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À partir d’avant-hierContrepoints

France Inter : radiographie d’un média d’État

 

 

Le 12 décembre dernier s’est tenue une nouvelle édition de l’Assemblée des Idées, un cycle de débats bimestriel organisé à la Galerie des Fêtes de l’Hôtel de Lassay, résidence officielle de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui préside également cette série de colloques.

Après le logement, le rôle de la France à l’international, l’intelligence artificielle ou encore la morale, la chambre basse a accueilli plusieurs dirigeants de médias pour débattre du pluralisme et de l’indépendance de ceux-ci.

Animé par le journaliste de TF1 Paul Larrouturou, le débat a réuni Isabelle Roberts, présidente des Jours, pure player lancé en 2016, le président du directoire du groupe M6 Nicolas de Tavernos, le président du groupe Les Échos-Le Parisien Pierre Louette, et la directrice de France Inter Adèle Van Reeth.

Répondant à une question sur l’orientation à gauche de la station dont elle est directrice depuis septembre 2022, Adèle Van Reeth a été courtoisement mais fermement recadrée par ses contradicteurs issus du privé.

 

L’art de la langue de bois

En cause : l’exercice de langue de bois qu’a été la réponse de la dirigeante publique. Une séquence reprise dans la foulée sur X (ex-Twitter) où Adèle Van Reeth explique qu’à ses yeux, France Inter n’est pas une radio de gauche, mais que son histoire, ses auditeurs et certaines émissions ont cette tendance. De plus, France Inter ne serait pas une radio de gauche car elle ne serait pas une radio d’opinion mais une radio publique qui appartiendrait, non à l’État comme dans un régime autoritaire, mais aux citoyens.

https://twitter.com/DocuVerite/status/1737502165256589606

Face à ce cafouillage manifeste, d’autres intervenants ont tenu à apporter des clarifications.

Nicolas de Tavernost a ainsi rappelé que la principale concentration de médias était celle du service public. Son propos a été appuyé par Pierre Louette qui a rappelé que cette concentration n’a jamais été aussi faible qu’à une époque où créer un média n’a jamais été aussi aisé.

 

Radio France est une radio d’État

Cet échange pose notamment la question de la nature du paysage radiophonique public.

En effet, Adèle Van Reeth distingue très nettement les chaînes appartenant aux citoyens de celles appartenant à l’État. Cette distinction est évidement factice, car les citoyens évoqués sont avant tout des contribuables, et donc des financeurs de l’État.

On ne peut réellement saisir l’erreur, sans doute volontaire, qu’est cette distinction sans comprendre la nature même de France Inter, station de radio propriété de Radio France.

Radio France est, elle, une société anonyme à capitaux publics héritière de l’ORTF dont 100 % des actions sont détenues par l’État français.

Sa fiche sur le site de l’Annuaire des Entreprises, disponible publiquement comme celle de toute entreprise française, détaille ses dirigeants et bénéficiaires effectifs, personnes physiques possédant plus de 25 % du capital ou des droits de vote, ou exerçant un contrôle sur les organes de direction ou de gestion.

Parmi les 15 dirigeants recensés, on retrouve cinq administrateurs, deux commissaires aux comptes et huit administrateurs. L’éclectisme y est roi, puisque les profils vont du député au directeur général d’entreprise publique, en passant par l’ingénieur et la dirigeante associative.

S’agissant de l’unique bénéficiaire effective, nous retrouvons Sybile Veil. L’épouse d’un des petit-fils de Simone Veil et maître des requêtes au Conseil d’État est elle-même énarque, conseillère d’État et surtout PDG de Radio France depuis le 16 avril 2018, après avoir été nommée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui n’était pas encore devenu l’Arcom par sa fusion avec Hadopi au 1er janvier 2022.

Rappelons que le CSA comme Hadopi, et aujourd’hui l’Arcom, sont des autorités administratives indépendantes (AAI) agissant au nom de l’État. Comme le constatait un rapport sénatorial paru en 2017, les AAI n’ont généralement pas de personnalité morale propre distincte de l’État, et leurs membres sont désignés soit par le président de la République, les présidents des assemblées ou des ministres, soit par de hautes autorités juridictionnelles. Entendez par là, par exemple, le vice-président du Conseil d’État ou le premier président de la Cour de cassation, postes nommés directement par le président de la République.

 

Naïveté et manipulation

En d’autres termes, ce qui distingue chaînes publiques et chaînes d’État est le caractère prétendument démocratique des États des premiers.

Cette nuance est encore plus complexe lorsqu’on analyse le niveau de démocratie des institutions françaises, plus proches des démocratures d’Europe de l’Est que des démocraties parlementaires avoisinantes.

Distinguer arbitrairement et par pur soutien à un narratif social-démocrate médias d’États et médias publics relève donc au mieux d’une naïveté coupable à ce niveau de responsabilité, et au pire d’une manière de prendre ses auditeurs pour des imbéciles.

 

Un auditorat de gauche

Adèle Van Reeth a toutefois reconnu dans sa réponse que l’auditorat de France Inter était de gauche. Cet état de fait est corroboré par une étude conjointe entre le journal Marianne et l’Ifop, révélant en 2012 que l’auditorat de France Inter votait à 72 % à gauche, dont la ligne relève de la gauche caviar lorsqu’elle est pas tout simplement assimilable « à un tract de la CGT  » pour reprendre les mots de l’ancienne directrice de la station Laurence Bloch après avoir décidé de supprimer l’émission « Comme un bruit qui court », critiquée pour son militantisme y compris par Les Inrocks, eux-mêmes sur la ligne de la gauche bobo.

 

Un financement politique contestable

En réalité, Adèle Van Reeth a été gênée par la question posée, car elle sait que son intervention relève d’une question autrement plus fondamentale, dans une société se voulant démocratique, qu’est le consentement à l’impôt.

Admettre que France Inter est de gauche, c’est admettre que l’argent des contribuables sert à financer une information orientée politiquement, alors même que cette orientation n’est pas celle des contribuables en question.

Pour rappel, en 2022, seuls deux Français sur dix se positionnait à gauche ou à l’extrême gauche, contre le double à droite ou à l’extrême droite.

Reconnaître que France Inter est de gauche contribuerait à confirmer une réalité qui saute aux yeux de quiconque s’intéresse un minimum à ces sujets : il existe un décalage entre ce que souhaitent les contribuables et ce qui leur est proposé, décalage qui n’existerait pas sur un marché libre où le payeur d’impôt serait un consommateur à satisfaire comme un autre et non une poche dans laquelle se servir au nom d’une solidarité fantasmée.

 

Concentration et conspirationnisme

Cette intervention pose également la question de la concentration des médias.

Sur le sujet, le ministère de la Culture lui-même donne raison à Nicolas de Tavernost et Pierre Louette, puisqu’un rapport paru en juillet 2022 estime que France Télévisions est le premier acteur du marché.

Cette position, justifiée aussi bien en termes d’audience que de chiffre d’affaires, montre une tendance nette depuis 20 ans : la part de chiffre d’affaires de France Télévisions a explosé, alors même que son audience s’est effondrée.

Cependant, et comme le notait justement Pierre Louette, créer un média n’a jamais été aussi simple qu’aujourd’hui. Une liberté salutaire mais qui pose aussi la question de la qualité de cette information et de la montée des discours conspirationnistes que seuls la transparence publique et le respect du consentement démocratique permettront de combattre.

Pourquoi les activistes mentent-ils ?

Nous entendons toujours les ONG dire que nous ne pouvons pas faire confiance à l’industrie, que nous devons exclure les preuves de l’industrie, ou que les lobbyistes de l’industrie répandent la tromperie et le mensonge. On nous rappelle constamment les quelques cas où des acteurs de l’industrie ont menti ou dissimulé des informations importantes au cours du siècle dernier.

Mais j’ai travaillé dans l’industrie pendant 15 ans et je n’ai rien vu de tel. Au contraire, j’ai vu une application stricte des pratiques éthiques, le respect des codes de conduite, et des efforts sincères pour développer la gestion des produits et le développement durable.

J’ai également vu de nombreux activistes répandre des mensonges à notre sujet. Il est intéressant de noter que ces ONG n’ont pas de personnel ayant travaillé un seul jour dans de grandes entreprises. On aurait pu penser que si elles avaient recruté des exilés, des anciens de l’entreprise dans leur organisation, elles auraient fait défiler ces précieux veaux d’or devant les médias pour qu’ils racontent leurs histoires d’horreur de première main. Si l’industrie était un tel bastion de menteurs malveillants et cupides, les personnes dotées d’une conscience morale auraient certainement quitté l’entreprise et rejoint ces missionnaires pour répandre leur credo vertueux et leur sainteté.

Rien…

Au lieu de cela, nous entendons régulièrement des histoires de dirigeants d’organisations militantes qui quittent des ONG comme Greenpeace, Friends of the Earth ou Extinction Rebellion, désillusionnés par les incohérences avec la réalité et le manque d’intégrité morale (Moore, Tindale, Lynas, Zion Lights…).

 

Pourquoi mentent-ils ?

Il ne s’agit pas seulement des mensonges que les activistes racontent au public sur ce qui se passe à l’intérieur des entreprises, ou des mensonges sur qui finance leur lobbying vert (et de combien).

Les militants mentent quotidiennement sur la viabilité de leurs solutions alternatives, comme par exemple :

  • l’énergie éolienne et solaire peut facilement remplacer l’énergie produite par les réacteurs nucléaires ;
  • les aliments biologiques sont meilleurs pour la santé humaine et l’environnement ;
  • l’interdiction de tous les plastiques est bénéfique pour la société et la nature ;
  • les solutions apportées par les semences ou les modifications génétiques n’offrent aucune valeur agricole ou écologique ;
  • les traces de certains produits chimiques doivent être considérées comme des perturbateurs endocriniens ;
  • l’agroécologie nourrira le monde et arrêtera le changement climatique.

 

Toutes ces affirmations sont des mensonges éhontés, diffusés sciemment et sans relâche. Certains mensonges, comme ceux sur le PVC, les perturbateurs endocriniens et les OGM, sont répétés depuis 30 à 40 ans, tandis que les exagérations sur les risques liés à l’énergie nucléaire durent depuis plus de 60 ans. À force de mentir sur plusieurs générations, ces militants aux cheveux grisonnants doivent être moralement épuisés.

La question se pose donc : ces militants sont-ils des récidivistes immoraux, qui ne jurent que par la tromperie et les subterfuges pour gagner leurs campagnes et répandre leur dogme ? Sont-ils des menteurs invétérés sans aucune conscience ? Pourquoi mentent-ils continuellement et en sont-ils même conscients ? J’ai soulevé cette question lorsque un grand groupe d’ONG a mené une campagne pour que la Commission européenne produise une législation visant à empêcher l’industrie de faire de l’écoblanchiment, tout en semblant complètement ignorer le niveau d’écoblanchiment auquel se livrent leurs propres militants.

J’aimerais penser positivement aux motivations de ce groupe d’acteurs influents et supposer qu’il y a d’autres éléments en jeu que la simple horreur ou la stupidité pure et simple. Tous les défenseurs de l’environnement n’appliquent pas la méthode de communication en dix étapes de Joseph Goebbels. Il existe peut-être plusieurs types de mensonges ou de circonstances mensongères que les zélotes ne reconnaîtraient même pas comme un défi moral.

 

15 explications pour tenter de comprendre pourquoi les militants mentent

 

Des mensonges blancs pour des anges blancs

La vertu est un filtre de faits fascinant. Lorsqu’une personne a le sentiment de faire le bien ou de lutter contre le mal, tout ce qu’elle fait et dit est justifiable, indépendamment du manque de véracité ou de preuves.

Un activiste qui s’attaque à l’industrie est prêt à accepter et à communiquer tout soupçon de doute ou d’incertitude sur une entreprise, un produit ou une substance ciblée. Dans la guerre du bien contre le mal, tout double standard ou hypocrisie peut être excusé. Nous voulons croire ceux que nous considérons comme vertueux et nous sommes supposés douter de toute personne qui ne partage pas notre base de valeurs. C’est le carburant qui alimente la stratégie de l’argumentum ad hominem des activistes : je n’ai pas à prendre en compte vos « faits » parce que vous avez été acheté par l’industrie (autrement dit, vous êtes mauvais).

 

« Ce n’est pas un mensonge si vous y croyez. »

Le sage George Costanza a fait cette observation philosophique dans la série télévisée Seinfeld. Et comme George, les gens peuvent croire beaucoup de choses stupides, surtout s’ils sont vulnérables ou désespérés.

Le manuel de la secte verte fournit un système de croyance complexe à ceux qui cherchent religieusement un sens et une vertu à leur vie. Cela les rend vulnérables aux missionnaires volontaires qui les amènent habilement dans leurs centres d’intérêt. Ces innocents ne peuvent pas imaginer que leurs attaques sur les réseaux sociaux contre ce qu’on leur a dit être des menaces pour toute l’humanité (une fusion nucléaire ou un produit chimique destructeur comme le glyphosate) puissent être fausses.

 

Verrouillage de la réalité narrative

Un autre grand philosophe, Bertrand Russell, a parlé de la façon dont la réalité change lorsque nous voyons le monde à travers des lunettes roses.

Aujourd’hui, nous parlons de la façon dont notre narration crée de la valeur et de la cohérence pour les histoires que nous racontons. Le sens du bien et du mal qui découle de ces histoires filtre alors ce que nous sommes prêts à croire comme vrai ou faux (et défendre ce qui est « vrai » devient une décision morale). Ainsi, si votre récit vous a convaincu que l’industrie ment toujours, qu’elle n’agit que par pure cupidité, et qu’elle ne se soucie pas de la sécurité des êtres humains et de l’environnement, vous amplifierez facilement toute fausse allégation contre les acteurs de l’industrie et ferez de grands efforts pour réfuter ou diminuer toute allégation factuelle que vos opposants pourraient faire.

Ce verrouillage de la réalité narrative fait qu’il est pratiquement impossible pour les individus de reconnaître qu’ils répandent des mensonges.

 

Distorsion dans la chambre d’écho

Les réseaux sociaux ont rendu la diffusion des cultes beaucoup plus facile et plus banale.

Les algorithmes m’ont filtré dans des groupes en ligne de personnes partageant les mêmes idées que moi, m’empêchant d’entendre des opinions contraires ou de poser des questions qui pourraient me donner des réponses inconfortables. Ces chambres d’écho définissent nos vérités et rendent impossible la compréhension d’autres modes de pensée. En buvant le Kool-Aid fourni par nos gourous des réseaux sociaux et en partageant les mensonges, nous n’avons aucune idée de la façon dont notre réalité a été déformée. Dans les premiers temps de la socialisation de l’internet, j’avais parlé de l’Ère de la Stupidité (avec le défi de ne jamais pouvoir discerner si je ne suis pas, en réalité, la personne stupide). Aujourd’hui, c’est simplement la réalité avec laquelle nous devons travailler.

 

Hyperbolisation

Les récits de pêche ont l’habitude de transformer rapidement les vairons en baleines. Plus une histoire est répétée, plus elle est embellie.

Ainsi, un petit risque de cancer dû à un résidu de pesticide, une fois amplifié et partagé des milliers de fois, devient une certitude. Les possibilistes utilisent cette technique pour transformer de lointaines possibilités d’un danger en probabilité réelle d’un risque… invoquant alors le principe de précaution. Avez-vous besoin d’une bonne raison quand vous pouvez effrayer les régulateurs simplement avec une « raison suffisante » ?

Prenons, par exemple, les histoires de peur concernant les perturbateurs endocriniens. On nous dit que nous ne savons tout simplement pas si certains produits chimiques ou plastiques sont des perturbateurs endocriniens possibles (à faibles doses, avec des effets cocktails possibles) et qu’il faut donc prendre des précautions pour tous les produits chimiques de synthèse. Mais il y a aussi une seule tasse de café, un perturbateur endocrinien connu, qui contient plus de 1000 substances chimiques.

Comme l’a dit Bruce Ames :

« Ils ont identifié un millier de substances chimiques dans une tasse de café. Mais sur ce millier, nous n’en avons trouvé que 22 qui ont fait l’objet de tests de cancérogénicité sur des animaux. Et parmi eux, 17 sont cancérigènes. Une tasse de café contient 10 milligrammes de substances cancérigènes connues, soit plus de substances cancérigènes que vous pouvez absorber par les résidus de pesticides pendant un an ! »

Mais comme ces substances chimiques sont naturelles et que nous apprécions les bienfaits de notre tasse de café, personne n’exagérera les risques.

 

L’ingénierie des faits

Les personnes qui estiment qu’elles doivent avoir raison manipuleront les faits pour les faire correspondre à ce qu’elles veulent croire.

Dans la communauté scientifique, cette pratique est parfois connue sous le nom de cherry picking (cueillette de cerises ou picorage). Si vous étalonnez votre chromatographe de la bonne manière et que vous limitez vos paramètres d’essai, vous pouvez prouver ou réfuter ce que vous voulez. C’est ainsi que des études de « qualité Ramazzini » sont produites et publiées sur les risques du glyphosate, de l’aspartame, des PFOS [des polluants éternels], du PVC et d’autres produits chimiques, affirmant qu’ils sont cancérigènes, perturbateurs endocriniens (« chez les souris »), toxiques pour d’autres espèces… et personne ne s’interroge sur les motivations de ceux qui sont à l’origine de ces recherches. Et si cela permet de financer votre laboratoire ou de nuire à une industrie que vous méprisez, c’est tant mieux.

 

Les adeptes de l’exceptionnisme excluante

Mais supposons qu’une trace de glyphosate trouvée dans un bol de céréales présente un risque minime de cancer, ou qu’un revêtement de boîte en plastique puisse, à haute dose, être un perturbateur endocrinien.

Les scientifiques militants qui publient ces résultats savent parfaitement que l’équivalence toxique de ces expositions chimiques est insignifiante par rapport à la cancérogénicité connue ou aux perturbations endocriniennes provoquées, par exemple, par la consommation d’une tasse de café (voir ci-dessus).

Alors pourquoi ne discutent-ils pas de la pertinence de leurs résultats dans le contexte d’équivalences toxiques pertinentes ? Ils excluent les comparaisons avec le monde réel parce que cela n’a jamais été l’objectif de leur recherche ou de leur financement. L’objectif de la recherche militante est de démontrer qu’un produit chimique est présent et qu’il n’est pas sûr à 100 %.

Comme ils ne sont pas des gestionnaires de risques, ces chercheurs estiment qu’il n’est pas de leur ressort de discuter de ce qui est réellement sûr (ou même de ce que signifie « sûr »). Pendant ce temps, les opportunistes qui financent leur recherche citent les résultats de ces études, amplifiant les niveaux de danger pour capitaliser sur les peurs partagées de leurs publics. Je ne vois pas ces scientifiques célèbres se lever pour corriger les déductions de risque scandaleuses émanant de leur travail. Ils n’ont pas été payés pour le faire.

 

Raisonnement anintelligent 

Il existe une différence importante entre l’inintelligence (ne pas être intelligent) et l’anintelligence, définie comme « la capacité d’acquérir et d’exprimer des idées fondées sur des associations limitées, sans informations ou recherches appropriées. Les personnes qui confondent anecdotes et preuves, qui pensent que l’intuition fournit une bonne raison et qui peuvent facilement rejeter les contradictions internes sont anintelligentes.

Les idées anintelligentes ont prospéré avec l’essor des réseaux sociaux, permettant aux personnes vulnérables à la recherche d’un confort intellectuel au sein de leurs communautés tribales de justifier des décisions ou de faire des déclarations sans faits, ressources ou analyse critique. Ce cadre conceptuel faible permet aux groupes militants de répandre facilement des mensonges dans leurs campagnes sans que leurs fidèles anintelligents n’y prêtent attention.

 

Pureté idéologique

Les militants, par définition, sont empreints d’idéologie. Chaque principe de leur dogme doit être cohérent (logiquement et politiquement). Il doit être pur pour être efficace dans les campagnes (l’accent est mis ici sur le mot doit, car cela crée une pression supplémentaire sur le processus cognitif).

Un pragmatique, en revanche, prendra en compte tous les arguments, honnêtement, et essaiera de trouver la meilleure décision, sachant qu’il travaille dans un monde imparfait. Les idéologues pensent déjà connaître la meilleure décision et ne choisissent que les faits qui peuvent la justifier. Les activistes excluront donc toute preuve susceptible de contredire ou de remettre en question leur fondamentalisme.

Les partisans de l’agroécologie, par exemple, lorsqu’ils ont été confrontés aux avantages de l’édition de gènes dans l’amélioration des plantes, ont dû l’exclure de leur doctrine parce qu’elle favoriserait l’implication de l’industrie dans l’agriculture, laquelle n’est pas conforme au dogme. L’OMS a créé une génération de mauvaises recherches contre le vapotage parce qu’elle ne pouvait pas risquer de compromettre ses réalisations en matière de dénormalisation de l’industrie du tabac.

Mais en refusant tout ce qui n’est pas conforme à leur dogme fondamentaliste, ils infligent d’énormes dommages aux personnes et à l’environnement.

 

Animosité viscérale

Trop souvent, les activistes sont animés par une rage déclenchée par un événement personnel. L’un des exagérateurs les plus énigmatiques de Bruxelles est Martin Pigeon. Lors d’un échange avec ce guerrier toxique fumeur à la chaîne, j’ai découvert que ce qui motivait sa haine contre l’industrie n’était pas que les lobbyistes étaient payés pour représenter les entreprises, mais qu’ils étaient mieux payés que lui.

Dans le cadre de son lobbying intensif (pour bloquer le lobbying des entreprises), Pigeon a admis avoir dissimulé des informations sur les personnes qui payaient ses factures au Corporate Europe Observatory (comme lorsqu’il a payé des journalistes tels que Stéphane Horel ou utilisé Chris Portier pour contester l’évaluation des risques de l’EFSA en sachant pertinemment que les dépenses de recherche de ce dernier étaient couvertes par des cabinets d’avocats américains qui profitaient des procès intentés contre Monsanto).

Pour quiconque est rempli d’une telle haine, d’une telle rancœur et d’une telle indignation, le mensonge et la tromperie pour nourrir cette animosité profondément ancrée sont le cadet des soucis.

 

L’opportunisme machiavélique

La fin justifie les moyens et si un militant est en mission (par exemple, pour détruire une industrie que son organisation n’a cessé d’attaquer), il est parfaitement justifié d’être économe de la vérité.

Pour les ONG environnementales, l’objectif de leurs campagnes est de gagner (plutôt que de trouver un compromis pour améliorer la situation). Et si gagner signifie devoir mentir, dissimuler des informations, déformer des faits ou tromper le public, alors c’est ce qu’il faut faire. J’entends souvent des personnes justifier leur comportement malhonnête en disant : « Monsanto ment tout le temps ! ». Lorsqu’il s’agit de gagner, le fanatique ne se soucie pas de savoir si l’environnement ou la santé humaine souffrent des conséquences de ses campagnes (comme les problèmes de sécurité alimentaire liés à ses convictions en faveur de l’agriculture biologique ou la pauvreté énergétique liée à ses actions antinucléaires).

 

Patriarches intellectuels arrogants

Le monde universitaire regorge de « menteurs titularisés » qui ont consacré leur vie à la recherche d’une théorie.

Dans leurs jours de gloire, ils ont formé des générations de post-docs en adoration devant eux qui s’appuient sur l’autorité et le génie de leur professeur pour progresser dans leur propre carrière.

Mais que se passerait-il si l’on découvrait que tout ce qu’ils ont étudié, publié, enseigné… est erroné ? Il faudrait une grande humilité pour que quelqu’un admette qu’il a été prouvé qu’il était dans l’erreur. Étant donné le niveau élevé d’orgueil des universitaires, cela arrive rarement. Au contraire, les preuves légitimes sont souvent supprimées ou déformées pour éviter de nuire à leur réputation, les débats se transformant en attaques ad hominem. La campagne sur les perturbateurs endocriniens, qui entre dans sa troisième génération de patriarcat, en est la preuve la plus évidente. Les grands-pères de cette campagne admettraient-ils un jour les faits qu’ils ont cachés ou passés sous silence afin de préserver leur héritage ? De tristes créatures qui s’accrochent aux branches.

 

Mensonges incitatifs

Suivez la trace de l’argent ! Si un trust ou une fondation vous paie pour créer de l’incertitude, et que vous pensez que tous les autres mentent, alors la tromperie est perçue comme faisant partie du processus.

Aujourd’hui, des scientifiques militants sont financés par des groupes d’intérêt, des ONG et des cabinets d’avocats américains spécialisés dans la responsabilité civile pour mener des études destinées à fournir des preuves prêtes à l’emploi afin d’influencer les politiques, les juges, la perception du public et les processus de production. En l’espace de cinq ans seulement, par exemple, ce financement a transformé 50 années de données de recherche montrant un impact très faible du glyphosate en une glyphystérie selon laquelle l’herbicide est désormais responsable de pratiquement tous les problèmes d’environnement et de santé humaine.

Le monde de l’activisme est rempli d’argent gagné pendant les bulles boursières et cryptographiques, qui se répercute maintenant sur les réseaux connectés. Si l’on jette suffisamment d’argent sur des militants en colère et désorientés, on peut créer des cultes capables de convaincre suffisamment de personnes vulnérables de dire et de faire n’importe quoi.

 

L’intransigeance des zélotes

Imaginez que vous fassiez campagne contre un produit chimique, un processus ou un produit pendant trois décennies sans succès.

Le Riz Doré est commercialisé et célébré, l’énergie nucléaire continue d’être essentielle à la plupart des mix énergétiques, les édulcorants artificiels sont utilisés dans davantage de produits aidant les gens à perdre du poids… Les personnes normales accepteraient de s’en aller si la science ou la volonté du public n’est pas de leur côté. Mais les fanatiques ne peuvent tolérer quoi que ce soit de contraire à ce qu’ils exigent, pas plus qu’ils ne pourraient accepter que quelqu’un contredise leur vision du monde. Ils redoublent donc d’efforts, se battent plus durement et déforment encore plus la vérité. Le meilleur exemple est celui d’un réseau de militants anti-OGM allemands qui continuent à se battre tout en acceptant que la science ne soit pas de leur côté. Le Risk-monger a récemment publié un document stratégique interne montrant comment ces militants reconnaissent que les faits scientifiques jouent en leur défaveur, que les régulateurs assouplissent les restrictions sur l’amélioration des plantes et que leur campagne de plusieurs décennies a échoué.

Alors, en guise de réponse, ces ONG vont-elles s’en aller et faire quelque chose de plus productif de leur temps ? Non, pas du tout. Leur nouvelle approche consiste à redoubler d’efforts, à essayer de changer le discours et à transformer le débat sur les biotechnologies en une question de droits sociaux.

 

Parce qu’ils peuvent s’en tirer sans conséquences

L’un des éléments clés de la confiance est l’intention. Si quelqu’un fait campagne avec ce qui est perçu comme les meilleures intentions, nous sommes moins sévères dans nos jugements (et tenter de sauver le monde est perçu comme une sacrée bonne intention).

Les ONG se présentent comme des organisations de surveillance bénévoles. Si mon chien de garde aboie à la lune 99 fois sur 100, je le tolère car son intention est de me protéger… et le fait d’avoir raison une fois est même célébré. Le principe de précaution correspond à cet état d’esprit « mieux vaut prévenir que guérir ».

En revanche, si les scientifiques de l’industrie commettent une erreur une fois sur un million, c’est tout à fait inacceptable et il faut changer les choses. Sachant qu’ils peuvent s’en tirer en mentant, en exagérant ou en déformant leurs propos, les activistes prennent des libertés avec la vérité que personne d’autre n’oserait jamais prendre, en espérant que, une fois, ils auront raison. Et s’ils se trompent (encore) et que les gens ou l’environnement en pâtissent, cela n’a pas d’importance puisque personne ne les tiendra pour responsables des mensonges qu’ils ont répandus.

 

L’intégrité est-elle importante ?

Dans « La cupidité, les mensonges, et le glyphosate : les Portier Papers », après avoir démontré la méchanceté de certains opportunistes, j’avais conclu que « l’intégrité ne paie pas le loyer ». Quelle que soit la raison pour laquelle les activistes mentent, excluent des informations ou justifient leurs actions opportunistes, à un moment donné, les personnes qui s’efforcent d’être bonnes devraient entendre une petite voix dans leur tête qui leur dit que ce qu’elles font n’est pas juste. C’est l’intégrité qui ronge la conscience d’une personne.

Où est l’intégrité dans ces débats sur l’environnement et la santé où le mensonge est devenu si courant ?

Si vous êtes en colère contre le système, si vous estimez que les pouvoirs en place sont injustes et corrompus, si vous pensez que le monde est dirigé par des menteurs et des voleurs avides, alors cette petite voix dans votre tête est facilement réduite au silence par la perception d’éléments extérieurs. Je comprends et je compatis avec ces personnes qui voient le monde à travers un prisme aussi sombre.

Mais leur rage et leur insensibilité, quelle qu’en soit la raison, ne peuvent justifier que l’on fonde les politiques publiques sur leurs mensonges furieux ou sur une idéologie tordue qui nuira aux agriculteurs, aux consommateurs, à l’environnement et aux personnes les plus vulnérables. Ces fanatiques sont libres de croire et de dire aux gens ce qui les rassure, mais le reste d’entre nous n’a pas à les écouter ou à leur prêter attention (pas plus que nous ne devrions écouter les créationnistes ou les tenants de la terre plate). Les régulateurs n’ont aucune raison de tolérer leurs exagérations émotionnelles et leurs fictions dramatiques dans le processus d’élaboration des politiques.

L’intégrité se trouve dans le respect des faits et de la réalité.

Pap Ndiaye et sa conception bien singulière de la démocratie

Pap Ndiaye a une conception bien à lui de la démocratie, qui vise à encourager la libre expression… dès lors qu’elle reste dans la sphère du politiquement correct.

Tout média qui s’écarterait de ce qu’il considère lui-même comme cantonné à des formes de pensée respectable serait à ranger sans conteste sous un seul vocable tombant tel un couperet : « d’extrême droite ». Et n’aurait, à ce titre, plus vraiment voix au chapitre dans les débats censés animer la démocratie.

 

CNews et Europe 1, des médias « d’extrême droite »

Le très contesté ministre de l’Éducation nationale, empêtré dans ses réformes peu convaincantes et une Éducation nationale qui se porte très mal, n’a d’autre souci – pour mieux détourner l’attention de son impéritie – que de se préoccuper de la manière dont se porte notre démocratie, apparemment en danger (face à la perte de monopole des idées de gauche, si caractéristiques des médias traditionnels au cours des dernières décennies).

Ne prenant que son courage à deux mains, il se lève donc contre les dangers qui nous menacent : un dangereux capitaine d’industrie « proche de l’extrême droite » serait en passe de transformer différents médias en parangons de l’intolérance et de la haine du même bord politique. Face à ces menaces, il se devait donc de réagir. Comme il l’avait d’ailleurs déjà fait récemment en sanctionnant deux professeurs de philosophie d’un syndicat minoritaire dont les positions peu complaisantes avec les politiques gouvernementales lui étaient apparues dangereuses, outrepassant selon lui la liberté d’expression.

En chantre de la bonne conscience de gauche et de tout ce qu’elle compte d’aficionados, il n’entend pas rester muet face à une telle intolérance.

Interrogé sur le mouvement de grève au JDD, face à la terrible menace à laquelle est confronté le journal, il se joint ainsi à sa manière aux propos qu’avait déjà tenus il n’y a pas si longtemps l’actuelle ministre de la Culture, pour dénoncer la manière dont les dits médias maltraitent l’information et risquent d’influencer de manière dangereuse les idées de certains Français fragiles et influençables, qui risquent bien de dériver vers de bien obscurs recoins de la perversion humaine.

Ne suit-il d’ailleurs pas en cela l’une des préoccupations du président qui, lui-même naguère, était prêt à considérer l’information comme un bien public – et donc à mettre à l’abri des dangereux fanatiques qui pourraient avoir l’heur de la pervertir par de fâcheuses (fascistes ?) analyses (tout comme ceux qui mettent en cause l’origine anthropique du réchauffement climatique sont considérés par certains à gauche comme de dangereux « climatosceptiques d’extrême droite ». Tout ce qui fâche a tendance à être affublé du même qualificatif, qui a pour mérite de classifier et décrédibiliser aussitôt).

D’autres encore – décidément particulièrement nombreux à gauche lorsqu’il s’agit de s’inquiéter des menaces que représente l’extrême droite, à l’heure où les émeutes de juin 2023 devraient retenir un peu plus l’attention du moment – s’inquiètent de ce que l’on accorde trop de place à la parole de « ceux qui sont dans la caricature et dans l’outrance » (dixit une Marine Tondelier qui a son idée sur ce qu’est le comble du libéralisme et du culte de l’individu, s’érigeant contre « la ségrégation et la ghettoïsation » dont seraient victimes les pauvres émeutiers de juin, maltraités par la société).

C’est bien connu, la véritable menace actuelle pour notre société, est bel et bien « l’extrême droite ».

 

Des réactions bien légitimes

Face à un ministre de l’Éducation nationale qui ne fait donc pas dans la dentelle et n’y va pas de main morte pour accuser certains médias et ses journalistes de représenter un danger pour la démocratie, les réactions – bien légitimes – ne se sont pas fait attendre.

Je n’ai hélas pas de lien à proposer ici, mais j’aurais aimé que vous puissiez entendre la réaction parfaitement légitime et sincère de Marc Menant (que je considère comme un honnête journaliste et historien, à la sensibilité de gauche non dissimulée), hier vers 19 h 30 sur cette chaîne que je ne saurais vous recommander (CNews), exprimant sa révolte contre de telles accusations. Car le ministre de l’Éducation nationale aurait apparemment également affublé les journalistes de cette chaîne du qualificatif (très grave) « d’antisémites ». Marc Menant, offusqué par de tels propos de la part d’un ministre qui se voudrait pourtant si vertueux, et endossant ce qualificatif pour lui-même (en tant que journaliste de la chaîne), s’est fait le devoir de nous faire savoir qu’il est lui-même fils de déporté, et à ce titre peu suspect de pouvoir être un antisémite notoire. Il a défendu également les 120 journalistes de la chaîne, qui exercent leur travail avec une certaine conscience professionnelle et ne méritent pas de telles accusations.

Je suis par la suite tombé sur le papier suivant, qui présente la manière dont Laurence Ferrari, journaliste connue de la chaîne, a à son tour réagi, laissant de côté toute langue de bois de manière à exprimer clairement ce qu’elle pense des propos scandaleux du ministre.

Je n’irai pas plus loin dans cet article et ne saurais mieux dire que ce que Laurence Ferrari énumère au nom des 280 journalistes des rédactions de CNews et Europe1. Je vous laisse vous faire votre propre idée sur cette attitude toujours aussi exaspérante de ces gens de gauche se présentant comme vertueux, toujours aussi prompts à évoquer la République en danger et à se présenter comme tolérants, là où il semble bien qu’ils ne font qu’encourager l’intolérance et la chasse à l’homme contre la liberté d’expression

L’enfer est pavé de bonnes intentions (20) : L’homme déconstruit

Frédéric Beigbeder est un homme médiatique et, par certains côtés, sans doute souvent excessif. Pour autant, il dispose de certaines qualités et est capable aussi d’introspection. À travers son dernier livre, son témoignage est celui d’un repenti, qui affirme chercher à confesser – non sans une bonne dose d’humour et de provocation – ses erreurs ou dérives passées. Faisant preuve, de la sorte, d’une certaine sagesse et surtout de réflexion.

 

Refuser les formes de censure

Il commence par expliquer comment des individus – à la grande frayeur de ses enfants en bas âge – se sont introduits en pleine nuit dans son jardin en 2018, puis ont enduit sa maison et sa voiture de peinture et de tags le traitant de violeur et de salaud, pour avoir signé une pétition contre la pénalisation des clients de prostitués. Lui, amoureux des livres et des débats d’idées, préférerait de loin, dit-il, engager le débat avec eux autour d’un verre, plutôt que de devoir endurer une violence qui, comme dans le cas de Salman Rushdie, qu’il cite, peut aller très loin dans la démesure et l’horreur.

 

Si les livres ne peuvent plus raconter les crimes et délits, comment allons-nous sonder l’âme de l’homme ? Est-il raisonnable de penser qu’un art moral peut améliorer les humains ? Pol Pot a sincèrement essayé de « rendre les hommes plus purs » en exterminant les porteurs de lunettes. 1,7 million de morts plus tard, la poésie khmère n’a pas énormément progressé… et il y a toujours des Cambodgiens myopes. La purification des œuvres ne nous empêchera jamais d’être humainement faillibles.

 

En cette époque où le wokisme et autres formes de censure sévissent de manière très inquiétante, il est donc en effet souhaitable de chercher à défendre une culture en péril face aux assauts répétés de ceux qui entendent la dépouiller de toute aspérité jusqu’à l’affadir ou l’orienter dans la direction qu’ils entendent imposer.

Frédéric Beigbeder poursuit son pamphlet en évoquant quelques faits marquants de victimisation qui l’ont touché comme d’autres, entretenus par certains médias complaisants et aux méthodes peu orthodoxes. Se trouvant acculé à devoir évoquer brièvement sans s’y attarder comment la vie d’un hétérosexuel blanc âgé de plus de 50 ans et, circonstance sans doute aggravante, né à Neuilly, n’est pas ou n’a pas été forcément la vie idyllique que d’aucuns pourraient imaginer. Loin de là. Sans tomber pour autant totalement dans l’impudeur, mais en temporisant surtout les excès de victimisation dans l’air du temps.

 

On est tous victimes de quelque chose ou de quelqu’un. Ceux qui n’ont pas été violés ont été battus. Ceux qui n’ont pas été battus ont été abandonnés. Ceux qui n’ont pas été abandonnés ont été pauvres. Ceux qui n’ont pas été pauvres ont vu leurs parents se déchirer. Ceux qui n’ont été ni violés, ni battus, ni abandonnés, ni pauvres, ni témoins de violences conjugales ont perdu toute leur famille dans un accident de voiture, ou avaient un père alcoolique, ou une mère toxicomane, internée à Sainte-Anne. Il n’y a pas d’un côté des victimes et de l’autre des bourreaux. Il n’y a que la phrase de Sartre : « L’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. »

Si on ne souhaite pas rester une victime jusqu’à sa mort, on peut aussi sortir de ce statut et se reconstruire. Le message de ce livre est clair : je préfère être une ancienne victime qu’une victime professionnelle.

 

Le tribunal médiatique

Derrière l’humour, on sent la détresse d’un homme médiatique, dont la vie n’a pas été le long fleuve tranquille que certains présument, mis en demeure de devoir perpétuellement se justifier, procéder à son autocritique, répondre aux assauts de tel « écoféministe », tel journal, tel ou tel accusateur lui reprochant de simples prises de position, voire une conversation privée remontant à de nombreuses années, en oubliant au passage ses actions antisexistes lui ayant parfois valu sa place, et confondant pour nombre d’entre eux l’amour et la guerre ; quand d’autres encore ne nient pas tout simplement la différence des sexes.

Ce que réclame Frédéric Beigbeder, c’est le débat. L’immense majorité des mâles hétérosexuels ne demandent pas mieux que d’envoyer en prison les agresseurs sexuels, insiste-t-il. Mais dans le respect des principes fondamentaux du droit, et non en rendant justice sur un plateau de télévision, en « balançant des noms sans preuve sur les réseaux sociaux » et en ne respectant aucunement la présomption d’innocence, en se situant sur le terrain de la posture médiatique.

 

Tourner le dos au conformisme

Ce qui est intéressant dans le livre de Frédéric Beigbeder est à la fois le regard d’un homme sur lui-même et son passé, arrivé à un âge charnière (la cinquantaine), mais aussi et peut-être surtout la manière dont il prend conscience de son « conformisme » (c’est le terme qu’il utilise), alors qu’il s’était toujours voulu « transgressif » (il n’hésite pas à l’assumer également).

Loin d’être une fête permanente, la vie est bien plus fragile et profonde que ce que l’on veut bien en faire lorsqu’on se sent encore jeune et relativement insouciant. Et au-delà de l’humour relativement sombre, c’est plutôt à la confession d’un homme révolté que l’on a plutôt le sentiment d’assister. Celle aussi d’un homme qui a versé dans les excès et s’en repend aujourd’hui, mettant en garde ses lecteurs contre l’idée de suivre un chemin analogue (il évoque d’ailleurs l’attrait pour la ravageuse et mortelle cocaïne qu’ont pu constituer pour lui des films, romans ou chansons des années 1980, avant de tomber sous l’influence de son entourage et… du conformisme, souvent caractéristique de la jeunesse influençable plus encore que les autres classes d’âge).

De confession, il est bien question. Le reste du livre est composé de chapitres d’une crudité presque sans limites, entre ironie et mea culpa. Le mea culpa d’un homme mi-pessimiste, mi-déprimé, à l’ornière de deux générations, qui fait mine de se repentir de ne pas être parvenu à être un homme « déconstruit ». Faisant référence à plusieurs reprises à Virginie Despentes et Annie Ernaux, il dresse un portrait assez pathétique et plein d’autodérision de l’homme blanc hétérosexuel de plus de 50 ans, faisant mine d’entrer dans leur jeu. Mais il s’adresse avant tout aux femmes et aux hommes qui ont une conception moins idéologique de la vie, leur laissant malgré tout un message porteur d’espoir et non dénué d’un sens profond de l’ironie.

 

Frédéric Beigbeder, Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé, Albin Michel, avril 2023, 176 pages.

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