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À partir d’avant-hierAnalyses, perspectives

ÉGALITÉ

Sauville, M. Illustrateur. La Gueuse. Impression photomécanique en couleurs. 1903. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

« La seconde des idées révolutionnaires, le principe d’Egalité, constitutif du régime démocratique, livra le pouvoir au plus grand nombre, aux éléments inférieurs de la nation, producteurs moins énergiques et plus voraces consommateurs, qui font le moins et mangent le plus. Découragé, s’il est entreprenant, par les tracasseries de l’Administration, représentante légale du plus grand nombre, mais, s’il est faible ou routinier, encouragé par les faveurs dont la même administration fait bénéficier sa paresse, notre Français se résigna à devenir un parasite des bureaux, de sorte que se ralentit et faillit s’éteindre une activité nationale où les individus ne sont pas aidés à devenir des personnes et les personnes étant plutôt rétrogradées jusqu’à la condition des individus en troupeaux. »

 (Charles Maurras, Romantisme et Révolution, Préface L’origine commune)

Contradiction apparente

Nous abordons le deuxième volet du désordre social, en contradiction apparente avec le premier. En effet, à première vue, liberté absolue et égalité sont des termes antinomiques. La liberté sans bornes offre aux membres de la société la loi de la jungle où le fort écrase le faible. Sous la Révolution, la loi Le Chapelier, mère du problème ouvrier en fut un exemple illustre. La destruction des corporations au nom de la Liberté livra l’ouvrier à l’arbitraire patronal.

Mais, contraires selon les règles de la logique classique, les deux éléments de la doctrine républicaine, le libéralisme et l’égalitarisme, sont complémentaires dans la mystique démocratique en cela qu’ils ressortent tous deux du même principe erroné ; l’autonomie de l’individu.

Il existe certes une égalité spécifique entre tous les hommes, mais cette égalité par essence n’empêche pas l’inégalité individuelle des conditions, l’inégalité accidentelle qui fonde les droits relatifs des membres d’une société saine et raisonnable.

Les conséquences de l’Égalité

Le pouvoir, en République, va donc être en apparence livré à la masse, et, reprenant les analyses que saint Thomas a tirées d’Aristote et de Cicéron, Maurras évoque la foule de ceux qui coûtent au corps social plus qu’ils ne lui rapportent, le grand nombre de ceux qui, poussés par les démagogues, voteront les dépenses que le petit nombre règlera. La foule gaspillera, les créateurs de richesses s’épuiseront, et la société sombrera dans l’appauvrissement.

La liberté sans frein ayant engendré l’administration, car il faut bien que l’élu tienne son électeur, cette dernière va se mettre naturellement au service de l’égalité socialisante. Le Français actif et indépendant connaîtra d’abord les freins et les brimades des bureaux mis au service de l’envie égalitaire, et bientôt le citoyen qui pouvait contribuer à la prospérité générale, qui était une personne, c’est-à-dire un être conscient et responsable, conscient de ses droits, de ses devoirs et de ses possibilités, se dégradera en simple individu, consommateur assisté de l’Etat-Providence. 

En prétendant concilier des principes frères, dangereux séparément, mortels quand ils sont associés, la démocratie désagrège la société et ravale les personnes au rang d’individus soumis.

« Les libertés, cette énonciation est un non-sens. La Liberté est. Elle a cela de commun avec Dieu, qu’elle exclut le pluriel. Elle aussi dit : sum qui sum. » le lecteur aura reconnu les accents inimitables de Victor Hugo quand il se prend pour un penseur. Leconte de Lisle a dit qu’il était bête comme l’Himalaya. C’est pourtant à l’ombre de l’inégalité reconnue, protectrice, que peuvent fleurir les libertés qui assurent l’épanouissement de la personne, sa réalisation pour le Bien commun.

Gérard Baudin

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Ukraine et Russie : pour comprendre. Retour de Marioupol. Introduction

Cet ouvrage géopolitique désormais classique met en perspective un conflit qui occupe régulièrement le devant de l'actualité depuis 2013, entre l'Ukraine et la Russie. Pour l'éclairer, Laurent Chamontin mobilise l'histoire, sa connaissance du terrain et des acteurs.

- Ukraine et Russie : pour comprendre / , , , , , , , , , ,

Carte. L'Organisation du traité de l'Atlantique nord en 2024

Savez-vous combien de pays sont membres de l'OTAN ? Et combien des pays de l'OTAN sont des membres de l'UE ? A quelle date sont-ils entrés dans l'OTAN ? Dans quel contexte ? Localisées et datées, les réponses sur cette carte.

- Union européenne / , , , , , , , , , , , ,

Charles Maurras contre Bonaparte

Affiche du film de Ridley Scott sur Napoléon

La sortie du Napoléon de Ridley Scott avait ravivé les discussions sur l’empereur. Sur le bilan strictement technique et cinématographique, les avis se rejoignent majoritairement pour dire leur déception devant un film qui, malgré une matière historique gigantesque et des moyens financiers eux-mêmes généreux, ne parvient à créer ni le souffle épique ni le développement scénaristique que l’on attendait. Au mieux peut-on se consoler en admirant, pendant quelques minutes, de belles scènes de bataille, quelques beaux décors et des costumes d’époque plutôt réussis. Mais c’est un bilan assez maigre.

Le film a aussi déçu tout le monde sur l’aspect historique : les passionnés de l’empereur estiment qu’il a été présenté de façon caricaturale et dépréciative, pendant que ses détracteurs regrettent qu’un film à gros budget, bon ou mauvais, ne serve pas à faire le procès à charge d’un personnage historique critiqué aujourd’hui, par les animateurs dans l’air du temps, surtout parce qu’il a rétabli l’esclavage et régné comme un despote. Il n’existe pas en effet, dans l’espace intellectuel français « grand public », une critique de Napoléon qui ne soit pas de gauche ; au contraire le clivage se contente de prétendre que Napoléon ne peut être aimé que pour de mauvaises raisons par la droite et critiqué pour de bonnes raisons par la gauche. Tel homme de droite qui voudrait proposer un avis négatif sur le personnage n’aurait nulle part où se loger dans le petit cirque pseudo intellectuel de notre époque.

Pourtant une telle critique a existé. Du côté de l’Action française, Léon Daudet a publié en 1939 Deux idoles sanguinaires, la Révolution et son fils Bonaparte dans lequel il expose les relations filiales entre l’horrible Révolution et ce fils qui, ayant germé dans un tel ventre, ne pouvait lui-même que continuer la mauvaise œuvre commencée par sa génitrice. Mais ce livre, s’il est plaisant à lire grâce à la plume toujours affûtée de Daudet, n’est pas ce que la droite nationaliste a proposé de plus convaincant pour s’approcher de l’empereur : dix ans plus tôt, Charles Maurras a publié un petit texte autrement plus dosé en explosif intellectuel : Napoléon, avec la France ou contre la France ?

Ici, au lieu de simplement reprocher à Napoléon d’avoir fait la guerre (ce que Maurras lui reproche aussi mais avec des arguments à la fois politiques, humains, géostratégiques et historiques) et d’être à l’origine d’un bilan humain terrifiant, le maître de l’Action française dénonce aussi les effets délétères du Code Napoléon dans l’organisation anthropologique de la France, critique des choix d’alliances et des décisions diplomatiques catastrophiques en ceci qu’ils ont semé le poison d’où naîtra ensuite, par ricochets, beaucoup des grands conflits militaires que la France, bien après le passage sur la terre de Napoléon, devra longtemps affronter. Là où Maurras se différencie d’une critique qui ne serait qu’un bilan comptable des morts des guerres napoléoniennes, c’est en ceci qu’il va chercher jusque dans l’œuvre institutionnelle et juridique de l’empereur des raisons de l’accuser avoir fait du tort à la France. Un travail intellectuel de cette envergure n’existe plus aujourd’hui, le débat sur Napoléon ayant été, nous le disions plus haut, pris en otage par des gens qui, eux-mêmes pris en otage par la droite, se sentent obligés de le défendre contre des gens qui, pris en otage par la gauche, reprochent à Napoléon de n’avoir pas créé Sos-racisme et l’international LGBT de son vivant.

Que l’un des grands parmi les grands dans l’offre intellectuelle de droite, Charles Maurras, soit au nombre des adversaires de Napoléon surprendra sans doute nos contemporains. Si ce n’était que pour cela, si ce n’était que pour son côté étonnant, le livre de Maurras mériterait d’être lu. Heureusement, il est beaucoup plus que cela. Pour l’avoir fait lire à de nombreux admirateurs de Napoléon dont certains étaient même des adorateurs, je puis confirmer que Charles Maurras, par la redoutable efficacité de sa démonstration intellectuelle et argumentaire, a livré un texte d’une hauteur, d’une précision et d’une puissance rarement atteintes par un auteur, surtout — et c’est là aussi que réside l’exploit — en seulement quelques dizaines de pages, d’ailleurs écrites dans un français d’une beauté cristalline.

Jonathan Sturel

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Doctrine : patriotisme et nationalisme 

Les drapeaux tricolores français

Dans la bataille des idées inaugurée par les conjurés de la Révolution dite française, une évidence apparaissait que Joseph de Maistre allait résumer ainsi : « Jusqu’à présent, les nations ont été tuées par la conquête, c’est-à-dire par voie de pénétration ; mais il se présente ici une grande question : Une nation peut-elle mourir sur son propre sol, sans transplantation ni pénétration, uniquement par voie de putréfaction, en laissant parvenir la corruption jusqu’au point central et jusqu’aux principes originaux et constitutifs qui font ce qu’elle est » ?

Texte que j’ai déjà cité précédemment, mais qu’il est nécessaire de rappeler dans le contexte de ce sujet. Par cette interrogation qu’il faisait à son ami Louis de Bonald, il définissait ce qui allait devenir le point de départ de l’analyse critique nationaliste face aux sophismes des conjurés de la Révolution dite française. On voit ainsi que le nationalisme est d’une autre essence que le patriotisme, car jusqu’alors les nations n’avaient à se préoccuper que des invasions physiques, aux frontières. Or, à partir des sophismes issus de la Révolution, un autre type d’invasion apparaît : l’invasion intellectuelle.

Désormais, sans invasion physique, sans défaite militaire, elle va tendre à faire disparaître la nation, au profit de l’utopique République universelle.

Prônée par les conjurés de la maçonnerie et du monde juif, par ce concept abstrait qui émerge avec la révolution de 1789, les nations doivent disparaître pour permettre son avènement.

C’est en opposition à ce concept destructeur de l’existence même de la nation qu’allait apparaître le réflexe de défense nationaliste. Il en découle que si le patriotisme se définit comme la défense du territoire national face à un envahisseur physique, le nationalisme, lui, est d’une autre essence. Il se définit comme étant la recherche des principes qui conviennent à un pays pour se maintenir incorrompu dans son être national en défense de son héritage.

Ainsi, plutôt qu’à la terre des Pères, le nationalisme s’attache à la défense de l’esprit des Pères, de ceux qui ont forgé l’héritage moral, spirituel, intellectuel, qui fait ce qu’elle est devenue, façonnée par l’Histoire. C’est-à-dire, ce qui la rend différente de toute autre nation, comme un être humain est différent de tout autre du fait de sa genèse et de son éducation. « Le nationalisme, dit Maurras reprenant l’observation de Joseph de Maistre, est la sauvegarde due à tous ces trésors qui peuvent être menacés sans qu’une armée étrangère ait passé la frontière, sans que le territoire soit physiquement envahi »1.

On comprend ainsi la priorité du nationalisme sur le patriotisme, dans l’ordre des nécessités.

En effet, si perdre un territoire c’est perdre une partie du sol national et perdre des hommes, c’est perdre une partie de la chair et du sang de la nation, elle peut y survivre, se reconstituer, reconquérir les territoires perdus. Par contre, perdre l’idée nationale, le dessein national qui l’a constitué, c’est perdre l’âme même de la nation, cela mène à son oubli, à sa disparition.

De Gaulle et Pétain

De cette distinction d’essence entre nationalisme et patriotisme allait découler les choix différents faits après la Débâcle de 1940.

D’un côté les nationalistes qui se retrouvaient dans le maréchal Pétain appelé par le Président de la IIIème république, Albert Lebrun pour gérer les conséquences de la Débâcle du fait de l’abandon de poste des responsables de la déclaration de guerre au IIIème Reich.

De l’autre, ceux qui par patriotisme voulaient émotionnellement poursuivre le combat alors que l’Armée française était en pleine déroute. C’est sur cet irréalisme politique qu’allait prospérer le prétendu patriotisme de Charles De Gaulle.

En fuite, en ayant négocié financièrement son ralliement à l’Angleterre avant même que l’Armistice soit signé, cela en faisait ipso facto un déserteur en temps de guerre. Il allait en découler sa dégradation de son titre de général à titre provisoire et sa condamnation le 4 juillet 1940, à Toulouse par un tribunal militaire sous la IIIème république encore …

À Londres, De Gaulle allait retrouver les responsables du désastre qui, eux aussi, s’étaient enfuis pour échapper à leur responsabilité, des juifs et des francs-maçons2. Devant ces faits, où était le devoir ? Entrer en résistance avec les communistes et les démocraties anglo-saxonnes quitte à aggraver le poids de l’Occupation et les souffrances des Français ? Ou bien combattre d’abord la politique des responsables de l’une des plus humiliantes défaites militaires de notre histoire, en tournant le dos aux sophismes de la Révolution, comme s’y sont attachés le maréchal Pétain et ses partisans dans les plus mauvaises conditions historiques ?!

Une de l'humanité sur la victoire du front populaire

Les responsabilités étaient claires. Le Front Populaire de Léon Blum, nous avait dépossédé de nos armements modernes au profit des Rouges lors de la guerre civile d’Espagne en 1936.

C’était donc en parfaite connaissance de notre faiblesse que le féal à l’Angleterre, Reynaud, Premier ministre, allait déclarer la guerre à l’Allemagne pour répondre aux pressions bellicistes de l’Angleterre et du lobby juif.

Sans l’ambition pathologique, de De Gaulle, honni et méprisé de l’Armée depuis sa reddition sans combattre en mars 19163, l’affrontement franco-français qui en a découlé, aurait pu être évité. C’est ce qu’avait entrevu le colonel Rémy qui regrettait que par la faute de De Gaulle « l’un n’ait pas été le bouclier et l’autre le glaive ». Mais ce que le colonel Rémy n’avait pas compris, c’est que De Gaulle pour y parvenir avait besoin de deux choses : l’appui des lobbies responsables de la Débâcle et des Alliés.

Comme pour Robespierre pour lequel la Révolution ne pouvait perdurer sans que Louis XVI ne soit coupable, pour que De Gaulle ne soit pas le déserteur qu’il a été, il lui fallait faire de Philippe Pétain, un traître. Par la faute d’un De Gaulle, faux noble, faux homme de droite et faux patriote, la France s’est déchirée. Tout au long de “la carrière” de De Gaulle, les Français allaient payer leur aveuglement, leur lâcheté devant les crimes de l’Épuration gaullo-communiste, car dès lors l’anti-France revenait au pouvoir.

Ainsi ladite Libération ne fut qu’une réoccupation de la France par les lobbies, maçonnique et juif ! La politique gaulliste aligné sur celle des États-Unis allait conduire à la perte de notre empire comme il l’avait promis à Roosevelt dans son Discours de Brazzaville en

1944. Puis l’Algérie, département français, fut abandonnée aux tueurs du FLN auxquels il octroyait de surcroît sans contrepartie, le Sahara et les richesses que nous y avions découvertes en gaz, pétrole et minerais. Quant à l’immigration-invasion qui submerge aujourd’hui la France avec la complicité des Sarkozy, Hollande et Macron, elle est la conséquence directe des abandons et trahisons de De Gaulle.

Caricature de De Gaulle

Le « patriote » De Gaulle aura ainsi réduit la France au rôle de puissance secondaire, privée de ses ressources énergétiques, géopolitiques et humaines de notre Empire, et devenu simple supplétif de l’impérialisme mondialiste yankee et juif…

Alors que le maréchal Pétain avait réussi à maintenir notre Empire en dépit de l’Occupation, mais surtout des appétits anglo-saxons, le « patriote » De Gaulle ne nous aura légué qu’un Hexagone qui plus est, envahi ethniquement par sa faute. Ses alliances avec l’impérialisme anglo-saxon, avec les lobbies anti-nationaux et le communisme, pour lui permettre d’arriver au pouvoir, se sont soldées par deux guerres civi¬les franco-françaises : celle contre la Révolution nationale du maréchal Pétain, puis celle qui allait conduire à l’abandon de l’Algérie.

Loin d’être un patriote, De Gaulle n’aura été qu’un jacobin, plus soucieux avec ses alliés juifs, francs-maçons et communistes de combattre la Révolution nationale, que l’Occupant qui avait été le prétexte à sa désertion à Londres…

Tout ce que nous vivons et subissons aujourd’hui découle directement de ses alliances et de sa politique avec la faune de francs-maçons et de juifs qui l’avaient rejoint à Londres, se mettre aux ordres des Anglais.

De la réintégration de la maçonnerie interdite par l’État français, à la remise en vigueur du décret Crémieux, à la mainmise marxiste sur l’appareil administratif, jusqu’aux conséquences de la décolonisation avec l’immigration-invasion, on lui doit tout … !

Voilà comment un patriotisme mal compris, dévoyé, est devenu l’ennemi du nationalisme et de la France.

P. P. d’Assac

  1. J. P. d’Assac, Le Manifeste Nationaliste. Editions Plon, Paris 1972. ↩︎
  2. P. P. d’Assac. Charles De Gaulle de la légende à la réalité. Édit. S. P. P. ↩︎
  3. Yves Amiot. La Capture. Edit. Ulysse ↩︎

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Mais pourquoi le Mémorial de la Shoah touche-t-il des aides de la PAC ?

Au titre des bizarreries qui émaillent le gaspillage des fonds publics, on s’étonnera de voir apparaître, dans la liste officielle des bénéficiaires des aides de la politique agricole commune le Mémorial de la Shoah, fondation reconnues d’utilité publique, financée à 37% par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. En l’état, nous n’avons guère trouvé d’explication pour comprendre l’origine de ce coup de pouce.

La Fondation pour le Mémorial de la Shoah n’est pas la plus grande bénéficiaire de la politique agricole commune à Paris. Vivea, par exemple, qui est le fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant, perçoit pratiquement 800.000€, quand le Mémorial pour la Shoah en perçoit un peu plus de 20.000€.

Mais quand même, on s’étonnera de ce chiffre que rien, en apparence, n’explique, même si, de fait, la Fondation entretient désormais plusieurs sites à la campagne.

Nous interrogeons la direction de la Fondation pour comprendre…

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Radio Diploweb. Comment la guerre russe en Ukraine transforme-t-elle l'UE ?

L'Union européenne est-elle - enfin - sortie de son hébétude géopolitique et stratégique sous la pression de la guerre russe en Ukraine ? L'Europe communautaire avait un ADN contraire à la guerre et à la puissance par voie militaire, et l'UE se retrouve avec un conflit majeur en Europe géographique et d'importants sujets sur la table.

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Mohamed Khatib : « Samidoun soutient toutes les formes de résistance palestinienne »

Interdite en Allemagne, censurée en France et en Belgique, Samidoun, l'association d'aide aux prisonniers politiques palestiniens, n'a plus voix au chapitre depuis le 7 octobre. Son porte-parole Europe, Mohamed Khatib, […]

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Comment découvrir la géostratégie ? Entretien avec P. Boulanger

Voici la présentation d'une pépite qui rassemble en 128 pages des connaissances à la fois larges et précises pour permettre d'améliorer nos connaissances en matière de géostratégie. P. Boulanger présente « Introduction à la géostratégie » (La Découverte).

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Les menaces hybrides : quels enjeux pour nos démocraties ?

Les menaces hybrides : de quoi parle-t-on ? Quels sont les principaux acteurs des attaques hybrides ? E. Hoorickx fait œuvre utile en précisant les concepts, les stratégies et les moyens utilisés pour nuire aux démocraties en les polarisant à outrance.

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31 – Le jeu des entités non-étatiques légales

Quel rôle des acteurs non-étatiques légaux jouent-ils dans la crise ou le conflit ?
Quels sont les outils pour étudier les acteurs non-étatiques légaux intervenant sur le territoire concerné ? Quelles informations rechercher, recouper, analyser ?
Voici un extrait gratuit de l'ouvrage de référence de Patrice Gourdin, Manuel de géopolitique (éd. Diploweb), disponible au format papier sur Amazon.

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Crise du logement : problème insoluble pour le marché ? Avec Vincent Benard

Épisode #46

Vincent Bénard est économiste et ingénieur en aménagement du territoire. Il écrit régulièrement des articles remettant en cause la logique des politiques publiques. Spécialiste du logement, il a également consacré de nombreux textes à la problématique du changement climatique.

Dans cet entretien nous revenons sur les différentes causes de la grande difficulté d’accès au logement ces dernières années. Si vous ne serez pas surpris de découvrir que l’action de l’État a créé bien plus de problèmes qu’il n’a apporté de solutions, la cause principale de l’envolée des prix depuis une quinzaine d’années pourrait vous surprendre. Si comme nous, vous êtes convaincu de la responsabilité écrasante de l’État dans ce problème qui touche durement les jeunes générations, pensez à signer notre pétition. Enregistré fin décembre 2023 à Machecoul. 

Pour écouter l’épisode, utilisez le lecteur ci-dessous. Si rien ne s’affiche, rechargez la page ou cliquez directement ici.

Programme :

0:00 Introduction

1:07 Parcours et formation d’ingénieur

4:59 Pourquoi se loger est-il devenu si cher ?

6:33 La création monétaire peut-elle expliquer la hausse des prix ?

11:33 Pourquoi l’offre ne parvient pas à s’ajuster

15:10 Deux philosophies du droit des sols

20:21 La lutte contre « l’étalement urbain »

22:48 Les acheteurs ont-ils conscience du rapport foncier/bâti ?

26:15 Construire plus haut pour limiter l’étalement urbain ?

30:10 Les logements sont-ils les pires ennemis de la biodiversité ?

46:53 Le contrôle des loyers : fausse bonne idée

 

Pour aller plus loin : 

Articles de Vincent Benard dans Contrepoints 

Logement : crise publique, remèdes privés (Livre de Vincent Benard, 2006 )

Rapport sur la crise du logement (Vincent Benard, pour l’IREF)

Travaux de l’économiste Joseph Comby 

Order without Design: How Markets Shape Cities (livre d’Alain Bertaud)

« Une révolution fiscale pour sauver le logement » (Pétition lancée par Contrepoints)

https://www.contrepoints.org/2024/01/20/469878-petition-une-revolution-fiscale-pour-sauver-le-logement

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Fauci nie toute responsabilité dans le retard d’apprentissage scolaire lié aux confinements

Mardi, le Dr Anthony Fauci a participé au second et deuxième jour de l’entretien à huis clos avec le sous-comité restreint de la Chambre sur la pandémie de coronavirus. Ayant été l’un des principaux responsables de la santé publique aux Etats-Unis durant la pandémie, il a fait un « aveu stupéfiant » d’après le représentant Michael Cloud (R-Texas). Fauci a en effet déclaré « qu’il n’est toujours pas convaincu qu’il y a eu une perte d’apprentissage » après les fermetures des écoles.

La crise du Covid-19 a eu un effet dévastateur dans le secteur de l’éducation, l’administration Biden-Harris avait reconnu cela dès le début de la pandémie. En 2023, selon le secrétaire d’État américain à l’éducation, Miguel Cardona, il faudra des années d’efforts pour remédier aux dégâts et pour mettre fin à cette tendance à la baisse qui s’est installée depuis plus de 10 ans. Pourtant, lors de son récent témoignage devant le panel COVID de la Chambre, le Dr Anthony Fauci, ancien directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses et conseiller médical en chef de la Maison Blanche, a suscité la controverse en exprimant son scepticisme quant aux pertes d’apprentissage des enfants liées aux fermetures d’écoles pendant la pandémie. Cette déclaration inattendue a surpris les législateurs présents, certains remettant en question sa position. Fauci, qui a souvent plaidé en faveur de mesures strictes telles que la distanciation sociale et les confinements, a néanmoins évité de prendre la responsabilité des répercussions de ces politiques sur l’éducation des enfants.

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Carte de l'Egypte

L'Égypte vise plusieurs objectifs stratégiques, tels que la survie du régime et la stabilité intérieure face à une croissance démographique incontrôlable et aux défis socio-économiques que cela représente. C'est aussi un pays sous pression à la suite de l'attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023 qui génère un regain de conflictuel sur la bande de Gaza, ses tunnels et sa frontières avec l'Egypte.

- Afrique & M.-O. / , , , , , , ,

Le retour des trains de nuit se fait-il sur de bons rails ?

Les auteurs : Guillaume Carrouet est Maître de conférences en Géographie à l’Université de Perpignan. Christophe Mimeur est Maître de conférences en Géographie à Cergy Paris Université.

 

Début 2016, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, annonçait la suppression progressive de la plupart des liaisons ferroviaires de nuit. La principale raison invoquée était l’absence de rentabilité. Sur fond de préoccupations environnementales, une dynamique inverse a depuis été enclenchée par les pouvoirs publics : le Paris-Nice revenait sur les rails le 21 mai 2021, le Paris-Tarbes-Lourdes le 12 décembre, et c’est le tour du Paris-Aurillac ce 10 décembre 2023.

Ils ont rejoint les Paris-Gap-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol/Cerbère qui subsistaient encore tant bien que mal. Une dizaine d’ouvertures de lignes est promise d’ici 2030. Il s’agit essentiellement de lignes radiales depuis Paris, le schéma différant finalement assez peu de celui qui avait cessé d’exister en 2016.

Après un retour très médiatisé, les premiers bilans de la relance semblent positifs malgré des dysfonctionnements réguliers. Le train de nuit reste cependant encore menacé par des contraintes économiques et organisationnelles, tandis que l’État et la SNCF peinent à concevoir un véritable réseau aux échelles nationale et européenne. C’est ce que nous avons exploré dans nos recherches, nourries d’entretiens avec divers acteurs et de consultations d’archives.

 

Un saut de nuit

Il faut tout d’abord insister sur la particularité du train de nuit : il s’agit de trajets longs, sans desserte pendant toute une plage horaire que l’on nomme le « saut de nuit », puis avec de nombreux arrêts en fin de parcours. Le Paris-Briançon, par exemple, ne marque aucun arrêt entre son départ de Paris Austerlitz à 20 h 51 et Crest dans la Drôme à 4 h 45. Huit gares sont ensuite desservies avant d’atteindre le terminus à 8 h 26. À vol d’oiseau, Crest et Briançon sont distantes de 130 kilomètres.

Cela place d’emblée le train de nuit dans une forme d’ambiguïté. Est-ce un service dont la gestion doit se faire à l’échelle nationale du fait de la grande distance parcourue, ou bien doit-elle revenir aux régions en raison du maillage de desserte dans un territoire en particulier ? Avant l’arrêt du service, la SNCF semble ainsi, à plusieurs reprises, avoir suggéré des suppressions de lignes avec dans l’idée que les annonces pousseraient pour un transfert de compétences aux régions ou à l’État.

Entre 1951 et 1980, les trains de nuit empruntaient près de 15 000 kilomètres de lignes, s’arrêtant dans 256 gares. Avec cet effet « saut de nuit », la réduction du service entre 1981 et 2007 tient davantage de la réduction des dessertes que du kilométrage de voies parcourues (400 km de moins seulement). C’est après 2007 que la rupture semble prononcée à leur sujet.

 

Victime d’un manque d’investissement

La quasi-disparition annoncée en 2016 tenait ainsi à un faisceau de facteurs aux origines bien différentes.

En premier lieu intervient le fait que le train de nuit comporte des coûts d’exploitation plus importants que ceux du TER ou du TGV. Compte tenu des horaires du voyage, ce service requiert en effet plusieurs équipes d’agents et de conducteurs, et parfois plusieurs locomotives pour un même trajet, des diesels relayant des électriques selon la nature du réseau, ou bien quand le parcours se divise en plusieurs branches. De plus, les voitures ne servent qu’une seule fois par jour quand le matériel TER, TGV et Intercités peut effectuer plusieurs trajets quotidiennement.

Un rapport public de 2015 intitulé « Trains d’équilibre du territoire : agir pour l’avenir » jugeant le modèle « à bout de souffle », recommande ainsi à l’État de maintenir seulement deux lignes (Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse-Latour de Carol) au nom de l’aménagement du territoire.

Le train de nuit a également été la première victime du manque d’investissement pendant plusieurs décennies dans l’entretien du réseau ferré national. Rattraper le retard implique des travaux qui s’effectuent essentiellement la nuit. Le matériel roulant ne semble d’ailleurs pas avoir reçu davantage d’attention : la plupart des wagons avait plus de 40 ans au moment où le service prenait fin. Le rôle de l’État reste loin d’être neutre. Un manque de stratégies et de moyens sur ce segment de service explique en grande partie son déclin.

Il faut aussi souligner l’importance de la concurrence : la grande vitesse ferroviaire matérialisée par le TGV et le nécessaire raccourcissement des distances-temps ont pris des parts de marché au service de nuit, de même que, dans une certaine mesure, les dessertes aériennes métropolitaines, les cars dits Macron ou le covoiturage. La SNCF a ainsi manifesté à maintes reprises son désintérêt pour ce service jugé peu rentable. Préférant se concentrer sur la desserte de territoire à haut potentiel, elle a laissé quelque peu sur la touche un service desservant principalement des territoires composés de villes petites et moyennes.

 

Une relance contrariée

Pourtant quasi enterré, ce service va renaître grâce à la concordance de trois catégories de facteurs, qui ont trait à l’environnement, à l’affection pour le train de nuit et à l’aménagement du territoire, utilisés à tour de rôle par l’État et l’exploitant.

L’un des socles de la relance tient sans nul doute à la promotion du train de nuit comme solution pour décarboner les transports de moyenne et longue distance. Pour mémoire, en France, le secteur des transports est responsable de près de 29 % des émissions de gaz à effet de serre. Les préoccupations environnementales se déploient dans les discours et actions d’association, dont le leitmotiv est le développement du train de nuit, associations qui mettent en avant un rapport original à la vitesse. Au moment où beaucoup de wagons rejoignaient les voies de garage en 2016, le collectif « Oui au train de nuit » défend ainsi :

« Le train de nuit, c’est Paris à une heure de Perpignan : une demi-heure pour s’endormir, une demi-heure pour se réveiller ! »

Ces inquiétudes accrues s’incarnent dans certains segments de la politique environnementale française. La loi Climat-résilience de 2021, elle-même issue de propositions de la convention citoyenne, instaure par exemple la réduction des vols intérieurs inférieurs à 2 h 30, même si les effets en sont limités.

Le caractère affectif du produit train de nuit se vérifie, lui, dans sa présence dans la culture populaire. Cadre de l’action du Crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie, du roman plus récent Paris-Briançon publié en 2022 par Philippe Besson, ou encore de la publicité Chanel avec Audrey Tautou sur le même trajet, c’est aussi sur cette dimension sentimentale que joue la communication de la SNCF :

« Au petit matin (8 h 35), le contraste est assuré à Briançon : on passe de la grande ville à l’air pur de la montagne, niché entre cinq vallées des Hautes-Alpes. »

Enfin, en réponse à un rapport de la Cour des comptes en défaveur du train de nuit, l’État semble désormais assumer l’argumentaire faisant du train de nuit un outil d’aménagement du territoire. Dans son revirement de politique, il puise son inspiration dans l’expérience autrichienne Nightjet, portée par l’exploitant ÖBB dont le réseau s’est développé bien au-delà des frontières de l’Autriche. Il lance d’ailleurs ce 11 décembre ses trains entre Paris et Berlin via Strasbourg, s’ajoutant, en ce qui concerne la France, aux trois aller-retours hebdomadaires pour Vienne, capitale de l’Autriche.

Les régions, pourtant incontournables étant donné les spécificités du modèle, sont néanmoins restées le plus souvent attentistes dans la relance du service, à l’exception de la région Occitanie qui s’est positionnée tôt en fer de lance.

Le succès à long terme de la relance du train de nuit tient encore à trois facteurs. Vient tout d’abord la constitution d’un réseau européen qui se heurte à la concurrence de nouveaux services de longues distances low cost. La qualité du réseau intervient ensuite : l’État et SNCF Réseau se sont certes engagés dans des travaux de grande ampleur, mais ils restent souvent insuffisants et trop lents. Enfin, la qualité de service sera décisive : dans un contexte de pénurie de wagons, la rénovation du matériel existant ne suffit pas pour pallier les délais de livraison de voitures neuves.

Vous pouvez retrouver cet article ici

La loi ne peut régir la nature qu’avec la main tremblante

Un article de l’IREF.

« Dans la sphère économique, a écrit Bastiat en 1850, un acte, une habitude, une institution, une loi n’engendrent pas seulement un effet, mais une série d’effets. De ces effets, le premier seul est immédiat ; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas ; heureux si on les prévoit ».

 

Ce qu’on ne prévoit pas 

Pendant son Grand bond en avant, Mao voulut exterminer de Chine les moineaux qui mangeaient les fruits et graines et réduisaient les récoltes. Toute la population fut dévouée à la chasse des moineaux et bientôt l’opération réussit si bien qu’il n’y en eut quasiment plus. Mais l’homme ne prévoit pas tout. Mao avait oublié que les moineaux mangeaient les insectes nuisibles. Ceux-ci proliférèrent, notamment des nuées de criquets migrateurs qui dévastèrent le pays et causèrent une grande famine en Chine de 1958 à 1962, entraînant selon certaines estimations une trentaine de millions de morts.

Depuis le 1er juin 2022 en France, la loi dite Lemoine est entrée en vigueur. Elle interdit aux assureurs d’interroger sur leur état de santé les ménages souscrivant un emprunt de moins de 200 000 euros dont la fin du remboursement intervient avant les 60 ans des emprunteurs. La conséquence ne s’est pas fait attendre. Les prix de ces assurances ont augmenté de 15 à 20 %, voire 30 %, et nombre de ces contrats ont désormais réduit leur champ de couverture, notamment en supprimant les suites et conséquences des pathologies antérieures.

L’égalitarisme à l’école abaisse le niveau de tous les élèves, sauf ceux qui bénéficient d’une solide éducation à la maison, ce qui accentue l’inégalité.

Les écologistes vont tous nous obliger bientôt à avoir des bacs à compost pour y mettre les résidus alimentaires que nous ne pourrons plus vider dans nos poubelles. Mais déjà ces bacs attirent à Paris et ailleurs une foultitude de rats. Faudra-t-il attendre le retour de la peste pour réagir ?

 

L’homme n’est pas omniscient

« Entre un mauvais et un bon économiste, poursuit Bastiat, voici toute la différence : l’un s’en tient à l’effet visible ; l’autre tient compte et de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir ».

Trop de gouvernants, élus et technocrates, ne sont sensibles qu’à l’effet visible et immédiat, qui leur permettra une prochaine réélection ou promotion. La démocratie porte en elle ce défaut d’inciter au court terme. Or, ajoute-t-il « il arrive presque toujours que, lorsque la conséquence immédiate est favorable, les conséquences ultérieures sont funestes, et vice versa. — D’où il suit que le mauvais Économiste poursuit un petit bien actuel qui sera suivi d’un grand mal à venir, tandis que le vrai Économiste poursuit un grand bien à venir, au risque d’un petit mal actuel ».

En effet, c’est le rôle des gouvernants et des économistes de prévoir les conséquences de leurs décisions. Et certains économistes sont meilleurs que d’autres, estiment mieux les conséquences des mesures qu’ils proposent. Mais l’homme étant faillible par nature, et n’étant pas omniscient, nul ne saurait tout prévoir.

 

Favoriser l’autopilotage

D’autant que l’être humain a néanmoins une grande qualité qui consiste à savoir s’adapter. Il dispose d’une intelligence et d’une intuition par lesquelles il évalue à tout moment les situations et y réagit. Par sa liberté et sa volonté, il est capable, dans de nombreux cas, d’adopter des décisions ou des comportements inattendus qui vont modifier la chaîne causale de telle ou telle mesure politique ou économique. C’est ce qui rend toute prévision particulièrement difficile et rend nécessaire une souplesse, une liberté d’appréciation et d’adaptation permanentes pour que les systèmes se conforment à tout moment aux actions humaines et se corrigent en fonction des réactions que nous imposent les lois de la nature.

Il faut en quelque sorte un autopilotage, comme ce que Hayek nommait catallaxie pour signifier « l’espèce particulière d’ordre spontané produit par le marché à travers les actes des gens qui se conforment aux règles juridiques concernant la propriété, les dommages et les contrats ». Cet ordre n’est pas immuable et évolue « par l’ajustement mutuel de nombreuses économies individuelles sur un marché ».

Toute planification recèle l’immense risque d’emmener toute une société dans des erreurs monumentales, imprévues et parfois irréversibles. Le communisme en a été le parangon. Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut rien prévoir bien sûr. Mais toute loi impérative, surtout quand elle cherche à modifier l’ordre habituel et/ou naturel des choses, ne doit être prise qu’avec la main qui tremble et laisser toujours la liberté d’y remédier.

Sur le web.

Conflits d’intérêts et politiques de dépenses : le dessous des cartes économiques

La plateforme Spotify annonce le licenciement de 1500 employés, soit le sixième du total. Twilio, la plateforme d’hébergement de sites web, annonce le licenciement de 5 % de ses salariés. En plus de baisses des cours depuis deux ans, les entreprises perdent l’accès à des financements pour les pertes sur les opérations. Les levées de fonds, à travers le monde, baissent de 100 milliards de dollars par rapport aux niveaux de 2021.

Ainsi, les entreprises ont moins de moyens à disposition. Les gérants gagnent moins de primes. Les actionnaires subissent des pertes en Bourse. Un dégonflement de bulle a lieu depuis le début de hausse des taux.

À présent, l’espoir du retour à l’assouplissement par les banques centrales remet de l’air dans les marchés. La bulle reprend de l’éclat. Selon Reuters, le marché s’attend à une baisse de taux par la Banque centrale européenne de 1,40 % à fin 2024.

En France, le rendement sur les obligations du Trésor baisse depuis octobre. Sur les emprunts à dix ans de maturité, les taux passent d’un sommet de 3,6 %, le 4 octobre, à 2,8 % à présent.

Un retour des assouplissements plaît aux entreprises et aux marchés. Le Nasdaq prend 12 % depuis le sommet pour les taux, en octobre. Le CAC 40 grimpe de 9 %. Les autorités remettent en marche la création d’argent. Pourtant, selon les communications dans la presse, le gouvernement continue la lutte contre les hausses de prix.

Il annonce à présent le gel des tarifs de trains. Il a pris le contrôle des tarifs d’électricité. Il empêche les hausses de prix des péages.

Des ONG demandent davantage de contrôles sur les prix en magasins, avec des limites sur les marges. Les autorités – à l’origine de la création d’argent – prennent le rôle de sauveteurs contre les hausses de prix !

 

Plans de relance : retour des assouplissements

Les plans de relance ont de nouveau la cote autour du monde.

Les taux sur les obligations américaines à dix ans passent de 5 % en octobre, à 4,1 % à présent, en réponse aux déclarations de la Fed sur l’évolution de la politique de taux.

Autour du monde, les autorités préparent des incitations à l’endettement. En Chine, le gouvernement augmente le déficit à 4 % de la taille du PIB, et fournit davantage de garanties au secteur de l’immobilier. Selon la société d’analyse Gavekal, les promoteurs de projets d’immobilier chinois ont des impayés à hauteur de 390 milliards de dollars – envers des sous-traitants, fournisseurs, ouvriers, et créanciers.

La perspective d’un emballement de la dette du gouvernement – en raison des soutiens à l’immobilier – pousse Moody’s à une dégradation de la note de crédit.

Bloomberg donne des détails :

« L’économie de la Chine cherche à reprendre pied cette année, durant laquelle le rebond de l’économie – après la levée des restrictions du zéro covid – a déçu les attentes, et la crise de l’immobilier sème le doute. Les données économiques montrent que l’activité, à la fois dans les services, et l’industrie, chutent sur le mois de novembre, ce qui augmente les chances d’une politique de soutien de la part du gouvernement.

[…]

En octobre, le président chinois, Xi Jinping, a signalé qu’un ralentissement soudain de la croissance, et les risques de déflation, ne vont pas être tolérés, ce qui mène le gouvernement à tirer le déficit au niveau le plus élevé en trois décennies. »

Après un peu de répit à la dévaluation des devises, les autorités mettent à nouveau en marche les planches à billets, via les déficits et l’enfoncement des taux d’intérets.

 

Conflits d’intérêts sur les programmes de dépense

Le gouvernement français vient en aide à l’immobilier. Les ministres créent des mesures d’aide aux emprunteurs. La presse les présente comme un sauvetage du secteur face à la crise.

Vous ne verrez pas beaucoup de questions sur la nécessité de mesures. Peu de gens remettent en cause les programmes de dépenses. En effet, les mesures créent des conflits d’intérêts, en particulier dans la presse, les entreprises, et Think Tanks.

Les entreprises de bâtiment gagnent de l’argent sur la construction de logements. Des promoteurs font des bénéfices sur les volumes de vente aux particuliers. Les journaux font de la publicité et attirent des lecteurs sur le thème de l’investissement en immobilier. Les banques et courtiers génèrent des frais sur l’émission de crédits. Les sociétés de conseil proposent des études et rapports – sur l’impact des mesures – au gouvernement. Les particuliers voient dans l’accès au crédit une forme d’aide à l’achat.

Le même genre de conflit d’intérêts touche la plupart des programmes et interventions. Par exemple, la cybersécurité et l’IA créent des opportunités pour des contrats avec le gouvernement, et des sources de revenus pour les entreprises.

La société CapGemini publie un rapport au sujet de l’entrée en vigueur des normes de l’UE sur les services digitaux.

Dans l’introduction :

« En somme, le règlement DORA est prévu pour résoudre les risques de cybersécurité et de défaillances informatiques, en mitigeant la menace des activités illégales, et la disruptions aux services digitaux, avec des conséquences directes sur l’économie et la vie des gens. »

CapGemini n’ose pas les critiques de la loi. En effet, la société tire beaucoup d’argent des programmes du gouvernement. Selon Le Monde, la société de conseil a tiré 1,1 milliard d’euros de revenus grâce aux contrats avec le gouvernement, de 2017 à 2022 ! Elle ne veut pas courir le risque de perdre des contrats avec les autorités à l’avenir. Le groupe a ainsi un conflit d’intérêts dans l’analyse des décisions par les gouvernements.

De même, avec le projet d’un cadre de normes autour de l’IA, les entreprises et la presse ont des conflits d’intérêts. Elles les passent en général sous silence. Par exemple, Les Échos publie une tribune en soutien à la création de normes sur l’IA.

Selon l’auteur, le projet de loi crée « un cadre nécessaire à la protection et l’innovation ».

Il précise :

« Grâce au projet de règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act), le législateur européen a l’opportunité de doper les investissements dans les secteurs de la culture et de l’innovation en Europe, et de montrer au monde la manière dont les entreprises d’IA peuvent prospérer au bénéfice de tous. »

L’auteur présente la loi comme une protection des artistes et créateurs de contenus contre la réutilisation par des IA, sans rémunération. Les régulations reviennent à bloquer l’activité des gens sous couvert de leur protection, incluant les consommateurs et les artistes.

L’auteur de la tribune, Robert Kyncl, a le même genre de conflit d’intérêts que les sociétés de conseil au sujet des projets du gouvernement. Il occupe le poste de PDG chez Warner Music Group. La société détient les droits d’auteur des catalogues de groupes comme Daft Punk ou David Bowie. Le groupe travaille aussi sur l’exploitation de l’IA pour tirer davantage de revenus des catalogues d’artistes. Il a en préparation un film sur la vie de la chanteuse, Édith Piaf, à base d’IA.

Les règles sur l’usage de l’IA, et la possibilité de barrières à l’entrée, présentent donc un intérêt pour M. Kyncl. Il a un avantage à la création de complications pour la concurrence. Les géants de la musique mettent à profit l’hystérie de la presse autour de l’IA – et l’envie de contrôle de la part des bureaucrates et représentants.

 

Climat : enjeux de centaines de milliards d’euros

L’Ademe publie une étude sur les coûts des dégâts faits à l’économie en raison de la hausse du carbone dans l’atmosphère. Ils estiment le bilan à 260 milliards d’euros par an à l’avenir. Comme le rapporte la presse, l’étude fait partie d’une commande du gouvernement.

Elle revient à une forme de communication en faveur des programmes – et des dépenses à hauteur de 110 milliards d’euros par an, selon les estimations du gouvernement, après 2030.

Une info-lettre que je reçois, au sujet du climat, effectue une campagne de dons. Des journalistes sont présents aux Émirats pour la COP28.

Dans la missive, de la part de Inside Climate News, l’auteur écrit : « Les journalistes sont des témoins. Nous sommes des diseurs de vérités. »

Sur le sujet du climat, les journalistes rapportent les décisions des dirigeants sans beaucoup de scepticisme. L’argent des programmes remplit beaucoup de poches.

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PISA 2023 : est-il encore possible d’espérer un changement de cap ?

Par : Nelly Guet
Si j’étais ministre de l’Éducation nationale, de surcroît un jeune ministre pouvant aspirer à devenir, un jour, président de la République, je déclarerais vouloir supprimer le ministère de l’Éducation nationale dans sa forme actuelle, et vouloir lui substituer une autre organisation qui relève le niveau des élèves français dans les comparaisons internationales, mais surtout qui permette de réduire de manière drastique les inégalités sociales en matière d’éducation. La légitimité d’une telle décision est affichée au fronton de nos bâtiments publics : « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Une telle ambition est bien éloignée d’une énumération de mesures ponctuelles, telles que celles de Gabriel Attal cette semaine.

On y trouve pêle-mêle : une refonte des programmes ; une méthode d’enseignement des mathématiques associée à une labellisation des manuels scolaires ; une organisation pédagogique déjà mise en place dans les années 1980 ; une modification des modalités d’organisation des examens et des passages de classe.

Une seule innovation : un soutien scolaire en français et mathématiques, pour les élèves de seconde, s’appuyant sur l’intelligence artificielle !

C’est un peu comme si pour la restauration de Notre-Dame, le Général Georgelin s’était contenté d’explorer les décombres dans la nef de la cathédrale, sans se préoccuper de l’ampleur de la tâche à venir.

À qui s’adresse un tel discours ?

Très certainement pas aux professionnels, connaisseurs du monolithe « ÉducNat », toutes tendances politiques confondues. Quatre décennies de réformes n’auront toujours pas permis de faire comprendre au ministère qu’unifier veut dire renforcer l’élitisme à l’école. Il n’est pourtant pas possible de nier l’évidence : notre système n’est performant, ni pour les bons élèves ni pour les élèves en difficulté.

Ce discours s’adresse donc à tous les parents français qui rêvent encore de l’école de grand-papa et n’ont aucune connaissance de l’évolution des pratiques pédagogiques dans les autres pays. D’où un certain mérite, il faut le concéder, à évoquer Singapour ! Il s’adresse aussi à une partie des enseignants, en manque d’autorité, qui brandiront, comme jadis, la menace du redoublement, pour se faire respecter.

 

Autonomie des établissements

Donner un réel pouvoir aux enseignants, aux parents, aux élèves, aux directions d’établissements, c’est introduire en France, avec vingt ans de retard, l’évaluation interne.

L’outil appelé SEP – self evaluation profile ou profil d’autoévaluation – mis au point par le professeur Mac Beath (Écosse), Denis Meuret (France) et Michael Schratz (Autriche) a été présenté dès l’an 2000 à madame Ségolène Royal qui n’a pas jugé utile d’introduire une telle transformation dans le « Collège de l’an 2000 ». C’est pourtant la première étape à franchir lorsque l’on veut accorder une réelle autonomie à l’établissement, et de nombreux pays européens l’ont compris immédiatement. Animée d’un faux espoir, j’ai à nouveau présenté cet outil à la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement Scolaire), fin août 2017. En vain.

Il n’y aura donc pas de « Choc Pisa » en France en 2023, qui puisse être comparé à celui provoqué en Allemagne en l’an 2000 par Andreas Schleicher (OCDE). Concurrence oblige, les 16 länder allemands ont alors vite compris que la priorité des priorités était de rendre les établissements scolaires plus autonomes qu’ils ne l’étaient dans les années 1990. J’ai dirigé un lycée allemand à cette époque et peux confirmer que nous avions en France, grâce à l’Acte 1 de la décentralisation de 1985, une certaine avance sur notre voisin. Nous avons été vite dépassés dans ce domaine, car aucune de nos régions ne peut innover comme l’ont fait le Sénat de Berlin, la Bavière, la Rhénanie du Nord-Westphalie… et les autres.

Par autonomie, on entend le recrutement par l’équipe de direction de ses proches collaborateurs, l’évaluation des enseignants… Nos directions d’établissement n’ont toujours pas de réel pouvoir de décision, en ce qui concerne l’affectation des ressources financières, la gestion des ressources humaines (recrutement, évaluation, formation) et des moyens horaires (répartition des élèves, contenus d’enseignement, pratiques pédagogiques).

Si les résultats de PISA 2022 montrent également une baisse significative de niveau en Allemagne, imputable à de nombreux facteurs : Covid-19, fermeture des établissements scolaires, élèves immigrés plus nombreux, d’après Andreas Schleicher, l’arrêt des réformes éducatives serait également en cause. Quant à la Finlande, mes collègues expliquaient modestement leur niveau d’excellence par un public scolaire très homogène, ce qui n’est plus tout à fait le cas.

 

Pouvoir des régions

Certaines régions académiques tentent d’associer à leurs efforts les présidents de région, mais ce travail touche essentiellement l’information sur l’orientation et l’insertion professionnelle, en priorité pour les élèves des lycées professionnels, et non les 12 millions d’élèves du système éducatif français.

Les départements et les régions financent des établissements où leur pouvoir de contrôle est limité du fait que l’adjoint-gestionnaire de l’établissement, devenu depuis peu secrétaire général, est certes sous l’autorité fonctionnelle de la collectivité territoriale, mais demeure, même s’il est agent comptable, sous l’autorité hiérarchique du chef d’établissement pour ce qui relève de la gestion budgétaire.

Il y aurait par conséquent beaucoup à dire sur l’opportunité des dépenses lorsqu’il s’agit de ne pas faire de vagues et de garantir la paix sociale, au lieu de privilégier les besoins des élèves.

 

Programmes et Inspection générale

Comment se fait-il que pour définir ses priorités, le ministre ne s’appuie pas sur le rapport de juin 2023 établi par trois corps d’inspection – IGÉSR (Éducation, Sport, Recherche), IGF (Finances), et IGAS (Affaires sociales) ?

Il serait le premier ministre de l’Éducation à affirmer, en France, qu’économie et éducation sont intimement liées. Dans le cadre de nos associations internationales (ESHA et ICP), avec mes collègues chefs d’établissement de 33 pays européens et des cinq continents nous avons été reçus dans de nombreux pays par des ministres, des présidents, dont les discours mettaient toujours en avant la connexion entre l’économie de leur pays et l’éducation de leurs élèves. En France, il n’en est rien. Jean-Michel Blanquer et Bruno Le Maire n’ont pas fait exception à la règle, par crainte sans doute pour le second d’être accusé de délit d’ingérence.

Ce que ce rapport nomme pudiquement « des tensions » correspond en fait à des obstacles quasiment insurmontables pour l’économie du pays, si l’on ne résout pas les problèmes de formation et d’adéquation au marché de l’emploi.

Ce rapport établit un diagnostic et fait des préconisations.

« L’image dégradée de l’industrie reste encore aujourd’hui le facteur déterminant. Afin de transformer cette perception, la mission propose d’introduire un enseignement de science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) dès le primaire, à l’instar des pays asiatiques et anglo-saxons. »

Le rapport souligne aussi la nécessité de continuer « à revaloriser le lycée professionnel, de soutenir l’apprentissage, notamment au niveau 4, et porter une attention particulière sur les enseignants ou formateurs pour garantir leur recrutement et leur formation continue ».

Ce rapport aboutit, sans les nommer, à la même conclusion que tous les pays européens réunis au sein de la EU STEM Coalition dont je suis membre depuis 2015.

Il est à noter qu’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, avait missionné trois hauts fonctionnaires pour une expertise sur ce sujet. À son départ de Bercy, les deux autres ministres concernés –  N. Vallaud-Belkacem (Éducation), Thierry Mandon (Recherche) –  n’ont pas donné suite. Huit années de perdues. Souhaitons que ce rapport qui révèle la solution tant attendue, ne finisse pas dans un tiroir, comme les nombreux rapports de la Cour des comptes !

 

Formation des professeurs

Introduire les « STIM » de l’école primaire à l’Université implique une modification profonde du fonctionnement de nos établissements où il s’agit d’introduire la transdisciplinarité, et donc l’abandon des programmes tels qu’ils sont conçus par l’Inspection générale.

Il s’agit également de s’appuyer sur des partenariats école-entreprise tout au long de la scolarité et non, comme actuellement, seulement sur des actions ponctuelles en faveur de stages ou sur des événements médiatiques avec signatures de conventions destinées à l’information sur les métiers. Pour impliquer les élèves de tous les établissements français et leurs professeurs de sciences, mais aussi d’autres disciplines, il faut recruter et former autrement. Ces dernières années, j’ai pu voir au Danemark, aux Pays-Bas, en Estonie, en Finlande, au Pays basque, en Allemagne, en Hongrie… ce que signifie une telle formation, et ce qu’elle permet dans le travail quotidien à l’école.

Dans un pays où, à droite, on réclame à cor et à cri de « l’instruction », où, à gauche, des enseignants militants déclarent ne pas être des assistantes sociales, le chemin à parcourir comporte beaucoup d’obstacles. Néanmoins, il est la seule voie de progrès qui permettra à notre système éducatif de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve depuis trop longtemps.

Revenir aux groupes de niveaux des années 1980 n’est pas une mauvaise idée en soi.

Ils ont en effet fait leurs preuves, mais ce qu’oublie de préciser le ministre, c’est qu’il doit impérativement s’agir de groupes de niveaux mobiles, ce qui exige des enseignants un travail en commun non négligeable permettant aux élèves de changer de groupe en fonction de leurs progrès ou de leur régression. Dans les années 1990 je dirigeais une cité scolaire de 2000 élèves où nous avions mis en place de tels groupes mobiles en sixième et en seconde. C’est un travail titanesque pour la confection de l’emploi du temps, mais l’enjeu en vaut la peine.

Il va de soi qu’une telle décision devrait revenir au conseil d’administration de l’établissement, et non pas à la rue de Grenelle car il sous-entend la volonté affirmée des professeurs de travailler ensemble à la réussite de leurs élèves tels qu’ils sont. J’ai pour ma part travaillé dans des établissements prestigieux de centre-ville et dans des collèges de banlieues « difficiles ». Je sais par conséquent en quoi consiste la différence.

Concernant l’enquête Pisa de 2022, commentée dans les médias ces derniers jours, un constat est volontairement (?) passé sous silence : en France, le climat qui règne dans les salles de classe n’est pas propice au travail, car une part importante de l’heure est consacrée à mettre un terme au chahut et aux bavardages, à « faire de la discipline ». Ce n’est pas nouveau. Les enquêtes précédentes le révélaient déjà. Rien d’étonnant si l’on sait que les élèves français sont avant tout supposés écouter et non agir. Les activités transdisciplinaires liées aux STIM – par exemple grâce à Jet-Net aux Pays-Bas – reposent sur une règle : 20 % d’écoute « listening », 80 % d’action « doing ».

J’ai effectué une partie de mes études dans deux Universités allemandes dans les années 1970. En France, en amphithéâtre, nous étions censés écouter et prendre des notes. En Allemagne, j’ai très vite compris qu’il était hors de question de se taire. J’ai dû m’exprimer en public, participer à des travaux de binômes et de groupes. Il faut être conscient de cette différence si l’on veut mieux la combattre. La Chine aussi s’inspire des pratiques européennes les plus performantes. J’ai été invitée quatre fois par leur ministère de l’Éducation à les présenter aux côtés de mes collègues européens.

Combattre le harcèlement, c’est aussi transformer en profondeur la formation des professeurs de français qui ne sont pas tous capables de diriger une « heure de vie de classe » telle qu’elle a été introduite, il y a fort longtemps. Faute de savoir gérer une dynamique de groupe, de faciliter régulièrement les échanges en demi-classes, pour aborder toutes sortes de problèmes, notamment ceux liés à la laïcité, nos enseignants doivent inculquer les « valeurs de la République » en juxtaposant des heures d’instruction civique au milieu des autres cours. C’est l’absence de projet commun, de répartition de responsabilités au sein de la classe, telles qu’André de Peretti les définissait dès les années 1980, qui livre nos élèves à leurs bons et mauvais penchants.

N’en déplaise à certains, l’école n’est pas seulement là pour instruire. Elle doit éduquer. Une majorité d’enseignants français, souvent à titre personnel, assume déjà une partie de ces tâches, bien que rien ne les y oblige. Depuis peu, les enseignants qui souhaitent faire reconnaître ce travail supplémentaire peuvent signer le PACTE, qui, bien évidemment, n’a pas reçu le soutien de leurs syndicats.

Remplacer les collègues absents, assurer au quotidien les relations avec les familles, sont des tâches qui devraient être intégrées dans les services d’enseignement. Il va de soi que la suppression des services Vie Scolaire – une spécificité française coûteuse – permettrait d’augmenter les salaires des enseignants d’au moins 30 à 35 %, et constituerait également une partie de la solution à nos problèmes de désintégration sociale.

 

Un nouveau ministre, une nouvelle politique scolaire ?

Suite à la publication des résultats médiocres révélés par l’enquête Pisa 2022, le ministre dispose, à la lecture du rapport de trois Inspections générales, du fil conducteur lui permettant de définir un cap.

Il lui appartient en effet d’imposer aux académies/régions les axes de travail, les objectifs à atteindre, et non de choisir les moyens d’action. Il lui revient également de remanier l’édifice ministère de l’Éducation nationale, de supprimer des services dont les missions sont obsolètes, afin de permettre un suivi efficace sur le terrain qui garantisse justice et équité.

Au-delà de l’État : plaidoyer pour l’anarchocapitalisme

Un article de Anthony P. Mueller. 

La politique sous toutes ses formes, en particulier celle des partis politiques, est l’ennemi juré de la liberté, de la prospérité et de la paix. Pourtant, où que l’on regarde, le renforcement du gouvernement est invoqué comme la solution.

Rares sont les voix qui affirment qu’une autre voie est possible. Peu d’entre elles s’expriment en faveur de l’anarchocapitalisme et d’un ordre social libertarien.

Il est assez courant aujourd’hui d’annoncer avec assurance le verdict selon lequel l’anarchocapitalisme, une société sans État répressif, n’est pas réaliste. Pour la plupart des gens, un ordre social libertarien est une chimère. Les fausses accusations abondent, comme celle selon laquelle l’anarchocapitalisme serait source d’injustice et désavantagerait les pauvres.

 

La situation précaire du libertarianisme est en partie liée à l’évolution de l’histoire.

L’évolution sociétale a pris un mauvais tournant lorsque Rome a vaincu Carthage, et qu’au lieu d’une société commerciale, c’est une société étatique militariste qui a pris le dessus. Plus de deux mille ans de césarisme ont répandu la croyance qu’il n’y a pas d’alternative à la politique et à l’État. La hiérarchie et l’autoritarisme en sont venus à être considérés comme le mode naturel d’organisation de la société, sans reconnaître que ces ordres sont imposés.

Le libertarianisme est une société de droit privé. Dans une société de droit commun, les entreprises privées sur le marché remplissent les fonctions traditionnelles de l’État. L’ordre contractuel volontaire de l’anarchocapitalisme remplace la coordination hiérarchique des activités de l’État. Le sens premier de l’anarchocapitalisme est un ordre où la coopération horizontale basée sur l’échange volontaire domine la coordination des activités humaines.

L’ordre spontané d’une société anarchocapitaliste exige qu’il se réalise sous la forme d’un processus graduel de privatisation. Commençant par la suppression des subventions et des réglementations, ainsi que par la vente des entreprises semi-publiques et des services publics, la privatisation devrait s’étendre progressivement à l’éducation et à la santé, et finalement englober la sécurité et le système judiciaire.

Il existe de nombreuses preuves que les soi-disant services publics deviendront meilleurs et moins chers dans le cadre de l’anarchocapitalisme. Dans le cadre d’un système global de libre marché, la demande et l’offre en matière d’éducation, de soins de santé, de défense et de sécurité intérieure seraient très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. La privatisation de ces activités, qui sont actuellement sous l’autorité de l’État, entraînerait non seulement une diminution des coûts unitaires des services, mais changerait également la nature des produits.

Étant donné que la majeure partie de l’offre actuelle de biens dits publics est un gaspillage inutile, une charge énorme pèserait sur les contribuables une fois que ces produits seraient privatisés. Sans perdre les avantages réels de l’éducation, des soins de santé et de la défense, ces biens seraient adaptés aux souhaits des consommateurs, et fournis de la manière la plus efficace. Les coûts seraient réduits à une fraction de leur taille actuelle.

Si l’on inclut l’appareil judiciaire et l’administration publique hypertrophiés dans la réduction de l’activité de l’État, les dépenses publiques – qui représentent aujourd’hui près de 50 % du produit intérieur brut dans la plupart des pays industrialisés – seraient ramenées à des pourcentages à un chiffre. Les contributions diminueraient de 90 %, tandis que la qualité des services augmenterait.

 

Contrairement à la croyance dominante, la privatisation des fonctions policières et judiciaires n’est pas un problème majeur. Il s’agirait d’étendre ce qui se fait déjà. Dans plusieurs pays, dont les États-Unis, le nombre de policiers et d’agents de sécurité privés dépasse déjà le nombre de policiers officiels. La prestation privée de services judiciaires est également en augmentation. Les tribunaux d’arbitrage ont fait l’objet d’une demande forte et croissante, y compris pour les litiges transfrontaliers.

Ces tendances se poursuivront, car la protection et l’arbitrage privés sont moins coûteux et de meilleure qualité que les services publics.

Au Brésil, par exemple, qui possède l’un des systèmes judiciaires les plus coûteux au monde, environ quatre-vingt millions d’affaires sont actuellement en attente de décision, et l’incertitude juridique est devenue monstrueuse. Aux États-Unis, de nombreux secteurs du système judiciaire sont en déliquescence.

 

La solution aux problèmes actuels n’est pas plus mais moins de gouvernement, pas plus mais moins d’État, pas plus mais moins de politique. La malédiction qui pèse actuellement sur les jeunes, à savoir avoir un emploi fixe bien rémunéré ou vivre à la limite de l’autonomie, disparaîtrait. L’anarchocapitalisme est synonyme de productivité élevée et de temps libre abondant. Dans une société anarchocapitaliste, la pénibilité du travail salarié ne sera plus la norme et sera remplacée par le travail indépendant.

L’anarchocapitalisme n’est pas un système qui doit être établi par un parti ou un homme fort.

 

Une communauté libérale devrait émerger comme un ordre spontané. La bonne voie vers une telle société est donc l’action négative. La tâche qui nous attend est la suppression des subventions et des réglementations. Au lieu de créer de nouvelles lois et de nouvelles institutions, la mission consiste à abolir les lois et les institutions. Pour ce faire, un changement de l’opinion publique est nécessaire.

Plus l’idée que la solution réside dans la réduction de la politique et de l’État gagnera du terrain, plus le mouvement libertarien prendra de l’ampleur. Pour ce faire, il faut avoir la volonté d’exiger et de réaliser la privatisation du plus grand nombre possible d’institutions publiques.

La privatisation est un moyen, pas un but. Elle sert à placer un fournisseur de biens sous le contrôle du grand public. Sur le marché libre, ce sont les clients qui déterminent les entreprises qui restent en activité et celles qui doivent fermer. Avec le système actuel du capitalisme d’État, de larges pans de l’économie sont contrôlés par la politique et l’appareil technocratique.

La privatisation place les entreprises sous le régime du profit et de la perte, et donc sous le contrôle du client. Le profit est la clé de l’accumulation du capital, et donc de la prospérité. Le profit des entreprises est le moteur et en même temps le résultat du progrès économique. Seule une économie prospère génère des profits. Dans la même logique, on peut dire que les profits poussent l’économie vers la prospérité.

Pour les entreprises privées, l’importance des bénéfices dépend du degré d’efficacité de l’entreprise et de l’utilité de son produit pour satisfaire les goûts du public. Cependant, la privatisation en soi ne suffit pas. Elle doit s’accompagner d’une déréglementation. Dans le passé, de nombreux cas de privatisation ont échoué parce que le cadre réglementaire n’avait pas été supprimé. Les anciennes barrières à l’entrée ont continué à exister.

 

Une autre erreur souvent commise a été de privatiser à la hâte des entreprises publiques qui fournissent des services essentiels, au lieu de commencer par l’évidence : supprimer les subventions. La déréglementation et la suppression des subventions sont des conditions préalables essentielles à la réussite de la privatisation. Le capitalisme a besoin de concurrence, et la concurrence a besoin de faibles barrières à l’entrée.

L’anarchocapitalisme dessine un ordre économique dans lequel l’entrepreneur dirige l’entreprise selon les règles du profit et de la perte. Ceux-ci, à leur tour, dépendent directement des actions des clients. Les lois du profit et de la perte obligent l’entrepreneur à employer son capital au profit des consommateurs. En ce sens, l’économie de marché fonctionne comme un mécanisme de sélection permanent en faveur de l’allocation des ressources, là où le degré de productivité et de bien-être est le plus élevé.

Pour réussir, la privatisation doit être considérée comme une étape dans un ensemble de mesures visant à établir une économie de marché. Pour bien fonctionner, la privatisation doit s’accompagner de l’ouverture des marchés – y compris le libre-échange international – en réduisant la bureaucratie et en rendant le marché du travail plus flexible.

 

Une monnaie saine et une faible pression fiscale sont des conditions préalables fondamentales au bon fonctionnement des marchés libres. La privatisation de l’économie échouera tant que le système monétaire sera soumis à un contrôle politique et technocratique et que des charges fiscales élevées limiteront les actions économiques de l’individu.

Dans l’économie de marché, les idées des entrepreneurs font l’objet d’un plébiscite permanent. Les entreprises privées doivent répondre aux désirs des consommateurs, car ce sont eux qui indiquent leurs préférences par leurs actes d’achat. Le choix démocratique en politique est systématiquement moins bon que les décisions sur le marché. Alors que la plupart des décisions d’achat peuvent être corrigées et remplacées immédiatement ou dans un court laps de temps, les décisions politiques ont des conséquences à long terme qui dépassent souvent le contrôle et l’horizon intellectuel de l’électorat.

La prospérité est l’objectif, et l’anarchocapitalisme l’apporte.

Le principe de base en faveur de la privatisation découle de l’idée que la propriété privée des moyens de production – et donc la privatisation – garantit le progrès économique et la prospérité pour tous. Les marchés ne sont pas parfaits, pas plus que les entrepreneurs ou les consommateurs. La production capitaliste ne peut pas répondre à tous les désirs ou besoins de chacun. Aucun système ne le peut. Le système de marché n’élimine pas la pénurie pour tout le monde, mais le système de marché est l’ordre économique qui gère le mieux la présence universelle de la pénurie.

L’anarchocapitalisme correctement compris n’entre pas dans la même catégorie que le socialisme. Le socialisme doit être imposé. Sa mise en place et son maintien requièrent la violence. Avec l’anarchocapitalisme, c’est différent. Il naîtra spontanément de la suppression des barrières qui s’opposent à l’ordre naturel des choses.

Un article traduit par la rédaction de Contrepoints. Voir sur le web.

Livre cadeau. « 1961 », par B. Besson

A l'approche des fêtes de fin d'année, Diploweb.com est heureux de vous offrir un ouvrage de B. Besson, « 1961 », premier tome d'une tétralogie 1961, 1962, 1963, 1964.

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Comment le conflit de Gaza accélère le passage au monde multipolaire (Partie 2/2), par Pierre-Emmanuel Thomann

Après avoir établi un diagnostic général dans l’article précédent , cette seconde partie se focalise sur la posture de l’Union européenne (UE), de plus en plus vassalisée à Washington, avant d’aborder les intérêts géopolitiques de la France dans la nouvelle configuration.  

Rappelons l’enjeu géopolitique principal du conflit explicité dans la première partie de cette analyse La résurgence du conflit israélo-palestinien sous la forme d’une surprise stratégique se déroule dans le contexte d’une nouvelle configuration géopolitique mondiale qui change la donne et modifie considérablement les conditions de sortie de crise. 

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Tensions sociales en France : l’étatisme à l’origine du chaos

Alors que la France est aujourd’hui confrontée à des tensions sociales et ethniques d’une ampleur inédite dans son histoire contemporaine, la principale réponse politique consiste à réclamer un renforcement du rôle de l’État. Cet automatisme étatiste est pourtant ce qui a conduit le pays dans son impasse actuelle.

 

Depuis la fin des années 1960, l’État a construit un arsenal sans précédent de politiques sociales censées corriger les inégalités et prévenir les conflits supposément inhérents à la société française. Las, non seulement ces politiques n’ont pas empêché la montée des tensions, mais elles les ont largement alimentées.

Tout d’abord, l’augmentation significative du salaire minimum en France, initiée en juin 1968 et poursuivie au cours des quatorze années suivantes, a eu des répercussions notables sur l’accès des jeunes issus de l’immigration au marché du travail légal. Dès les années 1970, le niveau élevé du SMIC a rendu coûteuse leur embauche pour les employeurs, poussant ainsi ces jeunes vers l’économie souterraine et ses divers trafics.

Après un certain âge, les jeunes des quartiers qui parvenaient finalement à accéder à l’emploi bénéficiaient de contrats subventionnés, financés par des milliards alloués aux réductions de charges sociales. Cette stratégie visait à atténuer le risque d’un chômage de masse, conséquence directe du niveau élevé du salaire minimum.

 

Parallèlement, les politiques de logement de masse en faveur des immigrés, amorcées elles aussi au cours des années 1960, ont créé une incitation puissante à la venue et au maintien sur le territoire français de nouveau immigrés, surtout d’Afrique du Nord. L’État s’est trouvé pris au piège de ces politiques dès les années 1970, étant donné l’impossibilité de procéder à des expulsions massives face à des grèves de loyers généralisées dans les logements sociaux.

Pire, l’État a, involontairement, encouragé les activités illicites et la violence en dirigeant des financements vers les quartiers sensibles. Ces fonds, alloués à travers diverses allocations et programmes sociaux, tels que des salles de sport, des maisons de jeunes et des programmes d’éducation prioritaire, ont représenté des milliards de francs, puis d’euros. Autrement dit, plus un quartier générait de désordres et de violences, plus il recevait de subsides de la part de l’État.

Difficile dans ces conditions de s’étonner que la délinquance et les comportements violents soient enracinés au sein de communautés vivant depuis des décennies, non pas de l’échange marchand librement consenti, mais de trafics illicites et de l’extorsion des subventions étatiques.

 

Certes, diront certains, l’État a largement échoué dans ses politiques sociales.

Mais maintenant qu’il est question d’insécurité croissante, ne revient-il pas à ce même État d’intervenir énergiquement ? Là encore, le bilan des dernières décennies devrait inciter à la prudence. Même dans le domaine de la sécurité, l’État a failli à assurer un degré élevé de protection des personnes et des biens, et a parfois même aggravé la situation.

Ainsi l’État s’est-il lancé dans les années 1970 dans une politique migratoire visant à restreindre les mouvements de personnes, que rendaient pourtant inéluctables les révolutions dans les transports et les communications à l’échelle mondiale, sans parler des incitations créées par les politiques sociales elles-mêmes. Cette politique migratoire restrictive a surtout eu pour effet de grossir les rangs des migrants clandestins.

Ces derniers, ayant souvent dépensé toutes leurs économies pour payer les réseaux criminels facilitant leur passage irrégulier, se retrouvaient endettés et parfois contraints à la criminalité par ces mêmes réseaux. Face à cette situation, l’État a opté pour des régularisations périodiques des clandestins, tentant ainsi de les intégrer, de les éloigner de la marginalité et de la criminalité, mais consolidant paradoxalement un circuit d’immigration irrégulière.

En opposition à la criminalité ainsi alimentée par les politiques publiques, n’oublions pas que la majorité des services de sécurité est assumée par des acteurs privés, via les installations anti-intrusion, les sociétés de surveillance, ou les instruments de défense personnelle. Autant de preuves que le marché libre est souvent plus efficace que l’État pour répondre à ce type de besoins.

Ces observations conduisent à un constat clair : les politiques étatiques des dernières décennies ont échoué à atténuer les tensions sociales et ethniques ainsi que l’insécurité. Loin de réduire les inégalités, ces politiques n’ont fait que renforcer la spirale de la violence dans les quartiers en confortant indirectement les comportements délinquants.

Il est urgent de tirer les leçons de l’échec manifeste des politiques actuelles et de rompre avec l’illusion étatiste. Cela implique, à terme, de renoncer à des politiques migratoires inefficaces et contreproductives. Mais plus immédiatement cela nécessite de mettre fin à l’excès de réglementations, d’allocations et de programmes sociaux qui, sous couvert de justice sociale, ont mené à l’exclusion et à la mauvaise utilisation des fonds publics.

Seul un changement de paradigme, avec un désengagement de l’État au profit du marché libre, permettra de restaurer les incitations positives à la responsabilité individuelle et de renforcer le lien social. C’est de cette manière que la France retrouvera cohésion, stabilité et prospérité.

La géopolitique, quelles origines et quelles acceptations ? Entretien avec F. Louis

Comment une discipline en partie d'origine allemande a-t-elle progressivement conquis l'Amérique isolationniste du XXème siècle et quelles transformations ce concept a-t-il subi à ce contact ? Des réponses claires, précises, utiles.

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Javier Milei face à une tâche herculéenne en Argentine

Le libertarien Javier Milei a été élu président de l’Argentine le 19 novembre, avec 55,7 % des voix. Mais les choses ne seront pas faciles pour Milei.

Le 24 novembre, quelques jours après l’élection, j’ai rencontré Nicolás Emma, responsable de la section de Buenos Aires du parti de Javier Milei, au siège du parti dans la capitale argentine. Plusieurs autres organisateurs du parti étaient également présents, notamment Gustavo Federico et Facundo Ozan Carranza. Au cours des conversations avec ces personnes et d’autres personnalités du parti de Milei, des représentants de groupes de réflexion et des journalistes argentins, il est apparu clairement que Milei était confronté à une tâche véritablement herculéenne.

 

Milei est en infériorité numérique au Sénat et à la Chambre des députés

Les défis sont nombreux et redoutables, le principal étant le taux d’inflation à trois chiffres du pays. Le parti de Milei ne compte que 35 députés sur les 257 que compte la Chambre des députés (Cámera de Diputadas).

Ses adversaires les plus acharnés, les péronistes de gauche et la gauche dans son ensemble, en détiennent 105.

Au Sénat (Senado), le parti de Milei ne compte que huit membres sur 72. Cela m’a d’abord surpris, mais c’est parce que seulement la moitié des sièges de la chambre basse étaient à pourvoir cette fois-ci. Il faudra attendre encore deux ans pour que les autres sièges soient disputés. Au Sénat, seul un tiers des membres ont été nouvellement élus. Milei peut émettre des décrets présidentiels pour imposer certains changements politiques, mais toute réforme fiscale devra être approuvée à la fois par la Chambre des députés et par le Sénat. Il peut également recourir aux référendums pour mobiliser l’opinion publique, mais ceux-ci ne peuvent être organisés que sur certaines questions, et ne sont pas contraignants.

 

Le problème des syndicats péronistes

Au cours de mes entretiens, les représentants du parti de Milei ont désigné à plusieurs reprises les syndicats argentins comme leurs principaux adversaires. Les syndicats sont extrêmement puissants en Argentine, très politisés et fermement tenus par les péronistes. Les partisans de Milei s’attendent à une opposition particulièrement forte en réponse à ses projets de privatisation du principal organisme public de radiodiffusion de son pays. Le plus grand défi auquel Margaret Thatcher a dû faire face au Royaume-Uni dans les années 1980 a été de surmonter l’opposition des syndicats de gauche, qui ont paralysé le pays par des grèves qui ont souvent duré des mois.

Les partisans de Milei disent qu’il y a des centaines de milliers d’employés dans la fonction publique qui ne font rien d’autre que de percevoir leur salaire et défendre les péronistes jour après jour. Dès que leur emploi sera menacé, il y aura nécessairement une résistance massive.

 

Les Argentins auront-ils la patience suffisante ?

Une question essentielle que je n’ai cessé de poser est de savoir si le peuple argentin aura suffisamment de patience pour les réformes de Milei, surtout si la situation se dégrade dans un premier temps.

L’expérience d’autres pays (par exemple, les réformes de Thatcher au Royaume-Uni dans les années 1980, les réformes de Leszek Balcerowicz en Pologne dans les années 1990) montre que les réformes de l’économie de marché entraînent toujours une détérioration de la situation dans un premier temps. Les subventions sont supprimées, le chômage caché devient un chômage ouvert. Ce n’est qu’après une première période de vaches maigres, qui peut durer deux ans dans le meilleur des cas, que les choses commencent à s’améliorer. La réponse de l’entourage de Milei : il a déjà souligné à plusieurs reprises qu’il faudrait au moins trois mandats pour mener à bien ses réformes, et redonner à l’Argentine le goût du succès.

La principale préoccupation des Argentins, comme le montrent tous les sondages, est la lutte contre l’inflation. Augustin Etchebarne, du groupe de réflexion Libertad y progreso, estime que la dollarisation de la monnaie promise par Milei n’aura pas lieu avant au moins les deux premières années, d’autant plus que les banques opposent une forte résistance et que le ministre de l’Économie et le directeur de la banque centrale seront probablement nommés par des partisans de Macri. Il ne reste plus qu’à réduire radicalement les subventions afin de stabiliser le budget.

Une autre question est de savoir dans quelle mesure les partisans de Maurico Macri, avec qui Milei a formé une alliance pour remporter le second tour de l’élection, se montreront loyaux à long terme. Et quelle est l’influence des nationalistes de droite dans les rangs du parti libertaire de Milei ?

En outre, Milei doit d’abord établir une véritable base politique à l’échelle nationale. Il existe actuellement plusieurs branches indépendantes du parti dans les différentes régions du pays. J’ai rencontré à Buenos Aires les personnes qui s’efforcent de créer les conditions juridiques nécessaires à leur fusion en un seul parti.

Le fait est que même si Milei réussit à mettre en œuvre ses réformes, bien qu’il n’ait pas de majorité à la Chambre des députés ou au Sénat (premier obstacle), tout dépendra de la patience dont fera preuve la population argentine pour supporter la période de vaches maigres nécessaire aux réformes de l’économie de marché (deuxième obstacle).

27 – Les convoitises territoriales

Quelle est la part des appétits territoriaux lorsque des acteurs extérieurs interviennent dans la crise ou le conflit ? Quels outils mobiliser et quelles informations rechercher pour conduire une étude géopolitique des appétits territoriaux ? Découvrez la méthode avec cet extrait gratuit du célèbre "Manuel de géopolitique" de P. Gourdin.

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Tzevetan Todorov : L'ennemi est une coproduction

Dans quelle mesure co-produisons-nous l'ennemi ? Dans quelle mesure, l'ennemi nous coproduit-il ? Face à l'ennemi, quel est l'enjeu essentiel pour nous ? Très éclairant pour saisir les enjeux structurants de l'actualité internationale.

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Que nous apprend la géopolitique à propos du conflit israélo-palestinien ? Entretien avec V. Piolet

Pourquoi le conflit israélo-palestinien est-il pertinent pour comprendre le concept géopolitique de « représentations » développé par Y. Lacoste ? Dans quelle mesure les théories géopolitiques sont-elles mobilisées après les attaques du 7 octobre 2023 ? V. Piolet répond aux questions de P. Verluise pour Diploweb.com

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Prix de l’énergie en hausse, rénovation qui stagne : comment expliquer ce paradoxe ?

Un article de Dorothée Charlier, Maîtresse de conférences en économie de l’énergie et de l’environnement, IAE Savoie Mont Blanc

Avec une hausse des prix de l’électricité de 26 % et du gaz de 50,6 % entre janvier 2018 et décembre 2022 en France, nous aurions pu nous attendre à une progression significative de la rénovation dans le résidentiel.

En France, ce dernier compte pourtant encore 36 % de chaudières au gaz et 26 % au fioul. Seuls 5 % des résidences principales sont classées en étiquette A ou B en 2022, et le nombre de logements mal isolés demeure considérable (39 % des logements en étiquettes E, F et G).

Répartition des logements par étiquette énergétique entre 2018 et 2022. Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

 

Au cours de l’hiver 2021-2022, « 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid pendant au moins 24 h et 11,9 % des Français les plus modestes ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer les factures énergétiques de leur logement en 2021 ».

Le secteur résidentiel reste ainsi un gisement important d’économie d’énergie, en particulier en matière de rénovations en efficacité énergétique. Et pourtant, les ménages semblent faire abstraction d’opportunités d’investissement apparemment rentables : c’est ce que l’on appelle « le paradoxe énergétique ».

Comment l’expliquer, alors qu’à première vue,  le prix de l’énergie devrait au contraire donner un coup de pouce à la rénovation ?

 

Prix de l’énergie, un incitateur ?

En réalité, la demande d’énergie est peu sensible au prix à court terme : pour une hausse de 100 % des prix de l’énergie en moyenne, les ménages les plus pauvres réduisent leur consommation de chauffage entre 6 % et 11 % en fonction de leur revenu.

Évolution des prix ménages pour l’électricité et le gaz entre 2018 et 2022. Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, données et études statistiques, élaboration de l’auteure

 

Il est en effet plus facile de réduire sa consommation tant qu’une marge de manœuvre est possible et qu’il existe des solutions substituables sur le marché : pour le chauffage, par exemple, l’électricité peut se substituer au gaz dans de nombreux cas. A contrario, il n’existe pas de substitut à l’électricité pour l’éclairage ou les appareils électroménagers.

En revanche, la réaction s’observera avec plus de force à long terme : la chute de la demande est alors bien plus importante que l’augmentation du prix. C’est le concept d’élasticité-prix de la demande : à la suite d’un choc sur les prix, les ménages n’ont pas le temps, ni d’ajuster instantanément leur comportement ni de changer leurs équipements. En revanche, ces chocs de prix influenceront leur processus de décision et de consommation à long terme. Ainsi, quand bien même on n’observe pas d’effet à court terme de la hausse des prix de l’énergie, les effets pourraient se faire sentir dans un horizon plus lointain.

 

Un paradoxe analysé par les économistes

Si elle est cruciale, la question du prix de l’énergie n’est pas le seul argument à peser dans la décision des ménages de changer ou non leurs équipements.

Rappelons également que pour bénéficier de la plupart des aides de l’État, les ménages doivent faire appel à un professionnel du bâtiment agréé. Dans certaines régions, la tension sur l’offre est importante et il est parfois difficile de trouver un professionnel compétent rapidement disponible…

Pour tenter d’expliquer néanmoins ce paradoxe de la diffusion très progressive d’équipements énergétiques apparemment rentables, de nombreux économistes ont analysé la nature et l’occurrence des barrières à l’investissement. Ces dernières sont nombreuses.

 

De multiples freins à l’adoption

Parmi elles, le statut d’occupation joue un rôle : rappelons qu’en France le pourcentage de locataires s’établit à 35,3 % en 2021. Citons également les difficultés d’accès au crédit, ou bien l’hétérogénéité de revenus, de préférence et de sensibilité environnementale qui existent entre les individus.

Les dépenses d’investissement dans des nouvelles technologies sont en outre affectées par la combinaison entre différentes sortes d’incertitudes (incertitude sur les gains énergétiques, sur les prix de l’énergie, sur les politiques publiques ou encore sur les prix des futurs produits et des coûts d’installation), et de leur irréversibilité (car les coûts sont irrécouvrables). Ce qui pousse les ménages à retarder autant que possible les investissements, en attendant d’obtenir de nouvelles informations.

D’autres freins à l’adoption interviennent, tels que les coûts associés à la recherche d’information sur les technologies ou encore ceux engendrés par la gêne occasionnée durant les travaux. Tous ces éléments, non pris en compte dans la plupart des analyses coûts-bénéfices, rendent des investissements profitables à première vue, moins rentables que ce qu’ils semblent être en réalité.

Sur le web.

Les JO de Paris pourraient être les derniers, par Vitaly Trofimov-Trofimov

Du fait de l’action qu’il a menée pour relancer en 1894, à l’âge de 31 ans, les Jeux Olympiques, l’on aurait pu penser que la France restait le garant de la philosophie de Pierre de Coubertin, et que résume bien sa phrase devenue célèbre : « L’important, c’est de participer ». En réalité, Coubertin n’est pas le vrai auteur de cette maxime. C’est l’évêque de Pennsylvanie, Ethelbert Talbot, lors d’un sermon prononcé à la cathédrale Saint-Paul le 19 juillet 1908 pour la « IVe Olympiade » à Londres, qui en est l’inspirateur, en déclarant : « L’important dans ces olympiades, c’est moins d’y gagner que d’y prendre part ». Or, signe d’une contradiction fondamentale avec cette conception des jeux, trois pays sont exclus des JO 2024 : la Russie, la Biélorussie et le Guatemala. Mais curieusement, pas Israël et les souffrances occasionnées aux civils de Gaza… Qui plus est, si les tenants du Wokisme avaient un peu de culture, ils feraient certainement pression pour condamner rétroactivement Coubertin et l’exclure de la mémoire sportive. Car l’homme était un colonialiste convaincu et assumé, ainsi qu’un misogyne. En fait, la politisation des JO a atteint des proportions impressionnantes au cours des dernières décennies. Ajoutée au fait que cette manifestation est loin d’être rentable, sans doute la conséquence d’un désintérêt croissant pour le sport professionnel en général et le mouvement olympique en particulier, l’on peut s’attendre à ce que ces jeux olympiques connaissent un déclin, voire disparaissent …

Cet article initialement publié sur le site vz.ru n’engage pas la ligne éditoriale du Courrier.

L’opération spéciale en Ukraine a remis en question de nombreuses institutions qui semblaient auparavant inébranlables. Nous comprenons aujourd’hui qu’ils ne sont qu’une partie d’une époque qui se termine sous nos yeux. Le mouvement olympique international faisait également partie de cette époque. Il se pourrait que les Jeux de Paris, prévus en 2024, soient les derniers Jeux Olympiques. Ceci est révélé par plusieurs tendances associées aux sports de haute performance.

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Gilles Perrault raconté par un ami marocain

L'écrivain Gilles Perrault est mort dans la nuit du 3 au 4 août dernier. Il avait été rendu célèbre par ses diverses enquêtes, notamment Notre ami le roi, consacrée au Maroc et à Hassan II. Un ami marocain se rappelle cette période. La famille, Orient XXI et la Ligue des droits de l'homme (LDH) lui rendront hommage ce mardi 24 octobre à 18 h 30 à Paris.

Ceux qui l'avaient rencontré ou lu ses ouvrages ne l'oublieront jamais. Encore moins ceux ayant subi les affres de la répression sous le règne du roi Hassan II : les prisonniers d'opinion embastillés jusqu'aux débuts des années 1990, les militaires des deux putschs emmurés dans l'exécrable bagne de Tazmamart, et les enfants du général Mohamed Oufkir et leur mère mis sous les verrous sans procès en 1972.

Gilles Perrault, décédé dans la nuit du 3 au 4 août 2023 à l'âge de 92 ans, connaissait sans doute du Maroc ce que se racontaient nombre d'écrivains et de journalistes français : une monarchie répressive mais ouverte sur l'Occident, un roi ami fidèle à la France qui avait l'art de séduire et de flatter par son immense culture francophone et francophile ses élites et ses médias.

Quant aux disparités socioéconomiques criantes qui y sévissaient, elles ne dérangeaient pas outre mesure les élites de la France, une fatalité, se disaient-elles, que beaucoup d'autres pays partageaient au demeurant, et qu'il ne fallait pas s'en alarmer. En tout cas, l'auteur de livres-enquêtes à grand succès, notamment L'Orchestre rouge et, surtout, Le Pullover rouge sur l'affaire du jeune Christian Ranucci, l'un des derniers condamnés à mort guillotinés en France avant l'abolition de la peine capitale, s'intéressait peu à ce que se passait au Maroc.

Lettre de prison

Voilà un jeune homme de 33 ans, sous les verrous depuis dix ans pendant le règne de Hassan II qui, encore plus curieux après sa lecture de l'enquête sur Leopold Trepper, le chef du service d'espionnage soviétique en Occident pendant la seconde guerre mondiale (« l'Orchestre rouge »), écrivit une lettre à l'auteur pour lui demander quelques détails. On était en 1984. Une phrase à la fin de l'ouvrage avait particulièrement touché le lecteur-prisonnier. Parlant de Trepper, arrêté par Joseph Staline après son retour en URSS une fois la guerre terminée et envoyé croupir pendant dix ans à la Loubianka de Moscou, l'auteur commente :

Il sort de la Loubianka tel qu'il y est entré : communiste. Et nous qui ne sommes pas communistes, nous aimons pourtant qu'il le soit resté, car la défaite d'un homme que les vicissitudes, même affreuses, amènent à rejeter ses convictions comme un fardeau trop lourd, c'est une défaite pour tous les hommes.

L'auteur de la lettre, ne connaissant même pas l'adresse de l'écrivain, l'envoya comme on en envoie une bouteille à la mer à son éditeur : Fayard, 13 rue de Montparnasse à Paris. J'étais l'auteur de ce courrier et la phrase sur Trepper avait résonné toute la nuit dans ma tête : je n'étais plus communiste, quant à moi, et j'avais quitté toute activité militante. Et pourtant, on m'avait arrêté, torturé, forcé à rester poignets menottés et yeux bandés pendant de longs mois au centre de détention clandestin de Derb Moulay Cherif, puis condamné à l'issue d'un procès-mascarade à 22 ans de prison ferme. Je suis parti les purger à la prison centrale de Kenitra avec une centaine de mes camarades lourdement condamnés eux aussi. Quitter l'organisation « IIal Amam »1 à laquelle j'appartenais ne signifiait pas, pour moi, renier mes convictions : celles d'un homme libre qui, au-delà de toute idéologie, abhorrait l'arbitraire et le despotisme.

Sur le dos de l'enveloppe j'avais mentionné mon nom, et en guise d'adresse : PC (Prison centrale) de Kenitra. Une dizaine de jours plus tard, je reçus à ma grande surprise une réponse courtoise, avec un colis de livres dont Les Gens d'ici et Le Pullover rouge.. Une relation épistolaire s'instaura, depuis, entre moi, Gilles Perrault et son épouse Thérèse, et naîtra une amitié de quarante ans qui restera intacte et affectueuse jusqu'à son décès. Au départ, l'écrivain croyait que « PC » signifiait « Poste de Commandement » et que j'étais un soldat qui se morfondait dans une caserne à Kenitra. Je lui avais répondu que non, lui expliquant ma situation de prisonnier d'opinion.

Libéré par grâce royale

Je n'avais jamais imaginé que ma lettre allait déclencher quelques années plus tard chez Gilles, habitant un village du nom Sainte-Marie-du-Mont en Normandie, à 3 000 kilomètres de Kenitra, une rage d'écrire sur le Maroc pour rendre justice à des jeunes qui croupissaient dans les geôles pour leurs idées. Avec le recul, si je suis fier de quelque chose dans ma vie c'est d'avoir commis cette lettre et d'avoir provoqué chez cet homme, aux valeurs humaines et de justice chevillées au corps, cette rageuse envie de dénoncer l'arbitraire, à une époque où la liberté d'expression et les libertés tout court étaient bâillonnées dans mon pays. Il m'écriti un un jour :

Je t'ai toujours comparé à Sidney, mon fils aîné, qui a ton âge et qui avait milité comme toi dans un mouvement d'extrême gauche. Lui, il avait tout au plus reçu des coups de matraque sur le crâne, alors que toi tu es dans la prison jusqu'au cou.

Je fus libéré par une grâce royale que je n'avais jamais demandée, le 7 mai 1989, après quatorze ans et quatre mois à l'ombre, laissant derrière moi une huitaine de camarades — dont Abraham Serfaty — que le régime avait refusé de relâcher. Cela faisait suite à une campagne internationale de solidarité à laquelle Gilles Perrault et d'autres écrivains et hommes et femmes épris de justice (Christine Daure-Serfaty, Nelcya Delanoë, Claire Etcherelli, Me Henri Leclerc, François Della Suda, François Maspero, Yves Baudelot, Pr Alexandre Minkovski…) avaient participé.

Une bombe sous forme de livre

« Le complot », comme l'avait nommé Edwy Plenel dans sa préface (ourdi par Christine Daure-Serfaty2, Perrault et Plenel, lequel dirigeait à l'époque une collection chez Gallimard, pour l'écriture de Notre ami le roi), avait commencé à prendre forme vers 1987, mais j'ignorais tout du projet. Nous continuions à correspondre Gilles et moi comme si de rien n'était, et il continuait à me gratifier de livres, dont Un homme à part , sa célèbre enquête sur Henri Curiel assassiné à Paris en 1978. Tout au plus avait-il plusieurs fois insisté pour que je lui envoie les mémoires de prison que je consignais — qui serviraient plus tard à la rédaction de mes deux livres La Chambre noire et Vers le large3. Le jour de ma libération, Thérèse et Gilles m'envoyèrent un télégramme de félicitations, je leur téléphonai pour les remercier. Ce fut notre première communication de vive-voix. Gilles me posa une question qui voulait tout dire : « Et les autres, pourquoi n'ont-ils pas été libérés, es-tu sûr qu'ils le seront aussi ? » « Je n'en sais rien », lui avais-je répondu.

Quelques mois plus tard, fin 1990, la bombe explosa à la figure du roi du Maroc sous forme d'un livre, Notre ami le Roi : incendiaire pour un régime qui soudoyait par l'argent et les prébendes une élite française pusillanime ; un canot de sauvetage inespéré pour des centaines de prisonniers politiques, civils et militaires, encore emprisonnés. Je me rappelle le courroux du roi dans les les semaines qui suivirent la sortie du livre : on obligeait les gens à réagir contre ce « brûlot », une avalanche de lettres et de télégrammes de protestation était envoyés, tous les jours, à l'auteur et à l'Élysée. Peine perdue.

Interdit au Maroc, le livre circulait à grande échelle sous le manteau et il connut un succès foudroyant. Des exemplaires furent introduits clandestinement aux prisonniers de la PC prison centrale de Kenitra, des entretiens radiophoniques de l'auteur avec la presse furent captés au fin fond de l'un des bagnes des plus indignes de l'être humain, celui de Tazmamart, où les militaires des deux putschs de 1971 et 1972, ou ceux qui avaient survécu, souffraient encore le martyre.

Le dernier carré des prisonniers

Résultat, le dernier carré des prisonniers gauchistes du procès de 19774 furent libérés. Les survivants du bagne de Tazmamart et les enfants Oufkir disparus depuis 1972 retrouvèrent la lumière après son aveuglante absence durant vingt ans. Abraham Serfaty, lui, fut exilé manu militari en France avec un passeport brésilien.

Dix ans plus tard, invité par le Salon du livre de Paris, en 2001, après la publication de La Chambre noire, j'organisais une table ronde pour débattre du passé de mon pays et, surtout, de son avenir sous le nouveau règne de Mohamed VI. Je téléphonai à mon ami Gilles, auquel j'avais consacré une postface dans mon livre, pour l'inviter à venir y participer. Il répondit présent. Je l'aperçus au milieu de l'assistance, presque effacé, refusant d'intervenir et d'être la vedette d'une soirée consacrée aux rescapés, « héros » de son livre. Je pris la parole pour attirer l'attention sur cette présence en lui rendant un vibrant hommage.

Pour la première fois, 17 ans après cette première lettre, je vis mon ami Gilles devant moi en chair et en os. Suivront notre première poignée de main et notre première bise. Pendant la campagne de présentation du livre, il n'avait jamais osé citer mon nom, ni d'ailleurs dans le l'ouvrage lui-même quand il avait reproduit un paragraphe de l'une de mes lettres, se contentant de répondre, à ceux qui lui demandaient d'où venait son intérêt pour le Maroc, que c'est un étudiant condamné à 22 ans de prison qui l'avait alerté. Ce n'est que trente ans après la sortie de Notre ami le roi, lors d'un [entretien accordé au journaliste et écrivain Omar Brouksy à Orient XXI, qu'il mit un nom sur cet étudiant anonyme.

Le « tremblement de terre » qu'avait provoqué ce livre, avec le recul, fut en réalité une aubaine, non seulement pour les damnés de la terre de notre pays, mais aussi pour la monarchie elle-même : il lui a permis de se ressaisir pour enclencher un processus d'ouverture, et, quelques années plus tard, de avec la création de l'Instance équité et réconciliation (IER)5.

Un jour, sachant qu'il suivait de près l'actualité marocaine, je lui avais posé une question sur ce qu'il pensait de cette Instance : imposture ou grande réalisation ? « J'ai envie de dire : les deux mon général. Réponse de Normand ? Il existait une foule d'arguments à l'appui de l'une et de l'autre jugement. Il demeure que le règne actuel, avec toutes ses imperfections, ne ressemble pas au précédent, fort heureusement ». Dans ce restaurant parisien, où il nous avait invités mon épouse et moi le soir du débat, Gilles parlait peu, écoutait surtout.

Avec seulement un stylo

Nous continuâmes notre échange deux jours plus tard, en présence de mon épouse et de la sienne, dans sa maison à Sainte-Marie-du-Mont où il nous avait invités pour passer une nuit, là où en 1961, quittant Paris, il alla s'installer au bord de la Manche et de la plage Utah Beach, théâtre du débarquement des Alliés en 1944. C'est pendant cette soirée que j'avais mesuré l'ampleur de sa culture et sa passion pour l'Histoire : partout des livres, pas un coin où glisser une aiguille, là où il y a un vide il était colmaté par un ouvrage, un beau livre, un magazine…, jusqu'aux murs d'un escalier en colimaçon qui conduisait au premier étage de sa maison, remplie à ras-bord d'ouvrages. À mi-chemin de cet escalier, il s'arrêta un instant pour me montrer son bureau de travail : une petite pièce modeste meublée d'une humble table ornée d'un abat-jour, où il avait produit son immense œuvre.

Il m'avait raconté comment se déroulaient ses heures de travail : « À partir de quatre heures du matin, et ça dure toute la matinée. » Pas d'ordinateur pour saisir son texte, seulement un stylo à encre lui servant d'arme pour noircir des milliers de pages et tirer quelques cartouches pour éveiller les consciences. À force d'user de ses trois doigts pour écrire, une petite bosse avait pris place sur le bout de son majeur. « J'écris tout à la main, puis je dicte mon texte sur des cassettes de magnétophone et une spécialiste de l'ordinateur retranscrit sur sa machine. Complexe et… assez cher. »

Lors de notre échange en ce mois de mars 2001, il m'avoua les tourments qu'il avait endurés après la publication de son livre sur le Maroc :

Ah, mon cher Jaouad, tu m'as créé beaucoup de problèmes ! Notre vie n'est plus la même depuis la sortie de ce livre, et même avant : ton irruption dans notre vie a modifié quelque chose dans notre existence paisible dans ce village. L'essentiel est que vous soyez enfin libres, mes emmerdes ne sont rien devant celles qui vous avez endurées.

Pour aller plus loin

Principaux ouvrages de Gilles Perrault :

L'Orchestre rouge, Fayard, 1967.
Le Pull-Over rouge, Ramsay, 1978.
Un homme à part, Barrault, 1984.
Notre ami le roi, Gallimard, 1990.
Souvenirs, Fayard, 1995-2008 (trois tomes)
Le Secret du roi, 1992-1996 (trois tomes).
Le Livre noir du capitalisme, Le Temps des Cerises, 1998.
Dictionnaire amoureux de la Résistance, Plon/Fayard, 2014.

Documentaire sur Gilles Perrault :

L'Écriture comme une arme, de Thierry Durand, FAG production/France 3, 2014.

Sur la Toile :

« Est-ce que l'Orchestre rouge jouait faux ? », entretien de Chris Den Hond avec Gilles Perrault réalisé avant la mort de l'écrivain, Contretemps, 9 octobre 2023.


1Cette organisation marxiste-léniniste fut fondée en 1970 à l'issue d'une scission au sein du Parti communiste marocain (PCM), qui avait pris le nom de Parti de libération et de socialisme (PLS) en 1967.

2Christine Daure-Serfaty, Lettre du Maroc, Stock, 2000.

3Respectivement Eddif, Casablanca, 2000 (préface d'Abraham Serfaty), et Marsam, Rabat, 2009.

4139 accusés avaient comparu devant la justice pénale de Casablanca et avaient écopé de peines allant de deux ans de prison ferme à la réclusion perpétuelle.

5Installée par Mohamed VI en 2004, cette commission de vérité a été créée pour lever le voile sur les violations flagrantes des droits humains commises entre 1956 et 1999.

Quatrième partie. Des acteurs extérieurs

Quel(s) acteur(s) extérieur(s) intervien(nen)t dans la crise ou l'affrontement ? Pourquoi des acteurs extérieurs au territoire interviennent-ils dans la crise ou l'affrontement ? Quels outils pour comprendre ? Comment utiliser les informations ? Réponse par Patrice Gourdin.

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Les femmes, actrices cruciales du pouvoir d'Erdoğan

L'AKP de Recep Tayyip Erdoğan a su intégrer les femmes dans le cadre de sa stratégie de conquête du pouvoir. Les militantes du mouvement constituent aujourd'hui la moitié de ses membres et jouent un rôle essentiel au sein du parti à l'échelon local, apportant un soutien sans faille à la politique sociale et aux choix idéologiques du président turc.

Comprendre la place des femmes dans le Parti de la justice et du développement (AKP) nécessite de revenir à l'islam politique turc des années 1980. Le Parti de la prospérité (RP) — première formation islamiste de masse fondée en 1983 dans le sillage du mouvement de la Vision nationale — prône à l'époque un « ordre juste » authentiquement islamique et nationaliste opposé aux valeurs occidentales. Il promeut également la finance islamique et l'assistance aux plus démunis. Entré au Parlement en 1991, le RP s'impose aux élections locales de 1994, qui permettent à son candidat Recep Tayyip Erdoğan de devenir maire d'Istanbul.

Erdoğan a compris très tôt le potentiel stratégique de l'intégration des femmes dans la structure partisane : il a œuvré à la création des commissions des femmes en 1989. Rassemblant d'abord les épouses des hommes du parti, le RP a ensuite recruté parmi la génération d'étudiantes qui militaient contre l'interdiction du port du voile à l'université, puis parmi les femmes des classes populaires. La formation politique a réussi à intégrer un mouvement naissant de femmes pieuses remettant en cause les principes rigides de la laïcité « à la turque » et actives dans le milieu associatif.

La mobilisation au niveau des quartiers

Ces femmes, qui ont adopté les techniques du porte-à-porte et des groupes de discussion à domicile, ont joué un rôle central dans ce que l'anthropologue Jenny White appelle la « politique vernaculaire »1 : une manière de faire de la politique dans les quartiers, au plus près de la vie quotidienne de ses habitants, en utilisant le « parler » locale pour mieux s'insérer dans les réseaux de sociabilité, notamment féminins.

Quand les « réformistes » issus du mouvement islamiste et se présentant comme démocrates-conservateurs et pro-européens ont fondé l'AKP en 2001, ils ont largement repris ce mode de mobilisation à l'échelle des quartiers. Une « branche féminine » a été créée au sein de la formation en 2003. Alors que le Parti de la prospérité comptait un million d'adhérentes à la fin des années 1990, la branche féminine de l'AKP en rassemble aujourd'hui plus de cinq millions (soit la moitié des effectifs du parti, et la plus grande organisation de femmes ayant jamais existé dans le pays). Nombreuses parmi les militantes, les femmes le sont aussi parmi les électeurtrices du parti. Depuis 2002, les enquêtes montrent en effet une surreprésentation féminine dans l'électorat de l'AKP, et plus encore chez les femmes au foyer et celles issues des classes populaires.

Plusieurs éléments permettent de comprendre cette capacité à mobiliser l'électorat féminin. L'AKP a d'abord promis la levée de l'interdiction du port du voile dans les institutions publiques (son argument principal auprès des femmes conservatrices), ce qu'il a fait en 2010. Mais au-delà de la question du voile, on peut penser que ce sont surtout ses discours et ses politiques relatives au « social » qui ont fait la popularité de l'AKP auprès des femmes des classes populaires. Il a en effet largement bâti son succès sur sa capacité à se présenter comme un parti-État au service du peuple.

L'importance des réformes sociales

Plusieurs réformes, comme celles de la sécurité sociale et du système de santé (contestées par la gauche, mais qui ont de facto élargi la couverture sociale à de nombreux groupes qui en étaient exclus), la multiplication des dispositifs d'assistance, la politique du logement — via la puissante Agence du développement du logement social (TOKI) —, l'essor des services sociaux urbains, affectent directement la vie quotidienne et matérielle des classes populaires et moyennes et, en particulier, celles des femmes, qui bénéficient de nouvelles allocations familiales.

Une fine observation des activités et des trajectoires des militantes de l'AKP permet de mieux saisir leur rôle dans ce gouvernement « du social et par le social ». Comparé au temps du Parti de la prospérité, le militantisme féminin au sein du parti est désormais intégré à une organisation bien plus hiérarchisée et professionnalisée. La branche féminine, organe auxiliaire (avec la branche de jeunesse) de la formation islamiste, reproduit de manière parfaitement symétrique les différents échelons du parti, du comité exécutif central aux comités départementaux, de métropole et de district, jusqu'à l'organisation de comités de quartiers et, ce, sur l'ensemble du territoire. À chaque échelon, une présidente coordonne une équipe d'une trentaine de femmes. La structure principale du parti, elle, n'est pas exclusivement masculine, mais la proportion de femmes y reste minoritaire (environ 25 %, tous échelons confondus) — et aucune d'entre elles ne dirige de section départementale.

C'est principalement au niveau local, dans les comités de la base du parti, que les militantes sont les plus actives. Leur répertoire d'action est divers, mais la visite à domicile y tient toujours une place centrale. Elles font en effet du porte-à-porte tout au long de l'année (et pas seulement en période électorale, contrairement aux autres partis), ce qui leur permet de diffuser les idées de l'AKP, de recueillir des informations et des données sur l'électorat, de faire signer des formulaires d'adhésion, et de distribuer des denrées alimentaires.

Elles font aussi des visites plus ciblées au domicile de personnes identifiées comme vulnérables ou précaires (personnes âgées, pauvres, en situation de handicap, etc.) ou lors d'événements importants (naissance, mariage, décès, maladie), dont leurs réseaux locaux leur permettent de se tenir informées. L'objectif, selon les devises chères à l'AKP, est d'« être là dans les bons et les mauvais jours », « du berceau au cercueil ».

Incarner la face humaine du parti

L'importance du travail relationnel dans la construction de liens de confiance et de fidélité entre le parti et son électorat a été théorisée par la branche féminine de l'AKP, et forme un des piliers de la stratégie de mobilisation. Si l'on ajoute à cela la participation des militantes à tous les événements culturels et politiques de leur ville, l'organisation régulière de campagnes d'éducation populaire, ou l'activité intensive sur les réseaux sociaux, on constate qu'elles pratiquent une forme de « politique de la présence » : il s'agit d'occuper le terrain, de devenir des figures familières, et d'incarner la face humaine et charitable de l'AKP.

Pour les militantes de l'AKP, issues pour la plupart des classes populaires (en particulier celles qui se trouvent à la base de l'organisation), s'engager au sein du parti entraîne une transformation de leur mode de vie. Alors que nombre d'entre elles n'ont jamais travaillé et ont arrêté leurs études au collège ou au lycée, devenir militante signifie aussi devenir active, engagée dans un collectif, hors du foyer familial une bonne partie de la journée. Cela leur offre également la possibilité d'acquérir un capital militant quasi professionnel, notamment via les formations dispensées par le parti — prendre la parole en public, rédiger des rapports, animer une réunion. Pour elles, ce militantisme est une activité épanouissante et valorisante, qui permet d'échapper en partie aux contraintes domestiques et familiales.

Une notoriété essentiellement locale

La situation des cadres intermédiaires (présidente d'un comité local par exemple) est un peu différente. Il s'agit dans la plupart des cas de femmes issues des classes bourgeoises qui ont fait des études supérieures. Elles ont souvent une expérience associative ou dans des entreprises proches de l'AKP. Leur poste au sein du parti leur a été attribué du fait de ce capital social : étant donné leurs relations familiales, professionnelles, amicales, elles sont capables de réunir un groupe de femmes, d'accéder aux figures locales, de tisser des liens avec des associations, etc.

Accéder à des responsabilités au sein du parti leur permet rarement de « faire carrière » en politique : si elles deviennent parfois élues municipales (seulement 11 % de femmes), rares sont celles qui parviennent à percer le plafond de verre en politique. Néanmoins, elles peuvent se forger une certaine notoriété locale. Militer à l'AKP leur offre de nouvelles opportunités : bien souvent, elles obtiennent des postes honorifiques dans le secteur associatif ou des emplois au sein des pouvoirs publics locaux, souvent dans le social, qui constituent autant de rétributions en contrepartie de leur engagement.

Ainsi, une enquête au sein des municipalités et de leurs différentes structures révèle la présence régulière de militantes et anciennes militantes de l'AKP à des postes dans le social. Or, observer ces trajectoires permet de comprendre comment, sous l'AKP, de nombreuses femmes sont devenues des intermédiaires pour accéder à des services, à des aides, à des structures publiques ou associatives. Cela est particulièrement vrai dans le secteur social, où l'emploi est fortement féminisé. Le multipositionnement d'un certain nombre d'employées et de bénévoles qui cumulent engagement partisan, emploi dans le social et réseaux associatifs, leur donne accès à la fois à un certain contrôle des ressources et à un contact direct et régulier avec leurs potentiels bénéficiaires.

Le recrutement de militantes de l'AKP dans ces services n'est pas nécessairement un phénomène massif : toutes les employées des services sociaux ne sont pas affiliées au parti, loin de là. Néanmoins, le fait que des postes clés (responsable de centre social, directrice de banque alimentaire, encadrante de programme de formation, etc.) soient occupés par des militantes suffit pour donner une coloration partisane à l'action des pouvoirs publics. Et dans un contexte où les aides sociales sont à la fois vitales, multiples, fragmentées et peu lisibles, le rôle de ces intermédiaires est essentiel dans l'accès aux informations et aux ressources.

L'attention médiatique et universitaire se concentre souvent sur la question du clientélisme, un phénomène parfois analysé de manière mécanique : l'AKP serait un parti qui gagne les élections, distribuant largesses et bénéfices sociaux, en achetant les voix. On peut penser à l'annonce du gouvernement, quelques semaines avant les dernières élections, d'un mois de gratuité du gaz pour les ménages. Mais une observation des activités des femmes permet de préciser cette analyse du soutien populaire à l'AKP. En effet, par leurs positionnements à cheval entre le social et le politique, les femmes du parti mènent au quotidien un travail relationnel et sur le sens donné à l'action sociale, afin que les aides soient à même de susciter un attachement et une loyauté politique.

Un travail d'éclairage et de confiance

Le travail électoral des militantes de la branche féminine de l'AKP est donc complémentaire de celui des professionnelles et bénévoles du social (et il s'agit pour une part des mêmes personnes), et contribue à la perception répandue des aides sociales comme étant liées au parti. Ce sont en partie leurs interventions, au plus près de la vie quotidienne, matérielle et affective des femmes et des familles, qui permettent à l'AKP d'être considéré comme un interlocuteur de confiance, au service du peuple, sur qui on peut compter y compris en situation de crise — comme le confirme la dernière victoire du parti d'Erdoğan, dans un contexte de grave inflation et trois mois seulement après le tremblement de terre qui a frappé le sud-est du pays.

On comprend dès lors que les femmes sont des actrices essentielles du mode de gouvernement de l'AKP, en particulier au niveau local. Faut-il en conclure pour autant qu'elles y détiendraient le « vrai » pouvoir, et incarneraient des figures de l'ombre, comme l'affirment une partie des militantes ? Force est de constater que les positions haut placées au sein du parti et de l'État leur restent largement inaccessibles. À l'intérieur de l'AKP, certaines voix contestent la position subordonnée de la branche féminine, son absence d'autonomie décisionnelle et financière, ou encore la mise à l'écart de femmes jugées trop influentes.

Ces voix sont néanmoins rares, et donnent davantage lieu à des désengagements silencieux de la part de militantes aux ambitions déçues qu'à de réelles prises de position au sein du parti. Alors que l'AKP avait attiré, à ses débuts, des militantes défendant une vision libérale et réformatrice de la place des femmes dans l'islam, ces figures semblent de plus en plus isolées au sein du parti, qui a durci le ton sur les questions liées au genre.


1Jenny White, Islamist Mobilization in Turkey : A Study in Vernacular Politics, University of Washington Press, 2002.

Vidéo. Cartographier les données numériques pour mieux comprendre les rivalités, K. Limonier

Que nous disent les réseaux numérisés qui produisent des données ? Comment à travers ces traces numériques comprendre les réseaux, les stratégies de maillage et d'appropriation du territoire ? K. Limonier montre tout l'intérêt géopolitique de cartographier les données numériques.

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