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L’accord de divorce que le Royaume-uni vient de conclure avec l’UE sera-t-il validé par le Parlement britannique ?

Par : pierre

Le dossier Brexit n’est pas clos, loin de là. Une seule chose est certaine – et c’est l’essentiel : pour la première fois, un Etat membre sortira de l’UE. Ce sera formellement le cas, le 29 mars prochain, pour le Royaume-Uni. Et ce, conformément au choix exprimé par une majorité d’électeurs en juin 2016. Contrairement aux rêves de ceux pour qui un « Non » doit toujours être remis en question, il n’y aura pas de second référendum.

Pour le reste, l’incertitude demeure : le traité de divorce annoncé le 14 novembre, après presque deux ans de laborieuses négociations entre Londres et Bruxelles, sera-t-il approuvé par le Parlement britannique ? Et si oui, comment se dessineront les nouvelles négociations censées aboutir, en principe d’ici fin 2020, à un vaste accord régissant les futures relations entre les deux parties ?

A l’inverse, si Westminster refusait le projet, le Royaume-Uni larguerait sèchement les amarres. Une hypothèse synonyme de cataclysme selon les dirigeants européens. Certes, dans ce dernier cas, de nombreux problèmes techniques seraient à résoudre, dans un climat inévitablement tendu. De là à décrire une situation de paralysie totale, des Anglais menacés par des pénuries effrayantes, et un chaos économique continental sans précédent … Les exagérations qu’on entend de diverses parts ne sont certainement pas innocentes.

A ce stade, le projet d’accord ligue contre lui, dans le microcosme politique anglais, deux groupes antagonistes : d’une part les députés qui restent indécrottablement nostalgiques de l’intégration européenne ; d’autre part les partisans d’un Brexit rompant clairement et rapidement avec toute dépendance vis-à-vis de Bruxelles.

Le choix pour les amis de Mme May « est désormais entre le reniement de leur promesse politique absurde ou le désastre économique »  – Bruno Le Maire (et ses gros sabots)

On peut parfaitement comprendre la frustration de ces derniers. Car le Premier ministre, Theresa May, a dû accepter d’importantes concessions. Les Vingt-sept entendaient imposer un divorce le plus défavorable et coûteux possible aux Anglais, dans le but quasi avoué de dissuader les peuples tentés de choisir eux aussi la sortie. Revanchard, Bruno Le Maire déclarait ainsi, alors que l’encre de l’accord était à peine sèche, que le choix pour les amis de Mme May « est désormais entre le reniement de leur promesse politique absurde ou le désastre économique ». Difficile, pour le ministre français de l’Economie, d’avancer avec de plus gros sabots…

Période de transition

L’accord prévoit une « période de transition », jusqu’en décembre 2020, pendant laquelle le pays, certes sorti de l’UE, sera encore soumis aux obligations communautaires. Cette période pourrait même être prolongée d’un an si les deux parties estiment que c’est nécessaire pour fignoler le futur cadre des relations de long terme (dont les relations commerciales).

Deux points du divorce avaient déjà été actés depuis quelques mois : le statut des expatriés, ainsi que les sommes que Londres s’engage à continuer à verser au pot communautaire pour solder ses engagements antérieurs.

Restait le casse-tête de la frontière entre l’Irlande du Nord (qui fait partie du Royaume-Uni) et la République d’Irlande, membre de l’UE. Londres, Dublin et Bruxelles partageaient le but d’éviter le rétablissement de postes de douane. Mais les dirigeants européens ont proclamé vouloir préserver l’intégrité du « marché intérieur » de l’UE, et avaient donc demandé que l’Irlande du Nord reste soumise aux règles de ce marché unique.

Pas question d’accepter une frontière interne au Royaume-Uni, a martelé Londres, qui a, dès lors, accepté que le pays tout entier reste membre de l’union douanière européenne, sa province irlandaise ayant des obligations renforcées. Mais cette concession ne serait mise en œuvre que si n’était pas trouvée, d’ici 2020, une solution plus satisfaisante pour l’après période transitoire.

Une concession majeure théoriquement donc limitée dans le temps (impliquant cependant le bon vouloir de l’UE), mais qui entraîne notamment de l’acceptation de l’autorité de la Cour de Justice européenne, dont les Britanniques voulaient se débarrasser. De même, le moment où le pays pourra négocier ses propres accords commerciaux avec des pays tiers, est reporté.

Calendes grecques ?

Reporté aux calendes grecques ? Telle est la crainte de nombreux Brexiters. Certains se sentent, de bonne foi, floués. D’autres – au sein même du parti conservateur – s’insurgent contre le « deal » pour des ambitions moins avouables visant à faire chuter Mme May.

Jusqu’à présent cependant, celle-ci a résisté à toutes les épreuves, alors que sa démission est très régulièrement pronostiquée depuis qu’elle est entrée en fonctions, en juillet 2016. La conjonction des oppositions au Parlement, qui doit se prononcer mi-décembre, pourrait, sur le papier, rejeter l’accord. Mais Mme May n’a pas dit son dernier mot.

Quant au Parti travailliste – lui-même divisé – il a également annoncé son intention de voter contre, avec l’espoir de déstabiliser ainsi le gouvernement et de se rapprocher des portes du pouvoir. Sur le fond pourtant, cette attitude est paradoxale, en tout cas pour Jeremy Corbyn, qui défend des renationalisations de services publics, particulièrement du rail, et une rupture nette avec l’austérité – des propositions très populaires.

Mais qui ne sont envisageables que si le pays n’est plus sous la coupe de l’Union européenne…

 

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Intervention télévisée de Macron le 10 décembre : personne n’a écouté la dernière phrase !

Par : pierre

Gilets jaunes : Bruxelles est en embuscade, tant sur les concessions budgétaires que sur le prix (libéralisé) de l’énergie.

Face à l’ampleur du mouvement des gilets jaunes, et à la détermination de ceux qui l’animent, Emmanuel Macron a dû reculer. Très insuffisamment, certes, au regard des exigences de pouvoir d’achat, de justice sociale, et de souveraineté populaire – un terme qui revient désormais régulièrement sur les ronds-points.

Insuffisamment, mais assez, cependant, pour inquiéter la Commission européenne. Le Commissaire à l’Economie, Pierre Moscovici, a mis en garde la France, le 11 décembre. Interrogé par l’AFP, il a indiqué que Bruxelles « suivra avec attention l’impact des annonces faites par le président » français sur le déficit, et étudiera de près les modalités de financement de ces mesures. Le lendemain (le 12), il a précisé dans Le Parisien que dépasser cette limite ne peut être envisageable que « de manière limitée, temporaire, exceptionnelle ».

L’exécutif européen rappelle que le pays reste soumis au Pacte de stabilité

En d’autres termes, l’exécutif européen rappelle que le pays reste soumis au Pacte de stabilité qui impose un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB. Depuis la crise de 2008, la « gouvernance » de la zone euro a même été renforcée – le gouvernement italien en sait quelque chose.

Le prix de l’énergie

Mais l’Union européenne est aussi en embuscade sur un autre point : les prix de l’énergie. Car si le coût de l’essence, du gaz, mais aussi du fuel ne résume pas, et de loin, la colère, il a quand même mis le feu aux poudres dès lors qu’était annoncée pour janvier une taxe écologique visant à imposer d’autres comportements.

Au demeurant, l’énergie reste plus que jamais un poste qui pèse lourd dans le budget de millions de ménages. Pour rouler, bien sûr, mais aussi pour se chauffer. Du coup, après avoir tenté en vain de désamorcer l’exaspération en annulant lesdites taxes environnementales sur les carburants, le gouvernement a également promis de geler le prix du gaz et de l’électricité.

Pour cette dernière cependant, il y a un os. Le premier ministre peut certes différer de quelques mois l’augmentation attendue de 6% du prix du kilowatt. Mais il ne peut pas la bloquer, libre marché oblige. Un tel gel avait déjà été entrepris par un précédent gouvernement, en 2012, mais les concurrents d’EDF avaient attaqué cette décision en justice. Avec succès : en application des règles européennes, le Conseil d’Etat avait condamné cette décision en 2014, ce qui avait contraint l’entreprise nationale à récupérer des arriérés sur les factures des usagers.

« La Commission encourage les Etats membres à établir une feuille de route pour sortir du système des prix administrés »

C’est que, pour Bruxelles, les règles de la concurrence sont sacrées. Le marché de l’électricité a été progressivement déréglementé à partir des années 1990, par des « paquets législatifs » européens successifs. En 2016, la Commission a présenté un projet de directive visant à parachever cette libéralisation (et à y inclure les sources nouvelles de production). Ses attendus sont sans ambiguïté : « la régulation des prix peut limiter le développement d’une concurrence effective, décourager les investissements et l’émergence de nouveaux acteurs. C’est pourquoi (…) la Commission encourage les Etats membres à établir une feuille de route pour sortir du système des prix administrés ».

Les « prix administrés » désignent le système où la puissance publique prend la main face au marché. C’est cette faculté-là qu’il faut éliminer, martèle la Commission, soutenue en cela par l’europarlement. Dans cette assemblée, c’est un député Vert espagnol qui pilote le dossier. Pour ce dernier, Florent Marcellesi, « la position du Parlement européen sur ces tarifs réglementés, qui est aussi celle de mon groupe, c’est qu’il faut en sortir, car ils bloquent le développement des énergies renouvelables ». Encore un bienfait de l’écologie.

Du reste, certaines capitales, dont Paris, essaient en coulisses d’atténuer un tout petit peu cette libéralisation totale, espérant garder un modeste espace pour le tarif réglementé.

Evidemment, si la puissance publique n’a plus la main sur les prix du courant proprement dits, le gouvernement peut choisir de diminuer les taxes sur ce dernier. Ces taxes représentent en l’occurrence plus de 35% de la facture pour l’usager. Il y a bien sûr la TVA, mais aussi ladite « contribution au service public de l’électricité » (CSPE), qui assure notamment le financement des énergies renouvelables. Utile rappel : la facture d’électricité avait naguère été alourdie au bénéfice des éoliennes ou des panneaux solaires, car le courant ainsi produit revient bien plus cher que le classique (nucléaire, hydraulique…). Qui s’en souvient ?

Là encore, il s’agissait de se conformer aux objectifs définis au niveau européen (« paquet énergie-climat ») visant à diminuer les émissions de gaz carbonique.

Austérité budgétaire imposée, alourdissement des contraintes environnementales, libre concurrence obligatoire : de quelque côté qu’on se tourne, les chemins mènent à Bruxelles.

« Notre seule bataille, c’est pour la France »

Il reste pourtant une lueur d’espoir que seuls les courageux ayant écouté le maître de l’Elysée pérorer jusqu’au bout, le 10 décembre, ont pu déceler. Car qui a prêté attention à la dernière phrase ? « Notre seule bataille, c’est pour la France », a-t-il proclamé sans rire. Lui qui, durant dix-huit mois, de la colline d’Athènes au grand amphithéâtre de la Sorbonne ne cessait de proclamer : notre avenir, c’est la « souveraineté européenne ».

Si Manu avait vraiment opéré ce spectaculaire demi-tour, on pourrait immédiatement sabler le Champagne sur les ronds-points de France et de Navarre. On n’en est hélas pas encore tout à fait là.

 

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Gilets jaunes : la genèse d’un mouvement qui pourrait marquer l’Histoire de la France

Par : fabien

Beaucoup de commentateurs croient déjà pouvoir savourer l’enterrement des Gilets jaunes. C’est sans doute aller un peu vite en besogne. Quoi qu’il en soit, il n’est pas trop tôt pour revenir sur les traits saillants et inédits de ce mouvement, ainsi que sur les enjeux dont il est porteur.

Lire aussi : Des Gilets jaunes à l’ « empire européen » (éditorial paru dans l’édition du 28 novembre)

Le soulèvement…

Le 17 novembre 2018 a marqué le premier acte de mobilisation nationale du mouvement citoyen des Gilets jaunes. A la fin de cette journée, l’exécutif annonçait qu’à son pic, la mobilisation avait rassemblé 282 700 manifestants dans tout le pays. Un chiffre qui a laissé perplexe, puisqu’il correspondait à une moyenne de 62 participants par point de blocage sur tout le territoire…

Péages d’autoroute, ronds-points ou encore parkings de centre commerciaux : une partie du peuple vêtu de jaune venait ainsi d’investir, de façon inédite, la « rue » et nombre de ses points stratégiques, un peu partout sur l’Hexagone.

Le gouvernement ne bouge pas d'un iota après la mobilisation du #17Novembre #GiletsJaunes https://t.co/5SB2dLbwZw pic.twitter.com/HkInmWKX02

— Marianne (@MarianneleMag) November 18, 2018

Une colère plus forte que les tentatives de la récupérer ou de la calmer

C’est une taxe écologique qui a mis le feu aux poudres. Mais la colère populaire s’est avérée bien plus profonde, comme en témoigne une première liste de revendications « officielle » diffusée dès le 29 novembre. Spontanée et luxuriante dans sa forme, celle-ci pointe des enjeux fondamentaux. Elle s’en prend explicitement aux politiques menées ces dernières décennies par les gouvernements successifs.

Les « abandonnés de la mondialisation » ont manifesté leur exaspération. En face, les détracteurs médiatiques du mouvement ont tenté de le discréditer. Dès la première journée, nombre d’éditorialistes n’ont pas manqué de concentrer leurs efforts sur les dérapages ou accidents regrettables mais isolés. Une approche anxiogène qui s’est accompagnée de la rhétorique gouvernementale dénonçant une « radicalisation » du mouvement, affirmant à l’envi que celui-ci serait gangrené par des membres de « l’ultra-droite »…

Des actions à la symbolique puissante

Des blocages de lieux stratégiques en province jusqu’aux multiples vagues jaunes qui ont déferlé sur ladite plus belle avenue du monde : pour exprimer son exaspération, le mouvement citoyen s’est affranchi du cadre initialement octroyé par l’Etat.

Ainsi, dès le 24 novembre, date à laquelle des Gilets jaunes s’étaient pour la première fois décidés à converger sur Paris, les manifestants ont ignoré les consignes du gouvernement qui souhaitait contenir le rassemblement sur le Champ de Mars. C’est bel et bien aux abords des lieux de pouvoirs, de l’avenue des Champs-Élysées à la rue du Faubourg Saint-Honoré (à quelques pas du palais présidentiel), que la plupart des citoyens mobilisés ont ainsi décidé de porter leur message.

Un groupe de #GiletsJaunes est parvenu à s’approcher à 100m du Palais de l’Elysée#24novembre

⚡️ EN CONTINU :
➡️ https://t.co/0dycJZ2r5T pic.twitter.com/ipWejdY5MJ

— RT France (@RTenfrancais) November 24, 2018

Un phénomène inédit face auquel les autorités ont mis en place d’impressionnants dispositifs de sécurité, incluant de nombreuses interpellations préventives. Par exemple, pour la seule journée du 8 décembre (dit acte IV du mouvement), les forces de l’ordre ont procédé, au total, à 1 723 interpellations (chiffre officiel). Le même jour, les blindés de la gendarmerie arborant le drapeau européen ont été dispatchés dans la capitale.

Quant à la province, depuis près de quatre semaines, une partie du peuple se relaie jour et nuit, avec un soutien significatif de la population locale, pour tenir des ronds-points ou encore des péages d’autoroutes. Par ailleurs, certains complexes commerciaux ont connu une chute importante de leur chiffre d’affaire.

Des masques qui tombent au fur et à mesure que le message se construit

Le mouvement a bénéficié d’emblée d’une popularité sans précédent auprès de la population française. Il s’est même, dans un premier temps, attiré le soutien proclamé d’une large part de l’opposition, de gauche comme de droite.

Mais certaines familles politiques ont, au fur et à mesure de l’expression des revendications, pris leurs distances. A l’image de Laurent Wauquiez, chef des Républicains, qui a appelé à cesser le mouvement après l’avoir soutenu officiellement, d’autres personnalités politiques n’ont pas hésité, après l’attaque de Strasbourg, à brandir la menace terroriste pour demander un arrêt du mouvement.

Un choix qui fut d’ailleurs épinglé par quelques responsables politiques comme Jean-Luc Mélenchon, qui estimait le 12 décembre qu’il fallait que « la République, ses passions, ses mobilisations, puissent continuer » ; ou encore comme Florian Philippot, qui déclarait le même jour qu’ « un mouvement social n’a jamais sali la mémoire de victimes du terrorisme ».

Le président de la République a quant à lui multiplié les précautions afin de dissimuler la condescendance que ses détracteurs lui reprochent. Mais même temporaire, l’empathie pour un mouvement populaire semble rester inaccessible à certains membres éminents du camp Macron, à l’image du chef des députés du parti présidentiel, Gilles Le Gendre, qui, le 17 décembre, n’a pas réussi à contenir son égo. Il a ainsi considéré qu’une des erreurs du gouvernement résidait dans le fait d’avoir été « trop intelligent, trop subtil »…

.@GillesLeGendre : "Nous avons insuffisamment expliqué ce que nous faisons. Et une 2e erreur a été faite : le fait d'avoir probablement été trop intelligent, trop subtile, trop technique dans les mesures de pouvoir d'achat. Nous avons saucissonné toutes les mesures" #Tdinfos pic.twitter.com/NKO7syUUWh

— Public Sénat (@publicsenat) December 17, 2018

Par ailleurs, afin de contenir les actions locales menées dans le cadre du mouvement citoyen, l’exécutif a assuré, dès le lendemain de l’acte V, qu’il ne tarderait pas à envoyer les CRS et gendarmes sur les ronds-points de France.

Contre vents et marées, les Gilets jaunes ne lâchent rien

Jusqu’alors plus rapide et plus efficace que ses prédécesseurs pour satisfaire les intérêts qu’il représente, Emmanuel Macron se retrouve dans une impasse. Aujourd’hui nommément visé par le mouvement des Gilets jaunes en tant qu’énième pion au service des institutions supranationales européennes, l’actuel locataire de l’Elysée n’a eu d’autre choix que de revenir sur la hausse annoncée des taxes sur le carburant (qui constitua à l’origine la goutte d’eau).

Lire aussi : Intervention télévisée de Macron le 10 décembre : personne n’a écouté la dernière phrase !

Après une première phase pacifique pour le moins traitée avec mépris par l’exécutif, la sympathie constante du mouvement citoyen auprès de la population française, ainsi que les violents incidents en marge des mobilisations successives aux abords des lieux de pouvoirs, ont réussi à faire reculer le gouvernement.

Mais les Gilets jaunes ne comptent pas s’en contenter : le 13 décembre, un communiqué mettait en avant quatre propositions : l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), la création d’une assemblée citoyenne, la baisse des taxes sur les produits de première nécessité, et la « réduction significative » des salaires gouvernementaux.

Rendez-nous notre liberté et notre souveraineté

Ce jour-là, des porte-parole du mouvement s’exprimaient à Versailles devant la salle du Jeu de paume, symbole de l’unité des députés du Tiers-état lors de la Révolution française. 229 ans plus tard, ces Gilets jaunes ont prêté le serment « de ne pas se séparer avant d’avoir obtenu la présentation devant le peuple français du référendum d’initiative citoyenne, du recul des privilèges d’Etat et de la baisse des prélèvements obligatoires », avant de terminer leur communiqué en ces termes : « rendez-nous notre liberté et notre souveraineté ».

Un message clair adressé à celui qui a toujours prôné le transfert de celle-ci à l’échelle européenne.

Lire aussi : Attention Macron : les gilets jaunes, ça réfléchit…

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« Nous sommes le peuple ! » (éditorial paru dans l’édition du 19/12/2018)

Par : pierre

Londres, Berlin, Rome, Madrid, Bruxelles, Stockholm. Et Paris. Si un européiste s’était éclipsé de l’UE il y a quelques années et ré-atterrissait aujourd’hui, il serait atterré, éberlué, anéanti. Où qu’il porte le regard, il ne découvrirait que ruines et cataclysmes. A commencer par ce fait de portée littéralement historique : pour la première fois, un pays va quitter l’Union européenne après en avoir démocratiquement décidé. Certes, les soubresauts ne sont pas terminés. Mais, d’une manière ou d’une autre, fût-ce à une échéance un peu plus éloignée qu’espéré par certains, le Royaume-Uni va reprendre le contrôle de ses lois, de ses deniers, de ses frontières.

L’Allemagne connaît une instabilité politique durable. A Rome, le cauchemar de la Commission européenne s’est réalisé. La Belgique vient de plonger dans une crise gouvernementale. La Suède n’a toujours pas de gouvernement.

L’Allemagne est, quant à elle, plongée depuis les élections de septembre 2017 dans une instabilité politique durable. Elections régionales calamiteuses, coalition chancelante et démission forcée de la patronne des chrétiens-démocrates : nul ne se risque à pronostiquer la fin de ce chaos qui paralyse Berlin sur la scène européenne.

A Rome, le cauchemar de la Commission européenne s’est réalisé : la coalition baroque des « populistes » et de l’« extrême droite » est au pouvoir et ne s’estime pas tenue par les règles sacrées de l’euro. Certes, des signes de compromis sont envoyés vers Bruxelles. Mais le fait est là : l’un des pays réputés les plus euro-enthousiastes durant des décennies a tourné casaque.

L’Espagne était il y a quelques mois encore décrite comme l’un des derniers pays immunisé contre ladite extrême droite. Or le parti Vox, jusqu’à présent marginal, vient d’entrer de manière fracassante dans le parlement régional d’Andalousie, et nourrit des espoirs réalistes de s’allier avec le Parti populaire (conservateur) en vue d’être associé au pouvoir à Madrid, peut-être dès 2019. La Belgique vient de plonger dans une crise gouvernementale. La Suède n’a toujours pas de gouvernement, près de quatre mois après les élections.

Et si notre néo-huron tentait de se consoler en se tournant vers l’Est, le spectacle achèverait de le désespérer. La Pologne et plus encore la Hongrie sont en conflit avec l’Union qui a entamé contre elles des procédures pour « grave atteinte à l’Etat de droit ». Quant à la Roumanie, elle est en passe de rejoindre le camp des moutons noirs « illibéraux », mais là avec un gouvernement social-démocrate. Comble de malheur : Bucarest prend au 1er janvier la présidence semestrielle du Conseil de l’UE.

Champ de ruines et de mines

Dans ce qui représente pour les fans de l’Europe un champ de ruines et de mines, on ne saurait oublier la France. On peut même penser que le mouvement des Gilets jaunes constitue, parmi les Vingt-huit et hors Brexit, la crise la plus ample, la plus profonde, et la plus dangereuse pour l’intégration européenne.

Parti d’un rejet ô combien légitime d’une taxe supplémentaire sur le carburant visant officiellement à imposer la « sobriété » énergétique « pour éviter la fin du monde », cette mobilisation allie dans une même dynamique l’irruption de la question sociale, à travers la révélation que la pauvreté et le mal-vivre ne sont pas le lot des seuls « exclus », mais bien de millions de ménages qui forment le monde du travail ; et la prégnance de la question nationale, comme en témoigne l’omniprésence du drapeau tricolore et de la Marseillaise. Deux mots sont revenus comme un leitmotive : pouvoir d’achat pour vivre décemment ; et souveraineté populaire, pour décider ensemble. Une auto-politisation accélérée résumée en une formule : « nous sommes le peuple ». Explosif et ravageur pour un président de la République symbolisant la richesse éhontée et l’arrogance assumée.

« Notre seule bataille, c’est pour la France » : la proclamation d’Emmanuel Macron relève de l’escroquerie, mais révèle la force d’un mouvement qui l’a contraint à passer ce soir-là l’Europe par pertes et profits

Ce dernier n’est pas seulement démonétisé dans l’Hexagone. Il a largement perdu son crédit au sein des élites de l’UE, qui, il y encore un an, voyaient en lui le jeune et brillant sauveur de l’Europe. La presse allemande, en particulier, ne lui pardonne pas d’être tombé de son piédestal jupitérien. C’en est fini des espoirs de réformes « audacieuses » et des ambitions européennes déclamées dans le discours de la Sorbonne.

Concluant son intervention solennelle du 10 décembre, le maître de l’Elysée a usé notamment de deux formules : « mon seul souci, c’est vous » ; « notre seule bataille, c’est pour la France ». La première est un aveu involontairement humoristique ; la seconde relève évidemment de l’escroquerie, mais révèle la force d’un mouvement qui a contraint le chantre de la « souveraineté européenne » à passer ce soir-là l’Europe par pertes et profits.

Rien ne sera plus jamais comme avant.

Pierre Lévy

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Gilets jaunes, Macron, Union européenne, médias mainstream… L’entretien avec Étienne Chouard

Par : fabien

Le mouvement des Gilets jaunes a éclaté mi-novembre 2018. Parti à l’origine de la colère contre une taxe écologique supplémentaire sur les carburants, cette mobilisation, totalement inédite et remarquablement déterminée, a très vite associé les exigences sociales et démocratiques.

En haut de la liste des revendications prioritaires des Gilets jaunes, figure en particulier le Référendum d’initiative citoyenne (RIC), une idée qu’Étienne Chouard, professeur d’économie et de droit, a largement contribué à populariser.

Ruptures a rencontré ce blogueur citoyen, qui s’est notamment fait connaître dans la campagne pour le Non au projet de Constitution européenne, en 2005. Il est aujourd’hui considéré comme une référence du mouvement des Gilets jaunes, et fait l’objet d’attaques virulentes de la part de la presse dominante.

Il s’exprime ici sur la mobilisation et ses enjeux, sur l’Europe contre la souveraineté, et sur les perspectives possibles pour 2019. Entre autres sujets abordés lors de l’entretien, Étienne Chouard revient sur le concept de « souveraineté européenne » porté par Emanuel Macron (à partir de 31 min 16 sec).

Sur les péages d’autoroute, sur les ronds-points comme dans les manifestations souvent improvisées, le drapeau tricolore et la Marseillaise ont fait partout leur apparition caractérisant l’état d’esprit des citoyens mobilisés, et largement soutenus, qu’on pourrait résumer par ce slogan « nous sommes le peuple ».

Lors de l’entretien, Étienne Chouard a notamment réagi aux intentions de certains d’inscrire le mouvement des Gilets jaunes aux élections européennes de mars 2019.

https://twitter.com/Ruptures_fr/status/1080929467898490881

Lire aussi : Gilets jaunes : la genèse d’un mouvement qui pourrait marquer l’Histoire de la France

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Le Royaume-Uni partira le 22 mai, ou peut-être même d’ici le 12 avril

Par : pierre

Depuis le 23 juin 2016 et le choix majoritaire du peuple britannique, l’issue finale était certaine : le Royaume-Uni sortirait bel et bien de l’Union européenne. Ce qui vient de s’éclaircir avec le sommet des Vingt-sept du 21 mars, ce sont le chemin, les modalités et les échéances. Certes, outre de toujours possibles ultimes rebondissements, il reste encore une incertitude importante : Londres partira-t-il le 22 mai moyennant l’accord de divorce signé en novembre dernier et assorti des garanties juridiques négociées en mi-mars ? Ou y aura-t-il une sortie « sans accord » le 12 avril ? La réponse sera fournie d’ici peu par les parlementaires britanniques.

Il y avait deux manières d’aborder ce qui s’est passé depuis près de trois ans. La première était de suivre au jour les jours les événements, sans prendre aucun recul. Et il faut bien reconnaître que l’incroyable suite de surprises, de rebondissements, de retournements, de coups de théâtre, d’affrontements internes et externes, de pièges, de chausse-trapes a dépassé tout ce qu’aurait pu concevoir le plus fou des scénaristes. Jusqu’au dernier moment, d’innombrables dirigeants politiques et commentateurs, des deux côtés de la Manche ont espéré que le résultat du référendum pourrait être inversé, ignoré ou gelé pour l’éternité.

le choix de juin 2016 n’était nullement une foucade conjoncturelle des Anglais

La seconde approche supposait, au contraire, de comprendre les mouvements politiques de fond, et notamment deux d’entre eux. D’une part, le choix de juin 2016 n’était nullement une foucade conjoncturelle des Anglais, mais s’inscrivait dans une tendance longue, marquée par un délitement de l’intégration européenne. Que celle-ci se soit d’abord concrétisée en Grande-Bretagne n’étonnera que ceux qui ignorent ou méprisent l’Histoire (et la géographie qui la détermine).

D’autre part, l’époque n’est plus où les dirigeants européens pouvaient tranquillement exiger que le résultat d’un référendum soit à nouveau soumis au vote jusqu’à ce que les électeurs donnent enfin la « bonne réponse », ou soit purement et simplement inversé. C’est ce qu’ont subi les Danois en 1992 (traité de Maëstricht), les Irlandais en 2001 (traité de Nice) et 2008 (traité de Lisbonne), ainsi bien sûr que les Français et les Néerlandais en 2005 (traité constitutionnel). Les temps ont changé, et les peuples supportent de moins en moins cette arrogance.

Beaucoup de partisans de l’intégration européenne auraient pu s’éviter trois ans de faux espoirs

Beaucoup de partisans de l’intégration européenne auraient pu s’éviter trois ans de faux espoirs et de vaines illusions s’ils avaient simplement mesuré la détermination de Theresa May. Arrivant au pouvoir dans la foulée du référendum, en juillet 2016, celle qui avait pourtant elle-même voté pour rester dans l’UE a affirmé : je suis ici pour remplir le mandat que les citoyens m’ont donné, et je le ferai.

Sans doute ne mesurait-elle pas elle-même l’incroyable déchaînement d’obstacles qu’allaient ériger ses innombrables détracteurs – bien sûr les Vingt-sept et la Commission européenne, de même que sa propre opposition parlementaire, ce qui est somme toute logique ; mais aussi ses adversaires parmi ses propres députés, ceux qui militaient pour une sortie sans accord, comme ceux – nombreux – qui espéraient que le pays resterait au sein de l’UE ; et jusqu’au sein de son propre gouvernement, y compris son numéro deux ainsi que le chancelier de l’Echiquier, et même son propre chef de cabinet !… A des degrés divers, les uns et les autres ont tenté de faire dérailler le processus, ou de le dénaturer. Et l’on ne compte pas les quolibets quotidiens, moquant les « humiliations », les « gifles », les « revers », les « défaites » subies par le premier ministre, et pronostiquant régulièrement (depuis trois ans) sa démission. Encore aujourd’hui, certains poussent le grotesque jusqu’à espérer cette issue comme arme pour un ultime retournement.

Jamais un autre dirigeant européen n’aura tenu tête à ses pairs d’une telle manière

Quoi qu’on pense par ailleurs des orientations politiques de Mme May, force est de le constater : jamais un autre dirigeant européen n’aura tenu tête à ses pairs d’une telle manière.

Enfin, le chemin de croix qui lui a été imposé avait un autre objectif : convaincre les peuples du Vieux continent que sortir de l’UE est un cauchemar, une catastrophe, une torture sans fin. Et à l’exaspération – ô combien compréhensible – des Britanniques eux-mêmes face à un dénouement toujours reculé, s’est ajouté le sentiment instillé aux Allemands, aux Français et à bien d’autres que, décidément, quitter le club est une impasse insupportable.

D’ici quelques semaines ou quelques mois, chacun pourra enfin le constater : le Royaume-Uni n’aura ni sombré ni subi on ne sait quelle infernale catastrophe économique.

Au contraire.

La prochaine édition de Ruptures (fin mars) reviendra en détail sur le Conseil européen et les suites du dossier. Il n’est pas trop tard pour s’abonner

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Echange doux-amer entre Paris et Berlin (éditorial paru dans l’édition du 29 mars)

Par : pierre

Le 4 mars, le maître de l’Elysée avait pris sa plus belle plume – et mobilisé modestement vingt-huit quotidiens nationaux du Vieux continent – pour s’adresser aux « citoyens d’Europe ». Moins d’une semaine plus tard, la chef des chrétiens-démocrates allemands publiait, en guise de réponse, une tribune qui livrait sa propre vision de l’avenir de l’UE. Annegret Kramp-Karrenbauer (« AKK »), qui vient de succéder à Angela Merkel à la tête de la CDU, n’est certes pas encore chancelière, mais elle a de bonnes chances de le devenir en 2021 – ou même avant.

Naturellement, les deux dirigeants partagent les mêmes fondamentaux. A commencer par l’amour de la langue de bois européenne. Pour Emmanuel Macron, l’UE, « projet inédit de paix, de prospérité et de liberté (est) un succès historique ». Pour Mme Kramp-Karrenbauer, celle-ci est une « réussite incomparable ». Et même un produit à exporter, puisqu’il faut défendre « notre mode de vie européen (…) pour nous-mêmes et pour le monde entier » ; de son côté, le président français affirme sans ciller que « l’Europe entière est une avant-garde, elle a toujours su définir les normes du progrès » dans le monde.

Ce dernier commence cependant sa missive en alertant : « jamais l’Europe n’a été autant en danger ». Sa collègue allemande opine d’emblée : « il a raison, il faut agir de toute urgence ». Une fois asséné que « la civilisation européenne nous unit, nous protège et nous libère », Emmanuel Macron enchaîne une série de propositions dans l’espoir de freiner le délitement de l’intégration européenne et de calmer les inquiétudes populaires. Il faut pro-té-ger martèle le chef de l’Etat. Par exemple en créant une agence de sauvegarde de la démocratie, explicitement conçue contre la malveillance russe… Il faut aussi augmenter les dépenses d’armement, et créer un conseil de sécurité extérieure pour faire progresser l’Europe militaire. Il faut en outre « tourner toutes les institutions » vers l’engagement climatique, et réguler les géants de l’Internet. Sur tous ces points, la nouvelle patronne de la CDU n’a pas d’objection de principe, même si elle reste en retrait sur la création d’institutions nouvelles.

Sur l’espace de libre circulation Schengen – sujet jugé hypersensible puisqu’il touche aux migrations et à l’asile – les points de vue de Paris et de Berlin ne coïncident plus tout à fait. L’approche allemande est plus conciliante avec les pays d’Europe centrale. Et sur d’autres aspects, les divergences se multiplient entre les deux rives du Rhin. Ainsi, les gesticulations de l’ancien de la banque Rothschild sur le « bouclier social » sont fraîchement accueillies à Berlin. Plus généralement, tous les appels macroniens à une intégration plus fédérale se heurtent désormais à une réticence marquée : « aucun super Etat européen ne saurait répondre à l’objectif d’une Europe capable d’agir ; (…) refonder l’Europe ne se fera pas sans les Etats nations » affirme ainsi Mme Kramp-Karrenbauer. C’est un tournant majeur : traditionnellement, la CDU défendait une Europe à vocation fédérale, là où les dirigeants français traînaient plutôt les pieds.

l’aile la plus ultralibérale de la CDU n’est plus forcément convaincue que l’intérêt de l’Allemagne soit de tout subordonner à l’intégration européenne

Déjà, le président français avait dû ravaler ses projets ambitieux de réforme de la zone euro et la plupart des fantasmes exprimés lors de son discours de la Sorbonne (septembre 2017). Mais la dirigeante allemande juge utile d’effectuer quelques piqûres de rappel : « le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie ». Et d’ajouter quelques chiffons rouges qui déplaisent souverainement à Paris, comme la demande de mise en commun du siège français au Conseil de sécurité de l’ONU.

Les deux protagonistes ont chacun des préoccupations politiques qui ne coïncident pas nécessairement. Le premier travaille en France à l’émergence d’un « parti européen » associant gauche et droite ; la seconde veut donner des gages à l’aile la plus ultralibérale et conservatrice de la CDU, qui n’est plus forcément convaincue que l’intérêt de l’Allemagne soit de tout subordonner à l’intégration européenne.

Et ce au moment où l’UE – dont le but ultime est d’effacer la souveraineté de chaque peuple – se retrouve de plus en plus sous tension à mesure que montent les mécontentements, les colères et les frustrations. Sauf bien sûr à considérer, comme l’énonce sans rire AKK, que « jamais l’idée européenne n’a connu de tels niveaux d’approbation ».

Bon courage…

Pierre Lévy

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L’amour se fait attendre (éditorial paru dans Ruptures n°86)

Par : pierre

Aplomb pyramidal ou méthode Coué ? A l’issue du 26 mai, trois légendes urbaines ont été répandues en boucle par les commentateurs europhiles. Primo, les citoyens européens auraient témoigné – « enfin ! » – leur attachement à l’intégration européenne en se précipitant nombreux dans les bureaux de vote. Etrange sophisme puisque, dans plusieurs pays, la hausse de la participation électorale a nourri des forces se proclamant anti-Bruxelles. En outre, ceux qui ont voté l’ont fait quasi-exclusivement sur des enjeux nationaux. Enfin, dans plusieurs pays, les européennes étaient organisées simultanément à des scrutins régionaux, à des référendums, voire à des élections nationales, ce qui a mécaniquement réduit l’abstention.

Surtout, cette hausse est pour le moins à relativiser puisque, dans l’UE, un électeur sur deux (49,1%, contre 57,4% en 2014) a continué de boycotter les urnes. Et ce, malgré les campagnes de dramatisation littéralement sans précédent, multiples et dispendieuses. En France, Cfdt et Medef s’associèrent pour l’occasion. Des directions de grandes multinationales se sont adressées à leurs salariés, ce prosélytisme étant encore plus massif outre-Rhin. Et jusqu’aux archevêques français, allemands et du Benelux exhortant, dans un texte solennel, leurs ouailles à aller voter…

l’électorat vert est sociologiquement typé : très fort parmi les classes urbaines et aisées, réduit dans le monde ouvrier et parmi les classes populaires

La deuxième « fake news » vise à accréditer l’image d’une « vague verte » qui aurait balayé l’Union européenne. L’examen des chiffres devrait faire revenir à plus de mesure : les partis écologistes ne progressent que dans sept pays sur vingt-huit, stagnent, voire régressent dans plusieurs autres (dont la Suède, emblématique patrie de l’égérie du climat), et sont même inexistants ou marginaux dans une majorité d’entre eux. La progression du pourcentage écolo en France (loin cependant de son niveau de 2009) et plus encore en Allemagne accroît mécaniquement le score vert global puisque ces deux pays sont les plus peuplés de l’union.

On notera qu’en France en particulier (mais cela vaut aussi outre-Rhin), l’électorat vert est sociologiquement typé : très fort parmi les classes urbaines et aisées, réduit dans le monde ouvrier et parmi les classes populaires. Politiquement, les cartes électorales montrent une proximité entre les votants écolos et ceux favorables à Emmanuel Macron. Du reste, la grande porosité entre ces deux mouvances s’est traduite au dernier moment par une fuite de la seconde vers la première.

Enfin, la troisième antienne répétée depuis le 26 mai au soir est que les partis « populistes » ou d’« extrême droite » ont été « contenus ». Outre que lesdites forces sont pour le moins hétérogènes, l’affirmation semble plus relever de la pensée magique, qui plus est sur le thème « c’est moins mal que si ça avait été pire ».

trois hommes sortent objectivement grands vainqueurs du scrutin : Nigel Farage, Matteo Salvini, et Viktor Orban

La réalité est que trois hommes sortent objectivement grands vainqueurs du scrutin : le chef du Parti du Brexit, Nigel Farage, qui réussit un spectaculaire retour ; le vice-premier ministre italien Matteo Salvini (Ligue) qui rassemble plus du tiers des votants (17% en 2018) ; et le premier ministre hongrois Viktor Orban qui attire 52% de ses compatriotes, dix ans après son arrivée au pouvoir. Quelles que soient leurs arrière-pensées, ces trois là incarnent un rejet affiché de Bruxelles, qui le leur rend bien.

Certes, les socialistes Frans Timmermans et Pedro Sanchez ont aussi quelques raisons de se réjouir pour leurs scores respectifs aux Pays-Bas et en Espagne. Mais, outre que le reste de leur famille politique est littéralement en capilotade, les deux hommes pourraient bien se retrouver très vite face à face. Car le second n’a toujours ni gouvernement, ni majorité, et donc encore moins de budget – c’est en présentant son projet de loi de finances qu’il est tombé, en février dernier. Or la Commission dans laquelle officie le premier (il souhaite même bientôt la présider) va renouer avec sa vigilance austéritaire, maintenant que l’échéance électorale est passée.

Après le divertissement électoral, les choses sérieuses reprennent

Cela ne concerne pas seulement Madrid, mais à très brève échéance Rome, que le commissaire sortant Pierre Moscovici vient à nouveau de menacer. Bref, après le divertissement électoral, les choses sérieuses reprennent. Et il n’est pas sûr que l’actuel « mercato » à suspense visant à désigner les futurs pontes bruxellois suffise à alimenter l’amour présumé des citoyens pour l’« idée européenne ».

Certainement pas, en tout cas, du côté des salariés de GE-Belfort, et de tous ceux qui sont menacés par l’après-européennes et ses vagues de licenciements.

De véritables vagues, cette fois.

Pierre Lévy

 

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En Italie, un attelage gouvernemental improbable va faire « le sale boulot » requis par Bruxelles

Par : pierre

Les députés italiens devraient voter, lundi 9 septembre au soir, la confiance au nouveau cabinet dirigé par Giuseppe Conte. Le lendemain, les sénateurs feront sans doute de même. Mais la Ligue et son leader, Matteo Salvini, pourraient bien tirer profit de la nouvelle configuration.

La crise politique italienne couvait depuis de nombreux mois. Elle a éclaté le 8 août, lorsque Matteo Salvini, chef de la Ligue et à ce moment ministre de l’Intérieur, a annoncé son coup d’éclat. Elle a finalement connu son dénouement le 5 septembre, avec l’annonce d’un gouvernement s’appuyant sur une nouvelle coalition, rebattant ainsi les alliances politiques.

Ce cabinet, très différent du précédent même s’il est à nouveau dirigé par Giuseppe Conte, va donc se mettre au travail dès le vote de confiance des députés puis des sénateurs. Les parlementaires – nombreux – qui redoutaient de perdre leur siège à la faveur d’élections anticipées, de même que les dirigeants européens et les forces pro-UE en Italie, ainsi que les marchés financiers (qui ont rebondi dès que fut confirmée la mise en place du nouvel exécutif), ont poussé un immense soupir de soulagement. Mais la plupart de ces forces le savent bien : le répit n’est que provisoire.

Le tonitruant et populaire dirigeant de la Ligue avait, début août, joué un coup de poker en annonçant une motion de défiance contre son propre gouvernement. Il avait argué de la guérilla croissante entre les deux forces qui composaient la majorité constituée quatorze mois auparavant – une situation qui engendrait en effet nombre de blocages.

Ses anciens alliés du Mouvement cinq étoiles (M5S, fondé par le comique Beppe Grillo et catalogué populiste) de même que ses adversaires, avaient de leur côté accusé ce dernier de vouloir provoquer des élections anticipées dans le seul intérêt de son parti, en l’occurrence pour profiter de la remarquable popularité de celui-ci. Car en lui accordant 36%, 38%, voire 40% des intentions de vote, les sondages semblaient confirmer voire amplifier la spectaculaire progression de la Ligue : lors des européennes de mai dernier, celle-ci avait obtenu plus de 34% des suffrages, soit le double du score réalisé lors des législatives de mars 2018.

Matteo Salvini ne s’en est d’ailleurs pas caché, affirmant qu’un retour aux urnes constituait « la voie royale » de la démocratie, et que le pays avait besoin qu’on lui confie « les pleins pouvoirs », c’est-à-dire une majorité ne dépendant pas de partenaires réticents.

M. Conte s’est montré particulièrement dur à l’égard de Matteo Salvini, lui reprochant d’affaiblir l’Italie au sein de l’Union européenne

Lors du débat qui s’est tenu le 20 août au Sénat dans une ambiance particulièrement tendue, Giuseppe Conte, a annoncé la fin du gouvernement, rendant ainsi caduque la motion de défiance que s’apprêtait à déposer la Ligue. M. Conte s’est montré particulièrement dur à l’égard de celui qui a pris l’initiative de la rupture, lui reprochant entre autres d’affaiblir l’Italie au sein de l’Union européenne.

Une course de vitesse s’est alors engagée pour trouver une coalition de rechange afin d’éviter le retour aux urnes souhaité par M. Salvini. C’est l’ancien président du Conseil Matteo Renzi (qui est resté aussi impopulaire dans son pays qu’Anthony Blair l’est dans le sien) qui a pris l’initiative d’un improbable rapprochement entre sa propre formation, le Parti démocrate (PD, dit de « centre-gauche »), et le M5S.

Après validation par les adhérents de ce dernier, l’attelage annoncé le 29 août s’est finalement réalisé, en dépit des innombrables insultes que les deux partis se sont échangées dans les années récentes (« populistes dangereux et irresponsables » d’un côté, « corrompus et pourris » de l’autre), reflet des multiples oppositions entre une formation symbolisant la « caste politique » et un mouvement fondé à l’origine comme un « non-parti » dénonçant les turpitudes de celle-ci.

Avec cette alliance contre-nature, il est probable que la popularité du M5S se dégrade encore plus. Déjà, ce dernier avait dégringolé de 33% à 17% entre les législatives de mars 2018 et les européennes de mai 2019.

Nouveau gouvernement

Le nouveau gouvernement compte dix ministres issus de chacun des deux camps. Mais le M5S risque de s’affaiblir encore un peu plus face aux politiciens aguerris du PD. Son chef, Luigi Di Maio, hérite certes des Affaires étrangères – poste prestigieux mais hors des priorités de ce mouvement – mais n’a pas obtenu de garder le titre de vice-premier ministre. Quant à Giuseppe Conte, un économiste non encarté mais qui passait pour proche du M5S, il jouait un rôle relativement effacé dans le cabinet qu’il dirigeait jusque là. Il a désormais pris de l’autorité et de l’autonomie politiques.

Le nouveau cabinet aura comme tâche prioritaire de préparer le budget 2020, qui doit être soumis à la Commission européenne à l’automne et doit être conforme à ses règles

Pour sa part, et contrairement aux commentateurs prompts à gloser sur « l’échec de Salvini qui s’est tiré une balle dans le pied», la Ligue pourrait bien profiter de sa nouvelle position d’opposant quasi-exclusif. D’autant que le nouveau cabinet aura comme tâche prioritaire de préparer le budget 2020, qui doit être soumis à la Commission européenne à l’automne et doit être conforme à ses règles. En l’occurrence, celles-ci imposent de trouver entre 23 et 30 milliards (compte tenu des négociations antérieures entre Rome et Bruxelles), c’est-à-dire d’opérer des coupes majeures dans les budgets publics, et de renoncer aux baisses d’impôts initialement promises. En un mot, il va désormais falloir faire le « sale boulot ».

Ce nouveau gouvernement devrait également rompre avec la « fermeté » vis-à-vis des arrivées de migrants sur les côtes italiennes, fermeté sur laquelle Matteo Salvini a construit une large part de son aura. Celui-ci pourra encaisser ainsi tranquillement les dividendes d’une telle situation, tout en dénonçant par ailleurs les sordides « combinazione » des partis unis par leur seule volonté d’éviter le retour aux urnes

Certes, M5S et PD ont mis au point un programme commun comportant vingt-six points, dont la « lutte contre les inégalités », une « solution européenne au programme migratoire », ou des investissement dans l’environnement et les énergies renouvelables. Mais beaucoup d’orientations opposent en réalité les deux forces politiques. M. Di Maio répète sur tous les tons que ce gouvernement est dans la continuité et poursuivra l’action du précédent, tandis que le leader du PD, Nicola Zingaretti, explique tout au contraire que le changement et la rupture constituent le nouveau mandat de l’exécutif…

Au-delà des bisbilles prévisibles, les forces ouvertement pro-UE ont repris la main. Le nouveau ministre de l’Economie, Roberto Gualtieri, présidait la commission des Affaires économiques de l’europarlement et passe pour très apprécié à Bruxelles ; celui chargé des Affaires européennes, Enzo Amendola, est un partisan acharné de l’intégration ; surtout, on connaît désormais le nouveau Commissaire européen nommé par Rome, en l’occurrence l’ancien chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, celui-là même que les électeurs avaient chassé en mars 2018. Tous les trois sont issus du PD.

A la faveur de la crise, les forces pro-UE ont donc gagné… du temps. Mais c’est sans doute reculer pour mieux sauter

Les négociations avec Bruxelles devraient donc en être facilitées pour la préparation du budget 2020. A noter qu’en juin dernier encore (après un premier bras de fer en décembre 2018, au cours duquel Rome s’était finalement incliné), la Commission européenne avait une nouvelle fois brandi la menace d’une procédure de sanctions (officiellement pour endettement excessif), alors même que certains économistes et dirigeants proches de la Ligue travaillaient à la mise en place d’un mécanisme (« mini-bots ») qui pouvait préfigurer une sortie de l’euro…

A la faveur de la crise, les forces pro-UE ont donc gagné… du temps. Mais c’est sans doute reculer pour mieux sauter. Et les premiers test sont proches : trois élections régionales (Ombrie, Calabre, Emilie-Romagne) sont prévues en octobre et novembre.

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Ce 4 novembre, le site de Ruptures s’enrichit !

Par : pierre

Le 4 novembre, le site de Ruptures s’est transformé et enrichi. Une nouvelle rubrique, baptisée Opinions, est lancée. Elle est ouverte à des plumes extérieures au journal : économistes, syndicalistes, politologues, juristes, spécialistes de la politique internationale…

Conformément à l’intitulé de la rubrique, nos invités exprimeront des points de vue et des commentaires qui leur sont propres. L’ambition de Ruptures est ainsi de contribuer à l’enrichissement du débat public, naturellement sur l’Europe, mais aussi à propos de thèmes plus vastes incluant le social, l’économie, la politique internationale.

Parmi les premiers signataires et premiers articles annoncés :

Déjà paru:

Rainer Rupp, géopolitologue allemand,
sur les manœuvres et les mensonges de la coalition au pouvoir à Berlin face à la Turquie

A paraître :

Benoît Martin, dirigeant syndical (CGT),
sur le référendum visant à stopper la privatisation d’Aéroport de Paris

Michel Raimbaud, ancien ambassadeur,
sur les agissements de l’Occident en particulier en Syrie

Jacques Sapir, économiste,
sur la démondialisation

Jean-Michel Quatrepoint,
journaliste et économiste, sur les conséquences des taux d’intérêts négatifs

Robert Charvin, doyen honoraire de la faculté de droit de Nice,
sur le Kurdistan et le rôle de la Russie

… et bien d’autres

La rubrique Culture sera quant à elle progressivement étoffée.

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Die unselige Konsequenzen des Falles der Berliner Mauer

Par : pierre

In einem von Le Monde veröffentlichten Artikel verfälscht und instrumentalisiert Heiko Maas die Geschichte im Dienste der « europäischen Einigung ».

Von Pierre Lévy, chefredakteur von Ruptures

Der dreißigste Jahrestag der Öffnung der Berliner Mauer hat in Frankreich vor allem eine Fülle von emotionalen Huldigungen, schwülstigen Verherrlichungen und zufriedenen Lobeshymnen ausgelöst.

In diesem fast einhelligen Konzert sticht der von der Tageszeitung Le Monde (04.11.2019) veröffentlichte Beitrag des deutschen Außenministers besonders heraus. Möglicherweise hätte es Heiko Maas in seinem eigenen Land nicht gewagt, einen solchen Text zu veröffentlichen.

Er beginnt schon mit einer denkbar gewagten Äußerung: « Wir Deutschen (…) feiern am 9. November den Zusammenschluss Europas, das heute glücklicherweise vereint ist« , denn « wir verdanken dieses Glück den Hunderttausenden von Ostdeutschen, die auf die Straße gingen » und ganz allgemein den Bürgern Mittel- und Osteuropas, « die freiheitsdurstig die Mauern niedergerissen und ihre Freiheit erzwungen haben« . Und, so der Minister weiter, « wir sind es (auch) unseren Freunden und Partnern in der NATO schuldig », ebenso wie François Mitterrand und Michail Gorbatschow.

Für den saarländischen Sozialdemokraten Maas hatten also die DDR-Bürger, die 1989 in Leipzig, Ostberlin, Dresden und anderswo auf die Straßen gingen, vor allem einen Traum: nämlich die « Vereinigung Europas » zu erreichen (und warum nicht auch gleich Ursula von der Leyen an die Spitze der Brüsseler EU-Kommission zu bringen, wenn wir schon mal dabei sind?).

Es ist nicht ganz sicher, ob man eine solche groteske These ernstgemeint in Berlin hätte veröffentlichen können. Indem sich Herr Maas EU-weit an die Öffentlichkeit (unter anderem auch an die französische) wandte, hoffte Herr Maas vielleicht, die historische Wahrheit – falls er sie kennt – ohne zu großes Risiko verzerren zu können. Denn eine große Mehrheit der DDR-Bürger, die 1989 monatelang demonstrierten, tat dies in der Hoffnung auf radikale Reformen im eigenen Land, aber nicht mit dem Ziel, den Sozialismus abzuschaffen, und noch weniger, um von der Bundesrepublik annektiert zu werden.

Erst im letzten Moment – um den Jahreswechsel 1989/90, nachdem die Mauer übrigens bereits gefallen war – wurde auf Initiative der westdeutschen CDU von Helmut Kohl der Slogan in der DDR « Wir sind das Volk » (nämlich sein Streben nach mehr Demokratie im Rahmen des Sozialismus) zu « Wir sind ein Volk » umfrisiert und verbreitet, was offenkundig ein geschickter propagandistischer Schachzug war und auf die frühestmögliche « Vereinigung » abzielte.

Dieser Versuch, die Geschichte umzuschreiben, hat ein Verdienst: er veranschaulicht die Stimmung, in der die westlichen Eliten heute leben

Aber für den deutschen Außenminister, egal wie die historischen Realitäten in Deutschland waren und sind, zählt heute nur ein Ziel: « Es gilt daraus für uns (« uns »? Wer, wir, die deutschen Führer?) eine Verpflichtung, nämlich die Vollendung der Vereinigung Europas« .

Dieser Versuch, die Geschichte umzuschreiben, hat ein Verdienst: er veranschaulicht die Stimmung, in der die westlichen, insbesondere die deutschen Eliten heute leben. Und dieser Geisteszustand erinnert an die berühmte Bemerkung des amerikanischen Milliardärs Warren Buffett aus dem Jahr 2005:

Der Satz darf verallgemeinert werden, indem « Klasse » durch « Lager » ersetzt wird. Dann veranschaulicht er perfekt dieses Triumphgefühl, das die westlichen Eliten empfunden haben: ein Triumphgefühl gegen Länder, die ein System eingeführt haben – zugegebenermaßen unvollkommen – in dem der DAX und die an die Aktionäre gezahlten Dividenden durch öffentliches Eigentum ersetzt worden waren; und in dem nicht jeder Tag von neuen sozialen Rückschlägen gekennzeichnet war.

Dieser triumphale Geisteszustand – der die zehn oder fünfzehn Jahre nach dem Fall der Mauer und dem Verschwinden der UdSSR kennzeichnete – hielt jedoch nicht bis in alle Ewigkeit an, wie es sich die Theoretiker vom « Ende der Geschichte » und von der glücklichen Globalisierung erträumt hatten.

Herr Maas und seine Freunde müssen daher heute deutlich zurückstecken: « Die (mühsame) Rettung des Euro, die endlosen Streitigkeiten um die Aufnahme und Verteilung von Flüchtlingen, all das hat neue Gräben in Europa geschaffen« . Schlimmer noch, jammert der Minister: « … mit dem Brexit erleben wir zum ersten Mal den Austritt eines EU-Landes. Und in vielen europäischen Ländern haben diejenigen, die wollen, dass wir glauben, dass weniger Europa besser ist, den Wind in den Segeln« .

Aber natürlich wird das, was bis jetzt noch nicht mit Europa funktioniert hat, funktionieren… mit noch mehr Europa: « Eines ist sicher, um in dieser Welt zu überleben, müssen die Europäer verschweißt bleiben« , hämmerte Heiko Maas. Übrigens wird das Wort « schweißen » verwendet. Er hätte auch einfach « vereint » oder « zusammen » schreiben können. Hat der Saarländer seinen Text direkt in der Sprache von Molière geschrieben? Der verwendete Begriff bezieht sich implizit auf Teile, die erst durch eine künstliche Zwangsoperation zusammengebracht werden müssen… Ein unbewusstes Eingeständnis?

Die Realität ist, dass der Fall der Berliner Mauer eigentlich zwei Hauptaspekte als Folgen hatte: den sozialen und den geopolitischen. Und zwar – da hat der Autor Recht – weit über die deutschen Grenzen hinaus.

Die 1990er Jahre lösten die größte historische Welle sozialer Rückschläge in Europa und der Welt aus. In Frankreich, Deutschland, Osteuropa und eigentlich auf allen Kontinenten gab es keine von der dominanten Oligarchie durchgeführte « Reform », die nicht durch eine katastrophale Umkehrung des Kräfteverhältnisses zugunsten der Macht des Kapitals und zum Nachteil der Völker ermöglicht wurde: Privatisierungen, Kürzungen des Sozialschutzes, phänomenale Zunahme von Ungleichheit und Armut, drastische Einschränkungen der Rechte von Lohnerwerbstätigen und Gewerkschaften – aber auch der Untergang der Demokratie (z.B. durch die Verkehrung von Referenden über die europäische Integration).

Das Verschwinden des sozialistischen Lagers eröffnete plötzlich einen außergewöhnlichen Königsweg für die Mächtigen

Denn das Verschwinden des sozialistischen Lagers eröffnete plötzlich einen außergewöhnlichen Königsweg für die Mächtigen. Viele westdeutsche Gewerkschafter (sogar die antikommunistischsten unter ihnen) teilten diese Beobachtung: Vor dem Fall Ostdeutschlands zwang dessen Existenz die Arbeitgeber der BRD, ein hohes Maß an sozialen Leistungen aufrechtzuerhalten, um zu verhindern, dass das in der DDR herrschende System als ein attraktives Gegenmodell erkennbar wurde. Der Anschluss dieses Landes hob diese für das Kapital unerquickliche Hypothek auf und öffnete die Schleusen für Sozialabbau, angefangen bei der Infragestellung von Tarifverträgen.

Das Verschwinden des sozialistischen Lagers spielte auf globaler Ebene die gleiche Rolle.

Was das geopolitische Kräfteverhältnis betrifft, ist es nicht notwendig, ein anderes Bild zu zeichnen. Von Jugoslawien bis zum Irak, von Libyen bis Syrien, Jemen, Venezuela oder Elfenbeinküste kannten die früher imperialistisch genannten Kräfte keine Grenzen mehr.

Aber die Zeiten sind heute für hegemoniale Ambitionen schwieriger geworden. Weder Russland noch China wollen sich ihnen unterwerfen.

Deshalb, so beschwört es Herr Maas, « brauchen wir eine echte Europäische Verteidigungsunion, die die NATO ergänzt und in der Lage ist, bei Bedarf autonom zu handeln« . « Verteidigung »? Handelt es sich zum Beispiel darum, wie der künftige Hohe Vertreter der EU für Außenpolitik, der derzeitige spanische Amtskollege von Herrn Maas, Josep Borrell (PSOE), gerade vorgeschlagen hat, die « Battle Groups » zu aktivieren?

Denn der Minister zögert nicht zu schreiben: « Gemeinsam müssen wir für die Aufrechterhaltung der internationalen Ordnung kämpfen und zum Kern einer Allianz für Multilateralismus werden« . Vielleicht wäre es besser, sich auf ein Bündnis für Multiliberalismus zu beziehen… Was die internationale « Aufrechterhaltung der internationalen Ordnung  » betrifft, heißt es wörtlich in dem französischen Text « maintien de l’ordre international » – also, internationale Polizeiarbeit… Heiko Maas weist zudem darauf hin, dass « der Frieden von dieser Ordnung abhängt, auch in Europa« . Eine Drohung?

Heiko Maas träumt von der « Kraft, unsere Werte und Interessen in einer zunehmend autoritären Welt durchzusetzen »

Und als ob noch nicht alles klar genug gesagt wäre, lobt der Autor abschließend die Kraft, « die die Europäerinnen und Europäer motiviert« , wenn sie wie 1989 handeln, insbesondere « die Kraft, Mauern und Grenzen zu überwinden, die Kraft, unsere Werte und Interessen in einer zunehmend autoritären Welt durchzusetzen« .

Die « europäischen Werte » überall auf der Welt durchzusetzen – darum geht es also. Wenn das so ist, dann kann man jetzt  vielleicht doch der Mauer nachtrauern.

Dieser Artikel erschien auch bei RT-Deutsch

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Des paras européens vont-ils bientôt sauter sur Maputo ?

Par : pierre

Après les élections au Mozambique, l’Union européenne vient de sommer la commission électorale de ce pays de « s’expliquer » sur des irrégularités alléguées.

Au Mozambique, le président sortant, Filipe Nyusi, avait été réélu le 15 octobre avec 73,5% des suffrages, contre 21,5% à son principal opposant, du mouvement Renamo (ancienne guérilla soutenue par les Occidentaux, qui s’est transformé en 1992 en parti politique).

Lors des législatives qui se déroulaient simultanément, le parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays – le Frelimo, dont est issu le président réélu – a conservé la majorité absolue.

La Renamo a dénoncé des fraudes massives et exigé une annulation des scrutins. Elle a été soutenue en ce sens par différents groupes d’observateurs étrangers, notamment ceux envoyés par l’Union européenne.

Dès lors, le 8 novembre, l’UE a publié un communiqué outré, dénonçant notamment « des bourrages d’urnes, des votes multiples, des invalidations délibérées de votes de l’opposition ». Elle s’est également indignée de « des taux de participation improbables » et d’« un nombre significatif de décomptes anormaux ».

Bruxelles a donc sommé la Commission électorale de « s’expliquer » sur ces irrégularités, et exhorté la Cour constitutionnelle du pays à « corriger certaines (sic) d’entre elles ».

Il eût tout de même été plus simple pour l’UE de se substituer directement à ladite Cour constitutionnelle mozambicaine.

A noter que sur un autre continent, la réélection du président bolivien Evo Morales a également été contestée par l’opposition libérale. Cette dernière a mis en avant un retard de quelques heures dans le dépouillement, le 20 octobre, et fait descendre ses partisans dans la rue. L’Union européenne ainsi que les Etats-Unis ont rapidement exigé que les électeurs retournent aux urnes. Face aux émeutes, et aux mutineries pro-opposition au sein de la police et de l’armée, le président a annoncé sa démission le 10 novembre. Pour l’heure, Bruxelles est resté silencieux face à ce coup d’Etat de fait.

Les Vingt-sept doivent désormais « apprendre à employer le langage de la force » – Ursula Von der Leyen

L’oukase adressé par l’Union européenne au Mozambique a été formulé la veille du jour où la future présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, tenait un discours à Berlin – à l’occasion du trentième anniversaire de la chute du Mur – dans lequel elle se prononçait pour que les Vingt-sept apprennent désormais à « employer le langage de la force », car « le soft power ne suffit plus aujourd’hui si nous voulons nous affirmer dans le monde comme Européens ». Elle confirmait en cela les propos tenus précédemment par le prochain Haut représentant de l’UE pour la politique extérieure (lire l’éditorial de la récente édition de Ruptures), le socialiste espagnol Josep Borrell.

On attend donc avec impatience une initiative forte en ce sens. Par exemple un « battle group » de l’UE (groupements militaires multinationaux, qui n’ont jamais été utilisés à ce jour) qui sauterait sur Maputo afin de faire prévaloir les résultats électoraux souhaités ?

 

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Espagne : les élections du 10 novembre compliquent encore le casse-tête politique

Par : pierre

Nouvelle progression du parti d’extrême droite Vox, chute des ultra-libéraux de Ciudadanos : le premier ministre sortant, le socialiste Pedro Sanchez, est plus que jamais dans l’impasse pour former une majorité

L’approche des élections générales espagnoles du 10 novembre faisait figure de chronique d’une impasse annoncée. A l’issue du scrutin, cette dernière apparaît plus inextricable encore que prévu. Non seulement aucune alliance au sein des cinq formations principales ne semble se dessiner, mais le nouveau parlement compte désormais nombre de petits partis, souvent régionaux, représentés par quelques élus, voire un seul. Cet éclatement du congrès des députés complique encore un peu plus la formation d’un gouvernement soutenu par une majorité stable.

C’était la quatrième fois en quatre ans que les 37 millions d’électeurs espagnols étaient appelés à élire leurs députés – cette fois avec une participation de 69,9%, soit une baisse de 1,9 point par rapport au dernier scrutin, qui ne remonte qu’au 12 avril de cette année. Le parlement qui en était issu n’avait jamais pu trouver une majorité en son sein pour investir le premier ministre socialiste (PSOE) sortant, Pedro Sanchez.

En 2015-2016, le paysage politique a connu la fin du bipartisme (PP, PSOE)

Celui-ci était arrivé au pouvoir en juin 2018, à la faveur d’une motion de censure surprise qui avait mis en minorité son prédécesseur, Mariano Rajoy (Parti populaire, droite conservatrice). Ce dernier gouvernait depuis décembre 2011, et avait réussi à se maintenir sans majorité stable depuis les scrutins successifs de décembre 2015 puis de juin 2016. A ce moment, le paysage politique a connu la fin du bipartisme (PP, PSOE) qui avait caractérisé la période post-franquiste.

Deux formations avaient en effet émergé : Podemos, un parti issu du mouvement des Indignés et classé gauche « radicale » ; et Ciudadanos, une formation ultralibérale sur le plan économique, mais aussi connue pour son intransigeance contre l’indépendantisme catalan. Puis, en décembre 2018, Vox, un parti dissident du PP par la droite, avait fait irruption à l’occasion des élections régionales d’Andalousie. Il avait alors soutenu le PP et Ciudadanos, avec pour résultat d’envoyer dans l’opposition les socialistes dans ce qui était pourtant leur fief régional emblématique.

Heure de vérité

Dans ce paysage fragmenté, le chef du gouvernement a chuté en février 2019 lorsque les députés ont refusé son budget, ce qui a provoqué les élections d’avril. A l’issue de celles-ci, Pedro Sanchez, victorieux, aurait souhaité bénéficier du soutien parlementaire de Podemos sans que celui-ci participe à son gouvernement. Avant de proposer finalement à ce dernier quelques postes ministériels que la formation dirigée par Pablo Iglesias a jugé très insuffisants. Mais M. Sanchez n’a pas voulu faire plus de concessions. De même qu’il a rejeté les ultimes offres de service de Ciudadanos.

Le scrutin du 10 novembre était donc l’heure de vérité pour le dirigeant socialiste. Pari perdu : le PSOE passe de 28,7% à 28%, un recul certes minime, mais loin du renforcement qui lui aurait donné le surcroît de légitimité qu’il espérait. Les socialistes comptent désormais 120 députés contre 123 précédemment. Ils restent la première force électorale du pays, même s’ils sont très loin de renouer avec les près de 44% qu’ils obtenaient encore en 2009.

Pour sa part, Podemos, avec 12,8% des suffrages, connaît un nouveau recul (- 1,5 points), après la chute de 6,8 points déjà encaissée en avril. Elle compte désormais 35 députés, soit sept de moins, même s’il faut ajouter à ce total les 3 sièges obtenus par une formation dissidente, Mas Pais, de même orientation politique mais défendant une stratégie plus « transversale » – certains diraient « populiste ». La gauche dite radicale continue à payer son ancrage plus urbain et aisé que tourné vers les classes populaires.

De son côté, le jeune dirigeant du Parti populaire, Pablo Casado, voit son parti remonter la pente avec 20,8% des suffrages (+ 4,8 points), il est vrai par rapport au résultat catastrophique d’avril.

Il a manifestement pris des voix à Ciudadanos, dont la ligne stratégique a désorienté beaucoup d’électeurs. C’est l’un des deux traits marquants du scrutin : la formation anti-indépendantiste née à l’origine en Catalogne s’effondre à 6,8% contre 15,9% six mois plus tôt. Elle ne compte plus que 10 députés, alors qu’elle en avait 57. Cette dégringolade fait s’envoler les espoirs de former une coalition de droite l’associant au PP avec le soutien de Vox, selon le modèle andalou.

Cette fois encore, Vox doit son succès à ses plus farouches adversaires : les indépendantistes catalans

Même attendue, l’ascension de ce dernier parti est la seconde caractéristique du vote du 10 novembre. En avril, ce parti qui peut être qualifié d’extrême droite puisqu’il ne cache guère sa nostalgie du franquisme, était passé de quasiment rien à 10,3%. Cette fois, il fait un nouveau bond de 4,8 points, et récolte 52 députés (contre 24 précédemment). Sa progression d’avril, consécutive à sa percée en Andalousie, était liée notamment aux arrivées de migrants. Cette fois, plus encore que précédemment, Vox doit son succès à ses plus farouches adversaires : les indépendantistes catalans.

Car il a choisi de se positionner en plus virulent défenseur de l’unité de l’Espagne. Or le calendrier électoral a coïncidé avec la condamnation, le 14 octobre, de neuf dirigeants indépendantistes par la Cour suprême. Ceux-ci étaient accusés de sédition pour avoir organisé le référendum illégal d’octobre 2017 portant sur l’indépendance de la Catalogne. Les peines de prison ont été sévères, ce qui a déclenché de violents heurts notamment à Barcelone. Vox, autoproclamé parti de l’ordre et de l’Espagne unitaire, a manifestement profité des images d’affrontement.

Pour leur part, les résultats des indépendantistes progressent très légèrement en Catalogne à 42,5%, loin d’atteindre les 50%, cependant. En leur sein, la gauche républicaine (ERC) perd deux sièges, Ensemble pour la Catalogne (dirigée par l’ex-président régional aujourd’hui en fuite à Bruxelles, Carles Puigdemont, droite) en gagne un, et la formation dite « de gauche radicale et anti-UE », la CUP, qui se présentait pour la première fois, obtient deux élus.

Si l’on raisonne en termes nationaux, le « bloc de gauche » et le « bloc de droite » rassemblent chacun environ 10,3 millions d’électeurs, là où le premier disposait encore de 100 000 petites voix d’avance en avril dernier.

Comment en finir avec le blocage ?

Pedro Sanchez a immédiatement promis que « cette fois, sans faute, nous allons former un gouvernement progressiste et en finir avec le blocage politique dans ce pays », et annoncé des consultations avec tous les partis, sauf Vox. Il estime en effet que de nouvelles élections dans six mois achèveraient d’exaspérer les citoyens, et qu’il s’en verrait attribuer la faute.

Mais comment ? Même s’il réussissait à trouver un accord avec Podemos, une telle coalition n’atteindrait pas la majorité absolue de 176 sièges. Il lui faudrait en plus rallier quatre ou cinq petits partis (autonomistes basques, galiciens, voire certains indépendantistes catalans), ce qui relève sans doute de la quadrature du cercle.

Autre configuration : la mise sur pied d’un gouvernement minoritaire faisant adopter des mesures par des majorités à géométrie variable. Mais cela supposerait au départ de décrocher un vote d’investiture, moyennant (au deuxième tour) l’abstention du PP. Une abstention « technique » avait-il supplié avant même le jour des élections.

Mais si les amis de M. Casado s’engageaient dans cette voie, ils seraient probablement accusés de faiblesse par Vox, avec le risque de se faire ultérieurement tailler des croupières par cette formation.

Reste l’hypothèse d’une « grande coalition » associant PSOE et PP. Cela trancherait avec les habitudes politiques hispaniques, et laisserait le champ libre à Vox d’un côté, et Podemos de l’autre.

Aucun parti n’a remis en cause si peu que ce soit l’appartenance du pays à l’UE, ce qui a évacué l’Europe de la campagne électorale

Mais il est possible que certains dirigeants européens pèsent discrètement dans ce sens. Car l’instabilité persistante à Madrid préoccupe Bruxelles. En particulier, l’absence de gouvernement de plein exercice complique la « maîtrise » des finances publiques et le suivi de l’austérité budgétaire.

Aucun parti n’a remis en cause si peu que ce soit l’appartenance du pays à l’UE, ce qui a évacué l’Europe de la campagne électorale. Mais le chef du gouvernement et ses amis entendent bien que l’Espagne tienne son rang à Bruxelles. Il a du reste réussi à faire désigner l’actuel chef de la diplomatie comme futur Haut représentant de l’UE pour les affaires extérieures. Et veut continuer à jouer les « bons élèves » de l’Union.

Pour l’heure, l’Espagne reste donc dans le club des pays en attente de gouvernement, avec la Belgique et l’Autriche, voire disposant d’une majorité branlante, comme aux Pays-Bas et en Roumanie. Un signe d’une crise politique multiforme qui se manifeste de plus en plus fréquemment au sein des Vingt-sept.

 

Analyse issue notamment d’un entretien avec Nicolas Klein

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Comment se prépare la spoliation de l’épargne et des épargnants

Par : Grégoire

Les taux d’intérêt négatifs favorisent les ultra-riches et le capitalisme financier, en menaçant les épargnants et les classes moyennes.

Par Jean-Michel Quatrepoint, journaliste, auteur notamment de Alstom, scandale d’Etat, Dernière liquidation de l’industrie, Fayard, 2015.

Aberration hier. Réalité aujourd’hui. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le capital ne rapporte plus. Pire, il coûte ! Les taux négatifs sont désormais la norme, en Europe, mais aussi au Japon, pour l’épargnant moyen. La rémunération du Livret A est inférieure à l’inflation. Idem pour les contrats en euros à capital garanti de l’assurance vie, ce placement préféré des Français (1700 milliards d’euros).

Les assureurs veulent orienter leurs clients vers des placements à risque

Les assureurs ont massivement investi dans les Bunds allemands, les bons du Trésor français et même ceux de l’Italie qui offrent toujours des taux négatifs, malgré une remontée des courbes depuis septembre 2019. Mécaniquement, les revenus de l’assurance vie chutent. Les assureurs sont donc tentés de fermer peu à peu les comptes en capital garanti, qui ne permettent plus une rémunération suffisante, tant des épargnants que des gestionnaires. Ils veulent orienter leurs clients vers des placements à risque, en actions et autres produits financiers.

Les grandes banques privées commencent à taxer, au-delà d’un certain seuil, les dépôts en liquide de leurs clients les plus fortunés. Elles répercutent ainsi le coût du taux négatif de 0,5% sur leurs liquidités excédentaires qu’elles sont obligées de déposer à la BCE.

« Helicopter money »

Comment expliquer que l’on en soit arrivé là ? D’où viennent ces taux négatifs, appelés apparemment à perdurer ? Tout commence, fin 2008, avec la faillite de Lehman Brothers et la crise financière qui s’est ensuivi. Une bulle s’était créée autour des subprimes (1) avec un excès de dettes immobilières privées. Les banques, notamment américaines, ayant accumulé des créances irrécouvrables, beaucoup se trouvaient en situation de quasi-faillite. Pour éviter un krach et un effondrement de l’économie mondiale, le président de la Banque centrale américaine, la FED, Ben Bernanke applique une nouvelle théorie monétaire, celle de l’Helicopter money. Les banques centrales, à commencer par la FED, jettent des tombereaux de monnaie que les pâles de l’hélicoptère saupoudreront sur l’ensemble de l’économie, et surtout sur les acteurs financiers.

Les États passent ainsi le relais aux banques centrales qui deviennent les acteurs majeurs de l’économie. La FED fait tourner la planche à billets, rachète aux banques leurs actifs toxiques. Son bilan passe en deux ans de 850 milliards à 4 500 milliards de dollars. Parallèlement, l’État émet plus de dettes, souscrites pour partie par la FED pour soutenir l’économie. Les Européens suivront l’exemple, quoique sur une moindre échelle.

La création monétaire aurait pu être orientée vers l’économie réelle, on a préféré laisser faire les marchés

L’Helicopter money de Ben Bernanke a sauvé le système financier américain, les grandes banques et Wall Street. Cette création monétaire abondante a eu un effet mécanique : les taux d’intérêt ont baissé. Mais ils restent outre-Atlantique positifs. Ne serait-ce que pour conserver au dollar son pouvoir attractif auprès des investisseurs internationaux. Faute de réinventer un nouveau modèle économique, on a donc, en 2008, sauvé les meubles. L’Helicopter money se contentant de déplacer la bulle, des dettes privées vers les dettes publiques. La création monétaire des Banques centrales aurait pu être canalisée, orientée vers l’économie réelle, vers des investissements collectifs, notamment les infrastructures. On a préféré laisser faire le marché.

Des bénéfices pour les ultra-riches

Les capitaux de plus en plus abondants se sont investis en Bourse, dans des opérations de LBO (2), dans des montages financiers rémunérateurs. Les entreprises ont multiplié les programmes de rachats d’actions pour faire monter les cours et assurer ainsi des plus-values à leurs actionnaires. En revanche, elles ont souvent négligé les investissements de long terme. On a continué à sabrer dans les effectifs et la masse salariale a été contenue.

Les délocalisations et la course aux moins-disant fiscal, social et environnemental ont maintenu des prix bas pour le consommateur. D’où une inflation plus que contenue. En revanche, une autre inflation est apparue : celle des actifs. Les ultra-riches, qui financent leur développement et leurs opérations en s’endettant à des taux très bas rachètent des entreprises, de l’immobilier, des œuvres d’art et en font grimper les prix. Ce qui accroît mécaniquement leur patrimoine.

Sauver la monnaie unique

La théorie de l’Helicopter money sera reprise en Europe, quelques années plus tard, sur une grande échelle, par Mario Draghi. Cet Italien, éduqué chez les Jésuites, est en réalité un pur produit de la finance mondiale. Son passage chez Goldman Sachs, dont il fut un vice-président, lui ont appris les arcanes de cet univers impitoyable et le langage qu’il faut tenir aux marchés. Succédant à Jean-Claude Trichet et confronté à la crise grecque, qui risque de faire imploser la zone euro, il applique la politique suivie par Ben Bernanke.

Il affirme que la BCE fera « tout ce qui est nécessaire pour sauver la monnaie unique ». Son action sera double. D’une part, il introduit, en 2014, un taux négatif (- 0,1 % et – 0,5 % aujourd’hui) sur les dépôts que les banques sont tenues de déposer à la BCE. D’autre part, à partir de 2015, la banque centrale entame un programme de rachat d’actifs, d’abord de la dette publique, étendu ensuite aux dettes d’entreprises. Au total, en quatre ans, la BCE a ainsi acquis 2 600 milliards d’euros d’actifs. Au passage, Mario Draghi, qui se souvient qu’il est Italien, sauve son pays. La dette italienne (130 % du PIB) est recyclée. La Banque d’Italie, la BCE, mais aussi la Bundesbank en sont désormais les principaux détenteurs. En France, la Banque de France et les fonds euros de l’assurance vie rachètent massivement la dette française.

Draghi, plus loin que Bernanke

En introduisant durablement les taux négatifs – ce que n’a jamais fait la Fed – Mario Draghi va plus loin que Ben Bernanke. Pour un investisseur en euro, 70% des revenus à taux fixe sont désormais à rendement négatif. Au niveau mondial, les emprunts des États et des entreprises offrant des rendements négatifs atteignent désormais 17 000 milliards de dollars, soit 20% du PIB mondial. La BCE a suivi le chemin emprunté par le Japon, il y a près de 30 ans. Des déficits publics financés par l’épargne locale à des taux de plus en plus bas. Résultat ? La dette publique japonaise atteint 240% du PIB, avec une inflation voisine de zéro, une consommation stagnante, tout comme la croissance.

En basculant dans l’univers des taux négatifs, c’est un bien inquiétant message que les banques centrales et les marchés financiers émettent

Et si les taux négatifs étaient finalement le révélateur d’une nouvelle idéologie : celle de la décroissance ? Dans la théorie économique classique, le taux d’intérêt est la récompense de l’acte d’épargne. « Je mise sur le futur, plutôt que de satisfaire une consommation immédiate et j’en reçois une récompense par l’intérêt qui m’est versé ». La croyance dans un avenir meilleur et le niveau des taux sont intimement liés. Or, en basculant dans l’univers des taux négatifs, c’est un bien inquiétant message que les banques centrales et les marchés financiers émettent. Ils se projettent dans un monde de décroissance et de baisse des prix. Cent euros aujourd’hui vaudront moins demain. « Je prête 100 euros et j’accepte que l’on ne m’en rembourse que 95 demain parce que je ne crois pas dans le futur et que je ne veux pas prendre de risques. »

Addiction à la planche à billets

Le court-termisme a pris le pas sur la vision à long terme. L’argent injecté par les banques centrales ne va plus dans l’économie réelle, ne s’investit pas dans le long terme. Il alimente, en réalité, la spéculation sur les marchés financiers. C’est le triomphe du capitalisme de la plus-value, au détriment du capitalisme de rendement. La planche à billets des banques centrales est devenue une drogue, dont les marchés et l’ensemble du système financier ont besoin. Une remontée des taux se traduirait mécaniquement par des pertes considérables dans les portefeuilles obligataires des grands investisseurs. Et par une baisse des actions. Avec un risque de krach.

Cette addiction à la planche à billets et aux taux bas bloque toute inversion de cette politique. Si l’on débranche le malade, il meurt. Aux États-Unis, la FED a tenté en 2018 d’inverser, très prudemment, la courbe des taux. Elle a dû battre en retraite face à une coalition hétéroclite. Rassemblant la fine fleur de Wall Street, l’aile gauche des démocrates et… Donald Trump. Chacun plaidant, pour des raisons diverses, en faveur d’une baisse des taux et une poursuite de l’endettement.

Il est vrai que cette politique fait bien des gagnants. À commencer par les États. Le service de la dette leur coûte de moins en moins cher et redonne quelques marges budgétaires. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a pu financer les dix milliards des Gilets jaunes. Mais les États se révèlent impuissants à investir massivement dans les infrastructures, la transition énergétique, les domaines régaliens. Idéologie néolibérale oblige.

La croissance s’étiole, la confiance des acteurs économiques s’érode, le capitalisme financier triomphe

Autres gagnants : les particuliers qui peuvent obtenir des crédits quasiment gratuits pour acheter des biens immobiliers. Même chose pour les rachats d’entreprises, les LBO, qui se financent par la dette. Avec des effets pervers. L’immobilier s’envole. Pas partout. Uniquement là où il y a une forte demande : dans les métropoles et non sur l’ensemble du territoire. Les entreprises préfèrent faire des acquisitions, plutôt que d’investir dans leur propre outil de production ou dans les salaires. La croissance s’étiole et la confiance des acteurs économiques – consommateurs, épargnants – s’érode. Le capitalisme financier triomphe, au risque d’entraîner le monde à sa perte.

Le grand capital, grand gagnant

En inondant le marché de liquidités et en instaurant les taux négatifs, les banques centrales ont servi, en fait, le grand capital. Ceux qui ont déjà beaucoup, beaucoup de capitaux. Ils investissent avec de l’argent qui ne leur coûte rien. Ils compensent d’éventuelles pertes sur certains actifs par de considérables gains sur d’autres. Ils jouent sur les allers-retours boursiers.

La classe moyenne occidentale, et surtout les épargnants, sont les grands perdants de cette politique. La première, faute de croissance et de hausses des salaires, a de plus en plus de mal à se constituer un patrimoine. Quant aux retraités, on rogne régulièrement sur leur pouvoir d’achat. Et cela ne fait que commencer. L’épargnant a accumulé de l’épargne par son travail. Il ne veut pas tant gagner, mais ne pas perdre et préserver son capital pour sa retraite et ses enfants. Or, les taux négatifs vont peu à peu rogner ce capital. S’il conserve aujourd’hui de l’argent liquide sur ses comptes, c’est parce qu’il est inquiet de l’avenir. Il a le sentiment qu’il n’y a plus, depuis 2008, de pilote dans la cabine de l’économie mondiale.

De quoi accroître encore la bulle financière et… préparer un gigantesque krach boursier où petits épargnants et caisses de retraite seront lessivés

Les modèles économiques anciens se sont effondrés, mais il n’y en a pas de nouveau. On ne cesse de l’affoler en lui parlant de catastrophe climatique, de vagues migratoires, de conflits en tout genre. Bref, un environnement qui ne pousse pas à prendre des risques. Mais le système financier, lui, veut qu’il en prenne.

On va donc, peu à peu, lui ponctionner ses liquidités. Éradiquer doucement l’usage des espèces. L’inciter à retirer son argent de l’assurance vie à capital garanti, pour qu’il l’investisse en actions et que son épargne prenne en quelque sorte la relève de la création monétaire des banques centrales. De quoi accroître encore la bulle financière et… préparer un gigantesque krach boursier où petits épargnants et caisses de retraite seront lessivés. Le grand capital, lui, sera sorti du marché au fur et à mesure que les petits seront entrés. En encaissant ses plus-values. Un grand classique de l’histoire financière. 

Christine Lagarde préfèrera spolier les épargnants en s’imaginant qu’elle créera ainsi de l’emploi

« Nous devrions être plus heureux d’avoir un emploi que de protéger notre épargne » ! Christine Lagarde, la nouvelle patronne de la BCE, vient d’annoncer la couleur. Elle poursuivra la politique de Mario Draghi. Elle préfèrera spolier les épargnants en s’imaginant qu’elle créera ainsi de l’emploi. Non seulement elle sort de son rôle, mais en plus elle a tout faux. Emploi et épargne, activité économique et épargne sont intimement liés. Il appartient aux responsables politiques et économiques de faire en sorte que l’épargne s’investisse dans l’économie réelle, pour le bénéfice de tous. Et non de l’orienter vers des placements spéculatifs.

Avec son « quantitative easing » (3), Mario Draghi a favorisé les sorties de capitaux de la zone euro. Les investisseurs qui ont vendu leurs obligations d’État à la BCE ont, bien souvent, utilisé le produit de cette vente pour investir dans les marchés financiers hors zone euro. En cherchant notamment des actifs offrant une meilleure rentabilité, sur le marché obligataire et immobilier américain et dans les pays émergents. Alimentant ainsi la spéculation et prenant un risque majeur pour leurs clients.

De l’épargne pour les grands projets

Comment éviter cette spoliation de l’épargne qui se profile et relancer l’activité économique ? En revenant tout simplement à des principes sains de transformation de l’épargne. L’Europe, mais aussi les Etats-Unis et la plupart des pays occidentaux souffrent d’un manque d’investissement dans les grandes infrastructures, dans la transition énergétique, dans l’adaptation aux changements climatiques. Pourquoi ne pas proposer aux épargnants des obligations de très long terme offrant une rémunération correcte ? La rentabilité historique du capital est voisine de 2 % par an, hors inflation. Ces obligations seraient émises au niveau européen et dans chaque État, par des organismes comme la Banque européenne d’investissement (BEI) ou la Caisse des Dépôts en France. Les centaines de milliards d’euros ainsi récupérés seraient alloués à des grands projets, à des biens collectifs, décidés par les États.

Aux Etats-Unis, c’est ce qu’aurait dû faire Donald Trump pour son programme d’investissement dans les infrastructures de 1 000 milliards de dollars, promis lors de sa campagne… dont on attend toujours le début du commencement. Mais une telle solution risque de ne pas être du goût des grands acteurs financiers, car les grands projets collectifs de long terme ne donnent pas matière à spéculation.

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Prochaine tribune (à paraître le 18 novembre) :
Les vertus de la diplomatie russe : l’exemple kurde, par Robert Charvin, agrégé des facultés de Droit, professeur émérite à l’Université de Nice

(1) Prêt risqué. Aux Etats-Unis, il s’agissait essentiellement de prêts immobiliers à des personnes déjà très endettées.

(2) Leveraged buy-out, rachat d’entreprise par endettement, avec effet de levier.

(3) Assouplissement quantitatif. Politique monétaire qui utilise des outils comme l’achat d’obligations par les Banques centrales afin d’accroître la liquidité en circulation. L' »Helicopter money » est rendu possible par cet assouplissement quantitatif.

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Bolivie : l’UE doit envoyer des « experts » pour accompagner le nouveau pouvoir putschiste

Par : pierre

Le président sortant et réélu, Evo Morales, avait été contraint à l’exil alors que ses partisans continuent de manifester

Le président bolivien sortant, Evo Morales, est toujours au Mexique, où le gouvernement de ce pays lui a proposé de trouver asile. Lors de l’élection présidentielle du 20 octobre, où il se présentait en vue d’obtenir un quatrième mandat, il avait obtenu 47,1% des suffrages, plus de dix points devant son principal concurrent, Carlos Mesa (droite).

Ce résultat devait, selon la loi, assurer sa réélection dès le premier tour. Mais l’opposition a immédiatement accusé les autorités de fraude, s’appuyant sur un retard de centralisation des résultats. L’Organisation des Etats américains (OEA) a instantanément emboîté le pas. L’OEA a son siège à Washington ; elle compte dans ses rangs une majorité de dirigeants favorables à l’Oncle Sam, et très hostiles aux gouvernements de Cuba et du Venezuela. L’organisation avait par exemple été très active dans les tentatives – vaines – de faire tomber le président de ce dernier pays, Nicolas Maduro.

Quelques jours après le scrutin du 20 octobre et sous pression, Evo Morales a finalement accepté la tenue d’un second tour. Mais pour l’opposition, cette solution de compromis était insuffisante. Elle a contraint M. Morales à la démission après que des secteurs de la police et de l’armée eurent choisi leur camp en décidant de ne plus obéir au pouvoir légitime.

La deuxième vice-présidente du Sénat Jeanine Anez (mouvement social-démocrate, droite) s’est alors proclamée présidente par intérim, et a prêté serment, bible en main (alors que la constitution bolivienne est explicitement laïque). Les partisans d’Evo Morales, qui continuent à manifester contre ce coup d’Etat de fait, sont durement réprimés, avec notamment près d’une trentaine de protestataires qui ont perdu la vie.

Premières mesures

Parmi les premières mesures, Mme Anez a changé le chef de l’armée, lancé des poursuites contre Evo Morales, annoncé vouloir quitter l’Alliance bolivarienne pour les Amériques, et renvoyé sans délai 700 membres de la mission de coopération médicale cubaine.

Très logiquement, elle a également reconnu Juan Guaido, le dirigeant de l’opposition vénézuélienne qui s’était autoproclamé président de ce pays en janvier 2019. Rappelons que M. Guaido avait été très vite reconnu par les Etats-Unis, par l’europarlement, et par les principaux pays de l’UE, dont l’Allemagne et la France. Début février, Nathalie Loiseau, le ministre français des Affaires européennes, déclarait ainsi : « nous considérerons Juan Guaido comme le président légitime du Venezuela ».

Dans ce contexte, l’actuelle titulaire de ce portefeuille, Amélie de Montchalin, a « appelé au calme et à la retenue ». Dans une intervention a l’Assemblée nationale, le ministre a également martelé, manifestement à l’attention des partisans du président chassé : « nous n’acceptons en rien les manifestations violentes, nous cherchons à protéger la démocratie dans un pays où des élections doivent se tenir ».

Mme de Montchalin a conclu en appelant de ses vœux un tel processus, et précisé que « l’Union européenne enverra des experts sur le terrain, bien évidemment ».

« Bien évidemment ». On ne saurait mieux dire.

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Des deux côtés du Rhin, les agriculteurs font entendre leur colère et leur détresse

Par : pierre

A Paris comme à Berlin, des dizaines de milliers de paysans ont manifesté contre les interdictions et règlements édictés à Bruxelles qui sacrifient leur avenir au nom de l’environnement, ainsi que contre les traités de libre échange.

Coup sur coup, les agriculteurs allemands puis français, se sont fait entendre, respectivement les mardi 26 et mercredi 27 novembre. Des deux côtés du Rhin, l’exaspération, la détresse et les revendications qui en découlent sont comparables. D’autant que, bien souvent, ce sont des décisions prises au niveau de l’Union européenne qui en constituent les causes.

A Berlin, 8 600 tracteurs – selon la police – ont convergé vers la Potsdamer Platz, soit 40 000 agriculteurs venus exprimer leur colère et le sentiment qu’on leur vole leur avenir. Parmi leurs slogans : « agriculteurs ruinés, nourriture importée ». Les nouvelles contraintes, règles et interdictions décidées à Bruxelles menacent gravement un secteur dont le rôle premier est pourtant de nourrir la population. Sauf à accepter que l’avenir soit à une mondialisation toujours plus poussée, de l’importation de pommes du Chili à celles de viande bovine d’Argentine.

Les paysans allemands avaient déjà manifesté deux fois récemment, après une étincelle qui avait mis le feu aux poudres : l’annonce par le gouvernement fédéral du « plan de protection des insectes » prévoyant la restriction ou l’élimination de produits chimiques (herbicides, insecticides, engrais…). Or la libre circulation des marchandises met les agriculteurs du pays en concurrence avec des Etats où ce type de contrainte n’existe pas.

Le plan, annoncé en septembre, avait été adopté notamment après que la Commission européenne eut lancé une deuxième procédure d’infraction contre l’Allemagne, sommée de réduire le niveau de nitrates dans les eaux souterraines.

Plus généralement, la pression monte de la part des lobbys écologistes qui érigent la « protection de la nature » en valeur suprême. Au point que les paysans sont l’objet d’accusations et de vindicte de la part de certains secteurs de l’opinion, souvent les classes aisées des grandes villes, bien moins fréquemment au sein des milieux populaires.

Situation comparable en France

La situation est comparable en France, où les paysans se sentent de plus en plus les mal-aimés. En réalité, les grands médias ne cessent de dépeindre des sociétés, des deux côtés du Rhin, soulevées par une vague verte. Il faudrait donc ne rien refuser à celle-ci, pour des raisons tant idéologiques qu’électoralistes.

Cette discrimination contre le monde agricole est particulièrement mal vécue au moment où des centaines de milliers de petites exploitations sont menacées de faillite

Cette discrimination montante contre le monde agricole est particulièrement mal vécue au moment où des centaines de milliers de petites exploitations sont menacées de faillite, et où, en moyenne, un paysan par jour met fin à ses jours, acculé par des difficultés infernales. Des films, sortis récemment dans l’Hexagone, illustrent cette situation dramatique (Au nom de la terre, Petit paysan). Le succès populaire de ces œuvres laisse à penser que la mise en accusation des agriculteurs est loin d’être unanime.

C’est notamment avec cela en tête que les agriculteurs français ont manifesté dans plusieurs villes, le 27 novembre. A Paris, entre 800 et 900 tracteurs ont bloqué le boulevard périphérique, puis les Champs-Elysées, et même déversé du foin devant le très select restaurant Le Fouquet’s.

Là encore, c’est l’injustice qui a été dénoncée, matérialisée par des contraintes imposées, alors que des produits agricoles sont importés massivement. Les récents traités de libre échange signés par l’Union européenne (avec le Canada, avec le Mercosur…) étaient particulièrement en ligne de mire des manifestants.

En outre, une loi mise en place en début d’année censée rééquilibrer les revenus entre producteurs, transformateurs et grande distribution, n’a pour l’instant pas montré de résultats tangibles. Fondamentalement, les agriculteurs, des deux côtés du Rhin, ont une exigence centrale : pouvoir vivre de leur travail.

Et ne pas servir de boucs émissaires. Notamment de la part de ceux qui répandent les pétitions pour « sauver les abeilles » (comme en Bavière récemment), un mot d’ordre qui semble les intéresser plus que « sauver les paysans ».

Une même opposition était apparue il y a quelques mois en France, lorsque le gouvernement avait voulu introduire une taxe sur le carburant au nom de l’environnement. Ce qui a provoqué un clivage entre ceux qui sont angoissés par « la fin du monde », et ceux qui s’inquiètent plutôt de « la fin du mois ».

Et ce fut le mouvement des Gilets jaunes…

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Auf beiden Seiten des Rheins äußern die Bauern ihren Ärger und ihre Not

Par : pierre

Schlag auf Schlag demonstrierten in Berlin und in Paris Zehntausende von Landwirten gegen die in Brüssel verhängten Verbote und Vorschriften, die ihre Zukunft auf dem Altar der Umwelt opfern, sowie gegen  die von der EU abgeschlossenen Freihandelsabkommen.

Am Dienstag, dem 26. und am Mittwoch, dem 27. November erhoben deutsche und französische Bauern nacheinander ihre Stimme auf der Strasse. Auf beiden Seiten des Rheins sind Erbitterung, Verzweiflung, und die daraus resultierenden Forderungen sehr ähnlich. Zumal in vielen Fällen die Ursachen für die Entscheidungen auf der Ebene der Europäischen Union liegen.

Ist der Bauer ruiniert, wird dein Essen importiert

In Berlin trafen sich 40 000 Bauern – so die Polizei – auf dem Potsdamer Platz. Diese kamen, um ihrem Ärger Ausdruck zu verleihen und dem Gefühl, dass ihnen ihre Zukunft gestohlen wird. Zu ihren Slogans gehörten: „Ist der Bauer ruiniert, wird dein Essen importiert“ sowie „Gemeinsam statt gegeneinander“. Die in Brüssel beschlossenen neuen Beschränkungen, Regeln und Verbote bedrohen einen Sektor, dessen Hauptaufgabe darin besteht, die Bevölkerung zu ernähren. Es sei denn, man akzeptiert, dass die Zukunft in einer ständig zunehmenden Globalisierung liegt: dem Import von Äpfeln aus Chile bis hin von Rindfleisch aus Argentinien.

Deutsche Landwirte hatten in jüngster Zeit bereits zweimal demonstriert: Die Ankündigung des « Insektenschutzplans » der Bundesregierung, der die Beschränkung oder Beseitigung von Chemikalien (Herbizide, Insektizide, Düngemittel…) vorsieht, hatte wie der Funken, der das Feuer entzündet, gewirkt: Ausserdem stellt der freie Warenverkehr die Landwirte des Landes jedoch in Konkurrenz zu Staaten, in denen es diese Art von Beschränkungen nicht gibt.

Der im September angekündigte Plan wurde umgesetzt, nachdem die EU-Kommission ein zweites Vertragsverletzungsverfahren gegen Deutschland eingeleitet hatte: Berlin wurde aufgefordert, den Nitratgehalt im Grundwasser zu senken.

Grundsätzlich steigt der Druck der umweltpolitischen Lobbys, den « Naturschutz » zum höchsten Wert zu machen so weit, dass Bauern das Ziel von Anschuldigungen und Racheakten aus bestimmten Meinungsbereichen werden– oft aus den wohlhabenden Schichten in Großstädten (aber nicht aus den Arbeitervierteln).

Eine vergleichbare Situation in Frankreich

Vergleichbar ist die Lage in Frankreich, wo sich die Landwirte immer mehr wie Sündenböcke behandelt fühlen. In Wirklichkeit sind es aber die Mainstream-Medien, die immer wieder die Gesellschaften auf beiden Seiten des Rheins beschreiben, als befänden diese sich, wie von einer grünen Welle getragen, in einer höheren Sphäre. Nichts dürfte  dieser „grünen“ Stimmung entgegen gesetzt  werden – sowohl  aus ideologischen wie auch aus wahltaktischen Gründen.

Diese zunehmende Diskriminierung der Agrarwelt ist besonders schlimm in einer Zeit, in der Hunderttausende von kleinen französischen bäuerlichen Familienbetrieben vom Bankrott bedroht sind, und wo, von unlösbaren Schwierigkeiten getrieben, sich im Durchschnitt ein Bauer pro Tag, das Leben nimmt. Filme, die kürzlich in Frankreich herausgekommen sind, veranschaulichen diese dramatische Situation (Au nom de la terre, Petit paysan). Der populäre Erfolg dieser Werke deutet darauf hin, dass die Anklage gegen die Bauern bei weitem nicht einstimmig ist.

In diesem Kontext demonstrierten die französischen Bauern am 27. November in mehreren Städten. In Paris blockierten zwischen 800 und 900 Traktoren den „périphérique“ (Ring-Autobahn), dann die Champs-Elysées, und streuten sogar Heu vor das sehr vornehme Restaurant Le Fouquet’s.

In Paris wie in Berlin prangerten die Demonstranten die Ungerechtigkeit an: einerseits werden immer mehr Zwänge durchgesetzt, anderseits werden landwirtschaftliche Erzeugnisse massiv importiert. Insbesondere die von der Europäischen Union unterzeichneten jüngsten Freihandelsabkommen, (mit Kanada,  dem Mercosur…), wurden von den Protestierenden angegriffen.

Grundsätzlich haben die Bauern auf beiden Seiten des Rheins ein zentrales Anliegen: Sie wollen von ihrer Arbeit leben können.

Darüber hinaus hat ein zu Beginn des Jahres verabschiedetes Gesetz („Egalim“) zur Neugewichtung der Einkommen zwischen Produzenten, Lebensmittelindustrie und grossen Handelsketten bisher noch keine konkreten Ergebnisse gezeigt. Grundsätzlich haben die Bauern auf beiden Seiten des Rheins ein zentrales Anliegen: Sie wollen von ihrer Arbeit leben können.

Und sie wollen nicht als Sündenbock benutzt werden. Vor allem von denen nicht, die Petitionen zur « Rettung der Bienen » (wie in Bayern vor kurzem) in die Welt setzen, ein Slogan, der ihnen mehr am Herzen zu liegen scheint als die « Rettung der Bauern ».

Die gleiche Opposition entstand vor einigen Monaten in Frankreich, als die Regierung im Namen der Umwelt eine Kraftstoffsteuer einführen wollte. Dies hat zu einer Spaltung geführt zwischen denen, die sich um das « Ende der Welt » sorgen , und denen, die sich mehr um das « Ende des Monats » sorgen.

Und das war die Bewegung der Gelbwesten-..

 

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Louable lucidité et réjouissantes angoisses (éditorial paru dans l’édition du 27 novembre)

Par : pierre

L’entretien accordé par Emmanuel Macron à l’hebdomadaire The Economist témoigne du vertige de la disparition de l’Occident

L’économie de marché fonctionnant pour le bien de tout le monde ? Ce n’est plus vrai. L’ouverture infinie du commerce mondial ? Sûrement pas un élément de pacification. L’obligation de réduire à moins de 3% les déficits budgétaires ? Une contrainte d’un autre siècle. Le principe de souveraineté des peuples ? Hélas oublié, ce qui a poussé à vouloir imposer nos valeurs et changer des régimes – une erreur funeste issue du mariage fatal entre droit d’ingérence et néo-conservatisme. La Russie ? Toujours considérée implicitement comme un ennemi, alors qu’il conviendrait de réfléchir avec elle à une architecture de confiance et de sécurité. L’OTAN ? Une organisation en état de mort cérébrale.

Signé ? Le président de la République française à l’occasion d’un entretien fleuve publié le 7 novembre par l’hebdomadaire britannique libéral The Economist. Quelle mouche l’a donc piqué ? Probablement la lucidité et l’inquiétude d’un Emmanuel Macron comprenant que l’époque bascule, et capable de dépasser l’atlantisme compulsif dans lequel barbotaient ses (au moins) deux prédécesseurs.

Pour le géostratège de l’Elysée, l’Occident – au sens de l’Europe de l’Ouest – est en passe de perdre sa prééminence historique

L’angoisse n’est pas feinte : pour le géostratège de l’Elysée, l’Occident – au sens de l’Europe de l’Ouest – est en passe de perdre sa prééminence historique, et avec lui, les « valeurs humanistes universelles » qu’il aurait inventées. En fait de valeurs, c’est plutôt celles du CAC 40 qui sont à terme menacées – mais cela, le président ne le dit évidemment pas. Encore que. Au détour d’une analyse critique de l’Alliance atlantique, il rappelle que celle-ci a été mise en place avec les Etats-Unis en vue d’installer « une forme d’ombrelle géopolitique, mais en contrepartie, il faut (…) acheter américain ». Or « la France n’a pas signé pour ça », s’insurge le président.

Il poursuit, en substance : l’Union européenne était un projet de communauté, elle se réduit de plus en plus à un marché ; les dirigeants américains s’intéressent de plus en plus à l’Asie, et de moins en moins au Vieux Continent, plus encore sous Donald Trump qui ne se sent nullement lié par un projet européen que Washington avait pourtant à l’origine sponsorisé ; et, troisième élément, la Chine émerge au point que s’ébauche un duopole Washington-Pékin.

Et nous, et nous ? M. Macron, tente d’alerter ses pairs en les avertissant : si l’on continue ainsi – une UE qui ne s’intéresse qu’au commerce, à la libre concurrence, et à la baisse des dépenses publiques au moment où Etats-Unis et Chine investissent massivement dans l’innovation – nous allons disparaître de la scène mondiale. En outre, de nombreux pays de l’UE se débattent dans des crises politiques, dont l’avatar en France est le séisme social des Gilets jaunes, précise le président.

Face au danger de devenir le « partenaire junior » d’un Oncle Sam dont les intérêts stratégiques les plus cruciaux ne sont plus en Europe ; et face à l’absurde illusion selon laquelle le « doux commerce » mène forcément à la pacifique et libérale « fin de l’Histoire » pronostiquée après l’effacement de l’URSS, le président français brandit son double credo : primo, un rapprochement « sans naïveté » avec Moscou, puisque l’Europe doit maîtriser elle-même son voisinage sans être déterminée par le grand frère américain. Secundo, une « souveraineté européenne » qui doit commencer par la puissance militaire, puisque le « garant » de l’OTAN ne garantit plus les règles de l’Alliance atlantique. Cette dernière se trouve de ce fait en « mort cérébrale », comme l’a montré le feu vert donné par Donald Trump à la Turquie contre les Kurdes et la Syrie.

Entre la pure Europe américaine chère aux précédents hôtes de l’Elysée, et l’empire européen autonome rêvé par l’actuel, on ne choisira pas

La pensée macronienne est issue du croisement de deux déterminants contradictoires. D’un côté, la négation de la pertinence et de la viabilité politique des nations – un axiome qui ne conçoit l’avenir mondial qu’en termes de grands ensembles voués à confronter leurs influences respectives – bref, une logique d’empires. De l’autre, la prégnance de l’Histoire longue qui ne prédispose pas la France à une posture de vassalité alignée, à l’exception des périodes où elle est dirigée par des caniches de la taille politique de MM. Sarkozy ou Hollande.

Si l’on estime que l’avenir est à la coopération entre Etats indépendants et souverains, on ne choisira pas entre la pure Europe américaine des précédents hôtes de l’Elysée, et l’empire européen autonome rêvé par l’actuel. Pour l’heure, et faute d’un sursaut stratégique, ce dernier estime que l’Union européenne est « au bord du précipice ».

On attend donc avec impatience le prochain pas en avant.

Pierre Lévy

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Le grand retour du cinéma politique ?

Par : Grégoire

Du dernier film de Costa-Gavras à celui d’Olivier Assayas (Cuban Network, programmé pour janvier – affiche ci-dessus), le film politique retrouve sa place sur les écrans français.

Par Serge Regourd, professeur émérite à l’Université de Toulouse 1-Capitole.

Au cours de la période récente, la programmation cinématographique s’est caractérisée par un retour sur les écrans d’un certain nombre de films fondés sur un propos clairement politique, de critique de la société néolibérale contemporaine.

Pour s’en tenir au seul cadre du cinéma français, la tradition du film politique a été, voici quelques décennies, importante autour, en particulier, des films de Costa-Gavras ou d’Yves Boisset. Mais cette tradition a connu un profond reflux au profit d’un cinéma dominé, d’une part, par les logiques proprement commerciales de distraction grand public et, d’autre part, d’un courant cinéphilique, un peu autistique, axé sur les heurs et  malheurs de la petite – ou plus grande – bourgeoisie, des beaux quartiers ou des bobos, de préférence parisiens. De telle sorte que les analyses de l’école de Francfort, en particulier celles d’Adorno, pouvaient tourner à plein régime, illustrant la dégénérescence de la pensée critique à l’heure des médias de masse, au profit d’une pseudo-culture de pur divertissement.

Encéphalogramme politique plat

Le cinéma se manifestant, selon les études statistiques, comme la première pratique culturelle des Français, après la télévision, il était loisible d’établir une articulation – sinon une relation de cause à effet – entre le cours du temps marqué par les tendances à l’individualisme, au sauve-qui-peut, à l’acceptation implicite des dogmes mortifères de la concurrence sans rivage et de la performance managériale s’imposant dans toutes les strates de la régulation sociale, et l’encéphalogramme politiquement plat du cinéma français et européen.

Un cinéma dit d’auteur dont l’imaginaire ne dépasse guère les limites du 7ème arrondissement parisien

Certes, quelques francs-tireurs continuaient régulièrement à brosser le tableau éprouvant du saccage social opéré par les politiques néolibérales, détruisant les liens de solidarité collective, brisant des vies, à l’image de l’infatigable Ken Loach. Mais ces films n’apparaissaient que comme autant de petits canots de sauvetage, éparpillés dans la grande mer de l’industrie du divertissement, dans les marges du vaisseau amiral, compartimenté entre les vestibules de la pure distraction, jusqu’à ses limites les plus affligeantes selon la figure des Tuches, et les salons d’un cinéma dit d’auteur dont l’imaginaire ne dépasse guère les limites du 7ème arrondissement parisien.

Il n’est, peut-être, pas totalement fantaisiste de penser que, de manière évidemment non concertée, mais concomitante, le réveil d’une certaine conscience politique et sociale incarnée par le surgissement imprévu des Gilets jaunes, trouve, selon d’autres voies, un écho en termes de retour d’un cinéma authentiquement politique.

Le cinéma selon Lénine et Roosevelt

Ce cinéma politique apparaît alors lui-même comme un véhicule, sinon un élément, de gestation d’une pensée critique, au sens selon lequel Lénine définissait le septième art comme l’art le plus important pour l’URSS nouvelle, et selon lequel encore, dialectiquement, Roosevelt quelques années plus tard, concevait la conquête des esprits comme préalable à la conquête des marchés : envoyez les films, les produits suivront…

Selon une approche moins conjoncturelle, et plus générique, Gramsci démontra de manière lumineuse comment les défaites politiques sont d’abord des défaites culturelles et sans trahir sa pensée, des défaites de l’imaginaire, domaine dans lequel le cinéma occupe une place centrale.

Conditions d’une renaissance

S’agissant d’avancer l’hypothèse du retour d’un cinéma de critique politique, il convient que plusieurs éléments soient conjointement réunis afin de dépasser la simple situation des petites productions éparses. Car, comme le dit l’adage populaire, une hirondelle ne saurait faire le printemps. Au cours de la période actuelle, ces éléments paraissent bien coagulés avec la prégnance d’un certain nombre de films cumulant la qualité de films d’auteurs, c’est-à-dire d’œuvres bâties sur un point de vue, le succès critique, la reconnaissance médiatique et l’ambition d’un large public sur le terrain même capté par le cinéma proprement commercial.

Nous ne mentionnerons que de manière incidente le J’accuse de Polanski. Son sujet et son traitement sont, certes, de nature politique mais son identité historique ne saurait être confondue avec les narrations politiques des temps présents.

Dans ce mouvement, prennent place les dernières réalisations de ceux qui, précisément, n’ont jamais renoncé à leur assise politique dans un contexte global défavorable. Il s’agit pour eux de poser la question politique à partir de ses traductions sociales, à partir du quotidien meurtri, abîmé, déshumanisé, des gens d’en bas, victimes des conséquences des choix politiques n’obéissant plus qu’aux normes des eaux glacées du calcul égoïste.

Avec l’uberisation, l’exploitation capitaliste connaît une étape nouvelle au regard de laquelle le salariat fait figure de presque paradis

L’on y retrouve Ken Loach dont le titre du dernier film pourrait être le sous-titre du discours officiel de ceux qui nous gouvernent à l’égard du plus grand nombre des gouvernés : Sorry, we missed you (désolé, on vous a oublié). Traduction courtoise en quelque sorte des propos abjects d’un président de la République en exercice qui ose désigner nombre de ses concitoyens comme ceux qui ne sont rien. Avec l’uberisation, l’exploitation capitaliste connaît une étape nouvelle au regard de laquelle le salariat fait figure de presque paradis, de zone en tout cas de sécurité, sinon de confort. Une étape, comme le donne à voir le film de Ken Loach, de négation de la dignité de la personne humaine, de maillon intermédiaire entre salariat et esclavage moderne.

Les ravages de la précarisation, portant délitement du sentiment de solidarité entre les faibles, perte de toute conscience de classe et empressement à se jeter sous la table de festin des dominants pour en récupérer des miettes avec délectation, sont au cœur du dernier film de Robert Guédiguian, Gloria Mundi. Dans quel monde vivront nos enfants au rythme de l’actuelle déflagration sociale ? La question, en forme de déploration blessée, vaut lancement d’alerte politique, d’impératif catégorique de prise de conscience car la mort des apprentis businessmen est au bout du chemin. Comme métaphore de mort sociale de ce qu’il est encore convenu de nommer l’humanité.

Les Misérables constitue un véritable coup de poing dans la gueule des représentations convenues

Selon une autre approche, Les Misérables, premier film de Ladj Ly, cinéaste autodidacte des cités de Montfermeil, constitue un véritable coup de poing dans la gueule des représentations convenues d’un certain cinéma français usurpant sans vergogne les atours détournés de l’exception culturelle. Film hautement politique sur le délabrement avancé du tissu républicain, le surgissement sauvage de modalités de lutte des classes dépourvues de conscience de classe, l’éclatement communautaire, produit du déchaînement aveugle du néolibéralisme, préfigurant la menace d’un nouveau Léviathan selon lequel l’homme est un loup pour l’homme.

Panique dans la Macronie

Cette cécité de ceux qui nous gouvernent, ayant jeté aux orties les missions supposées légitimer leurs pouvoirs – liberté, égalité, fraternité –, explique, selon les informations parues dans les gazettes, que découvrant ce film, le susvisé président de la République, aurait conjointement découvert l’état désastreux des territoires abandonnés de la République – le propre d’un film politique permettant le dessillement des moins préparés – et demandé à ses ministres de proposer quelques solutions d’urgence… Le film, primé au dernier Festival de Cannes, représentera la France dans la course aux Oscars. Tout un symbole sur le retour du cinéma politique.

Mais au-delà de ces films, parmi les plus représentatifs de ce qui veut être signifié ici, témoignant des conséquences sociales de choix politiques, plusieurs autres films correspondant aux critères précédemment évoqués, expriment plus directement ce retour au politique en termes institutionnels.

La Mafia, figure ultime du capitalisme

Ce pourrait être déjà le cas de l’admirable dernier film de Bellochio, Le traître, contant l’histoire du repenti de Cosa Nostra, Buscetta, tant il montre l’interpénétration entre le crime organisé et une partie de la classe politique italienne, en forme de parabole selon laquelle la figure ultime de la jungle capitaliste pourrait bien s’incarner dans l’entreprise mafieuse elle-même, alors débarrassée des derniers oripeaux des contraintes juridiques, comme hyperbole d’un marché libre et non faussé.

Il ne s’agit encore que d’un spectre menaçant, né avec les règles du droit de la concurrence, mais les dégâts déjà produits par celui-ci dans le cadre de l’Union européenne ne sauraient être sous-évalués. Tel est le sujet du dernier film de Costa-Gavras, Adults in the room, à partir du sort infligé à la Grèce.

Une nouvelle tragédie grecque

L’adaptation du livre de l’ancien ministre de l’économie Varoufakis, décrivant les cruelles déconvenues subies par les espoirs politiques non conformes à la doxa libérale, montre, hélas, de manière implacable, à quel point les gouvernants européens, et plus fondamentalement le système dont ils sont les officiants, se moquent éperdument des choix démocratiques des peuples concernés.

Figure de Janus : les conséquences sociales montrées par Guédigian correspondent bien, sur l’autre face, aux causes politiques montrées par Costa-Gavras, annihilant les résultats d’un référendum exprimant pourtant sans ambiguïté les attentes du peuple grec. Expression démocratique aussitôt foulée aux pieds par les dirigeants de l’Union Européenne pour non-conformité aux principes libéraux inscrits dans le marbre des traités non renégociables de l’Union Européenne. De telle sorte que les consultations populaires tendent à devenir un théâtre d’ombres, une cour de récréation dans laquelle s’ébrouent les diverses filiales politiques du système et de supposés opposants réduits à une verbalisation velléitaire, en violation de la définition même de la démocratie, et clin d’œil cynique de l’Histoire, ce au sein même de son berceau athénien.

De Saint-Germain-des-Prés à Cuba

Cette incontestable vague de cinéma politique sera-t-elle pérenne et pourra-t-elle avoir un effet politique dans le champ culturel ? Il apparaît en tout cas, pour conclure sur une note d’espoir, que certains cinéastes parmi les plus représentatifs de la tendance lourde précédemment évoquée, paraissent eux-mêmes être concernés.

Ainsi, en particulier du dernier film d’Olivier Assayas, Cuban Network qui se présente comme la parfaite antithèse de son calamiteux film précédent (Doubles vies), caricature extrême du petit univers germanopratin de l’édition. Comme touché par la grâce de la rédemption politique, son dernier film (sortie prévue en janvier), se présente comme une passionnante enquête sur l’épopée des responsables politiques cubains exfiltrés en Floride pour conjurer les périls des menées terroristes de l’extrême droite américaine, discrètement soutenue par le Département d’Etat. La relation entre Cuba et les États-Unis y est l’objet d’une analyse politique en forme de divine surprise.

 

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Washington revendique un gravissime assassinat politique : l’UE recommande la « retenue »… à l’Iran

Par : pierre

Il est sans doute trop tôt pour cerner toutes les raisons qui ont conduit le président américain à ordonner l’assassinat d’un général considéré par les Iraniens comme un héros, et de son adjoint irakien. Il est en revanche possible de pointer un extraordinaire contraste.

D’un côté, un assaut militaire d’une exceptionnelle gravité, tant politique que juridique. Pour mesurer celle-ci, il suffit par exemple d’imaginer Vladimir Poutine diligentant la liquidation du plus haut gradé ukrainien auréolé de gloire sur le front de l’Est, et ce, sur le sol d’un proche allié de Kiev. Ou bien le Guide suprême iranien revendiquant fièrement l’élimination sur le territoire britannique du plus illustre des généraux américains.

On ose à peine imaginer les tirades guerrières, les bruits de bottes et de sabre, sans parler des sanctions apocalyptiques qui n’auraient pas manqué de réchauffer la planète en moins de temps qu’il ne faut pour composer un tweet vengeur.

Le simple terme diplomatique de « condamnation » n’est sorti d’aucune bouche bruxelloise

De l’autre, après le raid ordonné par la Maison-Blanche, les réactions des chancelleries européennes, et singulièrement des plus hauts responsables de l’UE, ont brillé par leur modération, pour ne pas dire leur indulgence. Faut-il préciser que le simple terme diplomatique de « condamnation » (dont on n’est guère avare par ailleurs) n’est évidemment sorti d’aucune bouche bruxelloise. Tout juste a-t-on entendu « inquiétude », « préoccupation ».

Mieux : les « appels à la retenue » ont été adressés « aux deux parties », avant que les exhortations à la « modération » ne soient finalement redirigés exclusivement vers Téhéran, dès lors que l’Iran a indiqué qu’il ne laisserait pas un tel forfait impuni.

Et quand Donald Trump a martelé, à deux reprises, qu’il n’hésiterait pas à bombarder les sites culturels perses, la Commission européenne, interrogée par des journalistes, a répondu… qu’elle n’avait « aucun commentaire » à faire. (Pour sa part, le porte-parole du Premier ministre britannique a rappelé qu’il s’agirait de « crimes de guerre » ; Boris Johnson, qu’on ne peut vraiment pas accuser d’anti-américanisme excessif, s’est manifestement senti libre de passer outre le silence de Bruxelles, proximité du Brexit oblige).

On ne s’étonnera pas, au demeurant, de l’attitude de l’UE. Son attachement au camp occidental est génétique. Et la voir condamner l’attaque américaine était aussi réaliste que d’imaginer l’OTAN mobiliser ses troupes d’élites pour entraver le bras de Washington…

Riposte iranienne très pondérée

A ce stade, chacun a été obligé de constater que la riposte iranienne s’est caractérisée par une grande pondération. Au point même qu’à écouter certains eurodéputés et journalistes de grands médias, on devine presque une secrète déception… Les mêmes parlaient pourtant la veille du risque d’« engrenage ». Un terme certes pas faux, mais qui laisse dans le flou les responsabilités respectives.

Car, faut-il le rappeler, les tensions entre Washington et Téhéran ont été initialement relancées par la dénonciation unilatérale par Washington, en mai 2018, de l’accord avec l’Iran visant à limiter la production de nucléaire (civil) par ce pays (un accord qu’on n’est par ailleurs pas obligé d’admirer, tant il impose des restrictions illégitimes à la République islamique).

Faut-il rappeler le rôle des dirigeants américains dans le renversement, en 1953, du Premier ministre progressiste et nationaliste Mohammad Mossadegh ?

Et si l’on veut remonter vers des sources plus anciennes, faut-il rappeler le rôle – depuis longtemps bien connu – des dirigeants américains (et britanniques) dans le renversement, en 1953, du Premier ministre progressiste et nationaliste Mohammad Mossadegh, histoire de maintenir la domination occidentale dans ce pays-clé du Moyen-Orient, riche en pétrole.

Pour l’heure, les conséquences du meurtre du général Soleimani ne sont pas exactement à l’avantage stratégique des Etats-Unis.

Les Iraniens, favorables au pouvoir comme opposants, se sont retrouvés unis par millions derrière les autorités dans la dénonciation du crime américain, alors que des manifestations anti-gouvernementales durement réprimées avaient eu lieu quelques semaines auparavant.

En Irak, ceux qui mettaient en cause l’influence iranienne dans le pays – une composante du mouvement de protestation récent – sont de fait marginalisés.

Le cours du pétrole est orienté à la hausse, ce qui ne peut que réjouir les pays producteurs, dont la Russie (et le Venezuela), mais ne fait guère les affaires du président-candidat américain, dont les électeurs risquent de modérément apprécier la perspective d’une hausse des prix du carburant.

Enfin, ultime conséquence de ces soubresauts géostratégiques : Greta Thunberg a disparu de la une des médias.

Hélas, provisoirement.

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Le Brexit et la trahison du thatcherisme (éditorial de Ruptures n°92)

Par : pierre

Boris Johnson serait-il devenu bolchévik ?

Historique. Pour une fois, le terme n’est pas galvaudé. Le 31 janvier au soir, le Royaume-Uni aura juridiquement quitté l’Union européenne. Avec la chute du mur de Berlin – mais dans un sens opposé – il s’agit probablement du plus important événement européen depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Dès le référendum, et malgré une suite incroyable d’embûches, sa réalisation ne faisait in fine aucun doute – c’est ce que nous n’avons cessé d’analyser dans ces colonnes.

Le dépit a saisi tous ceux qui ont eu jusqu’au bout l’illusion de pouvoir faire dérailler le processus, moyennant guérilla parlementaire et pression bruxelloise. Quelques jours avant les élections décisives du 12 décembre, qui tournèrent au plébiscite en faveur du Brexit, certains partisans de l’UE affirmaient encore que, grâce à l’inscription récente et massive de jeunes sur les listes électorales, le choix du 23 juin 2016 allait pouvoir être retoqué.

Très cruel paradoxe pour les partisans de l’Europe : la guerre d’usure que menèrent les députés pro-UE à Westminster a bloqué l’accord signé en novembre 2018 entre Bruxelles et Theresa May, alors même que cette dernière avait accepté d’y graver concession sur concession. A l’inverse, en affirmant que la Grande-Bretagne sortirait « quoi qu’il arrive, avec ou sans accord », son successeur a arraché un traité bien plus net et fait voter une application qui concrétise un Brexit bien plus « dur »… Boris Johnson a en outre exclu que les négociations pour fixer le cadre des futures relations bilatérales se traduisent par un « alignement » sur les règles des Vingt-sept.

Quitter l’Union européenne ne signifie nullement qu’adviendra mécaniquement une politique progressiste. Simplement, le pays reconquiert la liberté d’opter en ce sens

Bien sûr, quitter l’Union européenne ne signifie nullement qu’adviendra mécaniquement une politique progressiste. Simplement – et c’est évidemment l’essentiel – le pays partant reconquiert la liberté d’opter en ce sens. A cet égard, les signaux qui proviennent de Londres pourraient être pires. Une des premières décisions du « gouvernement du peuple » (selon l’appellation revendiquée par M. Johnson) a été d’augmenter de 6,2% le salaire minimum – un record.

Le locataire de Downing street a indiqué dans la foulée qu’il ne se rendrait pas à Davos « parce qu’il y a plus urgent à faire que d’aller trinquer avec les milliardaires ». Démagogique ? Peut-être. Mais doit-on également moquer ainsi un programme qui s’engage à réinvestir massivement dans les services publics (notamment la santé), les infrastructures (notamment ferroviaires), et à rééquilibrer les priorités en faveur des régions les plus déshéritées ? Le premier ministre vient même de renflouer un transporteur aérien dont la faillite aurait laissé à l’abandon nombre de liaisons régionales. Une décision contraire aux règles de l’UE – mais aussi une « trahison du thatchérisme », selon le quotidien conservateur The Telegraph.

Boris Johnson s’est-il converti au bolchevisme ? C’est peu probable. Mais au lieu de faire un bras d’honneur aux classes populaires après que celles-ci ont assuré sa victoire, il projette sans doute de s’ancrer à long terme au sein de celles-ci, en profitant du fossé qui s’est creusé entre les ouvriers et une « gauche » favorable à l’UE et à l’ouverture des frontières.

Il faudra juger sur pièces. Ce qui est certain, c’est que le Brexit a et aura des conséquences bien au-delà du Royaume-Uni. Alors que durant des mois, l’on nous a présenté la sortie de l’UE comme une interminable torture sans autre perspective que le chaos, désormais, chaque jour qui passe sans que le pays ne sombre dans l’abîme va constituer un cinglant désaveu de cette propagande.

Donc, on peut sortir de l’UE sans brûler en enfer. Pour les dirigeants européens, cela va devenir une bien fâcheuse évidence

Le président de la Banque d’Angleterre, le Canadien Mark Carney, avait été l’un des plus acharnés prophètes de l’apocalypse dès la campagne référendaire de 2016. Bougon, il vient de concéder discerner « la réduction des incertitudes », pour affirmer toutefois que le rebond économique « n’est pas assuré ». Ce qui dénote quand même une petite évolution par rapport à la catastrophe certaine… On note au passage que l’homme vient de quitter ses fonctions pour remplacer le milliardaire américain Michael Bloomberg comme représentant de l’ONU pour le climat – un autre poste où il brillera par l’annonce des catastrophes bien connues…

Donc, on peut sortir de l’UE sans brûler en enfer. Pour les dirigeants européens, cela va devenir une bien fâcheuse évidence. Taraudés par cette angoisse, ils viennent de lancer un processus de « rénovation » de l’UE censé durer deux ans et associant les « citoyens européens » via un « grand débat » à la Macron.

Grandiose !

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

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Le fabuleux destin que craint Amélie de Montchalin

Par : pierre

Négociations qui s’amorcent entre Londres et Bruxelles : loin d’être isolé, le Royaume-Uni va désormais pouvoir se ré-ouvrir au monde sans entrave.

Décidément, Boris Johnson n’a pas fini de provoquer des aigreurs chez les dirigeants européens en général, chez le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, en particulier.

Depuis samedi 1er février, le Royaume-Uni a juridiquement quitté l’Union européenne (sans qu’aucun Tsunami n’ait encore emporté les îles britanniques). Mais il reste une étape décisive : la négociation d’un accord fixant les rapports à venir entre Londres et Bruxelles : commerce au premier chef, mais aussi sécurité, défense, énergie, transports, ainsi que l’épineux dossier de la pêche.

Cette négociation se déroulera pendant l’actuelle « période de transition » qui prendra fin au 31 décembre. Au grand dam des Vingt-sept, le chef du gouvernement britannique a exclu de prolonger ladite période de transition.

Lundi 3 février, comme prévu, les deux parties ont donc présenté, à distance, leurs positions de départ. Côté Bruxelles, il s’agit du « mandat de négociation » que les Vingt-sept vont confier à M. Barnier, et qu’ils valideront formellement le 25 février prochain.

A Londres, l’humeur est à l’optimisme conquérant

A Londres, M. Johnson dispose, lui, d’une large majorité parlementaire à sa main.

Mais avant même le contenu des deux documents, ce qui frappe, c’est la différence d’état d’esprit. D’un côté, le Premier ministre anglais a fait le choix de se tourner vers l’avenir, parlant d’une « nouvelle aube » pour son pays. Il faut certes faire la part de la communication, mais l’humeur est manifestement à l’optimisme conquérant.

Les esprits grognons étaient, lundi, à chercher du côté des représentants du patronat. La CBI (le Medef britannique) et les Chambres de commerce n’avaient pas été invitées, contrairement à l’habitude. Car, selon les services du 10 Downing street, le patronat « perd son temps » à faire pression sur le gouvernement « pour qu’il abandonne toutes les promesses faites au peuple britannique ».

Côté Bruxelles, le ton est aux avertissements et au repli sur soi.

Côté Bruxelles en revanche, le ton est aux avertissements et menaces en direction des Britanniques, et aux appels, un peu inquiets, à resserrer les rangs au sein de l’UE. L’humeur est au repli sur soi.

Certes, Michel Barnier a proposé à Londres un « accord très ambitieux » sur le plan commercial : zéro droit de douane, zéro quota (c’est-à-dire pas de limitation des importations en provenance d’outre-Manche). Mais en y mettant une énorme condition : que le Royaume-Uni s’engage, par traité, à s’aligner sur toutes les règles actuelles de l’UE, et à se soumettre aux arbitrages de la Cour de justice de l’UE. Paris souhaiterait même un alignement « dynamique », c’est-à-dire que les Anglais acceptent d’avance toutes les règles futures de l’UE…

Selon les Vingt-sept, il s’agit d’éviter que les Britanniques fourguent leurs produits et services sur le continent en pratiquant le « dumping » social (c’est-à-dire en rognant les droits sociaux pour vendre moins cher), « environnemental » (en allégeant les contraintes, là aussi pour faire baisser les coûts), ou « fiscal » (en abaissant les impôts pour attirer des capitaux – un sport qui existe pourtant déjà au sein même de l’UE, de la part de l’Irlande voisine, par exemple).

Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié un accord de libre échange avec… Singapour.

Bref, selon l’expression en vogue à Bruxelles, il faudrait à tout prix éviter que nos voisins d’outre-Manche transforment leur pays en « Singapour sur Tamise », manière de désigner un modèle hyper-déréglementé incompatible avec un accord de libre échange. Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié, il y a un an, un accord de libre échange avec… Singapour.

A sa manière, franche, Boris Johnson a d’emblée exclu de se soumettre à un tel diktat. Nous appliquerons les règles britanniques sans les affaiblir, a martelé Boris Johnson, mais il n’y a aucun besoin de signer un traité pour cela.

« Allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques  ? Bien sûr que non ! »

Et d’ailleurs, pourquoi les exigences seraient-elles à sens unique, a habilement ajouté M. Johnson, pourquoi ce ne serait pas aux Européens de se calquer sur les règles britanniques : « allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand (les exemples sont plaisamment choisis…) au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques concernant les touillettes à café en plastique ou sur les congés maternité ? Bien sûr que non ! ».

Les futurs négociateurs distinguent différents scénarios possibles : un accord « à la norvégienne », « à la suisse », « à la canadienne », voire « à l’australienne »… Dans le premier cas, Le Royaume-Uni, comme c’est le cas actuellement pour la Norvège, s’engagerait à adopter toutes les règles de l’UE – c’est donc l’hypothèse exclue par Londres. La configuration « helvète » comprend des règles et accords secteur par secteur – ce qui ne plaît pas à Bruxelles. Le scénario de type canadien, qui a la préférence de Londres, renvoie au traité de libre échange signé entre l’UE et Ottawa (le CETA) qui abolit les droits de douane sur 98% des produits – mais sans exiger un alignement réglementaire.

Quant à l’hypothèse « australienne », elle a été évoquée à dessein sous ce qualificatif par M. Johnson : ce pays commerce en effet selon les seules règles de l’OMC – ce qui serait la situation si aucun accord n’est trouvé. Mais la référence à l’Australie, pays du Commonwealth, ne sonne pas négativement aux oreilles des Britanniques.

« Nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne »

En tout cas, le ministre des Affaires étrangères, a d’emblée prévenu : « nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne ». Un camouflet à tous ceux, en France en particulier, qui pariaient sur un Brexit déjà rebaptisé Brino (« Brexit in name only », un Brexit seulement de façade).

Et sur ces entrefaites, Dominic Raab entame une tournée en Australie, au Japon, en Malaisie… et à Singapour. Car le Royaume-Uni a enfin récupéré le droit de signer des accords commerciaux en son nom propre, ce qui était interdit quand il était membre de l’UE.

L’amertume était palpable ces jours-ci dans les couloirs de Bruxelles où les uns et les autres déploraient le choix britannique de l’« isolement ». Michel Barnier a même osé : « je regrette que le Royaume-Uni ait choisi d’être solitaire plutôt que solidaire ».

En quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave

La réalité est qu’en quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait (un peu) son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave, en cultivant « l’amitié entre toutes les nations », comme le proclame la nouvelle pièce de 50 pence émise pour fêter le Brexit.

Dans la période qui s’ouvre, on pourrait donc assister à l’expérience – sans précédent – d’un pays qui reconquiert sa souveraineté bridée par l’UE : sa liberté de faire ses lois et de décider de ses impôts, mais aussi de nouer des coopérations tous azimuts. Et ce, sans plus devoir subir les absurdités macroniennes vantant une Europe-puissance dotée de sa propre « souveraineté ». Le Royaume-Uni, isolé ? Quelle stupidité !

Selon Amélie de Montchalin, « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe »

Voilà qui pourrait bien donner des idées à d’autres pays, comme le craint manifestement le Secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. Interviewée dans Le Monde (04/02/20), Amélie de Montchalin laisse ainsi apparaître son inquiétude : « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe ».

Oui, Amélie : « ici ou là » en effet, certains pourraient rêver d’un fabuleux destin…

Toutes les infos, complètes et mises à jour, à découvrir dans l’édition de Ruptures à paraître fin  février. Il n’est pas trop tôt (ni trop tard) pour s’abonner.

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Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

Par : pierre

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy (ci-dessous), s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

 

Par Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Ruptures

Le « Pacte vert » (« Green Deal » en sabir bruxellois) est désormais l’axe majeur des institutions européennes. Il a été présenté en décembre dernier par Bruxelles. Le 14 janvier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen en a précisé le financement, avant que ne soit lancé, au printemps, une « grande loi climatique », qui s’imposera aux Etats membres. Il est question de milliers de milliards d’euros. Ce vaste « plan de bataille écologique » va devenir, selon Mme Von der Leyen, la « marque de fabrique » de l’UE.

Bien sûr, il s’est trouvé de nombreuses voix pour estimer que tout cela n’allait pas assez loin. D’autres, ou les mêmes, ont accusé la Commission d’escroquerie, de « faire semblant » de se convertir à l’écologie en cédant à l’air du temps.

Le discours environnementaliste structure l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens

Il n’en est rien. Le discours environnementaliste structure en profondeur l’idéologie des élites mondialisées, dont Bruxelles est un des plus beaux spécimens. Il trouve ses racines il y a plusieurs décennies. Ainsi, un cénacle issu de l’OCDE (organisation des pays occidentaux les plus riches), connu sous le nom de Club de Rome, publiait en 1972 un rapport resté célèbre intitulé « Les limites de la croissance ».

Ce texte fut vivement soutenu par Sicco Mansholt, président de la Commission européenne en 1972-1973. M. Mansholt, généralement considéré comme un des « pères de l’Europe », plaidait déjà pour la décroissance.

Et si l’on a un doute sur le rôle moteur des dirigeants, politiques, financiers et oligarques, dans la promotion des thèses pro-climat et pro-environnement, il n’est pas interdit de remarquer que l’emblématique multimilliardaire américain Michaël Bloomberg était encore récemment le représentant de l’ONU pour le climat. Il vient d’être remplacé à ce poste par le Canadien Mark Carney, qui fut président de la Bank of England jusqu’à janvier 2020. L’homme s’était rendu célèbre par ses prévisions apocalyptiques en cas de Brexit. Il a désormais un nouveau job pour déployer ses talents de prophète des catastrophes annoncées mais fantaisistes.

Distinguer deux pans

Il convient de distinguer d’emblée deux pans de la réflexion en ce qui concerne le « réchauffement climatique » : d’une part, la recherche et la confrontation scientifiques ; d’autre part l’analyse et la compréhension des enjeux qui y sont liés : économiques, sociaux, politiques, géopolitiques, démocratiques, voire philosophiques.

Le premier débat, sur la réalité dudit dérèglement climatique et sur ses causes possibles, relève des scientifiques eux-mêmes. On ne l’abordera donc pas ici. Tout juste peut-on rappeler qu’il n’y a pas d’unanimité parmi les chercheurs qui établirait sans conteste l’existence du réchauffement d’origine anthropique – sauf à traiter tous les scientifiques dissidents de fantaisistes, d’ignorants ou d’imposteurs.

Un esprit rationnel devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante si martelée qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé

En revanche, tous les citoyens sont parfaitement légitimes à s’inscrire dans l’autre débat, celui qui tente de cerner les tenants et aboutissants des campagnes actuelles. Du reste, un esprit rationnel et critique devrait être effrayé par l’omniprésence totalitaire de la thèse dominante, serinée matin, midi et soir dans la presse écrite et audio-visuelle, au point qu’il devient difficile de sortir du cadre de pensée imposé. Si l’on écoute bien certains militants écolos, on ne devrait plus être très loin de la mise en place du crime de « négationnisme climatique », voire des sanctions pénales afférentes.

Cinq dossiers, au moins, peuvent être évoqués qui mettent en lumière le lien intrinsèque entre les intérêts de l’oligarchie occidentale mondialisée, et l’idéologie pro-climat. On ne peut ici citer que les têtes de chapitre, chacun d’entre eux méritant à l’évidence de plus larges développements.

Premier dossier : le social

Le premier pourrait être ainsi résumé : la sobriété jugée nécessaire pour « sauver la planète » est en réalité le faux nez de l’austérité que les forces de l’argent entendent imposer aux peuples. Elle a ses relais, évidemment, dans nombres de succursales de la « gauche » et est parfois prônée sous le nom de « sobriété heureuse ». A tous ceux qui s’inquiètent de la manière de boucler leur fin de mois, on agite la menace de la fin du monde. La « surconsommation », y compris d’énergie, est pointée du doigt, sur le thème : plutôt mieux être qu’avoir plus.

On notera que cet état d’esprit n’est pas nouveau dans l’idéologie dominante. Le jadis médiatique journaliste François de Closets a bâti l’essentiel de sa carrière éditoriale en dénonçant le peuple qui voudrait « Toujours plus », titre de l’un de la vingtaine d’ouvrages parus depuis 1970 sur ce même thème.

L’antagonisme entre ceux qui angoissent sur la « fin du mois » et ceux qui alertent sur la « fin du monde » a fait irruption en novembre 2018 : le mouvement des Gilets jaunes est né du refus de la taxe qu’a tenté d’imposer le gouvernement sur les carburants, dans le but avoué de « modifier les comportements ».

Des centaines de milliers d’emplois directs sont menacés, au nom du verdissement de l’économie

Le pouvoir d’achat de millions de travailleurs n’est pas seul en ligne de mire. Des centaines de milliers d’emplois directs sont également menacés, au nom du verdissement de l’économie – censé créer d’autres postes de travail, mais plus tard. Une réalité qui se retrouve aux quatre coins de l’Union européenne. Ce n’est pas par hasard si la Commission prévoit un Fonds spécialement consacré à « accompagner » les futurs travailleurs privés de leur emploi et les futures régions sinistrées.

Et il n’est sans doute pas anodin de remarquer que les catégories les plus menacées sont les plus emblématiques de la force et de l’histoire ouvrières : mineurs (en France, on avait trouvé d’autres prétextes pour liquider précédemment cette activité), sidérurgistes, ouvriers des industries chimique et de l’automobile… Un peu comme si dans l’inconscient des dominants, il s’agissait de se débarrasser des usines trop « carbonées »… et dans le même temps des classes dangereuses, surtout là où elles ont sont concentrées et combatives.

Deuxième dossier : la géopolitique

Le deuxième domaine est d’une autre nature. Il tient à une maladresse du Tout-puissant : celui-ci a eu le mauvais goût de répartir les hydrocarbures en en confiant une large part aux Etats non alignés sur l’Occident… Ainsi, la Russie, l’Iran, le Venezuela, pour ne citer que ces trois exemples, sont les pays où sont concentrées les plus grandes réserves pétrolières et/ou gazières.

On peut donc imaginer que dans les sphères dominantes, on ne serait pas forcément mécontent que ces Etats soient petit à petit privés des ressources que leur procurent les exportations d’énergie carbonée. En diabolisant cette dernière, on affaiblit ainsi les positions et les moyens financiers des adversaires ou ennemis désignés.

Troisième dossier : la gouvernance mondiale

Le troisième dossier est à forte connotation idéologique. On nous le répète encore et encore : la catastrophe climatique ne peut être combattue qu’à l’échelle mondiale. Un mantra providentiel pour tous ceux qui militent, depuis des décennies, pour une gouvernance mondialisée (rêve ultime des puissants) et ses déclinaisons en grands blocs régionaux, tels que l’UE.

Bref, cela tombe à pic : pour résoudre les grands problèmes de notre temps, l’échelle des Etats nations serait dépassée. Du coup, la thèse a toutes les apparences de l’évidence : le réchauffement n’a pas de frontières, il faut donc oublier les vieilles lunes de la souveraineté nationale.

Quatrième dossier : la démocratie

La quatrième dimension des impératifs climatiques imposés concerne un enjeu qui n’est pas tout à fait anodin : la démocratie. Car les exemples le montrent : les classes populaires, les peuples, semblent ne pas accepter de se soumettre à la doxa environnementaliste, en tout cas pas assez vite pour éviter les catastrophes annoncées.

Pire, ils seraient prêts à punir électoralement les gouvernements trop zélés en matière de lutte contre le CO2. Et comme ceux-ci auraient la faiblesse de craindre les réactions de leurs électeurs, les mesures nécessaires – résumées dans la formule : « il faut changer radicalement notre mode de vie » – sont éternellement retardées…

La conclusion s’impose : la démocratie est devenue un obstacle à la survie de la planète. Certains l’affirment ouvertement. D’autres, qui ne peuvent être aussi brutaux, s’interrogent gravement. Car si notre survie collective est réellement menacée, la démocratie doit passer après. C’est imparable – et c’est surtout, miraculeusement, une aubaine pour les puissants du monde, qui font de moins en moins bon ménage avec la souveraineté populaire (la Commission Trilatérale avait déjà pointé les « problèmes » de la démocratie dès les années 1970 – l’époque du Club de Rome).

Dernier dossier : la remise en cause du progrès

Enfin, le cinquième enjeu est probablement le plus fondamental, et a trait au progrès. Il ne peut échapper à personne que l’« air du temps » est à la remise en cause fondamentale de ce dernier. Le progrès sous toutes ses dimensions – sociale (pouvoir d’achat, protection sociale, services publics…), économique (croissance), culturelle, scientifique, technologique… – serait, au choix, suspect, coupable, risqué, ou arrogant.

Ici et là, on s’interroge gravement : ne serait-on pas allé trop loin ? Le dogme dominant pourrait ainsi s’énoncer : « veuillez laisser la planète dans l’état où vous l’avez trouvée ». Et pour donner une dimension émotionnelle supplémentaire à l’affaire, on convoque « nos enfants », « nos petits enfants » auprès de qui nous portons une lourde responsabilité. Exactement le même argument que pour la dette…

La palette est vaste, des collapsologues prônant ouvertement le retour à la charrue (quand ce n’est pas le suicide préventif de l’humanité, seule méthode pour laisser survivre la planète) jusqu’aux plus prudents qui se contentent de mettre en cause chaque nouveau projet d’infrastructure (ferroviaire, routière, aéroportuaire, hydraulique – il y a toujours un castor de la pampa qu’il faut sauver). Avons-nous vraiment besoin de tout cela ? murmure-t-on de différents bords.

Certes, la querelle entre partisans d’une vision prométhéenne de l’humanité et les tenants d’un antique âge d’or (qui n’a jamais existé) n’est pas nouvelle. Mais l’incapacité progressive du système actuel dominant à créer de la richesse (autre que pour les seuls actionnaires) a pour conséquence que ce système secrète des idéologies régressives, telle la décroissance, qui n’est que l’habillage bio de la récession.

La conception du rapport entre l’homme et la nature est le terrain privilégié de cette évolution littéralement réactionnaire. Il faudrait « préserver », « défendre », « respecter » la nature. Pire : l’idéologie dominante a désormais mis une équivalence entre « naturel » et « bon » (l’abondance nauséeuse de la publicité en ce sens l’illustre). Faut-il rappeler que ce culte du « naturel » n’a pas toujours été célébré ?

Mesure-t-on l’absurdité d’une telle injonction ? La nature regorge de produits toxiques, alors que les produits les plus artificiels (médicaments, chimie) représentent un atout irremplaçable pour le bien-être collectif et individuel. Même si, évidemment, on doit s’opposer aux pollutions issues de la recherche effrénée de profit – et non du progrès en tant que tel.

Ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ?

Plus généralement, ne peut-on concevoir l’épopée humaine comme une suite de combats pour découvrir et inventer, pour s’émanciper des « contraintes de la nature » ? Des premiers humains qui construisent un toit protecteur pour se mettre à l’abri des caprices de la nature, à l’époque actuelle où l’on envoie une sonde tutoyer le soleil, l’Homme a toujours cherché à se libérer des contraintes pour rendre possible ce qui était impossible.

L’humanité n’a-t-elle pas précisément pour caractéristique d’agir contre-nature ?

N’est-ce pas du reste ce qui pourrait définir l’humanité ? Cette dernière n’a-t-elle pas pour caractéristique d’agir contre-nature ? A commencer par cette lutte millénaire pour remettre en cause une des principales caractéristiques de la nature : la loi de la jungle.

Il y a donc d’un côté ceux qui respectent la nature, en particulier l’une de ses constantes (même si pas exclusive) : les plus forts dominent les plus faibles, les prédateurs se nourrissent des proies. Et de l’autre ceux qui ont à cœur le combat pour l’égalité – combat qui court, si l’on ose ce raccourci, du soulèvement des esclaves avec Spartacus aux salariés actuels en lutte pour les retraites.

En prétendant « sauver la planète » des menaces que l’activité humaine, sous forme de CO2, ferait planer sur elle, les institutions européennes ont choisi leur camp. On est en droit de choisir celui d’en face, qui se propose de ne pas limiter le champ des possibles à l’existant. Ou, à tout le moins, d’accepter le débat sans invective et sans délire apocalyptique.

 

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L’écologisme, un futur passéiste ?

Par : Grégoire

Nous avons sollicité nos contributeurs extérieurs pour imaginer de quoi l’année 2020 pourrait être faite. Certains ont adopté une approche géopolitique (Michel Raimbaud), économique (Jean-Michel Quatrepoint), ou politique (Marie-Françoise Bechtel).

Deux d’entre eux ont choisi de traiter d’écologie. Le texte de Pierre Vermeren évoque les prochaines élections municipales, et estime qu’une politique favorable à l’environnement, qu’il juge nécessaire, n’est pas sincèrement intégrée aux différents programmes proposés. Celui de Robert Charvin (ci-dessous) juge, de son côté, qu’écologie et capitalisme sont incompatibles.

Le point de vue du journal, sous la plume de Pierre Lévy, s’inscrit en revanche dans une tout autre approche : il analyse l’idéologie environnementaliste, liée dès le départ aux élites européistes et mondialisées, comme une tentative totalitaire, anti-progrès et régressive secrétée par un système en bout de course.

Le débat n’est pas clos…

 

Par Robert Charvin, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur émérite à l’Université de Nice – Sophia – Antipolis.

Régis Debray vient de signer un pamphlet stimulant Le Siècle Vert (Gallimard). Il applaudit le sursaut qui met en cause « l’imbécillité du tout économique, l’adoration nihiliste de l’argent et l’affairisme cynique des dernières décennies » qui détruisent tout, l’homme et la nature. Mais il met aussi en garde. Il alerte sur le danger que la bataille pour la justice sociale, pour une société sans classe soit écartée au profit d’une société sans carbone ni déchets à la dérive : « L’ennemi principal ne serait plus le patron mais la fumée d’usine » !

Une nouvelle manœuvre de diversion

La lucidité sur la destruction du « milieu » (et non de « l’environnement » qui nous classerait « à l’extérieur » de la nature) dont l’homme fait partie ne risque-t-elle pas en contrepartie de faire oublier la capacité du capitalisme à inventer sans cesse des diversions l’aidant à se pérenniser sans trop de dommages pour les privilégiés ?

Le capitalisme financier, hyper-concentré, de nature spéculative, de plus en plus éloigné de l’économie réelle productive et des exigences sociales est devenu une monstruosité planétaire. Fétichistes du capital, déstructurés, transnationalisés dans le cadre de leur seule vraie « patrie » (que sont devenues leurs firmes dévastatrices), propriétaires du travail des hommes, ses partisans balayent tous les obstacles.

Les besoins basiques des Hommes, l’air, l’eau, la terre sont privatisés au nom de leur profit – ces profits qu’ils osent prétendre redistribuer au bénéfice de tous par un « ruissellement » dont on ne trouve plus de trace depuis des décennies. Ils rejettent le droit (notamment dans les relations internationales) qu’ils ont pourtant, pour l’essentiel, fabriqué ; ils écrasent les peuples « inutiles » ou « dangereux » au nom du tout sécuritaire ; ils cultivent le mensonge médiatisé à haute dose par le relais de leurs politiciens pour faire croire que leur religion est la démocratie. Une démocratie qu’ils ignorent pourtant ouvertement dans leur sacro-sainte Entreprise.

L’argent, roi et dieu unique

Ces tricheurs de haute volée ont les moyens de faire de l’écologie et autre « bios » une arme pour fabriquer du consensus, de même qu’ils ont usé jusqu’à la corde la social-démocratie pour dissimuler leurs méfaits en qualifiant de vertu l’esprit de compromission (ils s’en servent encore dans les institutions de l’Union Européenne !). L’Eglise n’est plus là pour diaboliser les hérétiques, célébrer les vertus du Prince et consoler les pauvres « méritants ». L’incroyance est devenue la règle en Occident : en réalité, plus personne ne croit à rien, si ce n’est à l’argent, seule source de toutes les jouissances – ce qui est maigre.

Pour les capitalistes, l’environnement peut attendre, pas les coffres-forts.

L’écologie peut donc être un thème rassembleur alors que le social (les inégalités ne cessent de se creuser et la précarité de se généraliser) rallume la lutte des classes. Elle est une idéologie « digne », fondée scientifiquement. Les dominants n’ont qu’un seul reproche à lui faire : elle peut coûter cher, même si elle peut permettre aussi dans certains secteurs de faire de bonnes affaires. Pour le capitalisme, il s’agit donc de lui rendre hommage et de renvoyer à plus tard toute réalisation opératoire. Selon eux, l’environnement peut attendre, pas les coffres-forts.

Droit-de-l’hommisme et sécuritarisme

L’imaginaire capitaliste réussit en général fort bien dans sa fonction anesthésiante : avec les « droits de l’homme » instrumentalisés tous azimuts, il a fait oublier les massacres et les tortures subies par les peuples colonisés ; grâce au « sécuritarisme », il justifie l’autoritarisme et la répression en développant au nom de l’antiterrorisme une xénophobie bienvenue. On jette dans la Loire quelques jeunes profitant de la Fête de la Musique, on matraque des militants syndicaux et des Gilets Jaunes, comme on le faisait déjà en 1961 en tuant et jetant dans la Seine des Algériens manifestant contre un couvre-feu discriminatoire, sous l’autorité du vichyste antisémite Papon qui ne fait pas l’honneur de la Préfectorale ; et comme on a tué des communistes à Charonne quelques mois plus tard.

Mais le sécuritarisme a pour défaut de faire réagir l’opinion publique et il ne peut y avoir un attentat islamiste tous les mois pour le légitimer malgré les efforts persévérants des « grands » médias. Ce thème, comme les précédents, s’usant très vite, il convient d’en développer un autre plus séduisant, plus durable et qui fasse l’unanimité.

Il y a incompatibilité entre la logique capitaliste et l’écologie.

Voilà des décennies que les Nations Unies, les milieux scientifiques, des personnalités comme René Dumont, victime en son temps de toutes les ironies, et des militants de divers partis de gauche, alertent les gouvernants et l’opinion sur la destruction de la vie, de la nature et les perturbations du climat, sans rencontrer beaucoup d’intérêt. Mais voici que l’heure de l’écologie est arrivée enfin. Si le développement est loin d’être « durable », la manipulation et son instrumentalisation risquent d’être longues. Le grand patronat a pour seule devise : « après nous le Déluge ! ». Il sait qu’il pourrit la planète et la vie des hommes, comme ses lobbies qui achètent les complaisances de  divers élus. Il y a en effet incompatibilité entre la logique capitaliste et l’écologie. Après avoir réussi pendant des années à folkloriser les « écolos », à faire taire les scientifiques, les affairistes sont passés à une nouvelle étape : la récupération.

« Tout le monde devient écologiste ! Tout le monde est pour le bio ! Tout le monde est vert ! ». Certaines entreprises (qui ont intérêt à le faire) vont « verdir » leur production et faire paravent utile pour les autres. « On va tout changer », chantent en chœur le patronat et leurs commis politiques. Mais en prenant le temps pour éviter de mettre à mal leurs intérêts, pour que rien ne change vraiment, alors qu’il y a urgence ! Le social lui-même va paradoxalement servir de bouclier : pour justifier la lenteur de la mise en œuvre des bouleversements qui s’imposent afin de faire face aux effets des pesticides, du pétrole, du charbon, de l’automobile, etc., les milieux d’affaires invoquent les risques de chômage accru, par exemple. Une fois de plus, les plus pauvres sont utilisés pour servir les actionnaires, alors qu’ils sont « oubliés » « lorsque tout va bien ».

Culpabilisation généralisée

Les dominants culpabilisent les simples citoyens : « l’écologie est l’affaire de tous, disent-ils. Fermez le robinet en vous lavant les dents ! » ; la fermeture des puits de pétrole, des mines de charbon, l’arrêt du diesel, on verra plus tard. Dissoudre les responsabilités, les situer à égalité entre les grandes firmes polluantes et les simples citoyens, tel est l’objectif.

Une véritable solution doit être électorale : les Verts, associés aux Gauches radicales sont potentiellement en mesure de combattre avec succès les forces affairistes réunissant tous les tricheurs politiques.

Les Verts « modérés » pourraient faire l’affaire si l’union droite – extrême droite ne se réalise pas ! 

Il faut donc pour le pouvoir traiter avec prudence ces Verts et leurs électeurs, pour les orienter à droite ou les diviser. La situation autrichienne est parfaite : le gouvernement de Vienne associe les ultraconservateurs et les Verts ! Voilà le modèle à suivre. A défaut des alliances avec une Sociale Démocratie « fatiguée » et affaiblie (comme on le voit en Allemagne et en France), les Verts « modérés » et « responsables » pourraient faire l’affaire si l’union droite – extrême droite ne se réalise pas. Tout va être entrepris pour que les Verts deviennent une nouvelle fausse « gauche », au niveau européen et dans chaque Etat-membre.

Une position de type macronien « ni gauche, ni droite » conviendrait : les affairistes ont des postes à offrir, de l’argent à distribuer, des succès électoraux à favoriser. Pourquoi les Verts seraient-ils plus résistants à la séduction et aux compromissions que les socio-démocrates et les syndicalistes « réformistes » que l’on appelait autrefois les Jaunes !

Les ruptures nécessaires

La masse des citoyens, sincères et novices vis-à-vis de l’écologie, est-elle capable d’imposer aux dirigeants des partis verts et aux professionnels de la politique la ligne de combat anticapitaliste indispensable à la mise en œuvre des transformations écologiques qui s’imposent ? Dans la confusion idéologique d’aujourd’hui, les risques sont grands et Régis Debray a raison de s’inquiéter d’un « biologisme confusionniste » négligeant la maltraitance des hommes en privilégiant exclusivement la nature et les animaux.

L’urgence est une rupture globale avec le désordre établi, dévastateur au-delà de la grogne généralisée. Le Social, l’Ecologie et le Politique sont indissociables pour une authentique transformation de la société et du quotidien : que l’Homme prenne le contrôle de son travail, que le peuple devienne souverain, que la coopération internationale l’emporte sur la domination impériale. Le chemin est long et difficile, mais l’Histoire continue.

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De la Chine à la Syrie : les premières nouvelles géopolitiques de demain

Par : Grégoire

De quoi 2020 sera-t-il fait en géopolitique ? Confirmation de la résurrection russe, montée en puissance chinoise et effacement américain pourraient dessiner la politique internationale.

Par Michel Raimbaud, ancien ambassadeur, auteur de Tempête sur le Grand Moyen-Orient (ed. Ellipses, 2017) et  Les guerres de Syrie (ed. Glyphe, 2019)

L’exercice de prospective politique est devenu l’un des rites de l’an neuf. S’il promet plus de tempêtes que d’embellies, c’est que la vie commune de milliards d’êtres humains encadrée par deux centaines d’Etats n’est pas un fleuve tranquille. L’avenir n’est pas une science exacte.

Depuis la fin d’un XXème siècle ponctué par des épisodes « messianistes » de courte durée bien qu’ils aient eu l’éternité pour horizon (colonisation, épidémie des reichs, guerre froide, puis moment unipolaire américain), il est légitime de ne plus croire que l’histoire aurait un « sens », comme le professait le marxisme, ou une « fin », comme le fanfaronnait en 1992 Francis Fukuyama, chantre du libéralisme.

S’il n’y a en elle ni fatalité ni éternité, ce qu’elle a d’erratique est polarisé par des constantes naturelles : c’est ce que nous rappelle la géopolitique, politique de la géographie. Née avant 1900 en de brumeux pays avides d’espace vital, reprise par les « empires de la Mer » au temps du colonialisme et des expansionnismes, cette discipline permet de comprendre pourquoi, au-delà des avatars et séismes, l’Histoire continue, en quête de repères et d’équilibre.

En un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, les devins avides de « prédictions » faisaient de la géopolitique sans le savoir. Mais l’époque où Geneviève Tabouis présentait les dernières nouvelles de demain sur Radio Luxembourg étant révolue, qui oserait dire aujourd’hui de quoi sera fait 2020 ? Mieux vaudra donc ne pas voir des oracles dans ces premières nouvelles de demain. L’exercice – au vu du bilan 2019, entrevoir les évolutions pour 2020 – rappellera le pensum imposé jadis aux bizuts entrant en faculté : «  Etant donné le clair de lune, tirer le clair de l’autre »…

Le droit international en ruine

Il est presque minuit, Docteur Folamour. Début février, l’aiguille de l’« Horloge de l’Apocalypse » se trouverait, d’après le Bulletin des Scientifiques Nucléaires américains (qui ne sont pas astrologues), à 100 secondes du minuit de la guerre nucléaire, record d’imminence depuis la création de ce joujou en 1947. La situation ne semble pas inquiéter nos sorciers qui pérorent dans les hautes sphères.

Pas besoin d’être expert pour constater la ruine du droit international. Et après examen des tenants et aboutissants, on y verra un travail de sape programmé, inspiré par le « chaos créateur » de Leo Strauss, recette permettant à l’Empire de neutraliser à moindre coût les obstacles à son hégémonie.

Fustiger l’OTAN « en état de mort cérébrale », comme le fait le porte-voix élyséen de l’école complexiste, est d’un bel effet, mais escamote les responsabilités du « monde civilisé » dans l’effondrement de la vie internationale. Ce qu’il faut bien appeler un naufrage intellectuel et moral se décline de façon multiforme : échec et faillite de l’ONU et de sa charte, fin de la légalité et loi de la jungle, falsification des mots et détournement des concepts, abandon des us et coutumes de la diplomatie, de la courtoisie et du protocole… Autant de marches vers les enfers, là où s’abîme l’Occident, aveuglé par une imposture qui a viré au gangstérisme.

Pourtant, la nature ayant horreur du vide, un nouvel ordre est en gestation. Le bloc eurasien en pleine ascension le veut multipolaire, tandis que l’Empire Atlantique freine des quatre fers.

La géopolitique considère que le monde est structuré en trois « zones », (1) le Heartland russo-sibérien qui constitue le Pivot du monde habité, (2) le Rimland qui tel un glacis ceinture ce « Pivot » de l’Atlantique au Pacifique, (3) la zone des Territoires et Iles Périphériques ou offshore, qui génère des « Empires de la Mer », où le choix du grand large va de soi. C’est le messianisme de ces « peuples élus » qui leur fait voir le « Pivot » comme une terre promise, objet de leurs convoitises. Dans ce schéma, le Rimland (Europe Occidentale, Chine, le monde arabo-musulman) constitue tantôt un glacis, tantôt une proie. La théorie permet de saisir les ressorts des expansionnismes et d’éclairer les conflits.

Le déclin des Etats-Unis

Empire de la Mer malgré leur masse continentale, les Etats-Unis ont un avantage fondamental : loin du cœur du monde (Heartland), ils ne connaissent pas les affres de la guerre. Ils contrôlent les mers, l’espace et le cyberespace, le système financier mondial via le dollar. Ils peuvent envahir sans risquer de l’être. Depuis 1945, une langue invasive aidant, ils ont acquis la mainmise de l’espace médiatique et investissent le domaine « chrétien » par le biais des évangéliques, baptistes et autres chrétiens sionistes.

Toutefois cette puissance est en déclin, ce qui apparaît dans les chiffres, mais aussi dans le recours grandissant à la menace, aux sanctions, aux actions clandestines. S’y ajoutent le statut menacé du dollar, l’érosion de la crédibilité et la perte du magistère moral…. Au sein de l’Etat profond, on est tétanisé.

La Russie a vécu avec Poutine une vraie résurrection.

Depuis vingt ans, la Russie a vécu avec Poutine une vraie résurrection, effaçant l’humiliation subie à la chute de l’URSS et la décennie Eltsine. Elle doit ce retour au dossier qui lui a permis de s’imposer. Par son soutien à la Syrie, elle a contribué à stopper le rouleau compresseur des « révolutions arabes » pilotées par l’Occident et l’islamisme extrémiste. Même si les Occidentaux répugnent à l’admettre, Moscou est le pôle de référence.

La nouvelle puissance chinoise

La Chine est déjà numéro un de l’économie mondiale, devançant les Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat. Elle est en tête pour son palmarès commercial et industriel : après avoir été l’atelier du monde, elle en est devenue « l’usine », en attendant d’en être le banquier. Sa puissance militaire s’accroît rapidement, son budget de défense étant au deuxième rang derrière les Etats-Unis. L’essor de la marine est spectaculaire, visant à sécuriser son environnement (Mer de Chine) et asseoir sa capacité de projection (Méditerranée, voire Arctique).

S’y ajoute le défi sans précédent lancé à l’arrogante Amérique par un Iran sous sanctions, troisième pôle de cette Eurasie qui s’affirme militairement. En témoignent les premières manœuvres maritimes communes organisées en janvier 2020 entre les trois « menaces ». 

Le retour aux vieilles méthodes (coups d’Etat, ingérences, pressions, sanctions, menaces) témoigne de la colère de Washington. 

Les Arabo-musulmans ne sont pas seuls à chercher à Moscou et Pékin des contrepoids. Par le biais des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), l’Eurasie étend sa zone d’influence. Si l’Afrique du Sud est restée « un cas » sur le continent noir, l’Amérique Latine secoue le joug : le Brésil de Lula et Dilma Roussef avait entraîné dans son sillage le Venezuela chaviste, la Bolivie de Morales, l’Argentine de Mme Kirschner, rompant la singularité de Cuba. Le retour aux vieilles méthodes (coups d’Etat, ingérences, pressions, sanctions, menaces) témoigne de la colère de Washington face aux intrusions de Moscou.

Un « Amerixit » au sein du camp Atlantique ?

En Asie, on est sensible aux sirènes russes ou aux effluves des Routes de la Soie. L’Inde, membre des BRICS et de l’Organisation de Coopération de Shanghai, montre la voie : l’Indonésie, les deux Corées (la bonne qui aime l’Amérique et la méchante qui brave Trump, et dont Pékin est le protecteur), et d’autres, y compris la Thaïlande et ses voisins indochinois, sont alléchés. Le Japon lui-même desserrerait bien l’étreinte de son ex-vainqueur.

Sur le vieux continent, les « occidentalistes » font la loi. Ils se disent effarouchés par l’arrivée du soudard, mais ils ne s’indignent pas de ses turpitudes, lui reprochant son langage : ne réclame-t-il pas grossièrement le paiement de l’effort de défense. La dégradation est tangible. L’imputer à Trump ? Sa politique est au final celle de ses prédécesseurs.

Devenu réalité au 31 janvier 2020, le Brexit a traumatisé les chefs de l’UE, mais « l’évènement européen sans doute le plus important depuis la chute du Mur de Berlin » ne bouleversera pas l’équilibre. Voilà un grand Ex qui s’alignera encore davantage sur Washington, mais ni plus ni moins que ses anciens partenaires. Aucun n’est prêt à se démarquer d’un mauvais suzerain sur les dossiers qui fâchent, la Syrie, le bras de fer avec l’Iran (traité nucléaire, Soleimani), la « transaction du siècle », Erdogan, le terrorisme. La France encore moins que ses rivaux allemands, de plus en plus dominateurs.

Un Amerixit serait-il impensable au sein du camp atlantique?

Le Grand Moyen-Orient piégé 

Théorisé par les neocons israélo-étatsuniens, le Grand Moyen-Orient est au départ un ensemble d’Etats musulmans entre Levant et Asie Centrale, à amadouer ou à détruire. George W. Bush et ses acolytes avaient décrété qu’il fallait les « démocratiser », c’est-à-dire les rendre israélo-compatibles en les bombardant. La technique : exciter les oppositions contre les « régimes » en soutenant discrètement les islamistes, fussent-ils terroristes. On ne rappellera pas ici le bilan des « printemps arabes ».

Le clan des heureux élus s’est avéré extensible au gré des lubies et des lobbies : la frontière génétique imaginée par le colonisateur entre monde arabe et Afrique « noire » a été oubliée, le terrorisme et « l’Etat islamique » envahissant le Sahel (à partir de la Libye ou de zones sanctuarisées), avant de rayonner en direction du Sud. L’Amérique s’y implante à la place de la France. La Russie y fait des incursions (Mali, RCA), investissant par ailleurs les positions moyen-orientales de l’Empire (Arabie, Emirats Arabes Unis, Irak, Egypte…) et les appendices que sont la Turquie et Israël.

Nouvelles routes de la soie, voies nouvelles de puissance

Le « pivotement » de l’Amérique vers l’Asie ne signifie pas qu’elle se désintéresse du Moyen-Orient : dans sa translation, c’est la « ceinture verte musulmane » qu’elle côtoiera sur toute son extension.

Pour le Céleste Empire, pays d’adoption des Ouigours parfois irrédentistes et/ou djihadistes, les Routes de la Soie constituent une riposte au « projet » de Bush. A l’horizon 2049, centenaire de la Chine Populaire, Pékin aura tissé son paradigme multipolaire de nations souveraines/partenaires, reliées par un labyrinthe de ceintures et de routes interconnectées. La vision de Xi Jinping repose sur une étroite coordination entre Moscou et Pékin et implique une planification stratégique à long terme, Poutine dit « communication ». N’en déplaise aux occidentalistes, la « nouvelle ère », fondée sur un partage des rôles, n’est pas une chimère. Les investissements prévus sont gigantesques, par centaines de milliards.

Aux BRICS la tâche de réorganiser le monde.

Le projet russe de Grande Eurasie (Union économique eurasienne, Organisation de Coopération de Shanghai, Banque asiatique d’investissement) est comme un miroir des nouvelles Routes de la Soie. De l’Iran à la frontière mongole, le Grand Moyen-Orient vu de Moscou est une partie de « l’étranger proche » et pour la Russie, avec ses 20 millions de musulmans, il est urgent de recomposer l’Asie Centrale. Aux BRICS la tâche de réorganiser le monde.

Le « cœur » de l’Axe de la Résistance (Iran – Irak – Syrie – Liban) est stratégique. La simple idée d’un corridor offrant à la République Islamique un débouché sur la Méditerranée donne des sueurs froides à Israël et à l’Amérique. Intégré aux Routes de la Soie et à la grande Eurasie, il sera intouchable. Si la question des pipelines est centrale dans cette région flottant sur une nappe de gaz, la libre circulation des personnes et des marchandises ne l’est pas moins.

Guerres économiques invisibles

Comme le Venezuela où, selon le journaliste Jeffrey Sachs, «  au nom de la pression maximale, les sanctions américaines sont délibérément conçues pour détruire l’économie », l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban sont des cibles par excellence des guerres économiques invisibles. Celles-ci, enclenchées à la chaîne par les Etats-Unis, ont un effet terrifiant. Prenant la forme de sanctions, d’embargos, cachées par l’omerta, sans coup de feu, elles coûtent moins cher que des interventions militaires directes et permettent de contourner les vétos russo-chinois. Elles empêchent surtout toute vie normale.

Dans l’inventaire des dégâts, on notera la chute brutale de la croissance et la « contraction » des économies visées (de 14% en deux ans pour l’Iran), suite aux difficultés d’accès aux produits de base et matières premières. Autres conséquences : l’effondrement du niveau de vie et la glissade vers la grande pauvreté, la flambée des prix. Partout, les désastres socio-économiques (famine, malnutrition, surmortalité, misère) aggravent les crises sanitaires (ruptures concernant les médicaments et le matériel médical, infrastructures détruites).

Les sanctions financières affectent les banques, mais aussi la vie quotidienne. Dès 2011, les Etats-Unis et l’Europe ont mis en place un régime de sanctions particulièrement sévères contre le peuple syrien, « bloquant l’accès à de nombreuses ressources vitales »…« l’un des régimes de sanctions les plus vastes et compliqués jamais imposés ». La loi César « sur la protection des civils syriens » (sic) inscrite au budget 2020 impose, au nom des Droits de l’Homme, « des sanctions contre les secteurs liés à l’Etat et contre les gouvernements qui soutiennent la reconstruction et l’armée syrienne ». Le prétexte ? « Ouvrir un nouveau front contre l’influence de l’Iran en Syrie ».

La leçon de l’Irak ?

Thomas Nagy, de l’Université George Washington, citant la Defense Intelligence Agency (DIA),  évoque « un plan de génocide commis contre les Irakiens (…) permettant de liquider une part importante de la population irakienne ». Dennis Halliday, coordinateur démissionnaire de l’ONU, accuse en septembre 1998 « le système onusien aux ordres de Washington et de l’Occident depuis la chute de l’URSS, qui a « imposé des sanctions génocidaires contre les innocents ». C’est le prix à payer pour la « démocratisation », dira la sublime Albright….

Gavé par neuf années de « printemps », le monde arabe est en piètre condition : la plupart des Etats sont brisés, livrés au chaos et à la sédition. Certains comme la Libye, le Yémen, l’Irak, l’Afghanistan risquent de rester un moment sous le feu des bombardements, des destructions, au gré des ingérences, des terroristes, des luttes inextricables. Le « monde civilisé » regarde avec commisération ce spectacle qu’il a mis en scène.

D’autres Etats, passés entre les balles, se retrouvent sous le feu des forces « populaires » qui veulent « la chute du régime », « le retrait des militaires », la dévolution immédiate du pouvoir, sans concessions et d’ailleurs sans programme. Derrière le tumulte, s’agitent à nouveau ONG, forces du changement, sociétés civiles, le tout saupoudré d’égéries et de diplomates occidentaux. On devine la main de l’étranger, comme en 2011. Et lorsqu’une issue se dégage, elle donne souvent sur la Maison-Blanche et sur Tel-Aviv, on allait dire sur Jérusalem. La recette est partout de normaliser avec Israël (le Soudan), condition sine qua non pour plaire aux régimes du Golfe qui regardent maintenant l’Etat hébreu avec les yeux de Jared Kuschner.

Syrie, cœur battant du monde arabe

La Syrie, cœur battant du monde arabe, a pu tenir neuf années face à l’alliance entre l’Empire israélo-atlantique et les forces du takfirisme et du terrorisme. Elle a fait barrage à la vague des « révolutions », le payant au prix fort. Appartenant au camp des résistants et dotée de puissants alliés, elle est potentiellement victorieuse, un renversement de situation étant improbable. Mais elle doit faire face aux manigances néo-ottomanes d’Erdogan et aux crimes de ses terroristes déguisés en enfants de choeur, supporter les caprices des Kurdes tout en encaissant les insultes et inepties de Le Drian.

Entre Erdogan, Netanyahou, Ben Salman et Trump, l’échiquier du Moyen Orient est bien loti en rois, en fous et en pions

Désarticulé, le monde arabe est prié d’applaudir à la « transaction du siècle » qui liquide la cause sacrée du peuple palestinien pour une poignée de milliards de dollars, à payer par les Arabes. Rares sont les protestataires : la Syrie, dont la Palestine est une terre perdue, l’Iran droit dans son soutien, le Hezbollah, et la Turquie qui s’érige en défenseur de l’Islam face à la Saoudie.

Le terrorisme est toujours vivant, AlQaida en Syrie, ici et là Da’esh made in USA, et les innombrables groupes qui sévissent au Proche-Orient, en Libye, au Sahel, sous l’égide des Wahhabites (Arabie, Emirats) et/ou des Frères Musulmans (Turquie, Qatar).

Entre Erdogan, Netanyahou, Ben Salman et Trump, en 2020, l’échiquier du Moyen Orient est bien loti en rois, en fous et en pions.

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« Pacte Vert » préparé par la Commission : 11 millions d’emplois industriels directs menacés

Par : pierre

Un haut dirigeant syndical européen, pourtant favorable à l’UE, estime que la stratégie climatique de Bruxelles pourrait « mettre le secteur industriel tout entier à genoux ».

L’entretien ne fera pas la Une des grands médias. Il n’est même pas sûr qu’il trouve beaucoup d’écho au sein des différentes centrales syndicales, en France pas plus qu’ailleurs.

Et pourtant, la personnalité interviewée – en l’occurrence par le site spécialisé et favorable à l’UE, Euractiv – n’a pas de minces responsabilités : Luc Triangle est le Secrétaire général d’IndustriAll, la structure qui regroupe les fédérations syndicales des industries des pays du Vieux continent. Pour la France, en sont par exemple membres la Fédération CGT de la Métallurgie, celle des Mines-énergie, celle des Industries chimiques, et cela vaut pour les autres centrales, ainsi que pour les autres pays. IndustiAll est membre de la Confédération européenne des syndicats (CES).

Luc Triangle n’est nullement « eurosceptique » ni « climato-sceptique » – sans quoi il n’occuperait pas une telle responsabilité. Et pourtant, quand il est interrogé sur le « Pacte vert » européen – le projet phare de la Commission européenne pour les cinq ans à venir, censé sauver la planète – les informations qu’il donne et les prévisions qu’il évoque font froid dans le dos.

A commencer par ce chiffre : 11 millions d’emplois seront affectés par la politique climatique projetée par Bruxelles. Encore s’agit-il là d’emplois directs, précise bien le syndicaliste. C’est donc plusieurs dizaines de millions d’emplois qui pourraient disparaître, notamment « dans les industries extractives » (mines), dans celles « à haute intensité énergétique » (typiquement : la sidérurgie), ainsi que « dans l’automobile ». La métallurgie en général, la chimie, l’industrie pétrolière et bien d’autres ne seront pas épargnées. Et ce, note-t-il, « sans l’assurance d’une perspective d’avenir pour les travailleurs des industries touchées ».

En cause : la chasse au CO2, et donc aux activités qui en produisent des quantités importantes. Mais pour la Commission européenne – et tous les idéologues nationaux qui l’inspirent – il convient de ne point s’affoler. D’abord parce qu’elle promet que des activités nouvelles viendront supplanter les cadavres du vieux monde, moyennant le refrain : la sidérurgie (par exemple) est morte (sous-entendu : en Europe, car on n’imagine pas un déclin mondial de celle-ci), vive les industries « faibles en carbone », vertes, digitales, connectées…

Euractiv cite ainsi une étude de la Commission selon laquelle le PIB de l’UE devrait augmenter de 2% d’ici 2050 dans le cadre de la neutralisation des émissions de CO2. Faut-il préciser que personne n’a jamais vu le détail du « calcul » prévisionnel ?

Quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue

Surtout, la Commission concède que certaines régions seront particulièrement affectées, et a déjà prévu 7,5 milliards au titre du « Fonds de transition juste ». Le vice-président de la Commission chargé du « Pacte Vert », le social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, s’est ainsi engagé à ne « délaisser personne ». Une précision angoissante : quand on en est à vous promettre des soins palliatifs, ça n’est pas un excellent signe sur l’issue.

Le dirigeant syndical interviewé pointe en outre le danger d’un fossé croissant entre l’est de l’UE, et les pays de l’ouest et du nord. Les premiers seront touchés de plein fouet, tant certaines de leurs régions dépendent d’une mono-industrie. C’est par exemple le cas de la Pologne, qui continue à produire l’essentiel de son électricité à partir du charbon. Et les mineurs forment encore l’épine dorsale économique et sociale des régions productrices, telle la Silésie.

Pourtant, si la déflagration risque d’y être particulièrement violente, il est peu probable que « la transition écologique sera plus facile dans les pays nordiques ou d’Europe de l’ouest » comme l’affirme le syndicaliste belge. Certes l’extraction charbonnière en France a déjà été éradiquée il y a quelques décennies (pour des raisons de rentabilité, le prétexte climatique n’était pas encore inventé), ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. Mais croit-on vraiment qu’on va reconvertir les travailleurs de l’automobile, de la sidérurgie (il en reste), de la chimie ou des raffineries en « web-designers » ? A moins qu’on ne les réinsère dans l’« aide à la personne » ? Dans l’animation des parcs d’attraction ?

Pire : le tsunami sur l’emploi à l’est « pourrait bien avoir un impact majeur sur la migration au sein de l’UE », note Luc Triangle qui rappelle que « près de 22 millions de personnes ont déjà quitté » les pays de l’est. Autrement dit, une nouvelle vague migratoire intra-européenne en direction de l’ouest déjà industriellement sinistré (cette fois hors Royaume-Uni, grâce au Brexit) est à prévoir.

Angoisses bruxelloises

Cité par Euractiv, le dirigeant syndical estime que « le Green Deal risque bel et bien de mettre le secteur industriel tout entier à genoux ». Rien de moins. Et cela pourrait, en conséquence, « décrédibiliser la politique climatique européenne aux yeux des citoyens ». Pour qui aurait un doute sur l’angoisse sous-jacente qui assaille les syndicalistes bruxellois, M. Triangle alerte : « les politiques climatiques ne fonctionnent que si elles peuvent être vendues au grand public ».

Selon l’ancien président roumain, de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement »

Et Euractiv opine, en rappelant les propos de l’ancien président roumain Traian Basescu. Celui-ci estimait récemment que de tels facteurs « pourraient pousser certains pays à envisager de quitter l’Union, purement et simplement ».

Si l’hystérie « pro-climat » avait pour conséquence d’accélérer le démembrement de l’UE amorcé par les Anglais, au moins aurait-elle servi à quelque chose – un peu à la manière de la taxe sur les carburants qui avait été l’étincelle du mouvement des Gilets jaunes.

En attendant, chacun peut prendre la mesure des conséquences de la « lutte anti-réchauffement », conséquences du reste volontiers admises par les militants les plus radicaux de cette cause, partisans de la « décroissance ».

Peut-être peut-on rappeler un exemple : le démantèlement qui avait touché une partie de l’industrie automobile d’Ile de France, dans le dernier quart du vingtième siècle, et les saignées massives dans l’emploi qui en furent issues avaient constitué un facteur déterminant de ce qu’il est convenu d’appeler, par euphémisme, l’actuelle « crise des banlieues ». On n’ose imaginer l’état de la société française si le séisme « vert » était mené à bien, moyennant la disparition de millions d’emplois manufacturiers sur le sol national.

Bienvenue, alors, dans la France des Misérables.

Lire à ce propos…

Derrière le « Pacte Vert » et l’idéologie verte : les pires projets des élites mondialisées

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Pierre Lévy invité ce mercredi soir à la Librairie Tropiques

Par : pierre

Ce mercredi 11 mars, à 19h30, retrouvez le rédacteur en chef de Ruptures à la Librairie Tropiques.

Pierre Lévy retracera l’histoire du Brexit, en rappellera les enjeux, et en analysera les perspectives actuelles

Librairie Tropiques – 56 et 63 Rue Raymond Losserand – 75014 Paris –
Métro Pernety – 01 43 22 75 95

 

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Les deux piliers de l’UE vacillent (éditorial paru dans l’édition du 31/03/20)

Par : pierre

Trop tard. Mi-mars, après moult atermoiements, la Commission européenne s’est résignée à invoquer la « clause dérogatoire générale », encore jamais utilisée, qui suspend officiellement l’austérité. Les Etats sont autorisés à dépenser sans compter. C’est la seule chose que Bruxelles pouvait faire de bien : ne plus surveiller, ne plus menacer, ne plus sanctionner – en un mot, la boucler.

Sauf que le mal est fait. Pendant ses vingt-trois ans d’existence, le pacte de stabilité a constitué une arme de destruction massive des dépenses publiques des Etats membres, avec les services publics en première ligne. D’où le désastre tragique en matière de santé publique. En France par exemple, le nombre de lits d’hospitalisation par habitant a été… divisé par deux en trois décennies. Ni le chaos, ni la panique, ni le confinement ne seraient survenus si le pays avait disposé des masques, des tests, des respirateurs, et des personnels nécessaires – bref, si le gouvernement, et tous ses prédécesseurs engagés dans la logique européenne, avaient pris en compte les revendications de l’hôpital public plutôt que de le laminer.

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’Italie est au cœur du cyclone. L’hebdomadaire allemand Freitag rappelait récemment comment l’UE avait exigé de Rome, en 2011, une diminution des capacités de soin de 15%, justement au moment où Bruxelles remplaçait Silvio Berlusconi, jugé trop mou, par l’ancien Commissaire européen Mario Monti.

Les Vingt-sept, paniqués par le double tsunami sanitaire et économique, ont donc « suspendu » l’austérité. Mais pour combien de temps ? Car sans le corset du pacte de stabilité, la monnaie unique ne peut tenir longtemps.

Avec l’euro, l’espace de libre circulation Schengen constitue le second pilier célébré par les Européistes. Déjà ébranlé lors de la crise des migrants, il vacille désormais sur ses bases. En l’espace de quelques jours, pas moins de quinze pays – dont l’Allemagne – ont repris le contrôle voire bouclé leurs frontières dites « intérieures », piétinant ainsi les règles les plus sacrées. Le président français fut l’un de ceux qui, jusqu’au 12 mars, affirmaient qu’il convenait de laisser celles-ci ouvertes. Avant, quelques jours plus tard, de décider avec ses pairs de fermer les frontières dites extérieures. Curieux virus, décidément, qui semble faire la différence entre pays membres du club européen et les autres.

Dans la débandade générale, on a vu Paris et Berlin décréter que les précieux masques de protection devraient être prioritairement consacrés à leurs services de soin nationaux – un réflexe logique, qui témoigne que la nation reste ancrée comme le cadre de protection par excellence, mais qui a mis Bruxelles en transes – tandis que Prague subtilisait les masques envoyés à l’Italie par la Chine. L’Italie, justement, qui s’est vu offrir des empathiques condoléances par l’UE ; et des matériels, des personnels soignants et des militaires logisticiens par Pékin, donc, mais aussi par la Russie et par Cuba… Sur les réseaux sociaux de la Péninsule tournent en boucle des millions de messages avec une seule idée : on s’en souviendra. Le ministre des Affaires étrangères, Luigi di Maio, n’a pas dit autre chose.

Jacques Delors confie que l’UE « court un danger mortel », tandis que le président français estime que la « survie du projet européen est en jeu »

Depuis quelques semaines, pour les partisans de l’intégration européenne qui commençaient à réaliser avec terreur que le Brexit pourrait bien être une réussite, il ne pouvait y avoir pire scénario. Le Monde concédait dans un éditorial (20/03/20) que « le chacun pour soi qui prévaut au sein de l’UE n’(a) rien qui puisse donner des regrets aux Britanniques » d’avoir quitté le bloc. Pour sa part, l’hôte de l’Elysée évoquait le 12 mars, pour l’après, une « réflexion sur un changement de modèle » où il conviendrait de « reprendre le contrôle ». Ironie de l’histoire : l’expression est la traduction mot pour mot du slogan central des Brexiters… Même si son appel à « construire une France, une Europe souveraine », contradictoire dans les termes (deux souverainetés concurrentes ne peuvent cohabiter), confirme son attachement au dogme.

Mais l’angoisse monte. Alors que le fameux couple franco-allemand a disparu des radars, le quotidien du soir alertait à nouveau le 28 mars : « l’UE joue sa survie ». Peu avant, Bruno Le Maire évoquait un test crucial pour l’UE. Deux jours plus tard, Jacques Delors confiait qu’elle « court un danger mortel ». Un effroi réitéré par le président français estimant que la « survie du projet européen est en jeu ».

Une épidémie peut en cacher une autre. Bien plus réjouissante.

 

Pierre Lévy – @LEVY_Ruptures

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L’UE « soutient » officiellement le plan américain visant à éliminer le président vénézuélien

Par : pierre

Washington a demandé a son poulain vénézuélien, Juan Guaido, de se retirer provisoirement, pour mieux écarter Nicolas Maduro – une stratégie sur laquelle Bruxelles vient de s’aligner

Les deux sont espagnols, les deux sont socialistes, les deux ont été ministre des Affaires étrangères de leur pays. Surtout, le premier fut Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère (1999-2009), responsabilité qu’occupe le second aujourd’hui.

Seule différence : Javier Solana fut également Secrétaire général de l’OTAN (1995-1999), alors que son successeur à Bruxelles, Josep Borrell, n’a pas eu cet honneur. Mais ses chances restent intactes, ne serait-ce qu’au regard de sa dernière prise de position, particulièrement appréciée à Washington.

A l’issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-sept du 3 avril (par vidéoconférence), M. Borrell a annoncé que l’Union européenne « soutient » le plan américain visant à faire partir le président du Venezuela, Nicolas Maduro. Celui-ci avait été réélu en mai 2018, au grand dam de l’opposition inspirée par Washington.

En janvier 2019, Juan Guaido, un homme issu de cette dernière, s’est auto-proclamé président du pays, aussitôt reconnu par la Maison-Blanche, par les chancelleries européennes, et par nombre des diplomaties sud-américaines.

Les dirigeants US – au premier rang desquels John Bolton, exfiltré des couloirs du pouvoir entre temps – escomptaient que le peuple et l’armée vénézuéliens acclameraient le jeune prétendant. Le scénario ne s’est pas déroulé selon les plans prévus. La seule chose qui a fonctionné, c’est un étranglement supplémentaire de l’économie du pays par les sanctions américaines.

Il y a quelques jours encore, le ministre américain de la Justice – les guillemets devraient être de rigueur – a lancé un « avis de recherche » dans la plus pure tradition du Far West, où la tête de Nicolas Maduro était mise à prix pour quiconque faciliterait son « arrestation », en fait son élimination, au moins politique.

Qu’un tel contrat mafieux, au vu et au su du monde entier, ait pu être lancé sans provoquer, en France par exemple, de réactions estomaquées et indignées montre à quel point le confinement de l’information qui sévit aujourd’hui grâce au coronavirus fait des ravages.

Sauf que le shériff qui siège à Washington a dû s’y faire : le président vénézuélien résiste, et la majorité du peuple n’est pas disposée à accepter les oukases des Yankees.

l’UE applaudit des deux mains ce plan qui vise ouvertement à un changement de régime piloté de l’extérieur

La diplomatie – si l’on ose dire – américaine a donc dû opérer un changement de stratégie. Elle a prié Juan Guaido de ne plus se revendiquer, pour l’instant, comme président, ce que l’intéressé, ça tombe bien, a accepté illico. Evidemment, elle a demandé au président élu… de faire de même. Et ce pendant une « période de transition » au cours de laquelle le pouvoir serait confié à un « Conseil d’Etat ». En échange, Washington consentirait à lever ses sanctions – Madame est trop bonne.

C’est donc à ce plan, qui vise ouvertement à un changement de régime piloté de l’extérieur, que l’UE a applaudi des deux mains. Dès aujourd’hui, même, puisqu’elle « accueille positivement le cadre pour une transition démocratique au Venezuela proposé par les Etats-Unis », selon les termes de Josep Borrell. Et le communiqué rédigé dans le plus pur sabir euro-diplomatique poursuit : l’UE est prête à « contribuer, notamment à travers le Groupe de contact international, à un processus inclusif vers le rétablissement de la démocratie et l’Etat de droit, à travers une élection présidentielle libre et équitable ».

Pour sa part, Caracas a refusé une offre si généreuse, et appelé les Européens « au respect de la souveraineté du peuple vénézuélien », le tout sur la base des « principes de la Charte des Nations-Unies ».

Quelle arrogance !

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Les partisans de l’intégration européenne se lamentent des bisbilles entre Etats membres de l’UE

Par : pierre

Les conséquences économiques dramatiques de l’épidémie ont réactivé les antagonismes entre Etats membres. La fable officielle des « pays égoïstes » du Nord est désormais relayée par les eurodéputés « insoumis ».

La crise épidémique qui secoue l’Europe a provoqué un psychodrame collectif dont les dirigeants de l’UE ont le secret. Devant l’ampleur du séisme économique qui menace, la Commission a certes levé – provisoirement – certains de ses tabous les plus sacrés, en matière de contraintes budgétaires comme de règles de concurrence.

Mais une succession de réunions des chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, des ministres des finances, ainsi que de l’eurogroupe a déclenché le retour de polémiques déjà anciennes. Schématiquement, il y aurait d’un côté les pays les plus touchés par la pandémie, qui se trouvent être aussi ceux régulièrement accusés de ne pas savoir suffisamment « maîtriser » leurs finances publiques ; et de l’autre, les Etats qui restent attachés à des règles budgétaires rigoureuses, bien décidés à ne pas prendre le risque de s’endetter excessivement au profit des premiers.

La bataille s’est en particulier cristallisée autour de la possible émission de dette commune (et donc solidairement remboursable), ce que le chef du gouvernement italien a nommé les « coronabonds ». Rome est activement soutenue par Madrid et Paris. En face, le groupe des pays accusés de s’opposer à cette perspective est emmené par les Pays-Bas, et rassemble, avec des nuances diverses, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et (hors zone euro) la Suède. On notera au passage que la « générosité » européenne sur laquelle s’écharpent les Vingt-sept consiste à autoriser les pays les plus touchés à… emprunter (à taux favorable) sur les marchés.

La propagande macroniste n’hésite pas à dénoncer le club des « pingres » ou des « avares »

La propagande macroniste (notamment) n’hésite pas à nommer les seconds le club des « pingres » ou des « avares ». D’autant que ce sont les mêmes pays qui plaident depuis deux ans pour un budget communautaire pluri-annuel (2021-2027) le plus modeste possible.

Le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, a été, ces dernières semaines, en pointe dans la dénonciation de ces « égoïstes » qui fouleraient au pied les valeurs de l’UE et mettraient ainsi cette dernière en danger de mort (l’actuel locataire de Bercy n’en est pas à un retournement de veste près, lui qui se voulait jadis le plus déterminé pourfendeur de la dette publique…).

Il n’est pas interdit, sinon de s’étonner, du moins de s’affliger, de la position adoptée par les eurodéputés de la France insoumise. Dans un communiqué, ceux-ci se sont alignés mot pour mot sur le « narrative » – en bon français de communiquant, les « éléments de langage » – de la pensée dominante en la matière, celle-là même qui court de Paris à Bruxelles.

L’accord trouvé entre ministres des finances lors de la réunion du 10 avril est un compromis qui comporte à ce stade des concessions provisoires de part et d’autre, et pourrait donner lieu à un nouveau bras de fer lors du Conseil européen prévu le 23 avril (Ruptures consacrera un dossier sur les éléments factuels dans son édition de fin avril). Mais, plus qu’une appréciation sur le contenu de l’accord trouvé, ce sont les termes employés par les mélenchonistes de l’europarlement qui laissent pantois : il y est question d’un « triomphe pour le club des égoïstes, emmené par l’Allemagne et les Pays-Bas ». Certes, les eurodéputés étiquetés (par antiphrase) « gauche radicale » fustigent la « défaite politique pour la France qui s’était dit favorable à l’émission d’obligations communes », mais Paris est accusé d’avoir « capitulé ». Si les mots ont un sens, cela signifie que l’Elysée et Bercy menaient une juste bagarre, à laquelle ils sont seulement accusés d’avoir finalement renoncé…

Comme si les relations entre Etats devaient relever de (bons) sentiments – là où il ne peut s’agir que d’intérêts, de confrontation ou de coopération

Surtout, l’emploi du mot « égoïste », tout droit copié/collé de la doxa de Bercy, doit retenir l’attention. Comme si les relations entre Etats devaient relever de (bons) sentiments – là où en réalité il ne peut s’agir que d’intérêts, de confrontation ou de coopération.

Chaque pays connaît une réalité différente, pas seulement sur le plan sanitaire, mais aussi économique, social, démographique, culturel. Or c’est précisément dans ce cadre qu’agit l’intégration européenne : son principe est de vouloir aligner artificiellement ces situations.

Un des mécanismes les plus pervers de cette intégration est connu dans le jargon bruxellois sous le nom de « pression des pairs ». Pour prendre l’exemple du premier ministre libéral néerlandais, décrit à Paris comme le chef des « sans-cœur », Mark Rutte est d’un côté tenu par ses engagements pris devant son Parlement national, engagements qui, en l’espèce, reflètent l’état d’esprit d’un peuple devenu de plus en plus rétif à l’Union européenne – celui-là même qui refusa le projet de traité constitutionnel en 2005 quelques jours après les Français, et avec un pourcentage encore supérieur.

Qu’est-ce qui doit prévaloir : la souveraineté de son peuple ou « l’intérêt supérieur européen » ?

De l’autre, le chef du gouvernement batave se voit soumis aux sollicitations insistantes de nombre de ses collègues (même l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s’y est mis), sur le thème : « Mark, tu ne peux pas bloquer et mettre ainsi en danger la belle solidarité européenne » (une « solidarité européenne » qui s’est traduite, trois décennies durant, par des coupes de plus en plus drastiques dans les services publics, notamment de santé). De fait, La Haye a, pour l’heure, fait une forte concession en acceptant le recours au mécanisme européen de stabilité comme le souhaitait Paris.

Le point ici n’est pas de juger la politique de M. Rutte, mais de savoir ce qui doit prévaloir : la souveraineté de son peuple, ou « l’intérêt supérieur européen ». Pour les europhiles, la réponse va de soi. Elle est désormais adoptée – au moins dans la bulle strasbourgeoise, particulièrement propice à la transmission du virus européiste – par les Insoumis. Qui n’ont jamais aussi mal porté leur nom.

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La bombe de Karlsruhe

Par : pierre

L’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle allemande a déclenché de violentes réactions des dirigeants européens, qui dénoncent les « risques » : affaiblissement de l’indépendance de la BCE, négation de la prééminence de la CJUE, et fragilisation de l’euro.

« Une bombe à retardement sous les fondements de l’euro », « un ultimatum adressé à l’Europe », « un défi aux institutions de l’UE », « une déclaration de guerre à la Cour de justice de l’UE »… Il n’aura fallu que quelques jours pour prendre la mesure des réactions indignées ou angoissées des dirigeants européens après l’arrêt que le Tribunal constitutionnel allemand a rendu le 5 mai. Les juges de Karlsruhe ont sévèrement mis en cause le plan de stimulus monétaire décidé par la Banque centrale européenne (BCE) en 2015.

(…)

C’est la Commission européenne, sonnée, qui a réagi le plus violemment. Le 10 mai, sa présidente, l’Allemande Ursula Von der Leyen, mettait en avant « trois principes de base : la politique monétaire de l’Union est une compétence exclusive ; le droit européen prévaut sur le droit national ; et les jugements rendus par la Cour de justice européenne sont contraignants pour les cours de justice nationales ».

Mieux : Bruxelles envisage même « de possibles prochaines étapes, qui pourraient inclure l’option d’une procédure d’infraction ». Berlin est donc susceptible d’être sanctionné parce que le Tribunal constitutionnel a rappelé la Loi fondamentale allemande.

Lire l’analyse complète du contenu, des enjeux et des conséquences dans l’édition de mai de Ruptures.

Il n’est pas trop tôt pour s’abonner

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Pierre Lévy, sur Punch : « l’UE n’est pas réformable »

Par : pierre

Récemment interviewé par la nouvelle chaîne Punch, le rédacteur en chef du mensuel Ruptures évoque l’impopularité croissante de l’Union européenne, et développe quelques sujets clé : Brexit, immigration, « Pacte Vert », euro, et plan d’ « urgence » autour duquel s’écharpent présentement les Vingt-sept.

Un entretien à ne pas manquer :

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« Vague verte » aux municipales : un mythe pas innocent

Par : pierre

Le mythe de la « vague verte » qui aurait déferlé au second tour prépare le terrain aux suppressions d’emplois et à l’austérité salariale renforcée, en harmonie avec le « Pacte Vert » de la Commission européenne.

Près de deux semaines après le second tour des élections municipales, la poussière est un peu retombée : on peut donc s’interroger sereinement sur la réalité de ladite « vague verte ».

Que les écologistes répandent cette légende avec enthousiasme, c’est de bonne guerre (encore que ces derniers devraient être prudents : une vague est par nature un mouvement ascendant qui ne manque jamais de retomber peu après). Mais qu’une armée d’analystes, d’experts et de commentateurs répète et alimente ce qui relève manifestement du mythe, voilà qui n’est sans doute pas innocent. Après tout, un mythe est un récit imaginaire dont la construction et la pérennité influencent ensuite la réalité.

C’est le second scrutin à propos duquel on vante de toute part la « poussée écologiste » : ce fut déjà le cas lors des élections européennes de mai 2019, où l’on nous avait même décrit cette dernière comme déferlant sur le Vieux continent, et ce, alors même que les forces se réclamant de l’écologie politique n’avaient progressé – souvent de manière modeste – que dans sept ou huit pays de l’Union européenne, qui en comptait (à ce moment) vingt-huit. Cette échéance électorale avait déjà été marquée par une abstention considérable (49,5 % en France, 49%, dans l’UE). La liste des Verts français avait obtenu 13,4% dans ce contexte de faible participation.

Cette fois encore, la caractéristique majeure du scrutin du 28 juin est l’abstention massive, et, surtout, bien plus inhabituelle pour une élection locale : plus de 58% d’électeurs sont restés chez eux. C’est un record historique sans précédent pour ce type de scrutin. Dès lors, tirer des leçons et asséner des conclusions à partir d’une élection qui n’a mobilisé, lors du second tour, que deux électeurs sur cinq – bien moins, même, car une partie des citoyens n’est pas inscrite sur les listes électorales – est pour le moins aléatoire.

L’ampleur de cette désaffection des urnes n’a pu évidemment échapper à personne. Pour ne prendre que l’exemple de Grenoble, seule ville de plus de 100 000 habitants ayant à sa tête un maire sortant étiqueté EELV, l’abstention atteint des sommets avec près de 65% des inscrits. Eric Piolle, présenté comme le maire Vert exemplaire, obtient ainsi 16 000 suffrages, pour une commune qui compte près de 160 000 habitants. En matière de tsunami électoral, on a vu plus impressionnant…

Si le peuple avait souhaité massivement exprimer son enthousiasme écologique, le résultat eût été plus marquant. Qui plus est, dans cette ville comme dans tout le pays, ceux qui se sont abstenus le plus sont, sans surprise, les électeurs des milieux populaires, ainsi que les jeunes.

Or la jeune génération est précisément celle qui est souvent présentée comme le fer de lance des combats environnementaux. Si les urnes avaient vraiment exprimé une volonté de « transition écologique », pourquoi ceux qui sont censés en être les champions les auraient-ils boudées à ce point ?

La progression des Verts au premier tour correspond à une « rééquilibrage » au sein de la « gauche ». Ainsi qu’à un transfert des voix d’Emmanuel Macron vers l’écologie

La thèse de la « vague verte qui déferle sur le pays » s’appuie sur un fait réel : le parti EELV conquiert une douzaine de villes de plus de 30 000 habitants, notamment parmi les plus grandes, telles que Lyon, Bordeaux ou Strasbourg. Pourtant, cet affichage doit être relativisé. Car il y a tout de même plus de 250 communes de taille au moins égale à ce seuil. Et le Parti communiste, par exemple, pourtant décrit comme en perdition, en conserve plus d’une vingtaine.

Une analyse sérieuse des rapports de forces électoraux ne peut, en tout état de cause, que se baser sur le premier tour. Egalement marqué par une très faible participation (45%), ce dernier avait eu lieu le 15 mars, et avait certes marqué une certaine progression des Verts. Mais celle-ci correspond en fait à une « rééquilibrage » au sein de la « gauche ». Ou bien, comme à Bordeaux, à un transfert des voix d’Emmanuel Macron vers l’écologie au sein des catégories aisées. Il n’est un secret pour personne que les écolos font leurs meilleurs scores parmi ces dernières. Tout particulièrement dans les centres-villes et les quartiers habités par ce qu’on nomme souvent les « bobos ». A l’inverse, ils sont souvent insignifiants dans les quartiers populaires.

La redistribution des cartes au sein de ce qui se nomme encore la « gauche » (mais qui ne met plus depuis longtemps en cause la domination de la société par les propriétaires du capital) intéresse certainement les tacticiens et stratèges désormais occupés à préparer la prochaine élection présidentielle, au printemps 2022.

Ce rééquilibrage ne signifie en aucune manière la montée d’une puissante aspiration environnementale

Mais cela ne signifie en aucune manière la montée d’une puissante aspiration environnementale au sein de la population toute entière, et des classes exploitées en particulier. Celles-ci sont confrontées, et le seront encore plus brutalement dans les mois qui viennent, à un choc social brutal en termes d’emploi en particulier. Les plans de suppressions d’emploi chez Air France, Airbus, Renault ne sont que de premières manifestations des restructurations prévues, dont la plupart étaient prévues dès avant l’épidémie.

A un titre ou à un autre, elles se réclament de la « préservation du climat » : il faut moins prendre l’avion, donc moins construire d’appareils, et limiter la circulation automobile. De fil en aiguille, c’est toute l’économie qui risque de subir cette onde de choc, des télécommunications (Nokia ex-Alcatel) aux médicaments et à la chimie (Sanofi). Onze millions d’emplois directs sont menacés par le Pacte Vert (« green Deal »), priorité absolue de la Commission européenne.

La « sobriété » et la « frugalité », pour mieux « sauver la planète », sont les nouveaux habits de l’austérité salariale

De même, la « sobriété » et la « frugalité », pour mieux « sauver la planète », sont les nouveaux habits de l’austérité salariale. Il faudrait ainsi « consommer moins, produire moins et donc travailler moins », selon la formule initiale de ladite Convention citoyenne – 150 citoyens tirés au sort et devenus miraculeusement unanimes sur la protection de la planète, en fait un des plus abominables exemples dans l’histoire des manipulations idéologiques d’Etat.

La « vague verte » est en réalité une construction idéologique qui vise à soutenir les politiques « toujours plus vertes » qu’Emmanuel Macron annonce depuis des mois, désormais soutenu activement par Bruxelles… et les patrons du CAC 40.

Depuis des mois ? Plus précisément depuis l’automne 2018, quand il avait voulu imposer une « taxe carbone » sur l’essence et le diesel afin – c’était dit ouvertement – de « faire changer les comportements ». La suite, ce fut le mouvement des Gilets jaunes… et le retrait précipité de cette taxe.

Si certains croient réellement avoir convaincu le pays d’opérer une « conversion écologique », et se fondent sur le résultat des municipales pour estimer que le moment est venu, ils se préparent peut-être de nouvelles et douloureuses surprises…

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Kommunalwahlen in Frankreich: der Mythos der « grünen Welle »

Par : pierre

Zwei Wochen nach dem zweiten Wahlgang der Kommunalwahlen hat sich der Wirbel ein wenig gelegt: Wir können uns also in aller Ruhe der so genannten „grünen Welle“ widmen.

Dass EELV (die französische grüne Partei) diesen Mythos von der „grünen Welle“ enthusiastisch verbreiten, ist nur allzu verständlich (sie sollten jedoch vorsichtig sein: eine Welle ist eine Vorwärtsbewegung in deren Natur es liegt, bald darauf wieder zurückzurollen). Aber dass ein Heer von Analytikern, Experten und Kommentatoren diesen Mythos wiederholt und ausweitet, kommt wahrscheinlich nicht von ganz ungefähr. Schließlich ist ein Mythos eine erfundene Erzählung, deren inhaltliche Beschaffenheit auf die Dauer die Realität beeinflusst.

Es ist dies die zweite Wahl, bei der der „grüne Durchbruch“ von allen Seiten begrüßt wurde: Das war bereits bei den Europawahlen im Mai 2019 der Fall, wo er sogar als eine „grüne Welle“ bezeichnet wurde, die über den „Alten Kontinent hinweg gerollt sei“, obwohl die politischen Kräfte, die sich als ökologisch bezeichnen, nur in sieben oder acht Ländern der Europäischen Union, (die damals 28 Staaten zählte) – oft bescheidene – Fortschritte gemacht hatten. Diese Wahl zeichnete sich bereits durch eine sehr geringe Wahlbeteiligung aus (49,5% in Frankreich, 49% in der übrigen EU). Die französische Liste der Grünen hatte im Rahmen dieser besonders niedrigen Wahlbeteiligung 13,4% der Stimmen erhalten.

Wieder einmal war das Hauptmerkmal der Wahl vom 28. Juni die massive niedrige Wahlbeteiligung, was vor allem für eine Kommunalwahl außerordentlich ungewöhnlich ist: mehr als 58% der Wähler blieben zu Hause. Dies ist ein beispielloser Rekord historischen Ausmaßes für diese Art von Wahl. Lehren und Schlussfolgerungen aus einer Wahl, die im zweiten Wahlgang nur zwei von fünf Wählern mobilisiert hat – letztlich sogar noch weitaus weniger, weil ein Teil der Bürger nicht in die Wählerverzeichnisse eingetragen waren (1) – können daher, gelinde gesagt, nur fraglich sein.

Das Ausmaß dieses Fernbleibens von der Wahlurne konnte natürlich niemandem entgehen. Um nur das Beispiel Grenoble zu nennen, in der einzigen Stadt mit mehr als 100.000 Einwohnern, die einen Bürgermeister mit dem Etikett EELV hat, ist die Wahlbeteiligung mit fast 65% Nichtwählern von eingeschriebenen Bürgern am höchsten. Eric Piolle, der als vorbildlicher grüner Bürgermeister dargestellt wurde, erhielt so 16.000 Stimmen in einer Stadt von fast 160.000 Einwohnern. Was den Wahl-Tsunami betrifft, hat man schon beeindruckendere Ergebnisse gesehen…

Hätten die Bürger ihren ökologischen Enthusiasmus in großer Zahl zum Ausdruck bringen wollen, wäre das Ergebnis sicher deutlicher ausgefallen. Darüber hinaus hat es wenig überrascht, dass in dieser Stadt wie auch im Rest des Landes, die Zahl der Nichtwähler in der Arbeiterklasse, aber auch bei den jungen Menschen am höchsten war.

Die jüngere Generation ist genau diejenige, die oft als die Speerspitze des Kampfs für die Umwelt dargestellt wird. Wenn die Wahlurnen wirklich den Wunsch nach einem „ökologischen Umbau“ zum Ausdruck gebracht hätten, warum sollten dann diejenigen, die angeblich seine Hauptverfechter sind, so zurückhaltend gewählt haben?

Die These von der „über das Land rollenden grünen Welle“, beruht auf einer realen Tatsache: Die Partei EELV erobert ein Dutzend Städte mit mehr als 30.000 Einwohnern, darunter einige der größten wie Lyon, Bordeaux und Strassburg. Man muss diese Version jedoch relativieren, denn es gibt immer noch mehr als 250 Kommunen, die mindestens so viele Einwohner haben. Und die Kommunistische Partei, zum Beispiel, obwohl sie als eine große Verliererin dargestellt wird, hält immer noch mehr als zwanzig davon.

Tatsächlich entspricht das jetzige Ergebniss aber nur einer „Neugewichtung“ innerhalb der „Linken“. Oder einem Stimmentransfer von Emmanuel Macron hin zu den Grünen in der Gruppe der wohlhabenderen Wähler

Eine seriöse Analyse der Machtverhältnisse kann sich in jedem Fall nur auf den ersten Wahlgang stützen. Letzterer war ebenfalls durch eine sehr niedrige Wahlbeteiligung (45%) gekennzeichnet. Er hatte am 15. März stattgefunden und zwar eine gewisse Entwicklung für die Grünen aufgezeigt. Tatsächlich entspricht diese aber nur einer „Neugewichtung“ innerhalb der „Linken“. Oder, wie in Bordeaux, einem Stimmentransfer von Emmanuel Macron hin zu den Grünen innerhalb der Gruppe der wohlhabenderen Wähler. Es ist kein Geheimnis, dass die Öko-Partei unter letzteren am besten abschneidet. Vor allem in Stadtzentren und Vierteln, die von der „modernen“ Bourgeoisie bewohnt werden. Auf der anderen Seite ist sie in Arbeitervierteln oft bedeutungslos.

Die Umverteilung der Karten innerhalb der sogenannten „Linken“ (welche jedoch die Herrschaft der Kapitalbesitzer über die Gesellschaft schon lange nicht mehr in Frage stellt), interessiert sicherlich die Taktiker und Strategen, die jetzt mit der Vorbereitung der nächsten Präsidentschaftswahlen im Frühjahr 2022 beschäftigt sind.

Dies bedeutet jedoch keineswegs den Aufstieg einer mächtigen Umweltbewegung in der Bevölkerung

Dies bedeutet jedoch keineswegs den Aufstieg einer mächtigen Umweltbewegung in der Bevölkerung insgesamt und insbesondere in den ausgebeuteten Klassen. Letztere sind mit einem brutalen sozialen Schock, insbesondere im Bereich der Beschäftigung, konfrontiert, der sich in den kommenden Monaten noch verschärfen wird. Die Pläne zum Stellenabbau bei Air France, Airbus und Renault sind nur die ersten Manifestationen der geplanten Umstrukturierungen, die größtenteils schon vor der Epidemie geplant waren.

Auf die eine oder andere Weise sind diese Umstrukturierungen, darüber begründet, „das Klima zu schützen“: Wir sollten weniger mit dem Flugzeug verreisen und daher weniger Flugzeuge bauen und auch den Autoverkehr einschränken. So ergibt sich eins aus dem anderen; die gesamte Wirtschaft könnte von der Schockwelle getroffen sein, von der Telekommunikation (Nokia ehem. Alcatel) bis hin zu Medikamenten und Chemikalien (Sanofi). Elf Millionen Arbeitsplätze sind direkt durch das „Green Deal“, das eine absolute Priorität der Europäischen Kommission darstellt, bedroht.

Gleicherweise sind „Mässigung“ und “Genügsamkeit“, um den „Planeten zu retten“, die neuen Kleider der Lohndrückerei. Es wäre also notwendig, ‘“weniger zu konsumieren, weniger zu produzieren und daher weniger zu arbeiten“, gemäß der ursprünglichen Formel des sogenannten „Bürgerkonvents“ – 150 Bürger, die ausgelost wurden und sich auf wundersame Weise alle einig waren in Bezug auf die Priorität zum Schutze des Planeten. In der Tat ist dies eines der abscheulichsten Beispiele in der Geschichte der ideologischen Manipulation durch einen Staat.

Die „grüne Welle“ ist eigentlich ein ideologisches Konstrukt, das darauf abzielt, die von Emmanuel Macron seit Monaten verkündete „immer grünere“ Politik zu unterstützen, und die nun von Brüssel und den Chefs des CAC 40 gefördert wird.

Seit Monaten? Genauer gesagt seit dem Herbst 2018, als er eine „Kohlesteuer“ auf Benzin und Diesel einführen wollte, um – so hiess es ganz offen – „Verhaltensänderungen zu bewirken“. Was folgte, war die Gelb-Westen-Bewegung… und die eilige Rücknahme dieser Steuer.

Wenn einige Leute wirklich glauben, sie hätten das Land von der Notwendigkeit eines „ökologischen Umbaus“ überzeugt, indem sie sich auf die Ergebnisse der Kommunalwahlen verlassen und glauben, dass die Zeit gekommen ist, so bereiten sie sich vielleicht neue und schmerzhafte Überraschungen vor…

(1) Um wählen zu können, müssen sich die französische Bürger auf einer Wahlliste melden

 

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Accord de Bruxelles : l’Europe évite l’implosion, mais l’Allemagne et la France paieront

Par : pierre

A l’issue d’un sommet de quatre jours qui a une nouvelle fois mis en lumière les contradictions entre les Vingt-sept, les pressions de Berlin et de Paris ont abouti à un accord sur un « plan de relance » qui passe sous silence le financement global

Mardi 21 juillet, les bourses ont fait un bond, saluant l’accord obtenu dans la nuit entre les Vingt-sept, et indiquant ainsi implicitement qui en sont les vrais gagnants. Au terme de quatre jours et quatre nuits de négociations et d’affrontements, les chefs d’Etat et de gouvernement ont finalement abouti à un compromis sur le « plan de relance » proposé par la Commission, ainsi que sur le futur budget pluriannuel de l’UE.

Selon le schéma proposé par Bruxelles, la Commission empruntera 750 milliards sur les marchés financiers, et redistribuera cette somme aux Etats membres, en particulier ceux dont l’économie a été la plus touchée par l’épidémie de Covid 19, sous forme de subventions (390 milliards) et de prêts (360 milliards). C’est notamment cet équilibre qui a été âprement négocié, de même que le mécanisme de surveillance de l’utilisation de ces fonds. Les premiers bénéficiaires (Italie, Espagne…) redoutaient une mise sous tutelle ressemblant à ce qui avait été imposé à la Grèce à partir de 2012. Plusieurs pays du nord entendaient au contraire être sûrs que des « réformes structurelles » seraient bien mises en oeuvre à cette occasion. Une surveillance collective fait bien, finalement, partie du compromis.

Les enjeux et paramètres de ce plan ont été largement analysés, notamment dans ces colonnes. Aujourd’hui, les partisans de l’intégration européenne affirment que l’UE est « sauvée » et même a « avancé », une thèse qui tient plus de la propagande que de la réalité. Au demeurant, le « narratif » (la thèse officielle servie aux opinions publiques) de Bruxelles n’a rien d’innocent ni de très honnête. A ce stade, cinq remarques peuvent être formulées à ce propos.

Ce conte moral pour enfants opposant « les bons et les méchants » est en réalité la mise en scène d’une pression conjointe de Berlin et de Paris

La première concerne la thèse des « méchants frugaux » tentant de freiner la « générosité européenne ». On sait en effet que cinq pays – les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark, la Suède, ainsi que la Finlande – étaient plus que réticents sur le versement de fonds communautaires aux pays du sud, ainsi que sur l’extension du budget de l’UE. Mais ce conte moral pour enfants opposant « les bons et les méchants » est en réalité la mise en scène d’une pression conjointe de Berlin et de Paris pour tenter d’éviter une explosion à court terme de l’Union. Face à eux, les dirigeants des Etats qualifiés de « radins » se faisaient en réalité l’écho d’une résistance de leurs peuples contre des transferts financiers européens.

Les dirigeants de ces pays (un libéral, un conservateur allié aux Verts, et trois sociaux-démocrates) sont tous dans des situations où leur crédit politique est en jeu (aux Pays-Bas, où l’on avait voté Non au projet constitutionnel européen en 2005, plus massivement encore que la France, des élections sont prévues dans quelques mois). Ils devaient arbitrer entre l’état d’esprit de leurs électeurs – cela s’appelle la démocratie – et « l’intérêt supérieur européen ».

Cela illustre un mécanisme pervers typique de l’intégration européenne qu’on nomme la « pression des pairs »

Deuxième remarque : le groupe des Cinq a certes obtenu des concessions, mais a finalement cédé sur le principe de transferts financiers accrus (qui profiteront aux grandes entreprises, pas aux peuples). Cela illustre un mécanisme pervers particulièrement ancien et typique de l’intégration européenne qu’on nomme la « pression des pairs » : réunis en conclave dans une salle, un dirigeant, ou un groupe minoritaire reçoit implicitement une injonction qui pourrait être formulée ainsi : vous n’oserez quand même pas prendre la responsabilité d’un échec de l’Europe. Comme les dirigeants en question ne sont évidemment pas des adversaires de l’intégration, ils finissent généralement par céder, et arbitrer en faveur de Bruxelles, contre leurs citoyens.

Le premier ministre grec a même menacé ses collègues dissidents : « vous imaginez le titre du Financial Times demain si vous continuez à bloquer un accord ? ». Difficile de se faire un interprète plus clair de la volonté des marchés financiers.

« Il est dans l’intérêt de l’Allemagne que l’Europe ne s’effondre pas » – Angela Merkel

Troisième remarque : le portrait flatteur que le couple Merkel-Macron s’est efforcé de dresser de lui-même, en l’occurrence les généreux sauveteurs des pays les plus en difficulté, ne résiste pas à l’examen. La réalité, c’est que les dirigeants allemands et français ont mesuré que le statu quo aurait représenté une menace à court terme pour la stabilité voire la survie de l’Union européenne, et les intérêts des grands groupes industriels et financiers. Car la crise sanitaire a encore exacerbé les déséquilibres économiques et sociaux entre Etats membres. Du reste, le 26 juin, la chancelière avouait ingénument : « il est dans l’intérêt de l’Allemagne que l’Europe ne s’effondre pas ». D’autant que le confinement et la fermeture des frontières intérieures pour cause de pandémie a souligné l’extrême dépendance – organisée pour des raisons de rentabilité des grandes entreprises – des économies les unes par rapport aux autres.

L’UE n’est pas « sauvée » pour autant

Mais, quatrième remarque, si elle a évité l’explosion à court terme, l’UE n’est pas « sauvée » pour autant. Le pas – au demeurant plus modeste qu’affirmé – vers une union plus intégrée et plus fédérale que certains décrivent, à travers des transferts financiers, ne peut qu’aviver les contradictions, au moment où les peuples sont de plus en plus réticents à se diriger dans cette voie. Les prochains mois pourraient l’illustrer, alors que se profile une crise sociale et économique d’une ampleur littéralement sans précédent que le « plan de relance » ne résoudra d’aucune manière.

Enfin, et ce n’est pas l’aspect le moins important, une question a été laissée de côté : qui paiera l’addition ? Si les Etats membres vont recevoir dans les deux ans subventions et prêts, le paquet dont est issue cette manne devra bien être emprunté, en l’occurrence sur les marchés financiers. Ces derniers n’ont pas la réputation d’effacer les ardoises.

Le maître de l’Elysée a attaqué les Etats « radins » qui n’auraient aucune raison de bloquer puisque, a-t-il affirmé, c’est la France et l’Allemagne qui vont « payer ce plan »

Adossé sur le budget communautaire, cet emprunt global sera pris en charge en commun, autrement dit les remboursements devraient être fonction de la richesse nationale (PIB) de chaque Etat membre (et non de la somme reçue). Ainsi, dans le schéma initial de la Commission, Paris devait recevoir 39 milliards d’euros. Mais la France contribue à 11% du budget communautaire. Sur les 750 milliards empruntés, le pays serait donc redevable de 82 milliards, sans compter les intérêts (ces derniers étant exigibles dès 2021). Soit le double des subventions prévues pour Paris.

Bien sûr, certains évoquent la création de « ressources propres », autrement dit d’impôts européens (le sommet a évoqué une « taxe plastique », et diverses pistes avaient été suggérées…) qui viendraient (un peu) financer les sommes empruntées. Mais il n’est un secret pour personne qu’Angela Merkel n’est guère favorable à ce principe, qui nécessiterait d’ailleurs l’accord unanime des gouvernements nationaux, mais aussi des parlements.

Le maître de l’Elysée le sait parfaitement. Alors que, pour la galerie, il a tweeté « un jour historique pour l’Europe », il avait, pendant le sommet, attaqué vivement les Etats « radins » qui n’auraient aucune raison de bloquer un accord puisqu’au final c’est la France et l’Allemagne qui allaient « payer ce plan ». Un argument qu’il s’est bien gardé de répéter face à son peuple.

Emmanuel Macron a même agressé son collègue néerlandais, Mark Rutte, réputé chef de file des « radins », en le comparant à l’ancien premier ministre britannique David Cameron, qui défendait cette même ligne lorsque le Royaume-Uni était encore membre de l’UE. Faisant allusion au Brexit, le président français a martelé : « ce genre de positionnement finit mal ».

Pour les Britanniques, il a plutôt bien fini…

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Brüsseler Übereinkunft: Europa vermeidet einen Zusammenbruch, aber Deutschland und Frankreich werden zahlen

Par : pierre

Nach einem viertägigen Gipfel, der erneut die Widersprüche zwischen den EU-27 deutlich machte, führte der Druck aus Berlin und Paris zu einer Einigung über einen « Wiederaufbauplan », der seine globale Finanzierung verschweigt.

Am Dienstag, dem 21. Juli, machten die Börsen einen Sprung nach oben, begrüßten also die über Nacht erzielte Einigung zwischen den Sieben-und-zwanzig, und zeigten damit implizit an, wer die wirklichen Gewinner sind. Nach vier Tagen und vier Nächten der Verhandlungen und Auseinandersetzungen erzielten die Staats- und Regierungschefs schließlich einen Kompromiss über den von der Kommission vorgeschlagenen « Wiederaufbauplan » sowie über den künftigen Mehrjahreshaushalt der EU.

Nach dem von Brüssel vorgeschlagenen Schema wird die Kommission 750 Milliarden auf den Finanzmärkten aufnehmen und diese Summe in Form von Zuschüssen (390 Milliarden) und Darlehen (360 Milliarden) an die Mitgliedstaaten, insbesondere an diejenigen, deren Volkswirtschaften am stärksten von der Covid-19-Epidemie betroffen waren, verteilen. Gerade diese Verteilung ist hart ausgehandelt worden, ebenso wie der Mechanismus zur Überwachung der Verwendung dieser Mittel. Die ersten Nutznießer (Italien, Spanien usw.) befürchteten eine ähnliche Treuhänderschaft, wie sie Griechenland seit 2012 auferlegt wurde. Im Gegensatz dazu, wollten mehrere Länder des Nordens sicher sein, dass bei dieser Gelegenheit « Strukturreformen » durchgeführt werden. Die kollektive Überwachung ist letztlich Teil des Kompromisses.

Die Einsätze und Parameter dieses Plans wurden schon umfassend analysiert, insbesondere auf diesen Seiten. Heute behaupten Befürworter der europäischen Integration, die EU sei « gerettet » und habe sich sogar « vorwärts bewegt », eine These, die mehr Propaganda als Realität ist. Zudem hat das « Narrativ » (die offizielle These, die der Öffentlichkeit präsentiert wird) von Brüssel weder etwas Unschuldiges noch etwas Ehrliches an sich. Zum gegenwärtigen Zeitpunkt können dazu fünf Anmerkungen gemacht werden.

Dieses moralische Kindermärchen von « den Guten und den Bösen » ist in Wirklichkeit eine Inszenierung des gemeinsamen Drucks aus Berlin und Paris

Die erste betrifft die These von der « bösen Knausern », die versuchen, die « europäische Großzügigkeit » zu bremsen. Tatsächlich ist bekannt, dass fünf Länder – die Niederlande, Österreich, Dänemark, Schweden und Finnland – bei der Auszahlung von EU-Geldern an die Länder des Südens sowie bei der Erweiterung des EU-Haushalts mehr als zurückhaltend waren. Aber dieses moralische Kindermärchen von « den Guten und den Bösen » ist in Wirklichkeit eine Inszenierung des gemeinsamen Drucks aus Berlin und Paris, um zu versuchen, eine kurzfristige Explosion der Union zu verhindern. Die Leaders der als « geizig » bezeichneten Mitgliedstaaten machten tatsächlich den Widerstand ihrer Völker gegen europäische Finanztransfers deutlich.

Die Staats- und Regierungschefs dieser Länder (ein Liberaler, ein mit den Grünen verbündeter Konservativer und drei Sozialdemokraten) befinden sich alle in Situationen, in denen ihr politischer Kredit auf dem Spiel steht (in den Niederlanden, die 2005 mit Nein zum europäischen Verfassungsprojekt gestimmt haben, noch massiver als Frankreich, sind in wenigen Monaten Wahlen geplant). Sie mussten zwischen dem Geisteszustand ihrer Wähler – das nennt man Demokratie – und dem « höheren » europäischen « Interesse » vermitteln.

Dies veranschaulicht einen eigentümlichen, perversen Mechanismus, der typisch für die europäische Integration ist: der « Gruppendruck »

Zweite Bemerkung: Die Fünfergruppe hat zwar Zugeständnisse erhalten, aber schließlich dem Prinzip der erhöhten Finanztransfers (die dem Großkapital und nicht dem Volk zugute kommen werden) nachgegeben. Dies veranschaulicht einen eigentümlichen, perversen Mechanismus, der alt und typisch für die europäische Integration ist und der als « Gruppendruck » bezeichnet wird: In einem Konklave in einem Raum versammelt, wird auf einen Politiker oder eine Minderheit implizit eine Drohung ausgeübt, die wie folgt formuliert werden könnte: „Sie werden es doch wohl nicht wagen, die Verantwortung für das Scheitern Europas zu übernehmen!“. Da die betreffenden Führungspersönlichkeiten offensichtlich keine Integrationsgegner sind, endet das Konklave in der Regel damit, dass sie nachgeben und zugunsten Brüssels gegen ihre Bürger entscheiden.

Der griechische Premierminister drohte sogar seinen Dissidentenkollegen: « Können Sie sich die Schlagzeile in der Financial Times morgen vorstellen, wenn Sie weiterhin eine Vereinbarung blockieren? ». Es ist schwierig, den Willen der Finanzmärkte klarer zu interpretieren.

« Es liegt im Interesse Deutschlands, dass Europa nicht zusammenbricht » – Angela Merkel

Drittens hält das schmeichelhafte Bild, das das Paar Merkel-Macron von sich selbst zu zeichnen versucht hat, in diesem Fall als die großzügigen Retter der am schwersten betroffenen Länder aufzutreten, einer genauen Prüfung nicht stand. Die Realität ist, dass die deutsche und die französische Führung erkannt haben, dass der Status quo eine kurzfristige Bedrohung für die Stabilität und sogar das Überleben der Europäischen Union sowie für die Interessen der großen Industrie- und Finanzkonzerne dargestellt hätte. Denn die Gesundheitskrise hat die wirtschaftlichen und sozialen Ungleichgewichte zwischen den Mitgliedstaaten weiter verschärft. Am 26. Juni gab die Kanzlerin zudem zu: « Es liegt im Interesse Deutschlands, dass Europa nicht zusammenbricht ». Dies gilt umso mehr, als der Lockdown und die Schließung der Binnengrenzen aufgrund der Pandemie die extreme Abhängigkeit – organisierten aus Gründen der Rentabilität der Großunternehmen – der Volkswirtschaften voneinander aufgezeigt hat.

Die EU wurde jedoch nicht wegen all diesem « gerettet »

Aber viertens hat die EU zwar kurzfristig die Explosion vermieden, sie wurde jedoch nicht wegen all diesem « gerettet ». Der Schritt – wenn auch bescheidener als behauptet – hin zu einer stärker integrierten und föderalistischeren Union, durch Finanztransfers, den einige beschreiben, kann nur die Widersprüche verschärfen, zu einer Zeit, in der die Menschen immer weniger bereit sind, diesen Weg zu gehen. Die kommenden Monate könnten dies verdeutlichen, da sich eine soziale und wirtschaftliche Krise von buchstäblich beispiellosen Ausmaßen abzeichnet, die das « Aufschwungprogramm » in keiner Weise lösen wird.

Und nicht zuletzt wurde eine Frage beiseite gelassen: Wer wird die Rechnung bezahlen? Wenn die Mitgliedstaaten innerhalb von zwei Jahren Zuschüsse und Darlehen erhalten sollen, muss das Paket, aus dem dieses Manna fließen wird, geliehen werden, in diesem Fall von den Finanzmärkten. Die Finanzmärkte sind nicht dafür bekannt, dass sie die Schulden streichen.

Dieses aus dem Gemeinschaftshaushalt finanzierte Gesamtdarlehen wird gemeinsam aufgenommen, d.h. die Rückzahlungen sollten sich nach dem nationalen Vermögen (BIP) der einzelnen Mitgliedstaaten richten (und nicht nach dem erhaltenen Betrag). So sollte Paris nach dem ursprünglichen Plan der Kommission 39 Milliarden Euro erhalten. Aber Frankreich trägt 11% zum Gemeinschaftshaushalt bei. Von den geliehenen 750 Milliarden würde das Land also für 82 Milliarden haften, plus die Zinsen (letztere sind ab 2021 zahlbar). Das ist das Doppelte der für Paris geplanten Subventionen.

Natürlich sprechen einige von der Beschaffung von « Eigenmitteln », d.h. europäischen Steuern (der Gipfel sprach von einer « Plastiksteuer », und es wurden verschiedene Möglichkeiten vorgeschlagen…), über die die aufgenommenen Beträge (teilweise) finanziert werden könnten. Aber es ist kein Geheimnis, dass Angela Merkel mehr als zurückhaltend für dieses Prinzip ist, das zudem die einstimmige Zustimmung der nationalen Regierungen, aber auch der Parlamente erfordern würde.

Der Hausherr des Elysée-Palastes hat die « geizigen » Staaten angegriffen, die keinen Grund hätten, ein Abkommen zu blockieren, da es am Ende Frankreich und Deutschland seien, die « für diesen Plan zahlen würden »

Der Hausherr des Elysée-Palastes weiß das ganz genau. Während er für die Öffentlichkeit « einen historischen Tag für Europa » twitterte, hatte er jedoch während des Gipfels die « geizigen » Staaten heftig angegriffen, die keinen Grund hätten, ein Abkommen zu blockieren, da es am Ende Frankreich und Deutschland seien, die « für diesen Plan zahlen würden ». Ein Argument, das er vor seinen Landsleuten sicher nicht wiederholen wird.

Emmanuel Macron griff sogar seinen niederländischen Kollegen Mark Rutte, den angeblichen Anführer der « Geizhälse », an, indem er ihn mit dem ehemaligen britischen Premierminister David Cameron verglich, der die gleiche Linie verfolgte, als Großbritannien noch Mitglied der EU war. In Anspielung auf den Brexit hämmerte der französische Präsident auf seine Kollegen ein, dass « diese Art der Positionierung schlecht ausgeht ».

Für die Briten ist sie nicht so schlecht ausgegangen…

 

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Retour sur le Russiagate : 98 % des médias français ont été conspirationnistes

Par : laurent

Ce travail est chaleureusement dédié à Aaron Maté, Glenn Greenwald, Robert Parry (†), Julian Assange, Max Blumenthal, Stephen Cohen, Caitlin Johnstone, Matt Taibbi, Chris Hedges, Jimmy Dore et à tous les autres journalistes et commentateurs qui ont correctement informé sur le Russiagate malgré la marginalisation, les pressions et les calomnies (voir cette liste des valeureux sceptiques anglo-saxons).

Le Russiagate, dont la thèse centrale était l’existence d’une collusion entre Moscou et l’équipe de Donald Trump pour favoriser l’élection de celui-ci à la présidence des États-Unis, a subi une débâcle flagrante lors de la remise du rapport Mueller en mars 2019. Dénuée de toute preuve, cette théorie du complot fait pourtant régulièrement l’objet de tentatives de réanimation par différentes forces traumatisées par la défaite d’Hillary Clinton. Les médias ayant joué un rôle essentiel dans la production de ce mauvais feuilleton d’espionnage – aux conséquences néfastes bien réelles –, il n’est pas inutile de revenir sur le traitement de l’affaire en France. Sur les 56 médias de premier plan que nous avons examinés, dont certains font bruyamment profession d’« indépendance », comme Mediapart ou Le Canard enchaîné, un seul ne s’est pas vautré dans le conspirationnisme : Le Monde diplomatique.

Après sa déroute, le Russiagate a rapidement été remplacé, ou plutôt prolongé, par un autre récit sensationnel qui tournera lui aussi au fiasco, l’Ukrainegate. Les commentateurs et médias dominants (et parfois moins dominants…), nullement ébranlés par leur fourvoiement manifeste, continuent de servir de caisse de résonance docile aux multiples allégations d’« ingérence russe ». Une telle obstination irrationnelle signe la propagande, on peut même légitimement parler de russophobie. C’est parce que les médias refusent de reconnaître leurs erreurs et d’en tirer les enseignements appropriés qu’il est nécessaire de bien prendre la mesure du délire conspirationniste dans lequel ils se sont complu.

Il faut donc se souvenir que la thèse clintonienne d’une collusion entre l’équipe Trump et Moscou en vue de faire élire l’homme d’affaires à la présidence des États-Unis en novembre 2016 a été très favorablement relayée dans les médias occidentaux pendant deux ans et demi. C’est-à-dire qu’elle a occupé le devant de la scène durant la majeure partie du mandat de Donald Trump.

À la remorque de leurs homologues d’outre-Atlantique, les principaux acteurs français de la presse, de la télévision et de la radio, mais aussi la plupart des organes dits indépendants ou alternatifs, ont ainsi donné de l’importance et du crédit à la plus grande théorie du complot officielle depuis la fable criminelle sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein. Nous présentons ci-dessous les preuves de cette quasi-unanimité (98 % des médias dans l’échantillon large et représentatif que nous avons retenu).

Conspirationnisme mainstream

Bien qu’incapables de fournir la moindre preuve, les médias ont choisi de croire – et surtout de faire croire – à ce « Russiagate », un nom faisant référence au scandale du Watergate qui avait abouti à la démission du président Richard Nixon. S’ils se sont acharnés à donner vie à cette conspiration en essayant de faire passer les allégations les plus abracadabrantes pour de solides éléments à charge, c’est principalement sous l’effet grisant d’une double détestation : celle de la Russie (personnifiée par son maître maléfique, Vladimir Poutine) et celle de Trump. La victoire « impensable » de ce dernier face à Hillary Clinton, la championne des élites libérales-atlantistes, devait être contestée d’une façon ou d’une autre ; c’était moins pénible que de s’astreindre à réfléchir aux raisons véritables de la défaite.

Sans originalité, l’amertume du camp otanien a pris la forme d’une accusation du grand méchant ours russe, une incrimination reprise en France y compris par des médias se réclamant – certes plutôt timidement – de positions moins alignées sur l’impérialisme washingtonien (Mediapart, Le Canard enchaîné, Marianne, L’Humanité, Politis). Comme il y a des alter-européistes, il y a des alter-impérialistes ; ce sont d’ailleurs souvent les mêmes.

Il n’était nullement nécessaire d’être bien disposé à l’égard de la ligne politique de Moscou ou de celle (moins claire…) de Donald Trump pour être capable de s’apercevoir que les innombrables adeptes du Russiagate ont fait preuve d’un manque de prudence et de discernement stupéfiant. Il suffisait d’être sensible à la vraisemblance du scénario et attentif aux faits, ou plutôt… à leur absence.

Le paroxysme du n’importe quoi a été atteint avec la médiatisation abondante du « dossier Steele », qui postulait notamment l’existence d’une vidéo dans laquelle on verrait Donald Trump en train de contempler des prostituées soulageant leur vessie sur le lit de la chambre du Ritz-Carlton de Moscou que les époux Obama avaient occupée lors d’une visite présidentielle. Ce « kompromat » obtenu par le FSB permettrait à Voldemort Poutine de faire chanter l’homme d’affaires… Le dossier, un grotesque tissu de rumeurs et de fake news, avait été concocté par un ancien agent du renseignement britannique pour le compte d’un prestataire du Comité national démocrate (DNC – l’organisme qui dirige le Parti démocrate) et du comité de campagne officiel d’Hillary Clinton. Une source on ne peut plus fiable donc.

Aux États-Unis comme en France, les personnes qui exprimaient publiquement des doutes sur la crédibilité du récit dominant étaient volontiers dépeintes en thuriféraires du président américain ou de son homologue russe, voire des deux. Avec ceux qui ont un faible plus ou moins assumé pour l’Otan, l’intimidation et l’ostracisation remplacent souvent l’argumentation. Le débat est rendu délibérément impossible en assimilant toute critique de la ligne euro-atlantiste à un soutien aux « dictateurs » et autres « populistes illibéraux ». C’est l’application d’une méthode simpliste courante en propagande de guerre, généralement cuirassée d’un alibi humanitaire : « Si vous êtes contre un changement de régime par la force en Irak/Libye/Syrie/etc., c’est que vous êtes du côté du boucher Saddam/Kadhafi/Bachar/etc. »

L’irresponsabilité des Russiagâteux

Si tous les médias français n’ont pas défendu la thèse de la collusion avec le même zèle, les comptes rendus et commentaires partaient toujours du principe que celle-ci était crédible et que des éléments probants plaidaient en sa faveur (précisons que la préférence compréhensible de Moscou pour le candidat Trump – compte tenu de l’hostilité anti-russe affichée d’Hillary Clinton – ne constitue évidemment pas en soi une preuve d’entente). Les tournures conservant l’apparence du doute masquaient mal une adhésion préférentielle à la théorie du complot. La rationalité avait une fois encore déserté toutes les rédactions. Toutes sauf celle du Monde diplomatique (et dans une bien moindre mesure celle d’Atlantico), qui parlera de « Tchernobyl médiatique » lors de l’explosion en plein vol du Russiagate.

À chaque fois qu’il y avait un rebondissement dans « l’affaire » – et il y en eut beaucoup –, que les spéculations allaient bon train sur les « avancées » de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, le bourrage de crâne reprenait de plus belle. « Ingérence russe », « collusion avec la Russie », « liens troubles », « relations ambiguës »… Ce récit jamesbondesque à base de machiavélisme poutinien a libéré la parole conspirationniste dominante et permis de multiplier les procès à charge contre Moscou, accusé de vouloir saper à la chaîne les bienveillantes « démocraties libérales ».

En effet, si la Russie a manipulé l’élection présidentielle américaine, alors pourquoi pas le référendum sur le Brexit, la campagne présidentielle française, le référendum catalan, le mouvement des Gilets jaunes, les élections européennes, les élections générales britanniques, etc., etc. ? Dernièrement, on nous a dit que, « selon des sources du renseignement », Moscou payait des talibans pour qu’ils tuent des soldats américains et que des hackers russes essayaient de voler des données sur un vaccin pour la Covid-19. Il n’y a pas de fumée sans feu. C’est pourquoi il faut produire beaucoup de fumée. Et donc relayer servilement les opérations d’intoxication mitonnées par les services de renseignement occidentaux.

Les propagateurs de ces multiples scoops tonitruants devraient s’enquérir de la moralité de la fable d’Ésope appelée « Le Berger mauvais plaisant », plus connue sous le titre « Le Garçon qui criait au loup »…

Au lieu de se montrer soucieux de la vérité et des faits, de tempérer leur agressivité systématique à l’égard de la deuxième puissance nucléaire mondiale, les médias ont endossé le paradigme belliciste de la « menace russe ». Ce climat hostile a facilité, entre autres mesures antagoniques, l’intensification de l’odieuse politique de sanctions contre la Russie, le retrait états-unien de plusieurs traités internationaux de contrôle des armes, le renvoi de diplomates russes et l’opposition au projet de gazoduc Nord Stream 2 soutenu par Moscou. Quant à l’Otan, qualifiée d’« obsolète » par Donald Trump pendant sa campagne, elle est redevenue selon lui pertinente peu de temps après son élection, et même « un rempart pour la paix et la sécurité internationales » (voir notre article sur ce revirement). La « marionnette Trump » semble moyennement sous le contrôle du maître du Kremlin…

La campagne permanente de dénigrement anti-russe travaille l’opinion publique afin qu’elle consente à la hargne occidentale, en premier lieu à l’égard de Moscou, mais aussi des autres « ennemis » du bloc euro-atlantique (Chine, Iran, Syrie, Venezuela, etc.). Il s’agit ultimement de justifier un prétendu « droit d’ingérence ». Les médias sont en grande partie responsables de cette mentalité obsidionale qui tente de légitimer des comportements de brute et la pratique routinière du deux poids, deux mesures. Ce ne sont pas seulement les usages diplomatiques, l’esprit de concorde, voire le droit international qui sont piétinés, mais aussi plus fondamentalement les valeurs de vérité et de justice.

Les journalistes sont-ils conscients que la russophobie paranoïaque et le climat de guerre froide qu’ils nous imposent empoisonnent les relations internationales et font courir de graves risques à la paix dans le monde ? Non seulement les médias ne favorisent pas la désescalade, mais ils la combattent âprement.

Aaron Maté, l’expert proscrit

Deux ans et demi d’intense propagande conspirationniste donc, et puis… le verdict est tombé avec la remise du rapport Mueller : la « théorie du complot » selon laquelle « Donald Trump ou ses équipes auraient conspiré avec les Russes pour voler la présidentielle américaine » est une « illusion » (Wall Street Journal, 24 mars 2019). Une conclusion confirmée par la publication du rapport complet. À ceux qui douteraient encore du caractère tout à fait vide du dossier, nous recommandons la lecture des articles de celui qui est probablement le meilleur spécialiste au monde du Russiagate, le journaliste Aaron Maté, qui travaille désormais pour l’excellent site The Grayzone.

Ses textes, très étayés et rigoureux, sont malheureusement peu accessibles en français. Toutefois, Le Monde diplomatique en a traduit trois : « Ingérence russe, de l’obsession à la paranoïa », « Comment le “Russiagate” aveugle les démocrates » et « Un cadeau des démocrates à Donald Trump » (nous avons déjà indiqué plus haut un quatrième article d’Aaron Maté paru dans le mensuel, celui sur l’Ukrainegate). Et le site Les Crises a publié celui-ci : « Repose en Paix, Russiagate ».

Pour les lecteurs qui maîtrisent la langue de Steinbeck, il est indispensable de prendre connaissance de cette analyse approfondie du rapport Mueller. Aaron Maté y réfute également les allégations centrales du volet informatique de l’accusation d’ingérence russe dans l’élection américaine de 2016, à savoir d’une part le piratage des serveurs du DNC (voir aussi cet article plus récent) et de la messagerie électronique de John Podesta – le directeur de campagne d’Hillary Clinton –, et d’autre part les opérations menées par des « bots russes » sur les réseaux sociaux afin d’influencer les électeurs américains (pour en savoir plus sur le second point, lire cet autre texte).

Il est édifiant de constater que le journaliste le plus compétent sur le Russiagate a été complètement marginalisé, quand il n’était pas harcelé sur les réseaux sociaux ou attaqué avec virulence par des personnes occupant des positions professionnelles plus confortables, y compris d’anciens collègues. Aux États-Unis, Aaron Maté a vu ses espaces d’expression se réduire à cause de la lucidité dont il a fait preuve ; il a été (et reste) quasiment banni de l’univers mainstream. En France, parmi la cinquantaine de médias connus que nous avons observés, seul Le Monde diplomatique s’est intéressé à son travail ; son nom n’a pas même été mentionné par les autres (sauf une unique fois dans cet article malhonnête de Slate éreintant Glenn Greenwald, « tellement critique de la couverture médiatique sur l’ingérence russe que son discours ressemble à celui de Donald Trump »…).

Les chauffards du journalisme

Le Russiagate a fait chou blanc mais, sans surprise, les médias et commentateurs installés n’ont nullement fait amende honorable et reconnu qu’ils avaient massivement intoxiqué leurs publics, s’alignant ainsi sur les objectifs géostratégiques des faucons de Washington – qui dominent aussi le Parti démocrate – et des services de renseignement occidentaux. Ils auraient pourtant eu intérêt à admettre leur égarement pour enrayer la spirale du discrédit dans laquelle ils sont pris. Mais rien n’indique pour l’instant qu’ils se soient résolus à pratiquer un journalisme honnête et rigoureux.

En diffusant avec délectation une théorie du complot accablante pour Donald Trump, les médias dissimulaient à peine leur souhait de le voir destitué ; il en fut de même ensuite avec l’Ukrainegate et la procédure formelle en ce sens. Résultat : en l’accusant à tort de façon aussi outrée, en orchestrant une chasse aux sorcières de type maccarthyste, ils ont renforcé le président honni et l’ont en partie immunisé contre les critiques légitimes – qui ne manquent pas –, ce qui l’a positionné avantageusement pour un second mandat (depuis, sa gestion de la crise du coronavirus a beaucoup fragilisé cette configuration favorable).

Par contre, les perroquets otanophiles sont parvenus à leurs fins sur un autre plan : ils ont empêché tout apaisement entre les États-Unis (et leurs vassaux) et la Russie. Le parti de la guerre continue de mener la danse. On peut d’ailleurs se demander si le Russiagate n’avait pas pour but premier, dans l’esprit de ses instigateurs, de contrecarrer le non-interventionnisme, l’obsolescence de l’Otan et le rapprochement américano-russe sur lesquels Donald Trump avait fait campagne (la sincérité de ces positions est une autre question).

Ce sinistre feuilleton était une façon pour les adorateurs du Pentagone de réaffirmer leurs fondamentaux : exceptionnalisme états-unien, hégémonie mondiale et impérialisme humanitaire. La vaste campagne anti-russe favorise également une restriction de la liberté d’expression et un contrôle de plus en plus strict d’Internet. De tout cela, les médias sont activement complices.

98 %, vraiment ? – Oui.

Nous présentons ci-dessous des captures d’écran effectuées sur les versions en ligne des principaux médias d’information permettant de se faire une idée de leur traitement du Russiagate et plus globalement du dossier des « ingérences russes » dans l’élection de 2016 (Le Canard enchaîné n’ayant pas de formule numérique, nous utilisons pour ce titre des reproductions réalisées à partir des archives sur microfilms). Au nombre de dix au maximum, les publications sont ordonnées chronologiquement. Comme cela peut être aisément vérifié, les titres – et les chapôs quand ils sont présents – des articles reflètent leur contenu, à quelques nuances près. Il s’agit ici de restituer la tonalité générale du discours.

Les lecteurs attentifs remarqueront la mention récurrente de l’expression « avec l’AFP » dans la signature des articles listés (c’est-à-dire qu’ils ont été écrits en reprenant largement une dépêche produite par l’agence de presse), ce qui montre le rôle majeur qu’a joué celle-ci dans la propagation de la théorie du complot. L’agence britannique Reuters est également citée. L’emprise souvent néfaste des agences de presse sur la production journalistique mériterait d’être davantage mise en lumière (sur le sujet, voir cette étude).

La couverture du Russiagate permet de mesurer le degré d’uniformité de l’espace médiatique français – droite et « gauche » confondues – sur ce qui a trait aux rapports de force mondiaux et à la géopolitique. Pluralisme et finesse d’analyse font particulièrement défaut quand il est question de la Russie. Nous avons affaire à un cas d’école qui révèle la soumission foncière à l’impérialisme américain, y compris de la part de publications prétendument alternatives (qui semblent réclamer une « autre Otan » – inclusive, bienveillante et durable – comme elles réclament une « autre Europe »). 98 % des médias sont les attachés de presse ou des critiques superficiels du militarisme euro-atlantique.

La pensée conspirationniste, considérée par les élites comme un grand fléau civilisationnel quand elle est pratiquée par les dominés, devient tout à fait autorisée pour la défense des intérêts de l’Occident néocolonial. On notera au passage le silence pudique des chasseurs patentés de fake news, fact-checkeurs et autres spécialistes médiatiques du complotisme sur la déconfiture du Russiagate. Par exemple, à notre connaissance, le sociologue Gérald Bronner, qui déplore abondamment – et souvent à juste titre – le « succès des mythologies du complot [et l’]hystérisation des débats publics » (cf. cette tribune), n’a pas dit un mot sur le sujet. Comment expliquer cette occultation si ce n’est par un biais politique ?

Quant à Rudy Reichstadt, qui est considéré par les médias dominants comme l’expert de référence en matière de conspirationnisme, il a écrit dans un article publié le 18 janvier 2019 sur Conspiracy Watch que le Russiagate était étayé par des « indices accablants » et des « éléments autrement plus solides que ceux sur lesquels sont habituellement bâties les théories du complot diffusées par le Kremlin ». Deux ans plus tôt, dans cet autre texte, il était allé jusqu’à accorder du crédit au fameux dossier Steele, dont « les éléments troublants […] portés sur la place publique » lui semblaient de nature à appuyer « l’hypothèse que le Kremlin ait pu influencer les élections américaines ». Convenons-en, Rudy Reichstadt est bien, en un certain sens, « expert en complotisme »… On comprend que le complexe médiatico-politique ait adoubé un tel champion pour défendre la cause.

Le cas du Russiagate montre à quel point l’ensemble du secteur médiatique peut faillir sous le poids de ses biais idéologiques et vices structurels. Une telle irresponsabilité représente une menace pour la paix mondiale. C’est pourquoi il nous faut inlassablement demander des comptes aux propagandistes. À ceux qui seraient tentés de minorer leur influence, nous préconisons la lecture de ce bref compte rendu d’un sondage effectué après la médiatisation des conclusions du rapport Mueller : « Pour près de la moitié des Américains, il y a eu collusion Trump-Russie ».

Laurent Dauré

Cliquez sur le nom d’un média pour accéder à l’échantillon de publications le concernant.

I. La règle : médias conspirationnistes (55)

A. Quotidiens (13)

20 Minutes
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L’Humanité
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L’Opinion
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Les Inrockuptibles
Le Journal du dimanche
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L’Obs
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Le Point
Politis
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La Tribune
Valeurs actuelles

C. Pure players (5)

Atlantico
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Mediapart
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D. Stations de radio (7)

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E. Chaînes de télévision (15)

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France 3
France 5
France 24
FranceTVinfo
i24news
LCI
Public Sénat
TF1
TMC
TV5 Monde

II. L’exception : média non-conspirationniste (1)

A. Mensuel (1)

Le Monde diplomatique

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Glücksfall

Par : pierre

Der wirtschaftliche Sturm ist bereits da. Die größte Welle des sozialen Tsunamis wird jedoch voraussichtlich erst im Herbst kommen. Im zweiten Quartal fiel das Bruttoinlandsprodukt (BIP) der Eurozone um mehr als 12 Prozent; in Frankreich, wo gleichzeitig 715.000 Arbeitsplätze vernichtet wurden, sogar um 13,8 Prozent.

Das Virus hat zugegebenermaßen einen Schneeballeffekt ausgelöst. Aber viele Unternehmen, vor allem die großen, haben nicht gezögert, sich auf diesen « Glücksfall » einzulassen, indem sie Umstrukturierungspläne herausholten, die sie schon vor der Epidemie in den Schubladen hatten.

Die großen französischen und europäischen Konzerne taten sich mit der Ankündigung massiver Stellenkürzungen hervor: Nokia, Airbus, Sanofi, auch Einzelhandelsgiganten wie Carrefour, Auchan usw. General Electric seinerseits hat die Kürzung von 750 Stellen in Frankreich angekündigt – ein Thema, das Emmanuel Macron gut kennt, da er damals, im Jahr 2014 als stellvertretender Generalsekretär des Präsidentenamtes im Élysée-Palast den Verkauf von Alstom Energie an den amerikanischen Riesen beaufsichtigte, der damals versprach, 1.000 Arbeitsplätze – zu schaffen!

Hinzu kommt, dass viele Bosse jetzt den Charme eines Systems ausnützen, das unter der Ägide des heutigen Staatschefs eingeführt wurde und das ihnen erlaubt, von ihren Angestellten unter Androhung der ansonsten « alternativlosen » Entlassung Opfer zu fordern: mehr arbeiten, und weniger verdienen.

Auf dem Rücken von COVID-19 lässt sich definitiv sehr viel austragen: Es ist aber nicht das Virus, sondern das Dogma des « ökologischen Übergangs », das die Abschaffung einiger Inlandsflugverbindungen rechtfertigt – eine staatliche Forderung, die gar nicht ohne Folgen für Flug-, Wartungs- und Bodenpersonal bleiben kann, ganz zu schweigen von den indirekten Beschäftigungen im Umfeld der Flughäfen. Gleiches gilt für die Automobilindustrie, die durch die Förderung von Elektroantrieben, die weit weniger Arbeitsaufwand und Arbeitsplätze erfordern als Verbrennungsmotoren, hart getroffen werden dürfte.

Ein weiterer Glücksfall: Die « Unterstützung für Unternehmen » macht ein Drittel der 100 Milliarden Dollar des – vom Premierminister mit großem Tamtam – angekündigten nationalen « Aufschwungplans » aus. Eine beschäftigungspolitische Sicherung als Gegenstück zu den fiskalischen Gaben gibt es jedoch nicht – da bleibt eine klaffende Lücke, was selbst unter Abgeordneten der Macron-Mehrheit für Aufruhr gesorgt hat.

Von den 100 Milliarden zur Finanzierung des Regierungsplans werden 40 Milliarden « von Europa » zur Verfügung gestellt, prahlte der Herr im Élysée. Dabei vergaß er zwei Details. Erstens wird dieser Geldsegen der EU von der Vorlage eines nationalen Plans abhängig gemacht, der den EU-europäischen Institutionen erst noch vorgelegt werden und bestimmte Prioritäten enthalten muss: ökologischer Übergang, digitale Wirtschaft – und Strukturreformen. Da sind sie wieder, die alten Bekannten! Für Frankreich ist die Rentenreform eine der klassischen « europäischen Empfehlungen »…

Vor allem aber werden die Zuschüsse und Darlehen in Höhe von 750 Milliarden Euro, die Brüssel den Mitgliedstaaten gewährt, eine gemeinsame Schuld gegenüber den Finanzmärkten darstellen. Diese Schulden müssen vom Gemeinschaftshaushalt der Europäischen Union im Verhältnis zum BIP der Mitgliedstaaten zurückgezahlt werden.

Italien, Spanien und vor allem die EU-Länder in Osteuropa werden zwar davon profitieren. Die « Nettozahler » aber werden am Ende viel mehr zurückzahlen, als sie erhalten: für Frankreich sind es 37 Milliarden, die es erhält… aber 80 Milliarden, die es wird zurückzahlen müssen. Worauf die Befürworter der Integration entgegnen, dass sicherlich noch neue Steuern in der EU gefunden werden, um die geliehenen Summen zu finanzieren. Bisher ist nur eine « Plastiksteuer » im Gespräch. Sie wird bestenfalls aber nur einen Bruchteil der oben genannten 750 Milliarden einbringen.

wenn die Niederländer und einige anderen entdecken, dass sie noch mehr zahlen müssen, dann werden sie vor Freude wahrscheinlich keine Luftsprünge machen

Für Emmanuel Macron und Brüssel bedeutet dies auch eine Möglichkeit, die « europäische Integration » voranzutreiben: Die Vergemeinschaftung einer für über dreißig Jahre aufgenommenen Schuld zeigt den Wunsch, wirklich zusammenzuleben, sagte zum Beispiel Louis Michel, der Präsident des Europäischen Rates, am Ende des EU-Gipfels, der am 21. Juli zu diesem Kompromiss geführt hat. Als ob die Aufnahme eines langfristigen Immobilienkredits wie zum Beispiel bei einem Ehepaar eine Garantie gegen die Risiken einer Scheidung wäre…

In Wirklichkeit enthält das im Juli erzwungene Abkommen den Keim für weitere Spaltungen, für wachsende gegenseitige Vorbehalte und sogar eine mögliche Explosion. Denn wenn die Niederländer, die Skandinavier und einige andere entdecken, dass sie noch mehr zahlen müssen, um die Länder des Südens zu « retten » – in Wirklichkeit den Binnenmarkt und die gemeinsame Währung zu retten – dann ist es nicht sicher, dass sie, die schon jetzt nicht sehr Euro-begeistert sind, vor Freude Luftsprünge machen werden.

Die Franzosen übrigens auch nicht.

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Raphaël Glucksmann prend la tête d’un comité pour traquer l’influence terrifiante de la Russie

Par : pierre

Après un itinéraire politique pour le moins tourmenté, Raphaël Glucksmann a enfin trouvé un rôle à sa mesure. Il a en effet pris la tête d’un comité spécial de l’europarlement chargé de traquer et de pourfendre les « influences étrangères » qui menacent l’intégrité démocratique de l’Union européenne, et, partant, le fondement de nos sociétés libres.

On se souvient (ou pas, d’ailleurs) que le sémillant essayiste co-fonda, quelques mois avant les élections européennes de 2019, un groupuscule baptisé Place publique, avant de se voir offrir la tête d’une liste dans laquelle s’était fondu le Parti socialiste. Le résultat électoral fut brillant (moins de 6,2%), mais permit cependant à l’ancien conseiller du président géorgien déchu Mikheil Saakachvili d’être propulsé dans l’hémicycle de Strasbourg.

A propos de sa désignation, M. Glucksmann a modestement commenté : « l’ère de la naïveté européenne est terminée »

Le voilà donc désormais parti pour cornaquer une instance bien dans l’air du temps au sein des instances de l’UE. Et pour illustrer le tournant majeur dans l’histoire européenne que ses nouvelles fonctions inaugurent, M. Glucksmann a modestement commenté : « l’ère de la naïveté européenne est terminée ».

Son comité spécial, qui a commencé ses auditions le 23 septembre, a donc pour mission d’« évaluer le niveau des menaces, qu’il s’agisse des campagnes de désinformation, du financement des partis ou campagnes politiques, ou des attaques hybrides ». Pour ceux qui auraient des doutes sur l’ennemi non cité par son nom, il convient de rappeler que dans le lexique euro-atlantique habituel, le concept d’« attaque hybride » est un code convenu qui pointe exclusivement vers Moscou.

Cette précision géopolitique est sans doute utile pour ceux qui se conteraient de lire naïvement la « feuille de route » de ce comité d’un maccarthysme post-moderne. Celui-ci devra « examiner la transparence du financement des partis et des campagnes, vérifier les actions et les règles nationales (des Etats membres dans ce domaine) ainsi que les influences extérieures à travers des entreprises, des ONG ou des technologies ».

Qu’on se rassure. Les zélés eurodéputés emmenés par M. Glucksmann n’enquêteront pas sur les multiples canaux et ONG par lesquels l’UE elle-même organise, forme et finance la « société civile » de multiples pays (dont l’Ukraine et la Biélorussie, parmi tant d’autres) en vue de promouvoir des « révolutions colorées ». Ces financements, certes discrets, sont tout à fait officiels. Et pour la bonne cause. Ce n’est donc pas le sujet de nos fins limiers. Pas plus que ces derniers ne s’intéresseront – par exemple – à la French-American Foundation, ouvertement financée par les Etats-Unis, et qui vise à promouvoir dans l’Hexagone de « jeunes leaders », évidemment peu hostiles à l’esprit atlantique, et dont les heureux élus peuplent depuis un moment les plus hautes instances du pays.

Le Comité Glucksmann – si l’impétrant nous autorise ce charmant raccourci – s’occupera plutôt de « contrer les menaces hybrides, les cyber-attaques, la désinformation (…) de la part des pays malveillants ».

La fine équipe traquera également la cinquième colonne, ces ennemis de l’intérieur bien plus dangereux encore

Mais pas seulement : la fine équipe traquera également la cinquième colonne, ces ennemis de l’intérieur bien plus dangereux encore que les pourvoyeurs russes de novitchok numérique. Il s’agira en effet de repérer des campagnes « conduites par des organisations et des acteurs européens (…) susceptibles de nuire aux objectifs de l’Union européenne, ou d’influencer l’opinion publique afin de compliquer l’élaboration de positions communes » des dirigeants de l’UE.

Si les mots ont un sens, cela signifie que tous les adversaires du principe de l’intégration européenne tomberont sous le coup des investigations glucksmaniennes.

Et dans un an, le commando chargé de l’intégrité de l’UE rendra un rapport. Le nom de la rédactrice circule déjà : il pourrait s’agir de la Lettone Sandra Kalniete, qui fut successivement ministre des Affaires étrangères de son pays, puis commissaire européen, avant d’atterrir à Strasbourg. Dans un livre autobiographique, cette dernière écrivait par exemple : « mes parents n’ont pas voulu offrir d’autres esclaves au pouvoir soviétique, je n’ai eu ni frère ni sœur ». On le voit, Raphaël sera bien secondé.

Deux suggestions

Le travail du comité vient de débuter. A ce stade, qu’il soit permis de lui faire deux suggestions. D’une part, une enquête urgente s’impose quant aux sept élections législatives partielles qui viennent de se dérouler en France, les 20 et 27 septembre. Celles-ci ont été marquées par une abstention qui a oscillé entre 80 et 90%. Il s’agit à l’évidence d’une manoeuvre – hélas réussie – du Kremlin visant à saper l’expression démocratique dans l’Hexagone.

La seconde suggestion concerne le réseau Twitter, un des terrains privilégiés pour les complots ourdis par Moscou. La firme à l’oiseau bleu a, depuis le 7 septembre, gratifié le compte du journal Ruptures de la mention « affilié à un Etat, la Russie ».

Le comité s’honorerait – et œuvrerait à la salubrité publique – s’il pouvait enfin révéler les indices et preuves qui fondent une telle allégation.

On attend impatiemment.

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À lire : « Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique » de Marc Fontecave

Par : laurent

Une recension du livre de Marc Fontecave Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique (Flammarion, 2020) par Françoise Delcelier-Douchin, ingénieur au Centre national d’études spatiales (Cnes).

Il est rare d’entendre autant de scientifiques (virologues, épidémiologistes, biologistes à la recherche d’un vaccin, etc.) s’exprimer dans les médias, tous supports confondus, qu’en cette fin d’année 2020, plongés au cœur de la pandémie de coronavirus. Ces derniers mois, ils ont pris le relais des climatologues, glaciologues, spécialistes des énergies… Mais quel que soit le sujet, en écho à leurs interventions, le quatrième et le cinquième pouvoirs, respectivement les médias (écrits, audiovisuels) et les citoyens commentent, s’insurgent, dénoncent… Formidable vitalité d’une démocratie peuplée d’individus à l’esprit critique aiguisé par une culture abondante et multidisciplinaire ? Ou population dotée d’un esprit de critique systématique, soumettant toute allégation « à la critique rongeuse des souris » comme le dénonçait Karl Marx en son temps.

Marc Fontecave est chimiste de formation ; professeur au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences, il dirige une équipe de chercheurs sur la photosynthèse artificielle qui permettrait de « transformer le soleil en carburants » comme il l’écrit lui-même. Fervent défenseur des sciences et techniques et de leur apport indéniable à l’Humanité, il se donne deux grandes ambitions en publiant son ouvrage Halte au catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique. Au fil de trois grands chapitres, il incite le lecteur à le suivre sur le chemin, certes cahoteux, qui mènera à une réconciliation entre Progrès et Environnement ; mais encore, il s’attaque avec force pédagogie aux idées reçues, opposant à des croyances quasi mystiques des ordres de grandeur physiques incontestables.

Convaincu que les objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre (principaux responsables de l’augmentation de la température atmosphérique), acceptés par nombre de gouvernements sont parfaitement irréalistes, il fait la démonstration que les politiques énergétiques vont le plus souvent à contre-courant de cette diminution.

En effet, il démontre que seul le doublement de la part de l’électricité (de 25 % à 50 %) dans les énergies permettrait une décarbonation significative des secteurs les plus critiques (chauffage, transports et bâtiment), à condition que cette énergie électrique soit assurée par un mix énergétique performant et aussi propre et renouvelable que possible.

Or les chiffres et les faits sont là : la formidable promotion faite aux énergies solaire photovoltaïque et éolienne, certes renouvelables par essence et non génératrices de CO₂ dans leur utilisation est un leurre, et même, osons le dire, un mensonge, quand elles sont seules érigées au rang d’énergies de substitution du parc énergétique actuel.

Ces énergies ont une efficacité médiocre, elles sont constituées de matériaux rares (et donc non renouvelables), leur transformation est hautement génératrice de CO₂ puisque réalisée dans des usines alimentées au charbon ou au pétrole, elles sont intermittentes et non stables puisque la nuit, les nuages et le vent ne se commandent pas (encore ?) et sont donc irrémédiablement liées à une énergie de substitution ou à des moyens de stockage (batteries). Or, ces derniers sont peu vertueux aujourd’hui en termes d’émission de gaz à effet de serre ou sont encore au stade de prototype (hydrogène). Que dire enfin des conflits d’usage des sols qu’elles génèrent, tant la surface occupée doit être immense pour atteindre une production de masse ? Elles seront tout au plus un accompagnement de sources d’énergies plus efficaces.

Coulant de source sous la plume de Marc Fontecave, les mêmes critères appliqués aux autres énergies conduisent à une conclusion sans appel : la décarbonation de l’énergie et son effet significatif sur les émissions polluantes placent le nucléaire au premier plan. Mais sur ce sujet, gousses d’ail et crucifix sortent de l’ombre ! L’énergie diabolique est de retour…

Il ne faut pas moins d’un chapitre entier pour rappeler l’absence totale d’émission de CO₂ lors de l’utilisation (et le volume modéré produit lors de la construction de la centrale, dû au béton notamment), l’emprise au sol ridicule d’une centrale nucléaire en regard d’une centrale éolienne de même capacité (facteur 2 500 environ), la puissance colossale déployée, et une politique de sécurisation drastique.

Et l’auteur de se désoler que certaines options soient souvent disqualifiées « au mépris de simples règles de la physique », par des décideurs politiques davantage soucieux d’alliances électorales ou enclins à paraître plus verts que la chlorophylle aux yeux de leurs concitoyens. Mais les politiques ne sont pas seuls en cause, selon lui : des scientifiques sortent de leur domaine de compétence pour déployer des argumentaires que la pauvreté et l’approximation feraient bondir, appliquées à leur propre champ d’expertise ; des journalistes, malheureusement trop souvent formés aux seules sciences humaines et sociales relaient des énormités scientifiques et techniques ; des citoyens qui n’ont pas eu la chance d’accéder à un enseignement de la physique ou qui l’ont oublié… envient régulièrement l’herbe plus verte dans le champ du voisin mais lui laissent ses éoliennes (bruyantes), confondent la vapeur d’eau des tours de refroidissement des centrales avec des gaz à effet de serre (polluantes) et créent une association à chaque parc photovoltaïque déployé (laid). En résumé, à la différence de Saint Thomas, ils ne voient que ce qu’ils croient.

Le peuple de France, dans toutes ses composantes, fier à juste titre de sa culture, de son histoire, de sa souveraineté et de ses réussites passées (Concorde, TGV, Ariane, etc.) serait bien inspiré, de (re)lire De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville et de se donner comme objectif de faire l’éclatante démonstration que la démocratie française peut déjouer les travers que le philosophe prophétisait pour sa cousine américaine : vision court-termiste (alors que les considérations sur le climat imposent de penser en temps long), consumérisme effréné (cause d’émissions de gaz à effet de serre et de pollutions diverses), détermination du vote sur la base d’informations parcellaires, grossièrement agglomérées, parfois erronées, et sans faire l’effort d’une quelconque vérification.

Dans une ambiance apaisée où ne s’échangeraient plus que des considérations incontestables, la voie serait tracée pour renouer avec un progrès technique qui a permis l’augmentation de la longévité humaine, l’éradication de nombre de maladies, le recul des famines, le confort quotidien… Il est vrai, et Marc Fontecave le rappelle, ce progrès n’a pas été partagé par tous, pour paraphraser Aristote. Mais n’est-ce pas un formidable défi que de permettre au milliard de Terriens qui n’ont pas encore accès à l’énergie de partager ses bienfaits, de déployer toutes les intelligences pour que le vivre mieux s’accorde avec le vivre propre et que les effets inévitables aujourd’hui des politiques ayant tardé à se mettre en place puissent être palliés à moindre dégât ?

Pourraient alors s’accorder une politique courageuse de réindustrialisation, soutenue par une recherche fondamentale et appliquée aux énergies de demain, secteurs dans lesquels l’enthousiasme d’une jeunesse formée à la physique et aux techniques innovantes pourrait s’exprimer, soutenue par des citoyens qui se seront détournés des ayatollahs du catastrophisme, des chantres de la décroissance, ambition profondément égoïste et synonyme de davantage de misère, qui auront retrouvé l’optimisme et la confiance nécessaires aux nouveaux défis à relever.

Citoyens, professeurs, décideurs, journalistes… pour mettre à profit cette période de confinement et sortir de la paresse confortable qui enkyste les certitudes, lisez cet ouvrage d’éducation populaire complet et documenté. La pédagogie de Marc Fontecave, « distribue suffisamment de miettes parfumées de savoirs pour ouvrir l’appétit de la connaissance » pour reprendre les mots de Jean-Marie Albert. Halte au catastrophisme ! permet ainsi une réconciliation avec des domaines certes complexes mais traités ici avec simplicité pour demain décider, s’exprimer et peut-être voter en conscience.

Françoise Delcelier-Douchin

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Endspurt zum Abkommen zwischen London und EU

Par : pierre

Bald werden wir erfahren, ob die Verhandlungen zwischen dem Vereinigten Königreich und der Europäischen Union erfolgreich oder gescheitert sind. Auch wenn man eine Überraschung nie ausschließen kann, so ist die erste Hypothese die wahrscheinlichste: London und Brüssel sollten schließlich am Ende doch noch einen Kompromiss über ihre zukünftigen Beziehungen finden – in dem Wissen, dass die « Übergangsperiode » am 31. Dezember unwiderruflich endet. An diesem Tag wird das Land, was auch immer geschehen mag, seine volle Souveränität wiedererlangt haben.

Die großen europäischen Medien, die die Entscheidung des britischen Volkes nie wirklich geschluckt haben, verspotten die Dauer der Gespräche, die mindestens drei aufeinanderfolgende Fristen immer wieder haben verstreichen lassen. Welch unendliche Folter, klagen sie. In Wirklichkeit muss man jedoch bei Verhandlungen zwischen Taktik und Inhalt unterscheiden. Unter ersterer kann die Lage des einen und des anderen Verhandlungspartners verstanden werden. London hat zum Beispiel angekündigt, die Royal Navy zu mobilisieren: man will damit garantieren, dass keine europäischen Fischer in britische Gewässer einlaufen – für den Fall, dass kein Abkommen unterzeichnet wird. Und es wurde auch damit gedroht, einseitige Ausnahmen vom Austrittsvertrag (des Jahres 2019) zu dekretieren. Brüssel erklärt seinerseits, einem « No Deal » (also ohne Einigung) entspannt entgegenzusehen. Taktisch hat niemand ein Interesse daran zu zeigen, dass er sehr ungeduldig auf einen Kompromiss wartet.

Man sollte aber eher auf den Inhalt schauen. Zunächst einmal soll daran erinnert werden, dass etwa 90 Prozent eines möglichen Abkommens bereits geregelt sind – insbesondere in den Bereichen Verkehr, Energie, Sicherheit und anderen. Es gibt aber noch drei Stolpersteine: Erstens will London das Recht zurückgewinnen, darüber bestimmen zu können, wer in seinen Gewässern fischen darf. Wer würde zu behaupten wagen, eine solche Forderung sei unrechtmäßig? Dieses Prinzip wird sich durchsetzen. Aber der britische Premierminister könnte einer schrittweisen Umsetzung zustimmen, mit Zeitlimits und Quoten.

Der zweite Punkt betrifft « gleiche Wettbewerbsbedingungen ». Von Anfang an haben die 27 EU-Staaten einen « quoten- und zollfreien » Zugang zum EU-Binnenmarkt angeboten – aber unter der Bedingung, dass die Briten alle EU-Vorschriften einhalten, sowohl die aktuellen als auch die zukünftigen. In zehn Monaten hat sich Brüssel nicht ein Jota von diesem absurden Ukas entfernt. Es weigert sich zu verstehen, dass die Briten sich nicht entschieden haben, die Union zu verlassen, um weiterhin deren Zwänge zu akzeptieren. Aber Brüssel betonte eindringlich: Wir müssen uns vor jeglichem Steuer-, Sozial- und Umweltdumping schützen. Das Argument ist spaßig – als ob es bis heute kein Steuerdumping innerhalb der Union gäbe (Irland, Luxemburg…), als ob der Wettlauf um die schlechtesten Arbeits- und Lohnbedingungen nicht schon traurige Realität wäre (slowakische oder baltische LKW-Fahrer), als ob Großbritannien sein Klimaprogramm (ob uns das gefällt oder nicht) nicht schon drastischer aufgestellt hätte als jenes der EU… In der Schlussphase scheint der europäische Chefunterhändler jedoch endlich aufgegeben zu haben, eine automatische Anpassung an künftige europäische Regeln zu fordern, ebenso wie den automatischen Sanktionsmechanismus, den er bisher verteidigte.

Letzter Punkt: Jedes Freihandelsabkommen sieht eine Streitschlichtungsstelle vor. London will ein unparteiisches Gericht und weigert sich deshalb, den EU-Gerichtshof als Ankerpunkt für künftige Schiedsverfahren zuzulassen. Auch hier ist die Akzeptanz einer Position des gesunden Menschenverstands durch die Siebenundzwanzig der Schlüssel zu einem Kompromiss.

Viele europäische Kommentatoren verspotten diese Briten, « die immer noch an die Souveränität glauben »; diese Kommentatoren wären gut beraten, auf das Geraune der Völker aufzupassen

In Wirklichkeit ist man in Brüssel zwischen zwei widersprüchlichen Imperativen gefangen. Auf der einen Seite muss gezeigt werden, dass der Austritt aus der europäischen Sekte nur um den Preis furchtbaren Leids möglich ist – es sei denn, man akzeptiert einen Pseudo-Ausstieg, der die Zwangsjacke intakt lässt. Kurzum, zukünftige Kandidaten müssen abgeschreckt werden. Andererseits hätte die Wiedereinführung von Steuern und Bedingungen für den Handel schädliche Folgen für die Siebenundzwanzig selbst, insbesondere für Deutschland, den zweitgrößten Exporteur der Welt. Das erklärt, warum Angela Merkel hinter den Kulissen auf einen Kompromiss drängt, und zwar dort, wo der französische Präsident sich als Großmaul betätigt hat.

Viele europäische Kommentatoren verspotten diese Briten, « die immer noch an die Souveränität glauben », diesen Mythos, der durch die Globalisierung obsolet gemacht wurde – ihrer Meinung nach. Sie wären gut beraten, auf das Geraune der Völker aufzupassen, das überall auf der Welt zu hören ist. Heute auch in Europa.

Und morgen erst recht.

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Un long chemin vers la liberté (éditorial paru dans l’édition du 25 janvier)

Par : pierre

Un cauchemar interminable. Telle est l’image que les adversaires inconsolables du Brexit voudraient coller au long processus qui a abouti à la sortie du Royaume-Uni. Un adieu assorti in extremis, le 24 décembre, d’un traité qui fixe le cadre des relations futures entre Londres et Bruxelles. L’accord a été obtenu aux forceps, mais sa signature était plus que probable – ce qui avait été prédit dans ces colonnes (Ruptures du 18/12/20) – alors même que les deux parties juraient tactiquement qu’elles étaient prêtes à un « no deal », et que les médias pariaient plutôt sur une telle rupture.

Depuis le 1er février 2020, le Royaume-Uni était juridiquement sorti de l’UE ; au 1er janvier de cette année, il a recouvré sa souveraineté économique, ultime accomplissement du choix populaire de juin 2016. Eu égard à l’énormité de l’enjeu – pour la première de l’histoire, un pays décide de quitter le club – peut-on vraiment s’étonner du délai et des embûches qui ont marqué ce chemin ? Premier facteur : les dirigeants européens entendaient « montrer ce qu’il en coûte d’en sortir ». Dès les résultats du référendum connus, « la grande peur, c’était que le Brexit fasse des émules » avouait récemment un politologue spécialiste des milieux bruxellois.

L’autre facteur réside dans l’ampleur des dossiers concernés : le commerce entre les deux rives de la Manche représente plus de 700 milliards d’euros annuels. Le rétablissement de droits de douane aurait eu des effets non négligeables pour les deux parties. La puissante industrie automobile allemande, pour ne prendre que cet exemple, redoutait comme la peste cette perspective.

Economiquement plus modeste mais politiquement aussi importante était la récupération – fût-ce à terme – de la souveraineté anglaise sur le domaine maritime et les droits de pêche afférents. Par ailleurs, Londres a également obtenu la mise hors jeu de la Cour européenne de l’UE que le négociateur européen voulait maintenir comme futur arbitre. Mais c’est sans doute dans le domaine des règles de concurrence que le succès du premier ministre britannique est le plus marquant. Depuis l’origine, et jusqu’au dernier mois de négociations, les Vingt-sept voulaient imposer, en échange du commerce sans taxes ni quotas, que le Royaume-Uni s’aligne sur les règles de Bruxelles (sociales, environnementales, fiscales et d’aides d’Etat), et même s’engage à adopter sans mot dire toutes les dispositions communautaires futures… Motif affiché : « pas question que la Grande-Bretagne puisse exercer un dumping déloyal à nos portes ». Comme si le moins-disant fiscal (Irlande, Luxembourg, Pays-Bas) ou social (pays de l’Est) n’était pas déjà massif au sein des Vingt-sept…

L’accord prévoit une clause de non régression. Mais Londres aura bien la possibilité de « diverger », ce qui était la raison d’être de la sortie de l’UE. Boris Johnson a ironiquement rassuré les dirigeants européens : « nous n’envisageons pas d’envoyer immédiatement les enfants travailler à l’usine ». Une remarque qui rappelle opportunément l’absurdité de la fable européenne selon laquelle l’UE serait un havre de justice sociale et de cohésion fiscale face à un Royaume-Uni adepte de la déréglementation à outrance. Certes, lorsque M. Johnson était maire de Londres, il s’affichait en ultra-libéral, au moment même où son camarade de parti David Cameron, alors à Downing Street, poursuivait la politique lancée par Margaret Thatcher en 1979 et suivie par les Travaillistes Anthony Blair et Gordon Brown.

Boris Johnson a promis la fin de l’austérité et un réinvestissement massif dans les services publics, une politique impossible dans le cadre de l’UE

Mais l’époque a fondamentalement changé (et c’est antérieur au Covid) : l’actuel premier ministre a tourné le dos à la City et dirigé sa campagne vers le monde ouvrier et les classes populaires, celles-là mêmes qui ont assuré massivement le succès du Brexit. A ces électeurs, en particulier dans le centre et le nord de l’Angleterre, il a promis la fin de l’austérité, un réinvestissement massif dans les services publics, et un grand retour de l’Etat. Une politique impossible dans le cadre de l’UE.

Ultime crève-cœur pour les dirigeants européens : si les parlementaires britanniques pro-UE n’avaient pas mené une implacable guérilla au point de paralyser durant des mois Westminster en espérant mettre en échec le choix populaire de 2016, Boris Johnson n’aurait pas remplacé Theresa May qui était, elle, bien plus disposée à des compromis favorables aux Vingt-sept. Le traité signé le 24 décembre reflète au contraire, à 99%, les vues des Brexiters les plus « durs », un résultat que même ceux-ci n’imaginaient pas en 2016. Réjouissant paradoxe.

Pierre Lévy

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Pierre Lévy, invité du Media pour tous, revient sur le Brexit et sur l’état de l’UE

Par : pierre

Le rédacteur en chef de Ruptures était, il y a quelques jours, interviewé par Le Média pour tous.

Au cours de cet entretien, il d’abord rappelé l’affaire qui oppose Twitter au mensuel ; il est ensuite longuement revenu sur le Brexit, une victoire historique pour la souveraineté des peuples ; il a enfin proposé son analyse sur la nature même de l’Union européenne, à la lumière de l’actualité.

La vidéo est désormais en ligne. Une version longue est également disponible pour les abonnés de la chaîne.

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Avis de gros temps (éditorial paru dans l’édition du 22 février)

Par : pierre

Au moins, c’est clair. Ceux qui nourrissaient encore quelque illusion sur les vertus apaisantes de l’arrivée de Joseph Biden à la Maison Blanche sont désormais fixés : en matière de politique étrangère, le « retour à la normalité » vanté ici et là apparaît sous son vrai visage : la volonté américaine assumée de reprendre le contrôle des affaires du monde et de « remuscler » – les mots ont un sens – l’alliance atlantique. « America is back » (« l’Amérique est de retour »), tel est le slogan du nouveau président, qui proclame ainsi vouloir rompre avec « l’Amérique d’abord » de Donald Trump. Non pas que la politique étrangère de ce dernier ait été particulièrement aimable – au Moyen-Orient en particulier. Mais avec son mot d’ordre recopié de Ronald Reagan, le nouveau maître de Washington renoue délibérément avec l’esprit de guerre froide.

Dans son discours tenu le 4 février, M. Biden affirme que la « domination américaine » (« leadership ») se doit désormais d’« affronter la montée de l’autoritarisme, notamment les ambitions croissantes de la Chine pour rivaliser avec les USA, et la détermination de la Russie visant à abîmer et faire dérailler notre démocratie ». Si les dépendances économiques réciproques le contraignent à quelque prudence de langage vis-à-vis de Pékin, il n’en est pas de même vis-à-vis de Moscou : « l’époque où nous reculions devant l’agressivité de la Russie – interférences dans nos élections, cyber-attaques, empoisonnement de ses citoyens – est terminée. Nous n’hésiterons pas à faire grimper le coût (de ce comportement) » de Moscou.

La nomination de Victoria Nuland comme sous-secrétaire d’Etat aux affaires politiques illustre à merveille ce nouveau cours. Celle qui devient ainsi la numéro trois du département d’Etat a servi les administrations successives depuis les années 2000. Jusqu’à 2003, elle fut représentante de George Bush à l’OTAN et joua un rôle important dans l’invasion de l’Afghanistan. Entre 2003 et 2005, elle fut conseillère du vice-président Cheney, et aida ce dernier à promouvoir la guerre contre l’Irak. Porte-parole et proche de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton en 2011, elle fut très active dans la planification de l’agression occidentale contre la Libye et l’assassinat de son dirigeant. Et se félicita que cette heureuse initiative ait permis de faire affluer des stocks d’armes vers la Syrie dans l’espoir que les « rebelles » (et les combattants étrangers) puissent réserver le même sort à Bachar el-Assad.

Mais c’est en Ukraine que Mme Nuland donna toute sa mesure. Nommée en 2013 sous-secrétaire d’Etat pour l’Europe et l’Eurasie, elle ne tarda pas à se rendre à Kiev où elle fut immortalisée distribuant des sandwichs aux insurgés de la place Maïdan dont le but était de renverser par la violence le président élu. Surtout, elle fut la cheville ouvrière des provocations armées qui conduisirent au coup d’Etat de février 2014, puis de la formation du nouveau gouvernement issu des barricades. Elle s’illustra dans une conversation téléphonique dévoilée ensuite en s’écriant « Fuck EU » (« rien à foutre de l’UE ») pour exprimer son agacement face à des dirigeants européens jugés trop mous dans le renversement du pouvoir ukrainien.

Une Union européenne unie capable de se profiler comme une puissance mondiale contribuerait au pire : exacerber les logiques de rivalité et d’affrontement

C’est donc cette sémillante diplomate qui réapparaît aujourd’hui à un poste clé. Tous les dirigeants occidentaux ont certes poussé un énorme soupir de soulagement après le départ de Donald Trump. Mais si certains sont des alignés inconditionnels sur Washington et militent pour que la paranoïa anti-russe tienne lieu de politique extérieure de l’UE, d’autres, notamment à Berlin et à Paris (dans des contextes économiques et stratégiques différents), sont lucides : derrière les mots policés, ce sont exclusivement les intérêts américains qui détermineront la politique de l’Oncle Sam, avec quelques conflits en perspective : géostratégiques (gazoduc Nord Stream 2, Iran…) et surtout commerciaux.

Pour sa part, le président français appelle de ses vœux une « souveraineté européenne » tandis qu’à Bruxelles, certains ne cessent de rêver à une Union européenne unie capable de se profiler comme une puissance mondiale. Même si cet accomplissement apparaît aujourd’hui illusoire, cette velléité contribue au pire : exacerber les logiques de rivalité et d’affrontement – économique, stratégique, militaire – au détriment de coopérations entre nations égales et souveraines.

A court terme en tout cas, les relations internationales pourraient bien connaître quelques turbulences pas vraiment rassurantes.

Pierre Lévy

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Reform der globalen Besteuerung : eine falsche « gute Idee »

Par : pierre

Die Finanzminister der G7-Staaten haben sich bei ihrem Treffen am 5. Juni auf die Grundzüge eines Projekts geeinigt, das die globale Besteuerung verändern soll. Dieser Konsens scheint den Weg für eine Reform zu ebnen, die allerdings viele Stufen durchlaufen müsste: innerhalb der OECD (die ursprünglich aus dem westlichen Bereich hervorgegangen ist und 139 Länder versammelt), der Europäischen Union sowie der G20. Für den 9. und 10. Juli ist ein Gipfeltreffen des letztgenannten Gremiums geplant: Dort soll dieses Thema diskutiert werden.

Die geplante Reform ruht auf zwei Säulen: der Einführung einer Mindeststeuer von 15 % auf die Gewinne großer multinationaler Unternehmen, und einer komplexen Verteilung dieser Steuer: Heute wird die Abgabe von dem Land getragen, in dem die Unternehmen ihren Sitz haben, morgen könnten die Länder, in denen die Unternehmen ihren Markt haben, ihren Anteil am Kuchen bekommen. Erklärtes Ziel ist es, die Steuerhinterziehung einzuschränken, die heute über « Steueroasen » läuft, d.h. Staaten, in denen große Konzerne ihren Hauptsitz einrichten können, um von einer reduzierten oder gar nicht vorhandenen Besteuerung zu profitieren.

So dargestellt, fällt es schwer, einen Plan, der auf mehr Gerechtigkeit und die Reduzierung von Missständen abzuzielen scheint, von vornherein abzulehnen. Darüber hinaus haben sogar die digitalen Giganten – wie Google, Apple, Facebook und Amazon – das Vorhaben begrüßt, obwohl sie als erste betroffen wären.

Es ist jedoch nicht verboten, genauer hinzuschauen und einige Fragen zu stellen.

Ein grundlegender Aspekt betrifft zum Beispiel die Souveränität der Länder. Historisch gesehen wurden die nationalen Parlamente auf der Grundlage einer Bevorrechtung geschaffen, die der Grund für ihre Existenz war: über Steuern zu entscheiden. Dies ist letztlich die Grundlage jeder nationalen Politik: Welche Beiträge sollen Bürger und Unternehmen für die nationale Gemeinschaft leisten? Würden Regeln von außen auferlegt – was immer man von diesen Regeln hält – wäre dieses Grundprinzip der Demokratie in Frage gestellt.

Ist Joseph Biden plötzlich zur sogenannten « radikalen Linken » gewechselt?

Es gibt eine zweite Frage, die berücksichtigt werden muss. Die entscheidende Initiative zur Wiederbelebung dieser regelmäßig erwähnten Reform kam diesmal aus Washington. Berlin und Paris versäumten es nicht, ihre begeisterte Unterstützung zu zeigen. Ist Joseph Biden, der ein halbes Jahrhundert in der amerikanischen Politik mit einem Profil „der Mitte“ verbracht hat, d.h. in Wirklichkeit ein Verteidiger des absoluten Primats des freien Unternehmertums und des Exports amerikanischer Macht auf dem Planeten, mit der Waffe in der Hand (wirtschaftlich, militärisch oder kulturell), plötzlich zur sogenannten « radikalen Linken » gewechselt?

Hat Angela Merkel plötzlich ihr jugendliches Engagement für die Regierungspartei der DDR wiederbelebt? Hat sich Emmanuel Macron, der ehemalige Rothschild-Banker, gerade in das Gesamtwerk von Marx und Engels verliebt? Und darüber hinaus: Stehen die politischen Klassen der europäischen Länder am Rande einer Kulturrevolution, obwohl sich in ihren Reihen Politiker und große Bosse aus der Privatwirtschaft abwechseln und ihre Verantwortlichkeiten austauschen? Als Symbol dieser kleinen oligarchischen Welt hat die Goldmann-Sachs-Bank eine beeindruckende Anzahl von Politikern ausgebildet und dann eine nicht minder beeindruckende Anzahl von hochrangigen Mandatsträgern rekrutiert, als diese ihr Amt verließen.

Hier und da wird zwar auf den Zustand der öffentlichen Finanzen verwiesen, die durch die Pandemie und die daraus resultierenden Rezessionen ausgelaugt sind. Es sollten daher Mittel gefunden werden, um sie wieder aufzufüllen, was durch eine Reform möglich wäre. Lange Zeit hatten die westlichen Führer aber keine Skrupel, die Sparmaßnahmen für diejenigen zu erhöhen, die ihren Lebensunterhalt mit ihrer Arbeit verdienen, anstatt an die Türen multinationaler Unternehmen zu klopfen.

Das Problem ist, dass sich das Ansehen dieser Unternehmen in der Bevölkerung weiter verschlechtert hat. Die Arroganz von Big Pharma, die sich mittlerweile kaum noch über ihre Profite beklagen kann; die Arroganz der Internet-Giganten, die nicht nur riesige Profite machen, sondern auch die sozialen Netzwerke beherrschen und über Teile der Meinungsfreiheit das Recht auf Leben und Tod ausüben; ganz zu schweigen von der Allmacht des Finanzsektors, der einen großen Teil der Weltwirtschaft beherrscht… all diese Imperien und viele andere mehr stoßen bei den Bürgern vieler Länder auf wachsende Ablehnung.

Es sieht noch schlimmer aus für die Herren des Systems: Nicht nur werden die transnationalen Konzerne geschmäht, sondern möglicherweise das System selbst, dessen Daseinsberechtigung gerade darin besteht, ihre Herrschaft zu sichern. Für die globalisierten Oligarchien – eben jene, die den westlichen ideologischen Ton angeben, vom freien Kapitalverkehr über den « Umweltschutz » bis hin zur wachsenden Aggressivität, einschließlich militärischer Aggression, gegenüber Ländern, die sich nicht ihren Normen unterwerfen – ist die absolute Priorität, das Überleben des Systems zu sichern. Selbst wenn dies bedeutet, dass man das Übel durch fiskalische Maßnahmen zum Teil des Systems machen muss.

Die Besteuerung könnte durchaus als Deckmantel dienen, um zu vermeiden, dass die wahren Probleme aufgedeckt und hinterfragt werden.

So könnte die Besteuerung durchaus als Deckmantel dienen, um zu vermeiden, dass die wahren Probleme aufgedeckt und hinterfragt werden. Denn das echte Problem ist die Existenz der transnationalen Trusts selbst, es sind nicht einfach nur ihre « Exzesse ». Pfizer, Facebook, Goldmann Sachs und Konsorten hatten und haben nie den Ehrgeiz, dem Allgemeinwohl zu dienen, sondern sind von ihrer Existenz her auf Gewinnmaximierung aus. Sollten sie deshalb ein wenig mehr besteuert und « reguliert » werden ? Oder sollten man nicht lieber ihre Aktivitäten wieder in die öffentliche Hand stellen? Es ist, als ob man sich fragen würde, ob die Mafia zivilisiert oder besteuert werden sollte, anstatt sie zu beseitigen.

Im Zeitalter der Globalisierung – deren raison d’être die Multis sind – geht es vielleicht nicht darum, sie anzupassen, um sie zu retten, sondern um die Wiederbelebung des Prinzips der Nationalisierung selbst. Das setzt natürlich voraus, dass jedes Land seine politische Souveränität wiedererlangt, ohne die die Achtung vor den Entscheidungen der Völker bedeutungslos bleibt.

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Manifestation contre les projets de fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon

Par : pierre

Le 24 juin, des centaines de personnels de santé se rassemblaient contre les projets de fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon, censés être remplacés, en 2028, par un campus hospitalo-universitaire à Saint-Ouen.

Les soignants dénoncent un plan qui accélérerait la tendance à la fermeture de lits enclenchée depuis de nombreuses années. Cette attaque contre l’hôpital public est en réalité une facette des politiques d’austérité appliquées pendant des décennies sous pression de l’Union européenne.

La dégradation des politiques de santé pilotées par Bruxelles a constitué un facteur aggravant dans le développement de la pandémie de Covid-19.

Ruptures fait donc écho à la mobilisation des personnels qui devrait se poursuivre dans la prochaine période.

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Le vertige de Bernard Guetta (éditorial paru dans l’édition du 28/09/21)

Par : pierre

Désastre. Débâcle. Fiasco. Les dirigeants et commentateurs occidentaux eux-mêmes expriment leur sidération face au séisme qu’a représenté la prise de Kaboul par les Taliban, le 15 août dernier, alors même que les soldats de l’OTAN n’avaient pas encore remballé leur paquetage.

Certes, après deux décennies de guerre, l’arrivée des « étudiants en religion » aux manettes du pays ne dessine pas nécessairement un avenir enviable pour les Afghans – et particulièrement pour les Afghanes. Mais c’est à eux, et à eux seuls, de décider de celui-ci.

Cela rappelé, il n’est pas interdit de se réjouir de la déroute américaine, car c’est bien de Washington que la funeste aventure avait été déclenchée il y a vingt ans tout juste. L’arrogante Amérique, qui un temps rêva d’imposer au monde son hégémonie, a offert un spectacle surréaliste : elle a imploré ses anciens ennemis en haillons de lui laisser déployer son ultime logistique de retrait… Surtout, Joseph Biden l’a martelé : les Etats-Unis n’ambitionnent plus, désormais, de guerroyer partout sur la planète en prétendant « construire des nations », c’est-à-dire mettre en place des régimes à leur botte. Ils n’interviendront plus, selon la Maison-Blanche, que pour défendre leurs propres intérêts vitaux. Certes, une telle promesse ne tiendra sans doute pas pour l’éternité.

Les dirigeants de pays qui se fiaient au « parapluie américain » sont pris de court, notamment les Européens, mis devant le fait accompli

Reste que les dirigeants de pays qui croyaient pouvoir se fier au « parapluie américain » sont pris de court. A commencer par les Européens, qui ont été mis devant le fait accompli : ni le principe ni même les modalités du retour des soldats de l’OTAN ne leur ont été soumis, alors même qu’ils avaient des troupes sur le terrain. Les plus atlantistes – Berlin, Londres, Copenhague et quelques autres – sont les plus humiliés. Cerise sur le gâteau : la « trahison » a certes été enclenchée en 2020 par Donald Trump, mais c’est bien son successeur démocrate qui l’a mise en oeuvre, quelques mois seulement après que la victoire de ce dernier eut été saluée par les dirigeants enthousiastes de l’UE comme un immense soulagement. Il est vrai que la continuité à la Maison-Blanche, d’apparence paradoxale, est claire : Washington entend désormais concentrer son énergie et ses forces contre le rival d’aujourd’hui et plus encore de demain : la Chine.

Face à ce lâchage spectaculaire « le monde (le sien, en réalité) est pris de vertige », s’affolait fin août l’eurodéputé macroniste Bernard Guetta. Et l’ex-chroniqueur géopolitique du service public de s’angoisser : « il n’y a plus de parapluie, plus de protection assurée, plus d’alliances en béton ». Ainsi, poursuit-il, les Etats-Unis pourraient rester de marbre « au cas où Vladimir Poutine marcherait sur Kiev », voire « s’il engageait ses mercenaires dans les Balkans, se manifestait plus encore dans la zone baltique, en Libye et en Afrique subsaharienne ». C’est tout juste s’il ne cite pas les cosaques défilant sur les Champs-Élysées.

Dès lors, conclut au clairon Bernard Guetta, « il n’y a plus une seconde à perdre » pour pousser l’intégration militaire de l’Union européenne, en particulier « développer en commun les armes du futur et nous préparer ensemble aux nouvelles batailles, spatiales et numériques ». Et comme le hasard fait bien les choses, le renforcement d’une « défense européenne » était justement au menu des Vingt-sept début septembre, une réunion ministérielle où fut notamment évoqué le projet d’une force d’intervention rapide de l’UE de 5 000 hommes, dite de première entrée.

Obsédé par son envie d’exister au niveau mondial, Bruxelles tire donc de la catastrophe afghane – après deux décennies de tutelle occidentale, la moitié des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition – une conclusion affligeante : il faut plus d’Europe militaire. Sauf que cette trouvaille mille fois fantasmée, tout particulièrement par le maître de l’Elysée, n’a pas tardé à provoquer de nouveaux affrontements au sein des Vingt-sept. Pire : la « solidarité » européenne que Paris attendait après la gifle du contrat de vente de sous-marins à l’Australie, cassé par la volonté américaine, a été fort discrète, preuve qu’à Berlin notamment, le lien transatlantique demeure prioritaire.

Et à supposer qu’un improbable consensus soit trouvé, il restera à convaincre les peuples que l’urgence est à multiplier les interventions extérieures sous la bannière bleu-étoilée. Et ce, après que les solutions militaires eurent fait les miracles que l’on sait en Asie centrale, mais aussi au Sahel ou au Moyen-Orient.

Bon courage !

Pierre Lévy

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Ukraine : l’extraordinaire hypocrisie du camp atlantique (éditorial du n°120)

Par : pierre

Mardi 23 mars 1999. Une horde aérienne otanienne se déchaîne sur Belgrade. La campagne de bombardements sur la Serbie durera soixante-dix huit jours. Le pays sera finalement contraint d’admettre la sécession du Kosovo, prélude à la proclamation de l’indépendance de cette province historique serbe où a été établie une immense base militaire américaine. Slobodan Milosevic, que les Occidentaux avaient juré d’abattre, sera renversé l’année suivante. Le bilan humain de même que les destructions d’infrastructures et d’industries sont effroyables. Aujourd’hui, les Républiques ex-yougoslaves ont été intégrées à l’UE pour certaines, réduites à des confettis d’Etats impotents arrimés au camp atlantique pour les autres. Seule la Serbie tente de résister à des pressions redoublées.

Jeudi 20 mars 2003. Bagdad subit un déluge de fer et de feu. En une nuit, la capitale irakienne reçoit plus de bombes et de missiles que l’Ukraine lors des deux premiers mois de la guerre. Dans le viseur des Américains et de leurs alliés – hors France et Allemagne – figure Saddam Hussein. Le prétexte était la présence d’« armes de destruction massive » dont il est aujourd’hui établi qu’elles n’ont jamais existé. La « seconde guerre d’Irak » durera plus de huit ans, et ne sera pas loin de satisfaire au vœu du secrétaire d’Etat James Baker en 1991 : ramener ce pays « à l’âge de pierre ». Encore le martyre de celui-ci avait-il en réalité commencée une décennie plus tôt, avec un embargo aux conséquences terrifiantes. Interrogée sur les 500 000 enfants morts faute de soins ou de nourriture, l’Américaine Madeleine Albright affirma, quelques années plus tard que « oui, cela en valait le prix ».

La guerre et l’occupation engendrèrent Daech. L’Irak est aujourd’hui un Etat économiquement ruiné et politiquement déliquescent. L’état de l’Afghanistan, soumis à vingt ans de férule occidentale après l’invasion de 2001, est encore plus catastrophique. La Syrie elle aussi fut dans le viseur des Occidentaux, qui avaient rêvé de faire chuter Bachar el-Assad, bien trop non-aligné à leur goût. Faute d’avoir atteint cet objectif, ceux-ci étranglent désormais ce pays économiquement. Et que dire de la Libye, soumise en 2011 aux raids aériens qui visaient à faire chuter le colonel Khadafi ? C’est désormais un Etat failli, où, plus de dix ans plus tard, les clans s’affrontent sans qu’aucun pouvoir légitime n’émerge, là aussi dans le contexte d’une économie en ruine.

Ce bilan édifiant n’impose pas d’abdiquer tout esprit critique vis-à-vis de la guerre déclenchée par la Russie le 24 février. Il éclaire cependant l’hypocrisie des Etats-Unis et de l’Union européenne, prompts à revêtir les habits de défenseurs de la veuve et de l’orphelin ukrainiens, ainsi que de l’intégrité et de la souveraineté nationales. Surtout, il souligne l’inanité du mantra sans cesse répété par les dirigeants occidentaux selon lequel Moscou, par son agression, aurait détruit l’« ordre international fondé sur des règles issu de la fin de la seconde guerre mondiale ». La réalité est qu’après l’effacement de l’URSS, le camp atlantique a jugé que tout lui était permis.

Parmi les conséquences des guerres occidentales figure l’émergence de vagues massives d’émigration

Parmi les conséquences des guerres occidentales figure l’émergence de vagues massives d’émigration. Après le pic de 2015-2016, celle qui s’annonce constitue une source d’angoisse pour les dirigeants de l’UE, qui redoutent une nouvelle montée du « populisme ». De fait, après la levée des restrictions Covid, le nombre de migrants arrivant par les routes de la Méditerranée occidentale (Maroc), centrale (Libye, justement), ou orientale (Turquie, Balkans) est en passe de doubler voire de tripler, et cela n’est peut-être qu’un début. Or les Vingt-sept, malgré des années de négociation, continuent à s’opposer sur les procédures d’asile et la « répartition du fardeau ».

Cela a déjà provoqué une crise diplomatique entre Paris et Rome. Et risque désormais de constituer, après la crise énergétique et la crise économique – autant de dossiers lourds de divergences entre Etats membres – un nouveau et explosif sujet d’affrontements. Par exemple, alors que la Croatie est en passe de rejoindre l’espace Schengen, elle risque de voir sa frontière nord filtrée par la Slovénie, qui elle-même réagit aux mesures restrictives de l’Autriche – et tout à l’avenant. Ce qui réduit en miettes la libre circulation, une des fiertés de l’intégration européenne. Au point qu’à Bruxelles, certains redoutent le début d’une désintégration.

Ce ne serait, après tout, qu’un juste retour des choses.

Pierre Lévy

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Le second tour de l’élection présidentielle tchèque s’annonce serré

Par : pierre

Les 8,3 millions d’électeurs tchèques étaient convoqués les 13 et 14 janvier pour le premier tour de l’élection présidentielle. 68,2% d’entre eux se sont rendus aux urnes, soit une participation en hausse de 6,3 points par rapport au scrutin de janvier 2018 qui avait reconduit Milos Zeman – personnalité atypique et ancien dissident du Parti social-démocrate – à la tête de l’Etat. Arrivant au terme de son second mandat, celui-ci ne pouvait renouveler son bail au château de Prague (photo).

Si la politique intérieure a polarisé les débats, la personnalité des deux candidats arrivés en tête donne au duel du second tour, qui aura lieu les 27 et 28 janvier, une dimension qui dépasse les frontières du pays. Et ce, même si les prérogatives présidentielles sont modestes au regard de celles du chef de gouvernement.

Avec 35,4% des suffrages, Petr Pavel, novice sur la scène politique, est arrivé de justesse en première position. Candidat « indépendant », cet ancien parachutiste de 61 ans fut chef d’état-major des forces armées tchèques de 2012 à 2015 ; il présida ensuite le comité militaire de l’OTAN, de 2015 à 2018. Il est donc un fervent atlantiste et un partisan inconditionnel de l’intégration européenne. Il a promis, durant sa campagne de « restaurer la dignité de la fonction présidentielle ».

Il sera donc opposé à l’ancien premier ministre Andrej Babis qui a rassemblé 35% des voix. Cet ancien homme d’affaires, décrit comme la cinquième fortune du pays, s’était lancé en politique en 2011 sur le thème de la lutte contre la corruption, ce qui constitua, lors des législatives de 2013, le cœur de la campagne du parti qu’il avait alors fondé, l’ANO. Libéral, il braconna en particulier au sein de l’électorat de droite.

A la suite des élections législatives de 2017, il accéda finalement à la tête du gouvernement, après une campagne cette fois plutôt tournée vers les électeurs de gauche. L’ANO forma alors une coalition avec la Parti social-démocrate comme partenaire minoritaire.

Quatre ans plus tard, en octobre 2021, l’ANO, bien qu’arrivé en tête lors du nouveau scrutin législatif, fut relégué dans l’opposition du fait d’une alliance entre les deux coalitions de droite – une classique, et l’autre associant des « maires indépendants » et le Parti pirate. Depuis fin 2021, c’est l’europhile Petr Fiala du parti ODS (une formation conservatrice anciennement légèrement eurosceptique) qui dirige une majorité plutôt hétéroclite, surtout unie par son engagement particulièrement anti-russe sur le plan international. Dans la dernière période, Prague a ainsi rejoint la Pologne et les pays baltes au sein du camp des ultras dans le soutien, notamment militaire, à l’Ukraine.

M. Babis est pour sa part loin d’être un pro-russe. Cependant, opportuniste dans ses options politiques, il avait plaidé en son temps pour de meilleures relations, notamment commerciales, avec Moscou. Il avait par ailleurs parfois dénoncé la « folie environnementale » de la Commission européenne, ce qui ne l’avait pas empêché de voter le « Paquet vert » proposé par celle-ci.

Quoiqu’il en soit, il n’est guère en odeur de sainteté à Bruxelles où il est vu comme un « populiste », d’autant qu’il a fait l’objet de procédures de la justice tchèque : il aurait manœuvré pour qu’une filiale de son groupe Agrofert (agrobusiness, alimentation, chimie, énergie, médias…) bénéficie de subventions européennes. Quelques jours avant le scrutin, il a cependant été acquitté. Par ailleurs, il n’a jamais caché sa proximité avec le premier ministre hongrois, Viktor Orban, célèbre bête noire de Bruxelles.

En outre, la candidature de M. Babis au scrutin présidentiel, décidée après une tournée dans le pays cet été, est soutenue par l’actuel président Zeman. Or ce dernier a longtemps été considéré comme un sympathisant de Pékin et un allié de Moscou. Cependant, sur ce dernier point, Milos Zeman avait tourné casaque en février dernier et dénoncé « l’opération militaire spéciale » en Ukraine déclenchée par le Kremlin.

Il n’empêche : le soutien du président sortant à M. Babis reste clivant. Ce dernier a du reste fait ses meilleurs scores dans les régions les plus modestes du pays, alors que Petr Pavel a mis plutôt de son côté les électeurs urbains, notamment de la capitale.

Des manifestations massives s’étaient déroulées en septembre dernier pour protester contre la hausse des prix provoquée par les sanctions de l’UE contre la Russie et exiger la levée de celles-ci

La campagne a été marquée par des enjeux économiques et sociaux. Le gouvernement actuel est comptable d’une inflation qui s’élève à 15,8%. Le prix de l’énergie et le montant des loyers ont été au cœur des préoccupations de nombreux électeurs. Et ce, dans un pays où une part importante des citoyens ne se reconnaît pas dans l’orientation anti-russe impulsée depuis un an : des manifestations massives s’étaient déroulées en septembre dernier pour protester contre la hausse des prix provoquée par les sanctions de l’UE contre la Russie, exiger la levée de celles-ci et demander la neutralité du pays dans la guerre en Ukraine. Il est probable que M. Babis – par opposition à M. Pavel – ait bénéficié du vote d’une part de ces citoyens en colère.

Etrangeté du scrutin, la coalition de droite classique (ODS, chrétiens-démocrates et ultra-libéraux de TOP 09) soutenait… trois candidats. Parmi ceux-ci l’ancien militaire, mais aussi une économiste de 44 ans, Danuse Nerudova. Celle-ci bénéficiait par ailleurs de l’appui du parti social-démocrate qui avait retiré son candidat initial en sa faveur. Mme Nerudova, donnée par les sondages d’avant-scrutin dans un mouchoir de poche avec les deux autres concurrents, n’obtient finalement que 13,9% des suffrages. Elle a appelé ses partisans à se rallier à M. Pavel. Pour leur part, les cinq autres postulants obtiennent moins de 7%.

Le second tour devrait donc ressembler à une vaste alliance « anti-Babis », ce qui laisse arithmétiquement peu de chances à l’ancien premier ministre. Les analystes pragois restent cependant prudents : en 2018, Milos Zeman était donné battu dans une configuration comparable, et l’avait finalement emporté sur le fil.

De plus, pronostiquent de nombreux médias tchèques, la dernière ligne droite de la campagne devrait être « sale », les deux hommes s’accusant mutuellement d’avoir été au service du pouvoir communiste tchécoslovaque dans les années 1980. Pas sûr cependant que ces références historiques passionnent les électeurs.

Quoiqu’il en soit, il n’est pas difficile d’imaginer de quel côté penche le cœur de Bruxelles, qui compte prendre sa revanche sur la victoire de M. Zeman en 2018.

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Les deux handicaps du mouvement populaire

Par : pierre

Le Conseil constitutionnel va-t-il valider, totalement ou partiellement, la réforme des retraites ? Va-t-il donner son feu vert à une « référendum d’initiative partagée » portant sur ce thème ? On connaîtra ses décisions vendredi 14 avril, le lendemain d’une nouvelle journée d’action qui pourrait rassembler encore beaucoup de monde, même si la tendance récente était plutôt à la décrue du nombre de manifestants.

En outre, les dirigeants syndicaux ne manquent pas de le souligner : les sondages affirment que le texte gouvernemental se heurte à l’hostilité d’une partie considérable de la population, évaluée à plus de 70%. Et ce, alors que la loi reculant de deux ans l’âge de la retraite a été formellement adoptée le 16 mars grâce à l’utilisation de l’article 49-3 de la constitution qui permet à l’exécutif d’imposer son projet sans vote de l’Assemblée nationale, pour peu que celle-ci n’adopte pas une motion de censure dans la foulée.

Ce passage en force a renforcé la colère populaire et la participation aux manifestations. De nombreux commentateurs – y compris ceux proches du pouvoir – s’interrogent sur la durée de la crise politique qui se profile : le premier ministre, Elisabeth Borne, dépourvue d’une majorité absolue à l’Assemblée, va-t-elle pouvoir rester en place ? Et comment peut se poursuivre le second mandat du président de la République lui-même, qui ne s’achève que dans quatre ans ?

Il est toujours hasardeux de prédire avec certitude l’avenir d’un mouvement social, et sa capacité à obtenir gain de cause. Il faut donc rester prudent. Mais deux facteurs de fond laissent à penser que le chef de l’Etat pourrait bien réussir à imposer sa réforme.

Le premier tient à la nature de la mobilisation. Bien sûr, les manifestations sont massives ; bien sûr, l’« opinion publique » reste très largement opposée au recul social majeur qui consiste à imposer de travailler deux années de plus ; bien sûr, certains secteurs sont particulièrement mobilisés – c’est le cas pour les transports, les raffineries ou bien le ramassage des ordures. Cela a provoqué des conséquences spectaculaires.

Mais tous ces éléments ne sont pas forcément déterminants dans le rapport de forces, comparés à ce qui serait décisif pour faire échec au projet contesté : une grève massive qui s’étendrait à des milliers d’entreprises, d’usines, de bureaux – ce qui est très loin d’être le cas. Les références en la matière restent 1936 (le Front populaire) ou mai-juin 1968.

Même en 1995, mouvement souvent cité en exemple, la grève longue et massive des cheminots et d’autres services publics avait certes suspendu la suppression de régimes spéciaux des retraites, mais n’avait nullement empêché une réforme radicale de la Sécurité sociale. C’est aussi de cette année là que date l’expression « grève par procuration ».

Applaudir, répondre à un sondeur, même manifester, cela n’a jamais pu remplacer une mobilisation de masse dans les entreprises.

Le même phénomène renaît aujourd’hui : des millions de citoyens sympathisent avec les grévistes de quelques secteurs particuliers, mais leur disent en substance : continuez, votre combat est le nôtre, on vous soutient. Ce n’est probablement pas ainsi que le rapport de force pourra basculer. Applaudir, répondre à un sondeur, même manifester, cela n’a jamais pu remplacer une mobilisation de masse dans les entreprises.

Le second facteur est l’aveuglement quant aux responsabilités réelles de la réforme, qui est à chercher du côté de Bruxelles – ce qui ne disculpe en rien le président français, co-auteur des orientations décidées au niveau européen. L’aveuglement ? Ou, pire, la cécité volontaire de ceux qui cherchent à tout prix à épargner l’Union européenne dans l’espoir (absurde) que celle-ci devienne « plus sociale ».

Certes, il n’y a pas de directive de l’UE qui impose un âge unifié de la retraite dans tous les pays membres. Mais il y a bien une pression multiforme pour tirer ce dernier, partout, vers le haut. L’Espagne en est un exemple, ou, malgré des « mesures de justice » compensatoires mises en avant par le gouvernement « de gauche » dans sa récente réforme, l’âge de départ s’établit à 66 ans, et passera à 67.

Le Conseil de l’UE avait recommandé à la France, le 12 juillet 2022, de réformer le système de pensions. Puis la Commission européenne avait laissé filtrer, avant la présentation de la réforme par Emmanuel Macron, une certaine impatience : « jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a encore été précisée ».

En outre, le président français ambitionne d’être un leader majeur de l’Union, mais a besoin pour ce faire d’être crédible vis-à-vis de ses homologues, notamment face à Berlin. Il veut donc apparaître comme un réformateur zélé.

Dans les conclusions du sommet européen de 2002, à Barcelone, figure la consigne de « chercher à augmenter d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ».

Et pour qui aurait encore des doutes sur le lieu du crime et les auteurs de ce dernier, il faut rappeler le Conseil européen de Barcelone qui date de… mars 2002. Dans les conclusions de ce sommet figure en toutes lettres la consigne de « chercher d’ici à 2010 à augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ».

A l’époque, le président Jacques Chirac (droite) et le premier ministre Lionel Jospin (socialiste) avaient avalisé cette rédaction. Au point que le pourtant très pro-UE François Bayrou (centriste aujourd’hui associé à la majorité d’Emmanuel Macron) avait vivement réagi : « Jacques Chirac et Lionel Jospin ont signé une décision capitale sur l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites en Europe. Qui en a débattu ? Qui en a dit un mot ? Quel citoyen, quel député, quel parlementaire a été invité à la préparation de cette décision capitale ? Personne ».

Au Parlement français, aucune force politique n’évoque la perspective de se libérer du carcan de l’UE

Aujourd’hui, l’engagement de Barcelone continue d’orienter les politiques actuelles, au nom de la gestion « rigoureuse » des finances publiques… et à la plus grande satisfaction des « marchés » financiers.

Mais au Parlement français, aucune force politique n’évoque la perspective de se libérer du carcan de l’UE : ni les députés macronistes bien sûr, ni ceux de la droite classique, ni ceux de la gauche traditionnelle – mais pas plus ceux souvent étiquetés à l’extrême gauche ou à l’extrême droite.

Tant que ce déni perdurera, le mouvement social, aussi puissant soit-il, souffrira d’un handicap limitant fortement ses chances de succès.

Pierre Lévy

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