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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

L’hôpital en France : un secteur en mal de concurrence

Un article de Romain Delisle

Au début du mois d’octobre, Arnaud Robinet, maire de Reims et président de la Fédération hospitalière de France qui représente les hôpitaux publics, a déclaré un besoin non satisfait par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 de 2 milliards d’euros, et de 1,9 milliard d’euros pour l’année en cours, alors que le total des dépenses allouées aux établissements publics et privés se monte déjà à 98,4 milliards en 2022.

Depuis quinze ans, l’hôpital public est habitué à demeurer sous perfusion de l’État. En 2007 et en 2012, deux plans d’investissement avaient fait tripler sa dette à 29,3 milliards d’euros, qui s’élève toujours à 31,3 milliards d’euros.

C’est cette situation délétère qui a motivé la Cour des comptes à s’intéresser à la question, ainsi qu’à celle de la concurrence privé / public dans le secteur médical, permettant de constater l’incapacité chronique de l’hôpital public à investir dans sa propre modernisation, engendrant un état de vétusté de ses équipements de plus en plus problématique. Cet état des lieux tranche avec celui du secteur privé, bien que la concurrence entre les deux ne puisse, à l’heure actuelle, s’appliquer de manière pure et parfaite.

 

La situation financière des hôpitaux publics leur interdit d’investir pour se moderniser et les place à la remorque de l’État

Depuis 2006, le budget des hôpitaux publics a toujours été plus ou moins déficitaire : à la veille de la crise sanitaire, en 2019, leur déficit annuel se montait à 558 millions d’euros. Un tiers des hôpitaux réussissait à réaliser un bénéfice net, un tiers ne dégageait pas de marges sans tomber dans le déficit, et un tiers possédait des comptes dans le rouge.

Assez logiquement, en 2021, ce même tiers disposait d’une capacité d’autofinancement nette [1] négative (-816 millions) lui interdisant d’investir sans emprunter. Moyennant quoi, peu avant la crise sanitaire, en septembre 2019, l’État avait dû, une nouvelle fois, venir à leur secours via un plan de restauration de leurs capacités financières de 13 milliards d’euros, dont la moitié avait été consacrée au désendettement, et l’autre à des investissements de modernisation.

Opéré de manière désorganisée et parfois farfelue (l’ARS de Corse a alloué tous ses crédits au seul hôpital de Castelluccio), la distribution des subsides publics ne s’est pas réalisée moyennant une amélioration de la performance des établissements de santé, le taux de vétusté de leurs bâtiments (52,9 % en 2021 contre 45,5 % en 2015), et de leurs équipements (80 % en 2021 contre 76 % en 2015) continuant sa lente et inarrêtable ascension.

Lors du Ségur de la santé, l’État avait également mobilisé 15,5 milliards pour soutenir le secteur. Aux dires des magistrats financiers de la rue Cambon, les aides versées pendant la crise sanitaire ont été distribuées sans contrôle par les ARS (Agences régionales de santé) des surcoûts effectifs supportés par les établissements de soins. Par exemple, les sommes engagées liées à la réalisation des tests de dépistage du covid, soit 1,3 milliards au total, ne reposaient que sur des fichiers déclaratifs, et les CHU de Strasbourg estiment avoir reçu 13,9 millions en trop…

À l’inverse des établissements de santé du secteur privé, les hôpitaux publics n’ont toujours pas retrouvé leur niveau de fréquentation d’avant la crise sanitaire (-1,7 % par rapport à 2019) et leurs charges ont augmenté de 16,5 % entre 2018 et 2021, soit 11,9 milliards (dont 8 milliards pour le personnel). Selon l’OCDE, la part de personnel non-soignant y demeure de 33,5 %, un chiffre toujours largement supérieur à celui, de 22,2 %, observé outre-Rhin.

Les hôpitaux privés ne bénéficient pas des mêmes largesses de la part de l’État et pourtant, leur situation financière s’est mieux remise de la crise sanitaire. Selon la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), leur taux de bénéfice net s’établit à 3,7 % en 2021, en progression de 0,6 point par rapport à l’année précédente, et au plus haut depuis 2006. Les étalissements de santé privé sont donc en situation de consacrer 5,2 % de leurs recettes à leurs investissements.

 

La concurrence entre hôpitaux est imparfaite et entravée par la réglementation

Parmi l’une des sources majeures de financements des établissements de santé, se trouve la tarification à l’acte (T2A) : l’assurance maladie verse une somme fixe [2] pour chaque acte pratiqué, même les hôpitaux privés ne peuvent pas demander une participation financière du patient pour les activités purement médicales. En revanche, les hôpitaux publics perçoivent une dotation de l’Assurance maladie distribuée par les ARS, quand le secteur privé tire ses autres revenus de prestations non-médicales [3] facturées aux patients.

Le secteur public continue de se tailler la part du lion (74,4 %) en ce qui concerne les journées d’hospitalisation complète en court séjour, du fait de la redirection des patients du SAMU et de la prise en charge du transport des patients par le SMUR (Structure mobile d’urgence et de réanimation), publics tous deux.

Comme le note la plus haute juridiction financière hexagonale, du fait de la répartition des autorisations de réanimation (84 % pour les adultes et 94 % pour les enfants), l’hôpital public détient presque le monopole des urgences, ce qui pénalise ses concurrents privés. De fait, ceux-ci se positionnent sur des activités moins urgentes, reprogrammables et plus rémunératrices (53,4 % des séjours en chirurgie par exemple) suscitant, paradoxalement, l’ire des représentants du secteur public.

Deuxième point intéressant : une distorsion de concurrence s’observe sur la question fiscale. L’IGF et l’IGAS (Inspection générale des finances et des affaires sociales) avaient, par exemple, calculé une différence de 5 points s’agissant du taux de versement des cotisations sociales. Les établissements publics sont également exonérés de taxe foncière pour les bâtiments affectés aux soins, ce qui n’est pas le cas de leurs homologues privés pour lesquels la fiscalité locale, si l’on s’en tient au privé non lucratif, pèserait sept fois plus intensément.

 

Une situation naturellement inique qui ne favorise pas l’amélioration de la qualité des soins

En somme, l’hôpital public apparaît victime d’un acharnement thérapeutique de l’État qui freine sa mise en concurrence. Il faut recommander d’une part de laisser davantage d’autonomie aux établissements de santé publique, en leur permettant eux-aussi de facturer des prestations payantes aux patients ; et d’autre part de les responsabiliser en indexant leur dotation sur l’effort entrepris pour réduire les dépenses purement administratives, ce qui aurait le mérite de commencer à libéraliser un modèle économique qui en aurait bien besoin.

 


[1] Correspond à l’addition des bénéfices nets et des charges diverses d’une organisation, comprenant le montant des capitaux des emprunts à rembourser.

[2] Selon deux échelles différentes dans le public et dans le privé, mais selon le même mode de fonctionnement.

[3] Dites prestations pour exigence particulière, typiquement la mise à disposition de la télévision ou d’internet dans la chambre d’un patient ou les activités de chirurgie esthétique.

Sur le web.

A Carhaix, on recrute un médecin à 1.400€ la demi-journée pour plaire aux élus

Carhaix est une ville de 7.000 habitants située à 45 minutes de Morlaix et de Guingamp, qui dispose d’un hôpital avec un service d’urgence. Problème : l’urgentiste est devenu une denrée rare, et l’un des deux postes à l’hôpital est vacant. Après le terrible décès d’une enfant aux urgences, en septembre, l’ARS a procédé à la fermeture du service. L’État vient de s’engager à recruter un nouvel urgentiste à 1.400€ par jour, soit pratiquement 20.000€ par mois. Beaucoup de communes de la banlieue parisienne rêveraient d’un tel engagement de l’État pour disposer d’un urgentiste. Mais… au nom de l’égalité sur tout le territoire, ce sont une fois de plus les zones où l’on s’entasse le plus qui manquent de moyens pour protéger ceux qui ont la vie la plus agréable.

On connaît la musique : face au suréquipement hospitalier français, et à ses nombreux emplois dont beaucoup sont de plus en plus souvent vacants faute de personnel disponible, les communes rurales bénéficient d’un traitement de faveur. Alors que les zones urbaines doivent se serrer la ceinture, les petits hôpitaux (souvent dangereux) sont maintenus sous respirateur artificiel, au prix d’une ruine pour notre système de santé.

Ces choix illogiques financés par les contribuables des villes sinistrées médicalement viennent de trouver une nouvelle illustration à Carhaix, en Bretagne. Cette commune de 7.000 habitants dispose en effet d’un hôpital. Problème : l’un des deux postes d’urgentistes y est vacant, ce qui rend impossible l’ouverture de l’hôpital 24h sur 24. Les pompiers sont donc chargés, la nuit, de “réguler” les urgences, c’est-à-dire de conduire les patients dans un autre hôpital.

Ce problème est bien connu : la vie en zone rurale impose des sujétions particulières, et les moyens pour y répondre sont très onéreux, dans un système dont le budget représente au total (sur l’ensemble de la protection sociale) plus du tiers de la richesse nationale.

Dans les arbitrages finaux, le poids des élus locaux est déterminant. Le maire de Carhaix, Christian Troadec, est devenu un spécialiste de l’activisme rural breton, grâce à une victimisation systématique. Les gens des zones rurales seraient, en France, paraît-il, mal traités. Curieusement, on en voit peu se battre pour aller s’entasser dans de petits appartements urbains au milieu du stress et des transports en commun.

Grâce à cette stratégie habile, Troadec a obtenu un engagement de l’État dont nous publions quelques extraits. Parmi ceux-ci, l’État annonce des dépenses nouvelles absolument ahurissantes dans ce petit hôpital (voir ci-dessous). Autant de moyens en moins pour les banlieues difficiles. Mais, comme nous le publions plus haut, l’État s’engage aussi à recruter un urgentiste intérimaire, au coût de 1.400€ la demi-journée. C’est pas grave, c’est la Sécu qui paie.

L’atterrissage des finances publiques sera douloureux pour beaucoup de Français persuadés qu’ils ont droit à tout sans contrepartie.

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