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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

Une bulle immo qui pète, et c'est un François qui pleure

Tiens dis donc ça fait un petit moment que je n’ai pas parlé logement sur le blog moi. 

Faut dire qu'il y a du neuf. Enfin, façon de parler. 

D'abord les faits. Un des rares effets jouissifs de l’inflation, c’est le dégonflage, encore modéré, de la bulle immobilière. Depuis une bonne vingtaine d'années, l'indécente bulle faisait le bonheur des boomers de ce pays et des apprentis spéculateurs de la pierre pensant s'enrichir à coups de taux d'intérêt gratuit, d'aides publiques et de plus values rapides. 

L'heure est grave. L'époque de la spéculation pépère avec du +15% à l’année, arrosée de perceptions de loyers à un SMIC, semble derrière nous. C'est la fin du modèle économique français de substitution par le foncier où la perte de PIB liée à la désindustrialisation massive de ce pays était compensée par une montée artificielle des prix des transactions immobilières, "jusqu'au ciel" disait-on à l'époque. Cette montée des prix ne générait au final aucune richesse pour la collectivité. Bien au contraire, le contrecoup concret de La France des propriétaires à tout prix a été de généraliser (dans un silence politique quasi complet) une France des précaires du logement. En premier lieu on y trouve les plus pauvres hors du circuit de la location ou victimes de marchands de sommeil. On y compte aussi les aspirants locataires, solvables mais obligés d'afficher moult cautions, fiches de paye et autres brimades pour accéder à un 9m2 sous les toits et, en bout de chaîne, ironie des ironies, certains propriétaires qui n'auraient jamais dû l'être, endettés au-delà de leur capacité et souvent prisonniers de leur logement après un divorce ou un licenciement. 

Avec ce gel des transactions et le recul général des prix en France, encore timides mais c'est du jamais vu en 20 ans de montée continue, les éditos catastrophés de la presse économique se multiplient depuis quelques semaines. Et je dois avouer que j’ai dégusté celui de l’inénarrable François Lenglet sur LCI. Il est sobrement intitulé « ils ont tué les locations » (1) et il mérite un petit verbatim comme à la grande époque.

"Francois Lenglet est en colère" annonce David Pujadas introduisant l’édito du Vin Diesel de l'analyse économique. François Lenglet, journaliste éco des plateaux télés, est ému, indigné même par tant de misère sociale ! Rendez-vous compte : "dans les grandes villes" dit-il, notre Abbé Pierre des temps modernes constate des "files d’attente des candidats à la location pour un appartement". "J’en ai vu l’autre jour dans le sud de Paris. Il y avait sans mentir 200 personnes qui attendaient pour un appartement !". Comme quoi il lui aura fallu 15 ans pour ouvrir les yeux. 200 personnes, c'était déjà la jauge moyenne en septembre 2008 pour toute visite de studette random à Paris. J'ai écrit des dizaines de papiers à l'époque sur le sujet (2). Mais bon passons, mieux vaux tard que jamais pour se réveiller. 

François balance les chiffres de ses potes en déroute : L'enquête FNAIM déclarant un stock de logements disponibles à la location en baisse de 34% en 2023. Pour Seloger.com, c'est du -18% en France, du -38% à Paris.

Il y aurait donc moins de logements à la location sur le marché (spoiler : c'est faux). Mais pourquoi donc ma brave dame ? François a un début de réponse : "parce que les taux ont augmenté et que les primos accédants (c'est-à-dire les jeunes couples) ne peuvent plus acheter". Quand les banques prêtaient les yeux fermés dans un contexte plus qu'aléatoire du marché du travail et que, à revenu égal, il était plus simple d'acheter que de louer et qu'un loyer pouvait rapporter plus au proprio qu'un salaire : ça ne lui posait aucun problème d'hygiène économique au père Lenglet. 

Mais là c'est la merde sociale, François va tout péter ! Dans ce fiasco du logement (note c'est drôle : quand ça baisse, les libéraux ne parlent plus d'"immobilier" mais de "logement"), François met en cause donc "le diagnostic de performance énergétique qui prévoit la sortie progressive des passoires thermiques" du marché de la location. Et l'interventionnisme dans le marché, il aime pas trop ça Lenglet. Surtout quand il n'est plus question d'exonération fiscales, de prêt à taux zéro ou de crédit d'impôts pour les propriétaires, là vraiment ç'est l'angoisse. 

Bref non seulement les gentilles banques sont devenues méchantes, mais c'est désormais aussi la faute aux réglementations écologiques à la con (à-dessus il n'a pas tout à fait tort, mais on peut l'étendre à toutes les lois foutraques et contreproductives que l'on vous tabasse dans la gueule sous prétexte de "sauver la planète" qui ne sont le plus souvent qu'une façon de créer de toutes pièces de nouveaux marchés et de vous faire sortir un pognon que vous n'auriez pas sorti autrement). Hanlala c’est vraiment trop injuste : des normes toujours des normes pour des proprios qui ne ne vont plus pouvoir leurs taudis tranquilles ! François est au bout du rouleau : si on peut plus s'enrichir sur le dos de plus pauvre que soit en lui laissant payer les factures d'électricité, où va notre ancien monde de l'enrichissement par la pierre  ? 

François incrimine aussi "la diminution de la rentabilité de la location par le plafonnement des loyers". Putain, trop c'est trop ! Si on peut plus faire du +10% à l’année en surfant sur la pénurie, ça c'est vraiment pas sympa, limite communiste. 

Bon évidemment, il y a un énorme angle mort dans l'analyse de notre justicier de la rente. François met en avant "la pénurie" tout en faisant l'impasse sur 15 ans d'AirBnBisation du territoire. Les annonces qui ne sont plus sur Seloger.com sont maintenant sur AirBnB et le Bon Coin. Ça ne touche pas que Paris, des villes moyennes entières sont désormais inaccessibles aux jeunes locaux à cause de la spéculation immobilière à des fins de location touristique. D'ailleurs François avait toutes les raisons de se réjouir alors puisque l'Etat n'a strictement rien fait pour enrayer ce phénomène, né à la fin des années 2000,  qui a contribué à gonfler les revenus des propriétaires (pourquoi s'emmerder à louer à l'année quand on peut louer trois fois plus cher, et à la journée, payable d'avance ?) et à dégager encore un peu plus d'un logement décent à proximité de leur travail, des millions de Français.  

Etonnement, je n'ai pas entendu François Lenglet et consorts se plaindre à l'époque que la AirBnBisation rampante "tuait les locations" pas plus que je ne les ai vus pleurer sur les files d'attente d'étudiants devant les studettes infâmes de l'époque. C'était il y a 15 ans, et Lenglet commençait tout juste sa carrière de chroniqueur éco télé. Ce qu'il appelle aujourd'hui "la crise du logement", comme les autres de son acabit il appelait cela hier encore "les opportunités immobilières". 

Et oui François ce temps-là est terminé. Je n'ai aucune crainte te concernant, en bon libéral apôtre de l'adaptation des plus forts à un nouvel environnement, tu vas t'adapter. 




Le logement social au-dessus de tout soupçon


"Paris : l’élue France insoumise Danielle Simmonnet occupe un logement RIVP loué très en-dessous du prix du marché" France-soir, 26/10/2017


Avalanche de réactions indignées en ligne. Non pas sur le prix du marché braves gens, mais bien que l'on puisse habiter (une élue de gauche qui plus est) dans un appartement qui ne respecte pas cette logique de marché.

Le cas Simmonnet, qui n'est d'ailleurs pas dans un logement social, et les commentaires outrés sur ce que doit être ou ne pas être un HLM, ont le mérite de nous interroger sur la question de la mixité sociale.

Quels logements sociaux voulons-nous ?

L’argumentaire de Danièle Simonnet "ne voulant pas se loger dans le privé" car ce serait "enrichir un propriétaire privé et participer à la spéculation immobilière" se justifie pleinement à Paris. Que l'on ne se rende plus compte que ce n’est pas un loyer à 1300 euros pour 80m2 qui est injuste, mais bien le tarif moyen du parc locatif parisien qui est un scandale, montre à quel point nos esprits sont soumis à la logique du bourreau. Je vous renvoie aux kilos tonnes de pages d’articles pondus sur ce blog, chatoyant kaléidoscope des teintes de saloperie décomplexée observée chez certains bailleurs privés de cette ville qui, avec la passive complicité quand ce n'est pas avec l'aide fiscale, des gouvernements successifs, volent et précarisent des locataires coincés par le dieu marché. La note du 5 octobre 2017 de Natixis, pas spécialement un organe de propagande gauchiste, confirme que la baisse du pouvoir d'achat des Français est liée non pas à l’accroissement des inégalités des revenus mais à la hausse des prix de l'immobilier, et que les Français ont le sentiment de s'appauvrir à cause des prix du logement.


Doit-on définitivement accepter que les zones d’habitation se définissent en fonction des revenus ? 

Mettons de côté les quelques chanceux héritiers, s’il n’y avait pas le parc HLM à Paris, la capitale serait stratosphériquement déconnectée des revenus des Français. Le salaire médian français est de 1730 euros, le loyer moyen à Paris est de 1130 euros. Do the maths. C’est valable pour d’autres villes, mais avec les loyers parisiens (on parle de 1000 euros pour 25m2) on est déjà dans un autre monde, et ce depuis quinze ans, sans que cela trouble trop les gouvernements successifs.

D'un autre coté, les logements sociaux sont prisonniers d’une double image qui date. Ils doivent être réservés aux pauvres, et en conséquence être relégués à la périphérie de nos villes, et tous groupés au même endroit ce serait mieux. Alors que 65% des Français sont éligibles à un logement social, l'écrasante majorité n'en fait pas la demande. Pire, les logements sociaux personne n’en veut à côté de chez lui. Pour avoir fait un gros tour du foncier ces dernières années, je garantie (pour Paris) qu’ils sont plus fonctionnels et dans un meilleur état général que la plupart des logements privés que j’ai visités, pour ne pas dire tous.

Notons que la crapulerie de baisse des APL de l’androïde Macron va dans ce sens. La baisse des APL compensée en ponctionnant directement les bailleurs sociaux n’aura pas d’autres conséquences qu’une dégradation des conditions de vie des locataires du parc HLM. Et on a récemment vu à travers l'incendie de la tour Greensfell en Angleterre l'horrible conséquence de ce type de politique.
En respectant un quota et avec des loyers adaptés aux revenus, il est normal, même judicieux, que des revenus moyens voire supérieurs habitent dans les zones à forte densité de logements sociaux, comme il est impératif que des revenus modestes habitent décemment dans les zones que les riches se conservent jalousement (à travers la construction de nouveaux bâtiment, ou par l’entrée de la ville dans les copropriétés au gré des remises en vente). C’est dans l’intérêt du parc social et de la vie de la cité en général. Le débat sur la mixité scolaire est par ailleurs vain tant que l'on n'a pas avancé sur la diversité à l'intérieur des zones d'habitations.

Illustration : Gian Maria Volonte dans Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, d'Elio Petri (1970)
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