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Conseil européen de printemps : qui va payer pour les armes ?…

Par : pierre

Le spectre d’un échec occidental en Ukraine a plané sur les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept réunis à Bruxelles les 21 et 22 mars. Au point que ce Conseil européen de printemps a été presque exclusivement consacré à la guerre et aux dossiers qui y sont liés.

« La Russie ne doit pas l’emporter » affirme la déclaration finale dès son premier paragraphe. Cette proclamation pourrait sembler banale de la part de l’UE. Pourtant, il y a quelques mois encore, les dirigeants européens ne jugeaient pas utile de la marteler, tant la victoire de Kiev, massivement soutenu par les Occidentaux, semblait aller de soi.

Désormais, l’ambiance a radicalement changé. L’armée russe avance, notamment sur le front du Donbass. Et les forces ukrainiennes paraissent chaque jour en plus mauvaise posture. Quelques jours avant le sommet, Emmanuel Macron résumait l’état d’esprit de la plupart de ses collègues : « si on laisse l’Ukraine seule, si on la laisse perdre cette guerre, la Russie menacera à coup sûr la Moldavie, la Roumanie, la Pologne ». Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, enchérissait peu après, dans le quotidien français Libération : « si nous n’apportons pas suffisamment d’aide à l’Ukraine pour arrêter la Russie, nous serons les suivants ».

Dans ces conditions, le sommet a pris des allures de conseil de guerre, sans cependant réussir à effacer les divergences et contradictions entre Etats membres. A propos notamment de cette question particulièrement sensible en période de restriction budgétaire : où trouver l’argent ?

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Conseil européen de printemps : qui va payer pour les armes ?

Par : pierre

Le spectre d’un échec occidental en Ukraine a plané sur les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept réunis à Bruxelles les 21 et 22 mars. Au point que ce Conseil européen de printemps a été presque exclusivement consacré à la guerre et aux dossiers qui y sont liés.

« La Russie ne doit pas l’emporter » affirme la déclaration finale dès son premier paragraphe. Cette proclamation pourrait sembler banale de la part de l’UE. Pourtant, il y a quelques mois encore, les dirigeants européens ne jugeaient pas utile de la marteler, tant la victoire de Kiev, massivement soutenu par les Occidentaux, semblait aller de soi.

Désormais, l’ambiance a radicalement changé. L’armée russe avance, notamment sur le front du Donbass. Et les forces ukrainiennes paraissent chaque jour en plus mauvaise posture. Quelques jours avant le sommet, Emmanuel Macron résumait l’état d’esprit de la plupart de ses collègues : « si on laisse l’Ukraine seule, si on la laisse perdre cette guerre, la Russie menacera à coup sûr la Moldavie, la Roumanie, la Pologne ». Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, enchérissait peu après, dans le quotidien français Libération : « si nous n’apportons pas suffisamment d’aide à l’Ukraine pour arrêter la Russie, nous serons les suivants ».

Dans ces conditions, le sommet a pris des allures de conseil de guerre, sans cependant réussir à effacer les divergences et contradictions entre Etats membres. A propos notamment de cette question particulièrement sensible en période de restriction budgétaire : où trouver l’argent ?

Pris ensemble, les gouvernements nationaux et l’UE elle-même ont déjà dépensé 31 milliards d’euros en soutien militaire (c’est-à-dire en plus des financements civils en faveur de Kiev). A Bruxelles, on prévoit une rallonge de 20 milliards d’ici décembre 2024. Le pot global européen baptisé « Facilité européenne pour la paix », finançant les soutiens militaires de l’UE partout dans le monde, vient d’être réformé et abondé de 5 milliards fléchés vers l’Ukraine.

Mais, au regard des masses d’armes, de munitions, d’équipements et de systèmes militaires que les stratèges européens jugent nécessaires à Kiev, et qu’ils souhaitent produire eux-mêmes ou acquérir à l’extérieur, cela ne suffit pas.

Les Vingt-sept vont réquisitionner les intérêts des avoirs russes

Une première piste, proposée par la Commission européenne fin février, a été validée : les Vingt-sept vont réquisitionner les intérêts des avoirs russes déposés dans des institutions européennes et qui ont été gelés en mars 2022. Ces dépôts, évalués à 200 milliards de dollars, ont généré 4,7 milliards d’euros de produits financiers, sur lesquels Bruxelles va mettre la main.

Une fois retirées les taxes belges, 90% de cette manne sera utilisée pour les besoins militaires de Kiev. Le reste financera la « reconstruction de l’Ukraine », ce qui était l’idée initiale. Cette clause permet aux Etats « neutres » (hors OTAN, comme l’Autriche ou l’Irlande) de ne pas violer leur constitution qui interdit la fourniture d’armes à des pays en guerre.

Il est à noter que certains gouvernements « ultras » préconisaient de s’approprier non seulement les intérêts, mais aussi les avoirs russes eux-mêmes. Cette suggestion n’a pas été suivie : pour la plupart des experts, elle aurait constitué un vol encore plus manifeste au regard du droit, avec de possibles fuites d’investisseurs internationaux, effrayés par des procédures aussi arbitraires dont ils pourraient un jour être victimes.

Deuxième piste : « la Banque européenne d’investissement est invitée à adapter sa politique de prêt à l’industrie de la défense » indiquent les conclusions du sommet. Ladite BEI, selon ses statuts, ne peut que financer des investissements dans les infrastructures civiles, par exemple en faveur du climat et de l’environnement. Les Vingt-sept, qui sont les actionnaires de cette institution, vont s’atteler à changer ces restrictions, et élargir la liste des produits à double usage (civil et militaire). Mais les dirigeants de la banque et certaines capitales ont mis en garde : techniquement, l’affaire est complexe. Mais la mobilisation de la BEI incitera le secteur privé (les fonds de pension, par exemple) à investir dans le secteur militaire, répliquent les partisans de cette voie.

La troisième piste divise fortement les Vingt-sept. Elle avait été suggérée par la cheffe du gouvernement estonien, puis immédiatement reprise par le président français. L’idée serait de lancer un nouvel emprunt commun auprès des marchés financiers, à l’image de ce qui avait été réalisé en 2020 afin de financer le « plan de relance post-Covid » pour un montant de 750 milliards d’euros. Cette fois, on évoque la somme de 100 milliards d’euros, à hauteur des ambitions de la « stratégie pour l’industrie de défense européenne » préparée par la Commission.

Bruxelles rêve également faire de l’UE une puissance militaire avec ses capacités de production communes

Car Bruxelles ne veut pas seulement soutenir Kiev, mais rêve également faire de l’UE une puissance militaire avec ses capacités de production communes. Sauf que, dans ce contexte, les oppositions au sein des Vingt-sept apparaissent sur plusieurs plans. A commencer par les éternelles divergences entre pays réputés « dépensiers » et donc tentés par le financement à crédit ; et ceux qualifiés de « pingres » pour leur attachement de principe à l’équilibre budgétaire.

Dans ce dernier camp, la Finlande et la Suède, d’autant plus belliqueuses qu’elles viennent d’adhérer à l’OTAN, pourraient assouplir leurs réticences traditionnelles. Ces gouvernements justifieraient cette entorse à leur « rigueur budgétaire » par l’état de guerre face à une Russie jugée au moins aussi dangereuse que le virus de 2020.

En revanche, ni Berlin, ni La Haye ne sont sur le point de valider un nouveau recours à de la dette commune. Cependant, les partisans de cette piste ne désespèrent pas ; ils font valoir que le processus n’en est qu’à ses débuts, et que l’idée fera son chemin. Surtout, les capitales les plus favorables à une Europe plus intégrée voient la guerre comme un occasion de faire avancer une Europe fédérale via la « solidarité budgétaire ».

Cette perspective et ces arguments ne font qu’aviver les contradictions au sein des Vingt-sept, à un moment où l’accélération de l’intégration européenne est moins populaire que jamais – ce qui risque de se voir lors des élections européennes de juin prochain.

A cela s’ajoute les réticences de certains gouvernements à confier plus de pouvoirs à la Commission en matière de décisions portant sur les industries nationales de défense. Berlin affirme que pour des transferts militaires vers Kiev, Bruxelles n’est nullement un intermédiaire nécessaire – même si le sujet divise la coalition tripartite au pouvoir.

Pour certains produits agricoles ukrainiens, les importations vers l’Europe « ont été multipliées par cinq ou dix », déstabilisant les marchés

Plusieurs autres sujets, également liés à l’Ukraine ont également fait apparaître les divisions au sein du Conseil. Ainsi, lors de la réunion, le président ukrainien, invité à s’exprimer en téléconférence (photo), n’a pas manqué de sermonner les participants à propos des restrictions nouvellement imposées aux produits agricoles de son pays.

Ces importations avaient été dispensées de droits de douane vers l’UE par une mesure de « solidarité » avec Kiev prise en juin 2022. S’en est suivie une déstabilisation des marchés, notamment en Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Roumanie : céréales, volailles, œufs, sucre et fruits et légumes y ont afflué en masse, submergeant les producteurs locaux. Même les pays de l’Ouest, comme la France, en ont subi les contrecoups. Ce fut un des grands thèmes des manifestations d’agriculteurs qui ont touché près d’une vingtaine des pays de l’Union. Pour certains produits agricoles ukrainiens, a rappelé le Emmanuel Macron, les importations vers l’Europe « ont été multipliées par cinq ou dix » depuis le début de la guerre.

Certains gouvernements – même les plus pro-Kiev, comme Varsovie – ont donc décidé de restrictions unilatérales d’importations, inquiétudes électorales obligent. Un jeu s’est ensuite développé entre les pays, la Commission et l’europarlement pour déterminer des seuils de rétablissement des droits de douane selon les produits, et pour fixer des années de référence. Le Conseil n’a pas tranché, les décisions sont encore à venir, et seront probablement changeantes. Volodymyr Zelensky s’est dès lors plaint d’« érosion de la solidarité », et ce, alors même qu’en matière de céréales notamment, la production est réalisée par d’immenses exploitations (souvent possédées par des grands groupes occidentaux), à très bas coûts.

La probabilité que les négociations aboutissent à des adhésions effectives est quasi-nulle

Par ailleurs, les Vingt-sept ont validé le principe de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE de la Bosnie-Herzégovine. Ce pays est très loin de remplir les critères requis pour intégrer le club européen, mais certaines capitales considèrent qu’il y a urgence à arrimer les pays des Balkans à l’UE pour les préserver de la supposée influence russe, et qu’il serait dangereux de découpler ce processus d’adhésion concernant la Bosnie de celui proposé à l’Ukraine et à la Moldavie.

Pour ces deux pays, les négociations ont officiellement été déclarées ouvertes en février ; la Commission a depuis lors établi un « cadre de négociations », une sorte de feuille de route, qui doit encore être approuvé à l’unanimité par les Vingt-sept. Certains pays, comme la France, freinent officieusement, craignant des retombées électorales en juin : la perspective de voir arriver des pays très pauvres, et notoirement corrompus, est très impopulaire. Les discussions proprement dites pourraient bien ne pas démarrer ce semestre, et sans doute pas non plus au second, sous présidence tournante hongroise.

Quant à la Bosnie, le Conseil vient donc de demander à la Commission d’élaborer un cadre de négociation – soit un cran derrière Kiev et Chisinau dans la procédure.

En réalité, ces décisions sont surtout symboliques. Non seulement lesdites négociations, au grand dam de Kiev notamment, devraient durer une décennie ; mais leur probabilité d’aboutir à des adhésions effectives est quasi-nulle. En effet, les plus lucides des dirigeants européens savent que cela signifierait l’éclatement de l’UE qui serait confrontée à une hétérogénéité sans précédent.

A bien plus court terme, le Conseil a, quoi qu’il en soit, appelé à faire passer l’UE en mode « économie de guerre ». Les peuples risquent d’en être les grands perdants.

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Conseil européen : Viktor à la Pyrrhus…

Par : pierre

Le 1er février, plus d’un millier de tracteurs convergeaient vers Bruxelles en provenance de différents pays de l’UE. Les agriculteurs voulaient ainsi prolonger la mobilisation qui s’est développée dans une dizaine de pays ces dernières semaines, notamment en Allemagne et en France.

La Commission a été contrainte d’annoncer des concessions notamment la mise au frigo de certaines dispositions du « Pacte vert », la diminution de la paperasserie bureaucratique, ou bien la suspension du processus devant aboutir à un traité de libre échange avec le Mercosur (quatre pays d’Amérique du sud).

Pour autant, le mouvement ne semble pas terminé. Des manifestations sont apparues ces jours-ci dans de nouveaux pays, comme l’Espagne et l’Italie. Car au-delà des revendications à court terme, les exploitants agricoles, notamment les petits et les moyens, ont un objectif fondamental : pouvoir vivre de leur travail plutôt que de subventions, et cela grâce à des prix rémunérateurs protégés de l’intenable concurrence mondiale.

Les organisateurs de la manifestation à Bruxelles n’avaient pas choisi la date au hasard. Les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement avaient en effet prévu ce jour-là un sommet extraordinaire. C’était donc l’occasion de se faire entendre au plus haut niveau, même si l’ordre du jour du Conseil, en l’occurrence le déblocage de dizaine de milliards d’euros en faveur de Kiev, n’avait que peu de rapport avec les revendications du monde rural.

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Conseil européen : Viktor à la Pyrrhus

Par : pierre

Le 1er février, plus d’un millier de tracteurs convergeaient vers Bruxelles en provenance de différents pays de l’UE. Les agriculteurs voulaient ainsi prolonger la mobilisation qui s’est développée dans une dizaine de pays ces dernières semaines, notamment en Allemagne et en France.

La Commission a été contrainte d’annoncer des concessions notamment la mise au frigo de certaines dispositions du « Pacte vert », la diminution de la paperasserie bureaucratique, ou bien la suspension du processus devant aboutir à un traité de libre échange avec le Mercosur (quatre pays d’Amérique du sud).

Pour autant, le mouvement ne semble pas terminé. Des manifestations sont apparues ces jours-ci dans de nouveaux pays, comme l’Espagne et l’Italie. Car au-delà des revendications à court terme, les exploitants agricoles, notamment les petits et les moyens, ont un objectif fondamental : pouvoir vivre de leur travail plutôt que de subventions, et cela grâce à des prix rémunérateurs protégés de l’intenable concurrence mondiale.

Les organisateurs de la manifestation à Bruxelles n’avaient pas choisi la date au hasard. Les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement avaient en effet prévu ce jour-là un sommet extraordinaire. C’était donc l’occasion de se faire entendre au plus haut niveau, même si l’ordre du jour du Conseil, en l’occurrence le déblocage de dizaine de milliards d’euros en faveur de Kiev, n’avait que peu de rapport avec les revendications du monde rural.

Quoique. Parmi les exigences paysannes figure la remise en place de barrières douanières sur les exportations agricoles ukrainiennes. Les énormes quantités de céréales, mais aussi de fruits et légumes et de viande, constituent une concurrence particulièrement déloyale pour les pays en première ligne (Pologne, Roumanie, Hongrie…) puisque les exploitants ukrainiens ne sont soumis à aucune des règles et contraintes (notamment sanitaires et phytosanitaires) qui prévalent dans l’UE. Mais les pays de l’ouest tels que la France sont également victimes de cette situation, comme en témoigne la hausse considérable des achats de volaille par les grands industriels et les centrales d’achat.

Finalement, les Vingt-sept envisagent de réintroduire quelques protections face à l’afflux de produits ukrainiens, une concession qui n’aurait jamais vu le jour sans la colère des agriculteurs. Bruxelles avait en effet retiré ces droits de douane l’année dernière pour afficher sa « solidarité sans faille » avec le gouvernement de Kiev. Les conséquences désastreuses pour les paysans de l’UE étaient pourtant prévisibles (ce qui donne une idée des effets cataclysmiques si un jour l’Ukraine adhérait en bonne et due forme à l’Union).

Le 1er février, le point unique à l’ordre du jour était le transfert vers l’Ukraine de 50 milliards d’euros

On sait que l’activisme pro-Kiev des dirigeants européens est sans limite : sanctions anti-russes, fourniture d’armes, d’équipements et munitions… Le 1er février, le point unique à l’ordre du jour était le transfert vers l’Ukraine de 50 milliards d’euros (33 milliards de prêts à taux réduit, et même 17 milliards de dons purs et simples). Cette perfusion financière considérable, programmée sur quatre ans, vise en fait à maintenir la tête hors de l’eau au régime de Kiev, dont l’économie est exsangue – et le restera. Elle s’inscrit dans la modification en cours du budget pluriannuel (2021-2027) de l’UE.

Cette dernière, selon les chiffres de la Commission, a déjà déversé 85 milliards sur ce pays depuis 2022 hors aide militaire proprement dite… L’objectif géopolitique est d’abord de tenir face à la Russie. Mais aussi d’envoyer un message de fierté et d’encouragement au président américain : celui-ci bataille face à la chambre des représentants, dominée par les amis de Donald Trump, qui bloque pour l’instant les transferts financiers de Washington vers Kiev.

Mais les dirigeants européens avaient un problème : lors de leur précédent sommet, le 14 décembre dernier, la modification du budget pluriannuel, et donc le déblocage des fonds promis à l’Ukraine, s’était heurté à l’opposition du premier ministre hongrois, alors que l’unanimité était nécessaire. Viktor Orban avait certes fini par accepter tacitement le démarrage des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, mais était resté ferme contre le versement des milliards.

Il avait ainsi semé la consternation et la fureur parmi ses pairs, qui l’accusent régulièrement d’être une « marionnette » de Moscou. Ainsi, en fin d’année dernière, le dirigeant hongrois avait osé serrer la main de Vladimir Poutine face aux caméras. « La Hongrie n’a jamais voulu affronter la Russie » avait-il alors déclaré en précisant que son pays « a toujours poursuivi l’objectif de construire et de développer la meilleure forme de communication » avec Moscou.

Pour les dirigeants européens, cette déclaration iconoclaste constitue un crime supplémentaire de celui qui est devenu, au fil des ans, la bête noire de Bruxelles. Une procédure est du reste en cours depuis des années contre la Hongrie accusée par la Commission et l’europarlement de violer l’« Etat de droit ». Conséquence : Budapest, qui, comme chaque Etat membre, est normalement destinataire de fonds bruxellois (notamment du plan de relance communautaire), attend toujours. Ou plutôt attendait.

Selon une méthode bruxelloise bien connue, quand on échoue une fois, on essaye à nouveau jusqu’à obtenir la « bonne » réponse

Car la veille du sommet du 14 décembre, la Commission avait fait un geste (à la fureur des ultras) en débloquant 10 milliards sur les 30 promis. Et ce, dans l’espoir que Viktor Orban assouplirait sa position. Ce qui fut donc le cas pour la perspective des négociations d’adhésion, mais pas pour les subsides en faveur de Kiev.

Mais, selon une méthode bruxelloise bien connue, quand on échoue une fois, on essaye à nouveau jusqu’à obtenir la « bonne » réponse. D’où le sommet de rattrapage du 1er février. Quelques jours avant la tenue de celui-ci, les conjectures allaient donc bon train : le dirigeant hongrois allait-il persister dans son veto ? Les pressions sur Budapest se sont alors multipliées. L’ambassadeur américain dans la capitale hongroise les a ouvertement soutenues.

Le Financial Times dévoila même un document selon lequel le Conseil allait annoncer que la Hongrie, si elle ne se soumettait pas, pourrait dire adieu pour longtemps à l’argent européen. But avoué de la note théoriquement confidentielle et de sa révélation opportune : saboter l’économie hongroise en effrayant les marchés financiers. Le pays serait alors privé d’investissements, donc oumis à des déficits croissants et à la chute de sa monnaie (la Hongrie n’a pas adopté l’euro). Le Conseil a mollement démenti, indiquant qu’il ne s’agissait que d’un document de travail…

La manœuvre aura-t-elle été efficace ? Alors que les diplomates et journalistes prévoyaient un sommet à rallonge et d’interminables bras de fer, le président du Conseil annonçait, un quart d’heure seulement après l’ouverture de la réunion, qu’un accord était trouvé au sein des Vingt-sept : le paquet de 50 milliards était validé, avec même la perspective d’un premier virement de 4,5 milliards début mars.

En échange, M. Orban obtenait trois concessions : la Commission devra établir un rapport annuel sur l’utilisation des fonds par Kiev ; un point sera fait dans deux ans si les Vingt-sept le demandent ; et, s’agissant des fonds communautaires gelés devant revenir à la Hongrie, le pays sera traité de manière « juste et équitable », confirmation implicite que, jusqu’à présent, le blocage de ces fonds constituait bien un pur moyen de pression politique.

Qu’un accord ait finalement pu être trouvé en quelques minutes laisse à penser que le « deal » et sa dramaturgie avaient été préparés en amont. Sans doute pour y mettre une dernière main, une réunion le matin même avait mis en présence en petit comité les dirigeants de trois pays (Allemagne, France, Italie), les chefs du Conseil et de la Commission, et M. Orban. Quoiqu’il en soit, au vu de ces maigres contreparties obtenues par ce dernier, ses nombreux adversaires n’ont pas tardé à triompher, arguant qu’il avait capitulé en rase campagne.

Est-ce si simple ? Bien sûr, les pressions n’ont pas été sans effet sur la conclusion – provisoire – de l’affrontement. Mais il serait erroné de décrire le dirigeant hongrois comme un adversaire de l’Union européenne, ou bien comme un fidèle du président russe, même s’il refuse toujours que son pays expédie ou laisse transiter des armes vers l’Ukraine.

Il fait plutôt figure de fin tacticien, défenseur de ce qu’il estime être les intérêts hongrois. Et il a toujours su ne pas prendre le risque d’un affrontement massif avec Bruxelles dans lequel le rapport de force ne pourrait pas être en faveur d’un pays de 10 millions d’habitants face au reste du bloc. Ainsi, il a laissé passer les douze paquets de sanctions visant Moscou, dont l’adoption requiert l’unanimité.

Mais il a su aussi imposer ses propres « lignes rouges » : le pays importe toujours ses hydrocarbures de Russie, et empêche a fortiori que des sanctions européennes touchent sa coopération avec Moscou dans le domaine de l’énergie nucléaire. Cela devrait être encore le cas pour le treizième paquet, imminent.

Et en lâchant du lest sur le bras de fer des 50 milliards, M. Orban reste dans le jeu pour tenter d’influer sur les prochaines décisions. C’est ce que ses nombreux adversaires européens nomment son « pouvoir de nuisance ». Ces derniers enragent face à cette épée de Damoclès, et n’osent même plus discuter de questions stratégiques à Vingt-sept, de peur, affirment-ils, que les secrets des Européens soient transmis à Vladimir Poutine.

Viktor Orban peut défendre une position moins va-t-en guerre que ses pairs parce qu’il s’appuie sur une aspiration pacifiste

Pour l’heure, deux éléments méritent d’être soulignés après cet épisode. D’une part, la confirmation que les dirigeants de l’UE n’hésitent à exercer aucune pression pour tenter de faire rentrer un pays dans le rang. Ce qui est nouveau, c’est qu’ils s’en vantent.

D’autre part et surtout, Viktor Orban peut défendre une position moins va-t-en guerre que ses pairs parce qu’il s’appuie sur une aspiration pacifiste de son peuple, une aspiration qui est partagée dans d’autre pays. Cela vaut particulièrement en Slovaquie, voire en Autriche, où les gouvernements ne sont pas les plus russophobes. Cela vaut également en Italie ou en Bulgarie, malgré le tropisme ultra-atlantistes des gouvernants actuels.

En dernière analyse, c’est bien l’état d’esprit des peuples qui sera de plus en plus déterminant. D’où la nervosité bruxelloise.

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Un sommet des faux-semblants…

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

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Un sommet des faux-semblants

Par : pierre

Ce devait être un Conseil européen crucial, explosif et à rallonge. Ce fut un sommet des faux-semblants. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, réunis les 14 et 15 décembre, avaient à leur menu deux dossiers, en particulier, qui promettaient des affrontements sérieux. Au point que plusieurs participants avaient confié qu’ils s’étaient munis de nombreux chemises ou corsage pour tenir plusieurs jours – jusqu’à Noël avaient même plaisanté l’un d’entre eux.

Finalement, la réunion s’est achevée dans les délais initialement prévus. Les deux points controversés – l’un et l’autre concernant particulièrement l’Ukraine – ont finalement été traités dès la première journée, avec un point commun : les décisions (ou non décisions) pourront être inversées début 2024…

Élargissement : les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels

Le premier dossier concernait l’élargissement de l’UE. Le Conseil européen a ainsi donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi avec la Bosnie-Herzégovine. Les deux premiers pays s’étaient vu accorder le statut officiel de pays candidat en juin dernier (le troisième l’avait déjà).

Il y a cependant un « mais » : les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les « recommandations » que leur avait fixées la Commission européenne en novembre seront remplies (il reste « du travail » à faire, selon Bruxelles, notamment sur les lois anti-corruption à mettre en place), et que les Vingt-sept l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Autant dire que les feux verts accordés sous les projecteurs médiatiques sont plus symboliques que réels.

Cela n’a pas empêché les uns et les autres de pousser des cris de joie. A commencer par le président ukrainien (photo, en vidéo lors du Conseil) qui s’est écrié : « c’est une victoire pour l’Ukraine, une victoire pour toute l’Europe, une victoire qui motive, inspire et renforce ». Le président du Conseil européen, Charles Michel (photo, à droite), s’est réjoui d’un « signal politique très fort », tandis que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qualifiait la décision de « stratégique » (le plus haut compliment dans le jargon bruxellois).

La plupart des participants se sont exprimés à l’unisson. « Une décision historique » a salué de loin la Maison-Blanche, l’Oncle Sam considérant manifestement qu’il est un peu chez lui à Bruxelles.

Viktor Orban a accusé ses collègues de piétiner délibérément leurs propres règles

Comme attendu, la seule fausse note publique est venue du premier ministre hongrois. Viktor Orban a qualifié la décision d’« insensée ». Il a accusé ses collègues de piétiner délibérément leurs propres règles, à savoir l’ouverture de négociations sur la seule base du « mérite », autrement dit en examinant si les conditions requises sont remplies. Au lieu de cela, les participants n’ont pas caché vouloir, par cette décision, envoyer un « message à Moscou », à savoir : l’Ukraine appartient à la sphère occidentale.

Deux types de raisons peuvent expliquer ce cavalier seul de Budapest. D’une part, de nombreux observateurs estiment qu’il s’agit de négocier le versement des 22 milliards que Bruxelles doit à la Hongrie, mais qui ont été gelés par la Commission tant que le gouvernement de ce pays viole « l’état de droit » (notamment en matière d’indépendance de la justice). Du reste, Bruxelles avait débloqué partiellement (10 milliards) quelques jours avant le sommet, espérant ainsi assouplir la position hongroise – une concession dénoncée par de nombreux eurodéputés, qualifiant cette concession de « pot de vin » accordé à M. Orban.

D’autre part, ce dernier est bien conscient des conséquences économiques et sociales catastrophiques qu’une adhésion de pays particulièrement pauvres aurait pour l’UE en général, pour les pays d’Europe centrale en particulier.

Du reste, les cadeaux déjà offerts à l’Ukraine provoquent en ce moment même la révolte des chauffeurs routiers polonais, qui, victimes de cette concurrence nouvelle, bloquent de nombreux poins de passage aux frontières. Quant à la politique agricole commune, elle « s’effondrerait si nous (la) laissions telle qu’elle est et que nous élargissions l’UE à l’Ukraine, à la Moldavie et aux pays des Balkans occidentaux », a estimé le ministre allemand de l’agriculture.

Plusieurs capitales se réjouissent discrètement du veto hongrois

Ce qui explique que plusieurs capitales ne sont en réalité guère enthousiastes à l’idée que l’adhésion de l’Ukraine se réalise un jour. Elles préfèrent prétendre officiellement le contraire… mais se réjouissent discrètement du veto hongrois.

« Veto » ? De fait, le feu vert à l’ouverture des négociations d’adhésion nécessite l’unanimité des Vingt-sept. Mais à Bruxelles, on ne manque pas d’imagination. Au moment où la décision devait être prise, Viktor Orban a opportunément quitté la salle de réunion, dans un scénario évidemment préparé à l’avance. Résultat : aucun vote contre n’a été enregistré, et le Conseil a pu ainsi offrir son cadeau tant attendu à Volodymyr Zelensky.

De son côté, le dirigeant hongrois peut clamer qu’il n’a pas perdu la face, ni participé à une décision qu’il réprouve. Budapest a en outre rappelé qu’il y aurait « 75 occasions » de stopper le processus si celui-ci démarre, en plus de l’évaluation (à l’unanimité) des conditions préalables début 2024…

Budapest a refusé le « paquet budgétaire », au grand dam des autres pays

Viktor Orban, encore lui, a été plus carré dans le deuxième dossier « chaud » : l’augmentation du budget pluriannuel de l’UE en cours (2021-2027). Le choc économique provoqué par le Covid, puis surtout le soutien économique et militaire à Kiev ont vidé les caisses bruxelloises plus vite que prévu. Faut-il dès lors les renflouer, et dans quels domaines prioritaires ? Ou bien faut-il opérer des « redéploiements », c’est-à-dire des coupes dans certains domaines budgétaires ?

Le premier point de vue est soutenu par les pays du sud, dont l’Italie, mais aussi par la France. Et, classiquement, les pays dits « frugaux » – les Nordiques, les Pays-Bas, l’Autriche, menés par l’Allemagne – sont dans le camp d’en face. Cependant, la plupart d’entre eux font une exception pour l’Ukraine : celle-ci doit, selon eux, recevoir les 50 milliards d’aide (17 milliards de dons, 33 milliards de prêts préférentiels) qui lui ont été promis.

Dans ce contexte, vingt-six pays avaient fini par trouver un compromis : plutôt que les 100 milliards initialement proposés par la Commission, le supplément budgétaire s’élèverait à 73 milliards qui seraient alloués à la protection des frontières, à la politique migratoire, à la recherche technologique, à l’industrie d’armement, et… aux remboursements de l’emprunt commun de 750 milliards souscrit en 2020, dont le coût devient bien plus élevé que prévu.

Le compromis comprenait donc les 50 milliards de soutien « macroéconomique » à Kiev (qui viendraient s’ajouter aux 85 milliards déjà versés par l’UE et ses Etats membres depuis février 2022). Concrètement, il s’agit d’assurer par exemple une partie des salaires des fonctionnaires, et éviter ainsi que l’Etat ukrainien – notoirement corrompu – se retrouve en faillite.

C’est ce « paquet budgétaire » que Viktor Orban a refusé, au grand dam de ses collègues. Une  phrase laconique figure donc dans les conclusions : « le Conseil européen reviendra sur cette question au début de l’année prochaine ». Et, dans les coulisses, on prévoit un « plan B » pour financer l’Ukraine si la Hongrie maintient son refus. A condition bien sûr que d’autres capitales ne rejoignent pas Budapest d’ici là.

L’enfer subi par les Gazaouis ne trouve aucun écho dans les conclusions des Vingt-sept

Le sommet a également attribué le statut de pays candidat à la Géorgie. Et a traité d’autres points qui figuraient à son menu : politiques migratoires, « sécurité et défense », perspectives de réformes institutionnelles, relations avec la Turquie (les négociations d’adhésion avec Ankara ont été ouvertes en… 2005 et sont au point mort).

Mais les conclusions commencent par plus de trois pages pour « condamner résolument la guerre menée par la Russie et (affirmer la) solidarité inébranlable avec l’Ukraine et sa population ». Elles confirment un douzième paquet de sanctions contre Moscou et abordent la perspective de mettre la main sur les intérêts des avoirs russes gelés.

En revanche, elles se contentent d’indiquer : « le Conseil européen a tenu un débat stratégique approfondi sur le Proche-Orient ». L’enfer subi par les Gazaouis ne trouve aucun écho dans le texte.

Bilan du sommet : les deux points qui s’annonçaient explosifs restent entiers. La perfusion pour Kiev a été bloquée, mais demeure sur la table des Vingt-sept pour début 2024. Quant aux négociations d’adhésion, elles sont officiellement ouvertes, mais ne commenceront pas avant un nouvel examen.

En outre, le Conseil a omis un détail : l’adhésion proprement dite supposerait que l’Ukraine gagne la guerre – seule hypothèse que l’UE envisage. Mais cela n’est pas exactement ce qui se dessine sur le terrain.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension…

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

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Un sommet européen qui s’annonce sous tension

Par : pierre

Rarement l’inquiétude aura été aussi grande à Bruxelles avant un Conseil européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réuniront les 14 et 15 décembre, ont un ordre du jour explosif.

Deux dossiers, en particulier, sont particulièrement controversés au sein des Vingt-sept : la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et l’alourdissement du budget communautaire. Un dossier distinct, l’abondement de 20 milliards du fonds (hors budget) finançant l’aide militaire à Kiev a très peu de chance d’être approuvé. Sur chacun de ses points, le feu vert doit être donné à l’unanimité.

Premier point d’affrontement prévisible, l’élargissement de l’Union à l’Ukraine, mais aussi à la Moldavie et aux pays des Balkans, fait théoriquement l’objet d’un consensus sur le principe. En juin dernier, Kiev et Chisinau s’étaient vu reconnaître le statut de candidat officiel. Les dirigeants européens souhaitaient, par ce cadeau symbolique, affirmer une nouvelle fois leur soutien politique face à l’« agresseur russe ».

Mais derrière la façade, personne n’est dupe. Dès lors qu’il faut lancer concrètement l’étape suivante, en l’occurrence l’ouverture effective des « négociations » avec les pays candidats (en réalité l’alignement unilatéral de ceux-ci sur les règles communautaires – un processus qui dure de nombreuses années), les oppositions entre les Vingt-sept surgissent.

Il y a ceux qui sont des partisans inconditionnels des adhésions au plus tôt, quoiqu’il en coûte, même s’il faut tordre le droit de l’UE et même si les sept conditions préalables posées en juin à l’Ukraine (lutte contre la corruption, respect de l’« état de droit », « désoligarchisation »,…) ne sont pas remplies. Les Etats baltes se rangent dans cette catégorie, convaincus que c’est le seul moyen d’éviter que la Russie ne les envahisse puis ne déferle sur toute l’Europe…

Mais il y a aussi ceux qui mesurent l’écart de richesses abyssal qui sépare les candidats des membres actuels, et imaginent – à juste titre – les bouleversements budgétaires que subirait l’Union. En particulier, les pays qui reçoivent aujourd’hui de Bruxelles plus de fonds qu’ils n’en versent verraient cette situation s’inverser.

Les actuels pays de l’Est craignent d’être concurrencés par les nouveaux arrivants qui produisent à moindre coût

C’est notamment le cas pour les actuels pays de l’Est de l’UE. Ces derniers – Pologne, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie,… – craignent aussi d’être concurrencés dans divers domaines par les nouveaux arrivants qui produisent à moindre coût (une concurrence dont ils avaient bénéficié au détriment de l’Ouest lors de leur propre adhésion en 2004/2007). Compte tenu des cadeaux déjà faits à l’Ukraine (accès aux marchés) plusieurs secteurs sont déjà frappés, comme les transports et l’agriculture.

De leur côté, les partisans les plus zélés de l’intégration européenne redoutent (lucidement) qu’en passant de vingt-sept à près de trente-cinq membres, les processus de décisions soient de plus en plus bloqués. Pour éviter cela, le président français plaide pour une Europe « à plusieurs vitesses ». Les structures et modes de fonctionnement actuels devraient, à son sens, être réformés avant toute nouvelle adhésion.

Sans forcément le formuler de la même manière, Berlin partage cette inquiétude. Quant à l’Autriche, elle clame que l’Ukraine ne doit pas faire oublier l’adhésion des pays des Balkans qui attendent depuis des années…

Et puis enfin, il y a le premier ministre hongrois. Viktor Orban (photo, à droite) a écrit le 4 décembre au président du Conseil européen, Charles Michel (photo, à gauche), pour demander que ce sujet soit retiré de l’ordre du jour, de même que le projet de 50 milliards (sur trois ans) d’aide budgétaire à Kiev. Sinon, a menacé la bête noire de Bruxelles, « le manque évident de consensus conduirait inévitablement à un échec ». Son ministre des affaires étrangères a enfoncé le clou : « qui peut sérieusement affirmer que l’Ukraine est prête pour les négociations d’adhésion ? ».

Certes, le dirigeant hongrois – souvent dénoncé comme « pro-russe » par ses collègues – est un habitué des déclarations fracassantes mais finit par plier, non sans avoir obtenu des concessions mineures. Il pourrait cette fois encore vouloir menacer avant de négocier le déblocage des 22 milliards que Bruxelles a gelés en rétorsion aux « atteintes à l’état de droit » en Hongrie.

Sauf que cette fois, un déblocage partiel a déjà été obtenu. Et que le parti de M. Orban voit monter dans le pays un parti concurrent qui reflète l’état d’esprit d’une population de plus en plus hostile à la guerre et à l’Ukraine.

Surtout, les observateurs notent que la rébellion hongroise pourrait être en réalité bienvenue pour certaines capitales qui n’osent publiquement s’opposer à l’entrée de l’Ukraine, mais qui n’en pensent pas moins. C’est le cas de la France et de l’Allemagne, pour les raisons déjà citées, mais aussi des Pays-Bas et de la Slovaquie, où les électeurs ont plébiscité des partis hostiles au soutien à Kiev.

L’énorme contribution financière à la guerre en Ukraine et la crise du Covid ont vidé les caisses plus vite que prévu

Viktor Orban fait aussi partie des nombreux dirigeants opposés à la proposition que la Commission a formulée en juin : augmenter de 98 milliards le budget pluriannuel (2021-2027) de l’UE. C’est le second point explosif.

En effet, l’énorme contribution financière à la guerre en Ukraine et la crise du Covid ont vidé les caisses plus vite que prévu. Bruxelles a ensuite diminué ses ambitions : il est question d’une augmentation de « seulement » 73 milliards… dont 50 milliards pour renflouer l’économie ukrainienne.

Mais, à part ce domaine, les différents Etats membres sont en désaccord sur les postes budgétaires à abonder : climat, sécurité, frontières, recherche… D’autres proposent de faire prioritairement des économies.

C’est le cas des Etats traditionnellement baptisés « radins », comme les Nordiques, l’Autriche et les Pays-Bas. Dans ce dernier cas, c’est le chef du gouvernement sortant qui représentera son pays, mais il devra obtenir un mandat des nouveaux députés. Or Geert Wilders, le vainqueur de l’élection du 22 novembre, a affiché son refus de toute dépense européenne supplémentaire – un sentiment validé largement par les électeurs.

La position de Berlin pèsera plus encore. Et ce, dans un contexte ou le gouvernement « feu tricolore » vient d’être brutalement fragilisé par la décision du tribunal constitutionnel. Les juges de Karlsruhe ont interdit d’alimenter le budget annuel par des fonds spéciaux pluriannuels, a fortiori quand l’objet de ces derniers est modifié en cours de route. Conséquence immédiate : il faut trouver d’urgence 17 milliards pour le budget fédéral 2024… ce qui n’incite pas vraiment à laisser augmenter les versements à Bruxelles.

Conséquence indirecte : ceux qui espéraient, notamment à Paris, à Rome ou à Madrid, lancer un nouveau fonds commun après les 750 milliards empruntés en 2020 (et qu’il va bientôt falloir commencer à rembourser) doivent abandonner cet espoir. Et renoncer ainsi à vanter une UE qui deviendrait « plus fédérale ».

Quoiqu’il en soit, Olaf Scholz a bien l’intention de bloquer tout « laxisme budgétaire ». Il a cependant, comme la plupart de ses collègues, affiché sa volonté de sauvegarder les 50 milliards promis à Kiev.

Mais Viktor Orban s’y oppose. Selon lui, « il n’y aura pas de solution à la guerre entre la Russie et l’Ukraine sur le champ de bataille. Au lieu de financer la guerre, nous devrions enfin consacrer les ressources de l’Europe à faire la paix ». Le Hongrois a proposé que chaque pays soit libre de financer, ou non, l’économie ukrainienne…

Au nom de l’« unité européenne à préserver face à Poutine », le Conseil européen va-t-il, au dernier moment, trouver un compromis byzantin, typique de l’Union européenne ? Si tel est le cas, il reporterait à plus tard les contradictions sans les résoudre sur le fond.

A l’inverse, l’absence d’accord constituerait un fiasco monumental qui ébranlerait un peu plus les fondements de l’UE, au moment même où différentes élections expriment, selon la terminologie des grands médias, une montée du « populisme » sur les dossiers les plus chers à Bruxelles : Ukraine, budget, mais aussi immigration et climat.

Ce que traduit à sa manière le chef du groupe libéral de l’europarlement, le macroniste Stéphane Séjourné, quand il appelle ses troupes à « passer de proeuropéens convaincus à proeuropéens convaincants ».

Quel aveu !

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L’improbable horizon de l’élargissement

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

C’est par exemple le cas d’une étude de deux chercheurs publiée quelques jours avant le Conseil européen du 6 octobre à Grenade, un sommet censé donner un coup de fouet au processus. Les deux auteurs, Hans Kribbe et Luuk van Middelaar, travaillent pour un « think tank » Bruxellois, et sont naturellement à ce titre des partisans de l’intégration européenne. Leur analyse n’en est que plus intéressante.

Les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre »

Dans leur conclusion, les deux auteurs estiment ainsi que les dirigeants de l’UE sont « devant le dilemme d’un objectif à la fois nécessaire et impossible à atteindre ». Chacun des deux termes mérite ici d’être précisé.

« Nécessaire » ? Aux yeux des dirigeants européens, la guerre en Ukraine a accéléré la volonté d’« arrimer » plus étroitement (un verbe plus poli qu’« annexer ») les Etats qu’ils considèrent comme faisant partie de leur zone d’influence. Usant d’un lyrisme quasiment messianique, la présidente de la Commission a ainsi déclaré : « l’élargissement répond à l’appel de l’histoire, il est l’horizon naturel de notre UE ». Repousser sans cesse l’horizon des frontières, n’est-ce pas précisément ce qui définit un empire ? Pour l’ancienne ministre allemande de la défense, « nos voisins doivent choisir » entre « la démocratie » et « un régime autoritaire », autrement dit entre le bien et le mal, entre l’UE et la Russie.

Car plus prosaïquement, les ambitions de l’élargissement sont géopolitiques. Mme von der Leyen (photo) ne s’en cache guère : l’élargissement constitue un « investissement pour notre sécurité » et une façon de « stabiliser notre voisinage ». Ce que l’étude des chercheurs précise sans fard : « maintenir d’autres acteurs géopolitiques, tels que la Russie ou la Chine, à l’écart de cette région potentiellement instable est devenu une priorité absolue ».

Des « défis incroyablement difficiles dans les années à venir »…

Mais une fois la « nécessité » expliquée, l’étude se penche sur les contradictions explosives que le processus va inévitablement provoquer. Ils répartissent ces « défis incroyablement difficiles dans les années à venir » (ce sont leurs propres termes) en cinq domaines.

Tout d’abord « la prise de décisions et les institutions ». Surgit ainsi la question de la « gouvernabilité », déjà complexe à vingt-sept, qui deviendrait quasi-impossible à trente-cinq ou plus. Dès lors, il faudrait que l’UE se réforme, en particulier qu’elle abolisse la règle de l’unanimité dans les derniers domaines où elle subsiste encore, comme la fiscalité et la politique extérieure. Berlin milite fortement pour cela, mais de nombreux petits pays s’y opposent. Problème : pour réformer les traités (comme pour accepter un nouveau membre), il faut… l’unanimité.

Le deuxième domaine concerne le budget de l’UE. Soit celui-ci est très considérablement augmenté, par le relèvement des contributions des membres actuels – une piste totalement irréaliste ; soit le même gâteau est partagé en des parts plus nombreuses et donc plus petites. Comme les pays candidats ont en gros un PIB par habitant inférieur à la moitié de la moyenne de l’UE, les bénéficiaires nets actuels (ceux qui touchent de Bruxelles plus que la contribution qu’ils versent, bien souvent les pays de l’Est), deviendraient contributeurs nets. Cela vaut pour les subventions régionales (un tiers du budget communautaire) comme pour l’agriculture (un autre tiers).

« À elle seule, l’Ukraine possède plus de 40 millions d’hectares de terres agricoles, estiment les auteurs, soit plus que l’ensemble du territoire italien, et deviendrait l’un des principaux bénéficiaires des fonds de la PAC », évidemment au détriment des membres actuels, ce qui promet des bras de fer explosifs. Tout cela s’ajoute aux centaines de milliards que nécessitera la reconstruction, selon Kiev – sans même évoquer l’issue de la guerre.

Dans le troisième domaine, intitulé « marché unique, libre circulation et emploi », les experts relèvent que « sur certains marchés, comme celui de l’agriculture, l’afflux de marchandises, de cultures et de produits moins chers pourrait également frapper les économies locales, entraînant la fermeture d’entreprises et d’exploitations agricoles ». Dès aujourd’hui, rappellent les auteurs, « la décision d’ouvrir le marché unique aux céréales ukrainiennes a déjà provoqué de vives tensions avec la Pologne et d’autres pays d’Europe de l’Est ».

Ce n’est pas tout : les écarts de main d’œuvre « pourraient aussi, à court terme, faire baisser les niveaux de salaire dans l’Union, avoir un effet corrosif sur les conditions de travail et alimenter le mécontentement sociétal et politique ».

Les auteurs rappellent que la flambée de l’immigration intra-européenne vers le Royaume-Uni, alors membre de l’UE, avait contribué au résultat du référendum de 2016 favorable au Brexit. Ils auraient pu aussi citer les milliers de délocalisations industrielles vers les pays entrants, et les centaines de milliers d’emplois ainsi perdus à l’Ouest.

Dans le quatrième domaine, « Etat de droit et démocratie », le rapport pointe la difficulté d’exiger des candidats une réglementation exemplaire, alors que Bruxelles estime que plusieurs membres actuels (Pologne, Hongrie) bafouent les critères requis…

Enfin, le dernier domaine recouvre la « sécurité extérieure ». Après avoir noté que « le centre de gravité territorial de l’Union continuera à se déplacer vers l’est, de l’Atlantique vers la mer Noire », les auteurs pointent la probabilité selon laquelle « la dépendance à l’égard des États-Unis en matière de sécurité augmentera ».

En résumé, les dirigeants européens ne peuvent résister à leur envie de « ruée vers l’Est » du fait de leurs ambitions géopolitiques, tout particulièrement face à la Russie. Mais s’engager sur cette voie provoquera à coup sûr des tensions fatales au sein des Vingt-sept.

Un défi supplémentaire, et pas des moindres, les attend : « trouver des moyens de rallier leurs propres électeurs ». Les auteurs rappellent en effet que le double Non, français et néerlandais, au projet de traité constitutionnel européen de 2005 suivait l’élargissement de 2004.

Les auteurs évoquent « la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même »

D’où ce cri d’alarme : « l’Union commence à peine à s’attaquer aux défis, aux coûts, aux risques et aux inconvénients qu’une UE élargie pourrait entraîner, sans parler de la réaction populaire potentielle non seulement contre l’une ou l’autre des adhésions, mais aussi contre l’Union elle-même ».

Sauf à faire exploser l’UE, on peut donc penser qu’il y aura, le moment venu, des dirigeants réalistes qui gèleront le processus.

Hélas !

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L’improbable horizon de l’élargissement…

Par : pierre

L’élargissement n’aura pas lieu. Cette prédiction peut apparaître paradoxale alors que la Commission a publié, le 8 novembre, ses recommandations concernant les perspectives d’adhésion à l’UE de six pays des Balkans, ainsi que de l’Ukraine et de la Moldavie.

Dans son état des lieux annuel, Bruxelles propose d’ouvrir les « négociations » avec ces deux derniers pays, auxquels avait été accordé le statut de candidat officiel en juin dernier. La même proposition est faite à la Bosnie. Pour les pays ayant déjà démarré la phase des pourparlers, la Commission  prévoit de débloquer six milliards d’euros pour accélérer les processus de « réformes » internes.

Bruxelles suggère aussi de faire franchir à la Géorgie le cran précédent, l’attribution du statut de candidat. Toutes ces recommandations sont assorties de conditions, qui seront évaluées en mars 2024. D’ici là, c’est le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept) qui devra donner son feu vert lors du sommet des 14 et 15 décembre prochains.

Lors des précédentes vagues d’adhésions, lesdites « négociations » (en fait, une revue générale pour aligner les législations des pays candidats sur les obligations européennes) avaient tous pris de nombreuses années ; il s’agissait pourtant de pays plus proches des normes de l’UE. Cette fois, le processus s’annonce plus complexe encore. Son aboutissement semble en réalité improbable selon plusieurs experts de l’Union européenne.

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Du sommet de l’UE à celui de l’OTAN, les divergences entre Occidentaux se confirment

Par : pierre

A la veille du sommet de l’OTAN des 11 et 12 juillet, les Occidentaux sont divisés sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique, mais aussi à l’UE. Dans ce dernier cas, les différences se sont fait jour lors du Conseil européen des 29 et 30 juin sur cette question, mais des querelles se sont surtout confirmées sur plusieurs autres dossiers, dont les politiques migratoires.

Heureusement qu’il y a l’Ukraine : au moins les Vingt-sept ont-ils ainsi un dossier pour lequel ils peuvent se réjouir d’un consensus… En réalité, cette affirmation n’a jamais été complètement exacte. Car la Hongrie a toujours fait entendre sa différence face à l’agressivité anti-russe caricaturale dont l’UE fait preuve depuis – au moins – février 2022.

Certes, Budapest a entériné les onze paquets de sanctions successifs visant Moscou. Mais le premier ministre, Viktor Orban, prône plutôt une désescalade, et a freiné ou limité un certain nombre de mesures restrictives que ses vingt-six partenaires auraient voulu imposer. Ce qui n’a pas manqué d’agacer au plus haut point certains de ceux-ci. Globalement cependant, l’UE pouvait se vanter de son « unité » face à l’« agresseur » désigné.

Après le Conseil européen des 29 et 30 juin (au déjeuner duquel s’est joint le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg – photo), cette unité sur ce dossier et sur ces conséquences est apparue fragilisée. Certes, dans leur déclaration finale, les chefs d’Etat et de gouvernement ont affirmé que « l’Union européenne continuera de fournir un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine (…)  aussi longtemps qu’il le faudra ».

Mais concrètement, en matière d’accélération de l’aide militaire, les dirigeants européens sont restés dans le vague. Et pour cause : nombre d’outils et d’instruments ont déjà été mis en œuvre. Outre les aides financières, les programmes d’achats communs d’armes, de fabrication de munitions, d’aides aux industries de défense sont déjà lancés. Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a précisé que 24 000 soldats ukrainiens avaient déjà été formés par des instructeurs européens, et qu’il convenait d’amplifier cet effort. Et les Vingt-sept ont entériné une hausse du plafond de 3,5 milliards pour leur budget militaire officieux (« Facilité européenne pour la paix »).

Ursula von der Leyen a évoqué le chiffre faramineux de 50 milliards supplémentaires pour Kiev dans le cadre du budget communautaire pluriannuel

Pour sa part, la présidente de la Commission européenne a préconisé un doublement à long terme du financement militaire fourni à Kiev. Ursula von der Leyen a même évoqué le chiffre faramineux de 50 milliards supplémentaires dans le cadre du budget communautaire pluriannuel 2024-2027 en voie de révision. « Insuffisant », ont d’ailleurs immédiatement réagi la Pologne et les Etats baltes. « Absurde » a martelé, à l’inverse, Viktor Orban, de la part d’une UE « en faillite », et qui n’a pas de contrôle sur l’utilisation des aides militaires déjà versées à Kiev.

Mais c’est sur la stratégie à long terme que les divergences se sont discrètement révélées. Quels « engagements de sécurité » fournit-on à Kiev après la phase active des combats ? Ledit concept d’« engagements de sécurité » avait été lancé par le président français le 31 mai lors d’un discours à Bratislava. Ce dernier avait alors surpris en proposant d’accélérer l’intégration de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN, l’inverse de la position traditionnelle française. L’année dernière encore, Emmanuel Macron estimait que l’adhésion à la première prendrait des décennies…

Ce changement de discours pourrait bien être tactique, le but étant de faire pression pour imposer des réformes institutionnelles internes de l’UE aujourd’hui bloquées. Quoiqu’il en soit, le maître de l’Elysée a mis mal à l’aise certains pays qui restent attachés (dans une petite mesure) à leur neutralité militaire. L’Autriche, l’Irlande, mais aussi Chypre et Malte ont ainsi fait inscrire dans les conclusions communes que lesdits engagements de sécurité en faveur de Kiev devraient être proposés « sans préjudice du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres ».

Paradoxalement, les ultra-atlantistes comme Varsovie ou les Baltes n’ont pas non plus montré d’enthousiasme face aux suggestions macroniennes, considérant que les « garanties de sécurité » devaient être offertes aux dirigeants ukrainiens dans le cadre prioritaire de l’OTAN. Un sommet de l’Alliance se tient du reste les 11 et 12 juillet à Vilnius ; cette réunion devrait être houleuse (en coulisses) d’autant que Washington, qui avait milité en 2008 pour une adhésion rapide de l’Ukraine à l’OTAN, a aujourd’hui inversé sa position – sans doute pour éviter de donner raison à Moscou qui n’a cessé de dénoncer ce chiffon rouge.

Emmanuel Macron a pris de court même Berlin, non associé à cette volte-face française, ce qui ne fait qu’alourdir encore un peu plus le contentieux entre les deux capitales. D’autant qu’en perspective se profile un autre enjeu plus global : comment faire face au choc considérable que représenterait l’élargissement de l’UE à une dizaines de pays supplémentaires. Car l’Ukraine n’est pas la seule candidate : pas question d’oublier la Moldavie voisine, ni les pays des Balkans, dont certains ont le statut de pays candidat depuis plus de dix ans. Surtout, les faire encore attendre serait laisser la place libre à l’influence russe, ne cesse de proclamer Bruxelles.

D’un autre côté, aucun de ces pays ne répondent, et de loin, aux normes européennes. L’Ukraine, par exemple, s’était vu imposer sept conditions, en juin 2022, avant que ne débute les « négociations » d’adhésion. Seules deux d’entre elles sont jugées remplies aujourd’hui – et certainement pas celle qui concernait la corruption.

Et ces Etats candidats sont particulièrement pauvres. Leur faire de la place priverait près d’une vingtaine de pays membres actuels de leur état de bénéficiaires nets de subventions communautaires, puisque le budget n’est pas extensible. Un véritable tremblement de terre si un jour cette perspective se concrétisait.

C’est sur le dossier des migrations que la querelle la plus explicite a éclaté le 29 juin

Si les fissures entre les Vingt-sept sont ainsi discrètement apparues dans le domaine géopolitique, les divergences entre eux se sont confirmées, lors du sommet du 30 juin, sur d’autres dossiers. Les positions des uns et des autres sont juxtaposées dans les conclusions. Il faut ainsi être ferme avec Pékin… mais la Chine doit rester un partenaire commercial majeur. Il faut soutenir une « politique industrielle » commune volontariste… mais préserver le règne prioritaire de la concurrence.

Et dans les mois qui viennent, les affrontements risquent d’être rudes (y compris entre Paris et Berlin) sur la réforme de la « gouvernance économique », en particulier du Pacte de stabilité. Sans même évoquer les contradictions émergentes découlant des objectifs radicaux du « Pacte vert » (environnement et climat).

Mais, pour l’heure, c’est sur le dossier des migrations que la querelle la plus explicite a éclaté le 29 juin. Début juin, les ministres des Vingt-sept s’étaient mis d’accord sur un mécanisme de « solidarité obligatoire », une procédure imposant aux pays non riverains de la Méditerranée d’accueillir des quotas de réfugiés – ou bien de payer des pénalités.

La Pologne et la Hongrie, farouchement opposées à ce principe, n’avaient pu empêcher le lancement du processus législatif. Lors du sommet, les premiers ministres de ces deux pays ont bloqué l’adoption de conclusions communes, Viktor Orban refusant que l’UE impose une politique migratoire. Mateusz Morawiecki, son collègue polonais, annonçait de son côté un référendum sur cette question dans son propre pays, en même temps que les élections générales prévues cet automne.

A l’évidence, les mois qui viennent s’annoncent difficiles pour les partisans de l’intégration européenne.

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Du sommet de l’UE à celui de l’OTAN, les divergences entre Occidentaux se confirment…

Par : pierre

A la veille du sommet de l’OTAN des 11 et 12 juillet, les Occidentaux sont divisés sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique, mais aussi à l’UE. Dans ce dernier cas, les différences se sont fait jour lors du Conseil européen des 29 et 30 juin sur ce dossier, mais des querelles se sont surtout confirmées sur plusieurs autres thèmes, dont les politiques migratoires.

Heureusement qu’il y a l’Ukraine : au moins les Vingt-sept ont-ils ainsi un dossier pour lequel ils peuvent se réjouir d’un consensus… En réalité, cette affirmation n’a jamais été complètement exacte. Car la Hongrie a toujours fait entendre sa différence face à l’agressivité anti-russe caricaturale dont l’UE fait preuve depuis – au moins – février 2022.

Certes, Budapest a entériné les onze paquets de sanctions successifs visant Moscou. Mais le premier ministre, Viktor Orban, prône plutôt une désescalade, et a freiné ou limité un certain nombre de mesures restrictives que ses vingt-six partenaires auraient voulu imposer. Ce qui n’a pas manqué d’agacer au plus haut point certains de ceux-ci. Globalement cependant, l’UE pouvait se vanter de son « unité » face à l’« agresseur » désigné.

Après le Conseil européen des 29 et 30 juin (au déjeuner duquel s’est joint le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg – photo), cette unité sur ce dossier et sur ces conséquences est apparue fragilisée.

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Caroline Galacteros : « L’Ukraine ne peut pas gagner la guerre » (vidéo)

Par : pierre

Depuis seize mois, les dirigeants occidentaux n’ont cessé d’augmenter leur aide à Kiev, financière et militaire. Les livraisons d’armes, de munition et d’équipement semblent sans limite, et leur coût donne le tournis. Si Washington est, de loin, le premier fournisseur, l’UE ne veut pas être en reste.

Caroline Galactéros, géopolitologue et fondatrice de Géopragma, affirme depuis le début du conflit que le rapport de force ne laisse aucune chance au président ukrainien, et pointe le déni médias occidentaux – alors qu’aux Etats-Unis même, les experts sont bien plus lucides : plus la guerre dure, plus l’Ukraine devra faire des concessions à Moscou.

Pour sa part, Pierre Lévy, rédacteur en chef de Ruptures, pointe les contradictions qui se font jour au sein même des Vingt-sept, notamment sur les perspectives d’intégrer l’Ukraine, la Moldavie, mais aussi les pays des Balkans au sein de l’UE.

Visionner la première partie en accès libre

Dans la seconde partie (réservée aux abonnés), les deux débatteurs échangent leurs vues sur l’émergence du « sud global » (de la Chine à l’Inde et à l’Afrique du Sud, du Brésil au Mexique jusqu’à l’Iran et à l’Arabie saoudite), un ensemble certes non homogène, mais uni par le refus croissant de l’hégémonie occidentale. Une émergence accélérée par le présent conflit.

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Faut-il armer l’Ukraine ? Enfin un débat contradictoire… (vidéo)

Par : pierre

Les Occidentaux livrent massivement des armes et des munitions à Kiev. Derrière les Etats-Unis, l’Union européenne a déjà fourni pour des dizaines de milliards d’euros d’équipements.

Certains pays de l’est font de la surenchère (et profitent de l’occasion pour se faire renouveler leurs propres matériels), mais personne ne veut être en reste – France y compris.

Au fait, est-ce vraiment notre guerre ? Et qui paye, pour quels objectifs, avec quelle conséquences, et quels risques ? A Bruxelles, on se félicite des progrès de l’Europe militaire. Mais jusqu’à quand va-t-on jouer avec le feu ?

Cette fois, l’émission co-produite par Le Média pour Tous et Ruptures prend la forme d’un débat contradictoire entre François Poulet-Mathis, journaliste favorable à l’intégration européenne, et Pierre Lévy, qui s’y oppose.

Visionner la première partie en accès libre

NB : Mi-mai, le prochain invité sera le journaliste Jean-Michel Quatrepoint, spécialiste de la politique industrielle. Il y sera notamment question des dégâts causés par les dogmes européens, notamment en matière de désindustrialisation de la France. Jean-Michel Quatrepoint a consacré sa carrière à enquêter sur ces dossiers – dont Alstom. Il sera également question de la Chine…

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Édition de mars de Ruptures, spéciale guerre en Ukraine : elle est parue

Par : pierre

L’édition de Ruptures de mars est entièrement consacrée à la guerre en Ukraine. Elle a été expédiée le 29 mars aux abonnés

Au sommaire :

– l’éditorial qui souligne que la dangereuse décision russe d’entrer en Ukraine ne justifie en rien l’hystérie russophobe ; et qui relève que la France pourrait jouer un rôle de médiateur si elle n’était pas prisonnière de l’UE et de l’OTAN

– un entretien, à propos de l’interdiction par les Vingt-sept des chaînes RT et Spoutnik, avec Emmanuel Pierrat, avocat à la Cour et spécialiste du droit des médias : ce dernier montre que la décision n’a pas de base juridique et relève qu’un tel arbitraire est particulièrement inquiétant pour la liberté de la presse

– une analyse du contexte et des conséquences de la guerre en Ukraine, avec notamment le resserrement des liens transatlantiques, mais aussi les contradictions entre les Vingt-sept qui n’ont pas tardé à refaire surface en matière d’intégration politique, militaire et énergétique

– un entretien avec l’économiste Jacques Sapir à propos des sanctions édictées par l’UE contre la Russie qui sont sans précédent, mais qui avaient été largement anticipées par Moscou, et qui pourraient bien avoir un effet boomerang sur les pays européens

– et, bien sûr, comme chaque mois, les brèves

Pour recevoir cette édition, il n’est pas trop tard pour s’abonner.

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L’inutilité de l’Europe démontrée par Macron (éditorial paru dans l’édition du 23 février)

Par : pierre

Éditorial paru dans l’édition du 23/02/2022, soit avant l’entrée des troupes russes en Ukraine

Misère de l’euro-macronisme. On se souvient qu’Emmanuel Macron avait pris ses fonctions au son de l’hymne de l’UE. Cinq ans plus tard, il chante toujours les louanges de l’intégration européenne : pour peu qu’elle soit unie, l’Europe peut assumer un rôle majeur dans le monde – tel est le credo lyrique du maître de l’Elysée, en parfaite harmonie avec le catéchisme bruxellois. Il vient pourtant lui-même de faire la démonstration du contraire dans deux dossiers brûlants et cruciaux.

Le premier concerne sa décision de mettre fin à la présence de soldats français au Mali. L’annonce a certes été mise en scène, le 17 février, en associant partenaires européens et africains. Mais qui doute un instant que c’est à Paris qu’a été prise la décision de « réarticuler » l’opération Barkhane ? Et de sonner le glas, par voie de conséquence, de la mission Takuba qui associait pourtant des forces spéciales d’une dizaine d’Etats européens (Italie, Estonie, Tchéquie, Suède…).

Ce choix contraint laisse évidemment ouverte la question de la lutte contre l’islamisme radical qui n’a cessé de métastaser au Sahel puis en Afrique de l’Ouest. Il constitue en tout cas l’aboutissement d’une dégradation rapide des rapports entre Paris et Bamako, dès lors que l’« aide » armée s’est accompagnée de la persistance (voire du renforcement) de l’arrogance et de l’ingérence. Ce que les pays africains supportent de moins en moins.

La diplomatie française n’a ainsi pas eu de mots assez durs vis-à-vis de la junte malienne arrivée au pouvoir dans la foulée des coups d’Etat d’août 2020 puis de mai 2021. Elle a mis en cause la légitimité des officiers désormais à la tête du pays – qui bénéficient pourtant d’un large soutien populaire – et exigé d’urgence des élections, avec l’appui de Bruxelles qui a fait ce qu’il sait bien faire : imposer de lourdes sanctions, allant jusqu’au blocus du pays. Comment s’étonner dès lors qu’une large partie du peuple malien ait fêté le départ des soldats français ? Ce même rejet des réprimandes infligées par l’ex-puissance coloniale se retrouve au Burkina Faso et en Guinée, où des militaires ont chassé des régimes corrompus ou impuissants.

Et ce n’est certes pas le sommet UE-Union Africaine des 17 et 18 février (dont Ruptures rendra compte dans une prochaine édition) qui aura regagné les bonnes grâces des peuples africains. 150 milliards d’euros d’investissements ont été promis, en déclamant que le lien Europe-Afrique constitue « le grand projet géopolitique des décennies à venir ». Evidemment sous condition de « transparence », de « bonne gouvernance », et d’écologie. Ce qui n’augure pas d’une coopération d’égal à égal.

A Bruxelles, on ne cache pas qu’il s’agit en réalité de faire pièce aux grands projets chinois d’infrastructures (dits « routes de la soie »), et à une présence militaire russe souhaitée par plusieurs capitales africaines. En coulisse se joue aussi une rivalité entre Paris et Berlin dès lors qu’il s’agit d’accéder aux immenses ressources et marchés africains (la chancelière Merkel avait fait plusieurs tournées fructueuses sur le Continent noir, y compris dans le « pré carré » français).

Quand c’est important, l’UE ne peut faire que de la figuration, le cas échéant en aboyant.

Que les Etats reprennent la main lorsque le défi est essentiel, le président français l’a également démontré dans le second cas, la crise ukrainienne. Il s’était ainsi rendu à Moscou en proclamant vouloir être un « faiseur de paix » par le rapprochement des points de vue. Dans ce dossier, l’Union européenne, dont les Etats membres dissimulent difficilement leurs divergences, ne sait qu’ânonner ad nauseam les éléments de langage belliqueux élaborés à Washington. Et personne ne croit sérieusement qu’Emmanuel Macron ait fait le déplacement en tant que « président de l’UE » (ce qu’il n’est nullement, la France coordonne seulement, ce semestre, les travaux des Conseils des ministres des Vingt-sept). Vladimir Poutine l’a reçu, comme il l’a fait pour le chancelier allemand, mais a évidemment snobé le vrai président (permanent) du Conseil européen, Charles Michel. Quand c’est important, l’UE ne peut faire que de la figuration, le cas échéant en aboyant.

Las, le maître de l’Elysée a jugé bon de se concerter mille fois, avant et après son déplacement, avec ses pairs européens ainsi qu’avec l’Oncle Sam, comme s’il redoutait finalement de parler au nom d’une France majeure et indépendante. S’il l’avait fait, peut-être aurait-il réussi avec son hôte une percée diplomatique en faveur de la paix, et évité le camouflet final de Moscou.

N’est pas de Gaulle qui veut.

Pierre Lévy

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Rhétoriques belliqueuses et engrenages funestes (éditorial paru dans l’édition du 20/12/21)

Par : pierre

Ce fut d’abord un fantasme. Puis une hypothèse. Avant d’être présenté, par la presse dominante, comme une certitude : la Russie s’apprête à envahir l’Ukraine. Le scénario avait déjà été agité en avril à l’occasion de grandes manœuvres russes non loin de la frontière ukrainienne. Cette fois encore, la supposée menace fera « pschitt ». Mais l’explication sera toute trouvée : si Moscou n’a pas attaqué, c’est que les avertissements occidentaux l’en ont dissuadé.

Le point de départ fut une « confidence » des services américains distillée fin octobre par le Washington Post, selon laquelle une armada militaire était à nouveau dépêchée dans la zone frontalière. Les premiers surpris furent les renseignements ukrainiens. Il y a bien des dizaines de milliers de soldats russes stationnés sur place, confirmèrent ces derniers, mais aucune évolution notable depuis le printemps. Pourtant, le chef de la diplomatie ukrainienne s’aligna soudain sur la thèse américaine qui devint le mantra officiel du camp occidental. Comme de juste, l’Union européenne se rangea sur cette ligne et menaça Moscou de (nouvelles) sanctions au cas où le Kremlin mettrait à exécution les sombres desseins qu’on lui attribuait.

Ces derniers sont pourtant imaginaires. A supposer que le président russe rêve d’occuper l’Ukraine, il sait parfaitement que ses forces se retrouveraient en terrain hostile dans la partie occidentale de ce pays plus étendu que la France ; surtout, hériter d’une économie largement exsangue et d’un Etat pas loin d’être failli représenterait un coût funeste.

Ce qui est vrai, en revanche, c’est que la concentration de troupes et d’équipements russes comporte bien un message non voilé de Moscou à l’attention de Washington : l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN représenterait un défi stratégique ressenti comme une menace existentielle par les Russes. Et ces derniers ne peuvent accepter que ce pays devienne une sorte de porte-avion pour des armements et missiles aux portes de la Fédération de Russie. Les Américains ont beau faire des tirades sur le droit de chaque pays à être membre d’une alliance militaire, ils devraient se souvenir de 1962, lorsque l’Union soviétique s’apprêtait à installer des fusées sur le territoire de Cuba, pays souverain mais riverain de leurs côtes : ils avaient obtenu le retrait de celles-ci. Et que diraient-ils aujourd’hui si le Mexique importait soudain un arsenal russe ? Encore tout récemment, ils sommaient le Cambodge (pourtant éloigné des rivages US) de cesser sa coopération militaire avec la Chine…

Que diraient les États-Unis aujourd’hui si le Mexique implantait soudain un arsenal russe sur son sol ?

Au terme du sommet du 7 décembre entre Vladimir Poutine et Joseph Biden, ce dernier semble avoir saisi le message. Ses hauts chefs militaires l’ont compris : Moscou a les moyens de mettre un coup d’arrêt à la marche de l’OTAN vers l’Est. Certes, l’Oncle Sam indique officieusement que l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique n’est pas à l’ordre du jour. Mais les Russes ne veulent plus se contenter de paroles verbales, d’autant que ladite adhésion avait été officiellement promise à Kiev en 2008. Ils souhaitent un traité garantissant une architecture de sécurité sur le Vieux Continent.

Las, côté Union européenne, le ton reste imperturbablement à la Guerre froide. Le sommet du « partenariat oriental » qui s’est tenu le 15 décembre entre les dirigeants des Vingt-sept et ceux de cinq anciennes républiques soviétiques l’a confirmé : de l’Ukraine à la Moldavie en passant par la Géorgie, les dirigeants européens considèrent l’Europe orientale comme devant s’« arrimer » naturellement à l’UE. Début décembre, la mal nommée « Facilité européenne pour la paix » a annoncé le financement par Bruxelles d’entraînements et d’équipements militaires en faveur de Kiev, Chisinau ou Tbilissi.

Bruxelles se rêve en puissance géopolitique mondiale. Un rêve heureusement inatteignable eu égard aux différences de cultures stratégiques et aux contradictions d’intérêts entre les Etats membres. Mais c’est précisément parce que ce fantasme est vain qu’il entraîne des discours frustrés et agressifs. Or en diplomatie, il peut arriver un moment où l’on ne maîtrise plus les engrenages funestes qu’enclenchent les rhétoriques belliqueuses – a fortiori si elles s’appuient sur la promotion des « valeurs ».

La chaîne franco-allemande Arte diffuse actuellement la série Occupied dont le scénario s’organise autour de l’occupation de la Norvège par la Russie. Une fiction… « particulièrement réaliste » insiste la bande-annonce.

Qui tombe à pic, en tout cas.

Pierre Lévy

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EU-Hanswurstereien

Par : pierre

Es ist das reinste Meisterwerk. Gäbe es einen Wettbewerb in phrasenhaftem automatischem Schreiben, so hätten die 27 Mitgliedstaaten, die sich am 8. Mai in Porto trafen, zweifellos den großen Preis gewonnen. Ihr abschließender Text bejubelt und preist den zukünftigen « Reformkurs für eine gerechte, nachhaltige, stabile gemeinsame, integrative, zügige und kohärente Erholung, (die) die Wettbewerbsfähigkeit, Resilienz und soziale Dimension Europas und seine Rolle in der Welt stärken wird« . Dies alles im Hinblick auf die « Verwirklichung der sozialen und wirtschaftlichen Aufwärtskonvergenz« . Und die Staats- und Regierungschefs erklärten: «  wir sind entschlossen, die Umsetzung der europäischen Säule sozialer Rechte (…) weiter zu intensivieren « . Für diejenigen, die es vergessen haben sollten, die besagte « Säule » wurde im November 2017 in der schwedischen Stadt Göteborg feierlich verabschiedet.

Damals sagte der frisch gewählte Emmanuel Macron, das französische Sozialmodell solle sich an Schweden orientieren, um « die Konfliktträchtigkeit » zwischen den Sozialpartnern zu reduzieren. Vier Jahre später bleibt der Herr des Elysée-Palastes im Gleichklang mit Brüssel bei seiner Meinung: « Die Sozialpartner (müssen) in den Aufbau des sozialen Europas von morgen einbezogen werden« . Am 29. April versammelte er zur Vorbereitung des Portos Gipfels alle französischen Gewerkschafts- und Arbeitgeberführer, ohne dass auch nur einer fehlte.

Wäre da nicht die Realität von Millionen von Arbeitern, Angestellten, Arbeitslosen und jungen Menschen, die in Schwierigkeiten oder Zukunftsängste geraten sind, so könnte einem das regelmäßige Auftauchen des komischen « Sozialen Europas » schon spassig vorkommen. Bereits 1997 hielten die europäischen Sozialisten und Sozialdemokraten, die in Großbritannien, Frankreich und bald Deutschland an die Macht kamen, ihren Kongress in der schwedischen Stadt Malmö mit dem Slogan ab: « Europa wird sozial sein oder es wird nicht sein ». Die Folge ist ja bekannt.

Das soziale Europa ist ein Betrug. Erstens, weil die europäische Integration von Anfang an im Interesse der Wirtschaftsoligarchien konzipiert wurde, um den Völkern ihre politische Souveränität wegzunehmen. Zweitens, weil jeder Gewerkschafter weiß – oder wissen sollte -, dass kein Fortschritt für die Arbeitswelt jemals erreicht worden ist, außer durch Kampf, und schon gar nicht von oben gewährt wurde.

Mit dem Mythos wird jedoch ein Ziel verfolgt: es ist der Versuch, einen « Konsens zu schaffen », wie der französische Präsident es ausdrückt. Das Gleiche gilt für eine andere Idee, die zweifellos die Massen aufrütteln wird: die « Konferenz über die Zukunft der EU », die am 9. Mai in Straßburg feierlich eröffnet wurde. Und wenn es darum geht, über die eigene Zukunft zu phantasieren, baut die Union eine typische unglaubliche Maschinerie: eine Vollversammlung mit 108 nationalen Abgeordneten, 108 Mitgliedern des Europäischen Parlaments, 54 Vertretern der Staaten, Delegierten der Kommission, des Wirtschafts- und Sozialausschusses, der Sozialpartner und der NGOs. Plus 108 normale Bürger. Das Plenum wird mit Panels, einer IT-Plattform, einem Exekutivkomitee, einer dreiköpfigen Präsidentschaft ausgestattet… All dies soll in der ersten Hälfte des Jahres 2022 münden, also unter französischer EU-Präsidentschaft (und kurz vor den Präsidentschaftswahlen in Frankreich).

Emmanuel Macron ist stolz darauf, der Initiator dieses Geniestreichs gewesen zu sein (wie schon 2018 bei der großen EU-weiten Debatte, an die sich niemand mehr erinnert), und plant eine Vorbereitung besagter Debatte in Frankreich: Im Herbst sollen Regionalkonvente die designierte Bürger zusammenbringen. Genau wie der sogenannte « Bürger-Klimakonvent ». Damals ging es um die Frage « wie » (nicht « ob ») man die CO2-Emissionen reduzieren muss. In ähnlicher Weise wird die Frage nun sein, wie man die EU verschönern kann – und sicher nicht, ob man ihre Existenz in Frage stellen soll.

Diese pathetischen Gesten sind recht lustig: Sie unterstreichen die Verwirrung der Eliten angesichts der Unzufriedenheit der Bevölkerung mit ihrem europäischen Integrationsprojekt. Das unterstreicht Michel Barnier auf seine Weise: Der ehemalige EU-Chefunterhändler für den Brexit führt derzeit seinen Wahlkampf mit der Warnung : der Austritt Großbritanniens sei kein Unfall gewesen. Wenn es auch für dieses Land zu spät sei, so sei noch Zeit, um einen Ausstieg anderer Staaten zu vermeiden, vorausgesetzt, diese « Bedrohung » werde, insbesondere in Frankreich, ernst genommen.

Emmanuel Marcon, der 2017 als Herold Europas in den Elysée einzog, mahnt nun seinerseits zum « Widerstand gegen den herrschenden Defätismus ».

Was für ein Eingeständnis!

Pierre Lévy

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Économie, géostratégie : vers des évolutions en profondeur ? (éditorial paru dans l’édition d’avril)

Par : pierre

Douvrin, Pas-de-Calais. La plus que cinquantenaire Française de Mécanique va voir sa production délocalisée en Hongrie : ainsi en a décidé la direction de Stellantis, nouveau géant automobile issu de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler. Un exemple parmi d’autres de la toujours sacro-sainte libre circulation des capitaux, piler fondamental de l’Union européenne. Dans un autre registre, Bruxelles accroît ses pressions sur les Etats membres dans le contexte de la distribution des centaines de milliards du fonds de relance communautaire : les financements seront conditionnés au respect des exigences de « réformes » (retraites, chômage, marché du travail, contraintes environnementales…).

Pour autant, tout continue-t-il comme dans le « monde d’avant » ? Rien n’est moins sûr. La pandémie semble avoir cristallisé et accéléré des évolutions lourdes dans les choix des élites occidentales. A commencer par les plans de relance gigantesques aux Etats-Unis, pays pourtant réputé temple du « moins d’Etat ». Après les 2 100 milliards de dollars déversés à la fin de l’ère Trump, la nouvelle administration vient d’annoncer un nouveau programme économico-social à hauteur de 1 900 milliards, et prépare une injection de 2 000 voire 4 000 milliards, sur huit ans, dans les infrastructures. Le plan de l’UE (800 milliards d’euros annoncés) constitue également un tournant, même si son ampleur est jugée insuffisante par Emmanuel Macron qui dit craindre que l’Europe ne se fasse distancer par l’Oncle Sam. Et dans le domaine des aides publiques longtemps honnies, Bruxelles commence à s’interroger sur la priorité absolue donnée à la concurrence au sein du marché intérieur, dès lors que ce dogme risque maintenant d’handicaper l’affrontement économique avec Pékin. Quant au Royaume-Uni, autre bastion supposé de l’ultralibéralisme mais désormais libéré du carcan européen, il entend « mettre le paquet » sur les investissements productifs, scientifiques et technologiques.

Dans les trois décennies qui suivirent la seconde guerre mondiale, les pays occidentaux avaient misé sur l’intervention publique. Changement de cap à partir des années 1980-1990 : c’est l’idéologie symbolisée par le tandem Reagan-Thatcher qui prend le dessus. La loi absolue du marché, la concurrence la plus brutale, l’effacement de l’Etat deviennent des impératifs quasi-religieux. Trente ans plus tard, assiste-t-on à l’émergence d’un nouveau changement de paradigme ? Cette possible évolution majeure répond probablement à plusieurs facteurs, notamment économiques et technologiques.

Mais l’élément géopolitique n’est pas à négliger. Entre 1945 et 1990, l’« Ouest » était confronté à la concurrence « systémique » et stratégique de l’URSS et des pays associés. Dès lors que les dirigeants occidentaux ont estimé avoir gagné la guerre froide, le capitalisme a cru pouvoir s’imposer sur la planète entière pour l’éternité – ce que le chercheur Francis Fukuyama baptisa en 1992 « la fin de l’Histoire ».

Vingt ans plus tard… la Chine se considère en position de surclasser les Etats-Unis économiquement et technologiquement. La Russie n’est plus cet Etat failli et humilié mené par le vassal Boris Eltsine, mais une puissance qui s’est imposée au point d’être incontournable dans les points chauds du globe.

Si le président russe employait le même ton que les Occidentaux, le monde se rapprocherait probablement d’une déflagration

Peut-être est-ce à cette lumière qu’il faut comprendre les tensions internationales récentes, tout particulièrement depuis l’arrivée de Joseph Biden à la Maison Blanche. Un jour les dirigeants occidentaux s’indignent de la mort annoncée d’Alexeï Navalny, une émotion qui serait plus crédible s’ils s’intéressaient aussi au sort des prisonniers qui croupissent chez les très chers alliés tchadiens ou égyptiens, pour citer deux exemples tirés de l’actualité ; un autre jour, on « découvre » que des agents russes ont fait exploser un dépôt d’armes en Tchéquie… il y a sept ans ; un autre encore, le président américain accuse les services russes d’immixtion dans les élections de 2016 et 2020, et traite son homologue de « tueur » ; et bien sûr, l’OTAN et l’UE enjoignent à Moscou de renoncer à son invasion réputée imminente de l’Ukraine.

Si le président russe employait le même ton face à ses « partenaires » occidentaux, le monde se rapprocherait probablement d’une déflagration. Quoi qu’il en soit, entre interventionnisme économique, qui s’inscrit dans les rapports de force mondiaux entre alliés tout comme face aux adversaires, et défis stratégiques, une tectonique des plaques semble s’ébaucher.

La fin de l’Histoire ? Peut-être pas tout à fait.

Pierre Lévy

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EDF in Gefahr wegen EU-Ansprüche

Par : pierre

Die Mobilisierung der EDF-Mitarbeiter hat seit Monaten keineswegs nachgelassen und zeigt sich in hoher Bereitschaft zu Streiks und auch Streikbeteiligung. Ihr Ziel ist es, das Projekt « Herkules » zu stoppen.

Denn dieses Projekt würde eine grundlegende Umstrukturierung des Unternehmens Électricité de France (EDF) bedeuten. Die Gewerkschaften fürchten, dass es auf eine Demontage von EDF und die Privatisierung der profitabelsten Teile des Unternehmens hinauslaufen wird.

Herkules wurde Mitte 2019 von der Geschäftsführung des bisher staatlichen Konzerns ausgearbeitet und basierte damals auf der geplanten Aufteilung in zwei Einheiten, die jeweils « EDF bleu » (blau) und « EDF vert » (grün) heißen sollen. Die blaue Sparte soll die Kernkraftwerke (ca. 70 Prozent der gesamten Stromproduktion Frankreichs) und das Netz der Hochspannungsleitungen umfassen; die grüne Sparte bündelt den Vertrieb, die dezentrale Verteilung (durch die Netze der Mittel- und Niederspannungsleitungen), Dienstleistungen und die sogenannten erneuerbaren Energien (Wind, Solar etc.) umfassen. Nun ist neuerdings noch die Rede von einer dritten Einheit, « EDF azur », die für die Wasserkraft zuständig sein soll (also Staudämme, die ca. 11 Prozent der Energiebereitstellung leisten).Einzig EDF bleu soll künftig ausschließlich im Besitz der öffentlichen Hand belassen werden. Aber die grüne EDF wäre offen für privates Kapital, während sie bis zu 70 Prozent eine Tochtergesellschaft der blauen EDF bliebe.

Um diesen Umbruch zu verstehen, muss man bis ins Jahr 1996 zurückgehen, zum Datum des ersten « Energiepakets », das für die ganze Europäische Union (EU) ausgeheckt wurde von der Europäischen Kommission und dann von den EU-Mitgliedsstaaten brav verabschiedet wurde. Und zwar versehen mit den Schlagworten: « Deregulierung » und « Einführung von Wettbewerb ». Dies bedeutet jedoch zugleich, dass künftig den integrierten nationalen staatlichen Monopolen für die Bereitstellung, den Transport und die Verteilung von Energie ein Ende gesetzt werden musste.

Weitere « Pakete » der EU haben dieses Ziel bestätigt und konsolidiert, so etwa 2003 und 2009. In Frankreich hatte die Regierung Jospin (aus Sozialisten, Kommunisten und Grünen) bereits 1999 gehorsam den Markt für die größten Kunden liberalisiert. Der « Wettbewerb » wurde danach schrittweise noch ausgeweitet und ist seit 2007 komplett auch für kleine Unternehmen geöffnet, und letztendlich sogar auch für die Privatkunden. Letztere können jedoch immer noch einen von EDF vorgeschlagenen « staatlich regulierten » Versorgungstarif wählen.

Der EU-Kommission reichte das aber noch nicht: « Alternativen » Anbietern müssten sämtliche schönen Möglichkeiten offenstehen. So wurde 2010 das als « Neue Organisation des Strommarktes » (NOME, Nouvelle organisation du marché de l’électricité) bekannte Gesetz verabschiedet, das insbesondere eine besonders merkwürdige Festlegung enthält: Der « historische » Betreiber EDF wird gezwungen, ein Viertel seiner Atomstromproduktion an seine Konkurrenten zu verkaufen, damit diese von billigem Strom profitieren, den sie dann an ihre Kunden weiterverkaufen werden. Dieser Zwangsverkauf wird « Regulierter Zugang zum Atomstrom » genannt (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, ARENH).Für die privaten Energieunternehmen ist es wie das sagenumwobene Füllhorn: Sie tragen nicht die Last schwerer Produktionsinvestitionen (Kraftwerke usw.), die jahrzehntelang von der Gesellschaft finanziert wurden; und es steht ihnen überdies frei, Preise anzubieten, die unter dem staatlich regulierten Tarif liegen, indem sie vor allem die Löhne und Arbeitsbedingungen ihrer Beschäftigten drücken. Ein besonders aggressiver kommerzieller Ansatz tut sein Übriges und führt bei EDF zu einem Verlust von mehr als 100.000 Abonnenten pro Monat, obwohl das Unternehmen immer noch fast 25 Millionen treue Kunden hat.

Für die „alternativen“ Anbieter ist das System unglaublich vorteilhaft: der Tarif, zu dem sie Strom von der EDF kaufen, wurde 2012 auf 42 Euro pro Megawattstunde (MWh) festgelegt, ein Preis, der sehr niedrig angesetzt ist. Und kein Indexierungsmechanismus wurde vereinbart. Wenn die Marktpreise hoch sind (sie steigen derzeit stetig an), bleibt EDF dennoch gezwungen, zu den einmal festgelegten niedrigen Preisen zu verkaufen, was selbstverständlich zu großen Einnahmeverlusten führt.

Darüber hinaus kaufen private Anbieter, wenn sie mehr als das von EDF für sie reservierte Viertel erwerben wollen, ihre Lieferungen auf den Märkten ein, oft zu einem höheren Preis. Das macht es für sie eigentlich schwieriger, besonders « wettbewerbsfähig » zu sein. Doch in diesem Fall ist auch das kein Problem: Die Energieregulierungskommission (CRE, Commission de régulation de l’énergie), ein von Brüssel durchgesetztes nationales Gremium, hebt den regulierten Tarif für Privatkunden sogleich an, mit dem erklärten Ziel, Privatunternehmen wieder wettbewerbsfähig zu machen. Das ist so grotesk, dass sogar die Wettbewerbsdirektion in Wirtschaftsministerium gemault hat. Aber die CRE ist nun einmal – « unabhängig ».Die Einführung des Wettbewerbs, der angeblich den Verbrauchern zugutekommen sollte, hat also im Endeffekt doch zu höheren Preisen geführt. Die durchschnittliche Stromrechnung eines Haushalts ist damit von jährlich 319 Euro noch im Jahre 2006 auf mittlerweile jährlich 501 Euro im Jahr 2019 angestiegen (zugegebenermaßen sind darin auch noch die Umlagen der hohen Subventionen für erneuerbare Energien enthalten).

Pfänder für Brüssel

Das NOME-Gesetz soll 2025 auslaufen. In diesem Zusammenhang kommt nun das eingangs erwähnte Herkules-Projekt ins Spiel. Niemand kann sich vorstellen, dass die Kommission ihren Druck zur Aufrechterhaltung oder gar Ausweitung der Liberalisierung lockern wird. Es scheint also, dass die EDF-Geschäftsführung Brüssel im Gegenzug für den Verzicht auf ARENH im Voraus Zusagen machen wollte.

Die skizzierte Aufteilung nach dem Herkules-Prinzip sollte der Europäischen Kommission durchaus gefallen: Auf der einen Seite eine Sparte – die Atomkraft –, die teure und langfristige Investitionen erfordert, also genau das, was privates Kapital nicht gern schultert; auf der anderen Seite eine Sparte, die viel attraktiver ist, weil sie gesicherte Einnahmen verspricht (die Kunden) sowie eine sehr attraktive Rentabilität in die « neuen Energien », die sowohl sehr modisch als auch hoch subventioniert sind.

Die Aufspaltung der EDF würde also dazu führen – so hoffen die Bosse –, dass Brüssel seine Forderungen nach Liberalisierung mäßigt und auf ein starres System à la ARENH verzichtet, was eine erhebliche finanzielle Erleichterung bedeuten würde.All dies steht derzeit im Mittelpunkt der aktuellen Verhandlungen zwischen Brüssel und dem französischen Wirtschaftsministerium, und zwar in einem Kontext, in dem Emmanuel Macron noch nie als großer Verteidiger dieses staatlichen Konzerns aufgetreten ist. Der Élysée-Meister ist sich aber wahrscheinlich des möglichen Aufschreis im ganzen Lande durchaus bewusst. Dieser Unmut würde aus einer totalen Unterwerfung unter die « Liberalisierung » durch die EU resultieren und zeichnet sich mittlerweile bereits unter den Parlamentariern aller Parteien (einschließlich innerhalb der regierenden Koalition) ab.

Die aktuellen Verhandlungen werfen eine Vielzahl von Fragen auf: Wie wird der rechtliche Status von EDF Bleu sein? Wird diese Einheit die gesamten Schulden tragen? Man kann darauf vertrauen, dass die Kommission alles ahnden wird, was einer Gruppe, die in öffentlicher Hand verblieben ist, noch irgendwelche Vorteile verschaffen könnte; diese öffentliche Sparte würde es Frankreich nämlich erlauben, als Hauptlieferant des mit dem freien Wettbewerb unvereinbaren Atomstroms dazustehen – was in Brüssel ziemlich verpönt ist. Derzeit kann also niemand sicher sein, dass überhaupt ein Kompromiss gefunden wird.

Vorausgesetzt, dass doch noch ein Kompromiss zustande kommt, der Rückendeckung aus Brüssel findet, müsste der auch noch vom Parlament verabschiedet werden. Ein Gesetzentwurf müsste dann bis zum Ende dieses Frühjahrs vorgelegt werden, bevor nämlich der Präsidentschaftswahlkampf beginnt. Das Zeitfenster ist also eng, und die Schlacht hat gerade erst begonnen.

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Welche Entwicklungen nach Lukaschenkos Wiederwahl ?

Par : pierre

Am 9. August fanden in Belarus (Weißrussland) Präsidentschaftswahlen statt. Die offiziellen Ergebnisse ergaben für den sich wieder zur Wahl stellenden Präsidenten Alexander Lukaschenko 80,1% der Stimmen (4 Punkte weniger als 2015) bei einer Wahlbeteiligung von 84%. Seine Hauptgegnerin, Swetlana Tichanowskaja, erhielt 10,1%.

Diese Zahlen sind eindeutig das Ergebnis eines Betrugs. Wenn man verschiedene Quellen gegeneinander abwägt, so hätten die beiden Kandidaten in der Tat vergleichbare Anteile der 7 Millionen registrierten Wähler erreichen müssen.

Die Bekanntgabe der Ergebnisse löste daher Demonstrationen aus, die nicht mehr abreissen. Aktuell versammeln sich jedes Wochenende Zehntausende von Bürgern, um den Rücktritt des Präsidenten und Neuwahlen zu fordern. Diese Kundgebungen – in der Hauptstadt Minsk, aber auch in den Provinzen – haben regelmäßig zu Hunderten von Verhaftungen geführt. Pro-Lukaschenko-Aktivisten haben sich ebenfalls mobilisiert, wenn auch in viel geringerer Zahl.

Die anhaltenden Unruhen in der ehemaligen Sowjetrepublik sind neu. Der Staatschef führt den Vorsitz seit 1994, als er überraschend gewählt wurde und sich sowohl gegen die postsowjetischen Oligarchen, wie es sie damals in Russland und der Ukraine zu Hauf gab, als auch gegen die Kräfte stellte, die auf eine Annäherung an die Europäische Union drängten. Er versprach einen entschlossenen Kampf gegen die Korruption.

Viele waren ihm dankbar dafür, dass er die Ausplünderung des Landes durch Oligarchen verhinderte

In der Folge erfreute er sich lange Zeit eines breiten Rückhalts im Volk. Nachdem er eine persönliche, autoritäre und paternalistische Macht aufgebaut hatte, waren ihm viele dankbar dafür, dass er die Ausplünderung des Landes durch Oligarchen verhinderte und die stabile Zahlung von Renten und Gehältern sowie die Aufrechterhaltung des Sozialstaats und der öffentlichen Dienstleistungen sicherstellte (vgl. Bericht in BRN vom 26.03.2006).

Große Industriekomplexe aus der Sowjetzeit sind erhalten geblieben. Das Land verfügt nach wie vor über ein anerkanntes Potenzial für die Herstellung von schweren Lastkraftwagen, Bussen und Traktoren, für die Kaligewinnung und -verarbeitung, aber auch für wichtige High-Tech-Aktivitäten (auch im militärischen Bereich).

Doch gerade im letzten Jahrzehnt haben die unveränderte Dauer des sich an der Regierung befindenden Staatsoberhauptes, die überall gegenwärtige Macht, aber auch die stagnierende Kaufkraft die Popularität Lukaschenkos allmählich untergraben. Diese Entwicklung spürend, hat bei Loukaschenko zweifellos zu einer Vervielfachung… kontraproduktiver Initiativen geführt.

Erstens, indem er vor der Wahl behauptete, er wolle die Macht auf jeden Fall behalten; indem er zwei der potentiellen Kandidaten, die ihm hätten Stimmen abnehmen könnten (Frau Tichanowskaja ist die Frau eines von ihnen), inhaftierte; und indem er die Verhaftung russischer Paramilitärs inszenierte, die sich auf der Durchreise im Land befanden und denen er vorwarf, Teil eines Versuchs Moskaus zu sein, die Kontrolle über das Land übernehmen zu wollen. Eine Idee, die er einige Wochen später bitter bereute, denn sie endete mit der Verärgerung des großen russischen Bruders, mit dem Belarus – das die gleiche Kultur und Sprache hat, ganz zu schweigen von den wirtschaftlichen und familiären Bindungen – 1999 noch einen Integrationsvertrag unterzeichnet hatte.

Dann die vielen Absurditäten nach der Wahl: durch die Bezeichnung von Gegnern, die seinen Abgang forderten, als « Ratten »; durch Auftritte im Fernsehen mit einer Kalaschnikow und einer kugelsicheren Weste; und vor allem durch die Orchestrierung einer besonders brutalen Repression der Kundgebungen der ersten Tage. Auf diese Weise gelang es ihm, einen Teil der Bevölkerung, der ihm zunächst nicht unbedingt feindlich gesinnt war, gegen sich aufzubringen.

Viele Beschäftigte, im Prinzip Anhänger der Regierung, schlossen sich den Mobilisierungen an

Von da an befand sich nicht mehr nur eine bestimmte verstädterte Mittelschicht auf der Straße. Viele Beschäftigte, im Prinzip Anhänger der Regierung, schlossen sich den Mobilisierungen an. Es gab auch einige Streiks in Fabriken, die der Präsident ursprünglich für loyal hielt.

Obwohl westliche Führer jahrelang belarussische NGOs finanziell gefördert haben und von der Entstehung einer für sie günstigen Opposition träumten, hatten sie eine solche Bewegung nicht kommen sehen. Letzteres brachte, anders als z.B. in der Ukraine, in keiner Weise eine Spaltung zwischen « pro-EU » und « pro-russischen » Kräften zu Tage. Bei den Demonstrationen gab es weder eine europäische Flagge noch einen Anti-Moskau-Slogan. Dies hielt den US-Außenminister jedoch in keiner Weise davon ab, die Europäer aufzufordern, sich « für die Freiheit des belarussischen Volkes » einzusetzen …

Am 14. August protestierten die Minister der 27 EU-Mitgliedsstaaten gegen die Repressionen, plädierten für einen « Dialog » zwischen der Regierung und dem in Minsk gebildeten Koordinierungsrat, um den Rücktrittt des Präsidenten zu fordern. Sie beschlossen Sanktionen gegen diejenigen, die für Betrug und Polizeigewalt verantwortlich seien. Trotz eines außerordentlichen Gipfels, der am 19. August per Videokonferenz abgehalten wurde, haben die 27 immer noch keine Einigung erzielt. Dies sollte auf dem für den 24. und 25. September geplanten Gipfel erneut auf der Tagesordnung stehen.

Unter den EU-Staaten stehen auf der einen Seite die Ultras, u.a. die baltischen Länder und insbesondere Litauen – welches Swetlana Tichanowskaja aufnahm, als sie noch am Tag nach den Wahlen dorthin geflohen war. Sie fordern weit reichende Sanktionen, auch gegen den Präsidenten selbst, und haben diese ihrerseits bereits beschlossen.

Doch Angela Merkel fordert, ebenso wie der Präsident des Europäischen Rates, weniger weitreichende Maßnahmen. Berlin will vermeiden, Minsk weiter in die Arme Moskaus zu treiben. Der französische Präsident möchte seinerseits vermeiden, den « Dialog ohne Naivität » zu untergraben, für den er sich seit einem Jahr zum großen Missfallen einiger seiner EU-Kollegen mit Russland einsetzt.

Es ist allen bewusst, dass aufgrund der engen Beziehungen, die zwischen Minsk und Moskau bestehen (einschließlich militärischer Beziehungen), Wladimir Putin nun die Trümpfe für eine Lösung in der Hand hält. Der russische Präsident erklärte von Anfang an, dass es Sache der Belarussen selbst sei, Lösungen zu finden. Er versprach jedoch, Russland werde im Falle sehr schwerwiegender Störungen der öffentlichen Ordnung eingreifen. Als er seinen belarussischen Amtskollegen am 14. September empfing, tat er so, als würde er sich nicht an die Anschuldigungen erinnern, die sein Amtskollege vor den Wahlen gegen ihn erhoben hatte, und versprach ein Darlehen von 1,5 Milliarden Dollar.

Es sei daran erinnert, dass die Entfernung zwischen Belarus und Moskau nur 500 km beträgt und dass der Westen schlecht beraten wäre, wenn er im « geopolitischen Kampf um den postsowjetischen Raum » punkten wollte, wie es der Chef der russischen Diplomatie, Sergej Lawrow, formulierte.

Der Kremlchef ist zweifellos nicht verärgert darüber, sich in der Position eines Helfers gegenüber einem Alexander Lukaschenko zu sehen, der sich in seinem Land nun in einer schwierigen Lage befindet, der aber seit zehn Jahren nicht aufgehört hat, einen irritierenden Balanceakt zwischen Ost und West zu vollführen.

Der belarussische Präsident vertraute vor kurzem den russischen Medien an, es könne sein, dass er vielleicht zu lange an der Macht geblieben sei

Der belarussische Präsident vertraute vor kurzem den russischen Medien an, es könne sein, dass er vielleicht zu lange an der Macht geblieben sei (unerwartete Reue…), und dass er zukünftige Wahlen nicht ausschließe, vorausgesetzt, dies geschähe im Rahmen einer neuen Verfassung. Sollte man sich darunter vorstellen, dass er sein Gesicht wahren will, indem er vorübergehend auf seinem Posten bleibt, aber schließlich vor dem Ende der Amtszeit verschwindet…?

Ein solches Szenario würde dem Kreml nicht unbedingt missfallen. Dies gilt umso mehr, als es in Minsk wahrscheinlich keinen Mangel an Bewerbern gibt, die für die Umsetzung einer weiteren Annäherung zwischen den beiden Ländern, wie sie im Vertrag von 1999 vorgesehen ist, eintreten.

Es bleibt abzuwarten, ob diese Annäherung zu einer verstärkten Zusammenarbeit oder zu einer Übernahme durch bestimmte russische Oligarchen führen kann, die nie einen Hehl aus ihrem Interesse an den bis heute bewahrten technologischen und industriellen Schätzen des Landes gemacht haben.

(Bericht am 18. September)

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Interview mit Brian Denny (UK-Gewerkschaft) : Zurück zur Souverainität

Par : pierre

Der große britische Gewerkschaftsbund TUC hatte sich zwar gegen den Brexit ausgesprochen, doch ein großer Teil der Basis war dafür. Brian Denny, Gewerkschafter in der Gewerkschaft RMT (besonders im Transportwesen verankert), gibt eine Bestandsaufnahme.

Ruptures – Mit dem Coronavirus steht das Vereinigte Königreich vor seiner ersten Krise nach dem Brexit. Wird diese Situation anders gehandhabt, als es bei einer Mitgliedschaft des Landes in der Europäischen Union der Fall gewesen wäre?

BD – Der Brexit ist ein Prozess der Wiedererlangung von Souveränität und Unabhängigkeit. Und in diesem Zusammenhang bestärkt die Epidemie die Entscheidung des Vereinigten Königreichs: Es ist klar, dass nur der Nationalstaat in der Lage ist, mit dieser Situation umzugehen und sich in der Krise zu organisieren. Die Europäische Union tut nichts, weil sie nichts dagegen tun kann. Sogar Emmanuel Macron sollte dies erkennen. Mehr und mehr Europa, mehr und mehr Globalisierung, immer weniger Grenzen, da trägt man in vollem Bewusstsein die ganze Last jeder Krise, indem man sich der unverzichtbaren Instrumente zu ihrer Bewältigung beraubt.

Ruptures – Die britische Regierung setzt beträchtliche finanzielle Mittel frei, um die Auswirkungen der Pandemie zu begrenzen. Wäre dies vor dem Brexit möglich gewesen?

BD
– Der Effekt ist eher psychologischer Natur als eine Frage die den Haushalt oder das Recht betrifft: Wir wissen, dass diese Entscheidungen national sind, und deshalb sind wir in dieser Situation nur uns selbst gegenüber rechenschaftspflichtig. Dies wird konkret am Coronavirus sichtbar, aber noch allgemeiner auf der Ebene wo die Entscheidungen für die expansive Finanzpolitik getroffen werden. Der Plan der Regierung scheint darin zu bestehen, die Wirtschaft durch die Zuweisung der notwendigen öffentlichen Mittel zu entwickeln. Dies ist das Gegenteil der Sparidee, auf der die EU besteht, und ganz allgemein auch der Globalisierung.

Ruptures – Ist es nicht verwunderlich, dass die Konservative Partei, die sich bisher von einem ungezügelten Wirtschaftsliberalismus leiten ließ, eine solche Politik ins Werk setzt?

BD – Es ist nicht so überraschend. Die Tories haben im Laufe ihrer Geschichte manchmal großen Pragmatismus und ein echtes Verständnis der Situation gezeigt. Dieser Pragmatismus und dieses Realitätsbewusstsein zeigt sich nun auch beim Brexit: Die EU-Anhänger innerhalb der Tory-Partei haben jetzt deutlich gemacht, dass für sie die Sache erledigt ist – so zum Beispiel der ehemalige Vize-Premierminister unter John Major, Michael Heseltine, der unter den Konservativen einer der schärfsten Gegner des Brexit war. Die Bürger haben gewählt, und das Blatt hat sich gewendet. Man muss wirklich ein Sozialdemokrat sein, um das Gegenteil daraus zu machen…

Ruptures – In der Tat ist dies nicht die Haltung von Jeremy Corbyn’s Labour Party…

BD – Ein Teil der sehr gespaltenen Labour Party erklärt, dass ihr neues Ziel die baldige, – am liebsten schon morgen- Rückkehr des Vereinigten Königreichs in die Europäische Union ist. Das wäre zum Lachen, wenn es nicht so dramatisch wäre. Diese Analysen sind grob und extrem vereinfachend, sie zeugen von Resignation und sind unangemessen. Sie sind charakteristisch für ein Denken, das zehn Jahre der Geschichte hinterher läuft!

Ruptures – Ist es nicht schmerzhaft für einen Gewerkschafter wie Sie, eine solche Erklärung abzugeben, die für die Konservativen günstiger ist als für die Labour Party?

BD – Der Brexit hat von Anfang an die Rechts-Links-Spaltung überwunden. Es war immer klar, dass wir uns in einer wichtigen Souveränitätsfrage befanden, die über die üblichen Positionen auf dem politischen Schachbrett hinausging. Das nationale Interesse hatte bei diesem Thema Vorrang.

Ruptures – Fürchten Sie aber nicht ein schwieriges Erwachen, wenn die Regierung, um politisch erfolgreich zu sein, die Voraussetzungen für eine weitgehende Deregulierung, insbesondere des Londoner Finanzplatzes, schafft, und zwar ohne jegliche Kontrolle?

BD – Dieses Phänomen der extremen Liberalisierung der Finanzaktivitäten gab es leider schon vor dem Brexit in der City. Die Europäische Union hat nichts getan, um dieses Phänomen zu verhindern… Und es ist in der Tat die Globalisierung, die die Sozialdemokraten so sehr anspricht – Anthony Blair war ein brillantes Beispiel dafür -, die die Idee dieser unbegrenzten und grenzenlosen Expansion des Finanzkapitalismus in sich trägt.

Ruptures – Auch um den Preis des Schwarzgeldes?

BD – Man kann sich im Kontext der Globalisierung nicht gegen schmutziges Geld wehren, sie erzeugt und verbreitet es. Unter diesem Gesichtspunkt wird sich eine starke Souveränität als viel effektiver erweisen. Natürlich ist der Brexit nicht die Lösung für alles. Es ist ein Prozess, und er wird das sein, was wir daraus machen. Lassen Sie mich hinzufügen, dass Singapur, das oft als Beispiel für Deregulierung angesehen wird, entgegen der landläufigen Meinung von massiven staatlichen Eingriffen profitiert. Die EU hat auch … ein Freihandelsabkommen mit diesem Land.

Ruptures – Wie wird innerhalb der Gewerkschaften diese expansive Finanzpolitik der Konservativen mit massiven Investitionen, zum Beispiel in den öffentlichen Verkehr, erlebt?

BD – Gewerkschaften sind keine politischen Parteien. Sie müssen die Interessen der Arbeitnehmer vertreten. In gewisser Weise ist es für uns einfacher, es zwingt uns, viel pragmatischer zu sein als politische Parteien. Wir begrüßen daher die Entscheidungen, insbesondere die Ankündigung der Entwicklung von Bahn- und Busnetzen. Diese Investitionen sind unerlässlich, und niemand in den Gewerkschaften ist dagegen. Wir sind sogar der Meinung, dass wir noch weiter gehen müssen und dass wir noch zu eng mit der europäischen Politik verbunden sind, insbesondere im Bereich der Eisenbahn. Die Verbindung muss gelöst werden. Wir sind dabei, den Handlungsspielraum für eine Politik zugunsten des öffentlichen Verkehrs zurückzugewinnen. Wir müssen noch weiter gehen.

Ruptures – Das heißt?

BD – Das Vereinigte Königreich war in den 1980er und 1990er Jahren bei der Deregulierung und Privatisierung des Schienenverkehrs an vorderster Front dabei. Die darauf folgenden großen Funktionsstörungen führten zur Wiederaneignung bestimmter Strecken durch die öffentliche Hand: Dies war 2018 der Fall bei der Londoner Nordost-Eisenbahn sowie bei der Ostküstenlinie (die London mit Edinburgh verbindet). Dies eröffnet neue Perspektiven.

Ruptures – Ironischerweise könnten Unternehmen wie Eurostar angesichts der Coronavirus-Krise vom Brexit profitieren.

BD – Dies ist ein gutes Beispiel, der Eurostar wird eine starke öffentliche Unterstützung brauchen, um die Krise zu überstehen. Diese öffentliche Intervention wird in einem von der Brexit-Mentalität getriebenen Vereinigten Königreich um so leichter sein. Wir haben jetzt eine größere Reaktionsfähigkeit. Auch die Privatwirtschaft wird, entgegen der Auffassung der Befürworter der Globalisierung und der Europäischen Union, von unserer wiedergewonnenen Souveränität profitieren.

Ruptures – Zu diesen Unterstützern der EU gehört der TUC, der grosse britische Gewerkschaftsverband. Wie reagieren die Gewerkschaftsführer, die von der Abstimmung des Volkes irgendwie überrascht wurden?

BD – Der TUC hat das EU-Projekt immer unterstützt, weitgehend ohne Mandat der Gewerkschaftsmitglieder. Heute ist er sehr still, da Millionen Mitglieder, die Basis der Gewerkschaften, eindeutig dafür gestimmt haben, dass das Land die EU verlässt. Die Führung nimmt nun die neue Situation mit einem gewissen Realismus auf, nimmt den Austritt aus der EU jedoch nur widerwillig in Kauf. Der Apparat ist offensichtlich nicht begeistert von der Chance, die der Brexit darstellt …

Interview von Julien Lessors

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2020 wird das Jahr sein, in dem man vom „trotz“ Brexit zum „dank“ Brexit kommen wird

Par : pierre

Für Großbritannien wird 2020 das Jahr sein, in dem die in öffentlichen Reden angekündigte « Apokalypse » dem « britischen Wunder » weichen wird.
 

Von Charles-Henri Gallois, nationaler Leiter der UPR für Wirtschaftsfragen und Autor des kürzlich veröffentlichten Buches : Les Illusions économiques de l’Union européenne, Fauves éditions

Eines ist sicher: 2020 wird das Jahr sein, in dem wir in öffentlichen Reden und vielleicht sogar in den Medien von « trotz Brexit » zu « dank Brexit » und von « Apokalypse » zu « britischem Wunder » übergehen werden! Diese Gewissheit zeigt sich in der Kluft, die seit dem Referendum von 2016 zwischen den die Katastrophe heraufbeschwörenden Äußerungen einerseits und dem realwirtschaftlichen Kurs des Vereinigten Königreichs andererseits besteht.

Alle Pseudo-Experten und Anhänger der EU hatten in der Tat eine Apokalypse angekündigt, falls die Briten es wagen sollten, die EU zu verlassen, d.h. sich von der EU zu befreien. Diese Apokalypse sollte, so scheint es, am Tag nach der Abstimmung stattfinden. Das Referendum fand am 23. Juni 2016 statt, und 51,9% der britischen Bevölkerung stimmten für den Austritt.

Am nächsten Tag gab es überraschenderweise keine Heuschreckeninvasion in Westminster, die Neugeborenen waren wohlbehalten im Portland Hospital und das Wasser der Themse verwandelte sich nicht in Blut. Am 24. Juni 2016 gab es gegen 13 Uhr nur sehr leichte Schauer, was eine Meisterleistung ist, wenn wir über London und das Vereinigte Königreich sprechen.

Von allen Weltuntergangsprophezeiungen hat sich keine erfüllt

Die Pseudo-Experten nahmen dann die wirtschaftliche Aktivität genauestens unter die Lupe in der Hoffnung, das geringste Anzeichen eines Zusammenbruchs zu erkennen.

Glücklicherweise hat sich von allen apokalyptischen Prophezeiungen (Exodus aus der Stadt, Zusammenbruch des Pfunds, Zusammenbruch der Finanzmärkte, Rezession des BIP, steigende Arbeitslosigkeit, Investitionsdebakel, Explosion der Inflation und massiver Rückgang der Immobilienpreise…) keine erfüllt.

Schlimmer noch, die Zeit wurde mit guten Nachrichten gefüllt, da die Produktion im verarbeitenden Gewerbe zunahm, die Investitionen fortgesetzt wurden, die Arbeitslosigkeit stark zurückging, die Immobilien- und Aktienmärkte stiegen, das Wachstum anhielt und nicht einmal 7.000 Arbeitsplätze die Stadt verließen, verglichen mit den 75.000 « erwarteten » Verlusten vor dem Referendum. All diese positiven Daten wurden von allen französischen Medien und einigen EU-geförderten britischen Medien mit dem Vorbehalt der Sparsamkeit « trotz Brexit » begleitet. Als wäre es sicher und gewiß, daß der Brexit eine Katastrophe sein würde, war dies zumindest die Idee, die der Öffentlichkeit vermittelt werden mußte, um sie zu erschrecken.

Ein Regen guter Nachrichten im Jahr 2020

Zum Pech aller Weltuntergangspropheten regnet es weiter gute Nachrichten für das Vereinigte Königreich an diesem beginnenden 2020 und wenige Tage vor dem offiziellen Austritt am 31. Januar.

Die britische Regierung hat eine spektakuläre Erhöhung des Mindestlohns angekündigt. Zusätzlich zur völligen Beschämung derer, die behaupteten, der Brexit sei von Natur aus ultraliberal, wird der britische Mindeststundenlohn am 1. April 2020 den französischen Mindestlohn (10,24 Euro pro Stunde in Großbritannien gegenüber 10,15 Euro in Frankreich) übersteigen [1]. Diese Erhöhung des Mindestlohns um 6,2% bedeutet für einen Vollzeitbeschäftigten eine Erhöhung um 930 Pfund (etwa 1.090 Euro) pro Jahr.

Man muss bis ins Jahr 1981 zurückgehen, um einen solchen Anstieg in Frankreich zu finden. In der Zwischenzeit verlangen die Grundzüge der Wirtschaftspolitik der Europäischen Kommission, dass Frankreich den Mindestlohn jedes Jahr einfriert. Die Empfehlung wird seit 2012 brav umgesetzt.

34 Milliarden zusätzliche Pfund für die Gesundheit

Der andere Schlag für diejenigen, die von einem inhärent ultraliberalen Brexit sprachen, war die Ankündigung Boris Johnsons, zusätzliche 34 Milliarden Pfund für den NHS (National Health Service, das Äquivalent zum Gesundheitszweig unseres Sozialversicherungssystems) bereitzustellen [2].

Sajid Javid, Schatzkanzler (entspricht unserem Finanzminister), hat eine weitere europapolitische Illusion zerstört. Man erklärt den Franzosen immer: « Zum Glück gibt es die EU, um unsere Landwirtschaft zu finanzieren ». Man vergisst leicht, dass sowohl Frankreich als auch das Vereinigte Königreich Nettozahler der EU sind. Das bedeutet, dass das von der EU bezahlte Geld nur französisches und britisches Geld ist.

Sajid Javid hat dieses « Argument » offiziell als Lüge entlarvt, indem er ankündigte, dass sie nach dem Brexit [3] weiterhin die 3,4 Milliarden Pfund für den Agrarsektor zahlen werden. Es wird genauso viel Geld wie bei der europäischen Landwirtschaft zur Verfügung stehen, nur dass es nicht mehr diese sein wird, die eine schnellere und gerechtere Auszahlung der Mittel ermöglicht, indem Kriterien wie die Erhaltung der Umwelt und der biologischen Vielfalt und nicht das Kriterium der Betriebsgröße nach den Vorgaben der EU einbezogen werden.

Von Facebook zu Airbus, die Entscheidung Großbritanniens

Es gab nicht nur keinen Exodus aus der Stadt, sondern es wurde am 20. Januar angekündigt, dass mehr als 1.000 Banken, Vermögensverwalter, Zahlungsdienstleistungsunternehmen und Versicherer Büros in Großbritannien nach dem Brexit eröffnen werden [4].

Am 21. Januar kündigte Facebook an, dass es in diesem Jahr in London 1.000 Mitarbeiter für Positionen in den Bereichen Sicherheit und Produktentwicklung einstellen wird. Und das US-Unternehmen wird nach dem Brexit [5] sein größtes Ingenieurzentrum außerhalb der USA weiter ausbauen.

Im gleichen Sinne verpflichtete sich Airbus, das gedroht hatte, nach dem Brexit Großbritannien zu verlassen, schließlich nicht nur zu bleiben, sondern seine Aktivitäten über den Ärmelkanal auszuweiten [6].

Im Jahr 2020 wird das britische Wachstum höher sein als das von Deutschland und Frankreich

Zum Schluss die vielleicht wichtigste Nachricht: Der IWF beendet das « Projekt der Angst », das darin bestand, dass alle offiziellen Institutionen die Gefahr eines Zusammenbruchs der britischen Wirtschaft an die Wand malten. Die Institution kündigt an, dass das Wachstum in Großbritannien in den Jahren 2020 und 2021, d.h. nach dem offiziellen Ausstieg [7], höher sein wird als das der Euro-Zone. Für die Eurozone wird ein Wachstum von 1,3% im Jahr 2020 und 1,4% im Jahr 2021 erwartet, während für Großbritannien ein Wachstum von 1,4% im Jahr 2020 und 1,5% im Jahr 2021 erwartet wird. Sein Wachstum wäre höher als das von Deutschland und Frankreich.

Eine große Ohrfeige für die Eurofanatiker, die von der guten Nachricht profitierten, indem sie behaupteten, dass « es sowieso nichts bedeutet, sie sind noch nicht draußen ». Auch dies war eine unbestreitbar böswillige Aussage, da Unternehmen und verschiedene Wirtschaftsakteure bereits seit langem den Brexit einbeziehen. Das Mindeste, was man sagen kann, ist, dass die angekündigte Katastrophe nicht eingetreten ist und auch nicht eintreten wird.

Die Arbeitslosigkeit verschwindet, die Beschäftigung wird konsolidiert

Seit dem Brexit-Referendum sind die besten Nachrichten an der Beschäftigungsfront zu verzeichnen, was durch den Bericht des ONS (Office for National Statistics, das britische Pendant zum INSEE) vom Januar 2020 [8] bestätigt wird. Die Arbeitslosigkeit lag im Juni 2016 bei 5%. Sie liegt jetzt bei 3,8 %, dem niedrigsten Wert seit dem Winter 1974, d.h. seit 45 Jahren.

Noch spektakulärer ist der Aufschwung bei der Beschäftigungsquote, denn dieser Bericht vom Januar zeigt, dass sie auf 76,3% gestiegen ist, ein Allzeithoch. Vor dem Referendum lag er bei 74,2%, was einem Anstieg von 2,1 Punkten entspricht. Das Interessanteste ist, dass es sich bei den seit dem Referendum geschaffenen Arbeitsplätzen überhaupt nicht um Nullstunden- oder Teilzeitverträge, sondern um Vollzeitverträge handelt. Zwischen Juni 2016 und Dezember 2019 wurden 1,2 Millionen Arbeitsplätze geschaffen, während die Zahl der Teilzeitverträge um 19.500 zurückging. Der Anteil der Teilzeitbeschäftigung an der Gesamtbeschäftigung stieg von 36,9% auf 35,1%.

Bewusstwerdung

Die Tatsachen, die Daten werden also auch im Jahr 2020 Monat für Monat all jene widerlegen, die geschworen haben, dass alle Wunden der Krise und der Rezession auf das vom Brexit hinweggefegte Vereinigte Königreich fallen würden. Dann wird es das Ende der europäischen Illusionen sein. Hoffen wir, dass es unseren Landsleuten die Augen öffnen wird, um die Kraft und den Mut zu finden, sich durch einen Frexit von der EU und dem Euro zu befreien. Wir sollten keine Angst mehr haben und aufhören, auf diejenigen zu hören, die sich seit 40 Jahren in fast allen Fragen geirrt haben.

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[1]https://www.capital.fr/economie-politique/le-salaire-minimum-va-augmenter-de-6-au-royaume-uni-et-depasser-notre-smic-1358685

[2]https://www.telegraph.co.uk/politics/2019/12/18/boris-johnson-put-nhs-heart-domestic-agenda-queens-speech/

[3]https://euobserver.com/tickers/147015?fbclid=IwAR1MU3qwEcEwtbkY342FMV_qKfaw5axTHpbvSeOQ96e_eUYmBpQ6JWh9i-E

[4]https://uk.reuters.com/article/us-britain-eu-banks/a-thousand-eu-financial-firms-plan-to-open-uk-offices-after-brexit-idUKKBN1ZJ00D

[5]https://www.reuters.com/article/us-facebook-europe-business/facebook-targets-uk-growth-with-1000-hires-this-year-idUSKBN1ZK0G4?fbclid=IwAR1rrbOylzwstJN0Y7LjhYw0eTOWNHekJYaVDGB-R9Vs4Xf3JTGMIpb8rFs

[6]https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-01-08/airbus-chief-faury-pledges-expansion-in-the-u-k-after-brexit

[7]https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2020/01/20/weo-update-january2020

[8]https://www.ons.gov.uk/employmentandlabourmarket/peopleinwork/employmentandemployeetypes/bulletins/uklabourmarket/january2020/pdf

 

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Le fabuleux destin que craint Amélie de Montchalin

Par : pierre

Négociations qui s’amorcent entre Londres et Bruxelles : loin d’être isolé, le Royaume-Uni va désormais pouvoir se ré-ouvrir au monde sans entrave.

Décidément, Boris Johnson n’a pas fini de provoquer des aigreurs chez les dirigeants européens en général, chez le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, en particulier.

Depuis samedi 1er février, le Royaume-Uni a juridiquement quitté l’Union européenne (sans qu’aucun Tsunami n’ait encore emporté les îles britanniques). Mais il reste une étape décisive : la négociation d’un accord fixant les rapports à venir entre Londres et Bruxelles : commerce au premier chef, mais aussi sécurité, défense, énergie, transports, ainsi que l’épineux dossier de la pêche.

Cette négociation se déroulera pendant l’actuelle « période de transition » qui prendra fin au 31 décembre. Au grand dam des Vingt-sept, le chef du gouvernement britannique a exclu de prolonger ladite période de transition.

Lundi 3 février, comme prévu, les deux parties ont donc présenté, à distance, leurs positions de départ. Côté Bruxelles, il s’agit du « mandat de négociation » que les Vingt-sept vont confier à M. Barnier, et qu’ils valideront formellement le 25 février prochain.

A Londres, l’humeur est à l’optimisme conquérant

A Londres, M. Johnson dispose, lui, d’une large majorité parlementaire à sa main.

Mais avant même le contenu des deux documents, ce qui frappe, c’est la différence d’état d’esprit. D’un côté, le Premier ministre anglais a fait le choix de se tourner vers l’avenir, parlant d’une « nouvelle aube » pour son pays. Il faut certes faire la part de la communication, mais l’humeur est manifestement à l’optimisme conquérant.

Les esprits grognons étaient, lundi, à chercher du côté des représentants du patronat. La CBI (le Medef britannique) et les Chambres de commerce n’avaient pas été invitées, contrairement à l’habitude. Car, selon les services du 10 Downing street, le patronat « perd son temps » à faire pression sur le gouvernement « pour qu’il abandonne toutes les promesses faites au peuple britannique ».

Côté Bruxelles, le ton est aux avertissements et au repli sur soi.

Côté Bruxelles en revanche, le ton est aux avertissements et menaces en direction des Britanniques, et aux appels, un peu inquiets, à resserrer les rangs au sein de l’UE. L’humeur est au repli sur soi.

Certes, Michel Barnier a proposé à Londres un « accord très ambitieux » sur le plan commercial : zéro droit de douane, zéro quota (c’est-à-dire pas de limitation des importations en provenance d’outre-Manche). Mais en y mettant une énorme condition : que le Royaume-Uni s’engage, par traité, à s’aligner sur toutes les règles actuelles de l’UE, et à se soumettre aux arbitrages de la Cour de justice de l’UE. Paris souhaiterait même un alignement « dynamique », c’est-à-dire que les Anglais acceptent d’avance toutes les règles futures de l’UE…

Selon les Vingt-sept, il s’agit d’éviter que les Britanniques fourguent leurs produits et services sur le continent en pratiquant le « dumping » social (c’est-à-dire en rognant les droits sociaux pour vendre moins cher), « environnemental » (en allégeant les contraintes, là aussi pour faire baisser les coûts), ou « fiscal » (en abaissant les impôts pour attirer des capitaux – un sport qui existe pourtant déjà au sein même de l’UE, de la part de l’Irlande voisine, par exemple).

Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié un accord de libre échange avec… Singapour.

Bref, selon l’expression en vogue à Bruxelles, il faudrait à tout prix éviter que nos voisins d’outre-Manche transforment leur pays en « Singapour sur Tamise », manière de désigner un modèle hyper-déréglementé incompatible avec un accord de libre échange. Pas de chance cependant pour la démonstration : l’UE a ratifié, il y a un an, un accord de libre échange avec… Singapour.

A sa manière, franche, Boris Johnson a d’emblée exclu de se soumettre à un tel diktat. Nous appliquerons les règles britanniques sans les affaiblir, a martelé Boris Johnson, mais il n’y a aucun besoin de signer un traité pour cela.

« Allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques  ? Bien sûr que non ! »

Et d’ailleurs, pourquoi les exigences seraient-elles à sens unique, a habilement ajouté M. Johnson, pourquoi ce ne serait pas aux Européens de se calquer sur les règles britanniques : « allons-nous imposer des droits de douane aux voitures italiennes ou au vin allemand (les exemples sont plaisamment choisis…) au prétexte que l’UE ne s’aligne pas sur nos règles britanniques concernant les touillettes à café en plastique ou sur les congés maternité ? Bien sûr que non ! ».

Les futurs négociateurs distinguent différents scénarios possibles : un accord « à la norvégienne », « à la suisse », « à la canadienne », voire « à l’australienne »… Dans le premier cas, Le Royaume-Uni, comme c’est le cas actuellement pour la Norvège, s’engagerait à adopter toutes les règles de l’UE – c’est donc l’hypothèse exclue par Londres. La configuration « helvète » comprend des règles et accords secteur par secteur – ce qui ne plaît pas à Bruxelles. Le scénario de type canadien, qui a la préférence de Londres, renvoie au traité de libre échange signé entre l’UE et Ottawa (le CETA) qui abolit les droits de douane sur 98% des produits – mais sans exiger un alignement réglementaire.

Quant à l’hypothèse « australienne », elle a été évoquée à dessein sous ce qualificatif par M. Johnson : ce pays commerce en effet selon les seules règles de l’OMC – ce qui serait la situation si aucun accord n’est trouvé. Mais la référence à l’Australie, pays du Commonwealth, ne sonne pas négativement aux oreilles des Britanniques.

« Nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne »

En tout cas, le ministre des Affaires étrangères, a d’emblée prévenu : « nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n’est pas pour nous aligner avec les règles de l’Union européenne ». Un camouflet à tous ceux, en France en particulier, qui pariaient sur un Brexit déjà rebaptisé Brino (« Brexit in name only », un Brexit seulement de façade).

Et sur ces entrefaites, Dominic Raab entame une tournée en Australie, au Japon, en Malaisie… et à Singapour. Car le Royaume-Uni a enfin récupéré le droit de signer des accords commerciaux en son nom propre, ce qui était interdit quand il était membre de l’UE.

L’amertume était palpable ces jours-ci dans les couloirs de Bruxelles où les uns et les autres déploraient le choix britannique de l’« isolement ». Michel Barnier a même osé : « je regrette que le Royaume-Uni ait choisi d’être solitaire plutôt que solidaire ».

En quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave

La réalité est qu’en quittant l’UE, le pays s’est débarrassé du filtre qui obstruait (un peu) son rapport au monde, et peut à nouveau s’y ouvrir sans entrave, en cultivant « l’amitié entre toutes les nations », comme le proclame la nouvelle pièce de 50 pence émise pour fêter le Brexit.

Dans la période qui s’ouvre, on pourrait donc assister à l’expérience – sans précédent – d’un pays qui reconquiert sa souveraineté bridée par l’UE : sa liberté de faire ses lois et de décider de ses impôts, mais aussi de nouer des coopérations tous azimuts. Et ce, sans plus devoir subir les absurdités macroniennes vantant une Europe-puissance dotée de sa propre « souveraineté ». Le Royaume-Uni, isolé ? Quelle stupidité !

Selon Amélie de Montchalin, « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe »

Voilà qui pourrait bien donner des idées à d’autres pays, comme le craint manifestement le Secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. Interviewée dans Le Monde (04/02/20), Amélie de Montchalin laisse ainsi apparaître son inquiétude : « le Brexit va alimenter les fantasmes de ceux qui, ici ou là, veulent que leur pays sorte de l’Europe ».

Oui, Amélie : « ici ou là » en effet, certains pourraient rêver d’un fabuleux destin…

Toutes les infos, complètes et mises à jour, à découvrir dans l’édition de Ruptures à paraître fin  février. Il n’est pas trop tôt (ni trop tard) pour s’abonner.

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Derrière le triomphe de Boris Johnson, un bouleversement du paysage politique ?

Par : pierre

Après le vote ouvrier massif visant à assurer le Brexit, le premier ministre britannique a confirmé, dans son discours inaugurant la session parlementaire, vouloir tourner le dos à l’austérité

Une semaine a passé depuis les élections du 12 décembre au Royaume-Uni, et l’on mesure désormais non pas seulement l’ampleur du triomphe de Boris Johnson, mais aussi la profonde restructuration de la vie politique qui s’amorce.

Deux vedettes ont émergé : le Brexit, bien sûr, qui était l’enjeu le plus manifeste du scrutin ; et la classe ouvrière, dont le vote a été déterminant pour garantir que celui-ci sera finalement effectif.

Les citoyens ont transformé les élections en second référendum de confirmation…

Et ce, après trois ans et demi de blocages et de tergiversations devenus insupportables. Le 23 juin 2016 en effet, le verdict était clair : le pays devait reprendre son indépendance. Les efforts conjugués des forces anti-Brexit tant en Grande-Bretagne (au Parlement, en particulier) qu’à Bruxelles espéraient – stupidement – pouvoir s’y opposer. Les citoyens ont transformé les élections en second référendum de confirmation…

Le premier ministre conservateur sortant, Boris Johnson, a mené campagne autour d’un argument majeur : j’ai obtenu de haute lutte (en octobre) un accord avec Bruxelles, donnez moi maintenant une majorité qui puisse enfin le ratifier.

Forts de 365 sièges (sur 650), soit un gain de 66 élus, les Conservateurs n’avaient jamais réalisé une telle performance depuis 1987. Avec 43,6% des voix, ils progressent globalement de + 1,2 point par rapport à 2017. Mais c’est essentiellement leur succès dans l’Angleterre laborieuse du nord et du centre, sinistrée après la fermeture de milliers d’usines et des mines, qui a fait la différence.

Dans les cinquante circonscriptions comptant la plus grande proportions d’ouvriers, le parti de M. Johnson augmente son score d’en moyenne 4,7%

Très vite au cours de la soirée électorale, il est apparu que le « mur rouge », ces bastions industriels et populaires des Travaillistes qui s’étendent au Nord du pays et dans les Midlands, cédait à la poussée de la formation de Boris Johnson. Des dizaines de places fortes du Labour viraient au bleu (la couleur des conservateurs), dont vingt-quatre étaient des fiefs rouges depuis l’après-guerre, voire depuis 1919.

Un « vote de classe » qu’a détaillés le quotidien conservateur The Telegraph. Ainsi, dans les cinquante circonscriptions comptant la plus grande proportions d’ouvriers, le parti de M. Johnson augmente son score d’en moyenne 4,7%. Et dans les cinquante où il y a le moins de « cols bleus », il baisse de 2,9%…

Les classes populaires ont assuré le Brexit

C’est tout sauf un hasard si ce sont les classes populaires qui ont assuré son succès, car ce sont elles qui avaient voté massivement pour le Brexit. Et qui bouillaient d’exaspération que celui-ci ne soit pas encore effectif.

Logiquement et symétriquement, les Travaillistes encaissent leur pire déroute depuis 1935, avec 203 sièges, soit une perte de 42 par rapport à 2017 (32,2%, – 7,8 points). Leur leader Jeremy Corbyn, a d’emblée indiqué qu’il ne conduirait pas la prochaine campagne. Mais il a souhaité engager une réflexion collective avant de passer la main.

Un processus qui pourrait tourner à l’affrontement au sein de ce parti, entre des cadres massivement pro-UE, et certaines figures issues du Nord, qui pointent désormais la déconnexion du Parti d’avec les couches populaires, celles-là mêmes qui ne se sont plus senti écoutées.

M. Corbyn lui-même est accusé d’avoir affiché une position illisible : une renégociation (improbable) avec Bruxelles, puis un nouveau référendum (en précisant qu’il resterait neutre sur ce dernier…). Considéré comme économiquement très à gauche et proposant un programme « anti-capitaliste » (nationalisations, fiscalité), le chef du Labour tenait en revanche un discours pro-ouverture des frontières, un grand écart que ne lui ont pas pardonné les millions d’ouvriers qui votaient traditionnellement travailliste.

Santé, la sécurité, l’éducation, infrastructures…

C’est en réalité tout le camp des anti-Brexit (à l’exception des nationalistes écossais) qui subit une déroute monumentale, encore amplifiée par le système électoral à un tour où c’est le candidat arrivé en tête qui l’emporte. Ainsi, les Libéraux-démocrates passent de 21 à 11 sièges (même si leur pourcentage augmente de 4,2 points, à 11,6%), et leur jeune présidente est elle-même battue dans son fief écossais. Sous son impulsion, son parti a mené campagne en proposant… d’annuler purement et simplement le Brexit, sans même un nouveau référendum.

Sur le plan intérieur, Boris Johnson s’est immédiatement félicité de son mandat « irréfutable, incontestable » pour réaliser la sortie de l’UE, et à appelé à « panser les plaies » en vue de réconcilier la nation. Il a également confirmé ce que seraient ses priorités : la santé, la sécurité, l’éducation ainsi que les infrastructures. Pour ce faire, il entend engager des investissements massifs, et mettre ainsi fin aux politiques d’austérité.

En s’appuyant sur sa plateforme « ouvrière, interventionniste, étatiste, protectionniste et dépensière », M. Johnson peut espérer garder sa nouvelle base ouvrière, note The Telegraph

C’est en s’appuyant sur une telle plateforme « ouvrière, interventionniste, étatiste, protectionniste et dépensière » qu’il peut espérer garder sa nouvelle base ouvrière note le quotidien conservateur The Telegraph. C’est-à-dire bien éloignée des positions ultra-libérales qu’il défendait lorsqu’il était maire de Londres.

Le fera-t-il ? Boris Johnson a souvent passé pour un menteur et un tricheur. Pourtant, le lendemain du scrutin, il déclarait « nous devons comprendre les raisons du tremblement de terre que nous avons déclenché ; nous avons changé la carte politique, il nous reste désormais à changer le parti ». Déjà, le profil des députés Tories tranche avec la législature sortante : le groupe parlementaire est désormais plus provincial, plus jeune, et surtout plus féminin, et d’origine plus modeste.

Son discours programme prononcé (par la reine, conformément à la tradition) en ouverture de la session parlementaire, le 19 décembre, a confirmé nombre de ses promesses, pour les hôpitaux publics, l’éducation les investissements dans les infrastructures. S’il tourne le dos à l’austérité, cela ne réjouira pas les dirigeants européens, car cela constituera un contre-exemple face aux politiques imposées aux peuples du Vieux continent – loin des cataclysmes annoncés.

« Un concurrent à nos portes »

Mais pour l’heure, ce qui préoccupe Bruxelles et les capitales européennes concerne la manière dont le pays va quitter l’UE. Certes, l’accord de divorce va désormais être ratifié mais une nouvelle négociation va s’ouvrir sur le futur traité de coopération entre l’UE et Londres, notamment en matière commerciale.

Beaucoup, à Bruxelles, redoutent que le Royaume-Uni choisisse de diverger des règles européennes, et devienne de ce fait « un concurrent à nos portes », selon la formule d’Angela Merkel. Dans ce cas, il ne pourra y avoir de libre échange complet ont martelé les Vingt-sept réunis les 13 et 14 décembre en sommet.

La loi exclura explicitement toute prolongation de la période de transition au-delà du 31 décembre 2020, au grand dam de Bruxelles

Le Conseil européen a mandaté la Commission pour établir un mandat de négociation en leur nom. Celui-ci devrait être prêt au 1er février. Il ne restera alors qu’onze mois entre la sortie fixée au 31 janvier, et la fin de la « période de transition » prévue jusqu’au 31 décembre par l’accord de divorce, pendant laquelle les règles européennes continuent de s’appliquer, notamment en matière de circulation et de douane.

C’est bien trop court pour négocier un traité de libre échange très complexe, font valoir les experts. On va y arriver, affirme au contraire M. Johnson, qui vient de confirmer sa promesse : la loi de transposition de l’accord de divorce en droit anglais exclura explicitement toute prolongation au-delà du 31 décembre 2020, au grand dam de Bruxelles.

Alors, tentera-t-il de maintenir un rapport commercial très étroit avec l’UE ? Optera-t-il pour concurrencer celle-ci de manière « agressive » ? Négociera-t-il avec Donald Trump un « énorme accord commercial plus juteux (…) qu’avec l’UE », selon le Tweet de félicitation enthousiaste que la Maison-Blanche a immédiatement envoyé ?

Le simple fait d’avoir le choix est déjà une remarquable conséquence du Brexit…

Analyse de l’élection et des perspectives dans l’édition de Ruptures parue le 18 décembre

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