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« Les Soviétiques voulaient décapiter l’État lituanien » : conversation avec l’ambassadeur de Lituanie en France

Un article de Guillaume Gau, auteur du blog Chroniques occidentales et partenaire de Contrepoints.

Avec 65 000 km2 (deux fois la superficie de la Belgique) et 2,8 millions d’habitants, la Lituanie est à la fois le plus grand, le plus peuplé et le plus méridional des trois États baltes. Sa capitale est Vilnius et le pays partage des frontières avec la Lettonie au nord, la Biélorussie à l’est, la Pologne au sud et la Russie (enclave de Kaliningrad) à l’ouest. La population est majoritairement catholique, et les deux plus importantes communautés étrangères sont les Ukrainiens et les Biélorusses. L’économie du pays est tournée vers l’innovation : une des entreprises lituaniennes les plus connues est Vinted, l’application de revente de vêtements de seconde main qui compte 23 millions d’utilisateurs en France.

Le nom du pays apparaît pour la première fois en 1009. Le Grand-duché de Lituanie prend son essor à partir du XIIIe siècle. Il atteindra son apogée au XVe siècle où il fut l’État le plus grand d’Europe, s’étendant de la mer Baltique à la mer Noire : son territoire englobait la Lituanie actuelle et une grande partie de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la Pologne.

Cet élément a son importance, nous y reviendrons.

Le pays a une tradition d’ouverture : au XIVe siècle, le grand-duc de Lituanie invite les artisans et commerçants d’Europe à s’installer à Vilnius et offre protection aux Juifs. La communauté juive lituanienne représentera 10 % de la population du pays et comptera parmi ses membres le célèbre peintre Marc Chagall et le philosophe Emmanuel Levinas. Au XVIe siècle, la Lituanie s’unit à la Pologne pour former la République des Deux Nations. À la fin du XVIIIe siècle, l’Empire russe annexe la Lituanie. Mise à part une période d’indépendance durant l’entre-deux-guerres, le pays ne retrouvera sa souveraineté qu’à la chute de l’URSS en 1990.

La Lituanie est membre de l’Union européenne depuis 2004, et l’euro est sa monnaie depuis 2015.

 

Ce qui distingue la Lituanie, c’est son volontarisme dans la défense des valeurs occidentales

Par exemple, le pays balte n’hésite pas à froisser la Chine en autorisant Taïwan à ouvrir un bureau de représentation à Vilnius en 2021.

Et malgré le boycott économique chinois, la Lituanie ne compte pas revenir sur sa décision. La Lituanie est également le deuxième pays au monde (derrière la riche Norvège) qui soutient le plus l’Ukraine proportionnellement à son PIB.

En complément, je vous recommande ce récent épisode de l’émission « Le Dessous des cartes » sur Arte : Pays Baltes, aux portes de la guerre.

Vue sur Vilnius, la capitale lituanienne

Guillaume Gau : Malgré sa taille modeste, la Lituanie est très active diplomatiquement et n’hésite pas à affronter des grandes autocraties. Y a-t-il des explications historiques à cet état d’esprit ?

Nerijus Aleksiejunas : Tout d’abord la Lituanie a une longue tradition étatique et diplomatique. Au XVe siècle, le Grand-duché de Lituanie était le plus grand État d’Europe : sa superficie représentait le double de la France actuelle. Nous avons un peu gardé cette mentalité de grand pays.

L’histoire récente explique aussi cette attitude. La fin de la Seconde Guerre mondiale n’a pas vraiment été synonyme de paix pour les Lituaniens : de 1940 à 1990, nous avons subi cinq décennies d’occupation soviétique. Jusqu’à la fin des années 1950, des résistants lituaniens luttaient contre l’envahisseur russe : on les appelaient les Frères de la forêt. Ils étaient traqués par le KGB et se réfugiaient dans les denses forêts baltes. Ce n’est qu’en 1990 que nous avons retrouvé notre indépendance. Nous savons que la liberté et la démocratie ne vont pas de soi : il faut se battre pour les préserver.

La Voie Balte : le 23 août 1989, deux millions d’Estoniens, de Lettons et de Lituaniens forment une chaîne humaine reliant les trois capitales des pays baltes pour demander leur indépendance de l’URSS (© Kusurija).

G.G : Vous êtes né en 1978, durant la période d’occupation soviétique. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire de grandir dans un pays sous une dictature communiste ?

N.A. : Ma famille a été meurtrie par l’oppression soviétique. À partir de 1940, les Soviétiques ont déporté des milliers de Lituaniens au goulag en Sibérie. Mon grand-père faisait partie de ceux-là : il n’est jamais revenu. Il a été déporté deux mois avant la naissance de son fils : mon père n’a jamais connu son père. Mon grand-père fut déporté car il était fonctionnaire : les Soviétiques voulaient décapiter l’État lituanien.

En plus de la répression politique, les Soviétiques essayaient d’effacer l’identité lituanienne en réécrivant l’histoire (le Grand-duché de Lituanie disparaissait de nos cours) et en faisant tout pour éradiquer le christianisme. Par exemple, Noël était un jour comme un autre, il n’était pas férié. Afficher sa pratique religieuse pouvait vous attirer des ennuis, il fallait être très discret. Mais notre histoire est ancienne et nos racines profondes : cinquante ans d’occupation soviétique n’ont pas suffi pour supprimer notre identité.

Au quotidien, c’était pénurie et corruption généralisée. Par exemple, nous avions droit à 1 kg de bananes par an et par personne. Je me souviens faire la queue durant des heures avec ma mère pour récupérer les précieuses bananes. Sous couvert d’idéologie égalitariste, les injustices étaient flagrantes : l’élite soviétique bénéficiait de privilèges et connaître quelqu’un de haut placé donnait des passe-droits.

« Notre histoire est ancienne et nos racines profondes : 50 ans d’occupation soviétique n’ont pas suffi pour supprimer notre identité ». Nerijus Aleksiejunas

Cette remarque de l’ambassadeur m’a fait penser à cette citation d’Alexandre Soljenitsyne, dissident soviétique et auteur de L’Archipel du goulag : « Afin de détruire un peuple, il faut d’abord détruire ses racines ».

 

G.G. : Vous êtes en poste depuis quatre ans en France, quel regard portez-vous sur notre pays ?

N.A. : J’aime la diversité géographique de votre pays. Mer, montagne, campagne : vous avez tout. J’aime aussi les différences entre vos régions. Et contrairement au cliché, je trouve que le pays n’est pas si centralisé que ça : vos métropoles régionales sont très dynamiques. Je me déplace beaucoup dans le pays, et je trouve que les Français sont très accueillants. Les Lituaniens apprécient aussi la culture et l’art de vivre français. Certains de vos grands auteurs ont un lien avec la Lituanie, comme Romain Gary qui est né à Vilnius.

Côté économie, vous avez un écosystème technologique très dynamique. Notre pays est aussi très tourné vers l’innovation et la France représente un marché important pour les start-up lituaniennes telles Vinted ou NordVPN. Enfin, la relation franco-lituanienne se porte bien. La Lituanie vient par exemple d’acheter 18 canons Caesar français pour renforcer son armée de Terre.

Ambassade de Lituanie à Paris © Ludo Segers

G.G. : Pourquoi la Lituanie soutient-elle si fortement l’Ukraine ?

N.A. : Il faut arrêter Poutine, sinon il continuera d’avancer. Il faut lui montrer qu’on ne cédera pas. Pour les Lituaniens, aider l’Ukraine c’est défendre l’Europe, la liberté et la démocratie. D’ailleurs, ce soutien ne vient pas que du gouvernement : c’est toute la société lituanienne qui se mobilise pour accueillir des familles ukrainiennes réfugiées ou envoyer des médicaments. Par exemple, une cagnotte citoyenne vient de récolter 14 millions d’euros pour acheter des radars militaires pour l’Ukraine.

Historiquement, nous avons également une relation très forte avec nos frères ukrainiens. Nos deux peuples sont très liés : l’Ukraine représentait une partie importante du territoire du Grand duché de Lituanie et les échanges culturels et économiques entre nos deux pays sont très forts depuis des siècles.

Vilnius (photo de © Krivinisn)

G.G : Pour finir, auriez-vous un livre lituanien à nous conseiller ?

N.A. : Je vous recommande la lecture de L’Impératrice de Pierre de Kristina Sabaliauskaite. L’écrivaine lituanienne raconte la vie de Marta Helena Skowronska, une lituanienne devenue Catherine 1re de Russie à la mort en 1725 de son mari le tsar Pierre le Grand (celui qui a fondé Saint-Petersbourg). C’est un roman historique qui permet de mieux connaître les différences entre l’Occident et le monde russe. Il y a aussi Haïkus de Sibérie, une BD de Jurga Vilé et Lina Itagaki sur la déportation des Lituaniens dans les goulags soviétiques. Cet ouvrage m’a touché car il parle du sort qu’a connu mon grand-père.

J’en profite également pour vous signaler que 2024 sera l’année de la Lituanie en France : des centaines d’évènements seront organisés à travers le pays pour faire découvrir notre culture et notre histoire aux Français.

 

G.G. : Merci pour cet entretien Monsieur l’ambassadeur !

N.A. : Ce fut un plaisir. Venez visiter notre pays, nous savons recevoir !

Slava, la Russie après l’URSS

La chute de l’URSS fut un choc pour les anciens membres du bloc soviétique. Tous croyaient appartenir à une grande puissance indestructible, et tout s’est effondré en quelques années : la précarité, la pauvreté ont envahi le pays. D’où la nécessité pour nos deux héros de tenter le tout pour le tout.

Après la chute de l’URSS, et pendant les folles années Eltsine, Slava Segalov et son ami Dimitri Lavrine sont amenés à pratiquer des activités commerciales peu légales. Ils pillent sans vergogne les anciennes installations industrielles et les bâtiments soviétiques pour le compte de riches propriétaires, qui deviendront les f-oligarques. Slava, un ancien artiste peintre un peu naïf a des remords à agir ainsi, tandis que son compère Lavrine, sans aucun scrupule, entend bien profiter de l’instabilité régnante pour s’enrichir à foison. Cependant, l’époque appartient à des chasseurs bien plus dangereux qu’eux et prêts à tout, même tuer s’il le faut.

Slava s’impose comme le personnage le plus touchant grâce à sa personnalité multiple, à cheval entre belle morale et tentation de l’interdit. En comparaison, le glacial Lavrine fait penser à un certain Poutine tant il se révèle dangereux et dur. C’est un profiteur qui a déjà opéré dans le petit milieu de la mafia russe. Suivre les aventures des deux amis permet d’en rencontrer d’autres tout aussi attachants, mais surtout de constater l’état de délabrement total de l’ancienne puissance soviétique. C’est l’époque où la mafia a pris le contrôle de tout le pays.

Le deuxième tome, Les nouveaux Russes, est dans la même veine. Slava s’est converti à la solidarité minière, et gère seul son business, ainsi que la belle Nina. Lavrine est confronté à d’anciens clients mécontents. Ce tome montre la survie des personnages dans un pays sans loi, où seuls les plus brutaux peuvent s’en sortir. L’auteur propose un travail de grande qualité. Pierre-Henry Gromont narre, peint ses personnages avec nuance, crédibilité et réalisme. Slava peut avoir des airs de BD légère et drôle, mais la façon qu’a l’auteur de raconter un sujet si sérieux ne peut lui valoir que des éloges.

Slava, de Pierre-Henry Gomont, Dargaud, 104 p., 20,50 €. DARGAUD

Cinéma : « Barbie » interdit au Vietnam !

Par : Reason

Le Vietnam a interdit la distribution du prochain film Barbie dans le pays en raison d’une scène qui illustrerait les revendications contestées de la Chine en mer de Chine méridionale.

« Nous n’accordons pas de licence au film américain Barbie pour sa sortie au Vietnam parce qu’il contient l’image offensante de la ligne à neuf traits », a déclaré Vi Kien Thanh, directeur du département du cinéma du Vietnam, dans une déclaration au journal d’État Tuoi Tre.

Le Parti communiste chinois utilise la fameuse ligne à neuf traits pour illustrer les revendications maritimes historiques de la Chine, qui englobent environ 90 % de la mer de Chine méridionale et chevauchent de manière significative les revendications du Vietnam. Le droit international énonce que le territoire d’un pays s’étend à 200 miles de ses côtes, une zone baptisée zone économique exclusive (ZEE), une règle sur laquelle d’autres pays de la région, dont le Vietnam, la Malaisie et les Philippines, fondent leurs revendications. Depuis 2014, la Chine a construit des îles dans la région, potentiellement riches en énergie et en ressources, afin de renforcer et légitimer ses revendications en matière de ZEE.

Barbie, une comédie de Warner Bros. réalisée par Greta Gerwig et mettant en scène Ryan Gosling et Margot Robbie, semble relativement simple et peu controversée. Gerwig la décrit comme une « fête de danse existentielle rose et pailletée », ce qui soulève la question de savoir pourquoi Warner Bros. utiliserait le film pour faire référence à un conflit géopolitique qui dure depuis des années et qui implique un tiers du commerce maritime mondial.

Si les allégations du Vietnam sont effectivement fondées, il s’agit probablement d’un autre cas où les studios de cinéma américains satisfont la machine de propagande du Parti communiste chinois (PCC), qui interdit sur le marché chinois la projection de films qui violent sa doctrine. Un rapport d’enquête publié en 2020 par le groupe de défense de la liberté d’expression PEN America a révélé que les studios écrivent et produisent régulièrement des films conformes au dogme du Parti afin de conserver l’accès au marché chinois, dont les recettes s’élèvent à 2,46 milliards de dollars.

En satisfaisant un régime communiste autoritaire en montrant la ligne à neuf traits, Barbie a attiré les foudres d’un autre régime communiste autoritaire.

Barbie devrait être l’un des plus gros succès de l’été, et pourrait rapporter jusqu’à 80 millions de dollars lors de son week-end d’ouverture. Il n’est pas certain que Warner Bros. révise le film pour apaiser les censeurs vietnamiens, d’autant plus qu’elle a un intérêt économique à donner la priorité aux exigences du PCC. L’année dernière, le film le plus performant du studio a été The Batman, qui a rapporté plus de 770 millions de dollars et environ 12 fois plus en Chine qu’au Vietnam, avec 25,3 millions de dollars et 2,1 millions de dollars, respectivement.

En réponse à l’indignation du Vietnam, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a déclaré à Fox News :

« La position de la Chine sur la question de la mer de Chine méridionale est claire et cohérente », ajoutant que le Vietnam « ne devrait pas lier la question de la mer de Chine méridionale à des échanges culturels normaux ».

Barbie rejoindra une liste croissante de films et d’émissions de télévision que le Vietnam a interdits en raison de la ligne à neuf traits offensante. En 2019, le pays a interdit Abominable, un film d’animation de DreamWorks sur une fille qui trouve un yéti sur son toit. En 2022, le Vietnam a interdit Uncharted de Sony, un film d’action et d’aventure sur la chasse au trésor. En 2021, les autorités ont ordonné à Netflix de retirer la série Pine Gap et de supprimer des scènes de la série Madam Secretary de sa plateforme au Vietnam.

Alors que la sortie de Barbie n’est pas prévue avant le 21 juillet, sa bande-annonce a suscité des spéculations sur la scène du film rose qui pourrait contenir la bévue géopolitique. Il pourrait bien s’agir d’une scène mettant en scène une carte du monde d’apparence enfantine et caricaturalement inexacte, peut-être pour éviter de susciter ce genre d’offense.

S’il y a une leçon à tirer de cette histoire, c’est que le fait d’apaiser un régime autoritaire risque d’en irriter un autre.

Un article initialement publié le 10 juillet 2023.

Sur le web

 

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