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À partir d’avant-hierContrepoints

Les vrais chiffres de la balance commerciale 2023 

Comme chaque année, les chiffres de la balance commerciale sont minorés et présentés en retirant les frais de transport du montant de nos importations.

Les frais de transport sont pourtant une partie intégrante du coût de revient et sont répercutés sur le prix de vente au consommateur. Mais pourtant, ils sont retraités afin de les comparer aux chiffres des exportations qui, eux, n’intègrent pas les frais de transport. L’opération semble contestable…

Les « vrais » chiffres de la balance commerciale de 2022 avaient ainsi frôlé les 200 milliards d’euros de déficit pour se « rétablir » en 2023 à -135 milliards d’euros.

Rappelons qu’en 2019, c’est-à-dire avant la crise sanitaire et avant la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine, la balance commerciale s’établissait à un déficit de 77 milliards (quand l’Allemagne dépassait les 200 milliards d’excédent commercial).

Pour résumer, en l’espace de deux ans : 2019 à 2022, notre déficit commercial a quasiment triplé et le déficit de 2023 est maintenant équivalent au double de celui de 2019.

 

Une lueur d’espoir ? L’éternelle marotte de la solution par les exportations 

Face à des résultats accablants, l’idée selon laquelle la progression de nos exportations viendrait redresser la balance commerciale continue de perdurer et d’être promue comme la solution de reconquête de notre souveraineté. Est-ce bien réaliste ? Avec des exportations qui progressent mollement (+3 % en un an) et dont la hausse intègre nécessairement l’inflation, peut-on vraiment penser qu’elles seront à même de compenser notre dépendance structurelle aux importations sur la quasi-totalité des secteurs industriels ?

Pour comprendre la réalité de la balance commerciale, reprenons chaque secteur en distinguant les secteurs déficitaires des rares secteurs excédentaires.

 

Les secteurs déficitaires… Toujours plus déficitaires

Énergie : un déficit de 75 milliards, ou comment la France fait passer les intérêts de ses partenaires commerciaux avant les siens

Rappelons que dans les années 2000, date à laquelle la balance commerciale passe dans le rouge, le déficit énergétique s’affiche déjà à près de 25 milliards. En vingt ans, il double pour atteindre les 50 milliards en 2019. Puis de 2019 à 2022, il double à nouveau (quasiment 120 milliards !) et se redresse en 2023 à près de 75 milliards soit 50 % de plus qu’en 2019…

Si l’on entre dans les détails, on comprend bien la folie de notre politique énergétique qui nous place en position de dépendance vis-à-vis du gaz naturel que nous importons à des prix toujours plus élevés, sans pouvoir tirer profit de l’électricité que nous vendons… Au prix auquel nous la produisons !

Prenons notre premier poste d’importations énergétiques : les hydrocarbures naturels (gaz dont gaz de schiste et huiles brutes de pétrole) qui affichent à eux seuls un déficit de 56 milliards d’euros.

La guerre en Ukraine a lourdement marqué notre balance en matière d’hydrocarbures naturels avec une flambée des prix et un recours aux États-Unis très marqué et coûteux : le coût de nos importations a ainsi quasiment triplé de 2019 à 2022 avec un déficit atteignant les 75 milliards en 2022. Déficit qui s’est redressé à plus de 56 milliards en 2023. La situation est donc loin d’être rétablie.

Second poste du déficit énergétique, les produits pétroliers, a quant à lui doublé sur la période 2019-2022 passant de 15 à 30 milliards pour se rétablir à 20 milliards en 2023.

Si notre dépendance en hydrocarbures et produits pétroliers a toujours été avérée, notre force nucléaire, en revanche a toujours constitué un atout majeur.

Malheureusement, pour ce qui est de l’électricité, troisième grand poste de nos dépenses énergétiques, il est clair que nous ne tirons absolument pas avantage de notre force nucléaire dans laquelle nous avons tant investi. En 2022, le mécanisme de l’ARENH nous a fait atteindre une situation ubuesque de déficit commercial en électricité (8 milliards) en devant acheter plus cher à des fournisseurs étrangers un produit que nous devons leur vendre au prix coûtant. En 2023, les choses se rétablissent avec un excédent de 3 milliards qui, on le comprend bien, si nous n’étions pas entrés dans l’ARENH, devrait être nettement supérieur.

En synthèse, l’énergie que nous vendons et achetons se traduit par un solde déficitaire de 50 milliards. Notre position de leader nucléaire historique ne permet en rien de redresser ces résultats du fait des mécanismes de prix fixés par l’ARENH.

 

Le textile et l’habillement

Un redressement en demi-teinte porté par la croissance des exportations de produits de luxe.

Le déficit avait atteint les 12 milliards en 2019, frôlé les 13 milliards en 2022 et s’est contracté à 8 milliards en 2023. Ce rétablissement est entièrement porté par la progression des exportations sur le seul secteur du cuir/bagages/chaussures. En revanche, pour le reste de l’habillement, le montant des importations est en progression avec l’apparition marquée d’acteurs étrangers intervenant en vente directe, sans intermédiation, comme l’emblématique Shein.

 

Le déficit ancré de l’agro-alimentaire : une perte de souveraineté confirmée

Les résultats sont chaque année présentés comme positifs… À tort. En effet, les boissons (vins et spiritueux) viennent corriger ce qui est devenu un déficit structurel de la balance commerciale sur la totalité des produits à l’exception des produits laitiers. Corrigés des seuls chiffres des boissons les résultats sont alarmants : la dépendance aux produits étrangers, pour ce qui est de notre consommation de viande, de conserves, de fruits et légumes, et d’huiles est bel et bien confirmée. Tous ces secteurs sont déficitaires, entre 2 et 4 milliards chacun.

La balance commerciale du secteur agro-alimentaire marque donc, en réalité, un déficit de 10 milliards d’euros (soit 3 milliards de déficit supplémentaire par rapport à 2019).

Ce déficit n’est pas corrigé par la balance commerciale agricole, qui, après une progression en 2022 enregistre un excédent de 1,4 milliard. On peut donc dire que le secteur agricole, hors spiritueux, enregistre des déficits records, proches de 9 milliards !

 

Métallurgie, électronique, machines… : la chute libre

De nombreux autres secteurs historiquement déficitaires continuent leur plongée respective comme l’industrie métallurgique (doublement du déficit de 2019 à 2023 pour atteindre 15 milliards d’euros), les produits en plastique (-10 milliards), les produits informatiques (+50 % de déficit soit -10 milliards), la fabrication d’équipements électriques et de machines (-21 milliards).

 

Les rares secteurs excédentaires… En très fort recul

De façon encore plus inquiétante, on voit également se contracter des secteurs qui avait su rester excédentaires.

Premier concerné : l’industrie du transport (automobile, aérospatiale, navire) qui est passé de 15 milliards d’excédent en 2019 à… 6 milliards ! Cet effondrement est principalement corrélé à l’effondrement du secteur automobile dont le déficit passe de 15 à 25 milliards d’euros et dont les résultats de l’aérospatiale ne parviennent pas à compenser.

Deuxième secteur historiquement fort : l’industrie pharmaceutique qui voit un effondrement dans la balance commerciale que toute personne ayant besoin de se soigner peut constater. L’excédent de 6 milliards de 2019 s’est amoindri à moins d’un milliard en 2023.

Enfin l’industrie chimique, toujours présentée en bonne santé, doit à l’instar du secteur agro-alimentaire et des boissons, être retraitée de la cosmétique. Le solde le plus excédentaire de la balance commerciale, 20 milliards en 2023, se réduit à la peau de chagrin de 2,5 milliards une fois les cosmétiques retirés…

Globalement, sur 2023, en dépit de la contraction du déficit, les tendances lourdes se confirment et semblent ancrées de façon indélébiles dans les chiffres de la balance commerciale et dans la réalité de notre consommation quotidienne.

Au-delà des aides, des subventions, et des « encouragements », il est temps que l’industrie redevienne réellement une priorité nationale. La France doit revoir les normes et dispositifs dans lesquelles elle s’est enfermée au profit de ses partenaires et au détriment de ses propres intérêts commerciaux.

SNCF : les conditions d’une privatisation réussie

Le principe de privatisation n’est ni bon ni mauvais en soi. Ce sont les conditions de sa réalisation qui en font un bon ou un mauvais choix.

Multiplier les opérateurs sur les lignes hyper rentables, comme la compagnie espagnole Renfe sur le trajet Paris-Lyon-Marseille, par exemple, ne pourra jamais développer le rail sur le territoire national. Au contraire, affaiblir les recettes de la SNCF en la laissant seule gestionnaire des lignes locales et secondaires, est le meilleur moyen pour que ces dernières ne soient plus exploitées ou ne vivent plus que sous perfusion d’argent public (abondé par les régions, les départements…).

Mais la privatisation des lignes secondaires est déjà en route : les régions PACA et Normandie ont déjà engagé le processus. Oui, mais avec toutes les chances réunies pour un échec en beauté.

D’abord, parce qu’aucun plan directeur de développement du rail n’a été élaboré ou n’est en cours d’élaboration. Ensuite, parce que nous nous dirigeons tranquillement vers une privatisation sur le mode concessionnaire et non open access.

Or, quels enseignements pouvons-nous tirer de l’expérience britannique ?

Le modèle concessionnaire choisi par nos voisins d’outre-Manche, malgré toutes les réussites de la privatisation, n’a ni permis de diminuer la charge qui pèse sur les finances publiques ni provoqué une baisse des tarifs pour les passagers. C’est logique, car le système concessionnaire remplace un monopole par un autre. C’est d’ailleurs le modèle open access que la France semble avoir choisi pour les lignes à fortes rentabilité comme Paris-Lyon-Marseille, alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas appliquer ce même modèle aux lignes secondaires, voire locales ? Parce que l’état des infrastructures et la rentabilité théorique seraient de nature à repousser d’éventuels acteurs privés ?

 

Quelques pistes de réflexion pour imaginer une privatisation intelligente…

Un schéma national de développement

Il est nécessaire d’établir avant tout un schéma national de développement de l’infrastructure du rail afin d’atteindre, à une échéance de 10 à 15 ans, un maillage de la quasi totalité des agglomérations françaises.

Rappelons qu’entre la nationalisation de 1938 et aujourd’hui, ce sont 16 000 km de voies ferrées qui ont été démolies au nom du « service public ». Il est impératif de reconstituer un maillage du territoire national permettant d’utiliser le rail pour se rendre d’une commune à une autre sans être obligé de transiter par Paris, ou de payer trois fois plus que le prix de ce même trajet en automobile.

 

Une société unique, mixte, de gestion des infrastructures

L’exécution et la gestion de cette infrastructure (réseaux et gares) devraient être confiées à une entité unique, nationale, afin d’éviter les redondances, d’assurer une totale interconnexion et de définir les priorisations.

Cette société serait renforcée sur la plan capitalistique par l’apport de capitaux privés (ce que les statuts de « SNCF gares et connexions » permet), y compris et surtout de la part des sociétés privées qui souhaiteraient être présentes sur le marché du rail. Ainsi, toute société privée désireuse d’exploiter un tronçon du réseau ferré français, se verrait tenue de participer au financement des investissements en devenant actionnaire de la société nationale. Cela n’est bien sûr pas exclusif, et si des sociétés non exploitantes voulaient investir dans le réseau, elles devraient pouvoir le faire.

Pour des raisons stratégiques, le contrôle de cette société devrait rester aux mains de l’État. Si, pour certains, cette idée pourrait sembler désuète ou anachronique, la réalité de certaines situations advenant chez certains de nos voisins devraient les amener à réfléchir sur le rôle que peut jouer un réseau ferré en cas de conflit.

Enfin, l’économie de cette entité serait assurée par les droits de péage versés par les exploitants. Actuellement, ces droits sont démesurément lourds. Cette situation est le fruit d’une gestion technocratique, d’un trafic exsangue et du quasi monopole des exploitants.

D’où les points suivants :

Une privatisation en open access

Pour les raisons évoquées précédemment, si nous voulons éviter la reconstitution de monopoles, qu’ils soient privés ou publics importe peu, tous les opérateurs qui le souhaitent devraient pouvoir exploiter une ligne. La société gérant les infrastructures devrait alors émettre des droits de trafic avec des créneaux horaires, sur le modèle de ce qui existe pour le trafic aérien. C’est la condition sine qua non pour que la concurrence joue son rôle.

Une diversification des matériels

Une des raisons pour lesquelles les trains régionaux coûtent aujourd’hui si cher est l’équipement imposé par la SNCF. Or, certaines dessertes peuvent être assurées par des matériels plus légers nécessitant des investissements moins lourds (Bluetram par exemple pour la réouverture de lignes locales dont les rails ont été démontés) ou des matériels anciens reconditionnés (comme Transdev sur la ligne Carhaix-Paimpol), et une gestion du personnel plus souple.

Développer le trafic marchandises

S’il est un point sur lequel les impératifs économiques et écologiques se rejoignent, c’est sur la nécessité de développer le trafic de marchandises par le rail. La solution la plus efficace et la plus rapide pour y parvenir serait d’ imposer de manière progressive le ferroutage ou transport combiné.

Cette mesure pourrait s’appliquer de manière progressive, d’abord sur le trafic en transit, puis sur des distances de plus en plus courtes, réduisant, à terme, l’usage du camion à un rayon de 100 km.

Outre la diminution de la pollution que le ferroutage engendrerait (les camions sont la première source de rejets de microparticules et de gommes), cette solution permettrait le désengorgement des infrastructures routières, le ralentissement de leur usure et la diminution des accidents routiers. Elle permettrait de créer un marché du fret ferroviaire propice à la baisse de ses coûts et donc du prix des droits de péage. Le développement de ce marché participerait à la rentabilisation de « SNCF gares et connexions ».

Conditionner l’octroi de droits d’exploitation des lignes à fortes rentabilité

Il s’agit ici de déterminer un principe de conditionnement de l’octroi de droits d’exploitation des lignes à fortes rentabilités (TGV, grandes lignes) à l’exploitation de lignes locales et régionales.

Par exemple, l’exploitation ou la réouverture de lignes locales ou régionales permettraient l’octroi de plus ou moins de « droits » (en fonction du niveau de non-rentabilité à court, moyen et long terme) sur les lignes à forte rentabilité. L’exploitation de ces lignes n’intéressant pas forcément l’exploitant, ces  « droits » pourraient être négociables sous forme de vente ou de location, et donc permettre d’améliorer la rentabilité des petites lignes sans faire appel à des subventions publiques.

 

Oui, la privatisation peut être vertueuse

Un dispositif tel que décrit précédemment permettrait de développer le rail par l’apport de capitaux privés dans la société gestionnaire des infrastructures. Plus de lignes, plus de communes desservies, plus de trains, plus de lignes transversales, plus de trafic marchandises, tout en garantissant le principe de continuité territoriale.

Il ne s’agit pas de privatiser seulement ce qui est rentable, mais de faire de la privatisation un élément de dynamisation du trafic ferroviaire, tout en soulageant les finances publiques, car ces dernières ne seraient, comme il se doit, engagées que dans les investissements et non dans le fonctionnement.

Lyon-Turin : un projet ferroviaire titanesque, des opposants à couteaux tirés – Entretien avec le délégué général de la Transalpine

La belle entourloupe de l’hyperloop : comment la SNCF et des collectivités territoriales se sont laissé berner par Elon Musk

Par : Michel Gay

Elon Musk est un génie, y compris pour faire prendre des vessies pour des lanternes. Depuis dix années, en s’appuyant sur sa réussite fulgurante (Tesla, SpaceX), il a réussi le tour de force de faire investir des centaines de personnes et des startups dans l’avenir du train « révolutionnaire » à très grande vitesse hyperloop (plus de 1000 km/h) circulant dans un tube partiellement sous vide d’air.

Mais l’objectif d’Elon Musk n’était peut-être que de faire rêver avec l’argent… des autres, c’est-à-dire le nôtre au travers des impôts et des taxes (la SNCF a aussi investi 80 millions d’euros dans cette belle folie en 2016, la métropole de Toulouse 5,5 millions, et la Région Nouvelle-Aquitaine, deux millions à travers le fond européens Feder).

 

Un dur retour à la réalité

Tout avait commencé en 2013, avec la publication par Elon Musk du célèbre Alpha Paper, un document de 52 pages open source dans lequel le milliardaire avait décrit son idée enthousiasmante.

Or, lui et ses collaborateurs s’étaient concentrés sur des points faciles à résoudre, tout en ignorant les obstacles techniques importants. La rentabilité a aussi été largement sous-estimée.

L’Alpha Paper d’Elon Musk tenait plus du projet étudiant ou d’une lettre au père Noël que d’une étude technico-économique solide.

Les rêveurs et les petits malins à la recherche de projets subventionnés ont sauté sur l’occasion en ignorant les impossibilités résultant des lois de la physique, notamment faire circuler des passagers dans un tube presque sous vide (un millième (un millibar) de la pression atmosphérique sur Terre qui est de 1000 millibars).

L’hyperloop était censé être un véhicule durable, ultrarapide et efficace composé de capsules en aluminium maintenu en l’air par un système de lévitation magnétique dans de longs tunnels à basse pression. Le concept séduisant devait transformer profondément l’industrie des transports.

Cependant, il avait déjà été imaginé par Jules Verne en 1891 qui, lui, vendait clairement du rêve dans ses livres, et le projet Swissmetro, proposé en 1974 et abandonné en 2009, ressemblait aussi déjà à celui d’Elon Musk.

Logiquement, dix ans et 450 millions de dollars plus tard, l’emballement initial a vécu devant les déconvenues techniques. Les milliers d’emplois vantés sur le papier se sont évaporés. Les tunnels n’en sont encore qu’au stade d’ébauche et la startup Hyperloop One, qui promettait de révolutionner les transports, est officiellement morte le 31 décembre 2023.

 

Arrêt total

Cette saga industrielle rocambolesque, qui a coûté cher, a fait fantasmer pendant une décennie un public restreint qui veut du rêve, et pas des études compliquées.

Il fallait alors penser autrement, être disruptif, s’ouvrir l’esprit, sortir de sa zone de confort, ce dont se moque la physique. Et quelques-uns se sont pris dans la figure le mur de la réalité qu’ils voulaient franchir allègrement au cri de « la technologie progresse, on va trouver bientôt, ayez confiance… ».

Il reste de jolies animations en musique sur écran et des images, c’est-à-dire rien.

Certains estiment encore aujourd’hui que cette gabegie financière était justifiée parce que l’idée avait un potentiel, et qu’il aurait été dommage de ne pas essayer.

Pour d’autres incorrigibles, l’hyperloop a simplement émergé trop tôt… ou trop tard, dans un contexte économique défavorable au développement de cette technologie. Il est difficile d’affronter la réalité et la physique.

 

C’était prévisible… et prévu !

Bien sûr, certains penseront qu’après coup, il est facile de dire maintenant que l’argent a été dilapidé, que ce projet était une idiotie, et que c’était prévisible dès le départ car il n’est jamais possible de s’affranchir des lois de la physique. Mais le besoin de rêver et l’effet d’aubaine permettant de créer des pompes à fric auront été les plus forts, tout comme pour le développement aberrant des éoliennes et autres panneaux photovoltaïques.

Héla, les fonds publics permettent aussi à des politiciens de faire vivre un petit monde d’obligés pendant un certain temps, grâce à des subventions accordées. Puis, quand le soufflé retombe, ce petit monde de profiteurs s’éparpille, ferme les startups, et recommence ailleurs pour vendre du rêve aux naïfs sur un autre projet bien emballé dans une belle animation.

Ainsi, certains font tout une carrière sur du vide, du vent, du rien, tant qu’il y a des subventions et de l’argent à prendre.

Ce projet d’Elon Musk était peut-être destiné uniquement à torpiller le TGV en Californie en le faisant passer pour ringard afin de mettre en péril les transports publics et californiens, et de mieux vendre ses voitures Tesla.

Au final, cet hyperloop est un immense flop, un hyper loupé, une escroquerie technico-intellectuelle. L’entourloupe de l’hyperloop aura quand même duré… dix ans et englouti en pure perte des centaines de millions d’euros, principalement d’argent public.

Lyon-Turin : un projet ferroviaire titanesque, des opposants à couteaux tirés – Entretien avec le délégué général de la Transalpine

Stéphane Guggino est le délégué général du comité pour la Transalpine, association réunissant les défenseurs du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. Aux premières loges d’un chantier qui bouleversera les relations commerciales entre la France et l’Italie et le quotidien de millions d’individus sur les deux versants des Alpes, il a accepté de répondre aux questions de Contrepoints.

 

« En France, nous sommes très en retard par rapport à l’Italie »

Loup Viallet, rédacteur en chef de Contrepoints – Le projet de ligne ferroviaire transalpine Lyon-Turin a été lancé il y a plus de 30 ans. Pourquoi n’a-t-il pas encore vu le jour ? Où en est-on de l’avancée des chantiers ? 

Stéphane Guggino, délégué général de la Transalpine – Ces retards ne sont pas propres au Lyon-Turin. À l’échelle européenne, la construction des grandes infrastructures de transport affichent en moyenne 15 ans de retard. Nous sommes un peu en dessous. Il faut réaliser que c’est un projet d’une grande complexité sur les plans technique d’abord, mais aussi juridique, financier, politique et diplomatique. La particularité du Lyon-Turin est d’être un projet binational. Les procédures juridiques et financières sont différentes entre les deux pays. Et puis au gré des alternances politiques des deux côtés des Alpes, des dissymétries se créent dans la dynamique globale du projet. Quand la France accélère, l’Italie ralentit, et inversement. Les priorités nationales peuvent évoluer épisodiquement.

À cette complexité s’ajoute le fait que l’Europe intervient massivement dans la mise en œuvre du projet, à travers notamment ses financements. Cela fait un étage de plus dans un processus décisionnel qui, dans chaque pays, va des plus hautes autorités de l’État jusqu’aux élus locaux, en passant par l’enchevêtrement peu lisible des administrations qui ont trop souvent une lecture franco-française du projet alors que c’est un programme éminemment européen.

Il y a quelques mois, un Conseil d’orientation a produit un rapport pour éclairer le gouvernement sur la programmation des investissements dans le domaine des transports. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, les analyses concernant le Lyon-Turin s’arrêtaient nette à la frontière franco-italienne, sans se soucier du projet différent développé par nos voisins de leur côté. Or, le Lyon-Turin est un programme conçu comme un ensemble composé de sections interdépendantes les unes des autres. Cela exige nécessairement une approche globale et cohérente.

Contrairement à l’époque des grands projets d’avenir structurants, certaines administrations d’État sont rétives aux grands investissements de long terme dans un contexte où l’on recherche des rentabilités rapides. Or, les projets ferroviaires sont très longs à mettre en œuvre et leur rentabilité socio-économique s’inscrit fatalement dans la durée.

Pour autant, il ne faut pas non plus noircir le tableau. Sur le terrain, les choses avancent, en particulier en ce qui concerne le tunnel de 57,5 km sous les Alpes en cours de creusement. Ce tunnel est la clé de voute du programme Lyon-Turin. Sa réalisation orchestrée par le maître d’ouvrage public TELT est désormais irréversible et la montée en puissance du chantier est spectaculaire. 100 % des contrats de génie civil ont été attribués. 22 % du projet global ont été réalisés. 34 km de galeries ont été creusées, dont 13 km du tunnel définitif. Plus de 2500 salariés sont déjà mobilisés sur le chantier en Savoie. Les sept tunneliers vont arriver progressivement à partir de 2024, et le rythme va sérieusement s’accélérer. L’ouvrage devrait être livré en 2032. Ce qui nous préoccupe davantage aujourd’hui, c’est l’aménagement des indispensables voies d’accès au tunnel. En France, nous sommes très en retard par rapport à l’Italie.

Forage du tunnel de la Transalpine. Crédits @ValentinCitton

« Le principal axe ferroviaire qui relie deux des plus grands pays d’Europe date du XIXe siècle »

Quel impact aura le lancement de la Transalpine sur les échanges économiques entre la France et l’Italie ?

Les enjeux économiques attendus dépassent la France et l’Italie pour s’inscrire dans une véritable vision européenne. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a fait depuis longtemps du Lyon-Turin une priorité stratégique. Avec ce grand programme structurant reliant la péninsule ibérique et l’Europe centrale, il s’agit de rééquilibrer l’économie de l’espace européen au profit de l’Europe du Sud. Le Lyon-Turin doit un peu jouer pour l’Europe du Sud le même rôle qu’a joué le tunnel sous la Manche pour l’Europe du Nord.

La France et l’Italie seront naturellement les premières concernées par ces retombées économiques. En 2022, la valeur des échanges entre les deux pays s’est élevée à 132 milliards d’euros. La France et l’Italie sont respectivement le second partenaire commercial de l’autre. Ils représentent près de 30 % des habitants et 30 % du PIB de l’UE. Or, le principal axe ferroviaire fret et voyageurs qui relie deux des plus grands pays d’Europe date du XIXe siècle.

Avec cette nouvelle liaison moderne, il s’agit donc de replacer cet axe au cœur de flux créateurs de valeurs. Pour les voyageurs, la réduction des temps de trajet favorisera les échanges culturels, universitaires, touristiques…

Ce qui est valable pour les voyageurs l’est encore plus pour les marchandises. Mais avec l’objectif impérieux de réconcilier l’économie et l’écologie. Aujourd’hui, la quasi-totalité des marchandises entre la France et l’Italie sont transportées par poids lourds. En proposant aux entreprises un mode de transport de masse décarboné, rapide et fiable sur un axe européen stratégique, l’enjeu est de faire évoluer la chaine logistique vers un modèle plus efficace et plus respectueux de l’environnement.

 

« Localement, les électorats de LFI et d’EELV sont majoritairement favorables à la Transalpine »

La Transalpine est régulièrement présentée comme un projet controversé, pourtant un sondage IFOP révélait l’année dernière une large adhésion des habitants des départements de la région Auvergne Rhône-Alpes concernés par le projet (81 % des sondés étaient favorables au projet). Comment expliquez-vous ce décalage ?

Oui, c’est assez curieux. Le Lyon-Turin est le fruit de trois traités internationaux ratifiés à chaque fois à une large majorité au Parlement. Depuis François Mitterrand, tous les présidents de la République, quelle que soit leur couleur politique, ont soutenu sans ambiguïté le projet. La quasi-unanimité de collectivités locales concernées par le projet le soutiennent également. Même écho du côté des syndicats de salariés et des organisations patronales.

Le sondage régional réalisé par l’IFOP pour la Transalpine en juin dernier est à cet égard assez illustrant. L’adhésion des populations au Lyon-Turin est non seulement très forte mais relativement homogène par tranche d’âge, par CSP et par sensibilité politique, y compris dans les électorats LFI et EELV qui sont les deux seuls partis à s’y opposer. Contrairement aux cadres de ces partis, leurs électorats sont favorables au projet à plus de 80 %. Sur ce sujet comme sur d’autres, ces résultats démontrent un net décalage entre les sympathisants et les élites partidaires.

Pour autant, aussi minoritaires qu’ils soient, les opposants au Lyon-Turin sont bruyants et attirent l’attention des médias qui reprennent en boucle l’idée du « projet contesté ». Aucun projet ne fait l’unanimité.

Manifestation des Soulèvements de la Terre contre le projet Lyon-Turin, juin 2023 Crédits : SG

« Depuis que les Insoumis sont entrés en force à l’Assemblée nationale en 2022, l’opposition au Lyon-Turin s’est nettement radicalisée »

Du côté français, un certain nombre d’associations et de mouvements radicaux (Attac, les Soulèvements de la Terre, Sud Rail, Non au Lyon Turin…) se mobilisent pour bloquer l’avancement de la transalpine. Quel impact ont leurs actions ? Celles-ci se sont-elles intensifiées récemment ? Sont-elles plus violentes en France ? En Italie ? Quels partis et personnalités politiques se font les relais de ces activistes ? 

Il faut bien comprendre que l’opposition au projet est née en Italie, au début des années 2010. Le Mouvement 5 Étoiles, créé par l’humoriste Beppe Grillo, en a fait un étendard et s’est fortement appuyé sur cette contestation locale pour progresser au niveau national. Dans une logique « antisystème », certains diraient populiste, cette opposition s’est cristallisée en partie sur les grands projets d’infrastructure. Par son ampleur, le Lyon-Turin était donc un bon sujet de mobilisation.

Dans les cortèges, ont trouvait des écologistes sincères, des public animés par le syndrome NIMBY et aussi beaucoup de mouvements de la gauche radicale, avec même certains éléments issus des Brigades rouges. Les premiers affrontements avec les forces de l’ordre sur le chantier ont été très violents. Mais au fil du temps, le mouvement s’est essoufflé. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins nombreux, mais ils se sont radicalisés. Régulièrement, des petits groupes encagoulés attaquent le chantier, protégé en permanence par des policiers et l’armée, avec des pierres et des feux d’artifice.

Les activistes recrutent principalement dans les milieux anarchistes de Turin et de Milan en jouant de la rhétorique de l’intersectionnalité des luttes. Il y a quelques semaines, un rassemblement près du chantier a vu débarquer des éco-féministes, des activistes LGBT et des militants de la cause palestinienne dont on peine à comprendre le lien avec le Lyon-Turin.

En France, l’opposition a commencé à éclore au début des années 2010 mais de manière plus pacifique et confidentielle. Face à la mobilisation des Italiens, les écologistes n’ont pas voulu être en reste. Après avoir soutenu et porté le projet pendant plus de 20 ans, les écologistes ont fait un virage à 180 degrés en 2012. Du jour au lendemain, le Lyon-Turin est passé du statut de projet essentiel à celui de projet dévastateur de l’environnement. Les théoriciens de cette opposition se comptaient pourtant sur les doigts d’une main. Mais ils sont petit à petit parvenus à essaimer leurs arguments dans les réseaux écologistes et de la gauche radicale.

Ce virage a été initié localement par une nouvelle génération de cadres écologistes annonciateurs des mouvements d’activistes plus radicaux que l’on connaît aujourd’hui. En juin dernier, il y a eu une manifestation des Soulèvements de la Terre. De l’aveu même des organisateurs, ils ne connaissaient pas le dossier. Mais au même titre que le nucléaire, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou plus récemment les bassines de Sainte-Soline, le Lyon-Turin est devenu un totem qui mobilise une base d’activistes radicaux. Avant le départ du cortège des Soulèvement de la Terre, les participants ont scandé « Nous sommes tous antifascistes ». Là encore, difficile de comprendre le lien avec le Lyon-Turin. Toujours est-il que cette manifestation, émaillée de violences, était officiellement soutenue par les élus Verts de la région dont beaucoup étaient présents sur place aux côtés de la France Insoumise. Depuis que les Insoumis sont entrés en force à l’Assemblée nationale en 2022, l’opposition sur le Lyon-Turin s’est nettement radicalisée. Jean-Luc Mélenchon lui-même évoque régulièrement le sujet dans ses meetings et interviews.

Certains activistes locaux cherchent à importer en France les éléments radicaux italiens, pour l’instant en vain. Cet été, pour la première fois, deux engins de chantier ont été incendiés. Mais pour l’heure, l’opposition en France reste marginale et non violente, même si on observe des signes de structuration.

Manifestation des activistes italiens de No Tav contre le projet Lyon-Turin, juin 2023 Crédits : SG

 

 

« Ces 15 dernières années, trois grands tunnels alpins identiques au Lyon-Turin ont été inaugurés en Suisse »

Dans un reportage publié en avril 2023, le think tank « citoyen » Mr Mondialisation qualifiait la transalpine de « TGV écocidaire » et d’« aberration écologique et sociale ». Il se trouve qu’en novembre dernier le crime d’écocide a été ajouté à la liste des infractions pénales de l’UE. Les travaux liés aux forages des tunnels sont-ils réellement assimilables à un crime contre l’environnement, à la destruction complète d’un écosystème ? 

Il faut être clair, un chantier de cette envergure a forcément des impacts sur l’environnement. Mais il faut évidemment en mesurer les bénéfices sur le long terme. De ce point de vue, toutes les études démontrent que l’équilibre coûts-bénéfices sera positif. Les effets sur la nature et sur la biodiversité sont très surveillés et relativement limités, puisqu’il s’agit de construire un tunnel sous la montagne. Les Suisses, qu’on peut difficilement accuser de mépriser l’environnement, ont inauguré ces 15 dernières années trois grands tunnels alpins identiques au Lyon-Turin. Leurs performances en matière de report modal de la route vers le rail sont exceptionnelles. Les écolos suisses y étaient au départ opposés, mais aujourd’hui ils en sont très fiers.

En vérité, le discours écologiste des opposants semble n’arriver qu’au second rang. Pendant la manifestation des Soulèvement de la Terre, la plupart des participants interrogés par les médias étaient incapables d’avoir une argumentation structurée au-delà de quelques poncifs. Le vrai sujet semble être politique. C’est celui de la décroissance et de la lutte contre le capitalisme. Une myriade de mouvements plus ou moins importants s’agrègent autour de cette vision du monde : Sud Rail, Les Amis de la Terre, Extinction Rébellion, Attac… Pour eux, le Lyon-Turin va favoriser les échanges commerciaux en Europe. Et il est trop tard pour attendre les bénéfices du Lyon-Turin qui arriveront dans plusieurs années, bien après le grand effondrement qu’ils prédisent à court terme. Les termes les plus anxiogènes de la novlangue des activistes du climat sont abondamment utilisés. Par exemple, on ne parle plus de « sabotage » mais de « désarmement » des chantiers.

Il est normal que cette opposition s’exprime en démocratie. Ce qui est plus contestable, c’est de désinformer l’opinion en niant l’expertise des scientifiques et de tous les professionnels du rail qui sont unanimes sur l’utilité du Lyon-Turin. D’ailleurs, il est frappant de constater que les opposants ne comptent dans leurs rangs aucun expert du sujet. Leur dernière trouvaille consternante est d’affirmer que le tunnel du Lyon-Turin va « vider l’eau des Alpes qui tombe dans le trou qu’on creuse ».

Ce qui est encore plus inquiétant, c’est la perméabilité grandissante de ces mouvements à des discours radicaux comme celui du sociologue suédois Andreas Malm, devenu une véritable référence dans ces milieux. Selon lui, les manifestations pacifiques ont montré leur inefficacité. L’urgence climatique légitime donc les actes de désobéissance civile, voire de violence et de sabotages. Entendre des élus de la République valoriser ce type de discours, par ailleurs rejeté par une immense majorité de l’opinion, est quand même très inquiétant.

 

« 92 % des marchandises échangées entre la France et l’Italie transitent par la route et 8 % par le rail »

Le rail est le mode de transport dont l’empreinte carbone est la plus légère. Il ne contribue qu’à 1,2 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports au niveau mondial, alors que le transport routier représente trois quarts des émissions de GES. Selon l’Agence International de l’Énergie « Doubler le transport ferroviaire équivaudrait à supprimer 20 000 poids lourds sur le réseau routier, pour une économie de 450 000 tonnes de CO2 chaque année. ». Combien de tonnes de CO2 pourraient être économisées par la Transalpine, dès la première année de sa mise en service ? 

Le train est non seulement le mode de transport terrestre le moins émetteur de gaz à effet de serre (neuf fois moins que le transport routier), mais il est aussi celui qui génère le moins de pollution aux particules fines. Il est en outre le moyen de transport le plus sobre en énergie, ce qui sera l’une des grandes problématiques des années à venir.

Le Lyon-Turin est une ligne mixte. Il transportera des passagers, mais 80 % de la ligne sera dédiée au fret ferroviaire. 47 millions de tonnes de marchandises franchissent chaque année la frontière entre la France et l’Italie. Seulement 8 % sont transportés par le rail sur une ligne obsolète héritée de Napoléon III, et 92 % par la route.

Cela représente trois millions de poids lourds par an, la moitié par les Alpes du nord et l’autre moitié par la côte méditerranéenne. Avec de bonnes mesures d’accompagnement, l’objectif est de basculer dans un premier temps un million de camions sur le rail et d’éviter le rejet de plus d’un million de tonnes de CO2 par an. Le bénéfice en CO2 devrait être atteint environ 15 ans après la mise en service de la ligne. Cela peut paraître long, mais à l’échelle d’une infrastructure dont l’utilisation sera de plus d’un siècle, c’est avant tout une manière de préparer l’avenir.

 

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Taxation des sociétés d’autoroutes, attention au retour de bâton

Un article de l’IREF.

L’article 15 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit l’instauration d’une nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFIT) de France.

Cette taxe vise les exploitants qui affichent une rentabilité supérieure à 10 %, et son montant est déterminé par l’application d’un taux de 4,6 % aux revenus d’exploitation qui excèdent 120 millions d’euros. Le produit annuel prévisionnel de la taxe serait de 600 millions d’euros, réparti entre les sociétés concessionnaires d’autoroutes (pour environ 450 millions d’euros) et les principaux aéroports (pour environ 150 millions d’euros).

L’objectif affiché ? Participer au financement de la transition écologique du secteur des transports. Initialement, seules les sociétés d’autoroutes devaient être mises à contribution. Mais l’État avait alors oublié que la création d’une taxation spécifique aux sociétés autoroutières l’obligerait à compenser les conséquences financières, au titre de la clause de stabilité fiscale prévue par les contrats de concessions autoroutières. Pour éviter d’être soumis à cette obligation, les aéroports ont, dans un second temps, été placés dans le champ d’application de la taxe.

Cela sera-t-il suffisant pour éviter une longue et coûteuse procédure contentieuse avec, à la clef, une issue défavorable à l’État, c’est-à-dire aux contribuables ?

Rien n’est moins sûr. Dans un avis rendu le 8 juin 2023, le Conseil d’État a en effet précisé :

« Toute nouvelle contribution qui, sans viser explicitement les sociétés concessionnaires d’autoroutes, aurait pour effet pratique, compte tenu de ses modalités, de peser exclusivement ou quasi exclusivement sur elles pourrait […] ouvrir à ces sociétés un droit à compensation ».

Au regard des intentions initiales du gouvernement, il n’est pas exclu que la juridiction administrative considère que cet « effet pratique » est ici caractérisé. De son côté, le juge constitutionnel estime que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. Or, d’après l’avis rendu par le Conseil d’État, les différents motifs invoqués par le gouvernement ne permettraient pas d’éviter une censure par le Conseil constitutionnel…

 

La hausse des tarifs dans les ports (Le Havre et Marseille) et aéroports (ADP notamment) visés par cette taxe aura pour effet de les rendre moins compétitifs

Si cette compensation financière venait à être obtenue des juridictions saisies, elle se traduirait sans doute par une autorisation donnée aux concessionnaires  de répercuter cette taxe nouvelle dans les tarifs des péages, pénalisant ainsi les usagers du réseau autoroutier.

De la même manière, la hausse des tarifs dans les ports (Le Havre et Marseille) et aéroports (ADP notamment) visés par cette taxe aura pour effet de les rendre moins compétitifs, en un mot de les affaiblir.

Cédant à un réflexe taxateur, les décideurs publics semblent de surcroît oublier que, concomitamment aux investissements publics, la transition écologique du secteur des transports appelle des investissements privés qu’un cadre juridique instable et peu prévisible n’est pas de nature à favoriser…

Sur le web.

Le retour des trains de nuit se fait-il sur de bons rails ?

Les auteurs : Guillaume Carrouet est Maître de conférences en Géographie à l’Université de Perpignan. Christophe Mimeur est Maître de conférences en Géographie à Cergy Paris Université.

 

Début 2016, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, annonçait la suppression progressive de la plupart des liaisons ferroviaires de nuit. La principale raison invoquée était l’absence de rentabilité. Sur fond de préoccupations environnementales, une dynamique inverse a depuis été enclenchée par les pouvoirs publics : le Paris-Nice revenait sur les rails le 21 mai 2021, le Paris-Tarbes-Lourdes le 12 décembre, et c’est le tour du Paris-Aurillac ce 10 décembre 2023.

Ils ont rejoint les Paris-Gap-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol/Cerbère qui subsistaient encore tant bien que mal. Une dizaine d’ouvertures de lignes est promise d’ici 2030. Il s’agit essentiellement de lignes radiales depuis Paris, le schéma différant finalement assez peu de celui qui avait cessé d’exister en 2016.

Après un retour très médiatisé, les premiers bilans de la relance semblent positifs malgré des dysfonctionnements réguliers. Le train de nuit reste cependant encore menacé par des contraintes économiques et organisationnelles, tandis que l’État et la SNCF peinent à concevoir un véritable réseau aux échelles nationale et européenne. C’est ce que nous avons exploré dans nos recherches, nourries d’entretiens avec divers acteurs et de consultations d’archives.

 

Un saut de nuit

Il faut tout d’abord insister sur la particularité du train de nuit : il s’agit de trajets longs, sans desserte pendant toute une plage horaire que l’on nomme le « saut de nuit », puis avec de nombreux arrêts en fin de parcours. Le Paris-Briançon, par exemple, ne marque aucun arrêt entre son départ de Paris Austerlitz à 20 h 51 et Crest dans la Drôme à 4 h 45. Huit gares sont ensuite desservies avant d’atteindre le terminus à 8 h 26. À vol d’oiseau, Crest et Briançon sont distantes de 130 kilomètres.

Cela place d’emblée le train de nuit dans une forme d’ambiguïté. Est-ce un service dont la gestion doit se faire à l’échelle nationale du fait de la grande distance parcourue, ou bien doit-elle revenir aux régions en raison du maillage de desserte dans un territoire en particulier ? Avant l’arrêt du service, la SNCF semble ainsi, à plusieurs reprises, avoir suggéré des suppressions de lignes avec dans l’idée que les annonces pousseraient pour un transfert de compétences aux régions ou à l’État.

Entre 1951 et 1980, les trains de nuit empruntaient près de 15 000 kilomètres de lignes, s’arrêtant dans 256 gares. Avec cet effet « saut de nuit », la réduction du service entre 1981 et 2007 tient davantage de la réduction des dessertes que du kilométrage de voies parcourues (400 km de moins seulement). C’est après 2007 que la rupture semble prononcée à leur sujet.

 

Victime d’un manque d’investissement

La quasi-disparition annoncée en 2016 tenait ainsi à un faisceau de facteurs aux origines bien différentes.

En premier lieu intervient le fait que le train de nuit comporte des coûts d’exploitation plus importants que ceux du TER ou du TGV. Compte tenu des horaires du voyage, ce service requiert en effet plusieurs équipes d’agents et de conducteurs, et parfois plusieurs locomotives pour un même trajet, des diesels relayant des électriques selon la nature du réseau, ou bien quand le parcours se divise en plusieurs branches. De plus, les voitures ne servent qu’une seule fois par jour quand le matériel TER, TGV et Intercités peut effectuer plusieurs trajets quotidiennement.

Un rapport public de 2015 intitulé « Trains d’équilibre du territoire : agir pour l’avenir » jugeant le modèle « à bout de souffle », recommande ainsi à l’État de maintenir seulement deux lignes (Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse-Latour de Carol) au nom de l’aménagement du territoire.

Le train de nuit a également été la première victime du manque d’investissement pendant plusieurs décennies dans l’entretien du réseau ferré national. Rattraper le retard implique des travaux qui s’effectuent essentiellement la nuit. Le matériel roulant ne semble d’ailleurs pas avoir reçu davantage d’attention : la plupart des wagons avait plus de 40 ans au moment où le service prenait fin. Le rôle de l’État reste loin d’être neutre. Un manque de stratégies et de moyens sur ce segment de service explique en grande partie son déclin.

Il faut aussi souligner l’importance de la concurrence : la grande vitesse ferroviaire matérialisée par le TGV et le nécessaire raccourcissement des distances-temps ont pris des parts de marché au service de nuit, de même que, dans une certaine mesure, les dessertes aériennes métropolitaines, les cars dits Macron ou le covoiturage. La SNCF a ainsi manifesté à maintes reprises son désintérêt pour ce service jugé peu rentable. Préférant se concentrer sur la desserte de territoire à haut potentiel, elle a laissé quelque peu sur la touche un service desservant principalement des territoires composés de villes petites et moyennes.

 

Une relance contrariée

Pourtant quasi enterré, ce service va renaître grâce à la concordance de trois catégories de facteurs, qui ont trait à l’environnement, à l’affection pour le train de nuit et à l’aménagement du territoire, utilisés à tour de rôle par l’État et l’exploitant.

L’un des socles de la relance tient sans nul doute à la promotion du train de nuit comme solution pour décarboner les transports de moyenne et longue distance. Pour mémoire, en France, le secteur des transports est responsable de près de 29 % des émissions de gaz à effet de serre. Les préoccupations environnementales se déploient dans les discours et actions d’association, dont le leitmotiv est le développement du train de nuit, associations qui mettent en avant un rapport original à la vitesse. Au moment où beaucoup de wagons rejoignaient les voies de garage en 2016, le collectif « Oui au train de nuit » défend ainsi :

« Le train de nuit, c’est Paris à une heure de Perpignan : une demi-heure pour s’endormir, une demi-heure pour se réveiller ! »

Ces inquiétudes accrues s’incarnent dans certains segments de la politique environnementale française. La loi Climat-résilience de 2021, elle-même issue de propositions de la convention citoyenne, instaure par exemple la réduction des vols intérieurs inférieurs à 2 h 30, même si les effets en sont limités.

Le caractère affectif du produit train de nuit se vérifie, lui, dans sa présence dans la culture populaire. Cadre de l’action du Crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie, du roman plus récent Paris-Briançon publié en 2022 par Philippe Besson, ou encore de la publicité Chanel avec Audrey Tautou sur le même trajet, c’est aussi sur cette dimension sentimentale que joue la communication de la SNCF :

« Au petit matin (8 h 35), le contraste est assuré à Briançon : on passe de la grande ville à l’air pur de la montagne, niché entre cinq vallées des Hautes-Alpes. »

Enfin, en réponse à un rapport de la Cour des comptes en défaveur du train de nuit, l’État semble désormais assumer l’argumentaire faisant du train de nuit un outil d’aménagement du territoire. Dans son revirement de politique, il puise son inspiration dans l’expérience autrichienne Nightjet, portée par l’exploitant ÖBB dont le réseau s’est développé bien au-delà des frontières de l’Autriche. Il lance d’ailleurs ce 11 décembre ses trains entre Paris et Berlin via Strasbourg, s’ajoutant, en ce qui concerne la France, aux trois aller-retours hebdomadaires pour Vienne, capitale de l’Autriche.

Les régions, pourtant incontournables étant donné les spécificités du modèle, sont néanmoins restées le plus souvent attentistes dans la relance du service, à l’exception de la région Occitanie qui s’est positionnée tôt en fer de lance.

Le succès à long terme de la relance du train de nuit tient encore à trois facteurs. Vient tout d’abord la constitution d’un réseau européen qui se heurte à la concurrence de nouveaux services de longues distances low cost. La qualité du réseau intervient ensuite : l’État et SNCF Réseau se sont certes engagés dans des travaux de grande ampleur, mais ils restent souvent insuffisants et trop lents. Enfin, la qualité de service sera décisive : dans un contexte de pénurie de wagons, la rénovation du matériel existant ne suffit pas pour pallier les délais de livraison de voitures neuves.

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Plaidoyer pour une décentralisation du quotidien : le cas de la Promenade des Anglais

La Promenade des Anglais à Nice est l’une des avenues les plus célèbres au monde, une des promenades les plus fréquentées par les touristes, mais également l’avenue la plus empruntée par les poids lourds de toute la Métropole (jusqu’à 1800 par jour d’après la mairie). En février dernier, un convoi exceptionnel immobilisé sur la Promenade avait totalement bloqué la circulation pendant plus de douze heures. Imagine-t-on l’avenue Montaigne à Paris sous l’assaut incessant de ces mastodontes de la route ? Les impératifs touristiques auraient rapidement amené les autorités publiques à trouver des voies de délestage et à soulager les riverains des nuisances.

Mais les Parisiens ont la chance d’avoir le gouvernement à portée d’engueulade, pas les Niçois. Car ce n’est pas le manque de volontarisme de la ville de Nice qui est en cause, elle a décidé de n’autoriser que les poids lourds Crit’air 1 et 2, mais l’opposition, ou l’indifférence, du ministère des Transports à déclasser la Promenade de la catégorie « route à grande circulation », qui d’après le Code des transports, « quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d’assurer la continuité des itinéraires principaux ». Nous comprenons bien ici l’opposition des intérêts entre d’une part les riverains niçois mobilisés sur le sujet qui aimeraient préserver leur quotidien de ces nuisances, et l’État qui doit garantir un niveau d’infrastructures satisfaisant pour les besoins de l’activité économique nationale. Pourtant, il est totalement aberrant que ce qui relève d’une particularité hyper locale relève directement du ministre des Transports, occupé par des sujets d’enjeux nationaux par ailleurs.

Le débat local, source de compromis

Voici l’enjeu majeur de la décentralisation : rapprocher le citoyen des décisions qui touchent son quotidien, et elles sont nombreuses, ou plutôt rapprocher le décideur du citoyen, le mettre à portée d’engueulade, pour que le plus grand nombre de citoyens en France bénéficie d’une gestion collective qui corresponde à ses aspirations.

En l’occurrence, les Niçois sont fondés à ne pas être les victimes des externalités négatives du commerce transfrontalier. De plus, en s’éloignant des grands débats idéologiques qui divisent et radicalisent la société, le débat local est une source de compromis. La décentralisation, ce n’est pas l’indépendance, mais c’est tout au moins une forme de liberté des collectivités. Or, cette liberté des collectivités n’existe pas en France en dépit des prétendues lois décentralisatrices.

En premier lieu parce qu’aucune matière n’appartient entièrement aux collectivités territoriales à qui l’État s’est contenté de donner des compétences résiduelles qu’il ne voulait plus voir apparaître à son budget (comme le RSA). Mais surtout parce que les collectivités ne disposent d’aucune ressource fiscale en propre, ce qui réduit d’autant plus leur capacité à prendre des mesures adaptées à leur territoire et la lisibilité des enjeux budgétaires locaux pour le citoyen.

La solution ne réside pas seulement dans une répartition plus claire des compétences.

Les communes, dont les maires ont la confiance des citoyens, devraient être en mesure d’agir en toutes matières, sauf domaine régalien, dès lors qu’elles estiment qu’elles sont plus à même de le faire. Il s’agirait alors d’élargir la clause de compétence générale qui exclut les compétences exclusives des autres échelons (dont l’État) mais qui seraient alors recevable à saisir la justice administrative si elles jugent que la décision locale porte atteinte à l’ordre public ou à un intérêt supérieur.

Ainsi, pour protéger leurs décisions, les communes seraient encouragées à prendre en compte les enjeux qui dépassent leur commune et à trouver des compromis.

Pour revenir à la Promenade des Anglais, la Ville de Nice pourrait alors librement réguler le passage de poids lourds de passage sur la promenade, y compris les convois exceptionnels. Si l’État estimait que la mesure est disproportionnée au regard du but poursuivi, et qu’un intérêt national se voit remis en cause, il pourrait saisir la justice administrative.

Cette proposition est radicale, mais c’est ce dont les Français sont en mal, et qu’ils confondent trop souvent avec le populisme. Pour recréer de l’appétence pour le consensus, revitalisons la démocratie locale !

Quand l’État s’immisce dans l’e-sport français au nom de la parité

C’est en Corée du Sud qu’a lieu, en ce moment même, un des plus grands évènements e-sportifs du monde : les Worlds (championnats du monde) de League of Legends, un jeu vidéo en ligne par équipe. Si cela peut encore prêter à sourire ceux qui voient dans les jeux vidéos un simple divertissement pour enfants ou « adulescents » enfermés dans leurs chambres et en manque de vie sociale, l’e-sport est pourtant, depuis quelques années, en pleine expansion, en témoignent les stades remplis pour regarder 10 joueurs s’affronter pour la victoire finale.

Ce nouveau secteur en croissance n’a pas manqué de déclencher l’obsession réglementaire française. En effet, que pourraient faire les acteurs de l’e-sport sans le soutien des politiques et de l’administration ?

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, invité de la Paris Games Week (un salon annuel consacré aux jeux vidéos), après avoir reconnu que « le secteur du jeu vidéo est une vraie force économique » pour la France, a fait part de sa volonté d’intervenir, de « faire bouger les lignes » sur la question de la parité homme-femme dans le monde e-sportif.

Il y a autant de femmes que d’hommes qui jouent aux jeux vidéo en France. Par contre dans l’esport au niveau amateur et au niveau professionnel, l’égalité femmes-hommes est inexistante. Avec @jnbarrot et le secteur, nous sommes mobilisés pour faire bouger les lignes. #PGW

— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) November 1, 2023

Une activité principalement masculine

Il est vrai qu’historiquement, jouer aux jeux vidéos a été une activité principalement pratiquée par des hommes. Les raisons d’une telle disparité sont multiples, mélangeant certainement des facteurs d’ordres sociaux à des facteurs dits innés et ayant trait aux différences entre les sexes.

C’est par la déconstruction de l’idée selon laquelle les jeux vidéos seraient une « activité d’homme », et donc par la fin du stigmate touchant les joueuses, dont l’expérience dans des milieux exclusivement masculins pouvaient parfois être désagréable, que l’augmentation du nombre de joueuses a été rendu possible. Cependant, cela ne signifie pas pour autant qu’en l’absence de facteurs sociaux, il y aurait nécessairement autant de joueuses que de joueurs.

Ainsi, si les idées reçues ont la vie dure, et qu’il reste encore des progrès à réaliser quant à l’évolution des mentalités dans le monde des jeux vidéos, il serait faux et malhonnête d’affirmer qu’une femme, si elle le souhaite, ne peut jouer aux jeux vidéos ou atteindre le niveau professionnel en 2023.

Mais alors, pourrait-on nous répondre, comment expliquer l’évidente disparité statistique que l’association Women in Games France ne manque pas de souligner : si 47 % des joueurs sont des femmes, seuls 6 % des joueurs pros sont des joueuses pros. Ici encore nous dirait-on, l’égalité en droit ne s’accompagne pas d’une égalité des résultats.

Comment l’expliquer ?

D’abord, l’étude d’où l’association tire ses chiffres prend en compte l’intégralité des jeux vidéos sur toutes les plateformes (ordinateur, consoles, téléphones portables…). Or, les jeux compétitifs sont une infime partie de ces derniers. Sur League Of Legends par exemple (peut-être le plus gros jeu compétitif depuis quelques années), il y aurait entre 10 % et 15 % de femmes seulement. En réalité donc, sur les jeux qui nous intéressent ici, la disparité statistique est beaucoup moins forte que ce qui est annoncé ci-dessus.

Cela ne signifie pas pour autant que le poids des représentations, le fait que ce soit un milieu fondamentalement masculin, l’absence de modèle féminin, etc. ne sont pas des causes signifiantes, mais elles n’épuisent pas l’explication de cette disparité.

 

Et si la parité totale n’était pas un idéal ?

Quelles que soient les explications, ne faudrait-il pas questionner l’objectif politique de la parité totale ?

Si en France, l’égalitarisme ambiant interdit de poser cette question sans prendre le risque d’être classé dans le camp du politiquement incorrect, il reste que dans une perspective individualiste et universaliste, seules comptent l’égalité des droits et la responsabilité individuelle. L’idéal ne devrait-il pas être qu’une femme possédant la volonté et les compétences suffisantes pour être joueuse professionnelle puisse effectivement le devenir ? Dis autrement, ne devrait-on pas défendre un paradigme individualiste où la priorité serait de laisser les individus libres de poursuivre leurs intérêts propres sans que l’État ne pose de jugement sur la légitimité et les origines des buts poursuivis ?

En ce sens, est-ce si grave de laisser un individu librement se conformer à ses déterminations sociales ? Il est peut-être caricatural pour une femme de souhaiter faire un métier du care, mais si telle est son choix, ne serait-il pas injuste d’interférer au nom d’une émancipation qu’on lui imposerait ?

Aussi, on ne peut mettre sur le même plan une détermination sociale qui oriente l’individu mais lui fait adhérer à ses choix de vie, et une détermination qui le contraint (que cette contrainte agisse physiquement, psychologiquement ou par le truchement de la loi) à un choix qu’il n’a pas fait, auquel il n’adhère pas.

L’intervention de l’État dans la correction des déterminations sociales, par le biais par exemple de l’Affirmative Action (discrimination positive), ne fait-elle pas que remplacer une subjectivité par une autre ? En effet, si la norme sociale selon laquelle les femmes n’aiment pas les jeux vidéos était arbitraire et historiquement située, la nouvelle norme sociale selon laquelle elles devraient aimer les jeux vidéos autant que les hommes ne l’est-elle pas tout autant ? Dans le monde idéal de ceux qui veulent la parité, qui nous dit que les joueuses professionnelles ne seraient pas tout autant déterminées par le discours égalitariste leur imposant de se conformer socialement à cette déconstruction genrée ?

Et au fond, est-il vraiment important qu’il y ait autant d’hommes que de femmes dans le monde des jeux-vidéos et de l’e-Sport ? Ceux qui prônent cette parité sont souvent les mêmes qui font l’éloge (à raison) de la diversité. Seulement, il faudrait être cohérent et aller au bout de la logique : un monde où règne la diversité est un monde d’inégalités, et à l’inverse, un monde tout à fait égalitaire est un monde sans différences où l’individu n’existe pas, puisqu’il ressemblerait en tout point à son voisin.

 

Légiférer intelligemment, et légiférer peu…

Il peut être intéressant de s’interroger sur les raisons qui font que si peu de femmes atteignent le niveau professionnel. Mais il ne revient pas à l’État de corriger cela. Son rôle doit être de protéger la sphère des droits individuels afin de permettre à un homme ou à une femme de poursuivre sa vie comme il ou elle l’entend, au prix d’éventuelles inégalités statistiques à l’arrivée.

Le choix des individus doit toujours primer sur les velléités d’ingénierie sociale des pouvoirs politiques qui se persuadent qu’une parité statistique est forcément vertueuse. Le monde des jeux vidéos n’a pas attendu l’État pour s’ouvrir à un public féminin. Les changements de mentalités doivent bien plus aux associations, à l’art, aux productions scientifiques et littéraires, aux actions de certains militants politiques, bref, à la société civile, qu’à la loi.

Monsieur le ministre, si vous voulez rendre service au secteur de l’e-sport, légiférez intelligemment, par exemple en réduisant le poids de la fiscalité qui pèse sur les acteurs nationaux et empêche leur développement dans un environnement ultra-compétitif, mais surtout, légiférez peu.

L’islam en Arabie : révolution mentale par le football ? 

Ce qui se passe aujourd’hui sur le plan sportif en Arabie, en général, et en Arabie Saoudite, plus particulièrement, doit retenir l’attention. Il est gros d’importants changements sociopolitiques futurs, même si leurs manifestations se limitent pour l’instant au plan sportif.

C’est que les transformations radicales sont comme la lave d’un volcan qui met du temps avant l’éruption spectaculaire. Longtemps, elles agissent en un silence apparent qui n’est pas moins déterminant dans les entrailles de ce qui ne serait qu’une centralité souterraine.

Certes, celle-ci semble se limiter actuellement au domaine du football, le pays entendant devenir aussi la Mecque des étoiles de ce sport grâce à ses richesses. Ce qui n’est pas propre au dit pays puisqu’on l’a déjà vu, en péninsule arabique, au moins avec le Qatar qui a réussi à organiser chez lui une historique coupe du monde de football.

 

État des lieux : en sport et en religion  

Il est vrai, l’argent ouvre pas mal de portes, sinon toutes !

Cependant, il n’ouvre pas pour l’instant celles qui devraient compter dans ces contrées manquant de l’essentiel auquel l’humain aspire de tout temps : sa dignité, qui est dans ses droits et ses libertés sans restriction. Or, nul ne contestera que la marque des riches démocraties d’Occident n’a toujours pas droit de cité dans les richissimes monarchies arabes musulmanes du golfe.

D’aucuns pourraient rétorquer que les nationaux de ces pays trouvent leur dignité grâce à leur luxueux standing de vie ; d’autres que les pauvres se satisfont généralement de la richesse spirituelle qu’incarne, en l’occurrence, une terre abritant le lieu de pèlerinage de millions de fidèles d’une foi si prégnante dans les cœurs des nombreux fidèles et convertis de l’islam.

Or, justement, il est un hiatus qui ne cesse de prendre de l’ampleur entre la perception populaire idéalisée de cette religion et sa réalité plutôt miséreuse en termes démocratiques. En effet, le commun des fidèles croit toujours en une foi d’islam selon sa conception pure d’origine, soit de religion de droits et de libertés, révélation libératrice ayant produit une civilisation universelle.

Ce faisant, ils ne font que ressasser un âge d’or évanoui que ne cesse de leur rappeler en soporifique nombre de profiteurs de l’état actuel si désolant de cette religion, notamment ses intégristes et traditionalistes, sans parler des responsables politiques de tous bords qui en usent en opium castrateur du moindre élan vers la contestation de l’ordre inique établi, national comme international.

C’est, au reste ce qui explique l’effervescence constatée dans les milieux intégristes musulmans qui font actuellement feu de tout bois en vue de défendre leur privilège menace d’autorités proclamées et honorées, quoiqu’illégitimes, dans la conception pure de la religion d’origine qui délégitime le moindre intermédiaire entre Dieu et ses créateurs.

Car ils savent que la mentalité chez les masses est en train de changer, qu’on peut désormais parler d’islam et le valoriser, mais pas en tant que religion obscurantiste, mais plutôt de foi de droits, tous les droits humains connus, et de libertés, toutes celles reconnues dans le monde civilisé, sans nulle limitation dogmatique. C’est ce que je nomme NOESI-S, Nouvel Esprit I-slamique et y travaille, comme tant d’autres, pour un islam de son temps, une foi postmoderne

À la vérité, ce qui fait le plus peur aux activistes islamistes, c’est qu’ils savent bien que leur péché originel est de vouloir, au prétexte de combattre une islamophobie, encenser une foi, mais pas celle de de l’imaginaire populaire, foi de droits et de libertés, plutôt ce qu’elle est devenue du fait des avanies de l’histoire et du vol et viol dont la foi spirituelle originelle a fait l’objet : une religion obscurantiste.

 

Un meilleur goal : la révolution mentale 

La peur des intégristes est d’autant plus grande qu’ils savent que leurs complices d’Occident sont soit des complices objectifs, leurs supposés ennemis, soit de vrais démocrates qui ne tarderont pas à prêter l’oreille à l’autre son, inaudible jusqu’ici, qui ne défend pas l’islam au nom d’un particularisme obsolète, mais de son essence véritable précitée, qui est bien celle de l’inconscient collectif des musulmans.

Or, une telle conception, au nom même de l’islam pur, les combat avec leurs propres armes ; surtout, elle met à bas tous leurs tabous, qui ne sont, en vérité que de supposés tabous, mais continuent à défigurer l’islam originel.

Ainsi ne pourra-t-on plus, par exemple, continuer à ne pas admettre l’égalité successorale entre mâle et femelle, inégalité qui n’est que le produit de la cogitation obsolète d’exégètes misogynes, ni prétendre islamique une quelconque vêture, dont notamment le voile, ni maintenir les crimes actuels contre les innocents au nom d’une homophobie inventée illégitimement en islam, ni poursuivre la désinformation sur la seule interdiction en matière d’alcool en islam, qui n’est que d’en boire sans mesure et jusqu’à l’ivresse.

D’ailleurs, sur ces deux dernières questions, on a bien noté l’hésitation des autorités qataries lors de la préparation de leur coupe du monde, ayant été même prêtes, à un certain moment, de cesser l’injuste harcèlement, au nom de l’islam, des supporters étrangers attendus sur leur sol. C’est qu’ils savaient et savent que toutes leurs interdictions supposées morales étaient de fait immorales, étant une lecture biaisée de la foi dont ils assurent s’en réclamer. Au final, s’ils se sont alignés sur l’attitude la moins libérale en la matière, ce fut grâce à la complicité de certains milieux occidentaux bien aisés avec l’état des lieux actuels de l’islam religion rétrograde.

C’est ce qui finira par changer fatalement en usant, comme précédemment précisé, par l’arme même de cette foi, se réclament de son esprit pur et de son texte d’origine, la Révélation première avant son altération par la politique politicienne.

C’est bien la gageure s’offrant à l’Arabie Saoudite d’oser y agir en tant que terre se voulant sacrée du fait de la présence de la Mecque sous sa juridiction. Il s’agit de ne point contrarier le sens de l’histoire, avoir l’intelligence de l’accélérer même dans le domaine religieux même, ainsi que le prince héritier  du royaume s’applique à la faire dans la sphère politique et même des mœurs du pays, quoique plus timidement et à échelle restreinte, se limitant encore aux étrangers.

Autrement dit, en s’appuyant sur le sport, l’engouement des foules pour le football et ses stars occidentales, les autorités saoudiennes veilleraient désormais à régler la montre de la religion officielle du pays sur l’heure des valeurs humanistes universelles comme elles le font, hors islam, dans tous les autres domaines de la vie officielle de leur pays.

En cela, l’on se gardera surtout de faire l’erreur fatale des démocrates arabes, ou supposés tels, qui le font en occidetalocentristes, crypto-islamophobes à la vérité. Ils se devront de le faire en démocrates authentiques sur la base des préceptes d’origine de la religion musulmane réhabilitée en foi libertaire, ce qui est son génie originel.

Assurément, l’Arabie Saoudite usant du fair-play sportif, en faisant du fair-pray, réussira alors son plus beau goal, accélérant la révolution mentale dont l’islam a le plus besoin et qui est en cours, mais si lentement encore.

Prise d’otage à la Coupe du monde de rugby

Face aux syndicalistes de la RATP, le ministre des Transports Clément Beaune doit prendre ses responsabilités.

La France s’apprête à recevoir bientôt la Coupe du monde de rugby. Financée essentiellement sur fonds privés, celle-ci s’annonce un succès commercial sinon sportif pour la France, bien loin de la gabegie à venir des Jeux Olympiques de Paris 2024. C’était sans compter sur les habituels trouble-fêtes : les syndicats français, cette fois-ci Force ouvrière.

En effet, Force ouvrière a récemment déposé un préavis de grève couvrant l’ensemble de la compétition. La cause ? La direction refuse d’élargir le versement de primes à tous les agents. Elle l’a en revanche accordé aux conducteurs de métro et RER pour un minimum de 330 euros. Cette prime s’ajoute à la prime de présence instaurée en octobre dernier, et qui peut atteindre 450 euros. De son côté, le ministre des Transports en appelle à « prendre ses responsabilités ».

Cependant, s’il en est un qui est irresponsable dans cette histoire, c’est bien le gouvernement.

La RATP coûte très cher aux contribuables pour des résultats très peu probants.

Alors qu’à Londres, le prix des billets couvre l’essentiel des frais de fonctionnement du réseau, en Île-de-France, 65 % sont à la charge du contribuable. À cela, il faut ajouter un régime spécial de retraite extrêmement favorable : quand certains Français manifestaient pour ne pas partir à la retraite à 64 ans, les agents RATP faisaient grève pour ne pas partir à 54 ans. Cela représente une charge supplémentaire de près de 800 millions d’euros par an pour le contribuable, soit près d’un quart de la masse salariale de la RATP.

Le retour à la normale post-covid s’est révélé un fiasco total.

L’entreprise, qui a reçu près de trois milliards d’aides du contribuable pendant la pandémie, a été incapable de se préparer au retour au travail des employés. Évidemment, aucun lien n’est fait entre le manque de personnel et un départ à la retraite anticipé de dix années, ni avec le fait que, non seulement, les salariés de la SNCF ne sont même pas aux 35 heures, mais ne travaillent pas non plus autant que ce qui est prévu par les accords d’entreprise.

Le rapport de la Cour des comptes de 2021 n’est pas le premier à pointer les graves dysfonctionnements de la RATP. Un rapport de 2011 pointait des possibles malversations au sein du comité d’entreprise sous contrôle syndical. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire, mais ensuite, silence radio.

Malgré ces graves dysfonctionnements, la RATP a été encore récemment récompensée par le gouvernement qui repousse jusqu’en 2026 le processus d’appel d’offres pour les transports en bus d’Île-de-France. On est bien loin de la responsabilité invoquée par Clément Beaune.

Un gouvernement responsable mettrait fin à la protection dont bénéficie une entreprise qui pourrit la vie des Français.

D’abord, il mettrait fin à son financement par les entreprises. La forte hausse du télétravail et le fait que les entreprises doivent payer une RATP qui empêche leurs salariés de se rendre au travail rend ce modèle caduc.

Ensuite, au lieu de repousser la très limitée ouverture à la concurrence, le gouvernement doit privatiser la RATP. Pour assurer une vraie concurrence, elle serait transformée en deux sociétés : une société de métro/tram, et une société de bus en réelle situation de concurrence. La SCNF pourrait récupérer l’exploitation des deux tronçons de RER A et B sous gestion RATP.

Les Parisiens disposeraient de réelles alternatives, et les entreprises pourraient investir et créer de l’emploi plutôt que de financer la gabegie. Les Français en auraient enfin pour leur argent.

JO Paris 2024 : révélation du désastre socialiste

Article disponible en podcast ici.

 

Depuis 30 ans, la France régresse sous le joug du socialisme. Tout semble prêt pour que les quatre chevaux de l’apocalypse socialiste déferlent sur les JO, et montrent aux yeux du monde la ruine du pays.

 

La bureaucratie et son copinage

La date se rapproche, et les nouvelles s’enchaînent : mise en service de lignes de métro retardées après les JOinfrastructure sportive en retardmanque d’agents de sécurité, etc.

Il faut dire qu’un point central du socialisme consiste à mettre les copains aux manettes, et non les personnes compétentes.

Ici, Anne Hidalgo fait figure de légende vivante à hauteur de l’évènement.

Personne ne lui demande à quoi peut bien servir un adjoint à la transition écologique, un autre adjoint à l’économie sociale et solidaire ? Que vient faire Audrey Pulvar à un poste d’adjointe à l’agriculture ? Et surtout, pourquoi l’adjoint en charge des finances et du budget gère aussi les affaires funéraires ?…

Ni les faux emplois, ni le détournement d’argent public, ni ses promesses non tenues, ni les finances de Paris ne semblent remettre en cause sa place.

Si toutefois l’exemple de Anne Hidalgo ne suffit pas, il reste encore la bureaucratie.

Nous avons bien sûr le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), branche française du Comité International Olympique (CIO). Vient s’ajouter le Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF). Sans oublier le Conseil d’Administration de Paris 2024 comprenant la ville de Paris, l’État, la Région Île-de-France, le Grand Paris, le CNOSF et CPSF. Lui-même faisant partie du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024.

Si vous avez bien compris, aucun d’eux ne manie la truelle, il faut donc la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques pour gérer les travaux. Sans oublier qu’une partie des ouvrages liés aux transports reste de la compétence de la Société du Grand Paris.

Bref, on croise les doigts pour que les JO avancent malgré le copinage et la bureaucratie.

 

Les grèves

Les camarades de la CGT n’ont jamais loupé une occasion pour faire avancer la lutte des classes.

Ils ne reculent ni devant les vacances de millions de Français ni devant les examens d’étudiants, ni devant les pénuries.

Les JO seront-ils une occasion trop belle pour se mettre en grève ?

Je recommande aux visiteurs d’avoir un vélo pour se déplacer durant les JO.

 

Manifestations et insécurité

Pour accompagner la grève, rien de mieux que des manifestations. Surtout qu’en ce moment, entre la retraite, l’inflation ou la hausse du prix de l’énergie, les mécontents sont nombreux.

Les Gilets jaunes ne pourraient-il pas profiter de la couverture médiatique pour faire le match retour ?

L’insécurité à Paris est déjà préoccupante, mais nos bureaucrates ont eu la bonne idée de faire partager l’enrichissement culturel des banlieues au reste du monde.

Le village olympique, la cérémonie, ainsi que les épreuves de nage et d’athlétisme se dérouleront en Seine-Saint-Denis, le même département où les supporters anglais ont été dépouillés par les locaux.

Les épreuves de gymnastique, gymnastique rythmique et sportive et trampoline se tiennent à Nanterre, précisément où ont eu lieu les dernières émeutes.

 

Concusion

Ces quatre calamités apportées par le socialisme martyrisent la France depuis 30 ans. Malgré cela, un certain imaginaire type Emily in Paris tient toujours dans le monde.

Les JO de Paris risquent d’être l’équivalent de la chute du mur de Berlin pour le socialisme français. Toutes ses erreurs, toute sa gestion néfaste seront révélées au grand jour.

Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quelles seront vraiment les retombées pour Paris ?

Par Hugo Bourbillères.

 

Les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 approchent pour Paris, et avec eux leurs lots de controverses qui abondent une tendance claire : la raréfaction des candidatures pour l’accueil des Jeux ces dernières années. Depuis 1997, plus de deux tiers des référendums voient le « non » l’emporter.

Les contestataires dénoncent un gaspillage des deniers publics pour des projets qui n’auraient pas suffisamment d’utilité sociale. Pour contrer cela, le choix de candidater à un grand événement sportif international (GESI) se justifie de plus en plus par la promesse d’un héritage économique et social durable qui profitera à tous, comme c’est le cas du Comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Mais en plaçant les Jeux sous l’angle d’un projet de société, les organisateurs se mettent eux-mêmes dans une situation délicate. Ils suscitent beaucoup d’espérance, alors même que le grand nombre d’inconnues liées à la candidature, puis à l’organisation, devrait justifier la prudence.

Un tour d’horizon de quelques effets économiques et sociaux après des éditions passées permet de comprendre quelles pourraient être les retombées réelles pour Paris et la France. Cerner la complexité de ces enjeux permet aussi de questionner la notion d’héritage, qui crée souvent le risque d’un décalage abyssal entre espérance et réalité.

 

Quand les coûts dépassent les retombées

Bien que sous certaines conditions favorables il semble possible d’obtenir un boost dans l’économie locale, les travaux sur l’impact économique des GESI illustrent surtout la manière dont les coûts dépassent presque toujours les retombées, amenant les économistes à évoquer la « malédiction du vainqueur » de la candidature olympique. Dans les faits, les études d’impact économique ne distinguent pas les gagnants et les perdants : elles mesurent simplement s’il y a un gain monétaire.

La redistribution des ressources dans une région est souvent socialement injuste et ne profite pas équitablement à l’ensemble de la population. Il convient donc de distinguer l’impact du bénéfice économique. On aurait vite fait de s’enthousiasmer d’un impact de plusieurs millions, si l’on ne prenait pas la précaution de regarder précisément de quoi il est composé.

De nombreuses olympiades présentent le cas d’une dépense publique dont la dette pour le contribuable s’est étirée sur plusieurs décennies à l’instar des Jeux de Montréal en 1976 ou de Rome en 1960.

Finalement, les économistes eux-mêmes s’accordent pour souligner les limites méthodologiques du calcul d’impact économique et encouragent à s’intéresser à des dimensions hors marché, à l’instar des impacts sociaux.

 

Un impact durable sur la vie des Parisiens ?

Malheureusement, l’analyse de ces derniers présente aussi des difficultés méthodologiques de taille et les études s’intéressent principalement à une dimension du problème : l’analyse de la perception d’un sentiment d’appartenance, du bonheur, etc. Une fois n’est pas coutume, on y apprend que le GESI peut être source de fierté, de satisfaction et de bien-être, tout autant que de nuisances selon les contextes et les populations étudiées.

Suite aux Jeux olympiques de Londres en 2012, les travaux sur le renouvellement urbain dans le quartier de Stratford sont instructifs : si les GESI sont des catalyseurs d’action publique qui permettent d’améliorer grandement l’offre de transport en peu de temps, ils s’accompagnent généralement d’une forte gentrification venant nuancer l’intensité des potentielles retombées positives.

Idem sur la notion de cohésion sociale et d’identité locale : les GESI sont théoriquement le moment propice à l’abaissement des barrières sociales entre individus et au développement de relations interpersonnelles spontanées qui s’avère être extrêmement rare dans la société – ce que l’on a communément appelé l’effet « black-blanc-beur » en 1998.

Ce mécanisme, perçu encore lors du récent mondial de football, pourtant controversé, au Qatar, convient d’être nuancé de deux manières : d’une part il semble très éphémère, d’autre part, ces moments de communion identitaires peuvent aussi être source de repli et de sentiment d’exclusion comme nous l’avons observé lors de l’Euro 2016 dans certains quartiers parisiens peu concernés par la tenue de l’événement.

 

Une hausse de l’activité physique ?

Le développement de l’activité physique et sportive suite aux Jeux de Londres 2012 est aussi un bel exemple de cette complexité. Certains articles et sondages pointent des effets légèrement positifs (le taux d’inactivité – moins de 30 minutes par semaine – passant de 29 % à 27 % entre 2012 et 2021), tout en faisant état d’un accroissement des inégalités entre catégories de populations.

D’autres résultats sont encore moins probants 10 ans après, à l’instar de l’obésité infantile, un problème de santé publique majeur en Angleterre, y compris dans les quartiers bordant les sites olympiques.

La plupart des études s’accordent pour identifier des effets mitigés, l’impact sur la participation sportive relevant le plus souvent d’un effet de mode qui n’aura tendance à inspirer que les individus déjà engagés émotionnellement dans le sport.

Accueillir les Jeux olympiques : est-ce vraiment une bonne affaire ? (Le Monde). 

Le rôle clef des acteurs locaux

Nous avons montré dans un ouvrage collectif que plus de 50 % des projets sociaux liés à l’Euro 2016 ont été impulsés par l’État et les collectivités territoriales.

Autrement dit, un GESI n’a pas d’effet intrinsèque positif sur le territoire hôte : l’impact est produit par les acteurs locaux. Une volonté politique doit être incarnée sur le temps long pour dessiner les contours d’une stratégie d’héritage. Ce sont les ressources engagées en amont et pendant l’événement qui créeront son impact en aval.

Que pouvait-on attendre de Londres 2012 – un événement de quinze jours – sur le développement de la pratique sportive, si les politiques publiques afférentes ne permettent pas de répondre aux enjeux liés à l’alimentation, au mode de vie, aux inégalités économiques, au manque d’espace et d’équipements, ou encore au développement des possibilités de base telles que marcher ou faire du vélo pour se déplacer ?

L’organisme Sport England indique d’ailleurs en juillet 2022 que « l’organisation de grands événements ne suffit pas à susciter un changement de comportement à long terme au niveau national » mais que « l’aspect positif est que nous en connaissons désormais les raisons et, plus important encore, les moyens d’y remédier ». Gageons que Paris 2024 sache s’inspirer de ces échecs répétés pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.

On nous rétorquerait ici à raison que la tâche est inextricable pour les organisateurs de GESI au XXIe siècle : une stratégie d’héritage ambitieuse s’impose pour garantir l’acceptabilité sociale de l’événement mais elle véhicule aussi son lot de désillusions. Toutefois à trop vouloir justifier de l’intérêt de son événement, on en vient presque à créer les conditions de son désenchantement.

Deux voies de sortie complémentaires peuvent être envisagées.

La première serait de requestionner la place du sport dans notre société pour remettre l’événement à sa (juste) place. Les GESI ont le potentiel, sans équivalent dans nos sociétés, pour attirer les attentions et provoquer des enthousiasmes. Ils n’ont toutefois pas vocation à répondre à tous nos maux. Ils peuvent venir ponctuer, rythmer la vie sociale et dans le meilleur des cas, alimenter une action publique. La seconde, serait de s’appuyer davantage sur les résultats des travaux académiques car ceux-ci pointent des effets contradictoires.

Or la notion d’héritage, vague sur le plan scientifique et trop souvent appréhendée seulement de manière quantitative (nombre de projets développés, nombres de jeunes mobilisés, etc.) présente un risque de dilution de ces résultats plus fins et contextualisés. Cela permettrait d’engager une voie plus nuancée pour souligner l’intérêt intrinsèque du projet, sans pour autant le charger implicitement d’une ambition démesurée, et donc potentiellement déceptive.

 

Hugo Bourbillères, Maître de conférences en STAPS (sociologie et management du sport), Université Rennes 2

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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