Le Diploweb vous met en mesure de connaitre l'essentiel d'un événement organisé au Québec à propos de l'Indo-Pacifique. Plusieurs dizaines d'intervenants présentaient ce sujet majeur auquel la France s'intéresse depuis déjà plusieurs années.
- Transversaux / Canada , Etats-Unis, Asie , République populaire de Chine , Asie du sud-est , Philippines , Japon , Géopolitique, Stratégie, Pacifique, Alliances stratégiques , Alliances régionales, Québec, Indo-Pacifique, 2023Le statut d'acteur infréquentable finit par devenir une co-construction entre labellisateurs et labellisés. En assumant leur étiquette, les labellisés infréquentables n'en sont que plus visibles – et donc encombrants. Quels bénéfices ? Manon-Nour Tannous développe une stimulante réponse.
- Transversaux / Monde, Syrie , Communauté internationale, Organisations régionales, Acteurs géopolitiques , Etat, Organisations internationales, 2023Voilà, le second tour de la péniblerie électorale régionale est maintenant terminé et le peuple français va pouvoir reprendre le cours des quelques activités qui ne lui sont pas encore interdites ou surtaxées.
Soyons franc : tout a déjà été dit sur le premier tour, sa participation rikiki et les peu nombreux votants dont la composition générale, plutôt du côté des retraités que des étudiants, autorise la classe jacassante à de pénétrantes analyses sociopolitiques sur le mode « les jeunes ne sont plus citoyens » et autres poncifs du même acabit.
Et il est vrai qu’avec 80% des moins de 35 ans qui se sont abstenus, on pourrait arriver à cette conclusion si on poussait l’indigence intellectuelle à s’arrêter là. Au passage, cela veut dire que le grotesque pari « McFly & Carlito » du chef de l’État est donc raté, ce que bien peu de journalistes semble vouloir admettre malgré l’évidence et les sondages fébriles mentant le contraire.
La remise en question des sondages n’étant pas pour tout de suite, comme, du reste, sur les 10 dernières élections au moins, on devra se contenter des pleurnicheries habituelles des médiocres chroniqueurs officiels de la vie politique française sur la perte de civisme, les dangers qui pèsent sur la démocratie et sur le peu d’implication des Français dans ces régionales.
Bien tristement, la réalité pragmatique n’est pas lâchée sur les plateaux, tout juste est-elle édulcorée en évoquant un contexte (sanitaire en l’occurrence) qui n’a pas aidé ni la campagne ni le vote, et un niveau de pouvoir (régional) qui n’est pas suffisamment clair pour le citoyen qui ne voit donc pas forcément ce pour quoi il vote.
Pourtant, on aurait gagné à dire les choses en face, et de préférence aux brochettes de clowns venus palabrer sur les plateaux et qui ont surtout profité de l’occasion pour (au choix) se chamailler sur des différences d’opinions nanométriques et sans grand intérêt, ou pour célébrer leur victoire avec toute la retenue calculée dont ces hypocrites sont capables entre deux coupettes de champagne payé avec l’argent gratuit des citoyens, abstentionnistes compris.
Disons-le carrément : s’il y a eu une telle abstention, c’est bel et bien parce que les Français n’ont rien à carrer de ces élections régionales.
D’une part, ce niveau de pouvoir ne sert absolument à rien comme l’a amplement prouvé le remaniement de ces régions qui n’a débouché sur absolument aucun changement palpable pour ces citoyens. Ginette du service Compta de l’ancienne région Poitruc-Machin a peut-être été fusionnée avec le service Compta & Finance de l’ancienne région Limouchose pour rejoindre en fanfare la naissance de la région Nouvelle-Dépense, mais franchement, tout le monde (à part Ginette, et encore) s’en tamponne assez vigoureusement : la facture globale n’a fait qu’augmenter, et les attributions budgétaires et de compétences, déjà passablement bordéliques, ont simplement gagné en complexité.
D’autre part, ces régions se contentant de gérer (mal) et de distribuer (encore plus mal) le pognon gratuit des autres en provenance directe et exclusive de l’État, les présidents de ces fromages républicains sont essentiellement des comptables chargés d’asperger en fonction de critères très vaguement politiques la manne fiscale sur laquelle ils n’ont que peu de leviers. On comprendra que l’intérêt du citoyen dans ces tubulures en coulisses soit particulièrement modeste.
Enfin et surtout, le citoyen a maintenant compris que son vote importe très peu.
Si ce vote est pratique pour le citoyen afin de virer l’un ou l’autre incompétent, arrogant ou crétin qui aurait malgré tout réussi à choper le pouvoir, le vote qui permet de déterminer une politique et une orientation pour le pays semble s’être évaporé quelque part dans les dernières décennies.
Oui, le réalisme pousse à constater que voter ne sert plus qu’à éliminer quelques nuls parmi les enfilades d’arrivistes plus ou moins habiles qu’on nous présente régulièrement ; croire que voter permettrait d’orienter le pays, de réformer l’une ou l’autre administration serait d’une naïveté confondante.
Et pour cela, il suffit de constater que les trois derniers présidents en exercice, à la plus haute fonction de l’État et donc théoriquement disposant du plus large pouvoir, ont été parfaitement incapables de faire dévier la trajectoire néfaste du pays. Ils ont parfois un peu modifié l’assiette du bolide dans sa trajectoire parabolique descendante, mais ont tous été infoutus d’en changer la destination finale (le sol).
Certains seront tentés d’apporter moult exemples de réformes soi-disant nécessaires, courageuses, importantes, marquantes ou que sais-je pour montrer que, mais si, mais si, tel président et son gouvernement ont réellement influé sur le destin du pays. Les leurres médiatiques et politiques, les rhétoriques plus ou moins efficaces des partis servent précisément à ça : faire croire que ces bouffons ont, effectivement, un impact.
Les dernières crises montrent qu’il n’en est rien : la direction générale du pays, le trajet qu’il suit et sa vitesse actuelle tiennent beaucoup, beaucoup plus de l’inertie qu’il a acquise il y a plusieurs décennies que des testiculations présidentielles (impressions de gesticulations tout en ne glandant rien). Regardez les choses en face : alors que le pays était au devant d’une crise majeure, alors que son petit Président est même monté à la télé pour déclamer, en zozotant avec gravité, que nous étions en guerre, et que l’État allait tout mettre en œuvre (quoi qu’il en coûte) pour juguler le pire, alors qu’une mobilisation de toutes les administrations, de toutes les bureaucraties était à l’ordre du jour (et le mot ordre ici n’est pas rhétorique), … tout ce qui pouvait merdouiller mollement l’a fait dans des petits prouts gras.
Eh oui : malgré l’intervention du Président, malgré tout un gouvernement tendu comme un seul homme dans le but d’organiser une réponse adaptée à la crise sanitaire, absolument rien n’a fonctionné correctement. Chaque administration, chaque bureaucratie, chaque strate de l’État s’est habilement employée à nouer les lacets des autres. Chaque administration, chaque bureaucratie, chaque strate de l’État a consciencieusement appliqué les milliards de procédures débiles qu’elles ont minutieusement construites depuis cinquante ans. Chaque administration, chaque bureaucratie, chaque strate de l’État a agi de façon à peu près individuelle, sans coordination d’ensemble, dans le but de conserver sa parcelle de pouvoir, de minimiser ses responsabilités et tout travail qui lui incomberait et de maximiser son budget.
Les immobilismes crétins, les idées idiotes, les procédures à la con, les interdictions ubuesques et les règlements ineptes se sont donc multipliés dans un véritable ensemble symphonique d’inutilité bureaucratique quintessentielle pour garantir que le beau volontarisme du mirliflore présidentiel se traduise au final par un petit zéphyr tiède. Et tout ça, pour une crise majeure ouverte avec une véritable déclaration de guerre, alors même que chaque Français (en ce compris chaque échelon de chaque administration) avait bien compris l’enjeu et l’importance de l’action décisive…
Imaginez le niveau de néant chimiquement pur que doivent produire ces mêmes administrations lorsqu’il s’agit d’une énième réforme lancée par un gouvernement (ô combien temporaire) pour un sujet qui ne mobilise qu’un ou deux ministres, avec éventuellement un « Grenelle » et un numéro vert (ou deux)…
Les Français ont compris que, quel que soit leur vote, la petite musique de l’État providence allait continuer, cahin-caha, que les louanges du collectivisme continueraient d’être chantées, de même qu’ils commencent à comprendre que l’épouvantail RN n’est que ça, un épouvantail qui, confronté à la même administration pachydermique obèse, ne pourra pas plus faire de réforme que les douzaines d’autres guignols avant eux.
Ne votant plus que pour éjecter les usés, les nuls et les imbéciles, ils ne se déplacent plus pour donner un avis dont, par inertie bureaucratique, personne n’a rien à foutre : les politiciens ne les écoutent pas hors campagnes électorales, et les journalistes ne sont plus payés pour ça depuis un demi-siècle. Au final, personne ne tient compte des votes.
C’est d’ailleurs aussi pour cela que ce pays est foutu.
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Le dernier numéro du Magazine de géopolitique, Conflits, est consacré au Maghreb (n° 20, janvier-mars, disponible en kiosque (ou sur le site ici) pour 9,9 €).. J'ai l'honneur d'y signer un article qui fait le point des différentes institutions maghrébines ou incorporant des États maghrébins. A lire ci-dessous.
Comme beaucoup de régions, le Maghreb est traversé d’institutions internationales : comme souvent désormais, elles sont bien souvent peu pertinentes.
La première est évidement l’Union du Maghreb Arabe (UMA), créée en 1989 et réunissant les cinq Etats du Maghreb. Toutefois, elle n’a suscité aucune avancée concrète et elle reste bloquée à cause du conflit du Sahara Occidental et donc de la dispute entre l’Algérie et le Maroc. Il s’agit finalement de l’organisation sous-régionale africaine qui est la plus bloquée, alors que les cinq pays ont déjà une civilisation en commun et qu’une intégration économique régionale permettrait un développement important de la zone. Il faut citer l’ONU, présente dans la zone au travers de la MINURSO au Sahara occidental mais aussi de son rôle en Libye.
Institutions arabo-musulmanes
Les pays du Maghreb partagent énormément de fondements culturels et civilisationnels. Pourtant, aucune des institutions du monde arabo-musulman ne leur a donné réellement satisfaction pour développer leurs échanges.
Les cinq pays maghrébins sont membres de la Ligue arabe, qui a été créée en 1945. La Libye rejoint l’organisation en 1953, la Tunisie et le Maroc dès 1958 à la fin du protectorat, l’Algérie en 1962 dès son indépendance, la Mauritanie enfin en 1973. Il ne faut pas méconnaître cependant le sentiment de supériorité des pays du Machrek envers ceux du Maghreb, même si le siège de la Ligue a été installé à Tunis de 1979 à 1990. Si le panarabisme a eu un rôle politique important au cours de la Guerre froide, il est aujourd’hui en panne, les pays arabes peinant à trouver des convergences politiques.
Aussi quelques pays signent en 2001 l’accord d’Agadir (Égypte, Jordanie, Maroc et Tunisie, rejoints par Liban et Palestine en 2016) qui crée une zone de libre-échange arabe. Il entre en vigueur en 2007 et est soutenu par l’UE. Cependant, des difficultés demeurent et il peine à croître. Il s’agit d’une version réduite du Conseil de l’unité économique arabe, créée en 1957 dans le cadre de la Ligue arabe et qui n’a pas donné de résultats. L’organisation de la coopération islamique (OCI) a été créée en 1969 à l’instigation de l’Arabie Saoudite. Les 5 pays maghrébins en sont membres fondateurs. Toutefois, cette organisation religieuse mais aussi politique et culturelle n’est pas un grand cadre de coopération intra-maghrébine
Institutions méditerranéo-européennes
Les pays du Maghreb se sont d’abord tournés vers le nord de la Méditerranée et notamment les pays européens. Les anciennes puissances coloniales de la zone (Espagne, France, Italie) conservent en effet de profonds intérêts. Mais au-delà des nombreux accords bilatéraux, les initiatives institutionnelles donnent peu satisfaction.
Le partenariat Euromed, ou processus de Barcelone, a été créé en 1995 et inclut un certain nombre de pays méditerranéens, dont Algérie, Maroc et Tunisie, ainsi que la Mauritanie depuis 2007 (la Libye a un statut d’observateur). Il constitue le volet méditerranéen de la politique européenne de voisinage (PEV). L’UE distribue ainsi quelques aides financières aux pays bénéficiant d’un statut avancé (Maroc et Tunisie). Le processus de Barcelone a été « renforcé » à partir de 2008 avec la création de l’Union pour la Méditerranée, réunissant tous les pays de l’UE et les pays riverains (la Libye est observateur). Un certain nombre de programmes sont labellisés (transport, énergie, économie bleue, etc…) mais il est à la fois très institutionnel et peu centré sur les problématiques particulières du Maghreb.
Pour justement se concentrer sur la Méditerranée occidentale, les cinq pays de l’UMA ainsi que les cinq riverains du nord (Espagne, France, Italie, Malte, Portugal) créent en 1990 le dialogue 5+5. Les conversations régulières portent sur des sujets sectoriels (intérieur, transports, défense, migrations, finance, enseignement…). Là encore, il s’agit de rencontres formelles avec peu d’effets concrets.
Le dialogue méditerranéen est le partenariat de l’Alliance atlantique dédié « au sud » : y participent l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie (ainsi que d’autres pays du pourtour : Égypte, Israël, Jordanie). Créé en 1995 (l’Algérie ne l’a rejoint qu’en 2000), il n’a pas instauré une dynamique collective et les quelques actions sont principalement bilatérales (OTAN + 1).
Institutions africaines
C’est pourquoi on observe une sorte de mouvement vers l’Afrique. Les cinq sont membres de l’Union Africaine, maintenant que le Maroc à rejoint l’organisation en 2017, après l’avoir quittée en 1984. Le plus intéressant demeure pourtant la question des organisations sous-régionales. Ainsi de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) créée en 1975 (PIB de 817 G$, population de 360 Mh). Avec son retour dans l’UA, le Maroc a demandé dès 2017 l’adhésion à la CEDEAO. Celle-ci a donné son accord de principe mais les modalités de détail traînent. La Mauritanie qui en était membre a quitté l’organisation en 2000 mais a signé un accord d’association en 2017. On observe que la constitution d’un grand bloc commercial à l’ouest de l’Afrique constituerait un puissant facteur de développement, une fois la question de la monnaie résolue.
Le Marché commun de l'Afrique orientale et australe aussi connu sous son acronyme anglais COMESA, a été fondé en 1994 et inclut depuis 2005 la Libye et 2018 la Tunisie (des négociations sont en cours avec l’Algérie). Il s’agit d’un marché commun (677 G$ et 475 Mh). Pour mémoire, citons la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) a été créée en 1998. Elle comprend 29 États dont les pays maghrébins sauf l’Algérie. Elle a pour ambition d’établir une union économique globale mais aussi de développer les réseaux de transport. On voit ainsi se constituer des blocs sud-sud. Alors que l’histoire et la géographie militent pour une intégration latérale entre les cinq pays du Maghreb, le blocage de l’UMA et une certaine négligence européenne incitent les États maghrébins à développer des stratégies autonomes, principalement en direction du sud, avec un satellite occidental (Maroc et Mauritanie vers la CEDEAO) et un autre oriental (Libye et Tunisie vers la COMESA). Les stratégies sont d’abord économiques mais aussi sécuritaires (notamment le sujet de la coopération sur la question des migrations : on rappelle ici que la Mauritanie appartient au G5 Sahel). L’Algérie reste un peu isolée dans ce mouvement général.
Olivier Kempf dirige la lettre stratégique La Vigie (www.lettrevigie.com). Il a publié « Au cœur de l’islam politique » (UPPR, 2017).
Article initialement paru le 21.12.2015
À la suite des élections régionales, un aimable lecteur m’avait fourni une analyse multifactorielle des résultats des élections. On avait alors abouti à une forte intéressante série de graphiques qui illustraient un phénomène que personne, dans la presse courante et subventionnée, n’avait analysé : le véritable fossé entre d’un côté, la France urbaine et diplômée, et de l’autre, la France rurale moins diplômée.
Les années ont passé, et avec le temps, on se rend compte que ce découpage, bien qu’un peu cru, reste tout à fait d’actualité. Mieux : la crise des Gilets Jaunes a permis de véritablement mettre en exergue cette fracture profonde : il n’y a guère que l’élite germanopratine qui n’ait pas encore compris et appréhendé ce gouffre (parce que son salaire dépend de cette opacité mentale).
La relecture de ce billet à l’aune des récents mouvements sociaux est éclairante…
Le week-end, il faut bien s’occuper et parmi mes lecteurs, il s’en trouve certains qui aiment les statistiques. L’un d’eux m’a contacté dernièrement pour me faire part de ses découvertes concernant les résultats des dernières élections en France. Le résultat vaut largement un billet.
Avant d’aller plus loin, un petit point méthodologique s’impose.
Pour réaliser l’analyse, les fichiers qui ont été utilisés sont ceux fournis par le ministère de l’Intérieur (résultats du second tour par régions, départements et circonscriptions) dans lesquels on trouvera les acronymes suivants : LUG pour Liste Union de Gauche, LUD pour Liste Union de Droite, LFN pour Liste FN. Pour éviter une trop grande dispersion des données, les autres acronymes et groupes de données (comme LDVG, LREG, LSOC, par exemple) n’ont pas été inclus dans l’analyse.
Ces fichiers ont été recoupés avec la structure de la population par circonscription par âge, sexe, logement et catégorie socio-professionnelle, obtenue par le recensement partiel de 2012 sur la base des chiffres de 2008 fournis par l’INSEE.
Enfin, pour effectuer l’analyse en question, notre aimable lecteur s’est muni du puissant outil open-source R, avec le package Factominer des statisticiens de l’Agrocampus de Rennes, grâce auquel il a effectué une AFC (Analyse Factorielle des Correspondances).
En substance, il s’agit du moteur au cœur de tous les logiciels de datamining, et qui permet de réaliser de l’analyse de données non-supervisée. Autrement dit, il s’agit de laisser parler les données et de voir quelles sont les formes ou correspondances qui émergent en premier, puis en second, etc. Ce seront les « dimensions », visibles dans les graphiques un peu plus bas, qui permettent d’identifier les facteurs qui structurent le plus fortement les données. De dimensions en dimensions, on peut alors expliquer laquelle contribue à quelle quantité de données observées, comme on pèle un oignon, et ce jusqu’à ce qu’il ne reste plus que du bruit statistique.
Cette technique identifie de fortes « correspondances » statistiques entre variables. Reste enfin à interpréter ces correspondances, ce qui revient à répondre aux questions qu’on se pose sur les découvertes que l’outil permet. Par exemple, pourquoi diable les circonscriptions qui se caractérisent le plus par un vote Liste Union de Gauche sont des circonscriptions avec beaucoup d’étrangers ou des circonscriptions avec beaucoup de professions libérales ou de cadres supérieurs ?
Avant de tenter de répondre à ces questions, si on regarde d’un peu plus près les résultats bruts, on découvre que près de 70% de la variabilité du vote par circonscription est expliquée par seulement deux dimensions : la localisation des votants (ruraux ou urbains), et leur positionnement face aux listes de gauche (en accord ou en rejet). En effet, et peut-être pour la première fois en France, le vote jadis droite-gauche ressemble maintenant à un vote de rejet complètement orthogonal à la structuration des catégories socio-professionnelles (i.e. statistiquement indépendant des CSP).
La première force qui structure le vote, c’est la corrélation entre bobos et étrangers dans le vote de gauche, c’est-à-dire entre les circonscriptions d’urbains diplômés (qu’on pourrait synthétiser grossièrement mais pas inexactement par « bobos ») et les circonscriptions avec un fort taux d’étrangers, dans un vote pour les listes à gauche (LUG, ou listes d’union de gauche).
Cette tranche de France-là, surtout urbaine, s’oppose à l’autre tranche (et en particulier au monde rural) suivant un gradient des CSP. Cette autre France se compose, elle, de circonscriptions avec beaucoup de Professions Intermédiaires et autres inactifs (dont les chômeurs), celles avec beaucoup d’employés et d’abstention, celles avec beaucoup d’ouvriers, d’artisans, de commerçants, de retraités (qui ont particulièrement exprimé leur vote), et enfin les circonscriptions sans doute les plus rurales, avec beaucoup d’agriculteurs exploitants.
Cette corrélation des circonscriptions à fortes populations étrangères avec celles des professions libérales et des cadres supérieurs, unis dans un même vote de gauche, éclaire assez nettement les stratégies du PS, la fameuse ligne « Terra Nova » appliquée jusqu’à présent, qu’on pourrait résumer par « Plus d’État pour les bobos, et plus d’État pour les populations en otage ou en assistanat ».
De façon complètement orthogonale à cela, la deuxième force qui structure le vote est le rejet.
Par exemple, le vote pour le Front National est très associé aux bulletins blancs et nuls, ce qui montre de façon assez claire là aussi qu’au lieu d’une montée de l’idéologie du FN, il faut voir une montée visible du rejet du système, de façon très claire, et le long de toutes les CSP.
NB : rappelez-vous que ces graphiques sont issus d’une analyse dirigée par les données et non par l’opérateur. Les regroupements visibles ci-dessus sont ce qui ressort des corrélations, pas d’un choix volontaire du statisticien.
Plus dramatiquement encore, ce découpage montre, si quelqu’un pouvait encore en douter, le rôle réel des listes de droite : celui d’un bouche-trou entre deux les grandes forces politiques qui restent, à savoir le Parti Socialiste ou le rejet. Si quelqu’un doutait de ce rôle de bouche-trou, il est démontré par l’association des listes de droite (LUD) au paquet « rejet », de l’autre coté du véritable fossé entre les Français qui se matérialise sur les graphiques de l’Analyse Factorielle des Correspondances ci-dessous.
Cliquez pour agrandir – les n° sur les points indiquent la circonscription ; ex : 9306 est la sixième circonscription du département 93
Une telle répartition montre bien l’abandon par toute la gauche d’une partie du peuple : les ouvriers, les artisans, les commerçants ont un vote majoritairement opposé à celui de la gauche, et se retrouvent écartelés entre le vote de protestation et le vote conservateur.
Par exemple, sur le graphique ci-dessus, les points « O » (ouvriers) et « AI » (autres inactifs, les chômeurs, donc) sont au bord du gouffre créé par le clivage, à la fois le plus loin possible de la gauche sans être à droite, partagés par leur différence socio-professionnelle (des chômeurs plutôt urbains, des ouvriers plutôt ruraux), et sur le point de rejeter le système, de l’autre côté du gouffre. D’autres études prouvent d’ailleurs encore et encore que ce sont ces deux catégories socio-professionnelles, socialement les plus vulnérables, qui rejettent le plus clairement la gauche et sont récupérées par le Front National ou s’associent à un vote rageur nul ou blanc.
D’autre part, ces graphiques expliquent assez bien les récents éclats entre NKM et Sarkozy : la droite, qui accepterait de marchander (c’est la « ligne NKM ») tomberait dans un véritable piège et serait complètement mangée par le vote protestataire. La « ligne Sarkozy » semble alors plus cohérente puisqu’il vaut mieux recevoir des reports de votes du PS que de disparaître.
Enfin, en tant que force progressiste, la gauche n’existe plus. Elle n’est plus qu’un outil de préservation des avantages d’un assemblage hétéroclite composé d’une caste de bourgeois et d’une caste d’assistés ou de populations dépendantes des aides. Ceci est d’ailleurs corroboré par le dernier scrutin ; en abandonnant trois régions, la gauche a préféré isoler complètement ses électeurs plutôt qu’accepter un changement paradigmatique, d’ailleurs confirmé par le renouvellement du rejet au second tour par les circonscriptions concernées.
Quant à la France, ce graphique illustre un terrible clivage, un gouffre même, entre deux peuples, créé par la petite politique politicienne, allant de la diabolisation du Front National jusqu’aux calculs politiciens pendant les scrutins, les discours communautaristes ou l’illisible politique laïcarde, et surtout, l’absence complète de toute volonté d’agir autrement que pour les intérêts spécifiques des élus.
On n’ose imaginer le degré de frustration qui doit se créer chez les électeurs qui, progressivement ostracisés par ces basses manœuvres, ne trouvent plus que le rejet pour s’exprimer.
En somme, si quelqu’un veut la guerre civile, c’est bien le PS.
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