rôle de premier plan dans le combat contre la ségrégation des Noirs américains, Brian Hauss, lui-même avocat, déclare dans Boycott : « Si les gens comprenaient les implications réelles de ces lois, ce serait un scandale énorme ».

Des lois au service des industries d'armement

Un scandale parce qu'ils se rendraient compte de leurs conséquences, qui touchent plus à la défense des pires intérêts économiques qu'à la protection par la coercition de l'image publique d'Israël. Dans le documentaire, Hauss évoque en particulier l'existence d'un lobby, nommé « Alec » pour American Legislative Exchange Council (Conseil du débat législatif américain), enregistré au Congrès (c'est une obligation pour bénéficier du statut de lobby) et qui est très actif dans la propagation des lois anti-BDS. Sous ce nom d'apparence anodine, Alec regroupe, déclare l'un de ses dirigeants, Bill Meyerling, le quart des sénateurs et des députés. Ce qu'il ne précise pas, c'est qu'ils se recrutent presque tous parmi les plus conservateurs. Son objectif avéré consiste à imposer l'interprétation de la Constitution américaine la plus antidémocratique possible sur le plan politique et la plus libérale dans le domaine économique.

Fondé en 1973, Alec, dont le slogan est « Gouvernement limité, marchés libres et fédéralisme », a découvert avec délice il y a quelques années les bénéfices potentiels des lois anti-BDS pour faire avancer ses propres objectifs : affaiblir le rôle de l'État fédéral, déréguler au maximum les marchés financiers et renforcer le pouvoir des États fédérés au détriment de Washington. Les édiles de ce lobby et les entreprises qui alimentent ses fonds ont vite compris l'intérêt qu'il y aurait à « métastaser » ces lois vers de tout autres domaines. Dans leur texte, souvent le même d'un État américain à l'autre, il suffirait de remplacer les termes « État d'Israël » par « ventes d'armes », par exemple, et le tour serait joué. Alec, qui se vante d'avoir fait adopter deux cents lois, décrets et directives dans les cinquante États américains pour la seule année passée, leur a donc proposé un « projet type de loi anti-boycott » visant à empêcher le boycott de… divers produits ou type d'activités, sans aucun rapport avec Israël ou la Palestine.

Ainsi, en 2021, le Texas a, le premier, passé dans son arsenal juridique une loi punissant tout appel au boycott des marchands d'armes. Depuis, le lobbyiste Jason Isaac a présenté devant la Chambre des représentants de cet État un projet visant à élargir cette loi à l'interdiction de tout boycott de l'industrie des combustibles fossiles. Pour défendre leur texte, ses rédacteurs ont publiquement précisé qu'il « est basé sur la législation anti-BDS soutenue par l'Alec en ce qui concerne Israël ». Bientôt, le Texas adoptait aussi une loi interdisant aux entreprises contractant avec l'État texan de boycotter les armes à feu. Depuis, quatre États américains ont suivi son exemple. Des projets de loi similaires ont été introduits dans le débat parlementaire de treize autres États. Et au moins dix États ont engagé le débat sur des projets de loi basés sur les mêmes principes que les lois anti-BDS afin d'interdire de parole à ceux qui prônent le boycott des institutions de santé refusant l'octroi de soins aux femmes en matière d'avortement. Demain, craint l'avocat Brian Hauss, les partisans de Black Lives Matter se verront interdire de critiquer les policiers, les membres du Planning familial de boycotter des lois interdisant l'avortement, et les associations de défense de l'environnement de critiquer les acteurs industriels les plus polluants.

« Ils ont renoncé à convaincre l'opinion »

L'écho de ces développements reste faible aux États-Unis, où BDS, en réalité, n'est quasiment actif que sur les campus universitaires. Certes, les lois anti-BDS ont recueilli un accueil enthousiaste du côté des élus républicains ainsi que chez de nombreux élus démocrates, au point qu'à ce jour, 35 États américains ont adopté des lois, des décrets ou des règlements anti-BDS. Mais cet accueil a été généralement beaucoup moins chaleureux du côté des juges, comme en Europe d'ailleurs. La grande majorité des actions devant les tribunaux se terminent par un succès de BDS. Et surtout, la multiplication de ces lois contribue à dégrader de plus en plus l'image globale d'Israël et à l'associer aux élites politiques les plus réactionnaires, aux États-Unis comme ailleurs.

La réalisatrice du documentaire, Julia Bacha, se veut optimiste. La bataille menée par les anti-BDS est, selon elle, « une tentative d'empêcher le débat d'évoluer » aux États-Unis sur la question palestinienne. « Le recours à l'action législative [par les soutiens d'Israël], poursuit-elle,signifie qu'ils ont renoncé à convaincre l'opinion par des arguments. Ils admettent de fait être en train de perdre le débat2

Dans le film, Brian Hauss, l'avocat de l'ACLU, rappelle que dans les années 1970-1980 aux États-Unis, les défenseurs américains des droits des Noirs d'Afrique du Sud brandissaient ce slogan : « L'apartheid est un crime. Protester ne l'est pas ».


1Produit par Just Vision, diffusé en 2022, est visible sur Vimeo, Prime Video, Apple TV et Google Play.

2Amos Brison, « How U.S. Conservatives Use BDS Boycott Laws to Target Other Progressive Causes », Haaretz, 1er juin 2023 ».

Liste des organisations terroristes. Quand l'Union européenne s'emmêle

Établie par l'Union européenne au lendemain du 11-Septembre, la liste des organisations qualifiées de terroristes, au-delà de ses incohérences, paralyse son activité diplomatique. Elle enraye son rôle politique dans la résolution des conflits en rendant impossible tout contact avec des acteurs majeurs.

Début 2021, l'Autorité palestinienne (AP) programme la tenue d'élections présidentielle et législatives palestiniennes pour le mois de mai. L'annonce est reçue positivement par l'Union européenne (UE) qui déclare alors vouloir soutenir le processus. Mais le spectre du scénario de 2006 plane. À l'époque, alors que l'UE avait envoyé une mission pour observer les élections palestiniennes et déclaré qu'elles s'étaient déroulées en toute régularité, elle n'en a pas reconnu les résultats. En cause : la victoire du Hamas, un parti palestinien listé par l'UE comme terroriste.

Or, les règles de non-engagement adoptées par l'UE vis-à-vis du gouvernement (refus de discuter avec tout ministre du Hamas) issu des urnes en 2006 ont fini par contredire ses objectifs dans la région. Elles ont accéléré la scission de 2007 entre le Hamas et le Fatah et contribué à légitimer le blocus illégal imposé par Israël à la bande de Gaza. Le président palestinien Mahmoud Abbas a finalement reporté sine die les élections palestiniennes prévues en mai 2021, mais la présence du Hamas sur la liste des organisations terroristes de l'UE se posera à nouveau, dès la remise à l'agenda de celles-ci.

Des traitements différenciés aux motifs inconnus

C'est en 2001, dans la foulée des attentats du 11-Septembre, que l'UE établit sa liste d'individus et d'entités « impliqués dans des actes de terrorisme et faisant l'objet de mesures restrictives ». La décision relève de la politique étrangère et de sécurité commune de l'UE, et donc de son Conseil. Elle représente la mise en œuvre de la résolution 1373 sur la lutte contre le terrorisme adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU deux semaines après les attentats. La liste européenne a pour but de s'attaquer au financement du terrorisme en gelant les fonds, les avoirs financiers et les ressources économiques des individus et organisations listées.

Dans sa mise à jour de 2021, la liste reprend 14 individus et 21 organisations. À la lecture des organisations listées, on remarque rapidement des incohérences. Plusieurs partis palestiniens y figurent, mais à différents titres. Ainsi, la branche armée du Fatah, les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa s'y trouvent seules, dissociées du parti. En revanche, la branche politique du Hamas est listée avec sa branche armée, les brigades Izz Al-Din Al-Qassam. Quant au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), il est listé sans sa branche armée, les Brigades d'Abou Ali Mustafa. Trois partis palestiniens, trois types d'inscriptions différents sur la liste. Les raisons de ces différences sont inconnues, étant donné que les exposés de motifs pour l'introduction de nouveaux noms sur la liste ne sont pas publics, mais on peut néanmoins tirer quelques observations des documents publiquement disponibles.

La branche armée du Hamas figurait déjà sur la liste initiale publiée en 20011. Ce n'est qu'en 2003 et à l'initiative du Royaume-Uni que la branche politique y est ajoutée, l'UE s'alignant ainsi également sur les États-Unis. Jusque-là, la France et la Belgique s'opposaient à l'ajout de la branche politique, invoquant le très probable rôle du parti palestinien dans d'éventuelles négociations de paix, mais aussi son importance pour la provision de services sociaux aux Palestiniens.

Considérations électoralistes et diplomatiques

Ironiquement, alors qu'il fut à l'initiative du rajout de la branche politique sur la liste européenne, le Royaume-Uni lui-même a continué, jusqu'à il y a peu, de ne mentionner que la branche armée du Hamas sur sa propre liste. Mais en novembre 2021, il a finalement décidé d'y inclure la branche politique du Hamas. Lancée par la secrétaire d'État à l'intérieur, Priti Patel, la décision semble néanmoins autant servir les objectifs politiques internes de la majorité conservatrice que la lutte contre le terrorisme. Dans une analyse sur +9722, Hugh Lovatt, spécialiste de la Palestine au think-tank Conseil européen des relations extérieures (European Council on Foreign Relations, ECFR), basé à Londres, déplore surtout une décision qui entravera l'action diplomatique britannique dans la résolution du conflit. Sachant que le Hamas est un acteur politique palestinien incontournable, qui jouit d'un soutien sociétal fort, le fait de s'empêcher tout contact avec le groupe est selon lui peu stratégique de la part du Royaume-Uni. Une analyse qui est aussi valable pour l'UE.

C'est d'ailleurs l'argument utilisé par l'UE elle-même pour justifier le fait qu'elle n'a listé que la branche armée du Hezbollah libanais, qui depuis 2005 fait partie de la plupart des coalitions gouvernementales. À la suite d'un attentat attribué au Hezbollah à Bourgas en Bulgarie en 2013, l'UE décide en effet de ne lister que la « branche militaire du Hezbollah » (sic). Interviewé à l'époque, le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme Gilles de Kerchove explique alors la décision en soulignant qu'« il n'y a pas d'inscription automatique sur la liste simplement parce que vous avez été à l'origine d'une attaque terroriste. Il ne faut pas seulement tenir compte de l'exigence légale, mais aussi d'une évaluation politique du contexte et du moment ». Pour l'UE, il est donc primordial d'être capable d'assurer un soutien au Liban par un engagement « avec tous les partis politiques présents dans le pays » comme l'a encore récemment rappelé le haut représentant de l'UE Josep Borrell3.

Pourquoi l'UE ne suit-elle pas un raisonnement similaire pour le Hamas ou le FPLP, des organisations qui ne sont par ailleurs pas ou plus actives sur le sol européen ? Une partie de la réponse se trouve peut-être dans le fait que retirer une organisation de la liste semble beaucoup plus compliqué que l'y introduire.

Une procédure qui rend impossible toute radiation

Dès 2001, un réexamen régulier des personnes et entités reprises sur la liste est prévu, au minimum tous les six mois, « afin de s'assurer que leur maintien sur la liste reste justifié ». En 2007, l'UE formalise les procédures d'inscription ou de radiation de la liste. Elle instaure un groupe de travail, le groupe COMET, chargé d'instruire les décisions du Conseil. La décision est enfin prise à l'unanimité par le Conseil.

Outre l'État membre (ou le pays tiers) ayant initialement proposé l'inscription, les organisations listées elles-mêmes peuvent demander leur radiation de la liste. C'est ce que le Hamas tente de faire depuis plus de dix ans, sans succès. En septembre 2010, il introduit un recours auprès du Tribunal de La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). En décembre 2014, la décision du Tribunal fait l'effet d'une bombe : il affirme que le Conseil ne dispose pas d'éléments de preuve suffisants pour maintenir le gel des avoirs et l'interdiction de voyager imposés au Hamas. Dès le mois de janvier 2015, le Conseil se pourvoit en appel. En juillet 2017, la Cour de justice finit par annuler la décision du Tribunal et lui renvoie l'affaire pour réexamen4. En décembre 2018, l'arrêt du Tribunal finit par rejeter le recours du Hamas. Le Hamas ne s'en tient pas là, et se pourvoit en appel. En septembre 2019, le Tribunal lui donne raison sur l'un des moyens invoqués5. Mais le 21 novembre 2021, la Cour annule à nouveau l'arrêt du Tribunal et confirme le maintien du Hamas sur la liste des organisations terroristes de l'UE.

Le recours introduit par le Hamas montre que les procédures pour le maintien ou la radiation d'organisations sur la liste sont loin d'être limpides. Malgré une révision de la liste des organisations terroristes de l'UE tous les six mois, il semble que les radiations soient rares. En témoigne la présence sur la liste de l'organisation Abou Nidal, depuis longtemps inactive et radiée par les États-Unis en 2017. En effet, vu la longueur, la difficulté des procédures de recours et la nécessité d'avoir à la fois une initiative de l'État membre (ou de l'État tiers) qui en a proposé l'inscription et une décision à l'unanimité du Conseil, l'inscription d'une organisation s'avère la plupart du temps définitive. Un tel constat amène in fine à poser la question de la pertinence de la liste comme outil de politique étrangère. L'inscription sur la liste de l'UE se révélant de facto indélébile, elle n'encourage en effet en rien les organisations à changer et peut même contribuer à radicaliser leurs positions.

En définitive, l'UE semble donc parfois devoir choisir entre la lutte contre le terrorisme et sa politique en faveur de la paix et de la stabilité dans la région. Pourtant, il semble que l'outil de lutte contre le terrorisme qu'est la liste des organisations terroristes pourrait être mieux adapté aux intérêts de l'UE et de la politique européenne de voisinage. La décision prise en 2013 de ne lister que la branche armée du Hezbollah laisse en effet à la diplomatie européenne une plus grande marge de manœuvre au Liban. La procédure de radiation pourrait par ailleurs être plus flexible qu'elle ne l'est aujourd'hui, afin d'éviter d'« enfermer » des organisations sur la liste et de permettre de l'adapter aux objectifs de politique étrangère de l'UE.


1Voir Eur-Lex.

3« Questions parlementaires », 14 octobre 2020.

4Ce qui retient l'essentiel des débats juridiques porte sur les éléments de preuve nécessaires au maintien d'une organisation sur la liste. La Cour de justice a fini par donner raison au Conseil qui affirme qu'il peut se fonder sur des éléments nouveaux qui n'ont pas été examinés au préalable par une autorité nationale, or une décision nationale préalable n'est requise que pour les nouvelles désignations. La Cour estime néanmoins que le Conseil doit se fonder sur des éléments plus récents que ceux utilisés dans sa décision initiale.

5Le motif retenu par le Tribunal était que le Conseil n'avait pas authentifié par une signature les exposés des motifs accompagnant le maintien du Hamas sur la liste.

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