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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Les couperets de la loi anti « passoires thermiques » 

Le décret sur la fin des locations des passoires thermiques vient d’être publié et précise certaines modalités d’application – ou de non-application – de la loi. Tous les propriétaires bailleurs de logements mal notés sur le plan énergétique l’attendaient.

Rappel de la saison 1 : promulgation de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Les mesures consistent à interdire à la location les logements considérés insuffisamment isolés, et donc trop soumis aux déperditions d’énergie, soit les classes F et G du diagnostic de performance énergétique.

Comme le dit son intitulé, cette loi énonce l’existence d’un « dérèglement climatique » et assume qu’isoler un logement permet de le rendre « résilient ». Ce mot, qui désigne en physique des matériaux ayant la capacité de résistance aux chocs, s’emploie désormais à tout propos. Le dérèglement climatique est donc assimilé à un choc (thermique ?), et un logement situé à Dunkerque ou à Marseille nécessiterait les mêmes normes d’isolation thermique.

C’est une loi mal ficelée, dans l’air du temps, conçue pour plaire aux écologistes au détriment de propriétaires qu’elle contraint à réaliser des travaux avec de l’argent qu’ils n’ont pas, travaux qui ne seront jamais rentabilisés. Quand la loi est mal fichue, sa mise en pratique est ardue, d’où probablement le long délai de parution du décret.

 

Les dates sont bien arrêtées

Le décret précise que le couperet tombera le 1er janvier 2025 pour les logements classés G, et au 1er janvier 2028 pour ceux classés G.

Les propriétaires bailleurs ont donc un peu plus d’un an pour organiser de lourds travaux. Sachant par exemple que le délai de réalisation de fenêtres est actuellement de six mois.

Si un logement est en dessous de la norme, le locataire peut saisir la justice pour que le bailleur le mette en conformité. Le juge, transformé en expert immobilier, décidera alors de la nature des travaux et de leurs délais. En attendant, le loyer peut être minoré ou suspendu. À noter : la loi ne prévoit pas d’obligation de relogement du locataire durant les travaux (au Cerfaland, cette idée aurait pu effleurer le législateur toujours si généreux avec l’argent des autres).

 

Le cas épineux des copropriétaires

Dans beaucoup de cas, les propriétaires d’un logement situé dans une copropriété ne pourront pas atteindre le niveau exigé par la loi, et encore moins dans les délais impartis.

En effet, le bilan prend en compte l’isolation générale de l’immeuble et, lorsque c’est le cas, le type de chauffage collectif. Or, les toitures, les combles et greniers, les caves, certaines parties des plafonds et planchers, les murs extérieurs, les chaudières sont des parties communes. Et les propriétaires occupants ne tombent pas sous le coup de la loi. Ils ne sont donc pas grisés à l’idée d’entreprendre des travaux collectifs dont le coût (répétons-le au risque de radoter) ne sera pas nécessairement amorti par les économies de charges réalisées.

Mais ce n’est pas parce que vous savez que le niveau requis ne sera pas atteint que vous êtes dispensé d’initier vos travaux privatifs d’amélioration (changement de fenêtres, isolation par l’intérieur, etc.). Dans ce cas, après confirmation d’un DPE toujours défavorable, il vous faudra en plus produire les pièces justifiant que vos efforts de persuasion pour aboutir à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs n’ont pas abouti.

 

Choc climatique sur le patrimoine architectural

Le décret prévoit aussi le cas des bâtiments classés, des travaux qui fragiliseraient les structures, ou qui nécessiteraient des autorisations d’urbanisme, ou des permis de construire de la part de différentes autorités administratives qui les bloqueraient.

Soit, résumé en bon langage juridico-technocratique moderne écrit par la plume alerte du législateur :

« Les travaux nécessaires, entraînant des modifications de l’état des parties extérieures, y compris du second œuvre, ou de l’état des éléments d’architecture et de décoration de la construction, ont fait l’objet, pour ce motif, d’un refus d’autorisation par l’autorité administrative compétente sur le fondement des dispositions législatives et réglementaires du livre VI du Code du patrimoine, du titre IV du livre III du Code de l’environnement ou du livre Ier du Code de l’urbanisme. »

Alors dans ce cas, après avoir produit les dizaines de Cerfas et centaines de pièces nécessaires :

« Le juge peut, notamment, surseoir à statuer dans l’attente de l’intervention de la décision de l’autorité administrative compétente pour autoriser la réalisation de ces travaux. »

Bref, vous l’aurez déjà compris, cette loi va contribuer à engorger les tribunaux et nourrir de nombreux experts.

Au 1er janvier 2022, selon les données de l’Observatoire national de la rénovation énergétique, il y aurait 1,6 million de passoires thermiques dans le parc locatif privé, soit 20 %. Donc 20 % du parc locatif est à terme condamné.

Si votre logement est situé dans le grand Paris, et vacant pendant les Jeux Olympiques, vous pourrez à ce moment-là, tirer une dernière cartouche en le louant à prix d’or en meublé de courte durée. Pour le moment, la loi ignore les locations meublées type Airbnb.

 

Ce qui commence à se voir : choc social en vue

Plus sérieusement, les conséquences directes sont pour le moment :

  • Un afflux d’offres de vente de logements classés F et G (+8 % selon MeilleursAgents et SeLoger) alors que les acheteurs se raréfient en raison des hausses de taux
  • Une tension sur le marché locatif dès cette rentrée, abondamment relayée par les médias
  • Sur les réseaux sociaux, des crispations de plus en plus visibles entre la jeune génération active et les retraités. La première doit faire face à l’envolée des prix de l’immobilier, la hausse des taux, l’inflation et un salaire net qui s’essouffle, puisque la retraite par répartition les condamne à payer les pensions de la génération précédente. Et la population des retraités compte de nombreux propriétaires immobiliers.

 

Dans sa passoire thermique, face à sa cheminée illuminée du premier feu de l’automne, le philosophe reliera Frédéric Bastiat :

« Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi n’engendrent pas seulement un effet, mais une série d’effets. De ces effets, le premier seul est immédiat ; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas ; heureux si on les prévoit. »

L’effet social est désastreux : cette loi ne fait qu’accélérer la crise immobilière et augmenter les crispations intergénérations.

Quant à l’effet sur le climat, je suis prête à parier qu’il sera nul.

Attribution des logements sociaux : décentralisation et liberté vont-elles toujours de pair ?

Redonner aux maires la compétence de l’attribution des logements sociaux : tel est l’engagement pris par le président de la République Emmanuel Macron devant les 220 maires reçus le 4 juillet dernier à l’Élysée, rapporte le journal Mediapart.

Si les modalités précises de cette dévolution aux maires ne sont pas connues, elles auront probablement pour objectif de simplifier les procédures d’examen des dossiers de candidats à un logement social : en effet, à l’heure actuelle, cette compétence échoit à une commission d’attribution du logement, composée de représentants du bailleur (y compris un représentant de ses locataires), de la commune, ainsi que de l’État.

Cet article de Mediapart ainsi qu’un fil du député LFI – NUPES François Piquemal sur Twitter se font l’écho d’inquiétudes à gauche sur les risques de clientélisme et de discrimination ethnique, religieuse et sociale dans le cadre de l’attribution des HLM, si cette compétence était réservée aux seuls maires.

Cet exemple nous semble intéressant car il nous invite à réfléchir, en tant que libéraux, à notre rapport à la décentralisation : cette dernière est-elle systématiquement porteuse de davantage de libéralisme ?

 

Un tropisme libéral traditionnellement favorable à la décentralisation

La philosophie libérale est généralement plutôt favorable à une forme de décentralisation, dans la mesure où elle favorise la dispersion du pouvoir.

Benjamin Constant loue ainsi le « pouvoir municipal », qui « n’est un pouvoir que relativement aux administrés, ou plutôt c’est leur fondé de pouvoir pour les affaires qui ne regardent qu’eux ».

À chaque échelon ses affaires, à chaque strate son autonomie : c’est au niveau de la commune que se décident le mieux les affaires de cette dernière.

Tocqueville a également souligné « les avantages politiques que les Américains retirent du système de la décentralisation », qui constitue le ferment d’une culture civique du souci de l’intérêt général local, à rebours de l’attitude du citoyen d’un État centralisé à l’excès (« la fortune de son village, la police de sa rue, le sort de son église et de son presbytère ne le touchent point ; il pense que toutes ces choses ne le regardent en aucune façon, et qu’elles appartiennent à un étranger puissant qu’on appelle le gouvernement »).

 

La décentralisation peut porter en germe des pratiques illibérales

Pourtant, la décentralisation peut être porteuse d’abus de liberté, en particulier si ses modalités de mise en œuvre sont propices au développement de despotismes locaux. Octroyer ainsi le pouvoir d’attribution des HLM au seul maire constitue ainsi un exemple typique de ce risque.

S’il ne s’agit naturellement pas de soupçonner les quelques 35 000 maires de France de clientélisme, il convient cependant de rappeler qu’ils disposent de prérogatives importantes, ainsi que d’un prestige symbolique non négligeable1.

Cette conjonction du pouvoir politique et du prestige symbolique du maire est ainsi susceptible de créer un déséquilibre entre les administrés et lui-même : en cas de discrimination, de copinage, de clientélisme, il sera ainsi difficile de prouver, et surtout de lutter contre un tel détournement de pouvoir au service d’intérêts particuliers.

C’est pourquoi il semble nécessaire, à rebours de la proposition du gouvernement, de conserver les modalités actuelles d’attribution des HLM, ou tout au moins d’en maintenir le caractère collégial, afin de ne pas octroyer à un seul individu, doté d’un fort pouvoir et d’un ancrage local important, et donc par essence très exposé aux risques de clientélisme, le pouvoir de disposer comme bon lui semble de biens financés par des ressources publiques.

Cette exigence répond non seulement à des principes énoncés par l’article 15 de la Déclaration de 1789, mais également par la nécessité de garantir une transparence maximale s’agissant de l’emploi de fonds prélevés aux individus par la coercition, grâce à la force de l’État.

Or, la collégialité constitue assurément un moyen de limiter les risques de clientélisme et de détournement de pouvoir : en effet, il y a moins de chances que trois personnes différentes poursuivent, par exemple, les mêmes velléités racistes en prétendant exclure certains groupes de l’accès au logement social, ou bien soient proches de tel ou tel candidat que l’un des membres du collège souhaiterait favoriser au détriment des autres personnes éligibles.

 

Au-delà du logement social, le marché privé comme outil de lutte contre les discriminations à l’accès au logement

Cependant, la question de l’attribution des logements sociaux ne constitue qu’un aspect partiel, bien que non négligeable, de la question de l’accès au logement en général.

En effet, face à l’intensification de la pénurie de logements, il est indispensable de libérer le marché privé, outil essentiel en matière de lutte contre les discriminations à l’accès au logement, notamment en raison de la multiplicité des acteurs qui l’animent. Une telle affirmation peut paraître contradictoire, dans la mesure où le bailleur particulier est seul face aux potentiels locataires, et que la collégialité susceptible de neutraliser les velléités de discrimination des individus est absente.

Mais c’est oublier que la liberté du marché favorise l’augmentation de l’offre, qui est donc proposée par une multiplicité de bailleurs : or, ces derniers ne poursuivent pas tous les mêmes objectifs, ne partagent pas tous les mêmes préjugés. Il existe dès lors un risque moindre qu’un ou plusieurs acteurs oligopolistiques exerçant des pratiques discriminatoires captent une grande partie du marché, contrairement à une organisation administrative, par essence plus sujette à une uniformisation des objectifs et des moyens poursuivis pour atteindre ces objectifs.

 

En conclusion

Plutôt que de proposer une simplification d’ordre accessoire et potentiellement pernicieuse, mieux vaudrait mettre en place une politique de l’offre courageuse, en jouant sur trois volets complémentaires :

  1. Accroître la transparence de l’attribution des HLM
  2. Intensifier la construction de logement social public
  3. Libérer le marché privé du logement.

 

Seul un choc d’offre, favorisé par une libéralisation de la construction et du marché de la location, pourra résoudre, à terme, la crise que traverse l’immobilier français.

  1. Il n’est ainsi pas douteux que que nombre de Français croient élire directement le maire de leur commune, alors même que l’élection appartient au seul conseil municipal, et que la tête de la liste majoritaire ne soit donc, du moins en théorie, pas assurée d’être choisie comme maire.

Crise du logement : conséquences du plafonnement des loyers et des normes inatteignables

Le mercredi 28 juin dernier, le Parlement a définitivement approuvé la prolongation du dispositif de plafonnement des loyers. Ce plafonnement limite à 3,5 % par an l’augmentation des loyers alors que la gauche prônait un gel pur et dur.

La progression des loyers est assujettie à l’indice de référence des loyer (IRL). Il est calculé par l’INSEE chaque trimestre et correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation, hors tabac et hors loyers.

 

Protéger les locataires des effets de l’inflation

Dans un contexte explosif d’augmentations tous azimuts, le gouvernement, par la loi précitée, a anticipé sur une réaction prévisible des locataires incapables de faire face à une augmentation trop brutale des loyers.

D’aucuns pourraient prétendre que cette mesure protège également les bailleurs contre des impayés de des procédures le plus souvent infructueuses.

Essayons de survoler globalement la situation locative.

 

Évolution de la vacance des logements

J’ai décrit dans un document en 2015 les conséquences délétères de l’application du décret du 30 janvier 2002 qui se traduisent par l’obligation pour le bailleur de remettre en état de décence un logement qui a été confié en bon état mais qui se trouve dégradé en cours de bail par le locataire.

Les effets n’ont pas tardé à se manifester :

On voit clairement sur la courbe que de nombreux bailleurs ont réagi à cette obligation de mise en conformité en abandonnant la location, soit à cause du coût excessif de la mise aux normes, soit à cause de l’impossibilité d’être indemnisés des frais occasionnés par des locataires indélicats.

Cette explosion de la vacance des logements n’a pas incité les décideurs politiques à approfondir la question : ils ont réagi en renforçant le décret du 28 décembre 1998 par la loi d’engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 qui a permis aux municipalités d’appliquer une taxe d’habitation aux logements laissés vacants depuis un an.

On voit clairement sur la courbe que la loi de 1998 a eu un effet réel sur la vacance, mais que la loi de 2006 n’a absolument pas influé la courbe.

On peut en conclure que le problème de mise aux normes était davantage insoluble que le remède qu’on lui appliquait.

 

L’aggravation du problème 

Au fur et à mesure de l’évolution des normes (RT 2012, RT 2020), les exigences en matière de performance énergétique des logements deviennent de plus en plus coûteuses… et immédiates.

Mettre des logements en conformité F en 2025, E en 2028, D en 2034 relève d’impossibilités techniques et économiques que j’ai déjà évoquées, les logements classés G étant déjà interdits de location depuis le 1er janvier 2023.

L’inflation exponentielle des matériaux de construction est un frein nouveau et conséquent à la mise aux normes :

Vouloir obliger les propriétaires à dépenser l’argent qu’ils n’ont pas est une erreur d’incompétents qui ont l’habitude de gérer en dépensant l’argent des autres.

Si on compare la courbe des coûts de construction précédente avec l’évolution des loyers, on constate une disparité évidente :

Au regard de la courbe, les loyers ont subi une croissance moyenne de 1,12 % par an sur 13 ans.

Sur la période plus récente de 2018 à 2023, on a les chiffres suivants :

Négation du principe de rentabilité

Les investisseurs fonctionnent sur un principe simple : ils sont prêts à consacrer leurs efforts, les économies faites sur leurs loisirs ou leur bien-être personnel pour les mettre à disposition d’autrui à condition d’un retour sur investissement positif, et d’une garantie de pérennité de ces acquis.

Quand on regarde le graphique suivant, il va sans dire qu’un investisseur va devenir critique :

Si la baisse des taux d’intérêts est parallèle à la baisse du rendement locatif, il est évident qu’un investisseur va s’orienter vers les investissements les plus intéressants et les moins risqués.

Or, compte tenu des inconvénients que j’ai développés dans de nombreux articles sur Contrepoints et sur mon blog, il est évident que la rentabilité du locatif est aléatoire et risquée.

 

Encore une mesure pour protéger les locataires, à la charge des propriétaires

Comme on l’a vu plus haut, alors que le coût de la construction augmente deux fois plus vite que les loyers, aggravé par la crise inflationniste et par les mesures coercitives de mise aux normes, nos dirigeants ont voté un plafonnement des loyers à un niveau quasi moitié de celui de l’inflation.

Aucune mesure proportionnelle de protection des propriétaires n’accompagne cette décision, ni en matière de garantie des loyers ni en matière d’indemnisation des dégâts causés par des locataires, ni en matière d’expulsion des indélicats ou des squatters.

Demander des travaux de remise à des normes inatteignables, vouloir obliger le remplacement des chaudières à gaz ou à fuel ou pire, chaudières à bois par des pompes à chaleur dont l’énergie consommée est affublée d’un coefficient de 2,30 pour calculer l’énergie primaire du classement au DPE est d’un aveuglement indicible.

 

Conséquence prévisible 

Nos décideurs n’ont pas voulu s’intéresser aux causes de l’évolution de la vacance des logements, ils limitent les loyers en obligeant les propriétaires à dépenser des fortunes en travaux pour économiser l’énergie payée par les locataires…

Que croyez-vous qu’il arrivera ?

La vacance des logements augmentera, le portage ciblé récupérera les logements exclus à des prix de braderie, pour les faire mettre aux normes avec le fruit des impôts. Mais comme le prix de l’immobilier va s’effondrer (tous voudront vendre et personne n’achètera) l’assiette de l’impôt diminuera au prorata de la valeur immobilière, et il y aura moins de moyens pour rénover.

Une crise du logement sans précédent est en marche.

Article publié initialement le 6 juillet 2023.

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